tag:theconversation.com,2011:/au/topics/indice-36452/articlesindice – The Conversation2022-11-21T15:38:47Ztag:theconversation.com,2011:article/1830812022-11-21T15:38:47Z2022-11-21T15:38:47ZRapports annuels des entreprises : écrire pour ne pas être lu<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/469002/original/file-20220615-14-jk21y7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C985%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De nombreux travaux académiques mêlant recherche en comptabilité et linguistique montrent que les documents comptables sont peu lisibles, voire même illisibles.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>Celui qui parle de transparence n’a jamais rencontré un comptable de sa vie.</p>
</blockquote>
<p>Cet adage, bien connu dans le monde des affaires, est une excellente introduction à la qualité de l’information comptable actuelle. Des concepts aux frontières floues, comme celui de l’<a href="https://comptabilite.ooreka.fr/astuce/voir/754725/principe-comptable-d-image-fidele#:%7E:text=Le%20principe%20comptable%20de%20l,et%20financi%C3%A8re%20de%20l%E2%80%99entit%C3%A9.">image fidèle</a>, qui supposerait que les entreprises présentent le plus fidèlement la réalité économique prévalant dans leurs comptes bancaires, ont été développés depuis des décennies.</p>
<p>Or, penser que les documents comptables, comme les rapports annuels, sont transparents est un mythe.</p>
<p>L’objectif de cet article est de tenter de démystifier la qualité de l’information comptable publiée.</p>
<p>Depuis près de 20 ans, j’enseigne l’utilisation de l’information comptable à des des étudiants et des à professionnels en exercice. J’ai toujours noté une certaine forme de naïveté face aux documents comptables, basée sur l’idée qu’il existe une vérité comptable. La réalité est différente et se elle détériore, l’information est de moins en moins lisible.</p>
<h2>Une information disponible, mais illisible</h2>
<p>Pour être utile, l’information publiée devrait être lisible. Or, l’essentiel des travaux académiques réalisés à ce jour montre que les documents comptables ne le sont pas.</p>
<p>Le concept de lisibilité, issu de la recherche en linguistique, s’est développé dans le secteur financier à la fin des années 1990. En 1998, Arthur Levitt, alors président de l’autorité boursière américaine (<a href="https://www.sec.gov/"><em>Securities Exchange Commission</em></a>), a exprimé son opinion dans l’introduction de l’ouvrage <a href="https://www.sec.gov/pdf/handbook.pdf">« A Plain English Handbook »</a> :</p>
<blockquote>
<p>I urge you – in long and short documents, in prospectuses and shareholder report – to speak to investors in words they can understand.</p>
<p>(Je vous demande instamment – dans les documents, qu’ils soient longs ou courts, dans les prospectus d’introduction en bourse et dans les rapports aux actionnaires – de vous adresser aux investisseurs avec des mots qu’ils peuvent comprendre)</p>
</blockquote>
<p>Levitt requiert que les entreprises utilisent un langage simple, soit un langage qui présente les qualités suivantes :</p>
<ul>
<li><p>Phrases courtes ;</p></li>
<li><p>Langage courant, concret et précis ;</p></li>
<li><p>Voix active ;</p></li>
<li><p>Présentation sous forme de tableaux pour les informations complexes ;</p></li>
<li><p>Pas de jargon juridique ;</p></li>
<li><p>Pas de phrases doublement négatives ».</p></li>
</ul>
<h2>Une évaluation quantitative de la lisibilité</h2>
<p>Afin d’évaluer quantitativement la lisibilité d’un texte, des <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-linguistique-appliquee-2015-2-page-99.htm">indices de lisibilité ont été développés depuis plus de 80 ans</a>. Ces indices sont calculés à partir de différentes mesures : la longueur des mots, la longueur des phrases et le nombre de syllabes des mots. Dans ce cadre, la lisibilité est associée à la compréhensibilité d’un texte et à sa mémorisation. La compréhensibilité est liée la longueur des mots, c’est-à-dire la vitesse de reconnaissance du mot par le lecteur, alors que la longueur des phrases est liée au délai de mémorisation.</p>
<p>L’indice de lisibilité le plus populaire est l’<a href="https://doi.org/10.1037/h0057532">indice de Flesch</a>. Sa valeur, qui varie entre 0 et 100, est calculée en fonction du nombre de syllabes pour 100 mots et du nombre moyen de mots par phrase. Le score obtenu peut être interprété à l’aide du tableau suivant :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=230&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=230&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=230&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=289&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=289&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=289&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Interprétation de l’indice Flesch.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Julien Le Maux, adapté de l’article de Flesch (1948)), Fourni par l’auteur</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’indice de Flesch est, notamment, utilisé dans le secteur des assurances aux États-Unis. Par exemple, la loi du Connecticut impose que les contrats d’assurance aient un <a href="https://www.cga.ct.gov/current/pub/chap_699a.htm">indice de Flesch supérieur à 45</a>, ce qui permet à une partie importante de la population de les comprendre. En matière comptable, la littérature académique montre que les rapports annuels au niveau mondial ont, en moyenne, un <a href="https://doi.org/10.1111/1911-3838.12275">indice Flesch proche de 30</a>.</p>
