tag:theconversation.com,2011:/au/topics/maladies-respiratoires-34388/articlesmaladies respiratoires – The Conversation2024-01-07T15:39:58Ztag:theconversation.com,2011:article/2205622024-01-07T15:39:58Z2024-01-07T15:39:58ZPneumonies infantiles à mycoplasmes : de quoi s’agit-il, et pourquoi une telle épidémie ?<p><em>Depuis cet automne, les admissions aux urgences d’enfants et de jeunes adultes victimes de pneumonies sont anormalement élevées. La bactérie Mycoplasma pneumoniae est soupçonnée de jouer un rôle non négligeable dans cette situation. Directrice du Centre National de Référence des IST bactériennes, et chef du service de bactériologie CHU de Bordeaux, le Pr Cécile Bébéar nous dit tout ce qu’il faut savoir sur cette bactérie atypique et sur les raisons de l’épidémie en cours</em></p>
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<p><strong>The Conversation : Les mycoplasmes sont des bactéries particulières. Pourriez-vous nous les présenter brièvement ?</strong></p>
<p><strong>Cécile Bébéar :</strong> Les mycoplasmes font partie des plus petits êtres vivants connus. Ce sont en particulier les plus petites bactéries capables de se répliquer de façon autonome, autrement dit sans parasiter d’autres cellules.</p>
<p>Il existe des mycoplasmes capables d’infecter la plupart des êtres vivants, des animaux aux plantes en passant par les êtres humains. Mais elles ne circulent généralement pas d’une espèce vivante à l’autre, les différentes sortes de mycoplasmes étant spécifiques d’un hôte donné.</p>
<p>Contrairement aux autres bactéries, les mycoplasmes sont dépourvus de paroi. Cela leur confère un aspect polymorphe, et surtout les rend insensibles à certains antibiotiques très employés, comme les β-lactamines (une classe d’antibiotique qui comprend notamment la pénicilline et ses dérivés, comme l’amoxicilline), très utilisées en première intention dans les infections respiratoires.</p>
<p>Autres points importants à souligner : les mycoplasmes sont très fragiles, et survivent très mal dans l’environnement. Enfin, certaines espèces sont très difficiles à cultiver en laboratoire, ce qui complique les diagnostics.</p>
<p><strong>The Conversation : Chez l’être humain, quels problèmes posent ces bactéries ?</strong></p>
<p><strong>C.B. :</strong> Les mycoplasmes sont capables d’adhérer aux cellules épithéliales, qui recouvrent notamment nos voies respiratoires ou notre tractus uro-génital. De ce fait, certaines espèces sont à l’origine d’infections respiratoires ou d’infection génitales.</p>
<p>Toutefois, la majorité des mycoplasmes ne pose pas de problème : sur les 17 espèces connues comme étant capables d’infecter l’être humain, seules cinq peuvent provoquer des maladies.</p>
<p>C’est le cas de <em>Mycoplasma genitalium</em> (le plus petit mycoplasme connu), qui est à l’origine d’infections sexuellement transmissibles (IST). Celles-ci se traduisent par des problèmes au niveau des voies génitales basses (<a href="https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/maladies-infectieuses/sante-sexuelle-infections-transmissibles-sexuellement/lignes-directrices-canadiennes/syndromes-associes-its/cervicite.html">cervicites</a> chez la femme, <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/maladies-infectieuses/sante-sexuelle-infections-transmissibles-sexuellement/lignes-directrices-canadiennes/syndromes-associes-its/uretrite.html">urétrite</a> chez l’homme), pouvant parfois évoluer vers des infections génitales hautes pouvant présenter un risque pour la fertilité des patients (<a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/salpingite/definition-causes-facteurs-risque">salpingites</a> et <a href="https://www.infectiologie.com/UserFiles/File/spilf/recos/2018-igh.pdf">endométrites</a> chez la femme, <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/maladies-infectieuses/sante-sexuelle-infections-transmissibles-sexuellement/lignes-directrices-canadiennes/syndromes-associes-its/epididymite.html">épididymites</a> chez l’homme).</p>
<p>Soulignons que, comme toutes les IST, les infections à <em>Mycoplasma genitalium</em> sont en augmentation, non seulement dans certaines populations cibles telles que les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes ou les travailleurs et travailleuses du sexe, mais aussi chez les jeunes, en raison du recul de l’usage du préservatif.</p>
<p>Trois autres espèces de mycoplasmes présentes dans le tractus génital peuvent aussi poser problème : <em>Mycoplasma hominis</em>, <em>Ureaplasma parvum</em> et <em>Ureaplasma urealyticum</em>. Il s’agit de pathogènes opportunistes, qui peuvent, lorsque le système immunitaire dysfonctionne, provoquer des infections extra-génitales (contrairement à <em>Mycoplasma genitalium</em>, ces espèces ne sont pas sexuellement transmissibles). Elles peuvent migrer vers les articulations, entraînant des arthrites, et sont parfois à l’origine d’infections respiratoires chez certains nouveau-nés.</p>
<p>Enfin, une espèce, <em>Mycoplasma pneumoniae</em>, est à l’origine d’infections respiratoires.</p>
<p><strong>The Conversation : Qui est concerné par les infections à <em>M. pneumoniae</em> ?</strong></p>
<p><strong>C.B. :</strong> Cette espèce infecte plutôt les enfants âgés de 5 à 10 ans, et les adultes jeunes. Parmi les personnes à surveiller, il faut aussi mentionner les personnes immunodéprimées, ainsi que les individus souffrant de <a href="https://theconversation.com/revivre-apres-le-traitement-dune-maladie-genetique-rare-lexemple-de-la-drepanocytose-218968">drépanocytose</a>, une maladie génétique qui affecte les globules rouges.</p>
<p>Chez les enfants, l’infection se traduit la plupart du temps par une trachéobronchite avec une toux fébrile, une fièvre (qui peut durer jusqu’à une semaine), puis une toux résiduelle. Habituellement, l’infection régresse spontanément.</p>
<p>Elle est généralement confondue avec une infection virale, notamment parce qu’elle n’est pas diagnostiquée. En effet, la seule méthode diagnostique actuellement remboursée est la sérologie (analyse de sang visant à rechercher des anticorps dirigés contre <em>M. pneumoniae</em>). Or, cette procédure est relativement lourde : il faut réaliser deux prises de sang, à 15 jours d’intervalle, ce qui n’est pas pratique. L’autre solution diagnostique est basée sur l’emploi de méthodes moléculaires (PCR), mais cette approche onéreuse n’est pas remboursée en laboratoire de ville (hors nomenclature, le coût d’une telle analyse est de 65 euros).</p>
<p>Cette situation est réellement problématique. En effet, il arrive que les infections à <em>M. pneumoniae</em> dégénèrent en pneumonie. Dans ce cas, la fièvre et la toux persistent, et s’accompagnent d’un essoufflement de plus en plus important, avec des difficultés à respirer. Certains signes extrarespiratoires, notamment cutanés, peuvent aussi être observés.</p>
<p>Or, les infections à <em>M. pneumoniae</em> constituent la seconde cause de pneumonie chez l’enfant : en période épidémique, elles peuvent représenter de 30 à 50 % des pneumonies bactériennes infantiles. Plus grave, selon la littérature, 5 à 6 % des patients hospitalisés peuvent développer une méningo-encéphalite, suite à une réaction immunitaire inappropriée.</p>
<p>D’où l’importance d’améliorer le diagnostic.</p>
<p><strong>The Conversation : Comment se produit la transmission ?</strong></p>
<p><strong>C.B. :</strong> <em>M. pneumoniae</em> ne se transmet pas facilement : la contamination se fait par gouttelettes respiratoires, lors de contacts étroits, ce qui explique que les épidémies se produisent dans des contextes fermés, à l’école, sur des bateaux, dans des internats, dans des casernes…</p>
<p>La durée d’incubation est d’une à trois semaines, et des travaux ont montré que la bactérie était excrétée sur une période de 2 à 8 jours avant l’apparition des symptômes.</p>
<p>En l’absence de traitement antibiotique, la contagiosité peut être longue, et durer jusqu’à 14 semaines après l’infection. En outre, 20 % des formes sont asymptomatiques (mais les personnes infectées sont malgré tout contagieuses).</p>
<p>En revanche, normalement, en 72 h de traitement antibiotique bien suivi, les malades ne sont plus contagieux.</p>
<p><strong>The Conversation : Quels antibiotiques sont efficaces ? Existe-t-il des risques de résistance ?</strong></p>
<p><strong>C.B. :</strong> Puisque les antibiotiques ciblant la paroi bactérienne ne fonctionnent pas contre les mycoplasmes, trois grandes classes sont utilisables : les macrolides, les tétracyclines et les fluoroquinolones.</p>
<p>Le problème est que les tétracyclines ne peuvent pas être utilisées avant 8 ans à cause de la coloration dentaire qu’elles induisent, et que les fluoroquinolones sont généralement contre-indiquées chez l’enfant.</p>
<p>Restent donc les macrolides, <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2023-12/reponses_rapides_mycoplasma_pneumoniae_2023-12-22_09-16-40_110.pdf">qui sont le traitement recommandé</a> lorsque l’origine virale de la pneumonie a été écartée, et que trois jours de traitement par amoxicilline (un antibiotique efficace contre le pneumocoque – <em>Streptococcus pneumoniae</em>, une autre bactérie causant des pneumonies) n’ont pas abouti à une amélioration.</p>
<p><strong>The Conversation : Une seule classe d’antibiotique utilisable sans contre-indication chez l’enfant, c’est peu. Existe-t-il un risque d’apparition de résistance ?</strong></p>
<p><strong>C.B. :</strong> Oui : dans le cas de <em>M. pneumoniae</em>, la résistance aux macrolides s’est développée au cours des années 2000, initialement plutôt en Asie du Sud-Est. En tant que laboratoire expert, nous avons suivi son émergence en France.</p>
<p>Aux alentours de 2012, cette résistance était de l’ordre de 10 % dans notre pays. À cette époque, en effet, une importante épidémie d’infection à <em>M. pneumoniae</em> sévissait au niveau mondial, et les macrolides étaient largement utilisés.</p>
<p>Il faut savoir que 10 % constitue un seuil critique : quand il est dépassé pour une classe d’antibiotiques donnée, on considère généralement qu’il faut arrêter de l’utiliser en première intention. Heureusement, dans les années qui ont suivi, la résistance de <em>M. pneumoniae</em> aux macrolides a diminué en France. Elle est actuellement d’environ 3 %, ce qui reste gérable.</p>
<p>Les problèmes de résistance aux macrolides n’ont pas cependant régressé partout : avant la pandémie de Covid-19, dans certains pays d’Asie, elle pouvait atteindre les 70 % (au Japon), voire 80 % (en Chine)…</p>
<p>Cette situation s’explique par le fait que les macrolides peuvent être utilisés à tout âge de la vie, et possèdent de surcroît des propriétés anti-inflammatoires ainsi qu’une bonne efficacité au niveau pulmonaire et urogénital. Pour toutes ces raisons, ils ont été extrêmement prescrits pour traiter les infections respiratoires, ou des infections génitales, voire digestives.</p>
<p>Or, les mycoplasmes sont dépourvus de certains systèmes de correction des erreurs de l’ADN : ce sont donc des bactéries qui mutent beaucoup. Le sur-usage (et le mésusage) des macrolides a rapidement mené à la sélection de souches de <em>M. pneumoniae</em> moins sensibles à ces antibiotiques. Heureusement, pour l’instant, aucune résistance aux tétracyclines et aux fluoroquinolones n’a été décrite chez ce mycoplasme.</p>
<p><strong>The Conversation : Selon Santé publique France, le nombre de pneumonies chez l’enfant et les jeunes adultes est depuis cet été très supérieur à ce qu’il était en 2021 et en 2022 dans notre pays. Est-on sûr que <em>M. pneumoniae</em> est en cause ?</strong></p>
<p><strong>C.B. :</strong> Bien que l’on ne sache pas précisément quelle proportion de la vague de pneumonies actuelles est due à <em>M. pneumoniae</em>, certains indices semblent l’incriminer (aux côtés, probablement, d’autres pathogènes).</p>
<p>En effet, les résultats des analyses sérologiques réalisées en laboratoire de biologie médicale de ville révèlent que le taux de positivité, tous âges confondus, des tests à <em>Mycoplasma pneumoniae</em> <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2023/infections-a-mycoplasma-pneumoniae-en-france-point-de-situation-au-19-decembre-2023">a commencé à augmenter durant l’été dernier</a>, alors qu’il était nul au printemps. Sa progression s’est accélérée à partir de début octobre, jusqu’à atteindre fin novembre un niveau très supérieur à celui de 2019 à la même période, en particulier chez les enfants de 5 à 14 ans.</p>
<p>Par ailleurs, à l’hôpital, le nombre de détections par PCR a lui aussi progressivement augmenté depuis fin juillet, puis cette augmentation s’est accrue en octobre. Fin novembre, le taux de positivité des tests PCR était près de 4 fois supérieur à celui observé à la même période en 2019. Après une diminution fin novembre, une augmentation semblait à nouveau observable mi-décembre (mais les données doivent encore être consolidées).</p>
<p>On peut donc affirmer que nous sommes bien face à une épidémie à <em>M. pneumoniae</em>, une situation qui ne s’était plus produite en France depuis 2016.</p>
<p><strong>The Conversation : Connaît-on les raisons de cette épidémie ?</strong></p>
<p><strong>C.B. :</strong> Il faut savoir que les épidémies à <em>M. pneumoniae</em> fonctionnent par cycle de 3 à 7 ans.</p>
<p>Cette cyclicité s’explique par la façon dont <em>M. pneumoniae</em> nous infecte. À sa surface, la bactérie possède de nombreux exemplaires d’une protéine appelée adhésine qui, comme son nom l’indique, lui permet d’adhérer aux cellules épithéliales tapissant nos voies respiratoires.</p>
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<img alt="Micrographie électronique à balayage de bactéries M. pneumoniae. Les éléments utilisés pour la fixation sont indiqués par des flèches noires." src="https://images.theconversation.com/files/567909/original/file-20240104-29-noi1fy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567909/original/file-20240104-29-noi1fy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567909/original/file-20240104-29-noi1fy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567909/original/file-20240104-29-noi1fy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567909/original/file-20240104-29-noi1fy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=582&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567909/original/file-20240104-29-noi1fy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=582&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567909/original/file-20240104-29-noi1fy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=582&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Micrographie électronique à balayage de bactéries M. pneumoniae. Les éléments utilisés pour la fixation sont indiqués par des flèches noires.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://journals.asm.org/doi/full/10.1128/cmr.17.4.697-728.2004#core-R245">Krause, D. C., and D. Taylor-Robinson « Mycoplasmas which infect humans » American Society for Microbiology</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Schématiquement, cette protéine existe sous deux types principaux, l’adhésine de type I et l’adhésine de type II (chacun pouvant comporter diverses variations). Les bactéries <em>Mycoplasma pneumoniae</em> possèdent des adhésines de l’un ou l’autre type.</p>
<p>Lorsqu’une épidémie est causée par une bactérie possédant des adhésines de type I, les personnes infectées développent des anticorps contre cette adhésine. La population s’immunise donc progressivement ; au bout d’environ 18 mois, elle se retrouve protégée contre l’infection par les bactéries porteuses d’adhésines de type I, et l’épidémie régresse.</p>
<p>Toutefois, ces bactéries ne disparaissent pas : elles continuent à circuler à bas bruit dans la population. Or, à un moment donné va se produire un phénomène appelé « switch antigénique » : les bactéries vont changer le type de leurs adhésines, passant d’adhésines de type I à des adhésines de type II. À ce moment, l’épidémie va reprendre dans la partie de la population qui ne possède pas d’anticorps contre ces « nouvelles » adhésines. D’où l’effet de cycle de ces infections…</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/567912/original/file-20240104-20-w04htx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567912/original/file-20240104-20-w04htx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567912/original/file-20240104-20-w04htx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=754&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567912/original/file-20240104-20-w04htx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=754&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567912/original/file-20240104-20-w04htx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=754&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567912/original/file-20240104-20-w04htx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=948&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567912/original/file-20240104-20-w04htx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=948&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567912/original/file-20240104-20-w04htx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=948&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Micrographie électronique à transmission d’un anneau trachéal de hamster infecté par M. pneumoniae, montrant l’association étroite de la structure d’attachement à l’épithélium de l’animal (flèche).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://journals.asm.org/doi/full/10.1128/cmr.17.4.697-728.2004">J.L. Jordan et D.C. Krause, tiré de Ken B. Waites et Deborah F. Talkington « Mycoplasma pneumoniae and Its Role as a Human Pathogen », American Society for Microbiology</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p><strong>The Conversation : Des cycles qui ont par ailleurs été modifiés par la pandémie de Covid-19…</strong></p>
<p><strong>C.B. :</strong> Oui, car les mesures barrières mises en place pour contenir le SARS-CoV-2 ont aussi protégé les populations contre d’autres infections, notamment celles à <em>M. pneumoniae</em>.</p>
<p>Jusqu’à cet été, nous n’avions pas vu réapparaître cette bactérie, que nous surveillons attentivement. C’était étonnant, car d’autres infections respiratoires virales ou bactériennes étaient déjà revenues dès la fin de 2022, avec le relâchement des mesures sanitaires.</p>
<p>Mais aujourd’hui, il est clair qu’un nouveau cycle épidémique commence, dans un contexte où une partie de la population est « naïve », puisqu’elle n’a pas développé d’anticorps ces dernières années. C’est probablement une des raisons qui explique l’ampleur de l’épidémie actuelle.</p>
<p>Des études de séroprévalence menées par des collègues ont d’ailleurs montré que les niveaux d’anticorps dirigés contre <em>M. pneumoniae</em> étaient moins importants dans la population qu’auparavant.</p>
<p><strong>The Conversation : C’est un point important, qui prête souvent à confusion : cette baisse d’immunité au niveau populationnel n’est pas le reflet d’un moins bon fonctionnement de nos systèmes immunitaires, qui auraient été « affaiblis » par les mesures barrières…</strong></p>
<p><strong>C.B. :</strong> Absolument pas. Ce qui s’est passé, c’est qu’une partie de la population, protégée par les mesures barrières, n’a pas été confronté à <em>M. pneumoniae</em> et n’a donc pas eu l’occasion de développer des anticorps. C’est le cas des jeunes enfants, de ceux qui sont un peu plus grands, et de certains adultes.</p>
<p>Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il faut bannir les mesure barrières, bien au contraire ! L’idée selon laquelle « si on met un masque, on ne va plus s’immuniser » est fausse : le masque permet d’éviter de contaminer les autres, et de limiter la hauteur de la vague épidémique. Car si l’épidémie à <em>M. pneumoniae</em> flambe actuellement, c’est avant tout parce que l’on laisse circuler la bactérie…</p>
<p>Aujourd’hui, les recommandations sont toujours les mêmes : porter le masque lorsqu’on est enrhumé, se laver les mains souvent, éternuer dans son coude, s’assurer que l’on est à jour dans ses vaccins contre la grippe et le Covid-19. Et, si l’on est une personne fragile, mettre un masque lorsque l’on doit passer du temps dans un endroit confiné, avec d’autres personnes, en particulier dans les transports en commun.</p>
<p>Bref, il s’agit de continuer à appliquer les règles d’hygiène respiratoire qui ont fait leurs preuves durant la pandémie, en permettant de limiter non seulement la circulation des pathogènes et l’ampleur des épidémies d’infections respiratoires, mais aussi d’autres infections, comme les gastro-entérites par exemple. Des règles que l’on a peut-être eu tendance à oublier un peu trop rapidement…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220562/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cécile Bébéar ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le retour cyclique des infections respiratoires dues à Mycoplasma pneumoniae pourrait expliquer l’épidémie de pneumonies infantiles qui frappe le pays depuis l’automne.Cécile Bébéar, Professeur, chef de service du laboratoire de Bactériologie du CHU de Bordeaux, directrice du Centre National de Référence des IST bactériennes, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1954672023-01-24T19:08:49Z2023-01-24T19:08:49ZMucoviscidose : Pourquoi les femmes sont-elles plus vulnérables que les hommes ?<p>Les recherches sur la mucoviscidose ont permis d’augmenter considérablement l’espérance de vie des patients atteints par cette grave maladie. En 1945, avant le début de la prise en charge des patients, l’âge médian de survie était de 4 à 5 ans, <a href="https://www-ncbi-nlm-nih-gov.proxy.insermbiblio.inist.fr/pmc/articles/PMC9004282/">il est progressivement passé à 20 ans dans les années 1980, et il est aujourd’hui de 50 ans</a>.</p>
<p>Malheureusement, tous les patients ne sont pas égaux devant la maladie : certains ne sont pas éligibles aux nouvelles thérapies, d’autres ne réagissent pas aux traitements de la façon attendue… Par ailleurs, la <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-020-02110-0">mortalité des femmes demeure aujourd’hui encore plus élevée que celle des hommes</a> : <a href="https://openres.ersjournals.com/content/7/1/00475-2020#ref-6">leur espérance de vie est de 49 ans en moyenne, contre 56 pour les hommes</a>. Pourquoi les deux sexes n’ont-ils pas les mêmes chances face à la maladie ?</p>
<p>Nos recherches à l’Institut Mondor de recherche biomédicale, à Créteil, visent notamment à répondre à cette question. Nous avons récemment découvert une nouvelle piste qui pourrait expliquer, au moins en partie, l<a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fimmu.2022.915261/full">a plus grande vulnérabilité des femmes malades par rapport aux hommes</a>.</p>
<h2>L’inflammation, un problème central dans la mucoviscidose</h2>
<p>Nos travaux ont révélé que certaines molécules intervenant dans l’interruption de l’inflammation sont fabriquées en quantité insuffisantes par les cellules respiratoires des femmes atteintes de mucoviscidose. Pour comprendre le rôle de l’inflammation dans la maladie, attardons-nous un instant sur ses causes.</p>
<p>En France, 6000 personnes environ sont actuellement touchées par la mucoviscidose, et chaque année, environ 200 enfants atteints naissent atteints de cette maladie génétique héréditaire. Cette affection <a href="https://theconversation.com/resoudre-le-casse-tete-de-la-mucoviscidose-et-de-ses-traitements-une-percee-digne-dun-prix-nobel-175486">concerne principalement les poumons, mais elle atteint aussi d’autres organes</a>, dont ceux de l’appareil digestif, et <a href="https://www.inserm.fr/dossier/mucoviscidose/">l’appareil reproducteur</a>.</p>
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<p>Elle est causée par une anomalie du gène CFTR, qui permet normalement de fabriquer une protéine « canal » située dans la membrane cellulaire des muqueuses (respiratoires, digestives…). Ce canal est responsable de la sécrétion d’ions chlorure vers l’extérieur des cellules. Chez les personnes atteintes de mucoviscidose, ce passage dysfonctionne. Conséquences : les cellules sécrètent moins de chlorure et surtout moins d’eau, notamment à la surface des voies respiratoires.</p>
