tag:theconversation.com,2011:/au/topics/insertion-20352/articlesinsertion – The Conversation2023-12-07T17:35:30Ztag:theconversation.com,2011:article/2191272023-12-07T17:35:30Z2023-12-07T17:35:30ZEt si l’accueil et l’intégration des réfugiés devenaient un bien commun ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/563267/original/file-20231204-17-a0a2fw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=93%2C14%2C1095%2C767&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les ouvriers du projet IMBY en plein chantier participatif.</span> <span class="attribution"><span class="source">Quatorze</span></span></figcaption></figure><p>Selon un récent <a href="https://www.worldbank.org/en/publication/wdr2023">rapport</a> de la Banque mondiale, 184 millions de personnes, dont 37 millions de réfugiés, séjournent à présent en dehors de leurs pays d’origine. Le nombre de réfugiés a triplé ces dix dernières années, sous l’effet des conflits militaires (guerres en Syrie et en Ukraine notamment) qui entrainent d’importants mouvements de population, mais aussi du changement climatique. Dans un proche avenir, les migrations climatiques devraient ainsi s’accroitre puisque 40 % de la population mondiale vit dans des zones impactées par le réchauffement de la planète.</p>
<p>En parallèle, dans les pays développés, la natalité diminue et les secteurs en tension manquent de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/main-doeuvre-77921">main-d’œuvre</a>. La Banque mondiale préconise donc aux gouvernements de mieux gérer les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/flux-migratoires-56739">flux migratoires</a>, en octroyant davantage de protection aux demandeurs d’asile et en régularisant les travailleurs sans papiers, car les économies développées ont besoin de cette main-d’œuvre.</p>
<h2>Troisième voie</h2>
<p>De nombreuses associations françaises (Forum Réfugié Cosi, Cimade, France Terre d’accueil, FNDSA, etc.) agissent en faveur de l’intégration des réfugiés depuis des années. Leurs actions sur le terrain peuvent servir de modèle de la coopération qui existe entre différents acteurs (associations avec des bénévoles et des salariés, habitants, entreprises et institutions publiques) pour créer un <a href="https://journals.openedition.org/regulation/10452?lang=en">« greater good »</a>, c’est-à-dire un <a href="https://theconversation.com/fr/topics/bien-commun-104868">« bien commun »</a>, comme l’entend Elinor Ostrom, lauréate du prix « Nobel » d’économie en 1997.</p>
<p>La politologue et économiste américaine <a href="https://books.google.fr/books">définit le bien commun</a> comme :</p>
<blockquote>
<p>« Un _système de ressources communes durables autogouvernées et auto-organisées. »</p>
</blockquote>
<p>Ainsi, en plus de la gestion des biens communs classifiée comme privés ou publics, se dégage une troisième voie, selon laquelle les biens (matériels ou non matériels) peuvent être créés et gérés par une communauté qui est capable de s’autogérer et de s’auto-organiser.</p>
<h2>L’hospitalité comme bien commun</h2>
<p>Dans notre récent <a href="https://hal.science/hal-04138491">article</a> de recherche, publié dans la revue scientifique <em>Management International</em>, nous investiguons le cas de ce type de communauté construite autour d’un projet d’hospitalité constructive IMBY : « In my back yard ».</p>
<p>Le projet a été initié et mené par l’association Quatorze afin de construire des petites maisons (<em>tiny house</em> ou maison minuscule) dans les jardins de particuliers et d’organiser une communauté qui aidera une personne réfugiée. Cette aide porte non seulement sur son accès aux droits administratifs et à la santé, mais aussi sur son intégration dans la société, en lui offrant un hébergement et en l’orientant si nécessaire vers une formation, ou encore en l’aidant à s’insérer sur le marché du travail. Les <em>tiny houses</em> sont co-construites par Quatorze, les réfugiés et les voisins du quartier lors de chantiers participatifs.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/axkkppQ_XtQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Présentation du projet IMBY (Les Petites Pierres, 2017).</span></figcaption>
</figure>
<p>La fabrication d'un bien commun par l’hospitalité constructive suppose une coopération bienveillante et efficace entre propriétaires, architectes, habitants et différentes associations qui participent au projet. Les méthodes de gestion innovantes, qui ne rentrent pas dans la catégorie de la gestion des biens « publics » ou « privés », mais qui permettent à cette communauté de s’auto-organiser, sont particulièrement intéressantes.</p>
<h2>Une initiative à soutenir</h2>
<p>Ce cas a mis en lumière l’importance du rôle de chef de file pour la coordination, la résolution des conflits et l’instauration des normes sociales de la communauté. Il a fait également apparaître l’existence de partenariats sociaux entre acteurs de différents secteurs qui décident volontairement de collaborer pour résoudre un problème social, celui de l’intégration et de l’autonomie des personnes en exil.</p>
<p>Le cas du projet IMBY démontre ainsi qu’avec de la volonté et l’engagement de tous les acteurs, il est possible de surmonter les obstacles institutionnels et humains et de construire un bien commun bénéfique à toutes les parties prenantes. Le rôle des gouvernements serait donc de laisser faire et même de soutenir ce type de démarche citoyenne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219127/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’association Quatorze construit des petites maisons qui permettent d’organiser une communauté pour aider les réfugiés. Une initiative appelée à se multiplier.Magdalena Godek-Brunel, Enseignant-chercheur, International Business, ESCE International Business SchoolCatherine Mercier-Suissa, MCF-HDR en sciences économiques, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1840612022-06-05T16:21:32Z2022-06-05T16:21:32ZAu-delà de la fraude sociale, le non-recours à l’allocation pose un problème bien plus important<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/466559/original/file-20220601-48778-h4iu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C3%2C1020%2C637&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le RSA constituait en 2020 un socle de revenus pour 2,1&nbsp;millions de foyers.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:RSA_2.jpg">ArnoD27/Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Un nouveau plan pour lutter contre la fraude sociale <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/05/29/allocations-familiales-carte-vitale-retraites-a-l-etranger-le-gouvernement-presente-un-plan-de-lutte-contre-la-fraude-sociale_6175352_823448.html">a été dévoilé lundi 29 mai</a> par Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics. Ce dernier prévoit « de doubler les redressements d’ici à 2027 » et propose notamment de fusionner la carte Vitale et carte d’identité pour mieux cibler les éventuels fraudeurs. Il y a un an déjà, le président candidat Emmanuel Macron créait la <a href="https://www.publicsenat.fr/article/politique/les-interrogations-autour-des-15h-20h-d-activite-qu-emmanuel-macron-veut-imposer">polémique</a> en proposant de réformer les droits et devoirs des allocataires du revenu de solidarité active (RSA). </p>
<p>Le chef de l’État, réélu depuis, avait souhaité instaurer une « obligation de travailler quinze à vingt heures par semaine » afin de favoriser leur insertion professionnelle. Des mesures en cours d'expérimentations et qui créent <a href="https://www.liberation.fr/economie/reforme-du-rsa-le-gouvernement-pose-ses-conditions-20230523_JTODOYM235CQBDT5KDXOBEVDGY/">polémiques et discours contradictoires</a>.</p>
<p>Pour les uns, il est indécent d’alourdir la culpabilité des victimes de la crise. Menacées par la pauvreté, elles doivent faire face plus que toute autre au recul de leur pouvoir d’achat et il faut les soutenir par des aides automatiques et inconditionnelles. Pour les autres, l’accès à l’emploi doit être prioritaire et il importe de réformer le volet non monétaire du RSA, de renforcer l’accompagnement et aussi les contrôles…</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/eJgINHPmDJg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Emmanuel Macron propose une réforme du RSA avec « 15 à 20 heures » d’activité hebdomadaire (Public Sénat, 17 mars 2022).</span></figcaption>
</figure>
<p>Ce débat comporte incontestablement une dimension idéologique, voire même politicienne. Il s’agit pourtant d’un sujet important, à la fois du point de vue de la recherche et de celui des politiques publiques.</p>
<h2>Suspicion montante</h2>
<p>Comme l’a rappelé en début d’année le <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-revenu-de-solidarite-active-rsa">rapport</a> de la Cour des comptes, le nombre d’allocataires progresse de façon irrésistible d’année en année depuis la mise en place du RSA en 2009, comme le faisait déjà celui des bénéficiaires du revenu minimum d’insertion (RMI) qu’il a remplacé (voir le graphique). La crise sanitaire a ajouté à la série temporelle une bosse, aujourd’hui en voie de résorption, mais la tendance est toujours là, parallèle à celle de la progression de la durée du chômage. Si cette tendance n’est pas soutenable, ce n’est principalement pas sur un plan budgétaire.</p>
<p>Le RSA constituait en 2020 un socle de revenus pour 2,1 millions de foyers, soit plus de 4 millions de personnes avec les conjoints et les enfants à charge, pour une dépense publique annuelle de 15 milliards d’euros en ajoutant la prime d’activité et l’accompagnement, soit moins de trois quarts de point de PIB. Son montant moyen avoisine les 7000 euros par an et par ménage bénéficiaire, ce qui en fait l’une des aides publiques les moins coûteuses par rapport à son impact social.</p>
<p><iframe id="m5Oae" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/m5Oae/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En parallèle de la hausse du nombre de bénéficiaires, le regard de l’opinion publique a évolué vis-à-vis des minima sociaux. De multiples indices convergents confirment notamment la suspicion croissante envers les bénéficiaires des aides sociales.</p>
<p>Une <a href="https://www.credoc.fr/publications/prestations-sociales-et-familiales-conge-parental-aides-au-logement-aides-aux-grands-enfants-etat-de-lopinion-2018">enquête du Crédoc</a> publiée en 2018 indiquait ainsi qu’une grande majorité de Français souscrit à l’idée selon laquelle les Caisse d’allocations familiales (Caf) ne contrôlent pas suffisamment les situations des allocataires. Ils étaient plus de 80 % en 2018 à partager ce sentiment, contre 64 % vingt ans plus tôt.</p>
<p>Selon une <a href="https://www.unedic.org/publications/barometre-unedic-quel-regard-les-francais-portent-ils-sur-le-chomage-et-les-chomeurs">enquête plus récente de l’Unédic</a>, une majorité de Français estime que les demandeurs d’emploi ont des difficultés à trouver du travail car ils ne font pas de concession dans leur recherche d’emploi. De plus, pour 55 % des sondés, les chômeurs ne travaillent pas parce qu’ils risqueraient de perdre leur allocation chômage.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/5EPuDoUGC4A?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comment les Français perçoivent le chômage et les chômeurs ? (unedictv, février 2022).</span></figcaption>
</figure>
<p>Enfin, les politistes Vincent Dubois et Marion Lieutaud ont étudié les occurrences sur la fraude sociale en exploitant un corpus de 1 108 questions parlementaires posées entre 1986 et 2017. De rares, voire inexistantes au début de la période, elles ont progressivement augmenté jusqu’à devenir une thématique à part entière du débat politique. Leur formulation révèle un <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03462599">durcissement progressif des prises de position</a>, plus particulièrement à l’égard des fractions les plus démunies de l’espace social, et un affaiblissement concomitant des discours critiques à l’égard de telles tendances.</p>
<h2>La fraude reste l’exception</h2>
<p>Le contraste apparaît donc très net entre ce sentiment montant et les résultats des actions de contrôle opérées par les institutions en charge du suivi des bénéficiaires. Ces derniers montrent que les fraudes sont concentrées sur une très petite minorité de bénéficiaires et qu’elles sont surtout le fait de certains réseaux organisés. Selon la Cour des comptes, le montant cumulé des aides indues représenterait <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-09/20200908-rapport-Lutte-contre-fraudes-prestations-sociales_0.pdf">3,2 % des prestations sociales</a>. Des cas existent et ils sont largement relayés par les médias, mais ils forment toujours l’exception. S’il importe de lutter contre ces délits, le rôle de la puissance publique n’est pas d’entretenir le climat de suspicion qui prévaut à l’encontre de la très grande majorité des allocataires respectant les règles.</p>
<p>En complet contre-pied, la recherche en sciences sociales sur le RSA montre au contraire que le fait dominant est celui de la permanence et de la généralité d’un non-recours massif aux prestations sociales destinées à soutenir les ménages à bas revenus. Ainsi, une part importante des ménages ayant droits aux aides sociales n’en bénéficient pas, en réalité. Cela provient principalement d’une absence de demande de leur part.</p>
<p>Les <a href="https://www.cairn.info/revue-economie-et-prevision-2018-1-page-41.htm?contenu=resume">raisons sont multiples</a> mais font intervenir des difficultés à effectuer les démarches administratives et la stigmatisation qu’entraîne la demande de l’aide : en 2018, un <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-communique-de-presse/les-dossiers-de-la-drees/mesurer-regulierement-le-non-recours-au">tiers des foyers éligibles</a> au RSA sont ainsi en situation de non-recours chaque trimestre ; 1 foyer sur 5 est en situation de non-recours pérenne toute l’année. Le non-recours touche, par ailleurs, les populations les plus vulnérables du public ciblé comme les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/roiw.12274">personnes sans domicile fixe</a>.</p>
<h2>Des contrôles aux effets inattendus</h2>
<p>La suspicion croissante envers les allocataires a cependant conduit à une intensification de leur surveillance et à l’encadrement de leurs démarches d’insertion professionnelle et sociale. En contrepartie de leurs droits, les allocataires ont des devoirs qui se matérialisent par différentes étapes, comme la signature d’un contrat d’engagement ou d’un projet personnalisé, puis la participation à des démarches d’insertion (sociale ou professionnelle). La participation à ces démarches reste cependant elle-même faible pour des raisons qui tiennent en partie aux difficultés rencontrées par les départements pour organiser l’accompagnement de façon satisfaisante.</p>
<p>Pour augmenter la participation, certains départements ont modifié leur politique d’action sociale. Une <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-politique-2018-5-page-777.htm">expérience contrôlée</a> a ainsi été mise en œuvre en Seine-et-Marne. Celle-ci consistait à faire varier le contenu des courriers invitant les allocataires à s’inscrire dans l’accompagnement. La simplification des courriers et l’ajout d’éléments incitatifs n’a cependant pas permis d’augmenter substantiellement la participation aux démarches d’insertion.</p>
<p>Un autre département a fait le choix d’une action plus coercitive consistant à contrôler la situation de l’ensemble des allocataires et à envoyer un message d’avertissement, suivi d’une sanction sous forme de réduction de l’allocation si la situation ne change pas. Ces courriers d’avertissement ont fortement augmenté la participation aux premières étapes <a href="http://www.tepp.eu/doc/users/268/bib/dedicacefinal.pdf">du parcours d’insertion</a>. Mais ces notifications ont également accru les sorties du RSA.</p>
<p>L’étude ne permet pas d’identifier si les sorties vont vers l’emploi ou si elles correspondent à un arrêt de la perception de l’allocation par des individus toujours éligibles. Cependant, il apparaît vraisemblable que ces contrôles découragent les allocataires et accroissent leur non-recours. Une plus grande intensité de contrôle augmente les coûts supportés par les allocataires pour accéder à l’allocation, ce qui peut les conduire à renoncer à l’allocation et à leurs démarches d’insertion, soit l’exact inverse de l’objectif poursuivi.</p>
<p>L’épidémie de Covid-19 a rappelé avec force la résilience du modèle de protection sociale français, en capacité de faire face à une crise économique et sociale de très grande ampleur. La crise sanitaire a montré que les risques de perdre son emploi et de tomber dans la pauvreté concernent l’ensemble de la population et qu’il est nécessaire de disposer d’un mécanisme d’assurance et d’assistance collective. Dans le débat actuel, ce n’est pas seulement le volet monétaire qu’il faut réformer, mais plutôt la manière dont l’accompagnement se déploie et les moyens qui lui sont alloués pour mieux résorber les vulnérabilités sociales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184061/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yannick L’Horty a reçu des financements du conseil départemental de Seine-et-Marne pour certaines études citées dans cet article. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Rémi Le Gall a bénéficié d'un financement de la Délégation Interministérielle de Prévention et de Lutte contre la pauvreté pour une étude citée dans cet article. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sylvain Chareyron a reçu des financements du conseil départemental de Seine-et-Marne pour une étude citée dans cet article.</span></em></p>Un tiers des ménages éligibles renonce au revenu de solidarité active, tandis que le montant cumulé des prestations indues reste minime.Yannick L’Horty, Économiste, professeur des universités, Université Gustave EiffelRémi Le Gall, Economiste, Maître de conférences, Université de LorraineSylvain Chareyron, Maître de conférences en Sciences économiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1728112021-12-07T21:25:00Z2021-12-07T21:25:00ZL’invisible décrochage scolaire des jeunes ruraux<p>En 2010, la France a signé les engagements européens intitulés <a href="https://eduscol.education.fr/891/enjeux-et-objectifs-de-la-lutte-contre-le-decrochage">« Europe 2020 »</a> dont l’un des objectifs était de faire passer le taux de décrochage scolaire sous la barre des 10 % pour 2020. C’est-à-dire que moins de 10 % des jeunes quittent leur formation avec un niveau inférieur à celui du CAP-BEP. En 2019, le taux de décrochage scolaire <a href="https://www.education.gouv.fr/la-lutte-contre-le-decrochage-scolaire-7214#:%7E:text=Dans%20ce%20cadre%2C%20la%20France,ensemble%20de%20la%20population%20scolaris%C3%A9e.">se situait à 8 %</a>.</p>
<p>Si, bien entendu, la lutte contre ce phénomène a comme objectif premier la réduction des inégalités entre les élèves, elle constitue également un enjeu social et économique. <a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-dynamiques-2015-1-page-16.htm">Un rapport de 2014</a> estime le « coût » du décrochage d’un élève à 230 000 € sur une vie, ce qui équivaudrait pour à un « coût » annuel pour l’État de l’ordre de 30 milliards.</p>
<p>Au niveau individuel l’enjeu est également grand, et cela malgré l’inflation du niveau de diplôme. <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2429772">Les chiffres de l’Insee de 2021</a> indiquent que le taux de chômage 1 à 4 ans après la sortie du système de formation est de 48 % pour les non-diplômés contre 11 % chez les détenteurs d’un diplôme de niveau bac+2 ou supérieur.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/une-jeunesse-des-jeunesses-des-diplomes-pour-imaginer-lavenir-171223">« Une jeunesse, des jeunesses » : des diplômes pour imaginer l’avenir ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Les mesures prises pour lutter contre le décrochage scolaire laissent pourtant apparaitre un clivage important entre les espaces urbains et les espaces ruraux, moins densément peuplés et marqués par l’éloignement aux services. L’absence d’écoles d’écoles de la deuxième chance, d’Établissements pour l’insertion dans l’Emploi (EPIDE), ou tout simplement la moins forte concentration en dispositifs liésaux Missions Locales font apparaitre <a href="https://journals.openedition.org/formationemploi/6510?lang=en">ces inégalités territoriales</a>.</p>
<h2>Des territoires de réussite</h2>
<p>Plus qu’une question d’accès à ces structures, les décrocheurs ruraux sont désavantagés par des mesures reposant sur une perception très urbanocentrée des marqueurs du risque du décrochage scolaire, puisque basées sur des recherches faites en ville.</p>
<p>Nous ne disposons effectivement que de très peu d’indicateurs sur les causes, conséquences et modalités du décrochage scolaire au sein de ces espaces qui regroupent pourtant, <a href="https://www.cairn.info/revue-formation-emploi-2018-2-page-99.htm">comme le montre Joël Zaffran</a>, près d’un cinquième des effectifs des décrocheurs scolaires. Des prérogatives politiques concernant la lutte contre le décrochage scolaire mettent pourtant bien en avant la nécessité d’un pilotage par les régions, mais l’aspect rural des espaces n’est pas pris en considération.</p>
<p>Les études pointent une corrélation claire entre une origine sociale plus modeste et une plus faible réussite scolaire ainsi qu’un plus fort taux de décrochage scolaire. Si les espaces ruraux incluent plus d’employés et d’ouvriers et moins de cadres et de professions intellectuelles supérieures que les villes, ils déjouent les prévisions. <a href="https://www.education.gouv.fr/sites/default/files/imported_files/document/IGEN-Rapport-activite-2018-web_1188762.pdf">Le rapport de 2018</a> de l’IGEN et de l’IGAENR sur l’éducation rurale montre que les élèves y ont des résultats légèrement supérieurs aux urbains à l’entrée au collège et qu’ils ne souffrent en définitive pas réellement de manques, de retards ou de déficits liés à leur éducation.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-agora-debats-jeunesses-2014-2-page-21.htm">Plusieurs éléments</a> ont été invoqués par la sociologie pour expliquer ces résultats. D’abord, une implication familiale importante dans la vie éducative des enfants, ainsi qu’une plus grande confiance entre parents et enseignants, notamment rendue possible par des interconnaissances plus fortes dans ces espaces. Ensuite, la petitesse des effectifs dans les classes et la plus forte présence de classes multiniveaux permettant d’apporter plus de temps par élève et de favoriser le développement.</p>
<p>Les espaces ruraux ne sont donc pas des espaces de « manques » culturels ou éducatifs et semblent même limiter les difficultés de certains élèves. Notons également qu’ils manifestent une <a href="https://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2009-1-page-33.htm">forte correspondance entre formation, emploi et territoire</a>, avec une orientation plus importante vers des études plus courtes et plus professionnalisantes qu’en ville.</p>
<p>Toujours selon l’IGEN et l’IGAENR nous pouvons observer que 61 % des élèves ruraux se trouvent dans une filière de bac pro contre 39 % en ville. Cette orientation plus courante vers ces filières fait que les jeunes ruraux se sentent moins dévalués par de tels cursus dans un milieu où réside pour beaucoup une forme d’« évidence » d’un parcours scolaire court et professionnalisant.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/inegalites-scolaires-les-eleves-des-territoires-ruraux-manquent-ils-vraiment-dambition-161112">Inégalités scolaires : les élèves des territoires ruraux manquent-ils vraiment d’ambition ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Le milieu rural n’est donc pas un milieu propice au décrochage scolaire, puisque ses particularités éducatives et la plus grande fréquence d’orientations professionnalisantes semblent apporter une certaine résistance à ce phénomène. Ceci explique ainsi pourquoi les jeunes ruraux représentent un quart de la population jeune du territoire national et seulement 17 % des décrocheurs en France.</p>
<h2>Des signaux complexes à repérer</h2>
<p>En réalité, ce qui rend le décrochage scolaire en milieu rural problématique c’est la forme que ce dernier prend et la difficulté de mettre en œuvre une politique de prévention adaptée. En milieu rural, comme ailleurs, le décrochage scolaire est l’aboutissement d’un processus long de distanciation avec sa scolarité, très fréquemment motivé par un souhait d’insertion rapide sur le marché de travail.</p>
<p>Chez les jeunes ruraux qui décrocheront, l’attirance du monde du travail est la motivation principale qui est mise en avant pour justifier l’acte du décrochage scolaire. En somme, celui-ci est perçu comme une voie d’accélération vers l’indépendance de la vie adulte.</p>
<p>Hormis cette volonté d’insertion professionnelle très importante dans l’acte du décrochage scolaire, c’est la discrétion et le caractère abrupt du décrochage scolaire rural qui le rend particulier. La sociologie propose généralement deux types de comportements qui semblent indiquer un risque élevé de décrochage scolaire :</p>
<ul>
<li><p>des comportements « internalisés », qui correspondent à de la dépression, des tentatives de suicide, de l’automutilation ou encore une faible estime de soi ;</p></li>
<li><p>des comportements « externalisés », comme la rébellion, la violence, les retards fréquents et surtout un crescendo de l’absentéisme.</p></li>
</ul>
<p>Or, afin de déceler les risques de décrochage scolaire et de faire un travail de lutte en amont, ce sont principalement les comportements externalisés – plus visibles – qui sont mobilisés comme marqueurs d’un potentiel décrochage scolaire.</p>
<p>La difficulté lorsque l’on s’intéresse au phénomène du décrochage scolaire en milieu rural est alors la faible fréquence de ces comportements, et notamment de l’absentéisme. Si les comportements intériorisés sont tout aussi fréquents qu’en ville, les actes de rébellion et surtout la distanciation physique de l’école sont bien plus rares dans des espaces marqués par l’éloignement et où l’école reste le centre névralgique des relations et pratiques juvéniles.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/bac-professionnel-des-lycees-pour-inventer-sa-voie-127385">Bac professionnel : des lycées pour inventer sa voie ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>L’espace rural étant plus difficile à s’approprier pour des jeunes ayant peu, voire pas de moyen de déplacement, les élèves ruraux – et les futurs décrocheurs – présentent bien <a href="http://www.theses.fr/s204087">moins souvent ce type de comportements</a> mobilisés pour déceler le risque d’abandon scolaire.</p>
<p>Le décrochage de ces jeunes n’est pas l’aboutissement d’un crescendo de l’absentéisme comme en ville, mais a plutôt lieu lors de vacances, après lesquelles ces jeunes ne reviennent tout simplement pas en cours. Très souvent, un refus dans son choix d’orientation, un mauvais bulletin ou un redoublement sera l’élément déclencheur du décrochage, mais sans que l’élève ait exprimé des comportements externalisés en amont.</p>
<p>Ce que montre ce phénomène, c’est l’absence de politiques claires et dédiées aux espaces ruraux en matière de repérage des risques de décrochage scolaire, mais aussi en matière de remédiation alors qu’aujourd’hui les institutions en charge du raccrochage sont toutes – ou presque – en ville.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/estime-de-soi-et-difficultes-scolaires-un-cercle-vicieux-161384">Estime de soi et difficultés scolaires, un cercle vicieux ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Ce décrochage invisible est inquiétant puisque, bien que les <a href="https://www.cairn.info/revue-formation-emploi-2018-2-page-99.htm">travaux de Joël Zaffran</a> semblent indiquer une insertion professionnelle meilleure à la campagne qu’en ville pour les non-diplômés, les espaces ruraux sont très loin d’être exempts des phénomènes de vulnérabilité liés à l’absence de diplôme. Il est donc nécessaire de prendre en compte les caractéristiques spatiales du phénomène de décrochage scolaire afin de poursuivre une lutte efficace sur l’intégralité du territoire.</p>
<p>S’intéresser aux comportements intériorisés comme la faible estime de soi ou les violences autocentrées sont une piste intéressante à étudier et marquent le caractère complexe et polymorphe que doit prendre aujourd’hui la lutte contre le décrochage scolaire sur l’ensemble du territoire national.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172811/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Clément Reversé a reçu des financements de la Région Nouvelle-Aquitaine. </span></em></p>Le décrochage dans les espaces ruraux n’est pas l’aboutissement d’un crescendo de l’absentéisme comme en ville et se produit souvent après des vacances. Comment l’expliquer et le repérer ?Clément Reversé, Sociologie de la jeunesse, sociologie des espaces ruraux, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1636822021-09-12T16:31:10Z2021-09-12T16:31:10ZLe système d'apprentissage en Allemagne : un modèle de formation ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/419102/original/file-20210902-17-dblmh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C9%2C1019%2C648&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">A Dortmunt, en 2020, Andrea, apprentie en boulangerie, prépare avec son maître d'apprentissage les traditionnelles pâtisseries de Pâques. </span> <span class="attribution"><span class="source">Ina Fassebender / AFP</span></span></figcaption></figure><p><em>Cet article a été co-écrit avec Barbara Ofstad, doctorante au Business Science Institute.</em></p>
<hr>
<p>En Allemagne, le système de formation par apprentissage garantit un niveau d’emploi parmi les jeunes qui est admiré au niveau européen. Par ailleurs, 47 % des cadres en Allemagne sont issus de ce type de cursus, complété ensuite par la formation continue avec des diplômes de « technicien » (Techniker) ou de « maître professionnel » (Industriemeister). Ils sont ainsi plus nombreux que les <a href="https://www.iwkoeln.de/studien/regina-flake-dirk-werner-karrierefaktor-berufliche-fortbildung.html">39 % de cadres</a> issus d’une formation académique (c’est-à-dire ayant validé au minimum un niveau Licence).</p>
<p>La formation allemande par l’apprentissage est souvent citée en exemple en France, comme une voie permettant l’insertion professionnelle dans les entreprises, et un rempart contre le chômage des jeunes. Or, 86 % des élèves allemands en éducation secondaire sont inscrits dans des programmes combinant le travail et l’école, alors qu’ils ne sont qu’<a href="http://www.cedefop.europa.eu/de/publications-and-resources/statistics-and-indicators/databases/reference-dataset-2017-masterfile">environ 25 % en France</a>. Pourquoi ?</p>
<h2>Une histoire ancienne</h2>
<p>Le système dual d’apprentissage est né de la tradition artisanale au Moyen Âge. Il a été adapté avec succès à l’époque industrielle, pour devenir la pierre angulaire du système d’éducation professionnelle allemand. Il a, bien sûr, connu des changements profonds : des professions nouvelles y sont préparées comme les professions du numérique ou de mécatronicien et des compétences transversales comme la digitalisation et le développement durable ont été ajoutés.</p>
<p>Aux antipodes du collège unique pour tous les jeunes Français, le système scolaire allemand prévoit le choix d’une filière dès la fin des quatre années d’école primaire, à l’âge de 10 ou 11 ans :</p>
<ul>
<li><p>la voie d’excellence passe par les « Gymnasium » (englobant l’équivalent du collège et du lycée) où approximativement <a href="https://www.bildungsbericht.de/static_pdfs/bildungsbericht-2020.pdf">40 % des jeunes d’une classe d’âge</a> préparent en 8 ou 9 années scolaires le « Abitur » (baccalauréat allemand) ; si on y ajoute les baccalauréats professionnels donnant accès à l’enseignement supérieur technologique (Fachhochschulreife), ce taux monte à plus de 50 % – alors que 80 % d’une classe d’âge obtient son baccalauréat en France ;</p></li>
<li><p>une voie de niveau d’exigence intermédiaire passe par les « Realschulen » qui se terminent après 6 années d’études par l’équivalent d’une année de seconde technologique, souvent à l’âge de 16 ou 17 ans ;</p></li>
<li><p>une voie de niveau plus léger, dans les « Hauptschulen » ou « Werkrealschulen », d’une durée de 5 ans ;</p></li>
<li><p>ou encore des formes mixtes de ces différentes voies, les « Gesamtschulen ».</p></li>
</ul>
