tag:theconversation.com,2011:/au/topics/mecenat-23057/articlesmécénat – The Conversation2023-01-24T19:08:57Ztag:theconversation.com,2011:article/1968932023-01-24T19:08:57Z2023-01-24T19:08:57ZGreenwashing : le mécène, un pollueur-payeur comme les autres ?<p>À l’occasion de la dernière COP27 qui s’est tenue en novembre 2022, des voix se sont élevées pour blâmer le parrainage de l’évènement par Coca-Cola. Emma Priestland, membre de l’ONG Break Free From Plastic, a ainsi dénoncé une opération de greenwashing conduite par la marque, qui est l’une des <a href="https://www.theguardian.com/environment/2022/oct/04/cop27-climate-summit-sponsorship-polluter-coca-cola-condemned-as-greenwash">plus grosses consommatrices de plastique au monde</a>.</p>
<p>Coca-Cola figure en effet en tête du classement des entreprises les plus pollueuses, selon les résultats d’un <a href="https://www.breakfreefromplastic.org/about/#">classement établi par l’ONG</a> en s’appuyant sur la collecte de déchets dans près de 90 pays et territoires du monde entier (rues, parcs, forêts, plages, etc.).</p>
<p>Cette mise en question du mécénat n’est pas isolée. Nombreuses sont les situations où la générosité des mécènes est interpellée et où la question éthique est publiquement posée. On aurait ainsi pu évoquer dans l’actualité récente la fronde d’un groupe d’étudiants de l’École Polytechnique contre l’implantation sur leur campus d’un <a href="https://www.novethic.fr/actualite/gouvernance-dentreprise/entreprises-controversees/isr-rse/a-polytechnique-la-fronde-des-diplomes-contre-l-implantation-de-lvmh-sur-le-campus-151035.html">centre de recherche dédié au « luxe durable et digital »</a> par le groupe LVMH.</p>
<p>Parmi les affaires qui ont fait le plus de bruit dans un passé très proche, le scandale de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/03/16/crise-des-opiaces-la-famille-du-laboratoire-purdue-propose-de-payer-4-3-milliards-de-dollars_6073366_3210.html">la famille Sackler</a> s’impose à l’esprit. La famille propriétaire de laboratoires pharmaceutiques, grande mécène pour le monde de l’art, a été accusée d’avoir diffusé en connaissance de cause un médicament antidouleurs hautement addictif ayant conduit à la mort de nombreuses personnes.</p>
<p>Doit-on considérer ces cas, très différents les uns des autres, comme relevant d’une même dérive de l’action de mécénat ? D’évidence, non. Le retour à ce que les économistes appellent le principe du pollueur-payeur permet d’éclairer ce débat.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<h2>Pollueur-payeur ou philanthropie</h2>
<p>Ce principe fut introduit par <a href="https://link.springer.com/referenceworkentry/10.1057/978-1-349-95121-5_2678-1">Cécil Pigou dès les années 1920</a>. Il a le mérite de la simplicité et de la logique : faire supporter les coûts d’un préjudice à celui qui les a causés, lorsque le marché ne résout pas cette question naturellement. Une taxe est alors mise en place afin de compenser cette externalité négative.</p>
<p>Par exemple, le prix de l’essence ou du gazole intègre une taxe collectée par l’État afin de compenser les coûts induits en pollution que fait supporter l’automobiliste qui utilise ces carburants. La taxe est proportionnelle à la quantité d’essence achetée et plus l’automobiliste circule plus la compensation versée à l’État est élevée. Le principe s’est popularisé du fait de sa large application au champ de l’environnement.</p>
<p>Dans le cas de la philanthropie, l’entreprise donatrice cherche en bien des cas à corriger le préjudice qu’elle a éventuellement contribué à occasionner – directement ou indirectement. Il existe toutefois une différence de taille avec la taxation opérée par l’État : tandis que dans le cas classique de pollueur-payeur, le montant et la forme du préjudice relèvent du régulateur public, dans le cas du philanthrope c’est lui-même qui choisit les modalités de la réparation et son montant, et qui définit, en quelque sorte, la règle du jeu.</p>
<p>Le philanthrope apparaît <em>in fine</em> comme le sauveur et le bienfaiteur désintéressé réparant des dommages dont il entend faire valoir qu’ils ne sauraient lui être complètement imputés. C’est là une sorte de mise en abyme du don, où le donateur s’impose à lui-même ce qu’il reconnaît (ou non) comme un dommage ou un profit teinté d’une part d’illégitimité. Le méfait entraîne un don qui, d’une certaine manière, autorise la poursuite d’une activité éventuellement dommageable, et entraîne en retour une nouvelle action de « générosité ».</p>
<h2>Des receveurs qui ferment les yeux</h2>
<p>Les institutions receveuses, aux finances asséchées par les crises et soucieuses de déployer de nouveaux programmes, se prêtent volontiers au jeu. Elles développent divers moyens en communication afin de trouver des financements privés, quitte à fermer les yeux (ou à ne pas les ouvrir complètement) sur le profil du donateur.</p>
<p>Ce principe questionne le désengagement du régulateur public au profit de l’entreprise initialement responsable de nuisances. Le régulateur ne contraint pas l’entreprise, c’est le chef d’entreprise qui décide (ou non) de compenser une éventuelle nuisance par son action philanthropique.</p>
<p>De ce fait, l’administration ou le politique renonce à veiller au bien commun et laisse cette mission à l’entreprise. Celle-ci apparaît comme un jour « pollueuse » et le lendemain « bienfaitrice » dans le domaine dans lequel elle a pu opérer des dégâts ou dans un autre. Cette délégation n’est pas nécessairement inefficace si le philanthrope est véritablement soucieux du bien commun, ce qui se produit dans la plupart des cas.</p>
<p>En revanche, lorsque cela s’accompagne d’aléa moral comme dans le cas de la famille Sackler qui cachait délibérément au public les résultats d’études démontrant les risques d’addiction à des médicaments commercialisés, la problématique est toute autre.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/uYSKMLJjD2I?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Crise des opiacés aux États-Unis : la famille Sackler dans la tourmente. (France TV Washington, 17 septembre 2019).</span></figcaption>
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<h2>Jeu de dupes</h2>
<p>On retrouve ce balancement entre pollueur et payeur dans une déclaration de Darren Walker, directeur de la Fondation Ford, qui n’hésita pas à écrire dans le <em>New York Times</em> le <a href="https://www.nytimes.com/2015/12/18/opinion/why-giving-back-isnt-enough.html">17 décembre 2015</a> que « rendre l’argent ne suffit pas », et qu’il conviendrait de s’attaquer aux véritables origines des inégalités.</p>
<p>Car l’action philanthropique va souvent de pair, à défaut de la compenser, avec une politique sociale ou salariale très dure. En janvier 2019, la Fondation Walmart, qui avait déjà investi plus de 360 millions de dollars en 2018, annonçait qu’elle financerait des écoles à hauteur <a href="https://www.washingtonexaminer.com/walmart-heirs-commit-1-billion-to-school-choice">d’un milliard de dollars sur cinq ans</a>. Dans le même temps, le groupe continuait à <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/la-famille-la-plus-riche-des-etats-unis-transfere-des-actions-walmart-pour-financer-ses-oeuvres-1183771">verser un salaire minimum extrêmement bas</a>, de onze dollars de l’heure.</p>
<p>Le mécénat mérite mieux que ce jeu de dupes, où l’on se prend les pieds dans le tapis en voulant y cacher la poussière. Les questions d’éthique doivent revenir au centre, et la course à l’argent privé devrait s’accompagner d’une certaine retenue.</p>
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<p><em>Vient de paraître : Benhamou F. et Moureau N. « Le don dans l’économie », <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/le_don_dans_l_economie-9782348064951">La Découverte</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196893/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans de nombreux cas, la philanthropie sert aux entreprises à « réparer », dans des conditions qu’ils définissent eux-mêmes, les dégâts qu’ils causent par ailleurs.Françoise Benhamou, Professeure émérite à l’Université Sorbonne Paris Nord et présidente du Cercle des économistes, Université Sorbonne Paris NordNathalie Moureau, Professeure en sciences économiques/économie de la culture, chercheure au RIRRA21, Université Paul Valéry – Montpellier IIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1304462020-02-25T20:29:29Z2020-02-25T20:29:29ZQuand les institutions culturelles françaises lèvent des fonds aux États-Unis<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/316921/original/file-20200224-24659-1ygya19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2044%2C1536&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Décors de toiture de la cour de marbre (Versailles)</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/dalbera/7751771060">Flickr / Jean-Pierre Dalbéra</a></span></figcaption></figure><p>Le 15 avril 2019, les Parisiens, les Français, le monde entier ont les yeux rivés sur la Cathédrale de Notre-Dame de Paris, <a href="https://theconversation.com/je-vous-salue-notre-dame-de-paris-de-lemotion-a-la-reconstruction-dun-patrimoine-mondial-115575">en flammes</a>. Des centaines de pompiers sont à l’œuvre pour tenter de sauver ce symbole du patrimoine culturel français. Face à cette tragédie, les dons affluent, des entreprises, des grandes fortunes, des organismes publics français, mais également de l’international, notamment des États-Unis – presque <a href="https://theconversation.com/pourquoi-le-luxe-vole-au-secours-de-notre-dame-115692">900 millions de promesses de dons au total</a>.</p>
<p>Or, peu de gens le savent mais en 2016 avait déjà été créée, par l’archevêque et le diocèse de Paris, une association, les <a href="https://secure.givelively.org/donate/friends-of-notre-dame-de-paris-inc">(American) Friends of Notre-Dame</a>, qui permettait de lever des fonds aux États-Unis afin d’aider à la restauration du monument.</p>
<h2>Les nombreux <em>American Friends</em> des institutions culturelles françaises</h2>
<p>De très nombreuses institutions culturelles françaises ont créé leur association d’American Friends, du Musée du Louvre au Château de Versailles, en passant par l’Opéra de Paris ou le Château de Compiègne. Ce phénomène est aujourd’hui en pleine expansion.</p>
<p>Si les premières associations datent des années 1980, elles connaissent, depuis les années 2010, un essor très important, au lendemain de la crise économique de 2008 mais surtout suite aux coupes budgétaires de ces dernières années, notamment dans le domaine de la culture. Le budget du ministère de la Culture n’a cessé de baisser entre 2012 et 2015 passant de 7,5 milliards à 7 milliards et même s’il connaît une certaine remontée ces dernières années, les dotations des institutions culturelles sont plutôt <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/20046-musees-nationaux-quelle-strategie-de-financement">à la baisse</a>. Cette intensification concerne également nos voisins européens, qui multiplient, eux aussi, les associations d’Amis américains – on peut penser à la création récente des American Friends du Liceu Opera ou du Museo del Prado.</p>
<p>Que sont les American Friends ? Ce sont des organisations américaines qui bénéficient du statut de 501(c)3, qui permet à des Américains de faire des dons à des institutions étrangères, tout en bénéficiant de déductions fiscales aux États-Unis. Il existe environ 2 000 associations d’American Friends, pour de nombreux pays (la France, le Royaume-Uni, Israël, l’Australie, l’Inde, etc.) et des institutions dans des domaines très divers (culture, santé, éducation, etc.).</p>
<p>La mission de ces associations est de lever des fonds pour l’institution à laquelle elles sont rattachées et elles organisent pour cela des événements et des activités (dîners, galas, conférences, visites, voyages) dans le pays donateur et le pays récipiendaire (aux États-Unis et en France dans ce cas précis).</p>
<p>De droit américain, mais rattachées à une institution française, ces associations sont des structures à cheval entre la France et les États-Unis et vont donc se trouver dans une double dépendance. En effet, elles sont, d’un côté, dépendantes du <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/501(c)(3)_organization">statut de 501(c)3</a>, qui s’accompagne d’un certain nombre de règles à respecter, sous peine de voir son statut être révoqué (ce qui arrive à certaines). Elles sont, d’un autre côté, dépendantes de l’institution pour laquelle elles lèvent des fonds car il y a un prêt d’image, de nom, et donc de réputation. L’un des défis de ces associations est donc de parvenir à représenter tout autant les intérêts des mécènes américains auprès des institutions françaises que ceux des institutions françaises auprès des mécènes américains.</p>
<h2>Le rôle clé du capital social dans les levées de fonds</h2>
<p>L’un des éléments clés de la levée de fonds de ces associations – et même de la levée de fonds plus généralement – est le capital social : sans réseau, sans contacts, impossible de trouver des donateurs. D’ailleurs la sociabilité des élites américaines est marquée par les événements philanthropiques (et notamment les galas) qui <a href="https://press.princeton.edu/books/paperback/9780691015880/why-the-wealthy-give">reposent beaucoup sur la pression sociale</a> : les personnes demandent à leurs amis de donner aux causes qu’ils soutiennent, et celles-ci leur demanderont en retour de <a href="http://bowlingalone.com/">soutenir leurs causes (« fundraising as friendraising »)</a>.</p>
<p>Les associations d’Amis américains fonctionnent tout autant selon ce principe, qui crée un réseau en cercles concentriques : les membres du Board (Conseil d’Administration) demandent à leurs amis de faire des dons à leur organisation, et ces amis demandent à leurs amis, qui demandent à leurs amis, créant un réseau d’interconnaissance dense, et un certain entre-soi.</p>
<h2>Des difficultés à lever des fonds pour les <em>American Friends</em> ?</h2>
<p>Dans ce travail de levée de fonds qui est le leur, les responsables des associations d’Amis américains disent avoir du mal à collecter des fonds, surtout lorsqu’ils se comparent aux institutions américaines de même taille et prestige. Effectivement, si les American Friends du Musée du Louvre ou du Musée d’Orsay ont des donateurs américains très importants et prestigieux, qui sont aussi souvent donateurs du Metropolitan Museum ou du MoMA, les dons qu’ils reçoivent sont moins conséquents.</p>
<p>Ces grandes fortunes, qui peuvent parfois faire des dons de plusieurs millions aux institutions américaines, font rarement des dons à 5 chiffres aux institutions étrangères. De manière globale, les fonds levés par les American Friends des institutions culturelles françaises vont d’une centaine de milliers d’euros par an pour les plus petites à quelques millions pour les plus importantes (elles dépassent rarement les 10 millions).</p>
<p>Cette difficulté à lever des fonds serait due, en partie, à la distance physique et symbolique de l’institution. En effet, comment promouvoir une institution quand celle-ci se trouve à des milliers de kilomètres et que l’on n’a pas de lieu pour organiser des événements ?</p>