<p>Ce manque d’eau a d’importantes conséquences. En effet, en temps normal, les voies respiratoires sont recouvertes d’une fine couche de liquide et de mucus, laquelle permet d’éliminer des microbes entrés dans l’organisme par le nez ou par la bouche. Lorsque cette couche est déshydratée, le mucus devient visqueux et collant. Il ne remplit plus correctement sa fonction, c’est pourquoi chez les patients atteints de mucoviscidose, bactéries et champignons restent donc piégés dans les bronches.</p>
<p>Les infections répétées qui résultent de cette situation ont pour conséquence l’installation d’une inflammation durable dans les poumons, ce qui conduit à leur dégradation progressive. Cette inflammation persistante est responsable des difficultés à respirer et, à terme, du décès des malades.</p>
<h2>Quand l’inflammation devient néfaste</h2>
<p>La réponse inflammatoire est habituellement protectrice. Elle défend l’organisme contre une agression, une infection, un traumatisme, une blessure… Une fois cette mission accomplie, en principe, <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2019/05/14/inflammation-mieux-vaut-stimuler-sa-resolution-qu-empecher-son-declenchement_5461833_1650684.html">elle s’interrompt spontanément</a>, on dit qu’elle se « résout ». C’est lorsque l’inflammation persiste, comme dans la mucoviscidose, qu’elle pose un problème de santé. </p>
<p>Plutôt que d’empêcher le déclenchement de l’inflammation, une piste thérapeutique pleine de promesses consiste à stimuler la résolution de l’inflammation. Cette dernière est orchestrée par diverses molécules appelées lipoxines, résolvines, marésines et protectines. Elles appartiennent toutes à la grande famille des <em>specialized pro-resolving mediators</em> (ou SPM), découverte dans les années 2000 par le <a href="https://dms.hms.harvard.edu/people/charles-n-serhan-1">scientifique Charles Serhan, chercheur à Harvard Medical School</a>. </p>
<p>Ces « soldates du feu » sont très importantes pour éteindre l’incendie de l’inflammation au sein de notre organisme. Elles interviennent aussi dans la réparation des tissus qui ont été endommagés pendant la phase aiguë de l’inflammation.</p>
<p>On l’a vu, chez les personnes atteintes de mucoviscidose, l’épaississement du mucus aboutit à une augmentation de l’inflammation. Mais cette inflammation plus importante n’est pas la seule explication de la maladie. En effet, chez les malades, la réaction inflammatoire est, de plus, inefficace et disproportionnée ; elle est même quelquefois observée en absence d’infection microbienne.</p>
<p>Les observations réalisées par notre équipe de recherche pourraient expliquer cette situation. Nous avons en effet notamment montré que plusieurs membres de la famille des molécules de la résolution de l’inflammation <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fimmu.2022.915261/full">sont produits en quantité plus faibles</a> <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15034576/">chez les personnes atteintes de mucoviscidose</a> <a href="https://erj.ersjournals.com/content/44/2/394">que chez les autres</a>.</p>
<h2>Pourquoi hommes et femmes sont-ils inégaux face à la mucoviscidose ?</h2>
<p>Plusieurs études ont par ailleurs démontré que, dans la population générale (donc chez des personnes qui ne sont pas atteintes par la mucoviscidose), les <a href="https://pubmed-ncbi-nlm-nih-gov.proxy.insermbiblio.inist.fr/27893465/https://pubmed-ncbi-nlm-nih-gov.proxy.insermbiblio.inist.fr/23327902/">femmes produisent plus de SPMs que les hommes</a>. Ce constat pourrait expliquer en partie leur longévité supérieure à celle des hommes (en 2022, <a href="https://www.statista.com/statistics/460418/france-life-expectancy-by-gender/">l’espérance de vie des femmes à la naissance est de 85,5 ans contre 79,4 ans pour les hommes</a>).</p>
<p>Le dépistage systématique de la mucoviscidose à la naissance a révélé que les nombres de nouveau-nés masculins et féminins atteints de mucoviscidose sont similaires. Cependant, les jeunes patientes développent une maladie pulmonaire plus précoce et plus sévère que les garçons. Cette situation fait que l’espérance de vie des femmes atteintes de mucoviscidose est plus faible que celle des hommes, à l’inverse de ce qui est observé dans la population générale.</p>
<p>Les raisons de ces différences sont encore mal comprises, mais nos travaux ont révélé que les <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fimmu.2022.915261/full">cellules respiratoires des femmes atteintes de mucoviscidose produisent moins de SPMs que celles des hommes</a>, ce qui pourrait constituer un début d’explication. Nous cherchons maintenant à identifier les mécanismes moléculaires impliqués dans cette anomalie, avec l’espoir de mettre au jour de nouvelles pistes thérapeutiques.</p>
<p>Ces travaux pourraient également permettre de mieux comprendre la situation d’autres patients, car l’étude des molécules de la résolution de l’inflammation présente un intérêt qui s’étend bien au-delà de la seule mucoviscidose. En effet, des anomalies les concernant ont également été constatées dans d’autres maladies : maladies inflammatoires chroniques comme la périodontie (inflammation des gencives), sclérose en plaques, maladies cardio-vasculaires, asthme sévère, ou Covid-19 sont notamment concernées. En outre, en vieillissant, l’organisme produit de moins en moins de SPMs, ce qui contribue à la vulnérabilité des personnes plus âgées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195467/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les travaux de recherche de Valerie Urbach sont financés par l'Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale (INSERM) ainsi que par les associations de patients Vaincre la Mucoviscidose et l'Association Gregory Lemarchal </span></em></p>La durée de vie moyenne des femmes atteintes de mucoviscidose est de 49 ans, contre 56 ans pour les hommes. Pourquoi une telle différence ? La réponse pourrait se trouver du côté de l'inflammation.Valerie Urbach, Chargée de recherche, chercheur, INSERM, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1549582021-11-28T23:05:13Z2021-11-28T23:05:13ZDans les bronches, l’ingénieuse chorégraphie des microcils pour transporter le mucus<p>Les maladies respiratoires chroniques, telles que l’asthme, affectent plusieurs <a href="https://doi.org/10.5588/ijtld.14.0446">centaines de millions de personnes dans le monde</a> et sont en constante évolution. Elles sont liées à un mécanisme de protection des voies aériennes défaillant, appelé « clairance mucociliaire ».</p>
<p>Lorsque l’on respire, nous inhalons des agents pathogènes comme des bactéries, virus, allergènes et particules de pollution. Une couche de mucus présente sur les parois des bronches forme la première barrière physique pour protéger les voies respiratoires. Le mucus est un fluide viscoélastique et collant qui piège les pathogènes inhalés. Il est continuellement transporté vers la gorge, via le battement de millions de cils microscopiques qui tapissent les bronches, afin d’être évacué (expectoré ou avalé). Ce mécanisme inné est appelé clairance mucociliaire.</p>
<p>Afin de mieux comprendre les mécanismes biophysiques sous-jacents à la clairance mucociliaire, des équipes de physiciens, biologistes et mécaniciens des fluides de l’Université Aix-Marseille ont associé leurs compétences pour répondre à la question suivante : comment des millions de cils vibratiles microscopiques coordonnent-ils le sens de leurs battements pour transporter le mucus dans la bonne direction sur des dizaines de centimètres ?</p>
<h2>La densité des cils, facteur déterminant</h2>
<p>Pour répondre à cette question, nous avons d’abord reconstitué un épithélium bronchique <em>in vitro</em> grâce à des techniques de culture cellulaire. Le tissu obtenu est composé principalement de cellules multiciliées dont la surface est <a href="https://doi.org/10.1172/jci.insight.88027">couverte de 100 à 300 cils</a> et de cellules productrices de mucus, ce qui en fait un modèle d’étude biologiquement pertinent.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/8GZ9o1sq4Gc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Battements ciliaires sur un épithélium bronchique visualisés par vidéo-microscopie à plusieurs grossissements : à l’échelle de quelques milliers de cellules (panneau de gauche) ; à l’échelle de quelques dizaines de cellules (en haut à droite) et à celle d’une cellule multiciliée (en bas à droite).</span></figcaption>
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<p>L’utilisation de la vidéo-microscopie sur ce système permet de mesurer à la fois la vitesse et la distance sur laquelle le mucus est transporté, ainsi que la dynamique des battements ciliaires. On observe alors, en de multiples endroits de la culture cellulaire, l’émergence spontanée de motifs d’écoulements circulaires de mucus appelés vortex.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le transport de mucus émerge sous forme de vortex à la surface d’une culture d’épithélium bronchique reconstitué in vitro.</span></figcaption>
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<p>Nous avons montré que les vortex de mucus sont associés à un ordre circulaire fort des directions de battements ciliaires sous la surface de la couche de mucus. La taille de ces vortex permet donc de déterminer la distance caractéristique sur laquelle le mucus est transporté de façon coordonnée.</p>
<p>Au cours du développement de l’épithélium bronchique, la taille des vortex augmente avec la densité ciliaire. De quelques dizaines de micromètres en début de développement, jusqu’à l’échelle centimétrique pour des densités ciliaires supérieures à 50 %, comparables à celles de nos bronches.</p>
<p>C’est donc un paramètre critique qui détermine la portée du transport de mucus.</p>
<h2>Le transport de mucus organise les cils</h2>
<p>L’émergence de tels motifs d’écoulements nous amène à nous poser la question de l’origine du mécanisme physique responsable de l’organisation des battements ciliaires. Les cils sont des structures <a href="https://doi.org/10.1242/jcs.066308">mécanosensibles</a> (qui ressentent les sollicitations mécaniques) capables de mécano-transduction, c’est-à-dire de convertir un signal mécanique perçu en un signal biochimique à l’intérieur de la cellule pour initier une réponse active.</p>
<p>Notre hypothèse est donc que les interactions hydrodynamiques résultant de l’écoulement du mucus à la surface des cils jouent un rôle dans l’établissement de la direction de battement de ces derniers. Une expérience d’apparence simple va nous permettre de tester cette hypothèse.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1034971663325126656"}"></div></p>
<p>Lorsque, sur une culture cellulaire qui comporte un vortex de mucus en rotation sur toute sa surface et donc où les battements ciliaires sont organisés circulairement, on enlève le mucus, alors on observe à l’échelle d’une semaine la perte de l’ordre global des battements ciliaires.</p>
<p>À la place du vortex global se forment de multiples vortex localisés. A contrario, lorsque l’on ajoute du mucus sur cette culture désorganisée, l’organisation circulaire globale des battements ciliaires se recrée en quelques jours, et un vortex de mucus occupe de nouveau la surface de l’épithélium.</p>
<p>Cette expérience révèle que les battements de cils s’alignent en présence du mucus et se désalignent lorsque celui-ci est retiré. L’hydrodynamique organise donc bien les cils à longue portée.</p>
<h2>Modélisation numérique du transport du mucus</h2>
<p>Pour tester plus en détail le rôle des interactions hydrodynamiques sur la coordination des battements ciliaires, nous avons développé un modèle numérique. Celui-ci comporte deux paramètres importants, mis en évidence par les expériences : la densité ciliaire et la portée des interactions hydrodynamiques, que l’on peut faire varier numériquement.</p>
<p>Pour cela, on pave l’épithélium virtuel avec des cellules ciliées dont le battement des cils met en écoulement le fluide environnant. On résout alors les équations de la mécanique des fluides pour calculer l’écoulement résultant du mucus. De façon similaire aux expériences <em>in vitro</em>, on observe la formation spontanée de petits vortex locaux, dont la taille augmente avec la densité ciliaire que l’on fait varier numériquement.</p>
<p>On remarque en outre une transition entre un état où de nombreux petits vortex sont répartis sur toute la surface de l’épithélium numérique, pour des interactions hydrodynamiques de courte portée, et un état où un vortex global occupe toute la surface lorsque l’on augmente leur portée.</p>
<h2>La viscosité du mucus en jeu</h2>
<p>Le paramètre de portée des interactions hydrodynamiques fait intervenir la viscosité du mucus. Les simulations numériques révèlent donc que celle-ci, si elle est plus élevée, favorise la coordination des directions des battements ciliaires et ainsi le transport de mucus sur de longues distances.</p>
<p>Cependant, d’un point de vue physiologique, un mucus trop visqueux peut être un problème. Il doit donc exister une gamme de viscosités pour laquelle le mucus est assez visqueux pour générer une coordination efficace des battements ciliaires, mais pas trop afin que la force produite par les cils soit suffisante pour mettre en écoulement le mucus. Les propriétés rhéologiques (viscosité, élasticité) de ce dernier permettant son transport optimal restent encore à déterminer.</p>
<p>Ce travail apporte un nouvel éclairage sur la clairance mucociliaire. L’image habituelle des battements ciliaires qui fixent la direction du transport de mucus est en réalité plus complexe. Localement, les cils propulsent le mucus mais l’écoulement qui en résulte génère à son tour une force sur les cils qui contribue à l’orientation des battements. C’est ce couplage hydrodynamique complexe qui rend le transport du mucus plus efficace le long des bronches.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154958/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Etienne Loiseau a reçu des financements de "the People Programme (Marie Curie Actions) of the European Union’s Seventh Framework Programme (FP7/2007–2013) under REA grant agreement number PCOFUND-A-2013–609102, through the PRESTIGE programme coordinated by Campus France".</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Annie Viallat a reçu des financements de l'agence national de la recherche. </span></em></p>Des millions de cils vibratiles microscopiques se coordonnent pour transporter le mucus sur les parois des bronches.Etienne Loiseau, Chercheur en physique des systèmes vivants, Aix-Marseille Université (AMU)Annie Viallat, Chercheuse en physique et nano-microingénierie pour le vivant, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1591062021-05-02T16:20:30Z2021-05-02T16:20:30ZVaccins à ARN : quelle protection contre les nouveaux variants ?<p>Depuis que circulent des variants du SARS-CoV-2, une question cruciale se pose : les vaccins utilisés contre les souches « historiques » seront-ils aussi efficaces pour nous en protéger ? </p>
<p>Cette interrogation est légitime : fin mars, l’Afrique du Sud a annoncé avoir revendu toutes ses doses du vaccin AstraZeneca. Des travaux scientifiques avaient en effet révélé <a href="https://www-ncbi-nlm-nih-gov.ressources-electroniques.univ-lille.fr/pmc/articles/PMC7901269/">qu’il était moins efficace contre le variant circulant dans cette région du monde</a> (variant 20H/501Y.V2 appartenant à la lignée B.1.351).</p>
<p>Qu’en est-il des vaccins à ARN ? Des chercheurs ont tenté de le découvrir. <a href="https://www.cell.com/cell/pdf/S0092-8674(21)00298-1.pdf">Publiés dans la revue <em>Cell</em></a>, leurs résultats suggèrent que certains variants actuellement en circulation pourraient avoir la capacité d’échapper à l’immunité acquise, que ce soit lors d’une première infection par la souche « historique » du SARS-CoV-2 ou suite à la vaccination. </p>
<p>Si ces travaux indiquent que la vigilance est de mise, il est toutefois beaucoup trop tôt pour tirer des conclusions quant aux conséquences cliniques éventuelles. Explications.</p>
<h2>Qu’est-ce que l’échappement vaccinal, et comment l’étudie-t-on ?</h2>
<p>Lorsque les conditions environnementales sont optimales (température adéquate, nourriture abondante…), les micro-organismes tels que les bactéries ou les virus peuvent se multiplier de façon exponentielle : ils produisent alors d’immenses quantités de copies d’eux-mêmes. Ce faisant, ils font des erreurs. Certaines sont neutres, autrement dit, elles ne sont ni bénéfiques ni délétères à leurs porteurs. D’autres sont néfastes, ce qui peut entraîner leur extinction. Enfin, certaines procurent un avantage qui va permettre aux microbes qui les possèdent de prendre l’avantage sur leurs concurrents.</p>
<p>Ces avantages peuvent être de différentes natures : capacité à se nourrir d’une nouvelle ressource, acquisition d’un nouveau mécanisme de défense, résistance à de nouvelles conditions environnementales… La résistance aux antibiotiques développée par certaines bactéries procède de telles mutations « bénéfiques ». L’échappement aux vaccins, qui permet aux micro-organismes infectieux d’échapper à la réponse immunitaire destinée à les éliminer en est un autre exemple.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-microbes-reussissent-ils-a-echapper-aux-vaccins-151401">Comment les microbes réussissent-ils à échapper aux vaccins ?</a>
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<p>Pour étudier l’infectiosité des virus sans devoir manipuler de dangereux virus, les virologues ont développé des « particules rétrovirales pseudotypées ». Ces outils sont en quelques sortes des « pseudo-virus » : ils s’agit de particules contenant uniquement les gènes impliqués dans la fabrication de l’enveloppe virale du virus à étudier. C’est sur cette dernière que se trouvent les « clés » qui permettent au virus d’entrer dans les cellules qu’il infecte (dans le cas du coronavirus SARS-CoV-2, cette clé est la protéine Spike, ou S). </p>
<p>À ces gènes, les chercheurs ajoutent <a href="https://www.futuremedicine.com/cms/10.2217/fvl.15.106/asset/images/medium/figure1.gif">un gène produisant une protéine fluorescente</a>. Ainsi, si les pseudo-virus parviennent à pénétrer dans les cellules cibles, celles-ci deviennent fluorescentes, ce qui facilite leur détection.</p>
<p>Cet outil a permis de comprendre, par exemple, certains mécanismes de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15956584/">l’entrée du virus de l’hépatite C dans les cellules du foie</a>. Il est également couramment utilisé pour <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3958090/">mettre en évidence</a> <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1951279/">le blocage</a> <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1951279/">de l’entrée virale par des anticorps de patients</a>. S’ils sont « neutralisants », les anticorps empêchent en effet les interactions entre les protéines utilisées par le virus pour pénétrer dans les cellules et les récepteurs correspondants, autrement dit les « serrures » situées à leur surface. Dans une telle situation, le virus reste à la porte…</p>
<p>Des chercheurs américains, allemands et sud-africains ont utilisé cette approche pour étudier <a href="https://www.cell.com/cell/pdf/S0092-8674(21)00298-1.pdf">la capacité des sérums de personnes vaccinées à neutraliser la protéine Spike du SARS-CoV-2</a>. Que révèlent ces travaux ?</p>
<h2>Des mutations qui favorisent l’échappement immunitaire</h2>
<p>Les auteurs se sont intéressés aux deux vaccins à ARN messager disponibles, à savoir celui de Pfizer/BioNtech (nom commercial Cominarty®, <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/content/download/340446/3012834">majoritairement utilisé en France où il représente 65,4 % des premières doses administrées</a>) et celui de Moderna (minoritaire avec 7,7 % des premières doses). Ils ont récolté les sérums de 99 patients vaccinés après une, puis 2 injections de vaccins, puis ont testé les capacités de ces échantillons à neutraliser la protéine S originelle, celle portant la mutation D614G et les protéines S des variants dits d’origine « britannique » (lignée B.1.1.7), « sud-africaine » (lignée B1.1.351) et « brésilienne » (lignée P1). </p>
<p>Les résultats montrent que les deux vaccins à ARN messager protègent de façon efficace contre le virus originel, contre le variant D614G et contre le variant britannique, surtout après deux injections vaccinales. En revanche, les anticorps des patients neutralisent peu la protéine S des variants sud-africains et brésiliens, ce qui suggère que ces vaccins pourraient avoir une faible faible efficacité contre ces variants. Ces travaux semblent indiquer qu’un faible nombre de mutations pourrait suffire au SARS-CoV-2 pour échapper à la réponse immunitaire induite par ces vaccins. </p>
<p>Cependant, les conséquences de ce constat pour la population restent à établir, comme le soulignent les auteurs eux-mêmes.</p>
<h2>Rester vigilant</h2>
<p>Cette étude, très rigoureusement menée, reste une étude « in vitro » ; elle ne permet pas de tirer de conclusions quant aux conséquences cliniques de ces résultats obtenus sur des cellules en culture. Il manque notamment des informations sur <a href="https://theconversation.com/comment-notre-corps-se-defend-il-contre-les-envahisseurs-143072">l’immunité cellulaire</a> des personnes vaccinées, laquelle pourraient les protéger malgré l’absence de protection immunitaire « humorale », c’est-à-dire par les anticorps. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-notre-corps-se-defend-il-contre-les-envahisseurs-143072">Comment notre corps se défend-il contre les envahisseurs ?</a>
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<p>Par ailleurs, il aurait également pu être intéressant d’étudier sur le même principe les capacités neutralisantes de sérums de personnes vaccinées par le vaccin d’AstraZeneca ou celui de Johnson&Johnson, vaccin à dose unique disponible dans les pharmacies depuis le 24 avril. Connaître les capacités de particules rétrovirales pseudotypées basées sur le variant dit « indien » (<a href="https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2021/point-sur-le-variant-b.1.617-au-sars-cov-2">20A/484Q, lignée B.1.617</a>) d’échapper aux effets des vaccins pourrait aussi s’avérer utile : cela permettrait d’obtenir des indices sur leur rôle potentiel, encore discuté, dans l’épidémie <a href="https://theconversation.com/pourquoi-apres-une-accalmie-lepidemie-de-covid-19-flambe-t-elle-a-nouveau-en-inde-159778">qui flambe actuellement en Inde</a>. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1386631960966144001"}"></div></p>
<p>Enfin, il faudra confirmer ces résultats par des observations dans la population pour répondre à deux questions : est-ce que les personnes vaccinées s’infectent avec ces variants ? Si elles sont infectées, développent-elles des formes sévères de l’infection, et dans quelle proportion par rapport aux personnes non vaccinées ? </p>
<p>Ces nouvelles sont malgré tout rassurantes, en particulier en ce qui concerne la situation française : les vaccins à ARN messager actuellement disponibles protègent contre le variant britannique qui circule actuellement massivement dans notre pays. </p>
<p>Ces travaux soulignent cependant l’importance de prendre les précautions nécessaires pour surveiller, et si possible contrôler, la diffusion des variants sud-africains et brésiliens, au cas où les vaccins à ARN messager se révéleraient moins efficaces contre eux également in vivo. Les mesures de contrôle des personnes arrivant des régions où circulent ces variants sont, malheureusement, justifiées pour éviter d’avoir à affronter une nouvelle vague pandémique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159106/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Goffard a reçu des financements de l'Université de Lille, de l'Institut Pasteur de Lille, du CNRS, de l'ANR.
