tag:theconversation.com,2011:/au/topics/ouganda-26693/articlesOuganda – The Conversation2024-03-18T16:16:45Ztag:theconversation.com,2011:article/2260012024-03-18T16:16:45Z2024-03-18T16:16:45ZAbus financier de la part d'un partenaire intime ? Trois façons de vous protéger<p>Il y a <a href="https://www.abus.ca/index3.html">abus financier</a> lorsqu'une personne prend le contrôle de la capacité d'une autre personne à acquérir, utiliser et conserver des ressources financières. Cela peut prendre la forme, par exemple, de se voir refuser l'accès à ses propres fonds ou d'être contraint de déposer son salaire sur un compte bancaire commun sans pouvoir y accéder. Cela peut également se produire lorsque des retraits importants sont effectués sur des comptes bancaires communs sans aucune explication. </p>
<p>Selon l’<a href="https://www.isdj.org.za/">Institut pour le développement social et la justice</a>, une société sud-africaine à but non lucratif, l'abus financier peut varier et changer de forme, mais elle se produit lorsque l'accès aux opportunités économiques est contrôlé ou restreint par un partenaire intime. </p>
<p>Cela peut se produire lorsque votre partenaire retient des informations financières ou vous cache de l'argent. Un autre exemple est celui où votre partenaire refuse de vous laisser travailler, contrôlant ainsi votre capacité à générer un revenu. Vous pouvez aussi être contraint de payer la plupart des dépenses du ménage lorsque vous gagnez moins que votre partenaire. Il peut également arriver que le coupable accumule des dettes sur une carte de crédit, sachant que la carte n'est pas à son nom. </p>
<p><a href="https://www.justice.gov.za/legislation/acts/2021-014.pdf">La loi sud-africaine sur la violence domestique</a> considère l'abus financier comme un acte criminel. Plusieurs autres pays africains, tels que le Ghana, le Kenya, l'Ouganda, la Zambie et le Zimbabwe, reconnaissent également qu'il s'agit d'une infraction pénale. Mais elle reste largement impunie.</p>
<p>Malheureusement, l'exploitation financière n'est pas un problème nouveau. Au fil des ans, mes <a href="https://researchprofiles.canberra.edu.au/en/persons/bomikazi-zeka">recherches</a> ont montré qu'une utilisation judicieuse des services financiers peut aider les personnes défavorisées à transformer leurs revenus en richesse. Mais lorsque l'argent est mêlé à des relations, la situation peut devenir difficile à gérer. </p>
<p>Les abus financiers peuvent toucher n'importe qui, indépendamment de l'âge, du sexe, de la situation matrimoniale, de la situation professionnelle ou du niveau de revenu. En cas d'abus financier, les femmes risquent le plus de voir leur sécurité financière menacée si la dynamique de la relation se détériore. Les femmes sont plus vulnérables aux abus financiers, car cela peut aller de pair avec <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10896-023-00639-y">d'autres formes d'abus</a>. </p>
<p>En identifiant les signaux, vous pouvez prendre les trois mesures suivantes pour renforcer votre sécurité financière : la prévention, la préparation et la protection. </p>
<h2>La prévention</h2>
<p>Se renseigner sur les antécédents financiers de votre partenaire est un premier pas important pour prévenir les abus financiers. Demandez-lui comment il a géré ses dettes dans le passé (et comment il s'est retrouvé dans cette situation) ou s'il épargne activement de l'argent. </p>
<p>Aborder le sujet sur l'argent peut être difficile, mais ces informations peuvent vous donner un aperçu de ses comportements financiers passés, qui pourraient influencer et expliquer ses comportements financiers futurs. </p>
<p>Une autre stratégie préventive consiste à interroger votre partenaire sur son attitude concernant de l'argent dans les relations. Par exemple, estime-t-il la façon de gérer l'argent varie selon qu'on est homme ou femme? Aborder ce sujet dès le début peut également vous aider à fixer des limites à la gestion de l'argent dans la relation. </p>
<h2>La préparation</h2>
<p>Se familiariser avec les signes des abus financiers peut vous aider à vous préparer. Si vous soupçonnez que des abus financiers commencent à se manifester, surveillez-les de près en consignant tous les éléments de preuve. C'est important, car les auteurs d'abus peuvent vous faire croire que vous exagérez, surtout si les signes sont subtils. Consignez autant de preuves que possible et assurez-vous d'avoir des copies de tous les documents juridiques importants, car cela vous sera utile si vous avez besoin d'une assistance juridique. </p>
<p>Si vous n'en avez pas encore, demandez à un conseiller financier comment vous pouvez protéger vos finances et vos biens. </p>
<h2>La protection</h2>
<p>Dans la mesure du possible, conservez une source de revenus indépendante, car cela réduit le risque de dépendance à l'égard d'un partenaire. La dépendance financière peut entraîner des sentiments d'isolement et de désespoir, ce qui rend plus difficile la possibilité de quitter votre bourreau parce qu'il contrôle les finances. </p>
<p>Une autre mesure pour protéger votre situation financière est de veiller à ne pas signer de documents que vous ne comprenez pas. Souvent, les auteurs d'abus financiers acquièrent des actifs au nom de leur partenaire et leur imposent la charge financière des remboursements, les piégeant ainsi dans un endettement.</p>
<h2>Obtenir de l'aide</h2>
<p>Bien que les mesures énumérées ici ne soient pas exhaustives, elles constituent un bon point de départ pour réfléchir lorsque vos finances sont fusionnées avec celles de quelqu'un d'autre. </p>
<p>Si vous vous inquiétez de votre sécurité financière, il existe des moyens d'obtenir de l'aide. FIDA-Kenya, une organisation de défense des droits des femmes au Kenya, propose une <a href="https://www.fida-kenya.org/">aide juridique gratuite</a>. Au Nigeria, la Women at Risk International Foundation gère une <a href="https://warifng.org/contact-us/">ligne d'assistance</a> gratuite et confidentielle fonctionnant 24 heures sur 24. </p>
<p>Vous pouvez obtenir des conseils gratuits auprès d'un travailleur social via le <a href="https://gbv.org.za/about-us/">site web</a> du ministère sud-africain du Développement social , qui met à votre disposition un centre d'appel 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, qui dispose d'un numéro d'urgence : 0800 428 428. Le centre d'appel dispose d'une ligne d'urgence au 0800 428 428. Vous pouvez visiter le <a href="https://thewarriorproject.org.za/helplines/">site web</a> du Warrior Project, une organisation à but non lucratif, pour plus d'informations sur les lignes d'assistance et les ressources.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226001/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bomikazi Zeka does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>Lorsque l'argent est mêlé aux relations, les choses peuvent vite devenir compliquées.Bomikazi Zeka, Assistant Professor in Finance and Financial Planning, University of CanberraLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2207932024-01-21T07:07:01Z2024-01-21T07:07:01ZLes jeunes africains pourraient perturber les États autoritaires, mais ils ne le font pas : voici pourquoi<p>L'Afrique a la <a href="https://www.un.org/ohrlls/news/young-people%E2%80%99s-potential-key-africa%E2%80%99s-sustainable-development#:%7E:text=Africa%20has%20the%20youngest%20population,to%20realise%20the%20best%20potential.">plus population jeune la plus importante au monde</a>. D'ici 2030, <a href="https://www.prb.org/resources/africas-future-youth-and-the-data-defining-their-lives/">75%</a> de la population africaine aura moins de 35 ans. Le nombre de jeunes Africains âgés de 15 à 24 ans devrait atteindre <a href="https://www.worldbank.org/en/news/feature/2023/06/27/investing-in-youth-transforming-afe-africa">500 millions</a> en 2080. </p>
<p>Bien que la dynamique démographique varie sur le continent, la plupart des pays subsahariens ont un <a href="https://www.wilsoncenter.org/blog-post/africas-median-age-about-19-median-age-its-leaders-about-63">âge médian inférieur à 19 ans</a>. Le Niger est le pays le plus jeune du monde avec un âge médian de 14,5 ans, tandis que l'Afrique du Sud, les Seychelles, la Tunisie et l'Algérie ont des âges médians supérieurs à 27 ans. </p>
<p>Ces données démographiques constituent une <a href="https://www.brookings.edu/articles/three-myths-about-youth-employment-in-africa-and-strategies-to-realize-the-demographic-dividend/">force de croissance potentielle</a>. Toutefois, le potentiel du dividende démographique de l'Afrique a été éclipsé par les préoccupations des gouvernements et des donateurs internationaux concernant la relation entre les fortes populations de jeunes, les taux de chômage et l'instabilité politique. </p>
<p>De nombreux pays ayant une forte population de jeunes et des taux élevés de chômage et de sous-emploi des jeunes <a href="https://ugapress.org/book/9780820348858/the-outcast-majority/">vivent dans la paix</a>. Mais le discours politique dominant soutient que les jeunes chômeurs constituent une menace pour la stabilité. </p>
<p>En outre, le rôle des jeunes dans les manifestations populaires - comme au <a href="https://www.cmi.no/publications/7420-after-the-uprising-including-sudanese-youth">Soudan en 2019</a> - a suscité de grandes attentes quant à leur rôle dans la lutte contre les gouvernements autocratiques et la contribution à la démocratie. </p>
<p>En tant que politologue et sociologue, nous souhaitons comprendre l'interaction entre les jeunes et les régimes autocratiques, d'autant plus que les autocraties élues <a href="https://alinstitute.org/images/Library/RetreatOfAfricanDemocracy.pdf#page=1">s'imposent</a> en Afrique. </p>
<p>Les autocraties électorales sont des régimes élus au pouvoir en utilisant des stratégies autoritaires. Celles-ci comprennent la manipulation des élections et la répression de l'opposition, des médias indépendants et de la société civile.</p>
<p><a href="https://www.cmi.no/projects/2177-nfr-youth-in-africa">Notre recherche</a> se concentre sur les interactions entre les jeunes et les régimes en Éthiopie, au Mozambique, en Ouganda et au Zimbabwe. Il s'agit dans tous les cas d'autocraties électorales.</p>
<p>Ces régimes sont conscients de l'importance de leur population de jeunes qui les défient parfois. <a href="https://theconversation.com/bobi-wine-has-shaken-up-ugandan-politics-four-things-worth-knowing-about-him-153205">Bobi Wine</a>, musicien populaire devenu candidat à la présidence, en est un exemple. </p>
<p>Les quatre pays étudiés ont également connu des guerres civiles, au cours desquelles les groupes armés victorieux ont pris le pouvoir et y sont restés depuis la fin de la guerre. Cela a créé une dynamique particulière entre les gouvernements rebelles vieillissants et la majorité des jeunes.</p>
<p>Dans des contextes autocratiques comme ceux-ci, les efforts visant à responsabiliser les jeunes peuvent facilement être manipulés pour servir les intérêts du régime. Certains jeunes peuvent décider de jouer le jeu et de saisir les opportunités offertes par les acteurs du régime. D'autres peuvent y résister. Certains saisissent les opportunités en espérant qu'elles servent leurs propres intérêts et non ceux du régime. Cependant, cela pourrait reproduire des formes de clientélisme. </p>
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Read more:
<a href="https://theconversation.com/abiy-ahmed-gained-power-in-ethiopia-with-the-help-of-young-people-four-years-later-hes-silencing-them-195601">Abiy Ahmed gained power in Ethiopia with the help of young people – four years later he's silencing them</a>
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<p>Tout cela est important parce que l'avenir de la démocratie est en jeu et que l'utilisation des opportunités offertes par l'État pourrait contribuer à la reproduction de l'autoritarisme.</p>
<p>Nos équipes de recherche dans chaque pays ont <a href="https://www.cmi.no/projects/2177-nfr-youth-in-africa">étudié</a> la panoplie de politiques mises en place par les gouvernements pour “s'occuper” des jeunes. Elles ont notamment accordé des prêts aux jeunes entrepreneurs et mis en place des conseils de jeunes et des quotas de jeunes dans les institutions politiques. </p>
<p>Nous avons constaté que les stratégies ciblées sur les jeunes - qui visent essentiellement à promouvoir l'emploi et la participation politique - font partie des règles du jeu dans les quatre pays que nous avons étudiés. Les programmes d'emploi et d'entreprenariat sont suscpetibles de faire l'objet d'abus par le biais des réseaux clientélistes du parti au pouvoir et ont été orientés vers les partisans du régime. </p>
<h2>Les jeunes ne parviennet pas à sauver la démocratie</h2>
<p><a href="https://www.cmi.no/projects/2177-nfr-youth-in-africa">Notre recherche</a> a révélé que les jeunes d'Éthiopie, du Mozambique, d'Ouganda et du Zimbabwe se sentaient lésés par le fait que ces opportunités étaient canalisées vers les partisans du régime. Ils ont également une restriction des opportunités pour s'exprimer de manière significative. Les institutions mises en place pour permettre la participation des jeunes ont été cooptées et ont manqué d'indépendance par rapport aux gouvernements. </p>
<p>Certains jeunes expriment leurs griefs par des manifestations en faveur de la démocratie, comme au <a href="https://www.reuters.com/world/africa/violent-protests-break-out-mozambique-after-local-elections-2023-10-27/">Mozambique en octobre 2023</a>. Mais dans l'ensemble, <a href="https://www.theafricareport.com/221141/why-africas-youth-is-not-saving-democracy/">la jeunesse africaine n'est pas en train de sauver la démocratie</a>. </p>
<p>Ils ne sont pas plus en train de contrer la tendance <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/17531055.2022.2235656">croissante</a> de l'autocratisation sur le continent, où les gouvernements en place de plus en plus <a href="https://library.oapen.org/handle/20.500.12657/60999">concentrent le pouvoir</a> entre les mains de l'exécutif. Nos recherches l'ont confirmé au Zimbabwe, au Mozambique, en Éthiopie et en Ouganda.</p>
<h2>Études de cas par pays</h2>
<p>Au <a href="https://www.cmi.no/publications/8797-the-risk-of-authoritarian-renewal-in-zimbabwe-understanding-zanu-pf-youth">Zimbabwe</a>, le Zanu-PF est au pouvoir depuis l'indépendance du pays en 1980. Le parti au pouvoir et bon nombre de ses dirigeants, aujourd'hui vieillissants, se servent de leur passé de vétérans de la guerre de libération des années 1970 <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01436590600842472?casa_token=B53EF1Ev0XcAAAAA:7W-Izw-iDMuOCRc8RZiW8UcDpXn7kH5E-siDc2W1ux_L9w1WpyB-2mnTSMzmAXrLM5YmfFCx3Mlo4YA">pour conserver leur emprise sur le pouvoir</a>. </p>
