tag:theconversation.com,2011:/au/topics/lien-social-21446/articleslien social – The Conversation2023-07-18T14:15:23Ztag:theconversation.com,2011:article/2054662023-07-18T14:15:23Z2023-07-18T14:15:23ZLes liens sociaux sont essentiels pour le bien-être. Voici sept manières d’éviter l’isolement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/536926/original/file-20230711-23246-qtu29h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C0%2C1920%2C1279&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les personnes seules sont plus malades et vivent moins longtemps. Tout comme les recommandations concernant l’alimentation et l’exercice physique, les directives de santé publique en matière de liens sociaux peuvent nous aider à vivre plus heureux et en meilleure santé.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le Directeur du Service de santé publique des États-Unis, Vivek Murthy, a récemment qualifié la <a href="https://www.cbsnews.com/news/loneliness-surgeon-general-epidemic-Covid/">solitude d’épidémie</a> et a publié un <a href="https://www.hhs.gov/sites/default/files/surgeon-general-social-connection-advisory.pdf">avis de santé publique</a> sur les effets curatifs des relations interpersonnelles et de la communauté.</p>
<p>Le rapport met en garde contre les conséquences néfastes importantes de la solitude et de l’isolement social, en les comparant à <a href="https://doi.org/10.2105/ajph.2013.301261">d’autres facteurs de risque majeurs</a> de décès prématuré tels que le tabagisme, l’obésité, l’hypertension artérielle et l’hypercholestérolémie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-solitude-lautre-probleme-de-sante-publique-dont-il-est-urgent-de-soccuper-136578">La solitude : l’autre problème de santé publique dont il est urgent de s’occuper</a>
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<h2>La solitude et l’isolement social peuvent nuire à la santé</h2>
<p>Dans le cadre de mon travail d’épidémiologiste social et comportemental, j’ai étudié la manière dont les liens sociaux et communautaires affectent les conditions de santé, <a href="https://doi.org/10.1007/s10461-017-1939-7">allant du VIH</a> à la <a href="https://doi.org/10.1080/13691058.2018.1439186">consommation de substances</a>.</p>
<p>Par exemple, mes collègues et moi-même avons déjà démontré que l’isolement social est associé à une <a href="https://doi.org/10.1007/s10461-020-03000-2">augmentation de 48 %</a> du risque de décès prématuré, et que la probabilité que les personnes seules rapportent un état de santé passable ou mauvais est <a href="http://dx.doi.org/10.1136/jech-2019-213566">71 % plus élevée</a>.</p>
<p>D’autres chercheurs ont également documenté les ravages de la solitude sur les individus, montrant que les personnes seules et isolées ont une <a href="https://doi.org/10.1093/abm/kaaa029">fonction immunitaire plus faible</a>, connaissent des <a href="https://doi.org/10.1016/j.bbi.2019.08.189">taux d’inflammation plus élevés</a> et sont plus exposées aux <a href="https://doi.org/10.1136/heartjnl-2015-308790">maladies cardiaques</a>, <a href="https://doi.org/10.1038/ncponc1134">au cancer</a> <a href="https://doi.org/10.1186/s12889-017-4948-6">et au diabète</a>.</p>
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<img alt="Un groupe de jeunes gens attablés prenant un égoportrait" src="https://images.theconversation.com/files/525493/original/file-20230510-16752-1wvk1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525493/original/file-20230510-16752-1wvk1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525493/original/file-20230510-16752-1wvk1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525493/original/file-20230510-16752-1wvk1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525493/original/file-20230510-16752-1wvk1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=456&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525493/original/file-20230510-16752-1wvk1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=456&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525493/original/file-20230510-16752-1wvk1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=456&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Bien que la vulnérabilité de chacun face à la solitude et à l’isolement social diffère, nous avons tous besoin de liens sociaux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Fait peut-être tout aussi important, la <a href="https://www.health.harvard.edu/blog/the-secret-to-happiness-heres-some-advice-from-the-longest-running-study-on-happiness-2017100512543#:%7E:text=The%20Harvard%20Study%20has%20found%20a%20strong%20association,isolation%20is%20a%20mood%20buster%2C%E2%80%9D%20says%20Dr.%20Waldinger.">recherche de Harvard</a> issue de l’étude de cohorte la plus longue jamais réalisée suggère que les relations sociales chaleureuses sont le principal facteur prédictif du bonheur tout au long de la vie.</p>
<p>En d’autres termes, les personnes coupées du monde sont plus malades, plus tristes et vivent moins longtemps.</p>
<h2>Les premières directives de santé publique en la matière</h2>
<p>En réponse à cette épidémie de solitude, mon équipe à la <a href="https://casch.org/guidelines">Canadian Alliance for Social Connection and Health</a> a <a href="https://www.universityaffairs.ca/news/news-article/university-researchers-are-helping-to-create-a-canadian-guide-for-social-connection/">mobilisé des experts de tout le Canada</a> et du monde entier pour élaborer les premières directives de santé publique mondiale en matière de lien social.</p>
<p>Tout comme les recommandations relatives à la <a href="https://guide-alimentaire.canada.ca/fr/">nutrition</a>, à l’<a href="https://www.participaction.com/fr/">exercice physique</a> et à la <a href="https://ccsa.ca/fr/reperes-canadiens-sur-lalcool-et-la-sante">consommation d’alcool</a> promues par de nombreux gouvernements nationaux, les directives en matière de liens sociaux ont le potentiel d’améliorer notre santé et notre bonheur en nous aidant à donner la priorité aux relations sociales dans notre vie quotidienne.</p>
<p>Elles peuvent également sensibiliser les prestataires de soins de santé et les décideurs politiques. Ces experts pourront ainsi s’assurer que leurs actions sont cohérentes avec les dernières données soulignant l’importance de la santé sociale.</p>
<h2>Sept approches prometteuses pour une meilleure santé sociale</h2>
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<img alt="Un groupe d’adultes d’âge moyen autour d’une table lors d’un cours d’art" src="https://images.theconversation.com/files/525494/original/file-20230510-18700-bteavf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525494/original/file-20230510-18700-bteavf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=267&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525494/original/file-20230510-18700-bteavf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=267&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525494/original/file-20230510-18700-bteavf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=267&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525494/original/file-20230510-18700-bteavf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=336&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525494/original/file-20230510-18700-bteavf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=336&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525494/original/file-20230510-18700-bteavf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=336&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Indépendamment des degrés d’introversion ou d’extraversion, l’insuffisance des liens sociaux est associée à une dégradation du bien-être.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Bien que la vulnérabilité de chacun face à la solitude et à l’isolement social diffère, nous avons tous besoin de relations interpersonnelles. Pourtant, en général, les gens <a href="https://doi.org/10.1016/j.tics.2022.02.007">sous-estiment les avantages de la connexion</a> avec les autres et en surestiment les contraintes, notamment le travail émotionnel et l’énergie mentale nécessaires à la gestion des relations et à la présentation de soi.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1027/1614-0001/a000048">Indépendamment des degrés</a> d’introversion ou d’extraversion, l’insuffisance des liens sociaux est associée à une dégradation du bien-être.</p>
<p>La raison en est que les relations interpersonnelles sont un impératif biologique. Notre évolution s’est faite au sein de <a href="https://theconversation.com/dunbars-number-why-my-theory-that-humans-can-only-maintain-150-friendships-has-withstood-30-years-of-scrutiny-160676">collectivités très unies</a>. Pour les humains de l’Antiquité, l’exclusion sociale était une condamnation à mort. La solitude est un moyen pour notre corps de <a href="https://doi.org/10.1080/02699931.2013.837379">demeurer présent</a>, mais il arrive que <a href="https://casch.org/theory">nous restions pris au piège</a>.</p>
<p>Les directives de santé publique peuvent contribuer à sensibiliser à l’importance des relations interpersonnelles et nous fournir une feuille de route pour une meilleure santé sociale. Mais quelle forme ces orientations doivent-elles adopter ?</p>
<p>C’est exactement ce que <a href="https://www.newswire.ca/news-releases/from-social-distancing-to-social-connection-the-genwell-project-s-nationwide-survey-reinforces-the-importance-of-human-connection-as-canada-transitions-to-post-pandemic-recovery-822887144.html">mon équipe a cherché à comprendre</a> dans le cadre d’une étude à méthodes mixtes en plusieurs phases, financée par le gouvernement canadien et menée en partenariat avec celui-ci. Jusqu’à présent, nous avons identifié quelques approches prometteuses sur lesquelles chacun d’entre nous peut agir dès maintenant :</p>
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<img alt="Une famille sur un canapé regardant une tablette" src="https://images.theconversation.com/files/525495/original/file-20230510-17-ng6lfz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525495/original/file-20230510-17-ng6lfz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525495/original/file-20230510-17-ng6lfz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525495/original/file-20230510-17-ng6lfz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525495/original/file-20230510-17-ng6lfz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525495/original/file-20230510-17-ng6lfz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525495/original/file-20230510-17-ng6lfz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les relations de proximité répondent à nos besoins relationnels les plus importants : se sentir aimé, reconnu et validé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p><strong>Assurez-vous d’avoir <a href="https://static1.squarespace.com/static/60283c2e174c122f8ebe0f39/t/645a88655583045704102e40/1683654757592/CSCG_Evidence+Brief_Number+of+Friends.pdf">trois à cinq amis proches</a> à qui faire appel lorsque vous êtes dans le besoin.</strong> </p>
<p>La recherche a montré que les personnes qui comptent au moins trois à cinq amis proches sont celles qui souffrent le moins de solitude, d’anxiété, de dépression et d’une série d’autres effets néfastes sur la santé. Si vous avez trop d’amis, vous risquez de sacrifier la qualité à la quantité. Si vous n’en avez pas assez, vous pourriez vous retrouver seul en cas de besoin.</p>
<p><strong>Ayez une <a href="https://static1.squarespace.com/static/60283c2e174c122f8ebe0f39/t/640e0384b9ce9e602bf93c77/1678640005938/CSCG_Evidence+Brief_Social+Time.pdf">à trois heures d’interaction sociale par jour</a>.</strong> </p>
<p>Cela représente entre 7 et 21 heures de temps de socialisation par semaine, soit bien plus que la moyenne de <a href="https://www.bls.gov/news.release/atus.nr0.htm">34 minutes par jour pour la plupart d’entre nous</a>. Cette valeur correspond à la durée approximative de <a href="https://www.researchgate.net/profile/Robin-Dunbar/publication/235356868_Theory_of_mind_and_the_evolution_of_language/links/53dfc58b0cf2a768e49bddbd/Theory-of-mind-and-the-evolution-of-language.pdf">24 heures par semaine</a> dont les sociétés tribales et pastorales ont toujours bénéficié. Bien que, pour certains, cela puisse sembler un changement déconcertant du nombre d’heures consacrées à la vie sociale, les relations interpersonnelles peuvent inclure une grande variété d’activités : bavardage avec votre barista, appel téléphonique à un ami, conversation pendant un repas.</p>
<p><strong><a href="https://static1.squarespace.com/static/60283c2e174c122f8ebe0f39/t/640e03a10c9c9c5dbec35801/1678640034544/CSCG_Evidence+Brief_Network+Composition.pdf">Donnez la priorité aux moments passés avec vos proches</a>.</strong> </p>
<p>Nous avons constaté que les individus ont besoin de cultiver des relations avec des liens « forts » et « faibles », mais que l’essentiel de votre énergie doit être consacré à votre famille et à vos amis proches, avec lesquels vous entretenez des rapports chaleureux. En effet, les liens de proximité répondent à nos <a href="https://doi.org/10.3389/fpsyg.2020.00901">besoins relationnels</a> les plus importants : se sentir aimé, reconnu et validé. La construction de ces <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0265407518761225">liens forts prend du temps</a>.</p>
<p><strong>La diversité de votre réseau social est également importante.</strong> </p>
<p><a href="https://doi.org/10.1177/0146167214529799">Les « liens faibles », c’est-à-dire les personnes avec lesquelles vous n’entretenez pas de relations étroites, comptent aussi</a>. En fait, des études ont montré que <a href="https://doi.org/10.1093/geroni/igaa009">bavarder avec ses voisins</a> peut renforcer le sentiment d’appartenance à une collectivité. De même, <a href="https://doi.org/10.1080/15555240.2018.1436444">se faire des amis au travail</a> permet de réduire le stress professionnel, et <a href="https://doi.org/10.1016/j.jesp.2022.104356">parler à des inconnus</a> contribue à créer un sentiment de sécurité et à fournir une source de connexion significative. Différentes relations offrent différents types de soutien.</p>
<p><strong>Sachez reconnaître les risques d’une <a href="https://static1.squarespace.com/static/60283c2e174c122f8ebe0f39/t/63e67385a6ab9322c8125ea6/1676047237951/CSCG_Evidence+Brief_Living+alone.pdf">vie d’ermite</a>.</strong> </p>
<p>Les individus qui vivent seuls sont plus exposés au risque de solitude et des <a href="https://doi.org/10.1016/j.eclinm.2022.101677">études ont montré</a> que vivre seul, en <a href="https://doi.org/10.1093/nutrit/nuv024">particulier pour les hommes</a>, est dangereux pour la santé. Cela signifie que si vous vivez seul, il peut être particulièrement important pour vous de privilégier les relations sociales.</p>
<p><strong><a href="https://static1.squarespace.com/static/60283c2e174c122f8ebe0f39/t/6410a513a2173037c04a2141/1678812436160/CSCG_Evidence+Brief_Old+Friends.pdf">Retrouvez d’anciennes connaissances</a> et n’ayez pas peur de vous en <a href="https://static1.squarespace.com/static/60283c2e174c122f8ebe0f39/t/640e03cb6924ff0526a018e9/1678640075343/CSCG_Evidence+Brief_New+Connections.pdf">faire de nouvelles</a>.</strong> </p>
<p>Entretenir et conserver des relations peut s’avérer difficile, surtout dans notre monde où tout va très vite. Renouer avec des amis du passé peut être un moyen facile de garder un calendrier social bien rempli, mais en maintenant un niveau d’engagement sain avec de nouvelles personnes, vous vous assurez que votre puits d’amitié ne s’assèche pas.</p>
<p><strong>N’oubliez pas l’importance de la solitude.</strong> </p>
<p>Tout comme il est important de passer du temps avec les autres, il est également important de se retrouver seul. Il est tout à fait bon, et même sain, de passer du temps seul. C’est ce que nous appelons <a href="https://doi.org/10.1002/9781118427378">« solitude »</a>. En fait, pour certains, le temps passé avec d’autres personnes peut même <a href="https://doi.org/10.1007/s10902-023-00661-3">exacerber ce sentiment</a>. Les moments de solitude sont l’occasion de reconstituer ses réserves sociales et de répondre à ses besoins personnels.</p>
<p>En suivant ces stratégies parmi d’autres, vous pouvez améliorer votre santé et votre bien-être. Cependant, le combat contre la solitude, comme la plupart des grands problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui, nécessitera une réponse de l’ensemble de la société. Les directives de santé publique en matière de lien social peuvent servir de base à une telle approche.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205466/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kiffer George Card reçoit des fonds du Conseil de recherches en sciences humaines, des Instituts de recherche en santé du Canada et de Health Research BC. Il est affilié à la faculté des sciences de la santé de l'université Simon Fraser, au Pacific Institute on Pathogens, Pandemics, and Society, à l'Alliance canadienne pour le lien social et la santé et au projet GenWell.</span></em></p>La solitude est un fléau et créer des liens sociaux est essentiel pour notre bien-être. Les recommandations de santé publique à cet égard peuvent nous aider à vivre plus heureux et en meilleure santé.Kiffer George Card, Assistant Professor in Health Sciences, Simon Fraser UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2041552023-05-01T17:15:07Z2023-05-01T17:15:07ZEnseigner l’empathie aux enfants<p>La plupart des gens pensent que <a href="https://theconversation.com/fr/topics/empathie-21904">l’empathie</a> – ou la capacité de se mettre à la place d’une autre personne – est une qualité innée, mais ce n’est pas le cas. On peut l’apprendre. Des recherches ont montré que la <a href="https://irp-cdn.multiscreensite.com/b2f3fbc2/files/uploaded/Report%20on%20Empathy%20Lab%27s%20Programme%20in%20Wales%202019-20_AzG08RrQCaxzMN8XKz9j.pdf">lecture peut aider les enfants à la développer</a>, en leur permettant de se mettre dans des situations très différentes de la leur et de réfléchir à ces expériences.</p>
<p>D’autres arguments en faveur de l’enseignement de l’empathie viennent d’un programme intitulé « La Semaine de l’empathie », avec lequel j’ai travaillé. Il consiste à montrer aux élèves des films documentaires issus de différentes cultures et conçus pour inspirer de l’empathie. Les premiers résultats dont nous disposons (avant relecture par d’autres scientifiques) suggèrent qu’une semaine à peine de cours à partir de ces films améliore la <a href="https://www.empathy-week.com/_files/ugd/4bd9d5_5b527be5512e44c596f184480c2f84fa.pdf">conscience émotionnelle</a> des participants.</p>
<p>En outre, dans des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/1365480221989500">travaux réalisés avec des écoles</a>, j’ai constaté que les apprentissages intégrant l’empathie peuvent aussi aider les élèves à accroître leur <a href="https://theconversation.com/fr/topics/creativite-33763">créativité</a>.</p>
<h2>Différents niveaux d’empathie</h2>
<p>Notre empathie varie en fonction de tout un ensemble de facteurs, notamment les traits de personnalité, les gènes et l’environnement. La recherche a prouvé qu’une <a href="https://www.nature.com/articles/s41398-017-0082-6">part de notre empathie – et pas tant que ça – est génétique</a>, autour de 10 %. Cela veut dire que, potentiellement, une grande partie peut être acquise au cours de nos interactions quotidiennes. Mais aussi que nous pouvons perdre notre empathie en grandissant. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31992137/">Des travaux menés auprès d’un jeune public de cinq à neuf ans</a> ont permis de mesurer leur degré d’empathie face à des scénarios décrivant des injustices sociales concernant d’autres enfants, de différentes origines.</p>
<p>Leur activité cérébrale a été mesurée à l’aide d’un <a href="https://www.nhs.uk/conditions/electroencephalogram/">électroencéphalogramme</a> pour rechercher les niveaux plus élevés d’une fréquence utilisée <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/full/10.1098/rsos.160662?etoc=">comme indicateur</a> des niveaux d’empathie. </p>
<p>Les enfants n’ont pas manifesté de préjugés dans leurs réponses mais des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/17470919.2020.1722220">études antérieures</a> ont montré que c’était le cas avec les adultes. Cela suggère que les gens peuvent au cours de la vie développer des préjugés qui réduisent l’empathie. </p>
<p>L’empathie nous aide à comprendre ce que les autres pensent et ressentent. Elle aide les enfants à <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/181718/DFE-RR049.pdf">établir des relations sociales</a>, à s’intéresser à ce qu’ils apprennent, à travailler et jouer ensemble. </p>
<h2>Favoriser la créativité des enfants</h2>
<p><a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/1365480221989500">Ma recherche</a> a porté sur l’enseignement de l’empathie et ses effets sur les compétences créatives dans les classes de design et de technologie au Royaume-Uni. </p>
<p>Nous avons évalué le niveau de créativité d’élèves de neuvième année (âgés de 13 à 14 ans) de deux écoles en début et en fin d’année scolaire avec le <a href="https://www.ststesting.com/gift/TTCT_InterpMOD.2018.pdf">Torrance Test of Creative Thinking</a>, qui se fonde sur des questions dessinées et écrites. Après que les élèves ont passé le test pour la première fois, une école a poursuivi ses cours habituels de design et de technologie. Dans l’autre, ceux-ci ont été remplacés par des séances axées sur l’empathie, intitulées <a href="https://www.cam.ac.uk/news/designing-our-tomorrow-resources-to-inspire-the-next-generation-of-engineers">« Dessiner notre avenir »</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cultiver-lempathie-quelques-cles-pour-aider-les-enfants-a-souvrir-a-lalterite-173376">Cultiver l’empathie : quelques clés pour aider les enfants à s’ouvrir à l’altérité</a>
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<p>Les étudiants ont été invités à créer un dossier contenant les informations et le matériel nécessaires au traitement de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/asthme-22943">l’asthme</a> chez les enfants pour de jeunes malades et leurs familles. On leur a demandé de faire preuve d’empathie, en ne portant pas de jugement par exemple sur leurs propres créations ni sur celles des autres. On les a encouragés aussi à faire attention aux personnes pour lesquelles ils concevaient le produit.</p>
<p>Les résultats ont montré que seule l’école où nous avons dispensé des cours axés sur l’empathie a augmenté le niveau de créativité de ses réponses. La créativité pourrait ainsi se travailler, en particulier à travers des instructions soulignant l’importance de l’empathie pour le sujet traité. </p>
<p>L’enseignement de l’empathie à l’école aiderait les jeunes à ancrer cette qualité dans leur répertoire de compétences sociales, ce qui améliorerait leurs apprentissages et les préparerait au monde des adultes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204155/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Helen Demetriou ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’empathie nous aide à comprendre ce que les autres pensent et ressentent, à établir des relations sociales, et à nous intéresser à ce que nous apprenons. Comment la favoriser à l'école ?Helen Demetriou, Lecturer in Education, University of CambridgeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1977502023-02-28T18:14:46Z2023-02-28T18:14:46ZAu collège, l’origine sociale influence-t-elle les amitiés ?<p>La <a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-m-comme-mixite-sociale-151876">mixité sociale</a> à l’école – c’est-à-dire le fait pour les enfants des classes populaires, moyennes et supérieures de fréquenter les mêmes établissements – est généralement considérée comme un objectif désirable, à même de réduire les inégalités scolaires et de favoriser chez les élèves une forme d’ouverture à l’altérité.</p>
<p>Cependant, on craint fréquemment que les élèves de différentes origines sociales, même quand ils sont dans le même établissement, ne se mélangent pas ou peu, reproduisant des formes de ségrégation sociale dans leurs <a href="https://theconversation.com/comment-les-enfants-choisissent-ils-leurs-amis-142319">amitiés</a>. Ainsi, un récent article du journal <em>Le Monde</em> se demandait si les <a href="https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2023/01/13/nos-enfants-ont-ils-une-conscience-de-classe_6157775_4497916.html">enfants ont déjà une « conscience de classe »</a> qui leur ferait choisir des amis issus des mêmes milieux, annulant donc en partie l’effet de la mixité de l’établissement. On pourrait même redouter que la distance sociale n’engendre entre les élèves des conflits ou du <a href="https://theconversation.com/violences-scolaires-ou-le-harcelement-commence-t-il-107074">harcèlement</a> – une peur notamment <a href="https://www.cairn.info/choisir-son-ecole--9782130558163.htm">évoquée par certains parents</a>d e classes supérieures pour expliquer leur choix de scolariser leurs enfants dans des établissements moins mixtes (souvent du secteur privé).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lamitie-fait-elle-toujours-du-bien-aux-adolescents-183288">L’amitié fait-elle toujours du bien aux adolescents ?</a>
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<p>Qu’en est-il réellement ? À partir d’une enquête menée dans quatre collèges français mixtes, il est possible de voir <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-2022-1-page-65.htm">à quel point l’origine sociale des enfants influence leurs relations</a> les uns avec les autres, aussi bien sur le plan des amitiés que des inimitiés et des conflits.</p>
<h2>Une homophilie sociale réelle mais modérée</h2>
<p>Premier constat : les élèves ont effectivement plus de chances d’avoir des amis socialement proches. On parle en sociologie d’homophilie sociale pour qualifier ce phénomène. Par exemple, les enfants de cadres déclarent en moyenne 28 % d’enfants d’employés et d’ouvriers parmi leurs « très bons amis », alors que ce taux devrait s’élever à 35 % si les relations étaient indépendantes de l’origine sociale.</p>
<p>On voit néanmoins que cet écart n’est pas écrasant : les relations entre milieux sociaux différents, si elles sont moins probables, restent tout à fait possibles – même dans le plus homophile de nos quatre collèges, on trouve encore 22 % d’enfants des classes populaires parmi les très bons amis des catégories supérieures (contre 39 % attendus). À titre de comparaison, l’effet du genre est beaucoup plus fort : les garçons ne déclarent que 21 % de filles parmi leurs très bons amis, contre 50 % attendus si les relations étaient distribuées au hasard.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/mixite-scolaire-que-peuvent-apporter-les-cours-de-recreation-non-genrees-183502">Mixité scolaire : que peuvent apporter les cours de récréation « non genrées » ?</a>
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<p>Deuxième constat : cette homophilie sociale est plus ou moins prononcée selon le type de relations. Au niveau des amitiés « faibles » (copains, potes, camarades, etc.), elle est très réduite, parfois quasiment inexistante. Elle devient plus marquée parmi les très bons amis, et plus encore parmi les amis du collège qui sont aussi vus en dehors de l’établissement (invitations à la maison, sorties au parc, etc.).</p>
<p>Ce résultat est intéressant en ce qu’il peut s’interpréter de deux façons. D’un côté, l’homophilie sociale semble augmenter avec le degré d’intimité entre élèves ; de l’autre, les relations apparaissent plus mixtes au sein du collège qu’à l’extérieur de celui-ci. Or, ce que cette seconde interprétation implique, c’est que la fréquentation du collège augmente la mixité sociale des amitiés par rapport à ce que connaissent les élèves dans le reste de leur vie.</p>
<p>La sociabilité des collégiens comprend bien sûr des dimensions conflictuelles et hiérarchiques. Certains élèves ont de nombreux amis, tandis que d’autres sont isolés, avec toutes les asymétries de pouvoir que cela peut impliquer. On trouve aussi des inimitiés, des moqueries – réciproques ou non – voire, dans le pire des cas, du harcèlement.</p>
<p>Or, sur tous ces aspects, la distance sociale ne fait guère de différence. À la question « est-ce qu’il y a des élèves que tu n’aimes pas ? », les collégiens ne répondent pas plus souvent en désignant des camarades d’un milieu social différent du leur – dans certains collèges, ils ont même moins de chances de les nommer que ceux de leur propre milieu. De la même façon, les réponses à la question « est-ce qu’il y a des élèves qui se moquent de toi ou qui t’embêtent ? » ne sont pas liées à la distance sociale. Enfin, les élèves des différents milieux sociaux ont à peu près le même nombre d’amis en moyenne ; un seul des quatre collèges étudiés présente un déséquilibre notable de ce point de vue, au profit des enfants des classes supérieures (ils émettent et reçoivent un peu plus de nominations d’amitié en moyenne).</p>
<h2>Une discrimination dans le choix des amis ?</h2>
<p>On l’a dit, les élèves ont plus de chances d’avoir des amis issus des mêmes milieux sociaux. Doit-on pour autant y voir la marque d’une « conscience de classe » dans le choix des amis, qui se manifesterait par des goûts, des centres d’intérêt ou des styles relationnels incompatibles ?</p>
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<p>En fait, une partie importante de l’homophilie sociale s’explique par les opportunités de contact entre élèves. Les enfants d’un même milieu social ont plus de chances d’habiter dans le même quartier ou la même rue, ils font plus souvent les mêmes activités hors de l’école et leurs parents ont plus de chances de se connaître et de s’apprécier. Tout cela contribue mécaniquement à faciliter les amitiés homophiles. Une fois ces éléments pris en compte, la tendance « nette » à choisir des amis socialement similaires, si elle existe bien, s’avère faible.</p>
<p>De ce point de vue, les établissements scolaires disposent d’un levier essentiel : la répartition des élèves entre les classes. Dès lors que les enfants des mêmes milieux tendent à être concentrés dans les mêmes classes – en raison notamment d’options socialement connotées, comme le latin, les programmes internationaux ou les <a href="https://theconversation.com/college-comment-promouvoir-lenseignement-adapte-sans-le-stigmatiser-175700">classes SEGPA</a>, alors la mixité sociale des amitiés baisse sensiblement.</p>
<p>En effet, non seulement ces séparations jouent sur les opportunités de contact, mais elles peuvent aussi donner lieu à des formes d’étiquetage ou de stigmate qui renforcent les frontières sociales : certains élèves parlent ainsi « des latinistes » ou « des SEGPA » comme d’un groupe bien identifié et étranger au leur. Répartir les groupes d’option entre plusieurs classes et ne les rassembler que pour les cours dédiés constitue ainsi une mesure simple pour favoriser la diversité sociale des amitiés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/au-college-et-au-lycee-les-cours-de-latin-sont-ils-en-voie-de-disparition-197354">Au collège et au lycée, les cours de latin sont-ils en voie de disparition ?</a>
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<p>Au final, peut-on dire de la mixité sociale qu’elle « fonctionne » ? Tout dépend des attentes qu’on formule à son égard. Si l’on espère une disparition soudaine et totale de toute différenciation sociale entre élèves, alors non : les relations, surtout les plus fortes, restent marquées par de l’homophilie sociale. Au demeurant, l’orientation scolaire qui survient en fin de collège opère un tri social important, les enfants des classes populaires étant <a href="https://journals.openedition.org/sdt/7454">massivement dirigés vers les voies professionnelles</a> ; la parenthèse de mixité du collège se referme ainsi rapidement, et il y a fort à parier que les amitiés entre jeunes socialement distants auront plus de difficultés à survivre dans le temps.</p>
<p>En revanche, si l’on forme l’espoir plus raisonnable d’une bonne entente entre enfants, d’un contexte scolaire globalement apaisé, et, malgré tout, de l’apparition et de la persistance d’au moins quelques amitiés fortes entre classes sociales, alors tout indique que la mixité sociale des établissements fait déjà beaucoup. Il est vrai que les situations locales varient fortement : selon les politiques d’établissement, la configuration urbaine ou encore l’implication des parents d’élèves, le degré de ségrégation des amitiés pourra beaucoup varier.</p>
<p>Mais dans tous les cas, il convient de comparer la situation des établissements mixtes à celle des collèges les plus ségrégés : dans ceux-ci, les relations entre enfants de différents milieux sociaux sont, par définition, pratiquement inexistantes. Les politiques de mixité sociale à l’école permettent donc bel et bien de favoriser une certaine diversité amicale que les élèves n’expérimenteraient tout simplement pas autrement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197750/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Timothée Chabot a reçu des financements de l'Institut Universitaire Européen de Florence pour mener l'enquête décrite dans cet article.</span></em></p>Les politiques de mixité sociale amènent-elles vraiment les élèves à diversifier leurs fréquentations et à nouer des amitiés hors de leur milieu d’origine ? Retour sur une enquête au collège.Timothée Chabot, Post-doctorant, Institut National d'Études Démographiques (INED)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1855192022-07-08T09:47:36Z2022-07-08T09:47:36ZLe naturisme s’offre-t-il une cure de jouvence ?<p>Chaque été, la presse magazine, en quête de sujets « légers » et intrigants, se penche sur le naturisme. La pratique y est présentée comme un loisir estival à découvrir, une <a href="https://www.elle.fr/Loisirs/Evasion/10-adresses-cool-ou-faire-du-naturisme-en-France">forme atypique de tourisme</a>. Mais depuis quelque temps, il est plus souvent question de saisir la complexité du phénomène, ses valeurs et <a href="https://www.paulette-magazine.com/le-naturisme-cette-philosophie-de-vie/">ses origines</a>.</p>
<p>En parallèle, les campagnes de sensibilisation au naturisme – comme mode de vie et culture à part entière – se multiplient et obtiennent un écho croissant. Depuis 2006, la <a href="https://www.naturisme.fr/actualites/journee-internationale-du-naturisme-2021">journée mondiale du naturisme</a> se déroule chaque année, début juillet. Enfin, avec 38 000 adhérents comptabilisés en 2014, la Fédération française de naturisme (FFN) a enregistré au début des années 2010 une <a href="https://www.ouest-france.fr/normandie/falaise-14700/la-federation-francaise-de-naturisme-compte-de-plus-en-plus-dadherents-301677">nette hausse de ses effectifs</a>.</p>
<p>Cet engouement relève-t-il d’un phénomène de mode, produit par les médias et appelé à retomber plus ou moins rapidement ? S’inscrit-il, au contraire, dans des évolutions sociales voire sociétales plus profondes ? Assiste-t-on à un rajeunissement du naturisme, loin de l’image d’un mouvement dont les valeurs, tout comme les pratiquants, ont inexorablement vieilli ?</p>
<h2>Un renouvellement significatif des pratiquants ?</h2>
<p>On assiste depuis la fin des années 2000 à un renouvellement des pratiquants. Un sondage Ipsos <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/naturisme-vous-laisserez-vous-tenter">paru en 2015</a> le confirme, comme les enquêtes menées de 2015 à 2017 par le cabinet Pro-Tourisme pour le groupe de villages naturistes France 4 naturisme. Selon ces études, 2,6 millions de Français pratiquent régulièrement le naturisme, (<a href="https://www.naturisme.fr/naturisme-en-france/developpement-du-naturisme-en-france">et 13,4 de manière occasionnelle</a>). Autre enseignement, la pratique <a href="https://www.leprogres.fr/france-monde/2018/04/01/plus-nombreux-les-naturistes-sont-de-plus-en-plus-jeunes">séduit de plus en plus de jeunes adultes</a> et de familles, en soif d’évasion et de bien-être face au stress du monde professionnel. Les pratiquants sont à 60 % des hommes et à 70 % de femmes de moins de 50 ans. Parmi les motivations des nouvelles adhérentes, on note celle de disposer librement de leurs corps dans un espace tolérant.</p>
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<p>Ces récentes évolutions doivent cependant s’apprécier avec nuance. C’est en effet l’offre naturiste de vacances, structurée autour de plusieurs entités commerciales, qui tire son épingle du jeu. Le parc d’hébergement naturiste et le chiffre d’affaire qui y correspond, estimé à 300 millions d’euros en 2018, est en croissance continue. Ce succès <a href="https://www.leparisien.fr/societe/la-france-premiere-destination-naturiste-au-monde-avec-500-espaces-autorises-06-08-2017-7177851.php">tient aussi à la clientèle étrangère</a>.</p>
<h2>À la conquête de nouveaux espaces</h2>
<p>Le naturisme poursuit son essor en s’appuyant sur son parc de campings et de villages vacances. En 2022, 460 espaces lui sont légalement consacrés en France. Parmi eux, on recense 76 plages, 2 ports, 155 établissements de vacances et tout autant d’associations <a href="https://ffn-naturisme.com/histoire-et-presentation/">disposant le plus souvent de leur terrain</a>. De ce point de vue, le naturisme s’inscrit dans la continuité du tournant pris dans les années 1960 : celui d’une pratique de masse s’appuyant sur la démocratisation des loisirs et les politiques d’aménagement touristique du territoire. Le naturisme a ainsi conquis sa légitimité, couronnée en 1983 par sa reconnaissance d’utilité publique. Mais il l’a fait, pour l’essentiel, au prix d’une assignation à des espaces délimités, voire fermés, afin de ne pas heurter la sensibilité des « textiles » ou d’attirer les voyeurs.</p>
