tag:theconversation.com,2011:/au/topics/mathematiques-24584/articlesmathématiques – The Conversation2024-03-19T16:57:05Ztag:theconversation.com,2011:article/2223372024-03-19T16:57:05Z2024-03-19T16:57:05ZInciter les filles à faire des maths : le rôle
essentiel des profs<p>En France comme en Belgique francophone, les femmes sont de nos jours <a href="https://www.ares-ac.be/fr/statistiques">plus nombreuses dans la population étudiante</a>, et davantage diplômées de l’enseignement supérieur que les hommes. Si on prend en compte <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/l-etat-de-l-enseignement-superieur-de-la-recherche-et-de-l-innovation-en-france-90566">l’ensemble des disciplines scientifiques</a>, la parité est quasi atteinte.</p>
<p>Mais, alors que les femmes sont largement majoritaires (60 % à 70 %) dans le domaine des sciences de la vie, de la santé, en médecine, en pharmacie, elles restent minoritaires (20 à 30 %) dans les domaines à forte composante mathématique, en particulier dans les formations d’ingénieurs et en informatique.</p>
<p>La situation n’a d’ailleurs guère évolué au cours de la dernière décennie. Pourquoi les jeunes femmes se détournent-elles des études en maths, sciences de l’ingénieur et technologie ?</p>
<h2>Le rôle charnière de l’enseignement secondaire dans l’orientation</h2>
<p>Un rapport récent consacré à la <a href="https://www.ipp.eu/wp-content/uploads/2021/01/democratisation-grandes-ecoles-depuis-milieu-annees-2000-ipp-janvier-2021.pdf">démocratisation des grandes écoles en France</a> montre qu’environ un tiers de la différence d’accès aux grandes écoles tient au fait que les filles sont surreprésentées dans les spécialisations littéraires ou économiques et sociales, qui conduisent moins aux grandes écoles que les filières scientifiques. Néanmoins, le suivi longitudinal de cohortes de collégiens et de bacheliers ne laisse aucun doute : les écarts de performances scolaires selon le genre ne contribuent aucunement à expliquer la sous-représentation des filles dans les grandes écoles et dans les formations qui y préparent.</p>
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<p>« L’analyse des différences de taux d’accès selon le genre indique au contraire que, compte tenu de leurs performances scolaires supérieures en moyenne à celles des garçons, les filles devraient en réalité accéder davantage aux grandes écoles que leurs homologues masculins »</p>
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<p>Les données issues de <a href="https://www.oecd.org/pisa-fr/OECD_PISA_2022_Resume-Volume-I_FR.pdf">l’enquête internationale PISA</a> mettent en évidence de faibles différences de performances en mathématiques selon le genre. Élément intéressant : à performances équivalentes avec les garçons à l’âge de 15 ans, les filles se sentent généralement moins confiantes dans leurs capacités en mathématiques, sont plus anxieuses, ont un intérêt moins prononcé pour cette discipline et en perçoivent moins l’utilité.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/CkmrNtB3L8o?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les filles et les mathématiques (Franceinfo, 2013).</span></figcaption>
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<p>Or, selon les théories étudiant les <a href="https://www.sciencedirect.com/topics/psychology/expectancy-value-theory">déterminants des aspirations scolaires et professionnelles</a>, ces composantes de la motivation jouent un rôle déterminant dans les choix d’orientation : un jeune choisit une orientation s’il pense avoir les capacités de réussir et s’il lui accorde de la valeur. Ainsi le manque de confiance dans leurs capacités pourrait conduire certaines filles à s’autosélectionner, et à ne pas envisager des études à forte composante mathématique, dont elles ne perçoivent par ailleurs pas toujours l’intérêt.</p>
<p>Les choix d’orientation sont l’aboutissement d’aspirations qui se construisent progressivement à l’école et en dehors de celle-ci. On peut à cet égard s’intéresser à ce que vivent les jeunes dans leur scolarité obligatoire pour mieux comprendre les disparités observées et identifier des leviers potentiels bénéfiques pour l’orientation des filles vers les mathématiques et les sciences et technologies.</p>
<h2>Des leviers pédagogiques pour favoriser l’orientation vers les mathématiques</h2>
<p>De manière générale, la motivation pour les mathématiques a tendance à diminuer tout au long de la scolarité avec un déclin particulièrement marqué dans l’enseignement secondaire. Par ailleurs, les attitudes envers les mathématiques sont elles-mêmes influencées par le contexte, au premier rang duquel figurent l’école et l’enseignement qui y est dispensé.</p>
<p>En particulier, les attitudes et les comportements des professeurs de mathématiques peuvent jouer un rôle majeur dans l’orientation future des élèves vers cette discipline. De nombreuses recherches ont mis en évidence que certains professeurs de mathématiques entretiennent, souvent inconsciemment, des attentes académiques moins élevées envers les filles, mais développent aussi des comportements différenciés envers les filles et les garçons. Ces comportements peuvent toucher aussi bien les aspects cognitifs (choix des tâches, des questions…) que socio-émotionnels (feedbacks positifs ou négatifs) de la relation maitre-élève.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-la-reforme-du-lycee-eloigne-les-filles-des-maths-et-des-sciences-224773">Comment la réforme du lycée éloigne les filles des maths et des sciences</a>
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<p>C’est ce qu’éclaire une étude portant sur 1091 élèves de 5<sup>e</sup> secondaire (équivalent de la classe de première en France) et 777 élèves de 6<sup>e</sup> secondaire (équivalent de la terminale) en Belgique francophone. <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-pedagogie-2020-3-page-31.htm">Cette enquête à caractère quantitatif</a> a eu recours à différents modèles statistiques pour tenter d’identifier les variables motivationnelles et pédagogiques qui agissent le plus sur les <a href="https://journals.openedition.org/osp/13437">aspirations aux études et carrières mathématiques</a>.</p>
<h2>Motiver les élèves par des applications concrètes des maths</h2>
<p>Un premier facteur consiste à promouvoir un enseignement des mathématiques pertinent, qui permet aux jeunes de saisir l’utilité future de ce qu’ils apprennent. Concrètement, lorsque l’élève perçoit que son professeur pose des questions et propose des exercices ou des problèmes qui ont du sens, qu’il explique pourquoi certains points de matière sont importants, il est plus enclin à s’y orienter.</p>
<p>Les contenus mathématiques enseignés en fin de secondaire peuvent bien souvent paraitre formels et « purement mathématiques ». Le rôle de l’enseignant est d’élargir les perspectives des élèves en les aidant à développer une vision plus riche de l’utilisation des mathématiques et de leur importance dans la société actuelle.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-maths-pour-les-garcons-le-francais-pour-les-filles-comment-les-stereotypes-de-genre-se-perpetuent-a-lecole-202392">Les maths pour les garçons, le français pour les filles ? Comment les stéréotypes de genre se perpétuent à l’école</a>
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<p>Le choix des contextes d’application des mathématiques n’est pas non plus anodin : en montrant aux élèves que cette discipline peut déboucher sur des applications concrètes, impliquer un travail d’équipe et jouer un rôle sociétal, on la rend plus attractive aux yeux des filles qui cherchent des carrières tournées vers l’humain (prônant la collaboration, l’altruisme), tout en déconstruisant l’image reçue selon laquelle les mathématiques sont déconnectées de ces valeurs.</p>
<h2>Inciter les élèves à relever des défis</h2>
<p>Les environnements d’apprentissage stimulants d’un point de vue cognitif, tant par les tâches proposées que par les interactions sociales, constituent aussi un atout pour favoriser l’orientation future des jeunes vers les mathématiques. Ce genre d’approche contribue à déconstruire l’image de la fameuse « bosse des maths ». Proposer à tous les élèves des tâches mathématiques ambitieuses en les aidant à persévérer, c’est envoyer le message positif qu’ils peuvent tous y arriver, y compris les filles.</p>
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<p>Enfin, l’étude met en évidence l’importance, pour les aspirations futures des filles, de développer une image positive de leurs propres compétences en mathématiques. À ce sujet, le professeur de mathématiques a un rôle important à jouer : s’il soutient les filles en soulignant leurs capacités, celles-ci gagnent en confiance et envisagent davantage une orientation vers des études à composante mathématique.</p>
<p>Leur confiance et leur intérêt pour le domaine seraient aussi particulièrement renforcés lorsqu’un soutien d’ordre pédagogique (avec des rétroactions régulières sur les apprentissages) leur est proposé plutôt qu’un soutien plus psychologique, qui se limite parfois à une simple bienveillance, voire à une forme de condescendance que les filles perçoivent très bien. Selon les comportements qu’ils adoptent en classe et le style d’interventions mis en œuvre, les enseignants peuvent aider les jeunes filles à surmonter leurs craintes ou réticences à entamer des études à forte composante mathématique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222337/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dans le cadre de sa thèse de doctorat, Doriane Jaegers a reçu des financements du F.R.S.-FNRS (Fonds de la Recherche Scientifique en Belgique)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Dominique Lafontaine ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En maths, à performances égales, les filles ont moins confiance en elles que les garçons, ce qui influence leurs choix d’orientation. Mais certains ajustements de pédagogie peuvent changer la donne.Doriane Jaegers, Docteure en sciences de l'éducation, Université de LiègeDominique Lafontaine, Professeure en sciences de l'éducation, Université de LiègeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2247732024-03-07T16:19:17Z2024-03-07T16:19:17ZComment la réforme du lycée éloigne les filles des maths et des sciences<p>Le discours public met aujourd’hui l’accent sur la promotion des femmes dans les métiers scientifiques et techniques. Favoriser leur accès à ces voies prestigieuses est présenté comme un enjeu majeur, pour l’économie du pays comme pour l’égalité entre les femmes et les hommes.</p>
<p>Dans ce contexte, les effets de la <a href="https://www.ouest-france.fr/bac/bac-fin-des-series-un-grand-oral-et-du-controle-continu-partir-de-2021-5565067">réforme du lycée instaurée en 2019</a> posent question. Celle-ci qui a mis fin au système des séries générales de baccalauréat (voie scientifique, voie littéraire, voie économique) offrant une plus grande latitude dans la composition des programmes de première et terminale, à partir d’un socle commun et d’enseignements de spécialité. Cependant, cette organisation modulaire s’est accompagnée d’une chute massive des inscriptions dans les disciplines scientifiques au lycée, <a href="https://collectif-maths-sciences.fr/2022/10/04/reforme-du-lycee-vers-des-sciences-sans-filles-1-2/">qui touche particulièrement les filles</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-legalite-entre-les-sexes-nefface-t-elle-pas-les-segregations-dans-les-filieres-scientifiques-152272">Pourquoi l’égalité entre les sexes n’efface-t-elle pas les ségrégations dans les filières scientifiques ?</a>
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<p>Alors que la place des femmes a été déclarée <a href="https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/grande-cause-du-quinquennat-budget-consacre-legalite-entre-les-femmes-et-les-hommes">grande cause du quinquennat 2017-2022</a> et que les enjeux autour des sciences revêtent une dimension internationale, on observe en France un retournement d’ampleur inédite sur l’égalité d’accès aux sciences au lycée général, en contradiction avec les intentions affichées. C’est ce qui ressort quand on reconstruit les évolutions des effectifs des bacheliers et bachelières depuis 60 ans.</p>
<h2>Les sciences au baccalauréat, un enjeu de la Vᵉ République</h2>
<p>Le nombre d’élèves en formation scientifique est crucial au regard des compétences techniques et scientifiques nécessaires aux transitions environnementales, sociales et économiques du pays. La plupart des acteurs économiques <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/les-ecoles-d-ingenieurs-mobilisees-face-a-la-penurie-de-talents-dans-l-industrie.N2188593">font état de leurs difficultés à recruter</a> et demandent d’augmenter rapidement le nombre de personnes formées à un niveau Bac+5 dans ces domaines.</p>
<p>Analyser la situation actuelle nécessite de prendre en compte les profondes modifications du contexte scolaire de la V<sup>e</sup> République. Jusqu’au début des années 1960, le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/baccalaureat-23150">baccalauréat</a> ne concerne qu’une petite partie de la population, surtout issue de la classe bourgeoise urbaine. Guidées par les différents plans de développement économique et social, les politiques éducatives d’alors vont <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-culture-de-masse-et-societe-de-classes-le-gout-de-lalterite-172438">ouvrir largement l’accès aux études secondaires et supérieures</a>.</p>
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<p><a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1965/09/10/les-changements-seront-tres-limites-en-1965-bull-classe-de-seconde-litteraire-sans-latin-bull-mathematiques-facultatives-pour-les-philosophes_3146226_1819218.html">La réforme Fouchet de 1965 du lycée général</a> supprime la sélection pour entrer en terminale et créé de nouvelles séries, dans lesquelles les volumes horaires de sciences et de mathématiques augmentent. On assiste à partir de la fin des années 1960 à une <a href="https://books.openedition.org/purh/1561">massification rapide de l’accès au bac général</a> : si celui-ci <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/8/EESR8_ES_08-les_evolutions_de_l_enseignement_superieur_depuis_50_ans_croissance_et_diversification.php">ne concerne que 11 % d’une classe d’âge en 1962, cette part s’élève à 18 % en 1975</a> et à près de 44 % en 2022.</p>
<h2>Le poids des sciences dans le bac général</h2>
<p>Dans l’étude que nous avons menée, on qualifie de bac « sciences » les cursus en terminale générale incluant au moins 12h hebdomadaires de sciences, dont 5h30 de mathématiques. Avant 1994, cela équivaut aux séries C, D et E puis, entre 1994 et 2019, à la série S et, depuis la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000037208167">réforme de 2019</a> aux doublettes de spécialités maths/sciences (soit numérique et sciences informatiques (NSI), soit physique-chimie (PC), soit sciences de l’ingénieur (SI) ou encore sciences de la vie et de la terre (SVT)). Les parcours sans spécialité maths en terminale ne seront pas comptabilisés.</p>
<p>Nous reconstituons à partir des <a href="https://archives-statistiques-depp.education.gouv.fr/notes-dinformation.aspx">archives des données publiques</a> l’évolution des effectifs du bac sciences depuis 1962 pour la filière générale.</p>
<p>Après une forte croissance jusqu’en 2020, l’effectif chute de près de moitié depuis la réforme : il revient au niveau de 1988. Les bacheliers généraux étant moins nombreux en 1988, le poids relatif des sciences dans le bac général en 2022 est donc très inférieur à celui de 1988, comme nous l’illustrons ci-dessous :</p>
<p>Alors que le bac sciences constituait environ la moitié des bacs généraux entre 1962 et 2020, sa part chute à 27 % depuis la réforme. Même en comptabilisant l’ensemble des parcours sciences n’incluant que 3h de maths en option, cette part reste inférieure à 38 % en 2022.</p>
<p>Cette rupture marque une réduction inédite de la formation scientifique au lycée. Affirmer <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/discours-de-frederique-vidal-la-commission-culture-education-et-communication-du-senat-sur-la-lpr-45569">« l’importance vitale de la science pour notre pays »</a> et « en même temps » en réduire à ce point l’accès est paradoxal. Comment expliquer ce hiatus de la politique publique ? L’analyse de la composition des élèves concernés, en particulier selon le genre, permet d’en donner un éclairage.</p>
<h2>Filles et garçons : un inégal rapport aux sciences</h2>
<p>Créé en 1808 pour les garçons de l’élite bourgeoise auxquels les lycées sont alors réservés, le <a href="https://www.gouvernement.fr/partage/10047-napoleon-cree-le-baccalaureat-premier-grade-universitaire">baccalauréat est la porte d’accès aux études supérieures</a>. Il ne deviendra accessible qu’en 1925 aux filles qui peuvent dès lors suivre les mêmes études que les garçons. Leur progression régulière dans les études secondaires aboutit à partir de 1968 à leur domination en nombre au baccalauréat général. Elles constituent actuellement environ 57 % de l’ensemble des bacheliers généraux, proportion stable depuis plusieurs décennies mais inégalement répartie selon les parcours.</p>
<p>Dans les parcours scientifiques, traditionnellement masculins, l’évolution des filles et des garçons montre leur progression régulière, avec un retard des filles sur les garçons qui se réduit peu à peu jusqu’en 2020. L’écart est alors le plus faible jamais atteint, signe d’un progrès notable pour l’égalité d’accès aux sciences entre les filles et les garçons :</p>
<p>Depuis la réforme de 2019, les effectifs scientifiques s’effondrent : la baisse est de 30 % pour les garçons et de 60 % pour les filles.</p>
<p>On représente sur le graphique ci-dessous l’évolution de la part du bac sciences selon le genre : il montre une relative stabilité entre 1962 et 2020 pour les filles et les garçons, avec une augmentation progressive de la part des bachelières scientifiques entre 1986 et 2020 :</p>
<p>La réforme de 2019 marque une rupture avec une baisse inédite du taux d’accès au bac sciences en 2022 tant pour les filles que les garçons, pour lesquels ce recul est moins marqué : les inégalités de genre se sont nettement aggravées depuis la réforme. C’est ce que montre ce graphique comparant la proportion des bacs sciences entre les garçons et les filles :</p>
<p>Si l’avantage a toujours été aux garçons, on constate un lent progrès vers l’égalité depuis 1986 et jusqu’en 2020. Après la réforme, en 2022, un garçon a 2,3 fois plus de chances qu’une fille d’avoir un bac « sciences », c’est l’inégalité la plus forte observée au cours de toute la V<sup>e</sup> République.</p>
<h2>Un recul inédit de l’égalité face aux sciences au lycée</h2>
<p>Le XX<sup>e</sup> siècle a permis l’ascension scolaire des filles <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6047727?sommaire=6047805">qui sont désormais plus nombreuses que les garçons dans les études supérieures</a>. Pour autant, leur <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6960132">égalité économique ou sociale est loin d’être atteinte</a> encore aujourd’hui. Rappelons que, dans la société française, le droit d’une femme à ouvrir un compte bancaire ou à travailler sans l’accord d’un tuteur a moins de 60 ans. Autrement dit, le rôle de la femme tel qu’il est défini dans la société du XX<sup>e</sup> siècle limite son ascension sociale.</p>
<p>Un meilleur équilibre dans les <a href="https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-focus075.pdf">orientations vers les débouchés professionnels les mieux rémunérés</a>, dont celles vers les très masculines sciences et techniques, représente donc un enjeu de justice sociale. Le retour en arrière consécutif à la réforme de 2019 sur les progrès réalisés en ce sens au lycée général durant la V<sup>e</sup> République, nous place dans une situation sans précédent dans l’histoire contemporaine.</p>
<p>Une telle organisation au lycée n’aboutit finalement qu’à préserver une élite masculine dominante dans les parcours scientifiques au détriment de son accès à tous, dont les femmes.</p>
<p>Si la question du rapport des femmes aux sciences ne saurait se réduire à celle du bac, cette réforme, fondée sur un choix de « spécialités » sans garantir de socle de connaissances solides en mathématiques et en sciences, <a href="https://theconversation.com/pourquoi-si-peu-de-filles-en-mathematiques-222028">contraint leur orientation et devenir professionnel, diminuant fortement les chances d’une promotion sociale et économique</a>.</p>
<p>Dans la longue succession des réformes du lycée, celle de 2019 est unique par son impact massif sur l’affaiblissement des filières scientifiques et la parité. Le gouvernement en mesure-t-il la portée ? Cette étude montre que l’effet des multiples discours concernant l’égalité face aux sciences est négligeable par rapport à l’effet d’un changement de structure du système.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224773/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mélanie Guenais est vice-présidente de la Société Mathématique de France et coordinatrice du Collectif Maths&Sciences. </span></em></p>Depuis la réforme du lycée de 2019, la proportion de filles suivant des cours de maths et de sciences jusqu’au baccalauréat a chuté. Le point sur une situation inédite.Mélanie Guenais, Maîtresse de conférences en mathématiques, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2231092024-03-05T16:01:10Z2024-03-05T16:01:10ZLes scientifiques héroïnes de fiction influencent-elles les choix d’orientation des adolescentes ?<p>Les filles n’auraient-elles que peu d’intérêt pour les sciences ? C’est ce que pourrait laisser penser <a href="https://www.education.gouv.fr/filles-et-garcons-sur-le-chemin-de-l-egalite-de-l-ecole-l-enseignement-superieur-edition-2023-357695">leur sous-représentation persistante dans les filières et professions dédiées à ces disciplines</a>. Pourtant, les <a href="https://www.autrement.com/la-bosse-des-maths-nexiste-pas/9782746755734">recherches</a> en sociologie montrent que ce n’est pas faute de goût ou d’aptitudes qu’elles sont <a href="https://www-cairn-info.srvext.uco.fr/revue-francaise-de-pedagogie-2021-3-page-109.htm">relativement absentes de ces domaines</a>.</p>
<p>Une explication se situerait plutôt du côté des normes sociales qui influencent les filles dans leurs choix. Si la famille et l’école jouent un rôle important dans l’incorporation de ces normes, la culture, par les représentations et les modèles qu’elle véhicule, contribue à structurer le rapport que les adolescentes ont aux sciences et à influencer leurs choix d’orientation. C’est ce que montrent les résultats de l’<a href="https://www.lecturejeunesse.org/wp-content/uploads/2023/09/LJ_Filles-et-Sciences.pdf">enquête initiée et encadrée par l’association Lecture Jeunesse</a>, soutenue par le ministère de la Culture.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/miss-france-ambassadrice-des-maths-aupres-des-filles-220298">Miss France, ambassadrice des maths auprès des filles ?</a>
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<p>En enquêtant auprès de 45 lycéennes amatrices de mathématiques, nous avons cherché à répondre aux questions suivantes : quels contenus culturels les filles qui aiment les sciences consomment-elles ? Quel rapport ont-elles à ces contenus et comment ceux-ci façonnent leurs représentations des sciences ? Existe-t-il des <em>role models</em> féminins, réels ou fictifs, qui inspirent et encouragent ces filles à s’engager dans des voies scientifiques ?</p>
<p>Dans le cadre de cette recherche, le terme « science » désigne l’ensemble des disciplines relevant des sciences formelles, de la matière et de la vie, par opposition aux sciences humaines et sociales. L’enquête examine l’ensemble des supports culturels (contenus écrits et audiovisuels, musées, jeux, pratiques amateurs, etc.) qui diffusent les sciences, ensemble désigné sous le terme de culture scientifique.</p>
<h2>Les loisirs scientifiques, une pratique minoritaire chez les adolescentes</h2>
<p>La culture scientifique des lycéennes est peu développée : sur les 45 filles interrogées, seules neuf déclarent avoir des loisirs scientifiques réguliers. L’influence de l’origine sociale sur ces activités est notable : les filles issues des milieux favorisés les plus dotées en capital économique et culturel sont plus susceptibles d’avoir des loisirs scientifiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-si-peu-de-filles-en-mathematiques-222028">Pourquoi si peu de filles en mathématiques ?</a>
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<p>L’étude révèle en outre que, si goût des lettres et goût des sciences ne sont pas incompatibles, les lectures d’ouvrages scientifiques demeurent rares. En effet, alors que les trois-quarts des filles disent aimer lire et y consacrer du temps, seulement cinq d’entre elles lisent des ouvrages de sciences. Les lectures scientifiques sont donc minoritaires, même chez les grandes lectrices.</p>
<p>Invitées à chercher les sciences dans tous les livres, films ou séries qu’elles connaissent, les filles identifient quelques titres (films de science-fiction, biopics de scientifique, séries, <em>animes</em>, etc.) qu’elles associent à la thématique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578313/original/file-20240227-28-7ak5sq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578313/original/file-20240227-28-7ak5sq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=194&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578313/original/file-20240227-28-7ak5sq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=194&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578313/original/file-20240227-28-7ak5sq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=194&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578313/original/file-20240227-28-7ak5sq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=244&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578313/original/file-20240227-28-7ak5sq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=244&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578313/original/file-20240227-28-7ak5sq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=244&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Quelques exemples de titres que les filles associent aux science.</span>
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<p>Les adolescentes sont néanmoins peu attachées à ces contenus qu’elles ne regardent qu’occasionnellement. Elles ne les envisagent pas comme des supports d’apprentissage des sciences, ce qui contraste avec l’usage didactique qu’en font les garçons qui, comme l’a montré le chercheur David Peyron, <a href="https://davidpeyron.wordpress.com/textes-et-extraits/science-fiction-et-etudes-scientifiques-comment-les-amateurs-justifient-ils-les-liens-entre-pratiques-culturelles-et-etudes-menees/">perçoivent « le monde imaginaire comme lieu d’expérimentation des savoirs »</a>.</p>
<p>Enfin, lorsque les adolescentes apprécient ces contenus, c’est rarement en raison de leur dimension scientifique. <em>Les figures de l’ombre</em>, qui relate l’histoire de trois femmes ingénieures afro-américaines travaillant pour la NASA, est par exemple le « film préféré » de l’une des adolescentes interrogées. Or, cette dernière précise bien que son intérêt pour le film n’est pas dû à sa dimension scientifique :</p>
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<p>« Je pense que ça me plait aussi beaucoup parce qu’il y a un rapport avec la société : c’est des femmes noires, c’est un combat… c’est pas juste des sciences. J’pense qu’un film ou un livre juste sur les sciences… je ne sais pas si ça me suffirait. »</p>
</blockquote>
<h2>La mise à distance des loisirs scientifiques alimente un sentiment d’incompétence en sciences</h2>
<p>Pour la plupart des adolescentes, tout ce qui touche aux sciences relève du travail scolaire et n’est pas perçu comme une source possible de divertissement. Certaines filles rejettent même avec véhémence l’idée d’avoir une passion extrascolaire pour les sciences.</p>
<p>À travers ce rejet se joue une mise à distance de la figure repoussoir du <em>geek</em> « qui aime les maths, les mangas et les jeux vidéo » et qui consacre son temps libre aux sciences. Pour les filles, situer les sciences hors du champ des loisirs revient ainsi à rejeter l’assignation au masculin qui accompagne l’investissement des sciences.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578323/original/file-20240227-22-df6sw8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578323/original/file-20240227-22-df6sw8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578323/original/file-20240227-22-df6sw8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578323/original/file-20240227-22-df6sw8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578323/original/file-20240227-22-df6sw8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578323/original/file-20240227-22-df6sw8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578323/original/file-20240227-22-df6sw8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Echange issu des entretiens qualitatifs menés dans le cadre de l’enquête de Lecture Jeunesse.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Cette mise à distance empêche la naissance d’un sentiment de familiarité avec les sciences qui nourrit la confiance en soi dans ces disciplines. Par ailleurs, la culture scientifique est un attendu implicite des filières académiques puis des milieux professionnels scientifiques. La méconnaissance de certaines références culturelles scientifiques est perçue comme un manquement et exclut les filles des dynamiques de groupe dans ces environnements.</p>