<p>Pour ce faire, ils créent des récits autour de l'histoire de la libération du pays et du patriotisme, et accusent la génération “née libre” (ceux qui sont nés après l'indépendance) d'avoir trahi la guerre de libération. Cela délégitime tout mécontentement que les jeunes pourraient ressentir. Le Zanu-PF cible les jeunes parmi ses <a href="https://opendocs.ids.ac.uk/opendocs/handle/20.500.12413/14906">larges variétés d'options stratégiques</a> pour se maintenir au pouvoir.</p>
<p>Au <a href="https://www.cmi.no/publications/8798-poorly-designed-youth-employment-programmes-will-boost-the-insurgency-in-mozambique">Mozambique</a>, le Frelimo, le parti au pouvoir, a remporté toutes les élections depuis 1992. Le parti a concentré le pouvoir et les ressources entre les mains de l'élite politique. Les jeunes continuent d'être sous-représentés et ont de grandes difficultés à accéder aux ressources. Cette situation, qui s'ajoute à d'autres dynamiques de conflit, a contribué à une insurrection dans la région septentrionale de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/17531055.2020.1789271">Cabo Delgado à partir de 2017</a>. Elle est dirigée par un groupe religieux radical appelé localement Al-Shabaab, ou parfois “machababo” (les jeunes).</p>
<p>Les manifestations organisées par les jeunes en <a href="https://www.cmi.no/publications/7829-neglect-control-and-co-optation-major-features-of-ethiopian-youth-policy-since-1991">Éthiopie</a> ont contribué à la chute en 2018 du parti au pouvoir depuis 1991. Elles ont également conduit à <a href="https://theconversation.com/how-change-happened-in-ethiopia-a-review-of-how-abiy-rose-to-power-110737">l'arrivée au pouvoir</a> d'Abiy Ahmed cette année-là. </p>
<p>La mobilisation des jeunes a depuis <a href="https://theconversation.com/abiy-ahmed-gained-power-in-ethiopia-with-the-help-of-young-people-four-years-later-hes-silencing-them-195601">été réduite au silence</a>. Seuls les loyalistes ont accès aux programmes de création d'emplois. On a également assisté à une militarisation des mouvements ethniques dominés par les jeunes. On l'a vu, par exemple, avec le <a href="https://www.theafricareport.com/322001/ethiopia-understanding-the-fano-and-the-fate-of-amhara/">groupe Fano Amhara</a> dans la guerre du Tigré en <a href="https://theconversation.com/ethiopia-tigray-war-parties-agree-pause-expert-insights-into-two-years-of-devastating-conflict-193636">2020-2022</a>.</p>
<p><a href="https://www.cmi.no/publications/8801-moving-ugandas-national-development-planning-to-the-grassroots-whats-in-it-for-youth">L'Ouganda</a> a été un pionnier dans l'institutionnalisation de la participation des jeunes à la prise de décision. L'engagement des jeunes dans les structures politiques est considéré comme un outil de contrôle du gouvernement. Nous avons constaté que les jeunes politiciens estimaient que ce système de représentation imparfait offrait des opportunités de mobilisation à la fois contre et en faveur du régime actuel. Les jeunes candidats qui se présentent à l'un des sièges du parlement réservés aux jeunes, par exemple, ne peuvent pas facilement se soustraire à la tutelle du parti au pouvoir.</p>
<h2>La voie à suivre</h2>
<p>La jeunesse africaine est très diversifiée. Cependant, elle a souvent été caractérisée comme étant soit <a href="https://www.un.org/africarenewal/magazine/december-2019-march-2020/african-youth-and-growth-violent-extremism">violente</a>, soit comme <a href="https://press.un.org/en/2019/sc13968.doc.htm">des artisans du changement et militants de la paix</a>. Ces caractérisations représentent les extrémités opposées d'un spectre. </p>
<p><a href="https://www.cmi.no/projects/2177-nfr-youth-in-africa">Notre projet de recherche</a> a impliqué une diversité de jeunes dans différentes positions et en mouvement constant entre les différentes parties du spectre. Cela nous a permis de mieux comprendre la façon dont ils se comportent et réagissent face à la manière dont les régimes cherchent à les gérer.</p>
<p>Selon nous, la recherche et les initiatives politiques en faveur des jeunes dans les États autoritaires doivent reconnaître que les interventions bien intentionnées en faveur des jeunes peuvent reproduire les politiques autoritaires lorsqu'elles sont canalisées vers les militants du parti. </p>
<p>Les interventions visant à promouvoir la création d'emplois et l'autonomisation des jeunes devraient exercer un contrôle sur la manière dont les jeunes bénéficiaires sont sélectionnés et les fonds déboursés afin d'éviter toute interférence de la part d'acteurs partisans.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220793/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lovise Aalen est financée par le programme Norglobal du Conseil norvégien de la recherche (subvention n° 288489).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marjoke Oosterom a reçu un financement du Conseil de la recherche économique et sociale (ESRC).</span></em></p>La jeunesse africaine ne s'oppose pas à l'aggravation de l'autocratie sur le continent.Lovise Aalen, Research Professor, Political Science, Chr. Michelsen InstituteMarjoke Oosterom, Research Fellow and Cluster Leader, Power and Popular Politics research cluster, Institute of Development StudiesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2184652023-11-27T14:00:40Z2023-11-27T14:00:40ZPaludisme : deux vaccins révolutionnaires ont été mis au point, mais l'accès et le déploiement restent des obstacles majeurs<p>_L'approbation de deux vaccins contre le paludisme - le vaccin RTS,S/AS01 en 2021 et le vaccin R21/Matrix-MTM en 2023 - permettra de contrôler et, à terme, d'éradiquer une maladie qui cause plus de <a href="https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/malaria#:%7E:text=Disease%20burden&text=cases%20in%202020.-,The%20estimated%20number%20of%20malaria%20deaths%20stood%20at%20619%20000,63%20000%20more%20malaria%20deaths.">600 000 décès</a> annuellement.
Près de <a href="https://www.who.int/initiatives/malaria-vaccine-implementation-programme#:%7E:text=Le%20premier%20vaccin%2C%20RTS,Programme%2C%20MVIP%2C%20sur%202019.">2 millions d'enfants</a> au Ghana, au Kenya et au Malawi ont été vaccinés avec le vaccin <a href="https://www.who.int/initiatives/malaria-vaccine-implementation-programme">RTS,S/AS01</a>. Il sera étendu à d'autres pays africains à partir du début de l'année prochaine.</p>
<p>_Le deuxième vaccin, <a href="https://www.ox.ac.uk/news/2023-10-02-oxford-r21matrix-m-malaria-vaccine-receives-who-recommendation-use-paving-way-global">R21/Matrix-MTM</a>, approuvé par l'Organisation mondiale de la santé en octobre, sera prêt à être déployé à la <a href="https://www.who.int/news/item/02-10-2023-who-recommends-r21-matrix-m-vaccine-for-malaria-prevention-in-updated-advice-on-immunization#:%7E:text=Haute%20efficacit%C3%A9%20lorsque%20donn%C3%A9%20juste,apr%C3%A8s%20a%203%2Dose%20s%C3%A9rieuse">mi-2024</a>.</p>
<p>Rose Leke, lauréate du <a href="https://virchowprize.org/2023-laureate/">Prix Virchow 2023</a>pour l'ensemble de son œuvre en faveur de la santé mondiale et figure de proue des protocoles vaccinaux, nous éclaire sur ces avancées.__</p>
<h2>Pourquoi les vaccins sont-ils importants pour l'Afrique ?</h2>
<p>Environ <a href="https://theconversation.com/we-could-eradicate-malaria-by-2040-says-expert-after-revolutionary-vaccine-is-approved-by-who-214798">40 millions d'enfants</a> nés chaque année dans les régions d'Afrique touchées par le paludisme pourraient bénéficier d'un vaccin. </p>
<p>Le vaccin RTS,S/AS01 réduit les décès dus au paludisme de <a href="https://www.who.int/news/item/06-10-2021-who-recommends-groundbreaking-malaria-vaccine-for-children-at-risk">30 %</a> et est particulièrement important pour les enfants, qui sont les plus exposés au risque de paludisme. Si 100 enfants peuvent mourir de paludisme grave, on pourrait en sauver 30. </p>
<p>Les mères qui ont fait vacciner leurs enfants au cours de la phase pilote ont exprimé leur reconnaissance pour le vaccin car il a empêché la mort de leurs enfants de <a href="https://www.who.int/news-room/feature-stories/detail/mothers-in-malawi-value-the-first-malaria-vaccine">paludisme grave</a>. </p>
<p>Le deuxième vaccin, <a href="https://www.who.int/news/item/02-10-2023-who-recommends-r21-matrix-m-vaccine-for-malaria-prevention-in-updated-advice-on-immunization">R21/Matrix-M</a>, est très efficace car il réduit les cas de paludisme de 75 %. Des <a href="https://theconversation.com/we-could-eradicate-malaria-by-2040-says-expert-after-revolutionary-vaccine-is-approved-by-who-214798">centaines de millions</a> de doses de ce vaccin peuvent être produites chaque année. </p>
<p>Il sera prêt à être déployé dès <a href="https://www.who.int/news/item/02-10-2023-who-recommends-r21-matrix-m-vaccine-for-malaria-prevention-in-updated-advice-on-immunization#:%7E:text=Haute%20efficacit%C3%A9%20lorsqu'il%20est%20donn%C3%A9%20juste,apr%C3%A8s%20a%203%2Dose%20s%C3%A9rie">la mi-2024</a>.</p>
<p>Ces deux vaccins sont de nouveaux outils, mais ils doivent être utilisés en complément avec les autres mesures dont nous disposons pour lutter contre le paludisme. Il s'agit notamment des moustiquaires et de l'administration d'antipaludiques aux enfants les plus exposés au risque de paludisme à des moments précis de l'année. </p>
<p>Si on ajoute le vaccin à ces mesures de manière efficace, on pourra progresser davantage vers <a href="https://theconversation.com/we-could-eradicate-malaria-by-2040-says-expert-after-revolutionary-vaccine-is-approved-by-who-214798">l'élimination du paludisme</a>. </p>
<h2>Comment toutes les communautés peuvent-elles en bénéficier ?</h2>
<p>Il y a une forte demande de vaccins antipaludiques, estimée entre <a href="https://cdn.who.int/media/docs/default-source/immunization/mvip/first_malaria_vaccine_allocation_explained_may2023.pdf?sfvrsn=248c4624_4">40 et 60 millions de doses</a> pour la seule année 2026. </p>
<p><a href="https://www.gavi.org/">Gavi</a>, l'Alliance du vaccin, a donné son feu vert au Bénin, à la République démocratique du Congo et à l'Ouganda parmi les 12 pays d'Afrique qui recevront les premières doses du vaccin. Ils se verront attribuer un total de <a href="https://cdn.who.int/media/docs/defaultsource/immunization/mvip/first_malaria_vaccine_allocation_explained_may2023.pdf?sfvrsn=248c4624_4">18 millions</a> de vaccins pour la période allant jusqu'à 2025. </p>
<p>Gavi est une organisation internationale créée en 2000 pour améliorer l'accès aux vaccins nouveaux et sous-utilisés pour les enfants vivant dans les pays les plus pauvres du monde.</p>
<p>Comme on peut le constater, la demande a été beaucoup plus importante que l'offre. Lorsque nous n'avions qu'un seul vaccin, le RTS/S, les quantités étaient limitées et l'OMS a dû développer un cadre équitable pour la distribution des doses limitées. </p>
<p>Les pays ont été classés par catégories. Ceux de la catégorie 1 étaient les plus nécessiteux et les premiers à être vaccinés.</p>
<p>Cela me préoccupait un peu. Si quelqu'un venait dans mon pays, pour administrer des vaccins dans un village de catégorie 1 et qu'à 20 km de là, dans un village de catégorie 2, un enfant ne pouvait pas être vacciné, cela poserait un problème sur le plan social et même politique. </p>
<p>J'étais <a href="https://cdn.who.int/media/docs/default-source/immunization/mvip/framework-for-allocation-of-limited-malaria-vaccine-supply.pdf?sfvrsn=35b12e4_2&download=true">coprésident</a> du groupe d'experts de l'OMS chargé d'étudier la question. Nous avons passé beaucoup de temps sur l'élaboration du <a href="https://cdn.who.int/media/docs/default-source/immunization/mvip/first_malaria_vaccine_allocation_explained_may2023.pdf?sfvrsn=248c4624_4">cadre</a>, en essayant de déterminer qui reçoit le vaccin et qui ne le reçoit pas. </p>
<p>Voici les principes que nous avons suivis :</p>
<ul>
<li><p>Les zones où les besoins sont les plus importants : là où la charge de morbidité due au paludisme est la plus élevée chez les enfants et où le risque de décès est le plus élevé.</p></li>
<li><p>Là où l'impact attendu sur la santé est le plus important : là où le plus grand nombre de vies peuvent être sauvées avec les doses limitées disponibles.</p></li>
<li><p>Les pays qui se sont engagés à faire preuve d'équité dans leurs programmes de vaccination.</p></li>
</ul>
<p>L'un des critères était qu'une fois le nouveau vaccin était introduit par les services de santé publique de routine dans une région donnée, l'accès <a href="https://cdn.who.int/media/docs/default-source/immunization/mvip/first_malaria_vaccine_allocation_explained_may2023.pdf?sfvrsn=248c4624_4">continu et durable</a> devait être maintenu. </p>
<h2>Pourquoi la fabrication locale est-elle si importante ?</h2>
<p>Pendant le <a href="https://www.wipo.int/wipo_magazine/en/2022/04/article_0005.html">COVID</a>, nous avons constaté que l'Afrique était en queue de peloton. Le meilleur moyen de garantir l'approvisionnement est de le fabriquer soi-même.</p>
<p>C'est pourquoi la fabrication de vaccins en Afrique est l'une des principales priorités des <a href="https://africacdc.org/news-item/a-new-deal-for-african-health-security/">Centres africains de contrôle des maladies</a>. </p>
<p>J'espère que de mon vivant, je verrai certains de ces vaccins produits sur le continent.</p>
<h2>Tous les gens ne veulent pas être vaccinés, n'est-ce pas ?</h2>
<p>D'après mon expérience en Afrique, la couverture vaccinale de routine est encore assez <a href="https://www.afro.who.int/health-topics/immunization#:%7E:text=Approximately%201%20in%205%20African,VPDs">faible</a>. Nous allons maintenant ajouter ce nouveau vaccin contre le paludisme. Si les taux de vaccination sont faibles, nous n'obtiendrons jamais l'impact souhaité. </p>
<p>Nous devons donc toujours encourager les mères à faire vacciner leurs enfants, et il faut vraiment mettre fin à l’<a href="https://www.researchgate.net/publication/366944062_The_impact_of_information_sources_on_COVID-19_vaccine_hesitancy_and_resistance_in_sub-Saharan_Africa">hésitation vaccinale</a>. </p>
<p>Il y a la <a href="https://journals.co.za/doi/full/10.10520/ejc-ajgd_v10_n1_1_a4">croyance</a> que ces vaccins étrangers vont tuer les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8115834/">enfants</a>. Mais que n'avons-nous pas importé ? Le lait ? Le savon ? Les sardines ? </p>
<h2>Pourquoi ces théories ne concernent-elles que les vaccins ?</h2>
<p>Les vaccins ont été tellement efficaces et <a href="https://www.afro.who.int/health-topics/immunization">l'impact</a> sur le continent africain a été tellement important.</p>
<p>La plupart d'entre nous, même vous et moi, aurions pu disparaître sans les vaccins. Nous devons informer les gens pour qu'ils se débarrassent de cette réticence à l'égard des vaccins qui existe sur tout le continent.</p>