<p>Mais cette difficulté à lever des fonds serait due également à un manque de légitimité de ces associations qui sont très critiquées, notamment parce qu’il s’agit d’une philanthropie transnationale qui se caractérise par trois particularités : il s’agit du domaine culturel (alors qu’une majorité des dons transnationaux sont consacrés à l’humanitaire, au sens large du terme) ; il s’agit d’une philanthropie à sens unique – l’argent ne circule que des États-Unis vers la France et non l’inverse – et entre deux pays développés (les États-Unis, la France). Certains se demandent d’ailleurs pourquoi il n’existe pas de « French Friends » du MoMA ?</p>
<h2>La stratégie des American Friends : miser sur le capital symbolique</h2>
<p>Pour dépasser cette difficulté, les associations d’Amis américains vont mettre en œuvre une stratégie : miser sur le capital symbolique, c’est-à-dire qu’elles vont offrir une reconnaissance et un prestige bien supérieurs à ceux offerts par les institutions américaines à don équivalent. Les dons aux American Friends vont ainsi représenter un « bon investissement » : si vous donnez 10 000 dollars au Musée d’Orsay, vous allez pouvoir participer à des événements très prestigieux, être invité à dîner à l’Élysée ou faire une visite privée de l’Assemblée nationale. Or si vous donnez 10 000 dollars au Metropolitan Museum de New York, vous ne serez pas reçu à la Maison Blanche pour autant.</p>
<p>Les American Friends, soutenus par les acteurs étatiques français (hommes politiques, diplomates, acteurs culturels, etc.), vont donc déployer tous les ors de la République française pour attirer les mécènes américains, particulièrement sensibles à ces marques de distinction (événements prestigieux, attribution de décorations, etc.) – ce que les institutions culturelles américaines vont dénoncer comme pratiques « déloyales ».</p>
<h2><strong>Les effets de la philanthropie américaine sur le monde culturel français</strong></h2>
<p>Le développement de cette philanthropie américaine au sein des institutions culturelles françaises n’est pas sans conséquence sur celles-ci et sur le monde culturel français plus largement. En effet, les acteurs culturels doivent adapter leurs pratiques, voient leur légitimité parfois questionnée et leurs métiers évoluer – comme les conservateurs, qui deviennent aussi des fundraisers.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316922/original/file-20200224-24659-wq55zr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316922/original/file-20200224-24659-wq55zr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=852&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316922/original/file-20200224-24659-wq55zr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=852&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316922/original/file-20200224-24659-wq55zr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=852&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316922/original/file-20200224-24659-wq55zr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1071&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316922/original/file-20200224-24659-wq55zr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1071&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316922/original/file-20200224-24659-wq55zr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1071&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Nos chers amis américains » est paru en 2019 aux éditions PUF.</span>
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<p>En outre, face au rôle croissant des mécènes au sein des institutions et à leurs exigences de plus en plus importantes, les responsables des institutions cherchent à garder la main et tentent de définir des lignes à ne pas franchir, bricolant en fonction des cas et des situations. Ces conséquences s’inscrivent dans des transformations déjà en cours dans la fonction publique, où les acteurs et les logiques économiques prennent une importance croissante, menant à des reconfigurations public-privé.</p>
<p>Si ces « biens communs » (la culture, l’éducation, la santé, etc.) avaient, à l’origine, une visée universelle (permettre à tous et à chacun d’y avoir accès), ils semblent aujourd’hui de plus en plus réservés à une élite, posant ainsi la question de leur rôle – et de celui de la philanthropie – dans les sociétés démocratiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130446/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Monier a reçu des financements de l'EHESS et de l'ENS.</span></em></p>De très nombreuses institutions culturelles françaises ont créé leur association d’American Friends. Quel est leur fonctionnement ? Et comment interagissent-elles avec les politiques publiques ?Anne Monier, Docteure en sciences sociales, spécialiste de la philanthropie, de la sociologie du transnational, des politiques culturelles, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1265712020-01-22T19:06:58Z2020-01-22T19:06:58ZUne boussole stratégique pour optimiser son portefeuille de partenariats ONG-entreprise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/310868/original/file-20200120-69531-1xx9gki.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=783%2C27%2C4142%2C3116&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">On peut classer ces partenariats en six grandes catégories. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/sustainable-collaboration-green-ecology-business-company-1091624174">Waraporn Wattanakul / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Les partenariats associant entreprises et organisations non gouvernementales (ONG) ne font plus exception dans le monde des affaires. Le rapport ministériel de l’Observatoire de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) date de 2005 et le cabinet de conseil C&E Advisory a publié en 2019 son 10e <a href="https://www.candeadvisory.com/barometer">baromètre des partenariats ONG-entreprises</a>. La recherche en management n’est pas en reste : plus d’une centaine de publications internationales traitent de ce sujet.</p>
<p>Pour guider les managers dans la gestion de ces partenariats, nous proposons une boussole qui rend compte de leur diversité et de leurs potentialités. Elle compte six types de partenariats ONG-entreprise, qui se déclinent en différentes formes de mécénat, de dialogue ou de projet, articulées autour de deux axes : la logique de partenariat (marchande vs non marchande) et la logique opérationnelle (exploitation vs exploration).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308654/original/file-20200106-123399-1xey1bl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308654/original/file-20200106-123399-1xey1bl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308654/original/file-20200106-123399-1xey1bl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308654/original/file-20200106-123399-1xey1bl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308654/original/file-20200106-123399-1xey1bl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308654/original/file-20200106-123399-1xey1bl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308654/original/file-20200106-123399-1xey1bl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Boussole des partenariats ONG-entreprise.</span>
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<p>Le mécénat n’a pas de finalité marchande et repose généralement sur l’activité d’une fondation. Deux formes peuvent être distinguées selon qu’il s’inscrive dans une logique d’exploration ou d’exploitation. D’un côté, le <strong>mécénat institutionnel</strong> qui concerne des initiatives de soutien à des causes d’intérêt général séparées du métier de l’entreprise, offrant des gains fiscaux et de réputation. À titre d’exemple, Bouygues Travaux Publics est mécène historique de l’ARSLA, ONG qui soutient la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique, aussi appelée « maladie de Charcot ».</p>
<p>De l’autre, le <strong>mécénat opérationnel</strong>, <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/05/10/reconstruction-de-notre-dame-la-question-de-l-encadrement-du-mecenat-des-entreprises-doit-etre-posee_5460437_3232.html">lié aux activités de l’entreprise</a>, qui consiste à soutenir des projets portés par des ONG via du mécénat financier ou de compétences, tout en servant le positionnement de l’entreprise sur ses marchés. Ainsi, la Fondation FDJ parie sur l’égalité des chances dans les domaines de l’éducation et de l’insertion en intégrant le jeu comme modalité d’action.</p>
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<figcaption><span class="caption">La Fondation FDJ soutient Play International (FDJ, 2018).</span></figcaption>
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<p>À la frontière du marchand et du non marchand, le dialogue avec les ONG permet d’aligner les intérêts de l’entreprise à ceux des parties prenantes. Dans une logique d’exploration, le <strong>dialogue institutionnel</strong> associe durablement un panel diversifié d’ONG à la réflexion stratégique de l’entreprise. À ce titre, le groupe Suez s’est engagé dans un processus pérenne de concertation avec les organisations de la société civile baptisé <em>Stakeholders sessions</em>. Cette instance située au niveau du siège fédère une diversité d’ONG autour des axes de développement de l’entreprise.</p>
<p>Le <strong>dialogue opérationnel</strong> est porté quant à lui par les directions opérationnelles sur des temporalités propres aux projets ou aux contrats : il permet de gérer les activités dans une optique de gestion des risques et d’enrichissement des pratiques. Depuis 2006, le groupe Total déploie une méthodologie appelée <em>Stakeholder Relationship Management</em> qui permet aux filiales d’identifier les parties prenantes locales, d’entrer en dialogue avec elles, et d’élaborer des plans d’action adaptés à leurs attentes.</p>
<p>Les projets permettent enfin à l’entreprise d’être accompagnée par une ONG pour bénéficier d’expertises spécifiques au service de ses activités marchandes. Les <strong>projets institutionnels</strong> sont déployés au niveau du siège pour le développement de démarches de responsabilité sociale des entreprises (RSE) déclinables dans les filiales sur une variété de thématiques : protection de la biodiversité, transparence, inclusion, etc. En 2018, le groupe Renault a noué un partenariat avec le WWF France pour promouvoir l’écosystème de la voiture électrique, présenté comme solution de mobilité durable.</p>
<p>Les <strong>projets opérationnels</strong> consistent pour l’ONG à accompagner directement ou indirectement les activités de l’entreprise dans des contextes difficiles ou inhabituels. Sa connaissance des populations, des réseaux locaux, et sa maîtrise de méthodologies adaptées favorisent l’implantation et l’ancrage local de l’entreprise. Dans cet esprit, ExxonMobil, la NBA, la WNBA et Africare ont lancé en 2013 le projet <em>Power Forward</em> qui entend former la jeunesse nigériane à travers le basket-ball.</p>
<p>Ces partenariats hétéroclites ouvrent donc de multiples potentialités : optimisation fiscale et contribution à des causes d’intérêt général, valorisation de l’image interne et externe de l’entreprise, outil de construction et de structuration de politiques de RSE, <a href="https://www.researchgate.net/publication/331638640_Business_models_de_l%E2%80%99entreprise_et_ONG_contributions_du_portefeuille_de_partenariats">support au déploiement des business models</a>, etc. Il est naturellement possible de cumuler ces atouts en développant ces différents partenariats au fil des opportunités.</p>
<p>Mais leur gestion stratégique, fondée sur une <strong>logique de portefeuille</strong>, offre trois grands avantages. Elle permet à l’entreprise de développer son ambidextrie organisationnelle, de maîtriser différents registres institutionnels, et d’articuler ses activités partenariales à son intention stratégique.</p>
<h2>Un répertoire élargi de solutions</h2>
<p>L’ambidextrie organisationnelle consiste en la gestion des demandes actuelles de son activité (exploitation) tout en étant capable de s’adapter à l’environnement voire d’influencer ses évolutions (exploration). L’entreprise pourra s’appuyer sur la diversité des partenariats pour construire cette double capacité.</p>
<p>En effet, les partenariats d’exploration ouvrent de nouveaux espaces stratégiques dans lesquels l’entreprise peut moduler son niveau d’engagement auprès des ONG : mécénat, dialogue ou projets. À l’inverse, les partenariats d’exploitation s’inscrivent dans la poursuite, le renforcement ou le développement des business models de l’entreprise sur ses différents marchés.</p>
<p>L’entreprise pourra de plus chercher à maîtriser différentes logiques institutionnelles, entendues comme des constructions sociales, des croyances et des normes organisant les relations entre acteurs et orientant leurs actions. Des logiques contradictoires peuvent coexister dans un secteur d’activité donné et fragmenter les parties prenantes. Le portefeuille de partenariats est un moyen de réconcilier ces antagonismes par phénomène d’hybridation. En offrant à l’entreprise un accès privilégié au registre non marchand des ONG, il fournit un répertoire élargi de solutions pour faire face à l’hétérogénéité des situations.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310858/original/file-20200120-69539-1uxr1u.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310858/original/file-20200120-69539-1uxr1u.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310858/original/file-20200120-69539-1uxr1u.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310858/original/file-20200120-69539-1uxr1u.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310858/original/file-20200120-69539-1uxr1u.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=392&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310858/original/file-20200120-69539-1uxr1u.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=392&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310858/original/file-20200120-69539-1uxr1u.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=392&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Affiche du « Power Forward » illustrant le partenariat opérationnel entre Exxon, la NBA et Africare.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://twitter.com/nba_africa/status/1044870040921821189">NBA Africa/Twitter</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Enfin, le portefeuille de partenariats devra s’articuler à l’intention stratégique de l’entreprise. Dans cette optique, les partenariats d’exploration et d’exploitation doivent être combinés pour participer à la définition de sa mission et de sa vision. Cette complémentarité peut aussi être envisagée pour soutenir leur déploiement, certains partenariats se révélant particulièrement adaptés pour appuyer différents types de business models. Collectivement, ils peuvent contribuer à insuffler certaines valeurs et postures, dans un contexte de consolidation ou de changement.</p>
<p>La boussole de partenariats constitue donc un outil efficace pour aider les entreprises à se repérer dans la diversité des relations qu’elles peuvent tisser avec le monde des ONG.</p>
<p>Couplée à une logique de portefeuille, les managers pourront appréhender les partenariats de manière systémique en vue de renforcer l’agilité et la résilience de leur entreprise. Dans un contexte où le rôle sociétal de l’entreprise est régulièrement questionné, les partenariats ONG-entreprise apportent une réponse ambitieuse aux attentes légitimes d’un environnement toujours plus exigeant.</p>
<hr>