<p>Un autre indice de lisibilité, l’<a href="https://doi.org/10.1177/002194366900600202">indice Fog</a>, a également pris une place importante. Cet indice est une variante de l’indice de Flesch, qui remplace essentiellement le nombre de syllabes par le nombre de mots composés de plus de trois syllabes, qui sont jugés plus difficiles à lire. Son calcul dépend donc du nombre de mots, du nombre de phrases et du nombre de mots de plus de trois syllabes. Sa valeur peut être interprétée à l’aide du tableau suivant :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Interprétation de l’indice Fog.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Julien Le Maux, adapté de l’article de Gunning (1969)), Fourni par l’auteur</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Selon une analyse de données internationales, l’<a href="https://doi.org/10.1111/1911-3838.12275">indice Fog moyen des rapports annuels est proche de 20</a>.</p>
<h2>Une information comptable qui enfle avec le temps</h2>
<p>En plus de la lisibilité, pour qu’une information soit pertinente, elle ne doit pas être noyée dans une masse d’autres informations. Or, il est aujourd’hui impossible d’absorber les informations publiées par les entreprises, car elles sont, année après année, de plus en plus volumineuses.</p>
<p>La multiplication des réglementations et des normes a provoqué une hausse significative du volume d’informations exigées (<a href="https://www.cpacanada.ca/fr/ressources-en-comptabilite-et-en-affaires/information-financiere-et-non-financiere/normes-internationales-dinformation-financiere-ifrs/publications/ifrs-guide-sommaire-ressources">normes internationales d’information financière (IFRS)</a>, <a href="https://www.pwc.com/ca/fr/today-s-issues/environmental-social-and-governance.html">critères ESG – environnement, société et gouvernance</a>).</p>
<p>Le graphique ci-dessous indique l’évolution du nombre de pages des rapports annuels des plus grandes entreprises cotées au Canada. En vingt ans, le nombre de pages des rapports annuels a doublé. Ce résultat, déjà impressionnant, doit être mis en parallèle à la multiplication des rapports nouvellement exigés, dont les rapports environnementaux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Nombre de pages moyen des rapports annuels des grandes entreprises canadiennes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Julien Le Maux), Fourni par l’auteur</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Quel avenir pour la profession comptable ?</h2>
<p>À l’heure actuelle, le rapport annuel est illisible et trop volumineux pour pouvoir être réellement utile.</p>
<p>En classe, je pose régulièrement une question quelque peu provocatrice, mais qui a pour but de faire réagir les étudiants sur leur futur métier :</p>
<blockquote>
<p>Pourquoi passe-t-on autant de temps à produire de l’information comptable si, finalement, elle est illisible et trop volumineuse ?</p>
</blockquote>
<p>Récemment, deux étudiants ont formulé des réponses intéressantes. Le premier a dit :</p>
<blockquote>
<p>Plus les documents sont volumineux, plus nos honoraires seront élevés. Alors, où est le problème ?</p>
</blockquote>
<p>Le second se posa une question plus fondamentale :</p>
<blockquote>
<p>Si les documents que nous produisons assomment les utilisateurs en étant illisibles, à quoi servons-nous ?</p>
</blockquote>
<p>Ce sont deux points de vue pertinents qui doivent amener la profession comptable à se poser de nouvelles questions sur son avenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183081/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Le Maux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les rapports annuels des entreprises sont illisibles et trop volumineux. Leur utilité est donc limitée.Julien Le Maux, Professeur titulaire, département de sciences comptables, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/813052017-08-23T22:08:53Z2017-08-23T22:08:53ZCe que représente vraiment la France dans l’économie mondiale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/180596/original/file-20170801-11176-53ryz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Paris, capitale économique et politique de la France.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/theodevil/9798739573/">Miroslav Petrasko/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Après l’euphorie temporaire qui a suivi la dernière élection présidentielle, en cette période de rentrée les vieux travers empreints de pessimisme reviennent. La presse économique regorge d’articles alarmistes sur le déclin de l’économie française, la France étant parfois présentée comme une « puissance immergente » (la notion d’« immergence » ou de « pays immergeant » apparaît dans une tribune de A. Dupui-Castérès dans Le Monde en 2010 avant d’être reprise en 2012 par B. Dugué et en 2013 par C. Benoît (Huffington Post).</p>
<p>Bien sûr, les sujets de préoccupation sont souvent réels et légitimes. Dans bien des cas cependant, la surréaction est devenue la norme. Quelques chiffres (quoique toujours discutables) aident à y voir plus clair.</p>
<h2>La France, bientôt 5<sup>e</sup> puissance économique mondiale</h2>
