tag:theconversation.com,2011:/au/topics/forets-tropicales-24702/articlesforêts tropicales – The Conversation2024-03-21T15:41:48Ztag:theconversation.com,2011:article/2213742024-03-21T15:41:48Z2024-03-21T15:41:48ZAu Mexique, comment une épidémie du caféier a accéléré la déforestation<p>Le café et le <a href="https://theconversation.com/quand-le-boom-du-cacao-au-liberia-pousse-a-la-deforestation-212576">cacao</a> font aujourd’hui partie de notre quotidien, mais la hausse de la demande mondiale pour ces deux produits tropicaux a des conséquences environnementales majeures. Traditionnellement cultivés au sein même de la forêt tropicale, dans des systèmes agroforestiers où les arbres fournissent aux plants de café l’ombre nécessaire à leur développement, café et cacao <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11625-014-0282-4">contribuent désormais de manière importante à la déforestation</a>.</p>
<p>Dans les tropiques, <a href="https://www.cifor.org/knowledge/publication/5167/">l’extension des zones agricoles est la première cause de déforestation</a>. Or les régions tropicales hébergent la majeure partie des <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1890/070193">espèces animales et végétales</a> sur notre planète : la perte de forêts tropicales a bien entendu un impact sur le réchauffement climatique, mais elle représente aussi une érosion irrémédiable de la biodiversité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-le-boom-du-cacao-au-liberia-pousse-a-la-deforestation-212576">Quand le boom du cacao au Liberia pousse à la déforestation</a>
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<p>Les agroforêts <a href="https://www.profor.info/sites/profor.info/files/Coffee_Case%20study_LEAVES_2018.pdf">reculent depuis plusieurs décennies devant l’extension des monocultures</a>. Ces écosystèmes qui concilient production agricole et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0167880913001424">préservation d’une partie de la forêt et de la biodiversité</a> qu’elle héberge, sont-ils donc voués à disparaître ? Comprendre les menaces qui pèsent sur ces systèmes culturaux est essentiel afin de limiter la déforestation en zone tropicale, mais les politiques agricoles ont aussi une responsabilité dans ces évolutions.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/570573/original/file-20240122-15-qbmsk7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="photo de traces oranges sur une feuille de café" src="https://images.theconversation.com/files/570573/original/file-20240122-15-qbmsk7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570573/original/file-20240122-15-qbmsk7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=474&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570573/original/file-20240122-15-qbmsk7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=474&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570573/original/file-20240122-15-qbmsk7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=474&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570573/original/file-20240122-15-qbmsk7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=596&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570573/original/file-20240122-15-qbmsk7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=596&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570573/original/file-20240122-15-qbmsk7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=596&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La rouille du caféier.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rouille_du_caf%C3%A9ier#/media/Fichier:Hemileia_vastatrix_uredinial_pustules.png">Par Carvalho et al./Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>La crise de la rouille du caféier au Mexique est une illustration de la vulnérabilité des systèmes agroforestiers et des conséquences environnementales parfois malheureuses de politiques agricoles. <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/ajae.12441">Dans une étude récente</a>, nous nous sommes penchés sur les conséquences de cette maladie causée par un champignon microscopique (Hemileia vastatrix), sur la déforestation au Mexique, qui a augmenté en moyenne de 32 % par an entre 2012 et 2018, en particulier dans les zones où était pratiquée l’agroforesterie.</p>
<p>Mais la maladie n’est pas seule en cause : la déforestation accrue est aussi pour partie la conséquence de la stratégie de lutte sponsorisée par le gouvernement, qui repose sur le remplacement des caféiers traditionnels par des hybrides robustes à la rouille.</p>
<h2>Une épidémie massive</h2>
<p>Pour le comprendre, revenons sur la culture du café au Mexique. 9<sup>e</sup> producteur mondial en 2011, le pays produit principalement du café de qualité, de type arabica. Contrairement à ses voisins passés massivement à la monoculture de café de type robusta, le Mexique <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article/64/5/416/2754235">comptait encore en 2012 80 % de plantations de café sous couvert arboré</a>, les plans d’arabica craignant le soleil à l’inverse des caféiers robusta.</p>
<p><a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12571-015-0446-9">En 2012, une épidémie de rouille massive</a> a affecté le pays, probablement favorisée par des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0261219419303928">températures minimales élevées</a> et un mauvais état d’entretien des plantations alors que les prix internationaux du café étaient très bas.</p>
<p>Le champignon pathogène était présent au Mexique depuis plusieurs décennies, mais son évolution était jusqu’alors contenue : la violence de l’épidémie de 2012 a pris de court l’ensemble des acteurs. Entre 2012 et 2018 la rouille a gagné la quasi-totalité des exploitations du pays. Cette maladie ne tue pas les caféiers mais réduit drastiquement et durablement leur production en limitant leur capacité de photosynthèse.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/571464/original/file-20240125-23-wcfkkt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/571464/original/file-20240125-23-wcfkkt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571464/original/file-20240125-23-wcfkkt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571464/original/file-20240125-23-wcfkkt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571464/original/file-20240125-23-wcfkkt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571464/original/file-20240125-23-wcfkkt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571464/original/file-20240125-23-wcfkkt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571464/original/file-20240125-23-wcfkkt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Propagation de l’épidémie au niveau des municipalités, à partir de 2012.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://doi.org/10.1111/ajae.12441">Calculs des auteurs à partir de statistiques fournies par le SIAP, Mexique.</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Des cultivars résistants pour répondre à la crise</h2>
<p>Face à la crise du secteur, la réponse du gouvernement mexicain a consisté à promouvoir, à partir de 2014, le remplacement des caféiers traditionnels de type arabica, sensibles à la rouille, par des cultivars issus de croisement d’arabica et de robusta. Ces hybrides héritent des robusta la caractéristique de résister à la rouille.</p>
<p>Dans le cadre de ce programme nommé PROCAFE, des aides financières ont été versées aux producteurs afin de subventionner l’achat de plans, et aux pépinières pour qu’elles produisent en masse les cultivars résistants.</p>
<p>Mais ce programme mis en place pour répondre à l’urgence présente deux limites majeures : d’une part la résistance des nouveaux cultivars peut être contournée par la rouille, comme cela <a href="https://apsjournals.apsnet.org/doi/10.1094/9780890546383.009">a déjà été observé au Honduras et au Costa Rica</a>, d’autre part ces caféiers croisés de robusta sont mieux adaptés aux conditions de plein soleil qu’au couvert arboré.</p>
<p>Le programme a ainsi contribué à l’accélération de la déforestation au sein des agroforêts et leur transition vers la monoculture.</p>
<h2>Estimation de l’infestation</h2>
<p>En théorie, un choc négatif sur la production agricole, climatique ou épidémique comme dans le cas de la rouille, a un effet ambigu sur la déforestation. Il peut dans certains contextes <a href="https://www.jstor.org/stable/26269558">limiter la pression sur les forêts</a> en réduisant la profitabilité des exploitations agricoles et en induisant plus d’exode rural, ou à l’inverse <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1910719117">inciter les agriculteurs à accroître la surface de leurs exploitations</a> pour retrouver un niveau de production comparable à celui d’avant le choc.</p>
<p>Pour montrer l’effet causal de l’épidémie de rouille sur la déforestation au Mexique, nous avons utilisé dans notre étude la variabilité locale et temporelle du déclenchement de l’épidémie.</p>
<p>Nous avons également exploité le délai de mise en place du programme PROCAFE afin de tenter de cerner la responsabilité de cette politique agricole dans la transformation des zones de production de café.</p>
<h2>Déforestation accrue</h2>
<p>Nous avons utilisé les données statistiques sur le volume de production de café par municipalité pour détecter le déclenchement local de l’épidémie, en l’absence de données de suivi phytosanitaire. Nous avons pris comme signal d’infestation le constat de deux années consécutives de production anormalement basse, puis avons mesuré la déforestation à l’aide de <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.1244693">données satellites renseignant l’évolution du couvert forestier</a> à une résolution fine de 30m par 30m, et croisé ces données avec une carte d’utilisation des sols produite par l’institut national statistique mexicain.</p>
<p>Les données de déforestation utilisées définissent un seuil de 5 mètres de hauteur pour distinguer un arbre d’autres types de végétation. Les plants de café en monoculture ne dépassent pas 5 mètres et ne peuvent être confondus avec des forêts. En revanche, les agroforêts denses traditionnelles où les caféiers sont cultivés sous couvert arboré, sont considérées comme de la forêt.</p>
<p>Nos résultats révèlent une progression de la déforestation plus forte dans les municipalités affectées par l’épidémie. Elle ne s’accompagne pas d’une hausse de la superficie agricole, mais a lieu pour partie au sein de zones boisées déjà consacrées à l’agriculture, c’est-à-dire très probablement des agroforêts… de café.</p>
<p>La déforestation est plus marquée dans l’État de Oaxaca qui comptait avant la crise une plus forte proportion de café cultivé en agroforesterie. Il semble donc que la crise de la rouille ait contribué à la diminution du couvert forestier dans les agroforêts de café.</p>
<h2>Politiques agricoles et incitations</h2>
<p>La responsabilité du programme PROCAFE est difficile à quantifier, mais différents éléments convergent pour établir sa contribution dans l’accélération de la transition des systèmes de culture traditionnels vers de la monoculture.</p>
<p>La diminution de couvert forestier est plus marquée à partir de 2014, soit après le lancement du programme PROCAFE, et touche à partir de cette date toutes les municipalités dans lesquelles la culture du café est pratiquée, qu’elles soient ou non touchées par l’épidémie.</p>
<p>Sachant que les subventions du programme visaient aussi le remplacement préventif des plants de café arabica susceptibles d’être infectés, la promotion et la subvention de cultivars hybrides a ainsi sans doute contribué à intensifier la production caféière et la déforestation dans les zones de café.</p>
<p>Les épidémies frappant les cultures agricoles sont vouées à se multiplier avec le changement climatique, qui diminue les défenses naturelles des organismes en les soumettant à un stress accru. Pour protéger les agroforêts, il est nécessaire de mieux prendre en compte les conséquences de long terme et les effets environnementaux des politiques agricoles, et donc d’anticiper les prochaines crises.</p>
<p>Notre étude illustre la fragilité des systèmes agroforestiers, menacés par le développement des monocultures industrielles. Les agroforêts permettent pourtant de concilier agriculture et préservation d’une partie de la biodiversité et constituent une source de <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2023212118">moyens de subsistance diversifiés</a> pour les populations autochtones. Leur préservation va donc au-delà des aspects environnementaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221374/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’épidémie de rouille de 2012 et la stratégie de lutte du gouvernement ont accru la déforestation dans le sud du pays, en accélérant la transition des agroforêts de café vers la monoculture.Isabelle Chort, Professeur d'économie, Université de Pau et des pays de l'Adour (UPPA)Berk Öktem, Doctorant en sciences économiques, Université de Pau et des pays de l'Adour (UPPA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2159342023-12-27T16:27:26Z2023-12-27T16:27:26ZGuyane française : un site à la biodiversité unique menacé par un projet d’exploitation<p><em>Hot spot</em> de la biodiversité, le lac de Petit Saut, en Guyane française, a été créé par la mise en eau d’un barrage en 1994. S’y est développé depuis un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=SJK3s6fh3XY">écotourisme</a> dédié à l’observation de la faune, qui lui vaut le surnom de petit Pantanal, en référence au Pantanal, écorégion de prairies et savanes inondées qui s’étend principalement dans le Mato Grosso do Sul au Brésil – et actuellement en proie à de violents feux de forêt.</p>
<p>Mais cet espace de forêt inondée, avec sa particularité géographique et notamment la présence de bois mort, aiguise aussi les appétits industriels. L’entreprise Triton, filiale de Voltalia, a depuis 2012 pour projet de couper et de collecter les bois immergés du lac. Son but, extraire 5 millions de tonnes de bois sur 25 ans. Deux enjeux à la clé : récupérer les bois précieux immergés en bois d’œuvre et alimenter la future centrale biomasse de Petit-Saut.</p>
<p>Ce projet a l’intention de couvrir 210 km<sup>2</sup> pendant 25 ans, une surface qui représente la <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Le-barrage-de-Petit-Saut-(Guyane)-et-son-impact-sur-Calmont/cbb25f9f0c0aa54189249457d8a096fa44b3ef61">quasi-totalité du lac en saison sèche</a>, ce qui questionne non seulement sur ses impacts environnementaux mais aussi sur sa cohabitation possible avec des <a href="https://theconversation.com/quel-monde-dapres-pour-le-tourisme-183738">activités touristiques durables</a>.</p>
<h2>Le barrage de Petit-Saut</h2>
<p>La spécificité du lieu repose sur l’originalité de son paysage. En 1989, la construction du <a href="https://theconversation.com/avec-les-secheresses-pourra-t-on-toujours-produire-de-lelectricite-avec-des-barrages-204414">barrage</a> hydroélectrique de Petit-Saut avait pour objectif de répondre à une demande grandissante en énergie – il produit aujourd’hui 50 % de l’électricité consommée par la Guyane.</p>
<p>Mais l’implantation d’une telle infrastructure en pleine <a href="https://theconversation.com/rencontres-au-sommet-de-la-foret-tropicale-en-guyane-160293">forêt tropicale</a> a engendré une <a href="https://www.editions.ird.fr/produit/265/9782709924757/le-fleuve-le-barrage-et-les-poissons">agression majeure pour l’environnement</a>, conduisant à l’immersion de 365 km<sup>2</sup> de forêt primaire.</p>
<p>Les arbres ont perdu leurs feuilles mais les conditions d’anoxie (diminution de la quantité d’oxygène disponible) dans lesquelles ils se sont retrouvés <a href="https://core.ac.uk/download/pdf/15525254.pdf">ont évité leur décomposition</a>.</p>
<p>Parallèlement, des moyens de compensation mis en place ont permis d’aider et de suivre les animaux dans ce changement de paysage, contribuant par la même occasion à mieux connaître les espèces de ce milieu, tout en le perturbant.</p>
<p>En est né un paysage unique et insolite, où environ 1400 îles se sont formées lors de la mise en eau et où la faune s’est réadaptée.</p>
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<h2>Une faune très riche</h2>
<p>Rappelons que la Guyane est dotée d’une biodiversité particulièrement riche : elle compte 183 espèces de mammifères (dont des espèces emblématiques comme le jaguar, le puma ou la loutre géante), 718 espèces d’oiseaux nicheurs, 158 espèces de reptiles, 108 espèces d’amphibiens, 480 espèces de poissons d’eaux douces et saumâtres et d’environ 400 000 espèces d’insectes… Et ces chiffres augmentent <a href="https://parcnaturel-guyane.fr/le-territoire/faune-du-parc/">au fur et à mesure des découvertes</a></p>
<p>Le lac de Petit-Saut, en particulier, est devenu un lieu privilégié pour apercevoir le roi de la jungle, le jaguar. Il est aussi le lieu de vie et la zone d’observation la plus importante de la loutre géante, une espèce classée en « danger » sur la liste rouge de l’UICN. La dernière étude menée par l’OFB estime que la Guyane française abriterait <a href="http://www.kwata.net/index.php?pg=44&">jusqu’à 10 % de la population mondiale</a> de l’espèce.</p>
<p>Le projet de Triton pose la question du dérangement de la faune par les machines industrielles et la coupe de bois : de ses espèces emblématiques d’Amazonie (loutre, jaguar, tapir…) et donc notamment de la loutre géante (<em>Pteronura brasiliensis</em>). Celle-ci est d’ailleurs considérée comme un « bio-indicateur » de la bonne santé du milieu.</p>
<h2>Menaces pour l’équilibre écologique du site</h2>
<p>Après 30 ans de transformations, ce milieu est aujourd’hui en <a href="https://www.persee.fr/doc/revec_1168-3651_2002_sup_57_8_6239">phase de stabilisation écologique</a>. Les bois ennoyés <a href="https://www.researchgate.net/publication/227940274_The_rapid_effects_of_a_whole-lake_reduction_of_coarse_woody_debris_on_fish_and_benthic_macroinvertebrates">jouent un rôle majeur</a> dans l’équilibre du milieu : ils limitent les vagues sur le lac, donc l’érosion des berges, permettent l’établissement de nouveaux habitats pour l’ichtyofaune et de nombreux autres organismes. Leurs parties aériennes servent par exemple de support aux Broméliacées qui elles-mêmes accueillent des invertébrés aquatiques, de nichoirs, postes de chant ou sites d’alimentation pour de nombreuses espèces d’oiseaux et de reposoirs pour des mammifères.</p>
<p>La particularité du lac est aussi la proximité entre la forêt inondée et la ripisylve, c’est-à-dire l’ensemble des formations végétales et boisées qui bordent le lac. Cette dernière assure comme le bois des fonctions indispensables à l’équilibre de l’écosystème du lac (stabilisation des berges, filtre naturel, abris pour les petits poissons et juvéniles, ainsi que pour les insectes terrestres). L’érosion des berges qu’engendrerait le projet risque pourtant de l’endommager.</p>
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<img alt="paysage avec un fleuve entouré de forêt tropicale" src="https://images.theconversation.com/files/555090/original/file-20231021-15-77fklu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=55%2C0%2C5991%2C3768&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/555090/original/file-20231021-15-77fklu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=246&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/555090/original/file-20231021-15-77fklu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=246&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/555090/original/file-20231021-15-77fklu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=246&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/555090/original/file-20231021-15-77fklu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=309&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/555090/original/file-20231021-15-77fklu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=309&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/555090/original/file-20231021-15-77fklu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=309&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le lac du Petit-Saut, en Guyane française.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laura Jannot</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La disparition, par l’exploitation, des bois morts provoquerait ainsi un second bouleversement majeur du paysage et des écosystèmes qui ont réussi à s’adapter depuis 30 ans. En outre, comme tous les sols de Guyane, le lac est le réceptacle de mercure d’origine naturelle, mais aussi issu de l’orpaillage illégal : la coupe de bois mort pourrait contribuer à augmenter la contamination des écosystèmes et des espèces présentes.</p>
<h2>Menace pour l’écotourisme</h2>
<p>Mais c’est aussi tout un pan de l’économie locale que le projet pourrait mettre en péril. La réappropriation de l’espace par une faune exceptionnelle et l’originalité paysagère du lieu ont conduit ces dernières années une vingtaine de prestataires touristiques à développer une activité d’observation de jours et de nuits, des sorties en canoë, pirogue, pêche, découverte du lieu.</p>
<p>Un tourisme animalier en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2213078016300457">plein essor</a> qui consiste, selon sa définition, en la rencontre pacifique entre êtres humains et animaux sauvages <a href="https://shs.hal.science/halshs-00202432/document">dans leur habitat naturel</a>, et peut contribuer aux objectifs de développement durable des territoires : le souci de préserver la biodiversité animale et végétale, de prendre en considération les intérêts socioculturels des populations locales, mais aussi de <a href="https://belsp.uqtr.ca/id/eprint/705/1/PNUE_OMT_2002_%C3%A9cotourisme_d%C3%A9claration_de_qu%C3%A9bec_A.pdf">faire avancer la recherche scientifique</a>. Les caractéristiques actuelles du lac en font un site d’études scientifiques exceptionnelles pour la France et à l’international.</p>
<p>Alors que ces activités pourraient contribuer à protéger la biodiversité fragile et mal connue de ce territoire, la pérennité de ces activités est aujourd’hui en jeu, même si l’entreprise assure vouloir partager l’espace. La possibilité d’une cohabitation sur un même espace entre tourisme d’observation et exploitation industrielle demeure alors que le projet entend couvrir, pendant 25 ans, la <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Le-barrage-de-Petit-Saut-(Guyane)-et-son-impact-sur-Calmont/cbb25f9f0c0aa54189249457d8a096fa44b3ef61">quasi-totalité du lac en saison sèche</a>.</p>
<p>L’accord d’exploitation de l’entreprise <em>Triton</em> a été signé, et celle-ci démarre malgré les <a href="https://ofb.hal.science/hal-04380529">avis négatifs de l’OFB – qui sont disponibles sur demande auprès de l’organisme et que nous avons mis en ligne sur la plateforme HAL</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215934/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Avec la participation de Michael Peytard prestataire touristique et de la Compagnie des Guides de Guyane.</span></em></p>Un projet d’exploitation de bois mort va être lancé au détriment de l’écotourisme et de la biodiversité exceptionnelle de ce site tropical.Laura Jannot, Doctorante en géographie du tourisme, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2196662023-12-20T19:54:58Z2023-12-20T19:54:58ZUne forêt tropicale à Paris<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566323/original/file-20231218-28-xc0jy3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C35%2C2939%2C2913&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Paris a déjà connu un climat tropical, il y a plusieurs dizaines de millions d’années. Attention aux marécages en allant au travail&nbsp;!</span> <span class="attribution"><span class="source">Sophie Fernandez, MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Avec l’augmentation moyenne des températures à la surface de la Terre, Paris verra-t-elle un climat tropical et des jungles marécageuses s’installer ?</p>
<p>Si, dans l’histoire de la Terre, Paris a déjà été une zone tropicale, les causes du réchauffement étaient alors extrêmement différentes, et les changements climatiques beaucoup plus lents, étalés sur quelques milliers ou millions d’années.</p>
<p>Je vous propose de mieux comprendre comment des plantes tropicales en sont venues à dominer la végétation du Bassin parisien il y a des dizaines de millions d’années, pour comprendre comment la situation est différente aujourd’hui.</p>
<h2>Un réchauffement brutal et sans précédent</h2>
<p>À la fin du Paléocène, il y a 56 millions d’années, il faisait déjà plutôt chaud sur la Terre par rapport à aujourd’hui. La <a href="https://doi.org/10.5252/geodiversitas2020v42a11">moyenne annuelle des températures avoisinait alors les 20 °C dans le nord de la France</a> et la moyenne des précipitations annuelles était supérieure à 1200 millimètres, contre environ 10 °C et 630 millimètres en moyenne aujourd’hui.</p>
<p>Puis, un relargage massif de carbone dans l’atmosphère, probablement d’origine volcanique, a provoqué une instabilité du cycle du carbone. Il aurait été suivi de la fonte du permafrost (partie du sol qui reste gelée pendant plus de deux ans), provoquant un autre relargage massif de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, ce qui aurait provoqué un emballement.</p>
<p>L’augmentation de la quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère a alors provoqué un réchauffement climatique sans précédent, global et « brutal » — brutal à l’échelle géologique, j’entends.</p>
<p>En quelques milliers d’années, au début de l’Éocène — époque géologique qui succède au Paléocène, et qui s’étend entre 56 et 47,8 millions d’années — on aurait enregistré jusqu’à 8 °C d’augmentation des températures continentales à l’échelle mondiale !</p>
<h2>Les forêts parisiennes s’adaptent au réchauffement</h2>
<p>À la fin du Paléocène, avant le réchauffement, la végétation autour de Paris était très différente de ce que l’on connaît actuellement : il s’agissait d’une mosaïque écologique fossile où les groupes tropicaux à subtropicaux dominent, tandis que les familles aujourd’hui dominantes des milieux tempérés (par exemple les <em>Fagaceae</em>, la famille du chêne) semblent être secondaires.</p>
<p>C’est le paléobotaniste Gaston de Saporta (1823-1895) qui l’a mis en évidence, à travers l’étude des feuilles fossilisées dans des <a href="https://patrimoine.sorbonne-universite.fr/fonds/item/3091-prodrome-d-une-flore-fossile-des-travertins-anciens-de-sezanne">travertins anciens, dits « de Sézanne »</a>, dans la Marne.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un fossile et une feuille actuelle" src="https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un fossile de feuille de <em>Quercites</em> (famille du chêne) retrouvé dans les travertins de Sézanne dans la Marne, et un analogue, <em>Quercus glauca</em>, observé aujourd’hui au Japon.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.inaturalist.org/observations/193862334">RECOLNAT (ANR-11-INBS-0004) — Jocelyn FALCONNET — 2017, MNHN (gauche) et renshuchu, iNaturalist (droite)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De fait, la végétation et la faune ont réagi au bouleversement climatique. Mais celui-ci n’a pas représenté une crise de la biodiversité à proprement parler : certains groupes se sont réduits, tandis que d’autres se sont largement diversifiés. Côté animal, des groupes mammifères dits « modernes », comme les périssodactyles (l’ordre du zèbre ou du rhinocéros) et les primates, sont apparus et se sont diversifiés.</p>
<p>Chez les plantes, dans le Bassin parisien, les forêts subtropicales sont devenues plus riches en éléments tropicaux, avec en particulier la diversification des groupes lianescents — du style de celles que l’on trouve aujourd’hui dans les tropiques américains et les régions subtropicales africaines et asiatiques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une forêt subtropicale lianescente humide d’aujourd’hui, à Xishuangbanna dans le Yunnan, en Chine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cédric Del Rio</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une flore similaire au Sud-Est asiatique d’aujourd’hui</h2>
<p>L’étude de l’Éocène, la période qui fait suite à ce réchauffement soudain, débute avec Adolphe Watelet (1839-1899). À partir de feuilles, de fruits et de graines, celui-ci a délimité 52 familles et 103 genres de végétaux, mais sans pour autant en déduire quoi que ce soit sur le climat et le type de flore présente à cette époque.</p>
<p>Puis, Paul-Honoré Fritel (1867-1927) a repris les études de Watelet en les critiquant sévèrement — les conflits scientifiques ne datent pas d’hier ! Il a ainsi pu réduire drastiquement le nombre d’espèces décrites par Watelet, mais a aussi augmenté son analyse avec les découvertes de feuilles de Sabal (palmiers) ainsi que d’inflorescences d’Aracées (la famille des arums).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="comparaison d’un fossile de palme et d’un palmier actuel" src="https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un fossile de palme retrouvé dans le Bassin parisien et provenant de l’Éocène (gauche). À droite, un palmier Sabal — un analogue actuel — pris en photo en 2023 en Floride.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.inaturalist.org/observations/193524095">Cédric Del Rio (MNHN) et ryanhodnett, iNaturalist</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Paul-Honoré Fritel <a href="https://patrimoine.sorbonne-universite.fr/fonds/item/2898-etude-sur-les-vegetaux-fossiles-de-l-etage-sparnacien-du-bassin-de-paris?offset=17">a exploité ces données ainsi que de nouvelles découvertes paléobotaniques</a> pour obtenir une approximation du climat de l’époque et de sa paléobiogéographie à l’aide d’une « approche actualiste » : il compare les tolérances climatiques des proches parents actuels des groupes éteints qu’il décrit.</p>
<p>Il en conclut que les analogues des fossiles présents durant l’Éocène sont à chercher dans les flores actuelles tropicales et subtropicales d’Amérique (<em>Sabal</em>, <em>Taxodium</em>, <em>Sequoia</em>) ainsi qu’Africaines et Asiatiques (<em>Asplenium</em>, <em>Salvinia</em>).</p>
<p>Avec les <a href="https://doi.org/10.5252/geodiversitas2020v42a2">études suivantes</a>, autant en botanique qu’en <a href="https://doi.org/10.1016/j.revpalbo.2005.02.005">paléobotanique</a>, les chercheurs contemporains ont conclu que les flores Éocène du bassin de Paris étaient finalement plutôt similaires aux flores actuelles du Sud-Est asiatique.</p>
<p>En somme, le réchauffement Paléocène-Éocène a vu la transition d’une végétation mosaïque qui incluait déjà des espèces tropicales et subtropicales, vers une végétation plus strictement tropicale.</p>
<h2>L’apport des pollens</h2>
<p>Si les premiers paléobotanistes nous ont appris ainsi quelles plantes étaient présentes à cette époque à partir de sites isolés, c’est l’avènement dans les années 1950 des études des grains de pollen et des spores, ou « palynologie », qui a permis d’avoir une vue régionale des écosystèmes présents au niveau du Bassin de Paris.</p>
<p>Au niveau du Bassin parisien, l’étude des grains de pollen a montré qu’<a href="https://www.abebooks.fr/Etude-palynologique-gisements-sparnacien-Bassin-Paris/16351549141/bd">on retrouvait essentiellement des forêts subtropicales à tropicales marécageuses et humides durant l’Éocène</a> à l’issue du réchauffement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="une fleur conservée dans de l’ambre et une liane actuelle de la même famille" src="https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une fleur retrouvée dans de l’ambre, de l’espèce <em>Icacinanthium tainiaphorum</em> (gauche). Si cette fleur appartient à un groupe éteint, on retrouve aujourd’hui des plantes de la même famille en Asie du Sud Est — ici une plante du genre <em>Iodes</em>.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.inaturalist.org/observations/83583160">Cédric Del Rio, MNHN (gauche) et inaturalist (droite)</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En particulier, le site de Le Quesnoy, découvert en 1999 dans l’Oise, contient du pollen, ainsi que des fruits, graines, bois et <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-017-11536-y">même de l’ambre</a> (résine fossile produite par des conifères ou plantes à fleurs). Ce site, daté du début de l’Éocène, enregistre une palynoflore (flore décrite à partir du pollen) associée à des prairies et forêts marécageuses (par exemple <em>Gyptostrobus</em>, <em>Restionaceae</em>, <em>Sabal</em>) ainsi qu’à des forêts denses humides (par exemple <em>Icacinaceae</em>, <em>Sapotaceae</em>, <em>Myricaceae</em>).</p>
<h2>Réaction des flores au changement climatique</h2>
<p>Après le réchauffement, la forêt locale ne semble pas avoir de différences majeures dans sa composition. L’<a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/723841">étude récente des noyaux de fruits d’Icacinaceae et d’Anacardiaceae (la famille du manguier)</a> a mis en évidence, au regard d’autres gisements plus anciens, une continuité des flores au niveau du bassin de Paris avant et après la limite Paléocène-Éocène/le réchauffement : l’évolution de la biodiversité dans le temps s’est faite sans rupture majeure.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="fossile de fruit et lame mince pour voir graine, noyau, et pulpe" src="https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Fossile de fruit d’<em>Anacardiaceae du genre _Cyrtocarpa</em>_, à droite. La lame mince présentée à gauche permet de distinguer la graine en blanc au centre, le noyau qui l’entoure en noir, et, sur la périphérie, les cellules blanches et allongées montrent la pulpe du fruit. Un représentant de la famille moderne est la mangue.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/723841">Cédric Del Rio, MNHN</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, les flores tropicales et subtropicales parisiennes, déjà adaptées à des climats tropicaux durant le Paléocène, n’ont pas particulièrement souffert du réchauffement brutal du début de l’Éocène. On observe même une légère tendance — à confirmer quantitativement par des études plus nombreuses — à l’accroissement de la diversité spécifique locale.</p>
<h2>Aujourd’hui, des impacts climatiques très différents</h2>
<p>Ce constat n’est pas transposable à la situation actuelle. Le réchauffement brutal du climat arrive dans un tout autre contexte floristique, où Paris et sa région sont dominés par une flore tempérée, adaptée aux périodes froides.</p>
<p><a href="https://hal.science/hal-00756083/">Notre flore est donc plus fragile aux chaleurs excessives</a>. C’est alors bien une <a href="https://www.onf.fr/vivre-la-foret/raconte-moi-la-foret/comprendre-la-foret/foret-et-changement-climatique">perte et non un gain de biodiversité</a> qu’attendent nos flores dans les années à venir, comme le <a href="https://www.ign.fr/files/default/2023-10/memento_oct_2023.pdf">montre déjà le dépérissement des arbres dans nos forêts</a>.</p>
<p>De nos jours, la végétation du Bassin parisien ne comprend pas d’espèces tropicales — pas à l’état sauvage du moins. La flore d’aujourd’hui est le résultat d’une histoire évolutive longue, marquée par une sélection positive des groupes tempérés au cours des refroidissements durant la fin du Paléogène, du Néogène (entre 23,03 et 2,58 millions d’années) et du Quaternaire (de 2,58 millions d’années à nos jours). Les températures excessives, ce n’est pas leur fort !</p>
<p>De plus, le réchauffement observé actuellement est bien plus brusque que le réchauffement considéré comme « brutal » par les géologues. Les changements climatiques de la limite Paléocène-Eocène, quoique rapides, permettent la mise en place de dynamiques de transitions au sein des écosystèmes à travers les générations. Le changement climatique actuel s’effectue, lui, à l’échelle d’une seule génération pour un arbre commun tel que le chêne ou le hêtre.</p>
<hr>
<p><em>Le dessin illustrant la tête de cet article est de Sophie Fernandez, illustratrice scientifique au Centre de recherche en Paléontologie-Paris, MNHN. L’auteur souhaite saluer le travail de ses collègues illustrateurs, qui permettent de donner vie à des données scientifiques parfois un peu brutes.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219666/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cédric Del Rio ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il était une fois, il y a bien longtemps, une jungle tropicale à Paris. Partez à la découverte de ses fleurs, ses fruits, et ses lianes.Cédric Del Rio, Maître de conférences en Paléobotanique, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2163962023-10-25T16:05:43Z2023-10-25T16:05:43ZSommet des Trois Bassins : que peut-on attendre d’une « OPEP des forêts » ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/555849/original/file-20231025-25-rjaoix.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C23%2C5284%2C2749&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les forêts du bassin du Congo, ici celle de Bwindi, sont aujourd'hui celles qui séquestrent le plus de carbone, mais également celles qui subissent la plus rapide déforestation.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/landscape-southwestern-uganda-bwindi-impenetrable-forest-1281443353">Travel Stock/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Certains l’ont déjà surnommé l’<a href="https://www.theguardian.com/environment/2022/nov/05/brazil-indonesia-drc-cop27-conservation-opec-rainforests-aoe">« OPEP des forêts »</a>. Ce jeudi 26 octobre 2023 à Brazzaville, les pays des trois principaux bassins de forêts primaires de la planète (forêt Amazonienne, bassin du Congo, forêt de Bornéo et du Mékong) se réunissent. Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, le président brésilien Lula, et bon nombre d’élus, scientifiques et représentants des peuples autochtones des trois continents ont fait le déplacement.</p>
<p>Un des objectifs affichés de la rencontre : la création d’une « l’Alliance Mondiale des Trois Bassins ». Si une telle organisation serait inédite, à l’heure où la déforestation est <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/10/23/en-depit-de-multiples-engagements-internationaux-la-deforestation-a-encore-augmente-de-4-en-2022_6196014_3244.html">repartie à la hausse</a>. Que pourrait permettre une telle alliance ?</p>
<h2>Des maux communs mais des causes parfois différentes</h2>
<p>Avant même d’interroger son efficacité, on peut d’abord se pencher sur la raison d’être d’une coopération entre ces régions du monde. Ces trois bassins forestiers regroupent l’essentiel des forêts tropicales du monde, et, par là, « 80 % des poumons verts et trois quarts de la biodiversité mondiale » <a href="https://www.thethreebasinsummit.org/fr/accueil/?gclid=CjwKCAjw1t2pBhAFEiwA_-A-NDB9dJ2SbqXPx8rK0FEJolFSh3xL-PNLNNI1BThMHf-oLvkM2QuEQxoCu9IQAvD_BwE">rappelle le sommet</a>. À cet égard, l’alliance semble des plus pertinentes, surtout pour faire face à un mal qui les touche tous : celui de la déforestation. Car ces trois plus grands bassins forestiers sont aussi les <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.aau3445">trois plus grands bassins de déforestation</a>. Un fléau qui a augmenté de 4 % en 2022 et qui a pour principal responsable le changement d’occupation des terres, la transformation de forêt en terrains d’élevage ou en terres agricoles.</p>
<p>Néanmoins, la déforestation n’a pas toujours les mêmes visages ni les mêmes causes dans ces trois bassins et dépend fortement du contexte socio-économique. Elle demeure déjà un phénomène plus ancien en Amazonie et en Asie du Sud-Est. Le bassin du Congo a lui commencé à être massivement défriché plus récemment, mais aujourd’hui c’est l’endroit où le déboisement est le plus rapide.</p>
<p>Toujours dans le bassin du Congo, c’est plutôt l’agriculture vivrière qui grignote aujourd’hui la forêt primaire, tandis que les activités principales à blâmer pour cela en Amazonie demeurent celles de l’agriculture et de l’élevage tournés vers l’exportation. En Asie du Sud-Est, l’huile de palme reste encore une des premières causes de perte du couvert forestier, notamment à Bornéo et en Papouasie. Les leviers d’action peuvent donc être sensiblement différents d’un pays ou d’une région à l’autre.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Partie de forêt déboisée par une jeune plantation d'huile de palme." src="https://images.theconversation.com/files/555860/original/file-20231025-25-wdbbch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/555860/original/file-20231025-25-wdbbch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/555860/original/file-20231025-25-wdbbch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/555860/original/file-20231025-25-wdbbch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/555860/original/file-20231025-25-wdbbch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/555860/original/file-20231025-25-wdbbch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/555860/original/file-20231025-25-wdbbch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les plantations d'huile de palme, une des principales causes de déforestation en Asie du Sud Est.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/drone-view-deforestation-caused-by-palm-762549322">Richard Whitcombe/Shutterstock</a></span>
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</figure>
<h2>Éviter la concurrence entre pays</h2>
<p>Néanmoins, au vu de la cadence toujours grandissante de la déforestation, cette alliance reste des plus pertinentes et les pays concernés peuvent avoir plusieurs intérêts précis à coopérer. D’abord, afin d'éviter une <a href="https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/cop27-100-milliards-de-dollars-au-c%C3%BAur-des-negociations-1875619">concurrence</a> entre pays pour l’obtention des financements provenant du Nord. </p>