<p><em>Cette contribution s’appuie sur l’article de recherche intitulé <a href="https://www.researchgate.net/publication/331638640_Business_models_de_l%E2%80%99entreprise_et_ONG_contributions_du_portefeuille_de_partenariats">« Business models de l’entreprise et ONG : Contributions du portefeuille de partenariats »</a> publié dans la revue Management International</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126571/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La classification établie par deux chercheurs permet de mieux articuler les partenariats aux business models de l’entreprise.Alexandre Renaud, Professeur associé de stratégie, EM NormandieRaphaël Maucuer, Associate professor, ESSCA School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1156922019-04-18T09:21:56Z2019-04-18T09:21:56ZPourquoi le luxe vole au secours de Notre-Dame<p>L’incendie de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/notre-dame-de-paris-69564">Notre-Dame de Paris</a>, le lundi 15 avril, a produit une sidération d’une ampleur aussi rare que subite, saisissant la France entière et bien d’autres pays <a href="https://theconversation.com/notre-dame-writers-and-the-shock-of-destruction-through-history-115571">au-delà des frontières</a>, en Europe, en Amérique, en Asie. Alors que les braises n’étaient pas encore éteintes, très tôt s’est manifestée de façon spontanée une volonté de contribuer fortement à l’immense chantier de reconstruction qui s’annonçait. Tout le monde l’aura noté, ce furent les <a href="https://www.challenges.fr/patrimoine/pinault-bettencourt-arnault-au-chevet-de-notre-dame_653540">familles du luxe</a> qui lancèrent le mouvement : la famille Pinault, la famille Arnault, la famille Bettencourt. Ce sont les trois grands noms du luxe en France, ceux-là même qui contribuent à développer le <em>soft power</em> de la France, sa culture, son rayonnement sur les marchés mondiaux, à travers les marques de luxe réputées des groupes Kering, LVMH et L’Oréal.</p>
<p>Chacun aura été frappé aussi par le montant significatif des dons annoncés, dont le cumul <a href="https://www.bfmtv.com/economie/dons-pour-notre-dame-la-barre-du-milliard-d-euros-sera-depassee-aujourd-hui-1674822.html">dépassait le milliard d’euros</a> à peine 48 heures après le drame. Ces sommes sont à la hauteur de la fortune, immense, des donateurs, mais également à la mesure du coût probable des travaux. Elles sont enfin au niveau de la charge symbolique exceptionnelle de cet incendie qui faillit mettre à terre un édifice incarnant à lui seul toute l’<a href="http://www.rfi.fr/video/20190417-notre-dame-paris-coeur-histoire-france">Histoire de France</a>, ses racines, sa culture, son identité, que l’on soit croyant ou non.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/BwXhGuzF3WZ","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>Pourquoi le luxe s’est-il porté aux avant postes de la volonté de refuser le destin annoncé et des forces de la reconstruction de Notre-Dame ? Éliminons d’emblée les thèses qui voudront ne voir là que stratégie de communication ou fiscale. C’est mal connaître les créateurs de ces groupes. En réalité, les causes sont d’une autre nature, liée à la fonction profonde du luxe et à la spécificité du luxe à la française.</p>
<h2>Le luxe, une origine religieuse</h2>
<p>Le luxe est l’industrie de l’excellence, mais elle a commencé comme une activité sacrée. De tout temps, dans tous les pays où l’activité de luxe a pu se développer, les meilleurs artisans se sont mobilisés pour inventer, créer, fabriquer des produits d’exception, faits de matières rares les plus précieuses, et sur lesquels le temps de travail n’était pas compté, présents inestimables offerts en sacrifice aux dieux, soit pour se les concilier avant la bataille, soit pour les remercier à la hauteur des victoires, ou des bonnes récoltes. Le prix très élevé de ces produits est précisément ce qui permet d’être offert en sacrifice, c’est-à-dire au sens littéral « ce qui fait le sacré ». C’est pourquoi les temples étaient recouverts d’or, les églises ornées des plus beaux objets, et les artistes prompts à donner le meilleur d’eux-mêmes à cette fin.</p>
<p>Après les dieux vinrent les demi-dieux, les nobles, les castes dominantes, auxquelles rien n’était refusé, privilège de la naissance. La Révolution française mit fin aux privilèges de la naissance, mais pas au droit d’accéder au beau, au sublime par la vertu de sa propre fortune, c’est-à-dire de son destin et de ses moyens. Les révolutions communistes elles-mêmes ont commencé par une phase d’éradication des inégalités, mais les pays qui les ont vécues ont été obligés de relancer leurs économies en lâchant la bride à l’entrepreneuriat et à l’innovation. Autrement dit, à une libéralisation… qui a recréé des inégalités à l’arrivée.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/269850/original/file-20190417-139120-awtnlx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/269850/original/file-20190417-139120-awtnlx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/269850/original/file-20190417-139120-awtnlx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/269850/original/file-20190417-139120-awtnlx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/269850/original/file-20190417-139120-awtnlx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/269850/original/file-20190417-139120-awtnlx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/269850/original/file-20190417-139120-awtnlx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Aux origines du luxe, on trouve la force de travail mobilisée pour des raisons religieuses.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jorisvo/Shutterstock</span></span>
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<p>Or, le luxe se nourrit justement des inégalités, car il faut que certains aient plus d’argent pour que l’on puisse payer les objets à la hauteur de leur préciosité. Partout dans le monde, les classes sociales montantes veulent jouir de leurs efforts et se voir reconnues. D’où la <a href="https://www.bain.com/insights/luxury-goods-worldwide-market-study-fall-winter-2018/">croissance remarquable</a> de l’industrie du luxe.</p>
<p>Même s’il est réel que cette croissance soutenue résulte de l’arrivée successive des vagues de nouveaux riches, hier du Japon, puis de Russie et maintenant de Chine, ce serait une erreur de ne voir dans la consommation de luxe que la recherche du paraître, du « bling bling ». C’est vrai dans une première étape de la vie des clients mais très vite ceux-ci accèdent à une vérité plus profonde, celle de la dimension culturelle et sacrée des objets qu’ils achètent si cher. Car le paradoxe du luxe est qu’il élève les acheteurs, pas uniquement dans la perception des autres par la valeur connue des produits et logos affichés, mais aussi en leur offrant une voie de sortie du quotidien, grâce à la possession d’une pièce incomparable qui condense toute la spiritualité, la culture vivante d’un pays, son histoire, son art.</p>
<h2>Cultures du lieu, du temps, du sacré</h2>
<p>Le luxe, en particulier à la française, érige en condition sine qua non pour être luxe de pouvoir condenser l’unicité d’un lieu, d’un héritage historique, et d’une filiation. Ce luxe-là fait de l’espace, du temps long et du sang les bases de son rayonnement et de sa quête de suprématie. D’où l’importance du « made in », du culte des origines, du respect du fondateur et de son legs. Les marques de luxe, à l’image d’Hermès ou de Chanel, y font en permanence référence comme leur patrimoine le plus précieux car cette pérennité ancrée dans un lieu d’origine et portée par un créateur est ce qui fonde leur « non-commercialité », le refus de se considérer comme des produits de simple commerce.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"877612237053198337"}"></div></p>
<p>En réalité, l’industrie du luxe se veut elle aussi sacrée : ses marques parlent de leurs « icônes », elles bâtissent des « cathédrales » dans les capitales du monde entier, dédiées à la magnificence de la marque, au développement de la communauté des croyants, qui adhèrent émotionnellement. Aucune autre industrie ne valorise autant la notion de patrimoine, comme fondement de son unicité : les marques de luxe se projettent d’autant plus dans le futur qu’elles ont l’assurance de leur passé qui les distingue, comme il confère distinction aux adeptes de la marque.</p>
<p>On comprend alors l’affinité profonde entre ce secteur et Notre-Dame, patrimoine de la culture française, de son histoire, là où se concentre le sacré national depuis huit siècles. Le luxe est la vitrine de la France, de sa capacité à produire des objets dérivés de l’art issus de marques d’élégance nourries par leur histoire et leurs lieux. La France, qui représente une histoire et un terroir communs à ces marques, a pour symbole quelques monuments érigés au rang de <a href="https://unesco.delegfrance.org/-Les-sites-francais-classes-">patrimoine de l’humanité</a>, au premier rang desquels figure Notre-Dame.</p>
<h2>Les familles, pas les marques</h2>
<p>Il n’aura échappé à personne que les maisons de luxe sont les nouveaux mécènes de l’art aujourd’hui. Hier les familles patriciennes de Florence ou de Venise encourageaient les arts, tout comme nos Rois de France avant que l’État ne se porte garant de la culture et de sa diffusion à tous en développant musées, écoles d’art, académies, etc. Mais l’État-providence ne peut pas tout. En outre, l’art est devenu un marché très spéculatif où les prix des tableaux ou sculptures s’envolent, car ces pièces sont uniques, donc objets de rivalité pour leur possession par les musées du monde entier, dont ceux, désormais, <a href="http://www.nouveautourismeculturel.com/blog/2014/08/13/les-nouveaux-musees-chinois/">des pays émergents</a>.</p>
<p>L’État étant limité dans ses dépenses, le luxe est devenu mécène incontournable de l’art. Il en a les moyens et le savoir-faire. Cela s’inscrit également dans une démarche à long terme dite d’<a href="https://seminesaa.hypotheses.org/7860">artification</a> visant à transformer le non-art en art. Le luxe se veut le produit dérivé de l’art. D’où la multiplication des collaborations avec les artistes contemporains de tous pays, le sponsorship d’expositions grandioses hymne aux créateurs de mode, ou encore la création de musées comme la Fondation Louis Vuitton.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/269848/original/file-20190417-139110-1qrlsks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/269848/original/file-20190417-139110-1qrlsks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/269848/original/file-20190417-139110-1qrlsks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/269848/original/file-20190417-139110-1qrlsks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/269848/original/file-20190417-139110-1qrlsks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/269848/original/file-20190417-139110-1qrlsks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/269848/original/file-20190417-139110-1qrlsks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le bâtiment de la Fondation d’entreprise Louis Vuitton, à Paris, a été inauguré en 2014.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Oliverouge 3/Shutterstock</span></span>
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<p>Cela change la perception des objets du luxe eux-mêmes. À ce titre, il était naturel que les grandes maisons du luxe se portent d’emblée au secours de cette grande maison symbolique qu’est Notre-Dame. Le secteur du luxe doit beaucoup à la France, il se devait de le lui rendre.</p>
<p>On notera enfin que les offres de dons furent portées au nom des familles elles-mêmes, Pinault, Arnault, Bettencourt… certes à travers leurs fondations dont c’est la fonction, mais pas à travers leurs marques notoires. Car la portée symbolique eût été toute autre. La mise en avant des marques, c’est « faire du commerce », c’est réintroduire les marchands du temple au moment où l’édifice lui-même avait un pied à terre, et où toute idée d’intérêt à court terme est bannie. C’eût été surtout déroger au sacré…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115692/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Noël Kapferer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les stratégies de communication ou fiscales sont loin d’être des explications suffisantes…Jean-Noël Kapferer, Professeur Senior, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1155982019-04-17T12:13:26Z2019-04-17T12:13:26ZDons pour Notre-Dame : particuliers ou entreprises, qui sont vraiment les plus généreux ?<p>Dès le soir du lundi 15 avril et l’incendie qui touchait la cathédrale Notre-Dame de Paris, de nombreuses cagnottes en lignes ont été lancées par des citoyens eux-mêmes ou bien par d’institutions plus établies en vue de financer la reconstruction de l’édifice, que le président Emmanuel Macron espère achevée <a href="http://www.lefigaro.fr/politique/macron-veut-reconstruire-notre-dame-en-cinq-ans-20190416">« en 5 ans »</a>. Deux jours après la catastrophe, les promesses de dons dépasseraient déjà le <a href="https://www.bfmtv.com/economie/dons-pour-notre-dame-la-barre-du-milliard-d-euros-sera-depassee-aujourd-hui-1674822.html">milliard d’euros</a>, a annoncé l’animateur de télévision Stéphane Bern, qui a été chargé l’an dernier par l’exécutif d’une mission sur le patrimoine, dans une interview accordée à BFM Paris.</p>
<p>Mais qui exactement contribue à cet élan de générosité ? Et qui, parmi les donateurs, consentira à faire le plus d’efforts ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1118234453061570560"}"></div></p>
<h2>L'effort des plus âgés et des plus jeunes</h2>
<p>Du côté des particuliers, si l’on regarde les dernières tendances autour de la générosité des Français, ce sont généralement les plus jeunes et les plus âgés qui font le plus d’efforts. Une tendance que l’on retrouve d’ailleurs en matière d’engagement bénévole. Il faut en effet se défaire des seuls effectifs de donateurs et des montants (auquel cas, plus les Français vieillissent, plus ils donnent) pour s’intéresser à <a href="https://recherches-solidarites.org/wp-content/uploads/2019/03/La-generosite-2018.pdf">cet effort de don</a>, dont on mesure l’intensité en fonction des revenus notamment. Et dans ce cas, ce sont clairement les populations âgées de moins de 30 ans ou de plus de 70 ans qui se distinguent, comme on le voit dans le tableau ci-dessous :</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/269757/original/file-20190417-139116-99jzlq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/269757/original/file-20190417-139116-99jzlq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/269757/original/file-20190417-139116-99jzlq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/269757/original/file-20190417-139116-99jzlq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/269757/original/file-20190417-139116-99jzlq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/269757/original/file-20190417-139116-99jzlq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/269757/original/file-20190417-139116-99jzlq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/269757/original/file-20190417-139116-99jzlq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://recherches-solidarites.org/wp-content/uploads/2019/03/La-generosite-2018.pdf">Recherches-solidarites.org</a></span>