<p>Avec moins de 1 % de la population mondiale (67 millions de personnes, <a href="http://www.worldometers.info/world-population/population-by-country/">22ᵉ rang sur ce critère</a>) et 0,45 % de la surface (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_et_territoires_par_superficie">41ᵉ rang mondial</a>), le fait que la France demeure la <a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2016/10/06/20002-20161006ARTFIG00002-la-france-redevient-la-cinquieme-economie-mondiale-grace-au-Brexit.php">5ᵉ puissance économique mondiale</a>, devant l’Inde, constitue déjà une réelle performance – bien qu’elle ait gagné une place à la faveur du décrochage du Royaume-Uni, plombé par le Brexit et la chute de la livre sterling.</p>
<p>Il est vrai que de tels classements méritent bien les critiques qui sont formulées à leur égard, notamment celle, la plus évidente, de reposer sur le PIB, indicateur <a href="https://theconversation.com/la-croissance-un-objectif-economique-trop-simpliste-73789">dont j’ai pointé les limites</a> dans une récente tribune (et effets pervers).</p>
<p>Si nos entreprises, qui réalisaient encore 6,5 % des exportations mondiales de biens et services au début des années 1990 n’en réalisent plus que <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Ressources/File/433008">3,5 % aujourd’hui</a>, la France reste la <a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2016/06/01/20002-20160601ARTFIG00135-la-france-perd-sa-place-de-6e-exportateur-mondial-au-profit-de-la-coree.php">7ᵉ puissance exportatrice mondiale</a>. Un classement lui aussi étonnant pour un observateur qui se bornerait à lire les principaux titres de la presse économique…</p>
<figure>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/219854814" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<h2>Les grandes entreprises françaises : sources de difficultés et planche de salut</h2>
<p>Le manque d’entreprises de tailles intermédiaires <a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c2034">(ETI)</a> dans l’économie française est souvent présenté comme une cause du <a href="http://www.latribune.fr/economie/france/commerce-exterieur-c-est-la-berezina-636581.html">déficit du commerce extérieur</a> autant que comme une conséquence des relations difficiles qu’entretiennent ces ETI avec nos grandes entreprises.</p>
<p>Le caractère multinational de ces dernières témoigne de leur volonté de trouver à l’international, plutôt que sur le territoire national, les principaux moteurs de leur croissance. La production <a href="http://www.toupie.org/Dictionnaire/Delocalisation.htm">délocalisée</a> représente <a href="http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/la-france-pese-encore-lourd-dans-l-economie-mondiale-738862.html">2,5 fois</a> les exportations françaises. Ce chiffre s’avère très élevé si on le compare à ceux que l’on observe en Allemagne (1,45 fois) ou en Espagne (0,70 fois).</p>
<p>Certes ces productions réalisées à l’étranger ne contribuent pas à améliorer la balance commerciale, mais elles génèrent des revenus pour l’ensemble de notre économie et de nos entreprises.</p>
<h2>L’économie mondiale en 2050</h2>
<p>Au-delà du gain annoncé d’une place dans le classement (due aux difficultés passagères du Royaume-Uni), il est toujours intéressant d’adopter une vision à plus long terme. Cette dernière confirme le déplacement du centre de gravité de l’économie mondiale <a href="https://www.lesechos.fr/10/02/2015/lesechos.fr/0204147504484_les-pays-emergents--centre-de-gravite-de-la-croissance-mondiale-a-terme.htm">des pays dits développés aux pays émergents</a>.</p>
<p>Les pays de l’E7 (Chine, Inde, Brésil, Indonésie, Mexique, Russie, Turquie) devraient représenter <a href="http://www.independent.co.uk/news/business/news/new-e7-nations-will-overtake-g7-by-2050-6107791.html">50 % de l’économie mondiale en 2050</a>, quand les pays du G7 (États-Unis, Canada, Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie, Japon) n’en représenteront plus que 20 %. Bien sûr, une partie de l’évolution du poids dans l’économie mondiale de ces deux groupes s’explique par la dynamique démographique (les pays de l’E7 représentent plus de trois milliards d’habitants contre moins d’un milliard pour les pays du G7). Il n’empêche que l’analyse de l’évolution des PIB par habitant tend à confirmer la place croissante des pays de l’E7, indépendamment de leur poids démographique.</p>
<p>Peu de travaux prospectifs se focalisent sur des critères alternatifs au PIB, comme le <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/economie/20110527.OBS4039/le-bib-preferer-le-bonheur-a-la-richesse.html">bonheur intérieur brut</a> : c’est sans doute pourtant le premier levier de prise de distance avec la vision du déclin annoncé.</p>
<h2>Pour une remise en cause salutaire des critères de classement</h2>
<p>Le jeu de la course à la puissance économique passe, nous l’avons vu, par l’augmentation du PIB et la recherche pure et simple de la croissance économique. Il est possible et salutaire de jouer un autre jeu : celui de la recherche <a href="https://theconversation.com/indicateurs-de-bien-etre-gouvernance-locale-et-paix-economique-73030">d’autres finalités que la croissance</a>.</p>
<p>Le contenu en emploi de la croissance et le contenu en mieux-être des emplois sont bien trop ignorés et absents des débats. Nombreux sont pourtant les exemples de pays affichant des taux de croissance élevés sans réduction du chômage (l’inverse est vrai également).</p>