Anne Goffard est adjointe au maire de Lille. </span></em></p>Une des principales préoccupations concernant l’émergence de variants du coronavirus SARS-CoV-2 concerne le risque qu’ils puissent échapper à l’immunité induite par les vaccins, y compris ceux à ARN.Anne Goffard, Médecin, Professeure des Universités – Praticienne Hospitalière, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1379202020-05-06T18:47:09Z2020-05-06T18:47:09ZConversation avec Frédéric Altare : l’obésité, facteur très aggravant du Covid-19<p><em>Un surpoids important augmente fortement le risque de développer une forme sévère de Covid-19. Frédéric Altare, directeur du département d'immunologie au Centre de recherche en cancérologie et immunologie Nantes-Angers, dresse pour The Conversation l’état des lieux des relations entre obésité et coronavirus SARS-CoV-2.</em></p>
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<p><strong>The Conversation : Est-il vrai que les personnes en surpoids ont plus de risques que les autres de développer une forme sévère de Covid-19 ?</strong></p>
<p><strong>Frédéric Altare :</strong> Oui. Un surpoids important constitue la principale comorbidité en lien avec les formes sévères de Covid-19, qui nécessitent une admission en réanimation. On peut estimer que, dans certains endroits, jusqu’à 80 % d’entre elles sont liées à l’obésité.</p>
<p>Ce pourcentage varie néanmoins d’une région à l’autre, car la prévalence de l’obésité n’est pas la même sur tout le territoire. Dans les régions où la population y est moins sujette, les autres comorbidités (telles que les maladies cardiovasculaires, l’hypertension artérielle et le diabète en particulier) peuvent parfois être plus représentées que l’obésité dans les services de réanimation. Cependant si on fait une moyenne nationale, l’obésité représente certainement plus de la moitié de la proportion de personnes admises en réanimation.</p>
<p>Cette association entre surpoids et formes sévères était déjà connue pour d’autres infections respiratoires <a href="https://presse.inserm.fr/lobesite-facteur-de-risque-de-developper-une-forme-severe-du-covid-19/39194/">telles que la grippe A(H1N1)</a>. Dans le cas du Covid-19, certains pensent que les différences de mortalité entre Chine et Italie pourraient notamment s’expliquer <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/oby.22818">par la plus forte prévalence de l’obésité chez nos voisins</a>. Le fait que l’obésité crée un biais favorable à l’aggravation de la maladie est aussi confirmé par la flambée de l’épidémie observée aux États-Unis, où près de 36 % de la population présente une obésité sévère. </p>
<p><strong>TC : Quelles sont les personnes les plus à risque ?</strong></p>
<p><strong>FA :</strong> Les personnes qui se retrouvent en réanimation sont surtout celles qui ont franchi le cap de l’obésité morbide. Le surpoids est évalué grâce au fameux « indice de masse corporelle », ou IMC, qui est le rapport du poids sur la taille au carré. On considère qu’une personne dont l’IMC se situe au-delà de 25 commence à être en léger surpoids. À partir de 30, on parle de surpoids avéré avec début d’obésité, à 35 on commence à parler d’obésité sévère, et à partir de 40 on entre dans ce qu’on appelle l’obésité « morbide ». Morbide, car les gens concernés sont considérés comme à risque de développer des pathologies, majoritairement cardiovasculaires et athérosclérose, mais aussi diabète de type 2, atteintes hépatiques, certaines formes de cancers…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lindice-de-masse-corporelle-un-bon-outil-pour-savoir-si-son-poids-est-sain-104113">L’indice de masse corporelle, un bon outil pour savoir si son poids est sain ?</a>
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<p><strong>TC : Comment expliquer que l’obésité entraîne de telles pathologies ? Quel est son impact sur l’infection par le coronavirus SARS-CoV-2 ?</strong></p>
<p><strong>FA :</strong> On sait aujourd’hui que toutes ces pathologies découlent directement de l’inflammation.</p>
<p>Tout commence dans la masse graisseuse. Celle-ci est constituée de cellules spécialisées dans la métabolisation du gras, appelées adipocytes. Elles sont capables d’« usiner » les lipides apportés par l’alimentation afin de les utiliser, ou bien de les stocker pour servir ultérieurement de « source d’énergie » pour la cellule. Ils servent notamment à fabriquer des composés lipidiques utilisés pour construire et régénérer la membrane des cellules. Quand la quantité de gras fournie par l’alimentation est normale, ce métabolisme (appelé métabolisme oxydatif) fonctionne bien. Les cellules graisseuses stockent les lipides et se multiplient.</p>
<p>Le problème survient quand la proportion de gras fournie par l’alimentation augmente trop et que les adipocytes sont débordés. Pour faire face à la suraccumulation de lipides, ils mettent en place une chaîne de traitement secondaire, appelée métabolisme non oxydatif. Problème : ce métabolisme alternatif usine lui aussi les lipides alimentaires, mais au lieu de produire des constituants utilisables pour les membranes des cellules, il produit d’autres composés, notamment des céramides. Ces derniers sont très peu stockés par les adipocytes, qui les relarguent à l’extérieur.</p>
<p>Or les céramides favorisent l’inflammation : quand des cellules du système immunitaire entrent en contact avec eux, elles les considèrent comme des signaux de danger. Elles se mettent à s’activer, et à produire à leur tour de nombreux composés favorisant l’inflammation, destinés à attirer d’autres cellules immunitaires, qui vont à leur tour entrer en alerte et accroître l’inflammation, etc.</p>
<p><strong>TC : Quelles sont les cellules immunitaires concernées ?</strong></p>
<p><strong>FA :</strong> Il s’agit surtout des <a href="http://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/3648/MS_1987_3_168.pdf">macrophages</a>. Ces membres des « globules blancs » (ou leucocytes, cellules immunitaires produites par la moelle osseuse) s’infiltrent dans les tissus et patrouillent à la recherche d’hôtes indésirables qu’ils ingèrent, avant de prévenir les autres cellules immunitaires. Attirés par les sous-produits métaboliques relargués par les cellules adipeuses, les macrophages peuvent représenter jusqu’à 40 % de toutes les cellules du tissu graisseux. Plus ce dernier est important, plus les macrophages vont être nombreux. Si le nombre de macrophages est donc logiquement plus élevé chez les personnes en surpoids, ces cellules sont néanmoins aussi présentes, en plus faible quantité, dans le tissu graisseux des individus « maigres ». Nous avons donc tous dans notre masse graisseuse un peu d’inflammation.</p>
<p>Lorsque la situation est normale, cette inflammation est maintenue sous contrôle. En effet, il existe deux sortes de macrophages, ceux du type M1, qui sont plutôt proinflammatoires, et ceux du type M2, plutôt anti-inflammatoires. Chez les individus maigres, les macrophages de type M2 prédominent et freinent l’induction de l’inflammation due au gras. Ils sont aidés en cela par d’autres cellules immunitaires, les lymphocytes « régulateurs ». Ces « pompiers » ont pour rôle d’éteindre l’inflammation ou la réponse immunitaire, pour ne pas qu’elle perdure après une infection par exemple.</p>
<p>Chez les individus obèses, on s’est rendu compte non seulement que ces lymphocytes régulateurs étaient peu nombreux, voire absents, mais aussi que les macrophages M2 étaient remplacés par des macrophages M1, beaucoup plus stimulés par les céramides. Or les macrophages M1 produisent de nombreuses molécules favorisant l’inflammation, telles que les cytokines IL-1 ou IL-6, des messagers chimiques.</p>
<p><strong>TC : Que se passe-t-il dans le cas d’une infection par le coronavirus SARS-CoV-2 ?</strong></p>
<p><strong>FA :</strong> Quand le coronavirus nous infecte, notre système immunitaire réagit notamment en produisant, en 7 à 10 jours, des anticorps. Le problème est que si certains de ces anticorps sont neutralisants et empêchent le virus d’entrer dans nos cellules, d’autres sont facilitants. Non seulement ces derniers n’empêchent-ils pas le virus d’entrer dans les cellules, mais qui plus est, comme tous les anticorps, ils activent les macrophages et d’autres cellules immunitaires, ce qui favorise l’inflammation.</p>
<p>Cette réaction est censée, à terme, tuer le virus. Mais ce n’est pas ce qui se passe dans les formes graves du Covid-19 : l’inflammation s’emballe, et un véritable orage cytokinique se déclenche, qui va, à terme, détruire les organes. En particulier les poumons, dans un premier temps, mais également d’autres organes comme les reins ou le cœur.</p>
<p>Dans le cas des personnes obèses, la survenue de cet orage cytokinique est d’autant plus probable que le niveau d’inflammation est déjà élevé de base. Dans les cas d’obésité sévère, on trouve en effet entre 2 et 5 millions de cellules inflammatoires par gramme de tissu adipeux, soit quasiment plus que dans les organes lymphoïdes, dont le travail est de générer ce type de cellules. C’est un peu comme si les individus atteints d’obésité sévère avaient un second système immunitaire dans leur tissu adipeux ! Quand l’inflammation se déclenche chez ces personnes, sa puissance de frappe donc est majeure…</p>
<p><strong>TC : C’est donc cet orage inflammatoire qui est dangereux pour le patient ?</strong></p>
<p><strong>FA :</strong> Tout à fait. Les patients concernés finiraient probablement par guérir du virus, sur un temps plus ou moins long, selon leur réponse immunitaire.
Rappelons que c’est ce qui se passe pour la majorité des patients infectés par le coronavirus. Les jeunes, par exemple, développent très peu de formes graves, contrairement aux personnes âgées, dont le système immunitaire vieillissant est moins efficace. Elles n’arrivent pas à maîtriser le virus, qui se multiplie et active une réponse inflammatoire qui finit par être hors de contrôle.</p>
<p>Chez elles comme chez les personnes obèses et les autres patients qui développent des formes sévères, ce n’est pas le virus qui détruit les poumons : il ne fait qu’activer des cellules qui sont déjà là et qui, par leur activation, détruisent le tissu pulmonaire.</p>
<p>Cela commence au niveau vasculaire : les cellules qui constituent les parois des vaisseaux qui passent dans les poumons se rigidifient, se fibrosent, sous l’action de l’inflammation. Le tissu se nécrose, des trous se forment dans les poumons, les vaisseaux sanguins, détruits, ne peuvent plus transporter l’oxygène…</p>
<p><strong>TC : Observe-t-on une protection pour IMC plus bas ?</strong></p>
<p><strong>FA :</strong> Non, le fait d’être maigre ne protège pas de façon inversement proportionnelle. Si le risque se manifeste vraiment à partir du moment où l’on entre dans la catégorie « obésité morbide », le fait d’être en dessous en terme d’IMC n’est pas un facteur de protection. Quelqu’un qui a un IMC très bas pourrait même au contraire présenter d’autres risques, liés à une potentielle dénutrition par exemple…</p>
<p>Par ailleurs, des gens « maigres » peuvent avoir des problèmes de comorbidités inconnues, comme certaines pathologies cardiovasculaires sous-jacentes. Leurs artères peuvent par exemple être bouchées de plaques d’athérome, si leur alimentation est trop déstabilisée vers les lipides. En temps normal, des taux de cholestérol trop importants dans les vaisseaux, y compris dans les vaisseaux du tractus respiratoire, peuvent passer inaperçus. Cependant en cas d’infection par le SARS-CoV-2, les conséquences peuvent être graves. Cette situation peut concerner des sportifs ou des personnes jeunes, peu enclines à faire des analyses de ce genre.</p>
<p><strong>TC : Au bout de combien de temps le développement d’une forme sévère survient-il ?</strong></p>
<p><strong>FA :</strong> La zone critique est comprise entre 7 et 10 jours, soit la durée de production des anticorps. Les gens vulnérables peuvent développer une pathologie supportable dans un premier temps (de la fièvre avec juste un peu de toux, quelques problèmes respiratoires mineurs…), qui semble arriver à un plateau au bout d’une semaine.</p>
<p>C’est à ce moment que certains malades vont basculer : si le système immunitaire a laissé le virus se multiplier au point de déclencher une pré-inflammation suffisante pour créer un orage cytokinique, en quelques heures l’état de la personne se dégrade. Une radiographie des poumons révèle des masses blanches importantes : ce n’est pas le virus, mais la masse inflammatoire.</p>
<p><strong>TC : Quelles sont les stratégies de lutte ?</strong></p>
<p><strong>FA :</strong> En réanimation, au quotidien, il s’agit moins de lutter contre le virus, pour lequel il n’existe de toute façon pas encore vraiment d’antiviraux très efficaces, que de combattre l’inflammation et d’éviter l’orage inflammatoire, ou de l’enrayer s’il est déjà là.</p>
<p>On utilise pour cela, en particulier, des inhibiteurs des cytokines IL-1 et IL-6, qui sont les deux principaux médiateurs de l’inflammation. Ces traitements sont déjà classiquement utilisés en rhumatologie ou dans des pathologies auto-immunes. Ils ont déjà été testés, on sait comment ils marchent, on connaît les doses… Ils ne fonctionnent plutôt pas trop mal pour lutter contre le Covid-19 : grâce à eux on arrive à récupérer les malades. On peut par exemple citer le tocilizumab, un anti-IL6 pour lequel il y a un essai en cours en Italie.</p>
<p>Le problème des anti-inflammatoires est qu’ils peuvent inhiber une partie de la réponse anti-infectieuse de l’organisme. On diminue l’inflammation d’un patient pour sauver ses organes, mais dans le même temps on l’empêche de lutter efficacement contre le virus. Il faut donc jongler sur le fil du rasoir avec ces anti-inflammatoires, ce qui rend la prise en charge des malades Covid-19 si délicate.</p>
<p>Concernant les antiviraux, des pistes sont à l’étude, mais il s’agit surtout pour l’instant de stratégies « de première ligne » : dans l’urgence on essaie de réutiliser des médicaments qui n’ont pas été conçus pour lutter contre virus, en espérant que certains aient un petit effet. Il s’agit de gagner du temps. Diminuer la quantité de coronavirus, ou réduire de 3 jours sa durée de vie dans l’organisme, c’est laisser d’autant moins de temps à l’inflammation pour s’installer, ce qui peut éviter que les gens partent en réanimation. Les patients y sont en effet admis lorsqu’au moins un de leurs organes est défaillant.</p>
<p><strong>TC : Qu’est-ce qui décide du sort d’un patient en réanimation ?</strong></p>
<p><strong>FA :</strong> C’est son état : si plusieurs organes sont atteints, on va pouvoir diminuer l’inflammation, mais les dégâts sont déjà faits, et il n’est pas dit que les organes tiendront. La question des séquelles est particulièrement importante. On a constaté, chez des patients qui ont récupéré et sont sortis de réanimation, l’existence de lésions au niveau de divers organes. Principalement au niveau des poumons, évidemment, mais aussi au niveau des reins par exemple. Leur organisme a en effet subi, pendant parfois plusieurs semaines, un état inflammatoire important dont les conséquences à long terme restent à déterminer.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-comment-soigne-t-on-les-patients-atteints-de-formes-graves-132852">Covid-19 : comment soigne-t-on les patients atteints de formes graves ?</a>
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<p>Ces séquelles pourraient se traduire par des problèmes de perte de capacité respiratoire plus ou moins importante, de reins filtrant moins bien… C’est un peu comme quand un immeuble a brûlé : une fois l’incendie éteint, reste à savoir dans quel état est la structure… Pour l’instant l’urgence est de sauver la vie des gens, mais ensuite il faudra les suivre.</p>
<p><strong>TC : Les recommandations habituelles, perdre du poids, faire de l’exercice surveiller son cholestérol sont donc particulièrement important en ce moment…</strong></p>
<p><strong>FA :</strong> Oui, car toute diminution de la masse graisseuse va aider à diminuer le taux d’inflammation résiduel. Et tout degré d’inflammation en moins constitue une chance supplémentaire de mieux résister au coronavirus, qui déclenche lui-même une inflammation.</p>
<p>Donc moins on aura de masse graisseuse, mieux ce sera. Faire du sport, modifier son alimentation pour limiter le stockage des lipides peuvent aider à ne plus fabriquer ces fameux réactifs de type céramides, qui sont nocifs et activent l’inflammation. On a besoin de gras pour vivre, on peut évidemment en manger, mais il faut éviter la surcharge.</p>
<p>Ces dernières années, une autre piste intéressante a émergé : des travaux ont révélé <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29110901">que le microbiote des gens obèses était très différent de celui des gens non obèses</a>. Certaines bactéries, en particulier, en étaient absentes. Nos propres recherches ont montré que certaines de ces bactéries, qui « manquent » aux personnes obèses, sont habituellement responsables de l’émergence de lymphocytes régulateurs, ces pompiers qui éteignent l’inflammation.</p>
<p>Ces bactéries sont-elles absentes parce qu’une alimentation trop lipidique ne leur convient pas ? Ou plutôt parce que cette alimentation trop riche favorise d’autres bactéries ? On ne le sait pas encore. Mais il est probable que leur absence explique pourquoi les lymphocytes régulateurs sont moins nombreux, voire absents du tissu adipeux des personnes obèses. Cela expliquerait pourquoi l’inflammation flambe sans contrôle chez elles. Non seulement les céramides l’activent, mais de plus les cellules censées la limiter ne sont pas là… C’est la double-peine.</p>
<p>Il est trop tôt pour que ces observations se traduisent par des traitements, mais elles incitent à conseiller de prendre soin de son microbiote, notamment en veillant à avoir une alimentation équilibrée et en limitant sa consommation d’alcool.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137920/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Altare ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La majorité des patients admis en réanimation suite à une infection par le SARS-CoV-2 présentent un surpoids important. Pourquoi les personnes obèses sont-elles plus menacées par ce coronavirus ?Frédéric Altare, Directeur de recherche Inserm, Directeur du Département d'Immunologie au Centre de recherche en cancérologie et immunologie Nantes-Angers (CRCINA), InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1365622020-04-22T07:51:47Z2020-04-22T07:51:47ZLa pandémie de coronavirus, une occasion supplémentaire d'arrêter de fumer<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/328720/original/file-20200417-152567-1kwoqk8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C1066%2C2984%2C2258&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le confinement peut aggraver l’envie de cigarettes.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/05kxiwYKINo">Tobias Tullius / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Voici maintenant plus d’un mois que le confinement a été mis en place en France, dans le cadre de la pandémie de Covid-19. Parmi les commerces de première nécessité dont la liste a été établie par <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041746694&categorieLien=id">décret</a> figurent les « commerces de détail de produits à base de tabac », ce qui signifie que les fumeurs peuvent toujours sortir de chez eux pour aller acheter leur tabac.</p>
<p>Cette situation m’a amené à quelques réflexions que j’aimerais partager ici avec vous. Le tabagisme étant un des facteurs aggravants du Covid-19, et la situation actuelle pouvant l’accroître ou entraîner les ex-fumeurs à rechuter (sous l’effet du stress, de la peur d’être porteur du virus, du confinement, etc.), ne s’agit-il pas d’une occasion d’arrêter de fumer ?</p>
<h2>La fumée de tabac est à l’origine de nombreuses maladies mortelles</h2>
<p>Avant tout, il n’est pas inutile de rappeler que la fumée de tabac contient de très nombreuses substances irritantes et cancérogènes, ainsi que du monoxyde de carbone (CO).</p>
<p>Il est aujourd’hui incontestablement établi que le tabagisme est associé à <a href="https://www.rev-mal-respir.com/article/157296/epidemiologie-du-tabagisme">trois grands groupes de pathologies</a> : les cancers (bronches et poumons, vessie, ORL, œsophage, estomac, colon, foie, pancréas), les maladies cardio-vasculaires (hypertension artérielle, infarctus myocardique, AVC, artérite des membres inférieurs) et les pathologies respiratoires chroniques (BPCO, asthme). Il est également associé à des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0761842516306611">maladies métaboliques</a> telles que le diabète et l’obésité.</p>