<p>Au bout de compte, cela alimente chez les filles le sentiment que leur travail ne fera jamais le poids contre la culture accumulée des garçons, et conduit en parallèle leurs camarades et collègues masculins à les juger incompétentes.</p>
<h2>Investir le pouvoir incluant de la culture à travers les « role models » féminins</h2>
<p>À travers les mécanismes d’identification qu’ils permettent, les objets culturels ont le pouvoir d’inspirer les jeunes filles en leur proposant des modèles féminins. Or, dans son état actuel, la culture scientifique est excluante : les femmes y sont invisibilisées ou représentées de façon stéréotypée.</p>
<p>Les rares représentations de femmes scientifiques sont en outre souvent contreproductives. Figures trop impressionnantes pour susciter l’identification, femmes dotées d’un don inné pour les sciences ou ayant dû faire face à l’adversité pour suivre leur vocation : les représentations féminines dans l’offre culturelle contemporaine véhiculent l’idée que les femmes scientifiques ne peuvent pas être des femmes ordinaires et heureuses.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578326/original/file-20240227-24-ip7gt2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578326/original/file-20240227-24-ip7gt2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=554&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578326/original/file-20240227-24-ip7gt2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=554&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578326/original/file-20240227-24-ip7gt2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=554&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578326/original/file-20240227-24-ip7gt2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=696&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578326/original/file-20240227-24-ip7gt2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=696&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578326/original/file-20240227-24-ip7gt2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=696&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Exemples de figures féminines contreproductives.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>La création de modèles de proximité est donc fondamentale : les adolescentes ont besoin de rencontrer des femmes scientifiques ordinaires et accessibles. Le rôle majeur que peut jouer la fiction est encore insuffisamment investi : les modèles féminins efficaces pour donner aux filles l’envie de s’engager vers les sciences sont encore à inventer.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été co-écrit par Clémence Perronnet, Lydie Laroque et Aurore Mantel (de l’association <a href="https://www.lecturejeunesse.org/">Lecture Jeunesse</a>).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223109/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Clémence Perronnet a reçu pour cette étude une bourse de La Chaire Femmes et Sciences, Paris-Dauphine PSL Université (en partenariat avec la Fondation L’Oréal, La Poste, Generali France, Safran et Talan).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lydie Laroque est membre du laboratoire EMA et du comité scientifique de Lecture Jeunesse</span></em></p>Existe-t-il des « role models » féminins, réels ou fictifs, qui inspirent et encouragent ces filles à s’engager dans des voies scientifiques ?Clémence Perronnet, Chercheuse en sociologie à l'Agence Phare rattachée au Centre Max Weber (UMR 5283), ENS de LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2230232024-02-29T16:22:31Z2024-02-29T16:22:31ZUne brève histoire de la prévision du temps<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577993/original/file-20240226-24-fmdjvg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=36%2C32%2C2987%2C2412&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vilhem Bjerknes est le père des équations primitives, qui modèlisent l'évolution de l'atmosphère et ont fondé les prédictions météorologiques et climatologiques.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://groven.no/rolf/bilder/vilhem_bjerknes/">Rolf Groven</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>En 1904, le scientifique norvégien <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Wilhelm_Bjerknes">Wilhelm Bjerknes</a> proposa un <a href="https://theconversation.com/fr/topics/modelisation-26666">modèle mathématique</a> destiné à prévoir l’évolution des océans et de l’atmosphère. Il posa ainsi les bases à la fois de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/meteorologie-65555">météorologie</a> (prévisions à court terme) et de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/climat-20577">climatologie</a> (prévisions à long terme).</p>
<p>Ce modèle a cependant longtemps attendu son heure de gloire. En cause : sa complexité mathématique et le challenge que représente le calcul effectif de ses solutions. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le développement de l’informatique permit enfin de calculer les premières prévisions météorologiques convaincantes. Les théorèmes se feront cependant encore attendre, car c’est seulement entre 1992 et 2007 que fut montré que ce modèle a bien une et une seule solution. Un résultat rassurant pour un modèle prédictif dont on ne sait que calculer des solutions approchées, faute de formule explicite pour la solution exacte. C’est l’histoire de ce modèle mathématique, de son origine physique, de son utilisation numérique et de sa justification mathématique en tant que modèle prédictif que nous allons raconter.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Photographie de Vilhem Bjerknes" src="https://images.theconversation.com/files/578009/original/file-20240226-20-9mr63n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578009/original/file-20240226-20-9mr63n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=845&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578009/original/file-20240226-20-9mr63n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=845&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578009/original/file-20240226-20-9mr63n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=845&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578009/original/file-20240226-20-9mr63n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1061&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578009/original/file-20240226-20-9mr63n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1061&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578009/original/file-20240226-20-9mr63n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1061&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vilhem Bjerknes, professeur de météorologie dynamique à l’université de Bergen.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://marcus.uib.no/instance/photograph/ubb-bs-q-00364.html">Bibliothèque universitaire de Bergen</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Mettre l’atmosphère en équations</h2>
<p>Au début du vingtième siècle, Wilhelm Bjerknes, alors professeur de mécanique appliquée et de mathématiques à l’université de Stockholm, conçoit un plan d’attaque pour prévoir l’évolution du temps. D’abord, obtenir une connaissance suffisamment précise de l’état de l’atmosphère. Ensuite, utiliser les lois les plus pertinentes de l’hydrodynamique et de la thermodynamique pour déterminer la dynamique de sept quantités cruciales : la pression, la température, la densité, l’humidité et la vitesse de l’air dans les trois directions de l’espace. Comme s’il avait eu l’intuition que notre environnement était à soigner, Bjerknes utilisa les termes « diagnostique » et « pronostique » pour désigner ces deux étapes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Cinq lignes d’équations reliant vitesse du fluide, pression, densité, température et salinité" src="https://images.theconversation.com/files/578230/original/file-20240227-30-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578230/original/file-20240227-30-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=172&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578230/original/file-20240227-30-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=172&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578230/original/file-20240227-30-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=172&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578230/original/file-20240227-30-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=216&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578230/original/file-20240227-30-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=216&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578230/original/file-20240227-30-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=216&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les cinq équations primitives décrivant les mouvements océaniques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Franck Sueur/Université de Bordeaux</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Les équations en jeu, appelées équations primitives, sont des équations aux dérivées partielles. Cela signifie qu’elles font intervenir l’évolution dans le temps et dans l’espace des sept grandeurs physiques clés. Ces équations sont déterministes, ce qui signifie qu’elles ne contiennent pas d’aléatoire. Elles sont de plus non linéaires. Ainsi, une petite imprécision anodine à un instant donné dans les mesures peut s’amplifier terriblement par la suite et fausser complètement les prévisions. C’est là que réside la difficulté de faire des prévisions pertinentes à long terme.</p>
<p>Bjerknes, qui fonda ensuite l’Institut de géophysique de Bergen, fit de nombreux émules et fut sollicité par l’armée norvégienne pour fournir des prévisions météorologiques stratégiques lors de la Première Guerre mondiale.</p>
<h2>Comment réussir à faire des prédictions ? L’arrivée de l’informatique</h2>
<p>Mais à cette époque, l’informatique n’était pas suffisamment développée pour permettre des prévisions météorologiques efficaces. Ce n’est qu’en 1947 que, sous l’impulsion du mathématicien <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/John_von_Neumann">John von Neumann</a>, le premier superordinateur développé aux États-Unis nommé ENIAC, réalisa les premières prévisions météorologiques convaincantes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Deux personnes travaillent debout dans une grande pièce hébergeant les nombreux composants de l’ordinateur" src="https://images.theconversation.com/files/574470/original/file-20240208-26-keojz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574470/original/file-20240208-26-keojz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574470/original/file-20240208-26-keojz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574470/original/file-20240208-26-keojz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574470/original/file-20240208-26-keojz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574470/original/file-20240208-26-keojz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574470/original/file-20240208-26-keojz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Glen Beck et Betty Snyder programment l’ENIAC dans le bâtiment du Laboratoire de recherche balistique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Glen_Beck_and_Betty_Snyder_program_the_ENIAC_in_building_328_at_the_Ballistic_Research_Laboratory.jpg">U.S. Army Photo/Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mathématiquement, l’étude de ce problème a débuté au début des années 1990, grâce à une série d’articles des mathématiciens <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques-Louis_Lions">Jacques-Louis Lions</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Roger_Temam">Roger Temam</a> et <a href="https://math.indiana.edu/about/faculty/wang-shouhong.html">Schouhong Wang</a>. L’enjeu est simple : prouver que ces équations d’évolution ont bien une et une seule solution, définie pour un temps que l’on souhaite le plus long possible, pour le plus grand nombre de données initiales possibles. Dans le cas contraire, cela signifierait qu’un calcul numérique pourrait fournir aussi bien une approximation de la solution pertinente physiquement qu’une solution qui n’aurait rien à voir avec la réalité des faits ! Les simulations informatiques ne seraient alors pas toujours fiables, quelle que soit la puissance de la machine utilisée.</p>
<p>La rotation de la Terre, les aspects thermodynamiques, le transport et la diffusion de la salinité dans les océans sont autant de phénomènes à prendre en compte dans l’analyse mathématique. En revanche, la faible profondeur des océans ainsi que la faible hauteur de l’atmosphère par rapport au rayon de la Terre conduisent à négliger le mouvement vertical de l’eau ou de l’air, ce qui permet de simplifier le modèle mathématique.</p>
<h2>S’assurer de la pertinence du modèle</h2>
<p>Les équations primitives se situent ainsi en quelque sorte entre les dimensions deux et trois ! Cette observation permit en 2007 à deux mathématiciens, <a href="https://faculty.fiu.edu/%7Ecaoc/">Chongsheng Cao</a> et <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Edriss_Titi">Edriss Titi</a>, de <a href="https://annals.math.princeton.edu/2007/166-1/p07">prouver</a> qu’à une donnée initiale régulière, c’est-à-dire sans variation brutale, est associée une unique solution régulière, bien définie pour tous les instants. De plus, le résultat montre aussi que la sensibilité au moindre changement des conditions initiales, si elle est bien réelle, ne conduit pas, par la suite, à des sauts brutaux, de température ou d’humidité par exemple, au cours du temps. Ce dernier point est particulièrement appréciable compte tenu de ce que l’on ne peut bien sûr pas espérer connaître exactement l’état du système à un instant précis. La viabilité du modèle comme outil prédictif est ainsi, théoriquement, bien assurée.</p>
<p>Depuis, de nombreux travaux ont été réalisés pour étendre ce résultat marquant à des modèles plus sophistiqués, de plus en plus proche de la réalité. Une autre problématique d’actualité est la comparaison des différents modèles, en fonction des paramètres physiques qu’il modélise. Le but est pour le chercheur de pouvoir choisir en conscience à quel modèle se fier, arbitrant, en fonction de sa puissance de calcul, entre complexité et pertinence.</p>
<p>Enfin, un doux rêve est d’explorer, au moins théoriquement, la possibilité d’agir sur de tels systèmes. D’ailleurs, on attribue, lors d’une de ses conférences, les propos suivants à John von Neumann : « Le climat est peut-être plus facile à contrôler qu’à prédire ». La théorie mathématique de la contrôlabilité, qui explore justement les possibilités de modifier les systèmes d’évolution par une action ciblée, est pourtant encore loin, aujourd’hui, de couvrir le cas des équations primitives.</p>
<p>Bien qu’âgées de 120 ans, et amplement utilisées dans des simulations informatiques depuis quatre-vingts ans, les équations primitives sont ainsi encore dans leur adolescence du point de vue de leur compréhension mathématique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223023/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Franck Sueur a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche Project BOURGEONS ANR-23-CE40-0014-01.</span></em></p>Si la climatologie et la météorologie reposent aujourd’hui sur la simulation informatique de modèles complexes, la mise en équation de l’atmosphère est vieille de plus d’un siècle.Franck Sueur, Professeur en Mathématiques, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2216452024-02-11T14:59:15Z2024-02-11T14:59:15ZPourquoi il est grand temps de changer nos représentations des femmes scientifiques<p>Le 11 février marque la <a href="https://www.un.org/fr/observances/women-and-girls-in-science-day">Journée internationale des femmes et des filles de sciences organisée par l’Unesco</a>. Elle a pour but de favoriser et accroître la participation des femmes et des filles dans les domaines scientifiques.</p>
<p>En France, alors que la parité était presque atteinte dans les séries S, la réforme des programmes de lycée en 2020, en supprimant les mathématiques dans le tronc commun, a annihilé des années d’efforts vers l’égalité. Le nombre de filles dans les sections de maths au lycée a chuté : <a href="https://www.letudiant.fr/lycee/infographies-comment-la-reforme-du-lycee-penalise-les-filles.html">40 % seulement en spécialité mathématiques, 30 % en maths expert</a>. Soit une baisse de 28 % des effectifs féminins dans les sciences en <a href="https://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-les-filles-decrochent-des-sciences-depuis-la-reforme-du-lycee-et-du-bac-88233.html">terminale</a> entre 2019 et 2021, et la spécialité « Numérique et sciences de l’informatique » est <a href="https://www.societe-informatique-de-france.fr/wp-content/uploads/2023/11/1024_22_2023_7.html">particulièrement abandonnée par les filles</a>. Ces générations ne vont donc pas modifier les profils des filières à l’université.</p>
<p>Les mathématiciennes, par exemple, <a href="https://www.amcsti.fr/bulletin/la-maison-poincare-sattaque-a-la-sous-representation-des-femmes-en-mathematiques/">stagnent à 20 % depuis longtemps</a>. Les maths sont indispensables pour accéder aux professions scientifiques, techniques, économiques et devenir ingénieure ou programmeuse. Une heure et demie de maths ont certes été <a href="https://www.lesediteursdeducation.com/la-place-des-mathematiques-au-lycee-general">réintroduites en 2023 dans les programmes</a> pour consolider la culture de ceux et celles qui ne prennent pas la spécialité maths. Toutefois cela n’est pas suffisant pour intégrer des filières scientifiques dans le supérieur. Quelles actions envisager pour inverser cette courbe décroissante ?</p>
<h2>La moitié des talents</h2>
<p>En décembre 2023, France a obtenu de mauvais résultats à l’étude PISA de l’OCDE évaluant les <a href="https://www.oecd.org/fr/presse/la-derniere-enquete-pisa-de-l-ocde-met-en-lumiere-les-difficultes-des-jeunes-a-l-ere-du-numerique.htm">acquis des élèves (elle se classe à la 23ᵉ place en maths)</a>. Par manque d’ingénieures et d’ingénieurs, la France risque de se laisser distancer dans des domaines cruciaux liés à <a href="https://www.mafamillezen.com/metiers-avec-des-maths/">l’intelligence, artificielle, la robotique, la modélisation</a> et elle ne peut se priver de la moitié de ses talents.</p>
<p>Les équipes mixtes ont démontré être plus innovantes et productives que les <a href="https://www.fhinkegale.com/les-equipes-mixtes-sont-plus-performantes/">équipes monogenrées</a>.</p>
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<p>De plus, écarter les filles des domaines scientifiques revient souvent à maintenir des inégalités de salaires, un <a href="https://start.lesechos.fr/societe/egalite-diversite/5-15-22-cest-quoi-le-vrai-chiffre-des-inegalites-salariales-2026840">plafond de verre vers les postes à responsabilité et les domaines à plus forte rémunération</a>], ce qui maintient par conséquent des inégalités sociales qui se répercutent dans les <a href="https://www.ouest-france.fr/societe/egalite-hommes-femmes/entretien-le-couple-et-l-argent-personne-n-est-completement-a-l-aise-decrypte-titiou-lecoq-fabf4d06-69a8-11ed-bd29-7d31c7eef0da">couples hétérosexuels</a>. Les femmes comme les hommes doivent être présentes dans tous les domaines pour une société vraiment égalitaire.</p>
<h2>Renouer avec l’histoire des femmes scientifiques</h2>
<p>Pour inverser cette tendance, il serait utile que les filles puissent s’identifier à des modèles féminins, en mettant en lumière les modèles historiques illustres sur les réseaux sociaux comme dans les livres de sciences et d’histoire. D’Hypatie, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-vrai-metier-des-philosophes/hypatie-d-alexandrie-mathematicienne-astronome-et-philosophe-neoplatonicienne-3214766">mathématicienne et astronome de l’antiquité</a> au IV<sup>e</sup> siècle apr. J.-C., aux médailles Fields actuelles : l’Ukrainienne Maryna Viazovska, après l’Iranienne Maryam Mirzakhani, en passant par Sophie Germain, mathématicienne de génie, première femme à intégrer l’Académie des Sciences <a href="https://lettres.sorbonne-universite.fr/actualites/pleins-feux-sur-les-femmes-des-lumieres">au siècle des Lumières</a>, toutes ces figures scientifiques devraient être mieux connues.</p>
<p>L’importance de beaucoup de femmes de sciences a été sous-estimée, telles les génies de l’informatique de la NASA qui ont inspiré le film <em>Les figures de l’ombre</em>, les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Calculateur_humain">calculatrices</a> afro-américaines <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Katherine_Johnson">Katherine Johnson</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dorothy_Vaughan">Dorothy Vaughan</a> et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mary_Jackson_(math%C3%A9maticienne)">Mary Jackson</a>. Leurs résultats ont souvent été gommés par ce que Margaret W. Rossiter a appelé <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_Matilda">« l’effet Matilda »</a> qui décrit la non-reconnaissance de la maternité des découvertes scientifiques. Nous sommes rares à avoir entendu parler de Trotula de Salerne, gynécologue italienne, comme de <a href="https://theconversation.com/femmes-pionnieres-jeanne-barret-premiere-femme-a-avoir-navigue-autour-du-monde-150386">Jeanne Barret</a>, botaniste française ou encore <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/fondamental/histoire-des-sciences/l-energie-d-emmy-noether_171558">Emmy Noether</a>, mathématicienne allemande.</p>
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<p>Parmi les initiatives qui vont dans ce sens, citons le défi des 40 sœurs d’Hypatie qui propose d’inscrire le nom de <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/fondamental/interview-pendant-les-visites-de-la-tour-les-touristes-demandaient-ou-etait-marie-curie_163404">40 femmes de sciences</a> au second étage de la tour Eiffel en lettres de métal, comme sont inscrits 72 noms d’hommes de sciences au premier étage. Il est soutenu par de nombreuses universités et organismes.</p>
<p>Le premier musée des mathématiques, l’Institut Poincaré, îlot Pierre et Marie Curie à Paris, <a href="https://www.la-croix.com/culture/Maison-Poincare-nouveau-musee-reconcilier-public-maths-2023-09-30-1201284900">s’est ouvert en septembre 2023</a> avec une <a href="https://www.ihp.fr/fr/actualites-science-et-societe/emmy-noether-mathematicienne-dexception">exposition sur la mathématicienne allemande d’exception Emmy Noether</a> et il a été conçu avec une volonté paritaire.</p>
<p>Il importe également de donner une plus grande visibilité aux femmes de sciences dans les villes : seulement 6 % des dénominations des <a href="https://www.leparisien.fr/paris-75/feminisation-des-noms-des-rues-en-ile-de-france-un-elan-sest-cree-mais-du-travail-reste-a-faire-08-03-2023-4Y2UQLJZXVCRDHTLHC2JT2Q5YE.php">rues en France étaient féminines en 2021</a> malgré les efforts de certaines villes, telle Paris pour atteindre environ 12 %, notamment avec plus de femmes de sciences, comme <a href="https://parislightsup.com/tag/square-edmee-chandon/">Edmée Chandon, astronome du XIX<sup>e</sup> siècle</a>, ou <a href="https://etab.ac-reunion.fr/lyc-amiral-bouvet/femmes-de-sciences-6/">Caroline Herschel</a>, astronome du 18<sup>e</sup>, en 2021.</p>
<p>Ces expositions, comme les spectacles de la <a href="https://www.comediedesondes.com/">Comédie des ondes</a> qui intervient dans les lycées avec du théâtre débat autour de femmes de sciences illustres, présentent des modèles inspirants.</p>
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<h2>Mettre en valeur les scientifiques d’aujourd’hui</h2>
<p>De nombreuses femmes se mobilisent également pour expliquer leurs métiers et inciter les nouvelles générations à prendre le relais. Les associations telles que <a href="https://www.femmesetsciences.fr">Femmes et Sciences</a>, <a href="https://femmes-et-maths.fr/">Femmes et mathématiques</a>, <a href="https://femmes-numerique.fr">Femmes @numérique</a> œuvrent pour faire connaître ces filières d’études.</p>
<p>En véritable « role models », elles montrent le champ des possibles dans les métiers scientifiques. Les associations <a href="https://filles-et-maths.fr/">Femmes et mathématiques et Animath</a> organisent sur toute la France depuis 2009 la journée « Filles, maths et informatique : une équation lumineuse » ainsi que les « Rendez-vous des jeunes mathématiciennes et informaticiennes » spécifiquement destinés aux lycéennes de 1<sup>ère</sup> et Terminales. Des <em>speed meetings</em> sont proposés aux lycéennes pour découvrir les métiers qui s’offrent à elles après des études de maths et pour leur faire rencontrer des professionnelles. Depuis 2016, les « Rendez-vous des Jeunes Mathématiciennes et Informaticiennes » proposent aux filles la possibilité de se rassembler pendant trois jours pour découvrir ce domaine.</p>
<p>Enfin, pour que les filles puissent s’imaginer exerçant ces métiers, il faut qu’elles les entendent nommer au féminin. Si la boulangère et l’infirmière font partie du langage courant, on doit aussi entendre plus régulièrement parler des ingénieures, chirurgiennes, chercheuses ou codeuses. Sans quoi, <a href="https://www.20minutes.fr/societe/2463075-20190301-autrice-professeuse-procureure-pourquoi-feminisation-noms-metiers-pose-aujourdhui-probleme">l’Académie française elle-même l’a reconnu,</a> il est difficile de faire évoluer les mentalités.</p>
<h2>Lutter contre les stéréotypes de genre dans l’éducation</h2>
<p>Les parents comme les enseignants ont aussi un rôle à jouer : la <a href="https://www.autrement.com/la-bosse-des-maths-nexiste-pas/9782746755734">bosse des maths n’existe pas</a>, mais l’éducation et les préjugés, si. Selon le dernier <a href="https://www.education.gouv.fr/egalite-filles-garcons-en-mathematiques-357731">rapport de l’inspection sur les maths à l’école</a>, les garçons sont souvent incités à la compétition et valorisés comme forts en maths, les filles moins, et elles ont tendance à se sous-estimer. Les filles et les garçons seraient au même niveau en maths à l’entrée en CP et la bascule s’opèrerait au <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/08/31/mathematiques-a-l-ecole-comment-l-ecart-de-niveau-entre-filles-et-garcons-se-creuse-des-le-cp_6139583_4355770.html%5D">début du primaire</a>.</p>
<p>Certains biais des enseignants, souvent inconscients, jouent un rôle important : des maîtresses plus stressées par les maths, puisqu’elles-mêmes n’ont pas été encouragées dans ce domaine, plus d’attention portée aux <a href="https://eduscol.education.fr/document/39275/download">garçons</a>, des types d’évaluation portant plus sur la compétition que la progression. Ainsi, le même exercice présenté comme du dessin est mieux réussi par les petites filles que s’il est présenté comme de la <a href="https://eduscol.education.fr/document/39275/download">géométrie</a>. Le ministère de l’Éducation nationale invite les enseignants à le prendre en compte lors de <a href="https://eduscol.education.fr/3739/faire-evoluer-les-representations-des-eleves-sur-les-mathematiques">leurs cours et leurs évaluations</a>.</p>
<p>Dans les universités, les filières de maths appliquées attirent plus que les <a href="https://femmes-et-maths.fr/enseignement-superieur-et-recherche/">maths fondamentales</a>, les filles sont plus nombreuses lorsqu’il est question de visées concrètes (maths appliquées à l’écologie ou la <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/fondamental/femmes-et-mathematiques-les-stereotypes-ont-la-vie-dure_23003">médecine)</a>.</p>
<p>Les biais liés au genre dans les recrutements sont aussi à surveiller <a href="https://www.courrierinternational.com/article/egalite-des-sexes-ces-biais-inconscients-qui-nous-font-preferer-les-hommes-au-pouvoir">attentivement</a>. Dans les recrutements universitaires, des observateurs de l’égalité tentent de limiter ces biais, des <a href="https://www.fondationloreal.com/fr/nos-programmes-pour-les-femmes-et-la-science/les-hommes-sengagent-pour-les-femmes-en-science">chercheurs hommes</a> s’engagent pour que les sciences s’ouvrent aux femmes, il faut un engagement de tous car la progression reste lente.</p>
<p>On estime que <a href="https://www.wis-ecoles.com/70-des-nouveaux-metiers-viennent-du-numerique/">70 % des emplois d’avenir</a> nécessiteront une formation en maths et en sciences du numérique et informatique. Il est essentiel que filles et garçons soient à égalité dans ces métiers d’avenir pour une société plus paritaire.</p>
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<p><em>Cet article est republié dans le cadre du <a href="https://www.universite-paris-saclay.fr/actualites/paris-saclay-summit-2024-choose-science">Saclay Summit</a>, qui se tient du 29 février au 1er mars à l’EDF Lab Paris-Saclay.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221645/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Je soutiens Le projet des 40 soeurs d'Hypatie au sein de Sorbonne Université, où j'ai dirigé le comité scientifique de sélection des femmes de sciences qui seraient à honorer. J'ai proposé des noms de parisiennes illustres femmes sciences des siècles passés à distinguer à la Mairie de Paris. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Je suis présidente de l'association Femmes & Sciences.