<p>Le plein-emploi n’est <a href="http://www.lexpress.fr/actualite/politique/faut-il-vraiment-envier-le-modele-allemand_1396915.html">pas non plus le garant d’un supplément de bonheur</a>. Cumuler deux ou trois jobs devient de plus en plus courant, dans de nombreux pays, avec des effets évidemment délétères sur la qualité de vie. La vraie puissance consiste sans doute, plus qu’on ne le dit, à maintenir ou à améliorer cette <a href="http://www.psychomedia.qc.ca/lexique/definition/qualite-de-vie">qualité de vie</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/81305/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugues Poissonnier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Entre déclin fantasmé et maintien d’une puissance réelle, quelle est la véritable place de la France dans l’économie mondiale ?Hugues Poissonnier, Professeur d'économie et de management, Directeur de la Recherche de l’IRIMA, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-Etre au travail et Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/778082017-05-18T20:15:18Z2017-05-18T20:15:18ZPolitiques publiques : le rôle majeur et (souvent) dévastateur des indicateurs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/169549/original/file-20170516-11959-1j4e2n9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Indicateurs...</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mbiddulph/4538574396/in/photolist-7V4o3G-7zXPj1-9vpB2d-bUBhfj-9i2Hg9-cfRiAb-qfpabE-hV3pGH-9uVGk5-dciypv-9Zapzs-bviCDu-pTRviZ-9hYDHi-9hYDJH-82Qk1M-8WKBit-9hHJkC-9jKUZz-7emVNx-9fqWfv-q17NqQ-amkoeY-cgpyEb-UmLUqJ-9uVGpd-pTGx3u-mZGEGT-abkaZK-efSZKE-4irUjL-9uVGro-9ucpPn-n6mK7r-4VWvWF-q3wTcg-qhvn1H-9Zaov9-mMB42W-9t72Q1-qhC34b-4cJzXb-qhC1iY-7HP4rC-qKfXuj-9HnLyB-q17NJW-7vDJK1-pevJGB-9jNUTq">Matt Biddulph / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En latin, indicateur se dit <em>indicare</em> et signifie « indiquer ». L’indicateur livre une information simple sur l’état d’un phénomène, objet de la mesure. Si cette vertu des indicateurs n’est pas à négliger, leur dimension performative ne doit pas l’être non plus. En effet, les indicateurs ne sont pas des reflets fidèles de la réalité qu’ils prétendent éclairer.</p>
<p>Instruments polymorphes : ils sont à la fois des outils de coordination, des outils de preuve, des outils de débats, des outils de contestation et des outils de gouvernement. Et ils peuvent même s’avérer être des outils de contrôle ou encore des instruments de pouvoir… servant à ôter des mains des citoyen(e)s la prise qu’elles ou ils pourraient avoir légitimement sur la décision politique.</p>
<h2>Outils de coordination</h2>
<p>Les indicateurs sont considérés comme des gages de vérité scientifique et d’objectivité. Outils de simplification, les indicateurs apparaissent en effet comme des arguments suprêmes du débat public. Outils de coordination, ils permettent de s’accorder sur des moyens et des finalités. Ne pas par exemple dépasser les 3 % de déficit public pour les États de l’Union européenne. Ne pas avoir une dette supérieure à 60 % du PIB.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/169551/original/file-20170516-11929-1efeji6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/169551/original/file-20170516-11929-1efeji6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/169551/original/file-20170516-11929-1efeji6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/169551/original/file-20170516-11929-1efeji6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/169551/original/file-20170516-11929-1efeji6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/169551/original/file-20170516-11929-1efeji6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/169551/original/file-20170516-11929-1efeji6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/169551/original/file-20170516-11929-1efeji6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Maastricht criteria.</span>
<span class="attribution"><span class="source">UE</span></span>
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<p>Ces deux critères de convergence issus du traité de Maastricht apparaissent aujourd’hui comme des « absolus ». Quelle est la justification de telles valeurs d’un point de vue économique ? Aucune. Ces seuils sont le résultat de rapports de force situés dans le temps et l’espace, et de <a href="http://bit.ly/2rmpmuZ">prises de décisions arbitraires</a>… Ils jouent pourtant le <a href="http://www.persee.fr/doc/pole_1262-1676_2005_num_23_1_1256">rôle d’outils de gouvernements</a> des politiques publiques. Et à travers leurs reprises dans tous les canaux d’informations et dans les processus de décision, finissent par apparaître comme des objectifs fondés, incontestables et surtout incontestés.</p>
<h2>Des arguments suprêmes</h2>
<p>Les indicateurs ont une valeur dans les argumentaires beaucoup plus forte que tout autre type d’argument. Leur complexité tend à les rendre plus difficilement contestables. Leurs attributs scientifiques nourrissent en outre la croyance dans le caractère apolitique de l’argumentaire qui s’appuie sur des indicateurs.</p>
<p>La recherche, les médias, les expert(e)s et les journalistes participent de cette naturalisation du chiffre en occultant la dimension politique associée à sa construction et à son usage.</p>
<h2>Des références dans le débat</h2>