<p>Traditionnellement, c’étaient les élèves de la « Realschule » ou de la « Hauptschule » qui choisissaient par la suite une formation par apprentissage. Aujourd’hui, les frontières sont moins nettes. Environ 30 % des bacheliers passent par une formation par apprentissage (souvent avant d’enchaîner par des études supérieures), tandis qu’une partie des élèves des « Hauptschulen » et « Realschulen » poursuivent par d’autres formations scolaires. Seulement environ <a href="https://www.bildungsbericht.de/static_pdfs/bildungsbericht-2020.pdf">45 % des jeunes</a> quittant les « Hauptschulen » ou « Realschulen » s’engagent ainsi aujourd’hui dans une formation par apprentissage.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/-3Z4WjcV40c?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’apprentissage en Allemagne face à ses défis (Céreq, 2019).</span></figcaption>
</figure>
<p>En Allemagne, une formation par apprentissage prépare à un métier précis, et dure entre deux ans et trois ans et demi. Il s’agit d’un système dual : une partie de la formation s’effectue en entreprise où l’apprenti/e est embauché/e avec un contrat d’apprentissage ; l’autre partie se fait au centre de formation professionnelle.</p>
<p>Les formations par apprentissage portent, par définition, sur des niveaux d’études pré-baccalauréat, et se terminent par l’obtention d’une équivalence avec le baccalauréat (même si les universités <a href="https://www.hochschulkompass.de/studium/voraussetzungen-fuer-studium/hochschulzugangsberechtigung/studieren-ohne-abitur.html">peuvent leur faire passer un examen</a> avant de leur faire commencer des études). L’<a href="https://www.bibb.de">Institut fédéral de formation professionnelle</a> conseille les pouvoirs publics et coordonne avec les partenaires sociaux la définition des contenus de la formation professionnelle.</p>
<p>La formation professionnelle dépend du ministère de l’Économie, qui collabore dans ce contexte avec la Conférence des ministres de l’Éducation des 16 Länder qui ont compétence sur l’éducation scolaire, et le ministère de l’Éducation supérieure et de la Recherche. La majorité des compétences pratiques et manuelles sont ainsi sous la responsabilité des entreprises.</p>
<h2>Réussites et difficultés du système allemand</h2>
<p>La formation par apprentissage en Allemagne reste forte de ses succès : rappelons que 47 % des cadres sont issus de la formation par apprentissage. Les entreprises qui recrutent des apprentis le font le plus souvent dans la perspective d’intégrer les jeunes durablement dans leur organisation. Dans les grandes entreprises industrielles, les managers établissent des plans de succession, souvent à cinq ans : ils définissent donc en 2021 combien d’apprentis ils recruteront en 2022 afin que ceux-ci prennent des postes pérennes au sein du service en 2025 et 2026, à l’issue de leur apprentissage.</p>
<p>L’attractivité de l’apprentissage allemand a cependant souffert, dans une société qui semble davantage valoriser des diplômes académiques que des diplômes professionnels attribués par les Chambres de Commerce et d’Industrie. Beaucoup de professeurs des lycées n’ont pas de connaissances particulières des carrières professionnelles, et ne conseillent guère cette voie aux bacheliers, alors qu’elle permet d’obtenir des rémunérations comparables aux ceux des diplômés de formations académiques.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/qDNzuWQXEas?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">En Alsace, un bac pro en alternance franco-allemand (France 3 Grand Est, 2021).</span></figcaption>
</figure>
<p>Depuis une quinzaine d’années, les « études duales », similaires à l’apprentissage dans l’éducation supérieure en France, gagnent du terrain. Les études y alternent avec des phases de travail en entreprise. En Allemagne, deux modèles d’études duales coexistent : le modèle de la « formation intégrée » (« ausbildungsintegriertes Duales Studium ») qui comprend un diplôme délivré par la CCI, et le modèle « orientée vers la pratique » (« praxisintegriertes Duales Studium ») qui y renonce. Mais qu’il s’agisse de la filière par apprentissage traditionnelle ou d’études duales avec ou sans diplôme délivré par les CCI, un contrat avec l’entreprise est la base d’un emploi qui a une finalité de formation.</p>
<p>Face à la pénurie de travailleurs allemands possédant des niveaux de qualification intermédiaires (Facharbeiter) et au vu des changements démographiques, il est probable que le nombre d’apprentis se stabilisera dans les années à venir. Il faudra en revanche que le système gagne en dynamisme et en flexibilité pour réussir à s’adapter aux évolutions en cours, et à former aux compétences clés futures. Des solutions face au travail de plus en plus en virtuel, à la transformation digitale, et, par conséquent, la dynamisation du savoir-faire sont souhaitables.</p>
<h2>Le système est-il transposable en France ?</h2>
<p><a href="https://www.researchgate.net/profile/Kurt-Schmid-3/publication/299395981_Success_factors_for_the_Dual_VET_System_Possibilities_for_Know-how-Transfer/links/56f3eac008ae7c1fda2d526e/Success-factors-for-the-Dual-VET-System-Possibilities-for-Know-how-Transfer.pdf">Selon une étude</a> basée sur une comparaison internationale, les facteurs clé de succès d’un système de formation par l’apprentissage sont les suivants :</p>
<ul>
<li><p>une gouvernance par les entreprises et les partenaires sociaux, responsables de la formation ;</p></li>
<li><p>des cursus avec une forte orientation métier, mais incluant également des compétences transversales et évolutives ;</p></li>
<li><p>la performance et la profitabilité du système pour les entreprises ;</p></li>
<li><p>une responsabilité partagée de la qualité des formations, et des mécanismes de contrôle de cette qualité ;</p></li>
<li><p>la flexibilité du système pour pouvoir adapter et faire évoluer les formations ;</p></li>
<li><p>une attractivité du système d’apprentissage vis-à-vis des jeunes ;</p></li>
<li><p>une gestion efficace et transparente. En France, la marge de progrès reste importante sur de nombreux points.</p></li>
</ul>
<p>Les différences entre la France et l’Allemagne portent notamment sur le rôle des entreprises dans le système de formation, et les avantages qu’elles en retirent. Cette différence se voit dès la sélection des apprentis : en Allemagne, l’entreprise recrute un jeune – sa place en centre de formation (voire dans l’enseignement supérieur pour les études duales) en découle automatiquement. En France, ce sont les établissements qui sélectionnent des jeunes qui recherchent ensuite un contrat en entreprise nécessaire pour la formation – mais la sélection se fait en premier lieu par l’école.</p>
<p>Par ailleurs, ce sont les formations et leurs tutelles qui définissent très largement les contenus des formations quand, en Allemagne, les entreprises sont pleinement impliquées dans l’établissement des programmes par les représentants du patronat et des salariés. Enfin, les entreprises allemandes recrutent « leurs » apprentis pour une durée de deux à trois ans et demi – quand les formations en apprentissage françaises durent en moyenne deux ans.</p>
<p>Les cursus dans les centres de formation professionnelle sont caractérisés par la prédominance d’une pédagogie scolaire et, surtout, les apprentis ne sont pas réellement intégrés dans la planification stratégique des ressources humaines. Cette faiblesse est néanmoins palliée par la possibilité offerte aux entreprises de créer leurs propres centres de formation, permettant de voir l’alternance comme un réel investissement. Le rapprochement progressif des formes d’apprentissage dans l’éducation supérieure entre la France et l’Allemagne pourrait entraîner à l’avenir des effets positifs sur l’apprentissage traditionnel en France.</p>
<p>L’apprentissage de niveau CAP et BEP est beaucoup moins attractif pour les jeunes Français car il n’ouvre guère la voie à des formations ultérieures. La situation des formations par apprentissage post-bac dans des licences ou masters professionnels, les écoles d’ingénieurs ou de commerce, équivalente aux « études duales » en Allemagne, est différente et son image s’est considérablement améliorée ces dernières années.</p>
<p>Les carrières types des cadres supérieurs <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S026323731200062X">restent très différentes</a> entre la France et l’Allemagne. En Allemagne, ils commencent encore souvent leur vie professionnelle « à la base » et changent peu souvent (ou pas) d’entreprise. La carrière type d’un cadre français, en revanche, passe par une formation académique et de « grandes écoles » (privées et publiques), des postes à responsabilités dès l’entrée dans la vie professionnelle, et des changements d’employeurs et de postes fréquents.</p>
<p>Commencer sa formation par un apprentissage au niveau CAP et BEP interdit quasiment de viser à terme des postes de haut niveau dans une grande entreprise, et ne prédestine pas non plus à des postes de techniciens bien rémunérés et possédant des compétences pointues. En terminant leur apprentissage, les jeunes Allemands obtiennent une équivalence du baccalauréat, et beaucoup poursuivent ultérieurement des études supérieures. C’est ainsi surtout au niveau culturel que se situent les barrières à une plus grande valorisation de l’apprentissage en France.</p>
<p>Mais la transformation digitale et l’arrivée de nouvelles générations sur le marché du travail sont aussi en train de bouleverser ces hiérarchies à la française : elles entraînent le besoin d’un nouveau style de management, moins hiérarchisé, basé davantage sur les compétences que les titres. Dans ce contexte, l’apprentissage à tous les niveaux de formation <a href="https://www.researchgate.net/profile/Michael_Neubert7/publication/337007715_How_Do_Corporate_Valuation_Methods_Re_ect_the_Stock_Price_Value_of_SaaS_So_ware_Firms/links/5dbff9a64585151435e52988/How-Do-Corporate-Valuation-Methods-Re-ect-the-Stock-Price-Value-of-SaaS-So-ware-Firms.pdf#page=25">pourrait alors connaître une renaissance</a> en France et contribuer à l’innovation. Si on y ajoute la pénurie d’ouvriers et de techniciens qualifiés français, un changement des mentalités et des systèmes n’est-il pas inévitable ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163682/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Bartel-Radic ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Regard sur un système de formation qui a souvent été cité au niveau européen comme exemple de rempart contre le chômage des jeunes.Anne Bartel-Radic, Management international, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1594792021-04-26T17:32:24Z2021-04-26T17:32:24ZLa norme sociale, un obstacle pour les Hauts potentiels intellectuels dans le monde du travail<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/396311/original/file-20210421-19-cb43um.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5353%2C3565&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En France, 2&nbsp;% de la population est considérée comme haut quotient intellectuel, soit 1&nbsp;300&nbsp;000&nbsp;personnes.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/perplexed-young-woman-looking-coworkers-pointing-721870105">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Une curieuse tendance s’observe ces dernières années dans nos séries télévisées : celle de la mise en avant de personnes socialement décalées car porteuses d’un mode de <a href="https://www.lajauneetlarouge.com/comment-apprehender-la-diversite-cognitive-de-lhumanite/">fonctionnement cognitif différent</a> et interagissant, de manière <a href="https://dictionnaire.lerobert.com/definition/atypique">« atypique »</a>, avec des environnements professionnels vus comme étant très codifiés.</p>
<p>Ainsi, les spectateurs ont pu successivement découvrir la psychologue <a href="https://profilage.hypnoweb.net/profilage/les-personnages/chloe-saint-laurent.174.36/">Chloé St Laurent</a> dans la série <em>Profilages</em>, le chirurgien <a href="https://www.infirmiers.com/actualites/actualites/a-la-tele-good-docto-serie-valorise-difference.html">Shaun Murphy</a> dans <em>Good Doctor</em> ou la documentaliste <a href="https://www.france.tv/france-2/astrid-et-raphaelle/astrid-et-raphaelle-saison-1/1380599-astrid-nielsen-jeune-femme-atteinte-du-syndrome-d-asperger.html">Astrid Nielsen</a> dans <em>Astrid et Raphaëlle</em>, dont les compétences personnelles « différentes » sont présentées comme étant un atout majeur pour les équipes avec lesquelles elles collaborent.</p>
<p>Car, au-delà de personnages distrayants et attachants, c’est sans doute là le message social que l’on peut retenir de ces séries : montrer que – sous certaines conditions – une coopération entre une majorité « normée » et une personne « différente » non seulement est possible mais peut également s’avérer fructueuse pour tous.</p>
<h2>Les HPI mis en lumière</h2>
<p>Dernier exemple en date, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=s2GlB6Dv8ls"><em>HPI</em></a> (pour « Haut potentiel intellectuel »), la nouvelle série en prime-time de TF1, propose d’aller un peu plus loin dans cette exploration du « hors normes » en mettant en avant, cette fois-ci, une différence intellectuelle – un haut quotient intellectuel (<a href="https://www.science-et-vie.com/questions-reponses/que-mesure-au-juste-le-qi-quotient-intellectuel-10513">HQI</a>) – pour une fois située hors du diagnostic médical.</p>
<p>Et, ce glissement sur une population potentiellement (très) élargie – le <a href="https://www.mensa-idf.org/?action=mensa_douance">HQI</a> concerne mathématiquement <a href="https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/france/structure-population/population-sexe-ages/">2 % de la population</a> soit environ 1 300 000 personnes en France –, permet de poser de manière plus ouverte la question du décalage individuel à la norme sociale et la place compliquée qu’un individu « différent » peut y trouver, même s’il n’est pas – ou s’il ne se reconnaît pas – dans la définition d’une personne en <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F31029">« situation de handicap »</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/CKcE8rTcu64?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande annonce de la série française « HPI » diffusée sur TF1..</span></figcaption>
</figure>
<p>Et ce choix constitue un changement majeur, en brouillant les frontières que l’on croit trop souvent immuables, entre le « normal » et le <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1967/01/09/le-normal-et-le-pathologique_2610695_1819218.html">« pathologique »</a> – pour reprendre le titre de l’ouvrage du <a href="http://ehvi.ens-lyon.fr/IMG/pdf/quelques_concepts_de_canguilhem.pdf">philosophe français George Canguilhem</a> – et en proposant de ne plus faire de la norme un idéal à atteindre individuellement mais bien à transcender collectivement.</p>
<p>Depuis début 2021, une étude croisée est menée, à partir de l’IAE de Paris, sur les perceptions de la valeur ajoutée des populations HPI d’un côté, et la population managériale de l’autre, dans le but de cerner au mieux les attentes de ces deux catégories d’acteurs, amenées, de fait, à coopérer sur un même lieu de travail.</p>
<h2>Des attentes différentes</h2>
<p>L’analyse des premiers retours donne à voir un certain nombre d’éléments intéressants, en particulier sur les priorités des individus HPI et celles recherchées par l’encadrement.</p>
<p>De manière assez systématique, et en cohérence totale avec, justement, leurs compétences cognitives, les <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02123539/document">individus HPI</a>, lorsqu’ils sont interrogés sur leur « valeur ajoutée » pour l’entreprise, mettent en avant – voire très en avant, parfois – cette dimension vue comme objective de leurs compétences, que l’on pourrait qualifier de « technique interne » et qu’ils décrivent comme « Intuition, rapidité, capacité de faire le pas de côté […] » « Simplifier des problématiques très complexes », « Une agilité intellectuelle, [savoir] faire des liens entre différentes choses là où chez certains, c’est un peu plus segmenté ».</p>
<p>Mais, si ce goût affiché pour ce que l’on pourrait nommer « l’efficience » peut sembler extrêmement légitime dans le lieu de profit qu’est l’entreprise, elle relègue en revanche souvent mécaniquement la dimension <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2008-4-page-35.htm">« jeu social »</a> au second plan. Ainsi, le temps nécessaire à la création, à l’entretien quotidien de liens interpersonnels et à l’indulgence qui peut en découler, est souvent malmené… au profit de tâches jugées <a href="https://www.capital.fr/votre-carriere/etre-trop-doue-un-frein-pour-sa-carriere-957288">plus utiles</a>.</p>
<p>Le souci, c’est que la même question, cette fois-ci posée aux managers, affiche un ordre de priorité inversé. En effet, les compétences revendiquées ci-dessus comme un « talent » et une « valeur ajoutée » – à savoir, par exemple, « une capacité à absorber une forte charge de travail » ou « une capacité à aller au-delà des codes de l’entreprise » par le HPI – sont souvent vues comme « importantes », voire « très importantes » pour l’entreprise mais jamais citées en priorité dans les compétences recherchées au moment du recrutement.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/396324/original/file-20210421-13-ebhm04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/396324/original/file-20210421-13-ebhm04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/396324/original/file-20210421-13-ebhm04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/396324/original/file-20210421-13-ebhm04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/396324/original/file-20210421-13-ebhm04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/396324/original/file-20210421-13-ebhm04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/396324/original/file-20210421-13-ebhm04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les compétences mises en avant par les HPI lors d’entretien d’embauche ne sont pas les plus recherchées chez les entreprises.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/job-business-interview-office-face-mask-1813789268">Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En effet, avant de se poser la question des « compétences en plus (des autres) », les recruteurs mettent en avant les « compétences interpersonnelles » – d’autres diraient <em>soft skills</em> – à savoir : capacités d’intégration, d’adaptation… Et ces dernières, désormais princeps, font de fait de l’ombre à de potentielles compétences « différentes ».</p>
<p>On comprend bien, dans cette situation, que si la compréhension des priorités de l’entreprise n’est pas totalement partagée par les populations d’acteurs, alors peut rapidement s’infiltrer un sentiment de malaise des uns et de <a href="https://www.cadremploi.fr/editorial/actualites/actu-emploi/detail/article/les-profils-atypiques-ont-ils-une-chance-de-reussir-au-plus-haut-niveau.html">défiance</a> des autres.</p>
<h2>Le choix d’investir sur le long terme</h2>
<p>Sauf que… Si l’on fait le choix de ne pas s’arrêter à ces postures individuelles « naturelles » et que l’on se recentre sur les objectifs finaux de l’entreprise, alors les deux populations se rejoignent.</p>
<p>En effet, si l’on admet que l’entreprise a besoin de compétences d’innovation pour avancer et que les soft skills et autres codes font parfois un peu défaut <a href="https://theconversation.com/integrer-ceux-qui-nont-pas-les-codes-en-entreprise-un-equilibre-delicat-a-trouver-118285">aux HPI</a>, alors la solution consisterait, simplement, à faire en sorte que cette acquisition puisse se faire en interne, via une sensibilisation de l’encadrement, des coachings individuels ou collectifs, ou autre action permettant la réappropriation de ces éléments identifiés comme indispensables, par et pour l’entreprise.</p>
<p>C’est-à-dire, dans tous les cas, en investissant un temps individualisé pour que chacun trouve, non pas une place, mais sa place dans le collectif.</p>
<p>Comme le souligne Elizabeth Tchoungui, directrice exécutive Responsabilité sociétale chez Orange :</p>
<blockquote>
<p>« La diversité cognitive, encore trop souvent méconnue, est une chance et une opportunité pour l’entreprise. […] Et je suis convaincue que la diversité est source d’innovation et de performance durable. […] J’ai la profonde conviction, que plus un profil est atypique, plus il a une force insoupçonnée ».</p>
</blockquote>
<p>Soit investir dans l’individualité pour un apport supplémentaire et complémentaire au collectif. Un pari sur l’avenir collectif en pariant sur la différence individuelle ?</p>
<h2>La normalité sera-t-elle d’être tous différents ?</h2>
<p>Et si l’on accordait à la télévision cette vision prédictive de la société de demain ? Comme le soulignait déjà en 2015 Laurence Hersberg, directrice du Festival Série Mania, <a href="https://www.humanite.fr/laurence-herszberg-les-series-servent-de-miroirs-la-societe-571630">« Les séries servent de miroirs à la société »</a>. En faisant le choix de présenter des particularités cognitives sous un jour favorable – c’est-à-dire non plus comme une « déficience » mais bien comme une possibilité d’apport de compétences différentes à <a href="https://www.cairn.info/revue-questions-de-management-2019-3-page-99.htm">l’intelligence collective</a> de l’organisation qui les emploie – le petit écran se fait non seulement le porte-parole d’une minorité de plus en plus en recherche de visibilité, mais propose aussi des pistes à explorer pour l’entreprise, considérant chaque individu en termes de gestion simultanée de ses potentialités négatives – les risques, notamment psychosociaux – et positives – ces opportunités qu’on appelle le <a href="https://www.cairn.info/revue-agrh1-2016-3-page-9.htm">talent</a>.</p>
<p>Mais, du coup, cela entraîne une nouvelle question. Car, finalement, cette gestion particulière que les acteurs impliqués revendiquent comme une réponse « différente » à une personne « différente », ne serait-elle pas, tout simplement, une réponse « adaptée » que chaque individu, indépendamment de sa distance à ce fantasme mathématique qu’est la norme, devrait recevoir ? Ainsi que le résume simplement un manager : « [La solution est peut-être] d’arrêter de faire des HPI une catégorie à part. HPI ou non, chaque personne est différente. Et, si elle a des forces/faiblesses peu importe qu’elle soit HPI ou non ».</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’appuie sur une recherche en cours menée au sein de l’IAE de Paris, sous la co-direction de Rémi Bourguignon, professeur à l’Université Paris-Est et Stéphane Saussier, professeur à l’IAE de Paris</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159479/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cécile Dutriaux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les différences des personnes au quotient intellectuel élevé demandent à l’employeur d’adopter des approches de long terme pour qu’elles puissent réaliser tout leur potentiel.Cécile Dutriaux, Doctorante, chaire EPPP, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1573422021-03-21T17:40:36Z2021-03-21T17:40:36Z« Parastronautes » : l’agence spatiale européenne, un exemple pour tous ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/390122/original/file-20210317-13-5kdotl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=44%2C0%2C4928%2C3253&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les critères de sélection des «&nbsp;parastronautes&nbsp;» restent les mêmes que pour des personnes valides&nbsp;: «&nbsp;des individus qui sont psychologiquement, cognitivement, techniquement et professionnellement qualifiés&nbsp;».</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.esa.int/ESA_Multimedia/Images/2016/01/Principia_spacewalk">ESA</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>En février dernier, l’agence spatiale européenne (ESA) a lancé une <a href="http://www.esa.int/About_Us/Careers_at_ESA/ESA_Astronaut_Selection/Parastronaut_feasibility_project">étude de faisabilité</a> afin de recruter des <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/espace/exploration/l-esa-fait-appel-aux-candidatures-pour-recruter-des-astronautes-et-des-parastronautes_151854">« parastronautes »</a>. Cette étude s’inscrit dans un programme plus large visant à développer la diversité et favoriser l’inclusion de personnes différentes <a href="http://www.esa.int/About_Us/Careers_at_ESA/ESA_Astronaut_Selection/Parastronaut_feasibility_project">y compris ceux ayant une déficience physique</a>. Pour autant, les critères de sélection restent les mêmes :</p>
<blockquote>
<p>« Des individus qui sont psychologiquement, cognitivement, techniquement et professionnellement qualifiés pour être astronaute. »</p>
</blockquote>
<p>Évidemment, très peu d’entre nous, en situation de handicap ou pas, deviendront un jour astronautes, mais le signal que l’ESA envoie avec cette démarche est important. Un autre domaine devient accessible et ouvre ainsi de nouvelles perspectives sur le recrutement des travailleurs handicapés et les barrières quotidiennes qu’ils expérimentent.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1358782412147326976"}"></div></p>
<p>Si l’exemple de l’ESA peut inspirer les entreprises et leurs managers pour promouvoir l’emploi et le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés, c’est sans doute autour de trois axes : une remise en cause des stéréotypes et des préjugés, une mise en œuvre plus systématique d’un aménagement raisonnable et une réflexion sur la notion de performance durable.</p>
<h2>Adaptations « techniques »</h2>
<p>En ce qui concerne la lutte contre les préjugés, des initiatives comme celle de l’ESA apparaissent d’autant plus précieuses que les recherches que nous avons menées montrent que la <a href="https://academic.oup.com/cje/article/39/2/299/1690664?login=true">loi ne suffit pas</a> à modifier les comportements des entreprises et des dirigeants.</p>
<p>Selon le baromètre perception de l’emploi des personnes en situation de handicap de <a href="https://www.agefiph.fr/espace-presse/tous-les-documents-presse/barometre-agefiph-ifop-la-perception-de-lemploi-des">l’Agefiph-IFOP</a> (2020), 62 % des employeurs jugent encore difficile l’embauche de personnes handicapées, bien que ce pourcentage ait diminué de 9 points entre 2018 et 2019.</p>
<p>Dans le cas de l’ESA, des adaptations « techniques » restent en effet possibles tant que celles-ci permettent de garantir la sécurité de la mission et que le « parastronaute » puisse être aussi utile que les autres astronautes. Il appartient donc à l’agence spatiale d’aménager les situations de travail aux spécificités du travailleur handicapé.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/390117/original/file-20210317-21-1w94by0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/390117/original/file-20210317-21-1w94by0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/390117/original/file-20210317-21-1w94by0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/390117/original/file-20210317-21-1w94by0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/390117/original/file-20210317-21-1w94by0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/390117/original/file-20210317-21-1w94by0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/390117/original/file-20210317-21-1w94by0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Infographie créée pour la campagne de sélection d’astronaute(s) avec un handicap.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.esa.int/ESA_Multimedia/Images/2021/02/Astronaut_selection_parastronaut_feasibility_project">ESA</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce principe constitue un levier particulièrement efficace pour une meilleure intégration des personnes présentant une déficience physique. En effet, les <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Stigmate-%3A-les-usages-sociaux-des-handicaps-Goffman-Kihm/4365869df0c2967b18e088dcc85932e40035496e">deux principales causes de discrimination liées au handicap</a> sont d’une part les préjugés dont sont victimes les personnes en situation de handicap et, d’autre part le refus de tenir compte de leurs spécificités.</p>
<p>Actuellement, pour refuser d’embaucher une personne handicapée, un employeur peut se prévaloir « d’une exigence professionnelle essentielle et déterminante » pour ne pas remplir l’obligation légale de mettre en place des aménagements raisonnables permettant aux travailleurs handicapés d’accéder à un emploi.</p>
<p>Le caractère déraisonnable s’apprécie en fonction des coûts financiers (il existe toutefois des <a href="https://www.agefiph.fr/aides-handicap/aide-ladaptation-des-situations-de-travail#:%7E:text=L%E2%80%99aide%20a%20pour%20objectif,travail%20d%E2%80%99une%20personne%20handicap%C3%A9e.&text=Tout%20travailleur%20ind%C3%A9pendant%20handicap%C3%A9%20d%C3%A9tenteur,de%20la%20survenance%20du%20handicap.">aides</a>) ou de l’impact sur l’organisation du travail par rapport à la taille et aux ressources propres de l’entreprise. Néanmoins, si l’ESA peut le faire, le champ des possibles semble s’ouvrir.</p>
<h2>Viser une « performance durable »</h2>
<p>En matière d’intégration professionnelle des personnes en situation de handicap, il existe un <a href="https://theconversation.com/comment-credibiliser-davantage-les-responsables-diversite-dans-lentreprise-110724">potentiel de résistance</a> de la part des parties prenantes qui ne voient pas l’urgence ou la nécessité d’un changement. En conséquence, il s’agit de penser à une action à <a href="http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/summary?doi=10.1.1.191.874">plusieurs niveaux</a> afin de promouvoir le changement et de faire progresser l’agenda de l’égalité, de la diversité et de l’inclusion. En fait, la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1468-2338.2010.00584.x">loi définit</a> le contexte dans lequel les organisations et les gestionnaires opèrent.</p>
<p>Par la suite, il est important de se concentrer sur le niveau managérial afin de doter les managers des compétences nécessaires pour gérer la diversité et les organisations pour adapter leur <a href="https://theconversation.com/premiere-ministre-et-jeune-maman-ce-que-revele-le-cas-de-jacinda-ardern-101718">culture</a>. L’adhésion et l’engagement des managers peuvent en effet faire la différence dans le processus d’intégration des travailleurs handicapés dans l’entreprise.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1271384156413530113"}"></div></p>
<p>Or, il y a aujourd’hui une nécessité « de faire évoluer la culture managériale dans une approche de performance durable qui tienne compte des délais d’adaptation au poste et de la remise en cause des valeurs et croyances » comme le soulignaient les chercheuses Anne Janand, Lidwine Maizeray, Catherine Voynnet-Fourboul dans un <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01916428">article</a> de recherche en 2018.</p>
<p>Nul doute qu’à ce sujet, les « parastronautes » pourront contribuer à lutter contre les préjugés en confirmant ce qu’a encore montré une <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/emploi-handicapees-performance-entreprises">étude</a> récente de France Stratégie : la performance économique et financière des entreprises n’est pas pénalisée par des investissements favorisant l’embauche des travailleurs handicapés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157342/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’ESA a lancé un programme pour recruter astronautes en situation de déficience physique. Un signal fort qui peut contribuer plus globalement à changer la perception des entreprises sur ce sujet.Sylviane Chabli, Professeure en Gestion des Ressources Humaines, Grenoble École de Management (GEM)Mark Smith, Professor, Director & former Dean, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1526392021-01-07T20:12:50Z2021-01-07T20:12:50ZInsertion professionnelle des personnes handicapées : les dilemmes de la communication<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/377003/original/file-20210104-21-4lfjfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=77%2C71%2C1612%2C1005&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une vidéo de la campagne Duodays datant de 2018&nbsp;présente le double témoignage d’un salarié en Établissement et service d’aide par le travail (ESAT) et du manager qui l’a accueilli.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Capture d'écran Dailymotion</span></span></figcaption></figure><p>En France, la communication publique en faveur de l’emploi de personnes en situation de handicap se heurte notamment à l’objectif politique de 6 % d’emploi sous menace de sanctions financières des organisations contrevenantes. Ce système d’obligation est controversé pour ses effets pervers. Des entreprises réservent surtout aux personnes handicapées des emplois peu gratifiants, à faible niveau de compétences et de responsabilités, ou sans possibilité d’évolution de carrière. Des salariés seraient aussi incités par leur entreprise à déclarer et faire reconnaître un handicap en vue de bénéficier d’aides publiques.</p>