<p>Une rivalité qui n’est pas étonnante dans un contexte où la lutte contre la déforestation nécessite des transferts financiers importants pour aider les pays à se prémunir du déboisement et où les aides internationales pour protéger ou restaurer la biodiversité demeurent trop faibles, peu efficaces et <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/01/12/l-aide-internationale-pour-le-climat-est-faible-peu-efficace-et-inequitablement-attribuee_6157515_3232.html">inéquitablement distribuées</a>, avec les pays les plus vulnérables moins bien dotés que les pays émergents ces dernières décennies, et beaucoup de promesses non tenues. </p>
<p>Ainsi, à la COP15 de Copenhague, en 2009, les pays développés s’étaient engagés à réunir 100 milliards de dollars par an afin d’aider les pays les moins développés à faire face au dérèglement climatique. Mais seulement 83,3 milliards ont été mobilisés, et seulement 68,3 milliards d’argent public.</p>
<h2>Empêcher les effets de fuite</h2>
<p>Un autre intérêt qu’il aurait, pour ces trois bassins forestiers, à faire front commun serait d’éviter ce qu’on appelle des <a href="https://climatestrategies.org/deforestation-leakage-policy-spill-overs-and-the-case-for-integrated-management/">effets de fuite</a>. Car si une partie des pays fait des efforts pour réduire la déforestation, alors que d’autres ne font rien, la déforestation peut alors tout simplement <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0928765516301737">se déplacer</a> des pays qui font des efforts vers ceux qui n’en font pas.</p>
<p>Cet effet s’explique notamment par un mécanisme économique : admettons qu’une région du monde parvienne à réduire fortement sa déforestation. Il est probable que cette politique entraîne des contraintes fortes sur le secteur agricole local, et augmente ainsi le coût des denrées agricoles. Il est alors à craindre qu’une partie de la demande internationale se reporte vers des régions où la protection des forêts est moins forte, pour l’obtention de produits à moindres coûts. Ce qui peut de ce fait augmenter la déforestation dans ces régions.</p>
<p>Cela revient en quelque sorte à une situation de passager clandestin : tout le monde a intérêt à agir collectivement, mais personne ne veut agir seul. Il y a donc un intérêt à agir ensemble, afin d’éviter ces mécanismes.</p>
<h2>Toujours plus de crédits carbone ou de nouveaux crédits carbone ?</h2>
<p>Mais protéger les forêts, ce n’est pas la même chose que vendre du pétrole, et la métaphore d’une « OPEP des forêts » semble atteindre rapidement ses limites. Car là où les pays pétroliers, unis ensemble, peuvent jouir d’une influence mondiale en modulant l’offre et les prix d’une commodité encore incontournable, les forêts et leur protection, malgré leur importance pour espérer atténuer les effets du dérèglement climatique, ne jouissent pas du tout du même statut. De plus, pour l’instant, la monétisation de leur protection prend encore, le plus souvent, la forme des crédits carbone volontaires, qui, en plus d’être <a href="https://theconversation.com/credits-carbone-et-deforestation-evitee-impact-reel-ou-risque-de-greenwashing-174078">très critiqués</a>, agissent de manière décentralisée, avec des fonds privés participant au financement de projets très localisés et à l’efficacité discutable.</p>
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<p>On peut donc voir également ce sommet comme une volonté des États de reprendre la main sur ces questions de financement et d’action pour la protection des forêts, au risque de servir de <a href="https://www.linkedin.com/pulse/le-greenwashing-%C3%A0-grande-%C3%A9chelle-des-emirats-alain-karsenty/">caution au greenwashing de certains États</a> à l’impact climatique très important. Le <a href="https://www.zegreenweb.com/2023/09/08/le-suriname-premier-pays-a-vendre-des-credits-carbone-dans-le-cadre-de-laccord-de-paris/">Suriname</a> est ainsi le premier pays à vendre des crédits carbone issus de la conservation de ses forêts ; et le Gabon, lors du <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/journal-de-18h/one-planet-summit-des-solutions-concretes-pour-limiter-le-rechauffement-climatique-5500990">One Forest Summit</a> a-t-il annoncé avoir 90 de tonnes à vendre, afin de se faire récompenser pour la capture du CO<sub>2</sub> dans ses forêts.</p>
<p>Le sommet revendique effectivement comme <a href="https://www.thethreebasinsummit.org/fr/accueil/?gclid=CjwKCAjw-eKpBhAbEiwAqFL0mirveLn04LxpVuawwx7pxgcf8M0pg3lmsH-Gsoq-yfPntbfX5pHoxxoCjNUQAvD_BwE">autre objectif</a> celui de « signer des conventions de financement avec les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, la philanthropie mondiale et développer des mécanismes financiers avec le secteur privé, notamment avec la création d’un marché carbone souverain pour assurer le financement pérenne des Trois Bassins. »</p>
<p>Mais ce type de mécanisme suscite encore une fois <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/08/25/la-credibilite-de-plusieurs-programmes-de-compensation-carbone-mise-en-doute-par-des-chercheurs_6186554_3244.html">beaucoup de scepticisme</a> au vu de son manque de transparence et d’efficacité. En début d’année 2023, le journal britannique <em>The Guardian</em>, avait ainsi prouvé que plus de 90 % des crédits carbone censés protéger les forêts n’avaient eu, en fait, <a href="https://www.theguardian.com/environment/2023/jan/18/revealed-forest-carbon-offsets-biggest-provider-worthless-verra-aoe">aucune action vertueuse pour la planète</a>.</p>
<h2>La déforestation : un enjeu pour les pays du nord</h2>
<p>Enfin, concentrer seulement le champ d’action de lutte contre la déforestation dans les pays des trois bassins forestiers, ce serait occulter la part de responsabilité non négligeable des pays développés dans la perte de couvert forestier, via la déforestation importée, avec 29 à 39 % des émissions de la déforestation tropicale <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959378018314365">attribuables au commerce international</a>.</p>
<p>En Amazonie, et au <a href="https://theconversation.com/deforestation-au-bresil-que-fait-vraiment-la-france-123031">Brésil</a> particulièrement les écosystèmes sont détruits en grande partie par la mise en place de cultures de soja destiné à l’export, en Europe notamment, où elles servent principalement à l’alimentation du bétail. De la même manière, l’huile de palme, produite à 85 % en Malaisie et Indonésie sur d’anciennes terres forestières, se retrouve dans la <a href="https://www.greenpeace.fr/greenpeace-huile-de-palme/">moitié des produits</a> d’un supermarché lambda européen et dans bon nombre d’agrocarburants. Il est ainsi difficile de penser réussir à réduire massivement la déforestation tropicale sans une modération importante de nos modes de vie, dans la consommation de viande et d’autres denrées à forts impacts (cacao, huile de palme…).</p>
<p>Le fait que le parlement européen ait adopté en 2022 un <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/09/14/deforestation-importee-usage-du-bois-des-avancees-au-parlement-europeen-pour-l-avenir-des-forets_6141632_3244.html">règlement contre la déforestation importée</a> est, à cet égard, un bon début, mais a pu manquer d’ambition en excluant certains écosystèmes fragiles tels que les savanes du Cerrado brésilien, fortement touchées par la <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/06/21/bunge-principal-importateur-de-soja-en-europe-accuse-de-contribuer-a-la-deforestation-au-bresil_6178526_3244.html">déforestation liée au soja</a>, et l’on peut également craindre que la question de la difficile traçabilité des données puisse permettre à certains acteurs économiques d’entretenir un certain flou et de pas rentrer dans les clous.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216396/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Delacote a reçu des financements de Chaire Economie du Climat. </span></em></p>Les pays de l'Amazonie, du bassin du Congo, du Mékong et de Bornéo se réunissent pour faire front commun et protéger leurs forêts, qui renferment les trois quarts de la biodiveristé mondiale.Philippe Delacote, Directeur de recherche en économie à l'INRAE et Chaire Economie du Climat, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2128102023-09-06T17:34:07Z2023-09-06T17:34:07ZMesurer l’invisible : la dure tâche de calculer le stock et le flux de carbone d'une forêt<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/546162/original/file-20230904-21-onpqo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=55%2C20%2C4545%2C3387&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Flux de carbone entre la forêt et l’atmosphère au Gabon
</span> <span class="attribution"><span class="source">Nicolas Barbier </span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Des poumons verts. De par leur grande capacité à échanger du CO<sub>2</sub> et de l’oxygène, voici comment sont souvent décrites les forêts tropicales. En fixant par la photosynthèse le CO<sub>2</sub>, principal gaz à effet de serre, ces forêts constituent en effet un maillon crucial dans la régulation du climat global, et leur protection représente un enjeu bien connu des décideurs comme du grand public. Mais la prise en compte des stocks et flux de carbone de ces forêts dans le bilan global des gaz à effet de serre est loin d’être une tâche facile. Il s’agit même de l’un des compartiments les moins bien connus. Même les stocks et flux de carbone des océans sont mieux quantifiés.</p>
<p>Pourtant, les enjeux sont colossaux. Pour éviter de futurs scandales autour de la conservation de ces écosystèmes connus pour être des puits de carbone, il faut que les systèmes de mesure et de suivis soient fiables et indépendants. Autrement, chaque pays ou acteur tirera la couverture à lui, et choisira les définitions et mesures qui arrangent le mieux ses affaires en faisant fi du réel, ou de l’évolution des écosystèmes forestiers.</p>
<p>Le carbone forestier n’est pas une cryptomonnaie : il s’agit d’une grandeur physique concrète, mais dont la mesure est complexe et la valorisation peut sembler fumeuse. Quand on essaye d’expliquer aux populations locales qu’elles pourraient, un jour peut-être, rendre lucratif la conservation de leur forêt grâce à une ressource cachée dans les arbres et dans le sol, et ce sans y toucher, on fait face à une certaine incrédulité.</p>
<p>Alors, comment a-t-on fait jusque-là et comment faire pour mesurer au mieux ces flux et stocks de carbone qui déchainent tant de passions, et parfois aussi d’opportunisme ?</p>
<h2>L’inventaire forestier</h2>
<p>Tout commence en forêt, avec de bonnes vieilles méthodes de bucheron, comme le fait l’industrie forestière pour évaluer les volumes de bois exploitable via des inventaires simplifiés déployables à large échelle.</p>
<p>Comme la matière sèche des plantes vertes et surtout des arbres est constituée pour moitié de carbone, quantifier le stock de cet élément requiert d’estimer le volume de chaque arbre et d’en identifier l’espèce. Pourquoi l’espèce ? Parce que c’est elle qui détermine la densité du bois et donc la quantité de carbone stockée pour un même volume de bois. </p>
<p>Évidemment, le nombre d’espèces que l’on peut rencontrer dans une forêt tropicale est tel qu’aucun expert au monde ne peut arriver à toutes les nommer. Au moins 40 000, et peut-être <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1423147112"></a> <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1423147112">jusqu’à plus de 53 000 espèces</a> d’arbres poussent sous les tropiques, quand il n’y en a que 124 dans l’Europe tempérée. Il faut donc systématiquement collecter des herbiers de contrôle, afin de vérifier l’appartenance d’un arbre à telle ou telle espèce avec les échantillons déjà conservés dans les herbiers des muséums ou universités. Ceci est d’autant plus important qu’au-delà du carbone, la biodiversité est un paramètre clé à intégrer dans les mécanismes de conservation.</p>
<p>Ensuite, pour évaluer l’évolution du stock de carbone, donc des flux entrants et sortants de la forêt, ces mesures doivent être répétées régulièrement pour mesurer la croissance des arbres, compter les morts et intégrer les arbrisseaux qui atteignent la taille minimum à partir de laquelle un arbre est pris en compte dans un inventaire.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/546168/original/file-20230904-17-jduqa5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Trois photo où l'on voit des hommes grimper dans les arbres pour en mesure la taille ou le diamètre." src="https://images.theconversation.com/files/546168/original/file-20230904-17-jduqa5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546168/original/file-20230904-17-jduqa5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546168/original/file-20230904-17-jduqa5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546168/original/file-20230904-17-jduqa5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546168/original/file-20230904-17-jduqa5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546168/original/file-20230904-17-jduqa5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546168/original/file-20230904-17-jduqa5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Certaines mesures imposent de grimper aux arbres, comme le fait Pierre Ploton au Cameroun sur la photo de gauche. Mesurer des diamètres peut également s'avérer acrobatique quand les arbres sont déformés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Vincent Droissart et Nicolas Barbier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Pour corser le challenge, sous les latitudes tropicales, les forêts sont (encore) vastes, denses et difficiles d’accès, dans des pays souvent dépourvus d’infrastructures. Quand tout va bien, les sites à inventorier sont au mieux à plusieurs jours de voyage des capitales. Évidemment, on ne peut pas mesurer toute la forêt : on procède donc à un échantillonnage, comme pour les sondages électoraux. Typiquement on sélectionne un certain nombre de parcelles de taille raisonnable (idéalement l’équivalent de 2 terrains de football, soit entre 500 et 1000 arbres par parcelle). </p>
<p>Les critères à prendre en compte pour cette sélection (hasard total ou au contraire choix délibéré de types de végétations particuliers) forment une science en soi, et changer de critères en cours de route peut rendre toute l’approche caduque. On parle par exemple du « biais de forêt majestueuse », lorsqu’on emploie des parcelles sélectionnées dans des forêts particulièrement intactes pour estimer la moyenne du carbone contenu dans l’ensemble des forêts d’une zone.</p>
<p>Une fois sur le terrain, des mesures simples sont réalisées sur les arbres : le diamètre du tronc, plus rarement la hauteur des arbres. On utilise ensuite des tables de conversion, appelées équations allométriques, qui permettent d’estimer le carbone d’un arbre à partir de ces quelques mesures. Ces équations sont élaborées en en abattant et en pesant intégralement un petit nombre d’arbres. Comme un seul de ces géants peut atteindre 160 tonnes de masse fraîche, et qu’il faut effectuer la pesée directement en forêt, il peut arriver qu’une douzaine d’ouvriers mettent une semaine pour peser un seul arbre. </p>
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<img alt="Pesée destructives d'un arbre de référence" src="https://images.theconversation.com/files/546173/original/file-20230904-27-zt2br3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546173/original/file-20230904-27-zt2br3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546173/original/file-20230904-27-zt2br3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546173/original/file-20230904-27-zt2br3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546173/original/file-20230904-27-zt2br3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546173/original/file-20230904-27-zt2br3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546173/original/file-20230904-27-zt2br3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pesée destructive d'un arbre de référence.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolas Barbier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Il est donc fréquent d’employer des équations provenant d’autres régions, ce qui peut créer des biais. Des alternatives non dommageables pour la forêt se développent : des scanners laser permettent désormais de mesurer précisément le volume des arbres sur pied. Nous avons ainsi pu produire de nouvelles équations allométriques au Cameroun et en République Démocratique du Congo, beaucoup plus efficacement et sans perdre en précision.</p>
<p><em>L’article que vous parcourez vous est proposé en partenariat avec <a href="https://shows.acast.com/64c3b1758e16bd0011b77c44/episodes/64f885b7b20f810011c5577f?">« Sur la Terre »</a>, un podcast de l’AFP audio. Une création pour explorer des initiatives en faveur de la transition écologique, partout sur la planète. <a href="https://smartlink.ausha.co/sur-la-terre">Abonnez-vous !</a></em></p>
<iframe name="Ausha Podcast Player" frameborder="0" loading="lazy" id="ausha-6ilQ" height="220" style="border: none; width:100%; height:220px" src="https://embed.acast.com/64c3b1758e16bd0011b77c44/64f885b7b20f810011c5577f" width="100%"></iframe>
<h2>Comment passer à large échelle ?</h2>
<p>Même en échantillonnant, obtenir une estimation représentative et actualisée des stocks et flux de carbone à l’échelle d’un pays ou de l’ensemble des forêts tropicales en remesurant des parcelles est un défi considérable. Ces dernières décennies, les techniques de mesure à distance (télédétection) se sont développées, afin de permettre de gagner en efficacité et de moins dépendre d’aléas du terrain. Les satellites parcourent le globe jour après jour et prennent des mesures permettant d’évaluer (par exemple) les modifications de l’état des surfaces, la pluviométrie ou le débit des cours d’eau. </p>
<p>Des missions spatiales sont spécialement dédiées à la mesure de la biomasse des forêts, comme <a href="https://www.esa.int/Applications/Observing_the_Earth/FutureEO/Biomass"></a> l a <a href="https://www.esa.int/Applications/Observing_the_Earth/FutureEO/Biomass">mission BIOMASS</a> de l’Agence Spatiale Européenne, qui attend un lanceur fiable pour décoller, ou le laser GEDI sur la station spatiale internationale. En attendant, on est contraints d’extrapoler avec les données des satellites existants, qui ne sont pas forcément prévus pour voir à travers la canopée des forêts denses.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/546176/original/file-20230904-15-trhz0g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546176/original/file-20230904-15-trhz0g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546176/original/file-20230904-15-trhz0g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546176/original/file-20230904-15-trhz0g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546176/original/file-20230904-15-trhz0g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546176/original/file-20230904-15-trhz0g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546176/original/file-20230904-15-trhz0g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Mosaïque d’images satellite infra-rouge sur toute l’Afrique Centrale (Satellite MODIS, 10 ans d’observation).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolas Barbier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Car la télédétection ne mesure pas directement le carbone ou la biomasse, mais une quantité de lumière ou d’ondes radio réfléchies par les objets. Convertir ces données en information exploitable passe par des modèles physiques ou statistiques complexes pour lesquels les données de terrain sont indispensables. Vu la rareté de ces données, et les limites des signaux satellites actuellement disponibles, le <a href="https://www.cifor.org/publications/pdf_files/Books/SOF-2021-01.pdf"></a> <a href="https://www.cifor.org/publications/pdf_files/Books/SOF-2021-01.pdf">niveau d’incohérence</a> entre certaines cartes publiées peut parfois prêter à sourire, lorsque l’on voit la moyenne d’un pays passer quasiment du simple au double d’une carte à l’autre. Au cours de la dernière décennie, notre équipe a passé beaucoup de temps à analyser les sources de ces erreurs, souvent cachées dans de mauvaises approches statistiques, ou des effets instrumentaux mal pris en compte. </p>
<p>En effet, des images prises dans des conditions d’éclairement ou avec une atmosphère différente ne sont pas directement comparables. Vu la couverture nuageuse permanente près de l’équateur, on est même contraints d’utiliser des images très dégradées ou des assemblages de pixels agrégés à partir de différentes images. Nous avons aussi cherché à mieux utiliser l’information contextuelle, comme la forme ou la texture des objets visibles, pour estimer la taille moyenne des couronnes d’arbres par exemple. Les percées récentes de l’intelligence artificielle ouvrent de nouvelles perspectives pour mieux valoriser la masse des données acquises par satellite. C’est en effet la machine qui définira elle-même les critères les plus pertinents pour obtenir l’information voulue indépendamment des conditions de prise de vue.</p>
<p>Construire des supercalculateurs et lancer des missions dans l’espace ne suffit cependant pas. Il est aussi primordial de réinvestir dans l’acquisition de données sur terre pour fournir des données de référence indispensables. <a href="https://geo-trees.org/">Différentes initiatives internationales s’organisent</a>, qui visent à soutenir les inventaires forestiers nationaux (comme on l’a vu plus haut), ou à installer des sites de calibration dernier cri pour servir de référence à des missions satellites. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/546177/original/file-20230904-17-5pa2ym.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546177/original/file-20230904-17-5pa2ym.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546177/original/file-20230904-17-5pa2ym.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546177/original/file-20230904-17-5pa2ym.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546177/original/file-20230904-17-5pa2ym.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546177/original/file-20230904-17-5pa2ym.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546177/original/file-20230904-17-5pa2ym.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Stéphane Momo scannant une forêt au Laser au Gabon.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolas Barbier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Et les autres compartiments ?</h2>
<p>Tout ce que nous venons de décrire permet d’évaluer le stock de carbone dans les parties visibles des arbres sur pied. Mais on ne sait que très peu de choses de leurs racines, du carbone contenu dans le sol, de ce qui est emporté dans les rivières, ou des échanges avec l’atmosphère. Par exemple, on a récemment découvert que les tourbières du bassin du Congo contenaient <a href="https://www.nature.com/articles/nature21048"></a> <a href="https://www.nature.com/articles/nature21048">plus de carbone que toutes les forêts de la région</a>.</p>
<p>Pour mesurer la respiration et la photosynthèse de notre fameux poumon vert dans son ensemble, il faut notamment installer des tours à flux. Ces structures surplombent la canopée à plus de 60m de hauteur (jusqu’à plus de 300 m !) portent différents appareils (anémomètre sonique, analyseur CO<sub>2</sub> infrarouge, hygromètre… ) qui mesurent les échanges gazeux entre l’atmosphère et la forêt. Alimenter, entretenir et sécuriser un tel équipement en pleine jungle pendant des décennies est un défi en soi. Des collègues avaient tenté l’aventure au Congo dans les années 1990. Quand ils sont revenus, l’aluminium de la tour avait été fondu et converti en marmites !</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1575566521195167744"}"></div></p>
<p>En fait, peu de gens réalisent que, malgré la crise climatique, il n’existe quasiment plus aucune infrastructure de mesure en état de marche en Afrique. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/B9780128159989000075">Même des dispositifs aussi basiques que des stations météo</a> font défaut ! Derrière ces lacunes fondamentales, des questions plus profondes surgissent par exemple : À qui attribuer la charge de la collecte de toutes ces données essentielles : Aux institutions étatiques des pays du Sud ? Aux exploitants industriels privés ? Aux bureaux d’étude des pays du Nord ? En ce qui <a href="https://www.ird.fr/transfert-de-connaissances-et-initiation-de-nouvelles-collaborations-avec-lecole-nationale-des-eaux"></a> <a href="https://www.ird.fr/transfert-de-connaissances-et-initiation-de-nouvelles-collaborations-avec-lecole-nationale-des-eaux">nous concerne</a>, nous demeurons partisans d’une collaboration entre chercheurs et institutions scientifiques du Nord et des Suds, pour apprendre ensemble en tirant parti des meilleures technologies disponibles. C’est ce qui justifie les appels à renforcer la recherche, la formation et les partenariats internationaux au Sud, voire à construire des centres de recherche multidisciplinaires dédiés à ces questions.</p>
<h2>À quoi cela sert-il ?</h2>
<p>On le voit, la science fait de son mieux pour offrir des approches plus rigoureuses et transparentes pour mesurer les stocks et flux de carbone des forêts tropicales à une échelle pertinente. Cela devrait permettre à terme d’éviter de voir se reproduire des erreurs grossières ou volontaires, comme le cas de la <a href="https://www.washingtonpost.com/climate-environment/interactive/2021/greenhouse-gas-emissions-pledges-data/"></a> <a href="https://www.washingtonpost.com/climate-environment/interactive/2021/greenhouse-gas-emissions-pledges-data/">Malaisie</a> qui en 2021 avait fait les gros titres de la presse mondiale. Dans son bilan annuel des Gaz à effet de serre, elle considérait posséder un puits de carbone forestier annuel de plus de 243 millions de tonnes, soit autant que son voisin l’Indonésie, qui possède pourtant cinq fois plus de forêts.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1457709805121032192"}"></div></p>
<p>Mais si certains pays affichent des chiffres excessifs, d’autres n’en communiquent même pas. Ainsi, alors que <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-temperatures-pourraient-battre-des-records-au-cours-des-prochains-mois-210935"></a> <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-temperatures-pourraient-battre-des-records-au-cours-des-prochains-mois-210935">certains chercheurs</a> s’inquiètent déjà de voir la limite d’1,5 degrés fixé par l’accord de Paris déjà dépassée à la fin d’année 2023, le manque de données concernant les flux, stock et émissions des gaz à effet de serre reste criant. <a href="https://www.polytechnique-insights.com/tribunes/planete/comprendre-les-emissions-mondiales-de-gaz-a-effet-de-serre/"></a> <a href="https://www.polytechnique-insights.com/tribunes/planete/comprendre-les-emissions-mondiales-de-gaz-a-effet-de-serre/">En</a> début d’année, seuls 48 pays avaient déjà rendu un inventaire de leurs gaz à effet de serre. C’est très peu si l’on considère qu’en <a href="https://unfccc.int/sites/default/files/resource/ETF_Handbook-first_edition_June_2020-FR.pdf"></a> <a href="https://unfccc.int/sites/default/files/resource/ETF_Handbook-first_edition_June_2020-FR.pdf">2024</a>, les 197 pays membres de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques seront désormais sommés de soumettre un rapport annuel.</p>
<p>Des mesures rigoureuses des flux et stocks de carbone demeurent également cruciales pour évaluer l’impact des projets de conservation des écosystèmes forestiers. Surtout dans le cadre de la monétisation de ceux-ci avec des crédits carbone via des projets de déforestation évitée ou de réhabilitation forestière. Il faut éviter, ici encore, de tomber dans les écueils constatés ces dernières décennies, où de nombreux projets de préservation des forêts se sont révélés sans impact positif concret.</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’inscrit dans le cadre d’un projet associant The Conversation France et l’AFP audio. Il a bénéficié de l’appui financier du Centre européen de journalisme, dans le cadre du programme « Solutions Journalism Accelerator » soutenu par la Fondation Bill et Melinda Gates. L’AFP et The Conversation France ont conservé leur indépendance éditoriale à chaque étape du projet.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212810/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Ploton et Nicolas Barbier sont membres de l’UMR AMAP. Pierre Ploton, Nicolas Barbier, Bonaventure Sonké sont membres du Laboratoire Mixte International (LMI) DYCOFAC</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Bonaventure Sonké, Le Bienfaiteur Sagang, Pierre Ploton et Stéphane Momo Takoudjou ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Selon les méthodes utilisées, la mesure des stocks et flux de carbone des forêts peut passer du simple au double. À l'heure du dérèglement climatique, la guerre des chiffres bat son plein et la rigueur s'impose pour évaluer les potentiels poumons verts que sont les forêts.Nicolas Barbier, Chercheur en Écologie Tropicale à l'UMR AMAP, Institut de recherche pour le développement (IRD)Bonaventure Sonké, Professeur de Botanique, Université de Yaounde 1Le Bienfaiteur Sagang, Écologiste et analyste en télédétection, University of California, Los AngelesPierre Ploton, Chargé de Recherche en Sciences des données et des modèles, Institut de recherche pour le développement (IRD)Stéphane Momo Takoudjou, Chercheur en Écologie tropicale, Université de LiègeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2125762023-09-05T17:00:10Z2023-09-05T17:00:10ZQuand le boom du cacao au Liberia pousse à la déforestation<p>En 2018, le président libérien, l’ancien footballeur George Weah, et son homologue burkinabé d’alors, Roch Marc Christian Kabore, passaient un accord visant à faciliter le mouvement des Burkinabés au Liberia pour l’agriculture. Cette rencontre a notamment eu pour conséquence d’accélérer le boom du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cacao-25183">cacao</a>, commencé en 2016, dans ce pays de cinq millions d’habitants situé en Afrique de l’Ouest.</p>
<p>Or, si le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/liberia-35312">Liberia</a> suit la trajectoire historiquement observée depuis quatre siècles, ce boom, qui fait l’objet de nos <a href="https://www.researchgate.net/publication/354925056">récentes recherches</a>, pourrait bien devenir inarrêtable et conduire à une <a href="https://www.researchgate.net/publication/354925056">déforestation systématique</a> encore peu reconnue aujourd’hui dans l’Est du pays, à proximité de la frontière avec la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cote-divoire-22147">Côte d’Ivoire</a>.</p>
<p><iframe id="9KTq9" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/9KTq9/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Plusieurs indices montrent aujourd’hui que c’est bien le cas : en effet, l’économie du cacao repose sur des <a href="https://www.researchgate.net/publication/295010922_Modele_simplifie_des_cycles_du_cacao">migrations massives</a> et tous les migrants sont quasiment tous des hommes jeunes, peu ou pas scolarisés. 88 % d’entre eux viennent du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/burkina-faso-24087">Burkina Faso</a>, pour seulement 7 % de nationalité ivoirienne, et 5 % de Maliens, Guinéens et autres.</p>
<p>Le Liberia a connu deux guerres civiles, en 1989-1996 puis 1999-2003. Ces guerres ont déclenché l’émigration de Libériens et Libériennes vers la Côte d’Ivoire. Cet épisode a contribué à tisser des liens entre les réfugiés et certaines communautés, notamment les Burkinabés. Durant leur séjour en Côte d’Ivoire, ils ont pu par ailleurs se familiariser avec la langue française, facilitant le contact avec les travailleurs du monde agricole.</p>
<p>En 2002, alors que la crise libérienne se solutionnait, la rébellion ivoirienne éclatait, ce qui a conduit des Burkinabés et Ivoiriens à fuir au Liberia. Les réfugiés ont alors planté des champs de riz et de maïs pour survivre, mais ils ont aussi découvrent la richesse des sols forestiers du Liberia, très peu exploités.</p>
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<p>Les premières demandes de terre vont être adressées aux villageois libériens car les terres manquent de plus en plus en Côte d’Ivoire. Ces demandes sont facilement acceptées par les autochtones libériens qui ont vu en Côte d’Ivoire la force de travail des Burkinabés et leur réussite. Ce boom libérien bénéficie donc aussi de la grande expérience des migrants, accumulée notamment en Côte d’Ivoire. Dans l’échantillon de notre dernier travail de recherche, 66 % des migrants ont d’ailleurs déjà une petite plantation en Côte d’Ivoire (3 ha en valeur médiane) et 25 % sont fils ou frères de planteurs.</p>
<h2>Accès sans capital</h2>
<p>Au Liberia, la plupart de ces migrants obtiennent 10 hectares (ha) de forêt, principalement par un contrat de « planter-partager » : l’autochtone libérien concède 10 ha de forêt au migrant qui s’engage à planter la totalité en cacao. Lorsque la plantation entre en production, elle est partagée, 6 ha pour le preneur et 4 ha pour le cédant.</p>
<p>En d’autres termes, à part un modeste cadeau et une éventuelle commission à un intermédiaire, le migrant accède à la forêt sans capital. Certains d’entre eux vont en profiter pour acquérir de plus grandes surfaces et les recéder dans un nouveau contrat de planter-partager. Dans tous les cas, cet accès facile à la forêt constitue l’un des facteurs universels expliquant la puissance des booms cacao depuis quatre siècles.</p>
<p>La source d’information citée par les planteurs est tout aussi typique des booms cacao : les réseaux familiaux qui transfèrent rapidement les informations ont ainsi constitué un moteur du développement de la filière.</p>
<p><iframe id="6Ap0U" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/6Ap0U/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Dans un petit <a href="https://books.google.fr/books/about/Catapila_chef_du_village.html?id=Az38oAEACAAJ&redir_esc=y">roman</a>, l’écrivain ivoirien Venance Konan a magnifiquement illustré le dynamisme inarrêtable des migrants burkinabés devant une forêt, vue comme une future cacaoyère. Avec l’accent local, ils sont assimilés par les autochtones à de véritables « catapila » (« caterpillar », ou chenille en français). Pour accéder à cette ressource économique, ils s’installent vaille que vaille au Liberia, parfois en risquant leur vie. Ils traversent par exemple en pirogue le Cavally, fleuve qui marque la frontière entre la Côte d’Ivoire et le Liberia, alors qu’ils ne savent pas nager.</p>
<p>Au bilan, les conflits en Afrique de l’Ouest ont généré des migrations précacaoyères, des brassages de population. Tous les ingrédients d’un puissant boom de cacao ont ainsi été réunis au Liberia. Il pourrait désormais s’accélérer par effet d’imitation à travers les réseaux de migration, sans oublier l’impact du manque de terre et du vieillissement des vergers en Côte d’Ivoire.</p>
<p>Toute action de contrôle de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/deforestation-23274">déforestation</a> en Côte d’Ivoire jouera en outre un accélérateur des migrations et déforestation au Liberia. D’autant plus qu’il semble désormais difficile de convaincre un pays souverain qu’il ne peut pas opter pour un scénario qui a été largement appliqué par les autres pays producteurs de cacao…</p>
<hr>
<p><em>Abelle Galo Kla, président de l’ONG Initiative pour le développement du cacao (ID-Cocoa), a contribué à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212576/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Francois Ruf ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’essor du nombre de plantations dans ce pays d’Afrique de l’Ouest repose sur les avantages que les migrants, en grande partie burkinabés, tirent de l’exploitation.Francois Ruf, Agro-économiste, CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2121262023-08-23T20:27:48Z2023-08-23T20:27:48ZPremière historique : en Équateur, un vote stoppe l’exploitation d’un gisement pétrolier<p>Le pétrole restera sous terre. Suite au référendum du dimanche 20 août, les quelque 13 millions d’Équatoriens en ont décidé ainsi : le pays se passera de la manne financière que représente l’exploitation du Bloc 43, situé en grande partie dans le <a href="https://en.unesco.org/biosphere/lac/yasuni">parc naturel de Yasuni</a> et responsable de 12 % de la production nationale d’or noir du pays.</p>
<p>Si le manque à gagner a été l’argument majoritaire du gouvernement sortant, les défenseurs de l’environnement ont relativisé les chiffres brandis par les responsables politiques. Quand l’entreprise nationale Petroecuador évaluait à 14,5 milliards d’euros les pertes que l’arrêt de ce projet représenterait sur vingt ans, les partisans de l’arrêt de l’exploitation ont, eux, rappelé que ces chiffres ne prenaient pas en compte le caractère très fluctuant des prix du pétrole, les coûts de production, et surtout les dommages causés aux écosystèmes.</p>
<p>Via les urnes, c’est bien la protection de ces derniers et la lutte contre le dérèglement climatique qui semblent avoir triomphé. Or en termes d’environnement, le parc du Yasuni a de quoi impressionner. Considérée comme une réserve de biosphère par l’Unesco, cette partie de la forêt amazonienne située à 250 km à l’est de Quito, la capitale, est également la terre de deux des dernières populations amérindiennes en autarcie volontaire, les Tagaeri et les Taromenane. Le Parc de Yasuni, enfin, abrite en moyenne, sur une parcelle d’un hectare seulement, plus d’espèces de végétaux que toute l’Amérique du Nord.</p>
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<img alt="Végétation dense et luxuriante de la forêt tropicale du parc Yasuni" src="https://images.theconversation.com/files/544232/original/file-20230823-7859-lqld1n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/544232/original/file-20230823-7859-lqld1n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/544232/original/file-20230823-7859-lqld1n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/544232/original/file-20230823-7859-lqld1n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/544232/original/file-20230823-7859-lqld1n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/544232/original/file-20230823-7859-lqld1n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/544232/original/file-20230823-7859-lqld1n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Exemple de diversité de la végétation du parc Yasini.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/94052068@N06/8592937825/in/album-72157633100583430/">Karsten Thomsen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>Depuis 2007, ces terres luxuriantes de l’Équateur sont également protégées par la Constitution, qui reconnaît aux peuples autochtones « la propriété collective de la terre, en tant que forme ancestrale d’organisation territoriale ». De la terre, mais pas de son sous-sol riche en pétrole, propriété de l’État, ce qui a été remis en cause par ce référendum historique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1693491469896622583"}"></div></p>
<p>La victoire du oui remet sur le devant de la scène une vieille question complexe : comment sortir des énergies fossiles, et en particulier du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/petrole-21362">pétrole</a> ? Le problème, c’est que du pétrole il y en a encore beaucoup : les <a href="https://www.polytechnique-insights.com/tribunes/energie/les-immenses-reserves-de-petrole-face-a-lenjeu-de-reduction-de-la-consommation/">réserves estimées</a> sont équivalentes à la quantité totale consommée depuis le début de l’ère de l’or noir, c’est-à-dire la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. En juin 2023, la demande journalière mondiale de pétrole a atteint 103 millions de barils, le chiffre le plus élevé de l'histoire.</p>
<p>Des tentatives visant à laisser le pétrole sous terre ont néanmoins émergé ces dernières décennies avec des mouvements de résistance, déjà anciens, à l’exploitation pétrolière, en particulier dans les pays tropicaux, les territoires indigènes et les aires protégées. Avant le vote de cet été, il y eut en Amazonie équatorienne, dès le milieu de la décennie 2000, un projet inédit – dit initiative Yasuni-ITT – d’arrêt de l’exploitation d’un gisement pétrolier, et donc de préservation de l’environnement et de défense des peuples autochtones. C’est ce projet que <a href="https://shs.hal.science/halshs-00969314">nous analysions alors</a>, en mettant en exergue l’hypocrisie constante des pays riches.</p>
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<h2>Années 2000 : l’initiative Yasuni-ITT</h2>
<p>Le mouvement écologiste équatorien Acción Ecológica est à l’origine, en 2006, de l’initiative Yasuni-ITT. Son originalité consistait à laisser sous terre environ 20 % des réserves pétrolières du pays. En échange du maintien d’une partie de son stock de carbone en terre et pour assurer un développement plus écologique, l’Équateur demandait à la communauté internationale – au nom du principe de coresponsabilité dans les problèmes environnementaux globaux – une compensation à hauteur de 50 % des revenus qu’il aurait pu tirer de l’exploitation de ce pétrole.</p>
<p>Tous les grands acteurs internationaux se sont défilés. Un fonds fiduciaire avait bien été créé sous les auspices du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement), mais il est demeuré une coquille vide. Le projet, présenté à l’OPEP en décembre 2012, dont l’Équateur était alors membre, n’avait pas été retenu. Des États et des régions, essentiellement d’Europe, mais aussi des firmes multinationales, s’étaient vaguement engagés à contribuer au financement de ce fonds.