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<p>Notons par ailleurs que, structurellement, les donateurs sont de moins en moins nombreux, puisque seuls <a href="https://recherches-solidarites.org/wp-content/uploads/2019/03/La-generosite-2018.pdf">5 219 000 foyers</a> ont fait un don au cours de l’année 2017. Cette baisse est cependant compensée par une hausse à la fois du montant total des dons (atteignant quasiment 2,6 milliards d’euros en 2017), et du don moyen, frôlant durant la même année les 500 euros.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/269756/original/file-20190417-139094-1v986mo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/269756/original/file-20190417-139094-1v986mo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/269756/original/file-20190417-139094-1v986mo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/269756/original/file-20190417-139094-1v986mo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/269756/original/file-20190417-139094-1v986mo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/269756/original/file-20190417-139094-1v986mo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/269756/original/file-20190417-139094-1v986mo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/269756/original/file-20190417-139094-1v986mo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://recherches-solidarites.org/wp-content/uploads/2019/03/La-generosite-2018.pdf">Recherches-solidarites.org</a></span>
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<p>Reste donc à savoir si, pour la cause culturelle en particulier, les citoyens changeront leurs habitudes et contribueront à modifier ces tendances. La question est d’autant plus cruciale que le don connaît aujourd’hui une <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/le-telephone-sonne/le-telephone-sonne-01-janvier-2019">crise</a> en France, crise aggravée notamment par la fin de l’impôt sur la fortune qui incitait les particuliers les plus aisés à donner pour limiter le montant imposable.</p>
<p>Soulignons également que les décisions politiques sont des mobilisations indirectes des contribuables. Qu’il s’agisse du <a href="https://www.europe1.fr/societe/incendie-a-notre-dame-de-paris-valerie-pecresse-va-debloquer-10-millions-deuros-daide-durgence-3892757">conseil régional d’Ile-de-France</a>, géographiquement impliqué, ou de <a href="https://rue89bordeaux.com/2019/04/nicolas-florian-veut-bordeaux-solidaire-dame-de-paris">municipalités provinciales</a>, les collectivités territoriales commencent à envisager des donations à la souscription de la Fondation du patrimoine. En renonçant à une partie des fonds normalement fléchés au niveau local, les administrés, par la voix de leurs élus, acceptent de se priver d’un service, d’un événement ou d’un soutien auquel ils auraient pu prétendre. En cela, il s’agit, de fait, d’une autre forme de mobilisation.</p>
<h2>Entreprises et les fondations, la force du mécénat</h2>
<p>Parallèlement à la mobilisation citoyenne, le lendemain du drame a été marqué par les annonces de grandes entreprises françaises qui ont communiqué sur des <a href="https://www.challenges.fr/patrimoine/pinault-bettencourt-arnault-au-chevet-de-notre-dame_653540">contributions massives</a> à la restauration de la cathédrale : LVMH a ainsi promis 200 millions, la famille Pinault 100 millions, Total 100 millions également, Bouygues 10 millions, Cap Gemini, Michelin ou le Crédit Agricole Ile-de-France 1 million, etc.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/269759/original/file-20190417-139091-5orxv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/269759/original/file-20190417-139091-5orxv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/269759/original/file-20190417-139091-5orxv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=990&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/269759/original/file-20190417-139091-5orxv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=990&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/269759/original/file-20190417-139091-5orxv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=990&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/269759/original/file-20190417-139091-5orxv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1244&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/269759/original/file-20190417-139091-5orxv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1244&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/269759/original/file-20190417-139091-5orxv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1244&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="http://admical.org/sites/default/files/uploads/admical-le_mecenat_dentreprise-infographie.pdf">Admical.org</a></span>
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<p>Cette vive réaction des grands groupes notamment n’est pas étonnante : le mécénat d’entreprise est en phase d’expansion constante depuis quelques années et les fonds déjà fléchés en grande partie à la <a href="https://www.senat.fr/rap/r17-691/r17-691-syn.pdf">culture</a>. Ainsi, ce ne sont pas moins de <a href="http://admical.org/sites/default/files/uploads/admical-le_mecenat_dentreprise-infographie.pdf">2 milliards d’euros</a> qui ont été consacrés en 2017 au mécénat, par 82 000 entreprises. La force de frappe des grands groupes ne doit en effet pas éclipser les plus petites entreprises : <a href="https://www.senat.fr/rap/r17-691/r17-691-syn.pdf">50 % des entreprises mécènes</a> dans la culture ont moins de 10 salariés ; et la part des PME et ETI <a href="https://recherches-solidarites.org/wp-content/uploads/2018/04/Mecenat-24-04-2018.pdf">ne cesse de croître</a> dans le montant global alloué au mécénat d’entreprise.</p>
<p>Face aux sommes annoncées, les réactions politiques, <a href="https://www.linternaute.com/actualite/biographie/1776894-francois-et-francois-henri-pinault-comprendre-leur-don-pour-notre-dame/">méfiantes</a>, n’ont pas manqué. Elles ne sont que l’illustration, au-delà de la recherche de polémiques, de la méconnaissance de l’engagement des entreprises dans le mécénat, tant chez les responsables politiques que chez le grand public. D’un côté parce que l’État n’a finalement que peu de prises sur ces pratiques (ce qui interroge notamment la <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2018-11/20181128-rapport-soutien-public-mecenat-entreprises.pdf">Cour des comptes</a>), et de l’autre parce que la communication des entreprises sur leurs actions de mécènes est tournée davantage vers le public des monuments que vers l’ensemble de l’opinion.</p>
<p>Certes, le mécénat d’entreprise donne droit à une <a href="https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F22263">défiscalisation</a> de 60 % des dépenses engagées (dans la limite de 0,5 % de leur chiffre d’affaires). Pourtant, lorsque l’on étudie les motivations principales des mécènes, ces derniers citent d’abord l’intérêt général, de la défense des valeurs de l’entreprise ou encore de renforcer son ancrage local et territorial. Il est vrai que la sortie de l’ancien ministre de la Culture et auteur de la loi sur le mécénat de 2003, Jean‑Jacques Aillagon, a pu brouiller le message. Dès le 15 avril au soir, celui qui est désormais conseiller culturel auprès de François Pinault demandait en effet à l’État de voter rapidement une loi pour faire de Notre-Dame de Paris un « trésor national » et que les dons puissent ainsi bénéficier d’une réduction d’impôt de 90 % (plafonnée à 50 % du montant de l’impôt dû par l’entreprise).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1117870663891476480"}"></div></p>
<p>Face aux <a href="https://www.publicsenat.fr/article/societe/restauration-de-notre-dame-faut-il-changer-la-fiscalite-des-dons-140254">interrogations</a> soulevées par cette déclaration, la famille Pinault a d’ailleurs finalement annoncé mercredi 17 avril que sa donation pour Notre-Dame de Paris ne fera l’objet d’<a href="https://www.parismatch.com/Actu/Societe/Don-pour-Notre-Dame-la-famille-Pinault-renonce-a-sa-reduction-d-impot-1618959">aucune déduction fiscale</a>.</p>
<h2>Un milliard ne suffit pas</h2>
<p>Désormais, l’enjeu n’est donc plus tant de trouver des fonds (d’autant plus que des <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-eco/notre-dame-une-ville-hongroise-redevable-a-paris-fait-un-don-20190416">pays étrangers</a> et des <a href="https://www.macg.co/ailleurs/2019/04/notre-dame-de-paris-apple-va-faire-un-don-105905">firmes internationales</a> comptent donner) que de savoir comment reconstruire.</p>
<p>D’une part, parce que les moyens non financiers vont très rapidement manquer : le nombre de corps de métiers à mobiliser est impressionnant et il n’est pas possible de demander l’arrêt d’autres chantiers pour entamer celui-ci. Il en va de même pour les <a href="https://actu.orange.fr/france/incendie-de-notre-dame-pas-suffisamment-de-chenes-disponibles-pour-reconstruire-la-charpente-magic-CNT000001eZxZb.html">matières premières</a> comme le bois de chêne, malgré toutes les <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/notre-dame-paris-alain-rousset-propose-aide-sylviculture-aquitaine-reconstruire-charpente-devastee-1655998.html">volontés généreuses</a> venues de France et d’ailleurs. Le bénévolat et le mécénat de compétences seront donc cruciaux pour permettre au projet d’aboutir le plus rapidement possible.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/269774/original/file-20190417-139101-1suswnj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/269774/original/file-20190417-139101-1suswnj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/269774/original/file-20190417-139101-1suswnj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/269774/original/file-20190417-139101-1suswnj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/269774/original/file-20190417-139101-1suswnj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/269774/original/file-20190417-139101-1suswnj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/269774/original/file-20190417-139101-1suswnj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le bois de chêne, une ressource rare.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Dugdax / Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’autre part, parce que la gouvernance de ce projet sera le facteur clef de réussite. Sans une gouvernance ouverte, y compris aux institutions culturelles internationales et aux structures privées lucratives, la durée du chantier risque d’être allongée. La mobilisation financière est une première étape incontournable qui ne doit pas s’en tenir à l’aspect économique, ne serait-ce que pour <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/notre-dame-de-paris-les-cagnottes-en-ligne-se-multiplient-814353.html">assurer l’usage efficient</a> des fonds récoltés.</p>
<p>Si l’évaluation du montant exact de la rénovation de la cathédrale s’avère complexe, évaluer la contribution matérielle et immatérielle des acteurs qui comptent s’y investir sera un défi immense. Chaque discipline peut y apporter son tribut (les sciences de gestion, par exemple, ont fort à faire dans la valorisation de l’engagement précédemment cité, mais aussi dans les propositions de modèles de gouvernance non lucrative), parce que l’investissement n’est pas seulement financier. Il est désormais moral et axé sur les compétences des corps de métier, des entreprises et des citoyens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115598/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Plaisance est doctorant contractuel enseignant à l'Université de Bordeaux et expert de Recherches & Solidarités. Il est fondateur d'Acteurs Jeunes, association loi 1901.</span></em></p>Si les promesses des grands groupes s’inscrivent dans un contexte d’essor du mécénat d’entreprise, celles des particuliers tranchent avec la crise du don que connaît aujourd’hui la France.Guillaume Plaisance, Doctorant en sciences de gestion spécialiste de la gouvernance, de l'engagement et du non-lucratif, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/902652018-01-25T21:20:51Z2018-01-25T21:20:51ZLes dangers (relatifs) de la culture de l’impact<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/203456/original/file-20180125-102720-1w36hkr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le logo présenté, le 18 janvier, à Paris pour l'appel à projets lancé par le ministère de la Transition écologique et solidaire.</span> </figcaption></figure><p>Mesure de l’impact, culture du résultat, pragmatisme, volonté de changer le monde en profondeur, RSE (responsabilité sociétale de l’entreprise), instauration du contrat à impact social en France, etc. : on chante partout et sous de multiples formes une nouvelle culture de l’impact à adopter.</p>
<p>Le lancement récent du <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/lancement-lappel-projets-pionniers-french-impact">#FrenchImpact</a> en est le dernier témoignage. Elle a saisi depuis quelques années le secteur de la générosité, comme celui plus vaste de l’intérêt général. Les bienfaits sont profonds. Les risques, hélas, peuvent l’être tout autant.</p>
<h2>L’avènement de la culture de l’impact</h2>
<p>Pour commencer, une comparaison avec le domaine de l’action publique est éclairante. Dans la mise en œuvre des politiques publiques, le tournant dit libéral (voire <a href="http://www.persee.fr/doc/polix_0295-2319_1996_num_9_34_1047">néo-libéral</a>) de l’État et l’avènement du <a href="http://www.eolss.net/sample-chapters/c14/e1-34-04-01.pdf">nouveau management public</a> datent, en France, du début des années 1980.</p>
<p>Ils ont consisté à introduire progressivement dans l’action publique et ses outils des concepts et des instruments issus en bonne part du management des entreprises privées. Le phénomène a été largement étudié.</p>
<p>Pour en donner un exemple, l’un des changements les plus profonds qu’a connus en France l’action publique depuis un demi-siècle est le passage de financements récurrents – de type subventions de fonctionnement attribuées à des opérateurs historiques des politiques publiques (administrations, établissements publics) – à la mise en concurrence d’acteurs publics et privés par le biais d’appels à projets. L’évaluation systématique des moyens mis en œuvre et de l’atteinte des objectifs initialement fixés complète le dispositif.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"953950106210000896"}"></div></p>
<p>Or le secteur de la générosité suit la même trajectoire. S’il fallait la nommer, on pourrait parler de l’avènement – progressif mais rapide – d’une culture (ou un paradigme) de l’impact. En d’autres mots, il s’agit d’un ensemble cohérent de concepts, de théories explicatives, de valeurs, de principes d’actions et d’instruments de gestion. Elle triomphe dans la sacro-sainte « mesure de l’impact », Graal difficilement atteignable mais horizon constant.</p>
<p>Les acteurs de l’intérêt général qui vivent et agissent, pour tout ou partie, grâce au soutien de donateurs sont de plus en plus soumis à la fois à l’exigence de fixer des objectifs en terme d’impact (en quoi ont-ils changé le monde grâce à mon don ? demande le donateur) et non en termes de moyens mis en œuvre, et à celle du reporting sur les résultats obtenus. Le tout est orchestré par la méthode de l’appel à projets, mode opératoire des fondations redistributrices, qui fixe les cadres conceptuels et les bonnes pratiques de cette nouvelle idéologie.</p>
<h2>Comment expliquer cette transformation profonde ?</h2>