Femmes & Sciences porte le projet "Les 40 soeurs d'Hypatie", initié par Benjamin Rigaud de Défis Sorbonne, et travaille à le faire aboutir pour donner de la visibilité à des femmes scientifiques.</span></em></p>En France, le nombre d’étudiantes qui choisissent des filières scientifiques reste minoritaire. Comment inverser la tendance ?Sandrine Aragon, Chercheuse en littérature française (Le genre, la lecture, les femmes et la culture), Sorbonne UniversitéIsabelle Vauglin, Astrophysicienne et présidente de l'association Femmes & Sciences, Université Claude Bernard Lyon 1Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2220282024-01-31T15:56:20Z2024-01-31T15:56:20ZPourquoi si peu de filles en mathématiques ?<p><em>À 17 ans, une fille française sur deux n’étudie plus les mathématiques, contre seulement un garçon sur quatre. Publié en janvier 2024 chez CNRS Editions, <a href="https://www.insmi.cnrs.fr/fr/matheuses">« Matheuses – Les filles, avenir des mathématiques »</a> se penche sur ces inégalités pour mieux les combattre.</em></p>
<p><em>À travers 10 chapitres, la chercheuse Clémence Perronnet, la médiatrice scientifique Claire Marc et la mathématicienne Olga Paris-Romaskevitch apportent des réponses scientifiques à des questions comme « Faut-il avoir des parents scientifiques pour réussir en maths ? », « Les maths sont-elles réservées aux élites ? » ou encore « Les modèles féminins créent-ils des vocations chez les filles ? »</em></p>
<p><em>Ci-dessous, nous vous proposons de lire la conclusion de cet ouvrage conçu aussi bien comme une enquête sociologique qu’un cahier de maths.</em></p>
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<p>Les parcours en mathématiques commencent dès la petite enfance, avec l’influence forte de la <a href="https://ses.ens-lyon.fr/articles/muriel-darmon-et-le-concept-de-socialisation-28849#section-1">socialisation familiale</a>. On a beaucoup plus de chances de s’intéresser aux maths et d’être encouragée dans cette voie lorsqu’on a des parents scientifiques – et surtout, pour les filles, une <a href="https://www.cairn.info/inegalites-sociales-et-enseignement-superieur--9782804171162-page-131.htm">mère scientifique</a>. Ces héritages familiaux sont purement sociaux et ne reposent pas sur la transmission d’un goût ou d’un talent génétique. Contrairement aux idées reçues, notre intérêt, notre curiosité et nos compétences en mathématiques ne sont jamais déterminés à l’avance par des caractéristiques biologiques. L’intelligence n’est pas innée, et ce n’est pas elle qui fait la compétence en mathématiques : celle-ci ne s’acquiert que par l’entraînement. Ce n’est donc pas parce qu’on est brillant, génial ou naturellement talentueux qu’on devient bon en maths. À l’inverse, c’est au fur et à mesure qu’on les pratique et qu’on s’y investit que l’on nous reconnaît talent et intelligence, parce qu’on investit cette discipline qui détient un important pouvoir symbolique et social.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/grandes-ecoles-80-fois-plus-de-chances-dadmission-quand-on-est-enfant-dancien-diplome-198036">Grandes écoles : 80 fois plus de chances d’admission quand on est enfant d’ancien diplômé</a>
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<p>Il y a néanmoins une très grande inégalité de traitement dans cette reconnaissance, puisque <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2004/04/BOURDIEU/11113">l’intelligence</a> est beaucoup moins facilement accordée aux femmes qu’aux hommes. Les discours pseudoscientifiques qui prétendent prouver l’origine biologique de l’intelligence et les processus d’évaluation à l’œuvre dans le système scolaire <a href="https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2017-5-page-68.htm">desservent systématiquement les femmes</a>. Celles-ci sont toujours considérées comme naturellement moins douées – alors même que des décennies de recherche scientifique établissent que le sexe biologique ne détermine aucunement les capacités cognitives.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-legalite-entre-les-sexes-nefface-t-elle-pas-les-segregations-dans-les-filieres-scientifiques-152272">Pourquoi l’égalité entre les sexes n’efface-t-elle pas les ségrégations dans les filières scientifiques ?</a>
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<p>Ces inégalités de traitement expliquent la sous-représentation des femmes dans certaines sciences (mathématiques, informatique, ingénierie…) mais aussi leur surreprésentation dans d’autres (biologie, chimie, médecine…). En effet, les disciplines scientifiques ne sont pas investies de la même façon selon la valeur qu’on leur prête dans le monde social. <a href="https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2015-5-page-10.htm">Les hiérarchies disciplinaires</a>, de genre et sociales se croisent pour construire un espace social et sexué des sciences. Au sommet, les mathématiques et la physique sont considérées comme les plus fondamentales et théoriques ; ce sont elles qui recrutent le plus d’hommes et de personnes des classes favorisées. Les champs de l’ingénierie, de la technologie et de l’industrie, associés à l’application et à la technique, ont un recrutement tout aussi masculin mais davantage populaire. Enfin, les sciences du vivant comme la médecine et la biologie, focalisées sur l’activité de soin et de sollicitude, sont les plus féminisées. Cela n’en fait pas des sciences plus égalitaires, puisque la présence des femmes s’y explique toujours par la croyance en des différences de nature entre les sexes (ici, l’existence de qualités féminines liées au <em>care</em>).</p>
<p>Le cas particulier de l’informatique montre bien la façon dont les liens entre genre, savoir et pouvoir produisent des orientations inégalitaires. Loin d’être le résultat de préférences ou de compétences « naturelles », <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-filles-ont-delaisse-linformatique-110940">l’absence des filles en informatique est le résultat d’une éviction</a>. Alors qu’elles étaient majoritaires dans cette discipline à ses débuts, les <a href="https://www.le-passeur-editeur.com/les-livres/essais/les-oubli%C3%A9es-du-num%C3%A9rique/">femmes en ont été exclues</a> lorsqu’elle a pris de l’importance et est devenue le lieu d’enjeux de pouvoir économiques et politiques. Aujourd’hui, en milieu scolaire comme en milieu professionnel, les femmes sont confrontées à des comportements sexistes constants de la part de leurs professeurs, camarades et collègues, et leur prétendue incompétence et incompatibilité avec l’informatique servent à justifier leur évincement.</p>
<p>L’absence d’intérêt ou de <a href="https://theconversation.com/aider-un-enfant-a-prendre-confiance-en-lui-les-conseils-de-trois-grands-philosophes-158590">confiance en soi</a> n’est jamais le point de départ de la situation des femmes en mathématiques : elle est le résultat de leur expérience. Les filles perdent confiance en constatant les efforts infructueux de leurs mères, en rencontrant page après page des personnages qui leur enseignent la résignation face à la domination et en étant la cible quotidienne de <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/une-femme-scientifique-sur-deux-revele-avoir-ete-victime-de-harcelement-sexuel-au-travail">violences sexistes et sexuelles</a> dans une société qui leur vante pourtant ses mérites égalitaires. Dans leur vie quotidienne comme dans la fiction, tout indique et rappelle aux filles leur <a href="https://www.syllepse.net/moi-tarzan-toi-jane-_r_62_i_520.html">incompétence « naturelle »</a> en mathématiques et les sanctions qui les attendent si elles essayent malgré tout d’investir ce champ du savoir.</p>
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<figcaption><span class="caption">Why science is for me (The Royal Society, 2020).</span></figcaption>
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<p>Ces sanctions sont les plus fortes pour les adolescentes noires, arabes ou asiatiques et issues des milieux populaires, qui expérimentent une triple discrimination sexiste, raciste et classiste. <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-d-economie-2020-2-page-155.htm">Les mathématiques sont les plus élitistes des sciences</a>, mais leur aspiration universaliste produit une illusion de neutralité qui minimise le poids de la classe et de la race dans les parcours. <a href="https://journals.openedition.org/sdt/1585">La norme du désintéressement</a> dissimule ainsi les conditions matérielles privilégiées qui sont nécessaires à la pratique des mathématiques pures, les plus valorisées.</p>
<p>Faire le choix des mathématiques quand on est une fille impose une transgression des normes de genre et un inconfort que seules les adolescentes les plus favorisées peuvent tolérer – non sans sacrifices. L’absence des groupes dominés en sciences est produite structurellement. Elle n’est ni une affaire de parcours individuels ni un phénomène purement psychologique. Les femmes, les personnes des classes populaires et les personnes non blanches ne s’autocensurent pas en sciences : elles sont censurées socialement par le poids des rapports de domination.</p>
<p>Dans ce contexte, des actions en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0742051X21001864">non-mixité</a> comme les <a href="https://www.fr-cirm-math.fr/lescigales.html">stages des Cigales</a> peuvent jouer un rôle important. En protégeant pour un temps les filles des violences sexistes, elles leur permettent de se consacrer pleinement à la pratique des mathématiques. Elles favorisent également une prise de conscience des inégalités et mettent en avant des modèles de femmes scientifiques encore trop rarement accessibles pour les adolescentes.</p>
<p>Néanmoins, ces actions ne feront progresser l’égalité qu’à condition de renoncer aux croyances en la différence « naturelle » entre les sexes, et de reconnaître les autres rapports de domination structurant le champ scientifique. Si elles peuvent suspendre temporairement les rapports sexistes, les actions en non-mixité de genre n’échappent ni à l’élitisme ni au racisme. Faute de prendre en compte l’ensemble de ces rapports sociaux, elles bénéficient davantage aux filles des classes les plus favorisées.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/571894/original/file-20240129-15-9ackwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/571894/original/file-20240129-15-9ackwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571894/original/file-20240129-15-9ackwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571894/original/file-20240129-15-9ackwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571894/original/file-20240129-15-9ackwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571894/original/file-20240129-15-9ackwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571894/original/file-20240129-15-9ackwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571894/original/file-20240129-15-9ackwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">CNRS éditions</span></span>
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<p>Pour avancer vers l’égalité et réaliser véritablement leur ambition universelle, les mathématiques doivent repenser complètement leur histoire, leur fonctionnement et leur sens. Pour servir l’intérêt général, elles doivent refuser d’élever une minorité au détriment de la majorité. Cela impose de prendre conscience de la façon dont la pratique actuelle des maths rend impossible l’accès de tous et toutes aux savoirs et aux carrières.</p>
<p>Parce que les inégalités sont sociales et structurelles, les outils pour les résorber doivent l’être également. Les actions ponctuelles et périphériques à destination des groupes sociaux exclus sont nécessairement insuffisantes. Les mathématiques ont besoin d’une transformation interne et collective des pratiques, fondée sur le refus de construire la discipline sur la réussite personnelle de quelques individus jugés exceptionnels, et sur le rejet systématique de toutes les approches naturalisantes des femmes et des hommes, mais aussi des questions de goût, de talent et de mérite.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222028/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Clémence Perronnet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À 17 ans, en France, une jeune fille sur deux ne suit plus de cours de maths, contre seulement un garçon sur quatre. Le livre « Matheuses » décrypte les freins à l’œuvre. Extrait.Clémence Perronnet, Chercheuse en sociologie rattachée au Centre Max Weber (UMR 5283), ENS de LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2204312024-01-14T16:24:10Z2024-01-14T16:24:10ZPourquoi apprend-on des comptines en maternelle ?<p>Mi-décembre, avant l’heure du déjeuner, dans <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ecole-maternelle-56449">l’école maternelle</a> d’une ville moyenne de province, deux classes mixtes de moyenne et grande sections sont réunies avec leurs enseignantes dans le préau. Près d’une cinquantaine d’enfants de 4 ans et 5 ans répètent des chansons et comptines apprises pour la semaine suivante, en vue d’un spectacle qui sera donné pour l’ensemble de l’école, puis dans un second temps aux seuls parents de ces deux classes.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/fr/topics/noel-63210">Noël</a> est, sans surprise, la thématique des comptines et chansons retenues. Outre, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=i9TWQLl2zvQ"><em>L’as-tu vu ? L’as-tu vu, le petit bonhomme ?</em></a> et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=myUE0lovV1A"><em>Noël, c’est comme un rythme de jazz</em></a>, les enfants fredonnent aussi les paroles suivantes :</p>
<blockquote>
<p>« 1, 2, 3, Dans sa hotte en bois<br>
4, 5, 6, Tout plein de surprises<br>
7, 8, 9, Des jouets tout neufs<br>
10, 11, 12, De la joie pour tous »</p>
</blockquote>
<p>Ils chantent aussi : « 5 petits moutons qui couraient dans la neige, tout blancs, tout blanc, le joli manège, 5 petits moutons qui couraient dans la neige, y’en a un qui tombe, ça fait 4 petits moutons », paroles qui se déclinent successivement pour 4, 3, 2, 1, puis 1 petit mouton. Dernière comptine du jour :</p>
<blockquote>
<p>« N.N., voici venir les rennes<br>
O.O., nous aurons des cadeaux<br>
E.E., les enfants sont joyeux<br>
L.L., c’est le soir de Noel<br>
Noël, Noël, N.O.E.L, Noël, Noël, N.O.E.L »</p>
</blockquote>
<p>La très grande majorité des élèves chantent avec enthousiasme ; ils s’applaudissent à la fin de chaque morceau. Quelques-uns ont encore les airs et les paroles en tête l’après-midi… tout comme les chercheuses qui ont observé la scène, dans le cadre d’un projet de recherche franco-québécois sur la maternelle ! Sans que nous y prenions garde, les rythmes et les mélodies se sont aussi installés dans nos têtes et nous nous en ferons la remarque en quittant l’école en fin d’après-midi.</p>
<h2>Des rythmes qui aident à la mémorisation</h2>
<p>Pourquoi apprend-on des comptines en maternelle ? Issues des racines « compter » et « conter », celles-ci intègrent par définition des chansons mimées, des jeux de doigts et de courts chants. Comme le montre notre observation, elles peuvent alimenter les apprentissages au programme de <a href="https://www.cairn.info/sociologie-de-l-ecole-maternelle--9782130632658.htm">l’école maternelle</a>. Elles sont le vecteur d’apprentissages langagiers – sons, rimes, vocabulaire, etc. Ce que l’on appelle en maternelle la « comptine numérique », constituée de la suite du nom des chiffres, est l’objet par excellence de la comptine. Elle ne se confond pas, du reste, avec les apprentissages numériques, c’est-à-dire la discrimination d’un ordre ou d’une quantité.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/FwBcRfinOYQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’incroyable histoire de « Pirouette, Cacahuète » de Gabrielle Grandière (INA Officiel, 2012).</span></figcaption>
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<p>Ces comptines suscitent une large adhésion des enfants, un mode d’apprentissage par imprégnation, avec des rythmes propices à la mémorisation. Sans oublier, parfois, le plaisir d’énoncer une suite de syllabes qui sortent du langage ordinaire. Elles donnent aussi corps à un groupe d’enfants qui se donne à voir comme tel, chantant d’une seule voix, avec le plaisir partagé de la répétition.</p>
<p>Au-delà des apprentissages scolaires qu’elles peuvent véhiculer, il n’est pas rare qu’à travers ce plaisir vécu du groupe, les comptines soient utilisées par les enseignants comme moyen de reprise en main de la classe, outil de rassemblement et de recentrage quand elle a tendance à se disperser. Faciles à mémoriser, elles donnent également à bon compte, comme dans la chorale observée, une visibilité au travail réalisé dans la classe auprès des parents.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/chansons-pour-enfants-histoire-dun-repertoire-182532">Chansons pour enfants : histoire d’un répertoire</a>
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<p>Mais il n’y a pas qu’en maternelle que les comptines sont proposées aux jeunes enfants ; dans les crèches, en bibliothèque, etc., les comptines se jouent des frontières entre parole, rythme et jeu, entre langue française et d’autres langues. Là est recherché en tout premier lieu la musicalité des comptines, la complicité d’un partage entre petits et grands, une voie d’accès au langage. Dans l’ouvrage <a href="https://www.editions-eres.com/ouvrage/3669/lire-en-chantant-des-albums-de-comptines"><em>Lire en chantant des albums de comptines</em></a>, <a href="https://theconversation.com/profiles/michel-manson-1226283/articles">Michel Manson</a>, montre bien comment au cours du XX<sup>e</sup> siècle les chansons pour enfants sont devenues des livres, marquant le passage du « folklore à l’album de comptines ».</p>
<h2>Un patrimoine culturel de l’enfance</h2>
<p>La tradition des comptines, avec celle des rondes et jeux traditionnels de l’enfance, est plus ancienne en maternelle. Il faut remonter au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle, quand les écoles maternelles étaient encore des « salles d’asile », pour en comprendre l’usage. Indiquons ce qu’il doit en particulier à <a href="http://www.inrp.fr/edition-electronique/lodel/dictionnaire-ferdinand-buisson/document.php?id=3325">Marie Pape-Carpantier</a>, directrice du premier cours normal de formation de son personnel, à qui l’on doit précisément ce nom d’école maternelle, bien avant qu’il ne soit officialisé en 1881. Avec elle s’ébauche une réappropriation institutionnelle de pratiques enfantines, en lieu et place de la discipline quasi militaire à laquelle les jeunes enfants étaient soumis dans les salles d’asile.</p>
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<img alt="Esquisses pour l’école maternelle de la rue Romainville, XIX<sup>e</sup> arrondissement de Paris"><p></p>
<p>Les folkloristes de la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, puis les anthropologues au XX<sup>e</sup> siècle, donneront aux comptines, rondes et jeux de l’enfance, leurs lettres de noblesse. Au point où des recommandations officielles publiées en 1980 indiquent : « l’école maternelle en est devenue l’un des seuls “conservatoires” et c’est à elle que revient la transmission de ce patrimoine culturel ».</p>
<p>Parler de « transmission » ne veut pas dire que ce qui est enseigné reste immuable. Bien au contraire, ce « patrimoine culturel » s’enrichit des créations du XX<sup>e</sup> siècle, dont le nom des auteurs s’effacent vite, ou de ses traductions contemporaines, comme ce « 1, 2, 3, nous irons au bois », devenu à l’occasion de Noël « 1, 2, 3, dans sa hotte en bois ».</p>
<p>Ces « traditions enfantines » se révèlent particulièrement plastiques, remises souvent au goût du jour ou encore retravaillées pour répondre à la visée de tel ou tel apprentissage scolaire. C’est sans doute ce qui fait aussi perdurer leur « transmission », par delà les changements fréquents des programmes depuis les années 1980, outre aujourd’hui leur diffusion sur Internet qui les met à la portée de tous.</p>
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<p>Au final, on peut, semble-t-il, rapprocher l’enseignement des comptines de <a href="https://www.editions-retz.com/enrichir-sa-pedagogie/mes-connaissances-educatives/l-ecole-et-l-ecriture-obligatoire-9782725636658.html">l’apprentissage scolaire de l’écriture</a> analysé par Anne Marie Chartier. Il répond à des données à la fois pragmatiques, cognitives et relationnelles : une manière de répondre aux attentes de l’institution, mais aussi au souci de la gestion de la classe en lui donnant ici matière à vivre un collectif partagé.</p>
<p>En outre, il fait sens vers une culture enfantine, celle des cours de récréation en premier lieu, prolongeant le <a href="https://books.openedition.org/pur/24138">plaisir des formulettes transmises entre enfants</a>, des « amstramgram » et autres « plouf-plouf » analysés par Julie Delalande. C’est sans doute aussi dans leur hybridité, entre culture enfantine et culture scolaire, qu’il faut chercher les raisons de leur longévité à l’école maternelle.</p>
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<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-22-CE41-0013">Regards croisés sur les pratiques en maternelle en France et au Québec : penser la réussite des enfants du point de vue ses acteurs – PRAMATER</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220431/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pascale Garnier a reçu des financements de l'ANR pour une recherche franco-québecoise sur l'école maternelle. </span></em></p>De « Pirouette, cacahuète » à « Ainsi font les petites marionnettes », les comptines se transmettent de génération en génération. Mais qu’apporte cette activité aux élèves de maternelle ?Pascale Garnier, docteur en sociologie, professeur en sciences de l’éducation, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2202982023-12-21T17:37:19Z2023-12-21T17:37:19ZMiss France, ambassadrice des maths auprès des filles ?<p>À une semaine d’intervalle, on a (encore) beaucoup parlé de mathématiques en France. C’est d’abord la communication des résultats de la fameuse <a href="https://theconversation.com/enquete-pisa-derriere-la-baisse-de-niveau-une-hausse-des-inegalites-scolaires-219242">enquête PISA</a>, qui a soulevé des inquiétudes quant au niveau des élèves français dans cette matière. Puis, l’élection de Miss France a mis la filière universitaire en lumière, la lauréate du concours se trouvant être cette année une étudiante en mathématiques appliquées.</p>
<p>Une Miss France étudiante en mathématiques pourrait-elle être un modèle pour les jeunes filles et les inviter à investir un domaine d’études qu’elles <a href="https://smf.emath.fr/sites/default/files/2022-10/22_10_4_FillesSciencesLycee_PourDiffusion.pdf">désertent actuellement massivement</a> ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/maths-a-lecole-dou-vient-le-probleme-191691">Maths à l’école : d’où vient le problème ?</a>
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<p>C’est une hypothèse qu’il serait tentant de formuler dans la mesure où des « role models » peuvent susciter des vocations et où les rencontres entre professionnelles et lycéennes peuvent <a href="https://theconversation.com/choisir-une-filiere-scientifique-limportance-des-role-models-pour-les-lyceennes-198908">lever les freins à certaines orientations scolaires</a>. Mais il faut tenir compte d’un phénomène bien connu en économie comportementale, l’« effet de dilution ».</p>
<h2>Étudiantes et « role models »</h2>
<p>Eve Gilles n’est pas la première Miss France mathématicienne. En 1962, Muguette Fabris avait déjà emporté le titre alors qu’elle était diplômée de mathématiques. Et beaucoup de candidates au titre de Miss France font, ou ont fait, de longes études, parfois scientifiques. Pourtant, ni en 1962, ni depuis, leur présence sur les podiums n’a eu un effet de « role model », incitant les jeunes filles à suivre leur chemin et de faire des études scientifiques.</p>
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<a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-filles-ont-delaisse-linformatique-110940">Pourquoi les filles ont délaissé l’informatique</a>
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<p>Un « role model » est une personne qui a particulièrement bien réussi dans un domaine où le groupe auquel elle appartient est réputé avoir moins de succès. De nombreuses études montrent qu’un role model, c’est-à-dire un membre qui va à l’encontre des stéréotypes de son groupe social, peut représenter une figure inspirante. D’autres peuvent vouloir <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/01461672022812004">reproduire ou imiter</a> ses qualités ou ses accomplissements.</p>
<p>C’est là qu’intervient ce qu’on appelle l’<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/bse.2280">effet de dilution</a> : il a été prouvé en <a href="https://psycnet.apa.org/record/2007-02840-002">sciences comportementales</a> que les individus ont tendance à croire instinctivement qu’une chose qui remplit une seule fonction est meilleure qu’une autre remplissant la même fonction, plus des fonctions supplémentaires (par exemple, un produit qui nettoie et qui est respectueux de l’environnement).</p>
<p>En d’autres termes, le cumul d’objectifs est susceptible de réduire ou de diluer l’efficacité perçue pour atteindre chaque objectif, ce qui réduit la probabilité que ce pour quoi l’objet en question a été conçu en premier lieu soit perçu comme un usage efficace.</p>
<p>Il en va ainsi avec les objets, mais le même principe s’applique aux personnes : une candidate qui participe à Miss France, dont l’attribut principal de sélection est la beauté, sera considérée comme moins belle si, en plus d’être belle, elle est aussi… intelligente. D’ailleurs, la nouvelle Miss s’est heurtée à une vague de critiques sur les réseaux sociaux.</p>
<h2>Des biais cognitifs à prendre en compte</h2>
<p>En théorie marketing, les personnes qui votent pour élire Miss France font des choix qui correspondent à des préférences, sur la base des informations disponibles. Le fait qu’une candidate soit sélectionnée en finale du concours valide son attribut « beauté » d’une candidate. Voilà qui résout principalement un problème d’asymétrie de l’information : l’attribut de croyance (je crois qu’une fille pourrait être belle, mais je ne suis pas sûr de la norme de beauté en vigueur, de ce que pensent les autres) devient un <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1086/259630">attribut de recherche</a>, en réduisant l’incertitude (je suis certain que cette candidate est belle par rapport à une norme sociale, et il s’agit désormais de choisir la plus belle).</p>
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<figcaption><span class="caption">« Pour moi, il y a aussi un problème dans l’appréhension des mats », Eve Gilles (décembre 2023, TF1).</span></figcaption>
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<p>Par conséquent, il est intuitivement convaincant d’informer les électeurs de l’existence d’un autre attribut de la candidate en question, en particulier si cet attribut n’affecte pas objectivement la dimension « beauté » : le fait qu’elle ait fait des études, par exemple, n’est pas censé à lui enlever de son capital beauté. Il devrait même lui être profitable. Cependant, dans la pratique, les choses sont plus compliquées, car les individus, de manière erronée, perçoivent que la dimension beauté a pu être détériorée en raison des études… du fait de l’orthogonalité et donc de la dissonance de ces deux attributs.</p>
<p>Il y a deux raisons à cette divergence : premièrement, le modèle de <a href="https://academic.oup.com/jcr/article-abstract/28/4/618/1785512">dilution des objectifs</a> suggère que, lorsque plusieurs objectifs sont poursuivis avec un seul moyen, les individus les perçoivent comme étant <a href="https://psycnet.apa.org/record/2007-02840-002">moins efficacement atteints que lorsque les objectifs poursuivis individuellement</a>.</p>
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<p>Deuxièmement, <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1509/jmkr.38.3.349.18865">l’heuristique du jeu à somme nulle</a> suggère que les individus pensent que l’augmentation de la qualité sur une dimension du produit est automatiquement compensée par une diminution de la qualité sur d’autres dimensions : si en plus d’être belle, on est aussi intelligente, c’est aux frais de moins de beauté, comme si la somme entre intelligence et beauté devait rester constante et donc, pour être intelligente, il fallait renoncer à un peu de beauté.</p>
<p>Le biais de la somme nulle correspond à la tendance à juger intuitivement une situation comme étant à somme nulle : les ressources investies dans une dimension seraient automatiquement compensées par une perte équivalente de ressources investies dans d’autres dimensions, même si la situation objective est en réalité à somme non nulle.</p>
<h2>Parler de sport plutôt que de maths ?</h2>
<p>Il semble donc inefficace de continuer de parler des études qu’ont pu faire les Miss. Ceci n’aura pas l’effet escompté à long terme et, à court terme, confortera la perception d’une Miss moins jolie.</p>
<p>Cependant, il y a bien un attribut que la plupart des candidates au concours de Miss France ont, et dont on n’en parle pas assez : un attribut consonant, qui va de pair avec la beauté. C’est la <a href="https://www.elle.fr/Minceur/News/Sport-et-forme/Les-Miss-France-raffolent-du-sport-ces-cliches-vont-vous-motiver">pratique de sports</a>.</p>
<p>De manière contre-intuitive, parler de sport pourrait pousser plus de jeunes filles… à faire de maths ! Pourquoi ? Il est <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00181-009-0304-8">établi</a> que les sportifs bénéficient d’une « prime sportive » sous forme de salaires et d’avantages sociaux plus élevés, d’une meilleure employabilité et d’une durée de chômage plus courte.</p>
<p>Les sportifs sont plus susceptibles d’être rémunérés en fonction de leurs performances, ce qui <a href="https://www.econstor.eu/handle/10419/106997">réduit l’écart salarial entre les hommes et les femmes</a>. Les traits psychologiques des sportifs pourraient également correspondre à ceux qui déterminent l’intention et la réussite entrepreneuriales.</p>
<p>Tout cela a d’importantes implications pour la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/19406940.2017.1359648">politique de l’enseignement supérieur</a>. La pratique du sport a une influence causale sur le succès dans les compétitions (comme celle de Miss France, mais aussi dans la vie en général) et ceci plaide en faveur de son renforcement dans l’éducation de tous les jeunes. L’augmentation de la compétitivité par le biais de la participation sportive semble être une voie possible pour combler <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/15270025221108189">l’écart de compétitivité entre les hommes et les femmes</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220298/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Noémie Bobin a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR), dans le cadre du projet AAPG - CE26 SPORT, sous la direction de Marc Willinger (Université de Montpellier). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Angela Sutan et Sylvain Max ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Miss France 2024 est étudiante en maths. Pourrait-elle devenir un modèle pour des collégiennes et des lycéennes qui se détournent souvent des filières scientifiques ?Angela Sutan, Professeur en économie comportementale, Burgundy School of Business Noémie Bobin, Doctorante en Economie Comportementale et Expérimentale, Université de MontpellierSylvain Max, Social Psychologist, Associate Professor, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2194662023-12-14T19:00:57Z2023-12-14T19:00:57ZMaths : la « méthode de Singapour », remède ou mirage ?<p>Mardi 5 décembre 2023, communiquant sur les <a href="https://www.education.gouv.fr/choc-des-savoirs-une-mobilisation-generale-pour-elever-le-niveau-de-notre-ecole-380226">résultats des élèves français à l’enquête internationale PISA</a>, le ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal a proposé de réviser les programmes de primaire pour y adopter progressivement la méthode de Singapour, vue comme un remède au « niveau » jugé trop faible en mathématiques.</p>
<p>L’objectif d’améliorer les performances des élèves français en mathématiques peut-il vraiment être atteint à travers la diffusion de cette méthode ? Pourrait-il en fait se révéler indifférent, voire même contre-productif ?</p>
<h2>Peut-on vraiment parler de méthode de Singapour ?</h2>
<p>Ce qui est nommé Méthode de Singapour renvoie à la fois à une réalité géographique, celle d’une cité-État de 720 km<sup>2</sup>, avec 181 écoles primaires, et à un réalité éducative <a href="https://www.aia.com.sg/en/health-wellness/healthy-living-with-aia/parenting-tips-to-raise-successful-children-life-matters-aia-singapore">imposant une forte pression aux élèves</a>. Dès les années 80, le programme de mathématique de Singapour s’est centré autour de deux éléments : d’une part la résolution de problèmes ; d’autre part une approche résumée par le triptyque « Concret – Imagé – Abstrait » visant à accompagner le passage du concret vers l’abstrait via la manipulation de matériel ou la schématisation.</p>
<p>Au niveau des contenus, le <a href="https://irem.univ-grenoble-alpes.fr/revues/grand-n/consultation/numero-102-grand-n/2-un-apercu-du-curriculum-de-mathematiques-a-singapour--461883.kjsp?RH=1550478380358">programme de mathématiques de Singapour</a> est en fait assez semblable à ceux des autres pays à travers le monde, mais sa particularité est de permettre une certaine flexibilité d’application, grâce à des suggestions proposées aux enseignants pour qu’ils l’adaptent dans leurs classes. Par ailleurs, les enseignants de Singapour sont hautement qualifiés et exercent dans des écoles très bien équipées en ressources pédagogiques.</p>
<p>Le programme de mathématiques de Singapour ne se revendique pas d’une méthode à proprement parler. A notre connaissance, aucune recherche ne donne d’informations précises sur <a href="https://www.copirelem.fr/wordpress/wp-content/uploads/2023/06/ACTES-TOULOUSE-Num-de2s51.pdf">l’étendue des prescriptions institutionnelles, sur les utilisations et les adaptations en classe</a>, et donc sur son efficacité.</p>