<p>On assiste cependant à une évolution, illustrée par l’essor des « randonues » et des « cyclonues ». D’une position « en retrait », les promoteurs du naturisme se montrent plus « offensifs », vers la fin des années 2000. Il s’agit d’ouvrir de nouveaux espaces à la nudité <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070719/LEGISCTA000021796051/#LEGISCTA000021796946">sans qu’elle tombe systématiquement sous le coup de la loi</a>. Le lancement en 2011 de la « Journée sans maillot », organisée sur tout le territoire par la Fédération française de naturisme en <a href="https://ffn-naturisme.com/celebrer-le-naturisme/">est l’illustration</a>. À cette occasion, le naturisme quitte ses murs pour investir l’espace public : rues, routes, chemins et piscines accueillent les adeptes du nu avec l’accord des pouvoirs publics. Autre exemple marquant, en 2017, la Ville de Paris accepte l’ouverture d’une zone naturiste dans le bois de Vincennes. Son originalité réside dans le fait que l’espace est ouvert – pas de palissades ni d’autre protection – et mixte en termes de nudité. Inaugurée le 31 août 2017, l’expérimentation est reconduite chaque année.</p>
<h2>Vers une nouvelle « humanuté »</h2>
<p>Cependant, alors que la FFN et ses associations locales négocient avec les pouvoirs publics pour organiser ces événements, d’autres prosélytes du nu n’hésitent pas à braver la loi pour susciter son évolution. Outre-Manche, Steve Gough est devenu le porte-étendard des défenseurs d’un droit fondamental à la nudité <a href="https://www.bbc.com/news/uk-england-29800016">alliant le geste à la parole</a>. Le cas n’est pas isolé, y compris en France, ou certains militants, <a href="https://www.larepubliquedespyrenees.fr/faits-divers/justice/autorise-a-se-promener-nu-en-espagne-mais-pas-en-france-5420964.php">comme Jean-Pierre David</a>, provoquent la <a href="https://lagazette-ladefense.fr/2022/06/15/deux-naturistes-arretes-sur-le-parvis/">polémique</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/piscine-et-nudite-le-maillot-de-la-discorde-184970">Piscine et nudité : le maillot de la discorde</a>
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<p>En 2007, a d’ailleurs été créée l’Association pour la Promotion du Naturisme En Liberté (APNEL). Son objectif : que soit « modifié l’article 222-32 du code pénal français afin que la simple nudité ne soit plus assimilée à de l’exhibition sexuelle, pour être en conformité <a href="https://apnel.festinatur.fr/association/">avec la législation des autres pays européens »</a>. Comptant 270 adhérents en 2017, l’APNEL vient en aide à ceux et celles qui ont été arrêtés lors de randonues « non déclarées » en les assistant lors de leur procès et en organisant des souscriptions.</p>
<p>Avec Jacques Frémont, un des initiateurs de l’APNEL, les promoteurs de cet idéal de nudité se définissent non seulement comme des naturistes mais, plus encore, <a href="https://www.vivrenu.com/2008/11/09/il-etait-une-fois-le-naturisme-en-liberte/">comme des « nudiens »</a>. La nudité est ainsi entendue tout à la fois comme un <a href="https://laviedesidees.fr/Chair-a-slogans.html">idéal, un absolu et une libération</a>. Elle doit organiser une société plus tolérante, démocratique et dégagée du diktat des apparences. De 2016 à 2018, signe des temps, les représentants de l’APNEL participent à la fête de l’Humanité et obtiennent le droit de <a href="https://www.naturisme-magazine.com/actualites/actusnues/h-umanite-fete-de-l">tenir leur stand entièrement nus</a>.</p>
<h2>Une dynamique d’expansion</h2>
<p>Pour en venir maintenant aux principales causes déterminant la dynamique d’expansion du naturisme, il faut retenir tout d’abord que celui-ci naît d’un désir de nature renouvelé, au tournant des XVIII<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup> siècles. Il se déploie autour d’un profond sentiment de coupure avec la nature que catalysent la révolution industrielle, l’urbanisation et les pandémies. Ce sentiment se nourrit également des angoisses <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/l-apocalypse-joyeuse-jean-baptiste-fressoz/9782021056983">d’une apocalypse industrielle</a>. Ce faisant, le naturisme <a href="https://www.cairn.info/revue-corps-2021-1-page-35.htm">alimente une conscience écologique précoce</a> et s’inscrit dans une perspective réformiste majeure. Agglomérant des idéaux élevés, humanistes et progressistes, il vise à refonder une société qui s’est fourvoyée, et, au-delà, à donner naissance à une nouvelle humanité.</p>
<p>Le contexte actuel réactive le message réformiste naturiste et met en relief les valeurs qui le sous-tendent. Il porte tous les ferments d’un désir de nature propice au naturisme : nouvelle prise de conscience de <a href="https://www.actes-sud.fr/catalogue/nature-et-environnement/la-tristesse-de-gaia">la fragilité de la planète</a> mais aussi privation de nature avec les confinements successifs liés au Covid-19. L’idéologie d’un retour salvateur à la nature, sur le plan individuel, social, physique et moral fait écho aux préoccupations contemporaines. Profiter des plaisirs de la nature et de <a href="https://franceuniversites.fr/actualite/eclairage-Covid-19-et-retour-a-la-nature-regard-dhistorien/">la nudité tout prenant soin de sa santé</a> et de l’environnement, voire en œuvrant pour un monde meilleur, telle est la formule qui éclaire le succès des hébergements naturistes. Engagés de longue date dans une démarche éco-responsable, les centres naturistes de vacances mettent d’ailleurs avant le supplément de sens, d’âme qu’y trouve leur clientèle.</p>
<h2>Une quête identitaire qui passe par la nature</h2>
<p>Le naturisme s’affirme aussi en tant que réponse à une quête de sens. De fait, il se structure face à la déstabilisation des repères qui accompagne l’accélération de l’histoire. Révolutions économique, industrielle, médicale, <a href="https://journals.openedition.org/rha/6979">guerres modernes</a> sont autant de faits qui viennent interroger profondément les populations. Nulle surprise dès lors à ce que les mouvements naturistes se déploient de façon significative au sortir de la Grande guerre, un conflit qui signe pour nombre d’individus <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-naturisme_et_education_corporelle_XIXe_milieu_du_XXe_siecles_sylvain_villaret-9782747596152-20987.html">l’impasse de la société et de son organisation politique</a>. Ils y puisent notamment leur ancrage pacifique et internationaliste.</p>
<p>Le naturisme connaît une nouvelle poussée lors des Sixties, à un moment ou justement le système économique, social et politique est remis en cause par une jeunesse en soif de liberté. Lorsque tout semble contestable, incertain, confus, on s’en remet à la nature : une <a href="https://pur-editions.fr/product/ean/9782753500204/histoire-du-naturisme">nature mythifiée</a>, intemporelle, invariablement bénéfique et vue comme seule capable de donner du sens à l’existence.</p>
<p>Une fois encore, on peut faire le parallèle <a href="https://bibliopac.ens-rennes.fr/bib/10311">entre ces « moments » de l’histoire</a> et la période actuelle. Que l’on pense ainsi à la crise écologique qui se dessine, à la problématique énergétique, à la persistances de conflits dramatiques, mais aussi à la <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-montee-des-incertitudes-robert-castel/9782020510424">fragilisation du lien social</a>, autant de facteurs qui battent en brèche les certitudes et fond sourdre les peurs. De nouvelles pathologies en sont les symptômes : solastalgie, <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/eco-anxiete-et-solastalgie-quelles-sont-les-solutions-pour-vivre-sereinement_156524">éco-anxiété</a>. Le naturisme contemporain, comme stratégie identitaire, y trouve probablement une des raisons de son renouveau.</p>
<p>Par delà l’actualité de son message, fondé sur le respect de soi, des autres et de la nature, si le naturisme perdure en tant que culture en mouvement c’est aussi parce que ses prosélytes ont su s’adapter aux nouveaux supports de communication. L’initiation peut ainsi <a href="https://www.20minutes.fr/societe/951363-20120612-naturisme-denude-web">commencer en ligne</a> et se trouve facilitée par l’interactivité que permet ce nouveau support. Un fait qui révèle, une fois de plus, que le naturisme est bien le fruit de la modernité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185519/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvain Villaret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Randonnées, cyclisme, rassemblements… le naturisme semble en plein essor. Comment expliquer cet engouement ?Sylvain Villaret, Maître de conférence en histoire du sport et de l'éducation physique, Le Mans UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1837832022-05-29T15:37:05Z2022-05-29T15:37:05ZPourquoi sommes-nous si mal à l’aise avec le silence ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/465314/original/file-20220525-14-ft0uu8.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C990%2C646&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une rencontre sur fond de silences, tantôt complices, tantôt embarrassés. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.linternaute.fr/cinema/tous-les-films/2203824-lost-in-translation-que-dit-bob-a-charlotte-a-la-fin-du-film/">Linternaute</a></span></figcaption></figure><p>Les mots que nous utilisons dans une conversation ne constituent qu’un <a href="https://www.researchgate.net/publication/316420752_Nonverbal_Communication">faible pourcentage de ce que nous communiquons vraiment</a> à autrui. Ce qu’on appelle langage non verbal compte tout autant : expression faciale, gestes, position dans l’espace et ton de la voix (<a href="https://www.researchgate.net/publication/329541457_Prosody_Stress_rhythm_and_intonation">prosodie</a>) recèlent des indices essentiels pour nous faire comprendre.</p>
<p>La communication permet de <a href="https://www.researchgate.net/publication/26329389_Speaking_silence_The_social_construction_of_silence_in_autobiographical_and_cultural_narratives">créer des liens</a> entre des réalités individuelles qui autrement seraient impossibles à sonder, et ainsi de partager nos besoins avec ceux qui nous entourent et de mieux comprendre les leurs : en bref, elle nous permet de nous repérer dans les méandres des relations sociales.</p>
<p>Il ne faut pas oublier que la communication est un processus incroyablement complexe. Même sans parler, nous transmettons subtilement un message dont la nature dépend du contexte et des expériences partagées avec notre interlocuteur.</p>
<p>Ce phénomène est désigné par le terme <a href="https://steinbock.org/pubs/steinbock_icls2014.pdf">« silence social »</a>. Bien que la sensation, pour les intéressés, soit celle d’un vide, comme une parenthèse dans le flux naturel du discours, elle permet de suggérer une extraordinaire variété d’émotions. Certaines personnes sauront décoder cette situation ou la vivre sans inquiétude, tandis que d’autres ressentiront une certaine gêne.</p>
<h2>Différents types de silence</h2>
<p>Les silences <a href="https://www.researchgate.net/publication/271842302_SILENCE_BECAUSE_WHAT%E2%80%99S_MISSING_IS_TOO_ABSENT_TO_IGNORE">font l’objet d’études scientifiques depuis des décennies</a>, car ils peuvent avoir des effets très importants sur la dynamique de l’interaction et sur les sentiments de ceux qui y participent. En ce sens, les chercheurs qui étudient le phénomène <a href="https://steinbock.org/pubs/steinbock_icls2014.pdf">distinguent trois modalités</a> : la pause individuelle, les pauses dans la conversation et le silence social inexpliqué.</p>
<p>La pause individuelle intervient lorsqu’une seule personne s’adresse à un public, par exemple un comédien qui récite un monologue ou un étudiant qui fait une présentation devant ses camarades de classe. Le silence est souvent utilisé pour <a href="https://gloriacappelli.it/wp-content/uploads/2009/05/silence.pdf">capter l’attention et l’intérêt des auditeurs</a>, mais il peut aussi suggérer une méconnaissance du sujet abordé (particulièrement redoutée par ceux qui souffrent d’<a href="https://www.researchgate.net/publication/283836688_Social_Anxiety_Disorder">anxiété sociale</a>).</p>
<p>Les interruptions de conversation sont ce qui se rapproche le plus des « silences gênants ». Nous parlons de celles qui se produisent entre deux personnes et qui <a href="https://www.researchgate.net/publication/229579190_Talk-Silence_Sequences_in_Informal_Conversations_I">brisent les attentes d’un échange fluide</a>. Elles peuvent se produire entre des personnes qui se connaissent à peine, mais aussi entre celles qui se connaissent depuis longtemps, selon le niveau de confiance établi.</p>
<p>Enfin, le silence social inexpliqué décrit une situation que nous avons tous vécue à un moment ou à un autre. Il se produit lorsque plus de deux personnes interagissent simultanément (racontent des anecdotes, ont des conversations parallèles, etc.) et que tout s’arrête soudainement, laissant un vide assourdissant. Dans ce cas, entre inquiétude et plaisanterie, on dit souvent qu’« un ange est passé ».</p>
<p>Il faut garder à l’esprit que les silences sont une ressource communicative <a href="https://www.researchgate.net/publication/341028615_Exploring_How_Silence_Communicates">qui peut être légitimement utilisée</a> et que, dans certaines circonstances, ils peuvent même être productifs, surtout dans le contexte d’une <a href="https://www.researchgate.net/publication/228144342_Active_Listening">écoute active</a>. Comme le disait Jorge Luis Borges : « Ne parlez pas, sauf si vos mots valent mieux que le silence » (« No hables al menos que puedas mejorar el silencio</p>
<p> »).</p>
<h2>Pourquoi le silence peut-il sembler gênant ?</h2>
<p>Le silence implique une <a href="https://www.researchgate.net/publication/222527474_The_functions_of_silence">rupture dans la dynamique naturelle des conversations</a>, dont la logique est identique à celle d’autres processus sociaux qui nécessitent la coordination des parties impliquées. Lorsqu’elles sont fluides, le déroulement de l’interaction est plus prévisible, ce qui rassure les interlocuteurs quant à l’incertitude qui accompagne toute relation.</p>
<p>Il est prouvé que la fluidité de la conversation <a href="https://www.researchgate.net/publication/348905663_The_Importance_of_Belonging_A_Study_About_Positioning_Processes_in_Youths%E2%80%99_Online_Communication">stimule un sentiment d’appartenance</a> et la cohérence d’un lien particulier, qui le distingue de tous les autres. De plus, lorsque nous offrons des réponses sans temps mort, nous favorisons un sentiment de consensus sur les questions importantes, suggérant que nous sommes idéologiquement et émotionnellement alignés les uns avec les autres.</p>
<p>Les conversations fluides nourrissent un sentiment d’appartenance sociale, légitiment chacun en tant que membre du groupe, donnent le sentiment de contrôler la dynamique relationnelle et contribuent fortement à renforcer l’estime de soi. Le silence, quant à lui, <a href="http://journal-of-conflictology.uoc.edu/joc/en/index.php/journal-of-conflictology/article/view/vol2iss1-gendron.html">peut suggérer un conflit sous-jacent</a> ou la présence d’émotions que l’on préfère ne pas exprimer, alimentant ainsi une certaine insécurité.</p>
<h2>Le silence est-il toujours inconfortable ?</h2>
<p>Le silence n’est pas toujours inconfortable. Lorsque le lien est suffisamment fort et qu’il existe une relation de confiance, <a href="https://www.researchgate.net/publication/257198759_Semiotic_silence_in_intimate_relationships_Much_silence_makes_a_powerful_noise_-_African_Proverb">c’est même une occasion de créer des liens</a>. S’il n’y a pas de conflits sous-jacents entre les interlocuteurs, le silence n’est pas chargé des émotions négatives qu’il a pour les personnes dont les liens sociaux sont fragiles ou motivés par la peur.</p>
<p>D’autre part, les personnes ayant une bonne estime d’elles-mêmes <a href="https://oaji.net/articles/2016/1170-1463651532.pdf">ont tendance à vivre les silences plus confortablement</a>. Elles ne projettent rien de négatif quant à ce que les autres penseront d’elles, et le silence (qui est parfois le signe de nos peurs et de nos insécurités) prend place tranquillement dans la conversation, sans créer de trouble particulier.</p>
<p>Dans tous les cas, on peut tirer parti du silence et en extraire quelque chose de positif : il donne par exemple <a href="https://www.researchgate.net/publication/254437920_The_Effects_of_Thinking_in_Silence_on_Creativity_and_Innovation">l’occasion de réorganiser ses idées avant de s’exprimer</a>, offre un moment d’intimité, et peut nous apporter le calme dans un monde souvent bruyant.</p>
<p>En définitive, les effets du silence sur notre bien-être sont peut-être davantage liés à la façon dont nous l’interprétons qu’à l’intention des autres lorsqu’ils l’utilisent. Comprendre cette nuance peut nous aider à l’aborder de manière beaucoup plus constructive.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183783/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joaquín Mateu Mollá no recibe salario, ni ejerce labores de consultoría, ni posee acciones, ni recibe financiación de ninguna compañía u organización que pueda obtener beneficio de este artículo, y ha declarado carecer de vínculos relevantes más allá del cargo académico citado.</span></em></p>Si les conversations fluides nous donnent un sentiment de contrôle, le silence peut créer du trouble dans les relations sociales.Joaquín Mateu Mollá, Doctor en Psicología Clínica. Director del Máster en Gerontología y Atención Centrada en la Persona (Universidad Internacional de Valencia), Universidad Internacional de ValenciaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1832812022-05-22T16:02:21Z2022-05-22T16:02:21ZLa confiance politique exige la reconnaissance du mérite<p><a href="https://theconversation.com/fr/topics/presidentielle-2022-103116">L’élection présidentielle 2022</a> tout comme le premier tour du scrutin législatif a mis en lumière une fracture qui sépare la France de la confiance de la France de la défiance. En fait, toutes les études que l’on peut mener depuis des années montrent que le clivage entre les mouvements politiques dits « populistes » de droite ou de gauche et les partis politiques ou les mouvements défendant les institutions de la V<sup>e</sup> République vient traduire en langue politique cette opposition entre deux ensembles de citoyens.</p>
<p>Alors que les populistes privilégient la démocratie directe, le contrôle permanent des élus et l’action immédiate des citoyens sur l’action publique, les anti-populistes entendent préserver le monde des métiers de la politique et une certaine distance entre les électeurs et les élus. Ceux-ci doivent pouvoir appréhender un monde complexe où les effets des politiques publiques se déploient sur le temps long. Cette dichotomie se retrouve très clairement entre ceux qui prônent le renforcement de la souveraineté nationale et ceux qui, au contraire, souhaitent un renforcement de l’échelon européen.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/aux-origines-des-fractures-francaises-183037">Aux origines des fractures françaises</a>
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<p>La question qui se pose est de savoir sur quoi repose la <a href="https://theconversation.com/de-la-societe-distante-a-la-societe-mefiante-182817">défiance</a> ou la confiance politique. La confiance, rappelons-le, est la capacité de s’engager dans une relation sociale avec les autres, qu’il s’agisse de particuliers ou d’institutions, sur la base du pari qu’ils tiendront leurs engagements et respecteront la parole donnée. La confiance suppose donc un engagement moral mais aussi le respect et donc la revitalisation permanente d’un lien social pour que les individus puissent faire « communauté » et puissent ainsi garantir la sécurité de leurs échanges.</p>
<p>La confiance est donc centrale non seulement dans la vie économique et celle des marchés, dont une partie des transactions se dénouent à terme, mais également dans la vie politique puisqu’elle fonde le choix électoral au-delà des préférences idéologiques ou des intérêts que l’on entend défendre. À quoi sert de voter si les programmes ne sont pas respectés, si le personnel politique change d’avis, si de nouveaux acteurs imprévus interviennent dans le champ de la décision ?</p>
<h2>Une défiance qui alimente la vie politique</h2>
<p>Une analyse même rapide des niveaux de confiance dans les institutions politiques montre d’une part que ces derniers sont très bas, notamment au regard de ce que l’on trouve dans les enquêtes comparatives menées au sein du <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/BONNE%20VERSION%20FINALE-1.pdf">Baromètre de la confiance politique du Cevipof</a>, d’autre part, qu’ils distinguent clairement les institutions politiques locales comme le maire – qui est le seul à bénéficier d’une confiance assez élevée quels que soient les choix politiques des enquêtés.</p>
<p>Ces résultats différencient aussi clairement les électeurs et les candidats des partis politiques défendant les institutions de la V<sup>e</sup> République de tous ceux qui défendent une révision profonde de ces institutions au nom de la démocratie directe et de la représentation proportionnelle de toutes les forces politiques à l’Assemblée nationale. On peut ainsi le constater lorsqu’on croise le vote au premier tour de l’élection présidentielle de 2022 et le niveau de confiance dans le système politique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/463977/original/file-20220518-23-nobg4a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463977/original/file-20220518-23-nobg4a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463977/original/file-20220518-23-nobg4a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463977/original/file-20220518-23-nobg4a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463977/original/file-20220518-23-nobg4a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463977/original/file-20220518-23-nobg4a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463977/original/file-20220518-23-nobg4a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>L’élection présidentielle de 2022 est venue parfaitement illustrer ce mécanisme de fracturation de la vie politique puisque son résultat est de créer une tripartition de l’espace politique français entre le macronisme, la France insoumise et le Rassemblement national dont la logique est en réalité binaire. Elle oppose ceux qui ont confiance dans le système politique – et qui se rallient peu ou prou au macronisme pour la préparation des élections législatives – et tous ceux qui rejettent cette élection comme étant le résultat soit d’un vote par défaut (c’est l’appel de Jean-Luc Mélenchon à se faire élire Premier ministre) soit d’un verrouillage médiatique et oligarchique de la vie politique (thème largement développé par le Rassemblement national).</p>
<p>Mais on le voit bien : la crise de confiance conduit à mener la critique du Président élu bien au-delà de la contestation du bilan de son précédent quinquennat ou de son programme politique d’avenir pour remettre en cause la légitimité du résultat des urnes. Ce dernier, lié à un taux d’abstention particulièrement élevé, tend à rendre la démocratie représentative exécrable pour une grande partie de l’électorat, partie la plus modeste, la moins diplômée et se vivant dans une situation d’exclusion sociale.</p>
<h2>Les explications habituelles et leurs limites</h2>
<p>La défiance politique n’est pas nouvelle et, pourrait-on dire, reste associée à l’idée même de démocratie puisqu’un régime démocratique limite le mandat des élus dans le temps, divise les pouvoirs, place leur action sous le contrôle du juge au regard des règles de droit et notamment de la Constitution, met en place des mécanismes de contrôle des finances publiques (« Pas de taxation sans représentation » sera le mot d’ordre de la révolution américaine) et d’évaluation des politiques publiques. Cela étant, la défiance reste ainsi maîtrisée et ne porte pas sur les mécanismes de contrôle eux-mêmes.</p>
<p>Or la défiance politique contemporaine est différente en ce qu’elle s’associe fortement et à la défiance interpersonnelle (celle que l’on porte spontanément à autrui) et à la défiance envers la science et toutes les procédures rationnelles censées rendre compte de l’action publique comme les statistiques ou les rapports officiels. La crise de la Covid-19 a mis en évidence, par exemple, que la défiance envers la politique sanitaire du gouvernement n’était que le sous-produit d’une défiance générale à l’encontre des pouvoirs publics et que plus la parole experte et scientifique s’éloignait des milieux de la décision gouvernementale et <a href="https://www.cae-eco.fr/la-gestion-de-la-crise-sanitaire-en-france-au-miroir-de-la-defiance-politique-et-dune-societe-peu-cohesive">plus la confiance augmentait</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-merite-est-il-encore-un-ideal-democratique-159488">Le mérite est-il encore un idéal démocratique ?</a>
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<p>Cette défiance principielle vient donc rendre inopérantes les explications habituelles que l’on donne de la critique que les citoyens portent à l’encontre du monde politique en général et des élus en particulier.</p>
<p>On ne peut pas ainsi expliquer le niveau de défiance par les mauvais résultats obtenus par les gouvernements sur le terrain économique. L’illustration en est clairement donnée aujourd’hui en France où le niveau de confiance à l’égard d’Emmanuel Macron est très bas (de l’ordre de 34 %) alors même que le niveau de chômage n’a pas été aussi bas depuis une décennie. Plus généralement, <a href="https://www.vie-publique.fr/catalogue/22714-la-democratie-representative-est-elle-en-crise">l’analyse historique du long terme</a> montre que la confiance dans le personnel politique a commencé à baisser sous la V<sup>e</sup> République à partir de 1974, de manière inexorable et sans que les résultats des divers gouvernements qui se sont succédé aient eu le moindre effet.</p>
<p>On ne peut pas non plus expliquer la défiance par le seul jeu des institutions. Pour de nombreux commentateurs, il suffirait de modifier les modes de scrutin et de multiplier les référendums ou les procédures de <a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/279196-la-democratie-participative-par-loic-blondiaux">démocratie participative</a> pour que la confiance revienne. Passer au scrutin proportionnel pour élire les députés permettrait sans doute de représenter plus fidèlement au sein de l’Assemblée nationale les diverses sensibilités politiques. Mais ce n’est pas parce qu’un député est élu sur une liste que les électeurs vont avoir davantage confiance en lui.</p>
<p>L’élaboration des listes fait l’objet de nombreuses tractations au sein des partis politiques dans le cadre de marchés professionnels. On le voit très clairement dans le cadre des élections régionales, où le scrutin proportionnel <a href="https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-01486206/document">permet de filtrer successivement</a> celles et ceux qui sont en mesure de gagner. On peut également multiplier les référendums, mais le niveau de confiance politique dans un pays comme l’Italie qui les pratique fréquemment, et notamment pour révoquer certaines lois, n’est pas supérieur à celui que l’on observe en France.</p>
<p>La confiance dans le personnel ou les institutions politiques ne varie pas non plus selon la structure plus ou moins décentralisée d’un pays. Elle est par exemple fort basse en Espagne qui s’est organisée pourtant sur un modèle de quasi-fédéralisme en <a href="https://www.europeansocialsurvey.org/findings/topline.html">confiant</a> les politiques publiques les plus importantes sur le plan domestique aux communautés autonomes.</p>
<h2>La reconnaissance sociale du mérite</h2>
<p>En fait, une analyse comparative approfondie met au jour un phénomène commun à des pays aussi différents que l’Allemagne, la France, l’Italie et le Royaume-Uni. La confiance politique ne naît et ne dépend pas du fonctionnement du système démocratique mais bien de la cohésion sociale et de la reconnaissance du mérite qui servent de socle aux idéaux démocratiques.</p>
<p>Il existe une corrélation très forte entre ces deux dimensions et ce n’est pas un hasard si la démocratie est très majoritairement considérée comme étant en bonne santé <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?gcoi=27246100078680">dans les pays d’Europe du Nord</a> où l’on retrouve également un niveau bien plus bas de conflits sociaux dans le milieu du travail comme une mobilité sociale plus grande qu’en France. Selon les <a href="https://www.strategie.gouv.fr/point-de-vue/mobilite-sociale-france-sait-vraiment">analyses de l’OCDE</a>, l’inertie sociale d’une génération à l’autre est bien plus basse au Danemark (12 %) ou en Suède (26 %) qu’en France (53 %).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/presidentielle-2022-le-macronisme-a-la-recherche-de-la-meritocratie-perdue-158853">Présidentielle 2022 : le macronisme à la recherche de la méritocratie perdue</a>
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<p>Cependant, au-delà des questions de mobilité sociale se pose une question d’ordre moral. C’est bien le <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?GCOI=27246100861310">sentiment de ne pas voir son mérite reconnu</a> qui constitue le ressort le plus puissant de la défiance politique, quels que soient sa catégorie socioprofessionnelle, son niveau de diplôme, son âge, ses revenus. La France reste le pays où le sentiment d’injustice sociale voire de mépris ont les effets politiques les plus dévastateurs puisqu’il remet en cause non pas seulement les politiques publiques mais l’évaluation qui peut en être faite. Cette absence de reconnaissance sociale touche même les catégories supérieures (le quart des professions supérieures considèrent ainsi que la société les traite avec mépris), venant rendre les idéaux égalitaires républicains bien illusoires.</p>
<p>On entre ici de plain-pied dans ce que l’on appelle aujourd’hui le malaise démocratique qui repose finalement sur l’idée d’un mensonge institutionnel, voire d’un mensonge d’État, sur la réalité de la méritocratie. Certes, le sujet est loin d’être nouveau en matière d’éducation. Mais la question déborde aujourd’hui largement cet horizon, où l’on conteste les critères de l’excellence ou de la performance, pour englober l’ensemble du statut social miné par la dévalorisation des diplômes, par l’existence de marchés professionnels fortement corporatisés et hiérarchisés en fonction des trajectoires scolaires et des ressources sociales (en témoignent les <a href="https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-03459716/document">trajectoires fort contrastées des énarques</a>), par l’illégitimité qui touche un succès social dès lors qu’il ne se justifie que par le travail.</p>
<p>Une autre lecture de l’élection présidentielle de 2022 est donc d’y voir une lutte autour de la question méritocratique, développée sur le terrain libéral par le macronisme au nom d’une plus grande ouverture des vies professionnelles, réclamée également par les gauches recherchant un point d’équilibre entre l’égalité et l’équité, sans doute présente aussi dans les droites radicales qui se sont engouffrées sur le terrain du pouvoir d’achat mais aussi de l’invisibilité sociale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183281/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Rouban ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une autre lecture de l’année électorale montre que le malaise démocratique repose aussi sur l’idée d’un mensonge institutionnel.Luc Rouban, Directeur de recherche CNRS, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1742682022-02-07T20:29:14Z2022-02-07T20:29:14ZImmersion dans le monde des sans-abri, ses codes et sa morale<p>« SDF », « sans-abri », « punks à chien », « zonards », « clochards »… quels que soient les termes employés pour les désignés – qui renvoient d’ailleurs à des <a href="https://theconversation.com/donner-aux-sdf-petit-guide-de-solidarite-a-usage-des-passants-123194">réalités parfois très différentes</a> – ils arpentent les rues des centres urbains, mendient assis sur le trottoir, se réunissent aux abords des gares et des centres commerciaux et suscitent tantôt la crainte, tantôt la pitié des passants qui circulent autour.</p>
<p>Pour y voir plus clair à leur sujet, il faut se départir des <a href="http://www.lecavalierbleu.com/livre/idees-recues-sdf/">idées reçues</a> qu’on pourrait avoir à leur sujet et tenter d’analyser de l’intérieur les <a href="https://www.puf.com/content/Survivre_dans_le_monde_sous-prol%C3%A9taire">manières de survivre</a> quand on n’a pas ou plus de domicile à soi.</p>
<p>En me présentant comme écrivain et en <a href="https://www.revue-cambouis.org/index.php/cambouis/article/view/73">sympathisant avec les gens de la rue</a>, j’ai passé 8 mois en immersion dans le monde des sans-abri à Nancy, de septembre 2017 à avril 2018. C’est ainsi que j’ai participé à leurs activités quotidiennes (manche, sociabilité de groupe, consommations, usage des services sociaux…), fréquenté les lieux qu’ils fréquentent (places, parkings souterrains, squats…) et identifié les logiques collectives qui régulent leur vie quotidienne dans cette ville moyenne française.</p>
<p>Il ressort alors que loin d’être « désocialisés », les gens de la rue s’inscrivent plutôt dans une <a href="https://www.puq.ca/catalogue/livres/rue-attractive-169.html">« socialisation marginalisée »</a>, et attestent de codes, valeurs et règles morales qui incitent à ne pas penser l’expérience de la rue comme une « jungle » où régnerait la loi du plus fort.</p>
<h2>L’interconnaissance dans le monde de la rue</h2>
<p>Lorsqu’ils ont récemment connu des « accidents de parcours » ou des ruptures traumatisantes (conjugales, professionnelles, résidentielles, problèmes de santé…) provoquant la perte de leur logement, les gens de la rue se croisent dans l’espace public et dans les services sociaux qu’ils fréquentent plus ou moins assidument. Ils en viennent à se connaître « de vue » et à interagir dans leur quête <a href="https://www.puf.com/content/Survivre_dans_le_monde_sous-prol%C3%A9taire">« d’alliances de survie »</a>.</p>
<p>Il faut dire que la survie expose à un sentiment de solitude et de perdition contre lequel il faut impérativement lutter dans l’optique du <a href="https://livre.fnac.com/a2903972/Pascale-Pichon-Vivre-dans-la-rue-sociologie-des-sans-domicile-fixe">maintien de soi</a>, sans compter sur les apprentissages nécessaires à la survie (apprendre à faire la manche, apprendre l’emplacement et le fonctionnement des services sociaux, apprendre à se débrouiller plus généralement, etc.).</p>
<p>Au-delà des rencontres fortuites, certains d’entre eux se connaissent plus intimement après avoir passé plusieurs années à « faire la route » ensemble et à constituer des groupes de sociabilité ancrés dans l’espace public et dans des squats – ce qu’ils nomment <a href="https://www.puf.com/content/Zonards_Une_famille_de_rue">« la Zone »</a>.</p>
<p>Une certaine mémoire collective se constitue alors, où des personnages hauts en couleur sont connus de tous, où des événements anciens continuent de forger les discussions actuelles (une bagarre mémorable, une arrestation musclée, la naissance d’une portée de chiens désormais adultes, etc.) et où les informations circulent sur d’anciennes connaissances aujourd’hui disparues – qu’elles soient décédées, réinsérées ou simplement parties ailleurs.</p>
<p>C’est notamment par les commérages incessants que se révèle au chercheur l’interconnaissance des gens de la rue, en même temps qu’elle se construit, perdure et structure l’ordre interne au monde de la rue.</p>
<p>En passant mes journées avec les gens de la rue à Nancy, j’ai pu constater que des histoires, des ragots et des potins circulent sur les uns et les autres, ce qui indique de prime abord l’interconnaissance des gens de la rue, sans présumer de la nature des relations entretenues.</p>
<p>Chloé, une femme de 32 ans qui fréquente le monde de la rue depuis près de 10 ans, me fera un jour ce commentaire révélateur, alors que nous faisions la manche ensemble :</p>
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<p>« Tu connais la série Plus belle la vie ? Bah ici c’est Plus belle la Zone… tout le monde se connait ! Ça parle beaucoup, beaucoup ! ».</p>
</blockquote>
<p>Certains personnages ancrés dans la survie depuis des années subissent ou jouissent parallèlement d’une réputation largement partagée : Jeannot (36 ans) ne serait pas fiable, il aurait tendance à mentir et à ne pas rembourser ses dettes ; Victoria (31 ans) prodiguerait des faveurs sexuelles contre des doses de drogue, ce qui lui vaut le qualificatif infamant de « pute à came » ; tandis que Christophe (50 ans) est connu pour être un homosexuel duquel il faudrait se méfier quand on dort avec lui dans la cage d’escalier d’un parking souterrain.</p>
<p>Dans le monde de la rue, il y a donc des « anciens » et des « nouveaux », des surnoms qui se donnent ou se revendiquent, des personnages connus de tous et d’autres, plus isolés, bien qu’intégrés à la marge.</p>
<p>Reste que les liens avérés ne sont pas tous de même nature, oscillant entre la fraternité, l’amitié, l’animosité, l’interconnaissance visuelle ou le simple compagnonnage de galère.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/souffrances-dans-lespace-public-petit-guide-de-solidarite-a-usage-des-passants-123194">Souffrances dans l’espace public : petit guide de solidarité à usage des passants</a>
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<h2>L’économie morale au sein du monde de la rue</h2>
<p>Les alliances et les conflits entre les gens de la rue sont remarquablement sous-tendus par le respect ou la transgression de normes et de règles morales qui structurent les comportements des uns et des autres. Une économie morale du monde de la rue se dessine et structure la hiérarchie informelle de ses membres.</p>