Mais au printemps 2013, le compte n’y était donc pas. Très loin de ce qui était attendu sur plus d’une décennie par l’Équateur, seul un petit 1 % des sommes nécessaires avait alors été réuni. En butte à de multiples oppositions, non seulement externes mais aussi internes, le projet Yasuni-ITT fut abandonné le 15 août 2013.</p>
<h2>Dix années de batailles internes</h2>
<p>Les batailles juridiques, et les droits consacrés à la nature dans les amendements de la Constitution du pays, n’ont pas non plus réussi à empêcher l’exploitation des champs ITT, dont le permis a finalement été accordé en mai 2014. Mais les années de militantisme des organisations indigènes et écologistes ont fini par obtenir, en mai 2023, la tenue d’un référendum exigé par la Cour constitutionnelle de l’Équateur.</p>
<p>Le projet est ainsi devenu un symbole de la protection des peuples autochtones et de la préservation de la biodiversité. Leonardo DiCaprio a salué le référendum tenu le 20 août 2023 et la victoire du « oui » comme « un exemple de démocratisation de la politique climatique ». Mais bien d’autres champs pétroliers sont toujours en activité dans le parc Yasuni. Et les projets foisonnent, notamment sur le continent africain.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1691604013190382026"}"></div></p>
<h2>L’hypocrisie des pays riches</h2>
<p>La République démocratique du Congo (RDC) a par exemple des projets de mise aux enchères de permis de forages pétroliers. Tosi Mpanu Mpanu, ambassadeur climat de la RDC, ne n'a d'ailleurs pas cherché à dissimuler l’ambition financière cachée derrière cette idée : <a href="https://www.nytimes.com/2022/07/24/world/africa/congo-oil-gas-auction.html">« Notre priorité n’est pas de sauver la planète »</a> mais de faire rentrer des revenus.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1551311522781171713"}"></div></p>
<p>Exemple notoire de « faites ce que je dis, pas ce que je fais », le secrétaire d’État américain <a href="https://www.nytimes.com/2022/08/10/world/africa/blinken-congo-rainforests.html">Anthony Blinken</a>, et <a href="https://www.theguardian.com/environment/2022/nov/01/democratic-republic-of-congo-attacks-west-double-standards-over-oil-and-gas-exploration-aoe">John Kerry</a>, envoyé présidentiel spécial pour le climat, ont publiquement pressé le gouvernement congolais de surseoir à ses projets. Dans le même temps, pourtant, l’administration américaine ne transigeait, elle, aucunement sur sa dépendance à la manne pétrolière en <a href="https://www.npr.org/2021/07/13/1015581092/biden-promised-to-end-new-drilling-on-federal-land-but-approvals-are-up">mettant en vente des centaines de nouveaux permis d’exploration</a> depuis l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche.</p>
<p>Kenneth Rogoff, professeur d’économie à Harvard, ne fait, à cette égard, preuve d’aucune langue de bois sur <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/climat-les-pays-du-nord-doivent-cesser-leur-hypocrisie-vis-a-vis-du-sud-1961565">l’hypocrisie du Nord à cet égard</a> : « Depuis trop longtemps, les pays riches ont donné des leçons aux économies en développement sur le changement climatique sans se les appliquer à eux-mêmes. »</p>
<h2>Le « Sud global » se rebiffe</h2>
<p>Au sein du <a href="https://theconversation.com/the-global-south-is-on-the-rise-but-what-exactly-is-the-global-south-207959">« Sud global »</a> – un assemblage hétéroclite de pays pour beaucoup non alignés – cette réalité de doubles standards commence à énerver de plus en plus. Tous, emmenés par la Chine, l’Inde, le Brésil, la Russie et l’Afrique du Sud, fustigent les pays riches, qui pratiquent toujours la politique du <a href="https://www.theweek.in/wire-updates/national/2022/11/16/del32-cop27-basic.html">deux poids deux mesures</a> : d’un côté, ils augmentent leur production et leur consommation de pétrole, et, de l’autre, ils pressent les pays émergents et en développement d’en sortir.</p>
<p>Le vote à 59 % des Équatoriens pour l’arrêt de l’exploitation d’un gisement pétrolier dans la réserve emblématique de Yasuni est à cet égard, se félicitent les défenseurs de l'Amazonie, « une victoire historique » contre les stratégies extractivistes des compagnies pétrolières et l’addiction au pétrole des pays du Nord. Mais c'est également une preuve que le Sud peut, sans l’aide ni l’aval des pays du Nord, tracer d’ambitieuses politiques protectrices de l’environnement.</p>
<p>Ce dimanche 20 août, les citoyens de Quito ont également voté à 68 % contre le développement de la mine d’or de <a href="https://fr.unesco.org/biosphere-reserves/ecuador/choco-andino-pichincha">Chocó Andino</a>, réserve de biosphère située 20 kilomètres au nord de la capitale équatorienne.</p>
<p>Concernant l’exploitation pétrolière de Yasuni, le compte à rebours a lui déjà commencé : Petroecuador, la firme pétrolière nationale dispose d’un an pour fermer ses puits, démanteler les infrastructures et restaurer la forêt.</p>
<p>Et pour compenser le manque à gagner de cette perte de revenu issu de l’or noir, un groupe d’économistes favorables à l’arrêt de l’exploitation pétrolière ont proposé <a href="https://news.mongabay.com/2023/08/can-upcoming-referendum-in-ecuador-stop-oil-drilling-in-yasuni-national-park/">diverses pistes</a>, comme lutter contre l’évasion fiscale ou bien imposer davantage les grandes fortunes.</p>
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<p><em>Nathalie Rousset, docteure en économie, ancienne chargée de programme au Plan Bleu, aujourd’hui consultante, a contribué à la rédaction de ce texte.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212126/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Damian ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>59 % des votants se sont exprimés en faveur de la fin de l'exploitation du gisement pétrolier du parc national Yasuni, terre de biodiversité et de communautés autochtones.Michel Damian, Professeur honoraire, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2017032023-03-23T17:50:11Z2023-03-23T17:50:11ZÉpidémies : les fourmis tropicales, parfaites sentinelles pour surveiller les virus<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/517289/original/file-20230323-20-jdspol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3872%2C2585&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des fourmis légionnaires photographiées dans la forêt tropicale de Mabira, en Ouganda.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Army_Ants_(Dorylus_sp.)_(7073859635).jpg">Bernard Dupont / Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>La majorité des maladies infectieuses qui ont émergé chez l’être humain sont des zoonoses, ce qui signifie qu’elles trouvent leur origine chez les animaux. On estime en effet que <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7111083/">sur les 1415 pathogènes qui ont été historiquement capables d’infester notre espèce, 62 % sont d’origine zoonotique</a>.</p>
<p>Outre les bactéries, parasites ou champignons, les <a href="https://www.nature.com/articles/nature22975">virus provenant de mammifères sauvages sont particulièrement préoccupants</a>, en raison de leur rapidité de dissémination ou de leur gravité potentielle. Rappelons que le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), Ebola ou les virus de syndrome respiratoire aigu sévère (SARS-CoV-1 et SARS-CoV-2) sont tous soupçonnés de provenir de mammifères sauvages.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Au cours des 50 dernières années, la quasi-totalité des maladies émergentes ont surgi de la faune animale sauvage des forêts tropicales humides d’Afrique, d’Asie et d’Amérique, <a href="https://doi.org/10.1038/nature22975">toujours de manière inattendue et imprévisible</a>, ce qui témoigne de notre incapacité à prévenir et anticiper ces émergences.</p>
<p>Mais les choses pourraient changer. Nos récents travaux ont en effet identifié de nouvelles alliées potentielles pour surveiller précocement les émergences virales : les fourmis, et plus précisément, les fourmis légionnaires. Explications.</p>
<h2>Les virologues face au défi des forêts tropicales humides</h2>
<p>L’imprévisibilité des émergences virales auxquelles nous avons fait face au cours des dernières décennies met en lumière <a href="https://doi.org/10.1088/1748-9326/ab8dd7">notre méconnaissance profonde de la composition virale de ces écosystèmes</a>. Bien que consciente d’une telle défaillance, la communauté scientifique semble désarmée et impuissante.</p>
<p>Elle se heurte en effet à une difficulté de taille : pour pouvoir étudier les nombreux virus qui circulent dans ces milieux, il faut avoir accès à des échantillons d’animaux et de végétaux qui sont les hôtes desdits virus. Or, les forêts tropicales sont généralement immenses, denses et impénétrables. De ce fait, la majeure partie de ces territoires sont totalement inexplorés, et seuls des nombres limités d’animaux peuvent y être capturés, prélevés, et donc analysés.</p>
<p>Par ailleurs, la plupart des virus se répliquent dans des cellules de la lignée monocytaire (les <a href="https://www.mqzh.ch/cm/images/bph/bp_2011_2_2.pdf">monocytes</a> sont des cellules immunitaires), lesquelles sont principalement présentes dans les organes internes des animaux (rate et foie). Les débusquer nécessite le sacrifice de ces derniers, une pratique inapplicable, car contraire aux règles éthiques en vigueur. Les seuls échantillons non invasifs pouvant être facilement récupérés sont les matières fécales. Malheureusement, seule une fraction minime de la communauté virale peut y être détectée.</p>
<p>Pour contourner ce problème, les scientifiques pourraient peut-être s’adjoindre les services d’alliées de poids : les fourmis légionnaires, de redoutables prédatrices qui patrouillent dans les écosystèmes forestiers d’Afrique.</p>
<h2>Les fourmis magnans, d’extraordinaires collectrices de virus</h2>
<p>Originaires d’Afrique centrale et orientale, les fourmis légionnaires, aussi appelées « magnans » en référence à leur voracité extrême (les magnans, ou vers à soie, sont connus pour leur grande voracité). Elles <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.2026534118">sont connues pour les raids spectaculaires</a> qu’elles mènent en colonnes de millions d’individus s’étendant sur plusieurs dizaines de mètres.</p>
<p>Une autre particularité de ces fourmis est d’être nomades : elles ne vivent pas en fourmilière, mais alternent déplacements de quelques heures à plusieurs jours et « campements » de quelques semaines. Elles construisent alors des bivouacs formés par le corps des fourmis elles-mêmes, se tenant les unes par-dessus les autres pour abriter la reine et le couvain.</p>
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<p>Carnivores, elles peuvent s’attaquer à une large gamme d’êtres vivants, qu’elles peuvent parfois atteindre jusqu’à plus de 20 mètres du sol. Leurs proies vont des arthropodes et autres invertébrés (crickets, cafards, vers de terre…) à des animaux vertébrés de petite taille tels qu’oiseaux, reptiles, ou micromammifères. Elles consomment également toutes espèces de plantes, et sont également capables de dévorer des carcasses de gros animaux.</p>
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<img alt="Les puissantes mandibules d’une fourmi légionnaire appartenant à l’espèce Dorylus wilverthi" src="https://images.theconversation.com/files/517216/original/file-20230323-26-qx9xnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517216/original/file-20230323-26-qx9xnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=522&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517216/original/file-20230323-26-qx9xnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=522&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517216/original/file-20230323-26-qx9xnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=522&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517216/original/file-20230323-26-qx9xnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517216/original/file-20230323-26-qx9xnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517216/original/file-20230323-26-qx9xnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les puissantes mandibules d’une fourmi légionnaire appartenant à l’espèce Dorylus wilverthi.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.antwiki.org/wiki/File:Dorylus_wilverthi_casent0172657_head_1.jpg">AntWeb.org</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Les quantités de nourritures qu’elles prélèvent <a href="https://doi.org/10.1111/j.1469-7998.2007.00360.x">peuvent atteindre 2 kg de biomasse par jour pour l’ensemble d’une colonie</a>. Leurs mandibules sont si puissantes qu’elles restent accrochées à leurs proies, ce qui incitait autrefois les habitants de ces régions à les utiliser pour faire des sutures et favoriser la cicatrisation de petites plaies, malgré leur morsure douloureuse.</p>
<p>L’ensemble de ces caractéristiques – grande diversité des proies, nomadisme, quantités très élevées de nourriture ingurgitée – nous ont fait émettre l’idée que ces fourmis magnans seraient susceptibles d’absorber et accumuler les virus hébergés par les hôtes qu’elles consomment, qu’ils soient végétaux, animaux invertébrés ou vertébrés.</p>
<p>Afin de tester cette hypothèse, nous avons réalisé une étude pilote (projet <a href="https://rr-africa.woah.org/fr/projets/ebo-sursy-fr/">EBO-SURSY « renforcement des capacité et surveillance de la maladie à Virus Ebola »</a>, financé par l’Union européenne) <a href="https://doi.org/10.24072/pcjournal.249">à partir de 209 fourmis légionnaires appartenant au genre <em>Dorylus</em>, provenant de 29 colonies différentes</a>, collectées sur les pistes de latérite en pleine forêt tropicale africaine, au nord-est du Gabon.</p>
<h2>Mise en évidence d’une importante matière noire virale</h2>
<p>Nous avons analysé chacune de ces fourmis via une approche de <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2013/06/medsci2013295p501/medsci2013295p501.html">métagénomique virale</a>. Cette démarche consiste à récupérer l’ensemble du matériel génétique (ADN et ARN) présent au sein d’un échantillon (ici la fourmi) puis à analyser la portion correspondant au génome viral total ou virome (l’échantillon contient également du matériel génétique provenant des animaux ou plantes que la fourmi a consommés). Objectif : identifier les virus avec lesquels les fourmis ont été en contact.</p>
<p>Cette méthode nous a permis de détecter un nombre exceptionnel de séquences génomiques, soit près de 443 645 séquences l’une longueur supérieure à 200 nucléotides (les nucléotides sont les sous-unités qui constituent les molécules d’acides nucléiques, supports de l’information génétique). 46 377 de ces séquences s’apparentaient à des séquences de virus de bactéries, de plantes, d’invertébrés et de vertébrés (soit 10,5 %).</p>
<p>De manière très intéressante, seules 22 406 des 46 377 séquences (soit 48,3 %) présentaient une similarité avec des genres viraux reconnus ou en cours de reconnaissance par le <a href="https://ictv.global/">Comité international de taxonomie des virus</a>. Les séquences virales restantes (51,7 %) n’ont pu être en revanche assignées qu’à des niveaux de classification supérieurs (famille virale (24,7 %), ordre viral (3 %), voire domaine viral (24 %). Autrement dit, il n’a pas été possible de déterminer précisément de quels virus il s’agissait. Cela signifie que, dans les écosystèmes forestiers parcourus par les fourmis, se trouvent probablement de très nombreux virus encore inconnus.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/MLuxmry7eZo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Au-delà de la mise en évidence de cette « matière noire » virale qui reste encore à caractériser, cette étude a permis la détection de séquences virales appartenant à 157 genres viraux différents et 56 familles virales, ce qui reste assez exceptionnel sur la base d’un si faible nombre d’échantillons (209 fourmis).</p>
<h2>Les fourmis magnans, observatoire des émergences virales</h2>
<p>Ces fourmis pourraient devenir un véritable observatoire pour la surveillance précoce des virus de la faune sauvage, des émergences virales, des maladies et des épidémies. Ces petits animaux pourraient, à l’avenir, jouer un rôle majeur dans la politique de santé publique en assurant la surveillance et la détection des virus au sein de leurs réservoirs animaux avant leur transmission aux populations humaines et l’apparition des épidémies.</p>
<p>On peut par exemple imaginer mettre en place un système d’échantillonnage basé sur une collecte mensuelle de fourmis légionnaires, en des lieux définis. Une rapide analyse PCR pourrait alors renseigner sur les virus présents à ces endroits et sur le niveau de circulation virale. Si des virus problématiques atteignent un seuil critique, des mesures d’interventions pourraient être mises en place.</p>
<p>L’intérêt potentiel de cette approche ne se limite d’ailleurs pas uniquement au domaine de la santé publique, mais concerne également le secteur agroalimentaire. Elle pourrait en effet également être mise en œuvre pour surveiller les virus de plantes potentiellement problématiques, qui pourraient être impliquées dans des contaminations de cultures.</p>
<h2>Mieux connaître les virus qui circulent dans les forêts tropicales</h2>
<p>Ces travaux pionniers constituent une preuve de concept qui pourrait aussi ouvrir la voie à des études à grande échelle sur le virome des écosystèmes forestiers tropicaux et améliorer ainsi considérablement les connaissances des innombrables virus tapis au sein de la faune sauvage.</p>
<p>Ils démontrent en effet que les fourmis légionnaires accumulent une diversité extraordinaire de séquences génomiques provenant de virus appartenant notamment à leurs nombreuses proies. Et ce, peut-être même durant toute leur vie, exactement comme si elles étaient situées en bout de la chaîne alimentaire.</p>
<p>Leur utilisation comme outil d’échantillonnage permettrait de collecter, déterminer et caractériser une fraction substantielle des virus circulant au sein de l’écosystème tropical forestier d’Afrique. Cela permettrait de pallier les difficultés que rencontrent actuellement les scientifiques qui surveillent les virus hébergés par les espèces végétales et animales de ces zones.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Enfin, cette approche permettrait aussi d’obtenir des indices solides sur l’identité des réservoirs animaux de virus pour lesquels aucune connaissance n’est disponible. En effet, les fourmis portent également des traces du matériel génétique provenant des animaux qu’elles consomment. Son analyse pourrait permettre, par recoupement, d’associer la présence d’un virus avec une espèce animale (ce qui permettrait de restreindre le cercle des suspects possibles). Dans un second temps, les virologues à la recherche du réservoir dudit virus pourraient se concentrer sur les animaux dont les traces ont aussi été repérées chez les fourmis contaminées.</p>
<p>Les fourmis légionnaires, carnivores et omnivores à souhait, dévorant tout sur leur passage, pourraient donc devenir le maillon manquant tant recherché, « écologique », dans l’interminable chaîne des mesures de lutte contre les virus. Sentinelles vigilantes et aguerries, elles participeraient ainsi à la surveillance précoce des virus zoonotiques, nous permettant de prédire, anticiper et prévenir l’émergence de maladies et d’épidémies dont nous sommes encore trop souvent simples spectateurs, médusés et impuissants.</p>
<p>Loin de l’image de « nuisibles » qui leur colle trop souvent aux mandibules, ces petits insectes sociaux pourraient remplir une nouvelle fonction éminemment sociale… Envers nous les humains.</p>
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<p><em>Depuis la première publication de cette article, notre équipe a reçu un financement de l'Agence nationale pour la recherche (ANR) pour mener un projet de plus grande envergure sur ce sujet qui est apparu particulièrement prometteur.
L'ANR finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201703/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les virus qui hantent les forêts tropicales humides peuvent être à l’origine de graves maladies émergentes. Pour mieux les surveiller, les scientifiques pourraient bientôt compter sur les fourmis.Éric Leroy, Directeur de recherche, virologue, spécialiste des zoonoses virales, Institut de recherche pour le développement (IRD)Philippe Roumagnac, Directeur de recherche UMR PHIM (Plant Health Institute Montpellier - Université de Montpellier-CIRAD-INRAE-IRD-Institut Agro), CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2008562023-03-02T20:01:02Z2023-03-02T20:01:02Z« One Forest Summit » : à Libreville, la protection des forêts ne doit pas occulter les droits humains<p>Le <em>One Forest Summit</em>, qui se tient ce jeudi 1<sup>er</sup> mars ainsi que le 2 à Libreville réunit nombre de décideurs autour de la préservation des forêts, en particulier en Afrique centrale. Le risque reste pourtant élevé que les solutions proposées répètent les erreurs du passé, en se focalisant sur la <a href="https://theconversation.com/pour-preserver-la-biodiversite-ne-delaissons-pas-les-aires-non-protegees-175076">protection stricte des espaces</a> et des ressources naturelles.</p>
<p>D’autres voies existent, qui mettent les populations rurales au cœur de la protection des forêts. En particulier en matière de gestion de la faune, après des décennies de politiques de conservation qui les ont marginalisées.</p>
<p>Comment doubler la superficie des forêts tropicales protégées sans répéter les erreurs du passé ?</p>
<h2>Le monde au chevet des forêts tropicales</h2>
<p>L’événement a l’ambition d’être un moment clé pour renforcer l’action climatique et la protection de la biodiversité des <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-vivre-avec-les-forets-tropicales-162367">forêts tropicales</a>. Ces dernières stockent en effet plus du quart du carbone terrestre, et en absorbent annuellement plus de 2,4 milliards de tonnes.</p>
<p>Mais elles ne font pas que stocker du carbone : elles rejettent aussi de l’oxygène, régulent les précipitations, protègent les sols et les bassins versants. Elles abritent également la <a href="https://www.cirad.fr/espace-presse/communiques-de-presse/2021/vivre-avec-les-forets-tropicales">moitié</a> des <a href="https://www.cirad.fr/espace-presse/communiques-de-presse/2021/vivre-avec-les-forets-tropicales">espèces</a> de plantes et d’animaux connus, bien qu’elles couvrent moins de 10 % des terres émergées.</p>
<p>Enfin, elles sont le lieu de vie de près de 700 millions de personnes dont les modes de vie, l’alimentation et les revenus sont fortement dépendants des ressources qu’elles produisent.</p>
<h2>Dans le sillon de la COP15</h2>
<p>Le <em>One Forest Summit</em> fait suite à la 15<sup>e</sup> réunion de la Conférence des Parties (COP15) à la Convention des Nations unies sur la diversité biologique à Montréal.</p>
<p>Près de 200 pays y ont adopté, en décembre 2022, un nouveau cadre mondial pour la biodiversité, l’<a href="https://www.novethic.fr/actualite/environnement/biodiversite/isr-rse/accord-de-kunming-montreal-voici-les-23-cibles-adoptees-a-la-cop15-biodiversite-151273.html">accord de Kunming-Montréal</a>.</p>
<p>Parmi les ambitions les plus remarquables figure notamment l’objectif de protéger 30 % des espaces terrestres et marins de la planète d’ici 2030. Les pays signataires se sont également engagés à promouvoir une gestion et une utilisation durables des espèces sauvages, offrant ainsi des avantages sociaux, économiques et environnementaux aux populations qui en dépendent.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="paysage de forêt tropicale" src="https://images.theconversation.com/files/512663/original/file-20230228-691-wx72pq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512663/original/file-20230228-691-wx72pq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=518&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512663/original/file-20230228-691-wx72pq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=518&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512663/original/file-20230228-691-wx72pq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=518&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512663/original/file-20230228-691-wx72pq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=650&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512663/original/file-20230228-691-wx72pq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=650&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512663/original/file-20230228-691-wx72pq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=650&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les forêts tropicales sont apparues il y a près de 390 millions d’années.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cirad</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Second poumon forestier de la planète</h2>
<p>En Afrique centrale, les forêts tropicales du bassin du Congo sont considérées comme le second poumon forestier de la planète après l’Amazonie, et s’avèrent d’intérêt stratégique pour la régulation du climat et la protection de la biodiversité. Dans le bassin du Congo, où les <a href="https://theconversation.com/podcast-defis-globaux-solutions-locales-plus-daires-protegees-pour-quoi-pour-qui-195299">aires protégées</a> couvrent déjà 15 % du territoire, atteindre les objectifs de l’accord de Kunming-Montréal revient à doubler la superficie sous protection.</p>
<p>Souvenons-nous cependant que la création des aires protégées en Afrique centrale dès le début du XX<sup>e</sup> siècle a souvent été source de conflits avec les populations locales. L’absence de consentement préalable, l’expulsion des terroirs ancestraux et l’interdiction d’utiliser les ressources naturelles ont conduit à <a href="https://journals.openedition.org/com/5476">marginaliser les habitants</a> des forêts d’Afrique centrale.</p>
<p>Aujourd’hui dans cette région, <a href="https://www.cirad.fr/espace-presse/communiques-de-presse/2021/aires-protegees-d-afrique-centrale-etat-2020">moins de 1 % des aires protégées</a> sont gérées entièrement par les communautés, et <a href="https://www.cirad.fr/espace-presse/communiques-de-presse/2021/aires-protegees-d-afrique-centrale-etat-2020">plus de 70 % des aires protégées</a> excluent toute forme d’utilisation durable de la biodiversité.</p>
<p>L’exemple le plus parlant est celui de la faune sauvage, qui constitue une <a href="https://www.cirad.fr/espace-presse/communiques-de-presse/2021/vivre-avec-les-forets-tropicales">source vitale de nourriture, de revenus et d’identité culturelle</a> pour les peuples autochtones et les communautés locales.</p>
<h2>Une approche répressive inefficace</h2>
<p>La quantité de viandes sauvages consommée annuellement par les populations rurales et urbaines en Afrique centrale s’élève à plus de 4 millions de tonnes, soit l’équivalent de la moitié de la production bovine européenne.</p>
<p>Depuis quelques décennies, les effets combinés de l’accroissement démographique, de la conversion des habitats naturels et du manque de responsabilisation des communautés rurales entraînent une diminution inquiétante des populations animales et une augmentation des conflits homme-faune. De plus, certaines espèces ciblées par la chasse sont potentiellement porteuses de maladies transmissibles à l’homme ou aux animaux domestiques.</p>
<p>Face à ce constat, des campagnes d’information internationales ont alerté le grand public sur la « crise de la viande de brousse ». En réaction, des approches principalement répressives de la chasse ont été mises en œuvre, assimilant la <a href="https://www.cirad.fr/les-actualites-du-cirad/actualites/2022/podcast-la-chasse-une-question-de-survie">chasse villageoise</a> à la criminalité faunique et cantonnant le chasseur villageois dans un rôle de braconnier.</p>
<p>Ces mesures, qui ont mobilisé beaucoup d’efforts et de fonds, n’ont malheureusement pas permis d’endiguer l’érosion de la faune. Et pour cause, elles ciblent davantage les symptômes que la cause du problème.</p>
<h2>Un changement de paradigme indispensable</h2>
<p>L’extension de la surface sous protection en Afrique centrale de 15 à 30 % ne doit pas se faire en répétant les erreurs du passé. En particulier, interdire aux communautés l’usage de la faune sauvage serait voué à l’échec, compte tenu de la dépendance forte à cette ressource, mais aussi contraire aux engagements de l’accord de Kunming-Montréal de maintenir les avantages sociaux, économiques et environnementaux fournis aux communautés par les forêts tropicales.</p>
<p>Des approches plus inclusives, plaçant les communautés rurales en première ligne de la conservation de la faune sont à rechercher. Une piste actuellement très peu explorée en Afrique centrale est celle de la conservation par l’utilisation durable de la faune sauvage.</p>
<p>Depuis 2017, le programme de gestion durable de la faune ou <a href="https://www.swm-programme.info/fr/homepage">Programme SWM</a> (<em>Sustainable Wildlife Management</em>), principalement financé par l’Union européenne, facilite l’émergence de modèles collaboratifs et adaptatifs de gestion durable de la faune sauvage par et pour les communautés rurales et les peuples autochtones.</p>
<h2>Rendre la gestion de la faune aux communautés</h2>
<p>En zones urbaines et périurbaines, où l’offre en viandes domestiques existe, le programme promeut l’élevage d’espèces à cycle court comme le poulet, et déploie des campagnes de communication visant à détourner les consommateurs des viandes sauvages.</p>
<p>Dans les zones forestières reculées, peu propices à l’élevage, le Programme SWM met en place une chasse durable des espèces sauvages résilientes, pour promouvoir simultanément la conservation de la biodiversité, la sécurité alimentaire et économique des communautés et la maîtrise des risques sanitaires. L’hypothèse qui sous-tend ce modèle est que la gestion de la faune sauvage croît en efficacité si les utilisateurs locaux sont en mesure de la maîtriser et d’en profiter.</p>
<p>Ce modèle implique un transfert des droits, des obligations et des avantages de la gestion de la faune sauvage aux communautés locales. Pour cela, le Programme SWM travaille aussi avec les autorités nationales pour <a href="https://www.swm-programme.info/fr/legal-hub">améliorer les cadres légaux et réglementaires</a> qui encadrent la gestion de la faune et qui ont souvent peu évolué depuis la période coloniale.</p>
<h2>Au Gabon, vers une chasse villageoise durable</h2>
<p>Au Gabon, le programme SWM et ses partenaires nationaux collaborent avec 10 communautés villageoises (300 chasseurs sur 1500 km<sup>2</sup>) pour établir un <a href="https://agritrop.cirad.fr/601278/">système de chasse villageoise durable</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/A9t35I8OS6Q?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les communautés visent une gestion durable de la chasse villageoise au Gabon – #SWMProgramme. Source : Food and Agriculture Organization of the United Nations, 7 février 2022.</span></figcaption>
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<p>Pour ce faire, le programme facilite le dialogue entre l’administration gabonaise et les communautés autour d’un projet commun : la dévolution des droits sur la faune aux communautés, en échange de garanties que le prélèvement de chasse soit durable. Le rôle des organismes de recherche nationaux et internationaux est à cet égard très important pour construire avec les communautés locales des outils d’aide à la décision en matière de gestion de la faune et permettre à l’administration d’évaluer la durabilité de la chasse.</p>
<p>L’ambition est à terme de développer au Gabon des filières de viandes sauvages légales, durables et saines, capables d’approvisionner les centres urbains de proximité avec des produits locaux et dont la provenance est connue. Ces filières formelles fournissent en outre un cadre solide pour monter des systèmes de surveillance des maladies transmises par les viandes sauvages permettant de détecter l’émergence d’épidémies et de réagir rapidement pour les endiguer.</p>
<h2>Abandonner les vieilles recettes</h2>
<p>D’ici à 2050, les projections démographiques anticipent un doublement de la population en Afrique centrale. Cette situation va exacerber les défis alimentaires, sanitaires et de conservation et contraindre les sociétés africaines à s’adapter. Les politiques actuelles doivent anticiper dès à présent ces changements de société sans marginaliser les populations rurales.</p>
<p>Préparer les communautés et administrations à affronter ces changements requiert de générer dès à présent le capital humain nécessaire et de promouvoir davantage la justice sociale.</p>
<p>Les objectifs de l’accord de Kunming-Montréal sont donc une opportunité de préparer cet avenir en changeant de paradigme. Le <em>One Forest Summit</em> de mars prochain, s’il ne se contente pas d’appliquer les vieilles recettes, pourrait effectivement être un moment décisif pour construire une nouvelle donne de la préservation de la biodiversité et de la lutte contre le changement climatique, qui mette les populations locales au cœur du dispositif.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200856/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Daniel Cornélis est membre du Comité Nature de la Fondation François Sommer (Paris). Mes travaux sont en partie financés par l’Union européenne (SWM Programme/FAO - Cirad - Cifor - WCS), dont je coordonne le volet « Gestion des connaissances » (2018-2023).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Hadrien P.A. Vanthomme ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le rendez-vous qui se tient en ce moment au Gabon ne doit pas focaliser les solutions sur la protection stricte des espaces et des ressources naturelles.Daniel Cornélis, Chercheur en écologie de la faune sauvage, CiradHadrien P.A. Vanthomme, Researcher in natural resources and landscape management, CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1985272023-01-31T19:32:12Z2023-01-31T19:32:12ZFonds pour l’Amazonie : le retour d’une initiative enterrée il y a 10 ans<p>Le 23 janvier 2023, la nouvelle ministre brésilienne de l’Écologie Marina Da Silva a déclaré que la situation environnementale de son pays était « bien pire » que ce qu’elle imaginait et assuré que la lutte contre la déforestation serait en tête de ses priorités après quatre années dévastatrices pour l’Amazonie sous Jair Bolsonaro.</p>
<p>La première forêt tropicale est un symbole écologique mondial depuis des décennies, tant pour <a href="https://theconversation.com/des-yeux-et-des-oreilles-technologiques-pour-percer-les-secrets-de-la-biodiversite-amazonienne-191612">son exceptionnelle biodiversité</a> et sa contribution à la régulation du climat sud-américain, que pour son rôle dans l’atténuation du changement climatique. Cette contribution à l’atténuation est d’ailleurs conditionnée à ce que l’Amazonie ne devienne pas, risque identifié par les scientifiques, une savane, zone émettrice nette de carbone.</p>
<p>Et l’enjeu de sa préservation est de longue date considéré comme mondial – ce qui avait donné lieu en 2019 à un moment de <a href="https://theconversation.com/lamazonie-en-proie-aux-incendies-et-aux-calculs-politiques-122653">tension diplomatique entre Emmanuel Macron et Jair Bolsonaro</a>. Alors que le président français défendait la prise en compte de l’Amazonie comme <a href="https://theconversation.com/declarer-la-foret-amazonienne-bien-commun-de-lhumanite-une-idee-pas-si-neuve-127085">bien commun international</a>, celui qui était encore à la tête du Brésil lui opposait le principe de souveraineté.</p>
<p>Dans le cadre de la préparation de la conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, le président colombien Gustavo Petro a proposé d’aller plus loin, en créant un <a href="https://www.rfi.fr/es/m%C3%A1s-noticias/20221108-desde-la-cop27-petro-y-maduro-llaman-a-una-alianza-amaz%C3%B3nica-con-todo-por-hacer">fonds multilatéral pour financer la protection de l’Amazonie</a>. Il se fixe l’objectif de réunir 400 millions de dollars par an pendant 20 ans, la Colombie y contribuant pour moitié.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ». Au programme, un mini-dossier, une sélection de nos articles les plus récents, des extraits d’ouvrages et des contenus en provenance de notre réseau international. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-environnement-150/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a>.</em></p>
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<h2>Ne pas opposer souveraineté et bien commun</h2>
<p>L’intérêt de cette formulation est qu’elle tente de dépasser cette opposition rigide entre bien commun et souveraineté. Les partisans de la notion de biens communs peuvent avoir pour eux tous les arguments légitimes sur la nécessité de la protection écologique de tel ou tel espace, le respect du principe de souveraineté reste la pierre angulaire du système international, et la gauche sud-américaine, marquée par les ingérences étatsuniennes, y est également attachée.</p>
<p>Dans le compromis proposé par Gustavo Petro, les modalités de protection des biens communs, ici l’Amazonie, doivent être principalement déterminées par les pays qui, souvent au Sud, les comptent sur leur territoire. C’est ce que nous pouvons appeler le multilatéralisme souverain.</p>
<p>Le Venezuela et le Brésil, désormais présidé par Lula Ignacio da Silva, se sont ralliés à l’initiative. <a href="https://expresso.pt/internacional/2023-01-02-Lula-da-Silva-e-Gustavo-Petro-discutem-um-grande-pacto-a-favor-da-Amazonia-7a80e61c">Lula et Petro ont ainsi déclaré vouloir élaborer</a> « un grand pacte pour sauver la forêt amazonienne au bénéfice de toute l’humanité ». <a href="https://www.infobae.com/america/agencias/2023/01/19/colombia-anuncia-en-davos-una-cumbre-de-paises-amazonicos-para-mayo/">Un sommet des pays amazoniens vient d’être annoncé à Davos pour mai 2023</a> afin de structurer la proposition diplomatique en cours de formation.</p>
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<img alt="forêt au bord du fleuve Amazonie" src="https://images.theconversation.com/files/506327/original/file-20230125-18-v1usc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506327/original/file-20230125-18-v1usc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506327/original/file-20230125-18-v1usc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506327/original/file-20230125-18-v1usc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506327/original/file-20230125-18-v1usc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506327/original/file-20230125-18-v1usc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506327/original/file-20230125-18-v1usc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Paysage d’Amazonie à l’ouest de Manaus, au Brésil.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Amazonie#/media/Fichier:Amazonie.jpg">LecomteB/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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</figure>
<h2>« Yasuní-ITT », le précédent équatorien</h2>
<p>Mais le président colombien n’est pas le premier à formuler une proposition en ce sens, ce que nous tenons à rappeler ici. L’idée d’un fonds abondé tous les ans pendant vingt ans est sans aucun doute inspirée de la proposition équatorienne avortée il y a dix ans, l’initiative Yasuní ITT. Les similitudes sont en effet nombreuses.</p>
<p>Issue des rangs de la gauche sud-américaine, sous le gouvernement de Rafael Correa, cette dernière suggérait aussi un fonds multilatéral pour compenser l’absence d’exploitation du pétrole sur une partie des zones d’exploitation du parc naturel et territoire indigène Yasuní. L’Équateur voulait également abonder le fonds pour moitié, car l’initiative était fondée sur la valorisation de la non-exploitation de pétrole : il s’agissait alors d’abonder pendant 13 ans un fonds à raison d’environ 540 millions de dollars par an. Cette valorisation de l’absence d’exploitation pétrolière était présentée par la diplomatie équatorienne comme nécessaire, afin de protéger l’Amazonie.</p>
<p>Le même esprit se retrouve dans le <a href="https://www.cancilleria.gov.co/newsroom/news/presidente-petro-aseguro-cop-27-egipto-enfrentar-crisisclimatica-solucion-mundo">discours de Gustavo Petro à la COP égyptienne</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Il est temps de dévaloriser l’économie des hydrocarbures en s’appuyant sur des dates définies pour sa fin, et valoriser les branches de l’économie décarbonée. La solution est un monde sans pétrole et sans charbon ».</p>
</blockquote>
<h2>Des stratégies internationales différentes</h2>
<p>Dans un cas comme l’autre, ces diplomaties mettent en avant la <a href="https://www.cancilleria.gov.co/newsroom/news/presidente-petro-aseguro-cop-27-egipto-enfrentar-crisisclimatica-solucion-mundo">responsabilité des structures économiques capitalistes dans le désastre écologique actuel</a> : « la décarbonation est un changement réel et profond du système économique qui domine. C’est l’heure de l’humanité, et non des marchés ».</p>
<p>La différence substantielle se trouve dans la stratégie mise en place au niveau international. L’Équateur avait fait le choix osé de s’adresser d’emblée au monde entier en demandant que les pays du Nord et leurs entreprises transnationales soient les premiers à contribuer à la non-exploitation du pétrole en Amazonie. La stratégie de la Colombie semble être une fusée à deux étages : d’abord constituer une alliance multilatérale entre pays amazoniens, ensuite renforcer cette demande internationale.</p>