<p>Plusieurs phénomènes se conjuguent. Tout d’abord, de nombreuses associations et fondations vivent en partie de soutiens de l’État, des collectivités ou de leurs opérateurs parapublics (voir les études 2014 du <a href="http://www.lerameau.fr/wp-content/uploads/2014/12/Le-RAMEAU-Panorama-SecteurAsso-2013.pdf">Rameau</a> et 2017 de <a href="https://home.kpmg.com/fr/fr/home/insights/2017/04/modeles-socio-economiques-associations-employeuses.html">KPMG</a>), et ont connu de ce fait le « tournant libéral » de l’action publique évoqué plus haut.</p>
<p>Elles ont intégré petit à petit ces exigences nouvelles. Or dans la compétition pour capter l’attention, l’intérêt, la confiance et <em>in fine</em> les ressources financières des donateurs, endosser une culture de l’impact s’avère gagnant. En anticipant des exigences de donateurs qui n’étaient peut-être pas encore présentes, les organismes sans but lucratif (OSBL) ont contribué à leur diffusion.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/203458/original/file-20180125-102750-1iuhxel.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/203458/original/file-20180125-102750-1iuhxel.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=854&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/203458/original/file-20180125-102750-1iuhxel.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=854&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/203458/original/file-20180125-102750-1iuhxel.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=854&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/203458/original/file-20180125-102750-1iuhxel.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1073&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/203458/original/file-20180125-102750-1iuhxel.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1073&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/203458/original/file-20180125-102750-1iuhxel.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1073&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Plaquette de présentation des « contrats à impact social ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.economie.gouv.fr/files/files/ESPACE-EVENEMENTIEL/Contrat_impact_social/flyer-contrat-impact-social-v02.pdf">Ministère de de l’Économie, des Finances, de l’Action et des Comptes publics.</a></span>
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<p>Deuxièmement, la multiplication des organisations appelant à la générosité publique ou au soutien de mécènes est en constante augmentation (voir à ce sujet le site du Centre français des Fonds et Fondations sur l’évolution du <a href="http://www.centre-francais-fondations.org/fondations-fonds-de-dotation/le-secteur/les-derniers-chiffres-sur-les-fonds-et-fondations-en-france">nombre d’organisations</a>, dont beaucoup collectent). Cela oblige les donateurs à sélectionner de manière plus drastique les causes ou les organisations à soutenir. La culture du résultat et de la mesure de l’impact fournissent aux donateurs sur-sollicités des cadres de pensée ou une méthode pratique et à la mode pour sortir de leur dilemme.</p>
<p>On peut voir, enfin, dans l’injonction à la mise en place de politiques de RSE (responsabilité sociétale de l’entreprise) une autre voie de propagation du paradigme de l’impact, qui affecte par définition les parties prenantes des entreprises qui s’adressent à elles.</p>
<h2>Les vertus de l’impact</h2>
<p>Que penser de cette évolution ? Évaluer son effet positif en terme de « professionnalisation » du secteur des OSBL revient à souscrire sans le dire à la culture de l’impact, et à apprécier la mise en conformité des pratiques avec les canons qu’elle prescrit. Se « professionnalise » celui qui se donne des objectifs, agit pour les atteindre, mesure ses résultats et communique sur l’impact de son action.</p>
<p>En tant qu’observateur et praticien, j’y souscris assez nettement. Replacer les discussions et négociations entre financeurs et collecteurs/opérateurs au niveau des impacts est une méthode féconde pour trouver un terrain d’entente et un moyen d’éviter que ne perdurent des situations de rente ou de monopoles improductifs au regard des besoins et des causes à défendre.</p>
<p>Dans une culture généralisée de l’impact, adopter le vocabulaire et les pratiques propres à ce paradigme permet aussi de fournir aux représentants des financeurs (privés et publics) des arguments et des justifications valorisés par leurs décideurs. Les performances de collecte s’en trouvent améliorées.</p>
<p>Enfin, on ne peut négliger que cette idéologie comporte un volet technique, des instruments, qui comblent un vide méthodologique fréquent dans les OSBL (notamment en gestion, levée de fonds et communication), et permet de sortir les professionnels du non-profit de méthodes artisanales parfois incompréhensibles pour les donateurs.</p>
<p>Toutefois, souscrire globalement à cette culture n’exclut pas qu’on lui trouve aussi, pour le secteur de la générosité au moins, des inconvénients.</p>
<h2>Risque n°1 : financer le fonctionnement</h2>
<p>Le premier est une antienne du monde du non-profit : si les donateurs ne financent plus que les actions qui ont un impact direct, mesurable, qui financera la structure qui porte ces actions, ses fonctions supports, ses coûts de fonctionnement ? Les OSBL qui sont financés de plus en plus via des appels à projets connaissent ce danger : on multiplie les succès, on obtient des financements, mais on n’a rien, ou trop peu, pour faire vivre les fonctions supports. Du coup, ces derniers sont sous tension et n’apportent plus le soutien attendu par les équipes qui, elles, font le travail dont on mesurera l’impact. Rapidement, le modèle économique n’est plus tenable.</p>
<p>De nombreuses fondations redistributrices (cf. l’étude de <a href="http://www.mecenova.org/evolution-des-methodes-de-selection-de-projets/">Mécénova</a>) s’alignent – consciemment ou non – sur ces standards qui imposent des maxima de prélèvements pour frais de gestion (généralement moins de 10 %). Pour un OSBL non subventionné, sa pérennité est vite menacée.</p>
<p>À titre d’exemple, sur mes huit dernières années passées à diriger des fondations dans le secteur de la recherche, les prélèvements de 8 % n’ont jamais permis de faire vivre une structure (salaires chargés et coût de fonctionnement), quelle que soit sa dimension. La question n’est pas celle de la taille (même si des effets de paliers peuvent être espérés).</p>
<p>Il faut trouver des mécènes qui acceptent de financer la structure elle-même. Cela est rarissime et peut finir par prendre plus de temps que de mener les actions à impact fort. Sans subvention, sans intérêts d’un capital, sans apport en nature, il aurait fallu au minimum 20 % de frais de gestion pour équilibrer les comptes de ces fondations.</p>
<h2>Solution 1 : déconnecter impact et efficience du don</h2>
<p>Le financement des fonctions supports est-il incompatible avec l’idéologie de l’impact ? Non, si on adopte une perspective qualitative de l’impact et non un ratio d’efficience entre financement apporté et résultats obtenus.</p>
<p>On a confondu impact du financement apporté (chaque euro donné) avec l’impact pour le bénéficiaire final. C’est une vision purement comptable de l’aide apportée, équivalant à un retour sur investissement social étroit. L’idée d’impact n’a pas imprégné les outils de l’idéologie qui la serve : par peur que le financement apporté n’ait pas d’impact, on exige qu’il soit utilisé en quasi-totalité pour le projet dont on mesurera les effets. Or le lien entre les deux n’est pas systématique.</p>
<p>Maximiser l’impact de mon don en maximisant son utilisation pour le « projet » soutenu est une erreur de calcul. On fait comme si tout projet financé n’était qu’un coût marginal supplémentaire pour une organisation qui en ferait varier le nombre comme elle le souhaiterait. En fond de cette méprise, il y a à la fois un manque de confiance dans les structures qu’on soutient (mauvais usage des fonds) et une méconnaissance des modèles économiques des acteurs soutenus.</p>
<h2>Risque n°2 : ne plus soutenir les causes les plus difficiles</h2>
<p>Le second risque concerne le financement des causes pour lesquelles l’impact est le plus difficile à obtenir, le plus difficile à assurer ou le plus long à générer. De ce point de vue, la lutte contre la grande pauvreté, la recherche médicale ou les programmes de prévention-éducation forment un triptyque peu compatible avec l’idéologie de l’impact.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/203437/original/file-20180125-102744-1b0f3f9.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/203437/original/file-20180125-102744-1b0f3f9.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/203437/original/file-20180125-102744-1b0f3f9.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/203437/original/file-20180125-102744-1b0f3f9.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/203437/original/file-20180125-102744-1b0f3f9.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/203437/original/file-20180125-102744-1b0f3f9.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/203437/original/file-20180125-102744-1b0f3f9.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les restos du cœur, à Angers, octobre 2015.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Angers,_Les_restos_du_coeur,_octobre_2015.JPG">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Sortir de manière définitive une personne de la <a href="http://www.atd-quartmonde.org/qui-sommes-nous/faq/que-faut-il-faire-pour-vaincre-la-grande-pauvrete/">grande pauvreté</a> est complexe et difficile étant donné l’imbrication de nombreuses dimensions de la vie d’une personne : ses ressources matérielles, sa santé physique, sa santé morale, ses réseaux de sociabilité, son accès à l’information, etc. Les objectifs d’impact pourraient paraître dérisoires en regard des soutiens apportés et des besoins observés.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/203441/original/file-20180125-102711-1uk0l8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/203441/original/file-20180125-102711-1uk0l8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/203441/original/file-20180125-102711-1uk0l8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/203441/original/file-20180125-102711-1uk0l8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/203441/original/file-20180125-102711-1uk0l8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/203441/original/file-20180125-102711-1uk0l8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/203441/original/file-20180125-102711-1uk0l8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Comment mesurer l’impact à court terme de la recherche médicale ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/op%C3%A9rations-clinique-medical-1807541/">Pixabay</a></span>
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<p>La recherche médicale consiste, quant à elle, à tenter de nouvelles voies thérapeutiques, à expérimenter de nouveaux traitements sans aucune assurance que les essais seront concluants. On ne peut prendre aucun engagement sur les résultats, alors comment en prendre sur l’impact ?</p>
<p>Enfin, soutenir des programmes d’éducation dans une finalité qui est, elle, de plus long terme (par exemple, la lutte contre les discriminations), ne permet pas, par définition de fixer des objectifs d’impact à court ou moyen termes.</p>
<p>Bien entendu, les OSBL qui interviennent dans ces trois domaines doivent tout de même, pour rester crédibles dans ce nouveau contexte idéologique, afficher des objectifs d’impact. Mais on ne peut y voir beaucoup plus qu’un enjeu de communication qui s’impose à elles.</p>
<h2>Solution 2 : mieux articuler impact et valeurs</h2>
<p>À première vue, on pourrait estimer qu’une culture de l’impact entre en opposition avec une vision centrée avant tout sur les valeurs. La première consisterait à ne soutenir des organisations ou des actions qu’au regard des résultats qu’elles sont censées obtenir ; la seconde consisterait à soutenir des organisations ou des actions par respect d’une valeur : c’est bien ou juste ou généreux ou pieu ou civique de soutenir cette OSBL ou cette cause.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/yA-vE6bPUec?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>La plupart du temps, nous agissons en suivant les deux logiques, la question n’est donc pas de les opposer mais de savoir laquelle est prioritaire pour décider ou justifier une action (un don) ou légitimer une organisation. Ce qui semble dangereux, dès lors, c’est que les apports positifs de la recherche de l’impact relèguent systématiquement au second plan l’engagement en termes de valeurs.</p>
<p>La logique que devraient suivre les financeurs et donateurs afin pour que les causes les plus difficiles ne soient pas délaissées consisterait donc à choisir d’abord la cause ou l’OSBL en fonction de valeurs puis, si le soutien à apporter est compatible, exiger l’engagement sur des résultats en termes d’un impact.</p>
<p>En tant que culture, l’impact n’est pas qu’une idée, mais un ensemble de concepts, de théories explicatives et d’outils pour penser et agir. Veillons à ce que la vertu de l’idée d’impact qui focalise l’attention sur les finalités ne s’implante pas au cœur des instruments qui la desservent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/90265/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rodolphe Gouin est directeur de la Fondation de l’AP-HP pour la Recherche.</span></em></p>Une nouvelle culture de l’impact a saisi depuis quelques années le secteur de la générosité. Les bienfaits sont profonds. Les risques, hélas, peuvent l’être tout autant.Rodolphe Gouin, enseignant en psychologie politique, Sciences Po BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/738192017-03-06T20:30:02Z2017-03-06T20:30:02ZL’économie fantôme de l’opéra<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/159376/original/image-20170304-29017-5e054c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'économie tendue des opéras (ici l'opéra Garnier à Paris).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mariosp/4116599036/in/photolist-7gLDts-54gXM3-54cHZc-5NVTth-5NRA1B-54gXYQ-54cJrK-7gLEH7-7gLFoJ-4fH6bG-5NRBhP-54gXmQ-54gXwE-54gXSh-54cHTM-8aJ7Jq-p8JFb3-4KvWEd-54cHFa-7k9y6T-54gX6w-4KrEYP-4KrEW6-4KvWDy-extJa-45DSR-8aEQG4-ni2EXN-wQMaG-aGsirp-7gGHkc-6tkL9R-4KvWBL-7gGKdn-fh2op-7gGFuT-fh21R-fh2n5-9rBJoD-7gLAQL-kNaeTv-5HLcAD-7gGELc-2AsetB-6PJk5M-7gLAaW-2Gjyv-7gGG3p-2GiXn-2GiNq">Mario Sánchez Prada/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Comme bien d’autres institutions culturelles, les opéras sont des entreprises non lucratives. Outre leurs recettes de billetterie, ils perçoivent des subventions des collectivités publiques et sont soutenus par des mécènes privés. L’absence d’obligation de profit ne met pas pour autant ces établissements à l’abri de la concurrence et ne les n’empêche pas de devoir équilibrer leurs comptes, une prouesse chaque année plus difficile.</p>
<p>Voici « Operanomics », ou comment l’économie influence l’évolution des coûts, la politique de prix des billets, et même le choix du répertoire lyrique.</p>
<h2>Un opéra par ville ?</h2>
<p>Il y a quelques années déjà le New York City Opera a été acculé à la banqueroute après <a href="http://econ.st/2lKl9hq">70 ans de représentations</a>. Le premier rideau s’était levé pour <em>Tosca</em> de Giacomo Puccini, un classique. Le dernier pour un opéra dont vous n’avez sans doute jamais entendu parler et dont vous n’entendrez plus jamais parler, <em>Anna Nicole</em>.</p>