<p>Ce sont d’abord la dignité et l’honneur qui sont évalués, notamment à travers les capacités de débrouille dont attestent peu ou prou les gens de la rue. Se débrouiller par soi-même et n’avoir de compte à rendre à personne est un signe de force, une manière de sauver la face, de résister au <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-Stigmate-2092-1-1-0-1.html">stigmate</a>.</p>
<p>Comme le soulignait déjà Serge Paugam il y a trois décennies, l’usage des services sociaux concrétise la <a href="https://www.cairn.info/la-disqualification-sociale--9782130569671.htm">disqualification sociale</a>. La dépendance envers les services sociaux peut être perçue comme une faiblesse due à l’incapacité de se débrouiller seul ; tandis que les compétences pour ouvrir des <a href="https://www.cairn.info/les-mondes-du-squat--9782130573296.htm">squats</a> et « faire de l’argent », d’une manière ou d’une autre, sont largement valorisantes (la mendicité étant la forme la moins valorisée de ces techniques de débrouille).</p>
<p>Dans la même optique, l’extrême dépendance à des produits toxiques, comme l’alcool, les drogues et les médicaments, est également fortement dévalorisée : s’il est relativement commun de consommer ce type de produits dans le monde de la rue, c’est l’intensité des consommations et l’état léthargique qui peut en découler qui sont fortement dénigrés et perçus comme indignes (notamment par la désignation de l’autre comme « camé » ou « gros toxico »).</p>
<p>La dignité passe aussi par l’entretien, même minimal, de l’hygiène corporelle et des apparences vestimentaires, à tel point que la figure du « clochard » est systématiquement mise à distance.</p>
<h2>La virilité surexposée</h2>
<p>L’honneur renvoie d’ailleurs à une autre valeur importante dans le monde de la rue, très majoritairement composé d’hommes : la virilité.</p>
<p>La masculinité viriliste s’exprime à la fois par la tenue de son corps, l’usage d’un langage argotique et la gouaille qui caractérisent plus généralement les <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/linguistique-psycholinguistique/coeur-de-banlieue_9782738104557.php">milieux ouvriers</a> et <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-La_Culture_du_pauvre-2122-1-1-0-1.html">populaires</a>.</p>
<p>Les rares femmes qui s’ancrent dans le monde de la rue – quand elles n’adoptent pas une <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_2017_num_112_1_3247">stratégie d’invisibilisation</a> – sont d’ailleurs elles-mêmes virulentes et prêtes à en découdre en cas de menaces ou d’affronts.</p>
<p>Mais la force ne s’emploie pas contre n’importe qui, c’est là aussi une question d’honneur et de respect. Il est collectivement mal vu de s’en prendre physiquement aux plus vulnérables de la rue : par exemple, les « clochards » âgés, les femmes isolées et les jeunes gens timides et frêles.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, la virilité et la violence participent de la hiérarchisation entre les dominants et les dominés. Pour s’en convaincre, il n’est qu’à voir comment l’homosexualité, l’introversion et la féminité sont collectivement décriées comme des caractéristiques propres aux « faibles ».</p>
<h2>Coups de main, échanges et solidarité</h2>
<p>Sur un autre plan, c’est la solidarité et le partage qui s’expriment comme des valeurs centrales du monde de la rue. Ces règles morales légitiment à la fois les alliances les plus fortes et les conflits les plus éclatants.</p>
<p>Loin du « chacun pour soi » auquel on pourrait s’attendre de prime abord, les gens de la rue se rendent fréquemment des coups de main, partagent nourriture, argent, drogue et alcool, et forment régulièrement des binômes et des groupes où les modes de réciprocité sont multiples.</p>
<p>L’exemple éloquent du groupe que composent Noah (45 ans), Dédé (50 ans) et l’Indien (56 ans) mérite d’être évoqué. Ces trois hommes sont inscrits dans le monde de la rue depuis moins de 2 ans et s’allient quotidiennement depuis près d’un an. Ils dorment ensemble dans un parking souterrain ou dans le centre d’hébergement du 115. Ils échangent leurs maigres ressources et partagent la quasi-totalité des moments de leur vie quotidienne, démontrant ainsi une solidarité certaine.</p>
<p>En outre, la règle d’être « réglo » apparait en creux quand ceux qui sont désignés – parfois réputés – comme des « taxeurs » ou des « gratteurs » ne respectent pas les normes de réciprocité qui ont cours dans le monde de la rue comme ailleurs.</p>
<p>La solidarité est donc à la fois l’objet d’alliances et l’objet de conflits quand elle n’est pas respectée. Flavien (27 ans) était ainsi régulièrement pris en charge par un groupe, un binôme ou un couple, puis systématiquement rejeté lorsque ses bienfaiteurs considéraient qu’il ne participait pas aux dépenses collectives, qu’il ne rendait pas la pareille en somme.</p>
<p>Au-delà du remboursement de ses dettes, « être réglo », c’est aussi ne pas mentir et ne pas divulguer d’informations personnelles sur les autres. La norme de discrétion s’élabore autour du respect des « bons plans » et des histoires privées des semblables. Ne pas révéler l’emplacement des squats et parkings occupés, ne pas « balancer » les agissements illégaux et savoir « tenir sa langue » à propos des révélations personnelles sur une connaissance sont autant de normes qui se donnent à voir quand elles ne sont pas respectées.</p>
<p>Les commérages évoqués précédemment servent alors à produire des réputations, à définir « ce qui se fait » et « ce qui ne se fait pas ». Ils fonctionnent dès lors comme des <a href="https://www.fayard.fr/sciences-humaines/logiques-de-lexclusion-9782213599557">positionnements moraux</a> permettant d’exclure ou d’inclure tel ou tel gars de la rue, en respectant ou non cette norme de discrétion.</p>
<p>L’expérience du sans-abrisme et de l’extrême pauvreté n’est pas qu’une expérience singulière et individuelle. Pour peu qu’on s’intéresse de près et de l’intérieur aux interactions et formes d’organisation qui traversent la survie, on constate que cette expérience se structure au contraire via l’inscription dans le réseau d’interconnaissance et l’économie morale qui façonnent le monde de la rue. Dans leur grande majorité, et dans le contexte nancéien étudié – pour le moins –, les sans-abri ne sont donc pas si isolés, « en errance », désorganisés et livrés à la loi du plus fort qu’il n’y parait de prime abord.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174268/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thibaut Besozzi a reçu des financements de la Fondation Croix-Rouge Française</span></em></p>L’expérience du sans-abrisme et de l’extrême pauvreté n’est pas qu’ individuelle. Elle se structure au contraire via un réseau d’interconnaissance, de normes et de valeurs.Thibaut Besozzi, Docteur en sociologie, LIR3S, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1733762022-01-16T17:14:37Z2022-01-16T17:14:37ZCultiver l’empathie : quelques clés pour aider les enfants à s’ouvrir à l’altérité<p>Publications scientifiques, ouvrages, magazines, journaux, radio, réseaux sociaux… Impossible de ne pas relever l’omniprésence du mot empathie. Pas un jour en effet, pas une semaine sans qu’il apparaisse. Faut-il y voir le témoignage d’une société en questionnement à l’heure où grandit la tentation des extrémismes et des radicalisations ?</p>
<p>Faut-il y voir les signes d’une société où la présence, la reconnaissance et l’accueil de l’autre génère de vifs débats, voire des tensions quand ce n’est pas de l’exclusion ? Ou plutôt ceux d’une société, individualiste – gouvernée par la consommation –, en passe de <a href="https://www.franceculture.fr/conferences/nous-vivons-dans-une-societe-liquide">devenir « liquide »</a> ou bien encore l’avènement du <a href="https://www.editionslatableronde.fr/le-temps-des-tribus/9782710390305">« temps des tribus »</a>, sonnant le glas des institutions et des idéologies structurantes ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/surestimons-nous-les-vertus-de-lempathie-130721">Surestimons-nous les vertus de l’empathie ?</a>
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<p>Aussi, chaque fois que le terme d’empathie est avancé, il ressort avec évidence que la question du lien social est en train de subir une forme d’attrition quand elle ne risque pas tout simplement d’être en berne. Tout bien considéré, chaque fois que ce terme est utilisé, c’est pour signifier quelque chose de l’ordre de sa transformation, de son affaiblissement voire de sa déliquescence.</p>
<h2>Compréhension émotionnelle</h2>
<p>Cet usage pléthorique est donc un signal face aux dangers qui menacent les modalités du « vivre ensemble », du « faire commun » dans un monde où les promesses des idéologies du XX<sup>e</sup> siècle n’ont pas été tenues. Religieuses et/ou politiques, ces grandes transcendances constituaient le ciment de « l’être », du « vivre » et du « faire » ensemble, elles projetaient les individus vers des avenirs meilleurs.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/mDQeL4gdcNg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les différentes composantes de l’empathie (Ecole Normale Supérieure, 2020).</span></figcaption>
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<p>Or, depuis quelques décennies, ce ciment perd de sa qualité. Il ne permet plus autant d’ouverture vers l’autre et encore moins la compréhension de ces autres différents de soi souvent relégués au statut de danger.</p>
<p>Nos sociétés seraient-elles en panne d’empathie ? Serions-nous empathiques d’abord, et parfois uniquement, envers ceux qui nous ressemblent mettant ainsi à distance notre responsabilité morale à l’égard de l’étranger (au sens étymologique de « qui n’est pas de la famille, du pays ») ? Dans l’affirmative, ne faudrait-il pas alors inscrire « l’empathie ouverte » – cette disposition à se penser <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/soi-meme-comme-un-autre-paul-ric-ur/9782020114585">« soi-même comme un autre »</a> – dans les programmes de l’école de la République ?</p>
<p>L’empathie, comme chacun le sait, c’est l’idée que l’on peut « se mettre à la place de l’autre » pour le comprendre. Mais, si l’empathie c’est « se mettre à la place de l’autre… », où va bien pouvoir se mettre l’autre quand je vais prendre sa place, argueraient les esprits un peu taquins ?</p>
<p>Tout compte fait, si l’empathie n’est pas si simple à définir, il est quand même possible de dire qu’elle est plurielle et qu’elle s’apparente à une forme de poupée gigogne composée de 3 enveloppes.</p>
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<li><p>La première enveloppe, appelée <strong>empathie émotionnelle</strong>, se développe autour d’un an. À partir de cet âge, grâce aux sollicitations de l’entourage, les enfants apprennent progressivement à reconnaitre et à identifier les émotions sur les visages des autres.</p></li>
<li><p>Une deuxième enveloppe, désignée <strong>empathie cognitive</strong>, est en œuvre autour de 2/3 ans. L’enfant s’ouvre alors au monde au-delà du cercle restreint de la famille et de son entourage proche. C’est au cours de cette période que le petit découvre le plaisir d’imiter les personnes qui l’entourent : ses parents, ses enseignants, ses frères et sœurs… En jouant à « faire comme si », il se rend compte que les autres peuvent penser différemment que lui.</p></li>
<li><p>Une troisième enveloppe, appelée <strong>empathie mature</strong>, se développe à partir de 6/7 ans. A cet âge, l’enfant peut ne pas être d’accord avec ses parents, ses frères et sœurs, ses camarades de classe… mais surtout il dit pourquoi il n’est pas d’accord. Ce n’est pas comme à 2 ou 3 ans où il était juste capable de dire non pour… exister. Là il est prêt à se justifier, voire même à faire des plaidoiries, en veux-tu en voilà… Et ce sont ces débats contradictoires à la maison, à l’école, sur le terrain de basket, dans le quartier… qui lui permettent de comprendre ce que les autres ressentent, pensent et donc d’être capable de voir le monde avec les yeux des autres.</p></li>
</ul>
<p>Mais l’empathie peut également réserver quelques surprises. Des recherches montrent par exemple que nous aurions spontanément tendance à être seulement empathiques à l’égard des proches. Une tendance que j’appelle « l’empathie fermée ». Cette forme de lien exclusif à son groupe d’appartenance peut prendre des allures d’entre soi communautaire et conduire à de l’intolérance susceptible de se traduire par des comportements extrêmes et délétères dont on connait les funestes conséquences.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/RsejJoECXeI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Peut-on apprendre l’empathie à l’école ? Entretien avec Omar Zanna, sociologue (Radio Télévision Suisse, 2017).</span></figcaption>
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<p>C’est pourquoi, il est nécessaire de développer et, si possible, dès le plus jeune âge, une « empathie ouverte » à ceux qui nous ressemblent comme à ceux qui, à priori, ne nous ressemblent pas.</p>
<h2>Des compétences à développer</h2>
<p>Cette « empathie ouverte » ne se décrète pas à coups de discours. Il faut en créer les conditions. <a href="https://www.cairn.info/cultiver-l-empathie-a-l-ecole--9782100801633.htm?contenu=presentation">Cela passe par de l’éducation</a>. Et c’est précisément ce type d’éducation que j’expérimente depuis une vingtaine d’années, d’abord <a href="https://www.cairn.info/restaurer-l-empathie-chez-les-mineurs-delinquants--9782100552306.htm">avec des mineurs délinquants</a>, afin de leur remettre le pied à l’étrier d’une relation apaisée avec autrui, puis avec des élèves, pour leur apprendre à naviguer sans heurts et, pourquoi pas, avec bonheur dans les mondes sociaux, tout cela en veillant à toujours respecter ces trois composantes de manière consubstantielle.</p>
<p><strong>Composante 1 : Observer les autres faire et faire à son tour</strong></p>
<p>Comment le boxeur Mohamed Ali a-t-il gagné ses plus grands combats ? Eh bien non seulement en volant et dansant comme un papillon sur le ring, mais aussi en sachant esquiver les coups. Et ça, il l’a appris en pratiquant mais également en regardant les autres faire. La recherche ne dit pas autre chose : la majorité des apprentissages se fait en observant le comportement des autres, autrement dit <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_de_l%27apprentissage_social">par imitation directe ou indirecte</a>.</p>
<p><strong>Composante 2 : Pratiquer ensemble pour entrer en empathie émotionnelle</strong></p>
<p>Pour être en mesure d’entrer en empathie émotionnelle, il faut en effet de la présence, il faut du corps, il faut parfois transpirer ensemble comme sur un terrain de sport. Là aussi, la science est très claire : le développement de l’empathie émotionnelle nécessite la <a href="https://www.psychologies.com/Moi/Moi-et-les-autres/Relationnel/Livres/Pourquoi-je-ressens-ce-que-tu-ressens">présence physique dans un même espace</a>. C’est-à-dire du face-à-face, du direct. Ce que, soit dit en passant, ne permettent pas les apprentissages devant les écrans.</p>
<p><strong>Composante 3 : Mettre des mots sur les émotions et en parler</strong></p>
<p>Mais pourquoi mettre des mots sur ses émotions et en parler ? Là encore, la science prouve que plus nous serions capables de ressentir, de vivre et de nommer précisément nos émotions, <a href="https://www.cairn.info/l-education-emotionnelle-pour-prevenir-la-violence--9782100793495.htm">moins nous serions violents</a>, plus nous serions disposés à <a href="https://lisafeldmanbarrett.com/wordpress/wp-content/uploads/2020/11/ScienceOfMakingEmotions.pdf">être ouverts aux autres</a> et donc à les comprendre.</p>
<p>Observer les autres, faire ensemble, mettre des mots sur les émotions, trois composantes nécessaires pour cultiver « l’empathie ouverte » que la situation pratique, du <a href="https://www.reseau-canope.fr/climatscolaire/agir/ressource/ressourceId/travailler-sur-lempathie.html">« jeu des mousquetaires »</a> illustre parfaitement.</p>
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<p>« Le jeu des mousquetaires » consiste à faire jouer ensemble deux ou trois équipes de quatre joueurs. Dans chaque équipe, les joueurs ont une position difficile à tenir. L’un a, par exemple, les bras tendus parallèles au sol, l’autre fait la chaise, appuyé́ contre un mur, le troisième est en position de gainage abdominal et le quatrième (le Joker) court selon un parcours prédéfini. Les trois premiers joueurs peuvent, si besoin, interpeller le Joker pour se faire remplacer. L’équipe qui tient le plus longtemps toutes les positions gagne la manche. Un point important pour développer de manière optimale l’empathie : au cours du jeu, les joueurs doivent être placés de telle manière à ce qu’ils puissent s’observer afin d’être en mesure de repérer le partenaire en passe de flancher au risque de faire perdre son équipe. Organisé de la sorte, chacun est placé en situation de porter attention aux mimiques, aux expressions du visage, aux appels à l’aide… de ses pairs.</p>
</blockquote>
<p>Ce jeu, initié en prison avec des mineurs délinquants, a, par la suite, été décliné en milieu scolaire, en « jeu des mousquetaires comptables » pour apprendre les mathématiques puis en « jeu des mousquetaires lettrés » dans le cadre des cours de français, d’histoire-géographie, de langue… Encore un point, afin de développer plus précisément l’empathie ouverte, l’éducateur, l’enseignant, l’entraineur… veillera à faire régulièrement changer d’équipe aux participants.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-emotions-une-cle-de-la-lutte-contre-le-harcelement-scolaire-122880">Les émotions, une clé de la lutte contre le harcèlement scolaire</a>
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<p>Comme tous les scénarios pédagogiques déployés dans le cadre de différents programmes, le « jeu des mousquetaires » a été conçu pour apprendre à <a href="https://journals.openedition.org/ree/7625">vivre en soi l’expérience des autres</a>, condition sine qua non pour cultiver « l’empathie ouverte ».</p>
<h2>Un effort pour sortir de soi</h2>
<p>Et maintenant que fait-on ? A qui revient-elle cette éducation ? Aux familles ? A l’école ? Aux médias ?…</p>
<p>Dans les familles, une éducation plus compréhensive de chacun est à l’œuvre dans bon nombre de foyers. Oui, dans les familles on se parle plus ; oui, dans les familles on se dit davantage les choses. Ça explose parfois, mais la tendance est à l’écoute et à la compréhension, c’est-à-dire à la prise en considération du point vue d’autrui.</p>
<p><a href="http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2020/02/27022020Article637183853385968519.aspx">L’école</a> a également commencé sa révolution sur ce terrain puisqu’elle a fait entrer le terme d’empathie dans les textes officiels depuis 2015. Évidemment, il faudra encore du temps pour que les habitudes pédagogiques changent, mais c’est en bonne voie. Le plan interministériel pour lutter contre le harcèlement scolaire présenté le 27 septembre 2023 prévoit <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/education/harcelement-a-l-ecole/harcelement-scolaire-trois-questions-sur-les-cours-d-empathie-qui-doivent-etre-generalises-dans-les-ecoles-a-la-rentree-2024_6088983.html">la mise en place de cours d'empathie et leur généralisation d'ici la rentrée 2024</a>.</p>
<p>Un tout dernier point en guise de conclusion. Dans la mesure où l’empathie demande un effort de penser pour sortir de soi, sortir de son désir immédiat, afin de prendre le point de vue des autres, cette compétence permet, entre autres, d’apprendre à différer son plaisir pulsionnel pour s’inscrire dans un processus d’humanisation qui fait toujours de l’Autre un semblable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173376/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Omar Zanna ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment aider les enfants à accepter la différence ? Quelques repères alors que le ministère de l'éducation veut généraliser les cours d'empathie pour lutter contre le harcèlement scolaire.Omar Zanna, Professeur des universités en sociologie, Le Mans UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1620672021-07-01T20:04:12Z2021-07-01T20:04:12ZQuartier, rue, bâtiment : immersion dans la ville rêvée de 2050<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/407519/original/file-20210621-34789-slktic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=47%2C21%2C1520%2C1099&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des passerelles pour créer du lien dans la ville de demain.</span> <span class="attribution"><span class="source">Étudiants du master spécialisé en marketing, design et création, Audencia Business School</span></span></figcaption></figure><p>En 2050, <a href="https://www.lesechos.fr/2018/05/en-2050-plus-de-deux-tiers-de-lhumanite-vivra-en-ville-990758">plus des deux tiers</a> de la population mondiale vivra en ville. Les études projettent qu’à cet horizon, la planète comptera 43 métropoles de 10 millions d’habitants. Des chiffres qui suscitent la réflexion : concrètement, que signifiera d’habiter de tels environnements et comment nous y préparer ?</p>
<p>Pendant six mois, les étudiants du master spécialisé en marketing, design et création de l’école de commerce Audencia ont mené un projet dont l’ambition était de cartographier les grands enjeux de la ville d’ici 30 ans, et de formuler des propositions à plusieurs échelles.</p>
<p>Ils se sont fondés sur quatre sources principales : des interviews d’experts, une analyse quantitative des évolutions que les villes vont subir (écologiques, humaines, etc.), une analyse des imaginaires et une revue des solutions existantes.</p>
<p>Ils ont tiré de cette analyse trois catégories d’enjeux qui attendent les villes de demain : la gestion des ressources, les changements climatiques et les problématiques sociales. Face à ces défis, trois thématiques de solutions ont surgi : la création de lien social, la question du confort thermique et l’optimisation de l’espace et des ressources.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/404564/original/file-20210604-10003-1ge717m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/404564/original/file-20210604-10003-1ge717m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/404564/original/file-20210604-10003-1ge717m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/404564/original/file-20210604-10003-1ge717m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/404564/original/file-20210604-10003-1ge717m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/404564/original/file-20210604-10003-1ge717m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/404564/original/file-20210604-10003-1ge717m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/404564/original/file-20210604-10003-1ge717m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Trois grands enjeux pour la ville de demain.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Étudiants du master spécialisé marketing design et création, Audencia Business School</span></span>
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<p>Cette première phase d’immersion a permis de formuler la problématique suivante : et si nous vivions en 2050 dans une ville des saisons, capable de s’adapter aux différents cycles qui rythment la vie en société ? Le terme est polysémique, et les projets menés ambitionnent d’exploiter cette saisonnalité dans toutes ses dimensions : cycles de vie, adaptabilité, transformation naturelle des éléments, etc.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/404565/original/file-20210604-23-1edryd4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/404565/original/file-20210604-23-1edryd4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/404565/original/file-20210604-23-1edryd4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=204&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/404565/original/file-20210604-23-1edryd4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=204&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/404565/original/file-20210604-23-1edryd4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=204&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/404565/original/file-20210604-23-1edryd4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=256&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/404565/original/file-20210604-23-1edryd4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=256&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/404565/original/file-20210604-23-1edryd4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=256&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Quartier, rue et bâtiment : les trois échelles de travail.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Étudiants du master spécialisé en marketing, design et création, Audencia Business School</span></span>
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<p>Cette question implique un travail sur plusieurs échelles : l’analyse part ainsi du bâtiment, avant de poser la question des espaces de vie, de la rue et finalement du quartier.</p>
<h2>Le bâtiment : rénovation et expansion urbaine</h2>
<p>La première échelle, celle du bâtiment, est idéale pour traiter des enjeux du confort thermique. Le bâti des villes existant, il n’est pas envisageable de le raser pour reconstruire des édifices plus performants. Il convient donc de capitaliser sur les ressources présentes, en développant un système d’isolation capable de s’adapter aux variations de température, tout en préservant les surfaces habitables.</p>
<p>La solution doit offrir une modularité importante afin de s’adapter à la diversité du bâti, être complémentaire à ce qui est et facile à intégrer. Il s’agit d’isoler par l’extérieur, avec des panneaux de façade aux fonctions multiples.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/404567/original/file-20210604-13-1goao9w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/404567/original/file-20210604-13-1goao9w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/404567/original/file-20210604-13-1goao9w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=538&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/404567/original/file-20210604-13-1goao9w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=538&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/404567/original/file-20210604-13-1goao9w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=538&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/404567/original/file-20210604-13-1goao9w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=677&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/404567/original/file-20210604-13-1goao9w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=677&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/404567/original/file-20210604-13-1goao9w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=677&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">image.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Étudiants du master spécialisé en marketing, design et création, Audencia Business School</span></span>
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<p>Trois façons de le faire :</p>
<ul>
<li><p><a href="https://www.arkema.com/global/fr/webzine/post/saving-30-in-air-conditioning-costs-thanks-to-cool-roofing/">Une peinture thermochrome</a> pour améliorer le confort de vie des habitants, tout en réduisant les dépenses énergétiques. Ce type de démarche réduit de 30 % de la consommation d’énergie, prolonge la durée de vie de la façade et réduit l’influence de la météo sur le confort de vie.</p></li>
<li><p>Des façades végétalisées bioluminescentes pour combiner performance énergétique (isolation thermique mais aussi phonique) et <a href="https://www.thetimes.co.uk/article/pot-plants-engineered-to-radiate-soft-green-light-offer-horticulture-a-bright-future-scientists-believe-s798vhppb">création d’une source lumineuse</a>.</p></li>
<li><p>Des biofaçades en microalgues pour créer une symbiose entre le bâtiment et la production de microalgues. Elles permettent notamment de générer un bouclier thermique, de prétraiter les eaux usées et de potentiellement améliorer la <a href="https://docs.google.com/document/d/1_0KCe98D0Xx_Dsd9gpY5YoObRQWNebAek6q7IbO6dcI/edit">qualité de l’air en utilisant du CO₂ ambiant</a>. Par son approche modulaire, cette solution est déclinable pour les toits en plus des murs.</p></li>
</ul>
<h2>L’habitat : design des espaces et modes de vie</h2>
<p>La deuxième échelle de travail, celle de l’habitat, propose une réflexion sur le lien social en 2050. Nous avons pour cela pris en compte quatre éléments, à savoir <a href="https://www.fondationdefrance.org/fr/7-millions-de-francais-confrontes-la-solitude-decouvrez-notre-enquete-annuelle">l’isolement des individus</a> et la désertion de <a href="https://theconversation.com/la-ville-post-pandemie-vers-une-reconquete-des-espaces-publics-148232">certains espaces publics</a>, la volonté de construire des lieux expérimentaux et la capitalisation sur le <a href="https://www.journaldunet.com/management/ressources-humaines/1496177-le-future-of-work-passera-par-un-meilleur-partage-des-connaissances-en-entreprise/">partage comme vecteur d’une économie de la connaissance</a>.</p>
<p>Nous proposons dans ce contexte un projet évolutif, calqué sur les conditions spatiales urbaines et les besoins des habitants. Le lien social de proximité est placé au cœur, avec le développement d’écosystèmes par quartiers, et le design repose sur la création de structures partagées.</p>
<ul>
<li>Les nids : des apports aux structures existantes pour élaborer un nouvel espace partagé à l’échelle de la copropriété. La nuit, ils sont en mesure d’illuminer de manière diffuse grâce à un éclairage basse consommation. Leur construction est fondée sur une structure en acier léger et une membrane en éthylène tétrafluoroéthylène (ETFE). Comparé au verre, l’ETFE ne pèse que 1/100 du poids de ce dernier, transmet plus de lumière, isole mieux et coûte de 24 à 70 % moins cher à installer.</li>
</ul>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/404568/original/file-20210604-23-1houqvc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/404568/original/file-20210604-23-1houqvc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/404568/original/file-20210604-23-1houqvc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/404568/original/file-20210604-23-1houqvc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/404568/original/file-20210604-23-1houqvc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/404568/original/file-20210604-23-1houqvc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/404568/original/file-20210604-23-1houqvc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/404568/original/file-20210604-23-1houqvc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">image.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Étudiants du master spécialisé en marketing, design et création, Audencia Business School</span></span>
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</figure>
<ul>
<li>Les promontoires : des espaces hybrides privés et professionnels sur des mi-hauteurs de bâtiments. Ils sont construits avec des passerelles en verre et des structures légères en acier.</li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/404569/original/file-20210604-25-1h0u4jk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/404569/original/file-20210604-25-1h0u4jk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/404569/original/file-20210604-25-1h0u4jk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/404569/original/file-20210604-25-1h0u4jk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/404569/original/file-20210604-25-1h0u4jk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/404569/original/file-20210604-25-1h0u4jk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/404569/original/file-20210604-25-1h0u4jk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/404569/original/file-20210604-25-1h0u4jk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">image.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Étudiants du master spécialisé en marketing, design et création, Audencia Business School</span></span>
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</figure>
<ul>
<li>La canopée : une sorte de repère dans la ville qui joue un rôle de signal, avec une identité visuelle forte. La création de passerelles permet de développer les liens entre immeubles, en utilisant les surfaces créées et les toits comme espaces semi-privés. La structure est en acier et peinture photochromique.</li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/404571/original/file-20210604-27-pqn9nq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/404571/original/file-20210604-27-pqn9nq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/404571/original/file-20210604-27-pqn9nq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/404571/original/file-20210604-27-pqn9nq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/404571/original/file-20210604-27-pqn9nq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/404571/original/file-20210604-27-pqn9nq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/404571/original/file-20210604-27-pqn9nq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/404571/original/file-20210604-27-pqn9nq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">image.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Étudiants du master spécialisé en marketing, design et création, Audencia Business School</span></span>
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</figure>
<h2>La rue : fraîcheur et biodiversité en ville</h2>
<p>Troisième niveau de lecture de la ville, la rue, qui est porteuse de nombreux enjeux, est désormais la garante d’une forme de biodiversité, et doit apporter la fraîcheur, tout en créant de nouveaux lieux d’inclusivité et de partage.</p>
<p>L’objectif est de créer un continuum de température, avec un parcours de fraîcheur à travers un triptyque de solutions. Ces zones « cocons » redonnent aux arbres leurs lettres de noblesse et rendent l’expérience plus fluide, poétique et naturelle.</p>
<ul>
<li><p>Le coquelicot : un dispositif adossé aux arbres pour encourager la socialisation autour. L’arbre devient un « refuge », contre la chaleur et la pluie. La corolle d’air installée autour du tronc s’adapte à la météo.</p></li>
<li><p>Le papillon : un arrêt de bus revisité, qui constitue un espace de repos et de fraîcheur. Un système de réemploi de l’eau de pluie et des brumisateurs pour rafraîchir les passants.</p></li>
<li><p>La chrysalide : conjugaison de plusieurs coquelicots qui forment un lieu ombragé, frais et végétal pour les espaces de transition des citadins. L’installation permet le réemploi de l’eau de pluie et la mise en place de brumisateurs actifs.</p></li>
</ul>
<h2>Le quartier : fabrique de la ville et migrations climatiques</h2>
<p>La dernière échelle d’analyse de la ville en 2050 est celle du quartier. Un niveau d’analyse complexe, donc plus prospectif. L’intention est de briser la logique linéaire de la ville pour redessiner la logique urbaine en tenant compte de la potentielle arrivée massive de migrants climatiques.</p>
<p>Pour répondre à ces enjeux, l’école et la formation sont placées au cœur des centres-ville, pour intégrer et former tout en garantissant le mélange des générations.</p>
<p>La réponse se structure autour de trois principales briques :</p>
<ul>
<li><p>La ville intégratrice, un modèle d’organisation urbaine, applicable partout. Dans ce modèle, l’espace est divisé en différentes zones pour favoriser les échanges sociaux et empêcher l’isolement. Une zone pour accueillir les migrants en phase d’adaptation et une autre pour héberger les migrants intégrés et les locaux. Au cœur de chaque quartier, les campus regroupent écoles, centres de formation et de nombreux services de proximité. L’entrelacement des deux zones d’habitation fait la valeur de la ville intégratrice.</p></li>
<li><p>Le campus de quartier, un lieu central de rencontre et de partage, contribue à créer un nouveau système éducatif. C’est parce que la rencontre des populations se fait notamment par les enfants et la jeunesse que le campus a été choisi pour déterminer l’existence d’un quartier.</p></li>
<li><p>Et enfin, le bâtiment Lego. Sur le modèle de l’urbanisme transitoire, et pour faciliter l’hébergement des migrants qui viennent d’arriver, c’est une forme de logement d’urgence, modulable, aisément montable et démontable. Ces lots sont redistribuables et réutilisables par d’autres collectivités, quand les besoins ne sont plus là. Cela est rendu possible par la mise en place d’un système de commande, qui favorise le réemploi et la logique d’économie circulaire entre les collectivités.</p></li>
</ul>
