tag:theconversation.com,2011:/au/topics/marches-financiers-25050/articlesmarchés financiers – The Conversation2023-11-13T14:01:02Ztag:theconversation.com,2011:article/2165882023-11-13T14:01:02Z2023-11-13T14:01:02ZNul ne peut prédire avec certitude l’évolution des marchés financiers. Voici pourquoi<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/557175/original/file-20231101-23-xjz2ys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C1%2C992%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une erreur est commise si l'on suppose que les adeptes de la finance peuvent prévoir le comportement incertain des marchés.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Certains adeptes de l’analyse des marchés boursiers prétendent pouvoir prédire, avec une précision déconcertante, les tendances des marchés financiers. </p>
<p>Ainsi, nonobstant la complexité du monde de la finance internationale, ceux-ci nous assurent que des bénéfices conséquents sont à notre portée si nous adhérons à leurs recommandations et comportements.</p>
<p>Mais est-ce réellement possible de prévoir avec exactitude le comportement du marché des capitaux ?</p>
<p>En tant que docteur en psychologie de la décision, spécialisé dans la recherche sur la complexité, j’ai eu l’occasion d’approfondir ma compréhension de la véritable capacité de l’humain à contrôler les environnements complexes du monde réel. Pour l’heure, ma conclusion est sobre, et tout sauf simple.</p>
<h2>La complexité, c’est complexe</h2>
<p>Pour de nombreux chercheurs en science de la décision, comprendre et gérer la <a href="https://sloanreview.mit.edu/article/revisiting-complexity-in-the-digital-age/">complexité représente le plus grand défi de l’ère numérique</a>. La complexité se réfère à la nature incertaine des environnements où, quotidiennement, nous prenons des décisions. </p>
<p>Alors que nos choix financiers peuvent paraître simples et évidents (épargner une portion de son revenu, établir un budget, rembourser une dette), l’environnement dans lequel ceux-ci se concrétisent est <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9781315091938-2/complex-problem-solving-european-perspective%E2%80%9410-years-joachim-funke-peter-frensch">imprévisible</a>. </p>
<p>Les stratégies que nous adoptons ne sont certes pas infaillibles, notre connaissance ne garantit pas notre succès, et les effets de chacune de nos décisions sont incertains et uniques. C’est ce qui explique que les environnements où nous prenons les décisions de tous les jours sont en réalité éminemment complexes. Ils impliquent de nombreux facteurs liés entre eux, qui évoluent constamment, avec ou sans intervention de notre part. Sans oublier que les objectifs que nous chérissons entrent fréquemment en <a href="https://www.mdpi.com/2079-3200/9/3/38">contradiction les uns avec les autres</a>. </p>
<p>Par exemple, comment peut-on garantir que nos placements soient à l’abri des fluctuations journalières des marchés, tout en maximisant leur rendement ?</p>
<h2>L’humain face à la complexité financière</h2>
<p>Face à la complexité du monde de la finance, la cognition humaine tend à favoriser un traitement simplificateur et réductionniste de l’information, correspondant à une forme de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/154193120104500415">« surfocalisation »</a> (<em>tunneling</em>). Face à la surcharge engendrée par cette complexité, nous avons tendance à nous concentrer sur un ou quelques aspects spécifiques d’une situation, plutôt que sur l’ensemble de l’information disponible, parce que <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2451958822000562">trop d’information tue l’information</a>. En d’autres termes, nous recourrons à des raccourcis. Et vous savez quoi ? Souvent, ces modes de raisonnement simplistes aboutissent à des décisions biaisées. </p>
<p>Nous commettons une erreur de jugement lorsque nous attribuons les performances médiocres de notre portefeuille d’actions à un seul événement particulièrement marquant dans notre esprit. Nous croyons à tort que nos placements croîtront de manière linéaire, alors qu’ils sont vulnérables aux variations exponentielles causées par des crises et des phénomènes inattendus. Nous réagissons maladroitement aux investissements infructueux en nous focalisant sur les conséquences qui pourraient expliquer nos difficultés financières, au lieu d’approfondir notre compréhension des raisons pour lesquelles l’entreprise (ou le secteur dans lequel elle opère) en qui nous avions une confiance aveugle connaît des difficultés.</p>
<p>Enfin – et la nature humaine est ainsi faite – nous avons tendance à attribuer la responsabilité de nos échecs à des facteurs externes hors de notre contrôle. Par exemple, on pourrait être tenté de blâmer les mauvaises conditions météorologiques estivales pour expliquer les pertes encourues par certaines entreprises du secteur du tourisme. Mais ce faisant, on néglige l’importance de la qualité des produits et services qu’elles offrent, ou encore la convivialité de leur personnel. </p>
<h2>Et les adeptes des marchés dans tout ça…</h2>
<p><a href="https://corpus.ulaval.ca/entities/publication/e1743fb3-e5d8-4532-9d3f-042954bbff15">Mes plus récents travaux</a> appuient ce que la littérature sur la prise de décision complexe mentionne ; que nous soyons des adeptes ou des novices, comprendre et maîtriser la complexité est un défi colossal. </p>
<p>Plusieurs adeptes des marchés feront preuve d’une plus grande habileté dans l’élaboration d’une stratégie d’investissement, la gestion de portefeuille, ou encore l’accès à certains placements. </p>
<p>Cependant, une erreur est commise si l’on suppose qu’ils peuvent prévoir le comportement incertain des marchés. L’enjeu ne réside pas nécessairement dans la connaissance financière, mais dans les limitations naturelles de la cognition humaine lorsqu’elle est confrontée à la complexité. </p>
<p>Face à la finance internationale, il existe un « mur » au-delà duquel il est particulièrement difficile de progresser, et nous sommes tous sujets aux biais et aux erreurs.</p>
<h2>Alors, comment s’en sortir ?</h2>
<p>Malgré les nombreux défis de la complexité financière, il y a de la lumière au bout du tunnel, pourvu que nous sachions comment s’y prendre. Bien que de nombreuses études restent à mener, les chercheurs demeurent optimistes quant à certaines approches qui peuvent d’ores et déjà nous guider vers des décisions plus éclairées.</p>
<p><strong>1. Apprenez à penser en système</strong></p>
<p>La <a href="https://fnhpa.ca/_Library/KC_BP_5_Skills/SYSTEMS_THINKING.pdf">pensée systémique</a> est une manière de percevoir la réalité qui nous aide à mieux comprendre et travailler avec les environnements complexes du monde réel. </p>
<p>Que ce soit pour apprendre à mieux gérer votre budget ou investir judicieusement en bourse, prenez l’habitude de dessiner des représentations visuelles des défis financiers que vous souhaitez relever. </p>
<p>Les diagrammes de cause à effet, qui utilisent des symboles simples (un signe + pour indiquer un changement dans la même direction entre deux facteurs, et un signe – pour indiquer des changements opposés) permettent de figurer rapidement l’étendue et la portée d’un problème en représentant les relations entre les parties d’un même système. </p>
<p>Mais ne vous méprenez pas, certains facteurs sont difficilement prévisibles. </p>
<p>En somme, apprenez à réfléchir aux conséquences des conséquences de vos choix avant de prendre une décision.</p>
<p><strong>2. Soyez audacieux, tolérez l’incertitude</strong></p>
<p>Apprenez à tolérer les situations qui, à première vue, n’ont pas de solutions claires et vous laissent dans le doute. </p>
<p>Les marchés financiers sont imprévisibles et mal structurés (<a href="https://www.sympoetic.net/Managing_Complexity/complexity_files/1973%20Rittel%20and%20Webber%20Wicked%20Problems.pdf"><em>wicked problems</em></a>). </p>
<p>Dans ces environnements, l’ambiguïté est la norme. Accepter l’incertitude permet de traduire les problèmes en opportunités de décisions transformatrices, plutôt que de prendre des décisions trop hâtives, ou encore s’enfermer dans l’inaction. </p>
<p>Il n’existe pas une seule « bonne solution » à un problème financier complexe. Prenez un moment pour évaluer vos options.</p>
<p><strong>3. Mettez à l’épreuve vos croyances et vos préjugés</strong></p>
<p>N’essayez pas de rechercher et d’interpréter l’information financière en fonction d’une hypothèse de départ qui vous est chère. Confrontez vos idées préconçues à l’aide de sources que vous n’auriez d’ordinaire pas consultées en raison de leur position opposée à vos convictions. </p>
<p>Que dirait un ami ou un collègue que vous appréciez, mais qui est foncièrement en désaccord avec vous ?</p>
<p><strong>4. Ne vous fiez pas à ce qui vous vient facilement à l’esprit</strong></p>
<p>Le simple fait d’assister à une conférence inspirante sur l’économie durable ou d’écouter attentivement un reportage télévisé sur l’éthique financière ne garantit pas que les informations qui en découlent sont utiles à la décision que vous devez prendre.</p>
<p>Bien que ces informations puissent être plus facilement récupérables en mémoire, elles ne sont pas nécessairement pertinentes. Ne surestimez pas la probabilité qu’un événement se produise simplement parce que vous pouvez l’imaginer dans les moindres détails. </p>
<p>Renseignez-vous à plusieurs enseignes et croisez les sources d’information que vous consultez.</p>
<h2>Et maintenant ?</h2>
<p>Personne ne devient compétent sans pratique. Vous devez personnellement explorer le monde de la finance. </p>
<p>À travers l’expérience, vous développerez vos compétences pour mieux appréhender la complexité. Pour faciliter cette pratique, vous pouvez avantageusement faire appel à un professionnel compétent qui vous accompagnera dans ce processus hautement sophistiqué. </p>
<p>Mais n’oubliez pas ceci : face à la complexité, vous êtes humain, tout comme le sont ceux qui prétendent lire l'avenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216588/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benoît Béchard a reçu des financements du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH), du Fonds de recherche du Québec – Société et Culture (FRQSC), et de Mitacs Canada</span></em></p>La complexité du marché financier dépasse les capacités de traitement de l’information de la cognition humaine.Benoît Béchard, Docteur en psychologie de la décision Ph. D., Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2152722023-10-09T17:45:11Z2023-10-09T17:45:11ZProjet de loi de finances : la fausse bonne idée d’une taxation des rachats d’actions<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/552729/original/file-20231009-19-gj5rrx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C45%2C992%2C694&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le député MoDem Jean-Paul Mattei propose de «&nbsp;mettre en place une taxe sur les programmes de rachats d’actions à un taux de 1&nbsp;% de l’opération&nbsp;».
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.rawpixel.com/image/5926718/stock-graph-free-public-domain-cc0-image">Rawpixel</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans le cadre de la discussion parlementaire du budget 2024, le chef de file des députés MoDem, Jean-Paul Mattei, a remis sur la table une proposition d’amendement qu’il avait déjà formulé l’an dernier. Il plaide pour taxer davantage les opérations de rachats d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/actions-26034">actions</a>, ces mouvements financiers par lesquelles les entreprises rachètent leurs propres actions sur le marché.</p>
<p>Dans l’exposé des motifs de son amendement, Jean-Paul Mattei note que :</p>
<blockquote>
<p>« les rachats d’actions […] ont considérablement augmenté en France et à l’international ces dernières années et ont quasi doublé sur un an. »</p>
</blockquote>
<p>C’est ainsi que le MoDem souhaite :</p>
<blockquote>
<p>« Mettre en place une taxe sur les programmes de rachats d’actions à un taux de 1 % de l’opération et qui serait acquittée par les entreprises procédant au rachat. Seules les entreprises cotées dont le chiffre d’affaires excéderait 1 milliard d’euros seraient concernées par cette taxe. »</p>
</blockquote>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1710021095280005381"}"></div></p>
<p>Pour justifier cette nouvelle taxation des actionnaires, il est affirmé que :</p>
<blockquote>
<p>« Ces opérations servent dans les faits en grande partie des objectifs de court terme : rémunérer les actionnaires en complément du versement de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/dividendes-46099">dividendes</a>, soutenir le cours de la bourse ou encore augmenter le bénéfice par action. »</p>
</blockquote>
<p>Or, rien de tel n’est malheureusement exact.</p>
<h2>Eviter des investissements non rentables</h2>
<p>Premier point contestable : racheter ses actions n’est pas forcément faire preuve de court-termisme. En effet, il peut arriver qu’une entreprise dispose de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0304405X05000528">trop de liquidités en trésorerie</a> et qu’elle n’ait pas forcément d’opérations d’investissements rentables à faire. Il s’agit souvent d’entreprises matures dont les opportunités d’investissements ne lui paraissent pas créatrices de valeur.</p>
<p>Dans ces conditions, rendre l’argent aux investisseurs qui le souhaitent n’est pas forcément une preuve de court-termisme, bien au contraire. Le rachat d’action peut dans ce cas éviter de se lancer dans des projets d’investissements destructeurs de valeur.</p>
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<p>Autre argument réfutable : les <a href="https://theconversation.com/dividendes-et-rachats-dactions-nenrichissent-pas-les-actionnaires-56562">rachats d’actions n’enrichissent pas les actionnaires</a>. On pourrait penser qu’en réduisant le nombre d’actions en circulation, cette pratique augmenterait la valeur des actions du fait de l’augmentation mécanique du bénéfice par action (BPA). Or, il ne suffit pas d’augmenter mécaniquement le BPA (du fait d’un nombre d’actions réduit) pour créer de la valeur actionnariale.</p>
<p>En effet, cette opération, strictement inverse à l’augmentation de capital en numéraire, ne constitue pas un enrichissement des actionnaires. Si cela était le cas, il faudrait considérer que l’augmentation de capital représente une opération destructrice de valeur pour les actionnaires. Bien sûr, il n’en est rien : contre un apport de cash, les actionnaires reçoivent des titres. Dans le cas du rachat d’actions, les actionnaires reçoivent du cash contre leurs actions.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/B0fAeoF-eng?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les rachats d’actions ne créent pas de valeur (Michel Albouy pour Xerfi canal, 2020).</span></figcaption>
</figure>
<p>Mais attention, l’augmentation de capital ne sera créatrice de valeur que si les fonds récoltés sont investis dans des projets d’investissement à valeur actuelle positive (rentabilité supérieure au coût du capital). Inversement, le rachat d’actions sera créateur de valeur, si au lieu d’investir le cash dans des projets non rentables, il est rendu aux actionnaires.</p>
<p>Le député explique également que les rachats d’action permettent de soutenir le cours de bourse. L’idée derrière cette affirmation est que l’entreprise créerait un courant acheteur qui va valoriser le titre. Encore une fois, la <a href="https://www.finance-gestion.com/vox-fi/les-rachats-dactions-font-ils-monter-les-cours-de-bourse/">recherche en finance montre qu’il n’en est rien</a>. C’est un peu comme les États qui croient qu’en rachetant leurs devises sur les marchés, ils vont soutenir le cours de leur monnaie. Malheureusement dans ce cas, la valeur de la devise va s’ajuster en fonction des fondamentaux de leurs économies, comme pour les actions qui dépendent <em>in fine</em> de la valeur de l’entreprise. Si celle-ci diminue du montant des rachats et des dividendes versés, sa valeur s’ajuster en conséquence.</p>
<h2>Une vision limitée de la finance en entreprise</h2>
<p>Pour les tenants d’une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/fiscalite-23513">fiscalité</a> accrue des dividendes et des rachats d’actions se trouve non seulement l’idée que ces versements enrichissent indûment les actionnaires mais également l’idée que ces versements se feraient à l’encontre de l’intérêt de l’entreprise, de sa croissance et de ses salariés.</p>
<p>L’idée que les rachats d’actions conduiraient à réduire le montant des investissements revient à dire que les entreprises seraient soumises à un rationnement du capital et qu’elles devraient donc amputer leurs budgets d’investissements pour satisfaire l’appétit des actionnaires.</p>
<p>Cependant, cette affirmation ne tient pas si on considère les niveaux extrêmement élevés des trésoreries des grandes entreprises. Cela est <a href="https://www.cairn.info/revue-finance-2020-2-page-53.htm?ref=doi">bien renseigné par la recherche en finance</a>.</p>
<p>Enfin, le dividende et surtout les rachats d’actions permettent de limiter l’accumulation de liquidités et donc de réduire les marges discrétionnaires des dirigeants qui, selon la <a href="https://www.cairn.info/analyse-economique-de-la-firme--9782200291204-page-101.htm">théorie de l’agence</a>, peuvent ne pas toujours investir dans l’intérêt de leurs actionnaires.</p>
<p>Au bilan, les dividendes et les rachats d’action constituent des moyens de réallocation du capital dans l’économie, des outils de gestion financière des entreprises, et non un enrichissement net des actionnaires au détriment de l’entreprise. Dans ces conditions, faut-il vraiment taxer encore davantage les entreprises via ce levier ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215272/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La proposition d’une taxe supplémentaire sur les grands groupes qui rachètent leurs propres titres en bourse repose sur une série d’idées reçues sur ces opérations.Michel Albouy, Professeur émérite de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2151682023-10-09T17:44:45Z2023-10-09T17:44:45ZDéficit public : pourquoi les objectifs affichés ne sont jamais atteints<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/552495/original/file-20231006-25-jmy150.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=26%2C10%2C1171%2C786&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le gouvernement espère ramener le niveau de déficit public à 2,7&nbsp;points de PIB en 2027.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/129231073@N06/27734592992 ">Flickr/ Fred Romero</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le déficit public français sera-t-il ramené à 2,7 points de PIB en 2027 ? C’est en tout cas l’objectif affiché par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) qui définit la trajectoire pluriannuelle des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/finances-publiques-24847">finances publiques</a> jusqu’à cette date et qui a finalement été <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/286456-loi-programmation-des-finances-publiques-lpfp-2023-2027">adoptée le 29 septembre 2023</a> après avoir été retoquée par l’Assemblée nationale en décembre 2022.</p>
<p>On peut sérieusement en douter. En effet, de 2012 à 2021, aucune des cinq premières LPFP n’a atteint ses objectifs de réduction du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/deficit-64087">déficit public</a> et la crise du Covid-19 en 2020 n’a fait qu’aggraver les choses puisque le déficit public est encore attendu à 4,9 % en 2023 bien au-delà du seuil de 3 %. En conséquence, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/dette-20647">dette publique</a> atteint 110 % du PIB, un niveau supérieur à la moyenne des pays de la zone euro et bien supérieur à celui de l’Allemagne.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/552716/original/file-20231009-19-cdwjey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/552716/original/file-20231009-19-cdwjey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552716/original/file-20231009-19-cdwjey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552716/original/file-20231009-19-cdwjey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552716/original/file-20231009-19-cdwjey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552716/original/file-20231009-19-cdwjey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552716/original/file-20231009-19-cdwjey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552716/original/file-20231009-19-cdwjey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Trajectoires de dette publique en zone euro (en points de PIB).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=oqCXEq3EqMCYEYH9la0-QxF9OTeIbn7StRmyRcyIW_8=">Haut Conseil des finances publiques (septembre 2023)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette fois-ci, assise sur des hypothèses de croissance que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) estime <a href="https://www.hcfp.fr/liste-avis/avis-ndeg2023-7-projet-de-loi-de-programmation-2023-2027-revise">trop optimistes</a>, la LPFP 2023-2027 prévoit, une fois encore, une décrue progressive du déficit, alors même que le poids de la charge d’intérêts va s’alourdir considérablement sur la période du fait de la <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/la-hausse-brutale-des-taux-sur-les-marches-obligataires-menace-le-budget-francais-978714.html">remontée des taux d’intérêt</a>.</p>
<h2>Prévision de baisse de dépenses jamais vue</h2>
<p>Ce sont surtout les prévisions de dépenses de la LPFF qui sont irréalistes. Hors charges d’intérêts, elles seraient quasi stables en volume sur la période (+0,1 % par an), ce qui représente une trajectoire bien plus ambitieuse que celle réalisée par le passé, le plus bas jamais atteint étant +0,9 % entre 2010 et 2014. Mais même sur la base des prévisions de la LPFP, avec un déficit public attendu à 2,7 % en 2027, la France serait le <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/dette-pourquoi-la-france-decroche-par-rapport-a-ses-voisins-20230630">dernier pays de l’Union européenne à passer en dessous de 3 %</a>.</p>
<p>Comme les secteurs prioritaires que sont l’écologie, la défense, l’éducation nationale et la justice bénéficieront d’une hausse substantielle de leur budget, les crédits des autres programmes doivent baisser de 1,8 % en volume sur la période. Du jamais-vu.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/552717/original/file-20231009-19-9r6llw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/552717/original/file-20231009-19-9r6llw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552717/original/file-20231009-19-9r6llw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552717/original/file-20231009-19-9r6llw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552717/original/file-20231009-19-9r6llw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552717/original/file-20231009-19-9r6llw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552717/original/file-20231009-19-9r6llw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552717/original/file-20231009-19-9r6llw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Taux de croissance de la dépense publique (hors charges d’intérêts) en volume (en %).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=oqCXEq3EqMCYEYH9la0-QxF9OTeIbn7StRmyRcyIW_8=">Haut Conseil des finances publiques (septembre 2023)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour tenir cette trajectoire, il faudrait un audit déterminé des dépenses qui n’a pas encore débuté et qui trancherait avec les quatre démarches successives de modernisation de l’État depuis 20 ans, comme la Révision générale des politiques publiques de 2007-2011 ou la Modernisation de l’action publique de 2011-2016 qui avaient mobilisé d’onéreuses <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/03/17/les-cabinets-de-conseil-une-machine-installee-au-c-ur-de-l-etat_6117909_823448.html">sociétés de conseil privées</a> <a href="https://www.fipeco.fr/fiche/Les-revues-des-d%C3%A9penses-publiques">sans réel impact sur les dépenses publiques</a>.</p>
<p>La première ministre Élisabeth Borne prépare une nouvelle procédure de revue des dépenses via des audits diligentés par les inspections administratives de l’État mais qui n’aura dans tous les cas pas d’impact avant 2025. Il serait question à ce stade de réduire le millefeuille territorial, de profiter de la baisse du nombre d’élèves scolarisés, de limiter le coût de l’apprentissage, de raboter le Crédit impôt recherche et les prestations sociales pour économiser 12 milliards d’euros par an sur la période.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1723972989018902965"}"></div></p>
<p>Première étape de la LPFP, le projet de budget pour 2024 n’annonce qu’une modeste diminution de 0,5 % du déficit public à 4,4 % du PIB. Pourtant, le taux de croissance retenu par le gouvernement en 2024, de 1,4 %, reste très <a href="https://www.hcfp.fr/liste-avis/avis-ndeg2023-8-lois-de-finances-2024">largement supérieur au consensus</a> des analystes qui est de 0,8 %.</p>
<p>En réalité, cette modeste réduction proviendrait uniquement de l’arrêt des mesures de soutien exceptionnelles au pouvoir d’achat pour environ 16 milliards d’euros (fin du bouclier tarifaire énergétique de 10 milliards et recentrage des aides aux entreprises de 4,4 milliards), les autres dépenses étant attendues en hausse de 4,8 % en valeur (2,2 % en volume) soit très loin de l’ambition de moyen terme.</p>
<h2>L’UE va-t-elle discipliner la France ?</h2>
<p>Comment amener le gouvernement à annoncer des objectifs plus réalistes ? En France, le Haut Conseil des finances publiques, en charge du suivi des LPFP depuis sa création en décembre 2012, n’a jamais vraiment contesté les évaluations souvent fantaisistes du déficit structurel (qui exclut les variations conjoncturelles de l’économie mais qu’il est impossible de mesurer directement) publiées par les gouvernements successifs.</p>
<p>Quid des contraintes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/union-europeenne-ue-20281">l’Union européenne</a> ? Face aux dérives budgétaires récurrentes des cigales, le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) de 2012, ou <a href="https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/qu-est-ce-que-le-pacte-budgetaire-europeen/">pacte budgétaire européen</a>, avait imposé aux 25 États signataires des règles budgétaires plus strictes. En France, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000026785259">loi organique du 17 décembre 2012</a> a transposé dans la foulée le traité en renforçant le rôle d’un véhicule législatif introduit lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 : les lois de programmation des finances publiques, chargées à l’origine de définir les orientations pluriannuelles (sur 3 ans minimum) des finances publiques dans un objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques.</p>
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<p>Ces lois restent cependant budgétairement non contraignantes car elles n’ont pas la nature juridique des lois de finances. C’est pourquoi pour faire passer la LPFP 2023-2027 en usant du 49.3 le gouvernement a opportunément convoqué une très brève session extraordinaire de l’Assemblée nationale le 25 septembre 2023, soit juste avant la session ordinaire, s’épargnant ainsi une cartouche utile pour la session en cours.</p>
<p>Le texte ayant été une nouvelle fois <a href="https://www.senat.fr/leg/tas23-006.html">remanié par le Sénat</a> le 16 octobre 2023 avec un objectif de déficit plus ambitieux de -1,7% en 2027, il est revenu à l’Assemblée pour une ultime lecture le 13 novembre lors de la session budgétaire ordinaire ce qui a contraint le gouvernement à déclencher une nouvelle fois le 49.3 soulevant au passage un débat juridique dans l’hypothèse où le gouvernement souhaiterait <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/13/le-gouvernement-declenche-une-nouvelle-fois-le-49-3-pour-la-loi-de-programmation-budgetaire_6199891_823448.html">user de nouveau de cet article</a> à propos du projet de loi sur l’immigration.</p>
<p>Par la grâce du TSCG, les LPFP sont ainsi devenues le support des engagements européens via le suivi du déficit structurel. Ce concept clé du pacte, malgré sa <a href="https://theconversation.com/letrange-estimation-gouvernementale-du-deficit-structurel-francais-en-2020-155089">délicate évaluation</a>, doit converger vers un maximum de 0,5 % du PIB (il est aujourd’hui proche de 5 % et le gouvernement vise un objectif de 2,7 % en 2027).</p>
<p>En raison de la pandémie de Covid-19, la Commission européenne avait déclenché en 2020 la clause dérogatoire du Pacte de stabilité et de croissance, qui permettait aux États membres de s’écarter temporairement de ses exigences en raison de circonstances exceptionnelles, mais cette <a href="https://france.representation.ec.europa.eu/informations/orientations-en-matiere-de-politique-budgetaire-pour-2024-favoriser-la-soutenabilite-de-la-dette-et-2023-03-08_fr">clause tombera à la fin de l’année 2023</a>.</p>
<p>Dans le même temps, Bruxelles propose une refonte des contraintes budgétaires qui abandonnerait la référence au déficit structurel mais renforcerait les sanctions financières en cas de déficit excessif, supérieur à 3 % du PIB. Nul ne sait aujourd’hui ce que les États signataires du Pacte accepteront, mais la renégociation du Pacte sera tendue entre les pays « frugaux » et bons élèves en matière de finances publiques emmenés par l’Allemagne et les cigales dont la France est devenue malgré elle le symbole.</p>
<h2>L’ombre des marchés financiers</h2>
<p>En l’absence de réelles sanctions européennes, les marchés financiers joueront sans doute le rôle de censeur des politiques budgétaires. La brutale hausse des taux longs qui a suivi la remontée des taux courts de la Banque centrale européenne (BCE) depuis plus d’un an renchérit significativement le coût de la dette publique, le taux de l’obligation allemande à 10 ans (la référence en zone euro) ayant franchi la barre des 3 % le 4 octobre dernier, une première depuis 2011.</p>
<p>Parallèlement en France, non seulement le taux de l’obligation assimilable du Trésor (OAT) à 10 ans a connu une hausse spectaculaire de 38 points de base en un mois pour atteindre 3,5 % (au-delà de la prévision gouvernementale de 3,4 %) mais le fameux « spread », qui désigne l’écart entre les taux français et allemand (soit le surcoût que l’État français doit payer pour emprunter) et que les marchés suivent avec attention tend à s’élargir et atteint aujourd’hui les 50 points de base.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1709614026978644461"}"></div></p>
<p>Pour assurer le rétablissement des finances publiques françaises, nous estimons donc que la seule solution efficace serait d’effectuer un saut vers un plus grand fédéralisme. En 1998 la création ex nihilo d’une banque centrale commune puis d’une monnaie unique par des États souverains constituait alors un défi monétaire historique qui dépassait le précédent américain : en 1792, les 13 États fondateurs avaient décidé, en même temps que le dollar, la création d’un État et d’un Trésor fédéral disposant d’une autonomie budgétaire et reprenant l’intégralité des dettes des États fédérés. Rien de tel dans la zone euro, puisque les 13 membres fondateurs de l’euro conservaient jalousement leur prérogative budgétaire et fiscale.</p>
<p>Dans un système plus fédéraliste, la souveraineté budgétaire de la zone euro pourrait ainsi être transférée à un organisme supranational s’inspirant du modèle de la BCE. Les États conserveraient toutefois, dans les nouvelles limites budgétaires européennes, leur sacro-sainte souveraineté fiscale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215168/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis leurs mises en place en 2012, les lois de programmation pluriannuelles des finances publiques ont toujours échoué à contenir la dette française.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2123952023-09-21T12:04:43Z2023-09-21T12:04:43ZDégradation de la notation souveraine du Cameroun : quelles causes et quelles conséquences ?<p>Cet été aura été propice à l’annonce de deux mauvaises nouvelles pour le Cameroun, de nature à refroidir l’élan que manifesteraient d’éventuels investisseurs pour acheter de la dette du pays. </p>
<p>Fin <a href="https://www.journalducameroun.com/notation-financiere-moodys-a-retrograde-le-cameroun/#:%7E:text=sur%20Facebook%20Tweetez!-,L'agence%20de%20notation%20am%C3%A9ricaine%20Moody's%20Investors%20Service%20a%20baiss%C3%A9,Caa1%2C%20le%2027%20juillet%202023.">juillet 2023, Moody’s a rétrogradé de B2 à Caa1</a>, la notation des dettes de long terme libellées en devises étrangères et en franc CFA, ainsi que celles des dettes seniors, c'est-à-dire les obligations et emprunts qui ont une priorité de remboursement plus élevée par rapport à d'autres catégories de dettes de l'Etat non garanties par un collatéral (généralement des dettes bancaires). </p>
<p>Début août 2023, <a href="https://www.financialafrik.com/2023/08/10/notation-standard-poors-degrade-a-son-tour-la-note-du-cameroun/">Standard and Poor’s a abaissé de B- à CCC+</a> la note des dettes de long terme libellées en devises étrangères, en y ajoutant les dettes de court terme. </p>
<h2>Ce que cela signifie</h2>