<p>Autrement dit, en l’état actuel des études, l’expression « Méthode de Singapour », exportée ou généralisée hors de Singapour, semble être davantage un fétiche verbal qu’une méthode évaluée selon les canons scientifiques.</p>
<h2>Se représenter un problème par des schémas</h2>
<p>Les publications institutionnelles du MENJ retiennent principalement deux éléments : l’approche « Concret-Imagé-Abstrait » et un outil, <a href="https://irem.univ-grenoble-alpes.fr/medias/fichier/108n1_1686591188245-pdf">« le schéma en barres »</a>. Concernant cette approche, elle n’est pas étrangère aux enseignants français qui connaissent bien l’intérêt de passer par la manipulation pour aller vers l’abstraction. L’utilisation de cubes emboîtables pour travailler la numération décimale est, par exemple, assez répandue en France. Néanmoins, cette approche nécessite une grande expertise pour être mise en œuvre efficacement, ce qui est bien le cas à Singapour.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/565781/original/file-20231214-19-yme2eg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/565781/original/file-20231214-19-yme2eg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565781/original/file-20231214-19-yme2eg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565781/original/file-20231214-19-yme2eg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565781/original/file-20231214-19-yme2eg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565781/original/file-20231214-19-yme2eg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565781/original/file-20231214-19-yme2eg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565781/original/file-20231214-19-yme2eg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Deux exemples de schémas en barres (Clivaz et Dindyal, 2023).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>L’utilisation de <a href="https://irem.univ-grenoble-alpes.fr/medias/fichier/108n1_1686591188245-pdf">schémas barres</a> pour aider les élèves à se représenter un problème arithmétique peut être utile, mais elle ne doit pas <a href="https://publimath.univ-irem.fr/numerisation/PS/IPS19027/IPS19027.pdf">se substituer à la résolution de problèmes en elle-même</a> : il est contreproductif de l’imposer à tous les élèves et peut même s’avérer inapproprié pour les élèves ayant une autre représentation du problème. De plus, tous les problèmes de maths ne se prêtent à l’utilisation de cet outil, notamment s’il faut passer par plusieurs étapes de raisonnement.</p>
<p>Ainsi, si les principaux éléments retenus par le ministère de l’Éducation sont présents dans le programme mathématique de Singapour, d’autres comme la flexibilité dans l’application des recommandations, la qualification des enseignants et l’installation de bonnes conditions d’exercices semblent absents.</p>
<h2>Est-ce avec une « méthode » qu’on se forme ou qu’on enseigne ?</h2>
<p>Suite aux résultats du PISA 2022, le ministère de l’Éducation a indiqué tout à la fois sa volonté de co-financer des manuels pour les classes de CP et de CE1, et de diffuser progressivement la « méthode » de Singapour. Mais la question est-elle vraiment de <a href="https://www.cnesco.fr/wp-content/uploads/2015/11/Manuels-scolaires.pdf">créer de nouvelles ressources, alors que celles-ci sont foisonnantes</a>, ou de labelliser des manuels ? L’enjeu n’est-il pas plutôt de développer les connaissances nécessaires aux enseignants pour mieux exploiter les moyens à disposition et pour se les approprier ?</p>
<p>Rappelons que certains manuels français existants proposent déjà des dispositifs d’apprentissage de type <a href="https://hal.science/hal-02912823v1">« Problème – compréhension – application »</a>, à l’aide de manipulations de matériel convoquant le jeu, et où le savoir à retenir est explicitement exposé aux élèves. D’ailleurs, l’enjeu n’est pas tant d’avoir recours à du matériel que de s’en servir pour <a href="https://hal.science/hal-02912901v1">problématiser des situations</a>. Pour cela, il faut laisser aux élèves une <a href="https://hal.science/hal-02913567v1">marge d’initiative</a> et la possibilité de se tromper, et non les cantonner à <a href="https://hal.science/hal-01741605">reproduire ce qui leur est montré</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/maths-a-lecole-dou-vient-le-probleme-191691">Maths à l’école : d’où vient le problème ?</a>
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<p>C’est la première fois que le ministère de l’Éducation promeut explicitement une méthode d’enseignement ainsi qu’une adaptation des programmes scolaires et la production de manuels pour la déployer. <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006525569">La liberté pédagogique de l’enseignant</a> qui s’exerce dans le respect des programmes et des instructions du ministre sera donc naturellement impactée par l’imposition de cette méthode inscrite dans de nouveaux programmes.</p>
<p>Dans la lettre du ministre adressée aux enseignants, il est précisé que cette méthode, <a href="https://www.copirelem.fr/wordpress/wp-content/uploads/2023/06/ACTES-TOULOUSE-Num-de2s51.pdf">« construite à partir des meilleures inspirations internationales et appliquée par 70 pays, a fait ses preuves »</a>, mais quelles preuves le ministre évoque-t-il ?</p>
<p>Suffit-il d’exporter une méthode d’un pays à un autre pour obtenir les mêmes résultats ? Au Japon, dans la petite ile d’Okinawa, la population a la <a href="https://www.lunion.fr/id412122/article/2022-09-28/pour-vivre-100-ans-adoptez-le-regime-okinawa">plus longue espérance de vie</a> et ses habitants sont parmi les plus nombreux à dépasser les 100 ans. Ils adoptent un régime semi-végétarien, faible en matière grasse. L’importation de ce régime en France permettrait-elle d’augmenter significativement l’espérance de vie des Français ?</p>
<p>Par ailleurs, le programme de mathématiques de Singapour est accompagné d’une formation importante entretenue par une <a href="https://irem.univ-grenoble-alpes.fr/revues/grand-n/consultation/numero-102-grand-n/2-un-apercu-du-curriculum-de-mathematiques-a-singapour--461883.kjsp?RH=1550478380358">formation continue conséquente de 100h par an</a>. En France, la formation initiale des professeurs des écoles est préemptée par la préparation au concours de recrutement des enseignants et la formation continue réduite à 18h par an, partagée entre les deux disciplines principales que sont les Mathématiques et le Français.</p>
<p>La formation des enseignants est pour nous l’élément clé de la réussite des élèves français en mathématiques et c’est elle qu’il faut investir prioritairement. Il s’agit de considérer les enseignants comme des professionnels, donc leur permettre d’enrichir leurs connaissances et compétences afin qu’ils puissent choisir puis adapter les ressources mises à leur disposition pour exercer leur métier. La perspective d’un <a href="https://www.cafepedagogique.net/2023/11/10/recrutement-des-professeurs-le-ministere-devoile-ses-pistes/">déplacement du concours de recrutement des enseignants en fin de Licence</a> donne la possibilité de réorienter les masters Métiers de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation vers une formation initiale digne de ce nom, intégrant des dimensions professionnelles et scientifiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-maths-les-evaluations-de-primaire-favorisent-elles-les-inegalites-de-genre-211939">En maths, les évaluations de primaire favorisent-elles les inégalités de genre ?</a>
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<p>Au-delà de la formation, pour que l’enseignement des mathématiques atteigne ses objectifs de plus grande réussite pour tous, il faudrait aussi réaffirmer les objectifs de l’apprentissage des mathématiques non en termes de réussite à des évaluations nationales ou internationales, mais en termes de constructions de connaissances mathématiques ainsi que de démarches et de processus de raisonnements, à des fins citoyennes. Il s’agit aussi d’améliorer les conditions d’exercice en classe afin que chaque enseignant puisse déployer sa palette d’outils professionnels au service de la réussite de tous les élèves.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219466/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Mounier est co-auteur de manuels scolaires, de la collection Haut Les Maths aux éditions Retz</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nathalie Sayac ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour lutter contre la baisse du niveau en maths, le ministre de l’Éducation a proposé de repenser les programmes en s’inspirant de la méthode de Singapour. Mais cette méthode existe-t-elle vraiment ?Nathalie Sayac, Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen NormandieEric Mounier, Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2192422023-12-12T18:48:36Z2023-12-12T18:48:36ZEnquête PISA : derrière la baisse de niveau, une hausse des inégalités scolaires ?<p>PISA (Programme for International Student Assessment) est une enquête internationale sur les compétences des élèves de 15 ans environ, réalisée tous les 3 ans par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). De manière exceptionnelle, la dernière vague du test PISA a été effectuée avec une année de décalage (2022 au lieu de 2021), du fait de la crise sanitaire de 2020.</p>
<p>Parus le 5 décembre 2023, les résultats de cette enquête ont fait grand bruit et suscité de multiples articles sur la <a href="https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/classement-pisa-la-france-degringole-plus-que-les-autres-pays-en-maths-2039293">baisse de niveau des élèves français</a>. Faut-il imputer ce déclin à une conjoncture propre à l’Hexagone ? Ou ce fléchissement des compétences concerne-t-il l’ensemble des pays ?</p>
<p>Pour bien situer et comprendre ces résultats, se focaliser uniquement sur les classements publiés pour 2022 s’avère réducteur. Nous en proposons une grille de lecture autour d’un groupe de pays formant un ensemble homogène et similaire à la France, réunissant 18 pays européens, dont l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, le Danemark ou la Suède, et trois pays asiatiques, dont le Japon (la liste complète des pays pris en compte figure en note dans le Tableau 1), afin de voir dans quelle mesure la France aurait une performance déviante.</p>
<h2>Une baisse généralisée des performances scolaires dans les pays européens</h2>
<p>De prime abord, il apparaît avec évidence que la performance française chute dans les différents domaines de compétences évalués par PISA. Sur les vingt dernières années, la baisse représente environ <a href="https://www.education.gouv.fr/pisa-programme-international-pour-le-suivi-des-acquis-des-eleves-41558">37 points en mathématiques et 22 points en lecture</a>. Bien que ces diminutions soient conséquentes, il nous semble important de les placer en comparaison avec d’autres pays européens.</p>
<p>Nous constatons ainsi que les écarts de performance entre la France et les principaux pays européens n’ont été significatifs qu’en 2003, et ceci surtout pour les mathématiques. Même si, dans cette dernière édition, la France a des scores moins élevés que les autres pays européens, les écarts ne peuvent pas être considérés comme significatifs, du fait de la marge d’erreur due à l’estimation des scores moyens.</p>
<p>La première conclusion renvoie ainsi à une baisse quasi généralisée de la performance des élèves dans les pays européens. En somme, la baisse observée en France est avant tout la résultante d’un problème structurel, c’est-à-dire évoluant lentement au fil du temps.</p>
<p>Quant à la récente déclaration du ministre de l’Éducation français pour le <a href="https://www.la-croix.com/france/education-en-quoi-consiste-la-methode-de-singapour-que-le-gouvernement-veut-generaliser-20231206">renforcement de l’enseignement des mathématiques en utilisant la méthode de Singapour</a>, elle semble résulter de la performance élevée observée pour certains pays asiatiques. En effet, un quasi-doublement de la différence de performance apparaît très nettement entre la France et l’Asie sur les deux dernières décennies.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/maths-lecture-le-niveau-des-eleves-baisse-t-il-vraiment-198432">Maths, lecture : le niveau des élèves baisse-t-il vraiment ?</a>
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<p>En termes très concrets, l’équivalent de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0927537123000404">deux années d’acquis scolaires</a> séparent ainsi la France et les pays asiatiques de notre échantillon en mathématiques. En parallèle, c’est pratiquement l’équivalent d’une année d’acquis scolaires de différence en lecture.</p>
<p>Nous constatons ainsi une baisse structurelle de la performance dans les principaux pays européens, tandis que les pays asiatiques maintiennent un écart significatif avec la France, voire même le renforcent depuis l’avènement de l’enquête PISA.</p>
<h2>En France, près de 3 élèves sur 10 n’atteignent pas le seuil minimum de compétences</h2>
<p>Au-delà des scores et d’une analyse de rang, des enquêtes telles que PISA permettent également d’évaluer la part des élèves atteignant un seuil minimum de performance ou encore un stade avancé de performance, ce qui permet de saisir les évolutions à des niveaux différents. Se concentrer sur les seuls scores moyens peut, en effet, cacher des disparités fortes de performance entre élèves d’un même pays.</p>
<p>Qui plus est, il est aisé de définir le seuil minimum de compétences (SMC) comme le niveau 2 de PISA par exemple, où les élèves peuvent réaliser, pour de jeunes adultes, des tâches assez simples dans chacun des domaines de compétences évalués (ce seuil avoisine un score de 400 points). À l’inverse, le seuil avancé de compétences (SAC) renvoie davantage à des aptitudes élevées telles que l’inférence et l’analyse multidimensionnelle (le score minimum à atteindre est autour de 600 points). Alors que le SMC peut être considéré comme un indicateur que nous qualifions ici « d’équité », le SAC renverrait donc davantage à un indicateur de formation que nous appelons ici « d’excellence ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/enquetes-internationales-sur-le-niveau-des-eleves-comment-les-interpreter-203795">Enquêtes internationales sur le niveau des élèves : comment les interpréter</a>
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<p>Logiquement, la proportion d’élèves atteignant le seuil minimum dépasse bien évidemment celle du seuil avancé : alors qu’environ 73 % des élèves français atteignent le SMC en français, ils ne sont que 7 % à atteindre le seuil avancé. En d’autres termes, moins d’un élève sur 14 parvient à atteindre le seuil avancé, soit en moyenne 2 élèves par classe. De manière très concrète, là encore, cela signifie qu’environ 3 élèves sur 10 ne parviennent pas à atteindre le seuil minimum de compétences.</p>
<p>Sur ce point, il est intéressant d’observer les tendances dans d’autres pays. Alors que la Finlande faisait figure de modèle dans le test PISA au début du XXI<sup>e</sup> siècle, nous observons une dégradation forte de la performance de ce pays. En 2003, presque la totalité de sa population jeune de 15 ans atteignait le seuil minimum de compétence dans les trois domaines. Deux décennies plus tard, les chiffres diminuent significativement : seuls 75 % des élèves atteignent le seuil minimum en mathématiques en 2022, soit une baisse d’environ 20 %.</p>
<p>À titre de comparaison, la Pologne réussit davantage à faire atteindre le seuil minimum à ses élèves : en mathématiques, près de 77 % des élèves y parviennent contre seulement 71 % pour la France.</p>
<p>Pour illustrer ce propos, nous présentons la trajectoire française, comparée à celle de ses voisins, dans le Tableau 2. Nous notons certes une baisse simultanée de la proportion des jeunes atteignant les deux seuils pour la France, mais elle est similaire pour les autres pays européens.</p>
<p>Quant à la comparaison avec les pays asiatiques, elle nous offre deux observations de taille :</p>
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<li><p>la part des élèves atteignant le seuil avancé de compétences est significativement plus importante dans ces pays, quelle que soit l’année. Ainsi, près d’un élève sur quatre atteint le niveau d’excellence en mathématiques, pour un élève sur dix en lecture ;</p></li>
<li><p>par ailleurs, même si une baisse des proportions aux deux seuils est observée dans ces pays, elle est faible et l’Asie continue à être une zone où les systèmes éducatifs parviennent à faire atteindre à leurs élèves des niveaux d’excellence.</p></li>
</ul>
<h2>Des politiques éducatives à interroger</h2>
<p>Cette analyse des seuils de compétences s’avère particulièrement utile pour questionner l’efficacité d’un système éducatif en termes d’équité et d’excellence. En toute logique, un pays avec un système éducatif efficace devrait être capable de faire atteindre la majorité de sa population au seuil minimum de compétence (au maximum 100 %), sans compromettre les chances de succès des plus performants : nous pouvons supposer, par hypothèse, qu’un système performant est celui où la moitié de la population au moins atteint le niveau avancé.</p>
<p>Il est alors possible de calculer un indice d’efficacité des systèmes éducatifs qui combine ces deux seuils. Forts de cela et pour le cas de la France, nous constatons une double évolution inquiétante : moins d’élèves parviennent à atteindre le seuil minimum de compétences, mais sans observer parallèlement une hausse de ceux qui accèdent à celui de l’excellence. À sa manière, l’observation de cette réalité nous conduit à questionner le maintien des inégalités.</p>
<p>La situation semble d’ailleurs assez critique en mathématiques où la part des élèves atteignant le seuil avancé a été divisée par deux et passe de 15,1 % à 7,4 % des élèves en deux décennies. Cette baisse drastique se retrouve aussi dans d’autres pays, notamment en Finlande, citée précédemment, où elle atteint 15 %. L’efficacité du système éducatif français est ainsi mise à mal, car la France ne parvient ni à diminuer les inégalités ni à élever une partie de sa population au niveau de l’excellence. Son niveau d’efficacité baisse de près de 13,8 % en mathématiques contre 5 % en lecture.</p>
<p>Un résultat plus général et particulièrement évocateur émerge du Tableau 3 : la baisse de l’efficacité est généralisée à toute l’Europe, mais aussi aux pays asiatiques.</p>
<p>Dans cette perspective, quelles conclusions pouvons-nous tirer des résultats de PISA 2022, mais aussi des enquêtes précédentes ? Le premier résultat renvoie, à nos yeux, à l’absence de « choc PISA » dans l’Hexagone durant la décennie passée. La baisse observée récemment découle pourtant de problèmes structurels, qui plus est, elle concerne finalement la plupart des pays européens. Elle ne peut donc pas être traitée de manière hâtive par telle ou telle politique de rapiéçage. Elle demande des changements de politique éducative majeurs, de long terme, qui se comptent en années, voire en décennies.</p>
<p>Quant à la surperformance de certains pays asiatiques, elle devrait alarmer les décideurs politiques français et européens, dans un contexte de <a href="https://www.cae-eco.fr/baisse-de-la-productivite-en-france-echec-en-maths">baisse de la productivité française</a> notamment. Il conviendrait dès lors et plus que jamais sans doute de poursuivre sans relâche les efforts d’anticipation et de dialogue en vue de mieux appréhender l’importance vitale que représente la qualité de l’éducation, sans négliger les dimensions historiques et comparatives inhérentes à <a href="https://rdcu.be/dmIVx">tout système éducatif</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219242/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Au-delà de la baisse de performances scolaires dans les pays européens, l’enquête internationale PISA révèle qu’un nombre non négligeable d’élèves peinent à atteindre le seuil minimum de compétences.Nadir Altinok, Maître de conférences, UMR BETA, Université de LorraineClaude Diebolt, Directeur de Recherche au CNRS, UMR BETA, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2144842023-11-13T19:33:06Z2023-11-13T19:33:06ZLa théorie du chaos fête ses 130 ans : quelles sont ses applications aujourd’hui ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/554007/original/file-20231016-15-my1l6s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C8%2C5982%2C5982&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La théorie du chaos utilise des visuels très graphiques, ici l'attracteur chaotique surnommé «Oiseau Mythique» découvert par Christian Mira en 1973, et régénéré ici par l'un des auteurs</span> <span class="attribution"><span class="source">Sylvain Mangiarotti</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Saviez-vous que des aspects du comportement des vers de terre peut-être décrit par la théorie du chaos ? En effet, leurs déjections sont très fertiles, mais une toute petite variation dans les conditions d’humidité du sol peut influencer de façon imprévisible leur dynamique, et entraîner des différences considérables entre deux parcelles de sol très semblables… de quoi laisser perplexes des agriculteurs préoccupés par une gestion plus durable des sols. Ce type de comportement peut être <a href="https://lemag.ird.fr/fr/la-dynamique-des-lombrics-releve-de-la-theorie-du-chaos">analysé dans le cadre de la théorie du chaos</a>, en utilisant notamment les trajectoires géométriques qui produisent ces images fascinantes.</p>
<p>Pour avoir une intuition de ce qu’est un système chaotique, rien de tel que l’« effet papillon », selon lequel un battement d’ailes de papillon pourrait provoquer une tornade à une distance de plusieurs milliers de kilomètres. C’est en fait une illustration très imagée de la grande « sensibilité aux conditions initiales » des systèmes chaotiques : ceci signifie qu’une modification infime de la vitesse du vent d’un côté du globe, à cause d’un battement d’ailes par exemple, pourrait mener à des conditions météorologiques très différentes (une tempête ou un calme plat).</p>
<p>Si l’« effet papillon » est exagéré afin de le rendre plus délectable, il pointe à juste titre que les systèmes chaotiques, bien que déterministes, sont imprévisibles à long terme : c’est cette propriété qui fait que la météorologie, dont les équations sont connues, ne peut fournir des prévisions fiables au-delà de quelques jours.</p>
<p>La <a href="https://www.amq.math.ca/wp-content/uploads/bulletin/vol53/no2/06-poincare.pdf">théorie du chaos est née dans les années 1890, avec les travaux de Henri Poincaré</a>, mais elle garde aujourd’hui toute sa pertinence pour aborder des problèmes cruciaux pour la société : la prévision d’événements météorologiques extrêmes, les pathologies de la variabilité cardiaque, la diffusion d’épidémies… pour ne citer que quelques exemples.</p>
<h2>La théorie du chaos : une percée scientifique majeure pour comprendre les systèmes complexes</h2>
<p>Pour être qualifié de chaotique, un système doit être « non linéaire », c’est-à-dire que si on le perturbe (battement d’aile du papillon), il ne réagira pas pareil en fonction de son état initial (souffle d’air par-ci ou par là). Cette « dépendance aux conditions initiales » peut être très sensible : le système ne répond pas toujours de la même manière alors même que la perturbation et les conditions initiales semblent très similaires.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/554010/original/file-20231016-15-iiykzk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/554010/original/file-20231016-15-iiykzk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/554010/original/file-20231016-15-iiykzk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/554010/original/file-20231016-15-iiykzk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/554010/original/file-20231016-15-iiykzk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/554010/original/file-20231016-15-iiykzk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/554010/original/file-20231016-15-iiykzk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une partie de l’attracteur dynamique qui décrit la dynamique des vers de terre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sylvain Mangiarotti</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Même des systèmes gouvernés par des équations simples (comme une suite récurrente du second degré, au programme du lycée général) peuvent suivre des dynamiques complexes, c’est-à-dire qui ne se reproduit jamais exactement égale à elle-même.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/leffet-papillon-quest-ce-qui-se-cache-derriere-la-theorie-du-chaos-179878">L’effet papillon : qu’est-ce qui se cache derrière la théorie du chaos ?</a>
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<p>Une des grandes leçons de la théorie du chaos est qu’au lieu de s’intéresser à une évolution particulière du système, on étudie l’ensemble des évolutions possibles du système – la structure qui rassemble ces évolutions s’appelle un attracteur.</p>
<p>L’exemple le plus connu est celui de la convection : l’air chaud monte et l’air froid descend, comme cela se produit dans l’atmosphère entre la surface terrestre et la haute atmosphère. Un modèle très simplifié pour la convection a été proposé par le mathématicien et météorologiste Edward N. Lorenz dans les années 1960 : ses équations produisent un « attracteur » qui porte son nom, l’attracteur de Lorenz.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/PqhXspjqEt8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Deux « trajectoires », en rouge et bleu, qui débutent de façons très similaires mais évoluent très différemment. L’attracteur de Lorenz représente l’ensemble des trajectoires possibles (Nicholas Kostin).</span></figcaption>
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<p>La très grande sensibilité aux conditions initiales de la convection, donc des mouvements de l’atmosphère, permet de comprendre pourquoi il est illusoire de vouloir prévoir la météorologie au-delà de quelques jours.</p>
<p>C’est ce qui a conduit en 1998, à l’introduction d’un « indice de confiance » en météorologie : pour estimer cet indice de confiance, les météorologues réalisent une cinquantaine de simulations de l’évolution de la météo, à partir du temps tel qu’il est mesuré au temps présent, et de quantifier leur degré de similitude. Si les simulations diffèrent beaucoup, l’indice de confiance sera bas, indiquant le peu de fiabilité des prévisions ; si les simulations donnent des résultats similaires, l’indice de confiance sera plus élevé et les prévisions ont toutes les chances de se réaliser.</p>
<h2>La révolution des ordinateurs</h2>
<p>Pour étudier les comportements chaotiques, il est nécessaire de tracer, point par point, leur évolution. Cela demande des calculs fastidieux, demandant plusieurs mois à un humain et qu’un ordinateur réalise en quelques secondes. Aussi, avec l’apparition des ordinateurs de bureau dans les années 1970, l’étude des solutions chaotiques s’est rapidement développée et une communauté scientifique, aujourd’hui mieux identifiée autour des « systèmes dynamiques non linéaires », a émergé.</p>
<p>Après Edward Lorenz et l’apparition des ordinateurs, c’est <a href="http://www.atomosyd.net/spip.php?article6">Otto E. Rössler, de l’université de Tübingen en Allemagne</a>, qui a percé dans le domaine. Avec son style très intuitif, jonglant entre concepts mathématiques avancés et une intuition de l’électronique héritée d’un passé de radioamateur qui lui ont permis d’aborder facilement les ordinateurs qui arrivaient dans les universités, il a proposé plus d’une dizaine de systèmes chaotiques qui décrivent des objets très différents. Otto E. Rössler est aussi le premier à truffer ses articles du terme « chaotique » qu’il contribua largement à populariser.</p>
<h2>La théorie du chaos a de multiples applications aujourd’hui</h2>
<p>Du haut de ses 130 ans, la <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/physique/chaos-sous-controle-1013.php">théorie du chaos</a> est toujours en développement d’un point de vue théorique et permet des avancées dans de nombreuses sciences.</p>
<p>En épidémiologie, elle a par exemple <a href="https://www.insu.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/est-il-possible-de-retrouver-les-equations-qui-gouvernent-la-dynamique-dun-systeme">révélé la dynamique du couplage entre l’homme et les populations de rats noirs et bruns pour l’épidémie de peste de Bombay (1896-1911)</a>, faisant ressortir l’efficacité de l’action humaine à endiguer l’épidémie. Pour le Covid-19, <a href="https://journals.plos.org/plosntds/article?id=10.1371/journal.pntd.0010735">elle a dévoilé la possibilité pour une épidémie d’évoluer à des niveaux différents pour des conditions strictement identiques (coexistence multiple d’attracteurs présentant des niveaux épidémiques différents)</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/epidemie-de-covid-19-en-afrique-quelles-specificites-192046">Épidémie de Covid-19 en Afrique : quelles spécificités ?</a>
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<p>En chimie, elle a permis d’appréhender l’existence de réactions chimiques oscillantes. En effet, jusqu’aux années 1960, les scientifiques pensaient que les réactions chimiques devaient se développer puis s’arrêter à l’épuisement des réactifs. Puis Boris Belousov et Anatoly Zhabotinsky ont montré que les réactions chimiques pouvaient osciller sur des périodes très longues. À la fin des années 1970, des <a href="https://www.nature.com/articles/271089a0">oscillations chaotiques ont été observées dans la réaction de Belousov-Zhabotinsky</a> : des processus chimiques peuvent donc produire des dynamiques complexes, ouvrant de nouvelles perspectives pour l’émergence de la vie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-symphonie-des-neurones-ou-les-mathematiques-du-cerveau-188942">La symphonie des neurones ou les mathématiques du cerveau</a>
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<p>En médecine, l’application de la théorie du chaos a conduit à de nouvelles approches, notamment en oncologie, où une <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2018/07/msc170113/msc170113.html">application web pour la détection des rechutes de patients traités pour un cancer du poumon a été développée</a>. C’est une première mondiale, et elle est remboursée par un système de sécurité sociale.</p>
<p>Les attracteurs chaotiques <a href="https://www.worldscientific.com/doi/10.1142/S021812742230004X">dont les trajectoires se développent dans des espaces de dimension 3 sont aujourd’hui relativement bien décrits</a>. Aujourd’hui, un des grands challenges reste le développement d’une méthodologie permettant de décrire les trajectoires qui se développent dans des espaces de dimension 4 ou supérieure. C’est un <a href="https://www.insu.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/templex-une-nouvelle-mathematique-pour-comprendre-le-chaos">enjeu mathématique qui suscite l’intérêt des chercheurs… depuis plus d’un siècle</a>.</p>
<p>Au-delà de ces applications scientifiques, les attracteurs chaotiques et l’imprévisibilité qu’ils permettent ont également suscité un intérêt esthétique pour la création artistique. Des attracteurs chaotiques ont notamment été utilisés <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/07494467.2010.587317">pour générer de la musique en temps réel en interaction avec des musiques improvisées</a> et <a href="https://youtu.be/1nQGy9kkAEg">dont certains exemples sonores peuvent être écoutés</a>.</p>
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<p><em>Les auteurs ont organisé un colloque scientifique pour honorer les 80 ans d’Otto E. Rössler, du 9 au 11 octobre 2023, à Toulouse : la <a href="https://www.cesbio.cnrs.fr/ottochaos-from-the-nonlinear-dynamical-systems-theory-to-observational-chaos/">Ottochaos conference : from the nonlinear dynamical systems theory to observational chaos</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214484/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Météorologie, médecine, sciences agricoles empruntent aujourd’hui aux méthodes de la théorie du chaos.Sylvain Mangiarotti, Researcher at Centre d'Etudes Spatiales de la Biosphère (CESBIO), Institut de recherche pour le développement (IRD)Christophe Letellier, Professeur en sciences physiques, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2149842023-11-05T18:23:52Z2023-11-05T18:23:52Z« L’envers des mots » : Exascale<p>L’exascale est l’aboutissement actuel du long processus d’évolution du calcul sur ordinateur. La performance d’un ordinateur se mesure en nombre d’« opérations flottantes », multiplications et/ou additions, qu’il peut réaliser par seconde et plus précisément, sur les nombres réels codés sur 64 bits. On note Flops/s cette unité.</p>
<p>Sur nos téléphones portables ou ordinateurs personnels, pour naviguer toujours plus rapidement sur Internet ou bien pour visualiser interactivement des vidéos, on compte en milliards d’opérations par seconde (giga). Sur les machines les plus grosses, c’est en puissances de milles. Giga est la troisième puissance (1 000<sup>3</sup> soit 10<sup>9</sup>), puis viennent dans l’ordre tera, peta et exa. Ces préfixes du système international des unités sont des déformations du grec <em>tetra</em>, <em>penta</em> et <em>hexa</em>, elles sont ainsi assez faciles à mémoriser. L’exascale correspond donc à l’échelle des superordinateurs dont la capacité de calcul dépasse 10 puissance 18 Flops/s.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/calcul-haute-performance-et-ordinateurs-superpuissants-la-course-a-l-exascale-194084">Calcul haute performance et ordinateurs superpuissants : la course à l’« exascale »</a>
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<p>Le <a href="https://www.inria.fr/fr/essentiel-calcul-haute-performance-hpc">calcul à haute performance</a> (HPC) vise l’exécution le plus rapidement possible d’applications scientifiques comme la simulation nucléaire ou la météorologie. Les besoins en calcul dépassant les capacités humaines sont apparus pendant la Seconde Guerre mondiale et sont toujours en augmentation depuis, avec la numérisation massive de la société et la mondialisation.</p>
<p>L’histoire du calcul à haute performance a suivi les grandes étapes technologiques depuis l’invention des circuits intégrés au début des années 60 jusqu’aux technologies 5 nanos récentes. Les processeurs vectoriels apparaissent dans les années 70. Ils sont conçus sur un jeu d’instructions réduit qui fonctionne efficacement sur de grandes collections de données homogènes. À partir des années 80, on assiste au développement du parallélisme avec en particulier les multiprocesseurs massivement parallèles, grand nombre d’unités de calcul reliées par des réseaux d’interconnexion sophistiqués.</p>