<p>Le lien social, l’adaptabilité aux nouveaux contextes climatiques et l’intégration sont les enjeux majeurs qui ont guidé ce travail d’immersion dans la ville de 2050. Ces quatre projets proposent un futur souhaitable à différentes échelles de l’espace urbain. Les imaginaires explorés ont permis de cartographier les imaginaires actuels pour tenter de façonner la vision pour 2050 d’une ville soucieuse de son environnement, de ses habitants, et qui retisse des relations distendues par nos modes de vie contemporains.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162067/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Minvielle est membre du comité d'orientation de La Fabrique de la Cité. Il est aussi animateur de la Red Team des armées françaises. L'étude menée a été faite en partenariat avec la plateforme Leonard du Groupe Vinci.</span></em></p>Des étudiants ont imaginé comment la ville pourrait se transformer à différentes échelles pour répondre aux enjeux climatiques et sociaux de demain.Nicolas Minvielle, Spécialiste du design et de l'innovation, AudenciaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1634112021-06-30T20:07:57Z2021-06-30T20:07:57ZLes Pokémon, créateurs de lien social ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/408650/original/file-20210628-15038-173zjh5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1016%2C576&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pokemon Center, Osaka</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pokemon_Center_Osaka.jpg">Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Lancés en 1991 au Japon par Nintendo, les Pokémon ont déferlé en France en mars 2000, faisant de ce concept un phénomène de mode inédit dans les <a href="https://www.jstor.org/stable/40592945">cours de récréation</a>. La formule de base repose sur une promesse simple pour les utilisateurs : elle s’articule autour d’un jeu décliné sur différents supports appelant à la <a href="https://doi.org/10.3917/mav.006.0049">collection</a> et à ses nombreux rituels.</p>
<p>Depuis 25 ans, la popularité du phénomène est entretenue par des lancements réguliers qui visent à étendre l’univers Pokémon autour de nouveaux supports, de nouvelles expériences et, bien sûr, de nouveaux Pokémon à capturer. On compte à présent 898 Pokémon. Autant dire que le célèbre slogan « Attrapez-les tous » constitue plus que jamais un véritable défi à relever pour les passionnés.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6tue5vhPPyw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La folie Pokémon débarque en France (Archive INA).</span></figcaption>
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<p>Ces innovations successives ont contribué à attirer les jeunes consommateurs, fidéliser les fans de la première heure, alimentant ainsi un dialogue intergénérationnel qui se laisse voir au sein des familles. En parallèle, de nouveaux adeptes ont été recrutés en mobilisant les ressources offertes par les technologies du numérique, faisant des Pokémon un phénomène dépassant la cible restreinte des gamers et des collectionneurs, générant même un nouveau marché au sein duquel certaines cartes peuvent se vendre plusieurs dizaines de milliers d'euros. </p>
<h2>Capitaliser sur les technologies numériques</h2>
<p>L’un des faits marquants de ces dernières années, qui a redonné un nouveau souffle à la licence, est sans conteste l’arrivée du jeu Pokémon Go : un jeu accessible gratuitement, via une application à télécharger sur smartphone, utilisant un système innovant de réalité augmentée.</p>
<p>Là encore la formule proposée se veut simple : les joueurs sont invités à capturer des Pokémon dans les environnements qu’ils fréquentent, faire des combats pour prendre des arènes défendues par d’autres joueurs. Lancée en juillet 2016, l’application développée par Niantic a connu un vif succès, avec un pic de 28,5 millions d’utilisateurs dès le premier mois de commercialisation et des téléchargements évalués à 500 millions dans plus d’une centaine de pays.</p>
<p>L’ancrage numérique du concept a favorisé l’émergence de communautés d’utilisateurs qui prennent désormais en charge la communication dédiée à l’univers des Pokémon via les réseaux sociaux pour toucher de nouveaux consommateurs. Notons qu’au-delà du simple jeu, Pokemon Go a marqué un tournant pour la licence, mettant au cœur de sa proposition, la dimension sociale de l’expérience. Le jeu a cassé la barrière de l’écran, poussant les joueurs à se rencontrer, interagir et partager, mobilisant les principes déjà mis en œuvre sur la Gameboy.</p>
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<figcaption><span class="caption">2000 : quand les adultes voulaient la peau des Pokémon (Franceinfo INA, 2019).</span></figcaption>
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<p>Ainsi, il n’était pas rare durant les mois de juillet et août 2016, de croiser des centaines de jeunes dans les places, les parcs et les endroits stratégiques, rassemblés autour jeu. Des rencontres ont eu lieu, des amitiés se sont créées. Mais surtout, cette période marque la consolidation d’une communauté de marque au-delà des frontières du virtuel.</p>
<h2>S’inviter sur les réseaux sociaux</h2>
<p>La viralité qui se laisse voir sur le réseau social YouTube n’est sans doute pas étrangère à ce succès populaire, en particulier auprès des jeunes générations. En août 2016, le nombre de requêtes pour « Pokémon Go » sur YouTube a connu un succès historique, atteignant des dizaines de millions chaque jour. Le phénomène a pris une telle ampleur durant cette période, que les premières secondes du <a href="https://www.youtube.com/watch?v=_GuOjXYl5ew">YouTube Rewind 2016</a>, vidéo très attendue, publiée chaque année par YouTube qui reprend les temps forts de l’année sur la plate-forme, démarre par des YouTubers jouant à Pokemon Go.</p>
<p>Sur YouTube, la passion envers les Pokémon se traduit également par des chaînes incontournables. Parmi elles, l’une des plus connues en France est celle de DavidLafargePokemon, qui dispose d’une chaîne dédiée aux cartes à collectionner. Le YouTuber met en scène des ouvertures (des « openings ») de paquets (des « boosters »), de boîtes (des « displays ») contenant des dizaines de paquets.</p>
<p>De même, les YouTubers populaires chez les jeunes, comme « Michou », « Inoxtag » ou des streamers comme « Kameto » réalisent des vidéos d’opening cumulant des millions de vues. Les « featurings » (des vidéos réalisées à plusieurs YouTubers) se multiplient sur la thématique, chacun s’invitant pour partager un opening, souvent riche en partages et en émotions.</p>
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<figcaption><span class="caption">Pokémon go : analyse d’un phénomène planétaire (TV5Monde, 2016).</span></figcaption>
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<p>Enfin, si les macro-influenceurs et streamers assurent une forte visibilité aux Pokémon, il ne faut pas oublier les nombreuses chaînes de passionnés qui disposent d’un nombre d’abonnés plus limité mais qui contribuent en mobilisant les codes du numérique à amplifier les relations entre passionnés, en publiant quotidiennement des vidéos.</p>
<h2>Les communautés d’utilisateurs, sources d’innovation</h2>
<p>L’un des featuring les plus improbables de ces dernières semaines est une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=oh0rdfoHP1M">vidéo</a> entre DavidLafarge et le rappeur Lorenzo. Ce dernier a invité le YouTuber spécialisé dans la niche Pokémon à découvrir une partie de sa collection personnelle, débutée dès l’enfance. Entre deux blagues potaches, Lorenzo raconte à quel point il est heureux de pouvoir réaliser une vidéo avec un expert reconnu. Le rappeur a réalisé des encadrements faits sur mesure contenant 15 cartes rares. Chacun des cadres est dédicacé, numéroté et illuminé par un système de LED, témoignant de la créativité suscitée par les cartes chez le rappeur et de son désir de produire de la valeur.</p>
<p>Sur la vidéo YouTube, Lorenzo indique que ses cartes sont en vente sur eBay et invite les internautes à se rendre sur la plate-forme pour les acquérir. Toutes les cartes ont été achetées en moins d’un mois pour un montant de 300 000 euros, témoignant de la dimension symbolique, voire sacrée, de ces produits, pourtant commercialisés à grande échelle, chez les initiés.</p>
<p>Ce rapide tour d’horizon des Pokémon souligne que ce succès ancré dans un temps long tient sans doute au fait que ce concept s’est toujours renouvelé sans jamais dénaturer sa promesse : produire du lien social en mobilisant les ressorts du jeu, de la collection puis du numérique, légitimant ainsi l’assertion de Bernard Cova dans son ouvrage paru en 2004 <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-au_dela_du_marche_quand_le_lien_importe_plus_que_le_bien_bernard_cova-9782738434913-5574.html">« le lien plus que le bien »</a>.</p>
<p>En ceci, les Pokémon valident les approches développées par le courant de la Consumer Culture Theory (CCT) qui analyse la consommation comme une production culturelle créatrice de sens, de valeurs et d’interactions sociales. En ces temps de crise sanitaire où notre rapport à la consommation est fortement questionné, les Pokémon, ces petits objets anodins devenus sacrés pour certains, nous rappellent combien consommer est une activité complexe.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163411/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En ces temps de crise sanitaire où notre rapport aux objets est questionné, ces cartes stars des cours de récréation nous rappellent combien la consommation est une activité complexe.Pascale Ezan, professeur des universités - comportements de consommation - alimentation - réseaux sociaux, Université Le Havre NormandieMaxime David, Chercheur en marketing, Université Le Havre NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1611242021-06-20T17:01:33Z2021-06-20T17:01:33ZL’éducation populaire est-elle toujours d’actualité ?<p>Quel point commun entre les maisons des jeunes et de la culture, les auberges de jeunesse ou le scoutisme ? Chacun de ces mouvements ou associations se rattache à ce qu’on appelle l’éducation populaire, qui entend améliorer le fonctionnement de la société hors de l’appui des institutions classiques.</p>
<p>Mais comment définir plus précisément cette démarche éducative non scolaire ? L’éducation populaire a une histoire, des principes et des pratiques spécifiques. Que représente-t-elle aujourd’hui ? En quoi peut-elle être un vrai projet politique et éducatif novateur au XXI<sup>e</sup> siècle ?</p>
<h2>Des savoirs pour s’émanciper</h2>
<p>Les historiens de l’éducation populaire soulignent le flou de sa définition <a href="https://www.cairn.info/revue-agora-debats-jeunesses-2017-2-page-65.htm">sur le plan scientifique</a>, tout en affirmant son <a href="https://www.cairn.info/revue-savoirs-2016-3-page-11.htm">importance</a> pour comprendre notre histoire éducative. S’agit-il seulement d’une démarche visant à donner la possibilité au plus grand nombre d’accéder aux savoirs ? L’éducation populaire est bien plus que cela.</p>
<p>À la fois élément d’éducation permanente, formation tout au long de la vie, avec l’ambition d’une éducation accessible à tous, elle peut se définir comme une volonté d’émancipation individuelle et collective à partir de pratiques actives et concrètes.</p>
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<figcaption><span class="caption">Mais, au fait, c’est quoi l’éducation populaire ? (Le Planning familial, 2017).</span></figcaption>
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<p>Permettre à tous d’accéder aux connaissances et aux savoirs pour s’émanciper et transformer la société est un idéal issu de la Révolution française. Mais, c’est au début du XIX<sup>e</sup> siècle, avec l’essor de la société industrielle et capitaliste, que l’ambition <a href="http://atelierdecreationlibertaire.com/Instruire-le-peuple-emanciper-les-travailleurs.html">d’une instruction du peuple et de l’émancipation des travailleurs</a> se dessine concrètement.</p>
<p>Cette <a href="https://www.cairn.info/revue-agora-debats-jeunesses-2017-2.htm">éducation populaire naissante</a> a de multiples formes. Le courant républicain, en créant, en 1866, la <a href="https://laligue.org/">ligue de l’enseignement</a>, pense à l’encadrement des jeunes hors temps scolaire, avant même l’élaboration de l’école laïque et obligatoire.</p>
<p>Le courant syndicaliste ouvrier propose autour des bourses du travail et des <a href="https://injep.fr/wp-content/uploads/2018/09/rapport-2018-01-univpop.pdf">universités populaires</a>, une formation politique des travailleurs. De leur côté, les courants chrétiens fondent leurs propres associations d’éducation populaire à l’image de la jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) et la jeunesse agricole catholique (JAC).</p>
<h2>Un âge d’or ?</h2>
<p>L’essor de l’éducation populaire est perceptible à partir de la création des congés payés en 1936 et de la politique progressiste du Front populaire mise en œuvre par le ministre de l’Éducation nationale Jean Zay et par le secrétaire d’État à la jeunesse et aux sports Léo Lagrange.</p>
<p>C’est le début d’un rayonnement de l’éducation populaire avec la création des Cemea (<a href="https://www.cemea.asso.fr/spip.php?rubrique552">Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active</a>) en 1937 et des multiples associations de <a href="https://journals.openedition.org/rfp/184">colonies de vacances</a>, espaces d’éducation et de sociabilisation des jeunes. Le mouvement se poursuit à la Libération avec la création de la <a href="https://www.persee.fr/doc/rfp_0556-7807_1997_num_118_1_1178">Fédération nationale des Francas</a> (Mouvement des Francs et Franches Camarades) et la création des <a href="https://www.cairn.info/revue-histoire-urbaine-2010-2-page-181.htm">Maisons des Jeunes et de la Culture</a> (MJC) qui perpétuent et amplifient cette éducation populaire d’accès à la culture et aux savoirs pour tous.</p>
<p>Parallèlement, l’éducation populaire <a href="http://www.theses.fr/s139918">s’institutionnalise</a>. En 1953, l’institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) fédère les différents mouvements et un statut officiel d’animateur professionnel est créé. Tout en se pérennisant, l’éducation populaire semble perdre de vue son caractère émancipateur du point de vue social en se cantonnant au domaine socioculturel.</p>
<h2>De nouveaux domaines d’action ?</h2>
<p>En 1998, la création d’Attac a illustré ce retour vers une conception politique de l’éducation populaire. <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/05/04/crise-sanitaire-et-pauvrete-les-degats-sociaux-attenues-par-la-solidarite-nationale-vont-perdurer_6078984_3224.html">Les dégâts sociaux</a> encore exacerbés par la crise sanitaire actuelle nécessitent, plus que jamais, une prise de conscience des inégalités croissantes de notre société et de <a href="https://www.inegalites.fr/Le-Rapport-sur-la-pauvrete-en-France-2020-2021-vient-de-paraitre">l’aggravation de la pauvreté en France</a>.</p>
<p>ATD Quart Monde ou Emmaüs, pour ne citer que ces deux associations emblématiques, participent activement depuis des décennies à la lutte contre les inégalités sociales par des actions d’éducation populaire et de formation.</p>
<p>Faut-il donc y voir, comme le souligne un <a href="https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2019/2019_12_education_populaire.pdf">rapport</a> du Conseil économique et social de mai 2019, un « concept moderne et précurseur » et un « laboratoire permanent de l’innovation et des méthodes actives » ? Car on assiste aujourd’hui à un renouveau,une <a href="https://www.ciriec-france.org/ciriec/cms/7147-7652/christian-maurel-education-populaire-et-bifurcation-de-l-histoire-avril-2021.dhtml">bifurcation</a> précise le sociologue Christian Maurel, ou peut-être un retour aux sources même de l’éducation populaire.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’éducation populaire, une exigence du XXIᵉ siècle (Cese).</span></figcaption>
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<p>En effet, en mai 2021, la note de l’Injep sur la <a href="https://injep.fr/publication/la-fabrique-de-leducation-populaire-et-de-lanimation/">fabrique de l’éducation populaire</a> précise les multiples champs possibles d’intervention de l’éducation populaire au XXI<sup>e</sup> siècle : éducation permanente, universités populaires, mais aussi appui aux mesures de politiques urbaines, de luttes contre les inégalités ou toutes les formes de discriminations.</p>
<p>L’éducation populaire s’ancre dans tous les domaines et représente un levier éducatif pour toutes les catégories sociales et toutes les générations à l’image du travail de la <a href="https://www.centres-sociaux.fr/">Fédération des centres sociaux</a> sur le vieillissement.</p>
<h2>Un projet de société au XXIᵉ siècle</h2>
<p>En raison de son histoire, l’éducation populaire possède ses figures pédagogiques, à l’instar de <a href="https://www.cairn.info/revue-reliance-2008-2-page-113.htm">Fernand Oury</a> ou <a href="https://www.cemea.asso.fr/spip.php?article2774">Gisèle de Failly</a>. Elle possède aussi ses propres pédagogies comme celle de la décision – « permettre aux individus de décider de ce qui les concerne » – la <a href="https://www.icem-pedagogie-freinet.org/sites/default/files/principes_elementaires_de_la_pedagogie_sociale_v_1.1.pdf">pédagogie sociale</a>, théorisée en France notamment par <a href="https://www.cairn.info/revue-journal-du-droit-des-jeunes-2012-6-page-44.htm">Laurent Ott</a>, ou les pédagogies critiques inspirées par le pédagogue brésilien <a href="https://freire.org/">Paulo Freire</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1115477150222704641"}"></div></p>
<p>La présence de <a href="https://www.meirieu.com/">Philippe Meirieu</a>, grand nom de la pédagogie, à la présidence nationale des Cemea est à cet égard un symbole de cette réaffirmation que <a href="https://ec56229aec51f1baff1d-185c3068e22352c56024573e929788ff.ssl.cf1.rackcdn.com/attachments/original/2/5/9/002618259.pdf">l’éducation</a> peut être au cœur d’un projet de société.</p>
<p>Mais la vigueur de l’éducation populaire est aussi dans ce lien entre méthodes actives et <a href="http://www.theses.fr/2011PA083546">éducation au politique</a> soulignant ce besoin de repenser une démocratie vivante où tous les habitants ont une place, peuvent agir et peser sur les décisions.</p>
<p>Les champs d’action de l’éducation populaire au XXI<sup>e</sup> siècle sont donc innombrables. La volonté de créer des activités de <a href="https://nuit-debout.fr/">démocratie directe</a>, des formes d’expression publique spécifique comme les <a href="https://conferences-gesticulees.net/">conférences gesticulées</a> ou des espaces éducatifs nouveaux, à l’image des <a href="https://theconversation.com/des-terrains-daventure-pour-redessiner-la-place-des-enfants-en-ville-159936">terrains d’aventure</a> qui redessinent la place des enfants dans la ville ne sont que quelques exemples de ce dynamisme éducatif et politique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161124/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>On y retrouve des colonies de vacances, les maisons des jeunes et de la culture ou encore les universités populaires. Mais que vise vraiment l’éducation populaire ? Son projet résonne-t-il encore ?Sylvain Wagnon, Professeur des universités en sciences de l'éducation, Faculté d'éducation, Université de MontpellierMathieu Depoil, Doctorant en Science de l'éducation au Liderf - Université de Montpellier, Université Paul Valéry – Montpellier IIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1599342021-06-06T16:31:00Z2021-06-06T16:31:00ZLes bonbons, un moyen de créer du lien social entre collégiens ?<p>On pourrait penser qu’on ne trouve pas de bonbons dans les établissements du secondaire, que ce sont des aliments « enfantins », dégustés lors d’anniversaires ou autres fêtes. Pourtant, ces sucreries, qui, selon beaucoup de parents doivent rester de l’ordre de l’occasionnel, s’invitent quotidiennement au collège.</p>
<p>Bien qu’elles soient très souvent interdites dans le règlement intérieur des établissements scolaires, les élèves en consomment dans la cour de récréation, mais aussi en classe, avec plus ou moins de discrétion en fonction de l’enseignant – et de l’élève.</p>
<p>Au collège, les bonbons n’ont pas simplement une fonction gustative hédonique, ils ont aussi une fonction sociale. C’est ce que révèle <a href="https://journals.openedition.org/aof/7848">l’enquête ethnographique</a> que j’ai menée, par observation participante en classe, à la cantine et dans la cour de récréation, pendant deux années successives (2010-2011) dans deux classes de cinquième. J’ai pu observer que les bonbons, en tant qu’aliments associés au plaisir et à la récompense, jouent un rôle dans l’intégration au sein d’un groupe. En effet, trouver sa place parmi ses pairs constitue un des enjeux principaux pour les élèves au collège, si ce n’est le premier.</p>
<h2>Les multiples fonctions des bonbons</h2>
<p>Mon enquête montre que les bonbons aident à construire des relations d’amitié, par exemple dans la cour de récréation : on n’en donne qu’à ceux que l’on considère comme faisant partie de son cercle d’amis. Ce partage « amical » peut également avoir lieu en salle de classe, bien que, dans ce cas-là, consommer des bonbons revête souvent un autre sens : il s’agit d’un acte transgressif visant à défier les enseignants et plus globalement l’ordre scolaire.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1396626243441864708"}"></div></p>
<p>Manger des bonbons en classe en toute discrétion est encore différent de le faire de façon ostentatoire, devant l’enseignant. Par exemple, un élève qui mâche un chewing-gum, à qui l’enseignant demande d’aller le jeter à la poubelle, et qui fait semblant – de façon assez théâtrale – de le jeter et retourne à sa place avec, a clairement pour objectif de montrer qu’il sait tenir tête à l’enseignant et se rebeller ouvertement contre l’école. Les élèves qui adoptent ce type de pratique sont des jeunes qui cherchent à gagner en « popularité », à faire partie de ceux qui n’ont pas peur des enseignants.</p>
<p>La cote de popularité d’un élève est fonction de son degré d’intégration parmi ses pairs : plus un jeune a d’amis, dans sa classe, mais aussi hors de sa classe, plus il déjeune le midi avec un grand nombre de convives. Plus il sait parler fort, transgresser les règles, tenir tête aux enseignants, plus cet élève est considéré comme « populaire ». Les élèves se répartissent en différents groupes : des groupes d’élèves leaders, dans lesquels on retrouve très souvent les délégués de classe, des groupes plus en marge, formant de petits cercles d’amis, et enfin des élèves « électrons libres », exclus du groupe-classe, et très souvent stigmatisés par les élèves les plus populaires.</p>
<p>Outre cette fonction transgressive, les bonbons peuvent être au cœur d’enjeux de domination entre les élèves : certains, plus populaires, peuvent demander à d’autres, plus en marge, d’apporter au collège des bonbons qu’ils donneront à leur « ravisseur ». D’autres élèves, eux aussi en marge, achètent de leur plein gré des paquets de bonbons dont ils se font déposséder dans les couloirs du collège par des élèves populaires. Cette pratique s’apparente à ce que l’on pourrait nommer du racket et témoigne d’un climat de violence assez prononcé au collège.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1387530785998188547"}"></div></p>
<p>En effet, au collège, les relations entre les élèves sont fortement empreintes d’enjeux de domination des uns sur les autres, ce qui crée une atmosphère parfois assez violente et une exclusion de certains élèves, les plus en marge. Par exemple, à la cantine, certains peinent à trouver une place à table avec des camarades et sont les boucs émissaires de leurs camarades.</p>
<p>Les bonbons sont au cœur de rapports de <a href="https://theconversation.com/harcelement-scolaire-vers-une-meilleure-prise-de-conscience-157797">harcèlement</a>, physique (fouiller dans les poches de sa « victime » ou la plaquer contre un mur) ou moral (prétendre à une amitié fictive pour obtenir l’objet convoité). Cette violence dans les rapports entre élèves paraît <a href="http://www.theses.fr/2015VERS004S">moins prégnante en primaire</a> : il est possible de rester seul sans être stigmatisé.</p>
<h2>Un aliment tant régressif que transgressif</h2>
<p>Les bonbons consommés au collège permettent avant tout une démarcation du monde adulte, notamment des enseignants lorsqu’ils sont consommés en cours. Ils permettent de revendiquer un statut d’enfant, éloigné des préoccupations des adultes et tourné vers le plaisir du sucré.</p>
<p>La consommation de bonbons représente en effet une transgression par rapport aux parents, aux enseignants mais aussi aux pouvoirs publics qui luttent contre le surpoids ou les problèmes de santé bucco-dentaire (tant les caries dentaires que le surpoids et l’obésité sont des <a href="https://theconversation.com/comment-peut-on-repenser-leducation-a-lalimentation-157375">enjeux de santé publique</a> chez les jeunes). C’est sans doute une prémisse de la révolte adolescente. D’ailleurs, certains adolescents mangent beaucoup moins de bonbons que les autres, et certainement pas pendant les cours : il y a des degrés très variés de révolte par rapport aux adultes.</p>
<p>Manger des bonbons c’est faire fi de toutes les campagnes d’éducation alimentaire qui recommandent de « ne pas manger trop gras, trop sucré, trop salé », c’est ne pas accepter de devenir un individu responsable de sa santé, c’est dire, « je suis encore un enfant insouciant et tourné vers son plaisir ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1393887441224978433"}"></div></p>
<p>Les bonbons permettent à certains adolescents de se construire en tant que leaders, qui défient les enseignants. À l’inverse, les élèves qui se font déposséder de leurs bonbons apparaissent comme des jeunes soumis, en marge, et vont sans doute avoir plus de difficultés à construire une identité positive d’eux-mêmes.</p>
<p>Acheter des bonbons seuls, hors du regard des parents, constitue une prise de liberté par rapport aux contraintes parentales, qui souvent désapprouvent la consommation de bonbons et qui sont parfois loin de se douter que leurs enfants consomment des bonbons quotidiennement au collège. C’est un premier achat transgressif, qui permet aux jeunes de se démarquer de l’autorité parentale, mais c’est aussi un achat régressif, puisqu’il s’agit d’acheter un aliment lié à l’enfance.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-faut-eduquer-les-jeunes-face-au-marketing-du-tabac-141637">L’achat de cigarettes</a> représente sans doute quelque chose d’assez différent puisque cet objet est lié au monde des adultes. Il représente lui aussi une transgression par rapport à l’autorité parentale mais pas une régression, bien au contraire. Je n’ai pas observé de jeunes de cinquième fumer, mais il est possible que certains élèves aient déjà testé la cigarette.</p>
<p>Ainsi, les bonbons peuvent être un moyen pour les collégiens de renforcer des liens amicaux, en choisissant les personnes avec lesquelles ils vont partager leurs bonbons. Ils peuvent être un objet de transgression, la consommation de sucreries en cours par certains élèves leur permettant de se rebeller contre l’ordre établi et ainsi de gagner en prestige auprès de leurs pairs. Ou encore, les bonbons peuvent être chapardés par des élèves populaires à des élèves plus en marge, trop timides pour résister à la pression de ces élèves. Les bonbons permettent donc de renforcer les liens sociaux et d’asseoir la domination de certains élèves sur les autres.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159934/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>La thèse d'Aurélie Maurice sur laquelle s'appuie cet article a été confinancée entre 2009 et 2012 par le département SAE2 de l'INRAE et par la Fondation Nestlé France.</span></em></p>Si on associe souvent les bonbons à l’enfance, ils s’invitent aussi au collège. Là, ils peuvent jouer un rôle d’intégration ou refléter des rapports de force. Retour sur une enquête.Aurélie Maurice, Maîtresse de conférences en Sciences de l'éducation et de la formation, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1611102021-05-27T18:24:44Z2021-05-27T18:24:44ZEt vous, connaissez-vous vos voisins ?<p>La crise sanitaire de 2020 éclaire d’un nouveau jour les relations de voisinage. Mais quelles sont-elles en France ? En prenant appui sur l’enquête « Mon quartier, mes voisins » que nous avons réalisée en <a href="https://mon-quartier-mes-voisins.site.ined.fr/%20">2018</a>, nous examinons si l’on voisine tous de la même façon. Quelles sont les différences selon le type d’habitat ? Selon le niveau d’instruction, le revenu, la catégorie socioprofessionnelle ?</p>
<p>Dans les années 1980, François Héran <a href="https://www.persee.fr/doc/estat_0336-1454_1987_num_195_1_5049">avait analysé</a>, à partir de l’enquête « Contacts » comment les Français voisinaient. Trente-cinq plus tard, l’enquête « Mon quartier, mes voisins » s’est intéressée aux relations que les individus entretiennent (sous la forme de visites, d’échanges de services…) avec les personnes qui habitent leur immeuble (ou les maisons alentour) et avec les autres habitants de leur quartier. D’une enquête à l’autre, les pratiques de voisinage apparaissent étonnamment stables. Mais nous ne voisinons pas tous de la même manière ni avec n’importe qui. Tout dépend des contextes sociaux et résidentiels.</p>
<h2>Le voisinage : une affaire qui reste importante</h2>
<p>En 2018, les visites et les échanges de services entre voisins sont pratiqués par une part importante de la population, proche de celle observée il y a 35 ans : 75 % des personnes interrogées dans l’enquête « Mon quartier, mes voisins »sont entrées chez un voisin (d’immeuble ou de quartier) dans les douze derniers mois et 76 % ont reçu un voisin chez eux (contre 73 % et 74 % dans l’enquête Contacts) ; 68 % ont rendu un service et 63 % en ont reçu (contre 62 % et 62 %). Les motifs de visites et les services les moins engageants (une simple discussion, prêter des ingrédients) sont les plus fréquemment cités, mais les deux tiers des visites impliquent des échanges de sociabilité (allant du café au repas) et près d’un tiers des enquêtés s’entraident pour garder, conduire ou récupérer les enfants.</p>
<p>Dans le même sens, seuls 10 % des enquêtés de 2018 n’ont aucune conversation dans leur voisinage immédiat (voisins d’immeubles ou des maisons alentour) et 6 % seulement ne parlent ni à leurs voisins immédiats ni aux autres habitants du quartier. Si les conversations se résument souvent à des banalités (comme la météo), d’autres thèmes sont évoqués : le cadre de vie, la vie privée, plus rarement la politique ou la religion (tableau 1). Plus encore, loin d’être anodines, les conversations entre voisins sont pour beaucoup (74 %) l’occasion d’échanger des informations – sur les commerces du quartier (64 %), les établissements scolaires (40 %), des opportunités d’emploi (23 %) ou des contacts pour des services à domicile (32 %).</p>
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<span class="caption">Tableau repris de Jean‑Yves Authier et Joanie Cayouette-Remblière, 2021, Voisiner, une pratique qui demeure… sélective.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2021-5-page-1.htm">Population et Sociétés n° 589, p. 1-4</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Le voisinage s’accompagne parfois de conflits. Depuis les années 1980, ces derniers n’ont pas progressé. Seule une personne enquêtée en 2018 sur quatre en déclare au moins un depuis son installation dans le logement actuel. En revanche, 86 % se plaignent de gênes ou de nuisances, telles que le bruit (66 %), des saletés ou dégradations (45 %), des impolitesses (28 %)… Ces gênes n’occasionnent, une fois sur deux, ni conflit, ni jugement, ni évitement. En fait, les conflits constituent une forme particulière de relations de voisinage : moins on voisine, moins on a de difficultés avec ses voisins.</p>
<h2>Voisiner : une pratique socialement différenciée</h2>
<p>Très répandue, la relation de voisinage reste néanmoins très différenciée. Elle culmine aux âges intermédiaires (30-44 ans), chez les familles avec enfants, les propriétaires et les habitants fixés dans le quartier depuis au moins 10 ans ; elle est peu répandue chez les jeunes (18-29 ans), les personnes vivant seules, les locataires et les nouveaux venus (moins de deux ans) ; par contre les hommes voisinent autant que les femmes, les natifs autant que les immigrés.</p>
<p>Les pratiques de voisinage augmentent avec le niveau de diplôme et les revenus :</p>
<p>90 % des personnes sans diplôme et 89 % des membres d’un ménage gagnant moins de 1 000 euros par mois ont <em>a minima</em> des conversations avec leurs voisins, alors que c’est le cas de 96 % des « bac+5 et plus » et plus de 99 % des hauts revenus (plus de 6 000 euros par mois).</p>
<p>La hiérarchie sociale marque surtout les visites de convivialité (café, thé, apéritif, repas) et les échanges de services (tableau 2), avec deux exceptions, les petits indépendants qui voisinent davantage que les cadres, et les employés de services directs aux particuliers, qui le font plus que les ouvriers et les employés de la fonction publique et policiers, pourtant mieux dotés. Ces deux groupes partagent le fait de travailler auprès du public et, plus souvent que les autres, dans ou près de leur quartier.</p>
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<span class="caption">Tableau 2 repris de Jean‑Yves Authier et Joanie Cayouette-Remblière, 2021, Voisiner, une pratique qui demeure… sélective.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2021-5-page-1.htm">Population et Sociétés n° 589, p. 1-4</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Les discussions entre voisins sont plus variées en haut de la hiérarchie sociale. Les cadres abordent plus souvent des sujets politiques et s’informent davantage sur les commerces du quartier et les services à domicile (baby-sitter, femmes de ménage, plombier…).</p>
<h2>Des réseaux de relations sélectifs</h2>
<p>Les propriétés sociales influencent aussi le choix des personnes fréquentées. En étudiant les réseaux de contacts des personnes interrogées, on peut identifier les critères de sélection. Dans 84 % des cas, elles lient des voisins ayant le même statut d’occupation du logement (tableau 3), très au-delà des 51 % qu’aurait donnés une répartition aléatoire.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/401238/original/file-20210518-17-y77mmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/401238/original/file-20210518-17-y77mmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/401238/original/file-20210518-17-y77mmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=358&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/401238/original/file-20210518-17-y77mmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=358&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/401238/original/file-20210518-17-y77mmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=358&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/401238/original/file-20210518-17-y77mmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=450&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/401238/original/file-20210518-17-y77mmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=450&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/401238/original/file-20210518-17-y77mmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=450&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Tableau 3 repris de Jean‑Yves Authier et Joanie Cayouette-Remblière, 2021, Voisiner, une pratique qui demeure… sélective.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2021-5-page-1.htm">Population et Sociétés n° 589, p. 1-4</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>À cela plusieurs raisons : le cloisonnement des cages d’escalier dans les logements sociaux, des intérêts disjoints entre propriétaires et locataires, des affinités entre résidents proches par le cycle de vie, les origines, le mode de vie ou les goûts. Une des conséquences de cela est la faible mixité sociale des relations de voisinage dans les <a href="https://www.cairn.info/revue-sociologie-2020-1-page-1.htm">quartiers de mixité sociale programmée</a>, ces derniers juxtaposant des immeubles aux statuts d’occupation différenciés.</p>
<p>Dans 72 % des cas, les relations de voisinage concernent deux personnes de même sexe, mais les relations des femmes sont plus exclusives que celles des hommes (78 % contre 60 %). L’appartenance sociale est également structurante : dans 44 % des cas, les relations se tissent entre membres du même groupe socioprofessionnel (une répartition aléatoire aurait donnée 39 %). De surcroît, quand il ne s’agit pas du même groupe, il s’agit de groupes proches : 40 % des relations de voisinage des cadres sont des cadres, 32 % sont de profession intermédiaire ou indépendante et 20 % seulement sont employés ou ouvriers ; inversement, 11 % des relations des employés et ouvriers sont cadres, 22 % relèvent des professions intermédiaires ou indépendants et 51 % sont employés ou ouvriers.</p>
<p>En revanche, on n’observe guère de repli ou d’entre-soi lié au pays de naissance. Alors que 27 % de la population des quartiers enquêtés est née à l’étranger, seules 5 % des relations de voisinage associent deux personnes nées dans un même pays étranger. Ce sont les personnes nées en France qui sélectionnent le plus leurs relations en fonction de leur origine : 84 % d’entre elles sont nées en France – un écart de six points par rapport à la composition moyenne de leur voisinage.</p>
<h2>Les variations locales du voisinage</h2>
<p>L’intensité et la nature des relations de voisinage varient en fonction des contextes résidentiels. Les visites de convivialité et les échanges de services sont plus fréquentes dans les quartiers bourgeois et gentrifiés ainsi que dans les communes rurales (tableau 4) ; des écarts qui ne sont pas la simple traduction des caractéristiques sociales des habitants. Les habitants des quartiers de mixité sociale programmée échangent des services mais peu d’invitations.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/401240/original/file-20210518-19-1wgtk9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/401240/original/file-20210518-19-1wgtk9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/401240/original/file-20210518-19-1wgtk9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/401240/original/file-20210518-19-1wgtk9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/401240/original/file-20210518-19-1wgtk9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/401240/original/file-20210518-19-1wgtk9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/401240/original/file-20210518-19-1wgtk9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/401240/original/file-20210518-19-1wgtk9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Tableau 4 repris de Jean‑Yves Authier et Joanie Cayouette-Remblière, 2021, Voisiner, une pratique qui demeure… sélective.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2021-5-page-1.htm">Population et Sociétés n° 589, p. 1-4</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Les configurations territoriales influencent également le choix des voisins fréquentés. Par exemple, c’est dans les communes rurales (84 %), les quartiers gentrifiés (79 %) et bourgeois (78 %) qu’on a le plus de chances de fréquenter des voisins nés dans le même pays, du fait de la faible diversité des origines dans ces espaces ; à l’inverse, dans les grands ensembles la proportion s’élève à 46 % – un résultat qui met à mal le mythe des relations de voisinage communautaires dans ce type de quartier.</p>