<p>L’héroïne éponyme est inspirée de la vie d’un modèle du magazine <em>Playboy</em>. Une petite texane de modeste extraction, épouse un milliardaire nonagénaire après s’être fait poser des implants mammaires. Le mari meurt, dix ans passent, Anna Nicole grossit, perd son fils, devient folle et perd la vie. Cette histoire moderne, louée par le public, honnie par les critiques, n’a pas suffi à relancer le New York City Opera. Elle n’aurait pas non plus été donnée au Met, l’Opéra métropolitain de New York, son rival plus élitiste.</p>
<p>New York avec deux grands établissements et non un seul (City a ré-ouvert l’an dernier) et Londres avec son opéra royal, Covent Garden, et son opéra national moins illustre et <a href="http://bit.ly/2mDTJ0R">plus précaire</a>, sont des exceptions. De même Berlin qui en compte trois depuis la Réunification. Mais dans la capitale allemande, le trio est désormais regroupé dans une fondation sous une bannière financière unique.</p>
<p>Ce regroupement a permis d’éviter, au moins jusqu’à aujourd’hui, la disparition d’un des membres. Il permet aussi de coordonner les programmes. La représentation le même jour du même opéra dans les trois établissements de Berlin, comme cela s’est produit une fois pour <em>La Flûte enchantée</em>, était une coïncidence malheureuse qui ne devrait plus jamais advenir.</p>
<p>Un seul grand opéra de prestige par ville, même pour les grandes métropoles, c’est la règle. Mais cette situation de monopole n’élimine pas toute concurrence. Expliquons-nous.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/159377/original/image-20170304-29032-lqb46m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/159377/original/image-20170304-29032-lqb46m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/159377/original/image-20170304-29032-lqb46m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/159377/original/image-20170304-29032-lqb46m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/159377/original/image-20170304-29032-lqb46m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/159377/original/image-20170304-29032-lqb46m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/159377/original/image-20170304-29032-lqb46m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/159377/original/image-20170304-29032-lqb46m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Metropolitan Opera House, New York.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/carlmikoy/7320889830/in/photolist-c9Vtus-9jwdaR-qyT7tz-9jzjwj-6fmFUi-bqrYpj-r1i6uj-ffWUq8-HC2PFr-biVTBv-RL63o-dWgJXt-4zTAnF-r4vQ87-9EqT44-bDn4FK-aLPLs-9knu45-4XG8Hc-jbY4r9-CXFNZz-5xCxE4-8FaMwp-JnWz1b-bDmT82-9hdc2K-BZDiAg-pUyhvt-bDmRz2-bqrXjh-r3vmdY-D5eqe6-4SF1Xe-8FaRhg-8FaNcx-71psxX-9EqTfT-r3vjEC-r1hYiA-9EtkCL-CL6BiC-8FdU85-8FdUuq-cDAVUL-71tmVL-biVVtX-dfXAn1-731T5s-8thi6S-72dz9w">Carl/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Monopoles locaux, concurrence mondiale</h2>
<p>À distance, les grandes maisons d’opéra rivalisent pour attirer les talents. Grands chefs d’orchestre et directeurs expérimentés à demeure, metteurs en scène prestigieux et chanteurs invités rehaussent les réputations internationales des établissements. Sans vouloir offenser ces personnes remarquables, elles ne sont guère différentes, aux yeux d’un économiste, des joueurs de football les plus recherchés par les grands clubs. Rares, les talents s’arrachent entre opéras. Le montant des salaires et des cachets en témoigne. Ils restent cependant très modestes par rapport aux as du ballon rond. Surtout, contrairement aux clubs sportifs, les opéras ne font pas jouer leurs équipes l’une contre l’autre lors de rencontres plus ou moins palpitantes.</p>
<p>Le match se joue sur le terrain de la notoriété. La concurrence pour le prestige entre États et villes à travers l’opéra est une histoire qui remonte au temps des royaumes et des cours. L’Allemagne en fournit l’exemple le plus saisissant. Près d’une trentaine d’opéras ont été bâtis avant 1800 par rois, princes et ducs en quête de grandeur dans un ancien empire fragmenté. Cet engouement n’a pas seulement saisi les grandes cours, loin de là. Dans une <a href="http://bit.ly/2lqwUNR">étude économétriquement solide</a>, des économistes ont montré que la richesse urbaine n’était pas la cause de la décision de construire ces théâtres baroques, mais qu’en revanche la ville devenait plus riche à cause de cette décision.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/159378/original/image-20170304-29032-12o236l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/159378/original/image-20170304-29032-12o236l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/159378/original/image-20170304-29032-12o236l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/159378/original/image-20170304-29032-12o236l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/159378/original/image-20170304-29032-12o236l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/159378/original/image-20170304-29032-12o236l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/159378/original/image-20170304-29032-12o236l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/159378/original/image-20170304-29032-12o236l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’opéra de Dubaï.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/michael_mayer/2474132351/in/photolist-s4iRgc-MPJB5A-s69VdY-imsPE6-M6DZPr-n8uhaJ-MjEPQP-LuvuXT-4LCzmk-ykLM-n8up7u-n8sn3V-n8uiRj-n8sodD-n8uprh-8X8KG3-LrUt3y-KEG5Uk-KEwnmE-LrZgQy">Michael Mayer/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Un prestige enrichissant</h2>
<p>Bien de prestige, l’opéra a attiré dans la ville une population plus éduquée et entreprenante, ce qui a entraîné une croissance plus forte. Il n’est pas sûr qu’un tel bénéfice attendu soit aujourd’hui la cause, ni même l’effet produit, des projets contemporains que ce soit l’opéra Bastille à Paris ou l’opéra de Dubaï. La concurrence pour le pur prestige reste un puissant moteur.</p>
<p>Par ailleurs, la position de monopole se définit sur un marché. En élargissant les frontières du marché, le monopole peut disparaître, l’entreprise ne détenant plus alors 100 % du marché à elle seule. Ainsi l’Opéra de Paris qui est à la tête des salles du Palais Garnier et de Bastille détient le monopole des spectacles d’opéra dans la capitale (ne m’intéressant ici qu’aux grandes maisons d’opéra, je compte ici pour du beurre des salles parisiennes à l’exemple du théâtre des Champs-Élysées, du Châtelet, de l’Opéra Comique ou des Bouffes du Nord, que leurs spectateurs et leurs directeurs me pardonnent).</p>
<p>Mais ne serait-il pas plus pertinent de retenir un marché plus large qui inclurait par exemple les grandes salles de concert symphonique ? Pour partie, les amateurs d’art lyrique et ceux de musique classique sont les mêmes et ils choisissent de consommer tantôt l’un ou l’autre de ces biens.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/159379/original/image-20170304-29012-mg7fq2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/159379/original/image-20170304-29012-mg7fq2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/159379/original/image-20170304-29012-mg7fq2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/159379/original/image-20170304-29012-mg7fq2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/159379/original/image-20170304-29012-mg7fq2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/159379/original/image-20170304-29012-mg7fq2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/159379/original/image-20170304-29012-mg7fq2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/159379/original/image-20170304-29012-mg7fq2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’opéra d’Helsinki.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/dalbera/2768446378/in/photolist-5dD1E7-JaCrb-xbU7tw-zxvtK-aqf8ZT-sdeWwB-9LB4Uo-3X5i4Q-akixqW-4f7JSQ-HnYGTY-jnywi-4ECfGb-4m8pHz-4wh1vS-8L4fUj-jtyHs-fffCq-7rjHJK-9KwuW1-cRzoi1-cRRua9-cU2sZL-7RHwvu-7VX2Ec">Jean-Pierre Dalbéra</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>La fatalité des coûts croissants</h2>
<p>Dès lors qu’ils sont substituables, c’est-à-dire qu’une augmentation du prix de l’un entraîne une augmentation significative de la consommation de l’autre, le marché doit être ainsi étendu. En Finlande, une augmentation du prix de 10 % d’autres événements culturels entraîne une augmentation du même ordre de la demande pour l’<a href="http://bit.ly/2m66m1i">Opéra national d’Helsinki</a>.</p>
<p>L’opéra partage une autre caractéristique économique avec le concert et, plus généralement, avec les spectacles vivants (c’est-à-dire joués sur scène par des interprètes en chair et en os) : la fatalité des coûts croissants. Elle a été théorisée et mise en évidence par <a href="http://bit.ly/2m678LL">William Baumol</a>, un économiste touche-à-tout de génie. La propriété clef n’est pas que les acteurs, chanteurs ou musiciens soient vivants : ils ne diffèrent pas en ce point des autres agents producteurs de biens ou services. La propriété économique clef est que le travail de l’interprète n’est pas un moyen de production pour fabriquer quelque chose, mais le produit lui-même.</p>
<p>Il en découle qu’il n’y a guère de façons d’augmenter la productivité : il faut aujourd’hui quatre musiciens pour jouer le quatuor à corde opus 18 de Beethoven comme à sa création en <a href="http://bit.ly/2mpWcLD">1801</a> et raccourcir sa durée en deçà de 20 minutes serait du massacre. Mais, entre-temps, la productivité horaire par personne a crû considérablement dans les autres secteurs de l’économie et donc aussi les salaires. Il est bien sûr difficile d’imaginer que les émoluments des interprètes des spectacles vivants restent au niveau de ceux qu’ils étaient lorsque les œuvres ont été composées. Les chanteurs du chœur des esclaves de <em>Nabucco</em>, l’opéra de Guiseppe Verdi, sont prisonniers de Babylone, mais non de l’Opéra national de Paris ou de la Scala de Milan. Leur labeur doit être raisonnablement rémunéré.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/159380/original/image-20170304-29005-61imh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/159380/original/image-20170304-29005-61imh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/159380/original/image-20170304-29005-61imh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=358&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/159380/original/image-20170304-29005-61imh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=358&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/159380/original/image-20170304-29005-61imh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=358&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/159380/original/image-20170304-29005-61imh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=450&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/159380/original/image-20170304-29005-61imh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=450&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/159380/original/image-20170304-29005-61imh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=450&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La troupe de <em>Nabucco</em> de Verdi (Vérone, 22 août 1989).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/elisaphi/3754144778/in/photolist-6HJYs7-7HZYr3-7Bjh3S-6vKtLE-84WaRC-8iRzvp-6utzrP-6utzaX-jq6fis-82qcF8-jASHGW-84WaXY-Cnk1d-6vFgGV-84Wb5w-7ZM99M-6x3f8K-n8vL3f-yXrNvR-zocLn2-zMz1UK-J4mV7S-jKvsiM-jLSTfx-8iRzFZ-8ygraj-7ZM8RH-k3UeN7-7QT4tU-8ygr69-89WCWA-7ZM9qV-jKwkuH-hqKKq-buLT95-82qcLg-jQYjDK-yE3jAQ-yXrNpD-yXrNse-z8cnQZ-A55Kzg-yUgfJY-yXnibX-yDXPao-yVz6y7-yDXPDE-yVz5xE-siTbar-A62x2M">Philippe Roos</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>À moins de remplacer les interprètes par des hologrammes, le coût des opéras, des concerts ou encore des ballets croît inexorablement plus vite que celui des autres biens et services ainsi que le revenu moyen des ménages. Sur un peu plus d’un siècle, le coût par concert de l’Orchestre Philharmonique de New York a progressé de 2,5 % par an contre 1 % pour l’indice des prix aux États-Unis. Sur une période plus courte, 1951-1964, le coût par représentation du Met s’est élevé de 4 % en moyenne annuelle contre 0,3 % pour l’<a href="http://amzn.to/2mQYuRn">indice américain</a>.</p>
<h2>Recette, subventions et mécénat</h2>
<p>Pour éviter les déficits, et lorsqu’ils s’accumulent la fermeture, les établissements d’art lyrique doivent donc inexorablement faire croître leurs recettes. Longtemps, en Europe, le procédé le plus simple a consisté à demander plus <strong>de subvention publique</strong>. Mais les difficultés budgétaires de la puissance publique elle-même rendent désormais cette solution caduque. D’ailleurs, l’aide publique baisse parfois : entre 2005 et 2013 la subvention de l’État à l’Opéra national de Paris a diminué de 10 % en <a href="http://bit.ly/2mQOzvg">euro constant</a>. La montée d’un sentiment anti-élite dans la population ne facilite évidemment pas non plus le recours à ce procédé. L’Opéra national de Paris reçoit de l’État de l’ordre de 100 millions par an, soit environ <a href="http://bit.ly/2mQOzvg">130 € par billet vendu</a>. Difficile d’imaginer de dépasser ces montants dans le futur.</p>
<p>D’où le recours croissant au <strong>financement privé de mécènes</strong>. Les directeurs d’opéra français, allemand ou italien doivent désormais lever des fonds auprès d’entreprises et de riches donateurs à l’instar de leurs collègues américains. Ces derniers ont une forte expérience en la matière puisque le financement de leurs établissements est de longue date essentiellement privé. L’Opéra national de Paris peut ainsi compter sur le soutien d’une association solide et efficace de bienfaiteurs, l’<a href="http://www.arop-opera.com/home">Arop</a>, qui a collecté environ 13 millions d’euros l’an dernier. À cela s’ajoutent 17 millions de recettes commerciales (visites, locations d’espace, etc.).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/159381/original/image-20170304-29005-1xopyw9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/159381/original/image-20170304-29005-1xopyw9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/159381/original/image-20170304-29005-1xopyw9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/159381/original/image-20170304-29005-1xopyw9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/159381/original/image-20170304-29005-1xopyw9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/159381/original/image-20170304-29005-1xopyw9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/159381/original/image-20170304-29005-1xopyw9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/159381/original/image-20170304-29005-1xopyw9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La facade de l’opéra Bastille à Paris en mars 2015.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/16950507603/in/photolist-rPRMn6-bM7yd-RmdKoC-eTeJWP-bM6cU-bM6j6-8SXhfn-8X5Zim-bMTnc-5kwmUr-yA4Rs-df97aH-8AXmQE-8AUvAM-6K7o1T-6Kbtt3-6K7oqZ-8AUde8-767Lba-p71AgJ-2hUv43-p71G4p-dcQwub-geauxj-8P7Wzt-jt9woi-8AXqwj-6KbuJu-6Kn5ck-6Kn4tg-7yQAEL-7QxaTQ-osqs4b-54Hi1h-geaXMt-bxPH7-9gSGvG-8T1hcY-6Kn3GB-pov7fr-utYzDY-txnUcf-8AUa44-2hPZQ6-jMUyt-osqsg5-jSALX6-7jN7ez-dhQtde-6DvwEx">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>D’où aussi, un prix des places croissant. L’Opéra national de Paris l’a relevé de <a href="http://bit.ly/2mQOzvg">30 % entre 2005 et 2013</a>. 70 millions de recettes de billetterie sont attendues en 2017. Mais il ne faut pas raisonner sur un prix moyen. Il cache une grande disparité car pour maximiser les recettes de billetterie les théâtres lyriques pratiquent une tarification discriminante. Rappelons le principe économique général qui veut qu’une entreprise disposant d’un pouvoir de monopole ait intérêt à pratiquer des prix différents pour extraire le maximum de valeur des consommateurs. Ce consentement à payer dépend bien entendu de leur intérêt pour le bien ou service et de leur contrainte budgétaire.</p>