<p><em>Cet article fait partie d'un partenariat médiatique entre The Conversation Africa et la Conférence 2023 sur la santé publique en Afrique.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218465/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rose Leke does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>En deux ans, des avancées majeures contre le paludisme ont été réalisées avec deux nouveaux vaccins. Mais la demande excède largement l'offre, nécessitant une gestion délicate des déploiements.Rose Leke, Professor of Immunology and Parasitology, Faculty of Medicine and Biomedical Sciences, Université de Yaounde 1Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1924482022-10-17T15:47:32Z2022-10-17T15:47:32ZEbola : que se passe-t-il en Ouganda ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/489849/original/file-20221015-27-4dqz96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2556%2C1920&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Microphotographie de virus Ebola (en rouge, fausses couleurs) à la surface d’une cellule.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nihgov/38903968760/">National Institute of Allergy and Infectious Diseases</a></span></figcaption></figure><p>La dernière épidémie d’ampleur de maladies à virus Ebola s’était déroulée en Afrique de l’Ouest entre 2013 et 2016. Due à la souche Zaïre de ce virus responsable de terribles fièvres hémorragiques, elle avait provoqué plus de 11 000 décès, principalement en Sierra Leone, au Libéria et en Guinée. Depuis le début du mois de septembre, c’est un pays d’Afrique de l’Est, l’Ouganda, qui fait face au virus Ebola, mais cette fois, la souche Soudan est impliquée. </p>
<p>Le premier patient confirmé, un homme de 24 ans, est tombé malade le 11 septembre. Originaire d’un village du sous-comté de Madudu, district de Mubende, dans le centre de l’Ouganda, il a été pris d’une fièvre élevée accompagnée de divers symptômes : convulsions toniques, perte d’appétit, douleurs à la déglutition, douleurs thoraciques, toux sèche, diarrhées et vomissements sanguinolents, saignements oculaires.</p>
<p>Il a été admis à l’hôpital régional de référence le 15 septembre, où il a été isolé. Le 19 septembre, les analyses ont confirmé qu’il avait été infecté par la souche Soudan du virus Ebola (SUDV). Le patient est décédé le même jour. L’épidémie a été officiellement déclarée par les autorités sanitaires ougandaises le 20 septembre. Au 9 octobre 2022, 68 cas (dont 48 cas confirmés) et 37 décès (dont 17 confirmés) ont été recensés en lien avec cette flambée. </p>
<p>Comment a-t-elle commencé ? Que sait-on de la souche Soudan qui en est responsable ? Faut-il craindre une épidémie d’ampleur ?</p>
<h2>Un risque national élevé selon l’OMS</h2>
<p>Malgré la réaction rapide du gouvernement ougandais et son expérience certaine des épidémies de maladie à virus Ebola, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère que le risque global concernant l’épidémie en cours est élevé au niveau national. </p>
<p>Le fait que l’épidémie ait été détectée chez des personnes vivant autour d’une mine d’or locale en activité en milieu forestier pourrait en effet compliquer la situation : la mobilité des orpailleurs et négociants est probablement élevée, et la déclaration de l’épidémie peut provoquer la fuite de certaines personnes d’ores et déjà en période d’incubation.</p>
<p>Parmi les 68 cas recensés jusqu’ici, 48 sont des cas confirmés et 20 des cas probables. On dénombre presque autant d’hommes que de femmes parmi les malades, qui ont été recensés dans cinq districts : Mubende, Kyegegwa, Kasanda, Kagadi et Bunyangabu. Un décès a notamment été reporté dans la capitale Kampala. 37 décès ont été enregistrés, dont 17 parmi les cas confirmés, ce qui signifie que le taux de létalité est, pour l’instant, de 29 % (parmi les cas confirmés).</p>
<p>Les enquêtes préliminaires visant à retracer l’origine de cette contamination ont révélé qu’au cours des deux premières semaines de septembre, plusieurs décès dus à une maladie inconnue étaient survenus dans des communautés des sous-comtés de Madudu et Kiruma. Certaines de ces personnes décédées avaient été en contact avec le patient index, et tous les cas sont désormais considérés comme des cas probables d’Ebola causés par le virus Soudan. À ce jour, 1 110 contacts ont été répertoriés dont 657 sont encore suivis, les autres ayant terminé leur période de suivi de 21 jours recommandée par l’OMS.</p>
<h2>Qu’est-ce que le virus Ebola Soudan ?</h2>
<p>Le virus Ebola Soudan appartient, comme les autres virus Ebola connus, à la famille des Filovirus, qui doit son nom à l’apparence filamenteuse des virus qui la composent. </p>
<p>Le premier Filovirus a été identifié en 1967 en Europe : il s’agit <a href="https://theconversation.com/plus-de-50-ans-apres-son-emergence-le-virus-marburg-garde-une-part-de-mystere-169380">du virus Marburg</a>. Des employés de laboratoires qui avaient été en contact avec des singes verts provenant d’Ouganda, ou avec leurs tissus (notamment dans le cadre de la préparation de cultures de cellules) avaient alors déclaré des symptômes de fièvre hémorragique. Sur les 31 personnes contaminées, 7 étaient décédées.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/plus-de-50-ans-apres-son-emergence-le-virus-marburg-garde-une-part-de-mystere-169380">Plus de 50 ans après son émergence, le virus Marburg garde une part de mystère</a>
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<p>Le virus Ebola a quant à lui été découvert en 1976, lors de la survenue d’une double épidémie au Soudan du Sud ainsi qu’en République démocratique du Congo (RdC, alors République du Zaïre). On connaît aujourd’hui six virus Ebola : le virus Ebola (EBOV), aussi appelé « sous-type Ebola Zaïre », le sous-type virus Sudan (SUDV), le sous-type virus Reston (RESTV), le sous-type Forêt de Taï (TAFV), le sous-type Bundibugyo (BDBV) et le sous-type Bombali (BOMV). À l’exception des souches Reston et Bombali, les quatre autres souches d’Ebola sont pathogènes pour l’être humain.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Microphotographie par microscopie électronique à balayage d’une particule de virus Ebola (fausses couleurs)." src="https://images.theconversation.com/files/489851/original/file-20221015-15-vf12jv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489851/original/file-20221015-15-vf12jv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=515&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489851/original/file-20221015-15-vf12jv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=515&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489851/original/file-20221015-15-vf12jv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=515&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489851/original/file-20221015-15-vf12jv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=647&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489851/original/file-20221015-15-vf12jv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=647&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489851/original/file-20221015-15-vf12jv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=647&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Microphotographie par microscopie électronique à balayage d’une particule de virus Ebola (fausses couleurs).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nihgov/43492898261/">National Institute of Allergy and Infectious Diseases</a></span>
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</figure>
<p>Les virus Ebola pathogènes pour l’être humain provoquent des fièvres hémorragiques sévères et souvent fatales : le taux de létalité des maladies à virus Ebola est de 50 % en moyenne, mais en fonction de la souche incriminée, il peut varier de 25 % à 90 %. Le taux de létalité du SUDV est quant à lui estimé à environ 50 % selon le Centers for Disease Control des États-Unis, tandis que l’OMS considère qu’il est compris entre 41 % et 100 %.</p>
<p>La période d’incubation de la maladie fluctue de 2 à 21 jours, et la survenue des symptômes peut être soudaine. En raison de la similarité desdits symptômes avec ceux d’autres affections, il peut être difficile de distinguer cliniquement la maladie à virus Ebola de maladies infectieuses telles que le paludisme, la fièvre typhoïde et la méningite.</p>
<p>La maladie se déroule typiquement en deux phases. La phase dite « sèche » comprend des symptômes tels que la fièvre, la fatigue, les douleurs musculaires, les maux de tête et les maux de gorge. Elle est suivie de la phase dite « humide » qui comprend vomissements et diarrhées, d’éruptions cutanées et de symptômes d’altération des fonctions rénale et hépatique. Dans certains cas, le patient peut également présenter des hémorragies internes et externes. Les personnes infectées ne peuvent pas transmettre la maladie avant de développer des symptômes, et elles restent infectieuses tant que leur sang contient le virus.</p>
<p>Sur les 44 épidémies de maladies à virus Ebola déclarées depuis 1976, 8 ont été causées par le SUDV, dont l’épidémie actuelle. La majorité des autres flambées a été causée par le virus Zaïre, la plus importante ayant été celle de 2014-2016 qui a sévi en Sierra Leone, au Liberia et en Guinée (28 610 cas, 11 308 décès).</p>
<h2>Une maladie d’origine animale</h2>
<p>La maladie à virus Ebola est une maladie zoonotique, c’est-à-dire transmise à l’être humain par les animaux. Les chauves-souris frugivores (<em>Pteropodidae</em>) sont soupçonnées d’être le réservoir naturel du virus, qui peut également infecter les chimpanzés, les gorilles, les singes, les antilopes de forêt ou les porcs-épics. La transmission animal-humain se fait via le contact avec les animaux infectés lors des activités vivrières telles que la chasse ou la cuisine. </p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Une chauve-souris appartenant à la famille des Pteropodidae, la roussette paillée africaine (Eidolon helvum)." src="https://images.theconversation.com/files/489850/original/file-20221015-22-f0bqfj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489850/original/file-20221015-22-f0bqfj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=598&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489850/original/file-20221015-22-f0bqfj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=598&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489850/original/file-20221015-22-f0bqfj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=598&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489850/original/file-20221015-22-f0bqfj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=751&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489850/original/file-20221015-22-f0bqfj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=751&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489850/original/file-20221015-22-f0bqfj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=751&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une chauve-souris appartenant à la famille des Pteropodidae, la roussette paillée africaine (Eidolon helvum).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Straw-coloured_fruit_bat#/media/File:Bat_Week_2017_-_Congressional_Reception_(37237943654)_(cropped).jpg">Kayt Jonsson / USFWS</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La transmission interhumaine se réalise par contact direct avec le sang ou les fluides corporels d’une personne malade ou décédée d’Ebola, ainsi que via des objets contaminés par les liquides organiques infectés (draps, habits, seringues). Le virus Ebola peut entrer dans l’organisme via des lésions cutanées ou les muqueuses. Les professionnels de santé sont donc particulièrement à risque lors des soins, et doivent porter des équipements de protection personnelle.</p>
<p>Les données montrent que <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/nejmoa1509773">la transmission sexuelle, de l’homme à la femme, est plausible</a>. En effet, le virus peut persister dans le sperme des survivants plusieurs mois après la guérison, et <a href="https://doi.org/10.1093/cid/ciw601">cette persistance est associée à un risque élevé de transmission</a>. La transmission sexuelle de la femme à l’homme est également possible, mais moins probable.</p>
<p>Les femmes enceintes qui sont atteintes d’Ebola aigu et se rétablissent de la maladie peuvent encore être porteuses du virus dans le lait maternel ou dans les liquides et tissus liés à la grossesse. En revanche, les femmes qui tombent enceintes après avoir survécu à la maladie d’Ebola ne risquent pas d’être porteuses du virus.</p>
<h2>Aucun traitement disponible contre la souche Soudan</h2>
<p>Deux traitements ont été approuvés en 2020 par la Food and Drugs Administration (FDA) américaine pour le traitement du virus Ebola Zaïre : Inmazeb, une combinaison de trois anticorps monoclonaux, et Ebanga, un anticorps monoclonal humain isolé chez un survivant de l’épidémie d’Ebola.</p>
<p>En revanche, aucun traitement n’existe actuellement contre la souche Soudan : ces thérapies sont en effet inefficaces contre des virus autres que la souche Zaïre. Le seul moyen d’améliorer le taux de survie des malades est de leur fournir des soins de soutien – réhydratation par voie orale ou intraveineuse – et de traiter les symptômes spécifiques.</p>
<p>Un cocktail de deux anticorps monoclonaux à large spectre de neutralisation semble toutefois constituer un candidat prometteur, puisqu’il a montré, chez les furets et les primates non humains, une haute efficacité contre infection par les virus Zaïre, Soudan, et Bundibugyo (MBP134). Des évaluations complémentaires seront toutefois nécessaires. Des essais de phase clinique chez l’humain seront développés grâce aux importants financements fournis par <a href="https://aspr.hhs.gov/newsroom/Pages/Sudan-ebolavirus-Sept2022.aspx">l’Administration for Strategic Preparedness and Response</a>, une agence opérationnelle du service de santé publique des États-Unis dont l’objet est la prévention et la réponse aux catastrophes pouvant impacter négativement la santé.</p>
<h2>Où en sont les vaccins ?</h2>
<p>À ce jour, aucun vaccin approuvé contre la souche Soudan n’existe. A contrario, deux vaccins contre le virus Zaïre sont autorisés par les autorités de santé internationales : ERVEBO, un vaccin vivant atténué contenant la glycoprotéine de surface du virus Ebola Zaïre (produit par Merck Sharp & Dohme B.V) et Zabdeno/Mvabea (du laboratoire Janssen), un vaccin administré en deux doses. </p>
<p>La deuxième dose du Zabdeno/Mvabea cible non seulement la souche Zaïre, mais aussi d’autres filovirus, dont la souche Soudan et le virus Marburg. Cependant la protection conférée contre ces derniers virus n’a pas été démontrée par des données cliniques. En outre, malgré sa potentielle capacité d’induire une réponse contre le SUDV après la deuxième dose, la longueur du schéma vaccinal (les deux doses doivent être espacées de 8 semaines environ ) rend ce vaccin inadapté à l’usage dans des contextes épidémiques où la réponse doit être rapide, comme en cela est actuellement le cas en Ouganda.</p>
<p>Pour remédier à ce problème, six candidats vaccins ciblant la souche Soudan sont actuellement en cours de développement, dont trois ont atteint la phase clinique. L’OMS est en train de mettre en place un essai clinique en Ouganda pour tester deux de ces candidats. </p>