<p>Notons que la Colombie a d’ores et déjà acquis une forme de <em>leadership</em> régional à ce sujet, comme le suggère l’obtention par ce pays de 73,5 millions de dollars versés par la Banque internationale de développement <a href="https://www.semana.com/nacion/articulo/bid-anuncia-apoyo-de-73-millones-de-dolares-al-gobierno-de-gustavopetro-para-proteger-la-amazonia/202321/">pour la protection de l’Amazonie et la transition énergétique</a>.</p>
<h2>L’importance géopolitique de la proposition</h2>
<p>Dans le cadre d’une diplomatie multilatérale sur le climat et la biodiversité assez atone, compte tenu de l’immensité des enjeux posés par le changement climatique et la sixième extinction de masse des espèces, le mouvement opéré par la Colombie sur la scène internationale est à suivre de près.</p>
<p>Au niveau régional, l’Amérique du Sud peut présenter comme fer de lance d’une conception de la justice climatique que contenait déjà l’initiative équatorienne échouée en 2013. La France, qui compte parmi les territoires amazoniens, à partir de la Guyane française, aurait tout intérêt à participer de ce renouveau sud-américain de la diplomatie climatique.</p>
<p>En ce début d’année, la Norvège, <a href="https://www.rfi.fr/es/programas/grandes-reportajes-de-rfi/20221226-colombia-proponen-creaci%C3%B3n-deun-fondo-en-la-amazon%C3%ADa-para-proteger-los-bosques">qui avait suspendu le versement de 500 millions d’euros au Brésil</a> sous le mandat de Jair Bolsonaro, l’a rétabli, dans le cadre du fonds Amazonie brésilien. Le renforcement de la gauche sud-américaine donne l’occasion d’ouvrir une nouvelle page de la géopolitique du climat.</p>
<p>Avec la proposition colombienne de fonds multilatéral pour l’Amazonie renaît un principe offrant un contenu effectif à l’idée de justice climatique. Une telle démarche diplomatique est de nature à crédibiliser encore davantage les propositions émises en la matière depuis cette partie du globe. Souhaitons qu’elles soient entendues, discutées et prises au sérieux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198527/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Par honnêteté intellectuelle, je tiens à souligner que la renaissance de cette initiative m’a été signalée lors d’un colloque sur la souveraineté, tenu à l’IEP de Paris, par Pierre Charbonnier. </span></em></p>Le président colombien a relancé à l’occasion de la COP27 l’idée d’un fonds multilatéral pour l’Amazonie. Une idée prometteuse, qui revient de loin.Pierre-Yves Cadalen, Docteur en science politique - relations internationales, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1889222022-09-12T22:47:29Z2022-09-12T22:47:29ZQuand les singes utilisent la forêt comme pharmacie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/482023/original/file-20220831-22-smr7cf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C5463%2C3628&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un tamarin lion à croupe dorée. </span> <span class="attribution"><span class="source">Olivier Kaisin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Avez-vous déjà vu votre chat ou votre chien manger de l’herbe pour faciliter leur digestion ? C’est ce qu’on appelle de la zoopharmacognosie ou, plus communément, l’automédication animale. Une multitude d’espèces sauvages utilisent des substances naturelles pour prévenir et contrôler les maladies ou pour repousser les parasites.</p>
<p>Cette pratique, qui peut donc avoir des fonctions prophylactiques ou thérapeutiques, rassemble une large variété de comportements, tels que la consommation de plantes médicinales, la géophagie, ou encore l’application de substances sur le corps. Par exemple, plusieurs espèces consomment de la terre afin d’acquérir des minéraux essentiels, mais également pour faciliter leur digestion.</p>
<p>Chez les mammifères, la zoopharmacognosie est bien connue chez les primates, mais est également observée chez les éléphants, les ours, les wapitis, ainsi que plusieurs espèces de carnivores.</p>
<p>Au sein du laboratoire de primatologie de l’Université de l’État de São Paulo (UNESP) au Brésil, notre équipe étudie l’écologie comportementale du tamarin lion à croupe dorée (<em>Leontopithecus chrysopygus</em>). Il s’agit d’un petit primate d’Amérique latine, endémique à la forêt Atlantique Brésilienne et actuellement menacé d’extinction.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482488/original/file-20220902-22-ao60pn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482488/original/file-20220902-22-ao60pn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482488/original/file-20220902-22-ao60pn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482488/original/file-20220902-22-ao60pn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482488/original/file-20220902-22-ao60pn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482488/original/file-20220902-22-ao60pn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482488/original/file-20220902-22-ao60pn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un tamarin lion à croupe dorée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Olivier Kaisin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Un volet de ce projet, qui est le sujet de ma thèse, se concentre sur l’étude des réponses physiologiques et comportementales des tamarins <a href="https://primatology.wixsite.com/unesp-lap/olivier-kaisin">face à la fragmentation et à la baisse de la qualité de leur habitat</a>.</p>
<h2>Une expédition au Brésil</h2>
<p>Sur le terrain, nous suivons plusieurs groupes de tamarins, au sein de différents fragments de la forêt atlantique, afin de récolter des données comportementales et des échantillons de fèces pour les soumettre par la suite à des analyses hormonales. Typiquement, nous nous réveillons à l’aube et suivons les tamarins dès leur sortie du site-dortoir, jusqu’au moment où ils vont dormir, un peu avant le coucher du soleil.</p>
<p>Lors d’un de ces suivis de groupe de tamarins, <a href="https://jornal.unesp.br/2022/05/06/interesse-de-dez-especies-de-mamiferos-por-uma-mesma-variedade-de-arvore-intriga-pesquisadores/">nous avons pu les observer se frotter le corps sur le tronc d’un arbre recouvert de résine</a>. Nous avons pensé de prime abord que les tamarins marquaient leur territoire, un comportement plutôt fréquent chez cette espèce. Mais, nous nous sommes rapidement rendu compte qu’il s’agissait d’autre chose. En effet, les individus du groupe se frottaient collectivement à la région du tronc d’où émanait la résine et s’en enduisaient également la fourrure. Nos premiers réflexes ont été d’enregistrer la scène et de prélever des échantillons de l’écorce et de la résine afin d’identifier l’essence de l’arbre.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Lorsque nous avons ramené l’échantillon d’écorce dans notre famille d’accueil locale, qui nous héberge lors de nos campagnes de terrain, la maîtresse de maison a immédiatement reconnu l’odeur singulière de cet arbre que les locaux nomment cabreúva. En effet, la résine produite par cette essence possède un parfum très boisé avec des tonalités de cannelle, de clou de girofle, de miel et de pin. Notre expert botaniste a par la suite confirmé qu’il s’agissait d’une espèce de cabreúva, <em><a href="https://powo.science.kew.org/taxon/urn:lsid:ipni.org:names:509454-1">Myroxylon peruiferum</a></em>, un arbre bien connu en médecine traditionnelle pour ses vertus cicatrisantes, antibiotiques, anti-inflammatoires et antiparasitaires.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Feuilles de Myroxylum peruiferum" src="https://images.theconversation.com/files/484095/original/file-20220912-20-icu3et.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484095/original/file-20220912-20-icu3et.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484095/original/file-20220912-20-icu3et.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484095/original/file-20220912-20-icu3et.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484095/original/file-20220912-20-icu3et.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484095/original/file-20220912-20-icu3et.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484095/original/file-20220912-20-icu3et.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Feuilles de <em>Myroxylum peruiferum</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikipedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>L’utilisation de cet arbre par les tamarins étant relativement intrigante, nous avons décidé de placer des pièges photographiques au pied des cabreúvas afin d’y enregistrer les futures visites des tamarins. Nous avons installé des pièges photographiques dans trois sites différents : le Parc d’État du Morro do Diabo et dans deux fragments forestiers, à Guareí et Santa Maria. Les enregistrements des pièges photographiques ont étonnamment montré qu’en réalité de nombreux mammifères vivant dans la forêt atlantique visitent les cabreúvas. </p>
<p>Au total, dix espèces différentes ont été observées en train de se frotter ou de lécher la résine s’exsudant du tronc de ces arbres. Parmi celles-ci, plusieurs espèces emblématiques de la biodiversité néotropicale, telles que l’ocelot, le fourmilier à collier, le coati à queue annelée, la martre à tête grise, le pécari à collier ou encore le daguet rouge.</p>
<p>Pour beaucoup de ces espèces, ce fut la première fois qu’un comportement s’apparentant à de l’automédication était observé et décrit. Par exemple, les fourmiliers utilisent leurs griffes imposantes pour éventrer l’écorce et stimuler la sécrétion de résine avant de frotter leur corps contre le tronc mis à nu. Encore plus étonnant, les pécaris se répandent mutuellement de la résine sur leur fourrure, par paire et en tête-bêche. De manière générale, les espèces semblent fréquenter l’arbre spécifiquement pour acquérir cette résine et bénéficier de ses nombreuses vertus. </p>
<p>Bien que des études complémentaires soient nécessaires pour identifier les propriétés de la résine recherchées par les animaux et ainsi confirmer qu’il s’agit bien de zoopharmacognosie, l’utilisation de cette essence en médecine traditionnelle suggère que les mammifères visitent les cabreúvas pour soigner leurs blessures et repousser les parasites. Pour les tamarins lions, l’utilisation de la résine de cabréuva pourrait jouer un rôle important dans la lutte contre la fièvre jaune, une maladie transmise par les moustiques qui décime les populations de primates.</p>
<p>Le cabreúva pourrait donc représenter une pharmacie commune et universelle pour les résidents de la forêt atlantique brésilienne. <em>Myroxylon peruiferum</em> est probablement une ressource précieuse – et disputée – qui pourrait aider les espèces qui l’utilisent à maintenir leurs populations en améliorant leur santé et en augmentant leur succès reproducteur. Cette découverte pourrait avoir un enjeu de conservation important, car la disparition de cette essence dans des fragments de forêt dégradés pourrait nuire à la survie de certaines espèces.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/188922/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Kaisin a reçu un financement du Fond de la Recherche Scientifique belge. Cette étude à été financée par plusieurs organisations brésiliennes: le Coordination for the Improvement of Higher Education Personnel, le Brazilian National Council for Scientific and Technological Development et le São Paulo Research Foundation.</span></em></p>Connaissez-vous la zoopharmacognosie ? Certains animaux utilisent des arbres pour se soigner.Olivier Kaisin, PhD Student, Université de LiègeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1874112022-07-26T21:20:14Z2022-07-26T21:20:14ZDes données inédites sur les interactions entre les mégafeux et le phénomène El Niño<p>Les incendies de forêt sont un phénomène qui touche pratiquement tous les milieux végétalisés de la Terre depuis des millions d’années. Cependant, au cours des dernières décennies, la planète a connu une activité inédite en la matière, avec des dégâts immenses qui ont touché et touchent la Méditerranée, <a href="https://theconversation.com/comment-les-forets-de-yellowstone-se-sont-regenerees-apres-les-terribles-feux-de-1988-187312">l’Amérique du Nord</a> et du Sud, l’Asie du Sud-Est, <a href="https://theconversation.com/images-de-science-les-mega-feux-australiens-144592">l’Australie</a> et même la Sibérie.</p>
<p>Cette année 2022 témoigne déjà de l’impact d’incendies massifs : la superficie totale brûlée en Europe pour la saison des feux de 2022 serait déjà quatre fois supérieure à la moyenne (en prenant la période 2006-2021 comme référence), selon les données du <a href="https://effis.jrc.ec.europa.eu/">Système européen d’information sur les feux de forêt</a> (EFFIS).</p>
<p>En plus de causer des dommages directs aux écosystèmes et aux populations locales, les incendies de forêt entraînent l’émission d’énormes quantités de polluants dans l’atmosphère.</p>
<p>À l’échelle mondiale, les émissions dues aux feux de forêt <a href="https://theconversation.com/ou-sont-passees-les-400-millions-de-tonnes-de-co-rejetees-par-les-incendies-australiens-130323">perturbent le cycle du carbone</a> et induisent un intense <a href="https://www.sciencedirect.com/topics/earth-and-planetary-sciences/climate-forcing">forçage radiatif</a> ; ce terme désigne un déséquilibre dans le bilan radiatif terrestre, soit l’énergie reçue et perdue par le système climatique. Ces émissions influencent aussi la température, les nuages et les précipitations, et entraînent une dégradation de la qualité de l’air dont on estime qu’elle est responsable de 339 000 décès humains par an.</p>
<h2>Mieux prendre en compte les effets des incendies sur le climat</h2>
<p>Ces incendies de forêt représentent aujourd’hui l’un des processus les plus mal compris du système terrestre. Ce que l’on sait, c’est qu’en émettant des <a href="https://theconversation.com/gaz-a-effet-de-serre-50156">gaz à effet de serre</a> et des aérosols (minuscules particules de fumée) affectant le rayonnement dans l’atmosphère, ils provoquent des perturbations du climat mondial comme régional.</p>
<p>Toutefois, l’ampleur de ces effets demeure très incertaine. Les modèles actuellement utilisés pour prédire l’évolution du climat – comme ceux sur lesquels s’appuient les rapports du <a href="https://www.ipcc.ch/">GIEC</a> – n’incluent pas de représentations des effets des incendies de forêt ou le font encore trop imprécisément.</p>
<p>En l’absence de modèles capables de représenter avec précision les influences du changement climatique sur les feux de forêt et, à leur tour, les influences de la pollution générée par les feux de forêt sur le climat – on parlera ici de « rétroactions feu-climat » – les prévisions du changement climatique à venir pourraient souffrir de biais importants.</p>
<h2>Les feux et le phénomène El Niño</h2>
<p>Les émissions dues aux incendies n’ont pas seulement le potentiel d’influencer le climat à long terme, elles peuvent également modifier les conditions météorologiques à court terme dans différentes parties du globe. Il s’agit là encore d’un sujet scientifique mal compris, malgré l’existence de quelques études.</p>
<p>Notre équipe de climatologues de Grèce et du Royaume-Uni a récemment conduit une <a href="https://centreforwildfires.org/news/simulations-show-large-human-made-wildfires-in-indonesia-impact-on-el-nino-weather/">série d’expériences</a> pour tenter d’apporter de nouveaux éléments de compréhension sur cette question.</p>
<p>Ces travaux ont porté sur un ensemble de simulations inédites incluant des événements marqués du phénomène <a href="https://theconversation.com/el-nino-quest-ce-que-cest-47645">El Niño</a> ; ils ont permis de quantifier l’impact des émissions intenses provenant d’incendies de forêt au-dessus de l’Asie équatoriale lors d’épisodes marqués du phénomène El Niño au cours des dernières décennies.</p>
<h2>Des saisons sèches plus longues en Asie</h2>
<p>El Niño est un <a href="https://theconversation.com/el-nino-quest-ce-que-cest-47645">phénomène qui modifie les régimes climatiques</a> dans la région du Pacifique, ainsi que d’autres régions du monde. L’une des conséquences de ces épisodes concerne notamment une saison sèche plus profonde et plus longue en Asie équatoriale. Les impacts sont très importants pour les sociétés de ces zones géographiques.</p>
<p>Lors des récents « grands » épisodes El Niño, comme en 1997 et 2015, ce phénomène s’est combiné à l’expansion du défrichage des terres agricoles, provoquant de vastes incendies dans des zones dominées par la présence de la tourbe. Ces incendies, qui comptent parmi les plus importants de la planète, attirent l’attention des scientifiques et des médias en raison de la couverture de fumée qu’ils produisent dans toute la région pendant plusieurs semaines ; ces épisodes ont un impact sur la santé de millions de personnes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/475176/original/file-20220720-23-3gyxga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="La fumée des feux de forêt plane sur la campagne" src="https://images.theconversation.com/files/475176/original/file-20220720-23-3gyxga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/475176/original/file-20220720-23-3gyxga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/475176/original/file-20220720-23-3gyxga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/475176/original/file-20220720-23-3gyxga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/475176/original/file-20220720-23-3gyxga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/475176/original/file-20220720-23-3gyxga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/475176/original/file-20220720-23-3gyxga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La saison des incendies 2015 en Indonésie a laissé derrière elle une traînée de fumée qui a atteint le monde entier.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nasaearthobservatory/23451153146">NASA/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/24w3Z57IcwY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’air de Singapour pollué par les incendies en Indonésie (vidéo Euronews, septembre 2015).</span></figcaption>
</figure>
<p>La littérature s’est jusqu’à présent concentrée sur l’ampleur de ces émissions de fumée provoquées par El Niño et sur leurs graves répercussions sur la santé. Cependant, il y a eu étonnamment peu de recherches portant sur la rétroaction climatique imputable au forçage radiatif majeur provoqué à cette occasion.</p>
<p><a href="https://centreforwildfires.org/news/simulations-show-large-human-made-wildfires-in-indonesia-impact-on-el-nino-weather/">L’hypothèse des nouveaux travaux</a> est que ces émissions de fumées peuvent influencer de façon radicale les conditions atmosphériques dans le Pacifique occidental et donc modifier le développement du phénomène El Niño lui-même.</p>
<p>C’est la première fois que l’impact des émissions intenses de fumées au-dessus de l’Asie équatoriale sont étudiés dans le cadre de <a href="https://centreforwildfires.org/news/simulations-show-large-human-made-wildfires-in-indonesia-impact-on-el-nino-weather/">simulations climatiques d’une très grande complexité</a>. Celles-ci ont permis aux chercheurs de comparer le développement des événements El Niño avec et sans la présence d’importantes émissions de feux de friches en provenance d’Asie équatoriale ; la saison intense des feux de 1997 a été prise comme cas test.</p>
<h2>L’impact des feux de forêt sur El Niño</h2>
<p>Les résultats suggèrent que les émissions intenses de fumée entraînent un fort réchauffement de l’atmosphère inférieure au-dessus de l’Asie équatoriale, ce qui renforce la convection locale (mouvement ascendant de l’air), la quantité de nuages et les précipitations sur le continent maritime.</p>
<p>Cela a pour effet de déplacer la couverture nuageuse vers l’ouest dans le Pacifique et de renforcer considérablement la <a href="https://www.sciencedirect.com/topics/earth-and-planetary-sciences/walker-circulation">« circulation de Walker »</a>, qui est le schéma typique de circulation de l’air dans la basse atmosphère tropicale. Cela s’oppose à la circulation typique d’El Niño dans le Pacifique (qui correspond à un affaiblissement de la circulation de Walker) et entraîne une rétroaction négative sur l’événement El Niño lui-même.</p>
<p>Les chercheurs ont ainsi constaté que l’événement El Niño est affaibli d’environ 25 % en moyenne en raison des émissions de feux de forêt que l’événement El Niño lui-même produit.</p>
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<h2>Mieux prévoir les épisodes El Niño</h2>
<p>En plus d’être une indication de l’impact climatique que peuvent avoir ces saisons exceptionnelles d’incendies provoquées par El Niño en Indonésie, ces résultats ont également des implications claires pour la prévisibilité d’El Niño.</p>
<p>La prise en compte de l’impact des émissions accrues liées aux incendies de forêt pendant les grands événements El Niño peut influencer de manière significative la progression et l’intensité d’El Niño lui-même.</p>
<p>De manière plus générale, ces résultats ouvrent la voie à d’autres études de ce type pour examiner les implications de la pollution générée par les incendies sur la circulation atmosphérique, les précipitations et les températures, dans diverses régions du monde, à la fois sur des échelles de temps courtes (météo) et longues (climat).</p>
<p>L’amélioration des prévisions météorologiques et climatiques résultant d’une meilleure représentation des incendies de forêt dans les modèles devrait conduire à une prise de décision plus éclairée et à une meilleure qualité des informations météorologiques/climatiques disponibles tant pour les citoyens et que pour les acteurs économiques.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Fonds AXA pour la Recherche a soutenu près de 700 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 38 pays. Pour en savoir plus, consultez le site AXA Research Fund ou suivez-nous sur Twitter @AXAResearchFund.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187411/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Matthew Kasoar a reçu des financements du Leverhulme Trust, par l'intermédiaire du Leverhulme Centre for Wildfires, Environment and Society. Les capacités de modélisation climatique évoquées dans cet article ont été fournies par le Joint Weather and Climate Research Programme, un partenariat stratégique entre le Met Office britannique et le Natural Environment Research Council.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Apostolos Voulgarakis ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les feux de forêt se multiplient, ils demeurent l’un des phénomènes les plus mal compris sur Terre. De nouvelles recherches montrent qu’ils peuvent perturber le climat régional et mondial.Apostolos Voulgarakis, AXA Chair in Wildfires and Climate Director, Laboratory of Atmospheric Environment & Climate Change, Technical University of CreteMatthew Kasoar, Research Associate at the Leverhulme Centre for Wildfires, Environment and Society, Imperial College LondonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1755352022-01-25T19:44:54Z2022-01-25T19:44:54ZComment les forêts tropicales parviennent à se régénérer rapidement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/442467/original/file-20220125-19-1qjc7n5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans le nord-est du Costa Rica, une forêt âgée de 32 ans ayant poussé sur d’anciens pâturages.</span> <span class="attribution"><span class="source">Robin Chazdon</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p><em>Covid-19, urbanisation galopante, péril sur la biodiversité… la forêt apparaît ces dernières années comme le refuge par excellence, un lieu pour retisser des liens avec le vivant, une « nature » en voie de disparition. Dans un monde chahuté, quelle place allons-nous accorder aux forêts, s’interroge cette série. Après un premier épisode sur <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-foret-francaise-a-besoin-dun-traitement-de-fond-177006">l’état des espaces forestiers en France</a> et le rôle clé que peuvent jouer <a href="https://theconversation.com/climat-biodiversite-le-retour-gagnant-des-arbres-champetres-174944">les arbres dans les champs</a>, direction les forêts tropicales pour ce nouvel épisode.</em> </p>
<hr>
<p>Les forêts tropicales comptent parmi les meilleurs outils au monde pour lutter contre le dérèglement climatique et le recul de la biodiversité : elles emmagasinent d’énormes quantités de carbone, abritent des milliers de plantes et d’animaux et constituent le lieu de vie des peuples autochtones qui les entretiennent.</p>
<p>Toutes ces raisons éclairent l’engagement pris lors de la COP26 de Glasgow fin 2021, par plus d’une centaine de dirigeants mondiaux, de <a href="https://www.nytimes.com/2021/11/02/climate/cop26-deforestation.html">mettre fin à la déforestation d’ici à 2030</a>.</p>
<p>De nombreuses organisations et communautés s’efforcent de leur côté de restaurer les forêts en récupérant les terres improductives ou abandonnées pour y mener <a href="https://e360.yale.edu/features/are-huge-tree-planting-projects-more-hype-than-solution">d’ambitieux programmes de reboisement</a>. Ces initiatives visent à encourager le retour des plantes et animaux indigènes, et à rétablir les fonctions et bienfaits écologiques que ces forêts fournissaient jadis.</p>
<p>Pourtant, et cela dans de nombreux cas, ces forêts peuvent se reconstituer naturellement, sans intervention humaine ou presque.</p>
<p>En tant qu’écologistes forestiers et membres d’un <a href="https://www.researchgate.net/project/2ndFOR-Secondary-Forests">réseau de chercheurs spécialisés dans l’étude des forêts dites « secondaires »</a> – c’est-à-dire celles qui repoussent après qu’une zone a été défrichée et cultivée ou pâturée –, nous avons <a href="http://science.org/doi/10.1126/science.abh3629">publié en décembre 2021 une étude dans la revue <em>Science</em></a> où une nouvelle méthodologie nous a permis de recueillir des données sur plus de 2 200 parcelles de forêts à régénération naturelle dans les régions tropicales américaines et ouest-africaines.</p>
<p>Nos recherches montrent que les forêts tropicales se régénèrent étonnamment vite : elles peuvent repousser sur des terres après l’abandon de l’agriculture et retrouver nombre des caractéristiques des forêts anciennes, telles que la fertilité des sols, la structure des arbres et leur écosystème, en l’espace de 10 à 20 ans seulement.</p>
<p>Mais pour soutenir une restauration et une planification efficaces des forêts, il est important de comprendre à quelle vitesse leurs fonctions et attributs se rétablissent.</p>
<h2>La régénération des forêts</h2>
<p>La plupart des forêts actuelles ont repoussé à la suite de perturbations humaines et naturelles (incendies, inondations, exploitation forestière et défrichage pour l’agriculture, etc.). <a href="https://doi.org/10.1016/j.gloenvcha.2004.11.001">Les forêts se sont ainsi « régénérées »</a> aux XVIII<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup> siècles en Europe et dans la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle dans l’est des États-Unis. Dans le nord-est de ce pays, la <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0072540">couverture forestière est plus importante</a> qu’il y a 100 ou 200 ans.</p>
<p>Dans les régions tropicales, les <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1810512116">forêts repoussent</a> sur quelque huit millions de kilomètres carrés d’anciennes terres agricoles et d’élevage. <a href="https://theconversation.com/high-value-opportunities-exist-to-restore-tropical-rainforests-around-the-world-heres-how-we-mapped-them-119508">Les scientifiques</a> et les <a href="https://ukcop26.org/glasgow-leaders-declaration-on-forests-and-land-use/">décideurs</a> s’accordent à dire qu’il est essentiel de protéger ces forêts en régénération, et d’empêcher la destruction et la conversion des forêts anciennes.</p>
<p>Les forêts tropicales ne sont pas seulement constituées d’arbres : ce sont des réseaux complexes et dynamiques de plantes, d’animaux et de microbes. La régénération prend du temps et a souvent des <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1500403112">conséquences imprévisibles et des trajectoires variables</a>. De plus, les modèles de reconstitution des <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.2003405118">forêts tropicales humides</a> diffèrent des forêts sèches.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/wXHmRuit6Js?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les forêts tropicales et leur rôle environnemental. (Cirad, 2021).</span></figcaption>
</figure>
<p>À ce jour, ce domaine de recherche met l’accent sur des études s’intéressant à la manière dont les <a href="http://dx.doi.org/10.1126/sciadv.aau3114">caractéristiques spécifiques des forêts</a>, telles que le nombre d’espèces qu’elles abritent ou la biomasse des arbres, évoluent <a href="https://doi.org/10.1038/nature16512">dans le temps et l’espace</a>. Nous pensons qu’il est important d’appréhender la régénération des forêts comme un processus formant un ensemble cohérent, déterminé par les conditions locales, géographiques et historiques.</p>
<h2>Une vision multidimensionnelle de la reconstitution des forêts tropicales</h2>
<p>Notre étude s’est concentrée sur 12 attributs essentiels aux forêts saines :</p>
<ul>
<li><p>Le sol : quelle quantité de carbone organique et d’azote contient-il, et dans quelle mesure est-il compacté ? Un sol trop compacté (par les sabots du bétail en pâturage, par exemple) est difficile à pénétrer pour les racines des plantes et n’absorbe pas bien l’eau, ce qui peut entraîner une érosion.</p></li>
<li><p>Le fonctionnement de l’écosystème : comment l’abondance et la taille des arbres changent-elles lorsque la forêt repousse ? Quel est le rôle, dans la régénération de la forêt, des arbres dont les racines sont associées à des <a href="https://www.britannica.com/video/186470/overview-nitrogen-fixation">bactéries fixatrices d’azote</a> ? Comment la repousse affecte-t-elle la densité moyenne du bois et la durabilité des tissus foliaires ?</p></li>
<li><p>La structure de la forêt : comment la taille maximale des arbres, la variation de leur taille et la biomasse totale (la quantité de matière végétale au-dessus du sol dans les troncs, les branches et les feuilles des arbres) évoluent-elles au cours de la régénération des forêts ?</p></li>
<li><p>La diversité et la composition des espèces d’arbres : comment le nombre d’espèces d’arbres présentes et les modèles de diversité et d’abondance des espèces changent-ils et deviennent-ils similaires aux forêts anciennes voisines ?</p></li>
</ul>
<p>Afin d’évaluer les taux de reconstitution à long terme, nous avons comparé les attributs des forêts poussant sur des terres agricoles abandonnées à différentes époques et ceux de forêts en régénération aux forêts anciennes environnantes. Nous avons aussi développé un nouveau cadre méthodologique de modélisation pour estimer la vitesse de régénération de chaque attribut.</p>
<p>Plusieurs de ces attributs sont interdépendants. Par exemple, si les arbres repoussent rapidement, ils produisent une grande quantité de litière de feuilles, ce qui rétablit les niveaux de carbone organique dans le sol lorsqu’elles se décomposent. Nous avons analysé ces liens en comparant le degré d’association des attributs forestiers les uns avec les autres.</p>
<h2>La question de l’érosion du sol</h2>
<p>Les forêts que nous avons étudiées se trouvaient dans des zones où l’utilisation des terres était d’intensité faible à modérée, c’est-à-dire là où les sols n’étaient ni épuisés ni érodés, et donc favorables à une repousse rapide de la végétation indigène.</p>
<p>Dans la région de la forêt atlantique du Brésil, par exemple, 2,7 millions d’hectares de forêt ont repoussé naturellement <a href="https://doi.org/10.1111/conl.12709">entre 1996 et 2015</a>. Les forêts tropicales ont beaucoup moins de chances de se reconstituer dans les zones où les <a href="https://doi.org/10.1111/brv.12694">sols sont fortement surexploités et où il ne reste aucune forêt dans les environs</a>.</p>
<p>Tous les attributs forestiers que nous avons examinés se sont régénérés en moins de 120 ans. Certains ont retrouvé 100 % de leurs valeurs passées dans les 20 premières années.</p>
<p>Les attributs du sol que nous avons analysés ont ainsi atteint 90 % des valeurs de l’ancienne forêt en 10 ans, et de 98 à 100 % en 20 ans. En d’autres termes, en deux décennies de repousse, les sols des forêts contenaient pratiquement autant de carbone organique et avaient une densité apparente similaire à ceux des forêts anciennes.</p>
<p>Cette régénération rapide a eu lieu sur des sols qui n’ont pas été fortement dégradés lorsque la forêt a commencé à repousser. Quant aux attributs de la fonction écosystémique, ils se sont aussi régénérés rapidement : de 82 % à 100 % en 20 ans.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/436469/original/file-20211208-136652-1cidxu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique montrant comment les forêts qui repoussent au fil du temps" src="https://images.theconversation.com/files/436469/original/file-20211208-136652-1cidxu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/436469/original/file-20211208-136652-1cidxu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/436469/original/file-20211208-136652-1cidxu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/436469/original/file-20211208-136652-1cidxu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/436469/original/file-20211208-136652-1cidxu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/436469/original/file-20211208-136652-1cidxu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/436469/original/file-20211208-136652-1cidxu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Graphique montrant comment quatre groupes d’attributs forestiers – le sol, le fonctionnement de l’écosystème, la structure de la forêt et la biodiversité des arbres – se rétablissent lorsque les forêts tropicales repoussent sur d’anciennes terres agricoles et de pâturage. Pour chaque catégorie, l’image montre le pourcentage moyen de récupération par rapport aux forêts anciennes après 20, 40, 80 et 120 ans. Les pourcentages dans les carrés noirs montrent la récupération moyenne pour l’ensemble de la forêt à chaque intervalle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://science.org/doi/10.1126/science.abh3629">Pixels&Ink</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Taille des arbres et nombres d’espèces</h2>
<p>Les attributs de la structure forestière, tels que le diamètre maximal des arbres, se sont rétablis plus lentement. En moyenne, ils ont atteint 96 % des valeurs de l’ancienne forêt après 80 ans de repousse. La composition des espèces d’arbres et la biomasse aérienne se sont, quant à elles, rétablies au bout de 120 ans.</p>
<p>Nous avons identifié trois attributs – taille maximale des arbres, variation globale de la taille des arbres et nombre d’espèces d’arbres dans une forêt – qui, pris dans leur ensemble, fournissent un instantané fiable du degré de régénération d’une forêt.</p>
<p>Ces trois indicateurs sont relativement faciles à mesurer, et les gestionnaires peuvent les utiliser pour suivre la restauration des forêts. Il est désormais possible de surveiller la taille des arbres et la structure des forêts sur de vastes zones et à des échelles de temps très variables, grâce aux données recueillies par les <a href="https://doi.org/10.1111/btp.12814">satellites et les drones</a>.</p>
<h2>L’importance de la régénération naturelle</h2>
<p>Nos résultats montrent que la repousse des forêts tropicales est une stratégie naturelle, efficace et peu coûteuse, pour <a href="https://sdgs.un.org/goals">promouvoir le développement durable</a>, <a href="https://www.decadeonrestoration.org/">restaurer les écosystèmes</a>, <a href="https://ukcop26.org/">ralentir le dérèglement climatique</a> et <a href="https://www.cbd.int/">protéger la biodiversité</a>.</p>
<p>Et puisque les forêts qui repoussent dans des zones où la terre n’a pas été fortement endommagée récupèrent rapidement nombre de leurs attributs clés, la reconstitution des forêts ne passe pas nécessairement par la plantation d’arbres.</p>
<p>Plusieurs méthodes de reboisement adaptées aux conditions des sites et des besoins de la population locale peuvent être mises en œuvre. Nous préconisons de s’appuyer sur la repousse naturelle dès que cela est possible, et de ne recourir aux mesures de reboisement que lorsque cela est nécessaire.</p>
<hr>
<p><em><a href="https://scholar.google.com/citations?user=pSO5IukAAAAJ&hl=en">Masha van der Sande</a> (Wageningen University, Pays-Bas) et <a href="https://scholar.google.com/citations?user=rz2vROgAAAAJ&hl=en">Dylan Craven</a> (Universidad Mayor, Chili) ont collaboré à la compilation et à l’analyse des données sur lesquelles s’appuie cet article.</em></p>
<p><em>Traduit de l’anglais par Karine Degliame-O’Keeffe pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast ForWord</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175535/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Robin Chazdon est consultante auprès du World Resources Institute’s Global Restoration Initiative. Elle a reçu des financements du US National Science Foundation, NASA Terrestrial Ecology Program, the University of Connecticut, The Andrew W. Mellon Foundation et the Blue Moon Foundation pour soutenir sa recherche de terrain sur la régénération des forêts au Costa Rica.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Bruno Hérault a reçu des financements du Fonds français pour l’environnement mondial (projet Terri4Sol), de DeSIRA le programme européen pour le développement intelligent de l’innovation par la recherche en agriculture (projet Cocoa4Future) et du Fonds compétitif ivoirien pour l’innovation agricole durable (projet ForestInnov).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Catarina Conte Jakovac a reçu des financements du Cnpq dans le cadre du programme SinBiose pour la synthèse sur la biodiversité et les services écosystémiques. Elle fait partie de l’équipe de coordination du réseau 2ndFOR sur les forêts secondaires ; elle est membre de l’organisation de la société civile Alliance for Restoration in the Amazon.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lourens Poorter a reçu des financements du European Research Council (ERC Advanced Grant 834775) et de the Netherlands Organization for Scientific Research (NWO-ALW.OP24). Il est l’un des coordinateurs du réseau de recherche 2ndFOR sur les forêts secondaires.</span></em></p>Une étude publiée en décembre 2021 met en lumière une alternative efficace et peu coûteuse au reboisement massif : laisser les forêts tropicales repousser naturellement.Robin Chazdon, Professor Emerita of Ecology and Evolutionary Biology, University of ConnecticutBruno Hérault, Tropical Forest Scientist, Forests & Societies Research Unit, CiradCatarina Conte Jakovac, Associate professor of Plant Science, Universidade Federal de Santa Catarina (UFSC)Lourens Poorter, Professor of Functional Ecology, Wageningen UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1711962021-11-10T14:28:19Z2021-11-10T14:28:19ZL’accord sur la déforestation est essentiel pour ralentir le changement climatique, mais le Canada doit faire plus<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/430560/original/file-20211105-9897-1eax8pv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3909%2C2896&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les dirigeants mondiaux se sont déjà entendus pour faire cesser la déforestation, mais l'engagement est resté sans suite.</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Michael Probst)</span></span></figcaption></figure><p>Lors de la <a href="https://www.un.org/fr/un-climate-change-conference-cop-26">conférence des Nations unies sur le climat à Glasgow (COP26)</a>, le Canada, ainsi que plus de 100 autres pays, se sont engagés à <a href="https://www.france24.com/fr/plan%C3%A8te/20211102-%C3%A0-la-cop26-plus-de-100-dirigeants-promettent-de-stopper-la-d%C3%A9forestation-d-ici-2030">mettre fin à la déforestation d’ici 2030</a> pour préserver les forêts. Celles-ci jouent un rôle clé dans l’absorption du dioxyde de carbone et le ralentissement du réchauffement de la planète.</p>
<p>Les forêts <a href="https://carbonconnections.bscs.org/unit-2/2.3-the-breathing-biosphere/">sont les poumons de la planète</a>. Elles absorbent de grandes quantités de dioxyde de carbone et le retiennent dans les arbres et le sol. C’est grâce à ces processus que notre planète est aujourd’hui habitable et que, plus récemment, les impacts de notre dépendance aux combustibles fossiles ont été atténués.</p>