<p>Nos récentes <a href="http://blog.protagoras.be/protagoras/index.php/les-cahiers-protagoras/">recherches</a> suggèrent que les modalités d’incitation et de coercition en faveur de l’emploi de personnes en situation de handicap inciteraient les dirigeants d’entreprise, les managers et les recruteurs à penser cet emploi comme une contrainte pénible plutôt qu’une opportunité pour améliorer l’organisation globale du travail et la qualité de vie au travail de chacun, d’où le choix d’une communication publique axée sur des considérations gestionnaires plutôt que des valeurs morales, des jugements éthiques ou des sentiments comme l’empathie ou la pitié. Il n’est pourtant pas anodin de privilégier dans l’argumentation la performance au détriment de l’émotion.</p>
<p>L’analyse des campagnes de communication pour l’intégration des personnes handicapées souligne la rareté des émotions dicibles en entreprise, ainsi que les normes très contraignantes qui dictent les « bonnes manières » d’exprimer des émotions. Le handicap reste un sujet compliqué à aborder pour un communicant. Au mieux, il suscite peu d’intérêt. Au pire, chacun s’identifie douloureusement ou coupablement aux personnes handicapées privées d’emploi, et la tentation est grande de détourner les yeux.</p>
<h2>Une rhétorique principalement gestionnaire</h2>
<p>Le corpus de notre étude inclut les supports de communication audiovisuels diffusés en 2018 par deux partenaires, l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (<a href="https://www.agefiph.fr/">Agefiph</a>) et le secrétariat d’État aux personnes handicapées, sur les plates-formes YouTube et Dailymotion. </p>
<p>Nous avons, entre autres, étudié la campagne <a href="https://www.duoday.fr/">« Duodays »</a>, qui montre principalement des interviews croisées de salariés handicapés et de leurs collègues ou managers valides ; un documentaire sur la visite d’un Établissement et service d’aide par le travail (ESAT) par la secrétaire d’État auprès du premier ministre chargée des personnes handicapées ; et la lecture filmée d’un discours politique à deux voix.</p>
<p>Dans les films du corpus, les arguments économiques priment et les émotions négatives sont oblitérées au profit d’une joie souvent artificielle et d’un <em>happy end</em> systématique. Il s’agit de prouver, images, portraits et interviews à l’appui, que le handicap n’est pas un frein à l’emploi. Ces films nient la réalité des difficultés que les personnes handicapées doivent surmonter, et limitent leur capacité à faire naître l’empathie, la compassion ou l’admiration. Ils dressent le portrait d’un salarié idéal, car efficace, courageux à la tâche et enthousiaste.</p>
<p>Afin de récuser toute idée d’assistanat, ils montrent des personnes atteintes de handicaps légers, qui travaillent et qui sont autonomes par rapport à leur entourage et vis-à-vis de la société. Conformément aux logiques managériales, elles sont valorisées parce que responsables de leur destin et du succès de leur insertion professionnelle. Heureuses de travailler, les personnes handicapées interviewées participent à soulager la mauvaise conscience des valides.</p>
<p>La plus grande campagne en nombre de films produits et diffusés est la campagne « Duodays » qui représente toujours des binômes de salariés, le plus souvent une personne handicapée et son collègue ou son manager valide, interviewés ensemble. Ces films sont le résultat d’un lourd travail de sélection des images et de montage comme en attestent les nombreuses découpes. Dans les interviews, les personnes en situation de handicap ont toujours le plus grand temps de parole.</p>
<p>La mise en scène n’est pas neutre, la personne en situation de handicap est plutôt face caméra tandis que le valide est généralement de trois quarts. L’attitude protectrice de ce dernier, qui acquiesce et sourit d’un air entendu n’est pas condescendante. Elle élève la personne handicapée en dignité puisque c’est vers elle que le regard doit se diriger.</p>
<iframe width="100%" height="500" src="https://www.dailymotion.com/embed/video/x77tpvl" frameborder="0" scrolling="no" allowfullscreen=""></iframe>
<iframe width="100%" height="500" src="https://www.dailymotion.com/embed/video/x72o683" frameborder="0" scrolling="no" allowfullscreen=""></iframe>
<p>La vidéo de la campagne ci-dessus consiste en un double témoignage d’un salarié en ESAT désigné par son seul prénom et ayant effectué un « stage » d’une journée chez Naturalia et du manager qui l’a accueilli. Elle fait exception par l’émotion qu’elle véhicule. Le manager d’un jour présenté nommément insiste sur la banalité du processus d’intégration dont Sébastien a bénéficié, sur son autonomie et sa compétence et sur les bénéfices personnels qu’il a tirés de cette expérience.</p>
<p>Sébastien évoque son envie de travailler en entreprise plutôt qu’en ESAT et sa confiance nouvellement acquise. Il mentionne un « déclic pour faire de la vente », des missions où il « se sent à l’aise » et « capable de faire beaucoup de choses ». Cette vidéo dénote quand le responsable du magasin Naturalia de Sceaux explique avec spontanéité et émotion, en cherchant ses mots, qu’il a accueilli Sébastien dans son magasin, mais qu’il a aussi passé une journée avec lui dans son ESAT :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai passé une journée très agréable, avec des gens qui avaient plein d’amour dans leurs yeux, une envie de partager, de faire découvrir. »</p>
</blockquote>
<p>Cette partie de la vidéo illustre le dilemme de la communication pour l’emploi des personnes handicapées et le difficile équilibre à trouver entre des arguments gestionnaires et émotionnels car on ne recrute pas un salarié parce qu’il « a de l’amour dans les yeux ».</p>
<p>Deux vidéos ont été diffusées à l’occasion de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées de novembre 2018. Celle qui traite de « l’insertion par le travail pour les personnes handicapées » ressemble à un documentaire qui entend dévoiler « Les coulisses d’un Établissement et service d’aide par le travail (ESAT) qui permet aux personnes handicapées une insertion sociale et professionnelle ».</p>
<iframe width="100%" height="500" src="https://www.dailymotion.com/embed/video/x6xo2x8" frameborder="0" scrolling="no" allowfullscreen=""></iframe>
<p>Ce film documentaire n’évoque pas la performance, mais des salariés dont le handicap n’est jamais précisé et qui sont manifestement heureux de travailler et de recevoir la ministre : « nos travailleurs se sont tout de suite proposés pour recevoir la ministre et vivre des moments avec elle de quotidien ». Les salariés handicapés de cet ESAT constituent bien des personnages cinématographiques idéaux de par leur zèle quand ils accueillent la secrétaire d’État et quand ils expriment sans inhibition, et uniquement par leurs expressions faciales, leur bonheur de travailler.</p>
<p>La deuxième vidéo de « Lancement de la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées » montre les deux ministres Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées auprès du premier ministre Édouard Philippe, et Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, qui prononcent face caméra en plan américain et en alternance un discours décrivant les mesures gouvernementales prises et appelant à l’emploi des personnes handicapées.</p>
<p>Un passage du discours cible clairement les chefs d’entreprise désignés comme principaux responsables de la discrimination qui perdure : « Parce que les entreprises qui devraient accueillir 6 % de personnes handicapées, eh bien elles n’en accueillent que 3,6 % ! Aujourd’hui, un demandeur d’emploi qui est en situation de handicap a deux fois plus de risques de rester au chômage », rappelle Muriel Pénicaud.</p>
<iframe width="100%" height="500" src="https://www.dailymotion.com/embed/video/x6xan8n" frameborder="0" scrolling="no" allowfullscreen=""></iframe>
<p>La ministre insiste aussi sur « la dimension de changement de regard », qui implique de « voir les personnes en situation de handicap non pas comme un problème, mais comme une chance pour des entreprises, qui cherchent des talents. Une manière subtile de désigner, à nouveau, les destinataires du message : les managers, les recruteurs et les employeurs.</p>
<h2>Effacer l’émotion</h2>
<p>Ces campagnes de communication visent en priorité les dirigeants d’entreprises, les recruteurs et les managers, mais aussi tous les salariés susceptibles de peser sur les politiques d’embauche et de maintien dans l’emploi de collègues en situation de handicap. Il est donc important de ne pas donner prise à d’éventuelles jalousies. Les films de communication de plaidoyer pour l’emploi de personnes en situation de handicap semblent ainsi conjurer les politiques de discrimination positive et de compensation, soit le fait d’apporter aux employés handicapés les moyens spécifiques dont ils ont besoin pour travailler « normalement ». Ils véhiculent au contraire la promesse d’employés handicapés vecteurs de performance accrue dans une logique gagnant-gagnant.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/RO8Tsrz7Fm0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Entretien d'embûches », le premier épisode de Modes d'emploi, une série de tutoriels pour sensibiliser au handicap invisible dans l'emploi (APF France en partenariat avec l'Agefiph).</span></figcaption>
</figure>
<p>Ces films ne culpabilisent pas les chefs d’entreprise, les recruteurs et les managers. Ils ne dénoncent jamais la cohérence limitée entre leurs comportements vis-à-vis des demandeurs d’emploi handicapés et les normes et valeurs morales qu’ils entendent désormais défendre dans le cadre de la Responsabilité sociétale des entreprises (égalité, équité, non-discrimination, respect, tolérance, indulgence, humanisme, développement personnel).</p>
<p>Ces campagnes pourraient mobiliser des émotions telles que l’empathie, la compassion, l’admiration ou encore l’angoisse existentielle, par effet d’identification, mais il n’en est rien. Dans l’ensemble de ces films, le ressort persuasif de l’émotion n’est là que sur un mode mineur, loin derrière l’argument de la rentabilité des politiques inclusives d’emploi de personnes handicapées.</p>
<p>L’émotion se manifeste sous la forme d’une sérénité tranquille pour les handicapés et d’une bienveillance discrète aux accents paternalistes pour leur entourage professionnel. Ces campagnes de plaidoyer en faveur de l’emploi des personnes handicapées illustrent bien un dilemme rhétorique classique : l’art du plaidoyer réside dans un dosage savant entre noblesse d’une argumentation rationnelle et puissance persuasive d’une vulgaire émotion.</p>
<hr>
<p><em>Cette contribution s’appuie sur l’<a href="https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=numero&no_revue=968&no=66792">article de recherche</a> intitulé « Rationalités gestionnaire et pathémique dans les films de communication publique en faveur de l’emploi des personnes en situation de handicap » publié dans « Les Cahiers Protagoras » en 2020</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152639/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lucile Desmoulins travaille pour une Université française, elle est fonctionnaire de par son statut de maitresse de conférences. Elle n'a pas reçu de financements spécifiques pour travailler sur cette étude. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Robert Nardone et Zineb B. Serghini ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les films institutionnels insistent sur la rentabilité économique des politiques d’emploi de personnes en situation de handicap. Mais peut-on convaincre sans émouvoir ?Lucile Desmoulins, Maitresse de conférences en Sciences de l'information et de la communication, laboratoire DICEN-Idf, Université Gustave EiffelRobert Nardone, Docteur Histoire des sciences et des techniques. Enseignant-chercheur; Laboratoire HT2S-Cnam, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Zineb B. Serghini, Docteure en Sciences de l’information et de la Communication. Enseignante-chercheure à la faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’Institut Catholique de Lille., Institut catholique de Lille (ICL)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1516282020-12-11T17:18:43Z2020-12-11T17:18:43ZJeunes non qualifiés : la crise sanctionne 40 ans d’erreurs dans les politiques d’insertion<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/373354/original/file-20201207-19-dhgoc8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C4%2C968%2C651&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La situation des «&nbsp;Neet&nbsp;» (ni à l’école, ni en formation, ni en emploi) ne cesse de se dégrader en France depuis plusieurs décennies.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Philippe Huguen / AFP</span></span></figcaption></figure><p>Face à la crise économique et sociale en cours à la suite de la pandémie de Covid-19 et des confinements mis en œuvre, certains publics apparaissent particulièrement vulnérables. C’est le cas des jeunes et notamment de celles et ceux qu’on appelle les « Neet » (<em>Nor in education, employment, or training</em>) c’est-à-dire qui ne sont ni à l’école, ni en formation, ni en emploi. La vulnérabilité de ces non qualifiés reste d’autant plus prégnante que leur situation se dégrade constamment sur le marché du travail depuis plus de quarante ans.</p>
<p><a href="https://www.defi-metiers.fr/breves/deux-publications-recentes-sinteressent-aux-neet">Deux études récentes</a> de la Dares et de l’Injep publiées récemment relèvent ainsi l’hétérogénéité de cette population. Une logique d’individualisation a été retenue pour organiser les parcours dans le cadre d’une relation contractuelle entre les jeunes et les institutions. Cette logique pose quatre problèmes principaux :</p>
<ul>
<li><p>Une politique d’abaissement du coût du travail (exonérations de cotisations sociales pour les entreprises) domine dans les dispositifs en faveur de l’emploi des jeunes. Cette stratégie est à l’opposé d’une stratégie inclusive.</p></li>
<li><p>Les choix d’action publique sont guidés par le constat que la qualification protège du chômage. La poursuite d’un objectif de relèvement de la qualification et de la certification fait donc l’objet d’un consensus jusque chez les acteurs qui prennent en charge les jeunes ayant connu les plus grandes difficultés avec le système scolaire.</p></li>
<li><p>La logique d’individualisation des parcours, que l’on retrouve dans le contrat de Parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie la (PACEA) ou la pédagogie déployée dans les Écoles de la deuxième chance (E2C) structure de manière croissante le cadre institutionnel qui régule les relations entre les jeunes et les institutions.</p></li>
<li><p>La médiation active (mise en relation des jeunes avec des employeurs) constitue le point faible de ces dispositifs. Or, cette médiation active, comme plus largement les débouchés professionnels des parcours d’insertion, apparaît comme le « chaînon manquant » des dispositifs actuels.</p></li>
</ul>
<p>Dans un <a href="http://lesplombiersdunumeriques.site/wp-content/uploads/2020/11/synthese-livre-Nicolas-Duvoux-et-Nadege-Vezinat.pdf">rapport</a> récent, nous proposons ainsi une étude sociologique de l’expérimentation sociale de l’école des Plombiers du numérique. Cette initiative, qui s’adresse aux plus précaires des NEET, propose justement une intermédiation, réalisée tant du côté des employeurs que de celui des jeunes, pour aboutir à rapprocher les uns des autres et à promouvoir un autre rapport à l’emploi et à l’insertion.</p>
<h2>Un accès à l’emploi en « circuit court »</h2>
<p>Cette expérimentation cherche à les mener à l’emploi par une formation non qualifiante, non certifiante, non diplômante de 4 mois. La méthodologie repose sur trois piliers : un accompagnement social renforcé, associé à une formation technique centrée sur les gestes fondamentaux du métier de technicien fibre optique et une immersion professionnelle soutenue.</p>
<p>Le partenariat initié en amont avec des entreprises du secteur assure un débouché professionnel aux stagiaires. Il dynamise en outre un accompagnement social qui a trop souvent tendance à devenir à lui-même sa propre finalité et à se contenter d’occuper les jeunes en les faisant circuler dans un ensemble d’institutions de remédiation. Ce rapport étudie donc un « circuit court » d’accès à l’emploi grâce à la mise en lien directe des stagiaires avec les entreprises ayant des besoins de main-d’œuvre.</p>
<p>Le pari de l’école des Plombiers du numérique est donc d’aller à contre-courant de la tendance de la formation professionnelle et continue à valoriser la forme scolaire et le diplôme. Contrairement, à la formation continue qui s’adresse principalement à des salariés déjà en emploi, la formation étudiée est proposée aux individus les plus éloignés de l’emploi (car jeune, car non diplômé, car minorité visible, car issu d’un quartier prioritaire de la ville, etc.).</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/UDEeZz_U-A8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Présentation des Plombiers du numérique (La France s’engage, novembre 2020).</span></figcaption>
</figure>
<p>Si la prééminence donnée dans la formation professionnelle et continue à des formations diplômantes et qualifiantes apparaît comme légitime pour accroître les compétences globales de la population, elle n’en a pas moins pour envers de <a href="https://journals.openedition.org/lectures/21586">redoubler les exclusions</a> de celles et ceux qui sont les perdants de la course aux diplômes.</p>
<p>De ce fait, elle renforce la valorisation du diplôme dans la vie professionnelle plus qu’elle ne la corrige. De manière plus implicite, mais néanmoins tout à fait décisive dans la pratique, elle s’inscrit dans une logique contraire à l’insertion qui se structure autour d’un accompagnement institutionnel souvent réduit à lui-même et condamné à occuper les personnes, sans toujours leur procurer de véritables possibilités de sortir de leur condition.</p>
<p>L’insertion comme transitoire qui dure avait déjà fait l’objet de fortes critiques dans les années 1990, rien n’a véritablement changé depuis, à ceci près que le renforcement des incitations à retourner vers le marché du travail (à travers le Revenu de solidarité active) d’une part a exercé une pression sur les personnes concernées d’autant plus douloureusement vécue que, d’autre part, dans les faits, les 10 % les plus pauvres de la population ont été plus exclues du marché du travail.</p>
<h2>Des formations courtes trop longues</h2>
<p>À rebours de la tendance de l’accompagnement d’insertion à constituer sa propre finalité, dans l’expérience étudiée, la présence des employeurs, l’immersion professionnelle et la perspective d’un débouché concret dynamisent alors un accompagnement social par ailleurs individualisé. Le maintien d’un suivi personnalisé permet de travailler sur les « freins » à l’emploi de chacun des stagiaires et d’obtenir des taux de sorties du dispositif satisfaisants.</p>
<p>D’une part, l’école des Plombiers résout en partie la problématique de l’impréparation sociale à l’emploi en travaillant sur les problèmes extérieurs à la formation mais qui peuvent avoir un impact sur elle. D’autre part, elle assure une socialisation professionnelle et une formation technique conforme aux attentes des entreprises recruteuses dans le secteur visé en travaillant concomitamment l’acquisition des gestes en atelier et lors de stages de terrain. Ces derniers permettent en effet une confrontation directe avec le monde de l’entreprise, à des besoins de main-d’œuvre avérés et participent de la réception positive du dispositif.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1277631889742888960"}"></div></p>
<p>Enfin, un résultat majeur – et qui condense nombre des analyses du rapport – est que la temporalité relativement courte de la formation (4 mois) au regard des objectifs d’action publique est en fait déjà « longue » pour des jeunes pris dans le temps court de l’intérim et des CDD.</p>
<p>Pour ces jeunes dont l’horizon temporel reste réduit du fait de la précarité de l’emploi à laquelle ils sont assujettis, la formation est assez longue et suffisamment dense pour occasionner une bifurcation dans leur trajectoire sociale. Dans certains cas, elle permet de rompre avec la logique des « essais-erreurs » autour de laquelle le suivi de la mission locale et le dispositif de la Garantie jeunes sont organisés.</p>
<p>Cette méthodologie qui valorise une formation de courte durée, du point de vue des institutions, rencontre ainsi les attentes des jeunes en même temps qu’elle permet de questionner un ensemble de choix collectifs stabilisés mais excluants : le poids du diplôme redoublé par la formation professionnelle et continue ; l’individualisation extrême de l’insertion sociale et professionnelle ; le recours aux exonérations de cotisations pour favoriser l’emploi.</p>
<p>À rebours de ces choix et en contrepoint à ceux-ci, le développement de formations courtes assurant une perspective aux stagiaires, ainsi qu’un accompagnement qui leur ouvre des possibilités et un investissement public sur le soutien à ce type de projets, semblent donc s’imposer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/151628/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Duvoux dirige le programme Philanthropy and Social Sciences Program (CRESPPA, UMR 7217) soutenu par la Fondation de France, la Fondation Caritas France, la Fondation Daniel et Nina Carasso et le Philab à Montréal au Québec. En collaboration avec les dirigeants du projet, il a contribué au rapport sur l'Ecole des Plombiers du Numérique </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nadège Vezinat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En misant principalement sur la valorisation de formations diplômantes, les mesures d’accompagnement n’ont pas permis d’enrayer une situation qui se dégrade depuis plusieurs décennies.Nadège Vezinat, Sociologue, maîtresse de conférences, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)Nicolas Duvoux, Directeur du Philanthropy and Social Sciences Program, professeur de sociologie, Université Paris 8 – Vincennes Saint-DenisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1496062020-12-11T17:18:35Z2020-12-11T17:18:35ZTrouver un emploi, le garder et gagner sa vie : les attentes des jeunes des classes populaires<p>Les statistiques nous apprennent qu’en France le diplôme reste le meilleur atout pour avoir accès à l’emploi, d’autant plus quand il s’agit d’un contrat stable, à durée indéterminée – surtout en temps de crise. C’est l’enseignement que nous livre la crise financière de 2007-2008, <a href="https://www.cereq.fr/sites/default/files/2018-09/0b7359a94be6fceef9208a73e1df1af7.pdf">comme l’explique</a> le Céreq :</p>
<blockquote>
<p>« En 2010, soit trois ans après avoir quitté le système éducatif, 73 % des jeunes travaillent. Parmi les diplômé·es de l’enseignement supérieur, 85 % sont en emploi. C’est le cas de seulement de 48 % des non diplômé·es. »</p>
</blockquote>
<p>Alors que nous n’analysons pas encore complètement l’impact de la crise actuelle sur le travail et l’emploi, que sait-on aujourd’hui de cette jeunesse non étudiante, et peu ou pas diplômée ?</p>
<p>Depuis plusieurs années, nous réalisons des enquêtes de terrain auprès des jeunes des classes populaires, issus de familles qui ont un accès précaire à l’emploi, de faibles niveaux de revenus et de diplôme, et qui sont les plus concernés par les politiques publiques d’insertion.</p>
<p>Ces recherches ont fait tomber d’emblée l’idée d’une jeunesse qui n’aurait jamais travaillé ou n’aurait pas fait les efforts nécessaires pour trouver du travail.</p>
<p>Depuis leurs débuts dans la vie active, ces jeunes alternent des périodes d’emploi ou de formation avec des épisodes de chômage plus ou moins longs, plus ou moins récurrents. Pour une grande partie d’entre eux, les horaires de travail ne sont pas toujours fixes et sont décalés, et leurs contrats de travail de courte durée.</p>
<p>Certains sont embauchés en CDI, mais pas forcément à temps plein. D’autres enchaînent les missions d’intérim avec des durées variables, allant de quelques jours à quelques mois. Les niveaux de salaire de leurs emplois ouvriers et employés se situent autour du SMIC.</p>
<h2>La loi du marché</h2>
<p>Alors que les nouvelles générations sont de <a href="https://www.cereq.fr/enquete-2016-aupres-de-la-generation-2013-pas-damelioration-de-linsertion-professionnelle-pour-les">plus en plus diplômées</a>, ces jeunes paient au prix fort leur sortie précoce du système éducatif, surtout les immigré·es ou descendant·es d’immigré·es d’origine maghrébine et d’Afrique subsaharienne, confronté·es aux discriminations <a href="https://www.persee.fr/doc/estat_0336-1454_2013_num_464_1_10239">à l’école</a> et pendant les <a href="https://www.cereq.fr/les-debuts-de-carriere-des-jeunes-issus-de-limmigration-une-double-penalite">débuts</a> de leur carrière.</p>
<p>Les jeunes que nous avons rencontrés se confrontent au jugement des employeurs, <a href="https://injep.fr/publication/recrutement-des-jeunes-critere-dage-et-logiques-de-selection/">souvent négatif</a>, leur reprochant la faiblesse ou l’absence de leur diplôme et leur manque d’expérience. Ils et elles envoient parfois des dizaines de candidatures spontanées, sans jamais recevoir de réponse, même négative.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1225919481341468675"}"></div></p>
<p>Les entretiens montrent à quel point le marché du travail et de l’emploi s’est complexifié. Il se caractérise aujourd’hui par une injonction très forte à la flexibilité et par une mise en compétition de plus en plus dure. Ainsi, Karima, rencontrée au sein d’un foyer de jeunes travailleurs, espère obtenir un emploi d’hôtesse de caisse dans une grande enseigne de supermarché (« une bonne place »), car elle a déjà de l’expérience en tant que caissière. Elle a passé des tests de sélection pendant deux jours :</p>
<blockquote>
<p>« On devait comparer deux tickets de caisse et trouver les fautes qu’il y avait. Sauf que tout ça, c’était chronométré en fait. On devait faire le plus de tickets de caisse ».</p>
</blockquote>
<p>Quand elle se rend aux entretiens collectifs, il y a quatorze jeunes femmes pour cinq places à l’essai. Au final, une seule d’entre elles aura le CDI. Après une période d’essai de deux mois, le contrat de Karima n’est pas reconduit : « On m’a reproché d’être trop proche des clients… J’ai pas compris… »</p>
<h2>Pénibilités du travail</h2>
<p>Autre fait marquant : ces jeunes, conscients de la faiblesse relative de leur qualification, s’accommodent d’emplois peu rémunérateurs et de conditions de travail parfois éprouvantes. C’est le cas d’Ibrahim, <a href="https://urldefense.proofpoint.com/v2/url?u=https-3A__www.lemonde.fr_emploi_article_2016_06_07_dans-2Dles-2Dentrepots-2Dle-2Dpreparateur-2Dde-2Dcommandes-2Dc-2Dest-2Dle-2Dmineur-2Dd-2Dil-2Dy-2Da-2Dtrente-2Dans-5F4941066-5F1698637.html&d=DwIFaQ&c=BMMjOd5rMwijTOshDELeaSyLbdw3FGdGqNcuGNpHb2g&r=IkCB-sMepLOcmjME68FqEWYp7xhA4HFArOva8bq6qoUGpSzbOUMfN25_Om8IRDT5&m=kmN0wqME7TdMTjcLikl9beEUfuTRCmYKi_PAwYBOEw4&s=3TSfJ-5PAH6Dvf_yuK25IzKJuYYRM_qHfCchs3iXjzY&e=">préparateur de commandes</a> depuis quelques semaines. « Je scanne, je scotche, je scanne, je scotche », dit-il pour illustrer ce travail répétitif.</p>
<p>Quand nous lui demandons si son activité n’est pas trop difficile, sa réponse rejoint les propos que nous avons régulièrement entendus auprès des travailleur·euses les plus exposé·es aux pénibilités. Celles-ci sont minimisées, sinon déniées, ou sont valorisées lorsqu’ils parviennent à les surmonter. « Franchement, ça va, c’est pas physique, c’est pas des poids lourds », déclare Ibrahim. Il précise toutefois qu’il est obligé de s’asseoir pendant ses pauses pour soulager ses douleurs au dos, « des petites douleurs » selon ses mots.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/373684/original/file-20201208-23-x2nk8s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/373684/original/file-20201208-23-x2nk8s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/373684/original/file-20201208-23-x2nk8s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/373684/original/file-20201208-23-x2nk8s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/373684/original/file-20201208-23-x2nk8s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/373684/original/file-20201208-23-x2nk8s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/373684/original/file-20201208-23-x2nk8s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Conscients de la faiblesse relative de leur qualification, ces jeunes s’accommodent d’emplois peu rémunérateurs et de conditions de travail parfois éprouvantes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/efficient-male-warehouse-worker-wearing-face-1845770164">Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour Rébecca, rencontrée dans une mission locale, la préparation de commande, « c’est sympa ». Mais comme beaucoup d’autres, elle aspire avant tout à avoir un travail régulier (un CDI à temps plein) pour pouvoir emménager dans un <a href="https://journals.openedition.org/nrt/3137">appartement avec son compagnon</a>.</p>
<h2>Solidarité familiale</h2>
<p>Le fort attachement au travail et à l’emploi salarié est donc un résultat central de nos recherches et de bien d’autres. C’est ce que confirme la manière dont ils se représentent, à l’inverse, leur « inactivité » forcée lors des deux confinements de 2020, ainsi que la nécessité d’avoir recours aux aides sociales.</p>
<p>« C’était dur de pas travailler », affirme Samir. Contrairement à des idées reçues sur les « assisté·es », toucher une allocation (allocation chômage, allocation Garantie jeunes…) n’est pas anodin pour ces jeunes. Ils distinguent clairement les revenus issus des aides sociales de ceux issus du travail. Et ils ne se satisfont pas de cette situation de dépendance financière.</p>
<p>Au contraire, ils souhaitent stabiliser leur situation par le travail et ainsi à avoir « une vie comme les autres » (une expression qui revient souvent). « J’aimerais bien dépendre de mon salaire », affirme par exemple Laura. Son propos traduit le coût symbolique d’être dépendant·e des aides sociales.</p>
<p>L’usage qu’ils en font est par ailleurs révélateur de leur condition sociale. Alors qu’ils sont à un âge où la norme voudrait que ce soit leurs parents qui les soutiennent financièrement (par exemple pour le permis de conduire), une majorité d’entre eux redistribue à leur famille les revenus provenant des aides sociales comme du travail.</p>
<p>Cette « <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2019-2-page-79.htm">solidarité familiale</a> inversée » se caractérise par des transferts financiers (« Je donne 100 euros tous les mois à ma mère ») ou par des achats de biens matériels pour leur famille : « mettre de l’essence dans la voiture », « remplir le frigo », « racheter un matelas ».</p>
<h2>Conscience sociale</h2>
<p>Au cours de la crise sociale, économique et politique que nous traversons, on s’est à juste titre inquiété de la condition étudiante et des <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2020/11/10/avec-la-crise-sanitaire-de-plus-en-plus-d-etudiants-sont-en-detresse-psychologique_6059199_4401467.html">situations de grande détresse</a> que ces jeunes peuvent connaître. Mais on a eu tendance à oublier qu’une partie d’entre eux a travaillé durant cette période.</p>
<p>Celles et ceux des classes populaires ont été chauffeurs-livreurs, hôtes et hôtesses de caisse, préparateurs et préparatrices de commandes dans la grande distribution, employé·es de rayons, aide-soignant·es ou parfois ouvriers du bâtiment.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1319013767909343239"}"></div></p>
<p>Si la crise a permis de remettre en cause l’idée que 20 ans est « le plus bel âge de la vie », nos recherches rappellent que les jeunes ne sauraient être dépeints au travers de <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/sont-ils-egoistes-pourquoi-les-jeunes-ont-du-mal-a-respecter-les-consignes-sanitaires-anti-covid-19_fr_5f7db622c5b61229a05a2d05">stéréotypes sociaux</a> qui ont la vie dure : celui de la fête, de l’insouciance, de la légèreté voire de l’égoïsme d’un côté ; celui de la défiance, de la déviance et de la « délinquance » de l’autre.</p>