<p>Le premier est un vaccin à dose unique spécifique contre le SUDV, développé par GSK, qui en a cédé la licence en 2019 au Sabin Vaccine Institute. Le deuxième candidat est un vaccin bivalent à adénovirus de chimpanzé contenant les glycoprotéines du virus Zaïre et SUDV. Ce vaccin est développé par l’Université d’Oxford, au Royaume-Uni. </p>
<p>L’essai ougandais sera lancé au plus tard avant la fin du mois d’octobre 2022. D’ici là, beaucoup d’incertitudes demeurent quant à l’évolution de l’épidémie…</p>
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<p><em>Les informations contenues dans cet article proviennent d’une note de connaissances de l’ANRS sur l’épidémie de maladie à Ebola due au virus Soudan – Ouganda (coordonnée par Yazdan Yazdanpanah, Éric D’Ortenzio et Marion Fanjat, et rédigée par Nicolas Pulik, Erica Telford, et Inmaculada Ortega-Perez).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192448/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Depuis début septembre, l’Ouganda fait face à une flambée d’Ebola due cette fois à la souche Soudan de ce virus mortel. Une situation à risque pour le pays, selon l’Organisation mondiale de la Santé.Nicolas Pulik, Chargé de développement international - ANRS|Maladies infectieuses émergentes, InsermErica Telford, Chargée de mission - Dépt. Innovation - ANRS | Maladies infectieuses émergentes, InsermEric D'Ortenzio, Médecin, Epidémiologiste, Responsable du département Statégie & Partenariats, ANRS I Maladies infectieuses émergentes, InsermInmaculada Ortega-Perez, Chargée de mission-département innovation ANRS MIE at ANRS, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1230362019-09-18T18:42:27Z2019-09-18T18:42:27ZEn Ouganda, ces bidonvilles qui s’emparent du recyclage des déchets<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/293034/original/file-20190918-187995-cmddn0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">À Kampala, seule la moitié des déchets est collectée et acheminée vers les décharges. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/gtzecosan/4332277806/in/photolist-7AQ4fW-7AQ4cy-7AQ4jQ-7ALgji-7AQ4AE-7AQ3FE-7ALgRV-7ALgYg-7AQ3GA-7ALgK6-7ALgPg-7ALgAK-7ALgn6-7AQ3Dm-7ALgsc-7ALgnH-7ALgjT-cP5g7J-7AQ3AW-7AQ3QU-7ALgwr-7AQ3BG-7ALgoX-7ALgLR-7AQ3V3-7AQ4p7-cVx22m-7AQ3NC-cVTrSG-cP5fQW-7AQ4gE-7ALgbn-7AQ3Q5-7ALgHr-7AQ4ab-7AQ3DN-7AQ3Kb-7ALgxr-cP5gwf-7AQ45j-7ALgGa-7ALgVk-7AQ48y-cP5gGU-cP5iKU-7AQ3Uj-7AQ44L-cVx6ts-cP5ipu-cP5ihL">SuSanA Secretariat</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Dans les municipalités qui rencontrent des problèmes pour recueillir et gérer les déchets, les autorités ont tendance à concentrer leurs efforts sur certains quartiers, souvent les plus riches. Les implantations sauvages restent, elles, mal desservies, voire pas du tout. Cela entraîne l’accumulation de déchets.</p>
<p>Avec 1,5 million d’habitants, Kampala, la capitale ougandaise, affiche un taux de croissance de 5,1 %. Ce chiffre témoigne de la vitesse à laquelle les villes moyennes se développent. Dans ces zones urbaines en expansion, la prestation de services s’avère difficile car les routes et infrastructures sont rares. </p>
<p>La plupart des logements et des bâtiments étant construits en amont du plan d’urbanisation formel, ils ne disposent pas d’un accès satisfaisant aux différents services. <a href="https://www.mdpi.com/2071-1050/9/2/194/htm">Quelque 87 % des habitants de Kampala</a> vivent ainsi dans des logements informels. Ils ne sont que 78 % à avoir l’électricité et 17 % à bénéficier de l’eau courante. Selon une estimation, la ville produit <a href="https://www.researchgate.net/publication/277478476_Optimization_of_waste_collection_and_disposal_in_Kampala_city">1 300 tonnes de déchets par jour</a>, dont seule la moitié est collectée et acheminée vers les décharges.</p>
<p>Dans ce contexte, l’absence de gestion des déchets et d’assainissement a poussé les <a href="https://www.mistraurbanfutures.org/fr/publication/rogue-urbanism-emergent-african-cities">résidents à chercher des solutions</a> pour transformer et recycler leurs déchets. L’une de ces innovations consiste à produire des briquettes combustibles à partir de déchets organiques humains, aussi appelés « boues fécales ».</p>
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<span class="caption">Vente de briquettes combustibles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">By Shuaib Lwasa</span></span>
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<h2>Un secteur informel innovant</h2>
<p>Nos études montrent que, dans des villes comme Kampala, de nombreux <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/0956247817721864">individus tirent profit de ce secteur informel</a>, leur permettant d’améliorer les services de gestion des déchets afin, notamment, de mieux faire face au changement climatique.</p>
<p>Transformer les déchets en source d’énergie fiable n’est pas évidemment pas une idée nouvelle. Des exemples existent déjà en <a href="https://www.giz.de/fr/downloads/GIZ-WasteToEnergy-Guidelines-2017.pdf">Inde, au Bangladesh, en Bolivie et dans bien d’autres pays</a>. Si cette méthode de recyclage a été initialement prévue pour lutter contre le changement climatique (en réduisant les émissions), elle a aussi des effets sur l’emploi.</p>
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<figcaption><span class="caption">Au Népal, transformation des déchets organiques en énergie.</span></figcaption>
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<p>Même s’il ne fait pas partie de l’économie urbaine officielle, ce type d’activité peut être très profitable. Il requiert de l’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2214629619300386">innovation, une certaine implication à l’échelle commerciale et communautaire, et le soutien de scientifiques</a>. La création d’une petite entreprise de fabrication de briquettes avec une machine de moulage semi-mécanisée nécessite un capital d’environ 15 millions de shillings ougandais (soit environ 3 700 €).</p>
<p>Pour la communauté, les promesses et enjeux de cette activité sont importants. À Kampala, nous avons observé que ce modèle économique encourage le recyclage dans les quartiers pauvres afin de créer des emplois et d’ouvrir de nouvelles perspectives.</p>
<h2>Exploiter une ressource gratuite</h2>
<p>De manière générale, les déchets ne sont pas considérés comme des ressources. À Kampala, fabriquer des briquettes combustibles à partir de déchets organiques n’est pas nouveau – cela existait déjà dans les années 1980 – mais, pour optimiser ce potentiel, il faut que les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs12132-018-9358-z">entreprises atteignent une taille moyenne</a> afin d’étendre le rayon de ramassage.</p>
<p>Dans la capitale ougandaise, les <a href="https://wrirosscities.org/sites/default/files/WRR-Case-Study-Kampala-final.pdf">déchets organiques des résidents</a> (alimentaires, végétaux ou issus de matières fécales) sont récupérés par des groupes de collecte avant d’être séchés, concassés et brûlés. Le charbon qui en résulte est ensuite mélangé avec un fond d’eau et du liant, comme de la sciure de bois, de la poussière ou de l’argile, puis versé dans une machine de moulage produisant des briquettes de différentes tailles et formes. Celles-ci sont ensuite séchées et emballées pour la vente.</p>
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<span class="caption">Séchage des briquettes combustibles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shuaib Lwasa</span></span>
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<p>En se décomposant, les déchets solides organiques produisent des gaz à effet de serre. Une étude réalisée en 2017 a estimé que 69 522 tonnes de CO<sub>2</sub> ont été ainsi générées sur l’année, soit 9,72 % des émissions totales de Kampala. 87 % des émissions dues aux déchets sont produites directement dans les décharges. Les entreprises qui réduisent en amont le volume de déchets contribuent ainsi à <a href="http://dx.doi.org/10.1080/17583004.2017.1330592">réduire les émissions</a>.</p>
<h2>L’essor des « laboratoires à déchets »</h2>
<p>Afin de repérer les établissements informels et leur confier la gestion d’entreprises, nous avons collaboré avec des ONG telles qu’ACTogether (affiliée à <a href="http://skoll.org/organization/slum-dwellers-international/">Slum Dwellers International</a>). Ensemble, nous avons mené une étude visant à référencer la nature et les quantités de déchets organiques produits, les débits, les types de déchets et leurs principales sources dans les différents quartiers. Nous avons organisé des consultations auprès de dix groupes communautaires producteurs, comptant en moyenne 15 membres – hommes et femmes –, dans l’hypothèse d’une création de nouvelles fabriques de briquettes combustibles.</p>
<p>Nous avons organisé plusieurs réunions et ateliers de formation traitant de la fabrication des briquettes, de l’élaboration d’un business plan, de l’image de marque, du marketing et de la comptabilité. En effet, les groupes communautaires n’en sont pas tous au même stade : certains sont expérimentés et produisent jusqu’à une tonne par semaine, tandis que d’autres viennent tout juste de se lancer.</p>
<p>Les groupes de production débutants seront subventionnés pour acquérir des machines de fabrication, des fours de carbonisation, des broyeurs et des séchoirs. Les plus avancés auront plutôt besoin de séchoirs solaires et d’aide pour faire la promotion de leurs produits et les commercialiser.</p>
<p>Dans les bidonvilles, les groupes de production ont établi des laboratoires où ils testent les différents ingrédients avant de mettre en vente leurs produits. Certains échantillons tests sont utilisés pour la promotion, et l’un des principaux arguments de vente est la réduction des émissions des briquettes par rapport au charbon de bois.</p>
<h2>Mise en place d’un réseau</h2>
<p>D’autres équipes collectent et livrent les déchets organiques aux groupes de fabrication. Certaines vont même plus loin, en produisant du charbon qu’elles leur revendent. Le système est donc constitué d’entreprises évoluant en arrière-plan, qui embauchent des jeunes pour la collecte et le transport des déchets, tandis qu’au premier plan émergent des groupes de jeunes et des équipes formées de membres de la communauté, spécialisés dans la production de charbon.</p>
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<span class="caption">Machine de fabrication de briquettes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shuaib Lwasa</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Les groupes communautaires mettent sur pied des coopératives de commercialisation qui se chargent du contrôle qualité et de la normalisation des briquettes, les groupes de fabrication fonctionnant de manière indépendante.</p>
<p>Le contrôle qualité consiste à examiner les ingrédients utilisés, le processus de carbonisation, les proportions des mélanges et les types de déchets utilisés dans la production du liant. En effet, ce dernier détermine la durée de combustion et donc la valeur calorifique des briquettes.</p>
<h2>Les boues fécales créent des emplois</h2>
<p>Plus de 75 % des ménages de Kampala utilisent une fosse, et seuls 13 % sont raccordés aux égouts. Par conséquent, le pourcentage des déchets humains traité est faible. De petites entreprises innovantes ont donc été fondées pour collecter et transporter ces déchets vers les stations de traitement. Cette activité économique émergente <a href="https://www.researchgate.net/publication/260386344-From-dependency-to-Interdependencies-The-emergence-of-a-socially-rooted-but-commercial-waste-sector-in-Kampala-City-Uganda">crée des emplois</a>, à petite et moyenne échelle.</p>
<p>Des groupes de femmes et de jeunes ont développé des entreprises de collecte des déchets qui utilisent la <a href="https://www.ircwash.org/sites/default/files/Temeke-2011-Pit.pdf">technologie Gulper</a>, pour vider les latrines à fosse ; ils transportent les déchets vers les stations de traitement des eaux à l’aide de triporteurs équipés de petits réservoirs.</p>
<p>Il est important d’assurer un suivi continu des émissions de gaz à effet de serre des briquettes, depuis leur production jusqu’à leur utilisation. Pour ce faire, notre équipe a instauré un protocole de mesures périodiques dans les principales unités de production, tout au long la fabrication, ainsi que dans quelques ménages voisins qui les utilisent pour cuisiner.</p>
<p>Les étiquettes indiqueront les émissions produites au moment de la combustion, et expliqueront en quoi leur utilisation contribue à limiter le changement climatique. Nous espérons ainsi que les utilisateurs prendront l’initiative d’adopter la briquette pour protéger la planète du réchauffement.</p>
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<figcaption><span class="caption">Utilisation de la technologie Gulper pour vider les latrines.</span></figcaption>
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<h2>Une initiative reproductible</h2>
<p>La quantité de GES générée par Kampala – environ 200 grammes par personne et 0,7 million de tonnes de CO<sub>2</sub> par an – est relativement négligeable. Toutefois, la production de briquettes combustibles à partir de déchets organiques solides est une innovation dont pourraient s’inspirer toutes les villes à la recherche de solutions durables.</p>
<p>Nous collaborons également avec des groupes de jeunes qui cherchent à exploiter les boues fécales en les transformant directement en briquettes combustibles. Ce processus n’en est encore qu’à ses balbutiements, mais il s’intègre parfaitement à notre démarche inclusive, résiliente et durable.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Fonds de Recherche Axa a soutenu près de 600 projets à travers le monde menés par des chercheurs de 54 pays. Pour en savoir plus, visitez le site du <a href="https://www.axa-research.org/en/">Axa Research Fund</a>.</em></p>
<p><em>Cet article a été traduit de l’anglais par Typhaine Lecoq-Thual pour <a href="http://www.fastforword.fr/">Fast ForWord</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/123036/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Shuaib Lwasa reçoit un financement du Fonds AXA pour la recherche, GCRF-UK.</span></em></p>Dans les zones urbaines défavorisées de Kampala, un réseau de petites structures valorisent les déchets pour en faire des briquettes combustibles.Shuaib Lwasa, Geographer, Makerere UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1219952019-08-28T19:39:38Z2019-08-28T19:39:38ZEbola au Congo-RDC : quand un conflit oublié devient un danger pour la santé internationale<p>Le 17 juillet dernier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a reconnu l’épidémie de fièvre hémorragique à virus Ebola comme une « <a href="https://news.un.org/fr/story/2019/07/1047721">urgence de santé publique de portée internationale</a> ».