<p>En 2020 s’est déclarée une nouvelle pandémie, celle du Covid-19. Plusieurs publications chinoises ont déjà décrit les facteurs de risque associés à la gravité de cette maladie : l’hypertension artérielle, l’infarctus du myocarde, la <a href="https://theconversation.com/la-charcuterie-augmente-le-risque-de-maladies-respiratoires-131889">bronchopneumopathie chronique obstructive</a>, <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)30566-3/fulltext">le</a> <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2002032">diabète</a> et <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3556658">l’obésité</a>.</p>
<p>Autant de travaux qui mettent en évidence des complications du tabagisme. Cependant les études épidémiologiques récentes ne portent pas toutes sur les mêmes critères : facteurs associés au décès, ou bien facteurs associés à une forme sévère de la maladie, à une réanimation lourde. Examinons-les plus attentivement.</p>
<p>Les travaux publiés par <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2002032">Wei-jie Guan et ses collaborateurs</a> portaient sur 1 099 patients. Ils indiquent que sur 173 patients ayant développé une forme sévère de la maladie Covid-19, 16,9 % étaient fumeurs. Sur 926 patients atteints par la forme non sévère de la maladie figuraient 11,8 % de fumeurs. Lorsqu’on s’intéresse au critère principal de gravité (prise en charge en soins intensifs, ventilation assistée ou décès), le nombre de fumeurs est de 25,8 %, bien plus élevé que chez ceux qui ne correspondent pas à ce critère de gravité (parmi lesquels ne figurent que 11,8 % de fumeurs).</p>
<p>De leur côté, <a href="https://journals.lww.com/cmj/Abstract/publishahead/Analysis_of_factors_associated_with_disease.99363.aspx">Wei Liu et ses collaborateurs</a> ont montré dans leur étude menée sur 78 patients que le tabagisme est un facteur de gravité de la maladie (<a href="https://www.em-consulte.com/rmr/article/143634">rapport de cotes ou odds ratio</a> OR=14,3) dans un modèle d’analyse multivariée.</p>
<p>Le 25 mars 2020, la Société Francophone de Tabacologie a publié un communiqué de presse intitulé <a href="http://www.societe-francophone-de-tabacologie.org/dl/SFT-CP-Tabac-et-Covid19-2020_03_25.pdf">« coronavirus/Covid-19 et tabagisme : l’importance de l’arrêt du tabac »</a>. Elle cite ces deux études chinoises, précisant le rôle du tabagisme dans l’évolution de la maladie et indiquant que ces résultats descriptifs qui ne portent que sur un faible nombre de cas ne permettent pas de tirer des conclusions fermes.</p>
<p>Toutefois, en sachant que le tabagisme est un facteur de risque majeur des maladies broncho-pulmonaires et des infections, ces résultats ne peuvent pas être ignorés.</p>
<h2>Attention au cercle vicieux</h2>
<p>Le confinement génère du stress, qu’il soit lié à la maladie elle-même, à l’angoisse liée au risque d’être atteint par ce virus invisible, ou à celle liée aux conséquences sur le plan professionnel ou familial, etc. Cette situation majore la <a href="https://www.addictaide.fr/tabac/comprendre-l-addiction/">dépendance psychologique</a> des fumeurs : « je fume parce que je suis stressé, je ne me sens pas bien, je suis anxieux » et « lorsque je fume, je me sens mieux, plus détendu ».</p>
<p>Le fait d’avoir fumé une cigarette ne règle pas le problème, puisque le facteur déclenchant reviendra, et avec lui l’envie de fumer une autre cigarette. Se met alors en place le cercle vicieux que nous connaissons bien en tabacologie :</p>
<p>situation déclenchante → émotion → pensée automatique → comportement → conséquences.</p>
<p>Détaillons les différentes phases qui vont se succéder :</p>
<ul>
<li><p><em>la situation déclenchante</em> : je suis confiné chez moi, j’entends de nombreuses informations à la radio, à la télévision, sur les réseaux sociaux concernant l’évolution de la maladie du coronavirus, les conditions de travail difficiles du personnel dans les hôpitaux et dans les Ehpad, les enfants qui ne peuvent pas sortir et sont difficiles à gérer dans un espace restreint, etc. ;</p></li>
<li><p><em>l’émotion que je ressens</em> : l’anxiété, la peur, la colère montent :</p></li>
<li><p><em>la pensée automatique</em> : je me sens inutile, je suis énervé et une cigarette va me calmer, elle va m’aider à penser, à me concentrer ;</p></li>
<li><p>le comportement : je fume une cigarette ;</p></li>
<li><p>les conséquences : je me sens plus calme, plus relaxé, la tension retombe, je respire mieux, je me sens moins oppressé.</p></li>
</ul>
<p><a href="https://images.theconversation.com/files/328448/original/file-20200416-192731-g3a5km.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"></a> Le cercle vicieux bien connu des tabacologues. Philippe Arvers</p>
<p>Et rapidement, une nouvelle situation déclenchante va relancer ce cercle vicieux. En confinement, la consommation de tabac va donc être importante, probablement plus fréquente au cours de la journée.</p>
<p>Point important à souligner : le confinement a des conséquences pour les fumeurs (de tabac et/ou de cannabis) et chez les vapoteurs, non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour leur entourage, confiné dans le même espace.</p>
<p><strong>Briser le cercle</strong></p>
<p>Comment modifier ce comportement ? Les <a href="https://theconversation.com/connaissez-vous-les-therapies-comportementales-cognitives-et-emotionnelles-129883">thérapies cognitives et comportementales</a> ont toute leur place ici. En se focalisant sur cette dépendance psychologique, des solutions existent, adaptées à chacun. Le but est de sortir du cercle vicieux pour entrer dans un cercle vertueux, un <a href="https://www.em-consulte.com/rmr/article/1302041">cercle constructif</a> !</p>
<p>Il est pour cela nécessaire de modifier l’un ou plusieurs éléments dudit cercle vicieux :</p>
<ul>
<li><p>s’il est, dans le cas du confinement, difficile de supprimer la cause déclenchante, se soustraire au flux d’informations en évitant de consulter les médias plusieurs fois par jour est possible ;</p></li>
<li><p>la gestion des émotions peut être améliorée de diverses façons : exercices respiratoires, yoga, sophrologie, <a href="https://theconversation.com/sous-pression-pour-eviter-de-craquer-meditez-en-pleine-conscience-92213">méditation pleine conscience</a>, psychologie positive sont utiles et efficaces ;</p></li>
<li><p>la lutte contre les pensées automatiques est importante. Il faut analyser ses croyances (« non, une cigarette ne peut pas me calmer, mais il faut que je fasse des exercices respiratoires, de la cohérence cardiaque »), se méfier aussi des #FakeNews qui circulent et leur opposer une réalité objective ;</p></li>
<li><p>adopter des comportements alternatifs : au lieu de fumer, prendre un verre d’eau, par exemple ;</p></li>
<li><p>enfin, examiner les conséquences de ces changements et les noter par écrit, car ce sont des éléments de renforcement positif. Or il est important de renforcer le <a href="https://www.cairn.info/revue-savoirs-2004-5-page-59.htm">sentiment d’efficacité personnelle</a>.</p></li>
</ul>
<h2>Sortir de cet engrenage en arrêtant de fumer</h2>
<p>Le meilleur comportement alternatif durable, est bien entendu l’arrêt du tabac. Plus facile à dire qu’à faire, me direz-vous. Oui, mais c’est possible, même si ce n’est pas la première fois que vous vous y essayez. En outre, le fait d’être accompagné double les chances de réussite.</p>
<p>La dépendance nicotinique sera gérée avec un apport de nicotine suffisant pendant un délai suffisant (au moins trois mois), à l’aide de substituts nicotiniques (patchs et formes orales) et par la vape. La dépendance psychologique sera gérée grâce aux exercices respiratoires, à la cohérence cardiaque qui permet de s’accorder du temps pour respirer différemment et sans s’intoxiquer, pendant 5 minutes 3 fois par jour. Il existe pour cela des applications sur smartphone comme RespiRelax+, par exemple. Enfin, la dépendance comportementale sera gérée en mettant en place divers comportements alternatifs tout au long de la journée.</p>
<p>Il faut garder à l’esprit que le <a href="https://theconversation.com/les-cinq-substances-les-plus-addictives-au-monde-et-leurs-effets-sur-le-cerveau-67962">système de récompense</a> de notre cerveau va être sollicité, avec pour conséquence le risque que survienne l’envie de consommer de l’alcool. En cette période de confinement, les apéros virtuels ou non reviennent à la mode, au risque de rompre une abstinence ou une réduction de consommation mise en place depuis plusieurs mois ou années.</p>
<p>La vigilance est donc de mise, et il ne faut pas hésiter à évaluer sa consommation en se référant aux seuils établis par <a href="https://www.drogues.gouv.fr/actualites/sante-publique-france-presente-nouvelles-recommandations-lalimentation-y-compris-lalcool">Santé publique France</a> : 2 verres par jour au maximum, 5 jours par semaine au plus.</p>
<p>Cette période de confinement, qui selon toute vraisemblance est encore loin de se terminer, constitue malgré tout une occasion inédite s’il en est de faire le point sur sa consommation de tabac et de choisir d’arrêter de fumer, pour sa santé et celle de ses proches.</p>
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<p><em>Cet article est publié en partenariat avec Addict’Aide, <a href="https://www.addictaide.fr/inscription-a-la-newsletter/">dont la newsletter permet de s’informer sur toutes les questions d’addiction</a>. Le portail Addict’Aide est soutenu par MGEN, groupe VYV.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136562/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Arvers est administrateur de la Société Francophone de Tabacologie (SFT) et de l'Institut Rhône-Alpes-Auvergne de Tabacologie (IRAAT), ainsi que de la Mutualité Française de l'Isère (MFI-SSAM).
Il est par ailleurs délégué de la mutuelle UNEO.</span></em></p>Hypertension, infarctus, bronchopneumopathie chronique obstructive… Les complications du tabagisme sont autant de facteurs de risque de gravité du Covid-19. Une raison de plus d’arrêter le tabac.Philippe Arvers, Médecin addictologue et tabacologue, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1318892020-03-05T19:02:22Z2020-03-05T19:02:22ZLa charcuterie augmente le risque de maladies respiratoires<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/317882/original/file-20200229-24685-1hmtpvw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/lAZqUCAOvOk">Alex Guillaume / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://artlibre.org/licence/lal/en">FAL</a></span></figcaption></figure><p>Une consommation modérée de charcuterie (au moins une fois par semaine) augmente le risque de développer une maladie chronique et inflammatoire des bronches : la <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/bronchopneumopathie-chronique-obstructive-bpco">bronchopneumopathie chronique obstructive</a> (BPCO). Ces résultats, publiés en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2589537019301348">septembre dernier</a> par une équipe de chercheurs de l’Inserm (Villejuif, France) et de l’école de Santé publique d’Harvard (Boston, États-Unis), ont été obtenus d’après les données recueillies auprès de 87 000 infirmières américaines suivies en moyenne pendant 26 ans.</p>
<h2>Qu’est-ce que la BPCO ?</h2>
<p>Bien que faisant partie, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), des <a href="https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/44253/9789242597417_fre.pdf;jsessionid=8259F0CD417EC4203541B95EE9D0B123?sequence=1">quatre maladies chroniques</a> contre lesquelles il faut lutter, la BPCO reste trop méconnue du grand public. Les médias et les pouvoirs publics l’évoquent peu. Pourtant, à l’échelle du globe, elle touche plus de 250 millions de personnes et représente la troisième cause de mortalité.</p>
<p>Autrefois appelée « bronchite chronique » ou « emphysème », la BPCO se caractérise par une diminution irréversible (voire non entièrement réversible, même à l’aide d’un traitement) du calibre des bronches et s’accompagne de crachats, d’une toux chronique et/ou d’un essoufflement. C’est une maladie évolutive dont le diagnostic est souvent trop tardif.</p>
<p>Si elle n’est pas seulement une maladie de fumeur, le tabagisme représente son principal facteur de risque. Et pendant longtemps, la BPCO concernait principalement des hommes de plus de 50 ans. Mais le développement du tabagisme féminin a changé la donne : la maladie touche aujourd’hui autant de femmes que d’hommes. Enfin, on sait que le niveau de la fonction ventilatoire peut être altéré bien plus tôt – notamment en cas de prématurité et de tabagisme maternel. Ce qui explique peut-être la proportion non négligeable de BPCO précoce.</p>
<h2>Pourquoi seuls certains fumeurs sont-ils atteints ?</h2>
<p>Pour répondre à cette question, on peut invoquer des composantes génétiques. Mais l’existence de facteurs de risque autres que le tabac a aussi été suggérée. On a ainsi souligné le rôle néfaste de la pollution atmosphérique, des expositions professionnelles ou domestiques à des poussières, des produits de nettoyage ou des substances chimiques, ou encore de fréquentes infections respiratoires au cours de l’enfance.</p>
<p>A ce jour, leur prise en compte n’a toutefois pas permis de mettre en place des mesures de prévention efficaces. Voilà pourquoi en mai dernier, un groupe d’experts a rappelé dans <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(19)30950-X/fulltext"><em>The Lancet</em></a> l’urgence de nouvelles recherches visant à identifier de nouveaux facteurs de risque. Et il semble bien que l’alimentation puisse jouer un rôle majeur. En effet, une alimentation riche en antioxydants, que l’on retrouve principalement dans les fruits et légumes, pourrait contrebalancer les effets oxydants du tabac dans la survenue des BPCO.</p>
<p>Les études épidémiologiques américaines « Nurses » Health Study » (NHSI et NHSII) et « Health Professional Follow-up Study » (HPFS) font partie des <a href="https://theconversation.com/comprendre-lepidemiologie-110721">études de cohorte emblématiques</a> qui ont permis d’identifier de nombreux facteurs de risque pour diverses maladies. Les effectifs et le suivi sont considérables : 121 700 femmes suivies depuis 43 ans dans la cohorte NHSI, 116 430 femmes suivies depuis 30 ans dans la NHSII, et plus de 59 000 hommes suivis depuis 33 ans dans la HPFS. Et grâce à ces données fiables (un très large effectif et un très long suivi), nous <a href="https://www.bmj.com/content/350/bmj.h286">avons montré</a> qu’une alimentation saine était associée à une diminution de plus de 30 % du risque de BPCO aussi bien chez les femmes que chez les hommes.</p>
<p>La qualité de l’alimentation y était évaluée par le biais de l’« Alternate Healthy Eating Index 2010 » (AHEI-2010). Cet indice a été <a href="https://academic.oup.com/jn/article/142/6/1009/4688968">élaboré</a> en tenant compte des connaissances scientifiques les plus récentes. Il attribue à l’alimentation un caractère sain si trois paramètres sont présents :</p>
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<li><p>une consommation élevée de céréales complètes, de fruits, de légumes, de légumes secs, d’acides gras polyinsaturés et d’acides gras de type oméga-3 ;</p></li>
<li><p>une consommation modérée d’alcool ;</p></li>
<li><p>une consommation limitée (voir nulle) de viandes rouges, charcuteries, sel, acides gras <em>trans</em> et boissons gazeuses sucrées.</p></li>
</ul>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comprendre-lepidemiologie-110721">Comprendre l’épidémiologie</a>
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<h2>La charcuterie en ligne de mire</h2>
<p>L’alimentation est une variable complexe, aux effets protecteurs ou délétères sur la santé. Depuis une dizaine d’années, notre groupe de chercheurs, et d’autres depuis, ont suggéré qu’une consommation élevée de charcuterie augmente le risque de développer une BPCO. En 2007 et 2008, en se basant sur les études de cohorte NHS et HPFS chez des participants âgés de plus de 55 ans en moyenne, nos recherches ont ainsi révélé pour la première fois que plus les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17785711">hommes</a> et les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18400725">femmes</a> mangeaient de bacon, saucisses et autres viandes transformées, plus le risque de BPCO était élevé.</p>
<p>Depuis lors, au moins six autres études ont été menées sur le sujet. Or qu’elles se soient appuyées sur des enquêtes transversales ou longitudinales, ou dans différents pays, toutes ont confirmé nos conclusions. Mais aucune étude n’avait encore été conduite chez des femmes âgées de moins de 40 ans. C’est maintenant chose faite, et nous arrivons une fois encore au même constat.</p>
<p>Comme indiqué au début de cet article, nous avons examiné les données de quelque 87 000 infirmières âgées en moyenne de 36 ans et suivies pendant 26 ans dans le cadre de l’étude NHSII. Et ce faisant, nous avons observé qu’une consommation modérée de charcuterie (soit au moins 1 fois par semaine), est associée à une augmentation de 29 % du risque de développer une BPCO. Qui plus est, avec des résultats robustes, car tenant compte d’un grand nombre de facteurs sociodémographiques et liés au mode de vie.</p>
<p>Pour l’heure, les mécanismes biologiques sous-jacents à ce risque accru de BPCO ne sont pas connus. Mais plusieurs hypothèses ont été avancées, dont une mettant en cause les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nitrosamine">nitrosamines</a> pouvant se former à partir des nitrites utilisés pour conserver et colorer les charcuteries. En présence d’un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Stress_oxydant">stress oxydant</a>, ces composés pourraient en effet générer un stress nitrosant. Le stress nitrosant correspond à une augmentation de la concentration d’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S098505620200167X">espèces réactives nitrosantes</a>, comme le monoxyde d’azote et ses métabolites (nitrites, nitrates). Or ce processus joue un rôle majeur dans la physiopathologie des maladies inflammatoires chroniques dont les BPCO.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/charcuterie-entre-nitrate-sans-danger-et-nitrite-toxique-comment-sy-retrouver-125584">Charcuterie : entre nitrate sans danger et nitrite toxique, comment s’y retrouver ?</a>
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<h2>Des facteurs de risque combinés</h2>
<p>Pour aller plus loin, nous avons cherché à voir si le tabac ou la qualité de l’alimentation font varier le lien entre consommation de charcuterie et risque de BPCO. On peut en effet se demander si le fait de fumer et/ou d’avoir une alimentation malsaine est susceptible d’aggraver l’effet délétère des charcuteries sur la BPCO. Et c’est bien ce que nous avons constaté.</p>
<p>Nos résultats montrent que comparées aux femmes qui ne fument pas, les fumeuses mangeant plus de charcuterie ont un risque de BPCO augmenté de 37 %. Quant aux femmes ne mangeant pas sainement, en comparaison de celles qui ont une alimentation saine, leur risque de BPCO en lien avec une consommation trop élevée de charcuterie est accru de 39 %. Enfin, nous avons observé que la combinaison des trois facteurs de risque que sont une consommation élevée de charcuterie, le tabagisme et une mauvaise alimentation augmente très sérieusement le risque de BPCO : il est multiplié d’un facteur supérieur à 6, en comparaison à des femmes qui ne mangent pas de charcuterie, ne fument pas et ont une alimentation saine.</p>
<p>Bien sûr, la première mesure pour éviter la survenue de BPCO reste l’arrêt du tabac. Nos travaux confirment cependant l’effet délétère de la charcuterie chez des femmes jeunes, et soulignent la nécessité de programmes de prévention multi-interventionnels. Ces programmes devraient intégrer des stratégies thérapeutiques d’aide à l’arrêt du tabac et des recommandations nutritionnelles mettant en avant une alimentation saine et une consommation très faible (voir nulle) de charcuterie. Et sur ce dernier point, on peut noter que les <a href="https://www.mangerbouger.fr/Les-recommandations/Reduire/La-charcuterie">recommandations nutritionnelles</a> récemment publiées par Santé publique France conseillent de réduire la consommation de charcuterie pour limiter ses effets négatifs sur la santé.</p>
<p>Depuis 2018, la consommation de charcuterie a en effet été classée comme « cancérogène pour l’homme » par un groupe d’experts du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Et nonobstant la publication récente d’un article polémique dans la prestigieuse revue Annals of Internal Medicine (dont les auteurs encouragent les consommateurs de viandes rouges et charcuteries à ne pas changer leurs habitudes), il est essentiel de réduire au maximum sa consommation de charcuterie, que ce soit pour rester globalement en bonne santé, ou plus particulièrement pour bien respirer.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pour-limiter-le-risque-de-cancer-colorectal-doit-on-vraiment-consommer-moins-de-viande-rouge-et-de-charcuterie-124728">Pour limiter le risque de cancer colorectal, doit-on vraiment consommer moins de viande rouge et de charcuterie ?</a>