<p>Concrètement, cela signifie que du point de vue d’un investisseur qui souhaiterait acheter sur les marchés de capitaux internationaux de la dette émise par l’Etat camerounais, ce type d’investissement doit désormais être vu comme présentant un risque de défaut substantiel. Il figurait déjà dans la catégorie des investissements très spéculatifs comportant un degré élevé de risque et d'incertitude. </p>
<p>Ces révisions sont-elles arbitraires ? Doit-on considérer, comme le <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/enfin-une-agence-de-notation-financiere-africaine-16-05-2022-2475835_3826.php">suggérait</a> le président sénégalais Macky Sall en 2022, que les agences internationales de notation exagèrent le risque financier des pays africains ?</p>
<p>Ayant étudié <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-15754-7_5">les marchés financiers</a>, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00036846.2020.1808176">la dette extérieure</a> et <a href="https://shs.hal.science/halshs-02093938/">l'intégration financière des pays africains au reste du monde</a>, mon point de vue est que les agences de notation se fondent généralement sur la situation – et surtout sur les perspectives - budgétaire des pays, ainsi que sur les facteurs susceptibles de créer un risque pour leur situation macroéconomique, financière et sociale.</p>
<p>Dans le cas du Cameroun, l’opinion publique et la presse ont mis en avant l’une des causes de cette <a href="https://www.jeuneafrique.com/1469547/economie-entreprises/pourquoi-yaounde-fait-lautruche-face-a-la-degradation-de-sa-note/">dégradation, à savoir l’accumulation d’arriérés de paiement</a>. En effet, en plus d’un retard de paiement - de plus de 5 jours - du service d’une dette bancaire (remboursement des intérêts et d’une partie du principal dus à une filiale espagnole de la Deutsche Bank au cours de l’année 2022), le gouvernement n’a apuré qu’une partie de ses arriérés sur ses dettes non-commerciales.</p>
<p>Ces dettes non-commerciales sont celles qui n'ont pas été contractées auprès du système bancaire (ce qu'a <a href="https://www.imf.org/fr/News/Articles/2023/06/29/pr23250-cameroon-imf-executive-board-completes-reviews-of-ecf-and-eff-arrangements-for-cameroon">souligné</a>, au mois de juin, l’équipe du Fonds monétaire international (FMI) qui a effectué les quatrièmes revues d’un programme d’aide financière dont le Cameroun bénéficie actuellement au titre de la <a href="https://www.imf.org/fr/News/Articles/2023/01/30/pr2324-cameroon-imf-staff-cameroonian-authorities-reached-sla-third-review-ecf-eff">facilité élargie de crédit</a> et du <a href="https://minepat.gov.cm/fr/2023/05/08/revue-du-pef-2021-2024-la-mission-du-fmi-chez-le-minepat/">mécanisme élargi de crédit</a>. </p>
<h2>Conséquences de la révision des notes</h2>
<p>La décision des agences de notation doit être appréciée dans un contexte particulier. Pour commencer, l’aide dont bénéficie actuellement le Cameroun de la part du FMI est ciblée pour des pays dont l’économie présente de graves problèmes macroéconomiques structurels susceptibles de conduire à des crises de balance de paiement. Par exemple, les problèmes de gouvernance (perception de la corruption) freinent les entrées de capitaux sous la forme d’investissements directs étrangers et de portefeuille. </p>
<p>Les progrès dans l’achèvement des projets de réhabilitation des infrastructures dans les secteurs du transport et de l’énergie ne sont pas suffisamment rapides pour hausser le niveau de la productivité globale des facteurs. Par ailleurs, le pays peine à réduire son taux de pauvreté qui <a href="https://www.un.org/africarenewal/fr/derni%C3%A8re-heure/cameroun-cr%C3%A9er-des-opportunit%C3%A9s-de-croissance-inclusive-et-de-r%C3%A9duction-de-la">culmine autour de 40 %</a> et qui s’accompagne de grandes disparités régionales, mais aussi entre zones rurales et zones urbaines.</p>
<p>Au-delà des chiffres encourageants sur les perspectives de croissance, les équilibres budgétaires et les réformes menées par l’administration fiscale, la question importante porte sur la capacité de résilience de la situation macro-budgétaire - qui reste fragile – face à la multiplication des chocs. Ce sont des facteurs de risques : crise du Covid-19, guerre d’Ukraine, crise politique et insécurité dans <a href="https://theconversation.com/comprendre-le-conflit-meurtrier-en-cours-dans-les-regions-anglophones-du-cameroun-179849">les régions anglophones</a>, tensions inflationnistes, remontée des taux d’intérêt mondiaux, crise migratoire, etc. </p>
<p>Or, l’orientation actuelle de tous ces facteurs joue en défaveur du Cameroun. Ce qui explique que la moindre décision de reporter le règlement d’une échéance sur une dette soit lue comme un signe avant-coureur d’un possible défaut (même si, <em>in fine</em>, ce dernier ne se produit pas). Les agences de notation s’intéressent au fait de savoir si ces facteurs sont susceptibles de peser négativement sur les indicateurs macroéconomiques, budgétaires et financiers du Cameroun.</p>
<h2>Un signal envoyé par les marchés</h2>
<p>La réponse est, sans doute, positive. Tout d’abord, les chances que les dépenses publiques évoluent en-deçà des limites prévues dans son programme d’ajustement <a href="https://www.imf.org/fr/News/Articles/2023/06/29/pr23250-cameroon-imf-executive-board-completes-reviews-of-ecf-and-eff-arrangements-for-cameroon">conclu avec le FMI</a> sont jugées faibles au regard de plusieurs facteurs : </p>
<ul>
<li><p>probables hausses des subventions aux ménages et aux entreprises dont le niveau de pauvreté s’est accru en raison de l’inflation;</p></li>
<li><p>hausse des dépenses liées aux migrations provoquées par la <a href="https://theconversation.com/comprendre-le-conflit-meurtrier-en-cours-dans-les-regions-anglophones-du-cameroun-179849">crise sociopolitique avec les Etats anglophones</a> du Nord, et par la volatilité des prix du pétrole qui risque de renchérir les importations de pétrole raffiné;</p></li>
<li><p>hausse des taux d’intérêt mondiaux qui risque également de durcir les conditions de refinancement sur les marchés de capitaux mondiaux, en affectant donc directement le service de la dette. </p></li>
</ul>
<p>Par ailleurs, les réformes visant à améliorer des ressources budgétaires et le potentiel de croissance sont en cours et n’ont pas encore révélé leur pleine potentialité. <a href="https://www.imf.org/fr/News/Articles/2023/06/29/pr23250-cameroon-imf-executive-board-completes-reviews-of-ecf-and-eff-arrangements-for-cameroon">La dernière revue du FMI en juin 2023</a> souligne que les réformes structurelles progressent à un rythme lent. Ce dernier élément est susceptible de peser sur l’amélioration du climat des affaires. Il peut obérer les capacités du Cameroun à recevoir des investissements directs étrangers qui seraient nécessaires au financement de l’activité des secteurs non pétroliers. </p>
<p>Le Cameroun peut être classé parmi les pays dont <a href="https://www.imf.org/fr/News/Articles/2023/06/29/pr23250-cameroon-imf-executive-board-completes-reviews-of-ecf-and-eff-arrangements-for-cameroon">la balance des paiements et les soldes budgétaires</a> font apparaître des besoins de financement élevés. Au point que le pays est appuyé par un programme du FMI pour lui éviter une crise de liquidités. Dans ce contexte, une règle d’or est que les arriérés de paiement ne peuvent servir, même temporairement, à financer les dépenses. La décision de Moody’s et de Standard and Poor’s était donc attendue. </p>
<p>Les conséquences à court terme de la dégradation de la note souveraine sont imprévisibles. Mais on peut interpréter cette dégradation comme un signal envoyé par les marchés au gouvernement, au moment où ce dernier bénéficie d’un appui financier du FMI et doit engager des réformes structurelles pour accroître la productivité de son économie et dégager des ressources permettant de réduire la pauvreté.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212395/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles Dufrénot does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>La dégradation de la note souveraine du Cameroun peut être interprétée comme un signal envoyé par les marchés au gouvernement, au moment où il bénéficie d’un appui financier du FMI.Gilles Dufrénot, Economiste, Chercheur associé au CEPII et Professeur à Aix-Marseille Université, Sciences Po AixLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2023632023-03-22T23:53:39Z2023-03-22T23:53:39ZCredit Suisse : les leçons d’une lente descente aux enfers<p>La faillite de la banque américaine Silicon Valley Bank (SVB) a entraîné une correction des valeurs bancaires, d’abord à Wall Street, puis par contagion sur tous les grands marchés boursiers. Entre le vendredi 10 mars et le lundi 13 mars, la capitalisation boursière mondiale du secteur a perdu 465 milliards de dollars. Cette vague a traversé l’Atlantique et déstabilisé une vénérable institution helvétique créée en 1856 : le Credit Suisse, une des 30 banques systémiques dans le monde.</p>
<p>Lundi 13 mars une déclaration de son principal actionnaire, la Saudi National Bank, précisait qu’<a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/credit-suisse-le-premier-actionnaire-ne-veut-absolument-pas-monter-davantage-au-capital-20230315">elle ne participerait en aucun cas à une éventuelle recapitalisation de la banque</a> après avoir pris une participation de près de 10 % dans le capital en octobre 2022. Les actionnaires se sont alors inquiétés, faisant chuter le cours de 30 %, ce qui a amené les déposants à retirer leurs fonds.</p>
<p><iframe id="Pj7Zf" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Pj7Zf/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Devant la gravité de la situation, l’État helvétique a alors négocié directement avec UBS une reprise du Credit Suisse avec une garantie de passif confédéral. L’autre géant bancaire zurichois a rapidement annoncé le rachat de son homologue, le dimanche 19 mars, « pour rétablir la confiance ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1637525372504793090"}"></div></p>
<p>De graves déficiences dans la gestion des risques du Credit Suisse sont apparues <a href="https://www.boursorama.com/bourse/actualites/credit-suisse-retour-sur-deux-ans-de-scandales-680f9b35dbd382be8f0690490f31b5da">au cours des deux dernières années</a>. En avril 2021, nous avions souligné les difficultés des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-22013">banques</a> à maîtriser leurs départements spécialisés dans le métier très rentable de « prime broker », qui offre une large gamme de services aux fonds spéculatifs, comme l’avait démontré l’affaire Archegos.</p>
<p>La déconfiture de ce fonds, à la suite de prises de position à fort effet de levier sur des valeurs technologiques, avait laissé une ardoise totale de quelque <a href="https://www.reuters.com/article/us-morgan-stanley-archegos-idUSKBN2BT2OC">10 milliards de dollars</a> principalement au Credit Suisse (4,7) et au japonais Nomura (2 milliards).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/finance-ce-que-la-chute-du-fonds-archegos-peut-changer-158907">Finance : ce que la chute du fonds Archegos peut changer</a>
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<p>La banque a également perdu 2,6 milliards de dollars dans le cadre de la faillite de Greensill en juin 2021, une jeune société londonienne qui finançait à court terme des entreprises en titrisant ses prêts auprès du Credit Suisse Asset Management. Au terme de son enquête, le 28 février 2023, l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma, le régulateur suisse) déclarait même que la banque avait « <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/affaire-greensill-credit-suisse-a-gravement-manque-a-ses-obligations-prudentielles-selon-le-gendarme-suisse-des-marches-20230228">gravement manqué à ses obligations prudentielles</a> en matière de gestion des risques ».</p>
<p>Enfin, dans <a href="https://www.letemps.ch/economie/finance/credit-suisse-devra-payer-475-millions-dollars-laffaire-tunas-bonds">l’affaire des « tuna bonds » du Mozambique</a>, la banque a accepté de payer, le 19 octobre 2021, 475 millions de dollars dans le cadre d’un accord avec les autorités américaines, britanniques et suisses. L’objectif était alors d’éteindre les poursuites liées à des prêts aux entreprises d’État du Mozambique, officiellement pour financer des navires-patrouilleurs et de pêche au thon, mais qui dissimulaient un vaste système de corruption des proches du pouvoir.</p>
<h2>Des activités opaques et illégales</h2>
<p>Plus grave encore pour la réputation de la banque, à ces défaillances opérationnelles s’est ajoutée une série de scandales de blanchiment d’argent de grande ampleur. En 2020, la banque est accusée d’avoir financé un cartel de drogue bulgare et devient même le 27 juin 2022 la première grande banque à être condamnée au pénal par le Tribunal pénal fédéral.</p>
<p>En février 2022, l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), un consortium regroupant 47 médias, dont <em>Le Monde</em> et le <em>New York Times</em>, publie une enquête appelée <a href="https://www.occrp.org/en/suisse-secrets/"><em>Suisse secrets</em></a> à partir de données transmises par un lanceur d’alerte au quotient allemand Süddeutsche Zeitung.</p>
<p>Cette enquête dévoile les activités illégales menées par la banque pour couvrir de vastes opérations de blanchiment pour le compte de dictateurs et d’hommes politiques corrompus, de grandes fortunes à l’origine illicite, de personnes privées ou morales frappées par des sanctions internationales, voire de réseaux criminels ou mafieux.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1541394174053756929"}"></div></p>
<p>Le Credit Suisse se croyait sans doute protégé ad vitam aeternam par le <a href="https://www.persee.fr/doc/genes_1155-3219_1999_num_34_1_1549">sacro-saint secret bancaire suisse</a>, inscrit dans la loi en 1934 et qui punissait explicitement de prison quiconque divulguerait des informations confidentielles. Mais en 2009, sous <a href="https://www.lemonde.fr/evasion-fiscale/article/2015/02/11/comment-la-suisse-a-renonce-au-secret-bancaire_4572485_4862750.html">pression américaine</a>, le conseiller fédéral Hans-Rudolf Merz annonçait la <a href="https://labs.letemps.ch/interactive/2019/longread-secret-bancaire/">fin de ce secret bancaire</a>, qui avait longtemps servi d’argument commercial infaillible aux banques suisses. Il est vrai qu’il entrait en contradiction avec les <a href="https://www.eda.admin.ch/eda/fr/dfae/politique-exterieure/secteur-financier-economie-nationale/corruption.html">engagements internationaux de la Confédération</a> en matière de lutte contre la corruption et le blanchiment.</p>
<h2>La revanche d’UBS</h2>
<p>Ironie de l’histoire, c’est l’UBS, elle-même au bord du gouffre en 2008 au point d’avoir été sauvé par le gouvernement suisse de l’époque qui a été appelé par ce même gouvernement à reprendre le Credit Suisse, aidé en cela par l’évolution des cours des deux banques. En effet le vendredi 17 mars, la capitalisation boursière de la banque helvétique n’était plus que de 7,4 milliards, soit le dixième de celle d’UBS, rendant l’acquisition sous forme d’actions peu dilutive pour les actionnaires d’UBS.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1637478664525815814"}"></div></p>
<p>Concrètement, l’accord arraché dimanche 19 mars au soir par l’État confédéral et la Finma scelle le rachat de Credit Suisse par UBS pour 3 milliards de francs suisses (3 milliards d’euros) payables en actions UBS, soit 76 centimes seulement pour une action qui valait encore 1,86 franc suisse le vendredi 17 mars (à comparer à des fonds propres comptables de près de 40 milliards d’euros…).</p>
<p>En outre, UBS bénéficie d’une garantie pouvant aller jusqu’à 9 milliards du gouvernement en cas de futures dépréciations des actifs de Credit Suisse. De son côté, la Banque nationale suisse, outre un prêt de 50 milliards accordé au Credit Suisse le jeudi 16 mars, a ouvert une nouvelle tranche de 50 milliards dimanche 19 mars au soir auquel s’ajoute un mécanisme de garantie des liquidités (public liquidity backstop) de 100 milliards supplémentaires pour faire face aux éventuels retraits des déposants.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/des-paniques-bancaires-sont-elles-toujours-a-craindre-195066">Des paniques bancaires sont-elles toujours à craindre ?</a>
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<p>Ce dispositif géant a <a href="https://www.boursorama.com/videos/actualites/le-debrief-du-21-mars-rassure-le-cac-40-grimpe-avant-la-fed-59f8b47bc79dc7e70c2fcfe3899aba7e">rassuré les marchés</a> et donné naissance à un mastodonte de la gestion d’actifs gérant plus de 5 000 milliards de dollars d’actifs pour compte de tiers, dont 3 400 milliards de dollars pour la seule gestion de fortune des particuliers, une activité traditionnellement plus stable. Ce deal renforce ainsi la place de numéro un mondial que détenait déjà UBS dans le domaine mais crée une banque encore plus systémique.</p>
<h2>La fin des « CoCo bonds » ?</h2>
<p>Dans l’opération de sauvetage du dimanche 19 mars, l’État confédéral et la Finma ont pris une décision surprenante : ils ont décidé de faire absorber les pertes en capital en priorité aux détenteurs des obligations additionnelles Tier 1, surnommées « CoCo bonds » pour « contingent convertible bonds ». Il s’agit de titres hybrides entre capital et dette, en principe de meilleur rang que les actions. En déclenchant l’amortissement complet et instantané de leur valeur nominale, les autorités ont ainsi annulé 17 milliards d’euros alors même que les actionnaires conservaient encore 3 milliards et n’ont donc pas été totalement éliminés.</p>
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<p>Pour la Finma, une clause du contrat d’émission de ces « CoCo bonds » prévoyait la perte totale de leur valeur en cas d’événement de dépréciation (ou « write off event »). En conséquence, le marché des « CoCo bonds », créé après la crise de 2008 et qui pèse <a href="https://www.lecho.be/dossiers/crise-bancaire/crise-bancaire-les-obligations-at1-de-quoi-s-agit-il-en-fait/10455068.html">plus de 250 milliards de dollars dans le monde</a>, a <a href="https://www.quantalys.com/Fonds/Historique/712555">lourdement chuté</a> à l’annonce du plan de sauvetage.</p>
<p>Pour rassurer les obligataires et assurer le financement des banques via ces produits, les autorités européennes ont immédiatement précisé qu’elles considéraient toujours, contrairement à la Finma, les « CoCo bonds » comme des titres hybrides entre capital et dettes, donc prioritaires par rapport aux actions en cas de liquidation.</p>
<h2>Des ratios en question</h2>
<p>La débâcle du Credit Suisse est également riche d’enseignements sur la manière dont la solidité des banques est évaluée. En effet, la banque <a href="https://www.credit-suisse.com/media/assets/corporate/docs/about-us/media/media-release/2023/02/q4-22-press-release-fr.pdf">dépassait de beaucoup les deux ratios clés que sont le CET1 et le LCR</a>. Le premier, le ratio de solvabilité Common Equity 1, est le rapport pondéré des risques entre les fonds propres (capital + réserves), et les actifs de la banque (position de marché, crédits aux entreprises…). Il s’est durci entre les réglementations bancaires de Bâle I et Bâle III : le seuil limite se situe aujourd’hui à 10,6 % en Europe, le Credit Suisse affichant un ratio bien supérieur de 14,1 %.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/faillite-de-la-silicon-valley-bank-pourquoi-les-risques-dune-nouvelle-crise-financiere-restent-limites-201650">Faillite de la Silicon Valley Bank : pourquoi les risques d’une nouvelle crise financière restent limités</a>
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<p>Le second, le <em>liquidity coverage ratio</em> (ratio de liquidité à court terme) assure que la banque dispose d’un niveau adéquat d’actifs liquides de haute qualité pouvant être convertis en liquidité pour couvrir ses besoins sur une période de 30 jours calendaires en cas de graves difficultés de financement. Ce ratio doit être supérieur ou égal à 100 % : il était de 150 % pour la banque helvétique avant la chute.</p>
<p>Une conclusion s’impose donc : si les ratios constituent une boite à outils utile aux régulateurs, ils ne remplaceront jamais une prudente régulation ni une gestion rigoureuse des risques en interne, menée par des experts et chapeautée par un conseil d’administration à la fois compétent et vigilant. Ce qui n’a pas été le cas au Credit Suisse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202363/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet est membre de la Société française des analystes financiers (SFSF) et de l'association anticorruption Anticor. </span></em></p>Le respect des ratios de solidité bancaire exigé par les autorités n’a pas empêché la chute de la banque suisse, rachetée en urgence par son homologue UBS le 19 mars dernier.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2016452023-03-13T19:55:09Z2023-03-13T19:55:09ZL’inflation incite les Français à prendre plus de risque avec leur épargne<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/514814/original/file-20230312-2064-i3qohj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C30%2C1011%2C679&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un Français sur deux se dit aujourd’hui «&nbsp;intéressé par les sujets d’épargne&nbsp;» contre deux sur cinq en 2020.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/6/65/Euro_coins_and_banknotes.jpg/1024px-Euro_coins_and_banknotes.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La forte poussée de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a> en 2022 (<a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/01/13/l-inflation-a-atteint-5-2-en-moyenne-en-2022-en-france-annonce-l-insee_6157692_3234.html">5,2 % en France</a>) et la <a href="https://theconversation.com/la-bce-poursuit-son-resserrement-monetaire-mais-doit-composer-avec-de-fortes-incertitudes-199332">remontée rapide des taux d’intérêt</a> a très nettement renforcé l’intérêt des Français pour les questions touchant à <a href="https://theconversation.com/fr/topics/epargne-20568">l’épargne</a>. Elle a également introduit quelques nouvelles tendances fortes sur leur manière de gérer leur <a href="https://theconversation.com/fr/topics/argent-69158">argent</a> et de prévoir leur retraite.</p>
<p>Le <a href="https://www.cercledesepargnants.com/2023/02/06/barometre-2023-les-francais-lepargne-et-la-retraite/">21ᵉ baromètre Ipsos</a> réalisé pour le <a href="https://www.cercledesepargnants.com/">Cercle des Épargnants</a> sur « les Français, l’épargne et la retraite » montre ainsi que, désormais, un Français sur deux se dit « intéressé par les sujets d’épargne et produits financiers » alors qu’ils n’étaient que deux sur cinq il y a trois ans. De fait, alors que l’inflation est au plus haut depuis trente ans, deux Français sur trois estiment que leur <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pouvoir-dachat-33467">pouvoir d’achat</a> a diminué en 2002.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/514809/original/file-20230312-797-f57ih7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514809/original/file-20230312-797-f57ih7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514809/original/file-20230312-797-f57ih7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514809/original/file-20230312-797-f57ih7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514809/original/file-20230312-797-f57ih7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514809/original/file-20230312-797-f57ih7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514809/original/file-20230312-797-f57ih7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514809/original/file-20230312-797-f57ih7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cercledesepargnants.com/wp-content/uploads/2023/02/Rapport-Les-Francais-lepargne-et-la-retraite-Ipsos-pour-le-Cercle-des-epargnants.pptx-.pdf">Le Cercle des Épargnants/Ipsos (février 2023)</a></span>
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<p>Cela les conduit naturellement à rechercher les placements offrant des rendements plus importants, quitte à ne pas pouvoir toucher à leur épargne à court terme, dans le but de la protéger au maximum.</p>
<h2>Le Livret A, toujours le placement préféré des Français</h2>
<p>C’est l’une des principales ruptures observées l’an dernier, avec le fort engouement pour le Livret A qui reste, selon l’enquête le placement préféré des Français : 37 % d’entre eux le classent comme meilleur produit d’épargne (en hausse de 7 points par rapport à 2021) ce qui est en ligne avec la remontée rapide des taux d’intérêt offerts par ce produit, passés de 1 % début 2022 à <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A15818">3 % un an plus tard</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/514811/original/file-20230312-3624-6xmdhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514811/original/file-20230312-3624-6xmdhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514811/original/file-20230312-3624-6xmdhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514811/original/file-20230312-3624-6xmdhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514811/original/file-20230312-3624-6xmdhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514811/original/file-20230312-3624-6xmdhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514811/original/file-20230312-3624-6xmdhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514811/original/file-20230312-3624-6xmdhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cercledesepargnants.com/wp-content/uploads/2023/02/Rapport-Les-Francais-lepargne-et-la-retraite-Ipsos-pour-le-Cercle-des-epargnants.pptx-.pdf">Le Cercle des Épargnants/Ipsos (février 2023)</a></span>
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<p>Si cet engouement est logique, il trouve cependant une limite puisque ces livrets sont généralement plafonnés, à 22 950 euros pour les particuliers pour le livret A par exemple, hors calcul des intérêts capitalisés.</p>
<p>Le baromètre montre également que les Français sont de plus en plus nombreux à envisager une plus grande prise de risque sur les marchés (32 % + 6 points en un an).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/514810/original/file-20230312-4138-hfhkup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514810/original/file-20230312-4138-hfhkup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514810/original/file-20230312-4138-hfhkup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514810/original/file-20230312-4138-hfhkup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514810/original/file-20230312-4138-hfhkup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514810/original/file-20230312-4138-hfhkup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514810/original/file-20230312-4138-hfhkup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514810/original/file-20230312-4138-hfhkup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cercledesepargnants.com/wp-content/uploads/2023/02/Rapport-Les-Francais-lepargne-et-la-retraite-Ipsos-pour-le-Cercle-des-epargnants.pptx-.pdf">Le Cercle des Épargnants/Ipsos (février 2023)</a></span>
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<p>On pense alors immédiatement aux produits d’actions qui offrent généralement sur le long terme un rendement supérieur aux comptes sur livret par exemple. C’est donc probablement une bonne idée pour la constitution d’un patrimoine en vue de la retraite. Mais attention, l’actualité récente a aussi montré que les particuliers pouvaient être séduits par des actifs bien plus risqués comme les <a href="https://theconversation.com/les-cryptomonnaies-sont-en-crise-mais-elles-nont-pas-dit-leur-dernier-mot-185476">cryptomonnaies</a> ou certaines stratégies très agressives sur le marché des changes.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Ces placements peuvent offrir des rendements impressionnants à court terme et donner l’illusion d’un gain de pouvoir d’achat conséquent. Cependant, ils n’ont certainement pas encore démontré leur efficacité pour une épargne de long terme. De manière plus problématique, ce type de placement peut <a href="https://theconversation.com/ftx-une-liquidation-entre-speculation-effrenee-gouvernance-defaillante-et-pratiques-delictuelles-195331">exposer l’épargnant à des arnaques</a> aux conséquences funestes pour son patrimoine. L’Autorité des marchés financiers (AMF <a href="https://www.amf-france.org/fr/espace-epargnants/proteger-son-epargne/crypto-actifs-bitcoin-etc">) alerte d’ailleurs très régulièrement</a> sur ce point mais malgré cela des épargnants crédules restent souvent victimes de ces fraudes.</p>
<h2>L’investissement responsable délaissé</h2>
<p>En contrepartie de cette recherche de rendement, les Français se détournent des produits d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/investissement-socialement-responsable-isr-61559">investissement socialement responsable (ISR)</a> lorsque ceux-ci sont perçus comme moins rémunérateurs. Ce mouvement en défaveur des produits financiers « verts » fait écho à ce qui est observé dans d’autres secteurs de l’activité économique : par exemple, les chaines de la grande distribution alertent depuis plusieurs mois sur la <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/distribution/inflation-les-ventes-de-produits-bio-s-effondrent-942286.html">perte de part de marché des produits bio</a> par rapport aux produits classiques.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/514812/original/file-20230312-16-dpwxxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514812/original/file-20230312-16-dpwxxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514812/original/file-20230312-16-dpwxxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514812/original/file-20230312-16-dpwxxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514812/original/file-20230312-16-dpwxxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514812/original/file-20230312-16-dpwxxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514812/original/file-20230312-16-dpwxxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514812/original/file-20230312-16-dpwxxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cercledesepargnants.com/wp-content/uploads/2023/02/Rapport-Les-Francais-lepargne-et-la-retraite-Ipsos-pour-le-Cercle-des-epargnants.pptx-.pdf">Le Cercle des Épargnants/Ipsos (février 2023)</a></span>
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<p>S’agissant de la retraite, enfin, la meilleure solution à mettre en place « pour assurer la viabilité du système de retraite en France » consiste, selon 54 % des Français à développer les fonds de pension. Cette tendance est très nette depuis deux ans, signe d’une inquiétude grandissante sur la capacité du seul système par répartition à garantir des revenus décents aux futurs retraités.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/514813/original/file-20230312-2942-z52r1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514813/original/file-20230312-2942-z52r1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514813/original/file-20230312-2942-z52r1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514813/original/file-20230312-2942-z52r1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514813/original/file-20230312-2942-z52r1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514813/original/file-20230312-2942-z52r1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514813/original/file-20230312-2942-z52r1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514813/original/file-20230312-2942-z52r1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Au total, on voit que l’inflation affecte directement les modes de consommation du grand public mais aussi ses stratégies de placement, avec des conséquences potentielles importantes pour son patrimoine et donc pour l’économie en général.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201645/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Dupuy est conseiller scientifique du Cercle des Epargnants</span></em></p>Inquiets pour leur pouvoir d’achat, les ménages s’intéressent à des placements financiers à plus fort rendement mais dont l’efficacité dans une stratégie d’épargne de long terme reste à démontrer.Philippe Dupuy, Professeur au département Gestion, Droit et Finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1998032023-02-14T20:35:10Z2023-02-14T20:35:10ZEscroquerie et finance internationale : les leçons de la chute de Gautam Adani, troisième fortune mondiale<p>Le 24 janvier 2023, le <em>hedge fund</em> (fonds spéculatif) new-yorkais Hindenburg Research, fondé en 2017 par Nathan Anderson en référence au dirigeable allemand qui avait explosé en vol aux États-Unis en 1937, publie une <a href="https://hindenburgresearch.com/adani/">étude</a> de 106 pages intitulée « Adani Group : comment la troisième fortune mondiale a monté la plus grande escroquerie de l’histoire des affaires ».</p>
<p>Hindenburg dénonçait un conglomérat particulièrement opaque de 578 filiales – nombre d’entre elles dans des juridictions offshore comme les Caraïbes et sans activité opérationnelle – avec pas moins de 6 025 relations croisées entre elles particulièrement propices à la cavalerie financière.</p>