<p>En réalité, au-delà de spécificités liées à certains âges de la vie, les jeunes enquêté·es ont globalement les mêmes <a href="https://www.armand-colin.com/sociologie-des-classes-populaires-contemporaines-9782200272166">préoccupations majeures</a> que leurs aînés des classes populaires : trouver un emploi, le garder et gagner sa vie. Et l’usage solidaire qu’ils font des aides sociales n’est qu’un exemple parmi d’autres d’une <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/coronavirus-les-jeunes-s-engagent-parce-qu-ils-eprouvent-un-fort-besoin-de-sens-20200416">conscience sociale</a> qui a tendance à être sous-estimée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149606/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une expression comme « Génération Z » renvoie aux images de jeunes très qualifiés, flexibles et connectés, oubliant une grande part des 20-25 ans, non étudiants, peu diplômés et attachés au travail.Nicolas Roux, Maître de conférences en sociologie, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)Julie Couronné, Chargée d'études et de recherche à l'Injep, affiliée au CEET, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1490152020-11-01T16:57:28Z2020-11-01T16:57:28ZJeunes diplômés : comment trouver son premier emploi en temps de crise ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/366177/original/file-20201028-19-1fbytxi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C13%2C9340%2C6194&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Selon les résultats de l’enquête, 62&nbsp;% des anciens diplômés considèrent qu’une insertion professionnelle en période de crise économique leur a permis de faire preuve d’agilité et d’adaptation.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/job-business-interview-office-face-mask-1813789268">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le ralentissement de l’économie mondiale, dû à la crise de la Covid-19, va impacter l’insertion des jeunes diplômés à partir de l’automne 2020. Il ne s’agit pas de la première crise du recrutement en France.</p>
<p>En moins de 30 ans, trois dépressions majeures ont ébranlé le marché de l’emploi. Quelles soient <a href="https://www.lesechos.fr/1994/06/leconomie-francaise-est-entree-dans-leoil-du-cycle-en-1993-884721">géopolitiques</a> en 1993, technologiques en 2000 ou <a href="https://www.nouvelobs.com/economie/20091222.OBS1440/finances-de-la-bulle-internet-a-la-crise-des-subprimes.html">financières</a> en 2008, les conséquences économiques de ces crises ont compliqué l’insertion des jeunes diplômés sur le marché du travail durant ces périodes.</p>
<p>Pour que leurs expériences éclairent les jeunes diplômés d’aujourd’hui, nous avons interrogé d’anciens étudiants de CentraleSupélec et de l’EDHEC Business School confrontés à un marché défavorable lors de la recherche de leur premier emploi. Comment ont-ils abordé la recherche dans ce contexte difficile et leur carrière en a-t-elle été durablement affectée ?</p>
<h2>Plus de proactivité en période de crise</h2>
<p>Selon les résultats de l’enquête, lorsque le marché de l’emploi était favorable, 39 % des diplômés ont obtenu leur premier emploi à la suite d’un stage de fin d’étude, d’un apprentissage ou d’une alternance en cours de scolarité (46 % des réponses des ingénieurs de CentraleSupélec et 32 % des diplômés de l’EDHEC) (cf. figure 1).</p>
<p>Mais dans un marché défavorable, le stage conduit un peu moins « naturellement » au premier emploi et la stratégie doit être plus proactive en période de crise.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/366110/original/file-20201028-19-zc22x3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/366110/original/file-20201028-19-zc22x3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/366110/original/file-20201028-19-zc22x3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/366110/original/file-20201028-19-zc22x3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/366110/original/file-20201028-19-zc22x3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/366110/original/file-20201028-19-zc22x3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=372&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/366110/original/file-20201028-19-zc22x3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=372&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/366110/original/file-20201028-19-zc22x3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=372&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 1 : Sur un marché du travail difficile, 28 % des jeunes diplômés de Centrale Supelec, trouvent leur premier emploi en candidatant spontanément auprès d’une entreprise, contre 21 % sur un marché de l’emploi favorable.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Des réponses systématiques à des offres plus largement ciblées, la valorisation de toutes les expériences acquises durant les études, des candidatures spontanées nombreuses et la mobilisation du réseau des diplômés constituent les moyens de recherche les plus efficaces.</p>
<p>En effet, en période de crise, 29 % des jeunes diplômés ayant répondu à l’enquête ont trouvé leur premier emploi en répondant à une offre. Pour les étudiants de CentraleSupélec, le plus grand pourcentage d’entre eux a obtenu son premier emploi à la suite d’une candidature spontanée.</p>
<p>Un ancien diplômé de l’EDHEC à la recherche de son premier emploi en période de crise du recrutement en témoigne :</p>
<blockquote>
<p>« À l’été 2015, il y a un mini krach sur les marchés financiers ce qui a totalement bloqué le recrutement dans les fonctions finances. À force de postuler et de faire des candidatures spontanées, j’ai eu la chance en décembre d’avoir le choix entre quatre CDI. »</p>
</blockquote>
<p>Un ancien diplômé de CentraleSupélec ayant fini par rapidement trouver un emploi détaille également un parcours similaire :</p>
<blockquote>
<p>« Fin septembre, début octobre, au moment de postuler, la plupart des offres sur le marché avaient disparu (amplification de la crise après les attentats du 11 septembre). J’ai malgré tout candidaté dans les entreprises que j’avais ciblées (soit sur annonce, soit en candidature spontanée). Une seule réponse positive sur cette première série (sur 5-6 envois). Entretiens passés entre octobre et novembre ; le poste était exactement ce que je recherchais, avec une rémunération légèrement inférieure à celle que j’ambitionnais ».</p>
</blockquote>
<p>Ce bouleversement dans la hiérarchie des processus de recherche d’emploi confirme une frilosité des entreprises lors des situations de crises. Cependant, il est toujours possible pour les jeunes diplômés de trouver leur premier poste, en étant proactif lors de la recherche.</p>
<h2>Agilité et adaptation des qualités indispensables</h2>
<p>Parmi les diplômés interrogés lors de l’enquête, 62 % considèrent qu’une insertion professionnelle en période de crise économique leur a permis de faire preuve d’agilité et d’adaptation (73 % pour les diplômés de l’EDHEC et 52 % pour les diplômés de CentraleSupélec).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/366161/original/file-20201028-13-1sjb4zi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/366161/original/file-20201028-13-1sjb4zi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/366161/original/file-20201028-13-1sjb4zi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/366161/original/file-20201028-13-1sjb4zi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/366161/original/file-20201028-13-1sjb4zi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/366161/original/file-20201028-13-1sjb4zi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/366161/original/file-20201028-13-1sjb4zi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/366161/original/file-20201028-13-1sjb4zi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 2 : Le contexte difficile de la recherche du premier emploi a-t-il impacté votre carrière ?.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Un ancien diplômé ayant participé à l’enquête en témoigne :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai changé d’orientation et je suis parti à l’étranger. Avec le recul, la réorientation a été difficile et a pris du temps, mais j’ai aussi développé des capacités d’adaptation et de résilience, qui m’ont été utiles lors des crises suivantes. »</p>
</blockquote>
<p>Chercher un emploi en période de crise a développé des qualités d’adaptation pour les jeunes diplômés confrontés à une réalité qu’ils n’avaient pas anticipée. Ils ont fait preuve de résilience et de flexibilité en ouvrant leurs recherches à des secteurs différents de leur projet initial. Ils ont parfois dû se former ou changer de pays.</p>
<p>Ils ont dû également faire preuve de plus de réalisme et d’énergie et davantage mobiliser leurs contacts personnels ou leur réseau alumni. Certains ont accepté des localisations non envisagées, rester en France au lieu de partir à l’étranger ou inversement.</p>
<p>Pour l’une des diplômés, cette expérience a été vécue comme quelque chose de bénéfique, notamment dans sa relation avec les managers :</p>
<blockquote>
<p>« Je suis persuadée qu’il y a eu, derrière ces difficultés, quelque chose d’apprenant, quelque chose qui nous a fait grandir, un peu plus âprement certainement mais qui nous a changé. Arriver en entreprise avec l’envie d’apprendre, l’envie de prouver qu’on méritait cette place, avait une saveur différente pour nos managers et a probablement instauré une relation de confiance partagée sur la durée, avec nos employeurs. »</p>
</blockquote>
<p>D’autres, enfin, ont renforcé leur formation en attendant des jours meilleurs. Être flexibles sur la fonction, le contrat, le type d’entreprise, sortir des sentiers battus en postulant dans des entreprises peu connues et accepter des compromis salariaux ont constitué des solutions pertinentes pour décrocher le premier emploi.</p>
<h2>Les carrières sont finalement peu impactées</h2>
<p>Avec le recul, 4 diplômés sur 5 de CentraleSupélec et de l’EDHEC jugent que leur carrière n’a finalement pas pâti du contexte difficile de leur première recherche d’emploi.</p>
<p>Parmi les anciens étudiants, 21 % seulement font état d’un démarrage plus lent que prévu, dans un secteur qui n’était pas initialement ciblé ou avec un salaire moins négocié. Il s’agit d’une forme de décalage de ses ambitions et l’enquête reste donc rassurante car la majorité a fini par obtenir un poste.</p>
<p>En conclusion, l’étude a révélé que les périodes de crise nécessitent une mobilité intellectuelle, physique et psychologique. Si elles compliquent les démarches d’insertion, elles ont finalement peu d’impact sur la suite de la carrière des diplômés.</p>
<p>Les conseils que l’on pourrait donner aux jeunes diplômés à la recherche d’un emploi durant cette période difficile seraient d’être proactif et visible tout en restant à l’affût des opportunités.</p>
<p>Comme un diplômé de CentraleSupélec l’explique :</p>
<blockquote>
<p>« Ne pas rester inactif en attendant de trouver un emploi. Il faut trouver une occupation (projet personnel, bénévolat, acquisition de nouvelles compétences, etc.), qui permettra de répondre à la question que tous les employeurs potentiels poseront lorsque la situation s’améliorera et qu’ils recommenceront à embaucher : qu’avez-vous fait depuis votre sortie d’école ? »</p>
</blockquote>
<p>Il s’agit donc également d’être méthodique et solliciter son réseau, mais aussi préparer ses entretiens et définir son projet professionnel et faire preuve de souplesse sur ses critères de recherche.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149015/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En temps de crise, l’insertion dans le monde du travail passe davantage par les candidatures spontanées et les réponses aux offres d’emploi.Manuelle Malot, Directrice Carrières et NewGen Talent Centre, EDHEC Business SchoolGeneviève Houriet Segard, Docteur en démographie économique, Responsable d’études à l’EDHEC NewGen Talent Centre, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1421822020-07-12T17:43:15Z2020-07-12T17:43:15ZL’équilibre vie privée–vie professionnelle au cœur des attentes des jeunes actifs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/346014/original/file-20200707-194409-1nzjvyx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=124%2C35%2C757%2C467&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Ceux qui concilient de manière satisfaisante leur travail avec leur vie personnelle sont plus engagés dans leur entreprise.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Black Salmon / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les entreprises doivent mieux s’intéresser à la vie personnelle de leurs collaborateurs : 83 % des jeunes actifs considèrent en effet que l’employeur doit la prendre en compte. C’est ce qui ressort d’une enquête menée début 2020 en partenariat avec la société DOMPLUS Groupe auprès de 6 500 jeunes actifs. En outre, 40 % estimaient, au moment où ils étaient interrogés, que leur employeur ne prenait pas suffisamment en compte cette donnée.</p>
<p>Ce que les jeunes actifs nous disent, c’est donc que pour eux, l’entreprise doit oser sortir des frontières établies pour leur proposer des services, des solutions qui les aident concrètement à mieux gérer cette conciliation. Et que cela implique donc de mieux prendre en considération leur vie personnelle, que le sujet n’est plus tabou – dans certaines limites bien sûr.</p>
<p>Notre enquête révèle également que 66 % des jeunes actifs se sentent engagés au sein de leur entreprise. Et ils sont 72 % à se dire engagés (+6 points) parmi les jeunes actifs qui concilient de manière satisfaisante leur vie privée et leur vie professionnelle. Cette conciliation est donc une source essentielle de leur engagement.</p>
<h2>Une population vulnérable</h2>
<p>Cette quête d’équilibre, dont dépend fortement leur engagement, est aussi le signe de la vulnérabilité d’une partie de la population étudiée. Ainsi, les jeunes actifs ne sont pas préservés des aléas de la vie qui fragilisent les personnes : malgré leur jeune âge, 11 % sont déjà en situation de monoparentalité, devant s’occuper seul de leurs enfants. Ces situations restent les principales causes de fragilités : financières, organisationnelles, psychiques…</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/346122/original/file-20200707-194427-12grits.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/346122/original/file-20200707-194427-12grits.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/346122/original/file-20200707-194427-12grits.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/346122/original/file-20200707-194427-12grits.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/346122/original/file-20200707-194427-12grits.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/346122/original/file-20200707-194427-12grits.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/346122/original/file-20200707-194427-12grits.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Plus de 8 jeunes actifs sur 10 considèrent que leur employeur doit mieux prendre en compte la vie privée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Baranq/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans ce contexte, les attentes vis-à-vis des managers se transforment. C’est notamment vrai pour le manager de proximité qui, selon les jeunes actifs, doit être le premier garant de la conciliation vie professionnelle – vie personnelle. On peut faire l’hypothèse que sa propre exemplarité en la matière comptera : « oser » partir à 18h pour aller chercher les enfants à la crèche doit aujourd’hui pouvoir être perçu comme un acte managérial exemplaire, notamment pour les hommes, qui restent globalement <a href="https://theconversation.com/emploi-teletravail-et-conditions-de-travail-les-femmes-ont-perdu-a-tous-les-niveaux-pendant-le-covid-19-141230">moins présents que les femmes</a> dans les actes de « care » du quotidien.</p>
<p>On voit également que le <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2011-2-page-47.html">besoin de valorisation</a> ressort très nettement : le manager de proximité est celui qui encourage, récompense, mais aussi qui accompagne le développement des compétences – ce qui est une autre manière de reconnaître – reconnaître un potentiel, un désir de s’accomplir en progressant, une marque de confiance.</p>
<p>Il doit donc mobiliser le registre de la reconnaissance plus que le registre du devoir moral (vis-à-vis de l’entreprise, des collaborateurs…), lequel ressort d’une vision paternaliste de l’entreprise qui semble avoir toujours cours et qui apparaît bien désuète aux yeux des jeunes actifs.</p>
<p>Il semble enfin que l’ère du « tout à l’ego » soit une réalité, et les « chefs » doivent apprendre à se mettre en retrait, à reconnaître plus souvent les bons comportements, les bonnes initiatives, de générations soucieuses de bien faire et d’apporter une valeur ajoutée perceptible à l’entreprise, et donc reconnue. Sans cela, l’engagement en pâtira.</p>
<h2>Équilibre éthique</h2>
<p>Le manager doit enfin être le garant d’une bonne ambiance au travail, de relations apaisées entre les personnes : au-delà d’une indispensable convivialité, sur laquelle on se focalise trop souvent (les espaces et les temps de convivialité, tels que les <em>afterworks</em>, etc.), ce sont bien plus des relations sereines, respectueuses et bienveillantes qui sont recherchées par les jeunes actifs.</p>
<p>Enfin, cet équilibre privé – professionnel n’est pas à entendre uniquement comme un équilibre en termes de temps. C’est aussi un équilibre <em>éthique</em> : 79 % des jeunes actifs considèrent que leur emploi doit être en parfaite cohérence avec leurs valeurs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/346124/original/file-20200707-38-9nulee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/346124/original/file-20200707-38-9nulee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/346124/original/file-20200707-38-9nulee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/346124/original/file-20200707-38-9nulee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/346124/original/file-20200707-38-9nulee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/346124/original/file-20200707-38-9nulee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/346124/original/file-20200707-38-9nulee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La cohérence avec les valeurs, un point d’attention pour les jeunes actifs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Yuttana Contributor Studio/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, lorsqu’une marque prône le respect de l’environnement, mais gère très mal ses retours produits, et qu’une jeune collaboratrice l’interpelle au plus haut niveau sur ce sujet, on se situe clairement dans un conflit de valeurs.</p>
<p>Pour le dire autrement, le « faites ce que je dis, pas ce que je fais », est de moins en moins toléré par les jeunes actifs pour qui la question de l’alignement entre les valeurs affichées et les actes du quotidien, notamment managériaux, est fondamentale. Cela repose la question « serpent de mer » de l’<em>exemplarité</em>.</p>
<p>Dès lors, en affichant de plus en plus leurs valeurs, en revendiquant des pratiques respectueuses, « responsables », les entreprises doivent comprendre qu’elles s’exposent de plus en plus au jugement non seulement de leurs clients, mais, aussi, de leurs équipes.</p>
<p><em>Arnaud Vallin, docteur en sociologie, a participé à la rédaction de cet article.</em></p>
<hr>
<p><em>Enquête menée avant la crise sanitaire auprès de 6 500 jeunes actifs ont été interrogés en partenariat avec la société DOMPLUS Groupe, qui accompagne à distance près de 8 000 jeunes actifs chaque année. Il s’agissait de mieux comprendre leur rapport au travail et au management. Les jeunes actifs interrogés sont à 61 % des femmes, leur moyenne d’âge est de 28 ans et ils sont en couple pour 74 % d’entre eux</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142182/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benoît Meyronin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Selon une étude, quatre sur 10 estiment que les employeurs ne prennent pas suffisamment en compte leurs contraintes dans la sphère personnelle.Benoît Meyronin, Professeur senior à Grenoble Ecole de Management, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1403092020-06-17T17:36:11Z2020-06-17T17:36:11ZDébat : La Suisse, ce pays où la réussite sociale n’est pas déterminée par le bac<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/341804/original/file-20200615-65942-83vtca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C118%2C950%2C494&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La Suisse promeut un système de formation professionnelle fort.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Outre un <a href="https://www.letemps.ch/suisse/excedent-31-milliards-confederation-2019">excédent budgétaire</a> récurrent, un <a href="https://www.letemps.ch/economie/suisse-taux-chomeurs-inscrits-etait-23-moyenne-2019">taux de chômage</a> insignifiant et des <a href="https://www.illustre.ch/magazine/metier-metier-salaires-suisses-2018-loupe">salaires</a> élevés en comparaison internationale, la Suisse est également le pays qui présente le plus fort <a href="https://www.swissinfo.ch/fre/la-suisse--p%C3%A9pini%C3%A8re-de-prix-nobel/288410">taux de prix Nobel</a> scientifiques par habitant. Si c’est en général à la robustesse de ses banques que l’imaginaire populaire attribue ces succès (et à son secret bancaire dont il est toutefois bon de rappeler qu’il n’est plus effectif depuis 2018), cette idée préconçue en masque très probablement les autres origines potentielles. À commencer par son étonnant système de formation… qui ne conduit que 40 % d’une classe d’âge à l’obtention d’un baccalauréat.</p>
<p>La Suisse promeut en effet une <a href="https://www.berufsbildung.ch/dyn/bin/5754-13635-1-fakten_zahlen_bb2019_fr.pdf">formation professionnelle initiale</a> forte : plus de deux tiers des jeunes y optent pour un apprentissage qui leur permettra d’entrer dans la vie active, puis d’évoluer grâce à de nombreuses passerelles vers l’ensemble de la formation professionnelle supérieure.</p>
<h2>Examen de « maturité »</h2>
<p>L’enseignement supérieur suisse distingue d’une part les écoles et examens relevant de la « formation professionnelle supérieure » (tertiaire B), et d’autre part les « hautes écoles » (tertiaire A). Ces dernières comprennent les hautes écoles universitaires HEU (les universités), les hautes écoles pédagogiques HEP (qui forment les enseignants) et les <a href="https://www.bfs.admin.ch/bfsstatic/dam/assets/4582967/master">hautes écoles spécialisées</a> HES.</p>
<p>Les HES se distinguent des universités par des recherches appliquées et un enseignement axé sur la pratique, caractérisés par une très forte proximité avec les milieux professionnels concernés – design et arts visuels, économie et services, ingénierie et architecture, musique et arts de la scène, santé et travail social…</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/340848/original/file-20200610-34701-755310.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/340848/original/file-20200610-34701-755310.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/340848/original/file-20200610-34701-755310.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/340848/original/file-20200610-34701-755310.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/340848/original/file-20200610-34701-755310.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/340848/original/file-20200610-34701-755310.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/340848/original/file-20200610-34701-755310.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Parcours de formation et passerelles pour les degrés secondaire et tertiaire en Suisse.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.odec.ch/fr/systeme-educatif-suisse">ODEC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si le tertiaire B requiert toujours une expérience professionnelle préalable, l’accès aux hautes écoles du tertiaire A nécessite quant à lui l’obtention d’une « maturité » (le baccalauréat français). Dans les deux cas, ces conditions sont complétées par des exigences complémentaires en fonction du type de formation.</p>
<p>Ces examens de maturité sont de trois types :</p>
<ul>
<li><p>imaginée dans le prolongement de la formation professionnelle pour permettre à ses titulaires d’accéder aux hautes écoles, la maturité professionnelle est celle qui s’apparente le plus au baccalauréat technologique français ;</p></li>
<li><p>la maturité gymnasiale peut de son côté être assimilée au baccalauréat général, bien que les <a href="https://www.letemps.ch/economie/unis-suisses-restreignent-leurs-acces-certains-bacheliers-francais">équivalences ne soient pas automatiques</a> ;</p></li>
<li><p>sorte d’hybride des deux précédentes, la maturité spécialisée permet quant à elle aux non-lycéens passés par les écoles de culture générale d’intégrer une HES ou une HEP.</p></li>
</ul>
<p>Spécificité helvétique : la réussite d’un « examen de maturité » reflète l’atteinte par l’élève d’un degré de maturité personnelle (au sens propre) suffisant pour accéder à des études supérieures. C’est la raison pour laquelle le baccalauréat professionnel français (bac pro), pensé comme une porte d’entrée directe vers la vie professionnelle et non vers des études supérieures, ne peut avoir d’équivalent en Suisse.</p>
<p>Mais la différence n’est pas que terminologique : elle dénote déjà une différence de conception fondamentale entre les idées de « maturité » et de « baccalauréat ».</p>
<p>La comparaison des chiffres s’avère à cet égard saisissante. La figure ci-dessous distingue le pourcentage d’une classe d’âge ayant obtenu chacun des trois baccalauréats français, plus représentatif que le fameux « taux de réussite » pourtant plus souvent cité (et également représenté dans la figure). On y lit qu’en 2019, les trois baccalauréats concernaient dans l’ensemble près de 80 % des Français en âge de les passer, soit 20,8 %, 16,4 % et 42,5 % respectivement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/340852/original/file-20200610-34678-21oq8t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/340852/original/file-20200610-34678-21oq8t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/340852/original/file-20200610-34678-21oq8t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/340852/original/file-20200610-34678-21oq8t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/340852/original/file-20200610-34678-21oq8t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/340852/original/file-20200610-34678-21oq8t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/340852/original/file-20200610-34678-21oq8t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/340852/original/file-20200610-34678-21oq8t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Taux de réussite et proportion par classe d’âge pour les trois baccalauréats français.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.education.gouv.fr/l-education-nationale-en-chiffres-2019-6551">ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse française</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Qu’en est-il en Suisse ? Au regard des données françaises, l’examen des <a href="https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/education-science/indicateurs-formation/themes/reussite-formation/taux-maturites.html">données officielles</a> est surprenant. Car les Suisses sont seulement 15,7 %, 3,1 % et 21,6 % à obtenir respectivement leurs propres maturités, soit un total de 40,4 % à comparer aux 79,7 % de bacheliers en France.</p>
<p>Mais alors, que font les autres élèves ? Ils poursuivent simplement une formation secondaire, mais <a href="https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/education-science/indicateurs-formation/themes/reussite-formation/diplomes-secii.html">sans la valider par un examen de maturité</a>. De sorte que 95 % des jeunes parviennent à l’âge de 25 ans avec un titre du secondaire II, avec ou sans maturité, et que 60 % des Suisses <a href="https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/education-science/indicateurs-formation/indicators/choix-formation-secii.html">accèdent au marché du travail</a> directement à l’issue de leur formation obligatoire ou post-obligatoire.</p>
<h2>Passerelles professionnelles</h2>
<p>À ce stade, trois questions se posent. Est-il pour autant facile de trouver un travail si l’on ne dispose pas de ce qui, en France, constitue un indispensable sésame ? Par ailleurs, n’y a-t-il pas un risque pour cette population de se voir interdire l’accès à des professions qualifiées, uniquement accessibles aux titulaires des titres délivrés par les hautes écoles ? Enfin, comment le déterminisme social impacte-t-il les orientations scolaires dans un système si sélectif ? Sans que la situation soit parfaite, les réponses à ces questions sont tout à fait rassurantes.</p>
<p>Deux chiffres permettent de répondre à la première d’entre elles : le taux de chômage de la Suisse (<a href="https://www.rts.ch/info/economie/11002153-le-taux-de-chomage-en-suisse-a-2-3-en-2019-du-jamais-vu-depuis-1997.html">2,3 % en 2019</a>, avant la crise du Covid-19) et de son revenu médian (<a href="https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/travail-remuneration/salaires-revenus-cout-travail/niveau-salaires-grandes-regions.html">CHF 6 538</a>, soit 6 200 euros en 2018). Même avec une simple formation de base, il est donc possible de trouver un emploi et de vivre dignement.</p>
<p>Concernant la deuxième question, la Suisse entretient un très grand nombre de passerelles entre les différentes filières de formation. Et pas seulement vers le tertiaire B : que l’on songe que grâce à ce jeu de passerelles, il est possible d’obtenir un doctorat sans avoir obtenu de maturité et même sans avoir fait le lycée !</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/341264/original/file-20200611-80789-3fn7mp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/341264/original/file-20200611-80789-3fn7mp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/341264/original/file-20200611-80789-3fn7mp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/341264/original/file-20200611-80789-3fn7mp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/341264/original/file-20200611-80789-3fn7mp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/341264/original/file-20200611-80789-3fn7mp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/341264/original/file-20200611-80789-3fn7mp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/341264/original/file-20200611-80789-3fn7mp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Passerelles entre les différentes filières de l’enseignement suisse : premières transitions éducatives dans les 42 mois des titulaires d’un titre du degré secondaire II obtenu en 2012.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Office fédéral de la statistique suisse</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Enfin, il est évident que, comme dans tous les pays, les enfants issus des milieux favorisés ont plus de chances que les autres de réaliser des études supérieures longues, mais cette influence reste relativement modérée : en 2016, <a href="https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/education-science/indicateurs-formation/themes/acces-et-participation/origine-sociale-he.html">57 % des étudiants</a> des hautes écoles étaient issus de familles dans lesquelles aucun des parents n’était lui-même détenteur d’un diplôme d’une haute école (une proportion certes inférieure à celle de la population totale où elle s’élève à 77 %).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/341268/original/file-20200611-80778-e5f6kd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/341268/original/file-20200611-80778-e5f6kd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=487&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/341268/original/file-20200611-80778-e5f6kd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=487&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/341268/original/file-20200611-80778-e5f6kd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=487&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/341268/original/file-20200611-80778-e5f6kd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/341268/original/file-20200611-80778-e5f6kd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/341268/original/file-20200611-80778-e5f6kd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Origine sociale des étudiantes des hautes écoles en 2016, par type de haute école.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Office fédéral de la statistique suisse</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Autre conséquence de cette proportion d’élèves non-bacheliers : les moyens accordés aux formations professionnelles sont particulièrement développés, tant au niveau des infrastructures que de la formation et du salaire des enseignants. Cette spécificité traduit une concertation très forte entre la formation et les mondes professionnel et politique.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-formation-des-enseignants-en-suisse-un-modele-a-suivre-74231">La formation des enseignants en Suisse : un modèle à suivre ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Quelle conclusion tirer de cette comparaison entre voisins francophones ? Peut-être celle-ci : alors que les métiers manuels et techniques sont souvent les plus importants pour assurer le bon fonctionnement d’une société, comme la crise sanitaire a largement contribué à en prendre conscience, il serait peut-être grand temps de reconnaître partout cette importance par une revalorisation radicale des formations professionnelles, une rémunération satisfaisante et un meilleur statut social pour les métiers non intellectuels, conditions évidentes de l’accès de tous à une vie épanouissante.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140309/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En cette fin d’année scolaire où se décident les orientations et où tombent les résultats d’examens, regard sur un système éducatif européen où 40 % d’une génération seulement décroche le baccalauréat.Richard-Emmanuel Eastes, Head of the academic development : University of applied science and arts Western Switzerland (HES-SO, Suisse), Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO)Yves Rey, Vice-recteur Enseignement (HES-SO), Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1383392020-05-17T18:09:12Z2020-05-17T18:09:12ZY aura-t-il une génération Covid ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/334985/original/file-20200514-77230-k14b95.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=54%2C227%2C2316%2C1469&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Face aux conséquences économiques de la crise, les étudiants et jeunes diplômés font partie des publics en première ligne.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les crises, les guerres, les révolutions, les grands bouleversements historiques, conduisent très souvent à l’émergence de phénomènes générationnels. Les historiens qui, comme <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean%E2%80%91Fran%C3%A7ois_Sirinelli">Jean‑François Sirinelli</a>, ont étudié <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/histoire/generations-du-XXe-siecle-2/">ces questions</a>, appellent ces moments, durant lesquels émerge une <a href="https://www.franceculture.fr/oeuvre/generation-sans-pareille-les-baby-boomers-de-1945-nos-jours">génération</a>, des « évènements fondateurs ».</p>