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<img src="https://counter.theconversation.com/content/131889/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raphaëlle Varraso a reçu des financements de l'Anses, l'ANR, le NIOSH, et l'IReSP. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Carlos A. Camargo receives research funding from the U.S. National Institutes of Health.</span></em></p>Augmentant les risques de cancer et de maladies cardiovasculaires, la consommation de charcuterie fait aussi s’élever le risque de maladies respiratoires chroniques.Raphaëlle Varraso, Chargée de Recherche en épidémiologie, U1018, InsermCarlos A. Camargo, Professeur, Harvard UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1287502020-02-10T18:48:15Z2020-02-10T18:48:15ZSénégal : les risques sanitaires du plus grand rassemblement religieux de l’année<p>Le Grand Magal de Touba est un événement religieux musulman annuel d’une journée qui se déroule à Touba, capitale religieuse de la confrérie mouride, situé à 200 km à l'est de Dakar, chaque année le 18 du mois de Safar (calendrier islamique). C’est l’un des plus importants rassemblements religieux d’Afrique où <a href="http://www.rfi.fr/fr/afrique/20191015-senegal-effervescence-touba-grand-magal">convergent des centaines de milliers de fidèles</a>. À l’instar des autres grands rassemblements, le Magal expose à des risques accrus de transmission de maladies infectieuses, en particulier des infections digestives et respiratoires en raison notamment de la promiscuité.</p>
<p>L’État saoudien moderne a mis en place une surveillance médicale à l’occasion des <a href="https://www.bbc.com/afrique/media-45287879">Hajj</a> et exige des pèlerins un certain nombre de vaccinations, en fonction des données épidémiologiques, comme le vaccin contre la méningite. Pour protéger ces mêmes pèlerins et leurs compatriotes, les gouvernements étrangers imposent de leur côté des programmes de vaccination, en fonction de la situation épidémiologique, à la charge des intéressés. Le Grand Magal de Touba est aussi source de risques sanitaires qu’il faut savoir détecter et prendre en charge rapidement.</p>
<p>Notre <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/31872797">étude</a> effectuée lors du Magal de 2016 montre clairement que des personnes de tous âges (enfants et adultes) participent au Magal. Il y a une forte proportion de jeunes enfants dans nos résultats – ce qui reflète la <a href="https://www.populationpyramid.net/senegal/2019/">jeunesse de la population sénégalaise en général</a>.</p>
<h2>Le profil clinique des pèlerins</h2>
<p>Les registres de consultations générales qui permettent de renseigner sur les activités médicales (consultations, hospitalisations, investigations, urgences et décès) indiquent que 60 % des consultations dans les structures sanitaires – Sur cinq jours (deux jours avant le Magal, le jour du Magal et deux jours après le Magal) à Touba et Mbackè (10km de Touba) – sont dues à des maladies infectieuses, avec une prévalence élevée des infections gastro-intestinales, du paludisme et des infections respiratoires.</p>
<p>Ces recherches épidémiologiques, menées au Sénégal sur l’un des plus importants rassemblements religieux d’Afrique, confirment l’enjeu sanitaire de ce type de rassemblement. Elles visent à améliorer l’offre de santé et, à terme, à prévenir l’éventuelle mondialisation d’infections locales.</p>
<p>Parmi les patients qui sont allés consulter pendant le Magal en 2016, les affections les plus fréquentes étaient des maladies gastro-intestinales et respiratoires. Les symptômes gastro-intestinaux les plus fréquents étaient des douleurs abdominales et gastriques, des nausées, des vomissements et des diarrhées. Ce qui montre que la plupart des patients souffraient de gastro-entérites.</p>
<p>La prédominance de la toux, de la rhinite, du syndrome grippal et des maux de gorge chez les patients présentant des symptômes respiratoires indique que la plupart des patients souffraient d’infections des voies respiratoires supérieures. Selon l’<a href="http://www.healthdata.org/">Institute for Health Metrics and Evaluation</a>, la diarrhée et les infections des voies respiratoires étaient les maladies les plus répandues en 2016, représentant respectivement 8,42 % et 7,48 % du nombre total d’<a href="https://www.who.int/quantifying_ehimpacts/FR-summaryEBD_updated.pdf">années de vie corrigées du facteur invalidité</a> au Sénégal.</p>
<p>En outre, 3 % de cas de paludisme ont été diagnostiqués. Parmi les patients, 29,8 % se sont vu prescrire des antibiotiques et 2,6 % des médicaments antipaludiques, et 1,5 % des patients ont été hospitalisés. Un seul décès a été enregistré.</p>
<p>Nos résultats sont conformes à ceux documentés par notre équipe en <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/31048009">2017 dans une petite cohorte de pèlerins</a> à Touba où les symptômes d’infection gastro-intestinale étaient prédominants. Il est intéressant de noter que les symptômes d’infections gastro-intestinales et la diarrhée représentent également la plupart des raisons de consultation et d’hospitalisation pendant le Hajj et d’autres grands rassemblements religieux.</p>
<p>Cette prédominance de symptômes d’infections gastro-intestinales chez les pèlerins du Magal est probablement due à la transmission interhumaine d’agents pathogènes respiratoires durant les trajets dans des bus surchargés et autour de la mosquée pendant les rituels.</p>
<p>Cette étude de 2017 a aussi montré que 46,4 % des pèlerins ont déclaré qu’ils se lavaient les mains plus souvent que d’habitude pendant le Magal et 63,6 % ont utilisé fréquemment du gel pour les mains. Seulement 32,3 % et 2,8 % des pèlerins ont déclaré avoir utilisé respectivement des mouchoirs jetables et un masque facial pendant le pèlerinage. Un seul pèlerin a été vacciné contre la grippe.</p>
<h2>Les conditions d’hébergement</h2>
<p>Les pèlerins viennent généralement quelques jours à l’événement et restent pendant plusieurs jours après le Magal. Pendant cette période, ils sont logés dans des structures d’hébergement privées car il n’y a pas d’hôtels à Touba. Ces possibilités d’hébergement peuvent être les résidences des habitants, où les membres de la famille vivant dans différentes régions du Sénégal ou qui ont émigré à l’étranger se rencontrent pendant la période du Magal, ou bien les maisons de marabouts avec une capacité allant jusqu’à des centaines d’individus.</p>
<p>De nombreux pèlerins dorment sur les tapis, à même le sol, dans les maisons ou sur les terrasses extérieures. La nourriture est préparée collectivement par les membres de la famille ou par les adeptes du marabout.</p>
<p>L’abattage des animaux est principalement réalisé dans les rues, devant les structures d’habitation. Les associations communautaires de disciples mourides (dahiras) sont responsables de l’alimentation des pèlerins, qu’ils nourrissent gratuitement.</p>
<p>Le contexte mondial, sous-régional et national est marqué par l’existence de nombreuses maladies transmissibles (méningites, choléra, fièvres hémorragiques dont Ebola, grippes, paludisme, dengue, salmonellose, etc.) qui peuvent profiter du brassage de populations occasionné par l’événement pour se propager. Du fait de la dimension internationale du Magal, ces maladies peuvent même se propager en dehors des frontières du Sénégal. Le Sénégal fait partie des pays membres de l’OMS qui ont adopté le <a href="https://www.who.int/features/qa/39/fr/">Règlement sanitaire international</a>. Cet instrument régit la surveillance des grands rassemblements et stipule que les maladies infectieuses doivent être déclarées en temps réel (obligation d’un système de surveillance et de déclaration).</p>
<h2>Comment améliorer la lutte contre les risques sanitaires</h2>
<p>Les causes les plus fréquentes de consultation demeurent, on l’a dit, les gastro-entérites, les infections des voies respiratoires supérieures, les fièvres et les douleurs. En termes de mesures préventives, il est recommandé d’améliorer l’hygiène des mains. Les antalgiques, les antipyrétiques (ibuprofène et paracétamol), les sels de réhydratation orale et les médicaments antidiarrhéiques et antiémétiques, notamment les préparations pédiatriques, devraient être disponibles pendant le Magal.</p>
<p>Le contexte du Grand Magal de Touba est unique, du fait de son emplacement dans un pays en développement tropical et de sa composante internationale qui peut favoriser la mondialisation des maladies endémiques localement. En tant que tel, il justifie un investissement dans des méthodes modernes de surveillance de la santé publique et de planification de la manifestation.</p>
<p>La préparation de l’infrastructure médicale doit cibler ces caractéristiques syndromiques, en termes d’outils de diagnostic et de traitements spécifiques, y compris les formulations pédiatriques.</p>
<p>La documentation microbiologique des infections doit être effectuée pour identifier les agents pathogènes qui circulent dans le périmètre du Magal. À cet effet, des laboratoires doivent être mis en place pour effectuer un diagnostic rapide et la prescription en temps opportun des médicaments appropriés.</p>
<p>Les caractéristiques démographiques spécifiques de la population du Magal suggèrent que les pédiatres ou les travailleurs de la santé ayant une formation en pédiatrie devraient faire partie du personnel médical déployé pendant le Magal pour s’occuper des patients.</p>
<p>La mise en œuvre de ces mesures préventives permettrait de limiter les maladies contagieuses et de réduire la prise en charge financière des infections liées au Grand Magal.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128750/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cheikh Sokhna ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le Magal est un événement religieux annuel à Touba (200 km de Dakar) où convergent des millions de pèlerins. Ce rassemblement expose à des risques accrus de transmission de maladies infectieuses.Cheikh Sokhna, Directeur de recherche à l'IRD, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1271912019-11-20T22:39:53Z2019-11-20T22:39:53ZÉpidémie de bronchiolite : faut-il vraiment abandonner la kinésithérapie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/302737/original/file-20191120-524-8xfy99.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C443%2C2592%2C1735&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En cas de bronchiolite, la kinésithérapie peut soulager les nourrissons, mais pas grâce à des manœuvres respiratoires.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/oko_4WnoM98">Filip Mroz/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>L’épidémie de bronchiolite progresse en France : toutes les régions de France métropolitaine <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/bronchiolite/documents/bulletin-national/bulletin-epidemiologique-bronchiolite-semaine-48.-saison-2019-2020">sont désormais en phase épidémique</a>, et la Corse est passée en phase pré-épidémique. </p>
<p>Comme chaque hiver, la question de prise en charge de la bronchiolite fait l’objet d’un débat passionné entre « pro » et « anti » kinésithérapie.
Certains articles de presse <a href="http://sante.lefigaro.fr/actualite/2012/12/05/19528-bronchiolite-polemique-sur-kine-respiratoire">clouent au pilori</a> la « kinésithérapie respiratoire », y compris dans des revues spécialisées telles que le <a href="https://www.prescrire.org/fr/3/31/48281/0/NewsDetails.aspx">mensuel médical <em>Prescrire</em></a>, tandis que d’autres au contraire en <a href="https://www.lepoint.fr/sante/kine/demorand-bronchiolite-la-kinesitherapie-respiratoire-est-efficace-03-12-2018-2276066_2467.php">font la promotion</a>, dont <a href="https://www.lepoint.fr/sante/kine/demorand-bronchiolite-et-kinesitherapie-halte-a-la-desinformation-14-11-2019-2347474_2467.php">certains rédigés par des confrères</a>. </p>
<p>Alors, que penser de cette pratique, courante dans certains pays francophones européens mais peu employée ailleurs ? </p>
<p>Comme souvent, la passion des débats relègue au second plan la précision de l’information. Les arguments relayés sont scientifiquement imprécis et débouchent sur des conclusions inexactes. Explications.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1204695272007380992"}"></div></p>
<h2>La bronchiolite, une infection d’évolution généralement favorable</h2>
<p>Nez qui coule, toux, sifflement, difficultés respiratoires, difficultés alimentaires… Chaque année, en France, <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/bronchiolite/la-maladie/#tabs">480 000 bambins (soit 30 % de la population des nourrissons) sont touchés par la bronchiolite</a>, affection respiratoire aiguë entraînant une inflammation du nez et de la gorge <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMc1601509?url_ver=Z39.88-2003&rfr_id=ori%3Arid%3Acrossref.org&rfr_dat=cr_pub%3Dpubmed">puis des bronches et des bronchioles</a> chez les enfants de moins de 12 mois. Au-delà de cet âge, un tableau clinique équivalent sera qualifié d’asthme du nourrisson.</p>
<p>Le pic épidémique de cette maladie virale, causée <a href="https://insights.ovid.com/crossref?an=00006454-201309000-00011">dans 60 à 90 % des cas</a> par le <a href="http://www.infectiologie.com/UserFiles/File/medias/JNI/2004/CP/CP02-04-Grimprel-jni04.pdf">virus respiratoire syncitial</a> (VRS), est généralement atteint entre décembre et janvier. <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(16)30951-5/fulltext">D’évolution favorable au bout d’une dizaine de jours</a> dans l’extrême majorité des cas, la bronchiolite représente tout de même <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/bronchiolite/documents/bulletin-national/bulletin-epidemiologique-bronchiolite-bilan-de-la-surveillance-2018-19">7 % des consultations auprès de SOS Médecin et 13 % des passages aux urgences</a> (lesquels sont suivis dans 36 % des cas d’une hospitalisation).</p>
<p>Heureusement, dans notre pays la mortalité liée à cette affection est extrêmement faible (<a href="http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2017/31/pdf/2017_31_3.pdf">2,6 décès pour 100 000 cas</a>), et concerne des sujets vulnérables présentant souvent d’autres maladies associées. Il est cependant important de savoir <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-11/hascnpp_bronchiolite_fiche_outil_conseils_surveillance_parents_2019.pdf">identifier les signes de gravité</a>, car dans la bronchiolite, l’état clinique peut s’améliorer ou se <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(16)30951-5/fulltext">dégrader rapidement</a>.</p>
<p>Alors que l’inflammation des voies respiratoires conduisant à la toux et à une gêne respiratoire est présente systématiquement, l’examen clinique ne révèle pas toujours d’encombrement bronchique lié à des sécrétions.</p>
<h2>Comment traiter la bronchiolite ?</h2>
<p>La réponse tient en cinq mots : on ne la traite pas. En effet, dans la majorité des cas, l’enfant guérira seul. C’est pourquoi, lors d’un premier épisode <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/p_3118113/fr/prise-en-charge-du-1er-episode-de-bronchiolite-aigue-chez-le-nourrisson-de-moins-de-12-mois">il n’est pas recommandé</a> de prescrire d’antibiotiques, d’anti-inflammatoires, ou d’autres médicaments.</p>
<p><a href="https://www.has-sante.fr/jcms/p_3118113/fr/prise-en-charge-du-1er-episode-de-bronchiolite-aigue-chez-le-nourrisson-de-moins-de-12-mois">Certaines situations particulières</a>, comme la présence d’une infection bactérienne par exemple, pourront cependant entraîner la prescription d’un traitement mais sont rares. Si c’est le cas, il s’agit d’une décision médicale qui varie selon la situation.</p>
<p>En France, et dans quelques autres pays européens francophones comme la Belgique et la Suisse, les enfants chez qui le médecin diagnostique une bronchiolite peuvent se voir prescrire plusieurs séances de kinésithérapie respiratoire.</p>
<p>Cette approche est si répandue que dans ces pays, la kinésithérapie est usuellement enseignée en formation initiale aux futurs kinésithérapeutes. Pourtant, ailleurs, la kinésithérapie respiratoire ne fait pas partie des pratiques recommandées, aux <a href="http://dx.doi.org/10.1542/peds.2014-2742">États-Unis</a>, <a href="https://www.bmj.com/content/350/bmj.h2305">au Royaume-Uni</a>, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4235450/">au Canada</a>, en <a href="http://dx.doi.org/10.1186/1824-7288-40-65">Italie</a> ou encore en <a href="http://dx.doi.org/10.1186/s12874-018-0478-x">Australie et en Nouvelle-Zélande</a>, on ne recommande pas l’utilisation de la kinésithérapie respiratoire.</p>
<p>Et pour cause : bien que la kinésithérapie respiratoire soit prescrite usuellement en France, sa pertinence repose sur un cortège de preuves relativement pauvres.</p>
<h2>Les nouvelles recommandations de la HAS</h2>
<p>Les dernières recommandations de bonnes pratiques de la HAS concernant la prise en charge de la bronchiolite dataient de l’an 2000. On pouvait notamment lire dans le document concerné que</p>
<blockquote>
<p>« l’indication de la kinésithérapie respiratoire dans les bronchiolites aiguës du nourrisson est basée sur la constatation de l’amélioration clinique franche qu’elle entraîne et repose sur un avis d’experts ».</p>
</blockquote>
<p>Or à cette époque, les preuves scientifiques manquaient cruellement. Au cours des 19 années qui se sont écoulées depuis l’écriture de ce texte, plusieurs essais cliniques ont permis d’étoffer les données scientifiques. Si elles restent encore relativement faibles (et concernent principalement les nourrissons hospitalisés), elles ont toutefois permis d’édicter des <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/p_3118113/fr/prise-en-charge-du-1er-episode-de-bronchiolite-aigue-chez-le-nourrisson-de-moins-de-12-mois">recommandations beaucoup plus claires</a>.</p>
<p>En résumé, en cas de premier épisode de bronchiolite :</p>
<ul>
<li><p>Le désencombrement des bronches par kinésithérapie n’est généralement pas recommandé, mais peut être envisagé si l’enfant présente d’autres pathologies (par exemple une pathologie respiratoire chronique, ou une pathologie neuromusculaire) ;</p></li>
<li><p>Les techniques anciennes de désencombrement bronchique dites « anglo-saxonnes » (vibration, <em>clapping</em> et drainage postural), déjà exclues des recommandations de 2000, sont définitivement proscrites et ne doivent plus être utilisées ;</p></li>
<li><p>Il est nécessaire de désobstruer les voies aériennes supérieures (nez et gorge) pour optimiser la respiration du nourrisson. Si aucune technique n’a démontré une supériorité par rapport à une autre, en revanche les aspirations nasopharyngées ne sont pas recommandées.</p></li>
</ul>
<h2>Faut-il abandonner la kinésithérapie dans la prise en charge de la bronchiolite ?</h2>
<p>La réponse est non. En effet, ces recommandations ne concernent pas la kinésithérapie au sens large, mais bien le seul désencombrement bronchique (qui n’est plus recommandé, mais n’est pas systématiquement contre-indiqué pour autant). Or, la kinésithérapie ne se résume pas uniquement au désencombrement bronchique, et le kinésithérapeute n’est pas simplement l’effecteur d’une technique visant à désencombrer les bronches !</p>
<p>En tant que professionnel de premier recours, le kinésithérapeute est un acteur important de l’organisation des soins en ville. À ce titre, il s’inscrit pleinement dans la <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-11/hascnpp_bronchiolite_texte_recommandations_2019.pdf">prise en charge pluridisciplinaire décrite par la HAS</a>, pour le suivi des enfants en ville et l’éducation des parents. Pour cette raison, les <a href="https://www.ars.sante.fr/">agences régionales de santé</a> financent depuis de nombreuses années des « réseaux bronchiolite » pour faire face aux épidémies saisonnières. Leur objectif est de mettre en relation parents, médecins et kinésithérapeutes 7 jours sur 7, pour faciliter l’accès aux soins.</p>
<p>Au cours d’une séance de kinésithérapie, le praticien est en mesure de réaliser un interrogatoire complet et une évaluation clinique systématique qui lui permettront de retrouver d’éventuels critères de vulnérabilité du nourrisson et d’évaluer le niveau de gravité de la bronchiolite. Il profitera de cette séance pour désobstruer les voies aériennes supérieures pour optimiser la respiration du nourrisson, chez qui la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/000992280104001006">respiration nasale est prédominante</a>. Après avoir pratiqué au préalable un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/apa.13282">lavage du nez</a> au <a href="http://journals.tubitak.gov.tr/medical/issues/sag-16-46-4/sag-46-4-10-1507-18.pdf">sérum physiologique</a>, il pourra employer une technique de drainage rhinopharyngé (qui consiste à faire renifler l’enfant ou, à l’inverse, le faire se moucher).</p>