<p>Il relevait des fraudes comptables éhontées, une corruption des autorités indiennes à grande échelle, du blanchiment d’argent et enfin des manipulations de cours qui auraient artificiellement gonflé la capitalisation boursière des sept sociétés cotées détenues par Adani Group à huit fois leur valeur réelle, expliquant la fulgurante progression de la fortune du fondateur du groupe, Gautam Adani, de <a href="https://www.forbes.com/sites/chasewithorn/2022/09/27/the-2022-forbes-400-list-of-richest-americans-facts-and-figures/?sh=2622bd8218e4">20 milliards dollars en 2020 à plus de 143 milliards dollars</a> selon le classement Forbes de septembre 2022.</p>
<p>Ces révélations ont immédiatement déclenché une vague de panique à la Bourse de Bombay. Les actions du groupe ont perdu 15 % en 24 heures et plus de 50 % au 13 février 2023 entraînant <a href="https://www.economist.com/business/2023/02/01/what-next-for-gautam-adanis-embattled-empire">l’annulation in extremis d’une augmentation de capital</a> de 2,5 milliards dollars prévue le 31 janvier. En conséquence, la valeur boursière du groupe est passée en moins de deux semaines de 250 milliards de dollars à moins de 125 milliards de dollars réduisant d’autant la fortune du magnat.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1623654952810827780"}"></div></p>
<p>En réponse à cette attaque solidement argumentée le directeur financier d’Adani, Jugeshinder Singh a rapidement publié un document de 413 pages qualifiant les allégations du fonds spéculatif de combinaison particulièrement pernicieuse de désinformation sans fondement. Selon Adani, l’étude n’avait <a href="https://www.businesstoday.in/latest/corporate/story/hindenburg-copy-pasted-our-disclosures-did-no-research-says-adani-group-cfo-jugeshinder-singh-368030-2023-01-30">d’autre but que de discréditer le groupe</a> pour empêcher l’augmentation de capital en cours, rappelant que les plus hautes juridictions indiennes avaient toujours rejeté les accusations de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/fraude-21144">fraude</a> contre le groupe.</p>
<h2>Chevaliers noirs</h2>
<p>Hedge fund spécialisé dans la vente à découvert, Hindenburg n’en était pas à son coup d’essai : en 2020, le fonds avait déjà démontré que la société Nikola, un constructeur de camions à hydrogène, était une <a href="https://hindenburgresearch.com/nikola/">gigantesque arnaque</a>. Hindenburg <a href="https://www.lantenne.com/Le-fondateur-de-Nikola-reconnu-coupable-d-avoir-trompe-les-investisseurs_a60395.html">a fait condamner son fondateur</a> par une cour fédérale de New York et empocher de substantiels gains en anticipant la faillite de la société et la chute de son cours de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/bourse-25542">bourse</a>.</p>
<p>La question de la légitimité des ventes à découvert revient donc en force en Inde. Cette technique consiste à emprunter des titres d’une société cotée avec engagement de les restituer à leur propriétaire à une date ou pendant une période fixée à l’avance, puis à les vendre en bourse dans l’espoir de les racheter rapidement moins cher en encaissant la plus-value.</p>
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<p>Bien qu’aucune étude scientifique n’ait jamais prouvé leur toxicité (au contraire, cette pratique accroît la liquidité du marché et permet aux vendeurs de trouver une contrepartie acheteuse en cas de panique des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marches-financiers-25050">marchés financiers</a>), la vente à découvert a toujours <a href="https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/dossiers-thematiques/ventes-decouvert">mauvaise réputation</a> chez certains régulateurs comme l’Autorité des marchés financiers (AMF) en France.</p>
<p>Pour ses adeptes, elle comporte toutefois des risques bien plus grands que les achats d’action car si le cours d’une action peut tomber à zéro il n’y a théoriquement pas de limite à la hausse d’une action (comme le dit l’adage boursier <em>sky is the limit</em>, le ciel est la seule limite) lorsque des acheteurs sont prêts à payer n’importe quel prix.</p>
<p>Cette mésaventure s’est concrétisée en janvier 2021 pour les vendeurs à découvert de l’action Gamestop vendue à 5 dollars dans l’attente d’une faillite vraisemblable pour une société de la vieille économie disruptée par la vague des nouvelles technologies. Mais sous le coup d’une action concertée des « gamers » devenus apprentis traders, le cours de l’action s’enflamma jusqu’à… 483 dollars le 28 janvier. Le soufflé est depuis largement retombé mais l’action se traitait encore autour de 50 dollars six mois plus tard et à 20 dollars aujourd’hui.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/gamestop-quand-les-gamers-activistes-mettent-a-genoux-les-goliaths-de-la-finance-154854">GameStop : quand les gamers activistes mettent à genoux les Goliaths de la finance</a>
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<p>Dans l’affaire Adani, Hindenburg avait constaté qu’après la flambée des cours de ses actions de +800 % en 3 ans, le ratio cours/bénéfice (le PER) des titres se situait à un niveau stratosphérique de 125 fois les bénéfices. Pour le hedge fund, rien ne justifiait ce ratio pour un groupe gérant de lourds investissements d’infrastructure aux rendements stables et récurrents, donc très éloignés du monde des valeurs dites à forte croissance.</p>
<p>À titre de comparaison, le PER des sociétés cotées se situent habituellement entre 15 et 20 fois les bénéfice et celui de l’indice Nasdaq des valeurs technologiques américaines restait en dessous de 30 au sommet du boom des valeurs de technologie fin 2021. Il était toutefois clair que l’étroitesse du marché comme du flottant du groupe (le pourcentage des actions détenues par les minoritaires et donc susceptibles d’être vendues sans délai) facilitait grandement la manipulation des cours.</p>
<h2>Capitalisme de connivence</h2>
<p>Le groupe créé par Gautam Adani s’est développé depuis les produits de base et les infrastructures vitales pour un pays émergent. Aujourd’hui, il possède entre autres des mines de charbon en Australie et en Indonésie et une soixantaine d’infrastructures en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inde-23095">Inde</a>, incluant 13 ports dont celui de Mundra sur la côte ouest, le premier port commercial de l’Inde, ainsi que la seconde cimenterie du pays et des lieux stratégiques de stockage de céréales.</p>
<p>Dans une économie qui, comme en Russie ou en Chine, s’est depuis une trentaine d’années lentement convertie à la libre concurrence à partir d’un système socialiste inefficace, la proximité du pouvoir est souvent la meilleure manière d’obtenir des licences. Or Gautam Adani est originaire de l’État du Gujarat (ouest du pays) et a en 2003 obtenu de Narendra Modi, le premier ministre actuel alors ministre en chef de cet État, l’autorisation de créer une zone économique spéciale sur d’anciens marécages pour en faire un ensemble portuaire qu’il a d’ailleurs efficacement réalisé.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/509737/original/file-20230213-28-7vr4le.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Vue du port de Mundra dans le Gujarat (Ouest de l’Inde)" src="https://images.theconversation.com/files/509737/original/file-20230213-28-7vr4le.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509737/original/file-20230213-28-7vr4le.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509737/original/file-20230213-28-7vr4le.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509737/original/file-20230213-28-7vr4le.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509737/original/file-20230213-28-7vr4le.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509737/original/file-20230213-28-7vr4le.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509737/original/file-20230213-28-7vr4le.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vue du port de Mundra dans le Gujarat (Ouest de l’Inde).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:The_port_of_Mundra_in_Gujarat.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>En 2019, Adani, pourtant sans la moindre compétence dans le domaine, a curieusement remporté l’appel d’offres de la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/02/01/l-empire-ebranle-du-milliardaire-indien-adani_6160044_3234.html">privatisation des principaux aéroports</a> décidée par le gouvernement fédéral de… Narendra Modi. Plus surprenant, en 2020 il parvient à prendre le contrôle de l’aéroport de Mumbai après que son opérateur historique – qui ne souhaitait pas vendre – a fait l’objet d’un raid de l’agence gouvernementale de répression des fraudes.</p>
<p>Encore plus inquiétant, cette fois pour la liberté d’expression, il rachète en 2022 une chaîne d’information, Delhi Television, notoirement hostile au gouvernement Modi, là encore après que son propriétaire a fait l’objet de plusieurs enquêtes du bureau central d’enquête, l’équivalent du FBI en Inde. Cet achat réduit un peu plus la pluralité de l’information dans un pays classé seulement <a href="https://rsf.org/fr/classement-mondial-de-la-libert%C3%A9-de-la-presse-2021-le-journalisme-est-un-vaccin-contre-la">150ᵉ sur 180 États pour la liberté de la presse</a> par l’Organisation non gouvernementale (ONG) Reporters sans frontières.</p>
<h2>Adani touché mais pas coulé</h2>
<p>Malgré un endettement du groupe de 20 milliards dollars et la récente remontée des taux d’intérêt, la survie de l’empire Adani n’est toutefois pas en danger. Le groupe reste un opérateur sérieux dans ses domaines d’activité. Ses sociétés disposent d’actifs tangibles de grande valeur qui génèrent 25 milliards de dollars par an de chiffre d’affaires pour un bénéfice net récurrent de 1,8 milliard de dollars et des investissements annuels de 5 milliards de dollars.</p>
<p>L’affaire Adani ne soulève donc pas de question sur la gestion opérationnelle du groupe mais bien plutôt sur sa gouvernance et la facilité avec laquelle des dirigeants majoritaires peuvent manipuler sans contrôle leur cours de bourse à Mumbai.</p>
<p>Nul doute que les investisseurs institutionnels étrangers exigeants en matière de fiabilité du reporting et de gouvernance y regarderont désormais à deux fois avant d’investir dans des sociétés indiennes détenues par les magnats locaux. Cependant, les besoins en infrastructures d’un pays qui est devenu cette année le <a href="https://www.un.org/development/desa/pd/content/World-Population-Prospects-2022">plus peuplé de la planète</a> sont si considérables que le pays n’a d’autre choix pour attirer les investisseurs que d’améliorer sa crédibilité financière en renforçant le pouvoir, l’indépendance et l’efficacité des autorités de marché comme des auditeurs externes.</p>
<p>D’ailleurs, une des premières conséquences positives de l’affaire a été la <a href="https://economictimes.indiatimes.com/markets/stocks/news/sebi-probes-adanis-links-to-investors-as-modis-office-is-briefed/articleshow/97797910.cms?from=mdr">réaction de la Securities and Exchange Board of India</a> (SEBI) qui a dû demander – bien tardivement et sous la pression d’un analyste financier étranger – des informations sur les propriétaires des sociétés offshore accusés d’avoir agi pour le compte d’Adani, dans un délai de 6 mois.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199803/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet est membre de la Société française des analystes financiers (SFAF). </span></em></p>La fonte soudaine de la valeur du groupe indien fondé par Gautam Adani devrait inciter les investisseurs et les autorités du pays à surveiller davantage les manipulations des cours de bourse.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1997972023-02-13T20:38:01Z2023-02-13T20:38:01ZD’où viennent les profits record des compagnies pétrolières et à quoi servent-ils ?<p>Tour à tour, les compagnies pétrolières annoncent des <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/02/08/les-majors-du-petrole-affichent-des-resultats-record_6160981_3234.html">profits record pour 2022</a>, les plus hauts qu’elles aient connus de toute leur histoire. Côté américain, 55,7 milliards de dollars de profits ont ainsi été enregistrés par <a href="https://corporate.exxonmobil.com/news/newsroom/news-releases/2023/0131_exxonmobil-announces-full-year-2022-results">ExxonMobil</a> et 36,5 milliards par <a href="https://www.chevron.com/-/media/chevron/stories/documents/4Q22-earnings-press-release.pdf">Chevron</a>. </p>
<p>Les majors européennes ne sont pas en reste, avec des profits s’élevant à 39,9 milliards de dollars pour <a href="https://www.shell.com/investors/results-and-reporting/quarterly-results/2022/q4-2022/_jcr_content/root/main/section/simple/call_to_action/links/item1.stream/1675295770390/c4588bfb8b938904cc08e44fb874ae2891b6e70a/q4-2022-qra-document.pdf">Shell</a> ou encore 20,5 milliards de dollars de bénéfice net engrangés pour <a href="https://totalenergies.com/system/files/documents/2023-02/TotalEnergies_4T22_Resultats.pdf">TotalEnergies</a> et 27,6 pour le groupe britannique <a href="https://www.bp.com/en/global/corporate/investors/results-and-presentations/quarterly-results-and-webcast.html/register">British Petroleum</a>. Ces chiffres mirobolants ne manquent pas de faire polémique dans l’actuel contexte de crise énergétique.</p>
<h2>Comment expliquer de tels profits record ?</h2>
<p>Répondre à cette question nécessite d’effectuer un bref retour sur l’évolution du cours du baril lors de l’année 2022. La forte reprise de l’activité qui a suivi la crise économique mondiale liée à la pandémie de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/Covid-19-82467">Covid-19</a> s’est traduite par une hausse de la demande de pétrole qui a, mécaniquement, tiré les prix du brut vers le haut.</p>
<p>À ce facteur économique s’est ajouté un élément géopolitique majeur, l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022. Cette attaque a créé une onde de choc sur le marché pétrolier avec un cours du baril qui s’est immédiatement envolé pour côtoyer les sommets de mars à mai 2022.</p>
<p>Cette flambée des prix du brut dès le début du conflit s’explique par les <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/pb/2022/pb2022-37.pdf">craintes provoquées par la guerre en Ukraine</a> quant à un possible manque d’approvisionnement en hydrocarbures, tirant en conséquence les prix de l’or noir vers le haut. Les incertitudes relatives aux perspectives économiques mondiales ont ensuite pris le relais, en particulier quant à un éventuel ralentissement de l’activité économique en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chine-20235">Chine</a>, deuxième plus gros pays consommateur de pétrole au monde.</p>
<p><iframe id="Hzt4m" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Hzt4m/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La recrudescence des cas de Covid-19 a en effet jeté un doute sur la santé économique à venir de l’empire du Milieu, générant une vive incertitude au niveau mondial. Les prix du brut ont alors été tirés vers le bas en raison des anticipations à la baisse de la demande chinoise de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/petrole-21362">pétrole</a>. Quoi qu’il en soit, sur l’ensemble de l’année 2022, les prix du brut (brent) ont enregistré une croissance moyenne de 42,6 % par rapport à 2021.</p>
<p>Outre l’impact conséquent sur le pouvoir d’achat des ménages, si cette flambée du cours du baril a engendré une hausse des coûts de production pour la très grande majorité des entreprises, tel n’est pas le cas pour les compagnies pétrolières qui produisent des hydrocarbures. C’est la raison pour laquelle l’envolée des prix du brut s’est traduite par des bénéfices record pour les groupes pétroliers.</p>
<h2>Où vont ces profits ?</h2>
<p>C’est évidemment la question qui fait couler beaucoup d’encre, puisqu’une grande partie des bénéfices est redistribuée aux actionnaires sous la forme de dividendes. Le sujet des dividendes a toujours fait l’objet de <a href="https://www.boursorama.com/bourse/actualites/faut-il-arreter-les-dividendes-c8bc75abfa460c9123413c308b36de85">vifs débats en France</a>, dans la mesure où une (très) faible minorité de Français détient des actions, contrairement à la population de nombreux autres pays (États-Unis, Royaume-Uni, Pays-Bas, etc.) pour qui il s’agit de la principale source d’épargne constituée en vue, notamment, de la retraite. Du côté des compagnies, leur réticence à ralentir les versements de dividendes tient au fait que ceux-ci leur permettent d’attirer des actionnaires dont les placements tirent à la hausse leur valeur boursière.</p>
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<p>À ces versements de dividendes s’ajoutent les rachats d’actions. La partie des sommes colossales accumulées par les compagnies pétrolières qui n’est pas utilisée pour investir leur sert ainsi aussi à racheter leurs propres actions sur le marché boursier, ce qui a pour effet de faire monter les cours.</p>
<p>On entre alors dans une boucle autoentretenue : les « <a href="https://theconversation.com/les-superprofits-sont-aussi-gonfles-comptablement-par-linflation-191032">superprofits</a> » des compagnies pétrolières leur permettent de faire monter le cours de leurs actions en bourse et cette croissance de la valeur boursière alimente à son tour les bénéfices engrangés par les majors, d’autant plus lorsque les prix du brut sont orientés à la hausse.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/rachats-dactions-face-aux-exces-des-marches-une-regulation-encore-trop-timide-191179">Rachats d’actions : face aux excès des marchés, une régulation encore trop timide</a>
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<p>En pleine crise énergétique mondiale, ces pratiques ont naturellement de quoi être décriées. D’un point de vue strictement économique, il est toutefois important d’étudier si des dividendes en hausse et des rachats d’actions pèsent sur les bénéfices que les firmes pourraient consacrer à l’<a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/economie-et-finance/des-economistes-repondent-aux-populistes_9782415001872.php">investissement</a>.</p>
<p>Si tel peut effectivement être le cas pour des entreprises non cotées qui n’auraient pas facilement accès aux marchés financiers, il n’en est pas de même pour les majors. Ces dernières ont généralement des niveaux de trésorerie très élevés et les dividendes n’en constituent qu’une faible proportion. Elles sont donc à même tout à la fois d’investir massivement, en fonction de leurs projets et des opportunités qui se présentent, et de distribuer des dividendes.</p>
<p>Une partie des bénéfices des groupes pétroliers est ainsi destinée à l’investissement dans les hydrocarbures, mais aussi dans les énergies renouvelables. Sur ce dernier point, les compagnies – en particulier américaines – ont été vivement critiquées du fait des faibles montants investis dans le solaire, l’éolien et les autres énergies renouvelables comparativement aux sommes qu’elles versent aux actionnaires. C’est une des raisons qui a conduit le président américain Joe Biden à vouloir <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/etats-unis-joe-biden-veut-finir-le-boulot-apres-les-succes-legislatifs-de-2022-1904504">quadrupler la taxe sur les rachats d’actions</a> entrée en vigueur en janvier 2023.</p>
<h2>Faut-il taxer ces superprofits ?</h2>
<p>La question de l’instauration d’une taxe sur les profits des géants du pétrole est toujours l’objet de nombreux débats. En Europe, certains pays comme la France avaient choisi d’instaurer un bouclier tarifaire alors que d’autres, tels le Royaume-Uni, l’Italie ou la Hongrie, ont opté pour la mise en place de taxes.</p>
<p>Si l’instauration de taxes exceptionnelles sur les superprofits des compagnies pétrolières peut s’avérer utile pour compenser la hausse des prix de l’énergie, elle pourrait cependant avoir des effets contre-productifs en retardant la transition énergétique. Si les énergies renouvelables sont destinées à devenir des sources d’énergie essentielles d’ici quelques années, elles ne peuvent remplacer « au pied levé » le pétrole : la transition n’est pas immédiate et demande en effet du temps.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pouvoir-dachat-le-bouclier-tarifaire-un-soutien-de-100-euros-par-trimestre-185056">Pouvoir d’achat : le bouclier tarifaire, un soutien de 100 euros par trimestre</a>
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<p>Afin de promouvoir le passage aux énergies renouvelables et assurer la transition énergétique, il convient de prendre garde à ne pas interrompre brutalement les investissements dans le secteur pétrolier, ce qui pourrait advenir en cas d’instauration de taxes très élevées. Cela est encore plus important dans le contexte actuel de la guerre en Ukraine, puisqu’il est nécessaire de remplacer le pétrole russe par du pétrole en provenance d’autres pays. Il faut donc faire preuve de vigilance afin de ne pas entraver cette dynamique.</p>
<p>Taxer lourdement les entreprises lorsque celles-ci réalisent des investissements qui s’avèrent gagnants peut en outre être contre-productif puisque cela reviendrait à taxer les compagnies les plus innovantes. Cela ne profiterait pas aux entreprises du secteur des énergies renouvelables qui pourraient, elles aussi, se voir taxer en cas de réalisation de superprofits alors même que ceux-ci découleraient d’une stratégie d’investissement ambitieuse.</p>
<p>À ce jour, l’urgence est d’aider les consommateurs à faire face aux <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/cours-du-baril-et-prix-a-la-pompe-pourquoi-tant-de-decalage-1900165">prix à la pompe élevés</a> sans entraver les investissements des entreprises, nécessaires à la transition énergétique. De ce point de vue, une piste réside dans la redistribution des recettes provenant de la taxe carbone aux ménages les plus vulnérables afin de les aider dans la réalisation de la transition énergétique. De même, une taxe carbone « flottante » évoluant en fonction des fluctuations du cours du baril permettrait de contrebalancer la hausse des prix du brut via une réduction du montant de la taxe et limiter ainsi l’impact sur les prix affichés des carburants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199797/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Mignon est conseiller scientifique au CEPII, membre du Cercle des économistes, présidente de la section 05 (sciences économiques) du CNU et secrétaire générale de l'AFSE.</span></em></p>L’envolée des prix du brut du premier semestre 2022 conjuguée à la stratégie de rachat d’actions pour soutenir les cours de bourse des majors expliquent notamment leurs résultats historiques.Valérie Mignon, Professeure en économie, Chercheure à EconomiX-CNRS, Conseiller scientifique au CEPII, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1961562022-12-12T18:35:37Z2022-12-12T18:35:37ZLa parenthèse du néolibéralisme financier est-elle en train de se fermer ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/499515/original/file-20221207-4043-frkdm0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C88%2C1169%2C873&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis la crise de 2007-08, les banques centrales, comme la Réserve fédérale (Fed) aux États-Unis (photo), endossent un rôle de plus en plus politique.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/87913776@N00/6928222486">Futureatlas.com/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La longue séquence de libre circulation des capitaux et de déréglementation des systèmes financiers, ouverte au début des années 1970-80 sous l’impulsion nord-américaine, britannique puis européenne, va-t-elle prochainement toucher à sa fin ?</p>
<p>Ce processus de libéralisation et de financiarisation de l’économie, qui s’est considérablement étendu durant les décennies suivantes, avait déjà failli marquer un coup d’arrêt après la grande crise immobilière et bancaire de 2007-08. Beaucoup ont alors cru alors qu’en raison des dégâts économiques (la grande récession) et de l’immense gâchis de capital provoqué par le séisme financier, la parenthèse néolibérale allait se refermer, tant il était devenu vital d’en finir avec ce que le président Nicolas Sarkozy qualifiait à l’époque de « <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2010/01/27/04016-20100127ARTFIG00769-a-davos-sarkozy-fustige-les-derives-du-capitalisme-.php">dérives du capitalisme financier</a> ».</p>
<p>Quinze ans plus tard, rien ne de tel n’est arrivé, évidemment…</p>
<h2>Croyance persistante…</h2>
<p>Lors de cet épisode, le pragmatisme des banques centrales et des États avait permis d’endiguer, à coup de milliers de milliards, les risques d’illiquidité et/ou d’insolvabilité des systèmes financiers. Il fallait, à juste titre, assainir les bilans bancaires en les délestant de leurs actifs sans valeur pour éviter le chaos de l’activation d’un risque systémique.</p>
<p>Le G20, notamment celui du sommet de Washington du 15 novembre 2008, avait certes pointé du doigt la responsabilité des insuffisances comptables, de l’opacité de certains produits de titrisation, des malversations diverses, de la défaillance des agences de notation ou encore des politiques monétaires permissives dans l’éclatement de la crise. <a href="https://tnova.fr/economie-social/finances-macro-economie/10-ans-apres-bilan-des-reformes-bancaires-et-financieres-depuis-2008-avancees-limites-propositions/">Quelques processus de (re)réglementation</a> avaient ensuite été initiés… Mais globalement, la croyance en l’efficacité des mécanismes de marché dans l’allocation du capital n’a jamais été ébranlée, ni même véritablement remise en question.</p>
<p>Or, cette croyance constitue le fondement même du système néolibéral de régulation par le marché qui s’est déployé depuis plus de 40 ans. Elle repose sur l’idée hayékienne selon laquelle toute l’information nécessaire à la prise de décision économique est <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-d-economie-politique-1-2002-2-page-47.htm">contenue dans les prix</a>.</p>
<p>Ainsi que le rappelle l’économiste <a href="https://www.lemonde.fr/crise-financiere/article/2011/12/05/il-faut-definanciariser-l-economie_1613552_1581613.html">André Orléan</a>, dans ce cadre conceptuel :</p>
<blockquote>
<p>« Chaque agent n’a qu’une connaissance locale, limitée à son environnement, et il revient aux prix d’agréger toutes ces informations locales pour produire une vision globale cohérente. »</p>
</blockquote>
<p>La version moderne de cette théorie des prix a été développée dans les années 1970 et est connue sous le nom <a href="http://efinance.org.cn/cn/fm/Efficient%20Capital%20Markets%20A%20Review%20of%20Theory%20and%20Empirical%20Work.pdf">d’hypothèse d’efficience des marchés financiers</a>. La concurrence qui y règne et les vertus autorégulatrices dont les marchés seraient dotés y produiraient de « justes prix », constituant des signaux fiables pour les investisseurs.</p>
<p>Mis en compétition, ces derniers seraient capables d’évaluer objectivement les risques et de faire converger les prix de marché vers leur valeur fondamentale (efficience informationnelle) et ainsi de garantir une allocation optimale de l’épargne (efficience allocative). Cette conception néo-hayékienne a offert un fondement idéologique et une puissante légitimation au processus de déréglementation financière.</p>
<h2>… mais fausse</h2>
<p>Or, l’histoire économique de ces quarante dernières années montre que les marchés financiers ne sont pas autorégulateurs. En situation <a href="https://www.persee.fr/doc/cep_0154-8344_1987_num_13_1_1047">d’incertitude radicale sur le futur</a>, le principe selon lequel les actifs financiers seraient dotés d’une valeur fondamentale, identifiable <em>ex-ante</em>, et dont le prix serait un bon estimateur, n’est plus tenable.</p>
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<p>Même si tous les investisseurs disposent, à un moment donné, d’un même ensemble d’informations, rien n’assure qu’ils partagent pour autant le même modèle d’interprétation des fondamentaux. Chacun se détermine alors, non pas à partir de son estimation de la valeur fondamentale, mais <a href="https://www.cairn.info/revue-reflets-et-perspectives-de-la-vie-economique-2004-2-page-35.htm">à partir de ce qu’il pense que les autres vont faire</a>.</p>
<p>Les prix de marché ne font alors que traduire des conjectures sur l’avenir, des scénarios parmi d’autres, par nature instables car reposant sur des <a href="https://www.researchgate.net/publication/254454075_Croyances_representations_collectives_et_conventions_en_finance">croyances collectives</a> versatiles. En l’absence de valeur d’ancrage, les investisseurs s’accrochent à des opinions instables et des croyances autoréférentielles. Selon l’ingénieur et philosophe <a href="https://www.persee.fr/doc/reco_0035-2764_1989_num_40_2_409143">Jean-Pierre Dupuy</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Les rumeurs les plus absurdes peuvent polariser une foule unanime sur l’objet le plus inattendu, chacun trouvant la preuve de sa valeur dans le regard ou l’action de tous les autres ».</p>
</blockquote>
<p>Dans ce contexte, les bulles spéculatives (ces dynamiques mimétiques soutenues par telle ou telle opinion sur un futur hypothétique) se succèdent et explosent à chaque retournement de la croyance dominante (bulle Internet, bulles immobilières, des matières premières et marchés énergétiques, bulles obligataires, des <a href="https://theconversation.com/le-cours-du-bitcoin-condamne-a-toujours-plus-de-volatilite-163997">cryptoactifs</a>, etc.). L’identification d’un nouveau point d’équilibre (un prix plancher) peut donc s’avérer durablement hors de portée de marchés qui échouent à produire la moindre évaluation. Le système des prix peut disparaître et l’intervention d’un acteur extérieur (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-45337">banque centrale</a> et/ou autorités publiques) est dans ce cas seule à même de fournir un cadre exogène de valorisation susceptible de stabiliser les projections.</p>
<p>La volatilité financière trouve ici une explication rationnelle. Elle ne peut plus être perçue comme une anomalie, fruit de l’irrationalité de collective. Elle doit au contraire être comprise comme la résultante de l’instabilité intrinsèque du processus d’évaluation en vigueur sur les marchés, instabilité que quatre décennies de financiarisation ont déployée à grande échelle, y compris sur l’immobilier ou les matières premières alimentaires, minérales et énergétiques.</p>
<h2>Le retour des prix administrés ?</h2>
<p>Alors, pour faire face à ces multiples troubles financiers, sanitaires, énergétiques et environnementaux, et comme elle l’avait fait durant de nombreuses années précédant la déréglementation, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/finance-20382">finance</a> s’est mise à nouveau à fonctionner en grande partie à partir de prix administrés.</p>
<p>C’est le cas en particulier pour ce qui est du coût de l’argent, les taux d’intérêt. Ainsi que l’indique l’économiste <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-declin-et-chute-du-neoliberalisme-192691">David Cayla</a> dans son récent livre <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807338616-declin-et-chute-du-neoliberalisme"><em>Déclin et chute du néolibéralisme</em></a> (De Boeck Supérieur, 2022) :</p>
<blockquote>
<p>« Les politiques de taux zéro adoptées dans les pays développés à la suite de la crise financière de 2008, mais surtout les pratiques non conventionnelles dites d’assouplissement quantitatif ont permis aux banquiers centraux d’intervenir directement au sein des marchés financiers et les ont transformés en véritables acteurs politiques[…] »</p>
</blockquote>
<p>La <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-l-inflation-922244.html">hausse récente de leurs taux directeurs</a> et l’arrêt des programmes structurels de rachats d’actifs pourraient laisser croire que les banques centrales tendent à sortir du jeu (en laissant à nouveau le champ libre aux marchés).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-declin-et-chute-du-neoliberalisme-192691">Bonnes feuilles : « Déclin et chute du néolibéralisme »</a>
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<p>Cependant, elles ne prendront pas pour autant le risque d’une « volckerisation » de la politique monétaire (en référence à la politique de forte hausse des taux directeurs du président de la Réserve fédérale américaine, Paul Volcker, qui avait <a href="https://theconversation.com/inflation-ou-hausse-des-taux-le-dilemme-des-banques-centrales-na-rien-dineluctable-194859">réduit l’inflation mais cassé la croissance</a>). Les autorités monétaires s’accommoderont sans doute, de ce fait, d’une certaine dose d’inflation. Elles n’hésiteront pas non plus à faire preuve d’interventionnisme en cas de <a href="https://www.agefi.fr/financements-marches/actualites/quotidien/20220928/banque-d-angleterre-intervient-en-urgence-contrer-350317">tensions sur le financement</a> de l’économie notamment, continuant ainsi, sans doute longtemps, à soustraire les taux d’intérêt à l’arbitrage des marchés financiers.</p>
<h2>Choix politique</h2>
<p>Mais il nous faut maintenant aller au-delà. Face aux crises sanitaires, environnementales et sociales, il devient indispensable de sortir également l’énergie, les matières premières, métaux, minerais, l’immobilier, les liquidités, les épargnes retraites et les financements des entreprises de la sphère d’influence des marchés financiers (et donc de les soustraire aux logiques d’optimisation des couples rendement/risque inhérentes au paradigme de la valeur actionnariale).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-finance-na-jamais-pu-etre-verte-et-comment-la-verdir-enfin-124020">Pourquoi la finance n’a jamais pu être verte (et comment la verdir enfin)</a>