<p>Dans ces moments de crise, tout est remis à plat, il y a un sentiment de table rase, et les jeunes générations peuvent être conduites à mettre en cause les générations aînées, celles qui sont aux commandes, pour avoir mené la société au désastre ou, simplement, ne pas avoir su répondre efficacement aux défis qui se présentaient.</p>
<p>L’exemple typique d’une telle émergence générationnelle est la guerre de 14. L’historien américain Robert Wohl qui y avait consacré un livre qui a fait date (<a href="https://www.jstor.org/stable/j.ctvk12rq9"><em>The generation of 14</em></a>), montre à quel point cette catastrophe humaine avait introduit un sentiment de discontinuité radicale d’avec le passé. Les jeunes qui avaient survécu étaient gagnés par la conviction profonde que plus rien ne pourrait être comme avant, et que les élites qui dirigeaient la société avant et pendant la guerre ayant failli, elles avaient perdu toute légitimité pour poursuivre leur tâche.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/T_tDNi9Tb4M?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">1914-1918, une génération du feu, Jean‑François Sirinelli.</span></figcaption>
</figure>
<p>Il n’est donc pas illégitime de se demander si la crise sanitaire que connaissent nos sociétés aujourd’hui ne peut pas déboucher sur une telle rupture générationnelle. Il est bien sûr un peu tôt pour apporter une réponse car la crise est toujours en cours et ses effets sociaux restent donc assez incertains. On peut néanmoins se risquer à quelques conjectures.</p>
<h2>Risques inégaux</h2>
<p>Il faut d’abord avoir bien à l’esprit que ces phénomènes générationnels prennent effet chez les jeunes. Il en est ainsi parce que le potentiel de changement est bien plus élevé dans les cohortes de jeunes adultes et qu’il s’amenuise à mesure du vieillissement.</p>
<p>En entrant dans la vie adulte, les personnes s’engagent dans des professions, fondent une famille, et adoptent donc des rôles sociaux qui consolident leur propre identité. Sans forcément devenir rigide, leur vie se routinise et leurs interactions sociales se réduisent. Elles sont moins réceptives au changement et moins préparées à adopter des idées nouvelles qui entreraient en rupture avec la société à laquelle elles participent.</p>
<p>Mais, dans l’immédiat, il semble peu probable qu’une telle prise de conscience générationnelle se concrétise chez les jeunes. La raison en est simple : les risques des différentes classes d’âge devant l’épidémie sont extrêmement inégaux, et cette inégalité joue au détriment des personnes âgées et au bénéfice des jeunes. Ceux-ci sont relativement préservés.</p>
<p>Une vaste étude anglaise, <a href="https://rmc.bfmtv.com/emission/le-profil-des-malades-du-covid-19-en-detail-1913369.html">OpenSAFELY</a>, vient de montrer que, indépendamment des comorbidités associées au vieillissement, l’âge était le facteur de risque majeur. Cette étude montre que, par rapport aux 50-60 ans, le risque de décès double pour les sexagénaires, est multiplié par 5 pour les septuagénaires, et par 12 à partir de 80 ans. Si on compare les jeunes, de 18-40 ans, aux plus âgés, leurs risques de mourir est divisé par 180 !</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1244617877975633920"}"></div></p>
<p>Les jeunes ont donc de bonnes raisons de se sentir plutôt préservés et c’est d’ailleurs le sentiment que partage la grande majorité d’entre eux. <a href="https://drive.google.com/file/d/11BJp_7hZHjzBohPBNlFMzzr6RL7fdXiz/view">Une étude</a> réalisée par Vice Media auprès de jeunes de différents pays le montre. Selon cette étude, seuls 25 % des jeunes de la zone EMEA (Europe, Middle-East, Africa) déclarent craindre d’attraper eux-mêmes le coronavirus et 62 % disent être surtout inquiets pour leurs proches.</p>
<p>Selon des verbatim recueillis par l’institut, beaucoup semblent d’ailleurs avoir trouvé des choses positives dans la crise, la possibilité qui leur est donnée de « traîner et ne rien faire de particulier sans éprouver de sentiment de culpabilité », la possibilité « d’avoir de nouvelles idées », de « faire une pause et de réfléchir », avoir « l’opportunité de repartir de zéro ». Et, toujours selon la même étude, 57 % d’entre eux pensent que « le coronavirus aura un impact positif à long terme sur la société et la culture ».</p>
<h2>Question sociale</h2>
<p>Cependant, le point de vue des jeunes pourrait changer s’ils pensaient non pas aux conséquences sanitaires de la pandémie ou à ses conséquences culturelles mais à ses conséquences économiques et sociales les plus directes. Sur ce plan, il ne fait pas de doutes qu’ils figureront au rang des principales victimes.</p>
<p>Dès à présent d’ailleurs, l’interruption des cours dans l’enseignement scolaire porte certainement un grave préjudice aux élèves les plus en difficulté. D’après les enquêtes PISA, la France est déjà un des pays de l’OCDE dans lequel l’écart de performance entre les meilleurs et les moins bons élèves est le plus élevé, et dans lequel les scores des moins bons élèves ont tendance à stagner au fil des enquêtes successives.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1250671054181273601"}"></div></p>
<p>L’interruption des cours risque d’aggraver ces inégalités. Certains professeurs d’établissements scolaires de grande banlieue font état des difficultés qu’ils ont rencontrées pour garder un lien avec une grande partie de leurs élèves pendant le confinement. Une partie notable d’entre eux a sans doute totalement disparu des radars. Le retard qu’ils ont accumulé risque d’être irrattrapable.</p>
<p>Sur le front de l’emploi les jeunes vont certainement payer un lourd tribut. Comme le remarque le spécialiste du marché du travail, l’économiste André Zylberberg, dans une interview à <a href="https://www.paris-normandie.fr/actualites/economie/andre-zylberberg-specialiste-du-marche-du-travail-les-jeunes-premieres-victimes-de-la-crise-FD16732722"><em>Paris Normandie</em></a> le 30 avril, lorsqu’elles sont touchées par une crise, les entreprises mettent d’abord un terme au renouvellement des CDD ou des contrats d’intérim qui sont massivement occupés par des jeunes.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ldRlIO1fLRA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Une entrée difficile sur le marché du travail à cause du coronavirus (Euronews, 29 avril 2020).</span></figcaption>
</figure>
<p>Quant à ceux qui, sortant du système éducatif, vont se présenter sur le marché du travail, leurs chances d’embauche risquent évidemment d’être fortement amoindries, surtout pour les moins qualifiés d’entre eux.</p>
<h2>Débat en attente</h2>
<p>En réalité, la gestion politique de la pandémie a donné lieu à un arbitrage générationnel implicite. Le confinement généralisé répondait certes à la nécessité de ne pas voir les établissements hospitaliers des régions les plus touchées être saturés par l’arrivée simultanée d’un trop grand nombre de cas.</p>
<p>Mais il consacre aussi, <a href="https://www.telos-eu.com/fr/covid-19-le-premier-ennemi-declare-de-la-generatio.html">comme l’écrit</a> Monique Dagnaud, le choix de la prolongation à tout prix de la vie, quel qu’en soit le coût. Ce coût sera évidemment supporté principalement par les jeunes générations et plus le retour à la normale sera long plus ce coût sera élevé.</p>
<p>Pourtant ce débat, qui met en jeu la question du point d’équilibre générationnel dans le coût de la pandémie, n’a pas eu lieu. Il n’a pas eu lieu parce que, « parier sur la mort » – la forme brutale de plaider le raccourcissement du confinement pour en limiter les coûts économiques et sociaux – est indicible.</p>
<p>Le calcul économique cynique qui consisterait à mettre en balance l’espérance de vie en bonne santé des personnes les plus âgées et l’espérance de vie en bonne situation économique et sociale des personnes les plus jeunes, ne peut être énoncé car la vie, quelle qu’en soit la durée, est sacrée dans nos sociétés modernes. On s’emploie à la prolonger à tout prix et certains rêvent même d’immortalité.</p>
<p>Il est probable qu’aujourd’hui les jeunes ne pensent d’ailleurs pas trop aux conséquences sociales de cette crise. Le débat politique sur le sujet a été plutôt escamoté jusqu’à présent, tous les responsables s’entendant plus ou moins pour dire que les Français (et donc parmi eux les jeunes) ne devraient pas en supporter le coût.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1260815975932465157"}"></div></p>
<p>La profusion de milliards d’euros déversés sur l’économie pour atténuer les effets destructeurs de la crise a pu entretenir l’illusion que ce coût serait finalement minime ou que l’État continuerait de le prendre à sa charge.</p>
<p>Il est frappant de voir, dans l’étude de Vice Media déjà citée, que cette question des conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire n’est absolument pas abordée. Le réveil risque donc d’être brutal et il n’est pas exclu qu’à ce moment-là on puisse assister à un réveil d’une forme de conscience générationnelle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138339/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Galland ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans les moments de crise, les jeunes générations peuvent être conduites à mettre en cause les générations aînées. L’épidémie de Covid-19 peut-elle déboucher sur une telle rupture ?Olivier Galland, Directeur de recherche émérite, GEMASS (Sorbonne) / CNRS, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1254742019-10-22T18:42:33Z2019-10-22T18:42:33ZPremier emploi : les atouts des « graduate programmes »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/297903/original/file-20191021-56220-1kukmdk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C1000%2C642&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">30 % des graduate programmes intègrent une mission internationale</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/international-world-global-network-globalization-concept-258185744?src=pfK2U80H7fmmzr4Nm4p1Rw-1-103">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Depuis vingt ans, le marché de l’emploi des jeunes diplômés est devenu mondial et le « sourcing » de candidats plus international. En raison d’une très grande concurrence, les entreprises doivent séduire et fidéliser les meilleurs profils de jeunes diplômés afin de constituer leur vivier de futurs cadres dirigeants. C’est dans cet esprit qu’elles ont élaboré des programmes spécifiques d’intégration accélérée : les « Graduate Programmes ».</p>
<p>L’EDHEC NewGen Talent Centre, centre d’expertise de l’EDHEC sur les aspirations, comportements et compétences des nouvelles générations de diplômés, suit de près ces parcours. C’est ce qui a permis la publication d’une <a href="https://careers.edhec.edu/sites/careers/files/images/2019_10_10_cp_edhec_newgen_graduate_programme_vf_002.pdf">étude</a> sur les caractéristiques des <a href="https://www.graduate-programmes.com/fr/expertise">1260 programmes</a> proposés par plus de 600 entreprises, accompagnée d’une enquête d’évaluation auprès de 700 diplômés dont 250 participants français et internationaux à un <a href="https://careers.edhec.edu/news/premier-emploi-les-atouts-du-graduate-programme">graduate programme</a>.</p>
<h2>Diversité de l’offre</h2>
<p>L’offre est aujourd’hui très diverse, ce qui témoigne d’une maturité de ces programmes, que les entreprises se sont appropriés et ont adaptés à leurs besoins. On trouve aujourd’hui des graduate programmes dans tous les secteurs et, si les institutions financières sont toujours les plus nombreuses à offrir ces parcours (21 % des entreprises), l’industrie (18 %), les biens de consommation (12 %), la santé et les services (11 %) sont de plus en plus représentés.</p>
<p>Par ailleurs, loin du stéréotype qui les réserverait aux fonctions de management ou de finance, ces programmes concernent aussi l’ingénierie, le IT, la logistique sont parmi les fonctions les plus recherchées, avec 29 % des offres de programmes. On constate également une progression des programmes spécialisés qui représentent aujourd’hui deux tiers des programmes.</p>
<p>Alors que les plus élaborés des graduate programmes intègrent des rotations internationales, du coaching, du mentoring et des formations permanentes de haut niveau, d’autres parcours n’en portent que le nom et sont de simples premiers postes pour jeunes diplômés.</p>
<p>Sur <a href="https://www.graduate-programmes.com/fr/">1 260 programmes</a> recensés dans notre base de données, 84 % proposent au moins une rotation sur deux postes, 88 % proposent du développement professionnel et 30 % une mission internationale c’est-à-dire une expérience sur au moins deux pays. 75 % proposent à la fois des rotations et offrent du développement de carrière. 27 % proposent les 3 caractéristiques : rotation, international et développement.</p>
<p>Les programmes sont également moins nombreux à offrir une mission internationale, coûteuse et difficile à organiser et qui intéressent légèrement moins la nouvelle génération de diplômés depuis 3 ans.</p>
<h2>Souplesse des programmes</h2>
<p>Puisqu’aucune réglementation n’encadre ces programmes, les entreprises jouissent d’une grande latitude dans les modalités de mise en œuvre de leurs parcours. Ainsi, certains parcours peuvent débuter par un stage de fin d’études, d’autres inclure une période de <a href="https://www.civiweb.com/FR/index.aspx">volontariat international en entreprise</a> (VIE), proposer un contrat de travail classique, CDD ou CDI, voire de l’intrapreneuriat.</p>
<p>Certaines entreprises intègrent même une immersion de quelques mois en start-up pour satisfaire les jeunes férus d’entrepreneuriat à qui elles proposent de transposer les bonnes pratiques de ces entreprises « libérées ». Elles construisent ainsi des programmes plus adaptés, malins et peut-être moins onéreux.</p>
<p>Jusqu’à ces dernières années, les graduate programmes restaient encore confidentiels. Certaines entreprises n’osaient pas communiquer clairement sur leur programme, de peur de phagocyter leurs voies de recrutements plus classiques ou d’apparaître excessivement sélectives.</p>
<p>Aujourd’hui, elles communiquent de façon à la fois plus transparente mais aussi plus modeste qu’il y a quelques années. Cette maturité se constate aussi dans le comportement et l’appréciation des jeunes diplômés de ces parcours. Plus avertis, ils savent mieux ce qu’ils peuvent attendre d’un graduate programme, quel investissement de leur part sera nécessaire et comment ils pourront se montrer pro actif pour en tirer le meilleur profit.</p>
<h2>Richesse des expériences</h2>
<p>Les jeunes recrutés que nous avons interrogés sont unanimes : un <a href="https://start.lesechos.fr/emploi-stages/reseau-carriere/8-infographies-pour-tout-comprendre-sur-les-graduate-programmes-16292.php">graduate programme</a> est un premier emploi mais aussi une opportunité de lancer sa carrière en développant ses compétences et en testant plusieurs postes pour discerner et choisir sa voie. Plus des deux tiers ont bénéficié de plus de deux rotations donc 3 postes et 20 % ont pu tester jusqu’à 5 postes différents.</p>
<p>Les principales raisons qui motivent les jeunes pour ce type de programmes sont leur envie d’apprendre, la diversité des missions, la dimension internationale et l’accompagnement de leur développement.</p>
<p>Les jeunes recrutés ont particulièrement apprécié que ces programmes leur donnent rapidement une connaissance générale du fonctionnement de l’entreprise, accélèrent leur développement et leur permettent de se constituer un réseau professionnel.</p>
<p>Enfin à l’heure où la préoccupation des entreprises est de <a href="https://careers.edhec.edu/news/le-paradoxe-de-la-fidelisation-des-jeunes-talents">retenir les talents</a> qu’elle a recrutés et sur lesquels elle investit, notre étude montre que le graduate programme fidélise 84 % des jeunes recrutés dont 81 % restent au moins deux ans dans l’entreprise.</p>
<p>Mais si les jeunes recrues plébiscitent le graduate programme avec un taux de recommandation de 99 %, ils ne font pas preuve de naïveté. Les entreprises qui proposent des graduate programmes sans les atouts de ces parcours, bref de simples « contrefaçons », sont aujourd’hui plus vite identifiées par des jeunes diplômés de plus en plus avertis.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125474/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Manuelle Malot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Conçus pour fidéliser les dirigeants de demain, ces programmes existent aujourd’hui dans tous les secteurs et sont bien identifiés par les jeunes diplômés. Zoom sur le dernier panorama en date.Manuelle Malot, Directrice Carrières et Prospective, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1251122019-10-21T20:11:09Z2019-10-21T20:11:09ZLe doctorat fait-il encore rêver ? Regards croisés entre le Maroc et la France<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/296903/original/file-20191014-135491-8f3uq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C4%2C979%2C661&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour les doctorants marocains, les difficultés commencent dès la recherche d'une structure d'accueil.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/accessory-733166623?src=Ug35DojTXfgad_o7_Z7rSw-1-1">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Lorsqu’ils posent auprès de leur jury pour une photo souvenir de leur soutenance de thèse, les candidats au doctorat affichent en général un sourire radieux. Mais au-delà de ce moment symbolique, le doctorat n’a rien d’un long fleuve tranquille. Si les sacrifices pour décrocher ce diplôme sont importants, ses perspectives interpellent aussi dans la mesure où le marché de l’emploi se corse. Une situation que l’on éclairera à partir des situations dans deux pays, le Maroc et la France, sans forcément les mettre en comparaison.</p>
<h2>Inscriptions en doctorat</h2>
<p>Au Maroc, si l’adoption du système LMD depuis le début des années 2000 a certainement <a href="https://www.leconomiste.com/article/1008479-doctorat-la-recherche-peine-seduire-les-etudiants">facilité l’accès</a> au doctorat, le nombre de diplômés à bac +8 reste relativement faible. En 2017, <a href="https://www.leconomiste.com/article/1039050-doctorat-enormes-abandons-de-theses">seulement 1937 personnes</a> ont décroché un doctorat. Rapporté aux chiffres de la population, cela équivaut à un taux de 0,5 néo-docteur pour 10 000 habitants.</p>
<p>Les inscriptions en thèse n’inversent pas la donne. Les doctorants ne représentent que <a href="https://www.enssup.gov.ma/sites/default/files/STATISTIQUES/5190/FICHE%20SYN1819.pdf">4,2 % des étudiants</a>. De quoi soulever des inquiétudes quand on sait qu’entre 2015-2020, pas moins de 1 000 enseignants <a href="https://www.leconomiste.com/article/1008479-doctorat-la-recherche-peine-seduire-les-etudiants">partiront en retraite</a>. Il s’agit de la génération, en majorité formée en France, qui a posé les bases des universités actuelles. La question de la relève en nombre et en qualité est préoccupante.</p>
<p>En France, si l’on a enregistré une <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/8/EESR8_R_38-le_doctorat_et_les_docteurs.php">baisse de 10 %</a> des inscriptions en thèse entre 2012 et 2016, les soutenances restent sur un rythme de 10 000 chaque année. La réticence des étudiants est-elle due au risque d’échec ? C’est pourtant l’inverse que révèlent les <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/10/EESR10_R_38-le_doctorat_et_les_docteurs.php">résultats</a> d’une étude : 41 % des doctorants ont soutenu leur thèse en moins de 46 mois en 2014, contre 31 % l’année précédente. Les chances de réussite vont crescendo, ce qui peut être expliqué entre autres par l’amélioration des conditions de réalisation de la thèse.</p>
<h2>Structures d’accueil</h2>
<p>Pour les doctorants marocains, les difficultés commencent dès la recherche d’une structure d’accueil. <a href="https://www.leconomiste.com/article/1008479-doctorat-la-recherche-peine-seduire-les-etudiants">60 % des doctorants</a> ne sont affiliés à aucun laboratoire. L’accès à la bibliographie et au matériel de recherche est un combat. Les conséquences sont accablantes : <a href="https://www.leconomiste.com/article/1008479-doctorat-la-recherche-peine-seduire-les-etudiants">9 thésards boursiers sur 10</a> jettent l’éponge au milieu du chemin. Ceux qui font preuve de résistance ne connaissent pas un meilleur sort : 80 % vont soutenir leurs travaux <a href="https://www.leconomiste.com/article/1008479-doctorat-la-recherche-peine-seduire-les-etudiants">sans avoir produit</a> la moindre publication.</p>
<p>L’encadrement des travaux de recherche est une autre défaillance dans la vie des docteurs marocains. Face à l’explosion du nombre d’étudiants liée à la croissance démographique (rappelons que le nombre d’habitants a progressé de 10 millions en 10 ans, tandis que les jeunes représentent 28 % de la population), les universités ont dû accueillir 820 488 étudiants en 2017 alors que leur capacité d’accueil n’est que de 512 630 places. Les professeurs sont débordés. Dans certains cas, ils se retrouvent à diriger <a href="https://www.leconomiste.com/article/1008479-doctorat-la-recherche-peine-seduire-les-etudiants">plus de 40 travaux de recherche</a> à la fois.</p>
<p>En France, outre le nombre de laboratoires de recherche, un autre facteur de succès est la variété de l’offre de financement. Entre allocations ministérielles, bourses de mobilité et contrats de recherche, <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/reperes/telechar/rers/rers2016/rers-2016chap111.pdf">69 % des doctorants français</a> ont obtenu un financement au titre de l’année de 2014. Ces contrats sont liés à des objectifs de recherche que les doctorants doivent s’appliquer d’atteindre pendant la durée de leurs thèses. Le renouvellement des bourses tient compte de la réalisation de ces objectifs. Les doctorants avouent que la période de renouvellement des bourses est vécue avec autant de stress que la période de préparation des soutenances.</p>
<p>Ceci dit, <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/reperes/telechar/rers/rers2016/rers-2016chap111.pdf">certaines disciplines</a> concentrent plus d’intérêt de la part des organismes de financement. Le taux de financement en sciences dites exactes est de 96 % en première année contre 38 % en sciences humaines et sociales. En l’absence de financement, les doctorants de ces branches sont obligés de mettre la main à la poche : 29 % d’entre eux exercent des activités rémunérées.</p>
<p>Force est de dire que le coût financier engendré par un projet doctoral est toujours considérable. Au Maroc, les offres de financement sont très rares et pour la plupart attribuées par le ministère de l’Enseignement supérieur.</p>
<h2>Insertion professionnelle</h2>
<p>L’insertion professionnelle des nouveaux docteurs est compliquée, qu’il s’agisse du Maroc ou de la France. L’enseignement est bien sûr le premier choix des néo docteurs. Le rêve de décrocher un poste après la thèse ne se réalise pas immédiatement. En France, 60 % des nouveaux docteurs sont obligés de passer d’abord par des emplois provisoires à durée déterminée – contrats post-doctorat et ATER (Attachés temporaires d’enseignement et de recherche).</p>
<p>La concurrence est très rude en France et nombre de docteurs finissent par aller voir ailleurs : 40 % des docteurs en lettres et sciences humaines et sociales s’orientent <a href="https://journals.openedition.org/echogeo/7523">vers l’enseignement secondaire et primaire</a>. Certains vont même travailler dans des postes sans aucun lien avec l’enseignement et la recherche dans les administrations nationales et territoriales.</p>
<p>Au Maroc, les universités manquent cruellement d’enseignants mais l’État s’est engagé dans des plans de baisse des charges publiques dicté par les institutions financières internationales. Les universités privées viennent étoffer le paysage au Maroc, malgré qu’elles soient décriées par certaines voix qui accusent l’État de vouloir privatiser le service public. Les docteurs leur tournent le dos et ne le considèrent dans la majorité des cas comme des tremplins. La charge de travail plus élevée, l’absence de possibilités d’évolution, le peu de temps consacré à la recherche sont les principales causes de la réticence des néo docteurs.</p>
<p>Les débouchées en privé sont pour l’heure timides au Maroc et en France. Il s’agit d’abord de la volonté des docteurs qui, après avoir eu le goût des cours, des communications et des expériences en laboratoires, ne se projettent pas dans un autre métier. L’adéquation entre les spécialités des docteurs et les besoins des entreprises est une autre question. Si les ingénieurs et les docteurs en économie et gestion sont les profils les plus demandés au Maroc, ils ne constituent que 7 % des doctorants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125112/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nabil Ouarsafi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les sacrifices pour décrocher ce diplôme sont importants, ses perspectives interpellent aussi dans la mesure où le marché de l’emploi se corse.Nabil Ouarsafi, Enseignant chercheur en management à l'Université Hassan 1er, Université Hassan Ier – AUFLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1185062019-06-19T22:02:23Z2019-06-19T22:02:23ZAssocier les personnes aux décisions les concernant, même les SDF<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/279840/original/file-20190617-118514-vuiyc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C13%2C754%2C520&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La bagagerie mise en place par l'association Mains Libres répond à un vrai besoin en vue de la réinsertion des personnes à la rue. </span> <span class="attribution"><span class="source">Mains Libres</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em><strong>On a beaucoup entendu dire, sur les carrefours et dans les débats, qu’il serait temps que le « haut » prenne en compte ce qu’on pense « en bas ». De même, beaucoup d’entreprises ont saisi l’intérêt d’associer les personnes aux choix qui les concernent. Toutefois, ce principe est souvent appliqué assez mollement. À la bagagerie Mains Libres, destinée aux SDF du quartier des Halles, on ne transige pas, et les résultats sont étonnants. Retour sur cette leçon de management.</strong></em></p>
<h2>Écouter pour répondre aux vrais besoins</h2>
<p>En 2006, choquée d’entendre dire, lors d’une réunion d’habitants, « ce quartier est dégoûtant, il y a plein de crottes de chiens et de SDF », Élisabeth Bourguinat se lance à la recherche d’une idée pour favoriser l’inclusion des SDF dans le quartier. Françoise Aba, une autre habitante, membre d’ATD Quart Monde, demande directement à des SDF de quoi ils auraient besoin. La réponse, « un endroit pour mettre nos bagages », peut surprendre, mais comme l’explique Richard Fleury, ancien déménageur de pianos et sans-abri :</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/278892/original/file-20190611-32356-134eehr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/278892/original/file-20190611-32356-134eehr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=506&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/278892/original/file-20190611-32356-134eehr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=506&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/278892/original/file-20190611-32356-134eehr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=506&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/278892/original/file-20190611-32356-134eehr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=636&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/278892/original/file-20190611-32356-134eehr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=636&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/278892/original/file-20190611-32356-134eehr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=636&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Élisabeth Bourguinat et Richard Fleury.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>« Quand vous êtes SDF, vous devez traîner vos bagages avec vous. Dans la rue, on sait immédiatement que vous êtes un SDF. Quand vous cherchez du travail avec votre sac, on vous dit : “Dehors !” Une bagagerie permettrait de déposer ses affaires en lieu sûr et d’être considéré comme une personne normale et non comme un SDF ».</p>
<h2>Les usagers ont des idées</h2>
<p>Lors de la première rencontre sur un projet de bagagerie, l’une des participantes SDF s’exclame : « Y en a marre qu’on fasse des choses pour nous sans nous demander notre avis ! » Il est alors décidé qu’une équipe de SDF et d’ADF (« avec domicile fixe »), animée par Élisabeth et Françoise, creusera la question.</p>
<p>Une visite des consignes SNCF et de sociétés spécialisées montre que ces offres sont trop chères ou inadaptées. Une étude de marché auprès de 49 SDF du quartier confirme l’existence du besoin et permet de déterminer les horaires d’ouverture : de 7h00 à 9h00 et de 20h00 à 22h00, tous les jours.</p>
<p>Un débat porte sur la nature des casiers :</p>
<blockquote>
<p>« Si ce sont des casiers fermés à clé, explique un SDF, tôt ou tard quelqu’un utilisera un pied de biche pour forcer celui du voisin, donc je préfère qu’ils restent ouverts, mais avec un guichet pour contrôler l’entrée dans la salle des casiers ».</p>
</blockquote>
<p>Pour assurer les permanences matin et soir, l’équipe calcule qu’il faudra 70 bénévoles, à raison de deux heures par personne et par semaine. Seule solution : mobiliser les SDF eux-mêmes pour qu’ils prennent en charge une partie des permanences. Pendant les vacances d’été, ce sont eux qui assurent l’essentiel de l’accueil.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/278569/original/file-20190608-52767-u8rf12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C12%2C1185%2C873&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/278569/original/file-20190608-52767-u8rf12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/278569/original/file-20190608-52767-u8rf12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/278569/original/file-20190608-52767-u8rf12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/278569/original/file-20190608-52767-u8rf12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/278569/original/file-20190608-52767-u8rf12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/278569/original/file-20190608-52767-u8rf12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Présentation du dernier rapport d’activité de l’association.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mains libres</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Certains problèmes d’organisation et de sécurité semblent insurmontables, mais le groupe de travail prend conseil auprès du responsable de la police, des pompiers, des maraudeurs d’Emmaüs, des bénévoles de la Soupe Saint-Eustache, et le dialogue entre les SDF et ces différents acteurs permet de trouver une solution à chaque difficulté.</p>