Cette épidémie a déjà fait un millier de victimes et continue de se répandre, malgré la rapidité de <a href="https://www.who.int/fr/news-room/detail/17-11-2018-who-statement-on-latest-attacks-in-the-democratic-republic-of-the-congo">la réponse de la communauté internationale et le volontarisme des autorités congolaises</a> pour y mettre fin. </p>
<p>Selon les acteurs étatiques et non-étatiques qui interviennent dans la riposte contre l’épidémie, il y a des raisons techniques à la base de la propagation d’Ebola, comme la nature du virus et l’organisation et la gestion de la riposte. </p>
<p>Mais s'y ajoutent également des raisons contextuelles <strong>trop souvent ignorées, liées à la violence inhérente à certaines parties du pays</strong>. </p>
<p>L’insécurité constante émanant de l’action des groupes armés limite ainsi les interventions médicales. </p>
<p>La population se méfie par ailleurs de l'arrivée soudaine des intervenants et de leur intérêt pour des régions qui connaissent des massacres depuis plusieurs années dans l’indifférence totale de la communauté internationale. </p>
<p>Enfin, l’état délabré du système de santé dans ces zones de guerre est un facteur aggravant. </p>
<h2>Le pivot de Beni</h2>
<p>Ce versant contextuel d’Ebola constitue en fait la source principale à la base de sa propagation.</p>
<p><a href="https://news.un.org/fr/story/2019/07/1048421">Beni, l’épicentre de l’épidémie d’Ebola</a> en RDC, est ainsi en proie à la violence des groupes armés depuis plusieurs décennies déjà, comme d’ailleurs une bonne partie de l’est de la RDC. </p>
<p>Mais la particularité de Beni, c’est qu’en plus des groupes armés congolais, la ville est, depuis près d’une dizaine d'années, <a href="http://www.rfi.fr/afrique/20160816-rdc-adf-beni-tuerie-ouganda-rebelles">en proie à une rébellion ougandaise </a>qui opère sur le sol congolais. </p>
<p>Cette rébellion, qui a des racines dans la communauté islamique ougandaise, est connue pour des <a href="http://www.rfi.fr/afrique/20190604-rdc-douzaine-morts-nouveau-massacre-beni">massacres, mutilations, pillages et enlèvements des populations civiles</a>. La Mission des Nations Unions en RDC et l’armée congolaise se sont montrées impuissantes face à ce groupe armé, et particulièrement face aux <a href="https://fr.africanews.com/2019/07/21/rdc-un-chef-coutumier-et-4-civils-tues-dans-deux-attaques-a-beni/">massacres à la machette</a> qui sont devenus sa marque de fabrique. </p>
<p>Cette impuissance mêlée à un certain désintérêt a fini par produire <a href="https://www.voaafrique.com/a/la-guerre-de-kivu-un-conflit-oubli%C3%A9-au-coeur-de-l-afrique-/4583461.html">l’oubli de cette région</a> par le gouvernement congolais et par les acteurs internationaux. </p>
<p>Il a fallu attendre l’apparition d’Ebola en 2018 dans le Nord-Kivu pour qu’on commence à s’y intéresser à nouveau. Plus cette épidémie se répand et résiste à son éradication, plus on parle de cette région et de la nécessité de multiplier les efforts pour la vaincre.</p>
<p>En outre, Béni est situé dans une zone propice à une propagation rapide du virus à travers l'Afrique des Grands Lacs et en Afrique centrale. Avec ses neuf voisins et les mouvements des populations en RDC, une épidémie non maîtrisée pourrait très vite se diffuser au reste du monde. </p>
<h2>Soupçons sur le business des multinationales</h2>
<p>On comprend alors pourquoi l’annonce de l'apparition du virus d’Ebola au Nord-Kivu a suscité <a href="https://news.un.org/fr/story/2019/07/1048611">l’afflux des centaines de millions de dollars en très peu de temps</a> et une volonté farouche de l’éradiquer. </p>
<p>Mais on comprend aussi pourquoi les populations de Beni se sont montrées méfiantes envers le personnel médical, et regardent avec suspicion cet « afflux de millions » et « des jeeps des ONG » dans leur zone. </p>
<p>Trop longtemps délaissées, beaucoup parmi les populations locales estiment que personne n'est venu pour les sauver et qu'au contraire, les médecins ont inventé cette maladie pour «se faire» de l'argent et décimer la population avec leurs vaccins. </p>
<p>De plus, les ONG qui arrivent se retrouvent au cœur d'une zone abandonnée depuis longtemps, sans équipes médicales disponibles, matériel ou personnel formateur alors qu'il y existait pourtant des structures de santé. Mais celles-ci sont depuis trop longtemps dévastées, le plus souvent totalement abandonnées. </p>
<p>Comme un peu partout en RDC, ces mêmes structures se sont effondrées à cause de l’application des programmes d’ajustement structurel imposés aux pays africains par les bailleurs des fonds (Banque mondiale et le Fonds monétaire international) dans les années 1980 pour réduire les dépenses de l’État dans les secteurs sociaux. </p>
<p>Les <a href="http://www.politique-africaine.com/numeros/pdf/045101.pdf">résultats ont été catastrophiques pour les populations pauvres </a> dépendantes de ces secteurs. </p>
<h2>Face à la cacophonie internationale</h2>
<p>De plus, les récentes critiques du ministère congolais de la Santé envers les ONG et les firmes pharmaceutiques <a href="https://www.bbc.com/afrique/region-49234555">renforcent les soupçons de la population</a> qui se demande si elle n'est pas utilisée comme cobaye au profit de multinationales qui ne seraient là que pour «faire du business». </p>
<p>Lorsque le ministre congolais de la Santé, Oly Ilunga, a démissionné, en juillet 2019, il a en effet dénoncé la guerre des firmes pharmaceutiques qui tentent d’<a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/07/26/ebola-en-rdc-le-ministre-de-la-sante-demissionnaire-revele-les-tentatives-d-introduction-illegale-d-un-vaccin-experimental_5493900_3212.html">introduire un vaccin expérimental</a> pourtant considéré comme non conforme par le gouvernement congolais. </p>
<p>Il a également fustigé les interventions non cordonnées des ONG internationales et la rétention d’informations dues principalement à la course aux financements.</p>
<p>La population de Beni vit au quotidien cette cacophonie. </p>
<p>Pourtant, encore aujourd’hui dans la presse mondiale, ces problèmes contextuels sont considérés comme déconnectés de l'épidémie d'Ebola, voire relevant de l'accessoire, alors qu’ils sont en réalité au centre de sa propagation. </p>
<p>Ces facteurs, qui font d’Ebola un problème également politique, montrent que des millions de dollars ne sont pas nécessairement suffisants pour organiser une riposte efficace contre la maladie. </p>
<p>Si la communauté internationale ne s’engage pas sérieusement pour essayer de trouver une issue politique à la situation à Beni, Ebola pourra certes être éradiqué, mais d’autres menaces pourraient encore émerger dans cette zone et menacer la santé publique, voire la sécurité dans la région.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/121995/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aymar Nyenyezi Bisoka ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans l'est du Congo, soumis à une violence débridée depuis des décennies, les populations se méfient de l'afflux soudain de l'aide internationale.Aymar Nyenyezi Bisoka, Post-doctoral researcher, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1157732019-04-24T20:12:12Z2019-04-24T20:12:12ZComment le « boom des minerais » augmente la violence en Afrique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/270107/original/file-20190419-28084-6m6ohv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C15%2C2029%2C1345&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Près de deux tonnes d’or échapperaient aux autorités locales de l’Ituri, dans le nord-est de la RDC.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/un_photo/14549777252/in/photolist-oaHpSu-oTWccu-oaE9ob-4RcytE-bvnby1-drutWX-31xJ9A-TigxB-WyvDhy-nMp2ii-i4n1ip-qnR2HW-U7sJv-dhZ215-5HfQti-i4nJEg-nv17fk-p9oZPs-dSsbHV-bJgYya-mhxvtA-nPgDZR-5MQuYd-oaEajj-nTiJUN-mhs7sg-nuZcA3-V65nZe-oauEwz-mhs7nX-5MxTHe-dp8gMk-4eWtNy-V2Cbky-65ntmF-nTjt22-nmbViL-i4naGf-9mhDL-mhvB1c-bEiNJe-9JZ2ad-bM5g9B-jyZSAx-VTjEBh-dEELSH-4S4KGg-q6mL6y-nKFKGm-dmRDq9/">United Nations/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span></figcaption></figure><p><em>La hausse du prix des minerais peut avoir de sanglantes conséquences en Afrique. C’est ce qu’ont observé Nicolas Berman, Mathieu Couttenier, Dominic Rohner, et Mathias Thoenig dans une <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/aer.20150774">étude récente</a> parue dans The American Economic Review et portant sur l’ensemble de l’Afrique de 1997 à 2010. Le boom des prix de ces minerais en 2000 pourrait expliquer jusqu’à un quart des conflits en Afrique. La violence se déploie même au-delà des zones minières. Avec l’argent gagné, les rebelles déploient leurs combats en étendant leurs zones d’influence.</em></p>
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<p>« Diamants de sang », « or des conflits », « coltan sanglant » les appellations sont nombreuses pour rappeler la guerre à laquelle se livrent les plus cupides. N’y a-t-il jamais de minerais sans violence ? Ce sujet a été largement discuté, mais peu d’études ont montré la relation causale entre hausse du prix des minerais et conflits. C’est le propos de cette analyse, parue dans <em>American Economic Review</em> et portant sur l’ensemble de l’Afrique de 1997 à 2010.</p>
<h2>Le « boom » des minerais</h2>
<p>Entre 2000 et 2009, le prix des minerais a plus que doublé en moyenne. Ce « boom des minerais » a été largement impulsé par le rôle de nouvelles puissances, comme la Chine ou l’Inde par exemple, qui ont considérablement augmenté leur demande. En 1997 une once d’or valait 338 dollars et en 2010, elle atteignait 1 084 dollars !</p>
<p>Les conséquences sur le terrain sont tout autant explosives… Sur la période étudiée, un quart des conflits observés sur le continent africain peut être expliqué par la hausse de ces cours mondiaux !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/270105/original/file-20190419-28100-14xhgb9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/270105/original/file-20190419-28100-14xhgb9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/270105/original/file-20190419-28100-14xhgb9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/270105/original/file-20190419-28100-14xhgb9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/270105/original/file-20190419-28100-14xhgb9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/270105/original/file-20190419-28100-14xhgb9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/270105/original/file-20190419-28100-14xhgb9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Près de deux tonnes d’or échapperaient aux autorités locales de l’Ituri, dans le nord-est de la RDC.</span>
<span class="attribution"><span class="source">United Nations/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>En quadrillant l’Afrique par zones de 55 sur 55 km, l’étude se penche sur l’impact de l’augmentation du prix de 14 minerais. Ces résultats sont mis en relation avec une base de données géolocalisée des événements violents (des émeutes aux conflits civils en passant par les batailles entre groupes armés) sur tout le territoire africain.</p>
<p>Ce quadrillage à échelle locale va au-delà du cadre frontalier et réduit le poids des caractéristiques étatiques. Les conflits liés aux élections, les guerres inter-ethniques ou religieuses n’interfèrent pas avec les résultats. Chaque zone peut être comparée à sa voisine, qui lui est en tout point semblable, la présence de minerais mise à part. L’analyse permet donc d’affirmer que la hausse du prix a pour conséquence directe l’augmentation de la violence. Comment se répercute concrètement le cours des minerais sur le terrain ?</p>
<h2>Financer l’avancée des milices</h2>
<p>Rackets, extorsions ou encore profits : les groupes rebelles s’alimentent à travers la rente de ces mines. Lorsque l’État est faible, les mines sont convoitées par les groupes armés qui en font leur base arrière. En République Démocratique du Congo (RDC), secouée depuis plus de 20 ans par la guerre, plus de 40 milices quadrillent le territoire. Leur appétit est à la hauteur des richesses de la région : 70 % des réserves mondiales de coltan, des réserves en or, en diamant, en étain… D’autant que l’absence de l’État est patente. Entre mai 2012 et novembre 2013, un groupe appelé le M23 s’est établi sur le territoire congolais en développant une véritable administration et en créant des postes de ministres de l’Intérieur, des Affaires étrangères et de l’Agriculture.</p>
<p>Conquérir une mine permet aux rebelles de générer des revenus en taxant la production ou la population locale, ou de bénéficier du support logistique des compagnies minières. Ce système repose souvent sur la promesse de protection pour les communautés sur place. Avec la manne d’argent recueillie, les milices peuvent financer leurs activités. Lorsque le prix des minerais augmente, leur capacité de combat s’accroît et ils peuvent alors étendre leurs zones d’influence.</p>
<p>À la suite de l’appropriation d’un territoire minier, l’étude montre que les groupes rebelles ont trois fois plus de chance de déployer leurs combats vers d’autres régions que des groupes qui conquièrent un territoire sans minerai. Cette escalade de violence est encore visible jusqu’à 1 000 kilomètres à la ronde. La détention d’une mine est donc bien un facteur déterminant. Au contraire, les groupes qui conquièrent un territoire sans minerai ne sont pas plus belliqueux. La détention d’une mine est donc bien un facteur déterminant. L’enjeu dépasse le simple contexte local. Pour soutenir le propos, l’étude identifie l’ethnie principale de chaque groupe armé et montre qu’une hausse du prix des minerais exploités dans leur territoire d’origine leur permet d’étendre leurs combats.</p>
<h2>Une PlayStation pour Noël ?</h2>
<p>C’est la consommation des pays développés qui fait varier le prix des minerais en grande partie. La demande de produits électroniques peut ébranler durablement les régions fournisseuses de minerais. À l’annonce de la sortie d’une nouvelle PlayStation par la firme Sony, au début 2000, une demande accrue en coltan, un de ses composants principaux, a engendré une augmentation de son prix de 90 dollars à 590 dollars par kilogramme.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/270108/original/file-20190419-28100-1zvrpz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/270108/original/file-20190419-28100-1zvrpz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/270108/original/file-20190419-28100-1zvrpz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/270108/original/file-20190419-28100-1zvrpz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/270108/original/file-20190419-28100-1zvrpz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/270108/original/file-20190419-28100-1zvrpz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/270108/original/file-20190419-28100-1zvrpz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’engouement pour les produits électroniques en Occident a alimenté la hausse des prix.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Twin Design/Shutterstock</span></span>
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<p>La République Démocratique du Congo est apparue comme un terrain idéal pour les fournisseurs étrangers. Raul Sanchez de la Sierra a analysé les répercussions sur le terrain à travers une <a href="https://voxeu.org/article/stationary-bandits-taxation-and-emergence-states">étude sur 380 zones minières</a>. Selon cet économiste, suite à la hausse des prix, les milices se sont multipliées dans les sites de coltan et la violence s’est accrue. Malgré la baisse des prix, elles sont restées sur le territoire, entraînant des perturbations à long terme pour les villages alentours. À travers son effet sur les cours mondiaux, notre consommation peut donc créer une véritable onde de choc.</p>
<p>Dans la région des Grands Lacs, le chemin suivi par l’argent emprunte bien souvent des canaux inofficieux. Selon le quotidien Le Monde, près de <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/03/06/en-afrique-le-florissant-business-de-l-or-des-conflits_5431892_3212.html">deux tonnes d’or</a> filent entre les doigts des autorités locales de l’Ituri (une région du nord-est de la RDC) chaque mois, alors qu’officiellement, seulement 33 kilos sont reportés par an ! Le même schéma se répète pour le coltan. Un rapport du Conseil de sécurité des Nations unies datant de 2014 a ainsi dénoncé l’<a href="https://www.ofpra.gouv.fr/sites/default/files/atoms/files/didr_note_rdc_exploitation_et_exportation_des_minerais_dans_lest_du_pays_ofpra_14.08.2014.pdf">évaporation des minerais congolais</a>, en mettant en cause le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi. Les chiffres sont pour le moins suspects. Alors que la RDC détient 70 % des réserves mondiales, le Rwanda a été, entre 2013 et 2014, le premier exportateur mondial de coltan.</p>
<h2>Qui en paye le prix ?</h2>