<p>En tant que scientifiques des écosystèmes, nous considérons que cet engagement à mettre fin à la déforestation a un fort potentiel. Ce n’est toutefois pas une idée nouvelle. Lors d’un <a href="https://www.un.org/press/fr/highlights/climatesummit2014">sommet des Nations unies sur le climat en 2014</a>, plusieurs de ces mêmes pays ont convenu de <a href="https://news.un.org/en/story/2014/09/478312-governments-corporations-pledge-un-summit-eliminate-deforestation-2030">mettre fin à la déforestation d’ici 2030</a>. C’était un objectif ambitieux, <a href="https://forestdeclaration.org/wp-content/uploads/2021/08/2020NYDFGoal1.pdf">qui est restés sans suite jusqu’à présent</a>. La disparition des forêts a au contraire augmenté de plus de 40 % depuis l’accord.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="des piles de bûches sont empilées dans un paysage stérile" src="https://images.theconversation.com/files/430083/original/file-20211103-23-1eizvxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/430083/original/file-20211103-23-1eizvxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/430083/original/file-20211103-23-1eizvxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/430083/original/file-20211103-23-1eizvxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/430083/original/file-20211103-23-1eizvxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/430083/original/file-20211103-23-1eizvxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/430083/original/file-20211103-23-1eizvxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les activités d’exploitation des sables bitumineux près de Fort McMurray, en Alberta, ont perturbé la forêt boréale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Julia Kilpatrick/Pembina Institute)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les engagements actuels de la COP26 sont toutefois moins ambitieux : les pays visent uniquement <a href="https://theconversation.com/deforestation-why-cop26-agreement-will-struggle-to-reverse-global-forest-loss-by-2030-170902">à mettre fin à la « déforestation nette »</a>, ce qui signifie que l’exploitation et le déboisement peuvent se poursuivre à la condition que la reforestation (replantation d’arbres) suive le rythme. Cette approche part du principe fallacieux que les nouvelles forêts jouent le même rôle que les anciennes. Cela dit, un progrès majeur découlant de l’engagement de la COP26 consiste à se concentrer sur l’amélioration du développement durable dans les secteurs qui ont traditionnellement mené à la déforestation.</p>
<p>Néanmoins, le Canada a encore du pain sur la planche s’il souhaite réaliser des progrès significatifs au regard de ce nouvel engagement, et éviter de se retrouver dans une situation où ses forêts continuent de disparaître. Le Canada doit trouver un moyen de protéger ses forêts naturelles, c’est-à-dire celles qui n’ont pas encore été touchées par l’exploitation forestière, l’exploitation minière ou d’autres activités humaines. Ces forêts vierges sont les mieux placées pour assurer les principaux avantages écosystémiques, notamment le stockage du carbone.</p>
<h2>Les forêts ralentissent le réchauffement climatique</h2>
<p>Les forêts absorbent le dioxyde de carbone (photosynthèse) et le libèrent (respiration). Cette absorption et cette libération sont équilibrées et déterminent l’importance du « puits de carbone » des forêts, c’est-à-dire la quantité de carbone qui y est stockée. Parallèlement à l’absorption du dioxyde de carbone, les forêts perdent de l’eau par leurs feuilles (transpiration). La déforestation influe sur ces processus et peut produire de fortes rétroactions sur le système climatique.</p>
<p>La déforestation a une incidence sur le cycle mondial du carbone – le transfert de carbone entre l’atmosphère et la surface de la planète et vice-versa – puisqu’elle élimine de grandes quantités de carbone stocké dans les arbres et augmente les pertes de carbone piégé dans le sol. <a href="https://earth.org/deforestation-in-russia/">Si les régions déboisées ne se régénèrent pas</a>, la <a href="https://doi.org/10.1029/2010JG001585">capacité d’absorption du dioxyde de carbone s’en trouvera également réduit à l’avenir</a>.</p>
<p>La disparition de grandes étendues de forêts intactes peut avoir des conséquences importantes sur l’eau aux niveaux local et régional. La déforestation <a href="https://ameriflux.lbl.gov/note-from-the-flux-site-trends-in-evaporation/">risque de réduire la formation de nuages et donc les précipitations</a>), aggravant ainsi le risque ou la durée des périodes de sécheresse à des endroits qui subissent déjà les effets du réchauffement climatique.</p>
<h2>Comment interpréter l’engagement du Canada</h2>
<p>Le Canada est constitué de certaines des forêts les plus riches en carbone de la planète. Les forêts boréales <a href="https://doi.org/10.1016/j.gloplacha.2015.02.004">renferment en moyenne plus de carbone que leurs homologues tropicales</a>. Pourtant, la taille de l’exploitation forestière et des autres activités d’extraction menées dans les forêts boréales du Canada est considérable. Il ressort des données de télédétection recueillies que les <a href="https://doi.org/10.1016/j.rse.2017.03.035">activités forestières ont touché 650 000 hectares</a> (1,6 million d’acres) de forêts par an entre 1985 et 2010.</p>
<p>Cela implique que les décisions de gestion des terres et le reboisement des paysages perturbés dans la région boréale du Canada peuvent jouer un rôle important dans les efforts d’adaptation et d’atténuation du climat du pays. Mais trois défis majeurs doivent être envisagés dans la planification, la mise en œuvre et la comptabilisation pour permettre au Canada d’atteindre ou, idéalement, de dépasser les ambitions de son engagement à mettre fin à la déforestation nette pris lors de la COP26.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un insecte noir sur un morceau de bois" src="https://images.theconversation.com/files/430071/original/file-20211103-23-589kwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/430071/original/file-20211103-23-589kwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/430071/original/file-20211103-23-589kwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/430071/original/file-20211103-23-589kwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/430071/original/file-20211103-23-589kwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/430071/original/file-20211103-23-589kwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/430071/original/file-20211103-23-589kwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un insecte dendroctone du pin à l’intérieur d’un morceau d’écorce d’un arbre abattu par le dendroctone du pin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Dan Elliott)</span></span>
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</figure>
<h2>1) La disparition des forêts au Canada est un problème complexe</h2>
<p>Au Canada, le réchauffement climatique attribuable à des activités humaines modifie profondément la fréquence et l’étendue des phénomènes de perturbation naturelle, notamment les incendies ou les insectes. Plus précisément, les pertes de forêts boréales <a href="https://slunik.slu.se/kursfiler/MX0119/30149.1718/Gauthier_et_al_2015.pdf">dues aux incendies de forêt, au dégel du pergélisol, à la sécheresse et aux infestations par les insectes ravageurs se multiplient</a>. Ces pertes de forêts se produisent en plus de la récolte forestière et du défrichement, et continueront de s’intensifier à mesure que le réchauffement climatique progresse.</p>
<p><a href="https://naturecanada.ca/wp-content/uploads/2021/10/Missing-the-Forest.pdf">Selon un récent rapport de Nature Canada</a>, une association qui milite pour la protection des habitats et des espèces, ces bouleversements naturels sont largement ignorés dans les calculs de carbone forestier du Canada, ce qui peut entraîner une sous-estimation des émissions de carbone forestier du Canada d’un ordre de grandeur.</p>
<p>Bon nombre de ces terres forestières perturbées peuvent se rétablir naturellement, mais rien ne le garantit. Il est de plus en plus évident que la <a href="https://doi.org/10.1111/gcb.15913">forêt boréale deviendra moins résiliente face au réchauffement climatique</a> et <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.2024872118">aux perturbations qui en découlent</a>.</p>
<p>Nous ne pourrons peut-être pas compter sur le rétablissement complet des forêts et de leur rôle comme nous l’avons fait dans le passé. Nous devons tenir compte de ces changements causés par l’humain et associés au climat, en plus de l’exploitation forestière et du déboisement, de manière honnête et transparente.</p>
<h2>2. Le stockage souterrain est un processus lent</h2>
<p>Dans les forêts boréales, <a href="https://doi.org/10.1038/s41558-020-00920-8">80 à 90 % du carbone est stocké sous terre</a>, contrairement à la plupart des autres écosystèmes forestiers, où le carbone est stocké dans les arbres. La récupération du carbone dans les forêts boréales ne se fait pas rapidement, et ne consiste pas non plus à replanter des arbres là où le déboisement et/ou la dégradation des sols ont eu lieu.</p>
<p>Au contraire, cela nécessite le rétablissement plutôt lent des processus qui favorisent l’accumulation de tourbe et les importants réservoirs de carbone souterrains qui sont typiques des paysages boréaux. <a href="https://theconversation.com/how-scientists-are-restoring-boreal-peatlands-to-help-keep-carbon-in-the-ground-145290">Ces moyens de restauration sont en plein développement, et certains succès ont été réalisés</a>.</p>
<p>Il est extrêmement important et urgent de protéger de manière ciblée les régions qui possèdent de profonds dépôts de tourbe. Parmi les endroits les plus riches en carbone au Canada, on trouve l <a href="https://storymaps.arcgis.com/stories/9bcd881f35f14f75a8c0ffc9cd2765ec">e bassin du fleuve Mackenzie et les basses terres de la baie d’Hudson, des régions qui sont également riches en ressources naturelles</a>.</p>
<h2>3. La déforestation est liée aux industries extractives</h2>
<p>L’exploitation minière, la foresterie, l’hydroélectricité, le pétrole et le gaz sont au cœur de l’économie canadienne. L’engagement pris par le gouvernement Trudeau lors de la COP26 ne mettra pas fin à ces activités et ne protégera pas les forêts anciennes du Canada.</p>
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<img alt="Une colline boisée où manque une grande section d’arbres" src="https://images.theconversation.com/files/430078/original/file-20211103-21-1hfoiv8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/430078/original/file-20211103-21-1hfoiv8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=265&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/430078/original/file-20211103-21-1hfoiv8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=265&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/430078/original/file-20211103-21-1hfoiv8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=265&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/430078/original/file-20211103-21-1hfoiv8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=333&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/430078/original/file-20211103-21-1hfoiv8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=333&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/430078/original/file-20211103-21-1hfoiv8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=333&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une coupe à blanc d’une forêt ancienne près de Port Renfrew, en Colombie-Britannique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Tj Watt/Flickr)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cet engagement du Canada exige seulement que le couvert forestier net se maintienne constant, et le reboisement des forêts exploitées est déjà une pratique répandue dans une grande partie du Canada. Cependant, il existe de nombreuses preuves de l’impact de <a href="https://doi.org/10.1139/er-2013-0075">ces activités extractrices sur les avantages et les services fournis par les forêts du Canada</a>. Par exemple, les routes et les lignes sismiques liées à l’exploitation forestière, pétrolière et gazière <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-019-10762-4">intensifient la perte de carbone</a> et fragmentent le paysage, ce qui <a href="https://dx.doi.org/10.1371%2Fjournal.pone.0195480">entraîne le déclin d’espèces comme le caribou boréal</a>.</p>
<p>Le Canada doit absolument poursuivre le reboisement et accorder la priorité à la protection de ses forêts primaires intactes si l’on veut s’assurer que cet engagement ait un impact significatif. Il faut souhaiter que le gouvernement Trudeau profite de cet engagement pour passer rapidement du secteur de l’extraction à des activités économiques plus durables, et qu’il harmonise ces mesures aux objectifs de conservation et de réconciliation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171196/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Mettre fin à la déforestation présente un grand potentiel, mais le Canada a du pain sur la planche s’il veut atteindre ce nouvel objectif et faire cesser la perte continue de forêts et de carbone.Jennifer Baltzer, Associate Professor and Canada Research Chair in Forests and Global Change, Wilfrid Laurier UniversityOliver Sonnentag, Associate Professor and Canada Research Chair in Atmospheric Biogeosciences in High Latitudes, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1693922021-10-07T18:13:49Z2021-10-07T18:13:49Z« Défis globaux… solutions locales » : Du Brésil au Cameroun, deux initiatives pour des paysages forestiers durables<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/425246/original/file-20211007-23-1gieef8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Marché du bois à Yaoundé (Cameroun). </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/cifor/35891507905/in/photolist-WFBmRP-WBZuLY-WBY4gG-Vs5zWT-WFyrc8-2e9cvyq-WPnjDb-Vs7bM2-2ff6z2x-2dRe4s6-Wu1q1g-VpoUaQ-WBX5fY-W6id2u-W6kYNu-W6jdGW-WqBTP7-WqBtc1-WBZUQj-WqAbWN-XjQF61-XwekdV-MFFJkg-WuT4Xv-XJAdox-WPng2G-XQ3Eiy-2a3X1QK-XQ2HB9-Y64BAv-XtuS6q-WRBjCD-WPniD5-2bnbtTs-WPnH6A-WC2xBy-WPn9aL-W6myiq-2akY1Rb-WBWkoW-WszC93-WC33mh-X8mBYw-Xu4dah-Y67BeT-XSLWhv-W6j5xE-WPnhc7-XSFnuB-WFCrJc">Ollivier Girard/CIFOR</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p><em><strong>In extenso</strong>, des podcasts en séries pour faire le tour d’un sujet.</em></p>
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<iframe src="https://embed.acast.com/601af61a46afa254edd2b909/615db2dcf168f200155361ee" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<p><iframe id="tc-infographic-569" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/569/0f88b06bf9c1e083bfc1a58400b33805aa379105/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
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<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
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<p>Que ce soit la lutte contre le réchauffement climatique ou la protection de la biodiversité, les défis environnementaux de notre époque impressionnent souvent par leur ampleur et leur caractère systémique. Il peut alors être bon de partir sur le terrain pour voir comment des équipes de recherche tentent de répondre concrètement à de tels enjeux.</p>
<p>C’est l’objectif de notre série « Défis globaux… solutions locales ! », réalisée en partenariat avec le <a href="https://www.cirad.fr/">Cirad</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/425256/original/file-20211007-22785-c0eo5r.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/425256/original/file-20211007-22785-c0eo5r.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/425256/original/file-20211007-22785-c0eo5r.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/425256/original/file-20211007-22785-c0eo5r.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/425256/original/file-20211007-22785-c0eo5r.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/425256/original/file-20211007-22785-c0eo5r.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/425256/original/file-20211007-22785-c0eo5r.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">À Paragominas, dans l’État du Pará au Brésil.</span>
<span class="attribution"><span class="source">R.Poccard-Chapuis/Cirad</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans ce premier épisode, nous rejoignons le Brésil puis le Cameroun pour évoquer la lutte contre la déforestation et la gestion durable des forêts. Ces deux pays abritent en effet parmi les plus vastes bassins forestiers de la planète.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/425258/original/file-20211007-8001-14z88fv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/425258/original/file-20211007-8001-14z88fv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/425258/original/file-20211007-8001-14z88fv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/425258/original/file-20211007-8001-14z88fv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/425258/original/file-20211007-8001-14z88fv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/425258/original/file-20211007-8001-14z88fv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/425258/original/file-20211007-8001-14z88fv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/425258/original/file-20211007-8001-14z88fv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Brésil.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Google Maps</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Marie-Gabrielle Piketty, économiste et directrice du <a href="https://www.cirad.fr/dans-le-monde/cirad-dans-le-monde/projets/projet-terramaz">projet TerrAmaz</a>, détaille les travaux conduits à Paragominas, dans l’État du Pará au Brésil (Nord), une zone hier frappée par une déforestation massive.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/425259/original/file-20211007-25-2c6lls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/425259/original/file-20211007-25-2c6lls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/425259/original/file-20211007-25-2c6lls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/425259/original/file-20211007-25-2c6lls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/425259/original/file-20211007-25-2c6lls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/425259/original/file-20211007-25-2c6lls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=672&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/425259/original/file-20211007-25-2c6lls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=672&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/425259/original/file-20211007-25-2c6lls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=672&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Cameroun.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Guillaume Lescuyer, chercheur en socioéconomie, évoque de son côté les actions menées au Cameroun pour faire <a href="https://ur-forets-societes.cirad.fr/en/news/comment-convaincre-les-camerounais-d-acheter-du-bois-legal">émerger une filière de bois légale</a> dans ce pays d’Afrique centrale.</p>
<hr>
<p><em>Crédits : Conception, Jennifer Gallé. Réalisation, Romain Pollet. Chargé de production, Rayane Meguenni</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169392/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le projet TerrAmaz reçoit des financements de l’Agence française de développement. Les opinions exprimées par Marie-Gabrielle Piketty ne doivent pas être considérées comme reflétant l’avis de cette agence.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Guillaume Lescuyer a reçu des financements du programme FAO-UE FLEGT et du FFEM pour faciliter ses recherches sur ce domaine. Ses opinions ne peuvent en aucun cas être considérées comme reflétant l'avis officiel de ces organismes.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jennifer Gallé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Rencontre avec Marie-Gabrielle Piketty et Guillaume Lescuyer, chercheurs au Cirad, pour évoquer concrètement la lutte contre la déforestation et la préservation des espaces forestiers.Marie-Gabrielle Piketty, Docteure en économie, spécialiste de l'Amazonie, CiradGuillaume Lescuyer, Docteur en socio-économie, CiradJennifer Gallé, Cheffe de rubrique Environnement + Énergie, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1646372021-09-02T17:55:45Z2021-09-02T17:55:45ZCouper moins et laisser reposer : une nouvelle gestion des forêts tropicales s’impose<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/412096/original/file-20210720-23-2ic3ek.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=121%2C96%2C4146%2C2619&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Transport de grumes en Amazonie brésilienne.</span> <span class="attribution"><span class="source">Plinio Sist</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Depuis plusieurs décennies, les équipes du <a href="https://theconversation.com/institutions/cirad-2208">Cirad</a> et leurs partenaires effectuent un suivi des forêts tropicales humides pour observer leur dynamique après exploitation.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/405051/original/file-20210608-28272-cmsdry.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/405051/original/file-20210608-28272-cmsdry.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/405051/original/file-20210608-28272-cmsdry.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/405051/original/file-20210608-28272-cmsdry.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/405051/original/file-20210608-28272-cmsdry.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/405051/original/file-20210608-28272-cmsdry.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/405051/original/file-20210608-28272-cmsdry.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/405051/original/file-20210608-28272-cmsdry.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les différents types de forêts dans le monde.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.museo-editions.com/product-page/vivre-avec-les-for%C3%AAts-tropicales">Cirad</a></span>
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<p>Les forêts tropicales humides couvrent actuellement 1070 millions d’hectares (Mha) dans le monde ; plus de 90 % d’entre elles se situent dans trois régions : en Afrique centrale, dans le bassin du Congo (200 millions ha) ; en Amérique du Sud, Amazonie principalement (582 Mha) ; en Asie du Sud-Est, en Indonésie, Malaisie et Papouasie (190 Mha).</p>
<p>On estime que 400 millions d’hectares de ces forêts sont officiellement attribués à la production de bois d’œuvre – on désigne ainsi le bois utilisé comme matériau de construction ou pour fabriquer une multiplicité de produits – par les États.</p>
<h2>Une gestion « durable » qui ne l’est pas assez</h2>
<p>Or il apparaît aujourd’hui que les règles d’exploitation de ce bois d’œuvre – règles fixées actuellement par la plupart des législations forestières sur des critères d’intensité de coupe et durée des rotations – ne permettent pas une reconstitution durable sur le long terme du stock de bois prélevé <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1755-263X.2012.00242.x">dans ces écosystèmes</a>.</p>
<p>Ce constat remet en question les fondements de la gestion dite « durable » qui prévaut aujourd’hui… et annonce une dégradation accrue des dernières forêts tropicales humides de production. Il devient ainsi urgent d’anticiper de nouvelles sources de bois d’œuvre : les forêts naturelles ne pourront pas, à elles seules, répondre à la demande actuelle et future.</p>
<p>Les principes de la sylviculture tropicale et la place des forêts naturelles tropicales de production sont également à revoir complètement. Dans ce contexte, les programmes de restauration constituent une opportunité à saisir.</p>
<h2>Des rotations pour reconstituer les stocks</h2>
<p>Contrairement aux idées reçues, l’exploitation de bois d’œuvre en forêt tropicale ne concerne qu’un très faible nombre d’arbres d’intérêt commercial : un à trois arbres par hectare en Afrique, cinq à sept en Amazonie, plus de huit en Asie du Sud-est.</p>
<p>Elle est d’ailleurs dite « sélective » : seules quelques espèces – comme l’ipé ou le cumaru en Amazonie, les mérantis en Asie du Sud-Est ou encore l’okoumé et le sapelli en Afrique centrale – sont exploitées.</p>
<p>En pratique, seuls les arbres les plus imposants – de plus de 50 à 80 cm de diamètre – sont abattus et récoltés. La forêt est alors laissée en repos, en général <a href="https://www.museo-editions.com/product-page/vivre-avec-les-for%C3%AAts-tropicales">entre 25 et 35 ans</a> selon la législation du pays.</p>
<p>Ces périodes de repos appelées « rotation » doivent théoriquement permettre à la forêt de reconstituer le stock de bois exploité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1385043137584898052"}"></div></p>
<p>Les <a href="https://www.museo-editions.com/product-page/vivre-avec-les-for%C3%AAts-tropicales">données de suivis de la reconstitution</a> de ce stock montrent qu’en réalité ces périodes fixées par les législations forestières sont largement sous-estimées et dépendent essentiellement de l’intensité de prélèvement et du nombre d’espèces considérées comme commerciales (c’est-à-dire pour lesquelles il y a un marché porteur).</p>
<h2>Des temps de récupération trop courts</h2>
<p>Dès le début des années 1980, le Cirad et ses partenaires ont mis en place des dispositifs de suivi de la dynamique forestière tropicale, afin d’évaluer les effets de l’exploitation sélective sur la reconstitution du stock de bois.</p>
<p>La plupart de ces dispositifs sont aujourd’hui réunis <a href="https://tmfo.org/">au sein de l’observatoire TmFO</a> (Tropical managed Forest Observatory).</p>
<p>Accumulées depuis plus de trente ans, ces informations permettent aujourd’hui de simuler les trajectoires des forêts tropicales humides exploitées selon l’intensité d’exploitation, mais aussi d’autres variables – comme la pluviométrie ou le type de sol.</p>
<p>Il a été ainsi possible de calculer la reconstitution de la biomasse, du volume commercial et l’évolution de la biodiversité à l’échelle du bassin amazonien et de mettre en évidence des <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ab195e">différences notables</a> au sein d’une même région.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/412097/original/file-20210720-25-1n0l5mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/412097/original/file-20210720-25-1n0l5mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/412097/original/file-20210720-25-1n0l5mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/412097/original/file-20210720-25-1n0l5mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/412097/original/file-20210720-25-1n0l5mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/412097/original/file-20210720-25-1n0l5mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/412097/original/file-20210720-25-1n0l5mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Forêts de colline à Bornéo (Indonésie).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Plinio Sist</span></span>
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<p>Ces données montrent, d’une façon générale, que les durées de rotation de 25-35 ans en vigueur dans la plupart des pays tropicaux sont largement insuffisantes pour reconstituer totalement le volume de bois prélevé, et que la reconstitution du stock de bois prélevé ne dépasse pas 50 %, 30 ans après la première exploitation.</p>
<p>En revanche, la biodiversité et la biomasse semblent se reconstituer <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1755-263X.2012.00242.x">assez rapidement, en 20-25 ans</a> ; la biodiversité demeure, à plus de 80 %, celle d’avant exploitation.</p>
<h2>Au Brésil, diviser la récolte par deux</h2>
<p>En Amazonie brésilienne, la législation actuelle repose sur un cycle de 35 ans, avec une intensité d’exploitation située entre 15 et 20 m<sup>3</sup> par hectare et une proportion initiale d’espèces commerciales de 20 %.</p>
<p>À ce rythme, et en considérant une surface d’exploitation de 35 millions d’hectares, le niveau de production ne pourra pas se maintenir au-delà d’un cycle d’exploitation, soit 35 ans, puis déclinera chaque année jusqu’à déplétion des ressources.</p>
<p>Seule une réduction de moitié de l’intensité d’exploitation et un cycle de rotation de 65 ans permettrait une production durable et constante de bois d’œuvre ; dans cette situation toutefois, seuls <a href="https://www.cirad.fr/espace-presse/communiques-de-presse/2021/durabilite-des-concessions-forestieres-bresiliennes">31 % de la demande actuelle</a> pourraient être satisfaits…</p>
<h2>40 % du stock reconstitué après 25 ans</h2>
<p>En Asie du Sud-Est, la durée de rotation est de 20 à 30 ans et les intensités d’exploitation en forêt primaire, en moyenne de 80m3/ha, peuvent dépasser 100m3/ha.</p>
<p>Or, les données du suivi de la dynamique forestière indiquent que seule une <a href="https://www.cifor.org/knowledge/publication/1409">intensité de 60m3/ha tous les 40 ans</a> assurerait une production durable et constante au cours du temps.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1303086821904130050"}"></div></p>
<p>Enfin, en Afrique centrale, la reconstitution du stock de bois prélevé 25 ans après exploitation est de seulement 40 %, laissant présager une reconstitution <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rstb.2012.0302">d’à peine 50 % sur une durée de rotation de 30 ans</a>.</p>
<h2>Baisser l’intensité d’exploitation, prolonger les rotations</h2>
<p>Le principal dogme de la sylviculture tropicale, bâtie il y a plus d’un demi-siècle, laisse à penser que les forêts naturelles tropicales seraient capables de produire de façon soutenue et durable du bois d’œuvre ; à la lumière de nos résultats, cette position doit être totalement révisée.</p>
<p>En effet, le suivi des forêts tropicales après exploitation montre que celles-ci ne pourront pas à elles seules répondre à la demande de bois croissante du marché d’ici 30 ans, selon les règles établies par la plupart des législations forestières des pays tropicaux.</p>
<p>Dans la grande majorité des cas, la durabilité exige de réduire considérablement l’intensité d’exploitation et d’augmenter significativement la durée des rotations ; ce qui compromet malheureusement, dans le système actuel, la durabilité économique de l’exploitation sélective.</p>
<h2>Valoriser les services rendus par les forêts</h2>
<p>Les forêts naturelles tropicales ne peuvent plus être perçues comme une simple source de bois d’œuvre : les services environnementaux qu’elles produisent méritent d’être également pris en compte.</p>
<p>On pourrait, par exemple, envisager de fixer un prix du bois d’œuvre issu de forêts naturelles plus élevé que celui issu de plantations, avec des utilisations adaptées à la qualité supérieure de leur bois en comparaison avec les bois produits en plantations – et pouvant donc faire l’objet d’usages moins nobles.</p>
<p>Ce prix plus élevé permettrait alors d’accroître la rentabilité économique de l’exploitation de bois d’œuvre en forêt naturelle.</p>
<p>Il est ainsi urgent de mettre en œuvre dès maintenant une sylviculture tropicale diversifiée, alliant production de bois d’œuvre issue de forêts naturelles, de plantations mixtes, d’agroforêts (terme désignant des systèmes forestiers complexes créés par les humains, dotés d’une structure multistrate de la végétation et d’un fonctionnement écologique similaire aux forêts naturelles) et de forêts secondaires (se régénérant sur des zones déboisées laissées à l’abandon).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Ry-v6BhS4AU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">The Bonn Challenge (IUCN, International Union for Conservation of Nature/Youtube, 29 janvier 2014).</span></figcaption>
</figure>
<p>Le récent engouement pour la restauration forestière dans le cadre du <a href="https://www.bonnchallenge.org/">défi de Bonn</a>, ou la toute récente proclamation de la <a href="https://www.un.org/press/fr/2019/ag12124.doc.htm">décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes</a> (2021-2030), sont autant d’opportunités à saisir pour mettre en œuvre cette nouvelle approche sylvicole en région tropicale.</p>
<p>Cependant, aucun nouveau système de sylviculture visant une production de bois durable ne saurait être mis en place avec succès sans le déploiement de politiques volontaires et efficaces de lutte contre l’exploitation illégale et la déforestation, qui continuent à fournir le marché du bois à moindres coûts et concurrencent tout système d’exploitation visant la durabilité à long terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/164637/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Plinio Sist est coordinateur du réseau TmFO (Tropical managed Forests Observatory) qui s’intéresse à la résilience des forêts tropicales exploitées dans le but de formuler des recommandations pour une sylviculture durable.TmFO est régi par un mémorandum d’accord signé par 18 institutions de recherche forestière. TmFO compte aujourd’hui 32 sites expérimentaux répartis sur 12 pays de trois continents (Amazonie, Bassin du Congo et Asie du Sud-Est) et regroupant au total 639 parcelles forestières représentant une surface totale inventoriée de 1258 hectares. Ce réseau est financé par le Cirad, le programme Forests Trees and Agroforestry du CGIAR et le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères français en appui à l’Alliance pour la préservation des forêts tropicales humides.</span></em></p>Les règles d’exploitation en vigueur ne permettent pas une reconstitution durable du stock de bois prélevé.Plinio Sist, Écologue des forêts tropicales, CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1630612021-06-21T18:37:50Z2021-06-21T18:37:50ZCompter les mammifères, les oiseaux et les bousiers pour protéger l’Amazonie<p>L’Amazonie compte pour environ <a href="https://rainforests.mongabay.com/amazon/">50 % de toutes les forêts tropicales existantes</a> sur la planète ; elle abrite plus de <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1523-1739.2005.00705.x">400 espèces de mammifères, 1700 espèces d’oiseaux</a> et un nombre indéterminé d’espèces d’insectes qui se comptent par millions. </p>
<p>Elle est aussi vitale pour maintenir la vie sur Terre, les forêts amazoniennes atténuant le changement climatique en captant autour de 560 millions de tonnes de carbone par an et en aidant l’agriculture par la <a href="https://www.nature.com/articles/s41558-018-0177-y">stimulation des précipitations</a> à des échelles locales et continentales.</p>
<h2>Des espaces indispensables et menacés</h2>
<p>La forêt amazonienne et son immense biodiversité disparaissent à un rythme alarmant, lié à la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0264837720325333?dgcid=author">production et l’exportation croissantes du bétail</a> au Brésil. Les forêts qui subsistent encore sont sous la menace permanente d’activités anthropiques destructrices, telles que <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0006320717311709">l’exploitation forestière</a>, les <a href="https://theconversation.com/amazon-fires-explained-what-are-they-why-are-they-so-damaging-and-how-can-we-stop-them-122340">incendies</a> et les <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/abs/10.1098/rstb.2019.0116">perturbations climatiques</a> (sécheresses et inondations extrêmes).</p>
<p>À ce jour, les études menées sur les questions climatiques et la biodiversité dans les forêts tropicales sont principalement fondées sur des investigations de court terme, qui se concentrent sur les réactions des plantes et du carbone. Il en résulte que nous sommes pour la plupart conscients de l’importance des arbres des forêts dans le cadre de la régulation climatique. Nos recherches en Amazonie ont ainsi révélé que la <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rstb.2018.0043">mortalité des arbres et la perte de carbone</a> restaient élevées plusieurs années après les incendies de forêt provoqués par la sécheresse.</p>
<p>Néanmoins, pour comprendre pleinement la résilience des forêts tropicales, nous avons aussi besoin d’études sur le long terme, qui tiennent compte de l’impact des perturbations climatiques sur la faune et qui évaluent leur rôle dans la récupération des forêts après perturbations.</p>
<h2>Une résilience sous conditions</h2>
<p>Les animaux jouent un rôle clé pour comprendre la résilience des forêts tropicales. </p>
<p>Les oiseaux, par exemple, sont des disperseurs de graines, leur disparition pouvant entraîner une <a href="https://science.sciencemag.org/content/340/6136/1086">réduction de la taille des graines</a> des palmiers tropicaux, rendant la <a href="https://theconversation.com/without-birds-tropical-forests-wont-bounce-back-from-deforestation-68094">reprise de la végétation improbable ou impossible</a>. </p>
<p>De même, les grands animaux frugivores, notamment les singes hurleurs et les singes-araignées, ingèrent et disséminent eux aussi des graines, de sorte que si leur abondance vient à diminuer, cela peut affecter les voies de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/ele.12102">régénération des forêts</a>.</p>
<p>Même s’il est désormais bien connu que ce sont les petites bestioles <a href="https://www.jstor.org/stable/2386020?seq=1">qui dirigent le monde</a>, notre compréhension du rôle des invertébrés n’en est qu’à ses débuts. Dans les forêts tropicales, il a été démontré que les <a href="https://science.sciencemag.org/content/363/6423/174">termites</a> améliorent la résistance à la sécheresse, tandis que les bousiers peuvent aider les forêts tropicales à se régénérer.</p>
<h2>Compter la faune</h2>
<p>Bien que l’on sache que la faune et ses fonctions sont primordiales pour comprendre les mécanismes de récupération des forêts, il n’est pas évident de la comptabiliser.</p>
<p>Malgré la diversité des arbres et la difficulté à les identifier, leur suivi est relativement simple : ils ne bougent pas, peuvent être mesurés d’une année sur l’autre, leurs caractéristiques structurelles et chimiques peuvent être échantillonnées et évaluées, et leurs réponses physiologiques évaluées sur le terrain. Bien sûr, tout cela exige un travail complexe, mais notre compréhension de la <a href="https://science.sciencemag.org/content/368/6493/869">sensibilité au climat</a> de la végétation des forêts tropicales a sans aucun doute été facilitée par le fait qu’elle soit immobile.</p>
<p>Les animaux, de leur côté, sont bien plus difficiles à suivre. Un seul hectare de forêt peut abriter jusqu’à 160 espèces d’oiseaux, et 100 hectares – une surface huit fois plus petite que le Bois de Boulogne à Paris – peuvent en contenir <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.2307/1943045">jusqu’à 245</a>.</p>
<p>Écoutez ce <a href="https://macaulaylibrary.org/asset/336869191">chœur d’oiseaux</a>. Combien d’espèces distinguez-vous ? Un spécialiste pourrait en nommer 12 espèces dans ce simple extrait de 32 secondes… mais rares sont ceux qui dans le monde ont cette capacité.</p>
<iframe width="100%" height="360" src="https://macaulaylibrary.org/asset/336869191/embed/640" frameborder="0" allowfullscreen="" style="width :640px ;"></iframe>
<p>S’il est déjà difficile de procéder à l’évaluation instantanée des espèces présentes, ne parlons pas de l’évaluation des changements au cours du temps ! Les espèces qui chantent à un moment donné varient au cours de l’année, d’un jour à l’autre, tout au long de la journée, et même en fonction des cycles lunaires.</p>
<p>Qu’en est-il des invertébrés ? La plupart des espèces n’ont pas encore été formellement classifiées par les taxonomistes, et leur identification repose sur quelques spécialistes ayant accès à des collections de référence complètes. </p>
<p>Leur abondance varie <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00442-020-04831-5">au cours de l’année</a>, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1470160X18305958">d’une année sur l’autre</a>, en réponse aux variations climatiques, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/btp.12756">aux événements climatiques extrêmes</a>, et en fonction d’autres facteurs, encore incompris.</p>
<h2>Des pistes pour le suivi de la faune</h2>
<p>Heureusement, il existe des solutions pour assurer le suivi de la faune forestière. Dans ce contexte, <a href="https://youtu.be/N4RmX_MCsn0">notre projet Bioclimate</a> adopte à la fois des méthodes novatrices, et d’autres déjà bien éprouvées, pour évaluer comment petits et grands animaux peuvent aider les forêts tropicales à rebondir après des perturbations telles que l’exploitation forestière, les sécheresses ou les incendies.</p>
<p>Pour les insectes, nous pouvons nous appuyer sur certains groupes qui jouent un rôle d’indicateur de la santé des forêts. Les bousiers sont parfaits pour cela : <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0006320708001420?via%3Dihub">nombre de leurs activités</a> profitent aux forêts, ils sont faciles et bon marché à collecter ; ils peuvent <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2021.02.10.430568v1.full">témoigner des impacts des perturbations</a> pour d’autres animaux dont ils utilisent les excréments pour se nourrir et faire leur nid.</p>
<p>En analysant l’ADN des excréments dont se nourrissent les bousiers, nous pouvons ainsi évaluer quels mammifères sont présents dans les forêts d’Amazonie. Cette connaissance est utile pour mieux comprendre comment les changements environnementaux affectent les <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/full/10.1098/rspb.2018.2002">relations entre ces insectes et les mammifères</a>.</p>
<p>En ce qui concerne les oiseaux, il est possible de surveiller en permanence les populations grâce à l’utilisation d’<a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/2041-210X.13521">enregistreurs audio autonomes</a>, qui contribuent également à comprendre la façon dont ils occupent l’espace en différents endroits – de nombreux oiseaux forestiers sont rares et possèdent de vastes territoires, il est donc probable qu’on les rate lors de visites ponctuelles.</p>