<h2>Discrimination tarifaire</h2>
<p>La discrimination tarifaire est facilitée dans le cas des salles de spectacle par la position des sièges par rapport à la scène. Ils en sont plus ou moins éloignés et offrent des angles de vue plus ou moins panoramiques. Ces différences permettent d’établir des catégories de place à des prix différents alors que le coût de chaque place est strictement le même pour l’établissement.</p>
<p>La discrimination des amateurs fonctionne alors ainsi : ceux dont le consentement à payer est le plus élevé choisissent les places les plus chères associées à la meilleure visibilité, ceux dont le consentement à payer est le plus faible choisissent les moins bonnes places. Sept catégories de places sont proposées aujourd’hui au Palais Garnier. Comptez 200 € pour la catégorie supérieure, les meilleures places de l’orchestre et du balcon, et 10 € pour la dernière catégorie, des places dans les loges de côté qui n’offrent aucune visibilité de la scène. Ne soyez pas étonnés que ce dernier type de place existe car dans les salles à l’italienne, comme Garnier, il fut un temps où il était plus important d’être vu à l’opéra des autres spectateurs que de voir la représentation.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/159382/original/image-20170304-29039-wov1yg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/159382/original/image-20170304-29039-wov1yg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/159382/original/image-20170304-29039-wov1yg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/159382/original/image-20170304-29039-wov1yg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/159382/original/image-20170304-29039-wov1yg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/159382/original/image-20170304-29039-wov1yg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/159382/original/image-20170304-29039-wov1yg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/159382/original/image-20170304-29039-wov1yg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La salle de l’opéra Garnier à Paris (en janvier 2017).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/pierre_laville/31910804513/in/photolist-QBRdqH-SfPqGP-RcXmv4-atoT4W-98C3jG-gBBH2W-98yY58-98zG3R-e8LrUe-dRxrvV-9enttb-4AtKXs-9ejosD-ouCX8g-55ywiT-5o889R-df57iZ-faFD96-cymZ6q-cymAbU-duTQje-4xVsSb-7RYM77-cymCgu-3edRfZ-e8LpcT-31a4ka-oGSTSC-g7JMFW-cymMfy-nokrGm-5ocphw-55HVke-e8Lpx6-ihqc62-cynfhq-7RVxFV-6qaAxj-cymdc7-inTEmu-h1D3bA-8KhAZF-cymSjN-hthFjf-8mAJ7y-cymr3J-cymx1C-feeosf-dRCW7G-dRCP8q">Pierre Laville/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Ne soyez pas non plus choqués par cette discrimination tarifaire car elle permet aussi l’accès à un public plus large en comparaison d’un prix qui serait le même pour tous. Certes les spectateurs qui paient très cher voient mieux, mais ils contribuent beaucoup plus au coût fixe de l’opéra et subventionnent en quelque sorte ainsi l’accès de ceux qui paient très peu cher. Depuis quelques années les efforts réalisés par l’Opéra National de Paris pour s’ouvrir à de nouveaux publics sont remarquables et couronnés de succès. Plus de la moitié des spectateurs qui ont bénéficié de tarifs très bas pour les avant-premières n’avaient jamais mis les pieds dans un théâtre lyrique.</p>
<p>Enfin, ne soyez pas troublés en apprenant que l’Opéra national de Paris a divisé en deux la catégorie supérieure en classant ses meilleurs sièges dont une catégorie dite Optima et en laissant les autres en première catégorie comme auparavant. La nouvelle catégorie proposant bien évidemment un prix plus élevé encore. De façon moins visible, cet établissement a également reclassé des places en les faisant monter dans une <a href="http://bit.ly/2mQOzvg">catégorie supérieure</a>. Il y a donc aujourd’hui à l’Opéra Bastille plus de « meilleures » places qu’avant alors que les sièges n’ont pourtant pas bougé depuis sa construction !</p>
<h2>À la recherche des « hits »</h2>
<p>Les aménagements du répertoire restent un ultime expédient pour augmenter les recettes afin de résister à la fatalité des coûts croissants. Jouer plus d’œuvres à succès, moins de pièces modernes, proposer plus de premières, notamment. Pour ceux qui aiment les palmarès et les classements, vous apprendrez en <a href="http://operabase.com/top.cgi?lang=fr&splash=t">consultant ce site</a> que les compositeurs les plus joués sont Verdi (<em>La Traviata, Rigoletto</em>), Mozart (<em>La Flûte, les Noces, Don Juan</em>) et Puccini (<em>La Bohème, Tosca, Madame Butterfly</em>).</p>
<p>Un tiers des œuvres représentées au cours des cinq dernières saisons dans le monde ont été composées par ce trio. Wagner se classe cinquième après Rossini. Bizet n’apparaît pas, car Carmen est son seul tube. Le premier compositeur vivant, Philip Glass, se classe en 41<sup>e</sup> position.</p>
<p>Pour ceux qui préfèrent les travaux économétriques, vous apprendrez à travers une <a href="http://bit.ly/2m66m1i">étude</a> portant sur l’Opéra d’Helsinki que la demande est significativement plus forte pour les premières que pour les reprises, pour les œuvres finlandaises que pour les pièces classiques, pour la Tétralogie de Wagner que pour les autres œuvres classiques ; que l’effet positif de la présence d’une vedette est d’autant plus prononcé qu’il s’agit d’une première et non pas d’une reprise ; ou encore que la demande est la plus forte en novembre que pour tous les autres mois, ainsi que le vendredi et samedi par rapport aux autres jours de la semaine.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/159383/original/image-20170304-29002-fu5std.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/159383/original/image-20170304-29002-fu5std.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/159383/original/image-20170304-29002-fu5std.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/159383/original/image-20170304-29002-fu5std.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/159383/original/image-20170304-29002-fu5std.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/159383/original/image-20170304-29002-fu5std.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/159383/original/image-20170304-29002-fu5std.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/159383/original/image-20170304-29002-fu5std.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Représentation d’<em>Aïda</em> de Verdi, Royal San Carlo Theatre, Naples, été 2016.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/70125105@N06/28428349801/in/photolist-Jmg7qK-JsD3iK-ysxxGV-xuNsXo-KwB4AW-JZg22b-KmBETt-Kj4Y1m-Kj7HY6-xuWzfg-JB8ekF-KxvGup-JLLt33-Kmz8c7-Kz6hEx-Knk4ws-JtEXt5-KsAdEy-KCbiZ2-6utAAg-7aDhK-KtRejU-KtRbvh-KbSS2j-Kj7B6Z-xuWyMT-yaj5Ta-xuNtio-ypvo9o-ypvmVb-xuNtbu-yrPUVK-yacToQ-yadZL5-KDjyMr-KqMJGX-KoreDo-siTbar-tbE7JK-t7GVhL-sSk1BU-rzFEvA-stR2HM-sg3WRy-rVatv4-sbG6g5-s8i9Pz-s4aR25-qCSjbK-rbM9ik">Carlo Raso/Flickr</a></span>
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<h2>Monter des œuvres moins coûteuses</h2>
<p>Mais attention de ne pas perdre d’un côté ce qui est gagné de l’autre. Certaines œuvres à succès sont plus coûteuses que d’autres et les premières plus que les reprises. <em>Aïda</em> de Verdi requiert autour de la Princesse nubienne et de son amoureux égyptien une impressionnante distribution. Cela explique pourquoi cet opéra, parmi les plus populaires qui soient, est moins donné. Il est moins joué par exemple que <em>La Chauve-Souris</em> de Strauss ou encore <em>Rigoletto</em> de Verdi.</p>
<p>Molière aurait dit « De tous les bruits connus de l’homme, l’opéra est le <a href="http://bit.ly/2mR42vj">plus cher</a> ». Son harmonie économique réclame alors des qualités de direction hors du commun. Les patrons des théâtres lyriques doivent veiller à la qualité artistique, surveiller la concurrence d’autres établissements et loisirs culturels, jongler avec trois sources de recettes, fixer habilement les prix des entrées, équilibrer le répertoire entre reprises et premières, pièces classique et moderne, sans parler de la nécessité de s’adresser à différents publics, d’en faire venir de nouveaux, de programmer des ballets en alternance, ou encore de faire preuve de doigté avec certaines vedettes dont ils savent les caprices ou avec certains employés dont ils connaissent les droits solides et protecteurs.</p>
<p>Bien qu’à la tête d’entreprises non lucratives et en monopole local, les directeurs d’opéra doivent être au moins aussi talentueux que les dirigeants d’entreprises devant dégager des profits.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/73819/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Le laboratoire de François Lévêque reçoit des aides à la recherches de nombreuses entreprises, notamment au cours des 5 années passées d’EDF, Microsoft et Philips. Par ailleurs, François Lévêque est Conseiller de référence chez Deloitte France.</span></em></p>Operanomics, ou comment l’économie influence l’évolution des coûts, la politique de prix des billets, et même le choix du répertoire lyrique.François Lévêque, Professeur d'économie, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/697322016-12-02T00:56:07Z2016-12-02T00:56:07ZBill Gates : « Je crois à la collaboration Sud-Sud pour relever les grands défis de santé »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/148296/original/image-20161201-25674-1c81rwt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C142%2C668%2C412&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'intervention du mécène américain Bill Gates lors de la 21ᵉ conférence internationale sur le sida, organisée à Durban (Afrique du Sud) en juillet 2016.</span> <span class="attribution"><span class="source">Masimba Sasa</span></span></figcaption></figure><p><em>Bill Gates est le fondateur et le coprésident de la Fondation Bill and Melinda Gates, qui a versé <a href="http://www.gatesfoundation.org/What-We-Do/Global-Health/HIV#OurStrategy">plus de 3 milliards de dollars</a> (environ 2,8 milliards d’euros) à des associations dans le monde entier, et financé le <a href="http://globalfund.org">Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme</a> à hauteur de plus de 1,6 milliard de dollars (1,5 milliard d’euros). Le philanthrope américain a répondu aux questions de plusieurs universitaires africains sur le sida en Afrique (nous signalons que la Fondation Gates est l’un des partenaires de l’édition Afrique de The Conversation).</em></p>
<hr>
<p><strong>Professeur François Venter, directeur général adjoint de l’Institut pour la santé reproductive et le VIH du Witwatersrand (Afrique du Sud) :</strong> <em>En matière de lutte contre le sida, nous en sommes encore à préconiser des interventions réduisant le risque de transmission du virus, comme la prophylaxie pré-exposition (PrEP), la circoncision et les traitements préventifs, ainsi que des interventions visant à modifier les comportements. Certaines, comme l’usage des préservatifs et la réduction du nombre de partenaires sexuels, sont parasitées par des débats d’ordre moral. Comment peut-on tester de manière plus systématique ces interventions sur les comportements, et se faire entendre des pouvoirs publics ?</em></p>
<p><strong>Bill Gates :</strong> À vrai dire, nous ignorons encore beaucoup de choses sur les dynamiques sous-jacentes dans le processus de contamination. Les barrières sociales – comme la discrimination, l’ostracisme et les inégalités structurelles – entravent les efforts de réduction du risque d’exposition au virus. Il est indispensable de mieux cerner ces barrières si nous voulons mettre au point des stratégies plus efficaces.</p>
<p>Des initiatives s’y emploient à travers le monde. <a href="http://www.pepfar.gov/documents/organization/247602.pdf">Le programme Dreams lancé par Pepfar</a> [l’émanation du gouvernement américain] devrait ainsi nous aider à comprendre pourquoi les adolescentes et les jeunes femmes sont plus vulnérables à l’infection. Ce programme s’efforce de fournir des outils fondés sur les preuves scientifiques pour surmonter les barrières de la pauvreté, l’inégalité des sexes, les violences sexuelles et le manque d’instruction.</p>
<p>Il est également important de mieux connaître les facteurs clés qui influent sur la manière dont les gens s’informent sur les différents moyens de prévention et les utilisent – et notamment l’offre et la demande en matière de nouveaux outils. Des organisations comme <a href="http://www.avac.org/">Aids Vaccine Advocacy Coalition</a> (Avac) et la <a href="http://www.clintonhealthaccess.org/">Clinton Health Access Initiative</a> cherchent le moyen de permettre à un maximum de gens d’avoir accès aux produits et services qui les aideront à s’émanciper.</p>
<p>Les choses ne changeront en profondeur que par la volonté des populations les plus affectées par l’épidémie de sida. Le soutien de la société civile et des associations locales est essentiel pour développer et mettre en place des solutions adaptées aux réalités du terrain. Nous pouvons faciliter l’accès à des outils fondés sur les preuves scientifiques, mais les populations locales devront se les approprier.</p>
<p><br><strong>Professeur Adam Habib, vice-chancelier de l’université du Witwatersrand (Afrique du Sud) :</strong> <em>L’immense générosité de philanthropes comme vous a permis de relever différents défis sociétaux, dont celui du sida, ces dernières années. Cependant, certains estiment que la limite de la démarche philanthropique réside dans le fait qu’elle finance uniquement des projets initiés par ces grands donateurs. Les ressources ne sont donc pas déployées à l’échelle nationale, ce qui aurait beaucoup plus d’impact sur la vie des populations défavorisées. Comment travaillez-vous avec les gouvernements et d’autres organisations pour faire en sorte que votre stratégie réponde aux besoins des populations des pays où vous intervenez ?</em></p>
<p><strong>Bill Gates :</strong> Pour résoudre les problèmes complexes qui affectent les plus pauvres, les gouvernements, les ONG, les institutions universitaires, les entreprises et les philanthropes doivent collaborer étroitement. Nous ne sommes qu’un élément parmi d’autres de cette grande communauté. Nous nous concentrons donc sur les partenariats durables, afin de nous assurer que nous bénéficions à chaque étape de l’expertise de nombreux spécialistes : hauts fonctionnaires, responsables associatifs, militants.</p>
<p>Notre collaboration avec le <a href="https://theconversation.com/sida-turberculose-palu-quel-role-pour-la-france-62308">Fonds mondial</a> en est un très bon exemple. Le Fonds centralise les ressources avant de les attribuer en fonction des besoins sur le terrain. Chaque projet est planifié, appliqué et supervisé à l’aide d’une commission constituée de partenaires locaux, issus de la société civile et des populations concernées. Nous travaillons aussi directement avec différents bénéficiaires dans chaque pays, dont les idées et points de vue précieux nous permettent de mieux appréhender la réalité du terrain.</p>