<p>Ces « effets de quartier » n’affectent pas tous les habitants au même degré ; ils interagissent avec les propriétés sociales des individus.</p>
<p>Ainsi, la probabilité d’avoir au moins un cadre dans son réseau de voisinage dépend à la fois du contexte de résidence et du milieu social (figure). Si bien que les cadres d’Ainay à Lyon comptent trois fois plus souvent un cadre dans leur réseau que les employés ou ouvriers du même quartier.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/401241/original/file-20210518-21-njkv33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/401241/original/file-20210518-21-njkv33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/401241/original/file-20210518-21-njkv33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/401241/original/file-20210518-21-njkv33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/401241/original/file-20210518-21-njkv33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/401241/original/file-20210518-21-njkv33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/401241/original/file-20210518-21-njkv33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/401241/original/file-20210518-21-njkv33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Figure reprise de Jean‑Yves Authier et Joanie Cayouette-Remblière, 2021, Voisiner, une pratique qui demeure… sélective.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2021-5-page-1.htm">Population et Sociétés n° 589, p. 1-4</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Le voisinage est donc loin d’être aujourd’hui un cadre résiduel des relations sociales ; il n’est pas non plus un lieu surinvesti dans des logiques de séparatisme social ou de communautarisme. Les relations de voisinage demeurent toutefois très inégalitaires socialement et territorialement. Sur ce dernier point, la crise sanitaire et ses différentes séquences de confinement ne semblent pas avoir profondément changé la <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2020-6-page-1.htm">donne</a>.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte est adapté d’un article publié par les auteurs dans <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2021-5-page-1.htm">Population et Sociétés n° 589, « Voisiner, une pratique qui demeure… sélective »</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161110/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>La recherche Voisinages a été financée par l'Union sociale de l'habitat (USH) et les bailleurs sociaux partenaires, l'Agence nationale de la cohésion territoriale (ANCT), l'institut pour la recherche de la Caisse des dépots et consignations (CDC), le Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA), la Métropole de Lyon et la Ville de Paris.</span></em></p>Résultats d’une enquête sur le voisinage : nous ne voisinons pas tous de la même manière ni avec n’importe qui.Jean-Yves Authier, Professeur de sociologie à l'Université Lyon 2, Université Lumière Lyon 2 Joanie Cayouette-Remblière, Sociologue, Institut National d'Études Démographiques (INED)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1604092021-05-19T16:35:01Z2021-05-19T16:35:01ZPourquoi les festivals nous manquent vraiment<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/401574/original/file-20210519-23-ala99k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C0%2C3898%2C2579&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Communion émotionnelle à Tomorrowland Belgium, en 2019.</span> <span class="attribution"><span class="source">Nico Didry</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Même si l’heure est à la réouverture des lieux culturels, nous n’aurons pas tous l’occasion de retrouver notre fameux rendez-vous de l’été pour la deuxième année consécutive une <a href="https://www.franceinter.fr/culture/annulations-reports-ou-en-sont-les-festivals-de-l-ete">grande majorité des festivals de musiques actuelles étant reportés à 2022</a>. Avec plus de <a href="https://www.touslesfestivals.com/actualites/le-bilan-des-festivals-de-lannee-2019-191219">7,5 millions de festivaliers en 2019 uniquement sur les gros festivals de musiques actuelles français</a>, ces rassemblements festifs sont bien ancrés dans l’imaginaire estival, au même titre que le Tour de France. Mais plus qu’une activité culturelle ou de loisir, le festival revêt une fonction sociale bien spécifique. Il s’agit ici de resituer le rôle de ces rassemblements devenus des rituels communautaires, avec une approche à la fois anthropologique, ethnologique et sociologique de la fête. En quoi le festival répond-il à nos besoins d’un point de vue social ?</p>
<h2>Communion émotionnelle et tribalité</h2>
<p>Selon l’approche postmoderne, le <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01439617v1">phénomène de société lié aux festivals, associé à une croissance de sa démographie</a> – quantité de public, nombre d’événements – peut être envisagé dans le contexte global d’un retour des alchimies festives et du culte du plaisir, faisant la part belle aux affects et des émotions. Cet engouement représente le <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/sciences-politiques-et-sociologie/homo-eroticus-michel-maffesoli/">« triomphe du vouloir-vivre collectif sur l’individu, de la joie dionysiaque sur les morales arides »</a>. En somme, il correspond à une tendance sociétale fortement ancrée dans laquelle les rassemblements humains festifs ou sportifs ont pris une ampleur considérable.</p>
<p>Le festival est donc à aborder par la <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2015-8-page-353.htm">notion du lien</a> et de la communauté, dans la mesure où <a href="https://www.editions-ems.fr/livres-2/collections/societing/ouvrage/49-neo-marketing-reloaded.html">il répond, au travers de cette valeur de lien, au besoin des individus « postmodernes » de satisfaire leur désir de communauté</a>. La pratique festivalière s’envisage alors <a href="https://www.researchgate.net/publication/281355049_L%27Experience_de_Consommation_de_Spectacles_Vivants_de_Nouvelles_Perspectives_de_Recherche">au travers du lien social comme un phénomène tribal</a> dans lequel les festivals constituent une <a href="https://www.editionslatableronde.fr/le-temps-des-tribus/9782710390305">« transhumance culturelle, un nomadisme festif »</a>. </p>
<p>Dans ces tribus, même éphémères, ce qui prévaut, c’est d’être relié à l’autre, « de développer un sentir en commun et de faire de l’être ensemble le cœur de ces rassemblements » selon <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-2009-2-page-27.htm">Ferrand</a>. Il n’y a pas de finalité sinon le plaisir d’être là et de vivre ensemble ces effervescences musicales. Au-delà de la programmation, la <a href="https://www.researchgate.net/publication/311969851_Les_dynamiques_emotionnelles_collectives_dans_la_consommation_experientielle_approche_ethnomarketing_de_l%27experience_de_festival">motivation première de nombre de festivaliers est de partager leurs émotions, de vivre une expérience émotionnelle collective</a>.</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/festivals-et-concerts-en-temps-de-covid-19-une-experience-emotionnelle-appauvrie-158806">Festivals et concerts en temps de Covid-19 : une expérience émotionnelle appauvrie ?</a>
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</p>
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<p>.</p>
<h2>Permettre l’évasion… et l’orgie</h2>
<p><a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02483492/">Provoquant une rupture spatio-temporelle avec le quotidien</a>, le festival permet de vivre un véritable réenchantement du monde et du quotidien. Il est alors le <a href="https://www.editionslatableronde.fr/le-temps-des-tribus/9782710390305">symbole du retour de l’imaginaire, du rêve, du plaisir, du désir et de la fête</a>. Cet aspect dionysiaque des festivals est à mettre en corrélation avec la <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/riac/1984-n11-riac02319/1034640ar/">constance dionysiaque de la société</a> que décrit Maffesoli dans « sa » sociologie de l’orgie.</p>
<p>Dans le prolongement de cette réflexion, <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/sciences-politiques-et-sociologie/derives/">Dolfès</a> considère l’orgie « comme une condition assez proche des formes d’exaltations néo-tribales, dont on peut observer les manifestations constantes dans les divers festivals rock, métal, grunge, etc. ». En effet, les festivals peuvent permettre de réunir les deux marginalisations, temporelle (carnavals, fêtes) et spatiale (pleine nature, forêt), et la caractéristique nocturne, qui sont les conditions de l’orgie. L’orgie, en cimentant le collectif, assure la pérennité de ce qu’il appelle la socialité de base.</p>
<p><a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01421660">Mon étude sur les festivals</a> montre que ces effervescences collectives qui permettent de produire des émotions collectives (vivre la même émotion au même moment et en être conscient) sont une composante primordiale du festival. Des études sur <a href="https://vimeo.com/231854605">Tomorrowland</a> ou encore le <a href="https://www.researchgate.net/publication/24099125_Can_Consumers_Escape_the_Market_Emancipatory_Illuminations_From_Burning_Man">festival Burning Man</a> ont monté que ces rassemblements peuvent même servir de catharsis, libérant les tensions et émotions intérieures, notamment en permettant de transgresser les normes et règles sociales.</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/231854605" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Enfin, et quel que soit le type de festival, il donne la possibilité aux individus d’exister à l’instant présent via cette composante tribale (sociale) et festive, mais aussi en aval du festival par le partage de leur expérience sur les réseaux sociaux. Aspect d’autant plus important <a href="https://www.actes-sud.fr/node/10596">« qu’à l’ère de l’information, l’invisibilité équivaut à la mort »</a>. Ici encore, le partage social des émotions, qu’il soit en réel ou en virtuel, dépend de l’intensité des émotions ressenties. <a href="https://www.puf.com/content/Le_partage_social_des_%C3%A9motions">Plus l’émotion vécue est forte, plus on va avoir envie de la partager, car c’est une manière de revivre cette émotion</a>. Le festival donne ainsi la possibilité de vibrer et vivre plus intensément à l’instant T mais aussi à posteriori. Bien qu’éphémère, il s’inscrit donc dans la durée.</p>
<h2>Vivre un rituel communautaire</h2>
<p>C’est le Woodstock Music and Art Fair, rassemblement emblématique de la culture hippie en 1969, qui signa la <a href="http://www.camionblanc.com/detail-livre-festivals-rave-parties-free-parties-histoire-des-rencontres-musicales-actuelles-en-france-et-a-l-etranger-287.php">véritable naissance des festivals en tant qu’événement rituel</a>, acte fondateur d’une pratique culturelle qui n’a cessé d’évoluer et de se développer jusqu’à l’heure actuelle, tandis qu’émergeaient de nouveaux styles musicaux et que se développaient des pratiques culturelles associées. Les fondamentaux du festival sont cependant restés inchangés : une programmation musicale associée à des activités et animations révélatrices et/ou constitutives de la culture dudit festival.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/401641/original/file-20210519-15-djpgq7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/401641/original/file-20210519-15-djpgq7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/401641/original/file-20210519-15-djpgq7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/401641/original/file-20210519-15-djpgq7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/401641/original/file-20210519-15-djpgq7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/401641/original/file-20210519-15-djpgq7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/401641/original/file-20210519-15-djpgq7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le mythique festival de Woodstock, en 1969.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/summer1978/21078773240/"> Rv1864/Flickr</a></span>
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<p><a href="https://www.antoinedesaintexupery.com/ouvrage/le-petit-prince-1943/">Saint Exupéry</a> décrivait le rite comme un moment « qui fait qu’un jour est différent des autres, une heure des autres heures ». Il s’agit en d’autres termes d’une « parenthèse sociale <a href="https://www.editions-ems.fr/livres-2/collections/societing/ouvrage/236-nos-modes-nos-mythes-nos-rites.html">dramatisant et esthétisant les rapports »</a>.</p>
<p>Les rites sont présents à tous les niveaux de la vie de l’individu. <a href="https://www.armand-colin.com/la-consommation-et-ses-sociologies-4e-ed-9782200628291">La consommation n’échappe pas à cette ritualisation</a>. <a href="https://www.editions-ems.fr/livres-2/collections/societing/ouvrage/236-nos-modes-nos-mythes-nos-rites.html">Les célébrations rituelles émaillent notre quotidien</a> : rentrée des classes, Toussaint, Noël, premières neiges, ménage de printemps, fête des mères, etc. <a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/Durkheim_emile/formes_vie_religieuse/formes_vie_religieuse.html">Durkheim</a> les définissait comme des règles de conduite qui prescrivent à l’homme comment se comporter avec les choses sacrées. <a href="https://www.editions-ems.fr/livres-2/collections/societing/ouvrage/236-nos-modes-nos-mythes-nos-rites.html">Le rite contient aussi une part de magie, dès lors qu’il a le potentiel de transformer la réalité</a>.</p>
<p>L’ensemble des penseurs accorde au rite une fonction sociale importante : les événements ritualisés tissent ou retissent du lien. Ils produisent aussi de la mémoire, du partage et de <a href="https://www.researchgate.net/publication/32116735_Working_Weeks_Rave_Weekends_Identity_Fragmentation_and_the_Emergence_of_New_Communities">l’appartenance</a>. Les rituels sociaux sont particulièrement efficaces dans <a href="https://books.openedition.org/editionsmsh/4077?lang=fr">l’amélioration du sentiment d’appartenance à un groupe et pour l’intégration sociale</a>. D’ailleurs pour <a href="https://www.editions-ems.fr/livres-2/collections/societing/ouvrage/236-nos-modes-nos-mythes-nos-rites.html">Lardellier</a>, les rites célèbrent toujours une communauté en même temps que des valeurs. Cet aspect communautaire se situe soit au niveau du festival (par exemple la communauté métal avec le Hellfest, la <a href="https://www.researchgate.net/publication/315450415_Les_emotions_partagees_lors_d%27une_experience_de_consommation_collective_de_consommation_une_approche_socioculturelle_du_Hadra_Trance_Festival_Shared_emotions_in_a_collective_consumption_experience_a_s">communauté psytrance avec le Hadra</a>) soit à un niveau interpersonnel au sein des groupes d’amis.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/401664/original/file-20210519-19-87plxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/401664/original/file-20210519-19-87plxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/401664/original/file-20210519-19-87plxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/401664/original/file-20210519-19-87plxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/401664/original/file-20210519-19-87plxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/401664/original/file-20210519-19-87plxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/401664/original/file-20210519-19-87plxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le rituel vestimentaire des groupes d’amis – Musilac 2017, Tomorrowland Belgium 2019 et Tomorrowland Winter 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nico Didry</span></span>
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<p>Ainsi, le rite possède une dimension communautaire au-delà de sa dimension sociale : <a href="https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/alternatives-marketing-9782100053766/">« toute relation sociale a besoin de rites pour se développer et se maintenir, et tout groupe social a besoin de rites pour affirmer et réaffirmer son existence et l’appartenance de ses membres »</a>.</p>
<p>Ainsi, <a href="https://www.researchgate.net/publication/261976131_EUROCKEENNES_FRANCOFOLIES_VIEILLES_CHARRUES_OU_MAIN_SQUARE_FESTIVAL_Le_rituel_communautaire_comme_source_de_fidelisation">l’expérience de festival doit être envisagée comme un rituel communautaire</a> et appréhendée comme un pèlerinage païen permettant la <a href="https://www.researchgate.net/publication/32116735_Working_Weeks_Rave_Weekends_Identity_Fragmentation_and_the_Emergence_of_New_Communities">célébration symbolique des liens unissant les membres d’une communauté</a>. En ce sens, la finalité sociale de ces rassemblements festifs et communautaires, dont les valeurs (ici liées à la musique principalement) vont fédérer les individus, sont à analyser de la même manière que les rassemblements religieux (messes, pèlerinages), politiques (meetings, manifestations) ou encore sportifs.</p>
<p>Ils répondent à nos besoins de communion collective, mis à mal par la pandémie depuis mars 2020. Les nombreux festivals qui n’auront pas lieu vont d’autant plus nous manquer cet été.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160409/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nico Didry ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le festival, en tant que rituel communautaire, répond à nos besoins de communion collective.Nico Didry, Maître de conférences, Stratégies Economiques du Sport et du Tourisme, CREG, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1589392021-04-14T18:10:14Z2021-04-14T18:10:14ZQui a dit que les introvertis aimaient être confinés ? La réalité est beaucoup plus nuancée…<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/395061/original/file-20210414-24-tfc6hm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=465%2C0%2C5182%2C3819&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La façon dont nous réagissons à cette pandémie est très variable et dépend surtout des multiples facettes de notre personnalité et de nos traits de caractère.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Depuis le début de la pandémie, une idée circule dans les médias et réseaux sociaux voulant que les extravertis et les introvertis gèrent la crise différemment. Plusieurs affirment que les introvertis s’adaptent mieux à la distanciation sociale et à l’isolement que les extravertis.</p>
<p>Certains suggèrent même que les introvertis <a href="https://www.dailytelegraph.com.au/rendezview/hey-introverts-stop-loving-this-crisis-so-much/news-story/a519a8644d149222b0c22c97aa2c28c2">« apprécient »</a> la pandémie, car elle leur offre une rare chance de s’appuyer sur leurs <a href="https://www.theguardian.com/lifeandstyle/2020/may/02/for-introverts-lockdown-is-a-chance-to-play-to-our-strengths">forces</a>.</p>
<p>Selon les théories de la personnalité, <a href="https://psycnet.apa.org/record/2018-63285-007">l’extraversion-introversion</a> est un des axes psychologiques fondamentaux selon lesquels les gens se différencient. Les extravertis auraient généralement plus d’énergie et feraient preuve d’une plus grande sociabilité que les introvertis. Leur humeur s’améliore au contact des autres, alors que ce serait plutôt l’inverse chez les <a href="https://psyarxiv.com/8ze6w/">introvertis</a>.</p>
<p>Intuitivement, il est donc naturel de penser que les introvertis s’en sortent mieux que les extravertis pendant les périodes d’isolement. Or cette affirmation n’est soutenue que par des <a href="https://www.scotsman.com/news/opinion/columnists/why-lockdown-heaven-introverts-me-jim-duffy-3019045">preuves anecdotiques</a> et non des preuves scientifiques. Et celles-ci tendent de plus en plus à rejeter l’idée que les introvertis apprécient les confinements. Quoi qu’il en soit, ce qu’il faut retenir est que la façon dont nous réagissons à cette pandémie est très variable et dépend surtout des multiples facettes de notre personnalité et de nos traits de caractère.</p>
<h2>Faire face au confinement</h2>
<p>En psychologie, l’extraversion est associée à un plus grand bien-être, au bonheur et à la santé mentale. Malgré l’isolement social dont nous avons fait l’expérience depuis le début de la pandémie – un phénomène qui, dit-on, convient aux introvertis –, les faits suggèrent que le bien-être des extravertis s’est remarquablement maintenu pendant les confinements successifs.</p>
<p>En effet, des études récentes ont montré que <a href="https://doi.org/10.3389/fpsyg.2020.561609">l’introversion était prédictive</a> d’une solitude, d’une anxiété et d’une dépression plus graves après les changements provoqués par la pandémie. L’extraversion, quant à elle, était corrélée à des niveaux plus faibles <a href="https://doi.org/10.1016/j.jad.2020.10.053">d’anxiété</a> et à une probabilité moindre d’éprouver des <a href="https://greaterdivide.com/2020/04/30/the-resilience-of-extroverts-in-a-time-of-lock-downs/">problèmes de santé mentale</a> pendant le confinement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1381574389855088642"}"></div></p>
<p>Ces résultats ont été confirmés par une <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0248895">étude longitudinale récente</a> qui a suivi 484 étudiants américains pendant tout le semestre du printemps 2020. Au fur et à mesure de la progression de la pandémie, les introvertis ont connu une augmentation de leur stress, tandis que les étudiants plus extravertis ont signalé une légère diminution de leur stress.</p>
<p>Il est intéressant de noter que la tendance s’est inversée en ce qui concerne l’humeur : les extravertis ont eu tendance à connaître une détérioration de leur humeur pendant la période initiale de la pandémie, tandis que les introvertis ont connu une légère amélioration de l’humeur.</p>
<p>Si ces résultats semblent valider les affirmations selon lesquelles les introvertis s’en sortent mieux que les extravertis en cas de confinement, il est important de noter que malgré une diminution du bien-être des extravertis, ceux-ci rapportent être de meilleure humeur en général que leurs pairs introvertis.</p>
<h2>Les partys virtuels des extravertis</h2>
<p>Certains facteurs liés au mode de vie peuvent expliquer en partie ces résultats. Au fur et à mesure que la pandémie se déroulait, même les extravertis qui vivaient seuls ont pu trouver des applications de communication comme Zoom, <a href="https://edition.cnn.com/2020/03/31/tech/houseparty-coronavirus-lockdown-scli-intl/index.html">Houseparty</a> et <a href="https://www.bbc.com/news/technology-56180581">Clubhouse</a> pour maintenir leur vie sociale.</p>
<p>De même, les introvertis qui avaient accueilli le confinement avec une certaine joie ont pu découvrir rapidement que <a href="https://www.technologyreview.com/2020/04/02/998440/lockdown-was-supposed-to-be-an-introverts-paradise-its-not/">d’être enfermés avec ses colocataires</a> ou la famille n’apportait pas la solitude qu’ils attendaient.</p>
<p>Mais ces résultats sont également conformes à ce que les psychologues s’attendent de la part des extravertis, même en période de crise. De nombreuses théories expliquent pourquoi ils ont tendance à se sentir mieux en général. Certains chercheurs mettent de l’avant le soutien offert par le réseau social élargi des extravertis, tandis que d’autres soulignent les liens entre l’extraversion et les <a href="https://doi.org/10.1016/j.paid.2003.08.001">activités saines</a>.</p>
<p>Une étude particulièrement pertinente réalisée récemment a porté sur les <a href="https://doi.org/10.1016/j.paid.2020.110398">réactions d’adaptation</a> des extravertis en période de crise. Elle a révélé que l’extraversion était liée à des stratégies d’adaptation plus axées sur la résolution de problèmes, comme la recherche d’un soutien émotionnel. Ces tendances sont cohérentes avec l’association bien documentée entre l’extraversion et un <a href="https://doi.org/10.1177/1088868306294907">plus grand optimisme</a>.</p>
<h2>Les cinq traits de la personnalité</h2>
<p>Derrière ces diverses explications se cache un autre principe consensuel des psychologues : la personnalité est multiforme, et ce sont les différentes combinaisons de traits de personnalité qui déterminent notre comportement et notre bien-être.</p>
<p>Prenons l’exemple de la <a href="https://psycnet.apa.org/record/2008-11667-005">théorie des cinq facteurs de la personnalité</a>, l’une des théories les plus populaires en psychologie. Outre le spectre de l’extraversion et de l’introversion, la théorie tient compte de quatre autres traits de caractère : l’ouverture (ouverture à de nouvelles expériences, à de nouveaux sentiments et à de nouvelles idées) ; la conscience (organisation, autodiscipline et détermination) ; l’agréabilité (serviabilité, coopération et bon caractère) ; et le névrosisme (instabilité émotionnelle).</p>
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<img alt="Une pièce d’échec pion au milieu d’un diagramme circulaire reprenant les mots des cinq traits de personnalité" src="https://images.theconversation.com/files/394483/original/file-20210412-13-9e7guo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/394483/original/file-20210412-13-9e7guo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/394483/original/file-20210412-13-9e7guo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/394483/original/file-20210412-13-9e7guo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/394483/original/file-20210412-13-9e7guo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/394483/original/file-20210412-13-9e7guo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/394483/original/file-20210412-13-9e7guo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une théorie courante en psychologie soutient que nos personnalités peuvent être décomposées en cinq traits principaux.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-illustration/3d-illustration-pawn-center-big-five-1747403999">Olivier Le Moal/Shutterstock</a></span>
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<p>Ces autres traits influencent également la façon dont les gens réagissent à la pandémie. Si l’extraversion est souvent associée à des activités saines, c’est le <a href="https://psycnet.apa.org/buy/2004-20177-003">caractère consciencieux</a> qui prédit le mieux les comportements liés à la santé. De même, si les extravertis ont tendance à avoir un réseau social plus étendu que les introvertis, c’est l’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0378873313000415?via%253Dihub">agréabilité</a> qui est un élément prédicteur de la qualité de ce réseau social.</p>
<p>En d’autres termes, la mesure extroversion-introversion est à elle seule beaucoup trop simpliste pour être utilisée seule lorsque nous réfléchissons à la réponse des gens à la pandémie. Lorsqu’il s’agit de faire face au confinement, différentes combinaisons de traits de personnalité peuvent entraîner des comportements très différents.</p>
<h2>Au-delà de la personnalité</h2>
<p>Outre les traits de personnalité, nous suivons tous des forces motivationnelles, généralement guidées par des valeurs et des croyances, qui pourraient également influencer notre comportement et notre bien-être pendant le confinement.</p>
<p>Même une personne présentant des niveaux élevés d’extraversion et de conscience, ce qui laisse présager un ensemble de comportements sains pendant le confinement, pourrait voir son bien-être affecté par ses valeurs.</p>
<p>Une personne matérialiste, par exemple, pourrait être contrainte d’adopter des comportements d’adaptation néfastes, tels que les <a href="https://doi.org/10.1521/jscp.2007.26.3.334">achats impulsifs en ligne</a>. Une étude a d’ailleurs révélé que ce type d’achats avait <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7893314/">augmenté</a> pendant la pandémie – comme mécanisme d’adaptation à des états émotionnels négatifs.</p>
<p>Ces forces motivationnelles peuvent guider notre comportement autant que notre personnalité, et notre bien-être pendant la pandémie sera déterminé par la façon dont toutes ces forces se croisent et interagissent.</p>
<p>Même si l’extraversion ou l’introversion peut être une mesure révélatrice de nos vies, elle passe à côté de l’image beaucoup plus complexe et intrigante du comportement humain, que les psychologues continuent à étudier avec intérêt pendant la pandémie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158939/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lis Ku reçoit un financement de la British Academy. </span></em></p>Intuitivement, on peut penser que les introvertis s’en sortent mieux que les extravertis pendant les périodes d’isolement. Or cette affirmation n’est pas soutenue par des preuves scientifiques.Lis Ku, Senior Lecturer in Psychology, De Montfort UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1551512021-03-25T21:09:04Z2021-03-25T21:09:04ZMigrants et langue du pays d’accueil : les risques de transformer un droit en devoir<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/391137/original/file-20210323-14-1h4at6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=67%2C2%2C931%2C582&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis les années 2005, les adultes migrants en France (hors-Union européenne) doivent signer un contrat d’intégration lors du passage à l’[Office Français de l’Immigration et de l’Intégration.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Lors du discours de Troyes en 2002, Jacques Chirac annonçait une refonte de la politique d’intégration des <a href="https://www.iom.int/fr/termes-cles-de-la-migration#migrant-regulier">migrants réguliers</a> : </p>
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<p>« Chaque nouvel arrivant s’engage dans un véritable contrat d’intégration comprenant notamment la possibilité d’accéder à des formations et à un apprentissage rapide de notre langue. »</p>
</blockquote>
<p>Ainsi depuis les années 2005, les adultes migrants en France (hors Union européenne) doivent signer un contrat d’intégration lors du passage à l’<a href="http://www.ofii.fr/qui-sommes-nous">Office français de l’Immigration et de l’Intégration</a> (OFII). Le principe de ce contrat est de formaliser différents engagements du migrant et de la société d’accueil, dont en particulier l’apprentissage du français en formation spécifique.</p>
<p>Poursuivant un objectif prioritairement social (qui était initialement d’assurer le droit de tous à la formation en français), l’apparition du <a href="http://accueil-etrangers.gouv.fr/modeles/articles-lies/article/definition-du-contrat-d-accueil-et">Contrat d’Accueil et d’Intégration</a> (CAI) a fait basculer ces formations en véritable devoir pour s’intégrer. Lorsque les formations sont prescrites, la présence en formation et la passation d’un examen sont obligatoires, pouvant conditionner le renouvellement du titre de séjour. Le <a href="http://www.ofii.fr/le-contrat-d-integration-republicaine">Contrat d’Intégration républicaine</a> (CIR), apparu en 2016, renforce ces exigences avec l’obligation de progresser à trois tests en français.</p>
<p>Pourtant, différentes recherches en sciences du langage, en sociologie, ou encore en histoire, soulignent les limites de la logique « formation en langue = intégration », et une <a href="https://theconversation.com/profiles/eric-mercier-1203623">thèse récente</a> en explore spécifiquement ses conséquences.</p>
<h2>Imposer une formation : quels effets ?</h2>
<p>La démarche de cette dernière étude a consisté à enseigner dans ce cadre, puis à aller à la rencontre de ses différents acteurs, participants et collègues formateurs, pour tenter de comprendre leurs démarches et leurs rapports à ces formations. Suite à ces expériences et à une vingtaine d’entretiens réalisés auprès de migrants, il ressort d’abord un certain nombre de points positifs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/391121/original/file-20210323-20-1h7lq0k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/391121/original/file-20210323-20-1h7lq0k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/391121/original/file-20210323-20-1h7lq0k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/391121/original/file-20210323-20-1h7lq0k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/391121/original/file-20210323-20-1h7lq0k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1067&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/391121/original/file-20210323-20-1h7lq0k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1067&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/391121/original/file-20210323-20-1h7lq0k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1067&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>D’abord, la grande majorité des participants rencontrés (plus de 200) font de l’apprentissage du français un objectif affirmé, souvent prioritaire. Certains migrants nouent des relations de confiance affirmées avec leurs formateurs de sorte que la formation constitue alors un espace d’accompagnement au-delà des contenus linguistiques. Le formateur peut alors représenter un accompagnateur social de référence, pour une écoute, un partage, et la formation peut pour certains migrants constituer un tremplin d’apprentissage voire d’intégration.</p>
<p>De très nombreux migrants jouent le jeu sans opposition apparente, laissant penser que ces formations obligatoires permettraient d’impliquer le plus grand nombre. Ceci étant dit, différents cas de figure se dessinent : si certains migrants font des progrès indéniables (et alors même que certains d’entre eux étaient réfractaires à se former au départ), à l’inverse d’autres semblent rester longtemps sans forcément tirer parti ou sans être pleinement satisfaits de l’apport de la formation.</p>
<p>Plus encore, les évaluations sur lesquelles repose désormais l’appréciation des efforts d’intégration, sont déconnectées des pratiques réelles :</p>
<ul>
<li><p>Ceux qui ont progressé de façon spectaculaire aux tests ne parviennent pas pour autant à appliquer ces savoirs en dehors de la classe. Certains d’entre eux surprendront leurs formateurs en stagnant, ou bien en perdant ces savoirs par la suite.</p></li>
<li><p>La situation inverse est courante aussi : certains migrants qui ne progressent pas aux tests ou bien ne s’investissent pas dans les formations, surprennent la classe en apprenant à travers d’autres situations (et parfois très rapidement à l’oral).</p></li>
</ul>
<p>Si les formations linguistiques représentent bien un vecteur indéniable d’apprentissage, voire d’intégration, celles-ci ne sauraient représenter le point de départ et la solution exclusive de l’apprentissage du français et de l’intégration de tous.</p>
<h2>Comment les migrants perçoivent-ils ces mesures ?</h2>
<p>Si tous les migrants rencontrés veulent apprendre le français, un seul parmi ceux que nous avons reçus en entretien a fait état d’un accord affirmé avec le système de formations obligatoires. Pourtant, aucun n’avait laissé transparaître de réticence en classe, tous ont joué le jeu. Nombre d’entre eux ont saisi l’opportunité donnée par les entretiens pour faire part de ce dont ils ne parvenaient pas à discuter autrement. Plusieurs de ces entretiens surprennent alors par les positionnements particulièrement critiques de migrants pourtant volontaires en formation (voir exemple dans l’encadré ci-dessous).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/391120/original/file-20210323-22-1cpqocw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/391120/original/file-20210323-22-1cpqocw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/391120/original/file-20210323-22-1cpqocw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/391120/original/file-20210323-22-1cpqocw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/391120/original/file-20210323-22-1cpqocw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/391120/original/file-20210323-22-1cpqocw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/391120/original/file-20210323-22-1cpqocw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Parmi les effets contre-productifs relevés, la formation en langue est parfois perçue comme une fausse solution, comme une impasse. Le manque de socialisation avant la formation, ou encore la déconnexion des projets ou des pratiques en France avec les contenus enseignés, participent à ces ressentis. La formation obligatoire risque alors de compromettre d’autres projets et opportunités qui peuvent se révéler tout aussi décisifs dans l’apprentissage, comme dans l’intégration (travail ou bénévolat, recherche d’un logement plus décent, des opportunités de socialisation…). Cela amène certains informateurs à exprimer se sentir sous-estimés dans leur potentiel d’apprentissage et d’intégration, ou encore se sentir empêchés de participer à la société française.</p>
<p>Les formations peuvent aussi être perçues comme le signe d’une intégration qui ne laisserait pas de place pour s’intégrer. De nombreux migrants s’interrogent sur le droit de parler leurs langues dans l’espace public ou à la maison, avec l’impression que le français doit venir les supplanter, voire les supprimer. Cela a parfois pour conséquence un certain renfermement, menant par exemple à imposer les seules langues d’origines à la maison pour compenser leur perte présumée.</p>