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<p>Sans pour autant revenir forcément à un système de prix entièrement contrôlé par les puissances publiques, tel qu’elles le pratiquaient avant la déréglementation (système nationalisé de crédit, taux de change fixes, secteurs publics des transports, de l’eau et de l’énergie, régulation collective des salaires, prix régulés des matières premières agricoles…), cela suppose d’avoir recours à des logiques d’évaluation alternatives à celles des marchés (promues par les États, collectivités publiques, structures de l’Économie sociale et solidaire, secteur associatif, ONG, assemblées citoyennes locales), et donc de promouvoir, sous une forme ou sous une autre, une socialisation du système de régulation des prix.</p>
<p>Cela passera également par une extension des prérogatives des banques centrales en matière de <a href="https://theconversation.com/politique-monetaire-verte-un-grand-pas-pour-la-bce-un-petit-pas-pour-le-climat-186686">financements de projets verts</a>, le verdissement de la <a href="https://institut-rousseau.fr/repenser-le-financement-des-entreprises-vertueuses-et-les-politiques-prudentielles-en-integrant-la-solvabilite-socio-environnementale/">réglementation prudentielle</a>, la refonte les <a href="http://tankona.free.fr/theretlemoine20.pdf">circuits de financement de l’économie et des États</a>, voire la <a href="https://blog.mondediplo.net/2009-01-05-Pour-un-systeme-socialise-du-credit">socialisation de l’investissement et du crédit</a>.</p>
<p>Ce choix politique est vital si nous voulons faire face aux crises énergétiques et sanitaires à venir et nous engager clairement dans le financement de la rupture écologique et sociale dont nous avons cruellement besoin. Ce faisant, nous en profiterions alors pour refermer définitivement la parenthèse du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/neoliberalisme-64628">néolibéralisme</a> financier.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196156/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Bourghelle ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les marchés financiers se déterminent aujourd'hui en grande partie en fonction des politiques des banques centrales – comme avant le mouvement de libéralisation de l'économie débuté il y a 40 ans.David Bourghelle, Maître de conférences en finance, laboratoire LUMEN, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1932562022-10-27T17:42:09Z2022-10-27T17:42:09ZPoids de la dette et inflation : quelles leçons après l’épisode britannique ?<p>Au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/royaume-uni-22589">Royaume-Uni</a>, l’annonce du mini-budget, le 23 septembre, et les <a href="https://theconversation.com/le-revirement-du-gouvernement-britannique-face-aux-marches-une-perspective-historique-191872">événements qui ont suivi</a> jusqu’à l’annonce de la <a href="https://theconversation.com/liz-truss-les-cinq-raisons-qui-ont-mene-a-sa-demission-193029">démission de la première ministre Liz Truss</a>, le 20 octobre, ont suscité un regain d’intérêt pour le risque de « <a href="https://theconversation.com/la-dette-publique-boulet-des-banques-centrales-dans-la-lutte-contre-linflation-172629">dominance budgétaire</a> », c’est-à-dire une situation dans laquelle la banque centrale abandonne son objectif de stabilité des prix pour aider le gouvernement à financer ses déficits.</p>
<p>Mais dans quelle mesure cette séquence d’événements doit-elle nous pousser à repenser les relations entre les gouvernements, en charge de la politique fiscale, et les banques centrales indépendantes, en charge de la politique monétaire avec un mandat de stabilité des prix ? Que nous apprend-elle sur ce risque de dominance budgétaire ?</p>
<p>La manière canonique d’analyser les <a href="https://ideas.repec.org/a/fip/fedmqr/y1981ifallnv.5no.3.html">interactions fiscales et monétaires</a> a été introduite par les économistes américains Thomas Sargent et Neil Wallace il y a 40 ans. Dans leur contexte, la principale question est de savoir qui ajuste sa politique entre le gouvernement et la banque centrale pour que le gouvernement satisfasse sa contrainte budgétaire. Si le gouvernement réussit à imposer une trajectoire de déficits futurs – il « agit en premier » dans le langage de Sargent et Wallace –, la banque centrale est obligée de « se dégonfler » et de financer les besoins futurs du gouvernement.</p>
<h2>Pressions sur les banques centrales</h2>
<p>Une telle situation ressemble à s’y méprendre au <a href="https://www.bfmtv.com/international/demission-de-liz-truss-ce-mini-budget-qui-a-fait-tomber-la-premiere-ministre-britannique_AD-202210200594.html">mini-budget</a> britannique et à ses engagements de réductions drastiques de certaines taxes. Mais les événements au Royaume-Uni montrent qu’il peut être plus difficile que nous ne le pensions pour le gouvernement d’« agir en premier » et de « coincer » la banque centrale en imposant une trajectoire de déficits futurs. Le <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/royaume-uni/royaume-uni-le-ministre-des-finances-kwasi-kwarteng-demis-de-ses-fonctions-73c7230c-4bb5-11ed-9879-c1a2e97ee6a1">ministre des Finances a démissionné</a> le 14 octobre – avant que Liz Truss ne quitte elle-même le 10, Downing Street. Presque tous les plans budgétaires annoncés ont été retirés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-revirement-du-gouvernement-britannique-face-aux-marches-une-perspective-historique-191872">Le revirement du gouvernement britannique face aux marchés : une perspective historique</a>
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<p>In fine, la « dominance monétaire » – c’est-à-dire une situation où la banque centrale privilégie son mandat de stabilité des prix et oblige le gouvernement à adopter une trajectoire de déficits plus soutenables – pourrait éventuellement l’emporter. C’est d’ailleurs ce que notent un certain nombre d’observateurs tels que Jason Furman, ancien président du conseil des conseillers économiques sous la présidence de Barack Obama aux États-Unis.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1581991901498343425"}"></div></p>
<p>Une telle dominance monétaire ne va pourtant pas de soi aujourd’hui, dans un contexte de pressions accrues sur les banques centrales en raison notamment du niveau important des dettes publiques, du caractère importé d’une partie de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">l’inflation</a> et des besoins importants de financement, par exemple, de la <a href="https://www.ft.com/content/6f70bbcd-72b7-4518-be6b-401adba7cc34">transition verte</a>.</p>
<h2>Forte réaction des marchés</h2>
<p>Alors, quels sont les déterminants expliquant qui remporte finalement la partie entre la banque centrale et le gouvernement ? Parmi ces nombreux déterminants, l’expérience britannique montre que le plus important – qui manque dans la plupart des analyses – est le fonctionnement du marché de la dette.</p>
<p>Pour emprunter le langage de Markus Brunnermeier, professeur d’économie à Princeton, la domination monétaire découle en partie de la <a href="https://scholar.princeton.edu/markus/node/12212">« domination financière »</a> : l’exposition du secteur financier à la dette britannique et, notamment, des fonds de pension a été clé dans la forte réaction des marchés et la brutale hausse des taux.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/9ZXsbCckve8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Money and Banking, part 4 : Risky Government Debt, Diabolic Loop, Stability and Dominance Concepts (Markus Economicus, 2017).</span></figcaption>
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<p>Si les investisseurs sur le marché de la dette réagissent fortement à une politique budgétaire déséquilibrée – entraînant une pénurie de liquidités sur ces marchés clés – alors l’action de la banque centrale devient essentielle pour éviter le défaut et réduire le coût pour le gouvernement de s’engager dans cette politique budgétaire.</p>
<p>Mais ces interventions de la banque centrale ne sont pas neutres non plus et cette banque centrale peut préférer limiter le plus possible ses interventions : dans un contexte d’inflation d’ores et déjà élevée et de craintes quant à la crédibilité de la livre sterling, une monétisation trop importante des déficits aurait été catastrophique pour la stabilité monétaire du Royaume-Uni.</p>
<h2>Croyances des investisseurs</h2>
<p>Ainsi, trois éléments ont été déterminants pour que la banque centrale s’impose et que la domination monétaire se concrétise : (i) le marché a fortement réagi aux nouvelles budgétaires britanniques, (ii) la banque centrale était suffisamment disposée à dissuader la domination budgétaire, (iii) le gouvernement britannique se rend compte que le coût de la domination budgétaire pour le gouvernement dépasse ses gains attendus.</p>
<p>De ce fait, trois « joueurs » ont compté pour l’issue du jeu entre la banque centrale et le gouvernement, faisant ainsi écho à notre recherche récente dans laquelle nous nous interrogions : « <a href="https://cepr.org/voxeu/columns/large-public-debts-need-not-imply-fiscal-dominance">La Banque centrale, le Trésor ou le marché : lequel détermine le niveau des prix ?</a> ».</p>
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<p>Qu’implique ce rôle du marché pour les banques centrales dans cette question du risque de dominance budgétaire ? Premièrement, il est clé pour les banques centrales et leurs mandats de stabilité des prix qu’elles influencent les croyances des investisseurs : lorsque les investisseurs pensent que la banque centrale va se « dégonfler », les marchés ne réagiront pas aux politiques fiscales trop expansionnistes et la dominance budgétaire prévaudra.</p>
<p>Deuxièmement, les banques centrales doivent également laisser les prix sur les marchés de dette refléter les croyances des investisseurs quant aux risques liés à la politique fiscale. Cela n’est pas nécessairement satisfait lorsque les banques centrales sont trop interventionnistes sur ces marchés, même si d’autres motifs peuvent justifier des interventions comme une éventuelle <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/banque-assurances/lexuberance-des-marches-principal-risque-pour-le-systeme-financier-selon-la-banque-de-france-1378033">exubérance des marchés</a>.</p>
<p>Ce dernier point doit pousser à la réflexion des banques centrales comme la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704">Banque centrale européenne (BCE)</a>, notamment en ce qui concerne son nouvel instrument – son outil « anti-fragmentation », le <a href="https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2022/html/ecb.pr220721%7E973e6e7273.en.html"><em>Transmission Protection Instrument</em></a> – qui lui permet d’agir en cas de variation du taux de financement d’un pays.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193256/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La séquence entre l’annonce du mini-budget jusqu’à la démission de Liz Truss met en avant le rôle crucial des marchés quant au risque de monétisation des déficits publics par les banques centrales.Éric Mengus, Professeur associé en économie et sciences de la décision, HEC Paris Business SchoolGuillaume Plantin, Professor, Research and Faculty Dean , Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1918722022-10-04T17:55:55Z2022-10-04T17:55:55ZLe revirement du gouvernement britannique face aux marchés : une perspective historique<p>Fin septembre, la livre sterling a récemment connu une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/09/27/la-livre-sterling-tombe-a-un-plus-bas-historique_6143342_3234.html">chute spectaculaire</a>. Le gouvernement fraîchement élu de <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/chute-de-la-livre-sterling-les-ultra-conservateurs-rejettent-la-responsabilite-sur-les-marches-financiers-1852736">Liz Truss voulait faire un cadeau fiscal</a> aux plus riches britanniques. Le mini budget présenté avec chancelier de l’Échiquier, Kwasi Kwarteng, le 23 septembre dernier, visait à réduire le taux d’imposition pour les revenus supérieurs à 150 000 livres sterling. Mais le gouvernement est revenu sur sa décision le lundi 3 octobre. Cela s’est produit après une révolte croissante des députés conservateurs, mais aussi un effondrement massif de la livre sterling.</p>
<p>Le 26 septembre, la devise anglaise a ainsi atteint son point le plus bas par rapport au dollar américain depuis 1792, c’est-à-dire depuis que le dollar est une monnaie (voir le graphique ci-dessous). La livre a progressivement perdu du terrain par rapport au dollar depuis l’entre-deux-guerres. Le passage d’un large empire à un pays plus modeste explique en partie cette baisse constante. Le <a href="https://theconversation.com/brexit-shock-has-caused-a-sterling-crash-of-historic-proportions-heres-just-how-bad-it-is-for-the-pound-62191">Brexit</a> a également entamé davantage la crédibilité de la livre sterling. Au bilan, une partie de la baisse de la livre sterling est due aux fondamentaux de l’économie britannique en perte de vitesse, et plus récemment à cette annonce du mini-budget.</p>
<p><iframe id="y30gw" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/y30gw/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Un regard sur l’histoire nous donne des leçons utiles. Le marché des changes n’a jamais aimé les changements de politique budgétaire au Royaume-Uni. Historiquement, cependant, les marchés ont surtout réagi de manière négative aux élections de nouveaux gouvernements travaillistes (ou Labour).</p>
<h2>Une crise des changes d’origine gouvernementale</h2>
<p><a href="https://www.gov.uk/government/history/past-prime-ministers/harold-wilson">Harold Wilson</a>, premier ministre britannique de 1964 à 1970, l’a appris à ses dépens. À peine élu en 1964, les marchés des changes pensaient qu’il allait dévaluer la livre et s’engager dans une politique budgétaire plus expansive. Et il a dû passer la majeure partie des premières années de son mandat à convaincre les marchés des changes qu’il ne dévaluerait pas, au lieu de mettre en œuvre son propre programme politique. Il s’en est plaint dans son autobiographie :</p>
<blockquote>
<p>« Ce livre est le bilan d’un gouvernement dont la vie, à l’exception d’une année, a été dominée par un problème de balance des paiements dont nous avons hérité et qui était proche de la crise au moment où nous sommes entrés en fonction ; nous avons vécu et gouverné pendant une période où ce problème rendait facile et profitable une attaque spéculative frénétique contre la Grande-Bretagne. »</p>
</blockquote>
<p>C’est ainsi que les marchés ont généralement considéré les dépenses excessives du Labour. Les gouvernements conservateurs n’ont généralement pas déclenché de crises, en tout cas jusqu’à aujourd’hui. Aujourd’hui, c’est un gouvernement conservateur qui a conduit à un effondrement de la livre et c’est une nouveauté.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/488016/original/file-20221004-22-ypjuzl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Le premier ministre britannique Harold Wilson (à gauche) en discussion avec le président américain Lyndon B. Johnson à la Maison-Blanche, en 1966" src="https://images.theconversation.com/files/488016/original/file-20221004-22-ypjuzl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/488016/original/file-20221004-22-ypjuzl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/488016/original/file-20221004-22-ypjuzl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/488016/original/file-20221004-22-ypjuzl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/488016/original/file-20221004-22-ypjuzl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=570&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/488016/original/file-20221004-22-ypjuzl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=570&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/488016/original/file-20221004-22-ypjuzl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=570&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le premier ministre britannique Harold Wilson (à gauche) en discussion avec le président américain Lyndon B. Johnson à la Maison-Blanche, en 1966.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Harold_Wilson#/media/File:Lyndon_B._Johnson_meets_with_Prime_Minister_Harold_Wilson_C2537-5_(cropped).jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>L’autre fait marquant de la crise actuelle est son origine. La crise des changes a été entièrement générée par le gouvernement. Le mini-budget avec ses cadeaux fiscaux s’est opposé à plus d’austérité fiscale attendue par les marchés, et c’est pourquoi la livre s’est effondrée. Mais ce n’est pas la première crise des changes générée par le gouvernement, comme le montre <a href="https://www.cambridge.org/core/books/an-exchange-rate-history-of-the-united-kingdom/68B7E57D9884394B815C76D48ACD3FB6">mon livre récent sur l’histoire de la livre sterling</a> sorti cette semaine.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>En 1976 déjà, il y a eu une crise des changes provoquée par le gouvernement. À l’époque, le gouvernement pensait que la livre était surévaluée et voulait prendre des mesures. Il a discrètement demandé à la Banque d’Angleterre d’intervenir sur le marché des changes pour dévaluer légèrement la livre. Peu après les interventions de la Banque, le gouvernement a baissé les taux d’intérêt. Tout ceci a déclenché une panique sur les marchés et à un effondrement de la livre.</p>
<h2>Une rare intervention du FMI</h2>
<p>Le graphique ci-dessous montre la chute continue des réserves de la Banque d’Angleterre après l’action du gouvernement. En 1976, il était impossible de revenir en arrière, la crise était irrécupérable. Aujourd’hui, le retour en arrière du gouvernement a permis à la livre de se redresser. « Nous avons compris, et nous avons entendu » a dit Kwasi Kwarteng dans une <a href="https://www.eurotopics.net/fr/289372/baisses-d-impt-downing-street-fait-machine-arrire">interview</a>, le dimanche 2 octobre, et la livre a repris de la valeur.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/488018/original/file-20221004-24-bn0u57.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/488018/original/file-20221004-24-bn0u57.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/488018/original/file-20221004-24-bn0u57.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/488018/original/file-20221004-24-bn0u57.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/488018/original/file-20221004-24-bn0u57.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/488018/original/file-20221004-24-bn0u57.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/488018/original/file-20221004-24-bn0u57.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/488018/original/file-20221004-24-bn0u57.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">En 1976, l’intervention du FMI avait permis de redresser rapidement le cours de la livre sterling.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cambridge.org/core/books/an-exchange-rate-history-of-the-united-kingdom/68B7E57D9884394B815C76D48ACD3FB6">Bank of England archive</a></span>
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<p>Ce qui a choqué dans le contexte de cette crise est l’<a href="https://www.liberation.fr/international/europe/le-royaume-uni-sisole-sur-la-scene-internationale-et-senfonce-dans-la-crise-20220928_COZG47K2R5FZRCJVJXRUIDHJKU/">intervention du Fonds monétaire international</a> (FMI). Et ceci est un autre parallèle avec la crise de 1976. Le FMI a également joué un rôle et demandé plus d’orthodoxie budgétaire au Royaume-Uni. Le Fonds avait alors accepté de prêter à Londres à condition que le gouvernement adopte une politique budgétaire plus restrictive. C’est ainsi que le FMI a commencé à imposer officiellement des <a href="https://www.imf.org/fr/About/Factsheets/Sheets/2016/08/02/21/28/IMF-Conditionality">conditionnalités</a> à ses prêts. Si aujourd’hui le Fonds n’a pas eu à prêter au Royaume-Uni, il a tout de même pris position contre le mini-budget. Un événement pour le FMI qui commente rarement les politiques des économies avancées.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/488021/original/file-20221004-18-qitqoq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/488021/original/file-20221004-18-qitqoq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/488021/original/file-20221004-18-qitqoq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=880&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/488021/original/file-20221004-18-qitqoq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=880&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/488021/original/file-20221004-18-qitqoq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=880&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/488021/original/file-20221004-18-qitqoq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1106&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/488021/original/file-20221004-18-qitqoq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1106&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/488021/original/file-20221004-18-qitqoq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1106&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"><em>An Exchange Rate History of the United Kingdom</em>, Alain Naef.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cambridge.org/core/books/an-exchange-rate-history-of-the-united-kingdom/68B7E57D9884394B815C76D48ACD3FB6">(Cambridge University Press, 2022, non-traduit)</a></span>
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<p>Même si les taux de change ne sont plus au centre de la politique britannique, les marchés des devises ont toujours leur mot à dire. Ce n’est pas la faiblesse de la livre qui a directement fait échouer les projets du gouvernement. C’est l’instabilité qu’elle a générée et la perception qu’elle a créée. L’instabilité a entraîné des problèmes sur les marchés obligataires qui se sont aussi effondrés. Et la perception était celle d’un gouvernement qui n’avait pas de compétences économiques. Ce manque de compétences a longtemps été attribué au parti du Labour.</p>
<p>Les travaillistes ont passé la majeure partie de leur temps au pouvoir dans la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle à <a href="https://www.cambridge.org/core/books/an-exchange-rate-history-of-the-united-kingdom/68B7E57D9884394B815C76D48ACD3FB6">rassurer les marchés monétaires plutôt qu’à mettre en œuvre leurs politiques</a>. Mais aujourd’hui, ce qui est devenu clair, c’est que le marché est politiquement neutre. Il n’aime pas l’expansion fiscale, qu’il s’agisse des réductions d’impôts des conservateurs ou des plans de dépenses des travaillistes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191872/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alain Naef ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La récente chute de la livre sterling a conduit le gouvernement de Liz Truss à revoir son programme de mesures fiscales qui vise à éviter une récession britannique. Ce n’est pas une première.Alain Naef, Lecturer, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1911792022-09-28T21:29:17Z2022-09-28T21:29:17ZRachats d’actions : face aux excès des marchés, une régulation encore trop timide<p>L’actualité du monde contemporain ne manque pas de sujets majeurs pour lesquels l’opinion publique attend des responsables économiques et politiques des décisions concrètes et susceptibles de contribuer à améliorer la situation. Parmi ces nombreux thèmes d’actualité, nous souhaitons mettre l’accent sur les rachats d’actions d’une firme par elle-même, opérations apparemment techniques et peu connues du public. Pourtant, ces dernières méritent d’être étudiées dans les comportements qu’elles révèlent et leur portée économique.</p>
<p>Depuis de nombreuses années, ces opérations, autrefois rares, voire interdites, sont devenues très fréquentes. Ces rachats d’actions modifient en effet d’une manière significative le fonctionnement des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marches-financiers-25050">marchés financiers</a> car elles peuvent s’apparenter à une <a href="https://www.cairn.info/revue-recherches-en-sciences-de-gestion-2013-3-page-23.htm">manipulation des cours de bourse</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-vague-inquietante-des-rachats-dactions-sur-les-bourses-americaines-117766">La vague inquiétante des rachats d’actions sur les bourses américaines</a>
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<p>En 2019, nous avions déjà attiré l’attention sur cette vague inquiétante sur les bourses américaines. Depuis, cette vague s’est maintenue, <a href="https://classiques-garnier.com/taux-d-interet-negatifs-le-trou-noir-du-capitalisme-financier-essai.html">portée par les politiques monétaires « accommodantes »</a> (<em>quantitative easing</em>, ou QE, en Europe, et zero interest rate policy, ou ZIRP, aux États-Unis) facilitant le recours au crédit et amplifiée, aux États-Unis, par les mesures fiscales prises sous la présidence de Donald Trump pour inciter les firmes multinationales américaines à rapatrier les avoirs liquides placés à l’étranger.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/486137/original/file-20220922-34615-d4v24t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/486137/original/file-20220922-34615-d4v24t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486137/original/file-20220922-34615-d4v24t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486137/original/file-20220922-34615-d4v24t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486137/original/file-20220922-34615-d4v24t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486137/original/file-20220922-34615-d4v24t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486137/original/file-20220922-34615-d4v24t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486137/original/file-20220922-34615-d4v24t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Montant des rachats d’actions en flux annuel pour le S&P 500.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.yardeni.com/pub/buybackdiv.pdf">Yardeni.com</a></span>
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<p>Fin 2021, les montants de ces rachats d’actions ont même <a href="https://www.yardeni.com/pub/buybackdiv.pdf">dépassé la barre des 1 000 milliards de dollars</a> en flux annuel pour le seul S&P 500, l’index boursier basé sur 500 grandes sociétés cotées. Ces flux annuels sont devenus plus volumineux que ceux des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/dividendes-46099">dividendes</a> versés. À titre d’exemple, Apple a effectué, en 2021, 85,5 milliards dollars de rachats d’actions pour 14,5 de dividendes. Sur les dix dernières années, le montant total des <em>share buybacks</em> de la firme de Cupertino s’élève à <a href="https://www.cnbc.com/2022/01/03/apples-3-trillion-market-cap-shows-value-of-share-buybacks-dividend.html">567 milliards de dollars</a>. Certaines années, le total des flux de dividendes et de rachats d’actions fut même supérieur aux flux d’émission de nouvelles actions, inversant ainsi la fonction de financement des marchés financiers.</p>
<h2>Une tendance qui gagne l’Europe</h2>
<p>Dans d’autres régions du monde, ces opérations sont moins gigantesques mais commencent à devenir significatives. Le 1<sup>er</sup> septembre dernier, le journal Les Échos écrivait ainsi : « les grandes entreprises européennes se sont massivement tournées vers les rachats d’actions depuis la pandémie. <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/les-rachats-dactions-explosent-en-europe-1785099">Ils ont triplé en un an</a> pour atteindre 70 milliards euros au premier semestre en Europe, dont 15 milliards en France ».</p>
<p>Ainsi, le groupe Total Energies, a engagé un nouveau plan de rachats d’actions « conformément à la politique annoncée d’allouer jusqu’à 40 % du surplus de cash généré au-delà de 60 dollars/baril à des rachats d’actions », relevait le même journal un mois plus tôt ; ceux-ci devraient ainsi atteindre <a href="https://investir.lesechos.fr/actions/actualites/totalenergies-nouveaux-rachats-d-actions-apres-un-bond-des-resultats-2028083.php">7 milliards de dollars en 2022</a>.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Par rapport à ce quasi-tsunami, on peut être étonné de la modicité des réactions, tant des autorités concernées que du monde de la recherche. Au niveau des autorités en charge de ces questions, les mesures prises ou envisagées sont modestes. Aux États-Unis, après moult tergiversations, la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme boursier américain, a publié, fin 2021, une <a href="https://www.sec.gov/news/press-release/2021-257">nouvelle réglementation</a> de ces opérations, visant essentiellement à améliorer l’information requise. Par ailleurs, le Sénat américain a voté, en août 2022, une <a href="https://crsreports.congress.gov/product/pdf/IF/IF11960">légère taxation</a> (1 %, applicable à partir de janvier 2023).</p>
<p>Dans d’autres régions du monde en revanche, et notamment en Europe, nous n’avons pas écho, à ce jour, de projets de décisions en la matière, contrairement à d’autres thèmes, voisins mais distincts, comme les « superprofits » et leur éventuelle taxation…</p>
<h2>Finance « mainstream »</h2>
<p>Le silence, ou du moins la modicité des travaux de recherche consacrés à cette problématique des rachats d’actions parait encore plus surprenant. Certes, il existe un certain nombre de travaux qui se sont focalisés sur ces questions, <a href="https://www.brookings.edu/research/stock-buybacks-from-retain-and-reinvest-to-downsize-and-distribute/">parfois avec acuité</a> ; mais les chercheurs concernés sont souvent marginalisés dans le monde académique de la finance. Ce dernier reste largement dominé par une construction théorique développée sur quelques décennies formant un paradigme – dit « finance mainstream » – dont les chercheurs ont, il faut bien le reconnaître, du mal à s’affranchir.</p>
<p>C’est ainsi qu’une opération de rachat d’actions peut être facilement expliquée à partir du concept de <em>free cash-flow</em>, qui désigne le flux de liquidités disponibles une fois que les investissements rentabilisés. Les dirigeants sont invités à rendre cette trésorerie excédentaire aux actionnaires plutôt que de l’utiliser d’une manière sous optimale. L’opération de rachat d’actions apparait ainsi comme un moyen de discipliner les dirigeants et exprime une <a href="http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.350422">gouvernance d’entreprise orientée actionnaires</a> (<em>shareholder oriented corporate governance)</em>, comme le recommande cette école de pensée.</p>
<p>Une telle justification théorique a pu faire sourire maints professionnels de la finance. Certes, des opérations de rachats d’action peuvent constituer la solution appropriée pour régler des situations spécifiques (par exemple, le décès d’un membre co-fondateur d’une entreprise dont les autres associés désirent garder le contrôle exclusif) ou, plus largement, pour les entreprises cotées, permettre de modifier la structure de l’actionnariat en réduisant la part du « flottant » au profit des actionnaires stables.</p>
<p>Néanmoins, au-delà de ces opérations visant la répartition du capital, ces annonces de rachats d’actions ont pour principal but de plaire à court terme aux actionnaires en soutenant les cours boursiers des actions des sociétés concernées. Les dirigeants qui proposent de telles manœuvres y trouvent également leur avantage, la bonne tenue des cours boursiers étant devenue une expression majeure de leur capacité à « créer de la valeur » et des instruments incitatifs ont été créés à cet effet (ainsi les stock-options).</p>
<h2>Une régulation nécessaire</h2>
<p>On peut parler de « manœuvres » ou de « signal » car nombre de ces opérations restent seulement au niveau déclaratif et ne sont pas effectuées ; d’autres le sont mais sont ensuite suivies d’une augmentation de capital, donc en sens contraire. Ce résultat apparait donc cohérent avec <a href="https://www.cairn.info/revue-recherches-en-sciences-de-gestion-2013-3-page-23.htm">l’hypothèse d’une manipulation des cours</a>.</p>
<p>En revanche, lorsque ces opérations se dénouent par une annulation des actions rachetées et par une diminution parallèle tant des ressources de trésorerie que des fonds propres de l’entreprise concernée, cette dernière pourrait se trouver en difficulté en cas d’évènements ultérieurs (ou d’opportunités) appelant des financements rapides et significatifs pour y faire face ; situation qui, au demeurant, est en phase avec une approche disciplinaire de la gouvernance orientée actionnaires, le marché financier étant amené à apprécier la situation.</p>