<p>Surtout, le kinésithérapeute répondra aux questions des parents et leur indiquera les conduites à tenir afin d’améliorer l’évolution de l’enfant et de diminuer les risques de survenue d’un autre épisode de bronchiolite. Ce rôle est d’autant plus important que la prise en charge de la bronchiolite est avant tout une question de surveillance, de suivi et d’éducation. Votre kiné vous donnera des conseils et vous indiquera quels sont les signes à surveiller. Ce qui pourrait vous éviter une visite superflue aux urgences.</p>
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<p><em>Pour en savoir plus : Quelques <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-11/hascnpp_bronchiolite_fiche_outil_conseils_surveillance_parents_2019.pdf">conseils de surveillance pour les parents</a>, et comment <a href="https://www.ameli.fr/isere/assure/sante/bons-gestes/petits-soins/pratiquer-lavage-nez-enfant">laver le nez d’un nourrisson</a> pour l’aider à mieux respirer.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127191/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marius Lebret est co-fondateur d'un organisme destiné à la formation des kinésithérapeutes et ne déclare aucun autre lien d'intérêt potentiel avec la thématique.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Yann Combret a fait partie du groupe de travail dans le cadre de l'élaboration des recommandations de bonnes pratiques par la Haute Autorité de Santé. Il est formateur occasionnel pour un organisme destiné à la formation des kinésithérapeutes.</span></em></p>L’utilisation de la kinésithérapie pour traiter la bronchiolite chez les nourrissons divise. Alors que la Haute autorité de santé publie ses nouvelles recommandations, que penser ?Marius Lebret, Postdoctoral research fellow et Kinésithérapeute, Université LavalYann Combret, Kinésithérapeute, Doctorant, Groupe de Recherche en Kinésithérapie Respiratoire (GRKR) ; Institut de Recherche et d'Expérimentation Clinique (IREC), Université catholique de Louvain (UCLouvain)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1182792019-06-05T04:31:58Z2019-06-05T04:31:58ZÉtude : la pollution de l’air intérieur, un problème méconnu par un Français sur deux<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/277908/original/file-20190604-69075-1tnzixc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Aérer quotidiennement son logement, une action essentielle pour lutter contre la pollution de l’air intérieur. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/man-opening-window-home-refresh-room-621144887?src=Y0tvhg_oFAvShqEio_g9hw-1-7">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La pollution de l’air intérieur est restée relativement méconnue jusqu’au début des années 2000, contrairement à <a href="https://theconversation.com/la-pollution-de-lair-un-probleme-pour-92-de-la-population-urbaine-mondiale-70855">celle de l’air extérieur</a>, réglementée depuis des décennies et davantage médiatisée. Or, dans les climats tempérés, nous passons en moyenne 85 % du temps dans des environnements clos – logements, écoles, bureaux, transports… –, où nous pouvons être exposés à de nombreux polluants.</p>
<p>La question de la qualité de l’air intérieur est ainsi devenue une préoccupation majeure de santé publique partout dans le monde.</p>
<p>L’air – intérieur ou extérieur – est estimé pollué lorsqu’un agent chimique, physique ou biologique vient modifier les caractéristiques naturelles de l’atmosphère. Parmi les polluants les plus nocifs pour la santé, les matières particulaires (elles sont formées d’un mélange complexe de particules solides et liquides de substances organiques et minérales en suspension dans l’air : sulfates, nitrates, ammoniac, chlorure de sodium, carbone, matières minérales et eau), le monoxyde de carbone, l’ozone, le dioxyde d’azote et le dioxyde de soufre.</p>
<p>Outre les apports de l’air extérieur, les sources potentielles de pollution dans les bâtiments sont nombreuses : appareils à combustion, matériaux de construction, produits d’entretien, peintures, tabagisme, acariens, etc.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/h24-confines-a-la-maison-quatre-conseils-pour-limiter-la-pollution-de-lair-chez-soi-75237">H24 confinés à la maison, quatre conseils pour limiter la pollution de l’air chez soi</a>
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<h2>Un coût sanitaire et socio-économique exorbitant</h2>
<p>La pollution de l’air est l’un des principaux risques environnementaux mondiaux et le 4<sup>e</sup> plus gros facteur de <a href="https://www.oecd.org/fr/environnement/indicateurs-modelisation-perspectives/Consequences-economiques-de-la-pollution-air-exterieur-essentiel-strategique-web.pdf">risque de mortalité dans le monde</a>. Elle est à l’origine de maladies respiratoires et cardiovasculaires, de cancers, d’allergies et d’asthme, mais aussi indirectement de baisses de la productivité (confort, bien-être au travail…).</p>
<p>Jusqu’à 8 fois <a href="http://www.oqai.fr/userdata/documents/521_Guide_Qualitel.pdf">plus pollué que l’air extérieur</a>, l’air intérieur a entraîné 3,8 millions de décès prématurés dans le monde en 2016. En France, l’<a href="http://www.oqai.fr/ModernHomePage.aspx">OQAI</a> juge sa qualité mauvaise dans 60 % des logements et note que 34 % des locaux tertiaires (soit un bureau sur deux et trois salles de classe sur cinq) ne sont pas équipés d’un dispositif de ventilation et de traitement de l’air.</p>
<p>Les conséquences peuvent être lourdes pour la collectivité qui doit supporter un coût de quelque <a href="http://www.oqai.fr/userdata/documents/449_Rapport_Cout_economique_PAI_Avril2014.pdf">19 milliards d’euros</a> entre les décès prématurés, la prise en charge des soins, les pertes de productivité au travail… Parmi les publics les plus exposés, les <a href="http://www.oqai.fr/userdata/documents/527_PPT_Atelier_OQAI_Juin_2018_ECOLES.pdf">enfants</a> et leurs 40 respirations/minute (contre 16 pour un adulte) motivent à traiter en priorité la qualité de l’air intérieur des espaces clos <a href="https://www.eyrolles.com/BTP/Livre/batir-pour-la-sante-des-enfants-9789992017760/">accueillant un jeune public</a>.</p>
<p><a href="https://www.veolia.com/fr/newsroom/dossiers-thematiques/ameliorer-qualite-air">Une étude</a>, réalisée par Elabe pour le groupe Veolia et publiée ce 5 juin à l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement portant cette année sur la pollution de l’air, a été conduite auprès de milliers de citoyens en France, en Belgique et à Shanghai. Il s’agit d’évaluer l’état des connaissances du grand public sur la question de la pollution de l’air intérieur. Voici les principaux enseignements de cette enquête.</p>
<h2>Prise de conscience et manque d’informations</h2>
<p>Si 90 % des Français considèrent que leur état de santé est impacté par la qualité de l’air qu’ils respirent à leur domicile, dans les transports et les bâtiments publics, la plupart évaluent mal le risque sanitaire et sous-estiment la pollution de l’air intérieur, notamment dans les lieux privés.</p>
<p>Ainsi, 52 % sont « surpris » (dont 14 % « très surpris ») d’apprendre que nous sommes davantage exposés à la pollution de l’air à l’intérieur de notre logement et des bâtiments que nous fréquentons qu’à l’extérieur. Voire même trois sur quatre estiment que l’air qu’ils respirent à l’intérieur de leur logement est de bonne qualité. A contrario, la qualité de l’air intérieur des lieux ouverts au public ou de passage divise ou interroge : moins d’un Français sur deux y juge l’air de bonne qualité.</p>
<p>Le sentiment de manquer d’informations prévaut en matière de prévention, de mesure de la qualité de l’air intérieur, de solutions et d’impact sanitaire : moins d’un Français sur deux considère être bien informé sur les gestes à adopter. Sur le terrain des solutions de mesure et de traitement, 67 % se disent mal informés sur les moyens disponibles et près de deux sur cinq ignorent purement et simplement l’existence des capteurs de mesure et des appareils de ventilation et de filtration qui se déclenchent automatiquement en fonction de la qualité de l’air intérieur.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/278040/original/file-20190605-40738-r8xwh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/278040/original/file-20190605-40738-r8xwh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/278040/original/file-20190605-40738-r8xwh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/278040/original/file-20190605-40738-r8xwh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/278040/original/file-20190605-40738-r8xwh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/278040/original/file-20190605-40738-r8xwh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/278040/original/file-20190605-40738-r8xwh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/278040/original/file-20190605-40738-r8xwh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">Étude Elabe/Veolia 2019</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Des résultats assez comparables à ceux de la Belgique, où 60 % des sondés sont surpris (dont 16 % très surpris) d’apprendre que l’exposition à la pollution de l’air intérieur est plus importante. Ainsi, trois Belges sur quatre estiment que l’air qu’ils respirent à l’intérieur de leur logement est de bonne qualité. Une évaluation significativement plus positive que pour l’air extérieur, jugé de mauvaise qualité par un sur deux au niveau du pays et par plus d’un sur trois pour leur quartier ou leur commune (contre deux Français sur cinq au niveau du pays et moins de trois sur dix au niveau de la commune).</p>
<p>À Shanghai, les résidents établissent majoritairement un lien entre leur santé et la qualité de l’air qu’ils respirent, à l’extérieur comme à l’intérieur de leur domicile ou des bâtiments qu’ils fréquentent. Ils sont 95 % à considérer que leur état de santé est impacté par la qualité de l’air qu’ils respirent chez eux, dans les transports et les bâtiments ouverts au public.</p>
<p>Pourtant, de la conscience de l’enjeu à la bonne information, il y a un pas qui n’est pas encore franchi. S’ils déclarent en majorité avoir connaissance des gestes de prévention (76 %), de la qualité de l’air intérieur des lieux qu’ils fréquentent (55 %) et des moyens disponibles pour l’améliorer (64 %), la plupart des sondés évaluent mal le risque sanitaire et sous-estiment la pollution de l’air intérieur, dans les lieux privés comme dans les bâtiments publics.</p>
<h2>Comment améliorer la situation ?</h2>
<p>L’OMS estime que le coût de la pollution de l’air pourrait s’élever à plus de <a href="http://www.oecd.org/fr/env/la-pollution-de-l-air-pourrait-causer-entre-6-et-9-millions-de-deces-prematures-et-couter-1-du-pib-d-ici-2060.htm">1 % du PIB mondial en 2060</a>. Un défi sanitaire qui requiert l’implication de tous les acteurs de la qualité de l’air intérieur – de la régulation, de l’information et des solutions – comme le confirme une grande majorité des sondés dans les pays couverts par l’étude Elabe/Veolia.</p>
<p>En France, les ministères de l’Environnement et de la Santé ont lancé en 2013 le <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/qualite-lair-interieur">plan d’actions sur la qualité de l’air intérieur</a>. Avec, entre autres temps forts, la mise en œuvre d’une surveillance dans certains établissements publics, dont les écoles et les crèches. Depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2018, elle est devenue obligatoire dans les crèches et les écoles maternelles et élémentaires. Elle sera généralisée à tous les établissements de ce type à partir du 1<sup>er</sup> janvier 2023.</p>
<p>Si l’ensemble des acteurs, publics et privés, à tous les niveaux jusqu’au plus local ont un rôle à jouer en matière d’amélioration de la qualité de l’air intérieur, les Français considèrent à 45 % (selon l’étude Elabe/Veolia) que l’État a un rôle « très important » à jouer et que la réglementation est, pour 85 % d’entre eux, un levier « important » ou « très important ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118279/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Victoria est directeur du développement durable de l’entreprise Veolia. </span></em></p>Si les dangers de la pollution de l’air extérieur sont aujourd’hui bien connus, ceux relatifs à l’air que l’on respire dans les espaces clos le sont beaucoup moins, révèle une étude internationale.Pierre Victoria, Professeur associé en développement durable, Sciences Po RennesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/788062017-06-05T19:10:49Z2017-06-05T19:10:49ZMême fermées, les mines françaises continuent de faire des victimes<p>En avril 2004, la dernière mine de France – le puits de la Houve situé à Creutzwald en Lorraine – ferme définitivement ses portes. Neuf années plus tard, en juin 2013, 755 mineurs et cokiers de la région déposent une plainte contre les Charbonnages de France pour les avoir exposés à des produits toxiques, à l’origine de maladies professionnelles graves.</p>
<p>En 2016, les prud’hommes de Forbach leur donnent raison et accordent à chacun d’entre eux mille euros de dommages et intérêts. Jugeant cette somme très insuffisante au regard des risques encourus et du <a href="https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/prejudice-d-anxiete-755-mineurs-de-charbon-de-moselle-devant-la-cour-d-appel-1494604459">préjudice d’anxiété</a>, ils décident de faire appel de la décision. Le procès en appel s’est déroulé le <a href="http://www.republicain-lorrain.fr/edition-de-metz-ville/2017/05/12/photos-metz-le-proces-de-charbonnage-de-france-delocalise-sur-le-campus-du-saulcy">12 mai dernier</a> ; son verdict est attendu pour le 7 juillet prochain.</p>
<p>Entre 2013 et 2017 plusieurs plaignants sont décédés de certaines des maladies redoutées – cancers du poumon, de la vessie, de la peau, notamment. Soutenus par la CFDT, qui estime à 150 000 le nombre d’hommes du charbon morts de silicose ou d’autres maladies respiratoires depuis 1945, ils réclament des compensations allant de 15 000 à 30 000 euros.</p>
<p>Dans leur travail souterrain, les gueules noires ont depuis toujours été confrontées à de multiples dangers.</p>
<h2>Un environnement particulièrement dangereux</h2>
<p>En premier lieu, ils sont menacés par l’eau, qui provoque des inondations dévastatrices comme celle dont est victime le petit Rémi dans le roman <em>Sans famille</em> (1878) d’Hector Malot, lorsque les flots tumultueux de La Truyère envahissent les galeries cévenoles.</p>
<p>Dans les profondeurs de la terre, il y a aussi du gaz qui s’accumule. Ce grisou qui emporta un matin de mars 1906 <a href="http://fresques.ina.fr/memoires-de-mines/fiche-media/Mineur00154/catastrophe-de-courrieres-la-sortie-des-survivants.html">à Courrières, près de 1 100 hommes</a>. Les travailleurs du fond doivent également compter avec la terre et ses éboulements qui peuvent à tout moment les ensevelir. Enfin, ils ne doivent jamais oublier le danger représenté par le feu qui enflamme les poussières suspendues dans l’air vicié des galeries. Dans les profondeurs des mines de Commentry, un feu a brûlé de 1840 à 1901 sans qu’il ait été possible de l’éteindre.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/172095/original/file-20170603-20563-18moysz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/172095/original/file-20170603-20563-18moysz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/172095/original/file-20170603-20563-18moysz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/172095/original/file-20170603-20563-18moysz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/172095/original/file-20170603-20563-18moysz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/172095/original/file-20170603-20563-18moysz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/172095/original/file-20170603-20563-18moysz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Auguste Berthou, le dernier survivant de la catastrophe de Courrières, sorti après une vingtaine de jours passés sous terre.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Catastrophe_de_Courri%C3%A8res#/media/File:Catastrophe_de_Courri%C3%A8res_-_Berthou,_le_dernier_survivant,_24_jours_dans_la_Mine_en_feu.jpg">Jérémy Jännick/Wikipedia</a></span>
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</figure>
<p>Avec l’avènement de l’extraction industrielle de la houille, dès les premières décennies du XIX<sup>e</sup> siècle, les conditions dans lesquels travaillent les mineurs sont non plus seulement dangereuses, mais aussi à l’origine de maladies spécifiques qui s’aggravent avec le temps et l’accroissement de la mécanisation.</p>
<h2>Les maladies de la mine</h2>
<p>En 1833, le docteur Valat, médecin des Houillères de <a href="http://www.mairie-la-machine.fr/le-musee-de-la-mine">La Machine</a> (Nièvre) souligne que « le labeur dans les mines prédispose excessivement aux maladies ». Fièvres, rhumatismes et plaies purulentes, sont loin d’être les maux les plus graves dont souffrent les hommes du charbon.</p>
<p><a href="http://sante.lefigaro.fr/sante/symptome/nystagmus/quest-ce-que-cest">Le nystagmus</a> est un tremblement intempestif de l’œil provoqué par la nécessité qu’ont ces ouvriers de diriger, en permanence, leur regard vers le haut et en arrière. Les parasites intestinaux, à l’origine d’hémorragies internes, sont également très répandus dans des galeries dépourvues de toilettes.</p>
<p>Mais la silicose est la plus invalidante et à la longue la plus destructrice des maladies induites par le labeur souterrain. À cinquante-huit ans, le vieux Bonnemort – le père de Catherine Maheu, l’héroïne de <a href="http://www.espacefrancais.com/emile-zola-germinal-1885/"><em>Germinal</em></a> (1885), le roman de Zola –, reste ainsi assis devant sa porte, incapable de travailler, toussant et crachant des glaires noirâtres. Sa pneumoconiose, ou silicose, est causée par une accumulation dans les alvéoles pulmonaires de poussières de silice. En se durcissant, elles gênent, puis empêchent la respiration du malade, qui finit par mourir étouffé.</p>
<iframe frameborder="0" marginheight="0" marginwidth="0" scrolling="no" src="https://fresques.ina.fr/memoires-de-mines/export/player/Mineur00165/360x270" width="100%" height="320" allowfullscreen=""></iframe>
<p><br>
L’introduction des marteaux-piqueurs, dans les années 1930, est à l’origine d’une très importante augmentation de la quantité de poussière présente dans l’air sur les fronts de taille. Leur usage excessif, tout particulièrement à la Libération pendant la <a href="http://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2017/05/11/tv-la-bataille-du-charbon-du-sang-sur-les-gueules-noires_5126346_1655027.html">Bataille du charbon</a>, a eu pour résultat une augmentation du nombre de mineurs touchés par la silicose et l’aggravation de la maladie. Dans les années 1950, une légère amélioration est obtenue grâce à l’injection d’eau dans ces outils. Celle-ci permet de réduire légèrement les effets nocifs de la poussière dégagée par la mécanisation du travail.</p>
<p>Reconnue comme <a href="http://fresques.ina.fr/memoires-de-mines/fiche-media/Mineur00164/la-silicose-maladie-professionnelle-du-mineur.html">maladie professionnelle en 1945</a>, son dépistage systématique ne commence cependant qu’en 1954. Pour les travailleurs, le plus difficile sera de faire reconnaître par les médecins du travail leur état et la gravité de celui-ci (silicosés à 10, 20, 50, voire 100 %) et donc de bénéficier d’une prise en charge de leurs soins. Les compagnies houillères, tout comme Charbonnages de France, auront toujours tendance à sous-estimer l’ampleur du mal dont souffrent leurs employés. En 1998, la silicose faisait 900 morts par an.</p>
<p>Qu’ils travaillent en Europe (Pologne, Bulgarie…), en Asie (Chine, Vietnam…), en Amérique latine (Bolivie, Chili…) ou encore en Afrique du Sud, les mineurs – quelles que soient les substances qu’ils ont la tâche d’extraire – triment toujours dans des conditions d’une extrême précarité. Ils sont également exposés à de nombreuses maladies, dont beaucoup sont très invalidantes. Leurs existences sont ainsi très semblables à celles que les décrivaient en 1904 dans <em>Subterra</em>, le <a href="http://www.persee.fr/doc/carav_0008-0152_1976_num_27_1_2058">Zola chilien Baldomero Lillo</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78806/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Diana Cooper-Richet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En saisissant le 12 mai dernier la Cour d’appel de Metz, des centaines d’anciens mineurs ont mis à nouveau en lumière la dangerosité de cette activité d’extraction pour la santé humaine.Diana Cooper-Richet, Chercheur au Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/751592017-03-29T19:42:05Z2017-03-29T19:42:05ZLe blues des marketers de l’industrie du tabac<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/162939/original/image-20170328-3819-vv9td8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C159%2C2026%2C1370&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Paquets neutres, France mars 2017.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/33470564532/in/photolist-SZFoJQ-37fGU8-6jM9L3-4x5BG2-5UKnkx-FMFisa-4s2YRp-eyHVRo-D9rGnx-auQEps-SUUj4R-FMFuFH-p7T9vK-oMMrdQ-hR934-8AA2d5-ESqVGk-4r92kY-4HthzY-5b7Xnc-9HrpyB-5ojLyi-akh9JQ-p5f8SQ-dXzmbC-4zn9is-p5h5oK-p51Rzz-PntwA-oMMqtJ-5jdYXm-p3fcHb-p5h5d4-8TUB63-5jdVNf-5j9KxD-agdpCc-duwMy5-x6jF-oMMqmE-9qYY3a-p5f9bq-5j9B14-pkKJjS-oMMWDk-aDX9qy-qmrtE-2jqc-aSUqzR-fS3Snn">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2017, seuls les paquets neutres sont autorisés à la vente en France. Cette mesure vient s’ajouter à une longue tradition de réglementations anti-tabac initiée par la loi Evin en 1991 et dont un des temps forts avait été, il y a 10 ans, l’interdiction de fumer dans les lieux publics. L’idée que le tabac est un produit nocif pour la santé, voire meurtrier, est désormais bien ancrée dans l’opinion publique.</p>