<p>Le fait d’avoir de nombreux enregistreurs audio fonctionnant en même temps sur de longues périodes rend possible un contrôle simultané d’un grand nombre de lieux et d’animaux. Afin de surmonter la difficulté des humains à écouter de multiples chants d’oiseaux ensemble, nous développons aussi des <a href="https://openresearchsoftware.metajnl.com/articles/10.5334/jors.154/">algorithmes de machine-learning</a> qui facilitent l’identification des vocalisations de certaines espèces.</p>
<h2>Vers une connaissance plus précises des interactions</h2>
<p>Pour assurer l’avenir de l’Amazonie, il est essentiel d’évoluer vers une recherche axée sur des réponses permettant l’analyse précise de la manière dont les nombreux insectes, oiseaux et autres animaux qui vivent dans ces lieux contribuent à la santé de la forêt.</p>
<p><a href="https://youtu.be/N4RmX_MCsn0">L’objectif de nos travaux</a> est ainsi d’intégrer à la fois des ensembles de données récoltées sur le long terme et ces nouvelles données expérimentales, afin de faire progresser notre compréhension de la relation entre biodiversité et climat dans les forêts tropicales. </p>
<p>Grâce à ces connaissances, nous souhaitons fournir une meilleure image de la manière dont l’Amazonie réagit aux activités humaines et de la façon dont nous pourrions mieux la préserver.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=129&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=129&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=129&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=163&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=163&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=163&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Le projet de recherche « Bioclimate » est soutenu par la <a href="https://group.bnpparibas/en/group/bnp-paribas-foundation">Fondation BNP Paribas</a> dans le cadre du programme <a href="https://group.bnpparibas/en/hottopics/climate-biodiversity-initiative">Climate and Biodiversity Initiative</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163061/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Filipe França has received research funding from the BNP Paribas Foundation (Climate and Biodiversity) and the Brazilian National Council for Scientific and Technological Development (CNPq). He is the co-coordinator of Synergize and PELD-RAS projects and, currently, a Visiting Academic at the University of Canterbury, New Zealand.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alexander C. Lees has received research funding from the BNP Paribas Foundation (Climate and Biodiversity) and the National Environment Research Council (NERC).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jos Barlow has received research funding from the BNP Paribas Foundation (Climate and Biodiversity) and the National Environment Research Council (NERC).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Yves Bas has received research funding from the BNP Paribas Foundation (Climate and Biodiversity).</span></em></p>Nous en savons étonnamment peu sur les millions d’animaux, de plantes et d’oiseaux qui peuplent l’Amazonie.Filipe França, Senior research associate, Lancaster UniversityAlexander C. Lees, Senior Lecturer in Conservation Biology, Manchester Metropolitan UniversityJos Barlow, Professor of Conservation Science, Lancaster UniversityYves Bas, Post-doctorant, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1602932021-06-14T17:25:57Z2021-06-14T17:25:57ZRencontres au sommet de la forêt tropicale en Guyane<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/399752/original/file-20210510-16-4egd9n.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C945%2C707&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Réserve naturelle des Nouragues.</span> <span class="attribution"><span class="source">Pierre-Michel Forget</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Au Muséum national d’histoire naturelle, nous avons entrepris plusieurs expéditions scientifiques qui visent à réaliser un inventaire de la diversité faunistique de la forêt en Amazonie guyanaise. De nombreuses espèces de mammifères et d’oiseaux y visitent les plantes pour se nourrir de leurs fruits, certaines contribuant à la dispersion des graines, donc à la régénération et à la bonne santé de l’écosystème et des hommes qui en dépendent.</p>
<p>Dans le cadre des recherches de l’Observatoire Hommes-Milieux Oyapock du CNRS, nous avons entrepris en 2013 d’analyser comment les activités humaines affectent la diversité et le fonctionnement de la forêt proche des corridors écologiques le long de la nouvelle Route Nationale 2 (RN2).</p>
<p>Longue de 80 km entre les communes de Régina et de Saint-George-de-l’Oyapock, ouverte en 2003, la RN2 permet aujourd’hui de se rendre au Brésil en empruntant le pont construit en 2011 au-dessus du fleuve frontalier. Ces deux infrastructures ont pour objectif de permettre de désenclaver l’Est guyanais tout en favorisant les échanges économiques entre le département français de la Guyane et l’état de l’Amapa, au Brésil.</p>
<p>La RN2 offre de nouvelles opportunités d’accéder à un massif boisé auparavant éloigné des zones habitées, isolé et donc relativement protégé. Une étude a montré, avant que la route ne soit goudronnée, que l’empreinte humaine (« Human Footprint ») était faible à 30-40 km des communes les plus proches, comparable à celle de la réserve naturelle des Nouragues. Elle était au contraire très élevée à proximité de la commune de Saint-Georges-de-l’Oyapock. C’était aussi avant l’ouverture de la route et du pont qui entraîne une augmentation du trafic routier, donc une pression sur la faune avec, par exemple, une mortalité accrue par collision des animaux qui traversent la route.</p>
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<figcaption><span class="caption">Épisode 1 : Les explorateurs de la Canopée | Sur les traces de la biodiversité guyanaise/Parc zoologique de Paris.</span></figcaption>
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<p>Nous attendons donc qu’une plus forte présence humaine ait des effets sur la faune, et sur la régénération forestière. Nous avons en particulier théorisé une augmentation de la pression de chasse et de l’exploitation d’un massif forestier dorénavant accessible grâce à la route et au réseau de pistes forestières ouvertes par l’Office National des Forêts (ONF). La ressource bois n’y manque pas mais à quel coût pour la diversité, et le réchauffement climatique ? Nos expéditions scientifiques visent aujourd’hui à évaluer comment la diversité faunistique de la forêt change depuis l’ouverture de la RN2 et du pont.</p>
<p>D’une part, il s’agit d’identifier les faunes de vertébrés mammifères et oiseaux responsables de la consommation des fruits et contribuant à la dispersion des grosses graines dans le sous-bois comme dans la canopée. D’autre part, il s’agit de caractériser l’ensemble de la diversité de la faune de scarabées coprophages qui dépendent principalement des excréments des mammifères pour leur alimentation et leur reproduction, et contribuent in fine au recyclage de la matière, et à la dispersion des petites graines.</p>
<h2>Réaliser un inventaire de la faune avec l’aide des arbres fruitiers</h2>
<p>Les inventaires de la faune sont généralement effectués lors de comptages visuels des animaux rencontrés et observés sur des chemins balisés (layons) en forêt, ou à l’aide de « camératrap » (pièges caméras) positionnées dans le sous-bois, au niveau du sol selon une grille prédéfinie. Compte tenu de la densité des animaux, d’autant plus faible qu’ils sont chassés, il faut en général parcourir plusieurs kilomètres de manière répétée, totaliser une centaine de kilomètres, et positionner les appareils sur de grandes surfaces afin obtenir des indices fiables de la diversité faunistique. Nous avons opté pour une autre approche, centrée sur les arbres fertiles en supposant qu’ils attireraient les consommateurs de fruits, ainsi que les prédateurs de ces derniers.</p>
<p>Les fructifications et les consommateurs de deux espèces de yayamadou, de la famille du muscadier, avaient déjà été étudiés par les naturalistes sur les parcelles Muséum et la station de recherche CNRS des Nouragues, en bordure de la rivière Arataye. Cependant, ces observations effectuées depuis le sol, principalement de jour, ont sous-estimé, voire négligé les animaux nocturnes arboricoles, en effet difficilement observables pour les scientifiques généralement diurnes. En associant les nouvelles techniques de grimpe à l’usage des appareils photographiques automatiques disposés dans la couronne des yayamadous de jour comme de nuit, sans interruption tout au long de la saison de fructification, nous avons pu prospecter cette dernière frontière qu’est la canopée.</p>
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<figcaption><span class="caption">Épisode 2 : La capture photographique | Sur les traces de la biodiversité guyanaise/Parc zoologique de Paris.</span></figcaption>
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<p>Après avoir installé des appareils Reconyx prenant à la fois des photographies et des vidéos dans la canopée de six arbres équipés pendant une « semaine-test » en février 2018, nous avons été extrêmement encouragés par les premières observations. Nous avons été subjugués par les premières images montrant le kinkajou (<em>Potos flavus</em>), proche cousin du raton laveur, famille des Procyonidés, un « carnivore frugivore » en forêt tropicale, en train de déplacer sur les branches à la recherche des fruits de yayamadou (Genre <em>Virola</em>), Famille des Myristicaceae.</p>
<p>Une vidéo nous a particulièrement étonnés. Pour la première fois, nous avons observé un kinkajou en train de déféquer les graines, mettant en évidence le processus écologique de dispersion. Si on avait déjà auparavant récupéré des graines de yayamadou fraîchement digérées par ce frugivore cryptique, nous n’avions pas pu visionner la dissémination « live » à quelques dizaines de mètres au-dessus de notre tête !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/406182/original/file-20210614-125373-sqgscf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406182/original/file-20210614-125373-sqgscf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406182/original/file-20210614-125373-sqgscf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406182/original/file-20210614-125373-sqgscf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406182/original/file-20210614-125373-sqgscf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406182/original/file-20210614-125373-sqgscf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406182/original/file-20210614-125373-sqgscf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Kinkajou (<em>Potos flavus</em>) dans un yayamadou en fruit en forêt à proximité de la RN2.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pierre-Michel Forget et Éric Guilbert, MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Nous avons alors décidé de poursuivre les observations à grande échelle sur l’ensemble du dispositif préalablement prospecté, soit une trentaine de kilomètres, dans la forêt jouxtant les corridors écologiques le long de l’axe routier de la RN2. Dans une forêt avec une diversité comprise entre 180 et 220 espèces d’arbres à l’hectare, trouver les arbres en fruit dont la densité avoisine un adulte à l’hectare relève d’un véritable défi. La forêt cache bien ses arbres. Aussi, afin de localiser nos « arbre-hôtes », il nous a fallu parcourir des centaines d’hectares, les yeux rivés en l’air afin d’identifier la couronne des arbres recherchés, et au sol, pour déceler d’éventuels fruits indice de la proximité d’un arbre fertile. Une fois les arbres repérés et géolocalisés, entre 100 m et jusqu’à plus d’un kilomètre de la route, sans chemin d’accès, il a fallu y transporter sur le dos le matériel de grimpe, et les appareils photographiques.</p>
<p>Nous avons installé une quarantaine d’appareils photographiques dans les couronnes d’une douzaine d’arbres de yayamadou au cours de leur fructification en 2019-2020. Nous avons bénéficié de l’expertise des arboristes-élagueurs de la Société Hévéa qui nous accompagnent depuis 15 ans dans nos aventures scientifiques en canopée dans le monde entier.</p>
<h2>Des « chercheurs grimpeurs »</h2>
<p>Ensemble, nous avons perfectionné les méthodes d’accès, notre leitmotiv étant qu’un chercheur doit apprendre à grimper, car lui seul sait mieux que quiconque ce qu’il recherche dans la canopée, à l’instar de la plongée scientifique pour la recherche sur les récifs coralliens. Il faut de la patience, car il y a toujours des impondérables, comme un nid de guêpes, une couronne inaccessible, car invisible depuis le sol, et des cordes qui se coincent dans les branches. Après une à plusieurs heures d’essais infructueux, la persévérance et l’acharnement payent souvent et nous permet d’équiper les arbres avec nos appareils, une première victoire. Une chose est certaine c’est que personne ne viendra voler ou détruire nos équipements disposés à quelques dizaines de mètres en hauteur, encore que…</p>
<p>Il nous est arrivé d’oublier un appareil photo dans un arbre. De retour quelques mois plus tard, nous l’avons récupéré. Il était ouvert, hors service après une longue exposition aux intempéries. La carte mémoire était toujours en place, et les données étaient lisibles. Les dernières photos montrent un singe capucin brun, bien connu pour être extrêmement curieux et un bon manipulateur. Depuis nous sécurisons nos appareils à l’aide d’un fil de fer torsadé qui empêche l’ouverture du boitier… jusqu’à ce que les primates trouvent la parade.</p>
<p>La seconde victoire arrive après la dépose des appareils au cours d’une deuxième mission deux mois plus tard, en fin de fructification, suivi de l’analyse des photographies et vidéo enregistrées. Nous avons eu l’opportunité d’emmener en mission une étudiante en Master de l’Université de Grenoble qui a découvert les vertiges de la grimpe d’arbre.</p>
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<figcaption><span class="caption">Épisode 3 : « Les enjeux de conservation : sur les traces de la biodiversité guyanaise » (Parc zoologique de Paris).</span></figcaption>
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<p>Les résultats sont le fruit du dur labeur de plusieurs étudiantes en Master qui découvrent devant l’écran, au laboratoire, ce que nous avons <em>capturé</em> entre 30 et 50 m dans la forêt. Nous pouvons alors lister avec précision les espèces de mammifères et oiseaux présentes dans cette forêt soumise à une pression de chasse. Nous avons obtenu de très beaux clichés des comportements des animaux en canopée qui sont autant de témoignages de leur présence alors qu’ils sont rarement observés depuis le sol.</p>
<p>Les principales espèces de Primates, de carnivores, granivores et d’oiseaux frugivores consommateurs des yayamadous y ont été observées fréquemment dans les arbres en fruit, sauf une, l’Ateles à face claire ou singe-araignée (<em>Ateles paniscus</em>), en tout cas dans les appareils…</p>
<p>Il est fréquent que les mammifères soient plus cryptiques lorsqu’il y a des bruits de route, des coups de fusil. À proximité d’un des corridors écologiques de la RN2 nous avons entendu ce qui ressemblait aux vocalisations d’un singe-araignée. Installé dans la canopée pour déposer les appareils, le singe est passé à quelques dizaines de mètres de l’arbre mais nous ne l’avons jamais photographié. Cette unique observation, presque en face en face au sommet de la canopée, nous permet aujourd’hui d’argumenter que cette espèce charismatique de Guyane est encore présente dans le Parc Naturel Régional de la Guyane, mais pour combien de temps encore…</p>
<p>Une des faits marquants aujourd’hui est l’importance du kinkajou qui est très fréquemment observé et joue un rôle de disperseur de graines qu’on peut considérer avoir été très largement sous-estimé auparavant pour ces arbres. Nous avons aussi pu confirmer la présence régulière des singes capucins dans les arbres yayamadou qui consomment les arilles lipidiques entourant les graines transportées dans la bouche et les mains. Leur rôle comme disperseur est encore un sujet de débat. Ce n’est pas le cas du kinkajou qui, avec les toucans, semblent profiter de la faible occurrence des singes-araignées dans cette forêt, permettant d’expliquer les taux élevés de consommation et de dispersion que nous avons mesurés sous les arbres en fin de fructification.</p>
<p>Deux décennies après, la faible fréquence du singe-araignée, les effets sur la biodiversité et la dynamique forestière restent modérés. Nos observations montrent une diversité faunistique élevée dans cette forêt du Parc Naturel Régional de la Guyane, le long de la RN2, qui abrite des espèces emblématiques de la forêt amazonienne à quelques kilomètres de la commune de Saint-Georges-de-l’Oyapock.</p>
<p>C’est un écosystème riche en arbres à fruits, et en faune pour les consommer et disperser les graines. La faune de coprophages le confirme et n’est pas elle non plus affectée par la présence humaine tant que la couverture forestière n’est pas dégradée par l’exploitation sylvicole, l’agriculture et l’élevage qui continuent aujourd’hui de grignoter le dernier massif non fragmenté du littoral guyanais. La poursuite de nos travaux au sol, comme en canopée, s’impose pour démontrer avant qu’il ne soit trop tard, qu’un développement durable de la Guyane nécessite aussi des mesures de protection de la faune, indispensable à la bonne santé de l’écosystème forestier et des populations humaines qui en dépendent pour leur alimentation et leur bien-être.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160293/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Michel Forget a reçu des financements de la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Éric Guilbert ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Partez à la découverte de la faune de la forêt tropicale guyanaise avec des chercheurs capables de grimper à la cime de la canopée.Pierre-Michel Forget, Professeur d'écologie des écosystèmes tropicaux, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Éric Guilbert, maitre de conférence, écologie et évolution des communautés, entomologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1623672021-06-08T17:30:23Z2021-06-08T17:30:23ZBonnes feuilles : « Vivre avec les forêts tropicales »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/405049/original/file-20210608-21-1jvzc9q.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C228%2C1196%2C792&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les forêts tropicales sont apparues il y a près de 390 millions d’années.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.museo-editions.com/product-page/vivre-avec-les-for%C3%AAts-tropicales">Cirad</a></span></figcaption></figure><p><em>Nous vous proposons de découvrir le premier chapitre de l’ouvrage collectif (sous la direction de Plinio Sist) publié par le Cirad aux éditions Museo, <a href="https://www.museo-editions.com/product-page/vivre-avec-les-for%C3%AAts-tropicales">« Vivre avec les forêts tropicales »</a>, qui paraît ce jeudi 10 juin 2021. L’originalité de ce travail consiste à se focaliser sur les interrelations entre les forêts et les communautés humaines et de proposer des solutions de préservation des forêts naturelles en mettant l'humain au centre de ces solutions. Dans cette partie introductive, les auteurs de l’unité de recherche <a href="https://ur-forets-societes.cirad.fr/">« Forêts et Sociétés »</a> présentent les forêts tropicales sous toutes leurs facettes, en s’appuyant sur une riche iconographie.</em></p>
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<p>Les forêts tropicales sont globalement situées entre les tropiques du Cancer et du Capricorne. Elles représentent environ la moitié des forêts du monde. Dans cette vaste zone bioclimatique, la température moyenne du mois le plus froid descend rarement en dessous de 20 °C, sauf parfois en altitude. C’est aussi la région de la planète qui reçoit les plus fortes intensités lumineuses.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/405051/original/file-20210608-28272-cmsdry.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/405051/original/file-20210608-28272-cmsdry.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/405051/original/file-20210608-28272-cmsdry.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/405051/original/file-20210608-28272-cmsdry.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/405051/original/file-20210608-28272-cmsdry.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/405051/original/file-20210608-28272-cmsdry.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/405051/original/file-20210608-28272-cmsdry.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/405051/original/file-20210608-28272-cmsdry.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les différents types de forêts dans le monde.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.museo-editions.com/product-page/vivre-avec-les-for%C3%AAts-tropicales">Cirad</a></span>
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<p>Mais ces constances ne sauraient masquer une grande diversité de physionomies. En fonction des régimes de précipitation et de température auxquelles elles sont soumises ou des sols sur lesquels elles se développent, les forêts tropicales revêtent en effet de très nombreuses formes allant de la forêt humide à la forêt sèche, et de la forêt de plaine à la forêt de montagne. Elles sont pétries de pluralité.</p>
<h2>Des forêts en perpétuelle évolution</h2>
<p>Apparues il y a près de 390 millions d’années, les forêts tropicales n’ont cessé depuis lors d’évoluer et de s’adapter. Les premières, dominées par des prêles, des fougères arborescentes ou des ancêtres des conifères actuels, ne ressemblaient en rien à celles que nous connaissons aujourd’hui.</p>
<p>Au cours du Crétacé (-145 à -65 millions d’années), les plantes à fleurs initient leur domination sur le monde végétal. Elles représentent aujourd’hui 90 % des espèces végétales terrestres. Les dinosaures disparurent et, une dizaine de millions d’années plus tard, les mammifères prirent leur place. Depuis lors, les ancêtres des plantes et des animaux actuels se sont fortement diversifiés. Certaines espèces ont disparu, d’autres sont apparues.</p>
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<span class="caption">Répartition des forêts tropicales dans le monde.</span>
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<p>Les forêts tropicales ont subi l’impact de plusieurs glaciations, dont celles du Pléistocène (-2,6 millions d’années à -11 000 ans). Depuis la fin de cette période, l’arrivée de l’homme moderne a provoqué la disparition de certaines espèces, mais aussi la dispersion d’espèces d’un continent à l’autre. Les forêts d’aujourd’hui ne sont plus celles du passé ; elles vont continuer à se transformer, notamment sous l’effet des changements climatiques.</p>
<h2>Une biodiversité sans égale</h2>
<p>Elles couvrent moins de 10 % des terres émergées, mais elles abritent la moitié des espèces de plantes et d’animaux connus. Vieilles parfois de plus de 100 millions d’années, chaudes et humides, les forêts tropicales humides offrent un environnement plutôt stable et sont donc propices aux expressions du vivant. Les grands processus biologiques, tels la photosynthèse ou le recyclage de la matière organique, y atteignent des sommets. Ces forêts ont offert à la diversité biologique des voies d’évolution, mais aussi des refuges qui n’ont pas d’équivalents.</p>
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<span class="caption">Cet arbre de la forêt amazonienne arbore de hauts contreforts qui lui assurent une meilleure assise au sol.</span>
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<p>Les estimations varient entre 5 et 50 millions d’espèces animales et végétales, dont 40 000 à 50 000 espèces d’arbres. Sur un seul hectare, plus de 300 espèces d’arbres peuvent être dénombrées. De ce fait, nulle espèce n’y est vraiment abondante. La coexistence et la spécialisation y sont davantage reines, sans domination d’une espèce sur l’autre. Les espèces dites généralistes, peu regardantes sur l’habitat, y restent minoritaires : l’écologie des forêts tropicales est une écologie de la cohabitation.</p>
<h2>Termites, vers de terre, champignons et chauves-souris</h2>
<p>Les termites, très présents en forêt tropicale, accroissent leur résistance à la sécheresse et y assurent un rôle écologique essentiel. Lors de la sécheresse liée au phénomène el Niño (2015–2016) à Bornéo, dans les zones riches en termites, le sol est resté plus humide, de sorte que davantage de graines d’arbres y ont germé, au service de la régénération forestière. En permettant à la forêt de mieux résister à la sécheresse, les termites ont donc atténué les effets du changement climatique.</p>
<p>Contrairement aux espèces vivant au-dessus du sol, la diversité des vers de terre est moins élevée en région tropicale que sous les latitudes tempérées. Il n’empêche qu’en aérant le sol par leurs galeries, en consommant les débris organiques et en mélangeant les divers composants du sol, les vers assurent un rôle crucial au sein des forêts tropicales. Ils ingèrent annuellement 300 à 600 tonnes de terre par hectare, qu’ils recyclent et redéposent en surface.</p>
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<span class="caption">Les termites (G) accroissent la résistance des forêts tropicales à la sécheresse ; les mycorhizes (D), autant de champignons invisibles, mais essentiels aux arbres.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.museo-editions.com/product-page/vivre-avec-les-for%C3%AAts-tropicales">Cirad</a></span>
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<span class="caption">Les vers de terre (G) aident à régénérer les sols tandis que les chauves-souris (D) disséminent les graines.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.museo-editions.com/product-page/vivre-avec-les-for%C3%AAts-tropicales">Cirad</a></span>
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<p>Pour l’essentiel, les champignons restent invisibles, car ils sont enfouis dans le sol, sous la forme de fins filaments appelés mycélium. Ce que l’on appelle plus communément champignon, que l’on cueille avec son pied et son chapeau, n’est que la « fructification » épisodique de ces filaments. Champignons et racines peuvent s’associer sous la forme de chimères appelées mycorhizes. De telles symbioses sont essentielles à l’alimentation des arbres. Elles peuvent centupler la capacité d’absorption d’eau et de nutriments des arbres et décupler leur croissance.</p>
<p>Les chauves-souris consomment une grande quantité de fruits divers qui peut atteindre une fois et demie leur poids. Ainsi, à Madagascar près de 40 espèces de fruits ont été dénombrées dans les excréments de roussettes. Les graines ingérées parcourent leur système digestif sans être détériorées, et en ramollissant les téguments, les sucs digestifs peuvent en faciliter la germination. En parcourant de grandes distances, les chauves-souris disséminent ainsi avantageusement les graines d’un grand nombre d’espèces d’arbres des forêts tropicales.</p>
<h2>Dans les forêts semi-décidues</h2>
<p>Dans les régions tropicales où la quantité d’eau disponible n’est pas suffisante, les forêts dites « semi-décidues » prédominent. Bien adaptées à de telles contraintes, elles perdent tout ou partie de leur feuillage pendant la saison sèche, ou bien gardent leurs feuilles, mais réduisent leur transpiration. Durant la saison sèche, les forêts semi-décidues prennent l’allure d’un patchwork mêlant des arbres sans feuilles et d’autres à feuillage persistant.</p>
<p>Les arbres au feuillage décidu croissent plus rapidement et atteignent des tailles pouvant dépasser 50 mètres, ce qui les laisse émerger de la canopée.</p>
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<span class="caption">Une forêt semi-décidue, le long du fleuve Sassandra (Côte d’Ivoire), montre des arbres défeuillés et d’autres conservant leurs feuilles malgré la saison sèche.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.museo-editions.com/product-page/vivre-avec-les-for%C3%AAts-tropicales">Cirad</a></span>
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<p>Ces géants produisent très souvent un bois recherché par les exploitants forestiers. Aussi ces forêts où abondent de nombreuses essences commerciales pourvoyeuses de bois d’œuvre sont-elles fortement exploitées. L’un des arbres les plus fameux est le teck, natif des forêts semi-décidues d’Asie du Sud-Est. Il est devenu l’une des espèces tropicales les plus cultivées en raison de la qualité de son bois, de sa croissance rapide et de sa résistance aux feux de brousse.</p>
<h2>Un des berceaux de l’humanité</h2>
<p>Les forêts sèches sont les plus méconnues des forêts tropicales. Pourtant, c’est là que les chasseurs-cueilleurs de la préhistoire ont développé la chasse et la cueillette, puis l’élevage et l’agriculture. Aujourd’hui, les sociétés humaines y pratiquent des formes de mise en valeur complexe, dites agrosylvopastorales, qui associent l’agriculture vivrière, la culture d’arbres utiles et la conduite d’un bétail généralement laissé en divagation durant la saison sèche.</p>
<p>Le feu y représente un fardeau autant qu’un bienfait. D’un côté, il détruit sous-bois et arbres ; mais de l’autre, il façonne la forêt en favorisant les espèces résistantes aux flammes et en stimulant la régénération forestière (germination de graines dormantes, activation des repousses sur les souches). Le feu favorise aussi le développement d’herbages pour le bétail. Il en résulte des formations ne dépassant pas 20 mètres de haut, plus ou moins denses selon les précipitations, qui varient entre 400 et 1 200 millimètres par an.</p>
<h2>Les mangroves, ces forêts marécageuses réactives</h2>
<p>Les mangroves sont des forêts s’étendant entre terre et mer, dans la zone de balancement des marées des régions tropicales. Elles protègent les côtes et atténuent l’érosion littorale. Au cours de millions d’années d’évolution, elles ont démontré une capacité exceptionnelle à s’adapter aux fluctuations du niveau des océans.</p>
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<span class="caption">Vue aérienne des mangroves de Trat (Thaïlande), à proximité du village des pêcheurs ayant restauré les peuplements de palétuviers.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.museo-editions.com/product-page/vivre-avec-les-for%C3%AAts-tropicales">Cirad</a></span>
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<p>Cette souplesse face à l’adversité est due à la croissance rapide des arbres qui la composent, particulièrement adaptés à l’immersion et à la salinité.</p>
<p>C’est l’un des écosystèmes forestiers les plus réactifs au monde, si ce n’est peut-être le plus réactif. C’est probablement ce qui rend les mangroves si attrayantes pour de nombreuses espèces animales. Elles constituent en effet de véritables nurseries pour une multitude d’espèces de crustacés et de poissons, auxquelles elles offrent gîte et couvert.</p>
<h2>Les forêts de montagne, des îles dans le ciel</h2>
<figure class="align-right zoomable">
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<figcaption>
<span class="caption">Les arbres des montagnes sont couverts de lichens et d’autres épiphytes en raison de la forte humidité régnante.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.museo-editions.com/product-page/vivre-avec-les-for%C3%AAts-tropicales">Cirad</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En chaque continent, les forêts tropicales de montagne forment en quelque sorte un archipel d’îlots forestiers, séparés par des vallées qu’occupe une végétation de basse altitude. Surnageant au-dessus d’une altitude de 1 500 mètres, elles se présentent à l’image d’îles séparées par la mer, sauf dans quelques grands massifs montagneux tels les Andes, où ce caractère insulaire cesse de prévaloir.</p>
<p>Si certaines espèces animales ou végétales de basse altitude y résident parfois, la plupart des espèces présentes y demeurent spécifiques, parce qu’adaptées aux climats plus froids qui règnent à ces altitudes. Et comme sur les îles, l’isolement des forêts de montagne a favorisé l’apparition d’espèces particulières, parfois endémiques à un massif montagneux, voire à un sommet. Les forêts de montagne du Kenya et de la Tanzanie abritent ainsi 96 espèces animales et plus de 800 plantes endémiques, et près de 20 000 plantes endémiques croissent dans les Andes tropicales.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/405073/original/file-20210608-144041-1vopl40.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/405073/original/file-20210608-144041-1vopl40.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/405073/original/file-20210608-144041-1vopl40.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=216&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/405073/original/file-20210608-144041-1vopl40.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=216&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/405073/original/file-20210608-144041-1vopl40.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=216&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/405073/original/file-20210608-144041-1vopl40.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=271&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/405073/original/file-20210608-144041-1vopl40.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=271&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/405073/original/file-20210608-144041-1vopl40.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=271&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Répartition des forêts tropicales de montagne dans le monde.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.museo-editions.com/product-page/vivre-avec-les-for%C3%AAts-tropicales">Cirad</a></span>
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<h2>Le chablis, ce moteur naturel du renouvellement</h2>
<p>Le chablis est une ouverture de la voûte forestière, créée par la chute d’un ou plusieurs arbres. Il permet à la lumière de rejoindre le sol. Dès lors, des milliers de graines, qui attendaient parfois depuis des décennies dans le sol, entrent en germination. Les plantules grandissant, une intense lutte pour la survie s’engage. De tous les prétendants, seuls quelques arbres atteignent la canopée, se reproduisent et vieillissent en attendant de mourir et de générer un nouveau chablis.</p>
<figure class="align-center ">
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<span class="caption">Le chablis est une ouverture de la voûte forestière créée par la chute d’un arbre, offrant une opportunité pour les espèces dites de lumière de cicatriser cette « blessure ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.museo-editions.com/product-page/vivre-avec-les-for%C3%AAts-tropicales">Cirad</a></span>
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<p>Ces chablis sont très peu visibles depuis une vue aérienne. Ils sont pourtant bien à l’origine même de la régénération forestière. Grâce à eux, la forêt est en perpétuel changement, aussi bien dans l’espace que dans le temps puisque les individus d’espèces particulières s’installent puis disparaissent en laissant la place à des individus d’autres espèces. Sous ses apparences immuables, la forêt tropicale est un écosystème particulièrement dynamique, qui se régénère et se renouvelle en permanence.</p>
<h2>Après défrichement, une lente reconstitution</h2>
<p>Après défrichement, la forêt tropicale se reconstitue lentement, selon une succession de plantes d’abord exigeantes en lumière, puis de plus en plus familières des sous-bois obscurs. À condition que la flore et la faune y restent préservées alentour, sa physionomie générale se rétablit en quelques décennies seulement. Au hasard de la dispersion des semences et des animaux juvéniles en quête d’habitat depuis les zones voisines, de nouveaux assemblages d’espèces se forment, puis se complètent et se succèdent au fil des siècles. La forêt tropicale ne suit pas de cycle prédéterminé.</p>
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<span class="caption">Après défrichement, la forêt tropicale se reconstitue lentement par étapes progressives, chacune amenant son cortège d’espèces adaptées aux conditions du moment : ce sont tout d’abord les espèces secondaires supportant la pleine lumière puis, progressivement, les espèces d’ombre, pour aboutir enfin à une nouvelle forêt dense « primaire » différente de celle qui a été défrichée, mais ayant la même physionomie et fournissant les mêmes fonctions et services.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.museo-editions.com/product-page/vivre-avec-les-for%C3%AAts-tropicales">Cirad</a></span>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.museo-editions.com/product-page/vivre-avec-les-for%C3%AAts-tropicales">Éditions Museo</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>L’idée produite par l’écologue Frédéric Cléments dans les années 1920, selon laquelle une forêt naîtrait, grandirait et deviendrait mature à l’image de nous-mêmes, tient du mythe. Le cycle sylvogénétique dont on parlait autrefois n’était au mieux qu’une métaphore.</p>
<p>La forêt n’est pas un organisme vivant. Elle reste un milieu mouvant, indéfini, jamais fixé. Mais ce sont là sa force et sa souplesse, qu’elle déploie au service d’elle-même, mais aussi de l’ensemble du vivant et des processus écologiques qui l’accompagnent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162367/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Plinio Sist est le directeur de publication de l’ouvrage « Vivre avec les forêts tropicales ». </span></em></p>Un ouvrage collectif publié par le Cirad propose une plongée dans le monde luxuriant et divers des forêts tropicales.Plinio Sist, Ecologue des forêts tropicales, CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1591522021-04-21T19:53:27Z2021-04-21T19:53:27Z2021, année décisive pour la protection et la restauration des forêts mondiales ?<p>La publication fin mars 2021 du <a href="https://research.wri.org/gfr/forest-pulse">bilan des déforestations pour l’année 2020</a> par le World Resources Institute est à nouveau alarmante.</p>
<p>Selon ce document, la perte de couvert forestier atteint les 25,8 millions d’hectares, soit plus de 0,6 % de la superficie mondiale des forêts, estimée à <a href="http://www.fao.org/3/CA8753FR/CA8753FR.pdf">plus de 4 milliards d’hectares</a> par la FAO (avec 45 % de forêts tropicales, 27 % de forêts boréales, 16 % de forêts tempérées et 11 % forêts subtropicales). Les forêts représentent environ 31 % de la superficie des terres émergées du globe.</p>
<p>Ce recul concerne tout particulièrement les forêts tropicales, où la perte atteint les 12,2 millions d’ha, dont 4,2 millions de forêts humides primaires – c’est 12 % de plus qu’en 2019 et ceci malgré le ralentissement de l’économie mondiale imposé par la pandémie.</p>
<p>Le Brésil constitue le pays responsable de la majorité des déboisements de forêts humides primaires (1,7 million d’ha), avec une augmentation de 25 % des destructions dans ce pays en 2020 par rapport à 2019.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/395572/original/file-20210417-17-mflnl6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/395572/original/file-20210417-17-mflnl6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/395572/original/file-20210417-17-mflnl6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=253&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/395572/original/file-20210417-17-mflnl6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=253&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/395572/original/file-20210417-17-mflnl6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=253&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/395572/original/file-20210417-17-mflnl6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=318&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/395572/original/file-20210417-17-mflnl6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=318&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/395572/original/file-20210417-17-mflnl6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=318&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Répartition des types de forêts dans le monde.</span>
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</figure>
<h2>Les forêts, ces précieux « puits de carbone »</h2>
<p>Toujours selon les données de la FAO, les forêts de la planète mobilisent environ 662 gigatonnes (Gt) de carbone en 2020 (contre 668 en 1990), avec une densité moyenne de 163,1 tonnes de C/ha en 2020 (contre 158,8 en 1990). La forêt constitue ainsi, avec le milieu marin, un des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Puits_de_carbone">principaux « puits de carbone »</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">La forêt, première solution contre le changement climatique, avec Jean Jouzel. (Reforest’Action/Youtube, 2019).</span></figcaption>
</figure>
<p>On le comprend bien, la destruction des forêts contribue à réduire cette fonction de fixation du carbone.</p>
<p>Or cette destruction se poursuit à un rythme accéléré : elle représente selon la FAO, 178 millions d’hectares de forêts (tous types confondus) pour la période entre 1990 et 2020 ; dans les régions tropicales, l’extension de l’agriculture et de l’élevage en constitue la cause principale.</p>