<p>Les milices ne sont pas les seuls éléments perturbateurs de ces régions. Mais parmi ceux qui en payent le prix, les populations sont les premières touchées. Travail forcé, main d’œuvre peu chère, non-respect des droits individuels sont le lot quotidien des mineurs africains. Derrière cette force laborieuse quasi gratuite, le risque d’émeutes ou révoltes accroît aussi l’insécurité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/270106/original/file-20190419-28097-tpkzh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/270106/original/file-20190419-28097-tpkzh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/270106/original/file-20190419-28097-tpkzh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/270106/original/file-20190419-28097-tpkzh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/270106/original/file-20190419-28097-tpkzh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/270106/original/file-20190419-28097-tpkzh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/270106/original/file-20190419-28097-tpkzh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les populations civiles sont les premières touchées par les violences.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/julien_harneis/580510493/in/photolist-oaHpSu-oTWccu-oaE9ob-4RcytE-bvnby1-drutWX-31xJ9A-TigxB-WyvDhy-nMp2ii-i4n1ip-qnR2HW-U7sJv-dhZ215-5HfQti-i4nJEg-nv17fk-p9oZPs-dSsbHV-bJgYya-mhxvtA-nPgDZR-5MQuYd-oaEajj-nTiJUN-mhs7sg-nuZcA3-V65nZe-oauEwz-mhs7nX-5MxTHe-dp8gMk-4eWtNy-V2Cbky-65ntmF-nTjt22-nmbViL-i4naGf-9mhDL-mhvB1c-bEiNJe-9JZ2ad-bM5g9B-jyZSAx-VTjEBh-dEELSH-4S4KGg-q6mL6y-nKFKGm-dmRDq9/">Julien Harneis/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Pour les deux chercheurs américains Samuel Bazzi et Christopher Blattman, les mines sont de véritables poudrières à ciel ouvert. L’augmentation du cours des minerais entraîne la cupidité et l’intérêt des voisins. Les nouvelles opportunités économiques minières et l’insécurité génèrent d’importants mouvements de population et changements sociodémographiques, déstabilisant davantage les régions. Et derrière l’exploitation à outrance des sites miniers, les enjeux environnementaux se transforment parfois en disputes territoriales.</p>
<p>Ressources minières et violence sont-elles intrinsèques ? L’étude en souligne bien le risque. Les entreprises multinationales et les États ne peuvent rester spectateurs – voire acteurs ! – de ces exactions. Pour contrer cette tendance, ils peuvent construire des bases solides en s’attaquant à la corruption et en privilégiant la transparence. L’impact des mesures en la matière fera d’ailleurs l’objet d’un prochain article.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/256813/original/file-20190201-127151-1h8ld7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/256813/original/file-20190201-127151-1h8ld7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/256813/original/file-20190201-127151-1h8ld7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/256813/original/file-20190201-127151-1h8ld7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/256813/original/file-20190201-127151-1h8ld7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/256813/original/file-20190201-127151-1h8ld7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/256813/original/file-20190201-127151-1h8ld7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article a été rédigé par Claire Lapique en collaboration avec Nicolas Berman, et publié dans la revue <a href="https://www.amse-aixmarseille.fr/fr/dialogeco">« Dialogues économiques »</a> de l’AMSE, l’école d’économie d’Aix-Marseille, en partenariat avec The Conversation France.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115773/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Berman a reçu des financements de l'Amidex. </span></em></p>D’après une étude récente, l’explosion du prix des minerais pourrait expliquer jusqu’à un quart des conflits en Afrique.Nicolas Berman, Chercheur en économie, CNRS, Aix-Marseille School of Economics (AMSE), Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/846002017-10-05T22:55:08Z2017-10-05T22:55:08ZEn Afrique centrale et orientale, le sacre des « démocraties puissantes et durables »<p>Les régimes bâtis sur les ruines de guerres civiles en Angola, au Burundi, au Congo, en République démocratique du Congo (RDC), en Ouganda et au Rwanda, ont reposé sur des forces politico-militaires. Hormis au Kenya, en Tanzanie et en Zambie, où le multipartisme a été rétabli au début des années 1990 et a perduré malgré des élections entachées de violences, <a href="https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2016-4-page-9.htm">partout les espérances démocratiques ont été trahies ou manipulées</a>.</p>
<p>Entre juin 2015 et août 2017, la région a ainsi connu un enchaînement ininterrompu d’élections générales. Les scrutins du Burundi en 2015 et de la RDC, initialement prévu en 2016, étaient les plus redoutés. Les présidents sortants voulaient se maintenir au pouvoir au-delà de leur deuxième mandat. Au Congo, en Ouganda et au Kenya, les risques d’affrontements étaient tangibles.</p>
<p>Ces régimes étaient datés, voire gagnés par l’usure. Parmi les <em>new leaders</em> révolutionnaires ou progressistes, l’Angolais (José Eduardo Dos Santos), le Congolais (Denis Sassou N’Guesso) et l’Ougandais (Yoweri Museveni) avaient plus de 70 ans, régné trente ans ou plus et étaient candidats à de nouveaux mandats. Quant aux présidents rwandais (Paul Kagamé), congolais (RDC, Joseph Kabila) et burundais (Pierre Nkurunziza), après avoir exercé respectivement le pouvoir pendant 21, 14 et 10 ans, <a href="https://theconversation.com/lafrique-saisie-par-la-fievre-du-troisieme-mandat-53258">ils modifiaient leur Constitution pour briguer un troisième mandat</a>.</p>
<h2>Des pouvoirs usés mais rusés</h2>
<p>Malgré la conjoncture régionale déprimée et le scepticisme contagieux des électeurs, <a href="https://theconversation.com/presidentielles-en-afrique-comment-ca-va-la-democratie-71747">ces rites de consécration « démocratique »</a> se sont, au cours des deux dernières décennies, imposés comme des événements incontournables, y compris dans les pays les plus autoritaires où tout est connu à l’avance : les partis en lice, les candidats autorisés, voire même les résultats.</p>
<p>Aussi illusoire soit-elle, la mise en scène de ces rituels constitue néanmoins un exercice risqué pour les détenteurs du pouvoir. Ils se doivent de maîtriser les règles de l’art pour s’assurer un contrôle maximal de leurs propres institutions, et faire spectacle de l’attachement des populations à ses dirigeants. C’est pourquoi le résultat de la compétition – entre le perfectionnement des manipulations électorales et les innombrables formes de contournements que peut inventer l’expression démocratique – n’est <a href="https://theconversation.com/le-gabon-le-pays-ou-il-ne-se-passe-jamais-rien-64856">jamais totalement assuré</a>.</p>
<p>Ainsi, de Kinshasa à Kampala en passant par Brazzaville, Luanda et Bujumbura, des contestataires courageux, bénéficiant généralement de la bienveillance et parfois du soutien actif de la population, ont organisé de nombreuses mobilisations. Elles exprimaient l’exaspération et les attentes d’une génération dénonçant des régimes accrochés au pouvoir et dont l’autoritarisme s’accroissait proportionnellement aux désillusions engendrées.</p>
<p>Face à ces aspirations au changement, les forces au pouvoir ont généralement fait preuve d’une grande capacité de résistance et d’adaptation. Partout elles l’ont emporté, <a href="http://lemonde.fr/afrique/article/2017/09/01/kenya-la-cour-supreme-ordonne-la-tenue-d-un-nouveau-scrutin-presidentiel_5179494_3212.html">sauf à ce jour au Kenya</a> où un second vote doit se tenir le 26 octobre après l’annulation-surprise du scrutin par la Cour suprême. En RDC, les manœuvres dilatoires de Joseph Kabila visant à bloquer la tenue des élections lui permettent toujours de se maintenir au pouvoir. En Angola, l’élection d’un proche du président sortant, José Eduardo Dos Santos, qui malade s’est finalement retiré de la course après avoir verrouillé sa succession, préserve l’emprise de son clan.</p>
<h2>Au pouvoir jusqu’en 2031, ou 2034</h2>
<p>Cette série de rendez-vous électoraux en Afrique centrale et orientale avait mal commencé, avec le coup de force, en avril 2015, du « troisième mandat » présidentiel <a href="https://theconversation.com/lordre-retabli-au-burundi-realites-et-faux-semblants-57403">au Burundi</a>, pays meurtri par 10 ans de guerre civile mais devenu une référence régionale de transition pacifique. <a href="http://www.justiceinfo.net/fr/justice-reconciliation/34816-burundi-%C2%AB-la-population-paup%C3%A9ris%C3%A9e-est-%C3%A9rig%C3%A9e-en-rempart-d-un-noyau-dirigeant-bunk%C3%A9ris%C3%A9-%C2%BB.html">Trois mois de manœuvres et de répression brutale</a> furent nécessaires au candidat sortant pour parvenir à ses fins. Résultat, le pays est retombé <a href="https://www.hrw.org/fr/world-report/2017/country-chapters/298103">dans les affres de la guerre civile</a> et s’enfonce plus encore à la dernière place des pays les plus pauvres de la planète. Discrédité par la gestion violente de la crise déclenchée par un président encore inexpérimenté, le Burundi obligeait alors les présidents sortants de la région – tous récidivistes patentés – à faire preuve d’un grand professionnalisme.</p>
<p>En février 2016, la reconduction en Ouganda de Yoweri Museveni pour un cinquième mandat s’est opérée sans vrai débordement. En mars, dans un contexte national plus tendu, le président congolais Denis Sassou-Nguesso inaugurait le premier des trois mandats supplémentaires que la nouvelle Constitution venait de lui accorder. Elle lui ouvre les portes du pouvoir jusqu’en 2031, à l’approche de ses 90 ans…</p>
<p>Le Rwanda fait mieux : la nouvelle Constitution, modifiée par référendum en 2015, permet au président <a href="https://theconversation.com/rwanda-paul-kagame-sur-orbite-jusquen-2034-53001">Paul Kagame de rester au pouvoir jusqu’en 2034</a>. L’opération, rondement menée, n’a laissé aucune place au suspens. La réforme constitutionnelle a été approuvée par 98 % des électeurs, représentant eux-mêmes plus de 98 % des inscrits.</p>
<p>On retrouve là l’efficacité de l’ingénierie sociale qui a présidé à la reconstruction du Rwanda post-génocide sous l’autorité du Front patriotique rwandais (FPR) : parti unique <em>de facto</em>, justice sélective, réécriture de l’histoire, réconciliation forcée, soumission totale des citoyens à un encadrement de proximité omniprésent, relayé par une série de structures verticales en charge de leur « sensibilisation ». Le président Kagame avait lui-même annoncé qu’il serait réélu avec un score similaire à celui du référendum, le résultat dépassa son pronostic !</p>
<p>Au total, donc, en l’attente des échéances à venir au Kenya et en RDC, tous les candidats autoproclamés sortis vainqueurs des épreuves électorales peuvent se targuer d’une légitimité populaire écrasante, voire d’un plébiscite.</p>
<h2>Le règne du chacun pour soi</h2>
<p>Au-delà des motivations prosaïques liées à leurs fonctions – biens, protection de leurs proches, impunité judiciaire – leur ancienneté même, et celle de leurs pairs de la région, impliquait, à leurs yeux, leur maintien.</p>
<p>Leurs relations, alliances et oppositions se sont dessinées dans un passé commun marqué par des guerres civiles et des confrontations régionales d’une violence extrême. En conséquence, l’instabilité structurelle qui prévaut de l’est à l’ouest de cette Afrique « médiane » se nourrit de l’incapacité – ou du refus – des États à formaliser les cadres de politiques de coopération et d’intégration régionale mutuellement avantageuses. Ces cadres formels permettraient pourtant de mettre en valeur de façon équitable les ressources humaines, les potentialités agricoles, minières et autres de l’ensemble de la région.</p>
<p>En 2013, les brigades d’intervention africaines rattachées à la Mission de maintien de la paix en RDC furent mandatées pour procéder à la neutralisation des principaux groupes miliciens de l’est du pays. Elles ciblaient notamment le M23, un mouvement soutenu par le Rwanda et l’Ouganda comme les informations transmises par la suite à la Cour pénale internationale (CPI) le démontreraient. Avec le retour à une situation de guerre de basse intensité, on assiste à une cogestion régulée de l’instabilité.</p>
<p>L’exploitation des ressources naturelles alimente de fructueux échanges transfrontaliers pilotés au plus haut niveau des États. Ces activités lucratives pour les élites au pouvoir permettent aux pays de la sous-région d’exporter des biens qu’ils ne produisent pas et assurent la vitalité régionale et internationale des divers corridors vers les côtes de l’Océan indien.</p>
<h2>Des pays occidentaux privés de levier</h2>
<p>Cette instabilité est, paradoxalement, sécurisée par d’importantes forces de maintien de la paix, confrontées à de nombreux groupes armés, politiques et mafieux qui contrôlent de vastes espaces de non-droit. Alors qu’à chaque étape de valorisation des richesses, la redistribution des dividendes relève pour l’essentiel d’intérêts privés, on comprend mieux pourquoi chacun des chefs d’État estime être le mieux placé pour assurer la défense des intérêts nationaux, personnels et plus largement ceux des groupes politico-ethniques qu’il représente.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188384/original/file-20171002-12132-1l2c9il.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188384/original/file-20171002-12132-1l2c9il.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188384/original/file-20171002-12132-1l2c9il.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188384/original/file-20171002-12132-1l2c9il.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188384/original/file-20171002-12132-1l2c9il.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188384/original/file-20171002-12132-1l2c9il.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188384/original/file-20171002-12132-1l2c9il.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des Casques bleus de la Mission au Congo-RDC, en partance pour la province de l’Ituri (en 2016).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/monusco/23805808013">MONUSCO/Abel Kavanagh/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Tout cela justifie en partie la grande prudence et la retenue des trois ex-puissances tutélaires – les États-Unis, la France et la Belgique – qui se portaient traditionnellement garantes de la stabilité régionale en s’impliquant fortement dans le suivi des processus électoraux. Ils sont désormais confrontés à un environnement politique très ouvert et à une vive compétition économique avec de puissants groupes d’investisseurs chinois, indiens, arabes, sud-africains. Leur réserve est partagée par les organisations financières et des bailleurs de fonds internationaux, dont les apports ne pèsent plus qu’à la marge. Toutes ces nations disposent de richesses minières considérables et se sont dotées d’un potentiel militaire important.</p>
<p>De fait, les pressions des pays occidentaux qui ont précédé et accompagné l’organisation des scrutins à risques n’ont pas eu d’autre effet que d’être dénoncées comme autant de tentatives d’ingérence. Les velléités de conditionnalité politique de la part de la « communauté internationale », notamment lorsqu’elles sont motivées par des préoccupations démocratiques, sont vouées à l’échec même vis-à-vis des « petits » pays.</p>
<p>Même constat s’agissant des <a href="https://theconversation.com/lafrique-a-lheure-du-nouveau-regionalisme-securitaire-72945">organisations régionales africaines</a>. Toutes les démarches de médiation – concertées ou concurrentes – lors du suivi des scrutins et des crises engendrées, ont abouti à une reconnaissance des situations de fait au nom du respect de la souveraineté des États.</p>
<h2>Le « réalisme » de l’Union africaine</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188387/original/file-20171002-3124-dbs1r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188387/original/file-20171002-3124-dbs1r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=795&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188387/original/file-20171002-3124-dbs1r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=795&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188387/original/file-20171002-3124-dbs1r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=795&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188387/original/file-20171002-3124-dbs1r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=999&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188387/original/file-20171002-3124-dbs1r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=999&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188387/original/file-20171002-3124-dbs1r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=999&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Paul Kagame, élu président de l’UA par anticipation, avant même d’être réélu à la tête de son pays.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Paul_Kagame_2014.jpg">Veni Markovski/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Une illustration symbolique de ce réalisme en a été donnée par le sommet des chefs d’État de l’Union africaine réuni à Addis Abeba, le <a href="http://www.rfi.fr/afrique/20170705-sommet-union-africaine-ua-djibouti-rdc-kabila-maroc-sahara-occidental">3 juillet dernier</a>. Ils n’ont pas hésité à porter le président rwandais à la présidence de l’organisation à compter du 1<sup>er</sup> janvier 2018, alors qu’il était lui-même candidat à une élection qui se tenait le 4 août suivant… En accordant, par anticipation, leurs voix au Président Kagame, ses pairs donnaient ainsi la mesure du respect dû à la libre expression des électeurs rwandais.</p>
<p>Ainsi, ils ne faisaient que rendre hommage à celui qui, parmi eux, était sans conteste le plus performant en matière d’organisation d’élection : une opposition inexistante et muselée, un candidat unique en campagne, des scores toujours plus brillants.</p>
<p>Dans un contexte global déprimé, le profil personnel du prochain président de l’UA, le père du « miracle économique » rwandais, était incontestablement le mieux placé pour redorer le blason d’une institution vivement critiquée et décrédibilisée pour son impuissance face à la plupart des conflits et des défis du continent. Il importait aussi d’inviter le président rwandais à œuvrer activement au retour d’une paix durable dans la région des Grands Lacs.</p>
<h2>Les nouveaux canons de la « bonne gouvernance »</h2>