<p>Les SDF demandent que la salle des casiers soit hypersécurisée. Le système répondant à leur attente coûte 8 000 euros et, pour le trésorier, c’est une folie de consacrer une telle somme à protéger des tentes et des sacs. Mais pour les SDF, les bagages contiennent tout ce qu’il leur reste (voir la vidéo), et ils annoncent que, à défaut, ils ne déposeront pas leurs affaires. Leur point de vue l’emporte.</p>
<p>Pour maîtriser les problèmes d’alcool, de drogue ou de violence, il faut un règlement intérieur. À la surprise des ADF, les SDF sont plus exigeants que quiconque sur l’établissement de règles, car celles-ci les protègent de la loi de la jungle qui prévaut dans la rue. La première version du règlement sera d’ailleurs rédigée par un SDF.</p>
<p>Enfin, pour s’assurer que la bagagerie continue à répondre aux besoins de ses usagers, le groupe décide que le conseil d’administration de l’association sera composé à parité de SDF et d’ADF, auxquels s’ajouteront des représentants des associations partenaires du quartier.</p>
<h2>Mobiliser toutes les énergies</h2>
<p>Comme local, il faut une salle permettant d’accueillir les SDF, et non une simple consigne. L’équipe a en vue une ancienne halte-garderie de 135 m<sup>2</sup>, mais cet espace est destiné à une maison des associations. Qu’à cela ne tienne ! Un dossier de 44 pages est adressé aux maires des quatre premiers arrondissements, à la députée de Paris Centre et à la mairie de Paris. Par ailleurs, Élisabeth et Richard se rendent à une réunion du conseil de quartier pour défendre le projet. En général, les habitants s’opposent à l’implantation d’équipements destinés aux SDF, mais quand Richard leur propose de soupeser son sac à dos, il réussit à les rallier à sa cause.</p>
<p>De même, lors des rendez-vous avec les élus, pour éviter de se faire évincer avec quelques mots aimables, Élisabeth et Françoise se déplacent en délégation avec une dizaine de SDF chaque fois, et finissent par emporter la décision. La mairie prend même en charge le loyer de 35 000 euros, et un commerçant du quartier offre le champagne pour fêter l’obtention du local.</p>
<h2>La participation, un levier de réinsertion</h2>
<p>La bagagerie Mains Libres ouvre ses portes en mars 2007 et, 12 ans plus tard, elle est devenue une référence pour la mairie de Paris, qui encourage la création d’établissements du même genre dans tous les arrondissements.</p>
<figure>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/238580130" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>L’évaluation menée chaque année par l’association avec ses partenaires montre en effet que le service rendu par la bagagerie et, surtout, son mode de fonctionnement contribuent fortement à la réinsertion des SDF.</p>
<p>Non seulement Mains Libres associe les usagers à la gestion de l’équipement, mais elle organise des animations destinées, à la fois, à recueillir des fonds et à faciliter l’inclusion des SDF dans la vie du quartier. Chaque année, SDF et ADF assurent ensemble l’organisation d’un vide-greniers de 320 stands sur deux jours et tiennent le vestiaire d’un bal au palais Brongniart qui accueille entre 3 000 et 4 000 danseurs. De nombreux SDF retrouvent ainsi la confiance en eux-mêmes et le courage qui leur permettent d’entreprendre des projets personnels.</p>
<h2>Participation : revisiter un concept galvaudé</h2>
<p>Encouragées par le succès de Mains Libres, d’autres bagageries se sont créées à Paris, mais aucune n’a poussé aussi loin l’exigence de coopération entre SDF et ADF, et c’est probablement un facteur de fragilité de ces « clones ». L’idée que l’on peut et que l’on doit associer les SDF à toutes les décisions reste difficile à faire admettre au quotidien. Dans la plupart des esprits, la hiérarchie entre « ceux qui donnent » (les ADF) et « ceux qui reçoivent » (les SDF) redouble celle, classique, entre « ceux qui savent » et ceux qui sont priés de se contenter d’exécuter.</p>
<p>À l’heure où de nombreuses initiatives collaboratives peinent à trouver un second souffle, l’expérience de Mains Libres montre que les gens directement concernés sont les mieux placés pour identifier les problèmes et inventer des solutions pertinentes, à condition d’être investis d’une confiance et d’une autonomie suffisantes. Les cas extrêmes, en grossissant les difficultés, permettent souvent de mieux comprendre comment les résoudre. Sous cet angle, Mains libres nous donne une véritable leçon de management participatif.</p>
<hr>
<p><em>Pour en savoir plus, voir le compte rendu du séminaire <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/657-une-bagagerie-biquotidienne-pour-les-sdf">« une bagagerie biquotidienne pour les SDF »</a> sur le site de l’École de Paris du Management et consulter le <a href="http://www.mainslibres.asso.fr">site de l’association Mains libres</a></em></p>
<p><em>Cet article a bénéficié de riches débats avec Christophe Deshayes et Élisabeth Bourguinat.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118506/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p>On dit qu’il est bon d’associer les personnes aux choix qui les concernent, principe souvent appliqué mollement. À la bagagerie pour SDF Mains Libres, on ne transige pas, avec des résultats étonnants.Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1177242019-05-28T23:44:25Z2019-05-28T23:44:25ZStress des examens : cinq conseils pour en faire un atout<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/276763/original/file-20190528-42551-1ahtrsl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1000%2C658&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La recherche montre qu'accepter son stress aide à se protéger des émotions négatives.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/beautiful-female-stressing-out-due-exam-145257037">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Dernier tremplin vers les examens, l’obtention d'un diplôme - ou même l’entrée dans la vie active, pour les plus âgés d’entre eux - la fin du semestre représente pour les étudiants l’une des périodes les plus stressantes de l’année.</p>
<p>Selon une étude menée aux États-Unis, 60 % des étudiants de premier cycle déclarent ressentir un niveau de stress supérieur à la moyenne durant cette période. Plus d’un tiers disent que cela a tiré leurs performances scolaires <a href="https://www.acha.org/documents/ncha/NCHA-II_Spring_2018_Reference_Group_Executive_Summary.pdf">vers le bas</a>. Bien que le stress puisse avoir des effets négatifs, en tant que spécialiste de la gestion du stress, je sais qu’il existe pourtant des moyens d’en faire un <a href="https://doi.org/10.1177/0963721412461500">atout</a>.</p>
<p>Voici quelques pistes pour aider les jeunes à veiller sur leur propre bien-être dans la dernière ligne droite de l’année.</p>
<h2>Accepter son stress</h2>
<p>Il est arrivé que des écoles et des universités encouragent leurs étudiants à profiter d’un <a href="https://www.binghamton.edu/dean-of-students/programs-services/stress-free-spring.html">« printemps sans stress »</a>. Si l’envoi de ce genre de message part d’une bonne intention, il peut leur donner des espérances irréalistes.</p>
<p>La fin du semestre est bel et bien une période stressante. Essayer d’échapper à cette réalité peut donc faire plus de mal que de bien. C’est le cas si les élèves s’inquiètent du fait même de ressentir du stress. Cela va les conduire à éviter les situations stressantes pour ne pas amplifier ces sensations. Pour réduire leur niveau de stress, ils seront tentés de reporter à plus tard leurs révisions ou leurs devoirs.</p>
<p>Ce genre d’évitement peut en contrepartie générer plus de pression, vu que les causes de stress ne vont pas se dissiper pour autant. Cela va créer de nouveaux problèmes, comme le fait de <a href="https://doi.org/10.1037/0022-006X.73.4.658">se sentir déprimé</a>. Si la stratégie d’évitement semble instinctive, la recherche montre qu’accepter ce stress permettrait en fait à certains étudiants de <a href="https://doi.org/10.1016/j.brat.2010.05.025">se protéger</a> d’émotions négatives comme la peur.</p>
<h2>Changer de point de vue</h2>
<p>Le stress peut être nocif mais il peut aussi rendre les gens plus productifs et concentrés, et favoriser une <a href="https://doi.org/10.1207/s15327965pli1501_01">progression personnelle</a>.</p>
<p>La manière dont vous envisagez le stress est importante aussi. Certaines recherches montrent même que vos croyances à ce sujet pourraient devenir des <a href="https://doi.org/10.1037/a0026743">prophéties autoréalisatrices</a>. Cela signifie que, si vous pensez que les effets du stress sont dangereux, ils peuvent l’être davantage. Inversement, si vous pensez qu’ils sont <a href="https://www0.gsb.columbia.edu/mygsb/faculty/research/pubfiles/6010/II%2043%20Crum%20Lyddy.pdf">utiles</a>, vous obtiendrez des résultats plus positifs selon Alia Crum, professeure de psychologie à Stanford.</p>
<p>Adopter un point de vue positif sur le stress ne peut être que bénéfique.</p>
<h2>Donner un sens au stress</h2>
<p>La recherche montre que le fait de rattacher une <a href="http://dx.doi.org/10.1037/0003-066X.55.6.647">signification</a> aux facteurs de stress de votre vie peut vous aider à mieux les gérer.</p>
<p>Dans son livre <a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/316675/the-upside-of-stress-by-kelly-mcgonigal/9781101982938/"><em>Le bon côté du stress</em></a>, la psychologue Kelly McGonigal soutient qu’une vie qui a du sens est une vie stressante. En d’autres termes, les sources de stress les plus importantes de nos vie recoupent les principales sources de sens. En ce qui concerne les étudiants, il faut bien voir que toutes les obligations auxquelles ils doivent se soumettre – devoirs, tests et projets – sont une étape incontournable dans la réalisation de leurs objectifs, de leurs rêves, et l’accomplissement de leurs passions.</p>
<h2>Solliciter son réseau</h2>
<p>C’est important que les étudiants se tournent vers leur réseau social et les personnes en lesquelles ils ont le plus confiance pour partager ce qu’ils vivent.</p>
<p>La recherche montre que les liens sociaux sont importants pour <a href="https://www.oxfordclinicalpsych.com/view/10.1093/med:psych/9780195126709.001.0001/med-9780195126709">gérer le stress</a> et le <a href="http://dx.doi.org/10.1037/0033-2909.98.2.310">surmonter</a>.</p>
<p>Faire appel à son entourage peut aider à affronter les difficultés et changer la façon dont on évalue les facteurs de stress. En bref, les situations stressantes sembleront moins menaçantes et moins négatives. Il a été <a href="http://dx.doi.org/10.1007/s10865-006-9056-5">démontré</a> que le recours à ses ressources sociales favorise la santé physique et mentale, procure un sentiment de contrôle et aide même à renforcer le système immunitaire.</p>
<h2>Savoir être reconnaissant</h2>
<p>Quand les étudiants sont stressés, le pessimisme se glisse plus facilement dans leur quotidien. Dans ces cas-là, ils peuvent avoir tendance à négliger les choses positives qui leur arrivent. S’ils s’appuient sur les événements justes qui se produisent et savent exprimer avec sincérité leur reconnaissance, malgré le stress qu’ils subissent, ils remarqueront <a href="https://doi.org/10.1016/j.jrp.2007.11.003">des changements intéressants</a>, en particulier une baisse de ce même stress.</p>
<p>La gratitude peut améliorer la <a href="https://doi.org/10.1080/10503307.2016.1169332">santé mentale</a> et le bien-être en général. Allez donc de l’avant et tirez profit de cette émotion positive. Le stress ne disparaîtra pas complètement mais les étudiants seront mieux armés face aux pressions qui subsistent malgré tout.</p>
<hr>
<p><em>Texte traduit de l’anglais par Aurélie Djavadi.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117724/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jennifer Wegmann ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La fin du semestre est bel et bien une période stressante. Essayer d’échapper à cette réalité peut faire plus de mal que de bien. Quelques pistes pour l’affronter et transformer la pression en force.Jennifer Wegmann, Professor of Health and Wellness Studies, Binghamton University, State University of New YorkLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1171072019-05-21T21:01:33Z2019-05-21T21:01:33ZTémoignage : test d’une solution d’IA dans le processus de recrutement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/274328/original/file-20190514-60532-12dhg49.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C0%2C976%2C508&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quelles sont les perceptions de l’utilisation d’une solution d’IA en recrutement&nbsp;? Des étudiants de l’université Paris-Dauphine ont cherché la réponse…</span> <span class="attribution"><span class="source">VGstockstudio / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>Cet article a été rédigé sur la base d’une mission de conseil junior réalisée par une équipe d’étudiants de l’Université Paris-Dauphine (Anne-Sophie Allanic, Camille Sauvage, Fernanda Wanderley, et Lisa Vivoni), encadrée par Delphine Demay (Chargée de projet Développement RH chez Vinci Energies), Véronique Matignon Ménard (DRH de la Division International & Systems chez Vinci Energies), et Serge Perrot (Professeur de Management, Université Paris-Dauphine).</em></p>
<hr>
<p>Le projet faisant l’objet de cet article part d’une rencontre entre une directrice des ressources humaines et un professeur des Universités. Enseigner le management à l’université nécessite en effet non seulement de transmettre des connaissances liées à la recherche (cadres d’analyses, concepts, théories, etc.), mais également de permettre à l’étudiant de les mettre en œuvre en situations concrètes par le design d’une expérience d’apprentissage. Dans cet esprit, une mission de conseil junior a été confiée par Vinci Energies à une équipe d’étudiants de l’Université Paris-Dauphine. L’objectif de cette expérience, coconstruite entre l’université et l’entreprise, était de répondre à la question suivante : quelles sont les perceptions (candidats et recruteurs) de l’utilisation d’une solution d’intelligence artificielle (IA) en recrutement ?</p>
<h2>Gain de temps</h2>
<p>Les champs d’application de l’IA en recrutement sont nombreux, avec par exemple la rédaction d’offres, le sourcing, le matching, l’évaluation ou encore les chatbots. Pour cette expérimentation, la solution d’IA proposée aux candidats (sans l’imposer) était une forme de sourcing inversé puisqu’elle consiste à communiquer des offres de stages adaptées aux profils des candidats, ici des jeunes ingénieurs, pour faciliter leur choix de stage. Il ne s’agissait donc pas de faciliter le travail de l’entreprise, mais de créer de la valeur en termes d’expérience candidat. L’équipe d’étudiants est donc allée sur le terrain interroger les candidats et les recruteurs, par entretiens et questionnaires, dont nous reprenons ici les principaux résultats.</p>
<p>Pour les candidats, l’utilisation de l’outil mis à disposition répond principalement à une logique de gain de temps (33 %). La curiosité (25 %) et la croyance en une certaine pertinence (25 %) ont également conduit à l’utilisation de l’outil. C’est également le gain de temps (47 %) qui a séduit les recruteurs. Ils voient ainsi un moyen d’augmenter le volume des candidatures traitées (20 %), en particulier lorsqu’un nombre important de candidatures et/ou d’offres doivent être gérées.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1093418187889278976"}"></div></p>
<p>Pour autant, notamment dans un contexte de pénurie de compétences, cette promesse d’une productivité accrue ne doit pas occulter une approche plus qualitative du recrutement. Si le nombre de candidatures traitées est certes un indicateur, le taux d’acceptation des offres ou de recrutement effectif des candidats reste central pour estimer la pertinence d’une solution.</p>
<p>Nous avons interrogé candidats et recruteurs sur leur perception de la pertinence de la solution d’IA testée. Les candidats considèrent globalement les offres proposées pertinentes (80 %), et 68 % d’entre eux ont postulé à l’une des cinq premières offres proposées. Selon que l’on regarde la partie pleine ou vide du verre, on peut donc aussi noter que 20 % des candidats n’ont postulé à aucune des offres proposées. Si la grande majorité des utilisateurs candidats jugent utile la solution d’IA (83 %), ils sont en revanche 62,5 % à considérer qu’elle n’ouvre pas de nouveaux horizons.</p>
<p>La perception des candidats est donc positive, mais certains nous ont fait part de réticences liées à la crainte des biais, et plus généralement une certaine méfiance. Les recruteurs partagent une vision positive de l’outil : s’ils considèrent tous que le matching offres/candidats a été pertinent, 73 % d’entre eux ont souvent ou très souvent orienté un candidat vers une autre offre paraissant plus adaptée au profil.</p>
<h2>Biais potentiels</h2>
<p>Afin d’approfondir cette notion de pertinence du matching, les entretiens ont révélé une première typologie de candidats : ceux n’ayant pas d’attente précise quant à la recherche de stage, ceux souhaitant un changement par rapport à leur parcours antérieur, et ceux ayant un projet précis. L’utilité de la solution d’IA n’est pas la même selon les types de candidats : si la proposition d’offres par l’IA semble particulièrement adaptée aux candidats n’ayant pas d’attentes prédéfinies, l’utilité est évidemment moindre pour ceux qui ont un projet précis. Par ailleurs, comment l’IA peut-elle tenir compte des souhaits de changements par rapport à un cursus antérieur ? Cela supposerait une capacité des outils pour appréhender les aspects affectifs/émotionnels des candidats liés à leurs souhaits d’orientation professionnelle, ou leur capacité à déceler les appétences dans un CV. À notre connaissance, ce n’est pas le cas.</p>
<p>Cette expérimentation, tout en soulignant son intérêt et la perception globalement très positive qu’elle a générés, nous invite à nous interroger sur les limites de ce type de solutions. Il reste en premier lieu une forme d’appréhension, voire de méfiance, des candidats à l’égard de l’IA : 33 % d’entre eux considèrent nécessaire l’intervention de l’évaluation humaine dans le processus de recrutement. Le remplacement de l’humain par l’IA constitue donc une crainte des candidats, et c’est au contraire une volonté de complémentarité maîtrisée qui se révèle.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/274327/original/file-20190514-60549-1qfp9if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/274327/original/file-20190514-60549-1qfp9if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/274327/original/file-20190514-60549-1qfp9if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/274327/original/file-20190514-60549-1qfp9if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/274327/original/file-20190514-60549-1qfp9if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/274327/original/file-20190514-60549-1qfp9if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/274327/original/file-20190514-60549-1qfp9if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’IA n’est pas d’une grande aide pour les personnes qui envisagent de changer de voie…</span>
<span class="attribution"><span class="source">PKpix/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au-delà des appréhensions, la typologie observée des candidats (notamment ceux qui souhaitent infléchir leur parcours) interroge par exemple sur la capacité de ces outils à sortir d’un chemin tracé par les expériences antérieures d’autrui. Plus généralement, la boîte noire des algorithmes ne peut occulter l’existence de biais potentiels, et la difficulté à saisir une aspiration professionnelle authentique.</p>
<p>Comme l’avait déjà montré dans d’autres contextes les <a href="https://www.tavinstitute.org">recherches</a> liées à l’école sociotechnique, il n’y a pas de déterminisme technique pur : pour éviter la déshumanisation du recrutement, cette expérience nous invite à la recherche d’une complémentarité maîtrisée entre les hommes et l’IA dans le processus de recrutement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117107/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Perrot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une expérience menée par des étudiants de Paris-Dauphine montre que l’intervention humaine reste indispensable malgré les intérêts de cette technologie.Serge Perrot, Professeur de Management, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1164502019-05-08T19:29:28Z2019-05-08T19:29:28ZL’engagement, la nouvelle filière d’excellence ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/272214/original/file-20190502-103078-cmig23.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C13%2C1276%2C837&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La promotion de l'Institut de l'engagement.</span> <span class="attribution"><span class="source">Institut du Management</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em><strong>On s’interroge aujourd’hui sur les processus de sélection des élites qui semblent restreindre le vivier à des catégories coupées du pays profond. L’expérience de l’Institut de l’Engagement montre qu’avec de l’imagination et de l’énergie, on peut créer une méritocratie républicaine mieux connectée aux réalités du terrain.</strong></em></p>
<hr>
<p>En 2010, Claire de Mazancourt, ingénieure du corps des Ponts voulant sortir de la voie qui lui était tracée, rencontre Martin Hirsch qui vient de créer le <a href="https://www.service-civique.gouv.fr/">service civique</a>. Ce dernier est convaincu qu’il faut lancer en complément une initiative d’envergure pour booster des jeunes de talent bloqués par des problèmes de diplômes ou de réseaux : décrocheurs scolaires, jeunes mal orientés dont le diplôme n’ouvre aucune porte ou qui ont abandonné, résidents en ZEP, etc. Pourquoi ne pas créer une nouvelle grande école pour eux ?</p>
<h2>Une nouvelle passerelle</h2>
<p>Enthousiasmée par cette idée, elle multiplie les contacts et se rend vite compte que la création d’une grande école serait une fausse piste.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272213/original/file-20190502-103068-newnct.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272213/original/file-20190502-103068-newnct.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=876&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272213/original/file-20190502-103068-newnct.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=876&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272213/original/file-20190502-103068-newnct.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=876&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272213/original/file-20190502-103068-newnct.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1101&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272213/original/file-20190502-103068-newnct.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1101&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272213/original/file-20190502-103068-newnct.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1101&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<blockquote>
<p>« Des DRH me disent qu’ils cherchent à diversifier leur recrutement, tout en évitant de prendre trop de risques : ils craignent que nous le créions « le diplôme de ceux qui n’ont pas pu en obtenir. » Ce n’est pas très vendeur ! Par ailleurs, créer une école délivrant des diplômes reconnus par l’État et ouvrant des équivalences aurait demandé beaucoup de temps et de discussions avec l’administration et les universités. C’est pourquoi nous y renonçons. En revanche, mes contacts avec les écoles donnent une piste : toutes veulent diversifier leurs effectifs, mais leurs tentatives d’admission sur titres aboutissent plus ou moins au recrutement des mêmes catégories socioprofessionnelles. L’idée nous vient alors de créer un institut dont la procédure d’admission vaudrait admissibilité pour elles, les candidats retenus par l’institut passant directement l’oral d’institutions partenaires et non l’écrit, très formaté ».</p>
</blockquote>
<p>Elle crée donc, sur ces bases, en complément du Service civique, l’Institut de l’engagement en 2012. Ses premiers partenaires sont Sciences Po Lille, L’EM Lyon, l’Université de Cergy-Pontoise, L’Institut régional du travail social Neuilly-Montrouge, l’INSA Toulouse. Les candidats présentés par l’Institut réussissent plutôt bien à l’oral, puis suivent le cursus de l’institution partenaire, avec succès dans plus de 90 % des cas. Les partenariats se multiplient alors ; l’Institut en compte aujourd’hui 150, dans tous les types de campus.</p>
<p>En 2012, l’organisation recrutait 150 lauréats dont la moitié voulait reprendre une formation, ils sont aujourd’hui 700 et 70 % reprennent les études, les autres étant accompagnés pour trouver un emploi ou créer leur activité.</p>
<h2>Accompagnement en nature</h2>
<p>L’Institut pensait établir avec les entreprises des partenariats dans lesquels le titre de lauréat jouerait un rôle de passeport, mais les processus de recrutement sont longs, avec nombre d’interlocuteurs, dont certains, mal informés, écartent les dossiers issus de l’Institut, pensant à une erreur de casting. De leur côté, les lauréats, souvent baignés dans un environnement défiant envers l’entreprise, ne sont pas toujours enthousiastes à l’idée d’intégrer ce type d’organisation.</p>
<p>C’est finalement une autre forme de partenariat qui s’est établie. Les entreprises s’engagent, non pas à recruter, mais à ouvrir leurs portes, à faciliter les rencontres avec des professionnels ou à préparer les lauréats à des entretiens d’embauche. Ceux qui veulent créer leur activité peuvent être aidés pour finaliser leur projet, accéder aux personnes et aux réseaux qui leur seront utiles.</p>
<h2>L’école des singularités</h2>
<p>Prendre en compte la singularité de chaque candidat étant l’essence même de l’Institut, la procédure d’admission doit le permettre. Chacun est examiné par plusieurs personnes de profils différents. Le jeune doit remplir un dossier en ligne présentant son action pendant son service civique ou dans une expérience de volontariat consistante et durable, les difficultés rencontrées et ce dont il est fier. Il doit présenter un projet et ses atouts pour le mener à bien. Son tuteur du service civique, ou son référent associatif, doit consigner son avis sur le candidat, qui doit aussi choisir un témoin qui le présente et commente son projet.</p>
<p>Ce dossier est lu par trois bénévoles de milieux divers (entreprises, monde académique, collectivités, etc.). Ils doivent évaluer l’implication du postulant dans la constitution du dossier, la solidité du projet et l’impression d’ensemble, et si possible donner des conseils. Ce premier jury décide s’il convient ou non de convoquer le candidat à l’oral. L’oral dure trois quarts d’heure, le jury étant composé de trois personnes, à nouveau issues de milieux divers. Elles ont pour consigne de faire en sorte que chaque candidat tire quelque chose de son oral même s’il n’est pas retenu. Pour prononcer l’admission, l’Institut s’appuie sur les avis des jurys d’admissibilité et d’admission, du tuteur et du témoin, ce qui tranche avec la sécheresse des classements des concours classiques. Ceux qui ne sont pas retenus peuvent s’adresser à l’Institut pour recevoir des conseils sur leur projet.</p>
<p>En 2018, pour recruter 700 lauréats, l’Institut a reçu 3 000 dossiers et rencontré 2 000 candidats pour l’oral. Il mobilise 2 000 bénévoles par an pour participer aux 270 oraux organisés dans 20 villes, puis pour parrainer les lauréats pendant leur année à l’institut.</p>
<h2>Corriger le destin</h2>
<p>Ce qui frappe, c’est l’énergie qui émane de tous les acteurs. Des lauréats, notamment, qui ne veulent pas rater l’occasion de corriger leur destin. Alors que la majorité suit des cursus d’établissements partenaires, l’Institut a réussi à créer un esprit de promotion. C’était une gageure avec des jeunes de 16 à 30 ans, allant du décrocheur scolaire au très diplômé, venant de banlieues difficiles, de zones rurales ou de villes prospères, valides ou handicapés, immigrés de première génération, etc. Des rituels appropriés sont mis en place : création d’un groupe Facebook très actif, organisation de trois Universités de l’Engagement par an, cycle de conférences invitant des personnalités connues, frappées par le dynamisme de l’auditoire et la pertinence de ses questions.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272212/original/file-20190502-103053-19gepjn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272212/original/file-20190502-103053-19gepjn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272212/original/file-20190502-103053-19gepjn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272212/original/file-20190502-103053-19gepjn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272212/original/file-20190502-103053-19gepjn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272212/original/file-20190502-103053-19gepjn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272212/original/file-20190502-103053-19gepjn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une lauréate pose une question en conférence.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Des cadres d’entreprises, à l’agenda pourtant chargé, donnent de leur temps pour aider les jeunes. On retrouve le phénomène signalé dans notre article sur l’<a href="https://theconversation.com/quand-des-cadres-reparent-lascenseur-social-108898">association NQT</a>. S’occuper de jeunes donne aux cadres l’occasion de trouver du sens et une humanité de relation qui viennent à manquer avec la multiplication des reportings et des négociations avec clients, fournisseurs et collègues.</p>
<h2>Vers une nouvelle méritocratie républicaine ?</h2>
<p>Cet enthousiasme partagé booste l’Institut et, au fil des ans, des lauréats connaissent des réussites remarquables ou occupent des positions leur permettant de valoriser l’estampille de l’Institut. C’est par ce cercle vertueux que l’Institut de l’Engagement pourra répondre aux vœux de ses fondateurs : créer une nouvelle méritocratie républicaine.</p>
<p>On s’interroge sur la façon d’élargir les origines des élites et de mieux les connecter avec les préoccupations de toutes les parties du pays. L’aventure lancée par Claire de Mazancourt et Martin Hirsch montre que les élites peuvent contribuer à réinventer la société, si elles ne se cantonnent pas aux voies royales que sont la Haute Administration, la grande entreprise et, depuis peu, la start-up.</p>
<p>L’engagement est peut-être la vertu cardinale de toute réussite. L’Institut de l’Engagement montre que la capacité d’engagement et le potentiel peuvent être repérés et développés au-delà des filières traditionnelles d’excellence.</p>
<hr>
<p><em>Pour en savoir plus, voir : <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1333-l-institut-de-l-engagement-inventer-une-nouvelle-meritocratie-republicaine">L’Institut de l’Engagement : inventer une nouvelle méritocratie républicaine</a>.</em></p>
<p><em>Ce texte a été rédigé avec la complicité de Christophe Deshayes</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116450/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p>La sélection des élites semble restreinte à des catégories coupées du pays profond. L'Institut de l'Engagement montre qu'on peut créer une méritocratie républicaine mieux connectée au terrain.Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1154112019-04-17T20:16:46Z2019-04-17T20:16:46ZL’industrie sociale et solidaire : mais si, c’est possible !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/269053/original/file-20190412-76827-6540oy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C67%2C6431%2C4220&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vitamine T est aujourd'hui la plus grosse entreprise d'insertion de France.</span> <span class="attribution"><span class="source">Anouk Desury / Vitamine T </span></span></figcaption></figure><p><em><strong>Les projets d’insertion de personnes en difficulté sont bien perçus sur le plan moral, mais moins sur le plan économique. On les assigne à la sphère sociale, c’est-à-dire à la réparation des dégâts de l’économie, rarement à la sphère économique et à la réussite entrepreneuriale et industrielle. Pourtant, des exemples comme celui de Vitamine T montrent un professionnalisme et une ingéniosité qui devraient changer le regard porté sur ces aventures humaines et économiques.</strong></em></p>
<hr>
<p>André Dupon, après avoir vécu heureux chez les Orphelins et apprentis d’Auteuil, a voulu rendre à la société ce qu’elle lui avait donné. Travailleur social auprès du juge pour enfants du tribunal de Lille, il ne peut rester inactif face à la croissance vertigineuse du chômage à la fin des années 1970. En 1978, il crée Vitamine T, qui a pour but de réinsérer les chômeurs dans la vie active.</p>