<p>Au final, l’obligation formative n’est selon cette étude pas une solution à rejeter, comportant un certain nombre de zones de pertinence (faire découvrir la formation/donner le pas à certains projets). Mais faire de ces formations <em>la</em> solution de l’intégration, fait courir le risque pour ceux qui ne peuvent s’y soumettre de passer à côté de ses propres objectifs, ou pire, d’amener à un sentiment de stigmatisation, de rejet. Au-delà de ces contradictions, l’objectif affiché des politiques comme des chercheurs est pourtant bien le même : viser à favoriser et accompagner l’intégration de tous.</p>
<h2>Des pistes de recherche</h2>
<p>Les entretiens réalisés soulignent l’intérêt de s’intéresser aux situations personnelles, aux histoires et aux projets de ces personnes dans le cadre d’un suivi : ce qui permettrait de comprendre et d’orienter (voire, de responsabiliser et d’engager) chacun de façon plus ouverte à différentes possibilités, dont il pourrait s’agir de tirer parti.</p>
<p>Lorsque la (seule) formation linguistique ne fait pas sens, d’autres solutions pourraient être cherchées en complémentarité :</p>
<ul>
<li><p>formation/partenariats de stages professionnels ;</p></li>
<li><p>participation bénévole ou associative ;</p></li>
<li><p>participation de migrants à l’élaboration même de certains projets d’accompagnement.</p></li>
</ul>
<p>Ce type d’expériences viserait aussi à mieux apprécier les possibilités d’intégration de chacun, évitant que l’on interprète systématiquement qu’un migrant qui n’a pas progressé en français ou bien à ses évaluations, n’est pas sur la voie d’une bonne intégration.</p>
<p>Une seconde piste proposée est de travailler à la sensibilisation de toute la société à ces questions. Si l’on défend l’intégration comme un processus réciproque, la connaissance et la compréhension des migrants par la société relève alors également d’un enjeu de l’intégration, et d’une responsabilité de la société qui accueille.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155151/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Mercier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Différentes recherches en sciences du langage ou en sociologie, soulignent les limites de la logique « formation en langue = intégration ». Retour sur une thèse qui en explore les effets.Eric Mercier, Docteur en sociolinguistique et didactique des langues, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1555442021-03-22T14:06:53Z2021-03-22T14:06:53ZLe rôle crucial des sports d’équipe pour aider les jeunes à traverser la pandémie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/390533/original/file-20210319-17-1y79zpz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=40%2C47%2C4494%2C2828&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Si les jeunes réclament une reprise des sports d’équipe, c’est précisément parce qu'il leur manque le lien social et que les entraînements solitaires ne sont pas suffisants.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La « Marche pour la relance des sports », organisée par un jeune footballeur de Québec, le 7 mars, illustre bien à quel point les jeunes souffrent du confinement. Leur demande, compréhensible, a d’ailleurs mené le gouvernement du Québec à autoriser les sports de groupe à compter du 26 mars, même si des <a href="https://www.lapresse.ca/sports/2021-03-12/reprise-graduelle-du-sport-au-quebec/les-gyms-pourront-rouvrir-en-zone-rouge.php">restrictions importantes demeurent et que les compétitions sont toujours interdites</a>.</p>
<p>Depuis le début de la pandémie, la <a href="https://theconversation.com/tombee-entre-les-mailles-du-filet-la-sante-mentale-des-jeunes-au-canada-154445">santé mentale des jeunes</a> s’est dégradée de manière alarmante. Plusieurs experts s’entendent pour dire que les <a href="https://theconversation.com/sommes-nous-adophobes-72536">adolescents</a> et les jeunes adultes, ont été <a href="https://theconversation.com/managers-must-listen-to-workers-of-all-ages-on-covid-19-safety-146258">laissés pour compte</a> dans les mesures de santé publique. Ces mesures sont très centrées sur une vision biologique de la crise, sans trop d’égards à la santé mentale et aux besoins de liens sociaux.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/voici-pourquoi-nous-avons-tant-besoin-les-uns-des-autres-139729">Voici pourquoi nous avons tant besoin les uns des autres</a>
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<p>C’est dans ce contexte d’un déficit de lien social qui ne peut être réduit au simple virtuel que nous avons voulu – en tant que chercheurs travaillant dans le champ de la santé mentale des jeunes, du sport et du plein air – mettre en exergue l’importance des pratiques sportives de groupe.</p>
<p>En effet, l’activité physique ne se résume pas à une dépense énergétique et métabolique. La reprise des sports d’équipe aidera non seulement la santé physique, mais aussi le bien-être psychologique des jeunes, et notamment le besoin de socialiser.</p>
<h2>Bouger et partager</h2>
<p>Les activités physiques de groupe <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/2159676X.2018.1430060?cookieSet=1">offrent des expériences partagées et ludiques qui favorisent les liens sociaux</a> tout en améliorant le sentiment de compétence et l’adoption de saines habitudes de vie, qui sont essentiels à une bonne santé mentale.</p>
<p>Des chercheurs en sociologie, psychologie et anthropologie ont montré que la pratique sportive pouvait, sous certaines conditions, créer des <a href="https://www.cairn.info/revue-staps-2014-1-page-69.htm">liens sociaux significatifs entre les jeunes</a>. Pour ce faire, le sport ne peut se limiter à une pratique solitaire ou à une bulle familiale, comme c’est le cas depuis un an.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-activites-artistiques-et-sportives-contribuent-au-bien-etre-et-a-la-resilience-145005">Les activités artistiques et sportives contribuent au bien-être et à la résilience</a>
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<p>Si les jeunes réclament une reprise des sports d’équipe, c’est précisément parce qu’il leur manque le lien social et que les entraînements solitaires ne sont pas suffisants. L’échange, le plaisir et les apprentissages sont liés aux activités pratiquées en collectivité. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant d’avoir vu émerger, au cours des dernières semaines, des initiatives de quartier pour enseigner ou jouer ou dehors, des activités de groupe formelles et informelles à l’extérieur. Le sport, c’est aussi partager une expérience commune.</p>
<p>Dans un contexte où les services de soutien en santé mentale sont difficilement accessibles, les ressources à l’échelle communautaire et scolaire peuvent d’ailleurs être mises à profit pour <a href="https://www.researchgate.net/publication/323130230_Opening_the_black_box_of_a_sports-based_programme_for_vulnerable_youth_the_crucial_role_of_social_bonds">promouvoir le bien-être des jeunes par le sport</a> et soutenir leur adaptation à une crise sans précédent.</p>
<h2>Un déficit de lien social</h2>
<p>Le déficit de lien social <a href="https://theconversation.com/voici-pourquoi-nous-avons-tant-besoin-les-uns-des-autres-139729">explique en grande partie la détresse croissante des jeunes depuis le début de la pandémie</a>. Les liens sociaux aident à faire face aux moments difficiles, tout en jouant un rôle crucial dans le développement des jeunes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/390906/original/file-20210322-15-13gm0xf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/390906/original/file-20210322-15-13gm0xf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/390906/original/file-20210322-15-13gm0xf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/390906/original/file-20210322-15-13gm0xf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/390906/original/file-20210322-15-13gm0xf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/390906/original/file-20210322-15-13gm0xf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/390906/original/file-20210322-15-13gm0xf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le gouvernement du Québec à autorisé la reprise des sports de groupe à compter du 26 mars, même si des restrictions importantes demeurent et que les compétitions sont toujours interdites. Sur la photo : des manifestants protestent à Québec pour demander la reprise des sports organisés, à Québec, le 7 mars 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Jacques Boissinot</span></span>
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<p>Non seulement ces liens nous permettent de partager des ressources devant l’adversité, ils nous aident à trouver des pistes de solution et à donner du sens aux épreuves. Cela nous permet de retrouver un sentiment de sécurité, parfois ébranlé durant les crises, favorisant la <a href="https://theconversation.com/quelle-resilience-pour-quels-modeles-de-societe-137666">résilience</a>.</p>
<p>À l’adolescence et au début de l’âge adulte, le lien social est essentiel au processus de construction identitaire et à l’adaptation aux multiples changements de cette période (physiques, scolaires, familiaux, sociaux, professionnels).</p>
<p>C’est notamment en raison du rôle majeur des pairs durant cette étape de la vie que la détresse des jeunes se trouve exacerbée par la perte de soutien social et par l’interruption des activités scolaires ou parascolaires en présentiel en raison de la Covid-19.</p>
<p>Pour une vaste majorité de collégiens (68 %), <a href="http://docs.fecq.org/FECQ/Recherches/2020-2021/Rapport-final-DTE_109eCo_Zoom.pdf">l’isolement serait la première cause de détresse</a>. Pour les jeunes sondés par une <a href="https://www.usherbrooke.ca/gnec/pj/faits_saillants_pistes_action_udes.pdf">enquête de l’Université Sherbrooke</a>, la réduction des activités sociales, sportives et culturelles, <a href="https://theconversation.com/five-tips-to-manage-screen-time-this-summer-97844">l’augmentation du temps d’écran</a> et le <a href="https://theconversation.com/plus-les-ados-sont-devant-les-ecrans-plus-leurs-notes-sont-mauvaises-49555">passage des cours au virtuel</a> expliqueraient ce mal-être psychologique.</p>
<p>Comme solutions, ils identifient la participation à des <a href="https://theconversation.com/les-activites-artistiques-et-sportives-contribuent-au-bien-etre-et-a-la-resilience-145005">activités sportives parascolaires</a>, le <a href="https://theconversation.com/les-systemes-educatifs-sont-en-crise-partout-sur-la-planete-voici-comment-ils-se-releveront-135377https://theconversation.com/covid-19-pourquoi-il-faut-rouvrir-les-ecoles-maintenant-137051">maintien des cours en présentiel</a> et la création de liens significatifs avec le personnel scolaire.</p>
<h2>La détresse invisible des jeunes</h2>
<p>Selon une <a href="https://acs-aec.ca/en/events/covid-19-managing-mental-health-in-canada/">étude canadienne</a>, entre 2015 et 2020, le nombre de jeunes de 18 à 24 ans présentant des signes de dépression modérée a bondi de 11 % à 42 % – une hausse reflétée dans la population générale (8 à 23 %). Au Québec, une <a href="https://www.usherbrooke.ca/actualites/nouvelles/nouvelles-details/article/44448/">étude de l’Université Sherbrooke</a> note des taux plus dramatiques de détresse selon le cycle d’études et la réduction du temps en présence en classe.</p>
<p>Ainsi, 35 % des élèves du premier cycle du secondaire présentent des signes de dépression ou d’anxiété. Cette proportion est de 50 % au deuxième cycle du secondaire et de 58 % au Cégep et à l’université. Par ailleurs, les mesures d’isolement, d’éloignement physique et de quarantaine pourraient avoir, sur les jeunes, des effets psychologiques néfastes <a href="https://www.thelancet.com/article/S0140-6736(20)30460-8/fulltext">qui perdurent des mois, voire des années</a>.</p>
<p>De plus, les jeunes et familles ne sont pas égaux devant la crise. En effet, si nous traversons tous la même tempête, ce n’est pas dans la même embarcation.</p>
<p>La pandémie a touché plus durement les familles qui cumulent plusieurs facteurs de stress (pauvreté, expériences de discrimination, enjeux linguistiques et migratoires), tels que documenté dans notre <a href="https://sherpa-recherche.com/wp-content/uploads/impact_covid19_communautes_culturelles.pdf">récent rapport</a> sur la Covid-19 et les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1729005/covid-19-communaute-culturelle-montreal-impact-sherpa-recherche(Cleveland,Hanley,Jaimes&Wolofsky,2020)">communautés culturelles</a>.</p>
<p>Ainsi, si la pandémie fait de multiples victimes collatérales peu visibles, incluant chez des jeunes vulnérables, nous pouvons favoriser leur bien-être en misant sur le lien social et les sports d’équipe. Nous devons tirer des leçons de cette dernière année pour mieux les soutenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155544/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Annie Jaimes reçoit un financement du FRQSC (Fonds de recherche du Québec - Société et Culture) pour sa recherche postdoctorale. En tant que co-chercheure, elle mène également un projet financé par les IRSC (Instituts de Recherche en santé du Canada) sur l'adaptation des soins virtuels de santé mentale.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Brice Favier-Ambrosini reçoit des fonds de l'organisme Mitacs pour un stage de recherche postdoctoral à l'Université du Québec À Montréal. Il est également membre du Réseau pour un développement psychosocial par le sport et le plein-air.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nicolas Moreau détient une subvention de recherche du CRSH comme chercheur principal ayant pour titre: "Tous "addicts". Contribution à une sociologie des addictions comportementales à Internet, au travail, au sexe et au sport". Il est également membre du Réseau pour un développement psychosocial par le sport et le plein-air.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Tegwen Gadais recoit des fonds du gouvernement du Québec de la Banque Mondiale et de UNICEF. Il est co-président de la chaire UNESCO en développement curriculaire de l'UQAM.</span></em></p>Les sports organisés favorisent les liens sociaux, qui manquent cruellement aux jeunes et expliquent leur détresse croissante depuis le début de la pandémie.Annie Jaimes, Chercheure postdoctorale à l’Université York, psychologue et chercheure-praticienne à l’Institut Universitaire Sherpa, McGill UniversityBrice Favier-Ambrosini, Postdoctoral research fellow, Université du Québec à Montréal (UQAM)Nicolas Moreau, Professeur titulaire, L’Université d’Ottawa/University of OttawaTegwen Gadais, Professor, Département des sciences de l'activité physique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1569832021-03-14T17:23:11Z2021-03-14T17:23:11ZZoom, Teams… Quand la technologie nous rend trop humain<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/389009/original/file-20210311-13-tvtwee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C8030%2C5357&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les managers craignent plus que jamais la perte de contact, la virtualisation de la relation et la désincarnation des collaborations.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/man-working-home-having-online-group-1692360436">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Sept heures passées aujourd’hui sur des réunions ou interventions en mode Zoom ou Teams. Sept heures assis, face à cet écran, devant ce fond d’écran. On estime parfois que la <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/2013/10/17/97002-20131017FILWWW00600-la-technologie-deshumanise-sondage.php">technologie déshumanise</a>. Qu’à travers elle, le geste devient machinal. Que le sensible nous quitte. C’est ce que montre une partie de nos recherches en cours sur les télétravailleurs de la crise sanitaire actuelle.</p>
<p>Un télétravailleur témoigne ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Certes, quand on est dans un open space, chacun est derrière son ordinateur. Mais on est quand même tous les uns à côté des autres et on se retrouve à la machine à café lors de la pause. Désormais, on ne se voit plus qu’à travers des écrans et donc oui, bien sûr, ça déshumanise énormément et rend le travail plus formel ».</p>
</blockquote>
<p>Nombre de nos échanges avec des managers vont également dans ce sens. On craint plus que jamais de « perdre le contact », de « virtualiser la relation », de « désincarner nos collaborations ». Sur ce chemin, c’est alors tout notre rapport à l’autre et le sens même du collectif qui s’évaporerait.</p>
<h2>« Piégé » dans un filtre de chat</h2>
<p>Mais au fil de nos observations et de nos entretiens, une proposition plus paradoxale se fait jour. Dans ces temps télétravaillés, le corps est plus présent que jamais. On ne l’oublie plus dans le mouvement. Il nous parle, dans l’inconfort de l’immobilité. On cherche la bonne position. On s’étire. Dans les échanges de la réunion, on devient plus que jamais cette forme dans un petit carré : un visage.</p>
<p>Des heures durant, on s’expose. On existe par la plus humaine des parties de notre corps, cette face qui exprime tout notre être. Qu’il est épuisant de montrer en permanence ses émotions, ses affects, par ce biais. Le mur de la visioconférence devient la plus affichée, la plus incontournable des humanités.</p>
<p>Malheur à celui ou celle qui la masque, même par accident, avec un filtre de chat qui recouvre le visage… Il pourrait bien devenir rapidement la risée de toute la toile, à l’image de cet avocat « piégé » dans un tel filtre, en février dernier. La vidéo de l’incident a ainsi été vue plus de 10 000 000 de fois sur YouTube (en cumulé).</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/lGOofzZOyl8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« “Je ne suis pas un chat” : un avocat reste coincé sur le filtre chat de Zoom pendant une affaire judiciaire » (The Guardian, 2021).</span></figcaption>
</figure>
<p>On se sait regardé de façon croisée par un autre visage dont on ne sait pas où plongent les yeux. On sent ces présences autour de nous, à la fois visibles et invisibles. Parfois, une question écrite ou parlée montre que l’attention dont on doutait est là. On nous envoie un message public ou privé. À d’autres moments, une main (sous le visage) se lève.</p>
<p>Le fond d’écran de plus en plus souvent factice ne rend que plus criante la seule et étouffante présence humaine. La tentation est alors grande de faire ce que beaucoup font : on coupe la caméra. On se met en retrait pour redevenir tout un corps, pour être vraiment dans son émotion, dans ses affects.</p>
<p>Une des personnes interrogées (une consultante) nous a ainsi confié :</p>
<blockquote>
<p>« Les gens ont tendance à ne pas mettre leurs caméras pour éviter d’être vus. Et même lorsqu’on les voit, il devient difficile de lire tous les signaux faibles, qui nous donnent des informations sur leur comportement ou leur avis. Et ça demande beaucoup plus d’efforts pour les lire. Pour moi, c’est directement lié au sentiment de fatigue que beaucoup de personnes ressentent avec le télétravail ».</p>
</blockquote>
<p>Mais le grand mur noir en face de nous devient alors un miroir qui saisit notre activité en plan large (voir sur ce sujet le propos du philosophe Gilles Deleuze en <a href="https://www.webdeleuze.com/textes/303">matière d’image-affection et de visage</a>). En reprenant le mouvement, on est plus que jamais dans un corps. Libre de ne pas être vu pour aller grignoter à la cuisine. Libre de lire ce dossier en retard. Libre de regarder cette vidéo.</p>
<p>On est alors fort de la possibilité de vaquer à autre chose sans être vu. Mais à tout moment, l’œil peut s’ouvrir à nouveau. On peut être surpris ou se surprendre en pleine fuite. On se rattrape ensuite comme on peut.</p>
<h2>Réapprendre la latéralité</h2>
<p>À nouveau, la technologie ne nous déshumanise pas. Au contraire, elle nous bloque dans une bulle d’affects dont on ne sort pas vraiment. On aimerait vagabonder, dériver hors de nous-même, suivre ce grand fil d’attachements qui nous rend moins personnel. Mais on ne peut pas. On est piégé dans l’instant. Dans un trop plein d’humanité. Tellement plein qu’il nous rend finalement inhumain.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1250248078722060290"}"></div></p>
<p>Garder une juste sensibilité, c’est peut-être pouvoir être simplement dans le flux des événements qui nous environnement et nous constituent. Sans moment pour bouquiner ou vraiment parler avec les autres, notre sensibilité se met en retrait.</p>
<p>Un autre de nos interviewés suggère ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Le simple fait de travailler en présence d’autres personnes et d’échanger en temps réel sur les sujets, c’est une sorte de <em>brainstorming</em> en continu. Les idées peuvent émerger sur le moment même. Une réflexion d’une personne peut nous faire penser à quelque chose et inversement. À distance, on perd vraiment cet aspect. Certes, on se retrouve virtuellement pour mutualiser, mais je pense qu’il y a une importante déperdition parce qu’il n’y a plus la spontanéité de l’échange ».</p>
</blockquote>
<p>Et si le management ouvrait aussi à cette dérive ? Si le manager s’abandonnait, plus que jamais, à l’écoute du collaborateur, du client, du fournisseur ? S’il acceptait parfois de revenir vers des textes et des narrations que les collaborateurs partagent et même parfois, coécrivent ? Il devrait alors réapprendre la latéralité. Celle du voyage, de la marche, de la contemplation ensemble « à côté de ».</p>
<p>C’est une des conclusions de nos recherches en cours sur les télétravailleurs et le management décentré qui prend forme, de plus en plus, dans les marges de l’organisation traditionnelle.</p>
<p>Pour réapprendre cette latéralité dans un monde de plus en plus digitalisé, il s’agit donc de penser le travail « à côté les uns des autres », et de sentir le collectif qui se forme à travers nos activités. On peut aussi mettre de côté les outils de visioconférences, le temps de retrouver ses collègues ou ses clients pour une réunion en présentiel.</p>
<p>La latéralité devient alors un enjeu spatial (être à côté de) autant que temporel (on enchaîne des instants qui sédimentent en nous). Lors d’une réunion en ligne que nous avons observée, nous étions ainsi surpris d’entendre un manager dire à un collaborateur : « ça n’a pas l’air d’aller ? ». Cela n’était pas les 3 secondes de réunion qui avaient mené à cette conclusion. C’était bien sûr l’accumulation de centaines d’heures de collaborations passées de près avec cette personne.</p>
<p>Le télétravailleur doit pouvoir encore sentir ces visages, ces voix, ces gestes, ces intonations qu’il ne sent plus tout à fait. Les ayant côtoyés en présentiel, ils habitent le présent de l’échange digital et lui donnent toute sa profondeur.</p>
<hr>
<p><em>Cet article, qui s’appuie sur l’intervention de François-Xavier de Vaujany lors de la conférence <a href="https://www.collegedesbernardins.fr/content/seuls-ensemble-et-apres">« Seuls ensemble, et après ? »</a> des Mardis des Bernardins, le 16 mars 2021, qui reprend les conclusions de deux recherches en cours : l’une menée à partir de la thèse de doctorat de Léo Bancou (financement contrat doctoral Paris-Dauphine) sur les modes de co-présences des télétravailleurs ; et une autre conjointe à François-Xavier de Vaujany et Léo Bancou sur les modes d’expression cinématographique des télétravailleurs à l’ère digitale</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156983/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François-Xavier de Vaujany est président élu de RGCS, réseau de sciences ouvertes explorant les nouvelles formes de vie et d'organisation. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Leo Bancou ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Enfermé dans une petite case sur un écran, le télétravailleur est privé de l’aspect informel des échanges. Un bouleversement qui demande une adaptation du management.François-Xavier de Vaujany, Professeur en management & théories des organisations, Université Paris Dauphine – PSLLeo Bancou, Doctorant, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1496632021-01-20T20:12:51Z2021-01-20T20:12:51ZComment la pandémie bouleverse nos interactions sociales<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/379708/original/file-20210120-17-1gavb8s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C5%2C1914%2C1270&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">city</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/ville-porte-le-vieux-shanghai-5153288/">Pixabay</a></span></figcaption></figure><p>A quelle distance se tenir avec les passants, les voisins, la famille, les amis, les collègues? Voilà des questions que nous n'avions pas besoin de nous poser avant l'irruption de la pandémie dans nos vie.</p>
<p>De telles interrogations mettent en évidence un principe qui ordonnait implicitement, avant la pandémie, nos déambulations dans l’espace public. Ce principe, c’est la confiance dans les routines qui régissent les rencontres publiques ainsi que dans les compétences d’autrui à réagir de manière rationnelle et prévisible.</p>
<p>Je sais à l’avance que je peux m’approcher de mon voisin pour lui parler, m’adresser à un passant pour lui demander mon chemin, entrer dans un magasin sans être obligée d’y acheter quoi que ce soit, parler du temps qu’il fait à la boulangère ou rejoindre le rassemblement qu’un groupe de musiciens a formé au coin de la rue. Or, en régime épidémique, cet ordre routinier de l’interaction a fait place à un désordre interactionnel que les directives de « l’éloignement social » ne peuvent guère apaiser.</p>
<p>Privés des appuis conventionnels qui insufflaient de la « reposité » dans nos interactions, <a href="https://www.cairn.info/dictionnaire-de-la-fatigue--9782600047135-page-723.htm">comme le dirait l’anthropologue Albert Piette</a>, nous sommes confrontés à l’inquiétude. Comment dois-je agir ? Comment garder « la bonne distance » dans des ruelles étroites ? Quelle est cette personne en face de moi ? Un semblable ou un porteur de malheur ? Cette enquête incessante produit un sentiment d’insécurité diffuse, mais aussi un trouble dans notre rapport à autrui que les sociologues de l’interaction, en particulier Erving Goffman, peuvent nous aider à penser.</p>
<h2>Codes sociaux</h2>
<p>Pour gérer leurs « relations en public », les êtres humains disposent en effet de ce que Goffman appelle « l’ordre de l’interaction » : un certain nombre de codes sociaux qui déterminent la façon dont nous sommes censés agir et nous permettent d’anticiper les réponses appropriées à la situation – de la consultation médicale à la commande d’un café dans un restaurant en passant par les conversations entre parents sur une aire de jeux.</p>
<p>Mais l’ordre de l’interaction n’est pas seulement un moyen pratique de réduire l’indétermination de nos rencontres, notamment avec des inconnus, et de calmer l’anxiété qui l’accompagne. Pour Goffman, les espaces publics anonymes de circulation généralisée, tels les parcs, les magasins et les cafés, en principe accessibles à tous, impliquent une morale minimale de la coprésence : celle de la civilité ordinaire du passant, faite de tolérance nonchalante et d’évitement mutuel.</p>
<p>Cette morale n’est écrite nulle part, mais comprise de tous, sauf des jeunes enfants qui s’y ajustent péniblement. Elle repose en particulier sur ce que Goffman appelle « l’inattention civile » : en tant que passant, je dois noter la présence d’autrui tout en évitant de le scruter avec insistance ou de lui montrer, par un regard fixe, qu’il est l’objet de ma curiosité. Dans l’univers de coprésence obligée que constituent les lieux publics urbains, cette morale minimale et minimaliste préserve l’individu du regard intrusif et de l’emprise émotionnelle d’autrui. Elle permet à tout un chacun de protéger son « territoire personnel » tout en se coordonnant dans les activités ordinaires qui animent l’espace public, tel se croiser sur un trottoir sans heurter les autres piétons, tenir la porte d’entrée aux inconnus au restaurant ou saluer la caissière avec un sourire poli. La régulation de cet étrange alliage de proximité physique et de distance affective rend psychologiquement supportable la promiscuité forcée des espaces urbains.</p>
<h2>L’étranger comme un « semblable »</h2>
<p>Dans les transactions économiques comme dans les espaces publics urbains, les principes abstraits comme celui de l’indifférence civile et de l’indifférenciation catégorielle désamorcent l’étrangeté du dis-semblable. Car ce n’est pas aux individus de décider comment se comporter les uns avec les autres : les normes impersonnelles les libèrent du travail épuisant que constituerait le décryptage « à flux tendu » des signes interactionnels, largement opaques, des « étrangers ». L’occupant même temporaire des espaces publics urbains apprend ainsi à agir de manière concertée avec ses semblables – des semblables qui ne sont pas pour autant identiques. Au contraire, les conventions sociales rendent possible la coexistence entre des êtres différents du point de vue de leur parcours biographique, de l’âge, de la classe sociale, de l’appartenance religieuse ou de l’origine « ethnique ».</p>
<p>Car l’espace public urbain n’est ni un espace d’appartenance ni un lieu de résidence ; c’est l’univers des itinérants, un univers de mouvement, de déplacement, de dispersion, de passage et de rassemblement. Bref, c’est un lieu d’apesanteur sociale : le citadin est saisi sous une généralité indéfiniment inclusive, celle du passant qui a « le droit de visite » dans un espace marqué, en principe, par une forme universelle d’hospitalité.</p>
<p>Bien sûr, cette hospitalité illimitée est une fiction. La métaphore de la « circulation » doit être prise au pied de la lettre : les espaces publics sont de fait ordonnés par des ségrégations spatiales, des impasses sociales, des sens interdits, des agents de la force publique et des dispositifs de rejet ou d’exclusion, tels les dispositifs « anti-SDF ». Mais, même malmené dans les faits, distordu par les inégalités et les tentatives de privatisation, l’idéal de l’hospitalité et de l’accès tous azimuts à l’espace public a de vrais effets : il dessine l’horizon d’un lieu commun qui donne droit à quiconque, indépendamment de son statut social et de son âge, à faire acte de présence.</p>
<h2>Au risque du « défacement »</h2>
<p>Avec la pandémie, ce lieu commun est menacé. Il est bien entendu menacé par le confinement, le couvre-feu, ou la fermeture des lieux culturels, qui n’autorisent que les conduites publiques nécessaires à la satisfaction des besoins biologiques, que ce soit l’achat de la nourriture, la promenade du chien ou la course. Mais il est surtout menacé par les injonctions sanitaires, aussi justifiées soient-elles, qui nous obligent à voir autrui comme soi-même au prisme de la biologie – nous contraignant ainsi à raviver les enjeux éthologiques que la « scénarisation sociale » des rencontres était parvenue à apaiser.</p>
<p>La pandémie nous dépouille de notre « face » ou de notre masque social pour nous imposer des masques sanitaires qui nous rappellent à l’ordre biologique : nous sommes d’abord et avant tout des corps, vulnérables dans leur constitution et potentiellement menaçants pour autrui. En régime épidémique, le corps des autres doit être ressaisi en termes biologiques, ceux de la contagion, de la contamination, de la désinfection, de la protection et de la purification.</p>
<p>Un tel cadre « biologisant » est particulièrement difficile à adopter envers les proches. Alors que la peur nous conduit spontanément à nous réfugier dans nos cercles de sociabilité et dans nos contacts de proximité, ces derniers doivent être littéralement désactivés, tout au moins physiquement, pour sa propre survie, mais aussi au nom d’un bien plus élevé et plus abstrait : la survie de l’ensemble de la communauté.</p>
<p>L’appréhension d’autrui comme un corps biologique, inquiétant par sa présence même, pourrait bien être, en revanche (trop) aisément mobilisable à l’égard des inconnus, perçus comme des menaces sanitaires sinon des agresseurs potentiels. Privés des rituels d’interaction qui indiquaient, dans la vie ordinaire, la manière de se comporter avec les étrangers, les dangers de l’anonymat, voire la « légère aversion » pour autrui, qui sous-tendent la vie urbaine sont susceptibles de rejaillir à tout instant. Les moindres indices de mal-être physique, grattements de gorge, toux ou pâleurs, deviennent les signes d’une réalité cachée, sourde et dangereuse, qui peut déclencher un véritable processus de « défacement ». Or, arracher à autrui sa face sociale pour le réduire à un corps biologique n’est pas sans conséquence : le visage d’autrui étant la source privilégiée de nos réactions d’empathie, le « défacer » peut être synonyme de cécité émotionnelle et de torpeur morale.</p>
<h2>Une épreuve catégorielle</h2>
<p>Au prisme de la pandémie, faire acte de présence dans l’espace public a perdu toute innocence. L’auto-isolement est devenu un devoir civique tandis que les comportements publics d’affiliation, le frôlement des corps, les poignées de main, sont devenus un signe de déliquescence morale, d’insubordination illégale ou, tout simplement, de stupidité et d’ignorance. La présence dans les lieux publics est un acte de transgression morale, une mise en danger d’autrui ou une folie sanitaire, transformant « l’inattention civile » à laquelle les passants avaient droit en attention incivile. « Que faites-vous dans la rue ? On est enfermé à cause de vous », dit-on aux personnes âgées qui s’aventurent dans la rue, dans les périodes de confinement. « Rentrez chez vous, vous n’avez rien à faire ici ! Vous mettez nos vies en danger », dit-on aux enfants qui courent dans les parcs. « Ne vous rassemblez pas, bande d’égoïstes ! » dit-on aux adolescents en manque de sociabilité.</p>
<p>Voilà que les catégories sociales particulières, telles l’âge ou l’obésité, deviennent saillantes et envahissent la place publique, ébréchant l’apesanteur catégorielle du « passant » anonyme. L’âge, en particulier, est devenu une catégorie sociale omniprésente : la « vieillesse », synonyme de vulnérabilité et de risque de mortalité, contraste avec la « jeunesse », que le label redoutable de « porteur sain » place dans la position inconfortable de danger public. La pandémie transforme ainsi l’interaction en une véritable épreuve catégorielle : nous sommes livrés pieds et poings liés, vulnérables et à fleur de peau, aux ressaisies catégorielles et aux réactions incertaines que nous réservent les rares corps étrangers que nous croisons dans la rue.</p>
<p>En remettant en question l’idéal de la libre circulation des personnes dans un monde sans frontières et en soulignant sa contrepartie négative, celle de la contamination, la pandémie risque de remplacer l’espace public du rassemblement, devenu froid et inhospitalier, par un autre espace-refuge, moins concret, plus imaginé, celui de l’appartenance, notamment nationale. Cette dernière peut induire de magnifiques effervescences collectives, tels les hymnes nationaux et les concerts sur les balcons au printemps dernier ; mais elle peut aussi renforcer les identifications nationales, sinon nationalistes, qui mettent à mal la promesse politique des espaces publics urbains : celle de construire une société de semblables, un monde commun entre étrangers – un monde commun permettant à tout un chacun de se concevoir comme le membre d’une collectivité élargie et indifférenciée, animée par des liens de coordination, sinon de coopération mutuels.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149663/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurence Kaufmann receives funding from Swiss National Science Foundation</span></em></p>Avec la pandémie, la confiance dans les routines qui régissent les rencontres publiques et dans les compétences d’autrui à réagir de manière rationnelle et prévisible se trouvent bouleversées.Laurence Kaufmann, Professeur de sociologie, Université de LausanneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1522472021-01-01T16:59:37Z2021-01-01T16:59:37ZLes vertus du rire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/376229/original/file-20201221-21-uww4g7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=95%2C2%2C828%2C612&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Difficile de trouver plus plaisant que de rire entre amis.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/photo/cheerful-couple-enjoying-movie-royalty-free-image/1146818927">Klaus Vedfelt/DigitalVision via Getty Images</a></span></figcaption></figure><p>Les plaisanteries, les surprises agréables et les rires qu’elles peuvent provoquer donnent du relief à la vie quotidienne.</p>
<p>Quand on glousse ou qu’on s’esclaffe, on peut avoir l’impression d’émettre des bruits un peu ridicules ou bêtas. Mais rire demande en fait beaucoup de travail, car il active de <a href="https://www3.unifr.ch/unicom/fr/news-events/actualites/8425/une-zone-du-cerveau-primitif-dclenche-le-rire?&p=51">nombreuses zones du cerveau</a> : des zones qui contrôlent les processus moteurs, émotionnels, cognitifs et sociaux.</p>
<p>Comme je l’ai constaté en écrivant <a href="https://www.routledge.com/An-Introduction-to-the-Psychology-of-Humor/Gibson/p/book/9780367029081">« Introduction à la psychologie de l’humour »</a>, les chercheurs considèrent même désormais le rire comme un facteur d’amélioration potentielle du bien-être physique et mental.</p>
<h2>Les pouvoirs du rire sur la physiologie</h2>
<p>Les gens commencent à rire dès l’enfance: cela nous aide alors à développer les muscles et le <a href="https://doi.org/10.1093/cercor/bhz219">haut du corps</a>. Ce n’est pas seulement une question de respiration : rire repose sur des combinaisons complexes de muscles faciaux, impliquant souvent des mouvements des yeux, de la tête et des épaules.</p>