<p>Or, ces indicateurs, qui font figure de référence dans les débats politiques et scientifiques peuvent conjointement devenir <a href="http://gspm.ehess.fr/docannexe.php?id=504">objet de débat</a>. <a href="http://ec.europa.eu/environment/beyond_gdp/index_en.html">Les discussions autour de la construction et de l’usage du PIB</a> constituent l’exemple le plus connu. Cet indicateur ne comptabilise pas une partie de la richesse produite. Il est par ailleurs détourné de son usage lorsqu’il sert à juger de la bonne santé ou <a href="http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/024000191/">du bien-être d’un pays ou d’un territoire.</a></p>
<p>Les multiples usages des indicateurs rendent leur performativité effective, cet usage étant conditionné par un ensemble d’éléments psychologiques, techniques et institutionnels.</p>
<h2>Nos croyances sont-elles comptables ?</h2>
<p>Les indicateurs peuplent notre quotidien et nos pensées. Ils jouent un grand rôle dans notre connaissance du monde. Ils fondent ainsi certaines de nos croyances. Qui peut prétendre qu’aucune de ces croyances ne se base sur une réalité comptable ? Il suffit pour s’en convaincre de prendre le sujet de l’environnement. Sans indicateurs, nous pourrions difficilement nous figurer certains phénomènes. Certains sujets ont donc besoin du nombre pour exister dans le débat et dans les esprits.</p>
<p>Lorsqu’on entend « si tout le monde consommait comme la <a href="http://www.wwf.ca/fr/nouvelles/?21961/Les-ressources-de-la-Terre-deja-puisees-pour-2016">moyenne américaine, il faudrait 5.8 planètes pour subvenir aux besoins de toute la population,</a> » le chiffre est simple et frappant. Il permet ainsi de communiquer sur une réalité complexe composée de la réduction de la surface forestière, de la dégradation des fonds maritimes, de la surface de pâture nécessaire pour fournir les produits d’origine animale consommés, etc. La caricature livrée par ce chiffre s’avère ici féconde en faisant prendre conscience des limites de la planète.</p>
<p>Mais cette caricature du réel peut se muter en mascarade lorsque par exemple l’augmentation du nombre de dépôts de plainte est traduite, par les médias et les politiques, comme reflétant une augmentation des violences… alors que le chiffre peut traduire simplement une déclaration plus systématique des <a href="http://pmb.cereq.fr/doc_num.php?explnum_id=3654">cas de violences existants précédemment</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/169556/original/file-20170516-11963-1dwzux1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/169556/original/file-20170516-11963-1dwzux1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/169556/original/file-20170516-11963-1dwzux1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/169556/original/file-20170516-11963-1dwzux1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/169556/original/file-20170516-11963-1dwzux1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/169556/original/file-20170516-11963-1dwzux1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/169556/original/file-20170516-11963-1dwzux1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/169556/original/file-20170516-11963-1dwzux1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">big data : tout… et le reste.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/tonydowler/7227506404/in/photolist-qbgxqP-q9A5A1-q8ZgEq-oeFQuC-fLHuep-ao5gXp-q8Zh6A-84VJVB-pPPojn-q8ZhdE-g1EDcJ-gY7xSq-nsx9dm-q4S8Kt-cWr52A-peTbMm-cKkakE-q9A6S9-qbGfqn-fY4bcL-q8ZgpL-o1VuL1-nLtpoN-o3R8Dd-reiKv8-q4S9t2-sd8EX3-re79Jh-o3XRWv-ewoV7n-o3RPYU-sb7ewz-zp1i3k-9GJ35N-c1ERRo-dRvKMG-z7ppRE-dEU17M-nLtzgm-cXNYY7-zmGdCC-qLm7X7-o3Ezn8-o5K4Lz-z7pqSC-zmGmvm-qmiv3Z-busZDV-qmf4s3-zp1iLe">Tony Dowler/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La montée en charge des indicateurs de performance…</h2>
<p>Dans le champ de la statistique, concomitamment à l’usage encore central des indicateurs associés à un État keynésien, s’observe dans les années 1980 un développement de la statistique, notamment avec la montée en puissance de <a href="http://triangle.ens-lyon.fr/IMG/pdf/etatstats.pdf">l’État néolibéral</a>. Se produit alors une démultiplication des <a href="https://www.u-picardie.fr/curapp-revues/root/47/9.__L_ETAT_-_LE_MAR.pdf_52cfee2373344/9.__L_ETAT_-_LE_MAR.pdf">« centres de calcul »</a> produisant ces indicateurs et un recours de plus en plus systématique aux indicateurs dans la prise de décision.</p>
<p>Cette diffusion massive des indicateurs vient alimenter le rêve technocratique d’un pilotage quasi-automatique de l’action publique (avec le <a href="http://www.lemonde.fr/smart-cities/article/2016/11/23/le-big-data-va-t-il-changer-nos-vi-ll-es_5036684_4811534.html">développement du big data</a> par exemple).</p>
<h2>… et ses effets</h2>
<p>Quelles conséquences ? D’abord, des injustices sur le plan de l’accès à certaines ressources. Le <a href="http://www.revue-participations.fr/articles/2013-1-quand-les-logiques-du-prive-investissent-le-secteur-public-destabilisation-des-collectifs-et-reflux-de-la-participation/">rapport au travail</a>, à la <a href="https://www.cairn.info/revue-de-philosophie-economique-2009-1-page-3.htm">santé</a>, à l’<a href="http://pmb.cereq.fr/doc_num.php?explnum_id=3654">éducation</a>, etc. se trouve transformé. Dans une telle logique, l’efficacité prend le pas sur la justice, le quantitatif sur le qualitatif.</p>