<h2>De la compassion à la professionnalisation</h2>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/269052/original/file-20190412-76856-umrfi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/269052/original/file-20190412-76856-umrfi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/269052/original/file-20190412-76856-umrfi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/269052/original/file-20190412-76856-umrfi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/269052/original/file-20190412-76856-umrfi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/269052/original/file-20190412-76856-umrfi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/269052/original/file-20190412-76856-umrfi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Andre Dupon / Anouk Desury - Vitamine T.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’aventure commence dans l’euphorie. Des entreprises du Nord lui font confiance, des retraités de la Banque de France déploient des collecteurs de monnaie dans les aéroports pour financer des formations, etc. Dans cette ambiance, André Dupon innove tous azimuts, mais rencontre nombre d’échecs, et se rend vite compte que la bonne volonté ne suffit pas. Travailleur social rodé aux hommes et non aux chiffres, il décide de se former sérieusement.</p>
<p>Il apprivoise les méthodes de management et dégage une vision : il faut explorer des niches économiques originales et porteuses pour s’affranchir des financements publics et construire un modèle durable et professionnel. Par ailleurs, les personnes à accompagner étant uniques, il faut leur offrir une palette d’activités la plus large possible. Ainsi voient le jour des entreprises de propreté, d’entretien d’espaces verts, de BTP, de services, et le groupe doit grandir rapidement pour augmenter son impact. Comme dans l’économie traditionnelle, des opportunités jaillissent et, en 2008, il saisit une occasion unique qui change tout.</p>
<h2>Un pari fou qui fait changer d’échelle</h2>
<p>En 2008, une usine Thomson de la banlieue lilloise doit fermer. Il reste 130 salariés sur les 8 000 de son apogée. Certains se rendent toujours à l’usine, n’ayant pas annoncé leur licenciement à leurs familles. André Dupon, alerté par les autorités locales, a une idée folle : transformer l’usine en start-up de traitement des déchets électroniques. Il propose au tribunal de commerce de Nanterre de racheter l’ensemble pour 1 euro symbolique et de reprendre les 130 salariés. Trois projets concurrents proposent tous, classiquement, de démonter la friche.</p>
<blockquote>
<p>« J’avais pris des contacts avec de grands groupes et avais obtenu du ministère du Travail que les anciens salariés perçoivent leur allocation chômage quelques mois supplémentaires, le temps que nous trouvions un modèle économique viable pour les embaucher en CDI. Contre toute attente, le tribunal de commerce a retenu notre dossier. Inutile de dire que j’ai passé une nuit difficile car nous faisions un pari insensé. Les employés me prenaient d’ailleurs pour un patron exotique : ils avaient construit des appareils électroménagers pendant des décennies, voilà qu’ils devaient les détruire ! L’expérience a réussi au-delà de nos espérances. »</p>
</blockquote>
<p>L’entreprise créée en 2008 traitait 4 000 tonnes de déchets électroniques par an ; aujourd’hui, elle en traite 100 000 pour un chiffre d’affaires de 18 millions et un bénéfice de 2,3 millions d’euros. Elle a provoqué une croissance fulgurante du groupe, passé de 600 à 4 000 salariés, avec aujourd’hui 18 filiales spécialisées et un chiffre d’affaires global de 80 millions d’euros.</p>
<p>Les deux tiers des salariés sont en parcours d’insertion, 62 % trouvent un emploi stable à l’extérieur ou décident de suivre une formation, les autres pouvant rester chez Vitamine T. Rejointe par 1 000 personnes par an, c’est la plus grosse entreprise d’insertion de France. Les financements publics se limitent à 13 % et rémunèrent des éducateurs et des conseillers qui aident les personnes en insertion.</p>
<h2>Une innovation sociale permanente</h2>
<p>Ce succès tient aussi à l’innovation sociale. Vitamine T est sans cesse en quête de méthodes pour aider les exclus à reprendre en main leur destin. Ainsi, le programme 1 000 emplois, 1 000 destins, remporté auprès du ministère du Travail et financé à 50 % par Vitamine T, va-t-il disséminer des équipes de coaches dans les zones difficiles, jusqu’au pied des cages d’escalier ou dans les bars à chicha, pour proposer aux jeunes de tester un emploi : le schéma traditionnel – formation, contrat aidé, accès à un emploi durable – ne fonctionne plus auprès d’individus ballottés de difficulté en difficulté.</p>
<p>L’histoire aurait pu se résumer à une remarquable aventure entrepreneuriale issue du monde de l’économie sociale et solidaire (ESS), mais elle va bien au-delà.</p>
<h2>Un modèle capitalistique original</h2>
<p>Car André Dupon poursuit un but, ranimer l’étincelle chez ceux qui se pensent exclus à jamais du travail et de la société, et il ne veut pas que les préoccupations financières l’en détournent.</p>
<p>Tout d’abord, puisqu’il vise une activité industrielle, il lui faut trouver des capitaux, problème sur lequel butent les associations et les coopératives. Des entreprises privées sont associées comme actionnaires dans huit filiales, en renonçant à percevoir des dividendes et à sortir du capital. Au début, elles l’ont fait pour des raisons compassionnelles ou pour afficher une politique RSE. Maintenant, elles y trouvent également leur intérêt parce qu’elles cherchent à recruter et que Vitamine T les y aide, ou encore parce qu’elles doutent de pouvoir prospérer dans un environnement qui se délite. En tout cas, les offres de partenariat se multiplient. De même, les diplômés postulent toujours plus nombreux. Les banques coopératives, ainsi que France Active, acteur de l’épargne solidaire, appuient la démarche.</p>
<h2>Une gouvernance pour tenir fermement le cap social</h2>
<p>Combiner performance économique et insertion sociale ne va pas de soi : il faut parfois prendre des décisions économiques au détriment du social. Ainsi, le marché de deux entreprises du groupe s’est effondré et il a fallu licencier des collaborateurs permanents. Pour André Dupon, il faut avancer sur une ligne de crête sans compromission, et c’est le dispositif de gouvernance qui le permet.</p>
<p>Le groupe est détenu par une association de loi 1901, garante de sa vision et de sa stratégie. Elle est présidée par un des fondateurs, Pierre de Saintignon. Son conseil d’administration est composé pour moitié de patrons du Nord imprégnés d’un modèle social, ainsi que du recteur de l’université catholique de Lille, d’un sociologue, de deux philosophes et de trois dirigeants d’associations de travail social. Elle possède une société par actions simplifiée unipersonnelle (<a href="https://www.economie.gouv.fr/entreprises/societe-par-actions-simplifiee-unipersonnelle-sasu">SASU</a>) qui fait fonction de holding gérant les 18 filiales. André Dupon en est le président exécutif depuis près de 15 ans sans être propriétaire d’une seule action. Dans ce rôle, il est soumis à un conseil de surveillance nommé par le conseil d’administration de l’association. Enfin, un comité d’éthique accueille des universitaires et des patrons d’industrie.</p>
<p>Un entrepreneur classique n’aurait pas crée un tel dispositif, mais, pour André Dupon, cela l’aide à garder le cap social et lui permet d’éviter que ses successeurs ne soient tentés, ou contraints, de se détourner de ce cap. Par précaution, il a mis en chantier la création d’une fondation sur le modèle suédois des fondations actionnaires, qui sanctuarise les capitaux de manière irrévocable et incessible. Elle remplacerait l’association loi de 1901 qui détient aujourd’hui le groupe.</p>
<p>Vitamine T montre qu’un groupe non centré sur le profit peut connaître un taux de croissance vertigineux tout en gardant son ADN, même dans des activités à forte intensité capitalistique. Mais c’est à condition d’être ferme sur le professionnalisme et clair sur l’impact sociétal souhaité, de le faire partager à toutes les parties prenantes et de trouver la combinaison de véhicules institutionnels la plus adaptée.</p>
<hr>
<p><em>Pour plus d’informations voir <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1330-vitamine-t-les-secrets-d-une-insertion-a-grande-echelle">« Vitamine T : les secrets d’une insertion à grande échelle »</a>.</em></p>
<p><em>La rédaction de ce texte a bénéficié de la complicité de Christophe Deshayes.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115411/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est le fondateur et l'animateur du Jardin des entreprenants.</span></em></p>Vitamine T montre qu’insertion des exclus peut rimer avec professionnalisme et rigueur si l’on sait faire partager ses projets aux parties prenantes et trouver les véhicules institutionnels adaptés.Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1143432019-04-02T22:53:29Z2019-04-02T22:53:29ZMobilités internationales : ce qui incite les étudiants à choisir la France<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/266410/original/file-20190328-139374-1y6jzsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C16%2C955%2C637&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Contrairement aux idées reçues, ce sont les jeunes européens et nord-américains qui sont attirés par le faible coût des études en France.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Avec la présentation à l’automne 2018 par le gouvernement de la nouvelle « stratégie d’attractivité pour les étudiants internationaux », la question de <a href="http://icmigrations.fr/de-facto/tous-les-dossiers/defacto-005/">la mobilité des jeunes</a> et de leur accueil dans l’enseignement supérieur s’est invitée au cœur du débat public. L’une des mesures phares de ce Plan <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid136251/-bienvenue-en-france-la-strategie-d-attractivite-pour-les-etudiants-internationaux.html">« Bienvenue en France »</a>, la hausse des frais d’inscription pour les étudiants venus d’ailleurs, est l’objet de vagues de <a href="https://universiteouverte.org">contestations</a> régulières depuis plus de trois mois.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/debat-bienvenue-en-france-aux-etudiants-etrangers-vraiment-107291">Débat : « Bienvenue en France » aux étudiants étrangers, vraiment ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Argument mis en avant par le gouvernement : une augmentation du coût des études revaloriserait l’image d’excellence des établissements français dans un contexte de plus en plus concurrentiel. En 2018, en effet, si l’Hexagone reste en <a href="https://www.campusfrance.org">quatrième position</a> des principaux pays d’accueil d’étudiants, après les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie, des destinations comme l’Allemagne, le Canada, la Russie et la Chine ou les Pays-Bas gagnent du terrain.</p>
<p>La solution choisie par ce plan s’appuie-t-elle sur un diagnostic pertinent ? <a href="http://www.temperproject.eu/students-and-academics/.">Une enquête en ligne</a> conduite auprès d’étudiants internationaux inscrits en master ou en doctorat en France, en Espagne et au Royaume-Uni (Academic International Migration Survey – AIMS) permet d’y voir plus clair sur les motivations des étudiants.</p>
<h2>Une réputation déjà solide</h2>
<p>Diffusée par <a href="https://www.campusfrance.org">Campus France</a> dans différents établissements d’enseignement supérieur, cette étude a également été lancée spécifiquement à l’Université de Strasbourg, l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne et l’Université de Perpignan, dans des centres de recherche (IRD, CNRS et INED) et dans certaines unités mixtes (CEPED, INALCO et URMIS). 1 173 étudiants internationaux y ont répondu, dont 52 % de femmes, 643 inscrits en master et 530 en doctorat, avec une vraie diversité géographique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/266628/original/file-20190330-71016-1ljgmvp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/266628/original/file-20190330-71016-1ljgmvp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/266628/original/file-20190330-71016-1ljgmvp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/266628/original/file-20190330-71016-1ljgmvp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/266628/original/file-20190330-71016-1ljgmvp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/266628/original/file-20190330-71016-1ljgmvp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/266628/original/file-20190330-71016-1ljgmvp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Régions de naissance des étudiants internationaux de master et de doctorat en France (Enquête AIMS).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Note : La taille de la flèche reflète le nombre d’étudiants de chaque région d’origine</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Parmi tout un ensemble de propositions, les personnes interrogées devaient indiquer les motifs les ayant conduits à venir étudier en France, et leur importance. Deux raisons principales à ces mobilités étudiantes en sont ressorties :</p>
<ul>
<li><p>la valeur du diplôme français sur le marché du travail</p></li>
<li><p>la réputation des établissements d’enseignement supérieur de l’Hexagone.</p></li>
</ul>
<p>Les étudiants de master et de doctorat disent ainsi miser sur la valeur du diplôme français pour accéder à une carrière internationale, en France ou dans leur pays d’origine. Contrairement au postulat du plan « Bienvenue en France », il n’est donc pas nécessaire d’augmenter les frais de scolarité pour que la qualité des établissements français soit reconnue à l’international. Parmi les autres raisons jugées importantes, figurent également les possibilités de financement et la connaissance du français.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/hausse-des-frais-dinscription-en-fac-une-tendance-contre-productive-111545">Hausse des frais d’inscription en fac : une tendance contre-productive ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/266541/original/file-20190329-70986-8kgaho.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/266541/original/file-20190329-70986-8kgaho.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/266541/original/file-20190329-70986-8kgaho.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/266541/original/file-20190329-70986-8kgaho.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/266541/original/file-20190329-70986-8kgaho.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/266541/original/file-20190329-70986-8kgaho.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/266541/original/file-20190329-70986-8kgaho.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Figure 1 : Motifs de la poursuite des études en France. Note : « PN », pays de naissance ; « PE », pays d’étude. (Étudiants internationaux, master et doctorat, enquête AIMS.)</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>D’un continent à l’autre</h2>
<p>Les principaux motifs de la poursuite d’études en France déclarés par les étudiants africains sont sensiblement les mêmes que ceux de l’ensemble des étudiants internationaux interrogés : la valeur du diplôme français pour accéder au marché du travail à l’international, dans le pays de naissance ou en France, ainsi que la réputation des établissements d’enseignement supérieur.</p>
<p>Viennent ensuite la connaissance du français et les possibilités de financement. Il en est de même pour les étudiants originaires d’Amérique latine. Les étudiants asiatiques, quant à eux, accordent plus d’importance aux possibilités de financement.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/266545/original/file-20190329-70982-q4r96s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/266545/original/file-20190329-70982-q4r96s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/266545/original/file-20190329-70982-q4r96s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/266545/original/file-20190329-70982-q4r96s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/266545/original/file-20190329-70982-q4r96s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/266545/original/file-20190329-70982-q4r96s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/266545/original/file-20190329-70982-q4r96s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Figure 2 : Motifs de la poursuite des études en France. Note : « PN », pays de naissance ; « PE », pays d’étude. (Étudiants africains, master et doctorat, enquête AIMS.)</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Parmi les étudiants internationaux, et en contradiction avec les idées reçues véhiculées dans le discours ambiants, ce sont les étudiants nord-américains et les étudiants de master européens qui mentionnent le faible coût des études parmi les six principales raisons les ayant conduits à poursuivre leurs études en France.</p>
<p>De même que plusieurs autres recherches, notre enquête montre la multiplicité des facteurs en jeu dans les mobilités étudiantes. Au-delà de la réputation des établissements et de la valeur des diplômes, l’écart de niveau de développement économique entre pays d’origine et de destination, ainsi que la proximité géographique, culturelle et linguistique et les liens historiques sont également importants.</p>
<p>Étudier à l’étranger a un coût qui ne peut uniquement se résumer aux frais d’inscription. À ceci s’ajoutent le coût de la vie dans le pays de destination et surtout les difficultés liées à l’obtention du visa ou au renouvellement du titre de séjour, l’effort à faire pour s’intégrer, la difficulté d’apprendre une nouvelle langue, les perspectives d’emploi, etc.</p>
<p>La politique d’attractivité présentée dans le Plan <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid136251/-bienvenue-en-france-la-strategie-d-attractivite-pour-les-etudiants-internationaux.html">« Bienvenue en France »</a> ne s’adresse qu’à une population spécifique, celle des classes moyennes supérieures. Elle fait fi des nombreux facteurs qui influent sur les mobilités étudiantes et de l’enrichissement culturel et scientifique que peut apporter une diversité sociale des profils.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/114343/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Est-il vraiment nécessaire d’augmenter les frais d’inscription dans l’enseignement supérieur pour faire reconnaître son excellence, comme le préconise le plan « Bienvenue en France » ?Lama Kabbanji, Chercheuse (CEPED), Institut de recherche pour le développement (IRD)Antonina Levatino, Postdoctoral researcher, Universitat Autònoma de BarcelonaSorana Toma, Enseignant-chercheur, ENSAE ParisTechLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1079162018-12-06T23:50:03Z2018-12-06T23:50:03ZUniversités, écoles de commerce et d’ingénieurs : trois approches radicalement différentes de la professionnalisation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/247987/original/file-20181129-170229-9nsfy1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=100%2C38%2C4894%2C3404&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il existe trois archétypes de professionnalisation très différents : « intégrée » en école de commerce, « scindée » en école d'ingénieurs, et « latente » à l'université. </span> <span class="attribution"><span class="source">Michaeljung</span></span></figcaption></figure><p><em>Cette contribution est tirée de l’article de recherche intitulé <a href="https://jd.apec.fr/cms/render/live/fr/sites/jd/Emploi-stage/Observatoire-de-l-emploi/Les-etudes-Apec-par-thematique/Insertion-professionnelle/Comment-lenseignement-superieur--fabrique--des-cadres">« La Fabrique des cadres : étude comparée d’une école de commerce, d’une école d’ingénieurs et d’une université »</a>, publié en juillet 2018 et cosigné par Hédia Zannad (Neoma Business School), Francis Guérin (INSA Rouen Normandie) et Jean‑Louis Le Goff (Université de Rouen-Normandie), en partenariat avec l’APEC.</em></p>
<hr>
<p>Une enquête menée par trois chercheurs a investigué la manière dont trois établissements d’enseignement supérieur à vocation professionnelle (l’école de commerce Neoma BS, l’école d’ingénieurs INSA et le cursus de sociologie de l’université de Rouen), « fabriquent » des cadres, c’est-à-dire préparent un public étudiant sans expérience aux réalités économiques et, plus spécifiquement, au rôle et à la posture de cadre que leurs diplômé·e·s pourraient occuper après leurs études ou dans leur parcours professionnel.</p>
<p>Elle met en évidence des différences notoires dans la professionnalisation développée dans les institutions étudiées. Elle révèle que, dans l’école de commerce, l’école d’ingénieurs et l’université étudiées, il existe trois archétypes de professionnalisation très différents en nature, en portée et en intention : respectivement « intégrée », « scindée » et « latente ». En lien avec ces types d’approches, l’enquête souligne aussi chez les étudiants trois rapports fort différenciés à eux-mêmes, au temps et à l’espace. En effet, leur degré d’autodétermination, de « disponibilité » et de perméabilité au monde extérieur varie fortement d’une institution à l’autre, renvoyant à trois injonctions implicites : « deviens qui tu es » pour l’école de commerce, « deviens ce que tu veux » pour l’école d’ingénieurs et, enfin, « deviens qui tu peux » pour l’université.</p>
<h2>En école de commerce, la formation à un métier devient secondaire</h2>
<p>Plus précisément, en école de commerce, la professionnalisation est « intégrée » dans la mesure où l’école intervient, en son nom, sur la totalité de la personne – dans ses dimensions scolaire, affective et sociale comme dans l’intégralité de sa carrière – par le biais d’une cotisation à vie à Neoma Alumni, l’association dans anciens élèves, dans le cas de l’étude. Ce ne sont donc pas tant des contenus pédagogiques qui sont enseignés ici qu’une tournure d’esprit business, un langage approprié à l’entreprise. L’investissement associatif prodigue du savoir-être : capacité à se connaître, à appréhender l’environnement et à s’adapter, à s’exprimer, à gérer et structurer son temps et ses activités, à déterminer ses priorités, à respecter ses engagements, à entreprendre, à initier un projet et le mener à terme.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/247980/original/file-20181129-170235-19ilmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/247980/original/file-20181129-170235-19ilmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/247980/original/file-20181129-170235-19ilmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/247980/original/file-20181129-170235-19ilmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/247980/original/file-20181129-170235-19ilmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/247980/original/file-20181129-170235-19ilmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/247980/original/file-20181129-170235-19ilmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les étudiants des écoles de commerce se forgent une posture managériale plus qu’ils n’acquièrent des compétences techniques.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il s’agit moins, pour les étudiants d’école de commerce, de se former à un métier que de trouver des « positions » et des « ressources » : diplôme et connaissances dans des disciplines et des domaines combinables de façon variée, mais aussi ouverture sur des réseaux relationnels ou d’entreprises, offrant le maximum de possibilités de saisir des opportunités. Ce faisant, l’école de commerce investit moins dans la professionnalisation managériale que dans la production de ce qu’on pourrait appeler une personnalité organisationnelle, définie par son appartenance à une organisation qui lui accorde sa place et sa position relative.</p>
<p>Pour autant, la « managérialisation » de la personnalité des étudiants ne se fait pas de façon hégémonique et l’emprise de l’école de commerce sur les étudiants ne signifie ni qu’un avenir de manager fasse consensus, ni que la socialisation anticipatrice opère de façon mécanique et totale. On observe ainsi trois profils types :</p>
<ul>
<li><p>Les managers en herbe, pour qui les propositions de l’école – cours théoriques, témoignages de professionnels, stages, vie associative – font « système » et s’articulent harmonieusement en vue d’une réussite professionnelle, tant objective que subjective. Dès le début de leur formation, ils agissent en « professionnels » et se dirigent rapidement vers ce à quoi ils sont destinés (et qu’ils sont même un peu déjà, du fait de leurs origines sociales) : ils prennent des responsabilités associatives, gèrent de gros budgets, jonglent avec un emploi du temps chargé ;</p></li>
<li><p>Les coéquipiers, pour qui l’apprentissage principal se fait « en marge » de la salle de classe (c’est-à-dire dans la vie associative) et/ou de l’école (c’est-à-dire dans les stages en entreprise) : il s’opère dès lors chez eux une acculturation aux comportements managériaux attendus, source d’employabilité, mais parfois au prix d’une frustration intellectuelle et/ou d’une perte de sens. Nous distinguerons parmi eux ceux qui s’investissent dans la vie associative et/ou dans leurs stages parce qu’ils veulent faire vivre leur passion (le sport, le théâtre, le développement durable, l’humanitaire, etc.), que nous baptisons les « investis » (dans une cause, un centre d’intérêt, etc.), et ceux qui jouent le jeu associatif par esprit d’équipe, par goût du collectif, par esprit prosocial ;</p></li>
<li><p>Les réfractaires, qui gardent tout au long de leur scolarité une distance critique à l’égard des valeurs dominantes et du comportement attendu. Ils peuvent adopter des attitudes distinctes qui les classent en deux catégories : les premiers (souvent des premières, d’ailleurs) investissent fortement la sphère scolaire et intellectuelle au détriment de la vie associative et festive. Cela les pousse plus sûrement que les autres étudiants à construire un projet professionnel singulier (parfois à l’étranger, où l’exigence scolaire est plus forte). Ce faisant, ils s’exposent à la marginalisation et, éventuellement, à un ralentissement de carrière. Les seconds désinvestissent la vie d’école – dans son ensemble – avec à la clef une souffrance affective et un fort sentiment d’injustice.</p></li>
</ul>
<h2>En école d’ingénieur, une « autoproduction » à l’intérieur d’une figure imposée</h2>
<p>En école d’ingénieur, la professionnalisation est au contraire scindée en deux. Elle est liée, d’une part à la dimension académique, qui est indispensable et reste une fin en soi car elle renvoie au « technique » et au « scientifique ». Elle s’avère donc de ce fait indissociable de la figure de l’ingénieur, qui se doit de posséder le « fond commun » inhérent à son diplôme, même si les étudiants n’ont pas l’occasion de se demander quel type d’ingénieur ils souhaitent devenir exactement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/247984/original/file-20181129-170238-1nugw2f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/247984/original/file-20181129-170238-1nugw2f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/247984/original/file-20181129-170238-1nugw2f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/247984/original/file-20181129-170238-1nugw2f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/247984/original/file-20181129-170238-1nugw2f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/247984/original/file-20181129-170238-1nugw2f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/247984/original/file-20181129-170238-1nugw2f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/247984/original/file-20181129-170238-1nugw2f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La professionnalisation et le savoir académique semblent être deux sphères séparées en école d’ingénieurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Science photo/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une large part de responsabilité est dès lors déléguée à l’étudiant quant à la manière dont il va vivre, développer, exploiter et analyser ses expériences hors du strict cadre des enseignements, et la manière dont il va élaborer sa projection personnelle avec les moyens et cadres expérientiels qui sont les siens. L’individu doit donc en quelque sorte s’« autoproduire », être l’entrepreneur de soi, mais à l’intérieur d’une figure imposée, celle de l’ingénieur, qui est le signal valorisant qu’il se doit de renvoyer dans le futur aux entreprises, voire à lui-même.</p>
<p>In fine, tout se passe comme si la « professionnalisation » et le savoir académique étaient deux sphères séparées dans l’esprit de la plupart des étudiants (et dans l’esprit des responsables de l’institut). Les enseignants sont très peu critiqués quant à leurs capacités dans la seconde de ces sphères (la plupart des élèves reconnaissent la valeur scientifique de leur formation, voire s’en disent fiers). Quant aux élèves, ils leur accordent rarement une légitimité dans la seconde, voire les estiment incompétents quand ils cherchent à l’investir.</p>
<h2>À l’université, la professionnalisation n’est pas un objectif premier</h2>
<p>Enfin, l’université procure une professionnalisation plus « latente » qui, que ce soit par manque de moyens ou par vocation affirmée, s’effectue par défaut. Elle n’est à aucun moment explicitée comme objectif du programme en tant que tel. Le cadre de l’université, peu normatif et contraignant, se double d’une distanciation à soi constituant en même temps sa part de vérité : l’impératif est de rester fidèle à soi-même et de se construire avant tout, voire de faire passer ce soi avant l’idée de carrière (ancrages locaux, par exemple tout en cherchant à s’adapter à son milieu social ou/et professionnel.</p>
<p>D’une certaine manière, l’engagement dans le cursus de sociologie, auquel s’intéresse l’étude, répond à un calcul d’optimisation coûts/bénéfices qui ne peut être formulé qu’en fin de parcours universitaire, et/ou au terme d’une réflexion sur son expérience professionnelle.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/247994/original/file-20181129-170229-zevpox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/247994/original/file-20181129-170229-zevpox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/247994/original/file-20181129-170229-zevpox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/247994/original/file-20181129-170229-zevpox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/247994/original/file-20181129-170229-zevpox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/247994/original/file-20181129-170229-zevpox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/247994/original/file-20181129-170229-zevpox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/247994/original/file-20181129-170229-zevpox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les étudiants les plus impliqués dans leur cursus de sociologie développent des compétences appréciées en entreprise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">EQRoy/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’exercice consistant à passer du monde universitaire à celui du travail s’avère donc délicat et difficile pour les étudiants : il suppose de quitter une posture théorique, ce qui exige de déconstruire les réalités sociales pour échapper à la production de prénotions ou d’opinions de sens commun. Cependant, les plus concentrés sur leur cursus développent des capacités ou qualités qui constituent de vraies compétences visibles lorsqu’ils sont en stage : une curiosité et une rigueur d’analyse dans la façon d’interroger leurs rapports aux autres, que ce soit au plan personnel ou professionnel. Ces qualités rendent compte d’apprentissages distinguant les enseignements dispensés à l’université de ceux qui sont en vigueur dans les écoles professionnelles : « distance, décentration, familiarité avec la recherche, habitude du débat, et du pluralisme, posture réflexive, goût d’apprendre, rapport facile à l’écrit, identité d’intellectuel, mobilité d’esprit et formation suffisamment polyvalente pour ne pas être enfermé dans un avenir tout tracé. » (<a href="https://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_2005/2005_15.pdf">Philippe Perrenoud</a>, 2005, p. 12)</p>
<h2>Encourager les stages longs</h2>
<p>Au-delà des différences constatées entre les trois grandes formes d’enseignement supérieur que sont l’école de commerce, l’école d’ingénieurs et l’université, une même logique les nourrit toutes trois : la mise en adéquation entre formation et emploi mais aussi, de façon croissante, entre personne et marché.</p>
<p>Ces mises en adéquation demeurent la fonction manifeste et réelle des dispositifs de préprofessionnalisation mis en place, au premier rang desquels figure le stage long, crucial dans l’acquisition de compétences, la socialisation, la détermination du projet professionnel et la capacité à exercer un recul critique sur le monde professionnel. Mais peuvent s’y ajouter de multiples autres dispositifs (projets, conférences de professionnels, visites d’entreprise, années de césure, etc.) tout aussi intermédiaires et liminaux.</p>