<p>Rire, que l’on rie soi-même ou bien que l’on regarde quelqu’un d’autre rire, active de multiples régions du cerveau : le cortex moteur, qui contrôle les muscles, le lobe frontal, qui vous aide à comprendre le contexte, et le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Syst%C3%A8me_limbique">système limbique</a>, qui module les émotions positives. En activant tous ces circuits, on renforce les connexions neuronales et on aide un cerveau sain à coordonner son activité.</p>
<p>En activant les voies neuronales des émotions comme la joie et la gaieté, rire peut contribuer à améliorer nos humeurs et à rendre moins intenses nos réponses physiques et émotionnelles au stress. Par exemple, rire peut aider à contrôler les niveaux cérébraux de la sérotonine, un neurotransmetteur, tout comme le font les <a href="https://doi.org/10.4040/jkan.2015.45.2.221">antidépresseurs</a>. En minimisant les réactions de notre cerveau aux menaces, rire limite la libération de neurotransmetteurs et d’hormones, comme le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cortisol">cortisol</a>, qui peuvent fatiguer nos <a href="https://www.bmj.com/content/347/bmj.f7274">systèmes cardiovasculaire, métabolique et immunitaire</a> au fil du temps. Le rire est en quelque sorte un <a href="https://doi.org/10.7150/ijms.6.200">antidote au stress</a>, qui affaiblit nos systèmes de protection et augmente notre vulnérabilité aux maladies.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/370595/original/file-20201120-19-1ogy9m0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Des femmes riant ensemble lors d’un repas en plein air." src="https://images.theconversation.com/files/370595/original/file-20201120-19-1ogy9m0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/370595/original/file-20201120-19-1ogy9m0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/370595/original/file-20201120-19-1ogy9m0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/370595/original/file-20201120-19-1ogy9m0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/370595/original/file-20201120-19-1ogy9m0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/370595/original/file-20201120-19-1ogy9m0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/370595/original/file-20201120-19-1ogy9m0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Comprendre une blague est un bon entraînement pour le cerveau.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/photo/two-women-laughing-together-at-dining-table-royalty-free-image/126363989">Thomas Barwick/Stone, Getty Images</a></span>
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<h2>Les pouvoirs cognitifs du rire</h2>
<p>Lorsque quelqu’un fait une blague, les rires qui s’ensuivent dépendent en grande partie de notre intelligence sociale et de notre mémoire.</p>
<p>Le rire, tout comme l’humour, survient souvent lorsque l’on reconnaît des <a href="https://www.jstor.org/stable/23082946">incongruités ou des absurdités dans une situation</a>. Avant de rire, il faut pouvoir résoudre mentalement la dissension provoquée par le comportement ou l’événement surprenant. Inférer les intentions des autres et <a href="https://doi.org/10.3389/fpsyt.2019.00126">comprendre leur point de vue</a> peut renforcer l’effet comique ressenti et l’intensité du rire.</p>
<p>Pour comprendre une blague ou le comique d’une situation, il faut être capable de voir le côté plus léger des choses, être ouvert à des interprétations non littérales, par exemple lorsque l’on est <a href="https://doi.org/10.1515/humr.1997.10.4.439">amusé par des bandes dessinées avec des animaux qui parlent</a>, comme Donald, Jolly Jumper ou Rantanplan.</p>
<h2>La puissance sociale du rire</h2>
<p>De nombreuses compétences cognitives et sociales se conjuguent pour vous aider à déterminer quand et pourquoi le rire se produit pendant les conversations. Il n’est pas nécessaire d’avoir entendu des rires pour savoir rire, comme le montre l’utilisation du rire pour <a href="https://doi.org/10.1093/deafed/enl008">ponctuer des phrases en langue des signes</a>, un peu comme les émoticônes dans un texte écrit.</p>
<p>Le rire crée des liens et accroît l’intimité avec les autres. Le linguiste Don Nilsen note que le rire <a href="https://doi.org/10.1017/9781108241403">se produit rarement lorsqu’on est seul</a>, ce qui souligne son rôle social. Dès le plus jeune âge, le rire des nourrissons est un signe extérieur de plaisir qui contribue à renforcer les liens avec les personnes qui s’occupent d’eux.</p>
<p>Plus tard, c’est un signe extérieur de partage d’une appréciation de la situation. Par exemple, les orateurs et les <a href="https://doi.org/10.1515/humor-2017-0040">comédiens</a> essaient de faire rire le public pour qu’il se sente psychologiquement plus proche de lui, pour créer une intimité.</p>
<p>En s’exerçant à rire un peu chaque jour, on peut améliorer des compétences sociales qui ne vous viennent peut-être pas naturellement. Lorsque vous riez en réponse à un trait d’humour, vous partagez vos sentiments avec les autres, ce qui apprend à jongler avec les risques d'une réponse sociale (par exemple que votre réponse soit acceptée, partagée ou appréciée par les autres, plutôt que rejetée, ignorée ou désapprouvée).</p>
<p>Des études menées par des psychologues <a href="https://doi.org/10.1515/humr.1999.12.4.355">ont montré</a> que les hommes ayant des caractéristiques de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_de_la_personnalit%C3%A9_de_type_A_et_de_type_B">personnalité de type A</a> – par exemple la compétitivité et l’hyperactivité, ont tendance à rire davantage, tandis que les femmes ayant ces caractéristiques rient moins. Les femmes et les hommes rient davantage avec les autres que lorsqu’ils sont seuls.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/370596/original/file-20201120-19-ifmsuk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Femme aux cheveux blancs riant sur un banc public dans un parc" src="https://images.theconversation.com/files/370596/original/file-20201120-19-ifmsuk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/370596/original/file-20201120-19-ifmsuk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/370596/original/file-20201120-19-ifmsuk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/370596/original/file-20201120-19-ifmsuk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/370596/original/file-20201120-19-ifmsuk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/370596/original/file-20201120-19-ifmsuk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/370596/original/file-20201120-19-ifmsuk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Rire est important à tout âge.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/photo/senior-woman-laughing-royalty-free-image/522988376">Steve Prezant/The Image Bank, Getty Images</a></span>
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<h2>Les effets du rire sur le mental</h2>
<p>Les chercheurs en psychologie positive étudient comment les gens peuvent vivre une vie pleine de sens, et s’épanouir. Le rire produit des émotions positives qui mènent à ce genre d’épanouissement. Ces sentiments – comme l’amusement, le bonheur, la gaieté et la joie – renforcent la <a href="https://doi.org/10.1037/0003-066X.56.3.218">résilience et augmentent la pensée créative</a>. Ils augmentent le bien-être subjectif et la <a href="https://doi.org/10.1037/0003-066X.56.3.218">satisfaction de vivre</a>. Les chercheurs ont découvert que ces émotions positives vécues avec humour et rire sont en corrélation avec <a href="http://dx.doi.org/10.1080/15332985.2014.884519">l’appréciation du sens de la vie</a> et aident les personnes âgées à avoir une vision positive des difficultés qu’elles ont rencontrées au cours de leur vie.</p>
<p>Rire en réponse à de l’amusement est un mécanisme d’adaptation sain. Lorsque vous riez, vous vous prenez moins au sérieux et vous vous sentez peut-être <a href="https://doi.org/10.1007/s10869-018-9548-7">plus à même de résoudre les problèmes</a>. Par exemple, les psychologues ont mesuré la fréquence et l’intensité du rire de 41 personnes sur une période de deux semaines, ainsi que leur niveau de stress physique et mental. Ils ont constaté que <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0235851">plus les rires étaient nombreux</a>, plus le stress était faible – indépendamment du niveau sonore des rires étudiés.</p>
<h2>Peut-on travailler sur notre rire pour en tirer des bénéfices ?</h2>
<p>Un nombre croissant de thérapeutes préconisent l’<a href="https://www.cairn.info/revue-le-sociographe-2010-3-page-73.htm">utilisation de l’humour et du rire</a> pour aider les patients à reprendre confiance et <a href="https://www.psychologies.com/Travail/Relations-professionnelles/Vie-de-bureau/Articles-et-Dossiers/5-raisons-de-rire-au-bureau">à améliorer leur environnement de travail</a> ; un examen de cinq études différentes a révélé que les <a href="https://doi.org/10.1016/j.ctim.2018.04.009">mesures de bien-être ont augmenté</a> après des interventions par le rire. Ces interventions prennent la forme d’activités humoristiques quotidiennes – s’entourer de personnes drôles, regarder une comédie qui vous fait rire ou écrire trois choses drôles qui se sont passées aujourd’hui.</p>
<p>Vous pouvez vous entraîner à rire même lorsque vous êtes seul. Prenez intentionnellement une perspective qui apprécie le côté drôle des événements. Le <a href="https://doi.org/10.1080/02687038.2020.1787944">yoga du rire</a> est une technique qui consiste à utiliser les muscles de la respiration pour obtenir les réactions physiques positives du rire naturel par un rire forcé (« hahaha hihihi hohoho »).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/4p4dZ0afivk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Quelques astuces pour débuter avec le yoga du rire.</span></figcaption>
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<p>Les chercheurs d’aujourd’hui ne prennent pas ces études à la rigolade, mais une bonne partie des recherches sur l’influence du rire sur la santé mentale et physique repose encore sur des auto-évaluations. Des études plus cadrées de psychologie expérimentale, autour du rire ou des contextes dans lesquels il se produit, confirmeront probablement l’importance de rire tout au long de la journée. Elles suggéreront peut-être même d’autres façons d’en exploiter les bienfaits intentionnellement.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été traduit par Elsa Couderc avec l’aide de DeepL</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152247/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Janet M. Gibson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Rire, que ce soit en douce ou à gorge déployée, a des bénéfices physiologiques, sociaux, et pour notre santé mentale.Janet M. Gibson, Professor of Cognitive Psychology, Grinnell CollegeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1463452020-12-14T18:59:46Z2020-12-14T18:59:46ZLa confiance sociale, ou pourquoi faire confiance (ou pas) aux autres ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/374772/original/file-20201214-23-2exq4b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5991%2C3988&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Se faire confiance pour avancer.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/uTFiFYeQhlI">Joseph Chan / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La science ouverte et les pratiques qui lui sont spécifiques sont en <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-chercheurs-ouvrent-ils-leurs-recherches-135707">plein essor</a> au sein de la communauté scientifique. Pour autant, elles ne sont pas encore devenues des réflexes dans toutes les équipes de recherche. Dans le cas de notre étude, ce sont mes encadrants de thèse qui ont proposé de nous orienter dans cette direction.</p>
<p>Les deux motivations premières sont de rendre la science accessible au plus grand nombre, en tant qu’elle est un bien commun, et d’augmenter la qualité scientifique de l’étude en rendant également possible l’évaluation de cette qualité par toute personne qui le souhaite.</p>
<p>Il ne faut pas non plus négliger la motivation réputationnelle d’être catégorisé comme un scientifique adepte de la science ouverte. L’évaluation des recherches repose encore principalement sur le nombre d’articles publiés en premier auteur et sur la renommée des journaux dans lesquels ils sont publiés. Pour autant, avoir une « coloration » science ouverte est de plus en plus apprécié et valorisé.</p>
<p>Il est également important de noter que notre domaine d’étude n’est pas lié à des intérêts financiers portés par des entreprises, qui pourraient freiner la diffusion des résultats et techniques de recherche au plus grand nombre.</p>
<h2>La confiance sociale, c’est quoi ?</h2>
<p>Notre étude s’intéresse aux liens entre statut socio-économique, préférences temporelles et confiance sociale.</p>
<p>Pour commencer, on peut définir la confiance sociale comme le fait de faire a priori confiance aux personnes que l’on ne connaît pas, qui ne font pas partie de nos proches. En d’autres termes, c’est la croyance que les autres sont de bons partenaires de coopération. Si on a un niveau élevé de confiance sociale et que l’on rencontre quelqu’un par hasard dans la rue, on lui fait a priori confiance, on peut par exemple l’aider ou lui demander de l’aide pour trouver son chemin et s’attendre à ce que l’interaction se déroule bien.</p>
<p>Le niveau de confiance sociale est corrélé, à une échelle plus large à la <a href="https://www.oxfordhandbooks.com/view/10.1093/oxfordhb/9780190274801.001.0001/oxfordhb-9780190274801-e-24">croissance économique</a>. Mais elle est aussi corrélée à des éléments non économiques, par exemple <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1403494813494975">l’acceptation de la vaccination</a>. Cette dernière étude montre en effet que la confiance dans les institutions de santé et la confiance sociale sont toutes deux indépendamment associées avec l’acceptation de la vaccination contre la grippe A(H1N1). Il semble donc positif d’avoir un niveau de confiance sociale élevé.</p>
<p>Or, si l’on observe les niveaux de confiance sociale à diverses échelles : entre états, entre populations et même <a href="https://link.springer.com/content/pdf/10.1007/s10663-013-9238-7.pdf">entre individus</a>, on remarque qu’il y a de grandes variations. On peut donc se demander ce qui peut expliquer ces variations.</p>
<p>En observant ces variations, une même corrélation se retrouve quelle que soit l’échelle : plus le statut socio-économique est élevé plus la confiance sociale est élevée. Ce sont souvent des analyses corrélatives, mais il existe notamment une étude longitudinale qui montre que les augmentations de statut socio-économique prédisent les augmentations de confiance sociale, et que ce modèle est meilleur que le <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/pops.12228">modèle inverse</a>.</p>
<p>Vient alors la question : quel est le mécanisme psychologique qui explique ce lien ? Notre hypothèse est la suivante : ce sont les préférences temporelles qui médient le lien entre statut socio-économique et confiance sociale. Expliquons pourquoi cette hypothèse est plausible.</p>
<p>La confiance sociale, comme je l’ai expliqué, est liée à la coopération, puisque c’est le fait de considérer que les gens sont en général de bons partenaires de coopération. Or la coopération est une notion de long terme. Par exemple, si vous décidez d’aider quelqu’un à déménager, c’est un coût pour vous, mais vous le faites parce que vous avez confiance en la personne que vous aidez. Inconsciemment vous avez le sentiment que cette personne va vous renvoyer l’ascenseur. Et ce, peut-être en vous aidant vous-même à déménager quelque temps plus tard ou bien en vous apportant un gain réputationnel, en diffusant l’idée que vous êtes quelqu’un d’aidant, un bon partenaire de coopération, ce qui vous apportera potentiellement de l’aide ou de la sympathie de la part d’autres personnes.</p>
<p>Cette interaction est donc pour vous un coût immédiat certain pour un potentiel bénéfice futur, sur le long terme. On comprend donc que si vous êtes fortement orienté sur le court terme, ce coût immédiat certain est probablement beaucoup plus saillant pour vous que le potentiel futur bénéfice… Dans ce cas, vous n’avez pas tendance à coopérer beaucoup et donc à faire beaucoup confiance aux gens. Ou du moins, vous allez être a priori très suspicieux face aux personnes qui vous proposent de coopérer, vous aurez donc un niveau de confiance sociale faible.</p>
<p>Une fois cela posé, il nous reste un lien à étudier, c’est celui entre statut socio-économique et préférences temporelles. Il existe déjà beaucoup de littérature sur le sujet qui pointe dans la même direction : plus le statut socio-économique est élevé plus les préférences temporelles sont <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0191886909003468?via%3Dihub">orientées sur le long terme</a>.</p>
<h2>Comment tester notre hypothèse ?</h2>
<p>Il nous a donc fallu trouver comment tester notre hypothèse maintenant qu’elle semblait plausible. Pour ce faire nous avons décidé d’utiliser ce que l’on appelle un choc informationnel, c’est-à-dire donner à nos participants une information qu’ils n’avaient pas. Et plus précisément ici, nous leur avons demandé leur salaire et la place qu’ils pensaient occuper dans l’échelle des salaires de leur pays et nous les avons corrigés lorsqu’ils se trompaient, une idée que nous avons empruntée à cet article de <a href="https://www.econstor.eu/bitstream/10419/109096/1/797504516.pdf">Karadja</a>.</p>
<p>En réalité nous avons décidé de conserver uniquement les participants qui sous-estimaient leur place dans l’échelle des salaires, et de corriger la perception de la moitié d’entre eux, choisis aléatoirement. L’autre moitié, dont nous n’avons pas corrigé la perception, a été notre groupe contrôle.</p>
<p>L’idée était ensuite de comparer les préférences temporelles et les niveaux de confiance sociale des deux groupes. En essayant de voir si une potentielle différence dans les niveaux de confiance sociale suite au choc informationnel n’était pas médiée par les préférences temporelles.</p>
<p>Une fois tout ce travail préparatoire réalisé, commence la science ouverte. Nous avons déposé sur <a href="https://osf.io">OSF</a> (Open Science Framework) un préenregistrement de notre étude pour décrire clairement notre protocole ainsi que les traitements de données et les analyses statistiques que nous avions prévu de faire. Une part importante du protocole qui est bien décrite dans un préenregistrement concerne l’échantillonnage : où sont recrutés les participants, combien seront recrutés (en se basant sur une analyse de puissance statistique), l’échantillon sera-t-il subdivisé en groupes ?</p>
<p>Ce préenregistrement est ensuite rendu public au moment de la soumission de l’article auprès d’une revue à comité de lecture. Les relecteurs peuvent alors vérifier que l’article contient précisément ce qui était annoncé et que les éventuels écarts par rapport au préenregistrement sont bien déclarés comme tels.</p>
<p>Lorsque ce préenregistrement est déposé sur OSF, sa date de dernière modification apparaît et il est impossible de le retirer ou de le modifier sans que cela ne se voie. Ce préenregistrement nous a forcés à réfléchir très précisément au protocole et aux analyses statistiques en amont, avant de commencer la récolte des données. Cela évite les tentations de « p-hacking », c’est-à-dire chercher par tous les moyens à avoir des résultats statistiquement significatifs. Si toutes les étapes, du protocole à l’analyse des données, sont décrites à l’avance, il n’y a pas de place pour les petits arrangements (redécoupage arbitraire d’échantillon, élimination injustifiée de participants, etc). Le préenregistrement demande également de décrire les hypothèses qui seront testées. Ce qui évite l’invention d’hypothèses a posteriori pour correspondre aux résultats obtenus.</p>
<p>Une fois cela fait, les données ont pu être récoltées.</p>
<p>Au moment du traitement et de l’analyse des données, on découvre un nouvel avantage d’avoir fait un préenregistrement : il suffit d’appliquer ce que l’on a annoncé, ce qui apporte un gain de temps substantiel. Pour résumer, voici les résultats. Notre choc informationnel ne semble pas avoir fonctionné. Aucune différence entre le groupe traité et le group contrôle.</p>
<p>En revanche, sur le plan corrélationnel, en prenant l’échantillon entier, on a bien le lien attendu entre le statut socio-économique et la confiance sociale, et ce lien est médié par les préférences temporelles.</p>
<p>Nous avons répliqué cela (la médiation corrélationnelle) avec une étude également <a href="https://osf.io/4cjkh">préenregistrée</a> sur un échantillon plus grand (1130 participants contre 855 dans la 1<sup>re</sup> étude), représentatif de la population britannique. Nous avons retrouvé les mêmes résultats.</p>
<p>Une fois l’article écrit, les actions liées à la science ouverte continuent.</p>
<p>Nous avons soumis notre article à Royal Society Open Science et dans ce cadre, nous avons rendu publiques les données et nous avons également posté le manuscrit sur <a href="https://psyarxiv.com">PsyArXiv</a>, il est donc en accès libre. Si l’article est accepté par ce journal, il sera également en accès libre, de même que le jeu de données et le script informatique. Cela nous oblige à fournir un script informatique et un jeu de données propres, clairs et utilisables par d’autres. Ce qui facilite l’accès à la science pour tous, l’évaluation de la qualité du travail scientifique publié et rend possible l’utilisation de ces ressources par d’autres chercheurs pour des méta-analyses, des réplications ou d’autres études.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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</figure>
<p><em>Cet article fait partie de la série « Les belles histoires de la science ouverte » publiée avec le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Pour en savoir plus, visitez le site <a href="https://www.ouvrirlascience.fr/">Ouvrirlascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146345/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cette étude a été financée par EUR FrontCog grant ANR-17-EURE-0017*.</span></em></p>La confiance sociale c’est faire a priori confiance aux personnes que l’on ne connaît pas, qui ne font pas partie de nos proches. Quels sont ses ressorts ?Léonard Guillou, Doctorant en sciences cognitives, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1489372020-11-05T20:03:32Z2020-11-05T20:03:32ZSéparés mais sous le même toit<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/366199/original/file-20201028-19-jba85a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C8%2C5560%2C3654&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Si les facteurs et les conséquences de la rupture des couples sont souvent étudiés, on sait en revanche peu de choses sur le processus de séparation.</span> <span class="attribution"><span class="source">Pexels/Cottonbro</span></span></figcaption></figure><p>Lorsqu’un couple se sépare, il arrive que les deux conjoints continuent à vivre sous le même toit un certain temps. Cette situation est-elle fréquente ? Combien de temps dure-t-elle ? Quelles en sont les raisons ? La présence d’enfants a-t-elle une influence ? La possession de biens en commun également ? Notre analyse de <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2020-10-page-1.htm">l’enquête EPIC</a> nous renseigne sur une situation de cohabitation mal connue jusqu’ici.</p>
<h2>La séparation comme objet d’étude</h2>
<p>Si les facteurs et les conséquences de la rupture des couples sont souvent étudiés, on sait en revanche peu de choses sur le processus de séparation. De la même manière que la <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/hors-ined/la-formation-du-couple/">formation des couples</a> se fait par étapes (rencontre, relations sexuelles, vie commune, officialisation de l’union), lesquelles sont de plus en plus déconnectées les unes des autres, la « dé-formation » des couples est souvent progressive et structurée autour de <a href="http://bibliothequeucm.educassist.mg/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=49885">différents jalons</a> : décision de se séparer, décohabitation, partage des biens, rupture légale le cas échéant.</p>
<p>On se sépare rarement du jour au lendemain, ce qui conduit à des périodes plus ou moins longues durant lesquelles les ex-conjoints continuent à vivre ensemble, bien que séparés. <a href="https://www.ined.fr/fichier/rte/General/Publications/Population/2019/1-2/Epic_Rault-Regnier.pdf">L’enquête</a> <em>Étude des parcours individuels et conjugaux</em> conduite par l’INED et l’Insee en 2014 offre pour la première fois la possibilité d’estimer la fréquence de ces situations et les facteurs qui leur sont associés.</p>
<h2>La cohabitation post-séparation, plus courante qu’il n’y parait</h2>
<p>Un tiers des personnes séparées entre 1984 et 2013 déclarent avoir continué à vivre sous le même toit une fois prise la décision de se séparer. Cela inclut parfois des périodes très brèves, de quelques jours voire quelques semaines. Ces épisodes de courte durée concernent davantage les séparations les plus récentes, moins sujettes à l’oubli. En ne considérant comme cohabitations post-séparation que celles ayant duré au moins deux mois (seuil retenu ici), continuer à vivre ensemble après avoir pris la décision de se séparer concerne une rupture sur quatre (23 %). Les femmes ont une plus forte propension que les hommes à relater une période de vie sous le même toit après la séparation (26 % contre 19 %). Cela tient au fait que les initiateurs de la rupture, le plus souvent les femmes, tendent à la dater plus précocement.</p>
<p>Si ce type d’arrangement est le plus souvent temporaire (de 2 mois à moins de 6 mois), 20 % des couples qui ont continué à vivre ensemble l’ont fait durant au moins un an (tableau).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/365748/original/file-20201027-17-a50ndy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/365748/original/file-20201027-17-a50ndy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/365748/original/file-20201027-17-a50ndy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=510&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/365748/original/file-20201027-17-a50ndy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=510&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/365748/original/file-20201027-17-a50ndy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=510&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/365748/original/file-20201027-17-a50ndy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=641&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/365748/original/file-20201027-17-a50ndy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=641&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/365748/original/file-20201027-17-a50ndy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=641&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Wilfried Rault, Arnaud Régnier-Loilier, 2020, « Continuer à vivre sous le même toit après la séparation », _Population et Sociétés_.</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>La proportion de séparations suivies d’une période où les ex-partenaires continuent à cohabiter n’a que très peu évoluée au cours des trente dernières années même si, en termes de nombre, cela concerne de plus en plus de couples en raison de la fréquence plus élevée des séparations. Notamment, aucune augmentation significative du phénomène n’est observée pour les cohortes de séparation postérieures à 2008, alors que l’on aurait pu s’attendre à ce que la crise économique de 2008, en affectant les conditions de vie des ménages, allonge le processus de décohabitation des partenaires (difficultés à prendre des logements séparés par exemple).</p>
<h2>Il est plus fréquent de poursuivre la vie commune quand on a des enfants</h2>
<p>Poursuivre la vie commune après la séparation est d’abord étroitement lié à la situation familiale (figure 1), en particulier au fait <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/CRAPE-SARRI/halshs-00798749v1">d’avoir ou non des enfants</a> et, le cas échéant, de leur âge. La probabilité d’avoir continué à vivre ensemble pendant au moins deux mois est plus fréquente lorsque les ex-conjoints ont des enfants dont le plus jeune a moins de quinze ans.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Avoir des enfants augmente la probabilité de cohabiter à la suite de la séparation" src="https://images.theconversation.com/files/366202/original/file-20201028-19-v03t7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/366202/original/file-20201028-19-v03t7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=353&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/366202/original/file-20201028-19-v03t7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=353&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/366202/original/file-20201028-19-v03t7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=353&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/366202/original/file-20201028-19-v03t7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=444&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/366202/original/file-20201028-19-v03t7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=444&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/366202/original/file-20201028-19-v03t7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=444&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Avoir des enfants augmente la probabilité de cohabiter à la suite de la séparation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Samer Daboul/Pexels</span></span>
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</figure>
<p>Lorsque les enfants sont jeunes, la poursuite de la vie commune permet éventuellement de maintenir le couple parental, de préparer les enfants à la séparation et de redéfinir l’organisation quotidienne de la famille (résidences, changement d’école, etc.). Lorsque les enfants sont plus âgés, donc plus autonomes, ces enjeux sont moins prégnants.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/365750/original/file-20201027-14-1l4dfub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/365750/original/file-20201027-14-1l4dfub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/365750/original/file-20201027-14-1l4dfub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=981&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/365750/original/file-20201027-14-1l4dfub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=981&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/365750/original/file-20201027-14-1l4dfub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=981&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/365750/original/file-20201027-14-1l4dfub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1232&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/365750/original/file-20201027-14-1l4dfub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1232&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/365750/original/file-20201027-14-1l4dfub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1232&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Wilfried Rault, Arnaud Régnier-Loilier, 2020, « Continuer à vivre sous le même toit après la séparation », _Population et Sociétés_.</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Union et biens en commun</h2>
<p>Indépendamment de la présence d’enfants, la forme de l’union a également un effet en tant que tel (figure 1). Les personnes mariées (qu’il s’agisse d’un mariage civil ou religieux) sont plus enclines à continuer à vivre ensemble que celles en union libre ou pacsées.</p>
<p>Cette différence peut tenir aux démarches préalables à un divorce, nécessitant la consultation d’un avocat voire l’attente d’un jugement, contrairement à une union consensuelle ou à un pacs dont la dissolution ne nécessite que l’envoi d’un courrier.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Les personnes ayant des biens en commun ont une probabilité ajustée d’avoir continué à vivre ensemble de 26 % contre 12 % pour celles qui n’en ont pas" src="https://images.theconversation.com/files/366211/original/file-20201028-17-jhmk1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/366211/original/file-20201028-17-jhmk1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/366211/original/file-20201028-17-jhmk1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/366211/original/file-20201028-17-jhmk1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/366211/original/file-20201028-17-jhmk1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/366211/original/file-20201028-17-jhmk1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/366211/original/file-20201028-17-jhmk1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les personnes ayant des biens en commun ont une probabilité ajustée d’avoir continué à vivre ensemble de 26 % contre 12 % pour celles qui n’en ont pas.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Karolina Grabowska/Pexels</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La possession de biens mobiliers ou immobiliers communs, qui concerne les trois quarts des couples séparés, exerce un effet important. Lorsque des biens sont partagés, la probabilité d’avoir continué à vivre ensemble sous le même toit est plus de deux fois supérieure (26 % contre 12 % en l’absence de biens communs). La décision de savoir qui va quitter le logement (l’un des deux, ou les deux), la vente éventuelle de celui-ci ou le partage des biens mobiliers sont autant d’éléments qui contribuent à allonger le processus de séparation et favorisent la poursuite de la cohabitation.</p>
<h2>La cohabitation, plus courante après une longue vie commune</h2>
<p>En écho aux facteurs familiaux et matériels, la vie commune post-séparation est plus fréquente lorsque la relation a duré longtemps. Seuls 11 % des personnes ayant eu une relation de couple de moins de trois ans l’expérimentent, contre 38 % lorsque la relation a duré au moins quinze ans.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Poursuivre la vie commune dépend de l’âge de la personne" src="https://images.theconversation.com/files/366219/original/file-20201028-15-1xbokep.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/366219/original/file-20201028-15-1xbokep.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/366219/original/file-20201028-15-1xbokep.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/366219/original/file-20201028-15-1xbokep.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/366219/original/file-20201028-15-1xbokep.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/366219/original/file-20201028-15-1xbokep.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/366219/original/file-20201028-15-1xbokep.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Poursuivre la vie commune dépend de l’âge de la personne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gustavo Fring/Pexels</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’âge auquel survient la séparation joue aussi positivement sur le fait de continuer à vivre ensemble. À caractéristiques comparables, plus la personne est âgée lorsqu’elle se sépare, plus la probabilité d’avoir poursuivi la vie commune augmente : c’est le cas de 19 % des personnes séparées avant trente ans contre 30 % à quarante ans ou plus (figure 1). Une longue vie commune s’accompagne d’habitudes quotidiennes dont il peut être difficile de se détacher. L’emprise de ces routines est susceptible d’être plus importante <a href="https://books.openedition.org/pur/23850?lang=fr">avec l’âge</a> et la crainte de l’isolement pourrait favoriser la poursuite de la vie à deux aux âges plus avancés.</p>
<h2>Contraintes financières et parentalité</h2>
<p>Les personnes ayant continué à vivre ensemble après avoir décidé de se séparer étaient interrogées sur les raisons qui les avaient conduites à cette situation (plusieurs raisons pouvaient être avancées). Le motif le plus fréquent est d’ordre « pratique ou logistique, le temps de s’organiser » (70 %). « Pour les enfants » arrive ensuite (24 % de l’ensemble des couples séparés, 33 % de ceux ayant eu au moins un enfant ensemble) devant les raisons d’ordre « financier » (21 %).</p>
<p>Raisons et durée de la période de vie commune sont étroitement liées (figure 2). Les co-résidences de courte durée (de 2 mois à moins de 6 mois) répondent très majoritairement à des raisons « pratiques ou logistiques ». Mais, plus la poursuite de la vie commune a été longue, plus elle est associée à la présence d’enfants et à des considérations financières telles que la difficulté et/ou le coût de logements séparés.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/365751/original/file-20201027-23-enacga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/365751/original/file-20201027-23-enacga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/365751/original/file-20201027-23-enacga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/365751/original/file-20201027-23-enacga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/365751/original/file-20201027-23-enacga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/365751/original/file-20201027-23-enacga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=582&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/365751/original/file-20201027-23-enacga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=582&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/365751/original/file-20201027-23-enacga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=582&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Wilfried Rault, Arnaud Régnier-Loilier, 2020, « Continuer à vivre sous le même toit après la séparation », _Population et Sociétés_.</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>De nombreux facteurs sociodémographiques sont ainsi corrélés au fait de vivre ensemble sous le même toit après la séparation. D’autres aspects plus relationnels tels la qualité de l’entente conjugale juste avant la rupture semblent également liés à cette expérience. Le fait pour les ex-conjoints d’estimer que leur <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/jomf.12613">relation était bonne</a> avant la séparation favorise à la fois l’expérience de la cohabitation post-séparation et sa durée. Des indicateurs plus subjectifs dans de futures enquêtes permettront de mieux étudier la manière dont les personnes vivent ces situations.</p>