<p>Selon Global Forest Watch, de 2002 à 2020, il y a eu une perte de <a href="https://www.globalforestwatch.org/">64,7 millions d’hectares (M ha) de forêt tropicale humide primaire</a> (soit une perte de 6,3 % de sa superficie) ; cela correspond à 16 % de la perte de forêt dans le monde.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/395583/original/file-20210418-15-1wi2arb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/395583/original/file-20210418-15-1wi2arb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/395583/original/file-20210418-15-1wi2arb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/395583/original/file-20210418-15-1wi2arb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/395583/original/file-20210418-15-1wi2arb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/395583/original/file-20210418-15-1wi2arb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/395583/original/file-20210418-15-1wi2arb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Forêt tropicale protégée de la réserve naturelle nationale de La Trinité, en Guyane.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Olivier Tostain/ECOBIOS</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les forêts sont également les victimes du changement climatique, en particulier les cyclones et tempêtes, les sécheresses et surtout les incendies.</p>
<p>La FAO avance le chiffre de 98 M ha de forêts touchées par les incendies en 2015. Au cours des dernières années, ce sont 18 M ha qui ont <a href="https://www.9news.com.au/national/australian-bushfires-17-million-hectares-burnt-more-than-previously-thought/b8249781-5c86-4167-b191-b9f628bdd164">brûlé en Australie pour la période 2019-2020</a> et 21 M ha qui sont <a href="https://www.greenpeace.fr/urgence-climatique-incendies-dans-les-forets-de-russie/">partis en fumée en Sibérie au cours des 6 premiers mois de l’année 2020</a>.</p>
<h2>Lutter contre la déforestation importée</h2>
<p>Comment inverser ces tendances délétères ?</p>
<p>La première action à mener est évidemment d’agir sur la déforestation volontaire, en particulier celle des forêts primaires dans les zones tropicales, car ce sont ces forêts primaires qui abritent de loin la biodiversité la plus élevée.</p>
<p>Cela concerne tout particulièrement les États qui abritent ces forêts, mais également les pays importateurs des produits issus de la déforestation, dont l’Europe, considérée par le WWF comme <a href="https://www.wwf.fr/deforestation-importee">responsable en 2017 de 16 % de la déforestation</a> du fait de sa consommation de denrées issues des déboisements ; c’est ce phénomène que l’on appelle la « déforestation importée ».</p>
<p>La France a adopté en 2018 une <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2018.11.14_SNDI_0.pdf">stratégie nationale ambitieuse contre la déforestation importée</a>, mais celle-ci peine à être mise en œuvre. Dans une récente communication, le WWF a identifié les <a href="https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2018-11/20181107_Infographie_Deforestation_Importee_WWF.pdf">produits importés par la France qui présentent le plus d’enjeux</a> – et correspondant à une surface potentielle de déforestation annuelle de 5,1 millions d’hectares.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/395573/original/file-20210417-13-o702nz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/395573/original/file-20210417-13-o702nz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/395573/original/file-20210417-13-o702nz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/395573/original/file-20210417-13-o702nz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/395573/original/file-20210417-13-o702nz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/395573/original/file-20210417-13-o702nz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/395573/original/file-20210417-13-o702nz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/395573/original/file-20210417-13-o702nz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Infographie du WWF sur la déforestation importée.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2018-11/20181107_Infographie_Deforestation_Importee_WWF.pdf">WWF</a></span>
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</figure>
<p>Avec d’autres ONG, le WWF a aussi proposé fin 2020 <a href="https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2021-01/202012_Note-position_10-priorites-des-ONG-pour-mise-en-oeuvre-SNDI_WWF.pdf">dix actions concrètes</a> pour lutter contre la déforestation importée ; et l’UE devrait également proposer une loi cette année.</p>
<h2>Débats autour de la « reforestation massive »</h2>
<p>Une seconde action concerne la restauration et la reforestation des zones dégradées et déboisées. Dans ce domaine, le <a href="https://www.bonnchallenge.org/">« défi de Bonn » adopté en 2011</a> a retenu l’objectif de restauration de 150 millions d’hectares de terres dégradées et déboisées d’ici à 2020. Objectif rehaussé à 350 millions d’hectares en 2014 lors du Sommet des Nations unies sur le climat… <a href="https://unfccc.int/fr/news/la-declaration-de-new-york-sur-les-forets">mais aussi reporté à 2030</a>.</p>
<p>Ces mesures ont été approuvées à ce jour par plus de 100 gouvernements, organisations de la société civile et entreprises ; des engagements de restaurations et plantations ont été pris par 43 pays.</p>
<p>Mais des scientifiques <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-019-01026-8">se sont alarmés en 2019 des propositions de plantations monospécifiques</a> – ne correspondant en rien à des forêts naturelles et n’en présentant pas les mêmes intérêts pour la biodiversité et le climat – faites par certains pays (le Brésil, par exemple, pour 19 M ha, soit 82 % de ses engagements de restauration).</p>
<p><a href="https://science.sciencemag.org/content/365/6448/76">En juillet 2019, une publication dans la revue <em>Science</em></a> avait fait grand bruit, estimant qu’il serait possible d’accroître la superficie forestière mondiale de 0,9 milliard d’hectares ; ce qui permettrait de stocker 205 Gt de carbone supplémentaires.</p>
<p><a href="https://science.sciencemag.org/content/366/6463/eaay7976">Mais dans un commentaire publié deux semaines plus tard</a>, d’autres spécialistes ont considéré que ces estimations comportaient de nombreuses erreurs. <a href="https://science.sciencemag.org/content/368/6494/eabc8905">Un erratum</a> a fait suite à ces commentaires.</p>
<p>L’idée de « reforestation massive » a toutefois fait son chemin, reprise par exemple début 2020 par le Forum économique mondial de Davos, avec un <a href="https://www.lejournaleconomique.com/2020/01/27/wef-planter-1-000-milliards-arbres/">projet de plantation de 1000 milliards d’arbres</a>, avec l’objectif de capter l’essentiel des émissions de CO<sub>2</sub>.</p>
<p>Cette proposition a rapidement été <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/a-davos-tout-le-monde-veut-planter-des-arbres-pour-mieux-cacher-la-foret-837750.html">considérée comme irréaliste</a>, du fait d’erreurs d’évaluation et de l’impossibilité de réaliser de telles plantations sans impacter fortement terres agricoles et écosystèmes ouverts (comme les savanes).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/395585/original/file-20210418-19-1c4ey3s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/395585/original/file-20210418-19-1c4ey3s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/395585/original/file-20210418-19-1c4ey3s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/395585/original/file-20210418-19-1c4ey3s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/395585/original/file-20210418-19-1c4ey3s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/395585/original/file-20210418-19-1c4ey3s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/395585/original/file-20210418-19-1c4ey3s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Forêt tempérée protégée (frênaie-érablaie) des vallons des plateaux calcaires de Lorraine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Serge Muller/MNHN</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
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<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/395584/original/file-20210418-15-csm5vl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/395584/original/file-20210418-15-csm5vl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/395584/original/file-20210418-15-csm5vl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/395584/original/file-20210418-15-csm5vl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/395584/original/file-20210418-15-csm5vl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/395584/original/file-20210418-15-csm5vl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/395584/original/file-20210418-15-csm5vl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Forêt boréale (sapinière à sapin baumier) à Saint-Pierre et Miquelon.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Serge Muller/MNHN</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<h2>Une année de mobilisation mondiale</h2>
<p>En janvier 2021, le Sommet mondial sur l’avenir de la planète, le <a href="https://www.oneplanetsummit.fr/">« One Planet Summit »</a>, a marqué le début d’une série d’évènements en faveur de la préservation de l’environnement et de la biodiversité en particulier. Cette quatrième édition aura notamment vu la relance du projet de la grande muraille verte du Sahel. <a href="https://alliance-preservation-forets.org/">L’Alliance pour la préservation des forêts tropicales</a> aura également reçu une forte attention lors de l’événement.</p>
<p>En septembre prochain, se tiendra le Congrès mondial de la nature, <a href="https://www.iucn.org/fr/news/secretariat/202012/le-congres-mondial-de-la-nature-de-luicn-se-tiendra-du-3-au-11-septembre-2021-a-marseille">organisé par l’UICN à Marseille</a> ; puis en octobre, la conférence de l’ONU sur la biodiversité (COP 15) prévue à Kunming en Chine.</p>
<p>Un des objectifs de ces conférences est d’inciter les États à renforcer les superficies protégées et restaurées dans le monde, l’ONU ayant déclaré la <a href="https://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/30919/UNDTfr.pdf">décennie 2021-2030 comme celle de la « restauration des écosystèmes »</a>.</p>
<p>Espérons que son futur bilan sera plus satisfaisant que celui de la décennie précédente, tant pour le climat que la biodiversité, <a href="https://www.actu-environnement.com/ae/news/biodiversite-objectifs-aichi-bilan-prospectives-mondiales-diversite-biologique-rapport-gbo-5-36098.php4">aucun des 20 « objectifs d’Aichi » n’ayant été pleinement atteint</a>.</p>
<h2>Comment restaurer des centaines de millions d’hectares de forêts ?</h2>
<p>Sur la thématique plus spécifique de la conservation et de la restauration des forêts, deux conférences internationales ont mobilisé scientifiques et décideurs en ce début d’année : la « Reforestation for biodiversity, carbon capture and livelihoods », <a href="https://www.kew.org/science/engage/get-involved/conferences/reforestation-biodiversity-carbon-capture-livelihoods">à partir de Londres</a> et le « Global Forest Summit », <a href="https://www.globalforestsummit.org/">à partir de Paris</a>.</p>
<p>La rencontre londonienne aura permis de présenter les 10 règles d’or devant guider les opérations de restauration des forêts ; elles avaient fait <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/gcb.15498">l’objet d’une récente publication</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/395574/original/file-20210417-17-zxipk2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/395574/original/file-20210417-17-zxipk2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/395574/original/file-20210417-17-zxipk2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=698&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/395574/original/file-20210417-17-zxipk2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=698&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/395574/original/file-20210417-17-zxipk2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=698&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/395574/original/file-20210417-17-zxipk2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=877&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/395574/original/file-20210417-17-zxipk2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=877&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/395574/original/file-20210417-17-zxipk2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=877&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les dix règles de la reforestation.</span>
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</figure>
<p>Il s’agit de protéger prioritairement les forêts existantes ; travailler avec les populations locales ; maximiser la restauration de la biodiversité ; sélectionner la surface adéquate pour la reforestation ; privilégier la restauration naturelle ; choisir les espèces d’arbres qui maximisent la biodiversité ; utiliser des espèces d’arbres résilientes qui peuvent s’adapter au climat changeant ; programmer à l’avance ; apprendre en faisant ; rentabiliser les opérations.</p>
<p>Au Global Forest Summit de Paris (dont le mot d’ordre était « Protect faster, Restore stronger »), la priorité a été donnée à la protection des forêts subsistantes, soulignant la nécessité de stopper la déforestation puis de mener des opérations correspondant à de réelles restaurations de « forêts naturelles », différentes de plantations ligneuses monospécifiques à seul objectif de production ; il s’agissait également de développer des partenariats avec les acteurs des territoires concernés.</p>
<p>Co-organisatrice du Global Forest Summit de Paris, <a href="https://www.reforestaction.com/">Reforest’action</a> a financé depuis sa création en 2010 la plantation ou la régénération de plus de 11 millions d’arbres dans 30 pays dans le monde. De nombreuses autres structures interviennent dans de telles actions, en France en premier lieu <a href="https://www.onf.fr/">l’Office national des forêts</a> qui y gère près de 11 millions d’hectares de forêts publiques, dont plus de la moitié en Outre-mer (Guyane en tête).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/eYCf20oGI_0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Reportage sur une action de reboisement en région parisienne. (Département des Yvelines/Youtube, 2019).</span></figcaption>
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<h2>Atteindre la neutralité carbone</h2>
<p>Dans sa stratégie en faveur de la biodiversité, l’Union européenne a également affiché un objectif de plantation au cours de la prochaine décennie de 3 milliards d’arbres sur son territoire, en respectant les principes écologiques.</p>
<p>Il est toutefois évident que ce volet de restauration et surtout de plantation de forêts – très prisé actuellement par les entreprises <a href="https://ecotree.green/manifeste-carbone">au titre de la « compensation carbone »</a> – ne doit pas se faire au détriment des efforts prioritaires nécessaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, indispensables pour espérer <a href="https://www.novethic.fr/actualite/environnement/climat/isr-rse/neutralite-carbone-entreprises-ne-parlez-plus-de-compensation-148655.html">atteindre la neutralité carbone en 2050</a>.</p>
<p>Ces efforts sont plébiscités par des mobilisations d’un nombre de plus en plus important de citoyens, à l’image en France de la <a href="https://theconversation.com/convention-citoyenne-pour-le-climat-la-democratie-participative-vue-de-linterieur-141571">Convention citoyenne pour le climat</a> et de <a href="https://theconversation.com/affaire-du-siecle-les-promesses-climatiques-risquent-dengager-ceux-qui-les-font-154800">« l’Affaire du siècle »</a>. L’enjeu n’est ni plus ni moins que les conditions de vie pour l’espèce humaine au cours de la deuxième moitié du XXI<sup>e</sup> siècle !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159152/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Muller préside actuellement le Conseil national de la protection de la nature (CNPN). Il est membre associé de l’Autorité environnementale du CGEDD et membre du Groupe sur l’urbanisme écologique (GUE) de l’Institut de la transition environnementale de Sorbonne-Université (SU-ITE)</span></em></p>Puits de carbone, refuges pour la biodiversité, les forêts mondiales sont exposées à de multiples menaces. La communauté internationale tente de les combattre par la préservation et la reforestation.Serge Muller, Professeur, chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (UMR 7205 ISYEB, CNRS, MNHN, SU, EPHE), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1456062020-09-07T18:29:40Z2020-09-07T18:29:40ZComment les chimpanzés ont sauvé la forêt tropicale africaine<p>La plupart des gens imaginent probablement que la forêt humide d’Afrique occidentale et centrale – la deuxième plus vaste au monde – existe depuis des millions d’années. Des travaux récents suggèrent pourtant qu’elle ne s’est constituée <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S092181812030148X?via%3Dihub">qu’il y a environ 2000 ans</a>. Fortement fragmentée sous l’effet de l’allongement de la saison sèche, il y a 2500 ans, la forêt a atteint son état actuel au terme de cinq siècles de régénération.</p>
<p>Cette restauration n’est pas liée à l’action de l’homme, mais a été favorisée par des agents de dispersion des graines ou des fruits, parmi lesquels les chimpanzés. Par leur action, ces disséminateurs ont contribué à l’expansion des espèces d’arbres à croissance lente de la forêt humide. Aujourd’hui, ces animaux se trouvent menacés par la déforestation et par la chasse, ce qui avec le changement climatique pourrait dans le futur mettre à mal la résilience des couverts tropicaux.</p>
<p>J’ai commencé à réfléchir aux processus naturels dans les forêts africaines en 1993. Aux côtés du <a href="https://janegoodall.fr/">célèbre groupe de chimpanzés de Jane Goodall</a> à Gombe, en Tanzanie, nous essayions avec ma femme de suivre ces primates sauvages. C’est l’un des directeurs de recherche de <a href="https://www.researchgate.net/profile/Anthony_Collins10">Gombe, Anthony Collins</a>, qui nous a sensibilisés à leur rôle. Il suggérait qu’ils avaient pu influer sur la composition du couvert par leurs propres pratiques nutritionnelles, les fruits étant ainsi excrétés çà et là. Une sorte de « protojardinage ».</p>
<p>J’ai finalement dû quitter les chimpanzés après avoir obtenu un petit financement pour étudier les changements passés de la végétation grâce aux pollens fossilisés, cette fois-ci dans les Andes.</p>
<p>Quelques années plus tard, je me suis retrouvé à donner des cours à Cambridge sur les impacts anthropiques au cours des 10 000 dernières années. Je « retournai » soudainement aux forêts tropicales humides d’Afrique et à leur histoire. À cette époque, les scientifiques considéraient l’humain comme largement responsable du recul spectaculaire des forêts depuis 3000 ans.</p>
<p>Les premiers rares articles scientifiques que j’ai lus sur le sujet utilisaient l’abondance de pollens issus du palmier à huile dans les lits datés des vases lacustres comme signal d’une présence humaine. Ce palmier à huile est aujourd’hui célèbre pour sa culture à <a href="https://www.nationalgeographic.fr/environnement/comment-produire-de-lhuile-de-palme-sans-detruire-les-forets">échelle industrielle massive</a> sous les tropiques. Puisqu’il a toujours constitué une importante source de nutrition pour les populations de la région, les scientifiques l’assimilaient à un indicateur de présence humaine.</p>
<p>Peu de temps après, j’ai commencé à travailler dans un <a href="http://www.isem.univ-montp2.fr/fr/">laboratoire de palynologie à Montpellier</a> dans le sud de la France. Là, je me suis penché plus longuement sur l’histoire de la forêt africaine, et les autres chercheurs ont bouleversé ma vision simpliste des pollens fossilisés du palmier à huile.</p>
<p>Lorsque l’on s’intéresse aux données recueillies sur la forêt humide africaine, on s’aperçoit qu’elle a connu un recul très fort <a href="https://opendocs.ids.ac.uk/opendocs/bitstream/handle/20.500.12413/8672/IDSB_33_1_10.1111-j.1759-5436.2002.tb00003.x.pdf">il y a environ 2500 ans</a> dans le bassin du Congo, ainsi que dans une vaste zone allant du Sénégal au Rwanda. Or on n’y trouve qu’un très petit nombre d’indices archéologiques de populations humaines dispersées : l’homme ne peut donc être tenu responsable d’une destruction simultanée à si grande échelle.</p>
<h2>Quand la forêt humide africaine a failli disparaître</h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/348401/original/file-20200720-102864-s7j20.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="map of showing the different ecosystems across Africa" src="https://images.theconversation.com/files/348401/original/file-20200720-102864-s7j20.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/348401/original/file-20200720-102864-s7j20.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=540&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/348401/original/file-20200720-102864-s7j20.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=540&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/348401/original/file-20200720-102864-s7j20.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=540&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/348401/original/file-20200720-102864-s7j20.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=678&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/348401/original/file-20200720-102864-s7j20.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=678&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/348401/original/file-20200720-102864-s7j20.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=678&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les forêts humides tropicales (en vert foncé) couvrent encore la plus grande partie du centre et de l’ouest de l’Afrique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Vzb83/wiki</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Comment expliquer alors la quasi-disparition des forêts humides ? La réponse n’est en réalité pas liée à l’action de l’humain mais à celle du climat.</p>
<p>Au cours d’une étude récemment publiée dans le journal <a href="https://www.journals.elsevier.com/global-and-planetary-change/news/will-african-forests-recover-again-as-before"><em>Global and Planetary Change</em></a>, mes collègues <a href="https://www.researchgate.net/profile/Pierre_Giresse">Pierre Giresse</a>, <a href="https://univ-montpellier.academia.edu/JeanMALEY">Jean Maley</a> et <a href="https://www.qpg.geog.cam.ac.uk/people/chepstow-lusty/">moi-même</a> avons utilisé les nombreux enregistrements de végétation disponibles à travers l’Afrique centrale et occidentale afin de démontrer qu’il y a approximativement 2500 ans, la durée de la saison sèche a augmenté. La forêt humide s’est fortement fragmenté et a été envahie par la végétation de savane – herbes, buissons isolés et arbres.</p>
<p>Au cours des siècles suivants, les forêts se sont régénérées spontanément, en incluant des espèces comme le palmier à huile. Ce dernier requiert beaucoup de lumière et prospère dans les espaces ouverts ou dans les vides créés dans les forêts quand la canopée s’ouvre à distance des zones les plus denses. C’est pourquoi il joue souvent le rôle d’espèce pionnière contribuant à ce que les bois repoussent.</p>
<p>Mais les grosses noix étant trop lourdes pour être emportées par le vent, il est dès lors nécessaire que leur dissémination soit réalisée grâce aux déjections d’animaux comme les chimpanzés. Ceux-ci sont capables d’avaler ces fruits dont la chair orange vif constitue une part <a href="https://www.academia.edu/15330525/The_importance_of_local_tree_resources_around_Gombe_National_Park_Western_Tanzania_Implications_for_humans_and_chimpanzees_Ambio_35_3_130_135">importante de leur régime alimentaire</a>. Et c’est ainsi qu’avec d’autres disséminateurs de graines, ces grands singes ont joué un rôle crucial dans la régénération des forêts humides d’Afrique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/348402/original/file-20200720-18366-bwh3c9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="bright orange oil palm fruit" src="https://images.theconversation.com/files/348402/original/file-20200720-18366-bwh3c9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/348402/original/file-20200720-18366-bwh3c9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/348402/original/file-20200720-18366-bwh3c9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/348402/original/file-20200720-18366-bwh3c9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/348402/original/file-20200720-18366-bwh3c9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/348402/original/file-20200720-18366-bwh3c9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/348402/original/file-20200720-18366-bwh3c9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le fruit du palmier à huile consommé et excrété par les chimpanzés du Parc national de Gombe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">D Mwacha A Collins/Jane Goodall Institute</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Les disséminateurs de graines menacés</h2>
<p>Lorsque nous avons initié cette recherche, nous ne pouvions pas envisager combien elle deviendrait significative au regard de la pandémie actuelle. Aujourd’hui, le changement climatique, la déforestation et la chasse affectent lourdement ces mêmes forêts. Le marché de la viande de brousse contribue à la disparition <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Esp%C3%A8ce_cl%C3%A9_de_vo%C3%BBte">d’espèces clés</a> comme les chimpanzés. Or sans ces animaux capables de disperser les graines à distance – particulièrement les plus grosses et les plus lourdes – la composition naturelle et la régénération des forêts seraient menacées.</p>
<p>Au début du 20ème siècle, il existait environ 1 million de chimpanzés. Leur nombre à l’état sauvage est désormais estimé <a href="https://fr.mongabay.com/2020/08/pour-les-chimpanzes-occidentaux-les-sanctuaires-sont-plus-quune-solution-de-dernier-recours/">entre 172 000 et 300 000</a>. Ces espèces fournissent un service indispensable et méritent donc d’être mieux protégées pour préserver les forêts en elles-mêmes et prévenir les transmissions de maladie.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/348403/original/file-20200720-31-8pg4f1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Cusano the chimpanzee clings to a branch" src="https://images.theconversation.com/files/348403/original/file-20200720-31-8pg4f1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/348403/original/file-20200720-31-8pg4f1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=910&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/348403/original/file-20200720-31-8pg4f1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=910&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/348403/original/file-20200720-31-8pg4f1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=910&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/348403/original/file-20200720-31-8pg4f1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1144&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/348403/original/file-20200720-31-8pg4f1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1144&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/348403/original/file-20200720-31-8pg4f1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1144&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cusano, un mâle alpha de Gombe (Tanzanie), fit partie de ceux qui moururent de maladie respiratoire en 1996..</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alex Chepstow-Lusty</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>La diffusion des maladies aux humains est notamment associée au commerce de la <a href="https://www.courrierinternational.com/article/pandemie-en-afrique-centrale-la-viande-de-brousse-est-un-cadeau-de-dieu">viande de brousse</a>. Mais la propagation des maladies existe dans le sens inverse. En juin 1996, trois ans après avoir quitté les chimpanzés de Mitumba à Gombe, presque la moitié du groupe de singes est décédée probablement <a href="https://www.academia.edu/15330525/The_importance_of_local_tree_resources_around_Gombe_National_Park_Western_Tanzania_Implications_for_humans_and_chimpanzees_Ambio_35_3_130_135">d’une maladie respiratoire</a> transmise par les humains.</p>
<p>Les écosystèmes des forêts tropicales sont peut-être beaucoup plus résilients qu’on ne peut le prédire. Mais sans les chimpanzés et autres disséminateurs de graines, nous assisterions à une triste évolution vers des forêts fragmentées et clairsemées. Sans doute devrions-nous considérer à sa juste valeur le rôle essentiel des déjections… et de ceux qui les produisent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145606/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alex Chepstow-Lusty ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La menace qui pèse sur les chimpanzés fait aussi courir un risque aux forêts tropicales.Alex Chepstow-Lusty, Associate Researcher, Quaternary Palaeoenvironments Group, University of CambridgeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1357722020-04-19T17:58:31Z2020-04-19T17:58:31ZTrafic d’espèces et pandémie : quelles réponses au non-respect des normes ?<p>Du VIH au SARS, de la grippe aviaire à Ebola, les grandes épidémies naissent lors de contacts trop rapprochés entre les hommes et les animaux. Le risque est aggravé lorsque des espèces sont transportées loin de leur aire de répartition naturelle autour de laquelle les populations humaines ont pu développer une certaine immunité.</p>
<p>Après la détection d’un cas de grippe aviaire hautement pathogène chez un oiseau au Royaume-Uni, et en raison du risque sanitaire qu’il portait, l’Union européenne a décidé en octobre 2005 <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_05_1351">d’interdire toute importation d’oiseaux de pays tiers</a>. Le lien entre prévention des maladies infectieuses et commerce international d’animaux sauvages était déjà clairement établi.</p>
<p>L’origine animale du Codiv-19 semble elle aussi faire consensus parmi la communauté scientifique : le virus, hébergé dans des populations de chauve-souris, aurait transité par un hôte intermédiaire, le pangolin, pour ensuite contaminer l’homme.</p>
<p>Une <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-020-2169-0">étude publiée dans la revue <em>Nature</em> le 26 mars 2020</a> décrit le pangolin comme le seul mammifère connu (en dehors de la chauve-souris) infecté par un coronavirus apparenté au CoV-2 du SARS. Ces travaux semblent confirmer que la présence de cette espèce au sein du marché de Huanan, à Wuhan, où la pandémie a débuté, a pu jouer un rôle dans la transmission du virus à l’homme.</p>
<h2>Le pangolin, objet de convoitises</h2>
<p>Le pangolin détient aussi le triste statut <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2016/09/29/les-pangolins-mammiferes-les-plus-braconnes-au-monde-desormais-proteges_5993453_3244.html">d’espèce la plus braconnée au monde</a>.</p>
<p>Présent en Asie et en Afrique, c’est un insectivore solitaire, appréciant les fourmis, extrêmement facile à chasser : son mécanisme de défense face à ses prédateurs habituels, félins ou singes, consiste à s’enrouler sur lui-même. Une fois trouvé, le chasseur n’a plus qu’à le ramasser. Autrefois largement présent en Chine, ses populations se sont depuis longtemps effondrées.</p>
<p>Entre les années 1960 et 1980, <a href="https://cites.org/sites/default/files/fra/com/sc/69/F-SC69-57-A.pdf">jusqu’à 160 000 pangolins auraient été récoltés</a> chaque année dans le pays à des fins de consommation. La sous-espèce de pangolin chinois est désormais <a href="https://www.iucnredlist.org/species/12764/168392151">classée « en danger critique d’extinction »</a> par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1250516523334217731"}"></div></p>
<p>Face à la convoitise que suscitent les pangolins, les États parties à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (<a href="https://www.cites.org/fra">CITES</a>) ont <a href="https://cites.org/sites/default/files/eng/cop/17/prop/060216/E-CoP17-Prop-11.pdf">décidé en 2016</a> de transférer les huit espèces de pangolins de l’Annexe II à l’Annexe I, celle des espèces menacées d’extinction dont le commerce n’est autorisé que dans des conditions exceptionnelles.</p>
<p>Depuis cette date, aucun commerce international de pangolins ne peut être autorisé sans permis d’importation et d’exportation délivrés par des autorités scientifiques. En Chine, l’article 27 de la <a href="http://www.cwca.org.cn/resources/legislation/ff80808154ddd33a0156c45a481b0e4b.html">loi du 8 novembre 1988</a> pour la protection de la faune interdit la vente, l’achat ou l’utilisation des produits de ces espèces protégées. L’article 151 du <a href="https://www.fmprc.gov.cn/ce/cgvienna/eng/dbtyw/jdwt/crimelaw/t209043.htm">code pénal chinois</a> réprime leur trafic d’une peine de plus de 5 ans d’emprisonnement, pouvant aller jusqu’à la mort si les circonstances sont particulièrement graves.</p>
<h2>La Chine responsable de la crise ?</h2>
<p>Les pangolins chinois ayant disparu, leur chasse étant par ailleurs interdite, ceux mis en vente sur le marché de Wuhan étaient nécessairement issus de filières clandestines, importés en violation des dispositions de la convention CITES et de la loi chinoise sur la protection de la faune. La responsabilité de la Chine pour ne s’être pas suffisamment assurée du respect des normes environnementales pourrait-elle être recherchée ?</p>
<p>Le Secrétariat de la convention CITES, assuré par le Programme des Nations Unies pour l’environnement, pourrait considérer à la lumière de ces éléments que les dispositions de la convention n’ont pas été effectivement appliquées par les autorités chinoises et leur demander l’adoption de mesures correctives (article XII de la <a href="https://www.cites.org/sites/default/files/fra/disc/CITES-Convention-FR.pdf">Convention</a>).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1242195818934947853"}"></div></p>
<p>La Conférence des Parties pourrait également adresser à la Chine toute recommandation qu’elle juge appropriée. La Chine a vraisemblablement anticipé ces critiques en renforçant sa législation sur les espèces sauvages. Le 24 février 2020, le Comité permanent du Congrès national du peuple a totalement <a href="http://www.xinhuanet.com/politics/2020-02/24/c_1125620762.htm">interdit le commerce et la consommation d’animaux sauvages</a>, qu’ils soient ou non sur les listes d’espèces protégées.</p>
<p>En théorie, un État pourrait également saisir la Cour Internationale de justice (CIJ) pour dénoncer la violation, par la Chine, des dispositions de la convention CITES. Le moyen avait été invoqué par <a href="https://www.cairn.info/revue-revue-juridique-de-l-environnement-2014-4-page-732.htm">l’Australie à l’égard du Japon</a> dans le <a href="https://www.icj-cij.org/fr/affaire/148">contentieux</a> relatif à la chasse à la baleine dans le Pacifique.</p>
<h2>56 pays impliqués dans le trafic de pangolins</h2>
<p>En réalité, il est peu probable que de telles procédures soient mises en œuvre, tant le trafic des espèces sauvages constitue un fléau mondial auquel tous les États sont confrontés.</p>
<p><a href="https://cites.org/sites/default/files/fra/com/sc/69/F-SC69-57-A.pdf">Un rapport</a> de l’UICN pour le Secrétariat de la Convention CITES révélait en 2017 que 56 États étaient impliqués dans le commerce illégal de pangolins (comme pays d’origine, d’exportation, de transit et/ou de destination) et que ce commerce était mondial.</p>
<p>Le trafic d’espèces sauvages figure parmi les activités criminelles les plus lucratives, souvent associé à d’autres activités illicites comme le blanchiment d’argent et la corruption.</p>
<p>Selon un <a href="https://www.interpol.int/fr/Actualites-et-evenements/Actualites/2018/La-criminalite-organisee-alimente-les-grands-conflits-et-le-terrorisme-dans-le-monde-entier">rapport</a> d’Interpol, il constitue avec les autres atteintes à l’environnement la principale source de financement des groupes armés et terroristes dans le monde. La protection des espèces est aussi un enjeu de nature sécuritaire.</p>
<p>La crise du Covid-19 permettra-t-elle de renforcer la lutte contre le braconnage et le trafic d’espèces ? Rien n’est moins sûr à court terme car la crise sanitaire pourrait paradoxalement accroître encore la pression sur la faune sauvage.</p>
<p>Des populations entières en Afrique et en Asie ont recours à des <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/04/01/les-malgaches-se-ruent-sur-les-plantes-medicinales-traditionnelles-pour-eviter-le-coronavirus_6035223_3212.html">remèdes</a> à base de plantes ou d’animaux pour renforcer leur système immunitaire.</p>
<p>D’autres <a href="http://www.leparisien.fr/societe/covid-19-halte-a-la-chasse-aux-pangolins-et-aux-vengeances-sur-les-chauves-souris-08-04-2020-8296008.php">se vengent</a> sur des populations de pangolins ou de chauves-souris prétendument responsables de la maladie. Enfin, l’arrêt brutal du tourisme – et de ses devises – dans les parcs africains laisse le champ libre aux <a href="http://www.rfi.fr/fr/afrique/20200405-la-pand%C3%A9mie-covid-19-menace-la-faune-sauvage-kenya">braconniers</a>.</p>
<h2>Attaquer les causes profondes de la crise sanitaire</h2>
<p>Deux évènements internationaux sont cependant susceptibles de changer la donne. Le <a href="https://www.iucncongress2020.org/">Congrès mondial de la nature</a> de l’UICN, qui devait se tenir à Marseille au mois de juin, est reporté en janvier 2021.</p>
<p>Portée par une quarantaine d’organisations membres de l’UICN, y compris le ministère français des Affaires étrangères, une <a href="https://www.iucncongress2020.org/fr/motion/047">motion</a> demande aux États de « traiter les crimes environnementaux comme des infractions graves » en prévoyant des sanctions pénales dissuasives et proportionnées, et en accroissant les moyens accordés à la lutte contre cette criminalité. Les liens entre trafics d’espèces protégées et crise sanitaire devraient lui conférer une dimension nouvelle.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1242910584041017344"}"></div></p>
<p>Quelques mois plus tard se tiendra en Chine la 15<sup>e</sup> Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, initialement prévue au mois d’octobre 2020. Il s’agit d’un rendez-vous majeur destiné à déterminer le cadre d’action des trente prochaines années pour tenter d’enrayer l’effondrement de la biodiversité.</p>
<p>Les causes plus profondes de cette crise sanitaire, liées à la déforestation et à la perte des habitats naturels entraînant une trop grande proximité avec la faune et la flore sauvages y seront abordées. L’exigence de distanciation sociale entre humains pour freiner l’expansion de la pandémie pourrait déboucher sur des propositions concrètes visant à nous distancier plus durablement de la faune sauvage.</p>
<h2>Vers une nouvelle régulation du trafic</h2>
<p>Dans le cadre de la Convention CITES, la décision de limiter le commerce international d’une espèce est conditionnée à sa menace d’extinction, sans prise en compte des risques sanitaires que le commerce de certaines d’entre elles est susceptible de créer.</p>
<p>Le réseau de surveillance du commerce de faune et de flore sauvages « Traffic » <a href="https://www.traffic.org/site/assets/files/12764/covid-19-briefing-vfinal.pdf">appelait</a> en avril 2020 à une réponse internationale coordonnée contre les risques de maladies liés au commerce des espèces sauvages, évoquant un nouvel accord international qui pourrait être développé sous les auspices de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation mondiale de la santé animale (OiE).</p>
<p>En France, la <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/parquet_europeen_justice_penale_specialisee">réforme</a> visant à créer des juridictions spécialisées pour l’environnement devrait être relancée dès la sortie de crise de manière à ce que nous disposions de magistrats spécialement formés pour lutter contre les crimes environnementaux. Les ports et aéroports français sont en effet les lieux de transits de nombreux trafics entre l’Afrique et l’Asie dans lesquels les saisies d’animaux sauvages, y compris de <a href="https://www.ina.fr/video/G1143105_001_031">pangolins</a>, sont courantes.</p>
<p>Un vendeur de pangolins du marché de Wuhan, pour un bénéfice de quelques centaines d’euros, aura probablement provoqué la plus grave crise sanitaire et économique que le monde ait connue depuis plus d’un siècle. L’analyse coûts-bénéfices de la transaction réalisée milite pour que des moyens plus importants soient enfin alloués à la protection de la faune sauvage et que cessent les trafics illicites.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135772/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien MABILE est Président de la Commission droit et politiques environnementales du Comité français de l'UICN, membre de la Commission mondiale du droit de l'environnement de l'UICN, membre de la Commission environnement du Club des Juristes, membre du Club des Avocats Environnementalistes. </span></em></p>La crise sanitaire pose la question des recours possibles contre les pays qui ne respectent pas la réglementation en matière de faune sauvage, et des lacunes des protections existantes.Sébastien Mabile, Docteur en droit, avocat, chargé d'enseignement, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1359072020-04-13T19:40:48Z2020-04-13T19:40:48ZVirus : quand les activités humaines sèment la pandémie<p>Combien y a-t-il de micro-organismes pathogènes sur Terre ? Un certain nombre… un nombre gigantesque !</p>