<p>Vers le milieu des années 90 apparait un autre type de supercalculateurs, basés sur l’idée d’assemblage de matériels généralistes. Poussé à l’extrême, cela a donné naissance au calcul pair à pair où n’importe qui pouvait mettre à disposition sa propre machine connectée à Internet pour contribuer à une expérience scientifique ambitieuse comme le repliement de protéines. <a href="https://datapeaker.com/fr/Big-Data/pourquoi-les-GPU-sont-mieux-adapt%C3%A9s-%C3%A0-l%E2%80%99apprentissage-en-profondeur/">La notion d’accélérateur</a> (co-processeur spécialisé, plus efficace sur un certain type d’opérations) apparaît vers 2000 et prend une dimension cruciale avec les GPUs (processeurs graphiques) à l’origine du développement de l’apprentissage profond en 2013.</p>
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<p>Aujourd’hui, tous les processeurs grand public récents intègrent plusieurs unités dédiées. Les GPUs ont évolué et leur parallélisme poussé les rend très performants pour du <a href="https://cloud.google.com/tpu/docs/tpus?hl=fr">calcul matriciel et tensoriel</a>, spécialisé pour l’apprentissage automatique comme les TPUs de Google.</p>
<p>L’objectif exascale a été atteint en 2022 avec <a href="https://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-top500-frontier-confirme-sa-place-de-supercalculateur-numero-1-90475.html">l’entrée du supercalculateur Frontier en tête du Top500</a>. Il s’agit du classement des 500 systèmes les plus performants au monde. Ce classement est effectué après une préparation minutieuse d’un supercalculateur sur des benchmarks classiques d’algèbre linéaire. Les systèmes HPC les plus puissants ne sont pas tous dans le Top 500. Les grandes entreprises ou les militaires possèdent des systèmes HPC qui n’y figurent pas.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/a-quoi-servent-les-ordinateurs-les-plus-puissants-au-monde-un-exemple-en-cardiologie-195266">À quoi servent les ordinateurs les plus puissants au monde ? Un exemple en cardiologie</a>
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<p>À l’image de la <a href="https://theconversation.com/course-a-lespace-vers-linfini-et-au-dela-191139">conquête spatiale</a>, être parmi les premiers au Top 500 est clairement un enjeu géopolitique, emmené par les États-Unis, pour affirmer la suprématie et la souveraineté technologiques. La France et l’Europe se sont dotées de programmes pour construire leurs propres systèmes exascale.</p>
<p>La question de la consommation électrique des plates-formes HPC à large échelle a toujours été présente, mais elle devient cruciale aujourd’hui avec la lutte contre les émissions carbone qui sont à l’origine de la crise climatique. Certains pensent que la course à la performance peut contribuer à résoudre les défis écologiques actuels, mais des voix de plus en plus nombreuses alertent sur une fuite en avant qui participe à l’accélération incontrôlée et prônent pour un ralentissement, d’autant plus qu’il y a très peu d’applications qui nécessitent vraiment une telle puissance. Dans le débat sur ces deux positions opposées, les politiciens et les technophiles envisagent déjà l’étape suivante du zettascale (septième puissance de 1 000, unité juste après l’exascale, c’est-à-dire 1 000 000 000 000 000 000 000 Flops/s).</p>
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<p><em>Cet article s’intègre dans la série <strong>« L’envers des mots »</strong>, consacrée à la façon dont notre vocabulaire s’étoffe, s’adapte à mesure que des questions de société émergent et que de nouveaux défis s’imposent aux sciences et technologies. Des termes qu’on croyait déjà bien connaître s’enrichissent de significations inédites, des mots récemment créés entrent dans le dictionnaire. D’où viennent-ils ? En quoi nous permettent-ils de bien saisir les nuances d’un monde qui se transforme ?</em></p>
<p><em>De <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-validisme-191134">« validisme »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-silencier-197959">« silencier »</a>, de <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-bifurquer-191438">« bifurquer »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-degenrer-191115">« dégenrer »</a>, nos chercheurs s’arrêtent sur ces néologismes pour nous aider à mieux les comprendre, et donc mieux participer au débat public.</em></p>
<p><em>À découvrir aussi dans cette série :</em></p>
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<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-quantique-196536"><em>« L’envers des mots » : Quantique</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-agnotologie-207441"><em>« L’envers des mots » : Agnotologie</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-neuromorphique-195152"><em>« L’envers des mots » : Neuromorphique</em></a></p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/214984/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Denis Trystram ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En 2022 est apparu le premier supercalculateur « exascale », capable de réaliser un milliard de milliards d’opérations par seconde. La prouesse technologique s’assortit d’enjeux environnementaux.Denis Trystram, Professeur des universités en informatique, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2117842023-09-27T20:13:55Z2023-09-27T20:13:55ZQuelle est la meilleure stratégie pour gagner des enchères ? La réponse des maths et de l’IA<p>Saviez-vous que lorsque vous regardez des films, partagez des photos ou même lisez cet article via votre smartphone, vous utilisiez une denrée très chère et convoitée nommée « fréquence » ? Saviez-vous que cette ressource limitée était vendue sous la forme de bouquets lors d’enchères, comme un Picasso ?</p>
<p>Depuis plus de 20 ans, les opérateurs s’arrachent les fréquences de téléphonie mobile au cours d’enchères sanglantes – la dernière grande en date étant les <a href="https://www.arcep.fr/la-regulation/grands-dossiers-reseaux-mobiles/la-5g.html">enchères 5G en 2020</a>, et <a href="https://www.economie.gouv.fr/numerique-lancement-programme-recherche-reseaux-futur-plateforme-france-6g">celles pour la 6G devraient avoir lieu vers 2030</a>.</p>
<p>En effet, de la même manière qu’un peintre a besoin de plusieurs couleurs afin de dresser ses plus belles toiles, un opérateur mobile a besoin d’une grande palette de fréquences afin d’offrir une bonne qualité de service.</p>
<p>Ces bandes de fréquences sont majoritairement attribuées sous la forme de licences à travers des enchères, véritable champ de bataille de la capacité, du débit et de la couverture mobile. Au vu des sommes d’argent mises en jeu – Orange a déboursé <a href="https://www.arcep.fr/actualites/actualites-et-communiques/detail/n/5g-011020.html">854 millions d’euros</a> pour l’enchère France 5G – ainsi que les implications stratégiques, il est fondamental pour un opérateur mobile d’établir une bonne stratégie d’enchérissement.</p>
<p>De nos jours, ces stratégies se fondent essentiellement sur l’expérience humaine des opérateurs. En s’armant des nouvelles méthodes de l’intelligence artificielle, notamment de l’apprentissage par renforcement, certains opérateurs tentent de calculer la stratégie optimale et ainsi remporter la bataille des fréquences.</p>
<p>Ces 20 dernières années, le mécanisme d’enchère privilégié pour la vente de ces fréquences est le <a href="http://cramton.umd.edu/papers2000-2004/cramton-simultaneous-ascending-auction.pdf"><em>simultaneous ascending auction</em></a> (SAA). Il a par exemple été utilisé pour l’allocation des fréquences 5G en <a href="https://www.bundesnetzagentur.de/EN/Areas/Telecommunications/Companies/FrequencyManagement/ElectronicCommunicationsServices/ElectronicCommunicationServices_node.html">Allemagne</a>, au <a href="https://www.anacom.pt/render.jsp?contentId=1695741">Portugal</a>, en <a href="https://5gobservatory.eu/italian-5g-spectrum-auction-2/">Italie</a> ou au <a href="https://www.ofcom.org.uk/__data/assets/pdf_file/0020/192413/statement-award-700mhz-3.6-3.8ghz-spectrum.pdf">Royaume-Uni</a>, et on pense qu’il jouera un rôle central dans l’attribution des fréquences 6G.</p>
<p>Ses deux créateurs, Robert Wilson et Paul Milgrom, ont reçu le <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/10/13/le-prix-nobel-d-economie-2020-revient-a-des-specialistes-de-la-vente-aux-encheres_6055783_3234.html">prix de sciences économiques de la Banque de Suède en mémoire d’Alfred Nobel en 2020</a>, notamment pour les récompenser de leurs travaux sur le SAA.</p>
<p>Dans la suite de cet article, nous vous expliquons les règles du SAA, ses complexités stratégiques… et la solution que nous proposons pour calculer une bonne stratégie d’enchérissement.</p>
<h2>Les règles d’une <em>simultaneous ascending auction</em></h2>
<p>Ce qui fait sans doute la grande popularité du SAA est la relative simplicité de ses règles. Elle étend l’enchère anglaise à la vente multiobjets.</p>
<p>Majoritairement représentée dans les films pour la vente d’œuvres d’art, par exemple pour des tableaux, l’<a href="https://www.econport.org/econport/request?page=man_auctions_englishauction">enchère anglaise</a> permet la vente d’un seul objet. Les participants soumettent des offres croissantes au cours de l’enchère correspondant au prix auquel ils sont prêts à payer le tableau. À la fin de l’enchère, le tableau est vendu au prix de la dernière offre (donc la plus élevée) à celui l’ayant soumise.</p>
<p>Le SAA correspond à la vente simultanée de plusieurs objets via des enchères anglaises séparées et concurrentes (une enchère anglaise pour chaque objet). Le SAA se déroule en plusieurs tours. Chaque tour, les participants soumettent leurs offres simultanément sur chaque objet. À la fin de chaque tour, le gagnant temporaire de chaque objet est annoncé. Si plusieurs participants soumettent simultanément la même meilleure offre, le gagnant temporaire de l’objet est tiré aléatoirement parmi eux. Toutes les enchères anglaises se clôturent en même temps, lorsqu’aucune nouvelle offre n’a été soumise pendant un tour.</p>
<p>Une variante de ce mécanisme d’enchères SAA s’appelle <em>simultaneous clock auction</em>, qui a souvent été utilisé pour attribuer les <a href="https://core.ac.uk/download/pdf/6960638.pdf">marchés de l’électricité et les quotas d’émissions de CO₂</a>, entre autres.</p>
<h2>Le problème d’exposition</h2>
<p>Malgré la simplicité de ses règles, plusieurs complexités stratégiques émanent du SAA. La plus problématique est le <a href="https://www.zora.uzh.ch/id/eprint/99570/2/0B2gZChEx0Cn_ZjRWOTE5VURIdFE.pdf">problème d’exposition</a>.</p>
<p>Illustrons ce problème par un exemple simple. Supposons une vente aux enchères de tubes de peinture. J’aimerais pouvoir peindre un ciel bleu avec des nuages. Il faut alors que j’acquière deux tubes : un de couleur bleue et l’autre de couleur blanche. L’enchère se passe mal et je finis par n’acquérir qu’un tube de couleur blanche mais pas de peinture bleue car les tubes étaient plus chers qu’estimés. J’aurais donc dépensé une grande partie de mes économies pour peindre uniquement en blanc sur une toile blanche, ce qui me limite grandement artistiquement. Cette situation où l’on se retrouve à payer trop cher certaines couleurs car on espérait remporter d’autres couleurs complémentaires correspond au problème d’exposition.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Similairement aux couleurs, les bandes de fréquences admettent aussi des complémentarités. Par exemple, les fréquences basses peuvent transmettre de l’information sur de plus grandes distances et traverser des obstacles denses plus facilement que les fréquences hautes. Cependant, elles offrent un débit plus faible. Afin d’offrir une bonne qualité de service, il est donc essentiel pour un opérateur d’avoir ces deux bandes de fréquences.</p>
<p>Ce risque d’exposition est d’autant plus inquiétant pour les opérateurs qu’une enchère de spectre (comme ce fut le cas des enchères 5G en France) se déroule généralement qu’une fois, ne laissant pas de place à l’erreur.</p>
<h2>Modéliser ce processus d’enchères SAA grâce aux arbres de décision</h2>
<p>Afin de calculer la meilleure stratégie d’enchérissement possible, nous modélisons le SAA sous la forme d’un arbre de décision.</p>
<p>Cet arbre comporte deux types de nœuds : les « nœuds de décisions » et les « nœuds chances ». À chaque nœud de décision, un participant doit soumettre une unique offre parmi plusieurs possibles, chacune représentée par une arête sortante.</p>
<p>Afin de conserver l’aspect simultané de l’enchère au sein de l’arbre de décision, il ne faut pas qu’un participant puisse connaître les arêtes déjà sélectionnées dans l’arbre (les offres déjà soumises par les concurrents) au cours d’un même tour avant la fin de celui-ci. À la fin d’un tour, les <a href="http://cramton.umd.edu/papers2000-2004/cramton-simultaneous-ascending-auction.pdf">offres de tous les participants sont généralement dévoilées</a>. L’information dont dispose un participant doit donc rester la même au long d’un tour d’enchère, et évolue à la fin du tour.</p>
<p>Pour modéliser cette incertitude, on utilise la notion d’ensemble d’information. Un tel ensemble regroupe des états potentiels dans lesquels se trouve l’enchère du point de vue d’un participant. Les « nœuds chance », quant à eux, représentent les tirages aléatoires en cas d’égalité des plus grandes offres soumises. Nous représentons ci-dessous un exemple d’arbre de décision entre trois opérateurs français.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/543961/original/file-20230822-27-ko8wn3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/543961/original/file-20230822-27-ko8wn3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543961/original/file-20230822-27-ko8wn3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543961/original/file-20230822-27-ko8wn3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543961/original/file-20230822-27-ko8wn3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543961/original/file-20230822-27-ko8wn3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=409&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543961/original/file-20230822-27-ko8wn3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=409&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543961/original/file-20230822-27-ko8wn3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=409&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Représentation d’une SAA pour 2 licences entre 3 opérateurs français. Chaque arête sortante d’un nœud de décision représente une offre possible pour les deux licences. Par exemple, une offre (1,2) signifie qu’un opérateur mise 1 million sur la première licence et 2 millions sur la deuxième. Chaque arête sortante d’un nœud chance représente un tirage aléatoire. Par exemple, si le tirage annonce (O, F) alors la première licence est temporairement remportée par Orange et la deuxième par Free. Le chemin en bleu représente un scénario possible de premier tour de SAA : Orange mise 10 millions sur la première licence et 5 millions sur la deuxième, SFR mise 5 millions sur chacune des deux licences et Free mise 5 millions sur la première licence. Orange remporte temporairement la première licence car il a soumis la plus grande offre dessus. Pour la deuxième licence, Orange et SFR ont tous les deux soumis 5 millions dessus. Un tirage aléatoire a lieu et SFR remporte temporairement la seconde licence.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alexandre Pacaud</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<h2>Calcul de la stratégie d’enchérissement par l’IA</h2>
<p>L’idéal serait de pouvoir explorer l’intégralité de l’arbre de décision. Cependant, cela est impossible car il est beaucoup trop grand. Par exemple, l’arbre de décision correspondant à l’enchère 5G en <a href="https://5gobservatory.eu/italian-5g-spectrum-auction-2/">Italie</a> en 2018 comporte au moins 10<sup>35</sup> nœuds et 10<sup>2470</sup> branches. Cela est énorme si on compare au nombre d’atomes dans l’univers qui est « juste » de 10<sup>80</sup> !</p>
<p>Pour pallier ce problème, on ne va explorer qu’une petite partie de l’arbre de décision : cette partie est appelée « arbre de recherche ». On la construit itérativement à travers une méthode appelée <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Recherche_arborescente_Monte-Carlo"><em>Monte Carlo Tree Search</em></a> ou <a href="https://towardsdatascience.com/monte-carlo-tree-search-an-introduction-503d8c04e168">MCTS pour faire court</a> – c’est notamment sur cette méthode que repose le fameux algorithme <a href="https://www.rose-hulman.edu/class/cs/csse413/schedule/day16/MasteringTheGameofGo.pdf">AlphaGo</a> qui a battu <a href="https://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-alphago-vs-lee-sedol-l-homme-perd-la-1ere-manche-face-a-google-deepmind-64148.html">Lee Sedol</a>, le meilleur joueur du monde de Go, en 2016.</p>
<p>Le MCTS est un algorithme d’apprentissage par renforcement – une des branches principales de l’IA et une forme d’apprentissage qui est incontournable pour l’apprentissage dans le domaine mathématique des jeux. Elle combine les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9thode_de_Monte-Carlo">méthodes standards de Monte-Carlo</a> avec les <a href="https://www.cs.swarthmore.edu/%7Emeeden/cs63/f11/russell-norvig-ch5.pdf">méthodes traditionnelles de recherche dans les jeux avec des adversaires</a>.</p>
<p>La première méthode permet d’estimer différents indicateurs de performance (tel que le gain espéré, c’est-à-dire la valeur des licences obtenues moins le prix final estimé de celles-ci) sur le placement de chaque offre par un opérateur à un nœud de décision spécifique de l’arbre de recherche. Ces indicateurs sont calculés grâce à de nombreuses simulations d’enchères (des enchères SAA sont jouées en simulant un certain comportement pour chaque opérateur) et des méthodes statistiques.</p>
<p>La seconde méthode permet d’élargir l’arbre de recherche en se focalisant sur les parties de l’arbre de jeu qui sont pertinentes par rapport à l’estimation faite des différents indicateurs de performance (par exemple, se concentrer sur les parties de l’arbre de jeu qui maximise les gains des différents opérateurs). Ceci permet de construire un arbre de recherche qui explore essentiellement les parties prometteuses de l’arbre de jeu.</p>
<p>Après quelques millions d’itérations, nous sélectionnons l’offre qui maximise un indicateur intégrant à la fois le gain espéré et les risques d’exposition encourus. La solution trouvée ainsi n’est pas forcément la meilleure solution, mais une bonne solution.</p>
<p>En fait, pour ce type de problèmes de la théorie des jeux, il est <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Concept_de_solution">très difficile de définir mathématiquement ce qu’est la « meilleure » solution</a> !</p>
<p>Notre <a href="https://arxiv.org/abs/2307.11428">algorithme a obtenu des résultats prometteurs</a> : il permet en effet à un opérateur d’obtenir un plus grand gain tout en prenant moins de risques que les algorithmes existants. L’article est en cours de revue par les pairs.</p>
<p>Autrement dit, notre algorithme suggère de ne pas nécessairement enchérir sur la plus belle palette de fréquences mais sur celle, compte tenu de l’estimation des préférences adverses, qu’on pourrait avoir au meilleur prix.</p>
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<p><em>Cet article est publié en partenariat avec le laboratoire d’Orange Innovation.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211784/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandre Pacaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les fréquences de téléphonie se vendent par « bouquets » pour des centaines de millions d’euros.Alexandre Pacaud, Doctorant en Apprentissage par Renforcement, Théorie des Jeux, Enchères, Orange Innovation, Télécom Paris – Institut Mines-TélécomLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2119392023-09-14T17:30:04Z2023-09-14T17:30:04ZEn maths, les évaluations de primaire favorisent-elles les inégalités de genre ?<p>Les ministres de l’Éducation nationale se succèdent, mais les évaluations nationales en mathématiques et en Français réalisées en début d’année à différents niveaux de scolarité (CP, CE1, sixième, seconde, 1<sup>e</sup> année de CAP) se poursuivent. En 2023, elles se déroulent du 11 au 22 septembre et sont même étendues, pour cette rentrée scolaire, à de <a href="https://eduscol.education.fr/3836/les-evaluations-nationales-de-quatrieme">nouveaux niveaux</a> (CM1, 4<sup>e</sup>).</p>
<p>Les enjeux restent les mêmes : fournir aux enseignants des <a href="https://www.education.gouv.fr/l-evaluation-des-acquis-des-eleves-du-cp-au-lycee-12089">repères des acquis de leurs élèves</a>, doter les « pilotes » de proximité d’indicateurs leur permettant d’établir un diagnostic local et d’adapter leur politique éducative et, enfin, disposer d’indicateurs permettant de mesurer, au niveau national, les performances du système éducatif (évolutions temporelles et comparaisons internationales).</p>
<p>Ces évaluations font l’objet de <a href="https://www.education.gouv.fr/evaluations-point-d-etape-mi-cp-2022-2023-en-francais-les-eleves-reviennent-au-niveau-de-2020-alors-378557"><em>Notes de synthèse</em> publiées par la DEPP</a>, qui mettent en avant les résultats spécifiques de chaque année, mais aussi leur évolution dans le temps. Le <a href="https://www.reseau-canope.fr/fileadmin/user_upload/Projets/conseil_scientifique_education_nationale/Note_CSEN_2021_03.pdf">CSEN (Conseil Scientifique de l’Éducation Nationale)</a> produit également des analyses de ces évaluations et propose des pistes de remédiation et des recommandations. <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/08/31/mathematiques-a-l-ecole-comment-l-ecart-de-niveau-entre-filles-et-garcons-se-creuse-des-le-cp_6139583_4355770.html">Ces résultats sont également médiatisés</a> et génèrent souvent, le temps de leur publication, des débats sur les chaines de télévision ou sur les radios.</p>
<h2>Entre septembre et janvier, des écarts entre les résultats des filles et des garçons</h2>
<p>Concernant les évaluations de début d’école élémentaire (CP et CE1), un triste constat est établi depuis quelques années : les résultats des filles en mathématiques à la mi-CP (janvier) s’écartent négativement de ceux des garçons alors même que, quelques mois auparavant, ceux de l’évaluation d’entrée au CP (septembre) ne révélaient aucun écart. Ces écarts se poursuivent, de manière encore plus marquée, au début du CE1.</p>
<p>Ce constat récurrent est surprenant car de nombreux travaux (<a href="https://www.education.gouv.fr/cycle-des-evaluations-disciplinaires-realisees-sur-echantillon-cedre-en-fin-d-ecole-et-fin-de-2870">CEDRE</a>, <a href="https://www.education.gouv.fr/timss-evaluer-les-competences-des-eleves-de-cm1-et-de-4e-en-mathematiques-et-en-sciences-308600">TIMSS</a>) ayant mis en évidence des écarts de performance en mathématiques entre filles et garçons les ont plutôt situés à la fin de l’école élémentaire, qu’au début (seule <a href="https://www.elfe-france.fr/fr/resultats/sciences-sociales/lecart-de-reussite-en-mathematiques-entre-les-filles-et-les-garcons-est-inexistant-avant-le-cours-preparatoire">l’étude Elfe</a> a dernièrement révélé des écarts de performance en mathématiques au CP).</p>
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<p>Ce qui interpelle, c’est qu’entre le début de CP (septembre), où aucun écart de résultats entre les filles et les garçons n’est constaté et la mi-CP (janvier), où des écarts apparaissent, seulement quatre mois se sont écoulés. Comment est-il possible qu’en seulement quatre mois de fréquentation d’école élémentaire, les filles aient de moins bonnes performances en mathématiques que les garçons ?</p>
<p>Quelles peuvent être les causes de <a href="https://www.education.gouv.fr/evaluations-2023-point-d-etape-cp-357824">ces écarts constatés à chaque cohorte d’élèves</a> entrant à l’école élémentaire depuis 2018 ? Et quelles peuvent être les conséquences de leur large diffusion auprès des élèves, des parents et des enseignants car, comme s’interrogeait déjà Charles Hadji en 2020 sur The Conversation, <a href="https://theconversation.com/ecole-evaluations-nationales-est-ce-le-bon-moment-145969">« dans quelle mesure ces évaluations de début d’année peuvent être bénéfiques, pour qui, et de quel point de vue »</a> ?</p>
<h2>Pression évaluative et stéréotypes de genre</h2>
<p>Pour comprendre ce triste constat, on ne peut se contenter de l’appréhender de manière simpliste car il résulte d’une conjonction de facteurs qui interagissent entre eux à un moment scolaire très spécifique : l’entrée à la « grande école ». Pour le CSEN « c’est bien la scolarisation, et non l’âge, qui cause cet écart », mais qu’y a-t-il derrière cette « scolarisation » et doit-on incriminer une seule cause ?</p>
<p>Plusieurs pistes peuvent être avancées pour comprendre ce décrochage précoce des filles. D’abord, les filles intègreraient plus rapidement que les garçons les codes scolaires de la « grande école » avec cette pression évaluative qui est caractéristique de l’école française. Plus sensibles à cette pression à partir de l’évaluation de mi-CP, elles réussiraient donc moins bien. Cette pression pourrait être plus forte à la mi-CP et au CE1 qu’au début du CP où les enseignants, conscients d’accueillir des « petits de maternelle », seraient plus attentifs à créer un climat d’évaluation non anxiogène.</p>
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<p>Par ailleurs, la nature et le protocole de passation sont à questionner dans la mesure où certains exercices proposés dans ces évaluations pourraient également contribuer à angoisser davantage certains élèves du fait de leur caractère inédit à l’école primaire (par exemple, une série de 15 calculs à effectuer en 7 minutes).</p>
<p>Autre piste à considérer : la question de la <a href="https://theconversation.com/a-quel-age-les-enfants-developpent-ils-leur-identite-de-genre-57142">construction de l’identité genrée</a> des élèves doit également être considérée car, même si elle est d’une grande variabilité selon les élèves et les contextes sociaux et familiaux, on sait que très tôt (vers 2-3 ans), les enfants sont capables de s’identifier en tant que fille ou garçon et que vers 6-7 ans, ils/elles seraient en mesure de reconnaitre le caractère immuable de l’appartenance à un groupe de sexe.</p>
<p>On pourrait donc penser que les filles, conscientes d’appartenir à un groupe qui subit le <a href="https://theconversation.com/maths-a-lecole-dou-vient-le-probleme-191691">stéréotype prégnant de prédominance masculine en mathématique</a>, seraient sous la « menace du stéréotype » qui en découle et pourraient ainsi sous-performer aux évaluations de mathématiques à partir de la mi-CP où elles ont toutes au moins 6 ans.</p>
<p>Une troisième piste est enfin à envisager. Dans les années 90, les travaux de <a href="https://www.travail-genre-societes.com/comite-de-redaction/nicole-mosconi/">Nicole Mosconi</a> et ceux de <a href="https://www.sciencespo.fr/osc/fr/node/1352.html">Marie Duru-Bellat</a> ont montré que les différences de performance entre les filles et les garçons en mathématiques ne pouvaient s’expliquer sans prendre en compte ce qui se passait dans les classes, et notamment la façon dont les enseignants y faisaient vivre les mathématiques. On pourrait donc également supposer que les pratiques des enseignants de CP et de CE1, empreintes inconsciemment de stéréotypes sexués, contribueraient à rendre les filles moins sûres d’elles en mathématiques et donc à les faire moins bien réussir, dès quelques mois d’école élémentaire.</p>
<h2>Les effets de communication des résultats des évaluations</h2>
<p>Pour tenter d’enrayer ce décrochage précoce des filles, il convient également, au-delà des pistes de compréhension évoquées ci-dessus, de s’intéresser à la communication qui en est faite.</p>
<p>Alors que les constats de prédominance masculine en mathématiques ne font, scientifiquement, pas l’unanimité (une <a href="https://psycnet.apa.org/record/2010-22162-004">méta-analyse américaine portant sur 242 études publiées entre 1990 et 2007</a>, et concernant 1 286 350 individus a montré que les filles et les garçons avaient des performances similaires en mathématiques), une communication excessive de l’institution scolaire et des médias pourrait s’avérer encore plus préjudiciable à la réussite des filles en mathématiques en posant comme un fait avéré et prouvé que les filles réussiraient moins bien en mathématiques que les garçons dès le plus jeune âge et donc fatalement pour toute leur scolarité.</p>
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<a href="https://theconversation.com/maths-a-lecole-dou-vient-le-probleme-191691">Maths à l’école : d’où vient le problème ?</a>
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<p>Un cercle vicieux fatalement défavorable aux filles en mathématiques se développerait alors : plus le stéréotype de suprématie des garçons en mathématiques serait conforté par des résultats à des évaluations standardisées en mathématiques, plus il engendrerait des comportements de menace du stéréotype de la part des filles et des attitudes ou pratiques inégalitaires de la part des enseignants, parents et institutionnels et <em>in fine</em>, aboutirait à des résultats encore plus différenciés entre les filles et les garçons en mathématiques.</p>
<p>Or, les évaluations standardisées ne sont que des photographies des connaissances des élèves prises à un instant T, sous un angle µ. Il serait dommageable, voire fatal, pour la réussite de tous les élèves, de les prendre pour un reflet exact de leurs connaissances.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211939/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Sayac ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que se déroulent les évaluations nationales de primaire, regard sur les écarts de performances qui apparaissent très tôt entre filles et garçons. Quelles sont leurs causes et conséquences ?Nathalie Sayac, Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2115672023-08-31T13:26:20Z2023-08-31T13:26:20ZChatGPT, allié ou adversaire pour l’enseignement des sciences et des mathématiques ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/543844/original/file-20230822-29-42nl8v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C6%2C2038%2C2038&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les enseignants et professeurs de sciences et de mathématiques ne sont pas à l'abri des enjeux pédagogiques qui découlent du déferlement de la récente vague d'IA.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Patrick Charland), Image générée sur leonardo.ai</span></span></figcaption></figure><p>L’arrivée de ChatGPT a causé bien des remous dans le milieu de l’enseignement. Des <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1983789/robot-intelligence-artificielle-cegep-plagiat">cas de fraudes académiques et de plagiat ont été rapportés</a>, notamment dans certains départements de littérature et de communication. Ce type d’outil permet en effet de générer, en quelques mots, des essais et des dissertations.</p>
<p>Mais ce n’est pas tout.</p>
<p>Les robots conversationnels ont obtenu des résultats impressionnants à différents tests standardisés, tels que l’<a href="https://journals.plos.org/digitalhealth/article?id=10.1371/journal.pdig.0000198">examen de licence médicale des États-Unis</a> ou celui du <a href="https://www.forbes.com/sites/johnkoetsier/2023/03/14/gpt-4-beats-90-of-lawyers-trying-to-pass-the-bar/?sh=40103ae83027">Barreau</a>.</p>
<p>Du côté des disciplines nécessitant l’utilisation des mathématiques, leurs performances étaient initialement perçues comme assez <a href="https://arxiv.org/pdf/2302.03494.pdf">faibles</a>.</p>
<p>Toutefois, avec la récente mise à jour permettant l’accès à l’extension <a href="https://research.aimultiple.com/chatgpt-code-interpreter/"><em>Code interpreter</em></a>, renommée cette semaine <em>Advanced data Analysis</em>, ChaptGPT Plus (version payante offerte par <a href="https://openai.com/blog/chatgpt-plugins">OpenAI</a>) est soudainement devenu très puissant dans le domaine du calcul, du raisonnement et de la résolution de problèmes. Disponible depuis juillet 2023, cette extension donne à l’IA la capacité de formuler et d’exécuter du code informatique. En d’autres termes, cette extension lui permet d’effectuer différentes opérations mathématiques, de traiter des données et de transformer des fichiers.</p>
<p>En cette rentrée scolaire 2023, les enseignants et professeurs de sciences et de mathématiques ne sont donc pas à l’abri des enjeux pédagogiques qui découlent du déferlement de la récente vague d’IA. </p>
<p>Combinant nos expertises en éducation et en technologies de l’information, nous discuterons des avantages et des défis de l’utilisation de ChatGPT pour la résolution de problèmes dans le milieu de l’enseignement. </p>
<h2>Un puissant outil pour la résolution de problèmes</h2>
<p>Pour mieux en saisir les impacts potentiels en salle de classe, nous avons testé les capacités de l’extension <em>Code interpreter/Advanced data analysis</em> de ChatGPT en matière de résolution de problèmes. </p>
<p>Ainsi, nous avons choisi des problèmes relativement complexes de 5<sup>e</sup> secondaire en physique, en chimie et en mathématiques. Pour réaliser ce test, nous avons comparé les solutions élaborées par ChatGPT à celles proposées par <a href="https://www.alloprof.qc.ca/"><em>AlloProf</em></a>, une référence incontournable en matière de soutien aux élèves. Nous avons essentiellement copié-collé les énoncés de divers problèmes et avons laissé l’algorithme faire le travail.</p>
<p><em>Résultats ?</em> La capacité de résolution de problème de la nouvelle version de ChatGPT Plus est… impressionnante. Systématiquement, le robot reformule sa compréhension du problème, et explique ensuite la démarche qu’il compte utiliser, en séparant souvent le problème en diverses étapes. Il résout ensuite le problème en effectuant les divers calculs associés aux données initiales qui lui ont été soumises. Dans les tests effectués, sur des problèmes somme toute classiques, nous n’avons décelé absolument aucune erreur du robot dans sa résolution des problèmes proposés sur le site <em>Alloprof</em> ! </p>