<p>Les marketers travaillant dans l’industrie du tabac se retrouvent donc dans une position délicate du point de vue de l’éthique puisqu’ils commercialisent un produit dont la consommation est nocive pour le consommateur. Comment vivent-ils une telle situation ?</p>
<h2>Des « vendeurs de mort » pris à parti de toutes parts</h2>
<p>Accès restreint à la cigarette, hausses de prix successives, campagnes de communication dénonçant les méfaits du tabac sur la santé, inscription de « Fumer tue » en gros caractères sur les paquets… les nombreuses offensives anti-tabac menées par l’État ont véritablement « dénormalisé » la consommation du tabac. Celle-ci n’est en effet plus considérée comme acceptable.</p>
<p>De plus, les procès retentissants menés par les associations de consommateurs contre les fabricants de cigarettes, notamment aux États-Unis, ont eu pour conséquence de déplacer la responsabilité du fumeur vers celle du fabricant. Ils ont jeté le discrédit sur les pratiques de ces organisations, notamment en termes de transparence de l’information. Celles-ci auraient gardé le silence sur le caractère nocif et addictif du produit.</p>
<p>Les nouvelles mesures gouvernementales s’attaquent avec encore plus de virulence au marketing du tabac. Le paquet neutre consiste ainsi à supprimer des paquets les attributs visibles et distinctifs de la marque comme ses couleurs et son logo. Par ailleurs, Vogue, Gold, Allure… ces marques aux dénominations trop attractives, vont être interdites en France. Outre la responsabilité du fabricant, c’est bien celle du marketing qui est pointée du doigt.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/162941/original/image-20170328-3824-1usj3sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/162941/original/image-20170328-3824-1usj3sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/162941/original/image-20170328-3824-1usj3sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/162941/original/image-20170328-3824-1usj3sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/162941/original/image-20170328-3824-1usj3sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/162941/original/image-20170328-3824-1usj3sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/162941/original/image-20170328-3824-1usj3sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/162941/original/image-20170328-3824-1usj3sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/131109754@N04/16427375232/in/photolist-r2CAks-gaWMGy-bWQGU-aNUoD-2KwzhL-cujWtu-9YChLZ-955bn7-5RLFqH-kTDwc-p2JYR-hoDF-essWW-fmXy7c-nQMNQC-4tgs4L-4CWBko-s8dPtv-7afQKS-my2i4i-cGtWcE-6GZfaZ-76DRZn-g5LvKo-MXPVPH-oJ7V3N-6NGgwj-bMk2TX-39LCQy-aiBtg9-61MFZW-8gKi7X-6qugtQ-emT2X-9Y8WeF-55cjkU-7NUJww-ahbVPW-9H2vDg-cdvXhy-62xHGz-dz6AdD-8gKhBK-fp2yr6-a5RPFn-9D9cjC-btTEZa-oMMgsg-6JNMXp-q5ASVw">Ron Cruz/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Parce que les normes sociétales sont désormais très hostiles au tabac et à son marketing, les marketers de ce secteur sont devenus l’objet d’attaques multiples. Ils sont pris à partie de toutes parts. « Au ministère des Finances, c’est comme ça qu’on avait été accueillis : « Voilà les vendeurs de mort » confie l’une d’entre eux. « Les méchants », « les mauvais »… tels sont les autres qualificatifs qui les désignent.</p>
<p>En commercialisant des produits nocifs, les marketers sont au cœur d’un conflit opposant d’une part les normes de la société résolument anti-tabac et celles de leur entreprise dont la mission est de promouvoir le tabac. En d’autres termes, ils sont amenés à transgresser les normes sociétales pour le compte de leur organisation. Les situations gênantes se multiplient et ce conflit de normes peut être particulièrement difficile à vivre pour les marketers.</p>
<p>Du cabinet de recrutement aux cercles amicaux, ils sont confrontés à la même question : « Mais ça ne vous a pas posé problème de vendre des produits qui peuvent provoquer le cancer ? ».</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/162942/original/image-20170328-3793-12s72qx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/162942/original/image-20170328-3793-12s72qx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/162942/original/image-20170328-3793-12s72qx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/162942/original/image-20170328-3793-12s72qx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/162942/original/image-20170328-3793-12s72qx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/162942/original/image-20170328-3793-12s72qx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/162942/original/image-20170328-3793-12s72qx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/162942/original/image-20170328-3793-12s72qx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/xxvaughanxx/3745612739/in/photolist-6GZfaZ-76DRZn-g5LvKo-MXPVPH-oJ7V3N-6NGgwj-bMk2TX-39LCQy-aiBtg9-61MFZW-8gKi7X-6qugtQ-emT2X-9Y8WeF-55cjkU-7NUJww-ahbVPW-9H2vDg-cdvXhy-62xHGz-dz6AdD-8gKhBK-fp2yr6-a5RPFn-9D9cjC-btTEZa-oMMgsg-6JNMXp-q5ASVw-646w7n-8BnLas-6JSSfS-3F7yF-ahbVQG-95Z7S8-mHb7M-b1DTgg-ces9K7-ffALTu-z5SS-ahbVPf-gok74-5RihQE-osjFJ2-4QBa1F-4htzh9-5ssTnv-56wGRo-LG1HU-sHH89">chris vaughan/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Comment un individu « ordinaire », respectueux de la morale dominante, peut-il adopter des conduites apparaissant comme non éthiques aux yeux de tous ? Différentes recherches en psychologie sociale et en sociologie ont cherché à comprendre un tel phénomène. La clef du mystère résulte dans les mécanismes de justification déployés par les individus pour combler l’incohérence dans laquelle ils se trouvent : respecter les normes sociales dominantes tout en devant, dans un certain contexte, commettre des actes qui vont à leur encontre.</p>
<p>Selon les sociologues de la déviance <a href="http://bit.ly/2mPuglH">Sykes et Matza</a> (1957), ces mécanismes permettent aux individus commettant des déviances de se protéger de la condamnation morale et de limiter leur culpabilité, en neutralisant l’idée que celles-ci sont problématiques. Ils ont ainsi identifié cinq « techniques de neutralisation » couramment utilisées par les individus déviants pour se protéger : le déni de la responsabilité, le déni des dommages, le déni des victimes, la condamnation des accusateurs et l’appel à des loyautés supérieures.</p>
<p>Initialement destinés à étudier la délinquance juvénile, ces travaux sont devenus une référence incontournable pour étudier des formes très variées de déviances, notamment dans le domaine des affaires.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/163091/original/image-20170329-1642-1mxo95b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/163091/original/image-20170329-1642-1mxo95b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/163091/original/image-20170329-1642-1mxo95b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/163091/original/image-20170329-1642-1mxo95b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/163091/original/image-20170329-1642-1mxo95b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/163091/original/image-20170329-1642-1mxo95b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/163091/original/image-20170329-1642-1mxo95b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/163091/original/image-20170329-1642-1mxo95b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>S’inspirant de ces travaux, <a href="http://bit.ly/2o1QhNL">notre étude</a> s’intéresse à la spécificité des arguments mobilisés par les marketers du tabac pour gérer leur position inconfortable sur le plan éthique.</p>
<h2>La réaction des marketers face à la pression sociale</h2>
<p>Les entretiens que nous avons menés avec des marketers du tabac font ressortir que ces derniers ont deux manières de vivre la condamnation morale dont ils font l’objet. Certains se déresponsabilisent en soulignant l’impuissance du marketing, paralysé par une législation excessive. D’autres expriment un cas de conscience permanent qu’ils peuvent gérer de différentes façons.</p>
<p><strong>1. Le marketer déresponsabilisé et affaibli par la loi</strong></p>
<p><strong>Des actions marketing excessivement limitées</strong> : l’argument principalement évoqué est que la contrainte légale est si forte qu’elle limite considérablement l’action du marketing et par là, la responsabilité du marketer. L’un d’entre eux explique :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai pas le temps d’avoir des problèmes éthiques puisque moi, on m’interdit de faire quoi que ce soit avant d’avoir un cas de conscience. »</p>
</blockquote>
<p>La réglementation empêche dorénavant les contacts avec les consommateurs :</p>
<blockquote>
<p>« On n’a plus le droit de communiquer avec les consommateurs. Donc la seule chose qu’on fait, c’est qu’on communique avec les professionnels, avec les buralistes. »</p>
</blockquote>
<p><strong>L’État hypocrite est responsable</strong> : en outre, des arguments sont avancés destinés à mettre en avant la responsabilité de l’État dont la posture est jugée hypocrite. L’État souhaite-t-il vraiment diminuer la consommation de tabac ? Ne cherche-t-il pas surtout à préserver une activité qui est profitable pour lui à travers les taxations opérées sur le produit ? Il prendrait ainsi des mesures visibles aux yeux de la société civile (par exemple, la hausse du prix des cigarettes, le paquet neutre) mais inefficaces (comme des hausses de prix insuffisantes pour faire stopper les fumeurs).</p>
<blockquote>
<p>« Tous les ans, il y a une ou deux augmentations de prix fixées par l’État. Et elles sont faibles pour que le taux d’abandon ne soit pas trop important… C’est vraiment vicieux. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/162944/original/image-20170328-3815-12ozlvp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/162944/original/image-20170328-3815-12ozlvp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/162944/original/image-20170328-3815-12ozlvp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/162944/original/image-20170328-3815-12ozlvp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/162944/original/image-20170328-3815-12ozlvp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/162944/original/image-20170328-3815-12ozlvp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/162944/original/image-20170328-3815-12ozlvp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/162944/original/image-20170328-3815-12ozlvp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/digaospbr/2073833768/in/photolist-4afWwC-MFJVN-dsrsuC-4cm9hA-aixqy8-avguS-a6ps4c-iEoh9Z-i8wxh-9vs2L2-pdPw9t-nHVkRw-3amsnu-bEFce1-qK549Y-b1DMqP-cyLhD-8kZow-7SpuzK-9JFA2S-T2jGFF-2NvMQf-9mJZHW-fp2BiD-7BurH-5p5dGh-62zw9U-hR9EQ-4mNQ8s-p1qn3X-8vfDg7-5yBA8n-6Q8bi8-6VfN9V-9w3UxA-4TVF4M-7WQY9J-5ifpRG-df7y8B-4zn9MU-4S2Wa6-6QcgwU-56svxt-2NrhpT-SZFoJQ-37fGU8-6jM9L3-4x5BG2-5UKnkx-FMFisa">Rodrigo R N/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p><strong>« Le consommateur sait ce qu’il fait »</strong> : la responsabilité du consommateur est également invoquée. La dimension nocive de leur produit est clairement spécifiée sur les paquets de cigarettes à grand renfort d’images dissuasives et de mentions telles que « fumer tue ». On ne peut pas donc pas reprocher aux marketers travaillant dans le tabac de tromper leurs consommateurs ou de les intoxiquer à leur insu. Un responsable marketing se justifie de la sorte :</p>
<blockquote>
<p>« Mais le tabac en l’occurrence on nous rabâche tellement tout le temps que c’est super nocif, et on nous met des avertissements de 40 % ou de 60 % du paquet, qu’à un moment donné vous vous dites qu’il faut être complètement stupide ou illettré pour ne pas comprendre qu’il y a un risque. »</p>
</blockquote>
<p><strong>« Le marketing n’a pas d’incidence sur le fait de fumer »</strong> : pour mieux montrer l’absence de responsabilité des marketers, un autre argument avancé souligne le peu d’influence que le marketing a sur les comportements des consommateurs. L’incitation à fumer ne provient ainsi pas de la publicité faite par les fabricants de cigarettes mais de l’influence d’autres fumeurs, notamment au moment de l’adolescence qu’il s’agisse de proches ou de personnes célèbres auxquelles les jeunes s’identifient.</p>
<p>Ainsi, « le marketing, fait changer les gens de marque. Il ne fait pas aimer le tabac ». Cette idée n’est pas partagée par le gouvernement qui tente bien au contraire de démonter la puissante machine marketing et les stratégies de branding en résultant. L’avenir devrait nous dire ce qu’il en est du véritable pouvoir de la marque sur l’adoption d’un comportement de consommation. Un bilan sur les effets du paquet neutre sera instructif à cet égard.</p>
<p>Dans ces conditions, le marketer a le sentiment d’exercer un marketing diminué, vidé de son contenu et de son intérêt, ce qui génère un véritable blues professionnel. Et l’une d’entre eux de conclure : « On faisait un marketing différent. Il y a une différence avec le marketing tel qu’on le pratique dans d’autres secteurs. Dans le tabac, quand on fait du marketing, on n’est pas fiers ».</p>
<p><strong>2. Le blues existentiel du marketer</strong></p>
<p>Difficile tout de même pour les marketers d’échapper totalement à leurs responsabilités. Pour certains, la pression sociale est difficile à esquiver. Une jeune chef de produit raconte : « Une fois je me souviens j’étais à un dîner et il y avait un pneumologue… enfin… un médecin qui était là. Et c’était horrible parce qu’il m’avait demandé ce que je faisais et j’ai dû lui dire que j’étais dans le tabac et j’étais très très mal. Il m’avait regardée avec des yeux… j’avais l’impression que j’étais le diable en personne ».</p>
<p>Le malaise ne touche plus l’intérêt des postes marketing. Il dépasse le périmètre professionnel et la question de l’utilité du marketing pour prendre une ampleur existentielle. L’un d’entre eux confie à ce sujet : « Qu’est-ce que je fous là ? » À cette question, certains répondent en quittant le secteur :</p>
<blockquote>
<p>« C’est tellement pas anodin que des gens disaient « tu vends la mort », ce genre de remarque extérieure, moi au bout d’un moment j’assumais plus de travailler dans le tabac. »</p>
</blockquote>
<p>Celles et ceux qui restent dans cette activité se justifient au nom de motifs de nature économique.</p>
<p><strong>« Je n’avais pas le choix… »</strong> : c’est la nécessité qui les a poussés vers ce secteur honni : la crise économique, la pénurie d’emploi, les salaires pratiqués qui leur permettent de faire vivre leur famille. Les marketers invoquent la nécessité de gagner leur vie pour justifier leur entrée dans le secteur, la situation économique difficile venant renforcer le caractère contraint de leur choix. En outre, ils expriment également leur volonté d’exercer une fonction marketing, afin de développer leur expertise dans leur métier, à l’instar de cette chef de produit : « Moi j’avais aussi envie de faire du marketing. Alors oui. C’est pas top, c’est le tabac… mais au moins j’exerçais mon métier et voilà quoi. »</p>
<p><strong>Des conditions matérielles confortables</strong> : c’est encore les avantages matériels qui les font rester car les conditions financières, les carrières, les formations, un certain confort sont autant d’éléments qui les empêchent de quitter cette « prison dorée » et viennent compenser le « coût moral » qu’elle leur fait subir. L’un d’entre eux raconte :</p>
<blockquote>
<p>« Tu as de très beaux locaux, des séminaires à gogo… tu as toutes les formations que tu veux… Tu vois ce que j’allais dire : tu profites d’un système. Mais bon c’est une entreprise qui redistribue pour ses salariés. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/162945/original/image-20170328-3798-1tjn0t2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/162945/original/image-20170328-3798-1tjn0t2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/162945/original/image-20170328-3798-1tjn0t2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/162945/original/image-20170328-3798-1tjn0t2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/162945/original/image-20170328-3798-1tjn0t2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/162945/original/image-20170328-3798-1tjn0t2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/162945/original/image-20170328-3798-1tjn0t2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/162945/original/image-20170328-3798-1tjn0t2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/bastivoe/15100959167/in/photolist-p1qn3X-8vfDg7-5yBA8n-6Q8bi8-6VfN9V-9w3UxA-4TVF4M-7WQY9J-5ifpRG-df7y8B-4zn9MU-4S2Wa6-6QcgwU-56svxt-2NrhpT-SZFoJQ-37fGU8-6jM9L3-4x5BG2-5UKnkx-FMFisa-4s2YRp-D9rGnx-auQEps-SUUj4R-FMFuFH-p7T9vK-hR934-oMMrdQ-8AA2d5-ESqVGk-4r92kY-4HthzY-5b7Xnc-9HrpyB-5ojLyi-akh9JQ-p5f8SQ-4zn9is-p5h5oK-dXzmbC-p51Rzz-PntwA-oMMqtJ-5jdYXm-p3fcHb-p5h5d4-8TUB63-5jdVNf-5j9KxD">BASTI V/FLICKR</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>Responsable mais pas coupable</strong> : pour faire face à la situation et assumer une activité dont ils sont conscients de la dimension problématique, les marketers se concentrent sur la dimension technique et économique de leur métier. L’objectif est de mettre en œuvre les opérations marketing de la façon la plus efficace possible. Les questions morales sont ainsi exclues. En d’autres termes, cela revient à se déclarer responsable mais pas coupable d’une quelconque faute morale.</p>
<p>Pour se consacrer aux impératifs économiques énoncés par l’entreprise, les marketers se mettent en quelque sorte à l’abri de la condamnation morale provenant de l’extérieur en se préservant une sorte de cocon. Ainsi, un marketer décrit :</p>
<blockquote>
<p>« Au niveau de la pratique du marketing : on se met dans une bulle. On fonctionne à l’intérieur de son service. On fait tout le marketing : le stratégique, l’opérationnel… mais avec une dimension un peu différente. Une fois qu’on est rentré dans cette bulle, pas de problème. »</p>
</blockquote>
<h2>Des prisonniers ?</h2>
<p>Bien que les marketers du tabac aient choisi librement de travailler pour cette industrie, ils se retrouvent prisonniers « à l’insu de leur plein gré » d’une situation qui engendre un véritable mal-être au travail. Les contraintes juridiques croissantes ont vidé progressivement de son sens le métier du marketer, en remettant en cause les fondamentaux mêmes du marketing.</p>
<p>Paradoxalement les marketers en viennent, pour faire face à la réprobation sociale et diminuer leur malaise éthique, à démontrer l’inutilité de leurs actions marketing. Le préjudice moral et social n’est que partiellement compensé par une politique de gestion des ressources humaines particulièrement généreuse.</p>
<p>Certains arrivent à tenir dans le secteur en se déresponsabilisant ou en acceptant d’être dans une prison dorée, tandis que d’autres ne parviennent plus à un moment donné à neutraliser leur malaise éthique et finissent par démissionner.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été rédigé à partir d’une recherche publiée de façon intégrale dans l’article suivant : Sachet-Milliat A., Baïada-Hirèche L., Bourcier-Bequaert B., « Les Marketers des secteurs controversés face à leur conscience : une approche par la théorie des neutralisations », <a href="http://bit.ly/2o1QhNL">Recherche et Applications en Marketing, 32 (3), mars 2017</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/75159/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les marketers de l’industrie du tabac se retrouvent dans une position éthique délicate puisqu’ils commercialisent un produit nocif pour le consommateur. Comment vivent-ils une telle situation ?Loréa Baïada-Hirèche, Maître de conférences en management des ressources humaines, Institut Mines-Télécom Business School Anne Sachet-Milliat, Enseignant-chercheur en Ethique des Affaires, ISC Paris Business SchoolBénédicte Bourcier-Béquaert, Enseignant-chercheur en marketing, ISC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/723202017-02-06T22:13:46Z2017-02-06T22:13:46ZPics de pollution aux particules fines : les détecter et les prévenir<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/155641/original/image-20170206-18508-b7uizf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Évolution des concentrations de PM₂,₅ modélisées en janvier 2017 par Prevair. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www2.prevair.org/">Prevair</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>La France, mais aussi une large partie de l’Europe, a été <a href="http://www2.prevair.org/actualites">touchée cet hiver</a> par des épisodes de pollution aux particules fines. Définies par la limite supérieure de leur diamètre, ces particules microscopiques sont appelées PM<sub>2,5</sub> et PM<sub>10</sub> lorsqu’elles sont respectivement inférieures à 2,5 ou 10 micromètres (µm).</p>