<p>Comme on le voit avec ces quelques exemples donnés et ces premières réflexions, il parait souhaitable que les professionnels de la finance comme l’opinion publique, les institutions de recherche comme les autorités régaliennes, prennent conscience des enjeux que représentent ces recours excessifs aux rachats d’actions afin que leur soit apportée une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/regulation-20386">régulation</a> bien nécessaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191179/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les opérations d’entreprises qui rachètent leurs propres actions pour soutenir leurs cours en bourse se multiplient aux États-Unis et en Europe, ce qui altère le fonctionnement des marchés.Elisabeth Walliser, Directrice de l'IAE de Nice, Groupe de Recherche en Management (GRM), IAE Nice - Université Côte d'AzurRoland Pérez, Professeur des universités (e.r.), Montpellier Research in Management, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1874102022-09-11T16:22:38Z2022-09-11T16:22:38ZHausses des taux : 2022 s’annonce déjà comme une année morose sur les marchés<p>Jeudi 8 septembre, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704">Banque centrale européenne</a> (BCE) a annoncé une hausse de ses trois taux d’intérêt de 75 points de base, faisant passer son <a href="https://www.bfmtv.com/economie/economie-social/union-europeenne/la-bce-augmente-ses-taux-d-interets-de-75-points-de-base_AN-202209080405.html">taux de refinancement au-dessus de 1 %</a>. Il s’agit de la deuxième hausse depuis le début de l’année après avoir opéré son premier relèvement en 11 ans le 21 juillet dernier.</p>
<p>Cette hausse des taux directeurs renchérit le coût du refinancement pour les banques commerciales (BNP Paribas, Société générale, etc.), dissuadant ou renchérissant les crédits à la consommation ou à l’investissement. L’objectif de la BCE est donc là de ralentir une économie jugée en surchauffe, au risque de précipiter une récession. Si la BCE a décidé de frapper fort, c’est qu’elle s’attend en effet à une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a> de 8,1 % en 2022, contre 6,8 % en rythme annuel en juin dernier. Toujours selon le grand argentier européen, la hausse des prix ne devrait ralentir qu’à partir de 2023.</p>
<p>Cette annonce n’est pas une bonne nouvelle pour les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marches-financiers-25050">marchés financiers</a> qui, s’ils ont semblé plutôt insensibles aux crises de ces dernières années, connaîtront très probablement une année 2022 morose en raison du changement de cap amorcé dans la politique monétaire des banques centrales ces derniers mois.</p>
<h2>Des baisses inédites depuis les années 1970</h2>
<p>Depuis la crise des subprimes en 2008, les marchés financiers semblaient très calmes, sorte de remake de la <a href="https://www.federalreservehistory.org/essays/great-moderation">« great moderation »</a> observée entre 1982-2007. L’inflation était inexistante, la volatilité moyenne faible et les mesures de soutien, qui se sont amplifiées pendant la crise du Covid-19, omniprésentes. Jusqu’à la fin d’année 2021, rien ne semblait pouvoir ébranler les marchés financiers. L’élection de Donald Trump aux États-Unis en 2016 n’avait pas créé de torpeur financière durable, ni les attentats à répétition, ni le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/brexit-24703">Brexit</a> (<a href="https://www.latribune.fr/bourse/les-marches-europeens-repartent-dans-le-vert-deux-jours-apres-le-brexit-582965.html">deux jours de baisse seulement</a>), ni la crise sanitaire, etc.</p>
<p>Cependant, cette période de calme relatif touche aujourd’hui à sa fin. Depuis le début de l’année, les principaux indices dans le monde sont tous orientés à la baisse. Sur un an, le <a href="https://www.google.com/finance/quote/PX1:INDEXEURO?sa=X&ved=2ahUKEwitwdy4l4L6AhUC_hoKHRhLA-wQ3ecFegQIFRAY&window=YTD">CAC 40 a perdu plus de 16 %</a> de sa valeur, plus de <a href="https://www.google.com/finance/quote/DAX:INDEXDB?window=YTD">20 % pour le Dax</a> en Allemagne, le <a href="https://www.google.com/finance/quote/.DJI:INDEXDJX?window=YTD">Dow Jones 15 %</a> et le <a href="https://www.google.com/finance/quote/.IXIC:INDEXNASDAQ?window=YTD">Nasdaq plus de 27 %</a> aux États-Unis. Des baisses qui n’avaient pas été observées depuis la période de stagflation des années 1970.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Dans le même temps, les <a href="https://fr.investing.com/rates-bonds/world-government-bonds?maturity_from=90&maturity_to=310">obligations d’État</a> ont également dans l’ensemble plongé, perdant par exemple presque 10 % de leur valeur aux États-Unis au premier semestre 2022, soit la <a href="https://www.spglobal.com/spdji/en/indices/fixed-income/sp-us-treasury-bond-current-10-year-index/">pire performance depuis 1788</a>, juste avant que George Washington ne devienne le premier président !</p>
<p>Il est <a href="https://media.economist.com/sites/default/files/pdfs/Guide_to_Investment_Strategy_3e.pdf">rare</a> que la performance des actions et des obligations converge conjointement à la baisse un même trimestre ou un semestre. Ce premier semestre 2022 fait donc exception. Cela a rendu très complexe allocation d’actifs puisque la plupart des classes d’actifs ont grandement souffert, y compris les nouveaux actifs digitaux comme le <a href="https://www.google.com/finance/quote/BTC-EUR?sa=X&ved=2ahUKEwiQ1MrCnYL6AhUO0oUKHQkfBRkQ-fUHegQIAhAe&window=6M">bitcoin qui a perdu près de la moitié de sa valeur</a> ses six derniers mois.</p>
<p>Plus qu’aux crises de ces derniers mois, les marchés semblent avoir réagi aux hausses de taux décidées pas les banques centrales. Début 2022, le forte reprise économique post-Covid et la persistance de l’inflation sous l’effet des crises énergétiques et alimentaires liées au conflit en Ukraine les ont placées dos du mur, dans l’impossibilité de poursuivre leur politique monétaire accommodante avec des taux directeurs au plancher.</p>
<p>Au 25 juillet, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reserve-federale-etats-unis-120711">Réserve fédérale américaine</a> (Fed) avait ainsi déjà révisé trois fois ses taux à la hausse depuis janvier, passant de 0,25 % à 1,75 %, tandis que la Bank of England (BoE) a enchaîné cinq hausses depuis mi-décembre, pour passer de 0 % à 1,25 %. Quant à la BCE, elle avait déjà frappé plus fort que prévu lors de son premier relèvement de juillet dernier avant de confirmer le cap lors de sa deuxième annonce du 8 septembre.</p>
<h2>L’embellie microéconomique de juillet</h2>
<p>Au début de l’été, on pouvait donc s’attendre à une poursuite des baisses boursières sous le double effet de l’inflation généralisée dans la plupart des pays et son corollaire, les hausses induites des taux d’intérêt directeurs par les banques centrales. Or, aux États-Unis comme en Europe, les <a href="https://www.lecho.be/les-marches/actu/general/l-excellente-moisson-de-resultats-semestriels-masque-les-nuages-qui-s-accumulent-a-l-horizon/10409833.html">résultats d’entreprises du deuxième trimestre 2022 ont été historiquement hauts</a>.</p>
<p>Cette bonne nouvelle a constitué un fort moteur des cours au mois de juillet, dont la dynamique a été portée par des facteurs microéconomiques. Au niveau macroéconomique, les taux d’intérêt notamment immobiliers en Europe ont en outre baissé en juillet, en dépit de l’inflation, et la BCE n’a appliqué sa hausse des taux que plusieurs semaines après l’avoir annoncé, début juin. Cette conjonction étonnante d’évènements a pu également porter les cours boursiers sur le mois de juillet.</p>
<p>Au mois d’août, les index sont repartis à la baisse, sans toutefois invalider une dynamique assez positive sur l’ensemble de l’été. Les scénarios les plus noirs, avec les craintes sur l’énergie notamment cet hiver, semblent en effet désormais intégrés dans les prix de marché. Toute amélioration éventuelle de la situation énergétique ou inflationniste pourrait donc être accueillie avec des hausses des cours. En revanche, la politique monétaire et les hausses des taux encore à venir resteront un fort vent contraire.</p>
<p>En somme, la fin d’année a peu de chance d’être excellente et ne pourra donc sans doute pas effacer les pertes du premier semestre.</p>
<h2>Alertes à la récession</h2>
<p>Certes, de nombreux signaux suggèrent que le <a href="http://www.rexecode.fr/public/Analyses-et-previsions/Synthese-conjoncturelle/Un-pic-d-acceleration-de-prix-est-franchi-aux-%C3%89tats-Unis-et-peut-etre-en-zone-euro">pic d’inflation est passé aux États-Unis</a> (baisse significative des coûts logistiques, du fret, etc.). Par ailleurs, les canaux de transmission de la politique monétaire traditionnelle mettent empiriquement entre six à neuf mois à se transmettre dans l’économie réelle. Les effets des hausses des taux directeurs du début d’année en Amérique du Nord ou encore au Royaume-Uni en matière de ralentissement de la hausse des prix devraient donc se concrétiser dans les prochains mois.</p>
<p>Mais les banques centrales affichent aujourd’hui leur volonté de poursuivre leurs politiques de relèvement des taux, comme l’a encore prouvé l’annonce de la BCE du 8 septembre. Ainsi, le président de la Fed, Jerome Powell, rappelait fin août, lors du meeting annuel des banquiers centraux à Jackson Hole aux États-Unis, que l’inflation, historiquement, ne s’est jamais tarie simplement à la suite de hausses ponctuelles des taux mais plutôt après une <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/wall-street-chute-apres-le-discours-de-powell-a-jackson-hole.N2036982">série de hausses successives</a> et durables. Son discours avait d’ailleurs aussitôt entraîné les <a href="https://www.agefi.fr/financements-marches/actualites/quotidien/20220829/discours-restrictif-jerome-powell-continue-peser-348621">marchés financiers à la baisse</a>.</p>
<p>En effet, la politique de relèvement des taux doit être mise en balance avec les <a href="https://theconversation.com/laisser-filer-linflation-ou-freiner-la-reprise-le-dilemme-des-banquiers-centraux-164813">risques de saper la croissance économique</a>. Les <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/08/30/etats-unis-europe-chine-alerte-a-la-recession-planetaire_6139462_3234.html">alertes à la récession</a> se multiplient aujourd’hui dans les grandes zones de l’économie mondiale avec notamment une consommation qui marque le pas après des mois de forte demande post-Covid. Une situation qui pèsera forcément sur les entreprises et les marchés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187410/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Amaury Goguel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La fin des politiques monétaires accommodantes, confirmée par le nouveau relèvement de taux de la BCE annoncé le 8 septembre, devrait continuer à peser sur les cours dans les prochains mois.Amaury Goguel, Economist & Academic Dean of the MSc Financial Markets & Investments. Co-author of the book "Managing Country Risk in an Age of Globalization", SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1871742022-07-19T17:52:59Z2022-07-19T17:52:59ZLes marchés financiers ont-ils intégré la notion de « crise permanente » ?<p>Depuis trois ans, les marchés financiers ont montré des visages très différents. En effet, après une brutale chute entre mars et mai 2020, les cours ont rebondi fortement avant de repartir à la baisse depuis février 2022. Par exemple, le CAC 40, entre le 24 janvier 2020, date de la déclaration du premier cas de coronavirus en France, et le 23 février 2022, veille de l’invasion russe en Ukraine, a augmenté de plus de 1 000 points en franchissant au passage son niveau historique du 04 septembre 2000, au-delà du seuil symbolique des 7 000 points.</p>
<p>Mais l’année 2022 a aussi été marquée par des corrections récurrentes sur la plupart des bourses européennes et américaines. L’indice S&P 500 a ainsi significativement <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-02-24/s-p-500-plunges-to-nine-month-low-as-russia-invades-ukraine">baissé en février dernier</a>. De son côté, le CAC 40 a perdu 15 % de sa valeur, passant d’un niveau de 7100 le 10 février à 6000 le 13 juillet dernier.</p>
<p><iframe id="gg3T8" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/gg3T8/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Certains facteurs intrinsèques au monde de la finance peuvent notamment expliquer l’alternance de ces dynamiques haussières et baissières. Au début de la pandémie, en 2020, les investisseurs avaient anticipé une baisse des profits, conséquence de l’arrêt d’une partie de l’activité économique. En conséquence, ils ont réduit leurs investissements ce qui a provoqué des ventes massives de titres et la baisse de leurs prix.</p>
<p>La tendance s’est inversée une fois la première vague du Covid-19 passée car les investisseurs ont été rassurés par les déclarations et interventions des banques centrales, ce qui a impacté leurs primes de risque et par conséquent leur demande de titres. Dès 2021, certaines entreprises ont réactivé leurs politiques de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/01/31/en-2021-pres-de-70-milliards-d-euros-distribues-aux-actionnaires_6111680_3234.html">distribution des dividendes</a> augmentant d’autant plus l’appétit des investisseurs pour les actifs boursiers.</p>
<h2>« Crise permanente »</h2>
<p>S’ajoutent à ces facteurs financiers la « nouvelle » perception des investisseurs de cette crise sanitaire et un effet d’apprentissage difficile à cerner. Apprenant à vivre avec la pandémie, plus les investisseurs intègrent la notion de « crise permanente », moins ils ont tendance à paniquer et plus ils actent et renforcent les dynamiques de marché. On en veut pour preuve l’examen du <a href="https://www.francebourse.com/fiche_news_150347.fb">VIX</a>, indice de volatilité du S&P500 aussi appelé « indice de la peur ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/avec-la-hausse-des-taux-les-marches-semblent-se-reconnecter-a-leconomie-reelle-185874">Avec la hausse des taux, les marchés semblent se reconnecter à l’économie réelle</a>
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<p>En effet, lors de la première vague du Covid-19, le VIX a <a href="https://fr.tradingview.com/symbols/CBOE-VIX/">augmenté de plus de 45 %</a>, révélant un état de nervosité et de panique des investisseurs à même d’expliquer en partie la brutalité de la chute des marchés en mars 2020. Néanmoins, au fur et à mesure que la pandémie semblait s’installer dans la durée et que les investisseurs commençaient à s’y familiariser (port du masque, télétravail, distanciation sociale, etc.), les variations du VIX, et donc du niveau de peur, se sont atténuées. Les investisseurs ont ensuite repris confiance avec comme conséquence et le retour des investissements sur le marché.</p>
<p><iframe id="6V0kz" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/6V0kz/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si le VIX n’est pas reparti à la hausse ces derniers mois, il n’en demeure pas moins qu’il existe désormais une forme d’inquiétude sur les marchés qui expliquent les récentes corrections. En effet, la période post-Covid-19 a marqué le retour de l’inflation aux États-Unis et en Europe, incitant les banques centrales à réduire leurs programmes d’achat des actifs financiers et <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">à augmenter leurs taux</a>.</p>
<h2>Le retour de la volatilité</h2>
<p>Ce virage opéré par la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reserve-federale-etats-unis-120711">Réserve fédérale américaine</a> (Fed) comme, peu après, par la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704">Banque centrale européenne</a> (BCE), ainsi que l’assouplissement progressif des mesures économiques de soutien de la crise Covid-19 ne semblent pas rassurer les investisseurs. Ces derniers craignent désormais une baisse de la liquidité et une augmentation du coût des crédits.</p>
<p>Des facteurs extrafinanciers, dont en premier lieu la guerre en Ukraine déclenchée par l’invasion russe du 24 février dernier, et le choc sans précédent sur le <a href="https://blogs.worldbank.org/developmenttalk/commodity-prices-surge-due-war-ukraine">marché des matières premières</a>, pèsent en outre sur le cours des marchés.</p>
<p>[<em>Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Cependant, ceux-ci ne se sont pas effondrés. Depuis cette date funeste, l’évolution des grands indices se caractérise davantage par des hausses et et des baisses successives très importantes. Même si la volatilité ne bat pas les records de début 2020, elle atteint à nouveau des <a href="https://fr.investing.com/indices/volatility-s-p-500-chart">niveaux significatifs</a>.</p>
<p>Par exemple, sur le front des valeurs technologiques, le Nasdaq a connu une baisse remarquable en juin, et des fintechs comme PayPal ou Square ont été fortement affectées par les corrections dans ces secteurs (les investissements des Américains sur des valeurs à la mode pendant la période du confinement laissaient sans doute augurer des phénomènes de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/05/11/a-wall-street-une-severe-correction-qui-rappelle-l-eclatement-de-la-bulle-internet_6125589_3234.html">réajustements assez violents</a>).</p>
<p><iframe id="WpsYP" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/WpsYP/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Plusieurs analyses concourent pour expliquer l’imprévisibilité de ces dynamiques boursières :</p>
<p>D’abord, les arbitrages des investisseurs eux-mêmes. Ces derniers, considérant parfois injustifiée les baisses significatives de certaines valeurs, se ruent sur les actions dont ils estiment la <a href="https://www.dailyfx.com/forex/technical/home/analysis/spx500/2022/06/02/SP-500-Dow-Jones-Nasdaq-100-in-Recovery-Mode-for-Now-PRtech.html">valorisation sous-estimée</a>, ce qui provoque des ruées importantes sur certains titres. Pourtant, dans ce cas, les mouvements de hausses n’ont souvent rien de durables ; il s’agit en général d’ajustements temporaires.</p>
<h2>Recul du PIB américain</h2>
<p>Deuxième explication, plus monétaire : plusieurs acteurs du marché semblent indiquer que le <a href="https://www.marketpulse.com/20220701/week-ahead-peak-fed-tightening/">« pic de la Fed »</a> aurait été atteint, ce qui signifie que la banque centrale américaine ne pourrait pas se risquer à une remontée plus brutale de ses taux. La perspective de cette modération pourrait avoir un effet incitatif sur les investisseurs.</p>
<p>Une troisième explication, plus structurelle, tient aux cycles économiques et au marché lui-même. Aux États-Unis, il y a un fort <a href="https://www.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/archipel/publications/bdf_rsf/etudes_bdf_rsf/bdf_rsf_03_etu_3.pdf">lien de dépendance</a> entre les marchés boursiers et le niveau d’activité à court terme. En période d’expansion, les actions des valeurs américaines ont tendance à se valoriser, alors qu’après le retournement du cycle, des ajustements importants sont souvent constatés. Le <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/etats-unis-recul-surprise-du-pib-au-premier-trimestre-1403664">recul surprise du PIB</a> de 1,4 % en rythme annuel au premier semestre aux Étas-Unis a donc de quoi inquiéter les marchés.</p>
<p>Il apparaît clair désormais que <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">l’inflation</a> (voire la possible <a href="https://theconversation.com/inflation-croissance-nulle-et-plein-emploi-bienvenue-dans-la-stagflation-2-0-182780">stagflation</a>) et la politique des banques centrales ont pris le pas sur l’incertitude liée au Covid-19. Les anticipations des grandes institutions sont, semaine après semaine, toujours <a href="https://www.nytimes.com/2022/07/17/business/economy/global-central-banks-inflation.html">plus sombres</a> ce qui pourrait inciter nombre d’investisseurs à se reporter sur des actifs potentiellement plus sûrs. Ce sont désormais ces facteurs qui, semble-t-il, préoccupent aujourd’hui vraiment les investisseurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187174/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Plus de deux ans après le début de la pandémie de Covid et près de six mois après l’invasion russe en Ukraine, les cours ont connu de nombreuses corrections mais pas de décrochage brutal.David Bourghelle, Maître de conférences en finance, laboratoire LUMEN, Université de LilleFredj Jawadi, Professeur des Universités en finance et en économétrie, Laboratoire LUMEN, Université de LillePascal Grandin, Professeur, Université de LillePhilippe Rozin, Maître de conférences en finance, laboratoire LUMEN, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1828352022-07-05T12:49:59Z2022-07-05T12:49:59ZInvestir dans les cryptoactifs : voici comment limiter le risque d’être exposé à une fraude<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/469568/original/file-20220617-14-sdjrky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C7%2C5146%2C3459&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Peter Thiel, cofondateur de PayPal et de Palantir, prononce un discours important lors de la conférence sur le Bitcoin, en avril dernier, à Miami Beach en Floride.</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Rebecca Blackwell)</span></span></figcaption></figure><p>En 2017, des milliers d’investisseurs, situés dans un peu plus de 175 pays, se sont retrouvés les poches vides : ils avaient investi près de 4 milliards de dollars (US) dans une cryptomonnaie nommée « OneCoin ». La tête dirigeante derrière le projet, <a href="https://www.bbc.com/news/stories-50435014">Ruja Ignatova</a>, s’est volatilisée avec ce qu’on croit être l’entièreté de la somme disparue.</p>
<p>Ce fait divers a frappé l’imaginaire dans le monde des cryptomonnaies. D’ailleurs, la BBC lui a même <a href="https://www.bbc.co.uk/programmes/p07nkd84/episodes/downloads">consacré un balado</a>. Et bien qu’il s’agisse d’une fraude d’envergure, il n’en demeure pas moins que ce type de stratagèmes frauduleux est fréquent dans l’univers des cryptoactifs. Ces derniers regroupent notamment les cryptomonnaies (comme le Bitcoin) et les jetons non fongibles (NFT). La possession de ces jetons octroie à l’investisseur des droits qui peuvent prendre différentes formes (accès à un bien – une œuvre d’art, par exemple – ou un service, ou similaire à la détention d’une action).</p>
<p>Depuis de nombreuses années, d’abord dans ma pratique professionnelle à titre d’auditrice et de juricomptable, puis de chercheure, je m’intéresse à l’étude de la fraude. Je suis principalement préoccupée par les déterminants de la fraude, ainsi que ses indicateurs et ses impacts. Plus récemment, mon intérêt s’est porté sur la fraude en lien avec les cryptoactifs, car ces nouvelles technologies sont liées à de nouveaux risques et limitations auxquels font face non seulement les utilisateurs/investisseurs, mais également les organismes de réglementation.</p>
<h2>Une quantité alarmante de fraudes</h2>
<p>Un rapport d’une firme spécialisée dans les cryptoactifs, paru en 2018, estime que près de 80 % de toutes les premières émissions de cryptoactifs (PEC) lancées en 2017, comme l’émission de nouvelles cryptomonnaies, <a href="https://research.bloomberg.com/pub/res/d28giW28tf6G7T_Wr77aU0gDgFQ">étaient frauduleuses</a>. Il n’est évidemment pas possible de mesurer précisément le nombre de fraudes qui surviennent chaque année, notamment parce que la plupart ne sont pas rapportées aux autorités compétentes. Or, ce chiffre alarmant devrait tout de même interpeller l’investisseur potentiel au sujet de la gestion de ses propres risques.</p>
<p>Il faut savoir que les cryptoactifs font l’objet de peu ou pas de réglementation partout dans le monde. Les organismes de réglementation comme l’<a href="https://lautorite.qc.ca/professionnels/fintech-technologie-financiere/comment-nous-appuyons-les-entreprises-novatrices/indications-sur-la-legislation">Autorité des marchés financiers</a>, ici au Québec, et la <a href="https://www.sec.gov/">Security and Exchange Commission</a>, aux États-Unis, travaillent sur le sujet depuis un certain temps déjà, mais la réglementation tarde sur certains points. Cette situation s’explique entre autres à cause de la <a href="https://www.newyorker.com/business/currency/the-challenges-of-regulating-cryptocurrency">décentralisation et de l’absence de frontières de ces investissements</a>, qui rendent l’élaboration et l’application de lois et règlements particulièrement difficiles.</p>
<h2>Indicateurs de fraude « traditionnels »</h2>
<p>L’investissement dans les cryptoactifs est du ressort de la finance technologique, couramment appelée <a href="https://bootcamp.cvn.columbia.edu/blog/what-is-fintech/#:%7E:text=FinTech%20(financial%20technology)%20is%20a,for%20businesses%20and%20consumers%20alike.">FinTech</a>. Les outils d’investissement dans la FinTech divergent de façon importante de ceux de la finance traditionnelle, et les investisseurs dans les FinTech sont souvent stimulés par la recherche de gains rapides, voire spéculatifs.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/469572/original/file-20220617-16-h26kyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="femme devant le bureau de OneCoin" src="https://images.theconversation.com/files/469572/original/file-20220617-16-h26kyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/469572/original/file-20220617-16-h26kyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/469572/original/file-20220617-16-h26kyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/469572/original/file-20220617-16-h26kyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/469572/original/file-20220617-16-h26kyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/469572/original/file-20220617-16-h26kyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/469572/original/file-20220617-16-h26kyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une femme passe devant le bureau de la cryptomonnaie OneCoin, fondée par Ruja Ignatova, qui a fraudé des investisseurs pour plusieurs milliards de dollars.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Il n’en demeure pas moins que des indicateurs de fraude, qui existent depuis fort longtemps dans la finance traditionnelle, comme les investissements sur les marchés boursiers, sont également présents dans la FinTech. On n’a qu’à penser à la garantie de taux de rendement incroyables, bien au-delà de ce qui a cours sur les marchés réglementés. Ou encore à l’urgence d’investir brandie par certains promoteurs de produits financiers, afin d’inciter les investisseurs à y mettre leur argent sans prendre le temps de réfléchir.</p>
<p>Cette urgence se fait sentir notamment lorsqu’un promoteur joue sur la peur de rater une occasion d’investissement incroyable, incitant l’investisseur à y mettre son argent rapidement s’il ne veut pas se faire couper l’herbe sous le pied par d’autres investisseurs plus rapides. On pourrait faire un parallèle avec les promotions pour des produits en magasin qui se vendent à prix coupés, mais indiquent que les quantités sont limitées. Or, dans le cas de l’investissement, cela se révèle bien souvent un stratagème frauduleux plutôt qu’une occasion alléchante.</p>
<h2>Des documents explicatifs… mais pas réglementés</h2>
<p>L’aspect technologique des cryptoactifs fait en sorte que de nouveaux indicateurs ont émergé dans la foulée. Puisqu’ils diffèrent de ce que les investisseurs ont pour habitude d’entendre de la part des intervenants chargés de les informer des risques encourus, notamment les conseillers en investissement, il est très important que ceux-ci portent une attention particulière aux projets dans lesquels ils comptent investir. En effet, l’absence (ou quasi-absence) de réglementation fait en sorte que pour l’instant, l’investisseur est seul en charge de se protéger face aux nombreuses fraudes qui sévissent dans le milieu. Il existe toutefois des <a href="https://www.finance-investissement.com/edition-papier/produits/sous-le-capot-des-fnb-de-cryptoactifs/#:%7E:text=Les%20premiers%20fonds%20n%C3%A9goci%C3%A9s%20en,selon%20Banque%20Nationale%20March%C3%A9s%20financiers.">fonds négociés en bourse adossés à des cryptoactifs</a>, qui sont offerts par certains fonds d’investissement. Mais il demeure que ces investissements font face au risque de <a href="https://cryptonaute.fr/les-crypto-actifs-restent-trop-risques-en-raison-de-la-volatilite/">volatilité</a>.</p>
<p>Comme dans le cas d’un investissement traditionnel, les équipes derrière les PEC publient ce qu’on appelle un <a href="https://coinmarketcap.com/alexandria/glossary/whitepaper">« white paper »</a>. Similaire au prospectus, dans le cas d’un appel public à l’épargne – soit le fait pour une entreprise d’aller chercher des fonds additionnels par l’offre d’actions, par exemple –, ce document transmet à l’investisseur potentiel une foule d’informations au sujet du projet proposé. On y parle, entre autres, du fonctionnement du projet, ou encore de la composition de l’équipe derrière celui-ci.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/469573/original/file-20220617-19-sgjb45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Photo rapprochée de pièces de monnaie dorées de bitcoin, ethereum et litecoin couchées sur du papier monnaie américaine et clavier blanc" src="https://images.theconversation.com/files/469573/original/file-20220617-19-sgjb45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/469573/original/file-20220617-19-sgjb45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/469573/original/file-20220617-19-sgjb45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/469573/original/file-20220617-19-sgjb45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/469573/original/file-20220617-19-sgjb45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/469573/original/file-20220617-19-sgjb45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/469573/original/file-20220617-19-sgjb45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La facilité à investir, couplée à une publicité qui ratisse large (notamment sur les médias sociaux tels que Facebook), font en sort que les gens sont souvent incités à investir dans les cryptoactifs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Or, les similitudes avec les prospectus s’arrêtent là, car, contrairement à celui-ci, le <em>white paper</em> n’est pas réglementé. Un émetteur peut donc y indiquer ce qu’il désire, et inversement, omettre une information qui pourrait se révéler utile pour un investisseur potentiel. Il importe de mentionner que, pour la plupart des projets, n’importe qui peut émettre un tel <em>white paper</em>. Mais les autorités réglementaires recommandent fortement à l’entité en question de s’enregistrer, non seulement pour renforcer la confiance des investisseurs potentiels, mais surtout pour s’assurer que les règles en place sont suivies.</p>
<h2>Nouveaux indicateurs de fraude</h2>
<p>Il existe donc des indicateurs de fraude qui sont particuliers aux cryptoactifs. On a ainsi vu des <em>white papers</em> contenant des éléments qui se contredisent, des incongruités, ou encore des erreurs, notamment (et étonnamment) dans le nom de l’entreprise derrière le projet. En effet, certains <em>white papers</em> copiés d’autres projets sont revus en vitesse, ce qui laisse derrière ce type de coquilles. Il faut savoir que règle générale, un PEC est projet unique, et qu’une copie signale généralement un projet frauduleux.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/17JEm8lVL_s?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Une publicité de l’Autorité des marchés financiers, qui vise à sensibiliser les jeunes aux risques associés aux cryptoactifs.</span></figcaption>
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<p>De plus, un autre indicateur de fraude potentielle réside dans un <em>white paper</em> dont la lecture de certains passages est complexe. Cela devrait amener l’investisseur potentiel à s’interroger sur le sérieux du projet. En effet, le <em>white paper</em> a pour utilité première d’informer l’investisseur, et l’emploi d’un langage abscons dans un tel document devrait être proscrit pour tout projet qui se veut cohérent.</p>
<p>Par ailleurs, l’équipe derrière le projet est essentielle à sa réussite, notamment en raison de sa complexité technologique. Il est donc douteux qu’elle ne soit pas mise de l’avant dans la documentation du projet, que ce soit dans le <em>white paper</em> ou encore sur son site web. D’ailleurs, il est généralement plutôt aisé d’entrer en contact avec l’équipe derrière un PEC, afin de poser des questions ou d’obtenir des informations supplémentaires sur le projet, ce qui n’est pas le cas en finance traditionnelle. Si un investisseur potentiel n’arrive pas à entrer en contact avec l’équipe, il y a, encore une fois, lieu de se questionner sur le sérieux du projet.</p>
<p>La rencontre d’un des indicateurs de fraude discutés plus haut ne signifie pas de facto que le projet est frauduleux. Cependant, la reconnaissance de ces derniers fait en sorte que l’investisseur est mieux outillé pour assurer sa propre gestion des risques d’investissement liés aux fraudes, particulièrement prévalentes dans l’écosystème des cryptoactifs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182835/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Annie Lecompte a reçu des financements de la Fondation des CPA du Québec.</span></em></p>L’engouement envers les cryptomonnaies ne cesse d’augmenter. Or, le milieu est risqué pour les investisseurs, non seulement au niveau de la volatilité, mais également au niveau des fraudes.Annie Lecompte, Professeure - Certification, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1858742022-06-28T17:01:53Z2022-06-28T17:01:53ZAvec la hausse des taux, les marchés semblent se reconnecter à l’économie réelle<p>La bourse danse tel un voilier sur la houle qui navigue à vue ! <a href="https://www.challenges.fr/economie/pourquoi-les-marches-paniquent-alors-que-la-bce-monte-ses-taux_817087">Les marchés financiers mondiaux sont en baisse</a> depuis ces dernières semaines, malgré de légers soubresauts d’optimisme. Le CAC 40 a perdu environ 19 % depuis le début de l’année 2022. L’Euro Stoxx 50 (indice de référence des marchés de la zone euro) chute de 20 % en 6 mois. Aux États-Unis, l’indice S&P 500 plonge de 23 %.</p>