<p>Les chefs d’États africains proposaient ainsi une actualisation pragmatique du célèbre discours du président Barack Obama, prononcé à Accra en 2009. Après avoir stigmatisé les autocrates, affirmant que « l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes », celui-ci relativisait aussitôt son propos. « La vérité essentielle de la démocratie est que chaque nation détermine elle-même son destin », disait-il, avant de préciser : « Nous devons soutenir les démocraties puissantes et durables ».</p>
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<p>Cette approche a guidé la politique de coopération de l’administration américaine au cours de son second mandat. Les <em>news leaders</em> africains de la <em>Great Horn of Africa</em> incarnaient alors la synthèse assumée de la « bonne gouvernance » : des « hommes forts » à la tête d’« institutions fortes » assurant l’ordre et la sécurité au service de la croissance. Des fondamentaux du développement ouvertement et largement partagés depuis lors par toutes les grandes puissances et les organisations internationales tenues au réalisme.</p>
<p>Ces démocraties puissantes sont-elles pour autant durables ? Manifestement, la question n’effleure pas ces « démocrates » régulièrement « plébiscités » par leurs concitoyens. <a href="http://www.lalibre.be/actu/international/rdc-kabila-confirme-la-marche-irreversible-vers-des-elections-59c67405cd70129e41839408">Hormis le président Kabila</a>, toujours pas fixé sur son sort, deux d’entre eux doivent encore ajuster leurs Constitutions pour assurer leur réélection. Au Burundi, les hiérarques du régime s’activent pour définir le scénario de sa mise en œuvre. En Ouganda, le président Museveni prévoit de supprimer la limite d’âge de 75 ans qui le rendrait inéligible en 2021.</p>
<p>Bref, tous se projettent dans l’avenir sans envisager une quelconque échéance. Aucun n’affiche la moindre intention de relâcher son étreinte sur le pays, gardant en mémoire que, s’ils n’ont jamais hésité à neutraliser leurs rivaux potentiels, ils ne sont pas à l’abri d’une telle mésaventure.</p>
<h2>L’impunité, une préoccupation permanente</h2>
<p>Dans le droit fil de ces contraintes, on peut s’interroger sur les motivations qui ont conduit au vote de principe des chefs d’État de l’Union africaine en 2016, de <a href="https://theconversation.com/lafrique-et-la-cour-penale-internationale-chronique-dun-divorce-annonce-68040">quitter la Cour pénale internationale</a> et d’y substituer une Cour de justice africaine indépendante. Ce projet, à l’initiative de Paul Kagame, capitalisait la défiance de nombre de pays africains envers une institution dont ils contestent la légitimité et l’impartialité. Il s’agirait là d’une évolution importante, de la part des dirigeants de la région, qui par le passé ont soit eu recours aux tribunaux pénaux internationaux ou à la CPI, soit invoqué la compétence universelle.</p>
<p>Mais cette opposition résolue à la CPI illustre sans doute un autre volet, peut-être déterminant, des préoccupations des chefs d’État à la tête des « démocraties autoritaires » : celui de l’impunité. Ces « hommes forts », qui assument la totalité des pouvoirs et sans l’aval duquel aucune décision importante ne peut être prise, savent tous pertinemment qu’en cas de poursuites, la procédure remontera inévitablement jusqu’à eux sans qu’ils puissent invoquer leur ignorance ou les errances d’une chaîne de commandement où les responsabilités seraient floues ou diluées.</p>
<p>Certes, tous n’ont pas instauré des régimes de terreur et plusieurs s’accommodent même de l’existence de larges espaces de libertés individuelles et collectives pour peu qu’ils ne se mêlent pas des affaires du pouvoir. Mais qu’il s’agisse de crimes imprescriptibles – comme les crimes de guerre et contre l’humanité du FPR restés sans suite au Tribunal pénal pour le Rwanda et au-delà – ou accompagnant la répression brutale d’opposants – comme ceux récents du Burundi dont la CPI pourrait bien se saisir –, il leur est ainsi difficile de renoncer à l’impunité liée à la fonction de chef d’État.</p>
<h2>L’ultime pouvoir des résistants</h2>
<p>Une illustration saisissante en a été fournie, les 28 et 29 septembre 2017, à Genève par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies dont les membres ont voté dans un climat délétère deux résolutions contradictoires sur le Burundi. <a href="http://www.rfi.fr/afrique/20170928-droits-homme-burundi-resolution-africaine-onu-soutient-bujumbura">La première résolution</a> déposée, à la surprise générale, par le groupe Afrique soutenait les autorités burundaises dans leur opposition aux organisations internationales demandant la saisine de la CPI pour les graves atteintes aux droits de l’homme commises dans ce pays depuis 2015. Des accusations étayées par le <a href="http://www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRC/CoIBurundi/Pages/CoIBurundi.aspx">rapport d’une Commission d’enquête internationale indépendante</a>.</p>
<p>Le lendemain, une seconde résolution présentée par l’Union européenne prenait le contrepied de la première et entérinait la demande de poursuite de responsables burundais par la CPI. Marqués par de nombreuses abstentions, les deux votes opposés exprimaient l’<a href="http://www.iwacu-burundi.org/geneve-bataille-sur-fond-de-resolutions-interposees/">ambivalence des États membres du Conseil des droits de l’homme</a> sur le statut et les prérogatives de la justice pénale internationale.</p>
<p>Plus largement, ils illustraient l’opportunisme des alliances, l’inconsistance des médiations de paix régionales des organisations africaines et la fin probable du processus de dialogue interburundais, la confrontation frontale <a href="https://theconversation.com/burundi-rwanda-deux-pays-indissociables-et-rivaux-63916">entre le Burundi et le Rwanda</a> (le Rwanda et le Botswana furent les seuls pays africains à approuver la demande de poursuite des autorités burundaises défendue par l’Union européenne). Voilà donc la CPI face à un dossier qui cristallise les oppositions politiques et qui, quelle que soit la décision retenue, suscitera de vives contestations partisanes.</p>
<p>Mais cet épisode démontre aussi que même dans les pays soumis à l’autoritarisme le plus agressif, il existe toujours des pôles de résistance structurés dont la voix peut être entendue. L’une de leurs tâches prioritaires consiste à documenter les exactions. Leurs données serviront de preuves lorsque des poursuites pourront être engagées. La documentation des crimes demeure, aujourd’hui, le dernier pouvoir et l’ultime espoir des résistants. Même dans un lointain futur, ces éléments pourront avoir un rôle déterminant sur ceux qui s’imposent présidents à vie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84600/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>André Guichaoua ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face aux aspirations au changement, les forces au pouvoir ont généralement fait preuve d’une grande capacité de résistance et d’adaptation. Partout elles l’ont emporté, sauf au Kenya à ce jour.André Guichaoua, Professeur des universités, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/808602017-07-16T22:10:04Z2017-07-16T22:10:04ZJournée pour la justice internationale : le poids de l’utopie, le choc des réalités<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/178108/original/file-20170713-12241-fokcg2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vue sur le siège de la Cour pénale internationale de La Haye (Pays-Bas).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/96/International_Criminal_Court_building_%282016%29_in_The_Hague.png">OSeveno/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>D’utopie au XIX<sup>e</sup> siècle, la justice internationale célébrée en ce 17 juillet (en 1998, le statut de la Cour Pénale internationale était adopté ce jour-là à Rome) est devenue une réalité à la fin du XX<sup>e</sup> siècle, d’abord avec les conflits de l’ex-Yougoslavie et le génocide au Rwanda ; puis en 2002, avec la mise en œuvre de la Cour pénale internationale (CPI). Mais ce passage de l’utopie à la réalité a été un choc, dont on commence seulement à prendre la mesure.</p>
<h2>Soif de justice</h2>
<p>La soif de justice des sociétés est inextinguible. De la <a href="https://theconversation.com/la-guerre-dextermination-en-syrie-et-la-fin-du-sens-commun-66342">Syrie</a> à la République démocratique du Congo (RDC), en passant par des dizaines de conflits autour de la planète, les crimes de guerre forment une terrible et quasi-infinie litanie, à laquelle répond en écho le besoin de dignité et de reconnaissance de populations martyrisées.</p>
<p>Mais les tribunaux pénaux peuvent-ils répondre à ces demandes ? Comment peuvent-ils concilier la logique des rapports de force et l’équité que suppose la justice internationale, alors que ni les États-Unis, ni la Chine, ni la Russie n’ont ratifié les statuts de la Cour pénale internationale ? Comment la justice internationale peut-elle agir alors qu’elle dépend si étroitement des États pour bâtir les actes d’accusation et appréhender les inculpés ?</p>
<p>Comment ne pas reconnaître, aussi, que certains tribunaux pénaux ont été instrumentalisés à des fins politiques, sans réussir pour autant à les atteindre ? Pensons au <a href="https://www.stl-tsl.org/fr/">Tribunal spécial pour le Liban</a>, dont l’existence végétative se poursuit car nul État au Conseil de sécurité de l’ONU n’ose prendre la responsabilité de reconnaître son échec absolu.</p>
<h2>L’alibi Trump</h2>
<p>De toute évidence, la justice internationale n’est pas une île détachée des brutales réalités du monde. Ces dernières années, la montée en force des régimes autoritaires en Russie, en <a href="https://theconversation.com/bannis-de-nos-vies-les-intellectuels-pleurent-la-turquie-qui-fut-73864">Turquie</a> et ailleurs témoigne d’un environnement où les droits de l’Homme sont perçus comme un empêchement à la bonne marche des affaires.</p>
<p>La justice internationale subit aussi le contrecoup de l’ère de la post-vérité dans laquelle nous vivons, des inégalités qui se creusent à l’intérieur des sociétés du Nord comme du Sud et des frustrations et des colères qu’elles engendrent. La politique unilatéraliste du président Trump, marquée notamment par des coupes drastiques aux Nations unies et à l’aide à l’Afrique (exceptés les programmes anti-terroristes), compensées par sa foi naïve dans la force militaire, donnent un alibi supplémentaire à des gouvernements dictatoriaux pour affaiblir les droits de l’homme, dont la justice internationale est l’un des piliers.</p>
<p>Rappelons ce qu’observait déjà <a href="http://www.penseesdepascal.fr/Raisons/Raisons20-moderne.php">Pascal</a> au XVII<sup>e</sup> siècle :</p>
<blockquote>
<p>« La justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique. »</p>
</blockquote>
<h2>Impératif de justice, recherche de la paix</h2>
<p>Nous faut-il pour autant désespérer ? Étrangement, non. Les obstacles sont innombrables, mais ces vingt-cinq dernières années nous ont permis de prendre conscience de certains faits.</p>
<p>D’abord, la justice internationale est une réalité. Une réalité certes souvent niée, malmenée, voire même dans des cas extrêmes manipulée. Mais cette exigence de justice des sociétés demeure, même si, par exemple, en <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-crise-centrafricaine-dure-et-va-durer-78104">Centrafrique</a>, la nouvelle Cour pénale spéciale devra faire la preuve de son efficacité alors que le pays reste largement aux mains des groupes armés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/178111/original/file-20170713-4303-1nqe2ik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/178111/original/file-20170713-4303-1nqe2ik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/178111/original/file-20170713-4303-1nqe2ik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/178111/original/file-20170713-4303-1nqe2ik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/178111/original/file-20170713-4303-1nqe2ik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/178111/original/file-20170713-4303-1nqe2ik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/178111/original/file-20170713-4303-1nqe2ik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cérémonie de signature de la paix entre le gouvernement de Colombie et la guérilla des FARC.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Jefa_de_Estado_participa_en_ceremonia_de_la_Firma_de_la_Paz_entre_el_Gobierno_de_Colombia_y_las_FARC_E.P._(29659979080).jpg">Gouvernement du Chili/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p><a href="https://theconversation.com/la-colombie-sur-le-sentier-perilleux-de-la-paix-66098">En Colombie</a> comme en Ouganda, de manière radicalement différente, le même défi existe comme dans bien d’autres lieux de conflit : comment articuler le mieux possible l’impératif de justice et celui de la recherche de la paix ? Les débats sur les contours des amnisties admissibles restent plus que jamais largement ouverts.</p>
<p>La justice internationale n’est pas une bureaucratie judiciaire installée dans une capitale assoupie d’Europe occidentale (La Haye, aux Pays-Bas). Elle reste une ligne d’horizon. Le temps de l’utopie est fini. Commence enfin celui des défis !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/80860/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Hazan est conseiller éditorial de <a href="http://www.justiceinfo.net">www.justiceinfo.net</a>. </span></em></p>La soif de justice des sociétés est inextinguible. Mais les tribunaux pénaux peuvent-ils répondre à ces demandes ?Pierre Hazan, professeur associé, Université de NeuchâtelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/712312017-01-20T00:12:10Z2017-01-20T00:12:10ZFamille et politique : Donald Trump est-il (vraiment) le « premier président africain des États-Unis » ?<p>La nomination de <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2016/nov/16/jared-kushner-ivanka-trump-transition-team-chris-christie">Jared Kushner</a>, gendre et désormais conseiller du Président Donald Trump a suscité la polémique. Aux yeux de certains, l’arrivée à la Maison Blanche du mari d’Ivanka, la « fille préférée » de Trump, confirmerait le penchant mégalo-népotique du futur président, et renforcerait le <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/elections-americaines/20161114.OBS1168/10-choses-a-savoir-sur-steve-bannon-l-inquietant-bras-droit-de-donald-trump.html">clan de ses conseillers milliardaires</a>.</p>
<p>Cette nomination indigne d’autant plus les commentateurs qu’elle officialise l’influence d’un homme qui n’avait jusqu’alors rien de politique, ni carrure, ni expérience. Face à la propulsion de la famille Trump au cœur du pouvoir, les craintes de voir une nouvelle oligarchie assiéger les institutions démocratiques s’aiguisent.</p>
<h2>Du népotisme africain au népotisme américain ?</h2>
<p>L’arrivée à la Maison Blanche du gendre Trump ne fait pas seulement redouter une évolution vers un <a href="http://time.com/4574971/donald-trump-transition-jared-kushner-legal-anti-nepotism-law/">népotisme qu’on croyait périmé</a> (depuis l’affaire Robert Kennedy en 1967). Elle ravive la satire de l’humoriste sud-africain et présentateur du très critique <em>Daily Show</em>, Trevor Noah, qui décrivait le candidat Trump comme <a href="https://www.youtube.com/watch?v=2FPrJxTvgdQ">« le premier président africain des États-Unis »</a>. La comparaison est lâchée : le goût pour l’oligarchie du Président américain le rapprocherait de ses homologues africains, cités à vau-l’eau comme les incarnations vivantes du dé-tricotage de l’État démocratique.</p>
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<p>Le continent africain est souvent brandi comme le triste flambeau des oligarchies familiales, comme en Guinée Équatoriale ou en Angola, où les familles respectives des présidents Teodoro Obiang Nguema Mbasogo et José Eduardo Dos Santos, tous deux au pouvoir depuis 1979, contrôlent des institutions minières clés ; au Burkina Faso, la famille du président Blaise Compaoré, resté au pouvoir de 1987 à 2014, est fortement ancrée dans la politique locale ; au Botswana, la famille Khama continue de régner sur le pays depuis son indépendance en 1966.</p>
<p>Toutefois, l’image d’un Donald Trump « premier Président africain des États-Unis » peut être trompeuse. Car la famille en politique est moins le signe d’ambitions népotiques qu’elle ne révèle le manque de soutiens institutionnels solides. Les récents développements politiques au Kenya, en Ouganda et en République démocratique du Congo démontrent le rôle stratégique des coalitions politiques familiales pour tenir, et surtout retenir un pouvoir instable.</p>
<p>Mais si parallèle il y a entre Donald Trump, et Uhuru Kenyatta, Yoweri Museveni et Joseph Kabila (ses homologues kenyan, ougandais et congolais), il ne se situe pas dans le goût de la généalogie, mais plutôt dans les conditions de leur arrivée au pouvoir. Pour chacun d’entre eux, la famille a servi de fondement à une présidence aussi fragile qu’inattendue.</p>
<h2>La famille contre l’isolement politique</h2>