<p><em>Ce texte est adapté d’un <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2020-10-page-1.htm">article</a> publié par les auteurs dans Population et Sociétés n° 582</em>, « Continuer à vivre sous le même toit après la séparation ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/148937/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Alors que nous rentrons dans un deuxième confinement, la perspective de cohabiter avec une personne non désirée nous semble inenvisageable, jetons à œil sur ces couples séparés qui vivent ensemble.Arnaud Régnier-Loilier, Chercheur à l'INED , Institut National d'Études Démographiques (INED)Wilfried Rault, Chercheur à l'INED, Institut National d'Études Démographiques (INED)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1489352020-10-28T22:05:55Z2020-10-28T22:05:55ZCinq leçons à tirer du premier confinement<p>Le projet <a href="https://www.sciencespo.fr/osc/fr/content/faire-face-au-covid-19.html">Faire face au Covid-19</a> (CoCo) a étudié la manière dont la population française a vécu l’expérience du confinement en France.</p>
<p>L’enquête a utilisé un échantillon préexistant représentatif de la population : le <a href="https://www.elipss.fr/fr/">panel longitudinal ELIPSS</a> composé de 1 400 répondants. Le projet CoCo a transformé ce dispositif en un baromètre de l’expérience du confinement et du déconfinement entre avril et juin 2020.</p>
<p>Ce dispositif permet de décrire les transformations qui se sont produites dans les pratiques sociales (vie familiale, travail, relations sociales, éducation, etc.) ; il permet aussi de rendre compte de la perception de cette expérience unique en comparant des indicateurs saisis pendant et après le confinement avec les mêmes indicateurs collectés sur les mêmes individus avant le confinement.</p>
<p>Cinq <a href="https://www.sciencespo.fr/osc/fr/node/2224.html">résultats saillants</a> émergent de cette étude.</p>
<h2>Un premier confinement « bien vécu »</h2>
<p>On pouvait penser que le fait d’enfermer du jour au lendemain les gens à leur domicile pourrait entraîner un dérèglement de leur psychologie. Une majorité des habitants semble en réalité avoir eu une perception positive du confinement, qui a été vécu comme une sorte « d’intermède philosophique » : pour environ trois quarts de la population, il a été l’occasion de « prendre du recul » ou de « consacrer du temps à soi et à la famille ».</p>
<p>Fait remarquable, l’adhésion à ces perceptions positives du confinement est restée quasiment la même au début et à la fin des 55 jours au cours desquels nous avons effectué cette mesure. Les indicateurs de bien-être montrent une corrélation positive avec la fréquence de sortie pendant la période ; une certaine flexibilité de la contrainte de confinement semble donc avoir préservé l’équilibre individuel.</p>
<p>Cette relative sérénité dans la manière dont les personnes ont vécu le confinement est à mettre en lien avec la tendance de chacun à relativiser sa propre situation au sein d’un contexte de crise généralisée. Des signes de ce mécanisme sont palpables dans nos données. Par exemple, lorsqu’on compare l’état de santé pendant le confinement à celui mesuré <a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?gcoi=27246100370780">lors des vagues précédentes</a>, notamment en 2019, nous constatons que 49 % de nos répondants déclarent être dans un meilleur état de santé et seulement 14 % dans un état de santé moins bon qu’un an auparavant.</p>
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<img alt="Théières" src="https://images.theconversation.com/files/366184/original/file-20201028-17-1dkbcbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/366184/original/file-20201028-17-1dkbcbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/366184/original/file-20201028-17-1dkbcbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/366184/original/file-20201028-17-1dkbcbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/366184/original/file-20201028-17-1dkbcbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/366184/original/file-20201028-17-1dkbcbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/366184/original/file-20201028-17-1dkbcbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le confinement a été vécu par beaucoup de personnes comme un moment de réflexivité et de retour à l’essentiel, ce qui peut expliquer la stabilité des niveaux moyens de bien-être.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/filifoto/49836938153/">Philippe Samar/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Ce même raisonnement s’applique aux indicateurs de bien-être. Très stables en moyenne de 2017 à 2019, ils ont tous marqué une hausse pendant le confinement : les enquêtés se sont décrits comme plus calmes, moins nerveux, moins découragés, moins tristes, voire même moins seuls. Après une baisse du bonheur reportée en début du confinement, les niveaux ont rapidement rattrapé voire dépassé ceux d’avant le confinement. Ce phénomène contre-intuitif fait écho aux réactions psychologiques collectives observées face à des <a href="https://core.ac.uk/display/39320597">situations catastrophiques</a>.</p>
<p>Nous l’avons appelé effet <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0276562420300445?via%3Dihub">« œil du cyclone »</a> : au milieu d’un désastre, si on n’est pas directement affecté, il est difficile de ne pas se dire heureux.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/366216/original/file-20201028-23-1givjw3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/366216/original/file-20201028-23-1givjw3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/366216/original/file-20201028-23-1givjw3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/366216/original/file-20201028-23-1givjw3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/366216/original/file-20201028-23-1givjw3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/366216/original/file-20201028-23-1givjw3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/366216/original/file-20201028-23-1givjw3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/366216/original/file-20201028-23-1givjw3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’œil du cyclone : perception du bien-être auprès des participants à l’étude.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ettore Recchi, Mirna Safi, Enquêtes annuelles ELIPSS 2017, 2018, 2019 et enquêtes CoCo 1-5, 2020. N=834</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Derrière cette image globalement positive, il y a bien évidemment des hétérogénéités. En particulier, pour les personnes qui ont dû continuer à travailler à l’extérieur de leur domicile pendant le confinement chez qui on n’observe pas cette hausse de bien-être. Les femmes et les personnes nées à l’étranger sont aussi surreprésentées parmi celles et ceux qui ont vécu le confinement de manière relativement plus négative.</p>
<h2>Le lieu de travail révèle un clivage socio-économique émergent</h2>
<p>La forte augmentation du télétravail est un des faits les plus caractéristiques de l’expérience du confinement. S’il y a eu des fluctuations dans la tendance, avec une nette augmentation au début de la période confinée, puis une décélération au milieu, in fine on constate sa persistance, même dans la phase de déconfinement. Parmi celles et ceux qui étaient en emploi en 2019, le <a href="https://spire.sciencespo.fr/hdl:/2441/6vv2fug6nb8t29ilm995n9hbnh/resources/op-2020-1.pdf">télétravail systématique est passé de 4 à 20 % début juin</a>.</p>
<p>Les cadres, les professions libérales et les employés ont nettement plus travaillé à domicile. Le lieu de travail pendant le confinement est aussi le reflet des inégalités salariales.</p>
<p>Début mai, seulement 15 % des salariés appartenant à la moitié inférieure de la distribution des salaires (soit moins de 1 400 euros net) ont pu travailler à la maison, contre 48 % de ceux dont les salaires sont supérieurs à la médiane.</p>
<p>Lorsqu’on mesure l’effet de la transformation des conditions de travail pendant le confinement sur les salaires, le résultat est sans appel : 21 % des travailleurs sur leur lieu de travail ont déclaré une baisse de leur salaire contre seulement 2 % des télétravailleurs.</p>
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<img alt="Homme travaillant depuis son domicile" src="https://images.theconversation.com/files/366185/original/file-20201028-19-1ictnjd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/366185/original/file-20201028-19-1ictnjd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/366185/original/file-20201028-19-1ictnjd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/366185/original/file-20201028-19-1ictnjd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/366185/original/file-20201028-19-1ictnjd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/366185/original/file-20201028-19-1ictnjd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/366185/original/file-20201028-19-1ictnjd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le télétravail.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/bois-homme-personne-individu-3360204/">Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Ainsi, initialement fortement conditionné par les inégalités professionnelles y compris dans leur dimension salariale, le télétravail a accentué ces inégalités.</p>
<p><a href="https://zenodo.org/record/3839312#.X5g0_4hKhPY">Nos analyses</a> ont également montré un effet protecteur du télétravail quant à l’exposition au virus : les télétravailleurs du début du mois d’avril ont eu trois fois moins de chance de déclarer avoir attrapé la Covid à la mi-mai par rapport à celles et ceux qui ont continué à fréquenter leur lieu de travail habituel.</p>
<p>Dans l’ensemble, nos résultats suggèrent ainsi que la possibilité de télétravailler cristallise désormais des enjeux socioéconomiques, sanitaires et même symboliques qu’il convient de prendre en compte dans les efforts redistributifs qui cherchent à atténuer les effets de la crise.</p>
<h2>Le confinement a alourdi la charge de travail des femmes</h2>
<p>Notre enquête a également mesuré le temps consacré à différentes tâches au sein du ménage : en particulier les travaux ménagers, la cuisine, la garde d’enfants et les activités de loisirs.</p>
<p>Sans surprise, les résultats montrent que les femmes se sont consacrées plus au travail <a href="https://spire.sciencespo.fr/hdl:/2441/6vv2fug6nb8t29ilm995n9hbnh/resources/op-2020-1.pdf">non rémunéré et moins au travail rémunéré</a>. Ce résultat est aussi à mettre en lien avec le fait que les femmes actives ont plus souvent basculé en chômage partiel ou en congé par rapport aux hommes.</p>
<p>Notre enquête a permis aussi de creuser les effets du confinement sur la répartition du travail domestique au sein du couple. Si, tout comme avant cet évènement, les femmes supportent une majeure partie du travail domestique, le télétravail semble avoir joué un rôle « égalisateur » surtout si les deux conjoints le pratiquent, comme si cela avait permis aux femmes de négocier une répartition plus équitable en levant l’invisibilité du travail domestique.</p>
<p>Néanmoins, cette tendance à l’égalisation est fortement amoindrie dans les ménages qui comprennent de jeunes enfants. Toutes les tâches qui nécessitent de prendre soin ou d’encadrer les enfants en bas âge sont bien plus souvent faites par les femmes quelle que soit la configuration du ménage et quels que soient les statuts d’emploi au sein du couple.</p>
<p>Plus généralement, on relève que la présence d’un jeune enfant a tendance à exacerber le niveau de tension au sein des familles surtout pour les couples dans lesquelles la femme a continué à travailler.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/emploi-teletravail-et-conditions-de-travail-les-femmes-ont-perdu-a-tous-les-niveaux-pendant-le-covid-19-141230">Emploi, télétravail et conditions de travail : les femmes ont perdu à tous les niveaux pendant le Covid-19</a>
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<h2>De nouveaux liens sociaux</h2>
<p>Un résultat qui peut paraître surprenant : la période de confinement a engendré de nouveaux liens sociaux pour 16 % des personnes interrogées. Au sein des relations nouvellement établies, ce sont les relations bien réelles de voisinage qui ont pris le dessus sur les relations virtuelles.</p>
<p>Une trame d’entre-aide <a href="https://theconversation.com/la-solidarite-au-temps-du-covid-19-vers-de-nouveaux-engagements-139361">avec les voisins</a> s’est aussi mise en place au fil de l’eau. Cela suggère que, même si la sociabilité en ligne est un substitut aux relations sociales physiques, une dimension très locale de la sociabilité est restée palpable pendant le confinement.</p>
<p>Notre matériel qualitatif collecté dans les questions ouvertes sur le déroulement des <a href="https://zenodo.org/record/3839288#.X5g1v4hKhPY">journées confinées</a> abonde de discussions avec les voisins, lors d’apéros sur le balcon ou au travers des clôtures mitoyennes.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/PQoS3iT-ev8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Apéros entre voisins sur skype.</span></figcaption>
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<p>Toutefois, cette expérience dépend considérablement de la sociabilité préexistante. Les personnes très sociables ont été bien plus susceptibles d’échanger avec leurs voisins, tandis que les personnes moins sociables se sont plus tournées vers de nouvelles relations en ligne.</p>
<p>Cette variation de la sociabilité s’observe quels que soient le sexe, l’âge, l’éducation, le niveau de revenu et la région de résidence. Plutôt qu’une simple substitution des relations physiques par des relations en ligne, le confinement semble avoir favorisé une reproduction des canaux relationnels antérieurs en amplifiant la séparation des sphères de sociabilité.</p>
<h2>Quelques signes (timides) de changement de valeurs</h2>
<p>Le confinement a-t-il engendré une nouvelle vision de la société ? Nous aurait-il poussés à réviser nos préférences et à redéfinir nos priorités ?</p>
<p>Nous avons d’abord enregistré une aspiration à un changement de vie à l’échelle individuelle : <a href="https://zenodo.org/record/3897359#.X5g4j4hKhPZ">74 % des répondants</a> disent qu’ils tireront de cette expérience des leçons concrètes pour améliorer leur vie. Est-ce que cela se traduit par une volonté de transformation sociale ? Il y a en effet un large consensus pour investir plus massivement dans les hôpitaux publics (67 % y sont favorables).</p>
<p>Les préoccupations environnementales semblent aussi gagner du terrain ; la proportion des répondants qui accepteraient un ralentissement de la croissance économique pour sauvegarder l’environnement est passée de 59 % avant le confinement à 70 % après.</p>
<p>De plus, nos analyses suggèrent que la particularité du profil habituellement associé aux préoccupations environnementales (ménages urbains, diplômés de l’enseignement supérieur) est moins marquée.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/366135/original/file-20201028-13-1j9gyup.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/366135/original/file-20201028-13-1j9gyup.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/366135/original/file-20201028-13-1j9gyup.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/366135/original/file-20201028-13-1j9gyup.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/366135/original/file-20201028-13-1j9gyup.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/366135/original/file-20201028-13-1j9gyup.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/366135/original/file-20201028-13-1j9gyup.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/366135/original/file-20201028-13-1j9gyup.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Faire face au Covid.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ettore Recchi, Mirna Safi</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Néanmoins, le soutien à des politiques redistributives évolue plus modestement (de 51 à 57 %), à contrario des réticences vis-à-vis de la globalisation qui ont considérablement augmenté (de 58 à 70 %).</p>
<h2>Quelles leçons tirer en cette veille de reconfinement ?</h2>
<p>Si ces cinq enseignements couvrent différentes dimensions de l’expérience du confinement, ils doivent être considérés avec précaution s’ils devaient être utilisés pour éclairer la situation actuelle. Le confinement de mars-mai 2020 est très spécifique car il a constitué d’une part un choc total ayant transformé notre mode de vie et d’autre part un épisode vécu comme isolé et temporaire. Ce deuxième confinement intervient dans un contexte très différent puisqu’il entérine la durabilité de la crise sanitaire et la deuxième vague tant redoutée. Comment sera-t-il vécu ?</p>
<p>Le maintien de l’ouverture des écoles pourrait réduire l’impact du confinement sur les inégalités hommes/femmes. En revanche, la frontière entre les métiers télé-travaillables et non télé-travaillables est consolidée et risque d’être perçue comme un clivage socioprofessionnel central. Quant au bien-être psychologique, sa stabilité pendant le confinement du printemps risque d’être mise à mal cette fois-ci par la persistance de l’épidémie et l’aggravation de ses effets économiques.</p>
<p>Nous pourrons vérifier ces hypothèses grâce à la poursuite de nos efforts de collecte de données : après les deux vagues d’enquête qui ont succédé directement au confinement du printemps, une sixième a été lancée à la fin du mois d’octobre, désormais sous le signe de nouvelles restrictions sanitaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/148935/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Résultats des travaux d’une équipe de chercheurs qui a monté un baromètre permettant de suivre l’expérience du confinement et du déconfinement entre avril et juin 2020.Ettore Recchi, Professeur des universités (Observatoire Sociologique du Changement), Sciences Po Mirna Safi, Sociologue, Professeure à Sciences Po, Observatoire Sociologique du Changement, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1423192020-10-22T19:59:55Z2020-10-22T19:59:55ZComment les enfants choisissent-ils leurs amis ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/364477/original/file-20201020-17-1g62emd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C1000%2C661&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le choix d'amis ne dépend pas uniquement des activités partagées par les enfants, mais aussi des jugements exprimés par les adultes.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>« Il manque un temps à ma vie/Il manque ton rire, je m’ennuie/Il me manque toi, mon ami, mon alter ego », chantait Jean‑Louis Aubert en 2001. Si cette chanson de Jean‑Louis Aubert est peu connue des enfants – et est souvent associée « à un truc de vieux » comme ils me l’ont agréablement fait remarquer lors d’un cours de musique – son titre et son refrain sont en revanche très présents dans leur réalité quotidienne.</p>
<p>C’est le cas notamment lorsqu’ils s’amusent à classer leurs camarades par niveau d’affinité dans des catégories aussi différentes, précises et hiérarchiques que « meilleur ou vrai ami », « ami », « copain » ou de « juste copain ».</p>
<p>À l’instar de celles des adultes, les <a href="http://www.theses.fr/2019SACLS046">pratiques affectives et amicales</a> des enfants ne sont pas démocratiques, tant s’en faut. Les garçons et les filles reconnaissent très difficilement pouvoir « tomber ami ou tomber même meilleur ami » (sic) de tout un chacun, quels que soient son âge, son sexe, ses activités récréatives préférées ou encore son apparence.</p>
<h2>Les amitiés mixtes sont rares</h2>
<p>En amour comme en amitié, la figure de l’alter ego émerge très rapidement de l’analyse des sociabilités enfantines. La majorité des enfants tissent des liens avec des enfants qui leur ressemblent sous leurs principales coutures, c’est-à-dire sous celles qui distinguent et hiérarchisent le plus évidemment la cour de récréation, à savoir le sexe et l’âge.</p>
<p>Être du même âge et être du même sexe apparaissent comme les deux principales conditions nécessaires à la formation des liens affectifs enfantins. Sans l’une d’elles, pas d’amitié et a fortiori pas de meilleure amitié possible. Elles constituent les premières modalités à partir desquelles les enfants peuvent ensuite élire et sélectionner leurs copains ou « amis préférés » à partir de différents <a href="https://www.cairn.info/revue-geneses-2014-3-page-35.htm">critères d’évaluation et de jugements</a>.</p>
<p>Quel que soit leur âge, les enfants déclarent le plus souvent avoir des copains et des amis du même sexe qu’eux : c’est le cas de près de six filles sur dix (dans les écoles et centres périscolaires étudiés) et de sept garçons sur dix. La proportion, pour les deux sexes, augmente à 80 % en ce qui concerne leurs meilleurs amis.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/364499/original/file-20201020-14-19ystqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/364499/original/file-20201020-14-19ystqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/364499/original/file-20201020-14-19ystqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/364499/original/file-20201020-14-19ystqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/364499/original/file-20201020-14-19ystqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/364499/original/file-20201020-14-19ystqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/364499/original/file-20201020-14-19ystqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les enfants déclarent le plus souvent avoir des copains et des amis du même sexe qu’eux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Plus surprenant, ils sont seulement 20 % à indiquer avoir des amitiés mixtes, c’est-à-dire à déclarer avoir un groupe de copains composé d’autant de camarades de l’autre sexe que du même, et seulement 10 % à avoir autant de meilleures amies que de meilleurs amis.</p>
<p>Comment expliquer ce fort tropisme des enfants envers leurs camarades de même sexe ? Deux principales réponses ressortent de leur propos. La première, la plus fréquente, renvoie à des raisons prosaïques et plus largement au fonctionnement des amitiés enfantines.</p>
<p>Il est difficile de devenir (meilleur) copain d’un enfant quand on ne partage pas les mêmes goûts, les mêmes jeux et les mêmes activités, quand il n’y a aucun terrain favorable au développement d’une relation un tant soit peu suivie dans le temps. Or, les garçons comme les filles s’accordent à dire que les autres « font des jeux trop nuls » qui ne sont « pas drôles », et « qu’on s’ennuie toujours [quand on est] avec eux, en plus ils nous embêtent ».</p>
<p>La seconde raison, généralement évoquée du bout des lèvres mais tout aussi importante, est le risque que les unes et les autres encourent à rester paisiblement, sans faire montre d’ennui ou de gêne, dans un petit groupe majoritairement composé d’enfants de l’autre sexe, à savoir celui d’être « traité d’amoureux » voire d’amoureuse d’une mauvaise personne, comme le rapporte Marion (CE2, classes supérieures) :</p>
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<p>« Déjà, dès qu’on jouait avec un garçon et y’en a qui faisait : “Ah, vous êtes amoureux”. Oui, par exemple, Elsa, en faisant l’épervier, Elsa, elle était chat avec Hugo et là, je crois que c’est Léa, Sandra et tu vois bah elles ont commencé à faire : “Ah vous êtes amoureux”, parce qu’ils étaient à côté. Et dès qu’on a un amoureux, ils font : “Oh ! La honte !”. »</p>
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<h2>Le poids de la classe et de l’âge</h2>
<p>Au-delà d’une concordance de sexe, les relations amicales enfantines se caractérisent par une très forte homophilie d’âge, et plus précisément de niveau scolaire. Près de 90 % des garçons et des filles déclarent en effet que la majorité de leurs copains ou de leurs copines sont dans la même classe qu’eux ou elles. A l’inverse, ils sont très peu à mentionner avoir beaucoup de copains dans des classes plus grandes que la leur (29 %) et encore moins à en indiquer dans des classes plus petites (19 %).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ecole-primaire-comment-aider-un-enfant-a-se-faire-des-amis-111375">École primaire : comment aider un enfant à se faire des amis</a>
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<p>Quand on les questionne sur ce phénomène, les enfants indiquent que c’est « parce que les grands ne les autorisent jamais à jouer avec eux, sauf quand il leur manque du monde pour faire un foot ou alors pour faire un chat. Mais sinon, ils jouent qu’avec les grands. Ils veulent pas de nous parce qu’on est trop petits et qu’on sait pas bien jouer au foot ou à chat ! » (Christophe, CE2, classes moyennes).</p>
<p>Cette association entre trop petits et pas assez bons ou forts pour « avoir le droit » de jouer – et donc d’être amis – avec les plus grands se retrouve également dans les propos de Mathias (CP, classes populaires), qui explique qu’il ne pourrait être ami « avec les plus grands que » lui « parce que eux ils jouent à des jeux qui sont trop compliqués ».</p>
<p>En d’autres termes, si les enfants ne peuvent que très difficilement devenir amis et, de surcroît, meilleurs amis avec des enfants qui ne seraient pas de leur âge ou n’appartiendraient pas à leur classe de sexe, c’est parce qu’ils mettent en jeu leur réputation et leur place dans la cour de récréation.</p>
<p>En jouant avec des plus petits ou des camarades de l’autre sexe, ils risquent non seulement d’être moqués, traités d’amoureux, « de vouloir faire “leur” grand » ou pire de « bébé cadum », mais surtout de se voir dévalués en étant associés aux figures repoussoirs de bébés, de garçons, et surtout de filles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/364505/original/file-20201020-24-le1kli.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/364505/original/file-20201020-24-le1kli.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/364505/original/file-20201020-24-le1kli.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/364505/original/file-20201020-24-le1kli.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/364505/original/file-20201020-24-le1kli.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/364505/original/file-20201020-24-le1kli.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/364505/original/file-20201020-24-le1kli.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les discussions et jeux dans le cadre scolaire sont très codifiés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Ces sanctions symboliques, extrêmement présentes dans les temps de jeu, rappellent donc aux enfants les règles des sentiments amicaux, et la nécessité d’en respecter l’âge et le sexe. Toutefois, elles ne s’imposent pas avec autant de force à tout un chacun.</p>
<p>Ce sont surtout les garçons et les plus grands – en tant que « rois de la cour » (sic) – qui ont le plus à perdre dans la mesure où il est plus insultant et dévalorisant d’être renvoyé à des bébés et à des filles qu’à des garçons et à des grands, soulignant l’existence précoce de hiérarchies et d’<a href="https://www.jstor.org/stable/190063?seq=1">inégalités d’âge et de sexe</a>.</p>
<h2>Le rôle implicite des adultes</h2>
<p>Les manières de choisir ses amis ne dépendent pas uniquement des enfants, de leur choix ou des cultures enfantines, elles sont liées au monde des adultes au moins de trois manières. Tout d’abord, si les garçons et les filles ont plus de chances d’être amis avec des camarades du même âge et du même sexe qu’eux, c’est parce que les professionnels de l’éducation ont tendance à les rassembler par sexe et niveau scolaire, y compris lors des activités extra – ou périscolaires.</p>
<p>Les enfants du même âge et du même sexe passent davantage de temps ensemble, et ont donc l’occasion de se rencontrer, de discuter et de tisser des liens forts les uns ou les unes avec les autres.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1092468278692401154"}"></div></p>
<p>Ensuite, c’est parce que les adultes contribuent, souvent sans s’en apercevoir, à promouvoir des normes de genre et d’âge qui différencient et hiérarchisent les enfants. En distinguant par exemple les jeux ou activités des grands, des petits, des filles et des garçons en fonction de leur niveau de difficulté ou d’implication physique, ils rendent difficilement possible la mixité des animations, voire incitent les enfants à se distinguer pour prêter allégeance à leur âge ou à leur sexe.</p>
<p>Enfin, les adultes jouent sur les choix affectifs des enfants dans la mesure où leurs jugements et remarques agissent comme de véritables indicateurs de la valeur intrinsèque des enfants.</p>
<p>En qualifiant certains enfants d’intelligents, de beaux ou de drôles et d’autres de sales, pénibles, bagarreurs ou dissipés, ils influencent largement la réputation et le rang des enfants dans la cour de récréation et orientent ainsi le marché amical.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142319/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kevin Diter ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À l’instar des adultes, les enfants sont loin d’avoir des pratiques démocratiques quand il s’agit d’amitié et sont très sensibles aux jugements de leur entourage. Explications.Kevin Diter, Post-Doctorant, Chaire « enfance, bien-être et parentalité », École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1464552020-09-22T20:49:25Z2020-09-22T20:49:25ZDépendance au smartphone : quelles différences entre les filles et les garçons ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/359324/original/file-20200922-14-1ji7244.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=39%2C7%2C1070%2C617&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les adolescentes tendent à être dépendantes au smartphone en cherchant à renforcer leurs relations avec les autres.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/like-concept-illustration-young-people-using-496650994">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le smartphone est omniprésent dans le quotidien des adolescents. Entre 10 ans et 15 ans, ils sont 87 % à posséder un smartphone. C’est même le cas de <a href="https://www.open-asso.org/actualite/2020/02/parentalite-face-au-numerique-enquete-open-unaf-mediametrie/">65 % d’entre eux</a> depuis l’entrée en classe de sixième. Dès lors, ils sont de plus en plus nombreux à <a href="https://theconversation.com/adolescents-quelques-cles-pour-eviter-laddiction-au-smartphone-139928">craindre la perte</a> de ce portable qui les relie à leurs amis et au monde, et à ressentir le besoin de consulter fréquemment les messages et notifications qu’ils reçoivent.</p>
<p>Dans <a href="https://www.dunod.com/entreprise-economie/generation-z-z-consommateurs-aux-z-collaborateurs">l’une de mes recherches</a> sur la « génération Z » publiée en 2018, j’estimais que 85 % des 15-18 ans pouvaient être considérés comme dépendants à leur smartphone, contre 77 % des 18-24 ans et 68 % des 25-34 ans. Mais quels usages les adolescents font-ils vraiment de leurs smartphones ? Et existe-t-il des différences entre les filles et les garçons pour expliquer l’usage dépendant au smartphone ?</p>
<p>En un domaine où la connaissance est souvent plus intuitive que scientifique, j’ai cherché à comprendre l’effet du genre sur les mécanismes sous-jacents aux interactions des 15-18 ans avec leurs smartphones et leurs pairs.</p>
<h2>Un terrain à explorer</h2>
<p>À ce jour, rares sont les études qui adoptent l’angle du genre pour explorer les usages du smartphone. La plupart des recherches menées ne distinguent pas les pratiques des adolescents et des adolescentes. Il arrive que des <a href="https://www.researchgate.net/publication/288142162_Female_teenagers%27_friendship_groups_and_fashion_brands_A_group_socialization_approach">travaux</a> n’incluent que des adolescents, ou plus souvent que des adolescentes, mais elles justifient ce choix par des différences en matière de consommation, sans cependant tenter de les modéliser.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-ecrans-atouts-ou-freins-du-dialogue-familial-132722">Les écrans, atouts ou freins du dialogue familial ?</a>
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<p>Dès lors, dans ces études, le genre apparaît plutôt comme une donnée biologique que comme un objet de recherche en soi en marketing alors même que les nouvelles « gender studies » cherchent à explorer les fondements de l’élaboration du genre à travers la consommation.</p>
<p>Par ailleurs, des études descriptives montrent que les filles tendent à de devenir plus accros à leur smartphone que les garçons. Par exemple, à partir d’un échantillon de 976 étudiantes et 820 étudiants, une <a href="http://www.koreaherald.com/view.php?ud=20180605000212">étude</a> indique que le risque d’addiction est de 23,9 % chez les filles contre 15,1 % chez les garçons.</p>
<h2>Jouer ou discuter</h2>
<p>Au travers d’une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0268401219315051">recherche</a> menée auprès de 463 adolescents français (âge moyen, 16 ans), et en s’appuyant sur la théorie des usages et gratifications, nous avons confirmé les différences dans les formes d’usage du smartphone entre les filles et les garçons.</p>
<p>L’approche fonctionnaliste de type « uses and gratification » amorcée par les <a href="https://psycnet.apa.org/record/1974-32398-001">travaux de Katz</a> est un modèle pour l’étude des usages qui s’adapte particulièrement bien au smartphone. Cette théorie postule qu’un individu utilise les communications de masse pour se connecter (ou prendre de la distance) avec d’autres (soi-même, famille, amis, nation, etc.) à travers des relations soit instrumentales, soit affectives ou encore d’intégration.</p>
<p>Les adolescentes tendent à être dépendantes au smartphone en cherchant à renforcer leurs relations avec les autres – donc pour des motivations sociales – alors que les garçons ont plutôt des motivations liées au processus : ils gagnent satisfaction de l’expérience de naviguer sur le portable dans son processus fonctionnel.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/359326/original/file-20200922-22-81ad5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/359326/original/file-20200922-22-81ad5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/359326/original/file-20200922-22-81ad5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/359326/original/file-20200922-22-81ad5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/359326/original/file-20200922-22-81ad5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/359326/original/file-20200922-22-81ad5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/359326/original/file-20200922-22-81ad5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les filles auraient-elles plus de risques que les garçons de devenir dépendantes au smartphone ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Les usages numériques sont également genrés : les garçons passent plus de temps à regarder des vidéos et à jouer sur leur smartphone alors que les filles préfèrent les réseaux sociaux. De plus, il existe des différences de genre dans les pratiques de sécurité en ligne : 63 % des garçons déclarent avoir des <a href="https://www.unicef.org/french/publications/files/SOWC_2017_FR.pdf">mots de passe</a> compliqués contre 57 % des filles.</p>
<h2>Bricolages identitaires</h2>
<p>Ces différences s’enracinent dans le processus de socialisation de genre des filles et des garçons qui continuent d’être élevés de façon différenciée selon les normes et représentations liées au genre. Les <a href="https://www.researchgate.net/publication/267447059_Gender_Roles_A_Sociological_Perspective">travaux en sociologie</a> rendent compte des différences de genre au regard de la construction identitaire des adolescents. Ils montrent que les garçons construisent leur identité de manière indépendante, veulent diriger la communication et utilisent la relation à l’autre comme support.</p>
<p>Au contraire, les filles construisent leur identité en interaction avec les autres, elles sont plus enclines dans leurs relations aux pairs à proposer du soutien, laissent plus de place à la parole de l’autre et développent une relation collaborative et pro-sociale avec leurs amis. Les adolescents se servent du smartphone comme un outil pour le « bricolage identitaire », si on reprend les propos de <a href="https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/5591">Kaufmann</a>.</p>
<p>Si les marketeurs s’intéressent à ces données pour s’adapter à une vision « genrée » de la consommation, ces résultats sont aussi précieux pour les éducateurs qui veulent aider les adolescents à prendre du recul par rapport aux outils numériques et réfléchir leurs usages.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146455/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elodie Gentina ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les filles et des garçons continuent à être élevés de façon différenciée, selon les normes et représentations liées au genre. Et cela influence la manière dont ils s’emparent des outils numériques.Elodie Gentina, Associate professor, marketing, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.