<p>Les investisseurs aiment anticiper mais ils n’aiment pas l’incertitude… Les variations de la bourse sont donc régies par les <a href="https://www.cairn.info/la-bourse--9782707148056-page-93.htm">anticipations des agents économiques et des investisseurs</a>. Autrement dit, la valeur d’une action reflète principalement les anticipations de résultats d’une entreprise, la vigueur de l’économie mondiale et le momentum de marché (le taux d’accélération du prix d’un titre).</p>
<p>Ces dernières semaines, la deuxième dimension a pris le dessus au regard du contexte politique, économique et financier : <a href="https://theconversation.com/fr/topics/conflit-russo-ukrainien-117340">guerre en Ukraine</a>, ralentissement économique en Chine, problèmes sur les chaînes d’approvisionnement, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">forte inflation</a>, <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">remontées des taux d’intérêt</a>, fragmentation des dettes souveraines, <a href="https://theconversation.com/leconomie-italienne-est-aussi-malade-de-ses-elites-185520">envolée du « spread » italien</a>… La plupart des voyants « macro » sont dans le rouge ; la bourse aussi.</p>
<h2>La bourse et la vie</h2>
<p>La <a href="https://academic.oup.com/rof/article/21/3/945/3060346">macro-finance</a> étudie la relation entre les prix des actifs et les fluctuations économiques ; entre « la bourse et la vie ». Les prix des actifs correspondent à une prime de risque (supplément de rendement par rapport à un actif sans risque) importante, variable dans le temps et corrélée au cycle économique. Les prix des actions et les rendements des actifs sont donc souvent corrélés aux cycles économiques et aux variations des fondamentaux macroéconomiques.</p>
<p>Les rendements boursiers aident également à prévoir les événements macroéconomiques tels que la croissance du PIB, le chômage et l’inflation. On comprend alors que la connexion ou la déconnexion et la causalité entre les variables macroéconomiques et le marché boursier reste une question centrale pour les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1062976919301917">universitaires</a>, les décideurs politiques, les investisseurs ou les gestionnaires de fonds.</p>
<p>On cherche à solutionner le paradoxe de l’œuf et de la poule. En effet, on peut se demander si les marchés boursiers sont en avance ou en retard sur les fondamentaux macroéconomiques. D’un côté, les variables macroéconomiques <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/0304405X77900149">influencent et aident à prédire</a> les prix des actions. Les changements économiques affectent les taux d’actualisation et, parallèlement, les variables macroéconomiques font partie des facteurs de risque sur les marchés boursiers. D’un autre côté, les marchés boursiers peuvent également être des indicateurs retardés, réagissant aux données macroéconomiques. Par exemple, les <a href="https://www.jstor.org/stable/2328694">prix des actions peuvent être liés à la production future attendue</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/471088/original/file-20220627-12-yok9je.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/471088/original/file-20220627-12-yok9je.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/471088/original/file-20220627-12-yok9je.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/471088/original/file-20220627-12-yok9je.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/471088/original/file-20220627-12-yok9je.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/471088/original/file-20220627-12-yok9je.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/471088/original/file-20220627-12-yok9je.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les variations de la bourse sont notamment régies par les anticipations des agents économiques et des investisseurs.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Stock_Market_Changes.png">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Toutefois, la littérature n’aboutit pas à un consensus sur l’existence, la force et la durée des causalités entre la bourse et les fondamentaux macroéconomiques, en raison du caractère non linéaire et variant des relations. Les cycles d’expansion et de récession semblent conditionner les transmissions et les retombées d’informations entre les fondamentaux macroéconomiques et le marché boursier.</p>
<h2>Deux décennies de déconnexion progressive</h2>
<p>Dans un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S154461232200304X">article</a> de recherche récemment publié, j’analyse l’existence et l’intensité d’une causalité bidirectionnelle variant dans le temps entre la bourse et cinq variables macroéconomiques aux États-Unis entre 1960 et 2021. En intégrant différents marchés (le marché monétaire avec un taux d’intérêt et une masse monétaire, le marché des biens avec l’inflation et la production industrielle et le marché du travail avec le chômage) dans un modèle économétrique, il est possible de déterminer les dates d’origine et de fin de tout épisode de causalité avec une <a href="https://academic.oup.com/jfec/article-abstract/18/1/158/5370328">méthodologie récente</a>.</p>
<p>Les résultats empiriques ont révélé que ces relations varient dans le temps, en particulier lors de crises économiques ou financières. Pendant la crise sanitaire, ce constat était moins valable, ce qui pourrait témoigner d’une <a href="https://theconversation.com/bourses-le-covid-19-aura-encore-confirme-la-deconnexion-avec-leconomie-reelle-140807">déconnexion</a> entre les fondamentaux et l’activité boursière. La crise du Covid pourrait avoir modifié les relations économiques. On pourrait être en présence <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1207/S15327760JPFM0101_05">d’exubérances irrationnelles ou de bulles spéculatives</a>. Durant la pandémie, les marchés vivaient leurs vies et se souciaient peu des fondamentaux macroéconomiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-avril-2020-le-petrole-atteignait-40-dollars-et-pas-seulement-a-cause-du-covid-19-176763">En avril 2020, le pétrole atteignait -40 dollars (et pas seulement à cause du Covid-19)…</a>
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<p>Dans une autre <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13504851.2021.1987378">étude</a> récente, qui se focalise sur les liens entre l’activité boursière et le chômage, les tests de causalité révèlent que les réalisations décalées du marché boursier ont un pouvoir prédictif sur le chômage, et vice versa. En effet, les cours des actions sont notamment impactés par les nouvelles sur les taux de chômage, qui peuvent contenir des informations sur la croissance et/ou la prime de risque des actions.</p>
<p>Toutefois, cette capacité prédictive, que l’on retrouve en particulier durant les périodes de crise, ne se produit que de manière sporadique dans le temps. Par exemple, pendant la bulle Internet, au début des années 2000, la capacité prédictive du chômage vers le marché boursier a semblé plus forte et plus persistante que pendant la grande récession qui a suivi la crise financière de 2008. Depuis, au fil du temps, l’intensité des causalités s’est diluée. On peut donc penser que la déconnexion s’est progressivement confirmée.</p>
<h2>Reconnexion temporaire ?</h2>
<p>En revanche, l’activité boursière des dernières semaines semble étroitement corrélée avec certains fondamentaux macroéconomiques, tels que l’inflation ou les risques de ralentissement de l’activité.</p>
<p>En effet, récemment, la banque centrale américaine a largement <a href="https://www.france24.com/fr/%C3%A9co-tech/20220615-la-fed-rel%C3%A8ve-son-principal-taux-et-pr%C3%A9voit-un-ralentissement-de-l-%C3%A9conomie">augmenté ses taux à court</a> terme de 0,75 point (ce qui est inédit depuis 1994) pour tenter de limiter les tensions inflationnistes, ce qui a provoqué des turbulences sur les marchés.</p>
<p>Toutefois, cette reconnexion récente risque de ne pas durer au regard des conclusions des études mentionnées précédemment. Elle semble principalement provenir d’une conjonction d’événements qui affole les investisseurs et les marchés boursiers, averses à la navigation à vue. La connexion est pourtant indispensable puisque la sphère financière devrait être étroitement reliée à l’économie réelle…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185874/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Fromentin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les turbulences boursières récentes reflètent un contexte économique fragile marqué par la forte inflation. Une situation qui tranche avec l’évolution des cours pendant la pandémie de Covid.Vincent Fromentin, Maître de conférences HDR, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1858722022-06-27T16:03:00Z2022-06-27T16:03:00ZLa hausse des taux d’intérêt va-t-elle déboucher sur une nouvelle crise de la zone euro ?<p>Dans le sillage de la Réserve fédérale américaine (Fed), la Banque centrale européenne (BCE) a pris la décision de <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">relever ses taux directeurs</a> de 25 points de base à compter du mois de juillet 2022, une première depuis la crise des dettes souveraines de la zone euro il y a onze ans. Conséquence, les taux d’intérêt des obligations d’État s’envolent et les écarts de taux entre les pays membres de la zone euro se creusent, ravivant les inquiétudes quant à une nouvelle crise de la dette et une entrée en récession.</p>
<p>La reprise forte et rapide de l’activité qui a suivi la mise à l’arrêt de l’économie mondiale lors des périodes de confinement durant la pandémie de Covid-19 s’est accompagnée d’une très vive hausse de la demande, nettement supérieure à l’offre dans plusieurs secteurs, entraînant d’importantes pénuries. Ce rebond économique s’est traduit, logiquement, par une forte augmentation des prix. Si un tel schéma inflationniste n’est pas surprenant dans un contexte de reprise de la consommation et a tendance à s’estomper rapidement, la situation est tout autre aujourd’hui.</p>
<p>À ce regain de l’activité économique s’ajoute en effet un choc d’ampleur majeure sur les prix des matières premières lié à la guerre en Ukraine. La Russie et l’Ukraine étant d’importants producteurs et exportateurs de matières premières, les prix de nombreux produits s’envolent, qu’il s’agisse des denrées alimentaires (blé, maïs, orge…), des métaux (nickel, palladium, aluminium, cuivre) ou encore de <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/pb/2022/pb2022-37.pdf">l’énergie (pétrole, gaz)</a>. La forte <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a> que subit actuellement la zone euro s’inscrit ainsi dans la durée – du fait du conflit russo-ukrainien – et provient de deux sources : la reprise économique plus forte que prévue, d’une part, et le choc sur les prix des matières premières, d’autre part.</p>
<h2>Vers une fragmentation de la zone euro ?</h2>
<p>Face à cette situation, les banques centrales ont décidé de relever leurs taux afin d’enrayer l’inflation galopante, pour laquelle les <a href="https://www.ecb.europa.eu/pub/projections/html/ecb.projections202203_ecbstaff%7E44f998dfd7.fr.html">projections de la BCE</a> pour l’année 2022 s’échelonnent entre 5,1 % et 7,1 % selon les scénarios, bien au-delà de la cible des 2 %. La hausse des taux d’intérêt vise à mettre un terme à cette spirale inflationniste en ralentissant la demande et la consommation. En effet, plus les taux accordés aux banques commerciales par la BCE sont élevés, plus ceux octroyés par les banques commerciales aux ménages et aux entreprises le sont aussi. L’accès au crédit devient ainsi plus onéreux pour les ménages, freinant en conséquence leur consommation, mais aussi pour les entreprises et les États pour qui il devient plus coûteux de s’endetter. Le ralentissement désiré de la demande conduit dès lors à la baisse des prix recherchée.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/restreindre-le-credit-a-la-consommation-larme-anti-inflation-de-lapres-guerre-166762">Restreindre le crédit à la consommation, l’arme anti-inflation de l’après-guerre</a>
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<hr>
<p>Outre le relèvement des taux, dans sa volonté de lutter contre l’inflation, la BCE a annoncé mettre prochainement fin à son programme d’achats d’actifs classiques (APP, <a href="https://www.ecb.europa.eu/mopo/implement/app/html/index.en.html"><em>Asset Purchase Programme</em></a>) destiné à stimuler l’économie. Rappelons que ce programme de politique monétaire non conventionnelle lancé en 2014, dont l’objectif initial était de stimuler l’inflation pour qu’elle atteigne la cible de 2 %, consiste en l’achat d’obligations d’État, c’est-à-dire de titres de dette publique, mais aussi d’obligations issues du secteur privé. Un tel programme ayant pour effet d’accroître l’inflation et de réduire les taux d’intérêt, son arrêt est ainsi programmé pour juillet 2022.</p>
<p>Les effets de ce resserrement de la politique monétaire – hausse des taux et fin du programme APP – ne sont pas homogènes pour tous les pays de la zone euro. Si les taux à 10 ans allemand et français ont respectivement augmenté de 2,3 et 2,7 points entre le 1<sup>er</sup> janvier 2021 et le 14 juin 2022, les taux italien et grec ont quant à eux crû de 3,7 et 4 points sur la même période, culminant à 4,22 % et 4,66 % le 14 juin 2022 (Graphique 1).</p>
<p><iframe id="SUTMC" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/SUTMC/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les écarts de taux (<em>spreads</em>) des pays par rapport à l’Allemagne s’accentuent – 66 points de base pour la France, 248 pour l’Italie et 292 pour la Grèce en date du 14 juin 2022 –, suscitant de vives inquiétudes quant à une fragmentation potentielle de la zone euro (Graphique 2).</p>
<p>Expliquons le mécanisme. Pour le calcul des <em>spreads</em>, le taux d’intérêt à 10 ans allemand est pris comme référence dans la mesure où l’Allemagne – dont le risque de défaut est jugé le plus faible du fait de sa rigueur budgétaire – est le pays qui emprunte au taux le plus bas au sein de la zone euro. Dans un contexte économique fragile comme celui que nous connaissons aujourd’hui, les marchés s’inquiètent de la « santé financière » de certains États fortement endettés et leur imposent des hausses de taux supérieures à celles d’autres pays : les investisseurs qui achètent des obligations souveraines de pays très endettés – donc risqués – réclament une prime de risque très élevée, ce qui accroît les taux desdits pays.</p>
<p>En conséquence, les <em>spreads</em> se creusent, signe d’un accroissement des déséquilibres économiques entre les pays de l’Union faisant resurgir le spectre de la crise des dettes souveraines de 2011. En effet, les coûts d’emprunt des pays du Sud, déjà très fortement endettés, étant plus élevés que ceux du Nord de la zone, la soutenabilité budgétaire des premiers est mise en question : le relèvement des taux alourdit la dette publique et le risque de défaut souverain émerge.</p>
<p>Il convient toutefois de souligner que <a href="https://theconversation.com/leconomie-italienne-est-aussi-malade-de-ses-elites-185520">l’Italie</a>, qui est un des principaux émetteurs de dette en zone euro, a déjà engagé une grande partie de sa dette avec des taux d’intérêt bas. La hausse des taux se répercutera à plus long terme, puisque l’Italie devra emprunter à des taux élevés, accroissant ainsi le coût de sa dette et renforçant son risque de défaut souverain.</p>
<p><iframe id="bhHU1" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/bhHU1/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Afin d’éviter la fragmentation de la zone euro et voir resurgir les craintes de la crise des dettes souveraines de 2011, la BCE a annoncé qu’elle fera preuve de souplesse dans le <a href="https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2022/html/ecb.pr220615%7E2aa3900e0a.fr.html">réinvestissement des remboursements</a> des titres arrivant à échéance du programme PEPP (<a href="https://www.ecb.europa.eu/mopo/implement/pepp/html/index.en.html"><em>Pandemic Emergency Purchase Programme</em></a>) lancé en mars 2020 pour lutter contre la crise économique liée à la pandémie de Covid-19. Elle orientera ainsi les réinvestissements vers les pays les plus endettés, comme l’Italie et la Grèce, afin d’atténuer les effets de la hausse des taux sur ceux-ci en limitant leurs taux d’emprunt et « préserver le fonctionnement du mécanisme de transmission de la politique monétaire ».</p>
<p>La BCE a également indiqué réfléchir à la mise en place d’un <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/06/15/la-bce-intervient-d-urgence-pour-calmer-les-tensions-en-zone-euro_6130474_3234.html">nouvel instrument « anti-fragmentation »</a> afin de lutter contre un creusement structurel des <em>spreads</em>, sans toutefois fournir plus d’informations à ce stade.</p>
<h2>Le spectre de la récession</h2>
<p>Si un resserrement de la politique monétaire est certes à même de limiter la spirale inflationniste <em>via</em> un ralentissement de la consommation, il n’a aucune prise sur l’inflation provenant de la flambée des cours des matières premières ; les prix de l’énergie et des denrées alimentaires étant fortement dépendants de facteurs mondiaux et, désormais, du conflit russo-ukrainien.</p>
<p>Par conséquent, si la hausse des taux ne permet pas de juguler suffisamment et rapidement l’inflation, mais qu’elle réduit significativement la consommation, l’investissement des entreprises et, par ricochet, accroît le chômage, le risque est grand pour les économies européennes d’entrer, à nouveau, en récession. Tout dépendra, outre la durée de la guerre en Ukraine, du niveau et de la pérennité d’une inflation au-delà du seuil de 2 %.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185872/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Mignon est conseiller scientifique au CEPII, membre du Cercle des économistes, présidente de la section 05 (sciences économiques) du CNU et secrétaire générale de l'AFSE.</span></em></p>Le resserrement de la politique monétaire de la BCE accroît les déséquilibres économiques entre les pays de l’Union européenne, faisant resurgir le spectre de la crise des dettes souveraines de 2011.Valérie Mignon, Professeure en économie, Chercheure à EconomiX-CNRS, Conseiller scientifique au CEPII, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1855202022-06-22T21:05:12Z2022-06-22T21:05:12ZL’économie italienne est aussi malade de ses élites<p>C’est l’une des conséquences du premier <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">relèvement des taux directeurs</a> de la banque centrale européenne (BCE) depuis une décennie, annoncé le 9 juin dernier : le taux obligataire italien à 10 ans a bondi à plus de 4 %, soit environ un <a href="https://fr.tradingeconomics.com/italy/government-bond-yield">point et demi de plus qu’un mois plus tôt</a>. Cette hausse subite a réactivé la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/06/16/en-italie-le-grand-retour-de-la-peur-du-spread_6130552_3234.html">peur du « spread »</a>, à savoir l’écart des taux auxquels se financent les différents pays de la zone euro qui avait conduit à la crise de 2011. Si bien que la BCE s’est réunie en urgence, le 15 juin, pour annoncer la mise en place d’un « <a href="https://www.agefi.fr/financements-marches/actualites/quotidien/20220615/bce-annonce-mesures-anti-fragmentation-a-l-issue-345744">nouvel outil anti-fragmentation</a> », sans donner plus de précision. Cette communication a rassuré les marchés en contribuant à resserrer le « spread », mais le taux obligataire italien restait encore à des niveaux élevés une semaine plus tard (3,70 le lundi 20 juin) illustrant les inquiétudes marchés quant à la solvabilité du pays.</p>
<p>À près de 156 % du PIB, l’endettement public italien est près de deux fois plus lourd que celui de la moyenne des pays de la zone euro. La dette pèse sur l’économie pour trois raisons. La première raison est liée à la politique anticyclique : il devient impossible de recourir à des manœuvres de déficit budgétaire pour stimuler la croissance des revenus. Les deux autres raisons sont structurelles. Un excédent primaire élevé oblige (à dépenses égales) à maintenir un prélèvement fiscal élevé et déprime donc le rendement net du capital investi.</p>
<p><iframe id="50LbR" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/50LbR/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>D’autres facteurs entravent la croissance italienne : une économie souterraine qui perdure, de fortes disparités socio-économiques territoriales entre le Nord et le Sud, des mécanismes de décision complexes ou encore <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/tableau-de-bord-de-lemploi-public-0">l’inefficience de l’État</a>. Comme l’a montré une étude récente comparative de France Stratégie, l’Italie est, avec le Japon, un des pays les moins administrés du monde, autrement dit un des pays où l’emploi public est le plus faible.</p>
<h2>« Absence de méritocratie »</h2>
<p>Plus largement, une <a href="https://voxeu.org/print/62336">étude de 2014</a>, mise à jour en octobre 2017, signée par deux économistes, Bruno Pellegrino, de l’université de Californie à Los Angeles (UCLA) et Luigi Zingales, de l’université de Chicago, a mis en avant « l’absence de méritocratie comme principale cause du problème de productivité en Italie ». Pour les deux auteurs, la gestion des firmes italiennes repose principalement sur un modèle fondé sur la loyauté plutôt que sur le mérite.</p>
<p>Ici, loyauté signifie clientélisme, copinage et prévalence des arrangements de famille ou de clan (avec une réalité variable du Nord au Sud). Ces 20 dernières années, les entreprises italiennes ont massivement sous-investi : le volume de leur investissement n’a progressé que de 40 % contre 90 % en France et en Allemagne et 150 % en Espagne. La crainte de se développer principalement parce que les actionnaires <a href="https://www.oecd.org/economy/growth/Italy-country-note-going-for-growth-2021.pdf">redoutent de perdre le contrôle</a> de l’entreprise reste très présente dans le pays.</p>
<p>Les grands groupes restent eux protégés par un capital verrouillé, familial et des participations croisées, bénéficiant du soutien direct ou indirect de l’État grâce à la dépense publique et à des dévaluations régulières. En outre, les corporations du pays sont nombreuses, puissantes et courtisées : des chauffeurs de taxi aux contrôleurs aériens, de nombreux secteurs de l’administration publique aux camionneurs, des notaires aux producteurs de lait en passant par les agents immobiliers. Ajoutons-y la recherche de rente dans des secteurs protégés : la construction ou les services publics privatisés (électricité, téléphonie, autoroutes) ; l’évitement de la concurrence globale, sur les marchés internationaux ; le refus de se focaliser sur des secteurs émergents nouveaux et risqués (bio-ingénierie, industrie de l’hydrogène), etc.</p>
<p>La crise de l’économie italienne est donc également une crise des élites italiennes. Autrement dit, la grande difficulté pour sortir l’économie italienne de sa situation réside dans le fait que les cadres organisateurs du pays sont conditionnés par la rente et la loyauté, à l’opposé de l’innovation et du mérite qui <a href="https://www.einaudi.it/catalogo-libri/problemi-contemporanei/declino-italia-andrea-capussela-9788806247386/">favorisent la croissance</a>.</p>
<p>L’économie italienne a d’ailleurs davantage souffert en 2020 que la moyenne des pays de la zone euro (-9 % contre -6 %). Les pertes ont été conséquentes, notamment dans le tourisme (-60 % de touristes étrangers en 2020, revenus passés de 44 à 17 milliards), un secteur qui encore en 2019 représentait le 13 % du PIB italien. La récession a toutefois pu être relativement contenue par la résilience de l’industrie.</p>
<p><iframe id="TWq7C" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/TWq7C/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’Italie conserve en effet une base industrielle bien plus importante que celle de la France : la deuxième en Europe après celle de l’Allemagne. La péninsule a ainsi conservé des qualifications et des savoir-faire importants. L’Italie reste un pays d’entreprise, qui peut se targuer de compter de nombreuses sociétés de premier plan dans le monde entier. Mais le système ne fonctionne plus et a un besoin urgent de renouvellement.</p>
<h2>Effondrement démographique</h2>
<p>Or, l’Italie reste aujourd’hui prisonnière de son déclin démographique. La natalité du pays s’est effondrée avec une population qui est passée sous la barre des 59 millions d’habitants, avec moins de 400 000 naissances par an. Si rien n’est fait, la péninsule perdra entre 5 et 8 millions d’habitants d’ici 2050.</p>
<p>Sur près de 59 millions d’habitants, <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/litalie-prisonniere-de-son-declin-demographique-1406889">10,5 millions ont moins de vingt ans</a>, tandis que près de 20 millions ont 60 ans ou plus. Un peu plus de la moitié de la population seulement (52 %) sera bientôt en âge de travailler, tandis que 32 % aura cessé toute activité. L’âge moyen, en augmentation rapide, est de 45,7 ans (+2,3 ans depuis 2010). L’âge médian – le plus élevé de l’Union européenne – est de 43,1 ans, 23 % des Italiens ayant 65 ans et plus. Ce vieillissement pèsera sur la compétitivité et la soutenabilité des finances publiques.</p>
<p><iframe id="ddS9S" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ddS9S/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’un des aspects qui suscitent le plus de préoccupations est le nombre de jeunes de 15 à 29 ans faisant partie de la catégorie NEET (Not in Education, Employment or Training). Ce groupe représente en Italie désormais 2,1 millions de personnes, soit une augmentation de presque 100 000 par rapport à 2019, ce qui équivaut à 23 % de la population de cette tranche d’âge et constitue le pire résultat de tous les pays de l’Union européenne (moyenne UE : 14 %).</p>
<p>Dans ce contexte, l’Italie est la <a href="https://www.governo.it/sites/governo.it/files/PNRR_0.pdf">principale bénéficiaire</a>, avec l’Espagne, du plan de relance européen post-Covid <em>Next Generation</em>. Des 807 milliards d’euros mobilisés par l’Union européenne pour les années 2021-2027, plus de 190 sont destinés à l’Italie, dont 65 sous la forme de subventions (le reste sous forme de prêts), soit l’équivalent de près de 11 % du PIB réparti sur sept ans.</p>
<p>Cependant, ces dernières années, les administrations centrales et régionales n’ont pas utilisé tous les fonds européens à disposition pour l’investissement public en raison de la préparation déficiente des projets et de la lenteur de leur exécution. Des centaines de millions d’euros n’ont ainsi pas été mobilisés, en particulier dans le sud de l’Italie, faute de capacité à concevoir et à gérer des projets.</p>
<p>Aujourd’hui encore, l’Italie éprouve des difficultés mêmes à trouver des projets à financer. Le président du Conseil, Mario Draghi, et ses ministres savent que le pays jouera une bonne partie de sa crédibilité en Europe sur la conduite des travaux et le respect des échéances. En outre, ils sont conscients du fait que – à moyen terme – la mise en œuvre rapide et effective des réformes structurelles sera la seule garantie de crédibilité afin d’attirer des investissements étrangers et éviter une envolée des « spread », qui avaient contribué au <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/industrie-financiere/hausse-des-taux-la-bce-tente-d-eviter-le-scenario-de-la-crise-de-l-euro-de-2011-922009.html">déclenchement de la crise de la zone euro</a> en 2011.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185520/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>André Tiran ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le modèle économique de la péninsule, dont la solvabilité inquiète aujourd’hui les marchés, freine la méritocratie, l’innovation et la croissance.André Tiran, Professeur émérite de sciences économiques, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1767632022-04-04T18:26:18Z2022-04-04T18:26:18ZEn avril 2020, le pétrole atteignait -40 dollars (et pas seulement à cause du Covid-19)…<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/445344/original/file-20220209-25-7y85wk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=114%2C11%2C979%2C662&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Certains mécanismes qui ont conduit à la chute des cours au printemps 2020 se retrouvent dans la précédente baisse des prix de 2015.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/871766">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Pour la première fois dans l’histoire, au printemps 2020, le prix du pétrole brut américain, mesuré par le West Texas Intermediate (WTI), <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/21/aux-etats-unis-les-prix-negatifs-du-petrole-balayent-la-strategie-energetique-de-trump_6037258_3234.html">est devenu négatif</a> pour atteindre jusqu’à – 40 dollars le 20 avril, en raison du brusque ralentissement de l’économie mondiale pour limiter la propagation du Covid-19. De façon inédite, l’offre excédentaire de pétrole a contraint les producteurs à payer les acheteurs pour des barils qu’ils n’étaient plus en mesure de stocker.</p>
<p>Cette situation a également été une conséquence directe de <a href="https://theconversation.com/petrole-coronavirus-opep-et-russie-la-valse-a-quatre-temps-133534">l’échec des négociations</a> entre la Russie et l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) pour réduire la production quotidienne de barils en raison de la pandémie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1252940728432459776"}"></div></p>
<p>Au-delà de la dimension géopolitique, cette baisse brutale de la demande a été associée à une bulle financière négative entre le 6 mars et le 28 avril 2020 que nous avons identifiée dans un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301420721004013">article de recherche</a>. Cette étude met en évidence la formation d’une bulle se superposant au ralentissement de l’économie réelle et accentuant la chute des cours du pétrole au printemps 2020.</p>
<h2>Financiarisation des marchés</h2>
<p>Généralement, des changements brutaux dans l’offre et/ou la demande sont reconnus pour favoriser l’apparition des bulles sur les marchés financiers. On pouvait donc anticiper l’apparition de ce phénomène. Par ailleurs, durant la dernière décennie, l’importance prise par les spéculateurs adossée à la financiarisation des marchés a été identifiée comme des éléments contribuant à la formation de bulles.</p>
<p>Ces éléments ont participé à la précédente chute des prix du pétrole, lorsque les cours avaient atteint <a href="https://www.lesechos.fr/2015/12/ca-sest-passe-en-2015-la-chute-des-cours-du-petrole-286342">35 dollars le baril</a> fin 2015. Dans notre recherche, nous considérons qu’ils ont également joué un rôle dans l’aggravation de la baisse des cours du prix du pétrole brut il y a deux ans.</p>
<p>Une bulle financière désigne une situation où le niveau des prix d’échanges sur un marché est artificiellement et excessivement déconnecté de la valeur financière fondamentale de l’actif concerné. Lorsque les marchés sont <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0304405X98000269">efficients</a>, au sens défini par le prix « Nobel » d’économie Eugene Fama, le prix d’un actif financier reflète sa valeur fondamentale, c’est-à-dire la somme des flux futurs (techniquement actualisés au taux d’intérêt) découlant de la détention de cet actif. Dans ce cas, le prix à sa juste valeur est celui qui reflète en moyenne toute l’information disponible pour les acteurs économiques et financiers.</p>
<p><iframe id="pbgOz" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/pbgOz/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les bulles financières nuisent à une allocation efficace des ressources disponibles sur les marchés. En conséquence, il faut éviter leur formation. Les travaux de Fama ont favorisé les régulations en faveur de la transparence sur les marchés financiers afin que les agents puissent prendre des décisions efficaces en se basant sur le critère de la juste valeur. Ces réglementations ont modéré les apparitions des bulles sans les faire disparaître.</p>
<p>De manière complémentaire, les travaux de l’économiste Robert Shiller, prix « Nobel » la même année que Fama, montre que le prix des actifs financiers ne reflète pas toujours leur valeur fondamentale et pointe « <a href="http://www.irrationalexuberance.com/main.html">l’irrationnelle exubérance</a> » des marchés (une expression initialement formulée par l’ancien président de la Réserve fédérale américaine Alan Greenspan pour décrire la bulle Internet en 2001).</p>
<p>Dans notre recherche, un panel de techniques économétriques mobilisées aboutit à la conclusion selon laquelle le prix du pétrole brut a connu une bulle financière négative statistiquement significative du 6 mars au 28 avril 2020, ce qui indique que le marché pétrolier ne s’est pas comporté de manière efficiente durant cette période.</p>
<h2>Irrationalité et/ou incertitude ?</h2>