<p>Cette logique de l’efficacité peut s’avérer contre-productive, même en termes financiers. En voulant rendre plus performants certains services et en réduire les coûts, on impulse ainsi une logique concurrentielle dans des sphères qui répondaient jusqu’alors à d’autres logiques.</p>
<p>Ensuite, des distorsions dans le comportement des acteurs ou des actrices se font jour. Les effets pervers sont multiples : <a href="http://ses.ens-lyon.fr/articles/5-questions-a-maya-bacache-beauvallet-sur-le-management-par-les-indicateurs-de-performance-79227">baisse de la qualité, réduction de la coopération, baisse de la productivité, dégradation du bien-être au travail, etc</a>. Les personnes, enserrées dans une logique comptable, sont limitées dans le déploiement d’autres types d’action. Les indicateurs de moyens deviennent, faute de meilleures mesures, les finalités de l’action. Les indicateurs de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en constituent un bon exemple.</p>
<p>Comme cela a été analysé par <a href="http://www.penombre.org/_Jean%E2%80%91Rene-Brunetiere_">Jean‑René Brunetière</a>, 75 à 80 % des indicateurs de la LOLF présentent des défauts rédhibitoires : <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2006-1-page-95.htm">accent mis sur les moyens plutôt que sur les résultats, indicateurs inopérants, etc.</a></p>
<p>Enfin, l’ensemble de ces transformations tendent à nier le sens de l’action des actrices ou des acteurs et s’accompagne d’un <a href="https://www.cairn.info/revue-empan-2006-1-page-30.htm">développement des risques psychosociaux</a>.</p>
<p>Selon les mots de Perret, le « management par la performance » évince le « management par le sens ». L’<a href="http://www.christopheandre.com/telos_skopos_RHTribune_2009.pdf">obsession du résultat</a> prend le pas sur la <a href="http://harribey.u-bordeaux4.fr/travaux/valeur/richesse-valeur.pdf">question de(s) valeur(s)</a> et fait perdre de vue la recherche de réponses les plus pertinentes au regard des besoins.</p>
<h2>Un mal « banal »</h2>
<p>C’est ainsi, une perte du sens, des finalités individuelles et collectives qui s’opèrent, sous couvert d’une <a href="http://www.theses.fr/2015GREAE003">meilleure rationalisation de l’action</a>. Ce sont également des logiques guerrières qui se développent.</p>
<p>Comme toute guerre, cette nouvelle organisation politique de l’activité productive produit ses propres champs de ruine. Pourtant, le mal produit est banal, quotidien, voire invisible et insidieux… <a href="https://www.cairn.info/revue-cites-2008-4-page-17.htm">il rappelle cette banalité du mal décrite par Hannah Arendt</a>.</p>
<p>Avoir des principes moraux ne suffit pas à prémunir du mal. Encore faut-il avoir cette forme de responsabilité, de conscience de la situation, de soi et des autres. Les acteurs ou actrices, pris(e)s au piège de ces logiques comptables, finissent par ne pas pouvoir faire autrement que d’agir en contradiction avec les finalités premières de leur action.</p>
<p>La compétition instaurée par le recours aux chiffres conduit à la recherche de l’amélioration des critères facilement mesurables et mesurés. Elle est couplée au développement d’une logique court-termiste (<a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-142881-fuyons-lemprise-du-court-terme-1173680.php">capitalisme trimestriel</a>) et d’une occultation des conséquences néfastes, voire immorales, associées à l’action.</p>
<h2>Courage et paix économique</h2>
<p>On peut se dire à la suite du philosophe Michel Terestchenko : les personnes ne devraient pas être <a href="https://www.youtube.com/watch?v=z54WuNiIzPo">obligées d’être courageuses</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/z54WuNiIzPo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Conférence Michel Terestchenko – Banalité du mal, banalité du bien.</span></figcaption>
</figure>
<p>Il n’est pas normal que les institutions soient conçues de manière qu’elles obligent les personnes à un effort supplémentaire pour agir de manière bienveillante et humaine vis-à-vis d’autrui. Mettre au jour le caractère banal du mal, qui peut être associé à un usage démesuré des indicateurs est nécessaire.</p>
<p>Prendre du recul par rapport à ces réalités comptables individuellement et collectivement l’est tout autant. Les indicateurs peuvent être de ces instruments, qui par leur apparente neutralité, déresponsabilisent, enserrent les comportements et créent une bureaucratie sans motivation mais aussi sans âme.</p>
<p>La déconstruction des structures institutionnelles existantes pour penser les conditions institutionnelles d’une gouvernance locale orientée vers la <a href="https://theconversation.com/paix-economique-pleine-conscience-une-autre-vision-de-lentreprise-71129">paix économique</a> est nécessaire. Sont-ils bons, sont-ils méchants s’interrogeait <a href="http://www.erudit.org/en/journals/npss/2012-v7-n2-npss0355/1013061ar/abstract/">Alain Desrosières</a> au sujet des indicateurs ?</p>