<p>Elles ont des <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1352231012006024">effets nocifs avérés</a> sur notre santé car elles pénètrent dans notre <a href="http://www.cchst.ca/oshanswers/chemicals/how_do.html">système respiratoire</a> ; les plus fines peuvent même rejoindre notre circulation sanguine. Selon l’Agence européenne pour l’environnement, la pollution de l’air serait responsable de <a href="http://www.eea.europa.eu/highlights/stronger-measures-needed">467 000 morts prématurées</a> chaque année en Europe.</p>
<p>Ces particules peuvent provenir de sources naturelles (sel de mer, éruptions volcaniques, feux de forêts…) ou d’activités humaines (transports, chauffage, industrie…).</p>
<h2>Qu’est-ce qu’un pic de pollution ?</h2>
<p>Les pics de pollution correspondent à des dépassements de seuils réglementaires d’alerte <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex:32008L0050">définis en 2008</a> par l’Union européenne et transposés dans le droit français <a href="http://bit.ly/2l3pNGm">fin 2010</a>.</p>
<p>En vertu de ces réglementations, le <a href="https://www.airparif.asso.fr/reglementation/episodes-pollution">premier niveau</a> de gravité (appelé « seuil d’information du public et de recommandation ») est atteint pour les particules PM<sub>10</sub> à partir de 50 µg par mètre cube d’air (m³) dans l’air ambiant ; le niveau d’alerte est déclenché, lui, à partir de 80 µg/m³.</p>
<p>Pour les PM<sub>2,5</sub>, il n’y a pas de procédure de déclenchement mais seulement une valeur limite fixée à 25 µg/m³ en moyenne annuelle.</p>
<p>Cette réglementation montre cependant de sérieuses limites : les seuils de concentrations « massiques » – qui désignent la masse totale de particules dans 1 m³ d’air et qui servent à évaluer la dangerosité de la pollution aux particules fines – restent supérieurs aux valeurs <a href="http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs313/fr/">recommandées par l’OMS</a>. Ces dernières sont ainsi fixées pour les PM<sub>10</sub> à 20 µg/m³ en moyenne annuelle et 50 µg/m³ en moyenne journalière, pour tenir compte de l’exposition chronique et à court terme.</p>
<p>Par ailleurs, le seul paramètre pris en compte dans les réglementations européenne et française concerne la concentration massique. Ni la concentration en nombre (c’est-à-dire le nombre de particules par m³ d’air), ni la composition chimique des particules n’interviennent dans le déclenchement des alertes.</p>
<p>Enfin, les particules encore plus fines, inférieures à 1 µm – principalement générées par les activités humaines – ne sont pas réglementées, alors que ce sont potentiellement les plus nocives.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/155444/original/image-20170203-14012-1mfv4ww.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/155444/original/image-20170203-14012-1mfv4ww.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/155444/original/image-20170203-14012-1mfv4ww.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/155444/original/image-20170203-14012-1mfv4ww.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/155444/original/image-20170203-14012-1mfv4ww.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/155444/original/image-20170203-14012-1mfv4ww.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/155444/original/image-20170203-14012-1mfv4ww.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Comparaison de la taille des particules microscopiques avec un cheveu et un grain de sable.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.epa.gov/sites/production/files/2016-05/pm2_5_scale_graphic-color-jmh-new.png">US-EPA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Comment sont-ils détectés ?</h2>
<p>En France, le ministère de l’Environnement a délégué à des <a href="http://www.atmo-france.org/fr/index.php?/200804119/carte-des-aasqa/id-menu-222.html">associations agréées</a> et regroupées au sein de la <a href="http://www.atmo-france.org/fr">Fédération Atmo France</a>, la mission de surveiller la qualité de l’air et les polluants réglementés sur l’ensemble du territoire. Elles sont soutenues dans cette mission par le <a href="http://www.lcsqa.org">Laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air</a>.</p>
<p>Ces associations mettent en œuvre des mesures automatiques de concentrations en polluants et d’autres dispositifs de suivi pour une meilleure compréhension des phénomènes observés, telles que la composition chimique des particules ou les conditions météorologiques.</p>
<p>Ces mesures peuvent se combiner à des approches de modélisation des concentrations en particules, grâce notamment à la plateforme nationale de prévision <a href="http://www2.prevair.org">Prevair</a> ; le calcul de l’historique des masses d’air peut aussi être utilisé pour connaître la provenance des particules. Il est donc possible aujourd’hui d’interpréter de manière relativement fine les phénomènes à l’origine de l’augmentation des concentrations.</p>
<h2>Décryptage d’un cas concret</h2>
<p>Le graphique ci-dessous, issu d’observations menées par notre <a href="http://sage.mines-douai.fr">département</a> de recherche et de mesures réalisées par <a href="http://www.atmo-hdf.fr">Atmo Hauts-de-France</a>, illustre un exemple de pics de pollution ayant touché cette région en janvier 2017.</p>
<p>Durant cette période, des conditions anticycloniques ont favorisé la stagnation des masses d’air au-dessus des zones d’émission des polluants ; par ailleurs, les températures froides ont entraîné une augmentation des émissions (notamment liées au chauffage résidentiel au bois) et la formation de particules dites « secondaires », formées suite à des réactions chimiques dans l’atmosphère.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/155355/original/image-20170202-1673-12m3r9r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/155355/original/image-20170202-1673-12m3r9r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/155355/original/image-20170202-1673-12m3r9r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/155355/original/image-20170202-1673-12m3r9r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/155355/original/image-20170202-1673-12m3r9r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/155355/original/image-20170202-1673-12m3r9r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/155355/original/image-20170202-1673-12m3r9r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Données V. Riffault/SAGE (projets Cappa et Climibio)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Les graphes montrent l’évolution sur plusieurs jours des concentrations massiques en PM<sub>10</sub> et PM<sub>2,5</sub> à la station de surveillance de Lille Fives, ainsi que celles de plusieurs espèces chimiques mesurées dans les PM<sub>1</sub> à 4 km de là sur le campus de l’université de Lille.</p>
<p>On observe que la quasi-totalité des particules se trouvait dans la fraction PM<sub>2,5</sub>, ce qui exclut des évènements naturels tels qu’une remontée de poussières désertiques, relevant plutôt de la gamme 2,5 à 10 µm. En début et en fin de période, les particules présentent même plutôt des tailles inférieures à 1 µm.</p>
<p>L’épisode de pollution démarre le vendredi soir, le 21 janvier, et se poursuit tout le week-end, malgré un trafic routier plus faible ; cela s’explique par une combustion de bois accrue (comme le suggère le traceur m/z 60 correspondant à un fragment du levoglucosan, une molécule émise par la pyrolyse de la cellulose présente dans le bois).</p>
<p>La combustion de bois et d’autres formes de combustion (comme le trafic ou certaines industries) émettent également du dioxyde d’azote (NO₂) sous forme gazeuse ; ce dernier peut se transformer en acide nitrique (HNO₃) par réaction avec les radicaux hydroxyles (•OH) présents dans l’atmosphère.</p>
<p>Lorsque les températures sont suffisamment froides, HNO₃ va se combiner à l’ammoniac (NH₃), issu des activités agricoles, pour former du nitrate d’ammonium (NH₄NO₃) solide : ce sont les particules « secondaires ».</p>
<p>En fin de week-end, avec des conditions météorologiques plus favorables à la dispersion et à l’élimination des polluants, on note une décroissance des concentrations en particules fines.</p>
<p>Pour cet épisode, les très faibles concentrations en sulfates permettent d’exclure une contribution des centrales à charbon d’Allemagne et d’Europe de l’Est. Il s’agit donc bien d’une pollution locale et régionale, liée à des activités humaines, qui s’est accumulée en raison de conditions météorologiques défavorables.</p>
<h2>Comment les éviter ?</h2>
<p>Les conditions météorologiques n’étant pas contrôlables, les <a href="http://www.ademe.fr/particuliers-eco-citoyens/pollution-lair-bruit/pollution-lair/dossier/comment-reduire-pollution-lair/participation-citoyens">leviers d’action</a> reposent essentiellement sur une réduction des émissions de polluants.</p>
<p>La réduction de la formation de particules secondaires impliquera, par exemple, une limitation des <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/AIR2006et0009Ra.pdf">émissions de NO₂ liées au trafic routier</a> via la circulation alternée ou sélective ; pour les émissions de NH₃, il faudra agir sur les <a href="http://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/20120301_les-emissions-agricoles-de-particules-dans-l-air-etat-des-lieux-et-leviers-d-actions_ademe.pdf">pratiques agricoles</a> (épandages et méthodes d’élevage).</p>
<p>Pour les émissions dues au chauffage au bois, le remplacement des dispositifs les plus anciens par d’autres plus propres permet une <a href="https://t.co/FgWSM6jxfl">meilleure combustion</a> et donc des émissions réduites en particules fines ; ceci peut être complété par un investissement dans l’<a href="http://www.renovation-info-service.gouv.fr/pourquoi-eco-renover-mon-logement">isolation des logements</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"818435412993671168"}"></div></p>
<p>Ces mesures ne doivent cependant pas faire oublier, rappellons-le, l’exposition chronique des populations à des concentrations en particules fines dépassant les seuils recommandés par l’OMS. Cette pollution est insidieuse et a des <a href="http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs313/fr">impacts sanitaires délétères à moyen et long terme</a>, avec notamment l’apparition de maladies cardio-vasculaires, respiratoires et de cancers du poumon.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/72320/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Véronique Riffault a reçu des financements du projet Cappa (<a href="http://www.labex-cappa.fr">www.labex-cappa.fr</a>) financé par l’ANR (contrat ANR-11-LABX-0005-01) au titre du programme investissement d’avenir et du projet Climibio (climibio.univ-lille.fr), tous deux financés par la région Hauts-de-France et le fonds européen de développement régional (FEDER).
</span></em></p>Lille, Lyon, Grenoble, Paris… Les grandes villes françaises ont connu ces derniers mois de sévères pics de pollution. Comment est évaluée cette menace pour la santé et l’environnement ?Véronique Riffault, Professeure en sciences de l’atmosphère, IMT Nord Europe – Institut Mines-TélécomLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/705372016-12-18T21:25:49Z2016-12-18T21:25:49ZLes citadins toussent… que font les grandes villes ?<p>Pékin, Mexico, Delhi et d’autres grandes villes ont enregistré ces jours derniers des pics de pollution extrême. Et parmi les niveaux enregistrés ces dernières années, certains sont plus de dix fois supérieurs à ceux préconisés par l’OMS (moyenne annuelle de <a href="http://www.who.int/topics/air_pollution/fr/">10 μg/m³</a>). Les métropoles françaises connaissent à leur tour d’inquiétants pics de pollution atmosphérique dus aux particules fines.</p>
<p>La question de l’efficacité des politiques publiques en ce domaine est désormais posée.</p>
<p>Si les causes de cette pollution – des centrales au charbon à la combustion agricole – diffèrent d’une zone urbaine à l’autre, on note néanmoins une constante : le trafic automobile. Les voitures anciennes et les moteurs diesel produisent des particules nocives pour la santé… et les constructeurs automobiles ont été forcés d’admettre l’an passé qu’ils avaient bafoué les tests sur leurs émissions de diesel.</p>
<p>L’Agence européenne de la santé a publié des chiffres alarmants, avançant le nombre de <a href="http://www.eea.europa.eu/fr/pressroom/newsreleases/de-nombreux-europeens-restent-exposes/mortalite-prematuree-imputable-a-la">43 000 décès prématurés</a> chaque année en France imputés directement ou indirectement à la présence de particules fines dans l’air européen. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) indique pour sa part quelque 3 millions de décès prématurés annuels en lien avec la pollution de l’air.</p>
<h2>Des impacts sanitaires et économiques</h2>
<p>Est-il normal de ne pouvoir plus pouvoir se déplacer sans craindre pour sa santé ? La première conséquence de la dégradation de la qualité de l’air en milieu urbain est qu’elle augmente le risque d’accident vasculaire cérébral, de cardiopathie, de cancer du poumon et de maladies respiratoires aiguës, comme l’asthme.</p>
<p>Mais ce problème sanitaire a aussi des répercussions sur la société : avec des écoles fermées et des citadins obligés de rester chez eux, c’est toute la vie économique des villes qui tournent au ralenti.</p>
<p>Un autre enjeu concerne l’attractivité des villes touchées par ce phénomène, à une époque où les <a href="http://www.cner-france.com/Publications/Ouvrages/Attractivite-des-territoires-theories-et-pratiques">habitants sont de plus en plus concernés par leur qualité de vie</a>. De fait, les espaces urbains doivent continuellement améliorer cette attractivité, en luttant notamment contre la pollution atmosphérique.</p>
<h2>Du Japon à l’Inde, des actions concrètes</h2>
<p>Dans <em>Vive la ville</em>, <a href="https://www.franceculture.fr/personne-thierry-paquot.html">Thierry Pacquot</a> invitait les lecteurs des années 1990 à croire aux potentialités de la ville pour générer des innovations qui soient profitables au développement de tous. Loin de se résigner face aux nuages de gaz toxiques urbains, plusieurs villes dans le monde ont pris le problème à bras le corps en proposant des véritables projets urbains.</p>
<p>Avec ses 29 millions d’habitants, la ville de Tokyo a ainsi réussi à proscrire l’utilisation des voitures à moteur diesel, là où Paris peine à mettre en place la circulation alternée les jours de pics de pollution.</p>
<p>À l’instar de Londres, Bertrand Delanoë avait bien tenté de mettre en place un <a href="http://www.lexpress.fr/actualite/politique/delanoe-pour-des-peages-autour-de-paris_975889.html">péage urbain autour de la capitale</a>, mais avait rapidement suscité un tollé de la part des Parisiens.</p>
<p>À partir du 16 janvier 2017, Paris obligera tous les véhicules à posséder une <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A10135">vignette codée en couleur</a> qui indiquera son âge et son niveau de pollution. La police contrôlera alors quelles voitures peuvent ou pas entrer en ville en fonction des émissions du véhicule. Les voitures fabriquées avant 1997 seront interdites. Le coût du stationnement dans Paris a également été revu à la hausse ; le stationnement gratuit les samedis et les jours fériés a été supprimé et certaines routes devraient être transformées en espaces verts.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"803611920582332416"}"></div></p>
<p>La capitale française n’est pas la seule à pousser les voitures hors des villes. Le maire d’Athènes, Giorgos Kaminis, espère également interdire tous les véhicules au cœur de la capitale grecque dans les années à venir. Madrid et Oslo vont également dans cette direction, tout comme le quartier du Central Business District à Sydney.</p>
<p>En Inde, pays abritant parmi les villes les plus polluées au monde, le nouveau rapport <a href="http://www.ccacoalition.org/en/resources/breathing-cleaner-air-ten-scalable-solutions-indian-cities">« Breathing Cleaner Air »</a>, rédigé par un groupe d’experts internationaux, présente des solutions qui peuvent réduire de façon significative la pollution atmosphérique, y compris des mesures critiques à court terme.</p>
<p>Parmi ces suggestions figurent la prévention de la combustion des résidus de culture, la fourniture de carburants plus propres aux citoyens, le passage au carburant à faible teneur en soufre et le transfert du transport de marchandises de la voie routière à la voie ferroviaire. Le gouvernement fédéral a annoncé qu’il projetait de mettre en œuvre une autre recommandation générale concernant la création d’une nouvelle mission nationale de l’air pur afin de coordonner les efforts des autorités locales, nationales et nationales pour prévenir la pollution mortelle dans les villes indiennes. On le voit, la pollution est aussi une question de gouvernance territoriale.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/150506/original/image-20161216-18030-15sbmh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/150506/original/image-20161216-18030-15sbmh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/150506/original/image-20161216-18030-15sbmh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/150506/original/image-20161216-18030-15sbmh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/150506/original/image-20161216-18030-15sbmh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/150506/original/image-20161216-18030-15sbmh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/150506/original/image-20161216-18030-15sbmh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">500 000 cyclistes naviguent quotidiennement à Amsterdam.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mattmangum/2286297854/in/photolist-4u2SGw-996R9h-85hhnj-b1bLp4-fDDvbZ-rHnjn-dK6a1X-dK5aVc-9S1Rqm-9HyqEk-9BxP1k-bCdUy3-4iwiY5-FYwFA-aZdJW-caDjTw-91nN9K-6jr5F2-bGDA1v-6keuL3-5gWmUk-bvqF2t-qKmFeC-8cxikU-fHCypX-2DqFAM-rVovVh-q3CtqE-odswMA-eewW6m-dDFb9h-pyPKdR-fDWgMC-7Nd61d-4ZhHtR-ib4Yw9-aeFfEu-9jhPEM-4ijwcu-bGDze6-8Sdaxq-6BrQNc-54yB1X-4bPTTd-rrfxd-7DKozN-81cTgJ-9Jk92B-4ijhpo-2hMQyQ">Mattmangum/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Mobilité douce pour tous ?</h2>
<p>De nombreuses métropoles se proposent aujourd’hui de mettre en place des systèmes de location de vélos pour inciter les « intra-muros » à utiliser des modes de circulation non polluants.</p>
<p>Mais quid de ceux qui doivent se rendre à leur travail chaque matin en voiture avec plus d’une heure de trajet, parce qu’il n’y a ni ligne de métro ni transport verts adaptés ? Ces ménages n’ont bien souvent pas les moyens financiers d’acquérir des voitures électriques. Et, là encore, il faut également que la ville soit adaptée à la circulation des vélos en toute sécurité. Mais c’est déjà le cas dans certaines capitales européennes, comme à Copenhague (570 000 habitants, 1,2 million dans son agglomération) qui compte 350 kms de pistes cyclables ou encore aux Pays-Bas avec 500 000 Amstellodamois (sur 840 000 habitants et 1,1 million dans son agglomération) qui enfourchent chaque jour leur vélo.</p>
<p>La prochaine génération porte déjà le fardeau de notre inaction. C’est un problème que nous devons résoudre avec urgence et volontarisme. Réduire la consommation d’électricité liée au charbon, interdire le diesel dans les villes, encourager les voitures électriques et les transports publics, développer les modes de transports doux. Les villes les plus riches devraient regretter d’avoir, avec toutes les ressources qu’elles possèdent, manqué le rendez-vous des villes vertes de demain…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/70537/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Risques sanitaires et économiques, la pollution de l’air menace les habitants des villes et l’attractivité des zones urbaines qui y apportent des réponses plus ou moins efficaces.Sebastien Bourdin, Enseignant-chercheur à l’Institut du développement territorial (IDéT), Laboratoire Métis, EM NormandieFabien Nadou, Enseignant-chercheur en Développement Territorial et Economie régionale, EM Normandie,Laboratoire Métis, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.