<p>Nous sommes fiers de ce que nous avons fait en matière de lutte contre le sida, mais <a href="http://www.challenges.fr/challenges-soir/la-fondation-bill-melinda-gates-une-puissante-machine-humanitaire_77808">notre contribution financière</a> ne représente qu’une petite partie des fonds alloués à cette cause dans le monde entier. Notre fondation peut prendre plus de risques que les gouvernements et les institutions privées. C’est pourquoi nous concentrons nos ressources dans des zones où les financements existants sont insuffisants, ou bien là où notre soutien peut s’avérer décisif. Nos partenaires locaux et ceux oeuvrant à plus large échelle sont ainsi libres d’entreprendre des choses très audacieuses.</p>
<p><br><strong>Docteur Nelly Mugo, directrice de recherche à l’Institut de la recherche médicale du Kenya, à Nairobi :</strong> <em>Votre fondation a accompli un travail remarquable avec les populations les plus touchées afin de trouver de nouvelles solutions pour leur apporter des soins. Pour assurer leur bonne santé, des interventions assez simples pourraient suffire, mais les financeurs sur la problématique VIH/sida les trouvent peu attrayantes. Les inégalités d’accès aux soins tiennent souvent aux difficultés à atteindre les populations concernées. Quelles seraient, selon vous, les cinq principales stratégies à adopter pour que des pays comme le mien puissent améliorer ces prestations et la situation sanitaire ?</em></p>
<p><strong>Bill Gates :</strong> Je ne pense pas qu’on puisse citer cinq approches qui seraient universelles. C’est aux gouvernements et aux populations locales de déterminer ce qui fonctionne le mieux localement. Il existe cependant des règles générales importantes que les pouvoirs publics et les responsables sanitaires peuvent appliquer.</p>
<p>L’une des choses que nous avons constatée, c’est que la façon dont les conseils de prévention sont prodigués et les traitements, dispensés, est très importante. Ils doivent être personnalisés. Chaque patient est différent. En adaptant les prestations aux besoins de chacun, on peut améliorer les résultats tout en faisant gagner du temps et de l’argent aux institutions fournissant les soins. C’est ce que nous appelons la prise en charge différenciée.</p>
<p>Il est par ailleurs indispensable de savoir utiliser les bases de données pour atteindre les populations à risque plus rapidement et plus efficacement. Nous sommes ravis de voir ce qui se passe dans ce domaine au Kenya, où le gouvernement s’est associé à <a href="https://www.jhpiego.org/kenya/">Jhpiego</a> [l’ONG liée à l’université américaine Johns Hopkins] pour mettre au point de nouvelles méthodes afin de généraliser la prophylaxie pré-exposition [la prise d’un médicament préventif, le Truvada, pour éviter la contamination par le virus] chez les adolescentes, jeunes femmes et les autres populations à risque.</p>
<p><a href="http://www.unaids.org/en/resources/presscentre/featurestories/2014/august/20140821kenya">Le plan du Kenya pour la prévention du VIH</a> (<em>Kenya HIV prevention road map</em>) est aussi un modèle du genre : un programme gouvernemental exhaustif, efficace, fondé sur les preuves scientifiques, qui reflète les besoins des populations locales. En outre, il permet de demander des comptes aux individus et aux agences gouvernementales.</p>
<p><br><strong>Professeur David Serwadda, ex-directeur de l’école de santé publique de l’université de Makerere (Ouganda) :</strong> <em>Beaucoup de personnes estiment que les collaborations Sud-Sud, dans lesquelles les pays s’informent des problèmes de leurs voisins et des méthodes employées pour les résoudre (que celles-ci soient ou non efficaces), seront beaucoup plus utiles en termes d’innovation, de développement et de partage des responsabilités. Êtes-vous d’accord ? Si oui, quelles sont les mesures concrètes prises en ce sens par votre fondation ?</em></p>
<p><strong>Bill Gates :</strong> Je crois à la collaboration Sud-Sud pour relever les grands défis de santé à travers le monde. Les réussites locales peuvent servir de modèle aux populations confrontées aux mêmes problématiques. La portée internationale de notre fondation nous permet de faire en sorte que les leçons et les bonnes pratiques d’une région ou d’une problématique spécifique puissent s’appliquer ailleurs.</p>
<p>Prenez l’exemple de l’initiative Avahan, en Inde. Ce programme aide près de 300 000 prostituées, homosexuels et toxicomanes. Cette action a été conçue de manière à être dirigée par les populations concernées elles-mêmes. Une initiative similaire a vu le jour au Kenya.</p>
<p>Nous savons aussi que l’un des obstacles aux collaborations Sud-Sud, c’est l’accès à l’information. Nous exigeons maintenant que tous les travaux que nous finançons soient disponibles pour que d’autres scientifiques puissent s’en emparer et faire avancer la recherche. Cette politique de « libre accès » [en anglais, <em>open access</em>] vise à réduire les obstacles aux collaborations Sud-Sud, comme les sites payants et les restrictions imposées sur l’utilisation des données. Nous avons bon espoir d’accélérer ainsi le développement d’innovations qui changeront la donne.</p>
<p><br><strong>Professeur John Idoko, professeur à l’université de Jos (Nigeria) :</strong> <em>Quelles leçons peut-on tirer de la réponse politique à l’épidémie VIH/sida – au niveau national et international – en matière de lutte contre d’autres pandémies ?</em></p>
<p><strong>Bill Gates :</strong> Nous avons pu constater l’importance de l’implication et de l’information de toute la communauté, à l’échelle mondiale. Les campagnes militantes de sensibilisation des premières années de l’épidémie de sida, qui se poursuivent aujourd’hui, ont joué un rôle vital dans l’accès aux soins et les innovations relativement rapides en matière de prévention et de thérapie.</p>
<p>Les gouvernements et les donateurs ont su répondre aux appels et à la ferveur des militants. Pepfar et le Fonds mondial ont permis de coordonner les efforts et de répartir efficacement les ressources. Les investissements dans la recherche et le développement ont favorisé l’émergence d’outils révolutionnaires, comme les traitements antirétroviraux simplifiés, la circoncision volontaire ou la prophylaxie pré-exposition.</p>
<p>Mais la ferveur et les financements ne suffisent pas. Quand je me suis rendu à Durban, en Afrique du Sud, pour la conférence internationale sur le sida, au mois de juillet, j’ai à nouveau constaté comment une politique nationale visionnaire peut changer la vie de millions de personnes. Dans ce pays, plus de 3 millions de patients ont désormais accès aux traitements, et de moins en moins de nouveau-nés sont porteurs du virus. L’Afrique du Sud est également à la pointe en matière de prévention. Elle vient d’autoriser la prophylaxie pré-exposition et poursuit ses investissements dans la mise au point de nouveaux outils.</p>
<p>La réponse de l’Afrique du Sud face au sida a été, grâce aux tout premiers militants, rapide et guidée par des faits scientifiquement établis. Nous pouvons appliquer ces leçons à d’autres grands problèmes sanitaires, tout comme à l’ensemble de la communauté touchée par le VIH/sida à travers le monde. Nous savons que nous devrons être plus rapides, plus intelligents et plus créatifs si nous voulons nous fixer des objectifs audacieux au niveau mondial, d’autant que le nombre de nouvelles infections au VIH s’est stabilisé. Les faits doivent continuer à guider nos décisions. Poursuivons sur notre lancée.</p>
<p>Traduit de l’anglais par Bamiyan Shiff pour <a href="http://www.fastforword.fr/">Fast for Word</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/69732/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bill Gates est fondateur et coprésident de la Fondation Bill and Melinda Gates. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Adam Habib, David Serwadda, John Idoko, Nelly Mugo et Willem Daniel Francois Venter ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Cinq sommités de différentes universités en Afrique questionnent le milliardaire américain sur la lutte contre le sida sur ce continent. On apprend autant de leurs questions que de ses réponses.Bill Gates, Honorary doctorate, Addis Ababa UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/501362015-12-02T08:26:26Z2015-12-02T08:26:26ZL’entreprise collectionneuse d’art et d’artistes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/103739/original/image-20151130-10265-1vonhwo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Oeuvre de la collection JP Morgan Chase, à l'Art Fair Week de New York, mars 2009.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/j-no/3332723714/in/photostream/">j-No / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Alors que les grandes foires européennes d’art de la rentrée (Frieze à Londres, FIAC à Paris) ont fermé leurs portes et que les professionnels se pressent à la grande messe américaine de <a href="https://www.artbasel.com/">Art Basel Miami</a>, on peut s’interroger sur le poids, le rôle et les motivations des entreprises collectionneuses d’art contemporain en France et à l’étranger.</p>
<h2>800 entreprises collectionneuses d’art</h2>
<p>Il en existerait environ 800 de par le monde dont 600 se spécialisant dans l’art contemporain selon Global Corporate Collections, un ouvrage publié parut à l’occasion <a href="http://www.daab-media.com/Books/Daab_Books/GLOBAL_CORPORATE_COLLECTIONS.html">d’Art Basel en juin 2015</a>. Les plus connues sont souvent membres de l’<a href="http://www.iaccca.com">IACCA</a> International Association of Corporate Collections of Contemporary Art.</p>
<p>Si l’ouvrage cité fait la part belle aux collections allemandes, néerlandaises, suisses et américaines, ce n’est pas par hasard. Ces pays possèdent des entreprises pionnières dans le domaine qui ont compris depuis longtemps le rôle stratégique que peut présenter une collection d’entreprise. On pense notamment à <a href="http://art.db.com/en/the-deutsche-bank-collection.html">la Deutsche Bank</a> qui possède 60 000 œuvres majoritairement sur papier, à <a href="https://www.abnamro.com/en/about-abnamro/art-and-historical-collections/art-collection/index.html">ABN Amro NV</a>, à <a href="https://www.ubs.com/microsites/art_collection/home/">UBS</a> ou encore à JP Morgan Chase dont la collection compte <a href="https://www.jpmorganchase.com/corporate/About-JPMC/jpmorgan-art-collection.htm">35 000 œuvres</a>.</p>
<p>Ces entreprises – majoritairement issues du secteur de la banque – voient certainement le soutien à l’art comme un moyen d’établir un lien privilégié avec leurs clients fortunés en quête de nouvelles formes d’investissement (parfois) et de reconnaissance sociale (souvent).</p>
<p>Cet engagement à différents niveaux dans le monde de l’art (la collection d’entreprise est souvent relayée par des actions de mécénat ou de publicité) permet également d’établir et de renforcer les réseaux organisationnels (politiques et économiques). La collection s’inscrit alors dans une démarche de diplomatie culturelle envers certaines des parties prenantes externes de l’entreprise (ce qu’on appelle parfois aussi le <em>soft power</em> de l’entreprise).</p>
<p>Cependant, les collections d’entreprises les plus élaborées sont gérées par des professionnels issus et reconnus du monde de l’art et pas uniquement par la Direction de la Communication. Ces « curators » (commissaires d’expositions) sont garants de la cohérence et de la qualité de la collection. Même si peu d’entreprises l’admettent, les choix opérés par des experts peuvent mener sur le long terme à une appréciation de la collection.</p>
<h2>La prime à l’art contemporain</h2>
<p>À ce titre, on peut penser que le succès des artistes contemporains américains et allemands dans le marché de l’art (4 artistes allemands et 3 artistes américains figurent dans les 10 premiers artistes mondiaux répertoriés au « Top 10 » du Kunstkompass 2015) a aussi été porté par les politiques d’acquisitions de ces entreprises. Elles ont souvent acheté les premières œuvres d’artistes lorsqu’elles étaient encore à un prix abordable.</p>
<p>En France, la législation offre de nombreux avantages fiscaux aux entreprises pour l’achat d’œuvres contemporaines (Art 238 bis AB du Code Général des Impôts). Cependant, les entreprises françaises restent frileuses. On compte encore peu de collections d’entreprises ou fondations dédiées à l’art contemporain : sur la quarantaine de membres de l’IACCCA, on compte 4 entreprises établies en France (HSBC France, Cartier, Neuflize France et <a href="http://www.collectionsocietegenerale.com/fr/">Société Générale</a>). On pourrait ajouter la Fondation Carmignac qui s’appuie sur une collection de plus de 200 œuvres, les Fondation Louis Vuitton, Hermès ou Louis Roederer.</p>
<p>Le manque d’initiation et de sensibilisation à l’art contemporain, un marché de l’art contemporain longtemps monopolisé par l’État, l’absence de légitimité des entreprises en matière culturelle, l’obligation de montrer au public les œuvres achetées par l’entreprise sont quelques-unes des raisons qui peuvent expliquer le retard français.</p>
<p>Le peu d’entreprises collectionneuses représente certainement un manque à gagner pour les galeries françaises (<a href="http://www.lejournaldesarts.fr/jda/archives/docs_article/131142/la-faible-rentabilite-des-marchands-francais.php">déjà fragiles</a>) et un frein à la création des œuvres et au développement de la notoriété des jeunes artistes.</p>
<h2>La place des artistes dans l’entreprise</h2>
<p>Certaines entreprises à l’instar de <a href="http://www.fondation-entreprise-ricard.com/en">Ricard</a>, des <a href="http://www.galeriedesgaleries.com/">Galeries Lafayette</a> ou de <a href="http://www.artnorac.fr/lassociation-art-norac/">Norac</a> ne collectionnent pas mais offrent des espaces d’expositions, des résidences d’artistes ou des prix. Si ces initiatives sont souvent, au départ, le fruit d’une passion du dirigeant, elles permettent également de véhiculer une image de créativité et d’excellence. Un engagement sur le long terme permet à certaines de ces entreprises de devenir des acteurs culturels à part entière et reconnus comme tels par l’écosystème de l’art contemporain.</p>
<p>Parfois, l’artiste lui-même est appelé à jouer un rôle dans le processus d’innovation de l’entreprise. Son regard alternatif et sa démarche créative peuvent contribuer à l’élaboration de nouveaux usages pour les produits de l’entreprise ou de nouvelles approches du management.</p>
<p>Après avoir fait appel à Drew Bennett pour décorer les murs du siège social de Facebook, et ainsi initier la collection d’entreprise, Mark Zuckenberg lui a ensuite laissé monter un programme d’artistes en résidence afin de continuer à nourrir l’imaginaire de ses salariés et leur <a href="http://www.wired.com/2014/11/take-tour-facebooks-giant-corporate-art-lab/">potentiel créatif</a>.</p>
<p>Nul doute donc que les œuvres d’art dans l’entreprise (et la photo est un médium particulièrement prisé) permettent de redéfinir un espace de travail où créativité et innovation sont reconnues et encouragées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/50136/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Morel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De plus en plus d’entreprises sont actives sur le marché de l’art contemporain. Les collections sont un patrimoine, mais la présence artistique peut aussi être un stimulant pour l’innovation.Catherine Morel, Professeur associé Marketing , AudenciaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.