<p>Ni l’un ni l’autre, les deux. Ils sont à la mesure de notre démesure. Et cette démesure, dans un monde porté vers le nihilisme des valeurs, et la déresponsabilisation est devenue, au sens de Camus, « banale ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77808/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Réflexion sur la dictature du chiffre et les moyens de la dépasser.Fiona Ottaviani, Enseignante-chercheuse en économie - Chaire Mindfulness, Bien-être au travail et Paix économique, Grenoble École de Management (GEM)Hugues Poissonnier, Professeur d'économie et de management, Directeur de la Recherche de l’IRIMA, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-Etre au travail et Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/730302017-03-05T20:33:16Z2017-03-05T20:33:16ZIndicateurs de bien-être, gouvernance locale et paix économique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/159149/original/image-20170302-14714-heynrp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« L'art du bien-être ».</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/barnimages/21195399701/in/photolist-yhXXTT-4CVRoe-4D16Dq-4CVRgH-4Ec7Ny-4D16Fu-4D16Co-4CVRhR-EoohgN-FBRpLx-3GvAyc-nt8C4q-oqc9Wi-9VTCRN-otVcn-aaTU52-9VTCJ5-4D16Lh-3GvA44-9VTCgu-4D16uy-4D16JW-9fUinX-4E7RGK-9VTCpA-9VQP2Z-9fyFEW-9VQNsv-wAU3NZ-9VQNSe-wAnWGp-FM1QVZ-pF1FTr-7etVEC-oBYS2b-Bv7D7L-CNbTdH-BpSKMF-w93aAR-viU6KT-x1abmy-wRg1ki-yMW6aY-uW4Kdi-yR71Ss-PXJiH6-u2JNQR-vh8TfQ-tWMmRo-ycVpAE">Anthony Delanoix/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>À l’échelle des territoires, le débat autour du développement territorial fait écho à la montée en puissance de nouveaux besoins en termes d’observation sociale et d’évaluation. Une telle réflexion se nourrit également des travaux menés à différentes échelles pour <a href="http://bienetre.lametro.fr/">promouvoir le bien-être</a>, repenser la richesse et concevoir une organisation socio-économique plus respectueuse des êtres humains et de l’environnement. Elle amène à s’interroger, dans le sillage du <a href="http://bit.ly/2mdzu8Y">rapport Stiglitz-Sen</a> ou de la <a href="http://bit.ly/2lDmOFx">loi récente d’Éva Sas</a>, sur les indicateurs à construire pour « compter ce qui compte ».</p>
<h2>La démesure de la mesure</h2>
<p>L’émergence à l’échelle locale de nouveaux besoins d’informations s’explique par de nombreux facteurs : le développement de la contractualisation des politiques publiques, leur évaluation, les recompositions du champ de l’action publique (métropolisation, <a href="http://bit.ly/1NE82tk">loi Notre</a>, décentralisation, etc.) et les transformations de l’organisation actuelle du système statistique public (big data, open data, etc.).</p>
<p>L’accentuation de la gestion par les instruments quantifiés, la course à la performance et l’engouement pour des pratiques d’évaluation expérimentale dans la sphère publique constituent les marqueurs d’une montée en charge d’un mode de gouvernement technocratique, déconnecté d’une définition collective des finalités du développement.</p>
<p>Dans le contexte d’une inflation des données chiffrées et d’un recentrage des activités sur certaines prérogatives, il importe de souligner la normalisation des comportements et la perte de sens associé à un usage « pathologique » des indicateurs. Prendre du recul sur ces réalités comptables s’avère nécessaire pour mettre au jour leurs effets de rétroaction sur les comportements des acteurs. Si les indicateurs constituent bien des outils de coordination et d’appréhension de phénomènes particuliers, cet attrait du chiffre n’est en effet pas sans danger et participe à une forme de naturalisation des phénomènes sociaux.</p>
<p>Face à la montée en puissance d’une « démesure de la mesure », nous soulignons la charge normative associée à de telles constructions. Outils de preuve et de connaissance, certes, les indicateurs sont considérés comme des gages de vérité scientifique et d’objectivité. Outils de pouvoir et de contrôle également, ils ne font pas que refléter le monde, mais influent sur les comportements, sur les croyances et sur la régulation des organisations publiques comme privées.</p>
<p>Si les indicateurs ne sont pas des reflets fidèles du monde, mais le transforment, changer notre monde peut-il alors passer par un changement d’indicateurs ?</p>
<h2>Une démultiplication des indicateurs alternatifs à l’échelle locale</h2>
<p>L’ensemble des mutations évoquées précédemment amène à rechercher des alternatives. Puisque les indicateurs sont souvent présentés comme des arguments suprêmes, et qu’il apparaît de plus en plus difficile de s’en passer du fait de la complexification des dynamiques socio-économiques et environnementales, une voie consiste à construire d’autres indicateurs, et surtout à les construire différemment. Ainsi, une série d’indicateurs axée sur les dimensions sociales et/ou environnementales a vu le jour. Le schéma suivant (pour le même schéma avec des liens hypertextes vers chaque expérimentation, <em>cf</em>. <a href="https://www.researchgate.net/publication/314135373_Les_indicateurs_alternatifs_a_l'echelle_locale">ma page personnelle</a>) livre une vue d’ensemble, loin d’être exhaustive, de quelques initiatives conduites à différentes échelles territoriales en France (en bleu), en Europe (en gris) et ailleurs dans le monde (en orange).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/157044/original/image-20170215-27433-ln9oaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/157044/original/image-20170215-27433-ln9oaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/157044/original/image-20170215-27433-ln9oaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/157044/original/image-20170215-27433-ln9oaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/157044/original/image-20170215-27433-ln9oaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/157044/original/image-20170215-27433-ln9oaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/157044/original/image-20170215-27433-ln9oaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/157044/original/image-20170215-27433-ln9oaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Schéma indicateurs territoriaux.