<p>Faut-il pour autant considérer que les agents financiers ont eu un comportement irrationnel début 2020 ? Les travaux de l’économiste français Jean Tirole, prix « Nobel » en 2014, montrent que <a href="https://www.jstor.org/stable/1913232">l’irrationalité n’est pas une condition nécessaire</a> à la formation d’une bulle.</p>
<p>En 2020, les agents ont été confrontés à une grande <a href="https://fraser.stlouisfed.org/files/docs/publications/books/risk/riskuncertaintyprofit.pdf">incertitude</a> telle que définie par Frank Knight en 1921. Ce chercheur distingue les situations de risque des situations d’incertitude. Les premières se caractérisent par l’existence de différentes alternatives probabilisables, les secondes par l’impossibilité d’assigner des probabilités aux états de la nature.</p>
<p>Or, l’incertitude au moment du déclenchement ainsi que pendant la crise sanitaire était proche de celle décrite dans les travaux du chercheur britannique Shackle : il s’agissait d’un <a href="https://academic.oup.com/ej/article-abstract/90/358/397/5219908?redirectedFrom=fulltext">avenir inexistant</a> au moment de la prise de décision. Les états de la nature ont donc été imaginés (voire fantasmés) par les individus.</p>
<p>Pour éviter des coûts de recherche d’information trop élevés, les agents ont alors privilégié des comportements mimétiques, tendant à accentuer la baisse des cours au moins sur une courte période. Dans un second temps, pour surmonter un environnement devenu trop complexe, ils ont été attentifs à toute modification de l’environnement. Ainsi, la vigilance accrue de chaque agent pour repérer le premier de nouvelles opportunités a permis de revenir à un niveau d’efficience global des prix du pétrole.</p>
<p>À l’heure de l’amorce de la <a href="https://www.irena.org/aboutirena">transition énergétique</a> dans plusieurs régions du monde, le pétrole, bien que concurrencé par d’autres sources d’énergie, demeure <a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/">essentiel au fonctionnement de nos économies</a>. Les variations des prix du pétrole continueront de se <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1544612320308497">propager à de nombreux autres marchés</a>, tels que les marchés boursiers, et finalement à l’économie réelle des pays. La détection du moment précis de la formation des bulles pétrolières permet donc d’identifier cet effet de contagion. Les études sur la compréhension des causes des variations des prix du pétrole par la communauté des chercheurs en finance, par les acteurs économiques et les décideurs politiques restent donc tout à fait pertinentes.</p>
<p>La campagne militaire en Ukraine déclenchée le 24 février 2022 par le président russe Vladimir Poutine relance aujourd’hui le débat sur les prix du pétrole. Alors que les cours s’envolent, on peut donc s’interroger à nouveau sur l’apparition d’une bulle (positive cette fois et qui reste à vérifier dans une recherche future) résultant de nombreuses incertitudes engendrées par le contexte géopolitique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176763/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Un article de recherche décrit la bulle financière négative qui a conduit les cours en territoire négatif il y a deux ans. Des signes avant-coureurs apparaissaient toutefois avant la pandémie.Vanessa Serret, Professor, IAE Metz School of Management – Université de LorraineSami Ben Jabeur, Maître de conférences, ESDES Lyon Business School, Université catholique de Lyon (UCLy)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1801932022-03-31T17:54:53Z2022-03-31T17:54:53ZGuerre en Ukraine : pourquoi le bitcoin n’est pas devenu une valeur refuge<p>Dans les jours de menace croissante d’une invasion de l’Ukraine par les troupes russes ainsi que dans les jours ayant suivi celle-ci, beaucoup de chroniques ont <a href="https://fr.cryptonews.com/news/freezing-russian-reserve-assets-marks-end-of-monetary-regime-gold-bitcoin-rise-arthur-hayes-fr.htm">annoncé l’envol du cours du bitcoin</a>. On attend depuis un mois maintenant <a href="https://coinmarketcap.com/currencies/bitcoin/?period=7d%22%22">l’ébauche de la réalisation</a> de cette prophétie. Cette guerre n’a en effet pas massivement consacré le bitcoin, non seulement comme monnaie de paiement mais comme réserve par rapport à l’or, considéré comme la valeur refuge par excellence.</p>
<p>Jugeons-en par quelques <a href="https://fr.finance.yahoo.com/quote/BTC-EUR/history">chiffres</a> : le bitcoin cotait 47 000 dollars le 28 mars 2022, alors qu’il était à 34 782 le 26 février 2022. Mais ces données sont surtout à comparer à son cours de 67 566 dollars le 8 novembre 2021, un maximum qu’il n’a jamais retrouvé depuis.</p>
<p><iframe id="pfvcD" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/pfvcD/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour ce qui est de l’once d’or, elle est passée de 1912,15 dollars le 25 février 2022 à 1945,90 dollars le 24 mars (mais avec une envolée jusqu’au 8 mars et une retombée ensuite). Certains ont même remarqué le jour du début de l’invasion russe <a href="https://institut-rousseau.fr/les-cryptomonnaies-dans-la-guerre-dukraine/">un pic pour l’or et un trou pour le bitcoin</a> (leurs évolutions apparaissant alors inversées).</p>
<p><iframe id="ruaca" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ruaca/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le 26 février, les puissances occidentales ont décidé d’interdire l’accès à la Russie à ses réserves, estimées à l’équivalent de 630 milliards de dollars et détenues dans une variété de devises du G10. Simultanément, plusieurs grandes banques commerciales russes ont été exclues du réseau Swift assurant les transactions internationales.</p>
<p>De nombreux aficionados du bitcoin ont alors affirmé que cela ne pouvait que provoquer une <a href="https://fr.cryptonews.com/news/freezing-russian-reserve-assets-marks-end-of-monetary-regime-gold-bitcoin-rise-arthur-hayes-fr.htm">fuite devant les monnaies officielles</a> servant de réserve dans les banques centrales. Or, on n’a pas constaté jusqu’ici l’effondrement annoncé dans la confiance au dollar, à la livre ou à l’euro.</p>
<p>Ainsi, entre le 26 février et le 26 mars, le taux de change de l’hryvnia, la monnaie ukrainienne, contre le dollar ou l’euro est <a href="https://www.google.com/search?q=hryvnia+bitcoin&client=firefox-b-e&ei=KD1AYu7wOomVlwTGyLyYDQ&ved=0ahUKEwjupOmpi-b2AhWJyoUKHUYkD9MQ4dUDCA0&uact=5&oq=hryvnia+bitcoin&gs_lcp=Cgdnd3Mtd2l6EAM6BwgAEEcQsAM6BwgAELADEEM6BwgAELEDEEM6BAgAEEM6BQgAEIAEOgYIABAWEB46BAgAEBM6CAgAEBYQHhATOgUIIRCgAToHCCEQChCgAUoECEEYAEoECEYYAFCKCVjMH2DQJmgBcAF4AIABU4gB2wSSAQE5mAEAoAECoAEByAEKwAEB&sclient=gws-wiz">resté relativement stable</a> alors que, contre le bitcoin, il s’est déprécié de 14,81 %.</p>
<p><iframe id="WO7wl" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/WO7wl/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les mouvements comparés des devises, des cours boursiers, de l’or et du bitcoin manifestent donc que ce dernier fait d’abord partie des placements largement corrélés à la spéculation. Ils montrent aussi que, dans les périodes de crise telle qu’une guerre, le « cash numérique » offre des performances financières moindres que les actions, les obligations publiques et privées, l’or ou encore d’autres matières premières (sous la forme de titres eux aussi dématérialisés).</p>
<h2>Le cash mieux adapté en temps de guerre</h2>
<p>Quelles raisons peuvent expliquer l’échec du bitcoin à devenir pleinement valeur refuge et moyen de paiement en cas d’effondrement économique et financier d’un pays en lien avec un conflit armé ? Les explications pour lesquelles l’usage d’une monnaie digitale ne peut qu’être limité, voire très limité, dans une situation de guerre sont de trois ordres.</p>
<p>La première raison tient ce qu’une faible fraction de la population est familière de ce type d’instrument (tant du côté des consommateurs que des prestataires de biens et services). Si le dixième seulement d’une population détient des bitcoins au début du conflit (<a href="https://www.bfmtv.com/economie/patrimoine/comment-le-bitcoin-pourrait-aider-les-oligarques-russes-a-echapper-aux-sanctions_AV-202202250425.html">c’est le cas de l’Ukraine</a> ; un peu moins qu’en Russie où ils seraient 12 %), une telle situation n’est pas propice à ce type d’initiation.</p>
<p>La deuxième raison est qu’il est difficile d’imaginer son usage quand une population subit des ruptures d’approvisionnement en électricité et dans son accès aux réseaux téléphoniques et Internet, tout comme elle peut ne pas avoir accès à de l’eau potable ou au gaz pour préparer ses repas ou pour se chauffer. On doit aussi imaginer une attaque par sous-marins contre les câbles par lesquels transitent des informations, y compris financières et qui rendraient inopérants des transferts électroniques, notamment du fait d’une saturation ou du brouillage des transferts par satellites.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/si-la-russie-coupe-les-cables-sous-marins-leurope-peut-perdre-son-acces-a-internet-169858">Si la Russie coupe les câbles sous-marins, l’Europe peut perdre son accès à Internet</a>
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<p>Dans ces situations, au quotidien, le cash reste le moyen de paiement mieux adapté, comme éventuellement certains biens de base qui deviennent des substituts communs de la monnaie (ce peut être le litre d’essence ou le kilo de céréales, comme en donne l’exemple de nombreux pays en guerre).</p>
<p>Ajoutons que s’il y a pénurie de biens vitaux par exemple de certains médicaments, de pain, d’eau potable, de carburant, etc. ce n’est pas une monnaie dite « virtuelle » qui, par miracle, permettra leur approvisionnement. Dans les situations que l’on peut qualifier de sièges, la solution passe généralement par l’émission, notamment par des autorités locales, de tickets de rationnement permettant une répartition la plus équitable possible (hors marché noir…). Ce que les pays européens ont connu pendant et après la Seconde Guerre mondiale. On doit penser que ce type de solution apparaît quand le conflit est pensé comme pouvant durer ; ce qui n’est pas (encore) le cas de la situation en Ukraine.</p>
<p>La troisième raison concerne les dépenses publiques et les interventions publiques. Pour financer une guerre, un gouvernement peut mobiliser des ressources que l’État a accumulées en collectant des impôts nouveaux sur certaines activités (pour autant que la situation le rende possible notamment à l’arrière des zones de conflit), en <a href="https://classiques-garnier.com/comment-financer-la-guerre-un-plan-pour-le-chancelier-de-l-echiquier.html">s’endettant auprès de sa population</a> souscrivant à l’effort de guerre, auprès d’institutions financières et de gouvernements étrangers.</p>
<p>On doit remarquer ici que les dons faits à l’Ukraine en cryptos à l’appel de son gouvernement qui ne représentent qu’une <a href="https://donate.thedigital.gov.ua/">infime partie de l’aide globale</a> publique et privée sont immédiatement convertis en devises pour acheter des biens soutenant l’effort de guerre et les populations.</p>
<p>Une guerre est presque toujours largement financée par déficit budgétaire (tout comme on a pu l’observer aussi avec la pandémie de la Covid-19). D’où généralement l’inflation qui l’accompagne et les illusions sur les recettes budgétaires à venir ou le versement de réparations par le pays vaincu.</p>
<p>Or, le bitcoin est par nature un objet financier dont le mode d’émission s’oppose à l’endettement. Il est donc inadéquat en la matière. On doit ajouter que l’idéologie qui préside au développement du bitcoin est largement anarcho-néolibérale. Or, une guerre est menée avec une logique d’administration largement étatique des ressources disponibles et non par un libre jeu de la concurrence et des intérêts privés dont les bitcoiners font la promotion.</p>
<p>Les trois raisons invoquées se situent essentiellement du côté du pays envahi. La quatrième raison que l’on va aborder se situe du côté russe où la hausse des prix à la consommation, donc la dépréciation intérieure du rouble, s’élevait à 9 % avant la guerre et serait, un mois plus tard, montée à 20 %.</p>
<h2>Immobilier à Dubaï</h2>
<p>Un argument souvent entendu en faveur du bitcoin est l’anonymat des transactions qu’il permettrait. Les pays occidentaux, en prenant des sanctions à l’égard de la Russie et en particulier contre certains de ses oligarques, ont d’ailleurs mis en garde contre les risques de leur contournement par l’usage des cryptos, notamment après le débranchement de sept banques russes du système de messagerie interbancaire international Swift.</p>
<p>En réalité, les <a href="https://www.usine-digitale.fr/editorial/l-utopie-bitcoin-s-est-elle-fracassee-sur-la-guerre-en-ukraine.N1797977">pressions exercées sur les plates-formes d’échange</a> de cryptos ont rendu de plus en plus difficile cette utilisation du bitcoin à des fins d’anonymat. La plate-forme Coinbase a ainsi gelé près de <a href="https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/guerre-en-ukraine-la-plateforme-de-cryptomonnaie-coinbase-bloque-25-000-comptes-russes-20220308">25 000 comptes russes</a> début mars. Ajoutons que le gouvernement russe lui-même n’a aucun intérêt à ce que le rouble soit converti en cryptos, car cela pourrait accentuer la baisse de son cours : un dollar s’échangeait avant la guerre contre 80 roubles, il en vaut un mois plus tard 130 alors que la banque centrale russe a porté son taux d’intérêt directeur à 20 % et a renforcé son contrôle des capitaux.</p>
<p>À noter que nombre de ceux qui réussissent à changer des roubles contre des cryptos les convertissent ensuite en devises, car leur cours est plus stable que celui du bitcoin. Ce qui explique aussi pourquoi le cours du bitcoin n’a pas connu l’envolée anticipée au début du conflit.</p>
<p>Il est annoncé que la Russie s’apprête à <a href="https://patrouilleursmedias.com/la-russie-passe-au-paiement-en-bitcoins-pour-le-gaz-et-le-petrole/">accepter le bitcoin parmi les moyens de paiement de ses exportations</a> notamment de gaz et de pétrole (alors que sept mois plus tôt, il avait été annoncé que la Russie allait <a href="https://journalducoin.com/defi/bitcoins-russie-traquer-detenteurs-cryptomonnaies/">traquer les détenteurs de cryptos</a>). On peut se demander en quoi l’autorisation de payer notamment en bitcoins changerait la situation pour des importations qui seraient interdites par les puissances de l’Ouest, quel que soit leur moyen de règlement… Ajoutons qu’il est en droit commercial impossible de changer, sans l’accord des deux parties, le mode de règlement d’un contrat dont la devise a été fixée à sa signature.</p>
<p>Le bitcoin n’a donc pas fait la preuve dans le contexte de l’invasion de l’Ukraine par les armées russes qu’il constituait une valeur refuge efficace. Ni pour les Ukrainiens, ni pour les Russes. À moins que ceux et celles qui en détiennent, n’en ayant pas un usage immédiat, pensent que, si son cours n’augmente pas actuellement, il ne pourra que s’apprécier demain et après-demain ; et par conséquent, ils ont ou auraient tout intérêt à le conserver, voire d’en acquérir tant qu’ils peuvent le faire avec le maximum de discrétion. En effet, une minorité seulement le transforme actuellement en d’autres instruments de placement, comme les <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/03/15/cryptomonnaies-et-appartements-a-dubai-les-nouveaux-investissements-des-milliardaires-russes_6117625_4408996.html">oligarques russes achetant à Dubaï des biens immobiliers en bitcoin</a>, diversifiant ainsi leur patrimoine en… diminuant l’incertitude produite par sa volatilité.</p>
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<p>On peut donc affirmer un mois après l’invasion de l’Ukraine que le Bitcoin n’y est pas devenu une monnaie refuge. Toutefois, le temps limité de l’observation et la multiplicité des facteurs et des tendances et des contre-tendances ne permettent pas de conclure définitivement tant ce type d’analyse doit s’inscrire à court, à moyen et à long terme. Si l’on sort de la zone du conflit, on peut en revanche faire le pari que celui-ci ne pourra qu’inciter les autorités publiques, <a href="https://www.reuters.com/world/us-democrats-introduce-bill-curb-russian-crypto-use-amid-ukraine-crisis-2022-03-17">à l’instar des États-Unis</a>, à réglementer de façon beaucoup plus forte les cryptos, et ce <a href="https://www.allnews.ch/content/points-de-vue/la-nouvelle-g%C3%A9opolitique-des-cryptos">à l’inverse même du projet initial</a> du bitcoin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180193/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les pressions sur les plates-formes spécialisées ou encore le caractère peu pratique des cryptomonnaies dans les échanges ont freiné l’envol de leurs cours que certains anticipaient début février.Jean-Michel Servet, Honorary professor, Graduate Institute – Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID)Jean-Paul Delahaye, Chercheur en informatique, Professeur émérite, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1779932022-02-27T08:35:52Z2022-02-27T08:35:52ZUkraine : comment l’invasion russe pourrait faire dérailler une économie mondiale fragile<p>L’invasion de l’Ukraine intervient à un moment délicat pour l’économie mondiale, qui commençait à peine à se remettre des ravages du Covid. La guerre enclenchée par la Russie pourrait avoir des conséquences économiques considérables, alors que les marchés financiers s’effondrent et que le prix du pétrole s’envole.</p>
<p>Une comparaison inquiétante peut même être faite avec la guerre du <a href="https://www.lepoint.fr/monde/petrole-la-guerre-du-kippour-a-ete-un-tournant-05-10-2013-1739378_24.php">Yom Kippour de 1973 au Moyen-Orient</a>, qui a conduit à une crise pétrolière. Cette crise a ébranlé l’économie mondiale et marqué la fin d’un boom économique qui avait permis de réduire le chômage et d’augmenter le niveau de vie.</p>
<p>Aujourd’hui, l’économie mondiale pèse beaucoup plus qu’à l’époque, mais sa croissance a été bien plus lente au cours des dernières décennies. Et la pandémie a eu un <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/01/17/la-pandemie-de-covid-19-continue-de-menacer-la-reprise-economique-mondiale_6109806_3234.html">impact important</a> au cours des deux dernières années, les gouvernements étant contraints de dépenser des sommes considérables pour renflouer leurs propres économies.</p>
<p>Malgré certains signes de reprise, les risques d’une inflation plus élevée et d’une croissance plus faible demeurent, et les dettes importantes limitent la capacité d’intervention de nombreux gouvernements.</p>
<p>La hausse des coûts de l’énergie et les perturbations persistantes des chaînes d’approvisionnement, qui seront toutes deux aggravées par la crise ukrainienne, sont des facteurs clés de l’affaiblissement des perspectives économiques. <a href="https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/flambee-des-prix-du-gaz-5-questions-pour-comprendre-le-role-de-la-russie-1352759">La Russie est le plus grand fournisseur de gaz et de pétrole de l’UE</a>, et la hausse des coûts de l’énergie se traduit par un renchérissement des transports, ce qui affecte la circulation de toutes sortes de marchandises.</p>
<p>Mais le plus grand risque pour l’économie mondiale est peut-être qu’une crise prolongée fasse basculer le monde dans la stagflation, c’est-à-dire la combinaison d’une forte inflation et d’une faible croissance économique.</p>
<p>Il s’agissait d’un problème majeur après la crise pétrolière de 1973, mais que de nombreux économistes espéraient voir relégué aux oubliettes, les prix ayant été relativement bas et stables au cours des deux dernières décennies.</p>
<h2>Le coût de la vie pourrait augmenter</h2>
<p>Une inflation élevée et en croissance va exacerber la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/01/24/inflation-faut-il-s-inquieter-de-l-envolee-des-prix-dans-la-zone-euro-cinq-questions-pour-comprendre_6110793_3234.html">crise du coût de la vie</a> qui touche déjà de nombreux consommateurs.</p>
<p>Elle pose également un dilemme aux banques centrales qui ont injecté de l’argent dans l’économie au cours des deux dernières années de la pandémie.</p>
<p>La plupart d’entre elles envisagent désormais de retirer progressivement ce soutien tout en relevant progressivement les taux d’intérêt pour juguler l’inflation.</p>
<p>Mais tout cela ne fera qu’affaiblir davantage l’économie – surtout si l’inflation continue à s’accélérer et que les banques centrales réagissent par des hausses spectaculaires des taux d’intérêt. Pendant la crise des années 1970, la Réserve fédérale américaine avait porté les <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1979/07/23/le-taux-d-escompte-des-etats-unis-est-porte-au-niveau-record-de-10_2781701_1819218.html">taux d’intérêt à 10 %</a>, provoquant une profonde récession. L’année suivante, au Royaume-Uni, les taux d’intérêt de la Banque d’Angleterre ont atteint 17 %, ce qui a précipité un fort déclin économique.</p>
<p>Les espoirs de voir les pressions inflationnistes s’atténuer d’ici le milieu de l’année 2022 semblent désormais incertains. La Russie et l’Ukraine comptent parmi les <a href="https://fr.statista.com/infographie/26932/principaux-producteurs-de-ble-dans-le-monde/">plus gros exportateurs de blé au monde</a> et beaucoup (surtout en Europe) dépendent du pétrole et du gaz russes, de sorte que les prix de l’énergie et des denrées alimentaires pourraient continuer à augmenter.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/448683/original/file-20220226-17-wmly9t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448683/original/file-20220226-17-wmly9t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448683/original/file-20220226-17-wmly9t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448683/original/file-20220226-17-wmly9t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448683/original/file-20220226-17-wmly9t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448683/original/file-20220226-17-wmly9t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448683/original/file-20220226-17-wmly9t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les prix du pétrole sont en hausse.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Festa/Shutterstock</span></span>
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<p>Et ce n’est pas seulement le taux d’inflation qui compte, mais aussi les attentes de l’opinion publique face à une nouvelle hausse des prix. Cela peut déclencher une « spirale salaires-prix », où l’on voit chacun et chacune demander des salaires plus élevés pour compenser l’augmentation du coût de la vie. Ce qui obligerait les entreprises à augmenter davantage leurs prix de manière générale pour financer ces mêmes augmentations de salaire. Dans ce cas, les banques centrales seraient alors contraintes de relever encore davantage les taux d’intérêt.</p>
<p>Une inflation très élévée signifie également que les dépenses publiques pourraient diminuer en termes réels, réduisant le niveau des services publics et comprimant les salaires du secteur public.</p>
<p>Enfin, si les entreprises craignent de ne pas pouvoir augmenter suffisamment leurs prix pour compenser la hausse des salaires, elles pourraient être tentées de réduire leurs effectifs, ce qui entraînerait une hausse du chômage.</p>
<h2>Chute des actions</h2>
<p>Alors que les banques centrales ont injecté d’énormes quantités d’argent sur les marchés financiers afin de contribuer à stabiliser une économie faible, les marchés boursiers sont restés remarquablement dynamiques au cours de la dernière décennie, augmentant de près de 10 % par an en moyenne.</p>
<p>Mais les actions avaient déjà commencé à baisser cette année après que les banques centrales ont annoncé qu’elles allaient mettre fin à leur intervention et les marchés <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/la-bourse-de-paris-ouvre-en-forte-baisse-apres-l-attaque-russe-en-ukraine-20220224">ont encore chuté</a> depuis l’attaque de l’Ukraine.</p>
<p>Si la stagflation revient, les banques centrales doivent réduire leur soutien à l’économie encore plus rapidement et un ralentissement pourrait alors affecter les bénéfices des entreprises et ferait encore baisser les cours des actions (même si les valeurs énergétiques devraient augmenter). Cela pourrait également réduire les investissements et la confiance des entreprises, ce qui entraînerait une diminution du nombre de nouveaux emplois.</p>
<p>Pour de nombreuses personnes qui détiennent des actions ou d’autres actifs, la hausse des prix entraîne souvent un « effet de richesse », c’est-à-dire que les gens sont plus confiants pour dépenser (et emprunter) de l’argent, en particulier pour des articles de luxe. L’affaiblissement des marchés affecterait donc la croissance économique, ainsi que la viabilité des régimes de retraite.</p>
<p>Si les conséquences politiques et humaines de l’attaque de la Russie contre l’Ukraine sont très incertaines, le monde doit également se préparer à de graves ramifications économiques.</p>
<p>L’Europe sera probablement la première touchée par la tempête économique, en partie en raison de sa plus grande dépendance à l’égard des approvisionnements énergétiques russes, mais aussi en raison de sa proximité géographique avec une guerre à ses portes.</p>
<p>Aux États-Unis, toute difficulté économique pourrait affaiblir encore davantage l’administration Biden et renforcer les prises de position isolationnistes. Dans le même temps, une alliance mondiale entre la Russie et la Chine pourrait renforcer davantage les économies de ces deux pays, en annulant tout effet des sanctions et en renforçant leur influence militaire et économique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177993/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Steve Schifferes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans le monde entier, le coût de la vie pourrait augmenter du fait de la crise.Steve Schifferes, Honorary Research Fellow, City Political Economy Research Centre; Professor of Financial Journalism, 2009-2017, City, University of LondonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1770022022-02-21T21:06:26Z2022-02-21T21:06:26ZL’éthique a-t-elle sa place chez les traders ?<p>Depuis une trentaine d’années, les scandales financiers n’en finissent de faire la Une des journaux. Parmi les plus retentissants, on retrouve les fraudes commises au sein de la <a href="https://www.cairn.info/revue-l-economie-politique-2015-4-page-89.htm">Barings en 1995</a>, la <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1996/06/15/sumitomo-corp-est-victime-d-un-operateur-indelicat-sur-le-marche-du-cuivre_3729989_1819218.html">Sumitomo Bank en 1996</a>, <a href="https://www.nouvelobs.com/economie/20110919.OBS0651/ubs-kweku-adoboli-le-jerome-kerviel-de-l-annee-2011.html">UBS en 2011</a> ou encore <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2015/09/08/a-londres-bruno-michel-iksil-echappe-aux-poursuites_4681260_3234.html">JPMorgan en 2012</a>. En France, la plus célèbre affaire reste celle de la Société Générale, qui, le 24 janvier 2008, a rendu publique une perte de 4,9 milliards d’euros due à des transactions non autorisées réalisées par un jeune trader, Jérôme Kerviel. Cette perte est l’une des plus importantes subies par un seul trader dans l’histoire financière.</p>
<p>Cependant, depuis ce qui est devenu <a href="https://theconversation.com/fr/topics/jerome-kerviel-22012">« l’affaire Kerviel »</a>, il semblerait que les comportements des traders au sein des salles de marché (salles se situant au cœur du système financier) n’aient guère changé, et ce malgré une régulation accrue des marchés et des institutions financières.</p>
<p>Ces comportements ont attiré beaucoup d’attention de la part des médias, des régulateurs, des marchés financiers, des universitaires, des managers et d’un public plus large peu familier avec le monde du trading. Certains auteurs caractérisent les comportements des traders dans la banque d’investissement comme des <a href="https://www.researchgate.net/publication/321755058_Can_a_Good_Person_be_a_Good_Trader_An_Ethical_Defense_of_Financial_Trading">comportements contraires à l’éthique</a>.</p>
<p>Dans un <a href="https://www.researchgate.net/publication/353194509_Organized_Decoupling_of_Management_Control_Systems_An_Exploratory_Study_of_Traders%27_Unethical_Behavior">article</a> académique récent, nous montrons l’importance du contexte organisationnel et du secteur dans ces comportements éthiques.</p>
<h2>La non éthique, une « qualité »</h2>
<p>La plupart des recherches en éthique financière adoptent une perspective relativement étroite sur les comportements contraires à l’éthique en se concentrant sur la conformité et le respect des normes juridiques et morales. Cette perspective se concentre sur les actions individuelles et ne parvient pas à appréhender le contexte institutionnel plus large de la banque d’investissement.</p>
<p>Par ailleurs, certains chercheurs avancent que les traders seraient par nature, des personnes non éthiques qui seraient attirées par une industrie elle-même dépourvue de toute sorte d’éthique. Selon d’autres, les vertus morales seraient même <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9781315548067-5/irrelevance-ethics-alasdair-macintyre">contraires à ce qui est exigé des traders</a> dans le secteur financier.</p>
<p>Il nous semble pourtant important de dépasser ces deux perspectives, pour d’une part considérer le contexte plus large de la banque d’investissement, et d’autre part pour s’intéresser aux conditions qui favoriseraient le comportement non éthique des traders. En effet, la banque d’investissement serait selon certains travaux un secteur plutôt <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0018726718799404">propice aux comportements non éthiques</a>. Ce qui est considéré comme non-éthique en dehors du secteur de la banque d’investissement serait en fait une « qualité » au sein de celles-ci.</p>
<p>Adoptant cette perspective, nous suggérons que si les systèmes de contrôles, sans cesse renforcés, ne semblent pas fonctionner, c’est qu’ils ne sont peut-être pas censés limiter l’action des traders. En effet, dans notre recherche, nous montrons que les systèmes de contrôle des activités des traders ne sont pas conçus pour contrôler les comportements éthiques des traders.</p>
<p>Selon nous, la conception des systèmes de contrôles comporte trois écueils ne leur permettant pas de contrôler leurs comportements de traders. Nous caractérisons ces écueils sous le terme de distance physique, technique et sociale.</p>
<p>La <strong>distance physique</strong> est le fait que les contrôleurs sont physiquement distants des traders, et ce pour respecter le principe de séparation des taches et d’indépendance. Il y a également une <strong>distance technique</strong> entre traders et contrôleurs, puisque les seconds maîtrisent rarement les aspects techniques de l’activité des premiers. Enfin, la <strong>distance sociale</strong> entre contrôleurs et traders tient au fait que le statut social (prestige, rémunération et légitimité) des contrôleurs est perçu, au sein des banques d’investissement, comme inférieur à celui des traders.</p>
<p>Notre recherche met en évidence que la manière dont les systèmes de contrôles sont conçus ne leur permettent pas de contrôler efficacement les comportements de traders mais qu’ils permettent en revanche, de donner l’illusion d’un contrôle interne et externe. Nos conclusions soulèvent des doutes quant au rôle des systèmes de contrôles dans la surveillance des activités de trading.</p>
<h2>Contrôles inopérants</h2>
<p>Alors que cet état de fait se poursuit malgré le renforcement des réglementations et les affirmations des banques que de telles dérives appartiennent au passé, quelques pistes d’amélioration peuvent être envisagées.</p>
<p>La première est de mieux distinguer les différents types de contrôles. Nous proposons de distinguer les formes de contrôles que l’on peut qualifier de « primaires », des formes dites « secondaires ».</p>
<p>Les formes primaires cumulent les trois facteurs cités ci-dessus, la distance physique, technique et sociale. Les formes de contrôles secondaires présentent une ou plusieurs de ces trois distances. Dans la banque d’investissement, elles regroupent notamment la gestion du risque et de la compliance. Ces formes secondaires n’ont que peu d’impact sur la conduite des opérations et donc sur le comportement des traders. Or, les évolutions de la réglementation sont principalement destinées à ces formes de contrôles secondaires.</p>
<p>Il existe d’autres formes de contrôle, qui revêtent des formes moins formelles et juridiques et plus sociales. Ces contrôles primaires prennent place au cœur des activités de marché, dans la salle de marché elle-même. Ils impliquent les responsables des desks ainsi que les autres traders et la manière dont ils se comportent les uns vis-à-vis des autres.</p>
<p>Pourtant, toutes les études ethnographiques menées en salle de marché soulignent que le contrôle social qui s’exerce alors repose principalement sur la <a href="https://www.dukeupress.edu/liquidated">compétition, la course à la performance financière</a>, avec assez peu de considération pour les risques encourus.</p>