<p>Un programme nord-américain, financé par US-AID (l’équivalent de notre Agence française de développement), <a href="https://www.usaid.gov/sites/default/files/documents/1864/predict-global-flyer-508.pdf">intitulé PREDICT</a> et financé à hauteur de 65 millions de dollars, a choisi de déterminer les espèces de virus présentes chez les chauves-souris. Pourquoi ces mammifères ? Tout simplement parce qu’ils constituent le groupe taxonomique comprenant le plus d’espèces, relativement bien connues, et que ce groupe a déjà été identifié comme porteur de nombreux virus très pathogènes pour l’humain.</p>
<p>Ce programme a ainsi permis d’identifier près de 380 nouveaux virus portés par ces animaux. À partir de là, les chercheurs ont effectué des calculs statistiques pour extrapoler le nombre de virus qu’il reste à découvrir chez les espèces de mammifères terrestres.</p>
<p>Ce nombre est estimé entre 360 000 et 460 000 nouvelles espèces de virus à découvrir. Vertigineux…</p>
<h2>Des milliards de micro-organismes régulateurs</h2>
<p>Les travaux menés par le programme PREDICT n’indiquent toutefois pas le pouvoir pathogène de certains de ces virus pour l’espèce humaine ; et ils n’ont d’ailleurs pas caractérisé le <a href="https://theconversation.com/covid-19-lanalyse-des-genomes-revelerait-une-origine-double-du-virus-133797">virus du Covid-19</a>, responsable de la pandémie actuelle essentiellement par ce que c’est une forme recombinante et donc imprévisible par nature. Cette recherche n’a pas non plus identifié les très nombreuses espèces de bactéries, champignons parasites, helminthes ou encore protozoaires que les chauves-souris abritent. On comprend bien que le nombre de micro-organismes hébergés par ces animaux est incommensurable.</p>
<p>La diversité biologique en micro-organismes sur Terre est une fonction puissance du nombre d’espèces animales, c’est-à-dire qu’il faudrait multiplier ce nombre par lui-même plusieurs dizaines ou centaines de fois pour obtenir le nombre de micro-organismes totaux. C’est très certainement de plusieurs facteurs exposants qu’il faudrait estimer cette diversité en micro-organismes, en fonction du nombre d’espèces animales sur Terre. Et il faudrait le faire en prenant en compte ce qu’abritent naturellement les eaux continentales et côtières, les sols, les plantes, les systèmes racinaires de plantes…</p>
<p>La vie que nous voyons s’organise autour d’une diversité invisible (<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0169534710002922"><em>dark biodiversity</em></a>) constituée de micro-organismes qui assurent des fonctions essentielles dans les écosystèmes. Sans eux, ces derniers s’écroulent ou sont moins résilients aux aléas et aux crises environnementales et anthropiques. Les idées qui se diffusent aujourd’hui dans le domaine médical, concernant le <a href="https://theconversation.com/comment-votre-microbiome-controle-votre-vie-120387">microbiome intestinal</a> de l’être humain et sa diversité bactérienne comme garante d’une meilleure santé des individus, constituent des applications directes de ce que nous enseignent les écologues travaillant sur des systèmes plus complexes depuis maintenant plus de 40 ans.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/biodiversite-combien-de-millions-despeces-61875">Biodiversité, combien de millions d’espèces ?</a>
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<p>Faut-il dès lors explorer et décrire cette diversité microbienne afin d’identifier les possibles agents de futures épidémies ? Nous le décririons, en ayant les moyens humains et financiers pour le faire, que des crises sanitaires se déclencheraient de manière insidieuse, avant même que ce travail titanesque ait pu faire un premier tour de toutes ces descriptions !</p>
<p>Puisque la vie que nous observons s’organise et se régule grâce à ces myriades de micro-organismes, quelle est la part de responsabilité des activités humaines dans les dérèglements actuels ? Aurions-nous entrouvert le couvercle de la boîte de Pandore, laissant un flux plus conséquent de micro-organismes s’échapper, avec des conséquences potentiellement désastreuses ?</p>
<p>La réponse est affirmative. Par nos pratiques et, plus généralement, nos organisations sociétales, nous interagissons aujourd’hui plus fortement avec les écosystèmes naturels et leur biodiversité. La déforestation en hausse dans les zones inter-tropicales – au Brésil, en Indonésie et en Afrique centrale –, mais aussi la recherche de nouvelles terres pour le développement de l’agriculture et l’installation de populations, sont autant de facteurs qui nous exposent à de nouveaux microbes et nous fait interférer avec des cycles naturels de micro-organismes, animaux en particulier.</p>
<p>On qualifie ces cycles d’« enzootiques » ou « sylvatiques », car un nombre important d’entre eux se déroule dans les écosystèmes forestiers, en particulier tropicaux. Ces activités humaines qui ont cours de manière massive dans de très nombreuses régions du monde, « réveillent » en quelque sorte des cycles microbiens naturels, auparavant peu ou jamais exposés aux humains.</p>
<p>L’accroissement de la taille des villes, notamment dans les régions intertropicales (plus de 20 villes aujourd’hui avec des populations de 8 millions d’habitants et plus), expose les populations à des dangers microbiologiques nouveaux, plus importants et plus fréquents. Cela est d’autant plus possible que ces mêmes villes concentrent en leurs marges des populations démunies, parmi les plus pauvres de la planète.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/327332/original/file-20200412-124196-1piveep.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/327332/original/file-20200412-124196-1piveep.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/327332/original/file-20200412-124196-1piveep.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/327332/original/file-20200412-124196-1piveep.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/327332/original/file-20200412-124196-1piveep.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/327332/original/file-20200412-124196-1piveep.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/327332/original/file-20200412-124196-1piveep.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Bangkok, la capitale thaïlandaise, s’est développée rapidement au-delà de ses limites initiales.</span>
<span class="attribution"><span class="source">@IRD/Jean‑Pierre Montoroi</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>En dehors de ces métropoles (Bangkok, Manaus, Lagos, par exemple), des élevages très nombreux et variés (canard, poulet, porc) se sont développés et coexistent <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15702714">dans les zones périurbaines</a> ; ils facilitent le transfert de microbes des uns aux autres, mais relient aussi la faune sauvage à cette faune domestiquée et aux réceptacles que peuvent constituer les populations humaines.</p>
<p>C’est ici même que se trouvent les nouvelles infections humaines.</p>
<p>Cette réalité dépasse la fiction : elle nous rappelle notre existence d’humains vulnérables, aussi arrogants que crédules. Les agents pathogènes des hommes ne sont pas apparus le 7<sup>e</sup> jour de la Création… ils émergent au gré de nos activités et de nos pratiques par circonstance, par opportunisme. Jamais par nécessité propre.</p>
<h2>Des pressions humaines accrues</h2>
<p>Imaginons deux mondes : celui du dessus (<em>Upper World</em>), visible par chacun d’entre-nous et incluant toute la biosphère, dont les humains ; et le monde du dessous (<em>Under World</em>), invisible à nos yeux, constitué des millions, des milliards, de micro-organismes, ceux évoqués précédemment. Ces deux mondes ont toujours coexisté, ils s’interpénètrent. Le premier compartiment de l’<em>Upper World</em> n’existerait pas sans celui caché de l’<em>Under World</em>. Cette <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Underworld">métaphore</a> nous rappelle évidemment de nombreux films de science-fiction.</p>
<p>Mais cette image est également très proche de certains textes de la mystique et de la mythologie juives, autour de la <a href="https://www.mahj.org/fr/programme/golem-avatars-d-une-legende-d-argile-47805">création du <em>golem</em></a>, cet être artificiel à apparence humaine, fait d’argile, et créé pour assister et défendre son créateur. Né de la terre glaise, apparaissant très tôt dans la littérature talmudique puis dans certains contes chrétiens, il est dit dans le <em>Talmud</em> que Dieu, en créant Adam, le fit d’abord <em>golem</em> en l’extrayant de la terre. Le <em>golem</em> sera par la suite rappelé à la « poussière » dont il était né.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/327333/original/file-20200412-123487-1dpu89v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/327333/original/file-20200412-123487-1dpu89v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/327333/original/file-20200412-123487-1dpu89v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/327333/original/file-20200412-123487-1dpu89v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/327333/original/file-20200412-123487-1dpu89v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/327333/original/file-20200412-123487-1dpu89v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/327333/original/file-20200412-123487-1dpu89v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une image extraite du film <em>Golem</em> (1921) de Paul Wegener.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Imdb</span></span>
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<p>Il existe dans l’histoire humaine, passée et récente, nombre d’analogies avec ces <em>Upper et Under Worlds</em>.</p>
<p>En défrichant la terre pour y semer les premières graines et en chassant les grands mammifères sauvages pour constituer leurs premiers troupeaux, les civilisations humaines du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9olithique">Néolithique</a> ont été parmi les premières à interagir de manière importante avec l’<em>Under World</em>.</p>
<p>À la fin du Néolithique, en Mésopotamie, on estime la population humaine de plusieurs centaines de milliers d’habitants à 3 millions, mais guère plus. En France, à cette même période, on y rencontre <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/18827/pop_et_soc_francais_394.fr.pdf">500 000 habitants</a> au maximum.</p>
<p>Des siècles plus tard, au 1<sup>er</sup> janvier 2019 plus précisément, nous étions 7,7 milliards d’humains sur Terre. Le nombre d’animaux d’élevage, et plus singulièrement de vaches, constitue aujourd’hui <a href="https://extenso.org/article/l-impact-de-l-elevage-sur-l-environnement/">20 % de la biomasse animale</a> de la planète. Les élevages occupent 30 % de zones occupées précédemment par la biodiversité et mettent aujourd’hui en péril près de <a href="https://www.researchgate.net/publication/326164053_Human_footprint_in_biodiversity_hotspots">40 % des espaces naturels protégés</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/8-milliards-dhumains-sommes-nous-trop-nombreux-sur-terre-81225">8 milliards d’humains : sommes-nous trop nombreux sur Terre ?</a>
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<p>En 2016, selon les statistiques fournies par les Nations unies, les surfaces agricoles <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/ag.lnd.agri.zs">couvraient 37,4 % des terres émergées</a> pour atteindre un pic dans les années 1991 avec 39,1 % de couverture. Depuis 1992, le pourcentage de surface agricole mondiale se stabilise autour de 37 %. Si l’espace ne manque cependant pas encore sur Terre, 55,3 % de la population terrestre se concentre dans les villes en 2018 avec <a href="https://www.lesechos.fr/2018/05/en-2050-plus-de-deux-tiers-de-lhumanite-vivra-en-ville-990758">46 % de cette population mondiale</a> présente en Asie orientale et du Sud-Est.</p>
<p>Les terres soustraites aux écosystèmes naturels et à l’agriculture par l’urbanisation et la périurbanisation sont souvent parmi les plus fertiles. Si on dispose de peu de statistiques mondiales à ce propos, on estime que l’équivalent d’un département français est <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/18xxx_Plan-biodiversite-04072018_28pages_FromPdf_date_web_PaP.pdf">artificialisé tous les 5 à 6 ans</a> ; ainsi près de 10 % de la surface agricole utile disparaîtra d’ici 2060.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-biodiversite-des-sols-nous-protege-protegeons-la-aussi-88538">La biodiversité des sols nous protège, protégeons-la aussi</a>
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<p>Au travers de ces statistiques générales, on comprend bien en quoi les activités humaines interfèrent massivement, et de manière toujours plus fréquente, avec l’<em>Under World</em>. Par leurs impacts sur les écosystèmes et leur diversité biologique, les êtres humains permettent un flux de communications, plus intensif et continu, vers l’<em>Upper World</em> de myriades de micro-organismes dont certains se révèlent être ce que l’on appelle des « agents infectieux émergents » pour l’humain. Les animaux, sauvages et domestiques, ainsi que les plantes, naturelles et cultivées, subissent ce même type de phénomène à l’heure actuelle.</p>
<p>Seul un retour à la terre, dont le <em>golem</em> est issu, pourra refermer la porte entre les deux mondes. Tenter de supprimer le monde invisible conduirait inévitablement à la disparition de celui qui nous abrite et nous soutient. Vouloir supprimer les chauves-souris au prétexte qu’elles portent en elles les actuels et futurs germes pathogènes pour l’espèce humaine est donc totalement stupide…</p>
<h2>Nous préparer aux futures pandémies</h2>
<p>Conjonctions épidémiques, conjonctions de crises environnementale, climatique, mais aussi sociale, philosophique, politique, financière, économique… Qui aurait parié il y a quelques semaines encore que la pandémie de Covid-19 ébranlerait à ce point la planète ? Nous nous posons tous énormément de questions concernant ces crises et leur nature.</p>
<p>Des premiers foyers, à Wuhan (Chine), du Covid-19 à sa dispersion épidémique puis son extension pandémique, tout cela nous rappelle ces idées développées par Lorenz dans les années 1960, et son désormais célèbre « effet papillon » selon lequel les battements d’ailes de cet insecte à une extrémité de la planète peuvent influer sur le climat d’une région située aux antipodes.</p>
<p>Selon la « théorie des catastrophes », dans laquelle s’inscrit ce battement d’ailes de papillon, les systèmes de transmission infectieuse répondent bien aux lois simples des systèmes chaotiques. Bien que le comportement chaotique d’épidémies infectieuses paraisse souvent aléatoire et imprévisible, il obéit à des principes mathématiques assez simples qu’il sera possible d’identifier dans quelques semaines.</p>
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<figcaption><span class="caption">Effet papillon et théorie du chaos. (Sciences étonnantes/Youtube, 2018).</span></figcaption>
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<p>Avec la mondialisation des échanges, leur extension, leur fréquence, nos sociétés dépendent curieusement de ces quelques ondulations du papillon à l’autre bout du monde. Le papillon, dans les circonstances actuelles, s’incarnant en chauve-souris ou en pangolin, dont la baisse tragique des effectifs naturels et le marché asiatique ont organisé les conditions d’une infection de grande ampleur.</p>
<p>Le sort de nos sociétés n’est plus contingenté par des règles régionales ou nationales, mais bien par des organisations et des désorganisations extérieures et lointaines.</p>
<p>Au sortir de cette crise sanitaire, les citoyens, les décideurs publics, les gouvernements nationaux et les institutions internationales devraient promouvoir une nouvelle organisation mondiale, plus respectueuse des engagements de <a href="https://www.agenda-2030.fr/agenda-2030-5">l’Agenda 2030 des Nations unies</a>. Pour faire émerger une nouvelle forme de résilience internationale face à ces nouveaux dangers.</p>
<p>La recherche scientifique et la médecine doivent aussi s’adapter en promouvant la transdisciplinarité et la remise en cause des connaissances et des savoirs, établis et transmis le plus souvent comme autant de dogmes.</p>
<p>Quelques décennies en arrière, les enseignements de biologie et de médecine infectiologique se concentraient sur les barrières d’espèces comme obstacles au franchissement des infections. Aujourd’hui, les plus fortes promiscuités entre animaux sauvages, d’élevages, l’extension de l’agriculture et l’urbanisation massive conduisent à réinterpréter les transferts de germes microbiens, rendus plus faciles, plus volumineux et plus fréquents, entre plantes, animaux et humains.</p>
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<p><em>Jean‑François Guégan a récemment publié deux articles – l’un en <a href="http://documents.irevues.inist.fr/handle/2042/69267">français</a>, l’autre en <a href="https://www.preprints.org/manuscript/202004.0061/v1">anglais</a> – sur le thème « Forêts et maladies infectieuses émergentes ».</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135907/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-François Guégan a reçu des financements de la National Science Foundation (NSF, USA) pour ses travaux de recherche (Grant #1911457) pour la période 2020-2024.
Jean-François Guégan est Président de l’Association à but non lucratif qui gère le Séminaire annuel de l’École du Val-de-Grâce sur les maladies infectieuses émergentes (multi-partenaires ; voir à : <a href="http://www.malinfemerg.org">www.malinfemerg.org</a>) et intervient à ce titre gracieusement.</span></em></p>La déforestation, la recherche de nouvelles terres pour le développement de l’agriculture et l’urbanisation sont autant de facteurs qui nous exposent à de nouveaux microbes.Jean-François Guégan, Parasitologue, écologue numéricien, PhD, HDR - DRCE IRD en accueil à INRAE, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1293362020-01-05T18:43:11Z2020-01-05T18:43:11ZIncendies en Australie : la cryogénie pour sauver les koalas<p>Des milliers de koalas auraient déjà péri dans les incendies qui ravagent depuis septembre 2019 la région de la Nouvelle-Galles du Sud (New South Wales, NSW), en Australie, sans qu’un bilan précis puisse toutefois être établi, précise une récente <a href="https://www.theguardian.com/australia-news/2019/dec/09/nsw-fires-so-destructive-thousands-of-koala-bodies-may-never-be-found-ecologist-says">enquête parlementaire</a>.</p>
<p>Ces incendies sans précédent ont détruit des millions d’hectares de forêt, contraignant des dizaines de milliers de personnes à fuir ; en ce début janvier 2020, un bilan provisoire fait état de 24 morts.</p>
<p>L’habitat des koalas – espèce emblématique sur l’île-continent qui en compte environ 80 000 – est particulièrement frappé par cette catastrophe, de même que des espaces forestiers tropicaux qui avaient été épargnés par les feux depuis très longtemps.</p>
<p>Et ce désastre écologique ne s’arrêtera malheureusement pas une fois les feux éteints : les populations de koalas ayant survécu se verront séparées les unes des autres, avec pour conséquence de réduire leur diversité génétique et de menacer leur survie à long terme.</p>
<p>Pour protéger efficacement cette espèce emblématique, il faut commencer par mettre à l’abri son matériel génétique en le congelant. Ceci pourrait être réalisé grâce à un investissement accru dans le domaine de la cryogénie, une technologie qui se développe rapidement : dès aujourd’hui, les <a href="https://www.parismatch.com/Actu/Environnement/Bienvenue-au-Koala-Hospital-le-centre-qui-sauve-les-koalas-des-flammes-en-Australie-1661244">hôpitaux pour koalas</a> pourraient prélever des échantillons sur les animaux qu’ils recueillent, sécurisant ainsi une « ligne de vie » essentielle à toute l’espèce.</p>
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<figcaption><span class="caption">Incendies en Australie : « C’est un peu la panique générale sur la côte sud-est », vidéo de France 24 du 2 janvier 2020. (YouTube).</span></figcaption>
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<h2>Des incendies toujours plus dévastateurs</h2>
<p>En Australie, les saisons des feux <a href="https://theconversation.com/its-only-october-so-whats-with-all-these-bushfires-new-research-explains-it-124091">commencent désormais plus tôt</a>, durent plus longtemps et deviennent plus intenses, aggravées qu’elles sont par le <a href="https://theconversation.com/climate-change-is-bringing-a-new-world-of-bushfires-123261">changement climatique</a> en cours.</p>
<p>Cette saison, le <a href="https://www.bnhcrc.com.au/hazardnotes/63">risque s’avère bien supérieur</a> à la moyenne des incendies graves des années précédentes pour une majorité de zones de la côte est de l’Australie où vivent de nombreux koalas.</p>
<p>Dans le cadre de l’enquête parlementaire citée plus haut, les experts ont estimé qu’environ 2 000 koalas pourraient avoir péri dans les flammes ; c’est sans compter les futurs déclins de population causés par la destruction de leur habitat. Des zones jusqu’à présent épargnées par les feux étant désormais menacées, la conservation de l’espèce nécessite de nouvelles approches.</p>
<p>Les koalas sont très vulnérables aux incendies : la chaleur brûle leurs pattes et leur fourrure, l’air surchauffé cause des dommages internes à leurs poumons. Et la canopée des forêts d’eucalyptus, qui constitue leur seul refuge, n’offre aucune protection lors des violents feux de brousse.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/305979/original/file-20191209-90592-l63d1y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/305979/original/file-20191209-90592-l63d1y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/305979/original/file-20191209-90592-l63d1y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=258&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/305979/original/file-20191209-90592-l63d1y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=258&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/305979/original/file-20191209-90592-l63d1y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=258&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/305979/original/file-20191209-90592-l63d1y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=325&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/305979/original/file-20191209-90592-l63d1y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=325&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/305979/original/file-20191209-90592-l63d1y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=325&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">À gauche, projections des feux de brousse saisonniers. À droite, distribution des populations de koalas entre janvier 2017 et 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Feux de brousse et risques naturels CRC/Atlas of Living Australia</span></span>
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<p>Au-delà de cette menace directe, c’est toute la <a href="http://www.publish.csiro.au/pc/PC070189">diversité génétique</a> des populations locales de koalas du sud-est australien qui se trouve menacée lorsqu’un grand nombre d’individus est tué ou gravement blessé.</p>
<p>Dans les mois qui viennent, les koalas dépendront donc fortement des <a href="http://www.hurriyetdailynews.com/two-koalas-rescued-in-australia-bushfire-but-fate-of-100s-unknown-148226">hôpitaux dédiés à la faune sauvage</a> pour assurer leur survie et leur rétablissement après les incendies.</p>
<p>Les petits groupes d’individus épars, vivant à la limite des zones urbaines – comme sur les zones côtières de Port Macquarie et de Port Stephens – sont particulièrement vulnérables.</p>
<p>Port Stephens a ainsi connu, courant 2018, <a href="https://www.abc.net.au/news/2018-12-11/bushfire-threatens-vital-koala-habitat-in-port-stephens/10605160">plusieurs incendies</a> ayant ravagé des milliers d’hectares abritant des koalas. Sachant qu’une saison d’incendies tout aussi catastrophique avait eu lieu <a href="https://www.abc.net.au/local/stories/2013/10/15/3869438.htm">cinq ans plus tôt</a>.</p>
<p>Si de tels événements se poursuivent au même rythme – ou s’intensifient et se multiplient comme le prévoient les climatologues – nous pourrions perdre d’irremplaçables sources de diversité génétique pour ces animaux. Des réductions brutales de la taille des populations peuvent provoquer des goulots d’étranglement génétique qui conduisent à la consanguinité. Cela impacte la capacité de reproduction et rend l’extinction de l’espèce plus <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1046/j.1365-294X.1996.00089.x">probable</a>.</p>
<p>Prenez la population des koalas de Port Macquarie, par exemple, qui compte entre <a href="https://www.wwf.org.au/ArticleDocuments/353/pub-current-status-of-the-koala-in-queensland-and-new-south-wales-19may17.pdf.aspx?Embed=Y">1 000 et 2 000 individus</a>. Les scientifiques estiment que la perte de 350 koalas de ce groupe augmenterait la consanguinité de 20 à 50 %. Il faudrait ainsi cinq à dix ans pour que la population se rétablisse… en supposant qu’il n’y ait plus d’incendies durant cette période.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/qipBFEEeOBg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">À l’hopital pour koalas de Port Macquarie. (7 News Australia, novembre 2019).</span></figcaption>
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<p>Alors que de nombreux bénévoles et professionnels accomplissent un travail fantastique pour aider les koalas à survivre aux feux, nous n’avons malheureusement aucune stratégie pour sauvegarder efficacement la diversité génétique et réduire ce risque de consanguinité de l’espèce.</p>
<p>Mais nous pouvons nous inspirer des jardins botaniques, qui congèlent régulièrement le matériel génétique d’espèces végétales et les conservent dans des <a href="https://theconversation.com/ces-coffres-forts-qui-conservent-les-graines-de-la-planete-80576">banques de semences</a>. La congélation du sperme, des ovules et des embryons de koalas pourrait offrir un moyen de préserver la diversité génétique et anticiper de nouveaux effondrements de population.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ces-coffres-forts-qui-conservent-les-graines-de-la-planete-80576">Ces coffres-forts qui conservent les graines de la planète</a>
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<hr>
<h2>La reproduction artificielle n’en est qu’à ses débuts</h2>
<p>Aujourd’hui, la reproduction artificielle des koalas – et plus généralement celle des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0093691X17305952">marsupiaux</a> – se développe rapidement. Des scientifiques ont par exemple utilisé du sperme fraîchement recueilli pour inséminer des koalas de zoo, donnant naissance à <a href="https://zslpublications.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1">plusieurs petits</a>.</p>
<p>Mais cette technologie ne permet pas encore de pouvoir congeler, stocker et utiliser les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0093691X08006493">gamètes</a> des koalas. Si des éléments de ce processus existent aujourd’hui, il n’y a pas de système complet pour les marsupiaux. Si une telle possibilité existait, les hôpitaux de koalas pourraient facilement et à peu de frais collecter des échantillons.</p>
<p>Si la Nouvelle-Galles du Sud a beaucoup investi pour la <a href="https://www.environment.nsw.gov.au/-/media/OEH/Corporate-Site/Documents/Animals-and-plants/Threatened-species/nsw-koala-strategy-18250.pdf">conservation des koalas</a>, un soutien financier à la recherche appliquée pour faire de cette technologie une réalité devient crucial, pour les koalas et plus généralement les marsupiaux.</p>
<p>Dans cette nouvelle ère des incendies hors normes, les koalas sont extrêmement vulnérables. C’est pourquoi il nous faut imaginer et développer des solutions de conservation à long terme, s’appuyant sur de nouvelles technologies capables de déjouer la menace de l’extinction.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129336/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ryan R. Witt a reçu des financements de la Taronga Conservation Society Australia, du Holsworth Wildlife Research Endowment et de la Ecological Society of Australia. Il est membre de l’Alliance FAUNA Research et de la Port Stephens Koala and Wildlife Preservation Society.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Chad T. Beranek est membre de l’Alliance FAUNA Research.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>John Clulow a reçu des financements du Australian Research Council, de L’État NSW, d'agences gouvernementales locales et du secteur privé pour ses recherches sur les espèces en danger. Il est membre de l’Alliance FAUNA Research.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>John Rodger a reçu des financements du Australian Research Council et du Cooperative Research Centres Program. Il est membre de l’Alliance FAUNA Research. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lachlan G. Howell est membre de l’Alliance FAUNA Research.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Robert Scanlon a reçu des financements de Glencore and Global Renewables. Il est membre de Intrepid Landcare.</span></em></p>Les incendies hors normes qui ravagent la côte Est de l’Australie menacent tout particulièrement les koalas. Comment sauver cette espèce emblématique ?Ryan R. Witt, Conjoint Lecturer | Conservation Biology Research Group, University of NewcastleChad T. Beranek, PhD candidate, University of NewcastleJohn Clulow, Associate Professor, University of NewcastleJohn Rodger, Emeritus Professor, University of Newcastle & CEO FAUNA Research Alliance, University of NewcastleLachlan G. Howell, PhD Candidate | Conservation Biology Research Group, University of NewcastleRobert Scanlon, PhD Candidate in Restoration Ecology, University of NewcastleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1270852019-11-26T19:35:35Z2019-11-26T19:35:35ZDéclarer la forêt amazonienne bien commun de l’humanité, une idée pas si neuve<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/302498/original/file-20191119-111686-1n3e6kv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=94%2C33%2C4257%2C2802&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’idée d’internationaliser la forêt amazonienne n’est pas nouvelle.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/success?u=http%3A%2F%2Fdownload.shutterstock.com%2Fgatekeeper%2FW3siZSI6MTU3NDIwNjIzNiwiYyI6Il9waG90b19zZXNzaW9uX2lkIiwiZGMiOiJpZGxfNzA0NjcxNzYyIiwiayI6InBob3RvLzcwNDY3MTc2Mi9odWdlLmpwZyIsIm0iOjEsImQiOiJzaHV0dGVyc3RvY2stbWVkaWEifSwiNUlic05aT05Rdk1Pb25YR0ZvQmF3U0JObGRjIl0%2Fshutterstock_704671762.jpg&ir=true&pi=33421636&m=704671762&src=07c6773d-81aa-41e4-a99b-297b79d5b9c1-1-0">Gustavo Frazao / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Avec les dramatiques <a href="https://www.notre-planete.info/actualites/3064-incendies-record-amazonie-deforestation">incendies dans la forêt amazonienne</a> en 2019 et 2020, l’idée d’internationaliser l’Amazonie, c’est-à-dire de la faire administrer collectivement par la communauté internationale, a été évoquée. Le fondement de cette revendication étant son importance écologique mondiale.</p>
<p>Cette vaste forêt devrait-elle nous appartenir à tous, comme bien commun de l’humanité ? C’est ce que le <a href="https://fr.sputniknews.com/international/201909101042071134-linternationalisation-de-lamazonie-evoquee-par-macron-bafouerait-les-regles-de-lonu/">président Emmanuel Macron lui-même a suggéré</a> en septembre 2019, affirmant également que la France, avec le territoire de la Guyane, était une <a href="https://fr.sputniknews.com/france/201908241041978621-la-france-est-une-puissance-amazonienne-estime-macron/">« puissance amazonienne »</a>.</p>
<p>Des suggestions qui ont suscité le courroux du président brésilien, Jair Bolsonaro, et de son gouvernement ; le ministre de l’Éducation nationale, Cristovam Buarque, a alors riposté qu’internationaliser l’Amazonie, <a href="https://blogs.mediapart.fr/lucie-couvreur/blog/070919/internationalisation-de-lamazonie">impliquerait d’internationaliser</a> également « les réserves de pétrole du monde entier », « le capital financier des pays riches », et « tous les grands musées du monde ».</p>
<p>Il est intéressant de faire un retour en arrière historique et de rappeler que cette idée d’internationaliser l’Amazonie a déjà été formulée dans le passé, en particulier dans le cadre des Nations-Unies.</p>
<h2>Un projet onusien</h2>
<p>En 1946, l’Unesco (organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture), développe un <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00848712/document">projet allant dans ce sens</a>. Cette année-là, le scientifique brésilien Paulo de Berrêdo Carneiro préconise que l’Unesco établisse un « Institut international de la forêt amazonienne » (IIHA). Le biologiste et zoologue britannique <a href="https://www.ru.nl/politicologie/io-bio-bob-reinalda/io-bio-biographical-dictionary-sgs-ios/">Julian Huxley</a>, directeur général de l’Unesco et frère de l’écrivain <a href="https://www.futura-sciences.com/sciences/personnalites/science-fiction-aldous-huxley-1528/">Aldous Huxley</a>, y est très enthousiaste.</p>
<p>Ce projet répond à plusieurs motivations : approfondir la connaissance scientifique de la forêt amazonienne, développer la coopération scientifique internationale entre chercheurs de tous les pays… et surtout travailler à la mise en valeur des ressources naturelles de cette forêt, et notamment le bois et les minéraux dont elle regorge, au bénéfice des populations, afin de contribuer au développement économique de l’Amérique latine. </p>
<p>Le but étant par exemple d’améliorer les techniques de mise en valeur agricole et les conditions de santé des Indiens, victimes de nombreuses maladies. Le projet, à cette époque, vise davantage à exploiter les ressources de la forêt qu’à la préserver, préoccupation plus récente.</p>
<p>Une « Commission internationale pour la création d’un institut international de l’hyléa amazonique » est alors mise en place en 1947. Et un plan de travail est élaboré en février 1948.</p>
<h2>Une internationalisation controversée</h2>
<p>En mai de la même année, l’Unesco lance une enquête visant à réunir toutes les données possibles sur la région. Six mois plus tard, elle envoie une mission scientifique dans la vallée du Rio Huallaga, dans la partie péruvienne de l’Amazonie.</p>
<p>Mais ce projet se heurte à de vives oppositions de la part de plusieurs pays, comme les États-Unis. Ils reprochent à la mission de détourner des fonds de l’Unesco vers une recherche scientifique très spécialisée et sans lien avec les véritables objectifs de l’Unesco.</p>
<p>Beaucoup craignent que ce projet ne devienne un échec retentissant, et entame la crédibilité de la jeune organisation. Bien qu’il jouisse du soutien de l’opinion brésilienne et péruvienne (avide de recevoir une aide de l’Unesco), ainsi que d’une partie de la presse occidentale, le projet suscite en fait de plus en plus de critiques – portant essentiellement sur le financement et les écueils administratifs du projet. Devant les multiples obstacles qui se dressent devant lui, <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00848712/document">il échoue finalement</a>.</p>
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<p>Parallèlement, l’Unesco envisage <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00848712/document">à partir de 1947</a> la création d’un « Institut international de la zone aride », et d’un « Institut international de l’Antarctique ». Julian Huxley rédige en 1948 un « mémorandum sur la possibilité d’internationalisation de la recherche scientifique dans l’Antarctique ». Pour lui, cela permettrait de développer une recherche plus efficace, moins axée sur la concurrence entre nations, et qui constituerait un pas en avant dans la coopération internationale.</p>
<p>En ces années d’après-guerre, l’idée d’« internationaliser » des zones naturelles d’importance écologique mondiale était donc dans l’air du temps, même si elle n’aboutit pas à l’époque.</p>
<h2>Des objectifs qui évoluent dans le temps</h2>
<p>Au fil des décennies, d’autres idées éclosent dans cet esprit. Ainsi, en 1967, le futurologue américain Herman Kahn, du think tank conservateur Hudson Institute, suggère de barrer le fleuve Amazone pour créer un <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/10/LAMBERT/60455">« grand lac continental »</a> qui faciliterait la circulation entre les pays limitrophes et permettrait de produire de colossales quantités d’énergie.</p>
<p>Cette idée est « prise très au sérieux par les militaires, au pouvoir depuis le coup d’État de 1964 », comme le relate le journaliste Renaud Lambert. Ce dernier rappelle aussi que, « au XIX<sup>e</sup> siècle, l’hydrographe et météorologue Matthew Fontaine Maury, directeur de l’Observatoire naval de Washington, avait proposé de <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/10/LAMBERT/60455">régler la question raciale</a> aux États-Unis en colonisant l’Amazonie pour y déplacer la population noire américaine » ! La forêt amazonienne a donc suscité au fil du temps les projets et les fantasmes les plus farfelus… </p>
<p>Aujourd’hui, on s’intéresse à la forêt amazonienne non seulement pour son potentiel écologique (arbres émetteurs d’oxygène, réserve de bois, de minerais, écosystème, biodiversité), mais aussi pour les humains qui la peuples. Il s’agit de protéger les peuples autochtones, amérindiens, qui y vivent, contre les ravages de l’agrobusiness et du capitalisme déchaîné incarné par le président Jair Bolsonaro.</p>
<h2>Défense de l’Amazonie et lutte des classes</h2>
<p>Depuis l’assassinat du <a href="https://www.lefigaro.fr/international/2013/12/22/01003-20131222ARTFIG00157-au-bresil-l-heritage-amer-de-chico-mendes.php">leader syndicaliste brésilien Chico Mendes en 1988</a>, travailleur amazonien qui défendait les droits des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Seringueiro"><em>seringueiros</em></a>, ouvriers chargés de recueillir le latex dans les plantations d’hévéa de la forêt amazonienne, la question de la gestion de la forêt amazonienne a également une dimension de lutte des classes. <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Chico_Mendes">« Chico Mendes est devenu et est resté l’un des symboles de la défense de l’Amazonie »</a> et plus généralement de l’environnement et du développement durable.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1057579155016114177"}"></div></p>
<p>Sa mort a donné lieu à une prise de conscience et à la décision que plusieurs millions d’hectares de forêt amazonienne soient déclarés « réserves d’extraction » (ce qui signifie que le défrichement y est interdit) au Brésil, inspirant le <a href="https://www.cairn.info/revue-mondes1-2013-1-page-171.htm">programme de l’Unesco « Man and Biosphere » (MAB)</a> qui délimite des « réserves de biosphère », et remettant à l’ordre du jour les <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/1989/04/RAMONET/41657">projets d’internationalisation de l’Amazonie</a>.</p>
<p>L’assassinat, le 1<sup>er</sup> novembre 2019 du <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/11/03/au-bresil-le-militant-indigene-paulo-paulino-tue-dans-une-operation-contre-des-trafiquants-de-bois-en-amazonie_6017857_3210.html">jeune leader indigène Paulo Paulino</a>, membre de la tribu des Guajajara et militant défenseur de la forêt amazonienne, lors de heurts avec des trafiquants de bois, a également remis sur le devant de la scène les tensions et les enjeux antagonistes que suscite cette forêt.</p>
<h2>Octroyer à la nature une personnalité juridique ?</h2>
<p>Certaines mesures prises ailleurs dans le monde en faveur de la forêt peuvent également servir de modèles, ou en tout cas de bases de réflexion. Ainsi, en 2014, la Nouvelle-Zélande a proclamé que les <a href="https://www.geo.fr/voyage/la-nouvelle-zelande-dans-le-nouveau-magazine-geo-197615">arbres de la forêt Te Urewera</a> seraient dotés de la personnalité juridique, c’est-à-dire qu’ils ont désormais dotés des mêmes droits que les hommes. Elle a pris la même décision en 2017 pour l’un de <a href="https://www.liberation.fr/debats/2017/03/28/nouvelle-zelande-les-droits-et-devoirs-du-fleuve-whanganui_1558950">ses principaux fleuves, le Whanganui</a>.</p>
<p>Rappelons aussi qu’« en 1972, le professeur de droit américain, <a href="https://www.liberation.fr/debats/2017/03/28/nouvelle-zelande-les-droits-et-devoirs-du-fleuve-whanganui_1558950">Christopher D. Stone</a>, rêvait d’attribuer des droits juridiques aux forêts, rivières et autres objets dits « naturels » de l’environnement dans son provocateur <em>Should Trees Have Standing ?</em> (« les arbres devraient-ils se pourvoir en justice ? »).</p>
<p>Faudrait-il aller jusque-là pour l’Amazonie ? En tout cas, il serait souhaitable que la communauté internationale, représentée par l’ONU, se mette d’accord pour protéger par un accord international sa grande richesse écologique et les peuples qui l’habitent.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est republié dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127085/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chloé Maurel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En 1946, déjà, l’Unesco pensait à internationaliser l’une des plus grandes forêts du monde.Chloé Maurel, SIRICE (Université Paris 1/Paris IV), Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.