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Face à ce foisonnement d’initiatives, le risque est le développement d’une observation sociale morcelée pouvant être favorable au développement des inégalités entre territoires et au maintien du primat des indicateurs économiques sur le reste des statistiques produites. Cette <a href="http://bit.ly/2lhDBlk">démultiplication est pourtant utile</a> : cette diversité est une expression du pluralisme des conceptions d’une vie bonne en société et, en ce sens, chaque expérience participe au nécessaire débat démocratique qui doit avoir lieu sur ces questions.</p>
<p>Elle s’accompagne en outre d’un renouvellement des pratiques par rapport aux travaux menés depuis les années 1930. Ces expérimentations de construction d’indicateurs en étant plus participatives servent ainsi à redonner une prise aux populations sur des objets habituellement réservés aux experts. C’est ainsi une forme d’ouverture de la « boîte noire » de la quantification qui s’opère dans un monde où la place du chiffre et son opacité sont croissantes.</p>
<h2>Concevoir des réponses synergiques au besoin des populations</h2>
<p>Au-delà du renouvellement des modalités de construction de tels indicateurs, comment passer de l’observation sociale à l’action ?</p>
<p>Un des enjeux essentiels est le dépassement de la sectoralisation des réponses apportées aux besoins des populations pour repenser de manière couplée les différentes facettes du développement. Concevoir ce type de réponses en termes de politiques publiques ou dans l’organisation suppose de rompre, comme le mettait en avant l’économiste <a href="http://bit.ly/2mdPCr7">Max-Neef</a>, avec des réponses « destructrices » ou « univoques », coûteuses pour les organisations et nuisibles pour l’épanouissement des personnes et/ou pour l’environnement.</p>
<p>La gestion de la politique d’hébergement en constitue un bon exemple. Pour de nombreuses familles, les réponses apportées par les pouvoirs publics sont univoques, l’accompagnement social étant rarement couplé avec l’obtention d’un logement stable. Cette gestion s’avère même généralement destructrice, de nombreuses familles n’ayant pas un accès à un logement stable ou à l’éducation pour les enfants, puisque les expulsions à répétition créent des ruptures dans le suivi social et entament les possibilités d’épanouissement de ces personnes.</p>
<p>Effectuer le passage de l’observation sociale à de nouvelles formes d’actions dans le champ des institutions publiques et privées demeure compliqué tant les champs d’action demeurent compartimentés, les priorités en place « indiscutables », les logiques faussées par des « impératifs » venus de l’extérieur ou liées à la persistance de certaines représentations.</p>
<p>Par ailleurs, à l’exception de quelques lieux, comme à <a href="http://www.jcci.org/">Jacksonville (États-Unis)</a>, expérimentation pionnière en matière d’indicateurs, les expériences peinent à impliquer tous les acteurs du territoire pour penser des actions concrètes permettant de répondre aux besoins des populations.</p>
<h2>La paix économique comme horizon</h2>
<p>Dépasser la sectorialisation de l’action au sein des organisations pour appréhender de manière transversale les besoins des personnes est loin d’être évident tant les formes d’organisation en place sont résilientes – du fait de l’existence de normes, de procédures réglant leurs activités – et traversées par des enjeux de pouvoirs.</p>
<p>Cette transversalité de l’action ne pourra pourtant se faire qu’au prix d’un décloisonnement des compétences et d’une mise en relation des acteurs de différents champs. Elle ne pourra s’opérer que si les organisations, publiques et privées, s’extraient d’une logique « guerrière », ou du moins destructrice, pour s’orienter sur le terrain de la <a href="http://bit.ly/2miorMh">paix économique</a> de façon à formuler des réponses collectives à la hauteur des enjeux actuels.</p>
<p>Beaucoup d’énergie reste ainsi à dépenser pour faire des mots ou des chiffres découlant de telles expérimentations alternatives non simplement <a href="http://bit.ly/2lXT1d7">« the next big market »</a> des consultants, des universitaires ou des politiques, mais de vrais actes en faveur d’un bien-être soutenable pour tous.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/73030/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fiona Ottaviani est membre de l’équipe IBEST et a contribué à la construction d’indicateurs de bien-être soutenable territorialisés dans l’agglomération grenobloise qui a été réalisé avec le soutien financier de la Région Rhône-Alpes. Par ailleurs, la chaire Mindfulness, bien-être au travail et paix économique où elle travaille est soutenue financièrement par la fondation pour le Développement de l'Homme et de la Société hébergée à la Fondation de France.</span></em></p>État des lieux des indicateurs alternatifs territoriaux… et comment les rendre opérationnels, avec comme horizon la paix économique.Fiona Ottaviani, Enseignante-chercheuse en économie - Chaire Mindfulness, Bien-être au travail et Paix économique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.