<p>L’affaire Kerviel fournit un parfait exemple de l’importance de ce type de contrôle. Dans cette affaire, un premier supérieur direct avait détecté des comportements frauduleux et l’avait rappelé à l’ordre, ce qui pointe l’importance, dans ce contexte, d’un rôle accru des responsables de desk, qui peuvent contrôler les opérations et détecter les anomalies. Ces responsables agissent en tant qu’experts, en tant que pairs, mais aussi comme managers ayant la proximité physique, la connaissance technique, et l’autorité pour effectuer un contrôle effectif.</p>
<p>Néanmoins, cette supervision technique reste insuffisante lorsque le responsable manque d’expertise, expertise indispensable à la compréhension et la supervision directe du trading. Ce fut le cas avec le responsable suivant en charge du desk sur lequel opérait Kerviel, qui ne réalisa pas la nature et l’amplitude des anomalies.</p>
<h2>Un contrôle par les pairs ?</h2>
<p>Un autre élément important est la culture des salles de marchés, qui est permissive, et valorise la rentabilité, et la prise de risque, plus que le respect scrupuleux de la réglementation ou de l’éthique. Renforcer les contrôles primaires implique donc une évolution à la fois de la formation et de la socialisation des traders, en d’autres termes de la culture des salles de marché.</p>
<p>Cette évolution permettrait de développer une forme supplémentaire de contrôle primaire, un contrôle exercé non pas par les supérieurs immédiats mais pas les pairs. En l’état des pratiques, un tel contrôle existe, au sens où un contrôle social s’exerce entre des traders qui s’observent les uns les autres.</p>
<p>Toutefois, ce contrôle mutuel porte principalement, voire essentiellement, sur la performance financière et la capacité de chacun·e à faire mieux que les autres en termes de profit. De fait, ce contrôle mutuel s’avère permissif, voire « pousse au crime ». Au lieu d’inciter à la modération, il incite les traders à se mettre en avant et à prendre plus de risques, pour eux-mêmes et pour autrui. Il s’agit de pouvoir se vanter d’être meilleur, c’est-à-dire souvent d’avoir moins de scrupules, que d’autres comme dans le cas de l’autoproclamé « Fabulous Fab ».</p>
<p>Celui-ci proposait des titres structurés vendus à des clients en leur dissimulant que l’architecte des titres, le fonds Paulson & Co Inc, avait pris des positions <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0007681319300254">contre ce portefeuille de valeurs</a>. C’est aussi ce besoin de briller qui peut expliquer pour partie le comportement de Jérôme Kerviel, opérant sur des produits dérivés à la rentabilité assez faible, et méprisé par les traders opérant sur des produits plus rentables.</p>
<p>Un changement dans ces attitudes, vers moins de recherche effrénée de la rentabilité aurait un effet décisif sur les risques que les traders font encourir à leurs employeurs, leurs clients et plus généralement l’économie lorsque les sommes en jeu constituent un risque systémique comme dans le cas des subprimes. Ce qui est en cause ici n’est pas seulement la culture interne d’une banque ou d’un fonds en particulier, mais plus probablement une <a href="https://www.edhec.edu/fr/edhecvox/economie-finance/apres-milken-keating-madoff-kerviel-revisiter-l-ethique-dans-l-industrie-financiere">culture professionnelle</a> partagée par les acteurs de l’industrie qui place la recherche du profit nonobstant le risque au-dessus de toute autre considération. Dès lors, le changement souhaitable impliquerait qu’au-delà des individus, qui servent parfois de boucs émissaires, les banques elles-mêmes soient incitées à changer. On en est encore loin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177002/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Un article de recherche récent souligne l’importance d’un contexte organisationnel qui encourage les transgressions dans la finance, rendant les dispositifs de contrôle actuels inopérants.Aziza Laguecir, Professeur, EDHEC Business SchoolBernard Leca, Professeur en sciences de gestion, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1689892021-10-05T19:15:36Z2021-10-05T19:15:36ZComment les émotions influencent les marchés financiers en cas d’événement extrême<p>Bien qu’ils ne soient pas fréquents, les événements extrêmes peuvent entraîner des pertes financières considérables, comme l’a encore récemment montré l’effondrement des marchés financiers à la suite de l’émergence de la pandémie en mars 2020.</p>
<p>Comment les investisseurs réagissent-ils face à des événements aussi dramatiques ? Pour répondre à cette question, nous avons mis au point une expérience qui nous a permis de mieux comprendre la réaction des investisseurs aux événements négatifs extrêmes.</p>
<p>Nous montrons notamment que le marché exacerbe la prise de risque en période de pertes extrêmes, ce qui peut s’expliquer par le fait que le marché amplifie la colère des investisseurs qui font face à de grosses pertes.</p>
<h2>Prise de risque et émotions</h2>
<p>Dans une <a href="https://theconversation.com/les-emotions-une-aide-precieuse-a-la-decision-sur-les-marches-financiers-141084">expérience sur les événements extrêmes</a> visant à étudier les décisions d’investissement individuelles, les investisseurs tendaient à diminuer leurs enchères après avoir observé des événements extrêmes sans subir de pertes, car cela augmentait leur estimation d’observer à nouveau un tel événement.</p>
<p>En revanche, les investisseurs qui subissaient des pertes extrêmes augmentaient leurs enchères, ce qui s’explique par l’accroissement de la prise de risque dans le domaine des pertes. En effet, selon la <a href="https://www.uzh.ch/cmsssl/suz/dam/jcr:00000000-64a0-5b1c-0000-00003b7ec704/10.05-kahneman-tversky-79.pdf">théorie des perspectives</a> (<em>prospect theory</em>), les investisseurs qui subissent des pertes extrêmes recherchent le risque parce qu’ils entrent soudainement dans le domaine des pertes.</p>
<p>En outre, les réactions aux événements extrêmes sont liées à des réactions émotionnelles négatives spécifiques, telles que la colère et la peur. Le rôle des émotions dans l’étude des événements extrêmes est crucial car, par définition, leur occurrence est rare, ce qui entraîne la surprise et une forte réaction émotionnelle.</p>
<p>Le risque extrême constitue une caractéristique essentielle des marchés financiers qui a été mobilisée, par exemple, pour expliquer la demande d’un fort retour sur investissement par les actionnaires par rapport aux rendements des obligations.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1275663769629319168"}"></div></p>
<p>Dans notre étude expérimentale récente, nous avons étudié les événements extrêmes sur un marché, où les décisions des investisseurs sont interdépendantes. Nous avons ainsi cherché à évaluer si les réactions des investisseurs aux événements extrêmes et aux fortes pertes sont atténuées ou amplifiées dans un contexte de marché par rapport à une situation de prise de décision individuelle.</p>
<p>213 participants à cette expérience ont ainsi eu pour tâche de placer 300 enchères successives pour acquérir un actif financier qui offrait une petite récompense positive (soit 10, 20, 30, 40 ou 50 centimes) dans plus de 99 % des cas et une large perte relative (1000 centimes) autrement. La perte était à la fois très improbable (0,67 %) et suffisamment importante pour réduire à néant les gains accumulés par les participants et leur faire faire faillite.</p>
<p>Les participants ont été affectés à trois traitements différents : (i) décision individuelle pure (sans interaction avec les autres participants), (ii) décision individuelle avec information période après période sur les choix de prix des autres participants, et (iii) décision au sein d’un marché (incluant également la même information qu’en (ii)).</p>
<p>Par rapport à la prise de décision individuelle, le marché est caractérisé par un contexte social dans lequel les investisseurs observent les informations sur les enchères des autres et se font concurrence. En comparant les traitements de décision individuelle (i) et d’information (ii), nous pouvons isoler la dimension information. En comparant les traitements (ii) et marché (iii), nous pouvons isoler la dimension concurrence du marché.</p>
<h2>Contagion émotionnelle</h2>
<p>Les traitements ayant été conçus pour être aussi similaires que possible, l’étude montre que les enchères ne diffèrent pas significativement entre les traitements en temps normal. En revanche dans, le cas où des événements extrêmes se produisent, nos résultats confirment les études antérieures : les investisseurs qui observent mais ne subissent pas un événement extrême prennent moins de risque, tandis que les investisseurs qui subissent un événement extrême prennent davantage de risque.</p>
<p>Les émotions jouent un rôle essentiel pour expliquer les réactions des investisseurs aux événements extrêmes. Ces émotions sont affectées par l’interdépendance des décisions des investisseurs, qui est inhérente au traitement marché.</p>
<p>Nous avons trouvé que la dimension informationnelle du marché n’a pas exacerbé les émotions et donc les réactions des investisseurs aux événements extrêmes. En revanche, nous montrons que la concurrence exacerbe la colère des investisseurs qui subissent des pertes extrêmes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1137968906923139072"}"></div></p>
<p>En effet, nous avons constaté que les pertes extrêmes déclenchent une réaction de colère plus forte dans le traitement marché que dans les autres traitements. Comme la colère accroît la prise de risque, nous observons une augmentation plus prononcée des enchères après des pertes extrêmes dans le traitement marché que dans les deux autres traitements.</p>
<p>Ce résultat est conforme à la <a href="https://www.annualreviews.org/doi/abs/10.1146/annurev-psych-010213-115043">théorie de l’évaluation des émotions</a> (<em>appraisal theory of emotions</em>), selon laquelle une émotion tend vers la colère si une autre personne peut être en partie tenue responsable du résultat négatif auquel un individu fait face. Dans un marché, où, contrairement aux choix d’investissement individuels, les décisions sont interdépendantes, il est aisé d’attribuer ses pertes au comportement des autres investisseurs.</p>
<p>Bien que les marchés n’aient pas encouragé la prise de risque en temps normal, ils ont exacerbé la prise de risque lorsque les investisseurs ont subi des pertes importantes. Nos résultats sont donc conformes à l’idée selon laquelle les <a href="https://press.princeton.edu/books/paperback/9780691173122/irrational-exuberance">marchés favorisent la contagion émotionnelle en période de crise</a>. La contagion émotionnelle est sans doute encore plus forte lorsque l’on considère un contexte social plus riche, caractérisé par exemple par l’utilisation de plates-formes de chat dans lesquelles les participants <a href="https://digitalcommons.chapman.edu/esi_working_papers/306/">partagent leurs opinions et sentiments sur le marché</a>.</p>
<p>Le phénomène de contagion émotionnelle sur les marchés pourrait alors justifier l’utilisation de « circuit breakers » (disjoncteurs) permettant aux investisseurs d’évacuer leur colère lorsque les valeurs du marché chutent brutalement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168989/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Camille Cornand n'a pas reçu de financements pour cet article de recherche. Elle bénéficie sur d'autres projets de recherche de financements de l'Agence Nationale de la Recherche. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Brice Corgnet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Selon une étude, les investisseurs qui observent mais ne subissent pas la crise prennent moins de risque. A contrario, les investisseurs qui la subissent se mettent davantage en danger.Camille Cornand, Directrice de recherche en économie, CNRS, chercheuse au sein du GATE, Université Lumière Lyon 2 Brice Corgnet, Professor, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1673422021-09-22T22:24:21Z2021-09-22T22:24:21ZArt contemporain : Damien Hirst, un pas de deux avec le capitalisme<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/422627/original/file-20210922-13-1cxq4d2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C3%2C1017%2C677&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Damien Hirst en juillet 2021, à la Fondation Cartier. </span> </figcaption></figure><p>Mauvais garçon, provocateur, vaniteux, égocentrique, arrogant, vulgaire, cynique, excessif, showman… tout a été écrit au sujet de cet artiste. À Paris, la Fondation Cartier pour l’art contemporain lui offre sa première exposition institutionnelle en France ; on y voit pas moins de trente tableaux sur les 107 toiles que comprend une série réalisée dans son atelier londonien.</p>
<p>Sur des toiles grand format préalablement peintes d’un bleu sans nuage, l’artiste s’est déchaîné pendant trois ans, avant et pendant la période de confinement ; monté toute la journée sur une échelle, il a tamponné de la matière picturale au bout d’un grand bâton. Bombardement intense, violent mais joyeux. Usage débridé de la couleur. Giclées de peinture à la verticale. Sur fond bleu, des milliers de tâches verdâtres, marrons caca d’oie, blancs sales, bleus lavés, rouges sang noir. De près, on y voit des ronds plus ou moins ronds et plus ou moins épais, encore frais, en voie de séchage – référence, peut-être, aux <a href="https://www.damienhirst.com/texts1/series/spots">« spot paintings »</a> qui ont rendu Hirst célèbre à la fin des années 80 et clin d’œil à l’« action painting » ; en prenant du recul ce sont des cerisiers en fleurs. Le visiteur est clairement invité à se perdre dans la peinture en écho aux émotions fulgurantes de l’artiste, qui annonce :</p>
<blockquote>
<p>« Les cerisiers en fleurs sont tape-à-l’œil, désordonnés et fragiles, et grâce à eux je me suis éloigné du minimalisme pour revenir avec enthousiasme à la spontanéité du geste pictural ».</p>
</blockquote>
<h2>A quoi joue Damien Hirst ?</h2>
<p>Le travail de Damien Hirst suscite la controverse, inutile donc d’en rajouter au sujet du « plus riche de tous les artistes vivants » ; je souhaite plutôt me demander : à quoi joue Damien Hirst et à quoi jouons-nous en allant voir ses expositions ?</p>
<p>Hirst connaît les règles du jeu du capitalisme et sait parfaitement en jouer. Quand, tout jeune, on lui demande ce qui le pousse à devenir artiste, il répond sans hésiter « pour gagner de l’argent », réponse assez inattendue de la part d’un jeune diplômé du prestigieux Goldsmiths College of Art, comme si le nom même de son collège, renvoyant aux montres de luxe et au métier de joailler, lui avait indiqué la voie à suivre. D’ailleurs, il achètera à Londres un crâne du XVIII<sup>e</sup> siècle, crâne sur lequel il fera sertir pas moins de 6 601 diamants avec à l’avant du crâne un diamant rose de 52 carats ; cette vanité moderne, <em>For the love of God</em>, sera vendue à un mystérieux consortium pour la modeste somme de 50 millions de livres. Pour Hirst, l’argent a une vertu, celle d’assurer son autonomie.</p>
<p>Ayant vécu une jeunesse difficile et tourmentée dans un milieu assez pauvre, gagner de l’argent pour réaliser ses idées les plus folles relevait de l’urgence. Très vite, l’artiste comprend <a href="https://www.cairn.info/revue-terrains-et-travaux-2003-1-page-162.htm">ce que le sociologue Mark Granovetter veut dire</a> lorsqu’il découvre, il y a cinquante ans, la force des liens faibles ;le sociologue oppose en effet les liens forts noués au sein de la famille et des amis proches aux liens faibles qui se nouent lors de réunions entre connaissances comme les vernissages, la force de ces liens faibles étant de pouvoir rentrer dans des cercles sociaux et d’opérer des recoupements.</p>
<p>Hirst ne se vit pas comme un artiste maudit sûr de son génie qui, un jour, finirait par être découvert par les vrais amateurs d’art. Encore étudiant et avec quelques camarades d’atelier, il peint sur un mur d’un hangar désaffecté du port de Londres des ronds de couleur qui attireront l’attention du monde de l’art contemporain à la recherche d’artistes rebelles qui déclarent vouloir changer le monde.</p>
<h2>Consommation ostentatoire</h2>
<p>L’artiste est à l’aise avec les acteurs qui font le monde de l’art et des médias ; avec l’aide d’assistants, il entreprend des projets d’envergure qui peuvent durer plusieurs années, ce qui permet ensuite de raconter une histoire. Hirst est autant artiste que chef d’une entreprise <a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/08/20/malgre-les-aides-et-sa-fortune-damien-hirst-licencie-le-petit-personnel_6091938_4500055.html">qu’il gère dans le plus pur style ultralibéral</a>. Il comprend parfaitement la loi du marché, celle de l’offre et de la demande, et plus particulièrement un mécanisme étonnant mis en lumière par l’économiste et sociologue Thorstein Veblen à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle dans <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tel/Theorie-de-la-classe-de-loisir"><em>Theory of the Leisure Class</em></a> (1899).</p>
<p>Hirst n’a peut-être pas lu Veblen mais l’a compris par expérience. Veblen s’intéressait en effet à ce qu’il nomme la consommation ostentatoire (« conspicuous consumption ») et démontre que plus les prix des produits ostentatoires sont élevés et plus leur demande augmente. Une contre – intuition bien assimilée par l’artiste qui comprend parfaitement que ce mécanisme est au cœur du fonctionnement de l’industrie du luxe. L’acquisition d’une toile à un prix élevé est un indicateur de prestige social, tout comme un sac plastifié mais griffé d’une marque reconnue mondialement ; le prix élevé de la toile devient une barrière à franchir qui procure un niveau de jouissance, la jouissance d’exposer une position sociale privilégiée.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/hwfjymPx8kM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Lors du vernissage à Venise – événement mondain mondialisé – de son exposition « Treasures from the wreck of the unbelievable » au Palazzo Grassi et à la Punta della Dogana (2017), Damien Hirst est au sommet de son art et de son empire ; l’art a besoin du luxe, et le luxe a besoin de l’art. Quelques années auparavant, l’artiste-entrepreneur avait fait une autre découverte, celle de la chaîne de valeur en économie, <a href="https://www.artsy.net/article/artsy-editorial-damien-hirsts-200-million-auction-symbol-pre-recession-decadence">et déposé ses propres œuvres en salles de ventes</a> au risque de se mettre à dos les galeries qui vivent du fait de la longueur de la chaîne. Les intermédiaires n’aiment pas les circuits courts. Damien Hirst, enfin, a ouvert son propre musée à Londres, la <a href="https://www.newportstreetgallery.com/">Newport Street Gallery</a>. Toujours cette soif d’autonomie.</p>
<h2>A quoi jouent les visiteurs ?</h2>
<p>Vient maintenant la question du regardeur, celui qui finalement fait le tableau pour reprendre Marcel Duchamp. À quoi jouons-nous en allant voir Damien Hirst ? Au second degré, il y a le regard de qui s’émerveille du talent de l’artiste quant à sa capacité de provoquer un système. La force du capitalisme est en effet de <a href="https://journals.openedition.org/lectures/1699">métaboliser les contradictions sous des formes subtiles d’appropriation</a>. Oui, voir les liens entre l’artiste et le capitalisme et la façon dont les institutions muséales digèrent ses provocations, c’est un spectacle en soi.</p>
<p>Mais s’extasier devant la capacité de l’artiste à nous berner finit par lasser, et le risque de blaser le visiteur menace aussi l’artiste. En <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-L%E2%80%99Homme_unidimensionnel-2186-1-1-0-1.html">suivant Marcuse</a> dans son analyse de la société unidimensionnelle, on pourrait dire que Hirst illustre la perte de la fonction critique de l’art, celle de rendre visible les contradictions d’une société et que son travail a une fonction d’aveuglement. Or, ce que nous recherchons finalement lorsque nous allons au musée, c’est de ressentir une expérience esthétique. C’est Adorno <a href="https://www.philomag.com/articles/esthetique-195859-de-theodor-adorno">qui nous met sur la voie</a> :</p>
<blockquote>
<p>« On devrait définir le comportement esthétique comme la faculté de ressentir quelque effroi comme si la chair de poule était la première image esthétique Ce qu’on appelle plus tard subjectivité, qui se libère de la peur aveugle de l’effroi, en est en même temps le déploiement […] Mais cet effroi, où se meut une subjectivité qui n’en est pas encore une, est le fait d’être touché par l’autre. »</p>
</blockquote>
<p>Hirst nous effrayait lorsqu’il nous donnait à voir la vache et son veau (<em>Mother and Child Divided</em>) <a href="https://www.tate.org.uk/art/artworks/hirst-mother-and-child-divided-t12751">découpés en tranche et plongés dans des bains de formol</a>, aujourd’hui ses milliers de taches rondes encore fraîches projetées sur des toiles grand format nous en mettent plein la vue mais ne nous effraient plus, et ne nous touchent pas vraiment – même si le culot de l’artiste fascine toujours.</p>
<p>Mais alors, pourquoi allons – nous voir Damien Hirst ? Est-ce un simple marqueur social valorisant lors de conversations entre ami.es et destiné à alimenter nos réseaux sociaux ? Il s’agit plutôt de suivre le travail d’un artiste qui a tout essayé, et qui au bout de longues années revient sur ses extravagances et ses provocations pour nous dire qu’il est temps pour lui de retourner à la peinture et aussi qu’à l’âge de 56 ans, il peut s’accorder une pause. Pause pour retrouver l’inspiration des pointillistes mais aussi pause pour s’interroger sur le sens de tout cet argent accumulé, produit de la vente de ses tableaux et de ses sculptures dont, dixit l’artiste, « les prix sont devenus complètement dingues ».</p>
<h2>Rapports entre l’art et l’argent</h2>
<p>Se coiffant d’un chapeau d’économiste, l’artiste infatigable ouvre un nouveau champ d’investigation, il s’interroge aujourd’hui sur la signification d’un billet de banque, vulgaire bout de papier qui repose sur la confiance (<em>fides</em>), les économistes parlent d’ailleurs de monnaie fiduciaire. Hirst observe que la confiance du détenteur d’un billet de banque résonne avec la confiance du collectionneur qui achète ses tableaux. Son nouveau projet, « The Currency », est une véritable expérimentation sociale à grande échelle.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/vEsVJJy1od4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Il aborde le rapport entre l’art et l’argent d’une tout autre manière qu’Andy Warhol et ses « dollar signs » ou que Salvador Dali, si obsédé par l’argent qu’il était surnommé Avida Dollars (une anagramme trouvée par André Breton). Il s’agit de se questionner sur la valeur de la monnaie, en n’hésitant pas à dialoguer <a href="https://www.courrierinternational.com/article/art-contemporain-currency-et-damien-hirst-entre-dans-la-danse-des-nft">avec l’ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre</a> : sortant en quelque sorte de son domaine de compétence, il se lance dans la création… monétaire.</p>
<p>À cette fin, avec l’aide de ses assistants, Damien Hirst a peint non pas des cerises mais des ronds de couleur, reprenant ses célèbres « spot paintings » ou « dot paintings » sur pas moins de 10 000 feuilles papier A4 ; chaque feuille, datée et griffée par l’artiste, est vendue 2 000 euros. Son idée est de proposer ensuite à chaque acheteur le « deal » suivant et cela seulement au bout de six mois : soit vous gardez votre original, soit vous le transformez en jeton non fongible qui sera alors gardé dans un coffre numérique, votre original étant alors détruit. Le but du jeu est de savoir qui de la propriété physique d’un bien l’emportera sur la propriété digitale, pari qui semble fasciner Damien Hirst. Ce n’est plus l’argent qui corrompt l’art mais l’art qui vient corrompre l’argent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167342/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Michel Saussois ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’exposition présentée à la fondation Cartier représente-t-elle une exception dans une carrière marquée par des liens étroits avec le monde de la finance et du luxe ?Jean-Michel Saussois, Professeur émérite HDR en sociologie, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1670792021-09-06T19:35:14Z2021-09-06T19:35:14ZLes playlists Spotify révèlent les émotions… qui influencent les cours de bourse<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/418674/original/file-20210831-15-13a9zyi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1353%2C0%2C2636%2C1614&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les individus tendent à écouter davantage de musique positive lorsque la météo est ensoleillée.
</span> </figcaption></figure><p>Nous aimons penser que nos décisions d’achat sont basées sur des faits et des calculs rationnels, mais il s’avère qu’elles sont aussi influencées par nos émotions. Lorsque nous dépensons beaucoup d’argent pour un repas, des vêtements, ou des gadgets électroniques, procédons-nous réellement à un calcul des coûts et des bénéfices ou bien répondons-nous à un stress, une frustration, une excitation, ou une joie du moment ?</p>
<p>La même question se pose pour les marchés financiers. La <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/finance-de-marche-theorie-des-marches-financiers/1-la-theorie-de-l-efficience/">théorie de l’efficience</a> postule que les cours résultent de calculs rationnels. Mais les traders sont des humains, et les humains sont sujets à des émotions. Est-ce que ces émotions affectent les décisions de trading et, par agrégation, les cours de bourse ?</p>
<p>Étudier cette question reste difficile car, bien que les émotions des individus se traduisent par des actions visibles (un comportement ou langage agressif par exemple), elles ne sont pas directement observables. Avec l’avènement du big data, et plus particulièrement les données sur les choix musicaux des utilisateurs de Spotify, il devient cependant possible de mesurer l’humeur moyenne des individus d’un pays, et de relier cette dernière aux mouvements des cours de bourse.</p>
<p>Notre <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3776071">recherche</a>, publiée dans le <em>Journal of Financial Economics</em>, s’appuie sur l’idée qu’il y a une adéquation entre les choix musicaux d’un individu et son humeur. En utilisant, la positivité moyenne des musiques écoutées sur Spotify par les individus d’un pays, nous pouvons donc construire un indicateur du sentiment moyen des investisseurs du pays, et nous montrons que ce dernier prédit des variations du cours de l’indice boursier national.</p>
<h2>Capter l’humeur</h2>
<p>Le « sentiment » des investisseurs peut se définir comme l’humeur moyenne des investisseurs à propos d’un marché ou d’un actif. En d’autres termes, il s’agit d’une volonté d’acheter ou de vendre qui ne peut pas s’expliquer par les fondamentaux.</p>
<p>Un grand nombre de mesures possibles de ce sentiment existent. Cependant, la confiance des consommateurs, la croissance d’un pays, le niveau de chômage, ou le nombre de morts ou de cas du coronavirus ont des effets directs sur l’économie, ce qui empêche d’identifier clairement le rôle des émotions. Lorsque la confiance des consommateurs augmente, cela affecte directement les marchés financiers via de meilleurs fondamentaux (meilleures espérances de vente), et non uniquement via un sentiment positif.</p>
<p>Une alternative consiste à étudier des facteurs qui sont censés affecter l’humeur des individus, mais pas directement l’économie d’un pays, afin de pouvoir étudier la relation entre émotions et marchés financiers. Les chercheurs ont déjà utilisé, entre autres, les <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=677103">résultats de grandes compétitions sportives</a>.</p>
<p>Notre démarche est différente. Nous proposons une nouvelle façon de capturer l’humeur moyenne des individus d’un pays en utilisant les données Spotify.</p>
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<img alt="New York Stock Exchange" src="https://images.theconversation.com/files/417717/original/file-20210824-23-rhgzg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/417717/original/file-20210824-23-rhgzg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/417717/original/file-20210824-23-rhgzg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/417717/original/file-20210824-23-rhgzg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/417717/original/file-20210824-23-rhgzg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/417717/original/file-20210824-23-rhgzg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/417717/original/file-20210824-23-rhgzg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les variations des cours de bourse à New York sont-elles bien rationnelles ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Un problème potentiel avec les choix de musique des individus est que ces derniers pourraient choisir d’écouter une musique positive face à un sentiment de tristesse, et non pas par ce qu’elle refléterait leur état d’esprit du moment.</p>
<p>Nous montrons que cela n’est pas le cas. La positivité moyenne de la musique que les individus d’un pays écoutent est plus forte les jours de plus grand ensoleillement et lorsque les mesures restrictives liées à la pandémie sont levées, c’est-à-dire quand l’humeur moyenne des individus devrait être meilleure.</p>
<p>La nouveauté de notre étude est de proposer une mesure qui reflète le sentiment des individus d’un pays, indépendamment de ce qui peut causer les changements d’humeur, que ce soit le résultat d’un match de foot, des causes personnelles, ou bien une impressionnante augmentation des cas de Covid.</p>
<p>Cette capacité des données Spotify à pouvoir refléter l’état d’esprit moyen des individus se retrouve dans les prédictions de confiance des consommateurs. Elles les <a href="https://theconversation.com/your-spotify-history-could-help-predict-whats-going-on-with-the-economy-96305">prédisent avec davantage de précision</a> que les enquêtes auprès des consommateurs.</p>
<h2>Surréaction</h2>
<p>En étudiant les relations entre notre mesure de sentiment basée sur la musique et les marchés boursiers, nous trouvons que, en moyenne, une amélioration du sentiment des investisseurs est associée avec un rendement boursier significativement positif la même semaine.</p>
<p>Cette hausse du cours est suivie d’une chute d’une magnitude similaire la semaine suivante, ce qui suggère bien que la réaction boursière initiale était induite par des émotions et non par des changements des fondamentaux.</p>
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<img alt="Spotify banner on New York Stock Exchange" src="https://images.theconversation.com/files/417718/original/file-20210824-16663-1h4qrx0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/417718/original/file-20210824-16663-1h4qrx0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/417718/original/file-20210824-16663-1h4qrx0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/417718/original/file-20210824-16663-1h4qrx0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/417718/original/file-20210824-16663-1h4qrx0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/417718/original/file-20210824-16663-1h4qrx0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/417718/original/file-20210824-16663-1h4qrx0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En 2018, Wall Street célébrait l’introduction en bourse du service de musique en streaming Spotify.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Nous montrons que nos résultats ne sont pas le produit d’un seul des quarante pays que compte notre échantillon. De façon cohérente, nous montrons également qu’une amélioration du sentiment des investisseurs est associée avec un surplus d’achats de fonds commun de placement en actions.</p>
<p>Notre recherche n’a pas pour but de découvrir une stratégie de trading profitable. En revanche, nous montrons que les émotions affectent bien les marchés boursiers. Ces résultats, parmi d’autres, invitent les investisseurs à faire attention à leurs propres émotions lorsqu’ils prennent des décisions d’investissement ou cherchent à comprendre les variations de cours boursiers, notamment lors des périodes de bulles spéculatives.</p>
<p>Notre étude met également en lumière le rôle que le big data peut jouer dans l’agrégation et la mesure du sentiment des investisseurs. Les données musicales de Spotify, par leur grande comparabilité internationale et leur actualisation quotidienne, permettent, en temps réel, de mesurer le sentiment des investisseurs d’un marché.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167079/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ivan Indriawan a reçu des financements de l'Auckland University of Technology, Faculty of Business, Economics and Law Research Grant (RP-2020). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Adrian Fernandez-Perez, Alex Edmans et Alexandre Garel ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les données des sites de streaming permettent notamment de prédire le niveau de confiance de manière plus précise que les enquêtes traditionnelles, souligne une étude.Alex Edmans, Professor of Finance, Academic Director, Centre for Corporate Governance, London Business SchoolAdrian Fernandez-Perez, Senior Research Fellow in Finance, Auckland University of TechnologyAlexandre Garel, Researcher in Finance, AudenciaIvan Indriawan, Senior Lecturer in Finance, Auckland University of TechnologyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.