<h2>Des exemples pour le moins impressionnants !</h2>
<p>En physique, nous avons commencé nos tests avec un <a href="https://www.alloprof.qc.ca/fr/eleves/bv/physique/les-forces-centripete-et-centrifuge-p1020">problème simple de calcul de la force centripète</a>, qui implique tout de même d’effectuer des changements d’unités dans les données initiales. <a href="https://chat.openai.com/share/c32fbd19-9da2-424a-8b88-50b087b50f6d">ChatGPT comprend bien le problème</a>, explique clairement sa démarche et procède aux divers calculs nécessaires. </p>
<p>Nous avons également testé ses capacités dans un <a href="https://chat.openai.com/share/9538b188-459a-4dbd-8897-5132bd3a4bba">problème sur la Loi de Hooke</a> (équation du ressort), ou <a href="https://chat.openai.com/share/b1d08c16-3715-4eef-b66a-95a3431116ee">sur les lois de Kirchhoff</a> qui régissent la conservation de l’énergie dans un circuit électrique. Mêmes résultats.</p>
<p>Pour aller encore plus loin après avoir résolu un <a href="https://www.alloprof.qc.ca/fr/eleves/bv/physique/le-mouvement-de-projectile-p1012">problème de calcul de trajectoire oblique d’une balle de golf</a>, nous avons demandé à ChatGPT de réaliser un environnement virtuel interactif permettant de mieux visualiser le problème. Le robot nous a d’abord guidés dans l’installation de diverses bibliothèques de code informatique préconstruites. Puis, nous amenant dans l’environnement « Jupyter Notebook », il a <a href="https://chat.openai.com/share/18d08eca-6a8c-4d60-9d80-359c08bbb669">programmé un script</a> permettant de créer un simulateur interactif où des curseurs aident à mieux comprendre l’effet de la variation de divers paramètres (comme l’angle ou la vitesse initiale) sur la trajectoire du projectile.</p>
<p>En chimie, ChatGPT performe également très bien, que ce soit dans des problèmes de <a href="https://chat.openai.com/share/8297e09a-a7f0-46e4-85a5-ee9bc2cad54d">chaleur molaire de dissolution</a>, de <a href="https://chat.openai.com/share/c3b51730-5797-4206-8f7f-5cdfcd179896">constante de basicité</a>, <a href="https://chat.openai.com/share/0e38638c-81e9-4bcf-aeb7-dfe1a7f542a7">d’énergie de combustion</a> et même de <a href="https://chat.openai.com/share/63a732e1-b183-4976-bab8-c26a1b01e8cf">balancement d’équations</a>. Encore une fois, les explications permettent de bien comprendre toutes les étapes de la résolution de chacun des problèmes. </p>
<p>En mathématiques, que ce soit avec le « Code interpreter/Advanced data analysis » ou même avec le puissant <em>plugin</em> <a href="https://www.wolfram.com/wolfram-plugin-chatgpt/">« Wolfram »</a>, le robot semble pouvoir résoudre à peu près n’importe quel calcul. Il dispose également de capacités graphiques, affichant les solutions, par exemple le sommet et les zéros d’une équation quadratique. </p>
<h2>ChatGPT et l’apprentissage des mathématiques et des sciences</h2>
<p>Devant les développements fulgurants des algorithmes d’IA, une réflexion pédagogique doit certainement s’effectuer sur les manières de les utiliser, ou non, en salle de classe. </p>
<p>Un <a href="https://www.unesco.org/gem-report/en">rapport récent de l’Unesco</a> en appelle d’ailleurs à utiliser l’IA avec précaution et à mener diverses études pour déterminer si ces outils peuvent avoir des impacts réellement positifs dans l’apprentissage. À l’heure actuelle, on ne dispose que de très peu de données quant à l’effet des robots conversationnels sur les apprentissages à long terme. </p>
<p>En même temps, il ne faut pas se leurrer : qu’on le veuille ou non, les étudiants finiront par l’utiliser. </p>
<p>Ainsi, nous estimons que les acteurs des systèmes scolaires doivent absolument en explorer les capacités pour, notamment, réfléchir à leurs pratiques évaluatives. Cette exploration nécessite cependant des moyens : offrir des formations diverses en littératie de l’IA et rendre disponibles certaines licences d’accès à ces algorithmes.</p>
<h2>L’IA comme tuteur dans la résolution de problème ?</h2>
<p>Au-delà des réserves exprimées, plusieurs voient aussi dans ces technologies diverses opportunités pour soutenir les élèves et le personnel enseignant. C’est d’ailleurs la perspective empruntée par la Khan Academy, une organisation à but non lucratif qui a produit des milliers de courtes leçons sous forme de vidéos, et qui vient de développer son propre robot conversationnel, <a href="https://www.khanacademy.org/khan-labs">« Khanmigo »</a>, spécifiquement dédié au secteur de l’éducation. Plutôt que de préconiser une approche superficielle visant à essentiellement à se servir de l’IA pour obtenir la solution à un problème, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=rnIgnS8Susg">Khanmigo inverse les rôles</a> et se place dans le rôle d’un tuteur visant le meilleur apprentissage pour l’élève. </p>
<p>Dans la même perspective, nous avons demandé à ChatGPT de jouer le rôle d’un tuteur pour nous accompagner dans la résolution de certains problèmes présentés précédemment. Une <a href="https://chat.openai.com/share/9252875c-7300-4159-88fb-7115334a8268">conversation pédagogique</a> s’est alors engagée avec ce le robot-tuteur, qui nous a soutenus par diverses questions jusqu’à la fin du problème. On lui a également demandé de nous donner des problèmes semblables pour qu’il puisse valider notre apprentissage.</p>
<p>Par ailleurs, ChatGPT peut également servir de ressource aux parents pouvant se sentir démunis face à des devoirs devenant de plus en plus complexes au secondaire. Considérant que (les <a href="https://openai.com/policies/terms-of-use">conditions d’utilisation de ChatGPT-4 impliquent l’encadrement d’un parent)</a>, c’est le parent qui peut utiliser ChatGPT pour soutenir son enfant. Cette utilisation de l’IA étend donc son rôle au-delà de la salle de classe, offrant un soutien supplémentaire aux acteurs entourant l’élève, et renforçant son potentiel en tant qu’allié dans l’apprentissage. </p>
<p>Nos travaux de recherche et ceux de nos collègues permettront, dans le futur, de mieux comprendre les avantages, les inconvénients, les opportunités et les défis de l’IA à l’école. </p>
<p>De notre pointe de vue, l’intégration de l’IA en éducation doit s’accompagner d’une conversation ouverte, transparente et bienveillante avec les élèves.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211567/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrick Charland est financé par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH), IVADO, le Fonds de recherche du Québec - Société culture (FRQSC) et le Bureau International d'Éducation de l'UNESCO (IBE-UNESCO).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Hugo G. Lapierre a reçu des financements du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, du Fonds de recherche du Québec - Société culture.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre-Majorique Léger est financé par IVADO, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, Prompt et Fonds de recherche du Québec. Alloprof est un partenaire de recherche de la Chaire en expérience utilisateur dont il est le titulaire.</span></em></p>L’utilisation de ChatGPT en milieu scolaire ne représente pas uniquement un enjeu pour l’enseignement du français. Les enseignants de sciences et de mathématiques doivent également s’y adapter.Patrick Charland, Professeur titulaire / Full professor, Département de didactique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Hugo G. Lapierre, Chargé d'enseignement à l'Université de Montréal, Université de MontréalPierre-Majorique Léger, NSERC-Prompt Industrial Research Chair in User Experience and Full Professor of IT, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2027962023-07-12T15:41:55Z2023-07-12T15:41:55ZEst-il vrai que l’on peut voir le mont Blanc depuis la tour Eiffel ?<p>Du haut de ses 4810 m, le mont Blanc est le plus haut sommet de France et d’Europe occidentale. Il est visible depuis plusieurs villes de l’est, de la France, de Suisse et d’Italie. Une légende urbaine prétendait même qu’il était visible depuis le sommet de la tour Eiffel par temps clair.</p>
<p>Le problème de la visibilité d’une structure, d’un monument où d’une montagne est en première approximation assez simple moyennant certaines conditions et hypothèses. La première est bien sûr de ne pas avoir d’obstacle entre l’observateur et l’objet observé. Une autre hypothèse, et l’on verra qu’elle n’est pas si évidente, est que la lumière se déplace en ligne droite. Enfin, nous admettons que nous sommes à la surface d’une planète sphérique de rayon R=6 371 km.</p>
<h2>Une application du théorème de Pythagore</h2>
<p>Sachant que l’on cesse de voir un objet lorsque celui-ci disparaît sous la ligne d’horizon, il est très simple de calculer la distance maximale D à laquelle on peut voir un objet de hauteur h en utilisant le théorème de Pythagore. Rappelons que ce fameux théorème nous dit que dans un triangle rectangle, le carré de l’hypoténuse est égal à la somme des carrés des deux autres côtés. Or, dans le cas d’un objet éloigné vu par un observateur sur l’horizon, on note que le centre de la Terre, la position de l’observateur et celle de l’objet observé forment un triangle rectangle dont l’hypoténuse est R+h tandis que les deux autres côtés ont pour longueurs respectives R et D comme indiqué sur la figure ci-dessous.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/536997/original/file-20230712-21-k4155g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536997/original/file-20230712-21-k4155g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536997/original/file-20230712-21-k4155g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536997/original/file-20230712-21-k4155g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536997/original/file-20230712-21-k4155g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536997/original/file-20230712-21-k4155g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536997/original/file-20230712-21-k4155g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Théorème de Pythagore dans un triangle rectangle formé par le centre de la Terre, la position de l’observateur et l’objet à observer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Karl Joulain</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’application du théorème de Pythagore permet de calculer la distance maximale de visibilité d’un objet à la surface de la Terre comme étant égale à D=√(2Rh+h<sup>2</sup>) se réduisant même à √2Rh lorsque la hauteur de l’objet considéré est négligeable devant le rayon de la Terre, ce qui est très souvent le cas.</p>
<p>Calculons maintenant quelques distances de visibilité typiques. Un être humain d’1m80 peut typiquement être vu jusqu’à 4,79km. Notons également que c’est la distance maximale à laquelle des yeux situés à 1m80 du sol peuvent voir en l’absence d’obstacle. La cathédrale de Chartres est bien visible de la plaine de la Beauce. Sa flèche située à 113m de haut et le faitage du toit de sa nef situé à 51m sont visibles respectivement à 37,9 km et 25,5 km. La tour Eiffel haute de 324 m est visible à 64,2 km et le mont Blanc à 247,5 km.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/536999/original/file-20230712-29-8t8r71.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/536999/original/file-20230712-29-8t8r71.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536999/original/file-20230712-29-8t8r71.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536999/original/file-20230712-29-8t8r71.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536999/original/file-20230712-29-8t8r71.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536999/original/file-20230712-29-8t8r71.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536999/original/file-20230712-29-8t8r71.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536999/original/file-20230712-29-8t8r71.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Objet d’une hauteur h2 vue par un observateur situé à une hauteur h1.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Karl Joulain</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Le fait d’être soit même en hauteur permet bien entendu d’augmenter la distance à laquelle on peut voir un objet. Si on observe d’une hauteur h1 un objet situé à une hauteur h2, alors la distance d’où on pourra voir l’objet sera égale à la somme de la distance d’où on peut voir l’objet (en h2) au niveau du sol avec la distance d’où on peut voir la hauteur h1 au niveau du sol. On a alors D=D1+D2=√(2Rh1)+√(2Rh2) (Figure ci-dessus)</p>
<h2>Quand la lumière ne se propage pas en ligne droite</h2>
<p>Si on ajoute la distance à laquelle on peut voir la tour Eiffel à la distance à laquelle on peut voir le mont Blanc, on obtient une distance de 311,7 km. Si ces deux points étaient éloignés d’une distance inférieure à cette valeur, on pourrait voir le mont Blanc de la tour Eiffel. Une correction supplémentaire doit cependant être prise en compte dans certaines conditions. En effet, le fait que la température de l’air diminue avec l’altitude fait que les propriétés optiques de l’air varient et que la lumière ne se propage plus exactement en ligne droite.</p>
<p>Dans des conditions où la différence de température est particulièrement marquée et pour des objets de plusieurs kilomètres comme des massifs montagneux, les rayons sont déviés par l’atmosphère d’un angle α d’environ un demi-degré. À la surface d’une planète sphérique, cette déviation se traduit par une distance supplémentaire égale à Rα= 55 km.</p>
<p>Compte tenu du fait que la distance du mont Blanc à Paris est égale à 475,7 km, on remarque donc qu’il n’est pas possible de voir cette montagne depuis la tour Eiffel. En revanche, en raison de cette déviation des rayons lumineux par l’atmosphère, on peut en principe voir le mont Blanc jusqu’à 302km c’est-à-dire jusqu’à Clermont (295km) Marseille (302km), Nîmes (295 km) mais pas Strasbourg (314km).</p>
<p>Pour avoir précisément les zones de visibilité du mont Blanc, il faut tenir compte des obstacles sur la ligne de visée. En utilisant un modèle numérique de terrain, il est possible avec certains logiciels de calculer les zones d’ombres en plaçant dans ce modèle une source de lumière au sommet de Mont-Blanc. La géographe Claire Medici a effectué ce calcul qui peut être visualisé <a href="https://cartographisme.com/MB.html">ici</a>. Le résultat est saisissant et montre que le mont Blanc est visible de nombreuses régions allant du plateau de Langres aux Cévennes, au Puy-de-Dôme et à la plaine du Pô en passant par les Monts du Lyonnais et les massifs des Vosges et du Jura.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202796/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Karl Joulain ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Grâce au célèbre théorème de Pythagore, il est possible de calculer facilement de quel point en France il est possible de voir le mont Blanc.Karl Joulain, Professeur de physique et d'énergétique. Institut P' CNRS UPR3346., Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2081262023-07-11T19:23:45Z2023-07-11T19:23:45ZUn feu d’artifice de galaxies pour mieux comprendre l’univers<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/532903/original/file-20230620-5944-b5ym4j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C1819%2C1108&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les trajectoires de galaxies au fil de l'évolution de l'univers semblent dessiner un feu d'artifice (ici, il s'agit d'un modèle numérique avec des données artificielles).</span> <span class="attribution"><span class="source">Bruno Lévy, Inria</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Ceci n’est pas une photo des traditionnels feux d’artifice du mois de juillet, mais celle d’un autre « bang », autrement spectaculaire. Vous voyez des galaxies et la manière dont elles se sont déplacées dans le ciel au fil du temps cosmique, depuis leur formation.</p>
<p>Si, longtemps après les feux d’artifice, toutes les lumières éteintes, vous observez le ciel et êtes pris par un sentiment d’immensité, vous vous posez sans doute des questions : à quoi ressemblait l’univers il y a très très longtemps ? Est-ce que ces étoiles et galaxies ont toujours occupé ces mêmes positions dans le ciel ? Elles se déplacent, mais comment ?</p>
<p>Nous avons développé un <a href="https://www.inria.fr/fr/univers-cosmologie-matiere-noire-mathematique-algorithmes">nouvel outil</a> pour voyager dans le temps et le passé de l’univers, en combinant des avancées en cosmologie, en mathématiques et en informatique.</p>
<p>Cet outil est susceptible d’apporter des éléments de réponse à nos questions métaphysiques nocturnes : à partir d’une carte en 3D de l’univers, obtenue grâce aux données de télescopes, tels que <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sloan_Digital_Sky_Survey">SDSS</a>, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Dark_Energy_Spectroscopic_Instrument">DESI</a>, ou le futur <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Observatoire_Vera-C.-Rubin">LSST</a>, nous pouvons reconstruire les trajectoires des galaxies à rebours dans le temps, jusqu’au Big Bang ou presque.</p>
<h2>Des mystères dans le ciel : énergie sombre et matière noire</h2>
<p>Les observations du ciel nous ont appris beaucoup de choses sur l’histoire de l’univers. Par exemple, on sait <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%82ge_de_l%E2%80%99univers">estimer son âge, 13,7 milliards d’années</a>, et on sait qu’à ses débuts, il était beaucoup plus chaud et beaucoup plus dense que maintenant, pour connaître ensuite une violente phase d’expansion. C’est la <a href="https://theconversation.com/capucine-si-avant-le-big-bang-il-ny-avait-rien-comment-et-pourquoi-le-big-bang-sest-il-produit-152541">fameuse théorie du Big Bang</a>, élaborée en 1927, qui semble confirmée par de nombreuses observations.</p>
<p>Toutefois, certaines observations restent inexpliquées : par exemple, on sait depuis la fin des années 90 que <a href="https://theconversation.com/la-quete-de-lorigine-de-lacceleration-cosmique-116974">l’expansion de l’univers s’accélère</a>. On a donné le nom d’<a href="https://theconversation.com/de-lorigine-de-lunivers-a-lenergie-noire-conversation-avec-francoise-combes-medaille-dor-cnrs-2020-146123">« énergie sombre »</a> à la cause de ce phénomène, mais sa nature réelle reste inconnue.</p>
<p>D’autre part, dans les années 60, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Vera_Rubin">Vera Rubin</a> a mesuré la vitesse de rotation des étoiles autour des galaxies, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Galaxy_rotation_curve">vitesse anormalement élevée quand on s’éloigne du centre galactique</a>, ce qui pourrait être expliqué par la présence de matière supplémentaire, qui n’a jamais été détectée, et qui a été nommée <a href="https://www.cea.fr/comprendre/Pages/matiere-univers/essentiel-sur-matiere-noire.aspx">« matière noire »</a>. Là aussi, sa nature réelle reste inconnue… et on ne sait toujours pas à l’heure actuelle s’il s’agit réellement de matière. Il pourrait très bien s’agir d’un comportement particulier de la <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/cosmologie/matiere-noire-la-piste-de-la-gravite-modifiee-passe-un-test-crucial-23353.php">gravité, qui obéirait à une loi différente</a> de celle qu’on connaît.</p>
<h2>Tester différentes théories en connectant le présent avec le passé</h2>
<p>Différentes théories de l’énergie sombre et de la matière noire ont été proposées. Ces théories décrivent l’évolution de l’univers dans le temps, sous forme d’un ensemble d’équations. Pour départager ces théories, il faut les confronter à l’observation de l’univers, et analyser si les données d’observation et la théorie restent cohérentes.</p>
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<p>Les observations que l’on peut réaliser pour départager ces théories sont essentiellement de deux natures. D'une part, des observations de télescopes permettent de produire une carte en 3D de l’univers, c'est-à-dire la position dans l’espace de plusieurs millions de galaxies. D’autre part, des mesures d’un rayonnement qui a été émis aux tous premiers âges de l’univers, quelque 380 000 ans après le Big Bang, appelé le <a href="https://theconversation.com/voyage-en-galaxies-2-planck-la-machine-a-sonder-le-cosmos-48867">« fond de rayonnement cosmologique »</a>, contiennent beaucoup d’informations sur les premiers âges de l’univers.</p>
<p>En particulier, on peut y mesurer un <a href="https://irfu.cea.fr/Phocea/Vie_des_labos/Ast/ast.php?t=fait_marquant&id_ast=4561">signal, des ondes de pression qui se sont propagées dans l’univers primordial à la manière d’ondes sonores</a> et portent le nom un peu barbare d’« oscillations acoustiques des baryons ». On pense qu’elles ont à l’époque formé des zones légèrement plus denses, des « germes » qui ont ensuite évolué pour devenir dans un premier temps des galaxies puis des structures beaucoup plus grandes – des amas de galaxies et filaments qui forment la <a href="https://theconversation.com/vers-une-simulation-de-lunivers-sur-un-telephone-portable-137421">« toile cosmique »</a>.</p>
<h2>Un nouvel outil à l’assaut du « Rubik’s cube cosmique »</h2>
<p>En faisant remonter le temps aux galaxies suivant les lois décrites dans différentes théories, le nouvel outil permettra de tester ces théories en comparant le profil d’ondes obtenu numériquement (avec notre outil numérique, qui utilise en entrée la carte des positions des galaxies) avec le profil d’« ondes baryoniques » réellement mesuré dans le fond de rayonnement cosmologique.</p>
<p>À première vue, ce « voyage dans le temps à l’envers » semble un problème très compliqué : en effet, la carte 3D de l’univers a été brouillée par 13,7 milliards d’années d’évolution, et il faut parvenir à retrouver pour chaque galaxie la région de l’espace depuis laquelle la matière qui la compose a voyagé.</p>
<p>Résoudre ce problème nécessite les points de vue combinés de la physique, des mathématiques et de l’informatique.</p>
<p>Au tout début du cheminement, le <a href="https://webinet.cafe-sciences.org/articles/le-principe-de-moindre-action-un-bijou-de-la-physique/">principe physique de moindre action</a>, nous guide parmi l’infinité de solutions possibles. On retrouve ce principe de moindre action avec les paratonnerres, qui fournissent à la foudre un chemin direct vers le sol – et l’électricité parcourt ainsi le chemin le plus facile. D’une certaine manière, les galaxies parcourent elles aussi leur « chemin le plus court », en suivant un élastique tendu dans l’espace et dans le temps.</p>
<p>Ensuite, un outil mathématique (<a href="https://interstices.info/la-brouette-de-monge-ou-le-transport-optimal/">« le transport optimal »</a>) permet de modéliser ce chemin le plus court.</p>
<p>Enfin, des algorithmes informatiques permettent de traduire ces équations mathématiques et de les résoudre.</p>
<p>Nous avons tout d’abord <a href="https://physics.aps.org/articles/v15/75">testé notre méthode</a> en l’appliquant à des données purement fictives, obtenues en simulant un « big-bang numérique » dans l’ordinateur, en partant d’une configuration initiale comportant un modèle numérique des fameuses oscillations des baryons. À partir de l’état final de la simulation, nous avons bien pu remonter à l’état initial (et y trouver le <a href="https://journals.aps.org/prl/abstract/10.1103/PhysRevLett.128.201302">profil d’ondes baryoniques primordiales</a>). Nous avons réalisé ces calculs <a href="https://journals.aps.org/prl/abstract/10.1103/PhysRevLett.128.201302">pour différents modèles de répartition de la matière noire dans l’univers</a>. L’étape suivante va consister à appliquer la méthode à des données réelles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208126/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruno Lévy a reçu des financements d'Inria (AeX EXPLORAGRAM) et de l'ERC (GOODSHAPE: ERC-StG-205693 et VORPALINE: ERC-PoC-334829)</span></em></p>Et si on pouvait rembobiner l’évolution de l’univers depuis l’époque actuelle, jusqu’au big bang.Bruno Lévy, Directeur de recherche Inria, chercheur en physique numérique, InriaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2056982023-05-30T16:11:53Z2023-05-30T16:11:53ZLycée : surmonter les clichés sur la voie professionnelle<p>La réforme du lycée professionnel fait partie des sujets phares de <a href="https://www.education.gouv.fr/rentree-scolaire-2023-2024-dossier-de-presse-379077">la rentrée scolaire 2023</a>. Le contenu en a été présenté <a href="https://www.letudiant.fr/lycee/lycee-pro-cap/reforme-de-la-voie-pro-les-nouveautes-annoncees-par-emmanuel-macron-pour-la-rentree.html">jeudi 4 mai</a> par le président Macron. Le <a href="https://www.education.gouv.fr/media/155246/download">dossier de presse qui accompagnait ces annonces</a> mettait en avant la nécessité de rendre la filière attractive et d’en faire une voie de réussite et d’excellence. En filigrane s'esquissait ainsi le portrait d’un élève en manque de réussite subissant une orientation par défaut et enclin au décrochage.</p>
<p>Ces discours et ces propositions et mesures s’inscrivent dans une longue tradition d’actions en faveur de la revalorisation de la filière professionnelle, mises en œuvre depuis plus de 50 ans.</p>
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<a href="https://theconversation.com/le-lycee-professionnel-une-voie-de-formation-en-danger-194874">Le lycée professionnel, une voie de formation en danger ?</a>
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<p>Rien d’étonnant ici à ce que dans nous retrouvions les <a href="https://journals.openedition.org/ries/pdf/1722">habituels lieux communs</a>, faisant du lycée professionnel (LP) un lieu accueillant avant tout des élèves en rupture avec l’école, ou avec certaines disciplines comme les mathématiques. </p>
<p>Mais les jeunes inscrits dans cette filière ont-ils un rapport aux savoirs si différent de celui qu'affichent leurs camarades préparant un baccalauréat général ?</p>
<h2>Un rapport pratique aux savoirs ?</h2>
<p>Perçue comme un facteur important dans l’échec scolaire de ces élèves, la question du <a href="https://spirale-edu-revue.fr/IMG/pdf/21_Jellab_Spi26F.pdf">sens qu’ils donnent au fait d’aller à l’école et d’y apprendre des choses nouvelles</a> est centrale dans les réflexions sur la mise en œuvre des formations. Forts du contexte social dans lequel ils évoluent et de leur passé scolaire, les élèves de lycée professionnel ont développé essentiellement un <a href="https://www.cairn.info/revue-administration-et-education-2017-3-page-109.htm">rapport pratique aux savoirs</a>. C’est-à-dire qu’ils mesurent en quelque sorte l’intérêt aux activités proposées et la légitimité des connaissances enseignées à l’aune de leur utilité et de leur caractère pratique.</p>
<p>Ils valoriseraient ainsi fortement <a href="https://www.cairn.info/la-domination-scolaire--9782130592211.htm">l’apprentissage empirique et les savoirs professionnels</a> permettant une action directe sur la réalité, tandis qu’ils rejetteraient la théorie et les savoirs décontextualisés. Cette entrée sociologique dessine une image du public reprise comme soubassement réflexif dans des rapports institutionnels (<a href="https://www.cnesco.fr/dossier-enseignement-professionnel/">CNESCO</a>, <a href="https://cache.media.education.gouv.fr/file/2016/44/7/2016-078_Recensement_enseignement_professionnel_690447.pdf">IGEN</a>) ou des <a href="https://www.cairn.info/revue-spirale-revue-de-recherches-en-education-2017-1-page-107.htm?ref=doi">recherches</a> portant notamment sur la mise en œuvre de l’enseignement de mathématiques.</p>
<p>Pour les acteurs éducatifs, l’affaire est entendue pour ainsi dire. Et c’est principalement pour raccrocher ces élèves à l’école que les dernières réformes ont mis en avant les finalités pratiques de la formation à travers la pédagogie de projet ou des dispositifs comme le <a href="https://www.education.gouv.fr/promouvoir-la-voie-professionnelle-au-coeur-des-metiers-d-avenir-342832">chef-d’œuvre ou le co-enseignement</a>. Objectif affiché : les aider à retrouver le sens et le goût des études.</p>
<p>La représentation que les acteurs éducatifs se font des élèves est décisive dans la <a href="https://www.cairn.info/recherches-et-expertises-pour-l-enseignement-scien--9782804165925-page-29.htm">définition des modalités d’enseignement des disciplines générales</a> dans la filière professionnelle. Toutefois, cette focalisation sur la facette sociale des élèves interroge. Pour construire leur cours les enseignants essayent-ils de s’en détacher ? Ou cette facette sociale est-elle considérée en quelque sorte comme un caractère indiscutable de ce public, « être mauvais en mathématiques » faisant partie de la nature des élèves ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-lycee-professionnel-enfin-sujet-de-debats-180808">Le lycée professionnel, enfin sujet de débats ?</a>
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<p>En effet, si ces résultats sont massifs, ils ne sont pas absolus. D’abord, la filière professionnelle n’a rien de monolithique et se décline en de multiples spécialités, dialoguant avec des bassins d’emplois ayant tous leurs particularités et tenant compte des conditions locales de recrutement. Ensuite, si la forme de rapport au savoir indiquée précédemment est majoritaire chez les élèves de cette voie, elle n’est <a href="https://www.cairn.info/le-baccalaureat-professionnel-impasse-ou-nouvelle---9782130651086.htm">« ni unilatérale, ni fixée dans le temps »</a>.</p>
<h2>Une voie professionnelle prisée puis dévalorisée</h2>
<p>Au-delà de cette nécessaire prudence, c’est <a href="https://journals.openedition.org/osp/4731">l’image même de l’élève de lycée professionnel mobilisée dans les discours qui est à interroger</a>. A la fois de discipline « outil » et matière désintéressée, souvent juge de paix dans les décisions d’orientation, l’enseignement des mathématiques est un prisme intéressant pour questionner ces représentations.</p>
<p>Quel enseignement de mathématiques mener pour des élèves « en difficulté » et même « incapables d’abstraction », « qui ne peuvent pas apprendre », « en rupture avec les mathématiques » et l’école en général, « les moins doués », « des éclopés du système des enseignements classiques », qui sont uniquement intéressés par le métier, « des visuels », des manuels plus que des intellectuels, des élèves difficiles, qui ont besoin de restaurer une image positive d’eux-mêmes, et qui doivent être réconciliés avec l’école ?</p>
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<a href="https://theconversation.com/bac-professionnel-des-lycees-pour-inventer-sa-voie-127385">Bac professionnel : des lycées pour inventer sa voie ?</a>
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<p>Les termes repris ici agrègent un ensemble de propos tenus par des acteurs éducatifs (inspecteurs, enseignants, etc.) depuis 1945, date de la création de la filière professionnelle scolarisée et montrent que cette question n’est pas nouvelle. Mais sous l’apparente similitude des termes, se cachent en vérité de <a href="https://journals.openedition.org/histoire-education/4893">multiples glissements de la façon dont les élèves sont appréhendés</a>.</p>
<p>Dans la période d’après-guerre, marquée par une pénurie de main-d’œuvre, la filière professionnelle est une voie désirée. Si certains enseignants mettent en avant les difficultés en mathématiques des élèves qui l’intègrent, c’est principalement en plein, dans leurs qualités, dans ce qu’ils ont de plus que les élèves des autres filières que les acteurs éducatifs les évoquent. Ils opposent le goût pour l’action et la matérialité des choses de ce futur professionnel, préparé au monde moderne et apte à travailler au bachelier, mathématicien ou latiniste, enclin à la spéculation intellectuelle, mais qui ne sait rien faire. Fort de ces spécificités l’enseignement des mathématiques est alors pensé dans une perspective de formation complète de « l’Homme, du travailleur et du citoyen », associant apprentissage de savoir-faire, formation de l’esprit et ouverture sur le monde.</p>
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<p>À la fin des années 1960, s’engage un processus de dévalorisation de la voie professionnelle vers laquelle sont orientés les élèves ne disposant de résultats suffisants pour poursuivre en filière générale. La réforme des <a href="https://www.researchgate.net/publication/47802333_Une_reforme_a_l%27epreuve_des_realites_le_cas_des_mathematiques_modernes_au_tournant_des_annees_1970">mathématiques modernes</a> qui s’opère à cette époque dans l’ensemble du système éducatif place la théorie au cœur des apprentissages. L’élève du professionnel est pensé désormais en creux. Un élève comme les autres qui se démarque par ce qu’il n’a pas, une aptitude à apprendre des mathématiques abstraites.</p>
<h2>Se « réconcilier » avec les disciplines générales ?</h2>
<p>Bien vite, à cette image d’un sujet disciplinaire en difficulté va être substituée durant les années 1980, celle d’un sujet scolaire appréhendé sous sa facette sociale, en rupture avec la discipline, voire avec l’école. Ce deuxième glissement de sens contribue à vider de sa substance le discours pédagogique mis en place au moment de la réforme des mathématiques modernes. L’enjeu est moins d’aider les élèves à surmonter leurs difficultés en mathématiques que de les réconcilier avec la discipline, et de façon plus globale, l’enseignement général ou l’école avec lesquels ils semblent être en rupture.</p>
<p>Il s’agit de rompre avec les méthodes du collège en mettant notamment en avant des projets interdisciplinaires, en limitant les évaluations, en mettant l’accent sur la facette utilitaire de l’enseignement, minorant alors l’appel à la réflexion. Ce qui pose la question de l’abandon d’une <a href="https://books.openedition.org/pucl/8959">vigilance didactique sur les contenus</a> au profit du maintien d’une certaine paix scolaire et de la <a href="https://www.cairn.info/revue-spirale-revue-de-recherches-en-education-2017-1-page-13.htm">baisse des exigences d’enseignement</a>.</p>
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<a href="https://theconversation.com/les-maths-pour-les-garcons-le-francais-pour-les-filles-comment-les-stereotypes-de-genre-se-perpetuent-a-lecole-202392">Les maths pour les garçons, le français pour les filles ? Comment les stéréotypes de genre se perpétuent à l’école</a>