<p>Au-delà de cette recommandation générale – encourager tous types d’étudiants à faire des stages suffisamment longs durant leurs cursus scolaire –, comment tirer concrètement parti de cette étude ?</p>
<p>La réponse n’est ni facile ni univoque car elle relève de problématiques politiques (dans quelle mesure l’accès aux études supérieures est-il aussi méritocratique et égalitaire qu’annoncé ?), sociologiques (peut-on transcender ses origines sociales et, par exemple, devenir un « manager en herbe » alors qu’on ne possède pas l’habitus correspondant ?) et, in fine, de choix individuels – avec toutes les précautions d’usage concernant ce terme puisqu’une partie de ces choix semble prédéterminée par nos origines sociales et, en tout état de cause, inconscients.</p>
<p>Mais, au-delà encore, l’objectif de cette étude est d’inciter les étudiants et leurs familles à ne pas considérer des études dans le supérieur uniquement comme une option de contenu et de curriculum académique, ou comme un choix plus ou moins opportun et performant en vue d’une insertion réussie sur le marché du travail. Il s’agit au contraire d’un choix bien plus signifiant et profond qu’on peut le penser a priori et qui pose inéluctablement la question du rapport à soi-même et de la préservation de son identité, de son rapport à la temporalité et à l’espace. Et bien vivre ses études n’est-il pas aussi une condition non seulement de la réussite, mais tout simplement de l’épanouissement personnel ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107916/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude relève la grande hétérogénéité des approches en termes de préparation des étudiants à leur future carrière en fonction du cursus qu’ils choisissent.Hédia Zannad, Associate professor, Neoma Business SchoolFrancis Guérin, Maître de Conférences en sociologie (travail, organisations), INSA Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1035742018-11-19T19:49:06Z2018-11-19T19:49:06ZDébat : Doctorants, le piège de « se voir déjà en haut de l’affiche »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/245813/original/file-20181115-194516-v8n9px.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C10%2C917%2C649&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il faudrait encourager les doctorants à réfléchir plus à leur avenir professionnel.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Une controverse s’est engagée ici sur la manière dont les doctorants de Sciences de gestion conduisent et vivent leur thèse, <a href="https://theconversation.com/rocknroll-ou-pas-les-thesards-en-sciences-de-gestion-daujourdhui-94064">au départ critiqués de « ne plus être rock’n’roll »</a>. Plusieurs éclairages ont été proposés, entre autres sur <a href="https://theconversation.com/etre-jeune-chercheur-e-en-gestion-aujourdhui-la-resilience-hip-hop-95897">« la résilience hip-hop » des doctorants d’aujourd’hui</a>. Le débat s’est assez rapidement structuré sur l’idée que le marché de l’emploi des jeunes docteurs expliquait leurs choix, <a href="https://theconversation.com/doctorants-et-chercheurs-en-gestion-quand-on-est-con-on-est-con-99546">notamment la « course aux étoiles »</a>. La difficulté à obtenir un poste académique à la fin de sa thèse serait la source de tous les maux.</p>
<p>J’ai néanmoins le sentiment que l’ensemble du débat s’est construit sur un postulat qu’il faudrait interroger. Les contributeurs semblent dire que le doctorat a vocation à être des années de découverte et de cheminement émerveillé dans les hautes sphères du savoir… Une position tout à fait discutable : si une thèse peut se dérouler ainsi, et c’est souhaitable, ce n’est pas son objectif premier. Il est essentiel de revenir sur les objectifs premiers du doctorat.</p>
<h2>Le doctorat : une transition avant tout</h2>
<p>Le doctorat est <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000032587086">« une formation à et par la recherche et une expérience professionnelle de recherche »</a>, sanctionnée d’un diplôme. En cela c’est avant tout une transition professionnelle. Une étape qui permet d’accéder à une profession, chercheur, par l’acquisition de compétences et qualifications. Il n’est bien sûr pas interdit de faire une thèse « pour le plaisir », ou d’y voir une <a href="https://theconversation.com/doctorants-nous-ne-sommes-pas-deternels-etudiants-100369">« expérience professionnelle de recherche »</a> avant tout. Toutefois, il est légitime de penser que la majorité des doctorants rejoignent le cursus pour faire carrière dans la recherche.</p>
<p>La difficulté à obtenir un poste est donc un enjeu central. C’est d’ailleurs le consensus issu de la controverse citée. A ce sujet, je trouve éclairants les apports <a href="https://www.researchgate.net/publication/316881091_La_transition_impossible_oubliee_et_deniee_des_doctorants_de_sciences_dures">d’une recherche conduite sur la situation des doctorants en sciences « dures », les « thésards »</a>. L’incertitude professionnelle de ces derniers est encore plus forte qu’en Sciences de gestion.</p>
<h2>Quand la thèse ne tient pas sa promesse</h2>
<p>Il ressort en premier constat de cette recherche que la transition professionnelle de ces doctorants est « impossible », à la vue du nombre de postes académiques disponibles. Nous avons la chance en Sciences de gestion de ne pas être dans cette situation, mais la néo-libéralisation de l’enseignement supérieur tend le système, ce qui autorise un parallèle.</p>
<p>Le second constat de ce travail est que la transition professionnelle des doctorants de sciences dures tend à être « oubliée » par les institutions, qui, face aux difficultés de la profession, continuent pourtant à former un nombre élevé de doctorants, et spécifiquement à un futur de chercheur académique.</p>
<p>On peut pourtant facilement envisager d’accéder après un doctorat à des postes de chercheurs non-académiques (administrations publiques, industrie et entreprises, associations et ONG), de coordination scientifique (ministères, agences scientifiques), de soutien à la recherche (gestion de projets scientifiques d’envergure, recherche de financements), d’enseignement (responsabilité de programme ou d’institution), etc. Or, ces activités tendent à être ignorées ou décrédibilisées comme carrières souhaitables en sortie de doctorat.</p>
<p>Par ailleurs, tout le monde ne peut ou ne veut pas être en haut de l’affiche. On peut aussi être un musicien heureux ou un producteur utile. Il convient même de noter que je contribue à ce que je critique en plaçant le chercheur « en haut de l’affiche », alors <a href="https://www.researchgate.net/publication/292144478_Bien-etre_et_mal-etre_au_travail_dans_les_metiers_scientifiques_le_cas_du_CEA">qu’il n’est en réalité qu’un rouage parmi d’autres d’un système complexe et collectif</a>.</p>
<p>Dans un deuxième temps, cela passe par le fait que les doctorants sont rarement encouragés, et encore moins obligés, à consacrer du temps à préparer leur transition professionnelle : seules comptent leurs recherches. Pourtant, <a href="https://theconversation.com/doctorat-et-si-on-jouait-collectif-100484">développer des compétences transversales, prendre des responsabilités de gestion de projet ou d’encadrement</a>, investir le champ de la vulgarisation scientifique ou l’enseignement sont des stratégies pertinentes. On pourrait parler de développer son employabilité de chercheur, d’enseignant, de coordinateur scientifique ou de communiquant.</p>
<p>Toujours pour continuer l’analogie, qu’on soit hip-hop ou rock’n’roll, il faut savoir comment brancher une enceinte. Sinon, il y a de fortes chances que votre premier concert soit une catastrophe.</p>
<h2>La souffrance des doctorants</h2>
<p>En l’état, et c’est le troisième enseignement de l’étude de doctorants de sciences dures, le fait que la transition professionnelle soit « impossible » et « oubliée » conduit les thésards à devoir composer avec une situation de souffrance, au sens d’un <a href="https://www.cairn.info/publications-de-Dejours-Christophe--10012.htm">cadre théorique de psychodynamique du travail</a>.</p>
<p>Ajoutons à cette incapacité à se projeter dans un futur souhaité d’autres difficultés, <a href="https://theconversation.com/etre-jeune-chercheur-e-en-gestion-aujourdhui-la-resilience-hip-hop-95897">dont des doctorants dressent une longue liste</a> : précarité, pauvreté, stress, incertitudes… <a href="https://books.google.fr/books?id=tcvaAAAAMAAJ">Ce qui n’est pas nouveau en sciences dures</a>.</p>
<p>Or, face à une situation de souffrance professionnelle, un travailleur va mettre en place des mécanismes de défense, individuels ou collectifs. Ainsi, les doctorants qui ont participé à la controverse ont mis en avant le fait que c’est d’être intégré à un collectif de travail de qualité qui leur permettait de faire preuve de résilience.</p>
<p>Toutefois, une des défenses individuelles les plus fréquentes face à une souffrance professionnelle est le déni. Deux stratégies de « déni de la transition » semblent ressortir particulièrement chez les doctorants.</p>
<h2>Des mécanismes de défense fréquents…</h2>
<p>Le premier mécanisme de défense des doctorants est le fait de vivre dans le présent. Une thèse ne dure que trois ans (théoriquement), ce qui est court. La charge de travail à assurer sur cette période est conséquente, et les jalons nombreux et complexes. Une bonne conduite de projet est donc nécessaire, en se projetant dans le futur, en veillant à s’imposer des délais et en les tenants. C’est d’ailleurs là un des réels enseignements de la thèse et c’est une évidence en sciences dures.</p>
<p>Pourtant, les doctorants « vivent dans le présent ». Il suffit de voir à quel point ils se tendent à la question « tu termines quand ? », qui est pourtant évidente et légitime ! Quel doctorant de gestion commence aujourd’hui sa thèse avec un rétro-planning sur trois ans (quitte à ne pas le tenir, bien entendu) ? Comment se fait-il que des doctorants de gestion n’appliquent pas les méthodes de gestion de projet qu’on enseigne pourtant dans nos cursus ? Parce qu’ils se protègent ainsi de la souffrance de leur situation.</p>
<p>Le second mécanisme est la survalorisation de l’intérêt scientifique de la thèse. S’il est normal et souhaitable d’être engagé dans son sujet, on constate chez nombre de doctorants que cela va bien au-delà. Ils sont réellement obnubilés par leur sujet, y compris si l’ampleur ou les enjeux de ce dernier sont… modérés.</p>
<p>C’est une stratégie de défense psychique forte pour un doctorant de se dire qu’il « travaille sur un sujet passionnant et contribue à des avancées majeures de sa discipline » alors que la réalité est qu’il produit un travail de recherche à la robustesse incertaine sur un sujet méconnu dans le but de rédiger un document qui, globalement, ne sera pas lu (<a href="https://theconversation.com/education-et-ironie-les-universitaires-se-doivent-davoir-de-lhumour-57363">qu’on me permette un peu d’ironie</a>).</p>
<p>Ce que les doctorants pourraient assumer et affirmer comme une étape de formation et d’accès à la profession, avec toutes les limites prévisibles associées, n’est pas tenable sans garantie de cet accès. Se focaliser sur les abstractions théoriques de sa thèse permet de ne pas penser à ses incertitudes pratiques.</p>
<h2>… et des mécanismes contre-productifs</h2>
<p>Le souci est que ces mécanismes sont contre-productifs pour la dimension de transition professionnelle du doctorat.</p>
<p>Se projeter dans le futur est nécessaire pour se prévoir des marges de sécurité et de confort. Plus encore, <a href="https://theconversation.com/doctorants-nous-ne-sommes-pas-deternels-etudiants-100369">se projeter dans un emploi futur est nécessaire pour construire son employabilité</a>.</p>
<p>De même, survaloriser l’intérêt scientifique de sa thèse ne motive pas à se former à des éléments périphériques, perçus comme « moins importants ». Pourtant, ce sont eux qui permettront d’accéder à un emploi.</p>
<p>Ma contribution à cette controverse est donc de questionner les objectifs d’un doctorat plutôt que son déroulement. Si au lieu de dire aux doctorants qu’ils doivent davantage profiter de leurs années de thèse, on faisait en sorte que ces années de thèse leur garantissent un futur ?</p>
<p>Dans ce raisonnement, si la carrière académique est difficile d’accès et que tous ne peuvent être élus, il faut que la thèse ouvre à d’autres choses. Faisons du doctorat une formation de qualité pour un ensemble de professions liées à la science et à la recherche et non uniquement une introduction au poste précis d’enseignant-chercheur.</p>
<p>En sciences de gestion comme en sciences dures, les perspectives ouvertes par l’obtention d’un doctorat sont riches et nombreuses. En cela, il est indigne que les institutions laissent à la responsabilité individuelle des doctorants la charge de leur futur, développant ainsi les craintes et les souffrances associées. D’autant que les mécanismes de défense liés empêchent encore plus les doctorants de se construire un futur. Quand bien même ils seraient résilients.</p>
<p>Remettre au centre de la formation doctorale sa dimension de transition professionnelle, au détriment de sa valorisation comme expérience individuelle et quasi-métaphysique, serait ainsi une voie possible pour rendre, de nouveau, le doctorat rock’n’roll.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103574/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Yves Ottmann est chercheur au sein du Laboratoire Missioneo (Freeland Group) et au sein de l'équipe Management & Organisation (Université Paris-Dauphine).</span></em></p>Pour trouver une solution aux souffrances des doctorants, il faut considérer la thèse avant tout comme une formation et une transition, plutôt que comme une aventure intellectuelle individuelle.Jean-Yves Ottmann, Chercheur en sciences du travail, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1003692018-10-02T15:47:53Z2018-10-02T15:47:53ZDoctorants, nous ne sommes pas d’éternels étudiants !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/238914/original/file-20181002-85626-k5svbi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=50%2C8%2C911%2C648&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En parallèle de leur thèse, nombre de doctorants assument d'ores et déjà des missions en entreprise. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Pendant que leurs camarades de promo multiplient les envois de CV et quittent définitivement les bancs de la fac pour un poste en entreprise, les diplômés de master qui ont choisi de poursuivre leur parcours en thèse renouvellent quant à eux leur carte d’étudiant. Mais, derrière la formalité administrative, gare aux faux-semblants.</p>
<p>Si les chercheurs en herbe vont continuer à fréquenter amphis et bibliothèques, le doctorat marque une rupture avec la vie étudiante qu’ils ont connue auparavant. Ces trois à cinq années ne sont pas seulement un tremplin vers l’emploi mais une expérience professionnelle en soi.</p>
<h2>Une place dans l’industrie</h2>
<p>Le « thésard » est généralement imaginé comme un étudiant enfermé entre quatre murs, engloutissant tous les ouvrages et articles qu’il lui est possible de trouver sur son sujet de recherche. Si cette représentation est très populaire, elle ne traduit qu’une partie de la réalité.</p>
<p>Fait bien moins connu, les doctorants ont déjà un pied dans nos laboratoires et industries. Depuis plus de 30 ans, par le biais des <a href="http://www.anrt.asso.fr/fr/cifre-7843">contrats CIFRE</a> (Conventions industrielles de formation par la recherche), de grandes entreprises confient à une partie non négligeable d’entre eux des missions de recherche cruciales pour leur développement. D’autres lancent des appels à projets afin les recruter en « recherche et développement ».</p>
<p>Bien loin de leurs livres, c’est sur le terrain que les jeunes chercheurs viennent enquêter et recueillir leurs données sur des questions de société. Prenons l’exemple des efforts de concentration demandés aux opérateurs des chaînes de montage automobiles. Les doctorants en psychologie cognitive sont sollicités pour se pencher sur les problèmes de surcharge cognitive et proposer des solutions innovantes d’aménagement pour contrer les erreurs qu’elles engendrent. Voilà qui va réduire la part de produits défectueux redirigés vers le service qualité, tout en augmentant la productivité et la qualité de vie au travail des opérateurs.</p>
<h2>De l’enseignement au conseil</h2>
<p>De la même façon que les doctorants participent à la vie en entreprise, entre réunions et audits, ils prennent aussi part à la transmission du savoir. Tout comme leurs pairs, ils présentent leurs travaux sous forme d’articles scientifiques ou d’interventions orales lors de colloques ou de séminaires. Là, il s’agit d’y défendre une méthodologie et des résultats, tout en accueillant les critiques et les perspectives à entrevoir.</p>
<p>De plus, les doctorants intéressés par une carrière universitaire peuvent s’essayer à l’enseignement en prenant en charge des travaux dirigés (TD) ou TP (travaux pratiques), face à une trentaine d’élèves. Cette expérience est parfois décisive, marquant un tournant dans la vie d’un futur maître de conférence ou professeur des universités.</p>
<p>Ceux qui se projettent d’ores et déjà en entreprise peuvent exercer aussi comme formateurs ou consultants. Par exemple, un doctorant ergonome pourra consacrer une partie de son temps de travail à la formation aux gestes et aux postures dans des entreprises ou réaliser des évaluations de postes de travail.</p>
<h2>Compétences « hors catalogue »</h2>
<p>Il n’est pas rare, pour ne pas dire courant, que les doctorants développent des savoir-faire qui n’étaient pas jusqu’alors « catalogués » par leur école doctorale. Par exemple, la publication d’un ouvrage ou encore les formations en entreprise délivrées par les doctorants eux-mêmes ne rentrent pas dans « les standards » définis par l’université. Mais c’est l’occasion pour les chercheurs en herbe de se singulariser, d’autant que certaines universités commencent à développer de reconnaissance de compétences de « hors catalogue ».</p>
<p>Ce changement de mentalité s’accompagne même d’un renouvellement de l’offre de formation. L’Université de Lorraine, par exemple, propose depuis maintenant deux ans le parcours <a href="http://www.cdefi.fr/activites/le-parcours-competences-pour-lentreprise">« compétences pour l’entreprise »</a> qui permet (1) la labellisation de la thèse des doctorants inscrits à ce parcours, mais aussi (2) la validation officielle des compétences spécifiques au secteur privé qui ont été acquises. Les premiers doctorants à recevoir ce label ont soutenu leurs travaux en 2018.</p>
<p>À l’échelle nationale, le Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation a mis en place une mesure permettant de répondre à cette mutation. La publication au <em>Journal officiel</em> (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2018/7/27/ESRS1821258A/jo/texte">JORF n°0207 du 8 septembre 2018 texte n° 17</a>) de l’arrêté du 27 juillet 2018 inscrit et enregistre de droit les diplômes de doctorat au répertoire national des certifications professionnelles. De quoi élargir leurs horizons.</p>
<h2>« Trois années d’expérience requises »</h2>
<p>Intégré dans les réunions de laboratoire et d’entreprise, le futur docteur est également un gestionnaire de projet et de communication. Il travaille en équipe, prend des d’initiatives, s’adapte aux demandes mais aussi aux imprévus et se porte garant des missions qu’on lui a confiées.</p>
<p>Lorsque ces trois ans se sont écoulés, si l’entreprise avec laquelle il a collaboré ne lui a pas proposé d’ores et déjà le prolongement de son contrat, il part à la recherche d’un nouveau poste. « Trois années d’expérience requises ». Cette exigence figure quasiment dans toutes les offres d’emplois en ligne…</p>
<p>S’il y a une recommandation à faire aux doctorants, c’est bien celle-ci : cher·e·s doctorant·e·s, votre doctorat n’a pas a figurer dans la catégorie diplôme, mais bien dans la catégorie expérience professionnelle de votre curriculum vitae ! Vous aurez alors, comme dans cet article, tout le loisir d’expliquer aux recruteurs pourquoi vous n’êtes pas un ancien étudiant, mais un chercheur depuis déjà trois ans !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/100369/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le fait que le doctorat soit un diplôme est ancré dans l’esprit des gens. Mais c’est aussi une expérience professionnelle à part entière. Plaidoyer pour mieux reconnaître ces compétences de terrain.Laura Déléant, Doctorante en Ergonomie Cognitive, Université de LorraineAlexis Olry de Rancourt, Doctorant en ergonomie cognitive, Université de LorraineLisa Jeanson, Doctorante en ergonomie cognitive, groupe PSA/laboratoire PErSEUs, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/828072017-08-27T19:41:17Z2017-08-27T19:41:17ZLes emplois aidés d’une commune ont-ils une utilité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/183340/original/file-20170824-10128-a68bd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'hôtel de ville de Jurançon, commune des Pyrénées-Atlantiques, 7 142 habitants.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/cyberbasepau/4586828808/">TempoPyrénées/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>La nouvelle est tombée récemment, le nombre d’emplois aidés proposés aux entreprises et aux administrations françaises <a href="http://www.rtl.fr/actu/politique/emploi-pourquoi-la-fin-des-contrats-aides-fait-elle-polemique-7789731460">va diminuer</a>. Les inquiétudes concernent tous les secteurs et publics : de <a href="https://www.ladepeche.fr/article/2017/08/22/2631698-suppression-des-contrats-aides-inquietudes-pour-la-rentree-scolaire.html">l’enfance et l’éducation</a>, en passant par le <a href="http://www.lanouvellerepublique.fr/Vienne/Actualite/Economie-social/n/Contenus/Articles/2017/08/21/Fin-des-contrats-aides-l-inquietude-des-associations-3199301">milieu associatif</a>, jusqu’aux <a href="http://www.bfmtv.com/societe/jeunes-sans-diplomes-le-profil-des-contrats-aides-menaces-de-suppression-1239821.html">jeunes sans diplômes</a>.</p>
<h2>Un dispositif vieux de 30 ans</h2>
<p>Les emplois aidés ne sont pas une nouveauté en France. Ainsi, dès 1984, le Gouvernement Fabius met en place les <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000324965">travaux d’utilité collective</a> (TUC). Ces contrats pouvaient être conclus par les jeunes demandeurs d’emploi inscrits à l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE, devenu <a href="http://www.pole-emploi.fr/accueil/">Pôle emploi</a>) depuis plus d’un an. Ils étaient accueillis dans un organisme porteur d’une mission de service public, pour une durée de 3 mois à un an, à mi-temps.</p>
<p>Le dispositif a été un succès. En 1985, 40 % des stagiaires ont été accueillis dans des collectivités locales, et 27 % dans des associations. La moitié d’entre eux n’avait <a href="http://travail-emploi.gouv.fr/publications/Revue_Travail-et-Emploi/pdf/26_2317.pdf">aucune expérience professionnelle avant le stage</a>.</p>
<p>Les collectivités territoriales n’hésitaient pas à proposer des formations dans le domaine administratif et technique, alors même que la loi ne les y contraignait pas. Globalement, un impact positif sur la qualité de service public rendu a été ressenti (espaces verts, urbanisme, services aux personnes âgées).</p>
<p>En 1990, le dispositif est remplacé par les <a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1260">contrats emploi solidarité</a> (CES), qui visaient le même objectif d’insertion. La principale différence avec les TUC est le statut du stagiaire. Indemnisé à la moitié du <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2300">smic</a> pour un TUC, il devient salarié pour une durée hebdomadaire du travail de 20 heures sur 12 mois reconductibles (36 mois maximum) dans un CES. La prise en charge par l’état d’une partie de la rémunération au smic était variable (de <a href="http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2000-09-36-2.pdf">65 à 90 %, voir 95 % au cas par cas</a>).</p>
<p>Ce dispositif CES a été renforcé par le <a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1714">contrat emplois consolidé</a> (CEC) en 1998. Il doit favoriser l’embauche, pendant 5 ans au maximum, de personnes qui ne peuvent trouver un emploi ou accéder à une formation, notamment à l’issue d’un CES. <a href="http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2000-09-36-2.pdf">De janvier à décembre 1999</a>, 447 000 CES et 129 000 CEC ont été conclus.</p>
<p>En 2005, après avoir déjà fortement diminué le nombre de CES, le gouvernement en place créé le contrat d’accompagnement à l’emploi, dans le cadre d’une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006037954&dateTexte=vig">loi de programmation pour la cohésion sociale</a>. Le <a href="http://www.journaldunet.com/management/pratique/contrats/68/le-contrat-d-avenir.html">contrat d’avenir</a> est créé à la même occasion pour les bénéficiaires des minima sociaux.</p>
<p>En décembre 2008, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019860428&categorieLien=id">loi RSA</a> créé le <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F21006">contrat unique d’insertion</a>, qui regroupe les contrats initiative emploi du secteur marchand et les contrats d’accompagnement dans l’emploi du secteur non marchand. Les contrats d’avenir disparaissent.</p>
<h2>Les emplois aidés, une institution en France</h2>
<p>En <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000026536632">2012</a>, enfin, les <a href="http://travail-emploi.gouv.fr/emploi/insertion-dans-l-emploi/contrats-aides/article/les-emplois-d-avenir">emplois avenir</a> sont créés pour les jeunes de 16 à 25 ans, présentant des difficultés d’accès à l’emploi, sans diplômes, ou habitants dans les quartiers prioritaires au sens de la politique de la ville (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2014/12/30/2014-1750/jo/texte">QPV</a>). Ces emplois courent jusqu’en 2019, mais les crédits alloués sont de plus en plus faibles, réduisant les opportunités pour les structures accueillantes.</p>
<p>En France, les emplois aidés sont donc une institution et leur remise en question génère des réactions variées. Les détracteurs de ces contrats l’accusent tour à tour de <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2017/08/17/97002-20170817FILWWW00054-contrats-aides-ne-pas-subventionner-l-emploi.php">« subventionner l’emploi »</a>, « extrêmement coûteux » ou encore <a href="http://www.leparisien.fr/economie/emploi/selon-muriel-penicaud-les-contrats-aides-ne-sont-pas-efficaces-contre-le-chomage-09-08-2017-7184649.php">« pas efficace pour lutter contre le chômage »</a>.</p>
<p>Ceux qui les défendent arguent qu’ils constituent un « tremplin pour les jeunes dans le milieu associatif », « un outil de promotion sociale » ou encore « un outil de gain d’expérience et de formation pour les plus fragiles ».</p>
<h2>Les contrats aidés, quels usages pour une commune ?</h2>
<p>Il semble intéressant d’apprécier l’impact réel des dispositifs pour une commune. Concrètement, nous avons travaillé sur une collectivité sarthoise de plus de 10 000 habitants. L’étude réalisée porte sur la période 2002–2017, pour des raisons de disponibilité des données.</p>
<p>Sur cette période, 133 emplois aidés ont été contractés au sein de la collectivité. 4 sont toujours en cours actuellement sur des missions de démocratie participative, de comptabilité ou encore d’information jeunesse et emploi.</p>
<p>Parmi ces 133 bénéficiaires, 27 ont étés recrutés sur un emploi permanent par la suite (20,30 %) et 13 sur un statut contractuel (9,77 %). Cela représente donc un taux d’emploi de 30,07 % suite à un emploi aidé. Pour les 89 autres, c’est un gain d’expérience, un passage dans le service public territorial, et souvent une formation, qui permettra une ligne sur le CV (c’est d’ailleurs souvent la première).</p>
<p>Les 4 emplois aidés actuels bénéficient de formations dans le domaine de l’animation ou encore de la comptabilité. La collectivité finance intégralement les sessions, et le stagiaire doit motiver sa demande et faire le lien avec son projet professionnel. Le dernier emploi avenir sorti de la collectivité a été embauché par un prestataire qui intervient sur le territoire, dans le domaine de la programmation culturelle.</p>
<p>Le contrat aidé le plus « performant » sur la collectivité en termes d’insertion reste le contrat emploi consolidé. Ainsi, 100 % des CEC ont été transformés en emploi permanent au sein de la collectivité. Il faut nuancer ce chiffre, car la conjoncture de la ville est bonne, elle se développe fortement. L’an passé encore, un emploi avenir dans le secteur des espaces verts a été recruté sur un poste permanent.</p>
<p>Pour les autres cas, la sortie annoncée d’un emploi aidé est souvent accompagnée d’un engagement de la collectivité à proposer des postes en priorité, s’ils existent, mais aussi à faire bénéficier au sortant d’un réseau dans son périmètre de mobilité.</p>
<p>Enfin, à ce jour, au sein de la collectivité étudiée, 11,5 % des agents permanents ont bénéficié d’un emploi aidé auparavant (26 agents). Voici un tableau récapitulatif, extrait du rapport sur les emplois aidés, présenté au maire à sa demande :</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/183275/original/file-20170824-14555-18h3302.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183275/original/file-20170824-14555-18h3302.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183275/original/file-20170824-14555-18h3302.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183275/original/file-20170824-14555-18h3302.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183275/original/file-20170824-14555-18h3302.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183275/original/file-20170824-14555-18h3302.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183275/original/file-20170824-14555-18h3302.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183275/original/file-20170824-14555-18h3302.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Tableau de synthèse des emplois aidés sur la collectivité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Document de la ville/Hugo Gaillard.</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des emplois utiles et formateurs</h2>
<p>S’ils ne peuvent pas et n’ont pas vocation directe à lutter contre le chômage, les emplois aidés sont utiles. Les trajectoires de vie des anciens emplois aidés témoignent d’une progression sociale et d’un accès à l’emploi non-aidé.</p>
<p>L’effort de formation réalisé par les collectivités qui « jouent le jeu » est essentiel à cette réussite, et permet, grâce à l’expérience et aux compétences acquises, une hausse de l’employabilité.</p>
<p>Récemment, la majorité gouvernementale affirmait qu’il valait mieux orienter les crédits des emplois aidés <a href="http://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/chomage/emploi-trois-questions-sur-les-contrats-aides-dans-le-viseur-du-ministere-du-travail_2330863.html">vers la formation</a>.</p>
<p>Pourtant, nos observations terrain témoignent qu’investir dans un emploi aidé c’est aussi investir dans la formation, par un gain d’expérience, et s’il existe une obligation de formation intégrée au contrat au départ.</p>
<p>De nombreux acteurs institutionnels s’inquiètent de la diminution annoncée des crédits alloués aux emplois aidés, <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/coupes-budgetaires-un-effort-inegalement-reparti/00079866">après celle</a> des financements des quartiers prioritaires de la politique de la ville, ou encore des prévisions relatives à la <a href="http://www.leparisien.fr/economie/rsi-taxe-d-habitation-les-annonces-d-edouard-philippe-pour-le-pouvoir-d-achat-04-07-2017-7110183.php#xtor=AD-1481423554">taxe d’habitation</a> (actuellement perçue par les communes).</p>
<p>Ce sont des enjeux de territoires qui se dessinent, et de diminution du rôle social des collectivités. D’ailleurs, à l’heure où les fractures entre individus et territoires se renforcent (emploi, accès aux services publics, égalité des chances en matière scolaire, formation), la question de la cohésion sociale mérite d’être posée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/82807/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo Gaillard est membre de l'Institut du pluralisme religieux et de l’athéisme (IPRA). Il conseille en parallèle de son travail de recherche des entreprises et administrations sur les questions de faits religieux et de laïcité au travail, de GRH et d'insertion professionnelle des futurs diplômés.
</span></em></p>Le gouvernement va réduire le nombre d’emplois aidés. À l’aune du cas d’une commune sarthoise, on peut estimer que ceux-ci ne sont pas inutiles puisqu’ils améliorent l’employabilité et rendent service.Hugo Gaillard, Doctorant en Sciences de Gestion et chargé de cours en GRH, Le Mans UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.