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<p>Mais ces représentations contrastent avec ce que les élèves associent comme <a href="https://theconversation.com/dans-la-classe-quels-sont-les-facteurs-qui-peuvent-contribuer-au-decrochage-scolaire-147143">émotion, sentiment, vécu</a> à l’enseignement des mathématiques. En fait, de façon générale, ce qui structure leur <a href="https://www.esf-scienceshumaines.fr/pedagogie/266-vivre-les-disciplines.html">vécu disciplinaire</a>, positif ou négatif, est moins une opposition entre des aspects pratiques ou théoriques des enseignements que leur participation à la réalisation d’un projet personnel ou professionnel qui leur tient à cœur. En cela ils ne diffèrent pas vraiment de leurs camarades de la filière générale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205698/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Xavier Sido ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Souvent présentés comme enclins au décrochage, les lycéens professionnels ont-ils un rapport à l’école si différent de celui de leurs camarades de voie générale ?Xavier Sido, Maître de conférences en sciences de l'éducation et de la formation, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2023922023-05-15T18:01:16Z2023-05-15T18:01:16ZLes maths pour les garçons, le français pour les filles ? Comment les stéréotypes de genre se perpétuent à l’école<p>Les stéréotypes de genre s’invitent-ils dans les préférences scolaires des élèves français ? Une étude conduite en 2005 montrait qu’ils orientaient fortement les <a href="https://journals.openedition.org/osp/1469">perceptions que les élèves de CM2 (10-11 ans) ont des disciplines scolaires</a>. Ainsi, les garçons avaient tendance à valoriser les cours de mathématiques et d’éducation physique et sportive, alors que les filles valorisaient les cours de français et les travaux de lecture et d’expression écrite. Comment les choses ont-elles évolué depuis ?</p>
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<a href="https://theconversation.com/reussite-en-maths-lutter-contre-les-stereotypes-de-genre-avec-le-numerique-190701">Réussite en maths : lutter contre les stéréotypes de genre avec le numérique</a>
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<p>Si les textes de l’Éducation nationale promeuvent l’égalité des genres, ils restent <a href="https://www.cairn.info/revue-apres-demain-2013-2-page-26.htm">peu contraignants</a> et n’engagent pas à des actions concrètes au niveau de l’école et de la formation des enseignants. La publication de <a href="https://www.education.gouv.fr/filles-et-garcons-sur-le-chemin-de-l-egalite-de-l-ecole-l-enseignement-superieur-edition-2022-340445">rapports annuels sur la réussite des filles et des garçons</a> et celle du travail de <a href="https://www.education.gouv.fr/egalite-filles-garcons-en-mathematiques-357731">Xavier Gauchard</a> sur les enjeux et leviers liés aux inégalités laissent à penser que cette tendance à l’immobilité pourrait se renverser, dans un contexte de prise de conscience globale sur les stéréotypes de genre.</p>
<h2>Stéréotypes de genre et choix d’orientation scolaire</h2>
<p>Sur les réseaux sociaux, plusieurs mouvements d’ampleur ont émergé, avec notamment <a href="https://www.mediapart.fr/journal/international/dossier/metoo-plus-de-cinq-ans-d-enquetes">#MeToo</a>, sensibilisant la population à la discrimination et à l’injustice sociale. Des études sur l’impact de ce mouvement menées en <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-030-15213-0_12">Argentine</a>, en <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10361146.2022.2045900">Australie</a> et aux <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277539521000868">États-Unis</a> révèlent que le mouvement a offert une tribune aux voix des femmes et à l’organisation de regroupements féministes.</p>
<p>D’autre part, au niveau de la recherche en éducation, de plus en plus d’études menées tentent d’expliquer pourquoi, bien que les filles réussissent mieux à l’école, elles se retrouvent dans les filières moins prestigieuses à l’université. En effet, les jeunes femmes choisissent majoritairement des domaines d’études liés à la littérature, aux sciences humaines et à la santé <a href="https://journals.openedition.org/osp/13437">plutôt que les filières STIM</a> (Sciences, Technologies, Informatique, Mathématiques). En retour, l’écart salarial entre les sexes reste prononcé : dans les pays de l’<a href="https://www.oecd-ilibrary.org/education/education-at-a-glance-2018_eag-2018-en">OCDE</a>, avec un diplôme de l’enseignement supérieur, les femmes gagnent en moyenne 74 % du salaire des hommes.</p>
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<p>En somme, depuis 2005, une conscientisation des dégâts liés aux inégalités et aux stéréotypes de genre est observée à un niveau social et culturel. On attendrait de ce phénomène qu’il donne aux individus, de tous genres, davantage de possibilités de poursuivre leurs intérêts indépendamment des attentes de la société, et, peut-être à un stade initial, une bifurcation dans la perception des disciplines scolaires par les filles et les garçons.</p>
<p>Pour examiner cette hypothèse, nous avons réitéré l’enquête, <a href="https://journals.openedition.org/osp/14992">15 ans après</a>, pour examiner l’évolution des perceptions des élèves de CM2 des disciplines scolaires. Les résultats obtenus sont décrits dans le tableau ci-dessous :</p>
<p><em>À quelles disciplines les filles et les garçons accordent-ils le plus d’importance en 2005 et en 2020 ?</em></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/525099/original/file-20230509-15-dtzi2v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525099/original/file-20230509-15-dtzi2v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=101&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525099/original/file-20230509-15-dtzi2v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=101&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525099/original/file-20230509-15-dtzi2v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=101&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525099/original/file-20230509-15-dtzi2v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=127&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525099/original/file-20230509-15-dtzi2v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=127&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525099/original/file-20230509-15-dtzi2v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=127&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Par ailleurs, dans une question complémentaire lorsqu’on demande aux élèves de classer les disciplines par ordre d’importance, les garçons répondent les mathématiques en premier et le français en second. L’inverse est observé pour les filles.</p>
<p>Malgré la médiatisation plus grande de ces problèmes liés aux stéréotypes, dans les classes, le statu quo semble toujours d’actualité.</p>
<h2>Le rôle des enseignants dans la réplication des stéréotypes</h2>
<p>Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1041608016301972">stéréotypes de genre</a> jouent un rôle dans la manière dont les enseignants adaptent leurs pratiques aux besoins des élèves. De manière générale, leurs attentes seront moins élevées en STIM pour les filles que pour les garçons, conduisant à des attitudes différenciées selon le genre de leurs élèves.</p>
<p>Une <a href="https://doi.org/10.7202/1024955ar">étude de 2009</a> comparait les résultats en mathématiques des élèves à un test standardisé et aux notes attribuées par l’enseignant. Les résultats montrent que les garçons performants au test standardisé sont surévalués par l’enseignant et qu’à l’inverse, les filles performantes sont sous-évaluées.</p>
<p>Même si ces attitudes et attentes différenciées ne sont pas conscientisées par les enseignants, elles ont un effet important sur les comportements des élèves : <a href="https://doi.org/10.7202/1024955ar">« Elles alimentent la confiance des garçons dans leurs capacités en mathématiques et sapent la confiance des filles, qui hésitent à s’engager dans des formations scientifiques »</a>.</p>
<p>Ainsi, dans notre étude, nous questionnons également la perspective enseignante sur la question de l’importance des disciplines scolaires pour les élèves. Tout d’abord, nous avons demandé aux enseignants de classer les différentes disciplines par ordre d’importance pour les élèves.</p>
<p>À cette question, hommes et femmes placent les cours de français en premier lieu et les cours de mathématiques en second. Mais, ce résultat est assorti d’une nuance… Nous leur avons demandé quelle discipline ils pensaient avoir le plus d’importance pour les filles, et pour les garçons. À cette seconde question, nous constatons que les enseignants et enseignantes offrent une réponse différenciée. Les cours de français et d’arts seraient plus importants du point de vue des filles et les cours de mathématiques et de sciences seraient plus importants du point de vue des garçons.</p>
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<p>Les réponses obtenues varient donc selon le genre des élèves, mais pas selon le genre de la personne interrogée, signifiant que les hommes et les femmes partagent la même vision des choses. Les résultats sont similaires à ceux obtenus 15 ans plus tôt et suggèrent que les représentations des enseignants sont toujours conformes aux stéréotypes de genre.</p>
<h2>Enrayer le cercle vicieux des stéréotypes</h2>
<p>Ouvrir les filières STIM aux filles et aux femmes permettrait d’augmenter le vivier de talents et le potentiel d’innovation dans ces domaines. Plus d’individus, plus de compétences !</p>
<p>Par ailleurs, la voix des femmes dans ces domaines est sous-représentée, leurs perspectives ne sont ni entendues, ni même, parfois, connues. Si les perspectives des femmes, et d’autres groupes minoritaires, sont ignorées ou négligées dans la recherche et l’innovation, cela peut conduire à des produits qui ne répondent aux besoins et attentes que d’une partie de la population.</p>
<p>Une société qui se veut égalitaire et démocratique devrait prendre au sérieux ce principe fondamental qu’est l’égalité entre les filles et les garçons. En effet, l’absence des filles en STIM perpétue les inégalités hommes-femmes puisque les emplois en STIM offrent souvent des salaires plus élevés et des opportunités d’avancement professionnel. Il est clair que la promotion de la diversité des genres dans les filières STIM est nécessaire pour parvenir à une égalité sociale et créer une société plus juste.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/choisir-une-filiere-scientifique-limportance-des-role-models-pour-les-lyceennes-198908">Choisir une filière scientifique : l’importance des « role models » pour les lycéennes</a>
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<p>D’après la <a href="https://journals.openedition.org/osp/1597">théorie sociale cognitive de l’orientation professionnelle</a>, nos choix de carrière sont influencés par notre perception de ce que l’on est capable d’accomplir (efficacité personnelle) et de ce que l’on va en retirer (attentes de résultats). Les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11199-016-0694-y">études</a> montrent que, à compétence égale, les femmes ont généralement un plus faible sentiment d’efficacité personnelle en ce qui concerne les STIM que les hommes. Ce n’est donc pas leur intérêt pour les STIM, ni leurs compétences qui sont en cause, mais bien leur sentiment d’efficacité personnelle.</p>
<p>Un facteur fort à l’origine de ce faible sentiment d’efficacité personnelle est la persistance des stéréotypes de genre liés aux compétences des individus. Ainsi, un levier fondamental pour encourager les filles à s’orienter vers les filières STIM serait de sensibiliser et de former les enseignants à l’égard des stéréotypes de genre, et d’aborder des problèmes qui sont <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/mee/2009-v32-n2-mee01394/1024955ar/">involontairement perpétués par les enseignants</a> eux-mêmes.</p>
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<p><em>Cet article a été co-écrit avec Carine Souchal.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202392/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Si la recherche et les mouvements de société ont permis une prise de conscience des stéréotypes de genre, ceux-ci perdurent à l’école et désavantagent les filles dans leurs choix d’orientation.Margault Sacré, Docteure en sciences psychologiques et de l'éducation, Université Clermont Auvergne (UCA)Audrey Imberdis, Conseillère pédagogique EPS et chercheuse associée, Université Clermont Auvergne (UCA)Carine Souchal, Chercheuse associée au laboratoire ACTé, Université Clermont Auvergne (UCA)Marie-Christine Toczek, Professeure des universités, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2023902023-04-03T17:51:02Z2023-04-03T17:51:02ZAnxiété face aux maths : comment aider un enfant à la surmonter<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/517683/original/file-20230327-17-x27jmh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C1000%2C657&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le stress lié aux évaluations et aux examens peut être exacerbé si l'on insiste trop sur leur importance.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/student-studying-hard-exam-sleeping-on-1358191997">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0887618502002402">L’anxiété face aux maths</a> est un sentiment de tension et d’inquiétude qui interfère avec la capacité d’une personne à résoudre des problèmes dans cette discipline. Les chercheurs la <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2016.00508/full">distinguent de l’anxiété en général</a> ou de l’anxiété ressentie face aux examens, même si cela peut se recouper.</p>
<p>Cette anxiété liée aux <a href="https://theconversation.com/six-facons-de-faire-aimer-les-maths-a-votre-enfant-104008">maths</a> se développe en général suite à une série de mauvaises expériences qui enclenchent des <a href="https://theconversation.com/comment-surmonter-la-peur-des-maths-117300">schémas de pensée négatifs</a> par rapport à son potentiel en maths. Ces pensées peuvent se manifester par un évitement de cette matière ou une sensation d’impuissance dès qu’on est confronté à un devoir sur table.</p>
<p>C’est un problème commun à de nombreux jeunes et adultes que l’on peut observer aussi chez les enfants dès l’âge de 5 ans.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/maths-lecture-le-niveau-des-eleves-baisse-t-il-vraiment-198432">Maths, lecture : le niveau des élèves baisse-t-il vraiment ?</a>
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<p>Selon Jo Boaler, <a href="http://www.edweek.org/teaching-learning/opinion-timed-tests-and-the-development-of-math-anxiety/2012/07">professeur de mathématiques à l’université de Stanford</a>, en 2012, près de 50 % des adultes étaient angoissés par les mathématiques. Le <a href="https://www.education.vic.gov.au/school/teachers/teachingresources/discipline/maths/Pages/research_overcomingmathsanxiety.aspx">ministère de l’Éducation de l’État de Victoria, en Australie</a>, avance des proportions plus basses, entre 6 et 17 %. Toutefois, le taux moyen qu’on retrouve dans <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9780203998045-27/math-anxiety-cognitive-consequences-tutorial-review">l’ensemble des études universitaires</a> tourne autour de 20 %.</p>
<p>Que peut-on faire alors en tant que parent pour aider son enfant à surmonter ces appréhensions et <a href="https://theconversation.com/stress-des-examens-cinq-conseils-pour-en-faire-un-atout-117724">ne pas paniquer lors d’un devoir ou d’un examen</a> ?</p>
<h2>Valoriser les réussites pour renforcer la confiance</h2>
<p>La plupart des jeunes aimeraient réussir en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/mathematiques-24584">maths</a>. Quand ils sont très jeunes, ils perçoivent certainement combien c’est important pour leurs parents. S’ils sont plus âgés, ils savent que ce sera un facteur clé dans leur recherche d’emploi et pour faire carrière.</p>
<p>L’une des principales <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/0734282908330580">sources de cette anxiété face aux maths</a> tient aux retours négatifs que les élèves reçoivent concernant leurs compétences, malgré toute la bonne volonté investie pour réussir en maths. Cela peut venir de simples comparaisons avec leurs camarades ou, de manière plus formelle, de mauvaises notes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/maths-a-lecole-dou-vient-le-probleme-191691">Maths à l’école : d’où vient le problème ?</a>
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<p>Pour réduire ces tensions, l’important est de se concentrer sur les aspects positifs de chaque situation, en aidant votre enfant à bien identifier ce qu’il a réussi. Ces expériences sont essentielles pour <a href="http://hillkm.com/EDUC_712/Week_8/Wigfield_Tonks_Klauda_2009.pdf">ouvrir la voie à d’autres succès</a>.</p>
<p>Un des moyens faciles à mettre en œuvre pour que votre enfant prenne conscience de ses progrès consiste à lui demander de refaire une série d’exercices issus de la dernière voire de l’avant-dernière année scolaire. Au moment de la correction, mettez l’accent sur les points forts de son travail, pour l’aider à prendre confiance en lui. Ces expériences positives lui serviront d’appui pour aborder des tâches plus complexes.</p>
<h2>Des connaissances scolaires utiles au quotidien</h2>
<p>Le stress lié aux évaluations et aux examens peut être exacerbé si l’on insiste trop sur leur importance. Avant ces échéances, il est plus constructif d’expliquer à l’enfant qu’il ne sera pas jugé sur ces résultats. Si les tests à venir sont au centre de toutes les conversations, cela ne fera qu’augmenter la pression. Mieux vaut circonscrire les discussions aux moments de révisions.</p>
<p>Les parents peuvent être tentés de laisser les enfants gérer seuls leurs révisions, d’autant que les périodes de confinement où ils ont dû s’impliquer plus activement dans les questions d’enseignement ont pu créer des tensions. Toutefois, cette attitude n’est pas la plus propice à soulager l’angoisse des maths. Mieux vaut <a href="https://childmind.org/article/help-kids-with-math-anxiety/#doing-math-together-at-home">accompagner les plus jeunes dans leurs devoirs</a>. Quant aux plus âgés, l’essentiel est de leur montrer qu’on s’intéresse au travail qu’ils sont en train de faire. Les adolescents ne seront pas forcément très enthousiastes la première fois que vous leur proposerez votre aide mais c’est important de leur faire comprendre que vous êtes là s’ils ont besoin de vous et que vous ne cherchez pas à les juger.</p>
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<p>De cette manière, les jeunes réalisent la valeur que leurs parents accordent à leurs activités et croient dans leurs capacités d’apprentissage.</p>
<p>Il ne faut pas sous-estimer non plus la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10409289.2012.693430">manière dont l’attitude des parents face aux maths influence celle de leurs enfants</a>. Essayez d’avoir des conversations positives sur cette matière et la façon dont nous l’utilisons au quotidien. Vous pouvez par exemple mobiliser les maths avec eux pour déterminer quel serait l’achat le plus avantageux dans les rayons du supermarché, ou faire appel aux notions de longueur et de surface pour choisir la disposition des meubles dans une pièce de la maison. Cela peut aider à dissiper les appréhensions du type « c’est trop difficile », « ce sont des connaissances qui ne servent qu’à l’école ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202390/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Assez fréquente, la peur des maths peut se développer lorsque les enfants se comparent négativement à leurs camarades ou ont de mauvaises notes malgré leurs efforts. Quelques clés pour la dépasser.Ben Zunica, Lecturer in Secondary Maths Education, University of SydneyBronwyn Reid O'Connor, Lecturer in Mathematics Education, University of SydneyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1984322023-02-07T19:35:23Z2023-02-07T19:35:23ZMaths, lecture : le niveau des élèves baisse-t-il vraiment ?<p>La démocratisation scolaire va-t-elle inévitablement de pair avec une perte des exigences et des acquis scolaires ? Les résultats successifs des enquêtes <a href="https://www.oecd.org/pisa/">PISA</a> (Programme for International Student Achievement) plaident en ce sens, laissant entrevoir que le meilleur système éducatif au monde serait à chercher hors de l’Hexagone.</p>
<p>Au-delà des <a href="https://theconversation.com/les-lieux-communs-de-leducation-une-nouvelle-livraison-du-pisa-126247">critiques</a> – souvent légitimes – sur leur méthodologie et leur pertinence, ces publications invitent, telles des lanceurs d’alertes, à questionner la <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/education/le-cout-eleve-des-faibles-performances-educatives_9789264087668-fr">politique éducative, si ce n’est économique des pays</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/maths-a-lecole-dou-vient-le-probleme-191691">Maths à l’école : d’où vient le problème ?</a>
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<p>Cependant, se focaliser sur les seuls résultats des <a href="https://theconversation.com/comment-lire-la-prochaine-enquete-pisa-69430">enquêtes PISA</a> peut s’avérer trompeur, notamment pour évaluer les tendances sur le long terme. Pour avoir une vue d’ensemble plus précise des évolutions en mathématiques et en lecture, nous avons repris les conclusions des <a href="https://www.cliometrie.org/images/wp/AFC_WP_04_2023.pdf">principales enquêtes sur les acquis des élèves menées sur un demi-siècle</a> (1970-2020) dans les 20 pays de l’OCDE et construit une base de données comparatives autour d’une grille de lecture qui permette de les mettre en regard et les comparer, au-delà des différences de méthodologie.</p>
<h2>Un bilan décevant en 2020</h2>
<p>De façon analogue à PISA, nous mesurons la performance sur une échelle de scores allant de 1 à 1 000, avec une moyenne internationale à 500. Au regard des résultats obtenus, la photographie de l’état de santé de l’école française en 2020 n’est guère exaltante.</p>
<p>En comparaison internationale, la France se situe toujours en dessous de la moyenne des pays développés. Certes, au niveau secondaire, l’écart est faible en lecture (moins de 10 points), mais c’est à l’évidence au niveau primaire que le retard de compétence est important. Qui plus est, il est particulièrement significatif en mathématiques : les élèves français affichant un score inférieur de 30 points à la moyenne des scores obtenus au sein des autres pays développés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/orthographe-les-eleves-font-deux-fois-plus-de-fautes-que-leurs-parents-196311">Orthographe : les élèves font deux fois plus de fautes que leurs parents</a>
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<p>Notons ici que le Royaume-Uni apparaît comme particulièrement performant en mathématiques, avec près de 560 points, soit 80 points de plus que la France.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/507636/original/file-20230201-10139-8woik3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/507636/original/file-20230201-10139-8woik3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507636/original/file-20230201-10139-8woik3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=841&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507636/original/file-20230201-10139-8woik3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=841&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507636/original/file-20230201-10139-8woik3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=841&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507636/original/file-20230201-10139-8woik3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1057&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507636/original/file-20230201-10139-8woik3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1057&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507636/original/file-20230201-10139-8woik3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1057&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>En lecture, le niveau des élèves français s’avère médiocre. Les scores obtenus atteignent difficilement la moyenne au sein d’un panel de plus de 50 pays. En extension, leur niveau est très en dessous de celui des 20 pays les plus développés de l’OCDE. Dans les faits, 40 points séparent les élèves de CM1 en France de leurs homologues étrangers. En mathématiques, l’écart observé entre la France et l’Allemagne par exemple équivaut à une année d’études.</p>
<h2>Un niveau en hausse depuis 1970</h2>
<p>Quoiqu’il en soit, sur le long terme, il ressort que le niveau a significativement progressé depuis 1970. La hausse est notable dans tous les domaines (lecture et mathématiques) et niveaux scolaires (primaire et collège).</p>
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<p>En France, depuis 1970, l’évolution des scores en lecture est substantielle. Alors qu’un élève du collège obtenait un score plutôt faible en lecture, son niveau a augmenté de près de 16 % sur un demi-siècle : il est passé de 430 à 502 points. D’ailleurs, cette hausse se retrouve à la fois en lecture et en mathématiques. De manière très concrète, cette hausse d’environ 70 points équivaut à 2 années d’acquis scolaires en plus.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/507630/original/file-20230201-8719-gk80pk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/507630/original/file-20230201-8719-gk80pk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507630/original/file-20230201-8719-gk80pk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507630/original/file-20230201-8719-gk80pk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507630/original/file-20230201-8719-gk80pk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507630/original/file-20230201-8719-gk80pk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507630/original/file-20230201-8719-gk80pk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507630/original/file-20230201-8719-gk80pk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Les résultats sont tout aussi significatifs en mathématiques, avec l’équivalent d’une année d’acquis scolaires gagnée en 50 ans.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/507629/original/file-20230201-11333-m0ncyt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/507629/original/file-20230201-11333-m0ncyt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507629/original/file-20230201-11333-m0ncyt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507629/original/file-20230201-11333-m0ncyt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507629/original/file-20230201-11333-m0ncyt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507629/original/file-20230201-11333-m0ncyt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507629/original/file-20230201-11333-m0ncyt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507629/original/file-20230201-11333-m0ncyt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Il y a donc bel et bien eu des progrès, tant en lecture qu’en mathématiques, à l’école primaire et au collège depuis les années 1970. En même temps, dès les années 1990, un tassement semble s’opérer au niveau primaire, tandis que la performance au collège ne diminue qu’une décennie plus tard.</p>
<p>Confronter ces réalités historiques à la variation des performances observées dans les autres pays développés devient dès lors central. De fait, presque tous les pays développés ont su augmenter leur niveau en lecture et en mathématiques depuis une cinquantaine d’années. Pour reprendre Baudelot et Establet, <a href="https://openlibrary.org/works/OL13458249W/Le_niveau_monte">« le niveau monte »</a> presque partout.</p>
<p>Il est toutefois indéniable que certains pays progressent plus, sans réelle perspective de convergence (à court terme du moins) pour les autres. Au-delà du niveau général des pays, c’est cette progression qui a retenu toute notre attention.</p>
<h2>Des progrès à relativiser au sein de l’OCDE</h2>
<p>En effet, même si la progression de la France est au-dessus de la moyenne des pays développés (+50 points contre +31 points), son classement reste décevant. En 17<sup>e</sup> position sur les 20 pays de notre échantillon en début de période, la France régresse d’un rang en fin de période, pour se retrouver à la 18<sup>e</sup> place en 2020.</p>
<p>À l’inverse, des pays comme la Finlande voient leur système éducatif progresser significativement : alors que le pays était classé 14<sup>e</sup> en 1970, il parvient à se hisser à la première place en 2020. Quant au Royaume-Uni, il reste dans le trio de tête de 1970 à 2020. Notons ici que ce sont finalement les scores du Portugal qui progressent davantage que ceux des autres pays.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/507624/original/file-20230201-25-zhngzv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/507624/original/file-20230201-25-zhngzv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507624/original/file-20230201-25-zhngzv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=226&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507624/original/file-20230201-25-zhngzv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=226&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507624/original/file-20230201-25-zhngzv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=226&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507624/original/file-20230201-25-zhngzv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=284&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507624/original/file-20230201-25-zhngzv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=284&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507624/original/file-20230201-25-zhngzv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=284&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Relier le niveau économique d’un pays à sa performance aux tests de compétence a été une autre ambition de notre recherche. Cette intuition renvoie à l’idée que, plus un pays est riche, plus son système éducatif sera de bonne qualité (le niveau économique étant ici estimé par le PIB par habitant).</p>
<p>Là encore, nous trouvons un décrochage assez significatif pour la France, notamment en ce qui concerne les mathématiques au niveau primaire. La position de la France apparaît telle un point « aberrant ». Alors que la performance espérée est de 515 points environ, le niveau réel observé n’est que de 482 points.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/507640/original/file-20230201-10184-8woik3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/507640/original/file-20230201-10184-8woik3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507640/original/file-20230201-10184-8woik3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507640/original/file-20230201-10184-8woik3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507640/original/file-20230201-10184-8woik3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507640/original/file-20230201-10184-8woik3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507640/original/file-20230201-10184-8woik3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507640/original/file-20230201-10184-8woik3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>En fin de compte, nous trouvons que la France ne parvient pas à se hisser au niveau des pays les plus performants. Un retard significatif s’observe notamment en mathématiques au niveau primaire. De surcroît et par-delà l’analyse de long terme (50 ans), les variations observées depuis 2000 soulignent une baisse absolue de la performance dans tous les domaines et niveaux confondus.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/classement-pisa-ce-qui-se-confirme-et-ce-qui-change-70025">Classement PISA : ce qui se confirme et ce qui change</a>
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<p>L’intérêt de notre <a href="https://www.cliometrie.org/images/wp/AFC_WP_02_2023.pdf">base de données</a> réside dans sa capacité à couvrir une période historique longue. Au-delà de l’analyse des tendances de long terme, elle permet de mieux situer la période récente et plus particulièrement de noter la rupture, si ce n’est le décrochage des années 2000.</p>
<p>En lecture, la performance a diminué d’environ 11 points par décennie sur les 20 dernières années, tandis que la diminution est d’environ 8 points par décennie en mathématiques dans le secondaire. Si l’on mesure cette variation en termes d’années d’acquis scolaires, les effets sont inquiétants. Alors que, sur le long terme, la France a gagné l’équivalent de plus de deux années d’acquis scolaires en lecture, une perte d’une année d’acquis scolaires a été observée sur la période 2000-2020. La baisse est moindre en mathématiques… mais le niveau baisse !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198432/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les élèves seraient-ils moins performants aujourd’hui en maths et en français ? Remettre en contexte les résultats des dernières enquêtes internationales révèle des évolutions plus complexes.Nadir Altinok, Maître de conférences, IUT de Metz, UMR BETA, Université de LorraineClaude Diebolt, Directeur de Recherche au CNRS, UMR BETA, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1979662023-01-24T19:09:00Z2023-01-24T19:09:00ZL’Univers est-il infini ?<p>L’infini, c’est quoi ? La suite de nombres 1, 2, 3, 4, etc., est-elle infinie ? Si cette suite s’arrête, c’est qu’il y a un nombre plus grand que tous les autres. On peut donc transformer la question initiale en se demandant : y a-t-il un nombre plus grand que tous les autres ? La réponse est non, et se démontre en supposant qu’il y en a un, appelons le N, et en montrant qu’on aboutit à une contradiction. Il suffit d’ajouter 1 à ce nombre, et N + 1 est plus grand que N, ce qui est contradictoire avec l’hypothèse initiale. Donc la suite des nombres entiers est infinie.</p>
<p>Cet exemple est intéressant car il montre que l’esprit humain est capable d’imaginer une notion qui ne correspond à aucune observation. Dans tout ce que nous observons quotidiennement, nous ne rencontrons jamais l’infini : le nombre de lettres dans un livre, le nombre de livres dans une bibliothèque peuvent être grands, le nombre de grains de sable sur une plage très grand, mais ils ne sont pas infinis.</p>
<p>Revenons à présent à notre question initiale : la taille de l’univers. Bien avant que l’on sache mesurer la distance qui nous sépare des étoiles de galaxies lointaines, un philosophe du XVI<sup>e</sup> siècle, Giordano Bruno, imagina que l’univers devait être infini car, disait-il, « il n’est point de raison, convenance, possibilité, sens ou nature qui lui assigne une limite. » Et il rajoutait une image mentale permettant de se représenter cet infini : celle d’une ligne d’horizon qui donne l’impression que le paysage s’arrête là, or lorsqu’on avance, cette ligne d’horizon recule en découvrant de nouveaux paysages. L’Église italienne le condamna au bûcher pour de tels propos, mais c’est une autre histoire…</p>
<p>Aujourd’hui, nous obtenons des renseignements sur la taille de l’univers en observant la distribution des étoiles dans le ciel. Nous détectons la lumière qu’elles nous envoient, et de ses caractéristiques nous savons déduire leur distance à la Terre. Donc la taille de l’univers est au moins égale à cette distance, mais cela ne nous permet pas de savoir s’il est infini ou pas. C’est tout de même mieux que rien, et nous pouvons nous demander : aujourd’hui, quelle est la distance la plus grande que les astronomes aient mesurée ? Ou, si l’on préfère, quelle est la taille de l’univers observable aujourd’hui ?</p>
<p>Là, nous pouvons faire le lien avec une autre question : celle de l’expansion de l’univers. Nos connaissances actuelles permettent d’affirmer que l’univers est en expansion depuis au moins 13,7 milliards d’années, ce qu’on appelle le Big-Bang. C’est suffisant pour répondre à la question de la taille de l’univers observable.</p>
<p>Les physiciens ont identifié en 1965 le rayonnement électromagnétique dit « fossile », appelé aussi le « fond diffus de rayonnement cosmologique », un rayonnement émis peu de temps (300 000 ans) après le Big-Bang, lorsque se formèrent les premiers atomes. Lorsque nous détectons un photon de ce rayonnement fossile, il s’agit d’un photon émis il y a en gros 13,7 milliards d’années, n’est-ce pas ? Quelle distance parcourt la lumière pendant cet intervalle de temps ? Ben, 13,7 milliards d’années-lumière, pardi ! </p>
<p>Mais comme l’univers est en expansion, l’objet céleste qui a émis ce photon se trouve aujourd’hui à une distance beaucoup plus grande. Pour la calculer, il faut une théorie de cette expansion. Dans le cadre du « modèle standard de la cosmologie » (le modèle théorique qui rend compte au mieux des observations de l’univers à grande échelle), on trouve 46,5 milliards d’années-lumière. Et comme le rayonnement fossile a les mêmes propriétés dans toutes les directions, la géométrie de cet univers observable est celle d’une sphère.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-sait-on-que-lunivers-est-en-expansion-185786">Comment sait-on que l’univers est en expansion ?</a>
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<p>Nous pouvons à présent résumer notre connaissance actuelle : selon les meilleures théories dont nous disposons, l’univers observable est une sphère d’environ 100 milliards d’années-lumière de diamètre, et comme l’univers est en expansion, cette taille augmente en permanence.</p>
<p>En permanence ? En vrai, nous ne le savons pas. Mais <em>si</em> cette expansion ne s’arrête pas, c’est que le rayon de la sphère sera un jour plus grand que n’importe quel nombre pris à l’avance, non ?</p>
<p>Mais n’est-ce pas précisément ce que l’on entend par infini ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : <a href="mailto:tcjunior@theconversation.fr">tcjunior@theconversation.fr</a>. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197966/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jacques Treiner ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Rien, autour de nous, n'est infini. Comment concevoir que l'univers puisse l'être ?Jacques Treiner, Physicien théoricien, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1913902022-11-20T15:57:55Z2022-11-20T15:57:55ZComment (presque) tout calculer grâce aux « problèmes de Fermi »<p>Les ordres de grandeur sont fréquemment utilisés dans les sciences, mais surtout dans les sciences de l’ingénieur et permettent aussi de répondre à des questions qui peuvent paraître insolites telles que : combien de litres d’essence sont consommés par les automobiles en France quotidiennement ? Ou combien possède-t-on d’atomes ayant appartenu à Cléopâtre ? Il est possible de répondre assez facilement à ce type de questions, connues sous le nom de « problèmes de Fermi », en utilisant quelques données de base. Ils sont particulièrement bien adaptés pour aborder de manière scientifique les enjeux énergétiques dont il est question actuellement : par exemple, quelle serait la consommation journalière en charbon d’une chaudière de puissance analogue à celle d’un réacteur nucléaire, c’est-à-dire de l’ordre de 1 Gigawatt ?</p>
<p>Cette démarche a été développée par le physicien nucléaire Enrico Fermi (1901-1954) qui posait ce type de problèmes à ses étudiants de l’Université de Chicago.</p>
<p><a href="https://www.cambridge.org/core/journals/british-journal-for-the-history-of-science/article/abs/twentieth-century-enrico-fermi-physicist-by-emilio-segre-chicago-and-london-university-of-chicago-press-1970-pp-xii-276-315/702DC9CD2CEED2D021C6F5A30A326B4B">Enrico Fermi</a> a fait ses études à l’université de Pise, puis dans les principaux centres de physique théorique d’Europe. En 1926, il devient professeur à l’université de Rome, et, à partir de 1932, il concentre ses recherches sur la physique nucléaire qui le conduiront à l’obtention du prix Nobel de Physique de l’année 1938. En 1939, Fermi émigre aux États-Unis avec sa famille pour fuir le fascisme et devient professeur de physique à l’université de Columbia.</p>
<h2>Résolution d’un problème de Fermi</h2>
<p>En voulant résoudre un problème de Fermi, on sait dès le début que le résultat sera compris entre deux puissances de 10 successives (10, 100, 1000…), et ne sera qu’un ordre de grandeur. Le point de départ réside bien sûr dans l’analyse du problème à traiter, en <a href="https://physicstoday.scitation.org/doi/10.1063/1.3086106">identifiant les paramètres physiques</a> qui interviennent dans le phénomène étudié, et en évaluant <a href="https://link.springer.com/referencework/10.1007/0-387-21632-4">leurs ordres de grandeur</a>.</p>
<p>À ce niveau, on perçoit l’utilité des divers enseignements que chacune et chacun d’entre nous a reçus tout au long de sa scolarité, quelle que soit la matière étudiée : valeur du rayon de la Terre dans le cours de géographie, production de l’électricité avec les barrages, ou avec des centrales thermiques à gaz, à charbon, ou nucléaires dans les enseignements de physique et de technologie.</p>
<p>Très souvent, il n’est pas possible de proposer un ordre de grandeur unique pour une donnée physique. Dans ce cas, on fait appel à la notion de moyenne géométrique qui permet de conserver le concept de départ choisi (on reste entre deux puissances de 10 successives).</p>
<blockquote>
<p>Encadrement d’une grandeur entre deux valeurs estimées.<br>
● On cherche une valeur V que l’on évalue située entre deux valeurs V_1 et V_2, avec V_2>V_1.<br>
● On veut que V soit tel que V=αV_1 et que V_2=αV. Ceci conduit à calculer V selon la moyenne géométrique de V_1 et V_2.<br>
● V=√(V_1 V_2)</p>
</blockquote>
<h2>Reprenons notre problème</h2>
<p>Quelle est la puissance électrique typique en sortie d’un alternateur de centrale nucléaire ? Les données sont variées, et vont de 500 MW (réacteur de Saint-Laurent) à 1 600 Mégawatts (MW) pour un EPR. La valeur calculée est V=√800 000 soit environ 900 MW. Comme nous nous intéressons aux ordres de grandeur, on arrondit à 1 000 MW, soit 1 Gigawatt. Les calculs numériques n’en seront que plus simples !</p>
<blockquote>
<p>Quelques données utiles pour traiter notre problème de Fermi :<br>
● 1 electronVolt (eV) = 1.6 10<sup>-19</sup> Joules(J)<br>
● Masse volumique de l’air (conditions normales) = 1.29 kg/m3<br>
● Énergie de réaction C+O_2→〖CO〗_2 = 1.5 eV<br>
● Énergie de réaction de fission du noyau d’uranium 235U = 200 MeV<br>
● Masse molaire du 12C = 12 g/mol<br>
● Nombre d’Avogadro = 6.10<sup>23</sup> mol-1</p>
</blockquote>
<p>On considère un réacteur nucléaire de puissance électrique égale à P=1GW. En tenant compte du <a href="https://aapt.scitation.org/doi/10.1119/1.10023?feed=most-cited#:%7E:text=It%20is%20shown%20that%20the,described%20by%20the%20above%20result.">rendement de Carnot de 30 %</a> de cette machine thermique, il est nécessaire de consommer une puissance thermique P=3.3GW.</p>
<p>On considère un réacteur nucléaire de puissance électrique égale à P=1GW. En tenant compte du <a href="https://aapt.scitation.org/doi/10.1119/1.10023?feed=most-cited">rendement de Carnot de 30 %</a> de cette machine thermique, il est nécessaire de consommer une puissance thermique P=3.3GW.</p>
<p>En effet, le rendement de Carnot est le rendement maximum que peut avoir une machine thermique idéale, cette dernière étant définie comme un dispositif capable de transformer de la chaleur en travail. Le rapport entre le travail fourni par la machine et la chaleur dépensée pour produire ce travail est toujours inférieur au rendement de Carnot.</p>
<p>Le facteur de charge est la charge moyenne annuelle effective rapportée à la charge nominale de l’installation ; il est de 80 % pour un réacteur nucléaire. Une année correspond à une durée en secondes égale à : 365 jours fois 24 heures fois 3 600 secondes, soit 365 fois 86400 secondes. Sachant que la puissance de 3.3 GW correspond à une énergie de 3.3 GJ par seconde, nous trouvons que l’énergie nécessaire pour alimenter le réacteur nucléaire pendant une année est :</p>
<blockquote>
<p>E_1an=3,310<sup>9</sup> × 0,8×365×86400 = 3,310<sup>16</sup> J</p>
</blockquote>
<p>Nous savons de nos cours de chimie que la combustion d’un atome de carbone produit une énergie égale à 1,5 eV, soit 1,5×1,6.10<sup>-19</sup> J=2,410<sup>-19</sup> J.</p>
<blockquote>
<p>Pour alimenter la chaudière en charbon, il faut « brûler » un nombre N_C d’atomes de carbone égal à :<br>
N_C= 3,3.10<sup><sup>16</sup></sup> / 2,410<sup>-19</sup> =1,310<sup>35</sup>.<br>
N_C correspond à un nombre de moles de carbone égal à :<br>
N_moles=N_C⁄(6,0210<sup>23</sup>)=2.10<sup>11</sup>moles.<br>
Sachant que la masse molaire du carbone est de 12 g/mol, on en déduit la masse de carbone brûlée pendant une année :<br> M_1an=2.10<sup>11</sup>×12.10<sup>-3</sup>kg = 2.4 millions de tonnes.</p>
</blockquote>
<p>Sur une journée, cela correspond à une masse de carbone de 6600 tonnes. En imaginant des camions de 50 tonnes de charge, cela correspond à 132 camions par jour, soit un camion toutes les 12 minutes. Je déconseille d’habiter à proximité de cette centrale, ne serait-ce que par les nuisances occasionnées par les camions de livraison du charbon. Enfin, je laisse le soin à la lectrice ou au lecteur de déterminer la masse de gaz carbonique produite chaque jour. Une indication : sur une journée, évaluer le nombre de moles de carbone brûlées. Il est égal au nombre de moles de CO<sub>2</sub> produites. Avec la masse molaire du CO<sub>2</sub> (44 g/mol), on doit trouver de l’ordre de 22000 tonnes produites chaque jour.</p>
<p>Cette approche de la physique avec les problèmes de Fermi nécessite d’avoir assimilé des connaissances de culture générale, et c’est ce qui est fait dans nos écoles élémentaires, nos collèges et nos lycées dans des disciplines multiples.</p>
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<p>Très souvent, à la fin de mes TD ou de mes cours, je pose un problème de Fermi à mes élèves ingénieurs, et certaines, certains, y ont pris goût. Pour ce qui concerne les problèmes environnementaux traités de manière analogue à celle de Fermi, je suggère de consulter ces <a href="https://www.researchgate.net/publication/255057128_Consider_a_Spherical_Cow_A_Course_in_Environmental_Problem_Solving">deux</a> <a href="https://www.goodreads.com/book/show/2043642.Consider_a_Cylindrical_Cow">ouvrages</a>. Ces deux références ont des titres tout à fait singuliers (considérons une vache sphérique… cylindrique…) permettent de découvrir la durée de résidence du carbone dans la végétation continentale ou marine de notre planète Terre, mais aussi des calculs sur l’effet de serre dont il est souvent question actuellement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191390/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles de Izarra ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le célèbre physicien Enrico Fermi a laissé son nom à cette méthode de calcul qui permet, assez facilement, d’approximer un très grand nombre de valeurs physiques.Charles de Izarra, Chercheur, INSA Centre Val de LoireLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1916912022-11-15T16:51:33Z2022-11-15T16:51:33ZMaths à l’école : d’où vient le problème ?<p>C’est une discipline qui occupe une place particulière dans le système scolaire français et s’inscrit dans les apprentissages dits fondamentaux. Pourtant, « l’image actuelle des mathématiques est préoccupante », relevaient Cédric Villani, mathématicien et député, et Charles Torossian, inspecteur de l’Éducation nationale dans leur rapport sur l’enseignement des maths rendu en 2018.</p>
<p>Et la réforme du bac mise en place à la rentrée 2019 n’a visiblement pas amélioré la situation. Bon nombre <a href="https://smf.emath.fr/smf-dossiers-et-ressources/reforme-du-lycee-et-mathematiques-25-ans-de-recul-sur-les-inegalites">d’associations mathématiques</a> et même de <a href="https://www.challenges.fr/education/trente-grands-patrons-pour-sauver-les-maths_806976">dirigeants d’entreprises</a> en ont dénoncé les conséquences néfastes, voire catastrophiques, sur la place des mathématiques dans notre société, notamment pour assurer le vivier des métiers de demain. Une place qui sera au cœur des <a href="https://www.assises-des-mathematiques.fr/">Assises des mathématiques</a> organisées du 14 au 16 novembre 2022.</p>
<p>Avec la fin des filières au lycée et le nouveau jeu d’enseignements de spécialité et d’options facultatives, l’engagement des élèves dans le domaine a décru. Avant la réforme environ 50 000 élèves, soit 13 %, <a href="https://www.education.gouv.fr/la-place-des-mathematiques-dans-la-voie-generale-du-lycee-d-enseignement-general-et-technologique-340811">ne faisaient plus de maths à partir de la classe de Première</a>, contre 170 000, soit 36 %, après la réforme. Des études ont montré que depuis la réforme, les filles sont moins nombreuses que les garçons à faire le choix de la <a href="https://www.apmep.fr/Communique-du-Collectif-Maths-Sciences-du-13-septembre-2022">spécialité Maths</a> en première et de l’option « maths expertes » en Terminale.</p>
<p>Les <a href="https://www.education.gouv.fr/des-choix-d-enseignements-de-specialites-entre-la-premiere-et-la-terminale-generale-en-2021-proches-341917">données de la DEPP</a> témoignent, sans ambiguïté, de la baisse effective du nombre de filles bénéficiant d’un enseignement de mathématiques à partir de la Première. Elles sont 55 % à faire le choix de la spécialité Maths en Première, contre 75 % des garçons, elles sont encore moins nombreuses à maintenir ce choix en Terminale (26 % contre 52 % pour les garçons).</p>
<p>Les élèves issus de milieux défavorisés sont également sous-représentés dans les enseignements de la spécialité Maths. Si l’on compare le choix de l’option Maths expertes en Terminale, on peut noter que 28 % des garçons issus de milieux sociaux très favorisés choisissent cette option, contre seulement 14 % des garçons issus de milieux sociaux défavorisés.</p>
<p>Même si ces constats ne sont hélas pas nouveaux, ils se sont accentués avec la réforme, ce qui n’est pas admissible au regard des inégalités sociales et sociétales en jeu. Mais que se passe-t-il donc avec cette discipline ? Pourquoi suscite-t-elle autant de réactions, aussi bien négatives que positives ?</p>
<h2>Mythes et représentations</h2>
<p>La vision que l’on a, en France, des mathématiques est dominée par des croyances et des représentations fantasmées de cette discipline. Même si de <a href="https://www.autrement.com/la-bosse-des-maths-nexiste-pas/9782746755734">nombreuses personnes</a> ont dénoncé l’existence d’une « bosse des maths », études scientifiques à l’appui, cette croyance persiste dans notre société et contribue, encore aujourd’hui, à véhiculer une vision des mathématiques très élitiste et inégalitaire. Il y aurait les heureux élus et ceux, majoritairement celles, qui n’auraient pas eu la chance de posséder ce don et ainsi de pouvoir s’épanouir et réussir dans cette discipline.</p>
<p>Mais pourquoi donc cette vision des mathématiques persiste-t-elle autant ? Si on vous demande de penser à une personne qui, à vos yeux, incarne les mathématiques, vous penserez soit à des mathématiciens connus comme Cédric Villani ou Alexandre Grothendieck, soit à un ancien camarade qui avait des moyennes en mathématiques qui faisaient l’admiration ou le désespoir de toutes les classes dans lequel il se trouvait. Ces personnes sont, presque toujours, des personnes dans une situation un peu exceptionnelle, auxquelles vous ne pouvez vous identifier facilement, et généralement de sexe masculin.</p>
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<figcaption><span class="caption">Hugo Duminil-Copin : « Les mathématiques devraient être une pratique populaire et non élitiste » (France 24, 2022).</span></figcaption>
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<p>C’est là une des premières causes de persistance du mythe, la difficulté à imaginer qu’un mathématicien ou une mathématicienne puisse être une personne banale, qui n’aurait ni araignée en broche ni grotte à habiter. On a, en effet, souvent l’image caricaturale d’un personnage avec lunettes et cheveux hirsutes, éloigné des contingences matérielles et de son temps. C’est une image totalement fausse et dépassée, qui persistera tant que les médias, les livres et les manuels scolaires la véhiculeront inconsciemment ou par négligence.</p>
<p>C’est pourquoi il est impératif d’agir au niveau de ces représentations empreintes de stéréotypes, de les contrer avec des modèles plus réalistes et plus diversifiés – notamment au niveau du genre – auxquels tout le monde peut d’identifier, quel que soit son sexe, sa situation sociale ou scolaire.</p>
<h2>L’histoire de la discipline</h2>
<p>Une autre piste peut être avancée pour expliquer la persistance de la vision élitiste que l’on a des mathématiques. C’est celle de <a href="https://theconversation.com/quelle-place-pour-les-maths-en-france-175718">son histoire dans le système scolaire français</a>. Il convient en effet de rappeler qu’avant même qu’elle ne devienne LA discipline de sélection telle qu’on la connait aujourd’hui, cette discipline était réservée aux hommes et particulièrement à ceux issus de milieux que l’on qualifierait aujourd’hui de favorisés.</p>
<p>Ce n’est qu’à partir de 1880 que les femmes ont pu bénéficier d’un enseignement secondaire, et encore, avec un programme mathématique allégé par rapport à celui des hommes, les programmes scolaires n’ayant été unifiés qu’en 1924. En effet, on considérait jusque-là que les enseignements dispensés aux femmes devaient principalement contribuer à les former à devenir de bonnes épouses et mères de famille et qu’elles pouvaient se dispenser d’étudier des disciplines trop complexes, telles que les mathématiques.</p>
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<p>Ainsi, d’une mixité tardive décrétée en 1975, précédée par un siècle presque d’enseignement différencié aussi bien par le sexe des enseignants (voir ci-dessous) que par les programmes, allégés pour les filles, subsiste certainement encore aujourd’hui la croyance que les garçons sont davantage prédisposés que les filles pour certaines matières, dont les mathématiques.</p>
<p>De même que la <a href="https://www.education.gouv.fr/sites/default/files/imported_files/document/depp-2016-EF-91-La-massification-scolaire-sous-la-Ve-Republique_635045.pdf">massification scolaire</a>, précédée par des siècles d’enseignement secondaire réservé à une élite, s’est faite sans vraiment accompagner les enseignants à s’adresser à tous les élèves comme le montre très bien le documentaire <a href="https://www.france.tv/france-2/histoires-d-une-nation-l-ecole/4176532-tous-eleves-1945-a-nos-jours.html">« Histoire d’une nation : l’école de 1945 à nos jours »</a> diffusé sur France 2 en octobre 2022.</p>
<h2>L’enseignement des maths</h2>
<p>La façon dont les mathématiques sont enseignées et les programmes du lycée peuvent également être des pistes pour comprendre la persistance du mythe dénoncé. Rappelons que les concours de recrutement des professeurs n’ont été fusionnés qu’à partir de 1975. Auparavant, il y avait des concours distincts selon les sexes : les hommes pouvaient enseigner aussi bien aux garçons qu’aux filles, alors que les femmes ne pouvaient enseigner qu’aux filles.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les maths à l’école (INA Société, 1985).</span></figcaption>
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<p>À partir de la réforme du baccalauréat général de 1965, dans les établissements du secondaire les classes de sections scientifiques et plus particulièrement celles à examens sont généralement réservées aux professeurs agrégés, instaurant de facto une hiérarchie entre les enseignants selon leur statut et leur niveau d’enseignement, mais aussi une hiérarchie entre les élèves, laissant supposer qu’aux élites des sections scientifiques sont réservés les « meilleurs » professeurs.</p>
<p>Interrogeant des élèves pour comprendre leurs choix de spécialité en Première et leur rapport aux mathématiques, j’ai pu constater l’influence parfois néfaste que pouvait avoir le positionnement d’un professeur sur l’engagement d’élèves dans leurs apprentissages mathématiques. Plusieurs élèves de Seconde ont rapporté le fait que « les profs ne travaillent que pour ceux qui vont prendre la spécialité Maths en Première et ne se préoccupent pas des autres ».</p>
<p>Ce constat, bien que très relatif mais néanmoins peu reluisant, peut s’expliquer par la nature des nouveaux programmes attachés à la réforme qui obligent les professeurs à adopter un rythme d’enseignement davantage adapté aux élèves se destinant à poursuivre leurs études en mathématiques qu’à ceux qui ne font pas ce choix.</p>
<p>Ainsi, en agissant au niveau des représentations des mathématiques, en contrant la vision élitiste de cette discipline en permettant à tous les élèves de s’y intéresser, pour certains à un haut niveau, les mathématiques pourraient ne plus être un problème et même pourquoi pas, devenir une solution à l’échec scolaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191691/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Sayac ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les filles et les jeunes de milieu défavorisé sont moins nombreux à suivre des spécialités en maths au lycée. Ces inégalités se sont creusées avec la réforme du bac mais ont des racines anciennes.Nathalie Sayac, Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1937742022-11-13T16:32:19Z2022-11-13T16:32:19ZEt si les juges utilisaient mieux les mathématiques pour décider des indemnités aux victimes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/494453/original/file-20221109-10891-26vl2o.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=111%2C34%2C4546%2C2688&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La mise à disposition de données des décisions de justice et des montants attribués aux victimes pourraient changer la manière de travailler des juges. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixnio.com/fr/art-fr/sculptures-fr/statue-bronze-art-sculpture-justice-equilibre-droit#">Pixnio</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Imaginons un accident de la circulation dans lequel un motocycliste perdrait la vie, et sa passagère, qui était sa conjointe, serait blessée. Cette passagère est victime d’un dommage corporel, à double titre : en tant que victime directe, pour ses propres blessures, et en tant que victime indirecte, le décès de son conjoint ayant des impacts sur sa vie. Elle dispose d’un droit à indemnisation, à faire valoir contre l’assureur de l’autre véhicule impliqué dans l’accident. Celui-ci a l’obligation de lui faire, dans un certain délai, une offre complète et chiffrée d’indemnisation. Il appartiendra à la victime d’accepter cette offre, ou d’engager une action contentieuse. En pratique, <a href="https://www.victimesindemnisees-fvi.fr/images/stories/DonneesStatistiques/rapportannuel2020.pdf">plus de 98 % des victimes transigent avec l’assureur</a> ; plus l’accident est grave, plus les séquelles sont importantes, et plus le recours au juge est fréquent.</p>
<p>Le chiffrage de l’indemnisation de certains postes de préjudice est un pur calcul : additionner les dépenses de santé, reconstituer les pertes de revenus… Pour d’autres postes, l’opération est plus délicate. Comment évaluer le préjudice d’affection de la passagère, pour le décès de son conjoint ? Quel taux horaire retenir pour le salaire de la tierce personne qui doit désormais l’aider dans sa vie quotidienne ? Quel prix donner à l’altération de son apparence physique en raison de ses cicatrices ?</p>
<h2>Trouver une « juste » indemnisation</h2>
<p>Il est essentiel que chaque partie, pour chacun de ces postes, soit en mesure de prédire quelle serait <a href="https://theconversation.com/victimes-de-terrorisme-quelle-indemnisation-189831">l’indemnisation</a> qui pourrait être versée par un juge. En effet, la victime, pour prendre une décision éclairée d’acceptation ou de refus de l’offre de payement de l’assureur, doit avoir une idée de ce que serait une « juste » indemnisation. L’assureur, quant à lui, a intérêt à éviter le procès, et donc à proposer une offre suffisante, sachant en outre qu’il s’expose à une pénalité importante en cas d’offre <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000006839506">jugée manifestement insuffisante</a>.</p>
<p>À cette fin existent des <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02283040v2/document">référentiels indicatifs</a> pour les juges, le plus usité devant les juridictions judiciaires étant <a href="https://www.fac-droit.univ-smb.fr/wp-content/uploads/2022/10/Referentiel-dit-Mornet-septembre-2022.pdf">celui de Monsieur Mornet</a>, conçu dans le but d’harmoniser les montants alloués sur le territoire. Il contient une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=I1K3JSyYnNY">méthode de calcul</a> incluant des éléments juridiques reflétant la jurisprudence applicable, mais surtout des indications chiffrées sur les montants pouvant être alloués. Ces chiffres ne s’imposent toutefois aucunement au juge, libre de statuer en-deçà ou au-delà.</p>
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<h2>S’appuyer sur l’open data pour améliorer les connaissances</h2>
<p>La généralisation de <a href="https://www.courdecassation.fr/la-cour-de-cassation/demain/lopen-data-des-decisions-judiciaires">l’open data des décisions de justice</a>, c’est-à-dire l’accès facilité à l’ensemble des décisions de justice rendues en France, remet en <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01512615v2/document">question l’hégémonie des référentiels</a> pour atteindre cette prédictibilité de l’issue d’un litige.</p>
<p>La masse de décisions mise à la disposition des chercheurs, et des entrepreneurs de legaltech (nom donné aux entreprises appliquant les technologies de l’informatique au droit) permet de faire émerger la <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03813731/document">jurimétrie</a>, autrement dit l’application de méthodes mathématiques à l’étude des phénomènes juridiques.</p>
<p>Les statistiques appliquées aux décisions de justice permettent de faire ressortir des informations qui n’étaient pas accessibles avec les méthodes traditionnelles, qui s’articulent essentiellement autour de la prise en compte d’une décision, ou de quelques décisions, mais pas d’une masse. Ainsi, il s’avère que des disparités régionales se font jour, que ce soit sur le type de contentieux (les accidents de la circulation occupent beaucoup les juges dans le sud-est, moins ailleurs), ou sur <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01893954/document">certains montants d’indemnisation</a>. Toutes choses égales par ailleurs, et même en mettant de côté les disparités sociologiques dans les revenus, les <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03246155/document">femmes semblent moins bien indemnisées que les hommes</a>, et la raison de cet écart demeure encore mal élucidée.</p>
<p>Il apparaît également que les référentiels, dont celui de Monsieur Mornet, sont utilisés par les parties pour formuler leurs demandes ou leurs offres, mais que les juges savent aussi s’en extraire, pour proposer des montants d’indemnisation <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03246155/document">parfois très éloignés des indications chiffrées</a> de ces documents. Un exemple : pour des souffrances dites moyennes, le référentiel de Monsieur Mornet préconise une indemnisation entre 8000€ et 20000€. L’étude précitée retrouve toutefois des indemnisations s’étalant de 4000€ à 50000€.</p>
<p>Pour les victimes, et les personnes qui les conseillent, accéder à ces informations est primordial, car de nature à influer sur l’intérêt d’accepter ou non une offre indemnitaire. Plusieurs entreprises en ont conscience, et commercialisent des solutions en ligne permettant d’accéder à de telles statistiques selon certains paramètres, à partir d’une collection de décisions analysées manuellement, comme <a href="https://www.lexis360.fr/">Lexis360</a>, ou automatiquement par traitement du langage naturel, comme <a href="https://predictice.com/">Predictice</a>.</p>
<p><a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03246155/document">Un projet de réforme de la responsabilité civile</a>, actuellement en sommeil, prévoyait en son article 1271 qu’une grande base de données publiques sur les données de l’indemnisation serve à bâtir un référentiel d’indemnisation. <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000041763205/">Ce projet a été lancé, sous le nom de Datajust</a> ; l’expérimentation, décriée par certains <a href="https://www.actu-juridique.fr/civil/responsabilite-civile/datajust-plutot-que-de-faire-de-la-justice-predictive-il-faut-engager-une-demarche-dindexation-et-de-tri-des-decisions/">craignant que l’outil soit mal conçu et conduise à des effets pervers</a>, s’est achevée sans que des résultats puissent être publiés, la tâche étant apparemment immense par rapport aux moyens mobilisés, <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03601338/">ce qui laisse le champ libre pour les initiatives privées</a>.</p>
<h2>Optimisation des stratégies</h2>
<p>Au-delà des connaissances apportées par les études statistiques, la jurimétrie permet d’optimiser de manière plus fine les stratégies des acteurs de l’indemnisation, notamment lorsqu’ils se retrouvent devant un juge. Il a pu ainsi être démontré un <a href="https://blog.caselawanalytics.com/modelisation-indemnisation-prejudice-corporel/">« effet sourire »</a> de l’indemnisation : quand un payeur fait une offre raisonnable, le juge a tendance à statuer au plus proche des intérêts de celui-ci.</p>
<p>S’il fait une offre élevée, le juge est contraint d’indemniser au moins à la hauteur de cette offre ; mais s’il fait une offre trop basse, et là est tout l’intérêt de l’analyse jurimétrique, le juge aura tendance à octroyer une indemnité plus élevée que si l’offre avait été raisonnable. Réciproquement, les demandes en justice connaissent également un <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03246155/document">optimum pour chaque poste de préjudice</a> : par exemple, pour le préjudice d’affection lié au décès d’un conjoint, il est contre-productif de demander plus de 60000€, sous peine de voir son indemnisation baisser. D’autres études ont montré que, devant les juridictions d’appel, <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03829382/document">cet effet ne se retrouve pas systématiquement</a> et dépend notamment du statut procédural de la victime (appelante ou bien défenderesse devant la cour d’appel).</p>
<p>Des entreprises se font une spécialité de fournir des conseils pour que les stratégies, à l’amiable comme au contentieux, soient optimisées. <a href="https://www.caselawanalytics.com/">Case Law Analytics</a> simule par des réseaux de neurones le raisonnement du juge pour permettre d’anticiper le risque représenté par une condamnation à indemniser ; <a href="https://www.i-praedico.io/">i.praedico</a> détermine à l’aide d’algorithmes d’intelligence artificielle le montant d’indemnisation le plus adéquat, en prenant en compte la propension des acteurs d’aller au contentieux en fonction des offres indemnitaires. Nul doute qu’ils seront rejoints par d’autres legaltech dans un avenir proche.</p>
<p>Qu’elle repose sur des statistiques simples ou des analyses menées par de l’intelligence artificielle, la jurimétrie est en passe de révolutionner la manière de mener des recherches sur le droit, ou de le pratiquer.</p>
<hr>
<p><em>Les auteurs ont fondé une toute nouvelle publication, <a href="https://www.fac-droit.univ-smb.fr/fr/revue-jurimetrie/">Jurimétrie, revue de la mesure des phénomènes juridiques</a> pour dynamiser la réflexion sur cette méthode, et compiler des travaux l’appliquant aux différentes branches du droit. <a href="https://www.lgdj.fr/jurimetrie-9782377410828.html">Le premier numéro</a> illustre cette diversité</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193774/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Quézel-Ambrunaz a reçu des financements de l'Institut Universitaire de France.
Il est co-fondateur de la Revue Jurimétrie, évoquée dans cet article.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Vincent Rivollier a reçu des financements du CNRS et l'IERDJ. Il est co-fondateur de la Revue Jurimétrie, évoquée dans cet article.</span></em></p>Le chiffrage de l’indemnisation de certains postes de préjudice peut s’avérer des plus délicat : le recours à la jurimétrie peut aider les parties à transiger ou les magistrats à statuer.Christophe Quézel-Ambrunaz, Professeur de droit privé, Université Savoie Mont BlancVincent Rivollier, maître de conférences en droit privé à l'université Savoie Mont Blanc, en délégation au CNRS (Centre Max Weber), Université Savoie Mont BlancLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.