<p>La constitution de famille en politique signale d’abord l’imprévu. Quand Jomo Kenyatta devient le premier président du Kenya indépendant, en 1963, il sort à peine de longues années d’isolement politique. Emprisonné par les autorités coloniales britanniques de 1953 à 1961, il est coupé du fonctionnement des nouvelles institutions, se retrouve à la tête d’un parti où la méfiance règne, dépend de son adversaire, le nationaliste <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Tom_Mboya">Tom Mboya</a>, pour quadriller son territoire politique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/153263/original/image-20170118-26567-1sow59i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/153263/original/image-20170118-26567-1sow59i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=861&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/153263/original/image-20170118-26567-1sow59i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=861&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/153263/original/image-20170118-26567-1sow59i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=861&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/153263/original/image-20170118-26567-1sow59i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1082&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/153263/original/image-20170118-26567-1sow59i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1082&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/153263/original/image-20170118-26567-1sow59i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1082&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’ancien président du Kenya, Jomo Kenyatta.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Jomo_Kenyatta.jpg">Wegmann, Ludwig</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p><a href="http://www.ipsos.co.ke/NEWBASE_EXPORTS/Standard%20Chartered%20Bank2/150808_The%20People%20Saturday_27_9ecb8.pdf">Un influent collaborateur, Duncan Ndegwa, le confiera</a> plus tard : Jomo Kenyatta ressortit de cette période comme un homme « qui n’a jamais aimé travailler en groupe. Il dépendait d’individus cooptés, et à travers qui il étendait son influence ». (Duncan Ndegwa, <em>Walking in Kenyatta Struggles</em>, 2011, p.256).</p>
<p>Pour compenser son isolement, Kenyatta choisit les réseaux personnels, et tout particulièrement familiaux, comme soutiens et intermédiaires de confiance. À l’instar de son père, l’actuel président Uhuru Kenyatta a su convertir l’isolement en atout politique, en trouvant dans le <a href="http://theconversation.com/lafrique-et-la-cour-penale-internationale-chronique-dun-divorce-annonce-68040">procès intenté par la Cour pénale internationale</a> l’impulsion nécessaire pour s’imposer aux présidentielles de 2011, et faire perdurer l’empire familial légué par son père.</p>
<h2>La famille comme remède de fin de vie politique</h2>
<p>En Ouganda et en République démocratique du Congo, la famille s’est faite politique sur les cendres encore chaudes de l’instabilité et de la violence. Arrivé au pouvoir par les armes en 1986, le président ougandais Yoweri Museveni s’est démarqué par un autoritarisme croissant, fondé sur l’exaltation de son leadership et de l’appareil sécuritaire. Aujourd’hui, la militarisation de son régime ne compense plus totalement un <a href="http://democracyinafrica.org/done-with-one-election-on-to-the-next-museveni-looks-to-the-future/">régime clientéliste de plus en plus coûteux et de plus en plus incertain</a> : après avoir levé en 2005 la limite du nombre de mandats présidentiels, le Parlement s’est signalé en 2016 par son opposition à l’amendement constitutionnel mettant fin à toute limite d’âge pour briguer un mandat présidentiel.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/153264/original/image-20170118-26548-1bc6c7t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/153264/original/image-20170118-26548-1bc6c7t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=815&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/153264/original/image-20170118-26548-1bc6c7t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=815&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/153264/original/image-20170118-26548-1bc6c7t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=815&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/153264/original/image-20170118-26548-1bc6c7t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1024&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/153264/original/image-20170118-26548-1bc6c7t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1024&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/153264/original/image-20170118-26548-1bc6c7t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1024&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le président ougandais, Yoweri Museveni (ici en 2015).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/32/Yoweri_Museveni_September_2015.jpg">U.S. Department of State/Flickr</a></span>
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<p>Sans surprise, on assiste à la promotion savamment calculée de ses proches au cœur de l’État et de ses forces sécuritaires. En 2009, son fils <a href="http://www.jeuneafrique.com/135067/politique/fils-de-pr-sidents-muhoozi-kainerugaba-museveni-39-ans-commandant-des-forces-sp-ciales/">Muhoozi Kainerugaba</a> fut promu à la tête de la garde présidentielle, puis commandant des forces spéciales. La première dame <a href="http://www.statehouse.go.ug/people/hon-janet-k-museveni">Lady Janet Museveni</a> se distingue, elle, par une carrière politique qui semble la préparer à une possible succession présidentielle.</p>
<p>En République démocratique du Congo, Joseph Kabila succéda à son père Laurent Désiré Kabila, assassiné le 16 janvier 2001 et dont la mort <a href="http://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2001-2-page-151.html">prit de court une classe politique</a> embourbée dans nombre de luttes intestines. Encore novice (Kabila était commandant en chef de l’armée de terre), le nouveau Président apparaît alors comme peu légitime, et peu expérimenté. Il lui faudra manœuvrer subtilement pour se constituer une nouvelle clientèle tout en préservant des liens avec les caciques de l’ancien régime paternel. La <a href="https://theconversation.com/la-republique-democratique-du-congo-peut-elle-echapper-a-son-histoire-70468">crise</a> dans laquelle il se trouve enferré après seize ans de présidence qu’il refuse de quitter, montre les limites d’une carrière politique qui s’est <a href="https://www.bloomberg.com/news/features/2016-12-15/with-his-family-fortune-at-stake-congo-president-kabila-digs-in">repliée sur la famille</a> comme incontournable passerelle pour assurer un contrôle direct sur le pays.</p>
<h2>Le népotisme est un produit de terroir</h2>
<p>Les exemples du Kenya, de l’Ouganda et de la République démocratique du Congo montrent que les rêves mégalomanes ou tentations impériales ne suffisent pas à expliquer l’usage de la famille en politique. Cette dernière est plutôt un produit de terroir, et prend racine dans un système social, économique et politique plus large et plus complexe.</p>
<p>Si les États-Unis n’ont pas connu de scénario d’instabilité chronique, la rhétorique de violence économique (et même raciale) utilisée par Donald Trump pendant sa campagne rappelle que la fragmentation des sociétés (certains décrivent son élection comme un mouvement de <a href="http://www.intellectualtakeout.org/blog/does-reactance-theory-explain-rise-donald-trump">« réactance »</a> d’une partie de l’électorat) annonce la décomposition des alliances politiques. Ces fragmentation et décomposition sont souvent cachées, pour un temps du moins, par l’idée et l’image de l’homme politique providentiel, le <em>self-made man</em> (aux États-Unis), le père de la nation (comme lors des indépendances africaines) ou le « grand homme » (en France).</p>
<p>Les discours héroïques drapés de rassemblement masquent, en réalité, l’absence d’une base politique stable. L’incapacité des partis à s’accorder et soutenir dans la durée un candidat permet finalement à un acteur isolé de s’affranchir plus avant des institutions politiques existantes.</p>
<p>D’Uhuru Kenyatta à Donald Trump, le repli sur la famille en politique se fait toujours en deux temps. Le premier est celui du déficit, du manque d’une base institutionnelle qui risque de mettre à nu les failles et faiblesses de l’homme politique. Le second temps, plus dangereux, commence avec la quête d’autosuffisance, ou la consolidation de l’isolement qui annonce la résistance aux institutions en place.</p>
<p>Il reste que le succès de la famille en politique n’est pas le fait d’un homme seul, et il faut savoir se détacher de la satire (et des scandales) pour explorer les profondeurs du système qui lui a donné naissance et l’a vu grandir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71231/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anaïs Angelo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face à la propulsion de la famille Trump au cœur du pouvoir, les craintes de voir une nouvelle oligarchie assiéger les institutions démocratiques s’aiguisent.Anaïs Angelo, Ph.D. Researcher in African Postcolonial History, European University InstituteLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/680402016-11-02T23:00:14Z2016-11-02T23:00:14ZL’Afrique et la Cour pénale internationale : chronique d’un divorce annoncé<p>L’Afrique du Sud s’est retirée du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) le 20 octobre 2016, le Burundi le 27 octobre, la <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2016/10/26/01003-20161026ARTFIG00200-pourquoi-des-etats-africains-se-retirent-la-cour-penale-internationale.php">Gambie a annoncé son intention de faire de même</a>. D’autres États pourraient rapidement leur emboîter le pas. Ce phénomène, que certains assimilent à un Brexit africain, ou « Afrexit », est sans précédent dans l’histoire de la justice pénale internationale. Comment l’expliquer ? Et faut-il craindre un effet domino ?</p>
<p>La CPI, qui est la première et la seule juridiction permanente et universelle, est la pièce maîtresse de la justice pénale internationale. Établie en 1998 par le Statut de Rome (entré en vigueur en 2002), elle a pour mandat de poursuivre les personnes accusées des crimes internationaux les plus graves : génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre. Bien que la majorité des États dans le monde soient parties au Statut de Rome (124, soit 64 %), certains des plus puissants et des plus peuplés ne le sont pas – y compris trois membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies (Chine, États-Unis, Russie) – et seule une minorité de la population mondiale tombe sous sa juridiction.</p>
<p>Il y a trois manières de saisir la Cour : par un État partie, par le Procureur lui-même (<em>proprio motu</em>) ou par le Conseil de sécurité de l’ONU. Les deux premières ne sont applicables que si l’État où l’acte a eu lieu, ou dont le suspect est un ressortissant, est partie au Statut de Rome ou a accepté la compétence de la Cour. En revanche, le Conseil de sécurité peut étendre cette compétence et obliger même les États non parties à coopérer avec la Cour.</p>
<p>Le Bureau du Procureur enquête actuellement sur dix situations : en Ouganda (depuis 2004), en République démocratique du Congo (RDC, depuis 2004), dans le Darfour/Soudan (depuis 2005), en République centrafricaine (RCA, depuis 2007), au Kenya (depuis 2010), en Libye (depuis 2011), en Côte d’Ivoire (depuis 2011), au Mali (depuis 2013), une autre situation en RCA (depuis 2014) et, plus récemment, en Géorgie (depuis 2016).</p>
<p>Jusqu’au 27 janvier 2016, toutes les affaires étaient donc africaines – ce qui suscite depuis plusieurs années des accusations de « deux poids, deux mesures », de néocolonialisme, de justice de « Blancs », etc. Elles ont finalement conduit la CPI à la plus grave crise diplomatique de sa jeune histoire.</p>
<h2>La fronde anti-CPI (2009-2016)</h2>
<p>La fronde de certains États africains n’est pas nouvelle : elle a commencé lorsque la Cour a émis deux mandats d’arrêt contre le président soudanais Omar el-Béchir, accusé d’avoir commis des crimes de guerre et crimes contre l’humanité (2009), et un génocide (2010), au Darfour. Le président de la Commission de l’Union africaine (UA), Jean Ping, estimait alors que « la justice internationale ne semble appliquer les règles de la lutte contre l’impunité qu’en Afrique comme si rien ne se passait ailleurs, en Irak, à Gaza, en Colombie ou dans le Caucase » – une opinion exprimée dans la même journée par le président sénégalais de l’époque, Abdoulaye Wade, qui regrettait que la CPI ne poursuive <a href="http://www.lemonde.fr/afrique/article/2009/03/04/soudan-la-decision-de-la-cpi-inquiete-l-union-africaine_1163310_3212.html">« que des Africains »</a>. Kadhafi – président de l’UA depuis début 2009 – décrivait quant à lui la Cour comme « une <a href="http://news.bbc.co.uk/2/hi/africa/7970892.stm">nouvelle forme de terrorisme mondial</a> ». Mêmes réactions outrées après l’émission des mandats d’arrêt contre Kadhafi et Gbagbo en 2011.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/144203/original/image-20161102-27186-2gc6g5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/144203/original/image-20161102-27186-2gc6g5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/144203/original/image-20161102-27186-2gc6g5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/144203/original/image-20161102-27186-2gc6g5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/144203/original/image-20161102-27186-2gc6g5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/144203/original/image-20161102-27186-2gc6g5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/144203/original/image-20161102-27186-2gc6g5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le président Uhuru Kenyatta, lors d’une audience devant la CPI, en octobre 2014.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Day Donaldson/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>La fronde s’accélère lorsqu’en 2012 la CPI s’intéresse aux Kenyans Uhuru Kenyatta et William Ruto, dont on peut d’ailleurs penser qu’ils ont gagné les élections non pas <em>en dépit</em> des poursuites engagées contre eux, mais grâce à elles. Devenus respectivement président et vice-président du Kenya, ils vont organiser le mouvement anti-CPI, avec le soutien de l’Éthiopie, de l’Ouganda et du Rwanda notamment. Le premier ministre éthiopien et président en exercice de l’UA accuse, par exemple, la Cour de mener « une <a href="http://www.bbc.com/news/world-africa-22681894">sorte de chasse raciale</a> en ne poursuivant que des Africains. »</p>
<p>Ces États tentent en vain d’obtenir un « retrait collectif » du Statut de Rome lors d’un sommet extraordinaire de l’UA en octobre 2013. Mais les Africains sont divisés sur la question : la CPI a aussi ses défenseurs, notamment le Sénégal et le Botswana, qui font campagne contre les frondeurs. Tous les critiques de la Cour ne souhaitent pas pour autant s’en retirer, et certains sont insensibles à ce qu’ils perçoivent comme un activisme kenyan qui voudrait « continentaliser » un problème national et influencer une décision qui relève de la souveraineté de chaque État. Le retrait ne peut pas être « collectif » car il reste une décision nationale.</p>
<p>Cela n’empêche pas l’UA et certains États d’agiter cette menace comme un chiffon rouge les années suivantes. La majorité des pays africains restent silencieux, entre le marteau de l’UA et l’enclume de la CPI, pour des raisons que les psychologues sociaux ayant analysé les phénomènes de « majorité silencieuse » et d’« effet du témoin » connaissent bien : la dilution de la responsabilité et la pression de se comporter d’une manière socialement – ici continentalement – acceptable.</p>
<p>La CPI finit par abandonner les poursuites contre Kenyatta (en décembre 2014) et contre Ruto (en avril 2016), faute de preuves et de témoins que les accusés se sont soigneusement efforcés de faire disparaître. Mais cela ne suffit pas à enrayer la fronde contre la CPI qui déborde largement le cas kenyan et finit donc par déboucher, en octobre 2016, sur le retrait de plusieurs États.</p>
<h2>Les motivations réelles des États démissionnaires</h2>
<p>Le principal argument des États s’étant retirés du Statut de Rome ou ayant émis la volonté de le faire est la <a href="http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/10/31/l-afrique-et-la-cour-penale-internationale-1-2-une-justice-de-blancs_5023431_3212.html">critique postcoloniale d’une justice de « Blancs » ne visant que des Africains. J’y ai répondu ailleurs</a>. Le prétendu afrocentrisme de la CPI :</p>
<ol>
<li><p>se nuance : le bureau du procureur procède aussi à des examens préliminaires en Afghanistan, en Colombie, en Palestine et en Ukraine, sur l’intervention militaire britannique en Irak, sur des navires immatriculés en Grèce et au Cambodge, et il a ouvert une enquête sur une situation en Géorgie ;</p></li>
<li><p>s’explique par des causes objectives : le grand nombre de crimes relevant de sa compétence sur le continent africain, le grand nombre d’États africains parties au Statut de Rome, le principe de complémentarité (la CPI ne peut intervenir que si une procédure judiciaire n’est pas déjà engagée, sauf si l’Etat en question n’a pas la volonté ou la capacité de le faire) ;</p></li>
<li><p>s’explique enfin par le fait que ce sont les États africains eux-mêmes qui ont « africanisé » la Cour en voulant l’instrumentaliser. Dans la plupart des cas, en effet, ce sont eux qui ont saisi la Cour en espérant l’utiliser pour se débarrasser de rebelles sur leur territoire. Les États africains n’ont jamais saisi la CPI que pour des situations dans leur propre pays (Ouganda, RDC, Côte d’Ivoire, Mali, RCA, Comores et Gabon).</p></li>
</ol>
<p>Que la Cour ne vise que des Africains leur allait très bien – et pour cause, ce sont eux-mêmes qui la saisissaient – jusqu’à ce qu’elle s’intéresse à des dirigeants en exercice (Béchir en 2009, Kadhafi en 2011, Kenyatta en 2012), confirmant que le problème, la ligne rouge, n’est pas pour eux le fait de s’en prendre à des Africains, mais à des puissants. D’où le <a href="https://www.amnesty.org/fr/documents/afr01/3063/2016/fr/">Protocole de Malabo</a> qui tente d’établir une Cour pénale africaine consacrant l’immunité de toute la classe dirigeante (et qui pour cette raison n’est pas acceptable).</p>
<p>C’est donc une lecture politique – et non raciale – qu’il faut faire de la situation. La fronde actuelle a moins à voir avec le néocolonialisme qu’avec l’intérêt égoïste d’une poignée de dirigeants. Chacun des chefs d’États démissionnaires a des raisons particulières de quitter la CPI, qui n’ont rien à voir avec la critique postcoloniale leur servant de prétexte.</p>
<h2>1. L’Afrique du Sud</h2>
<p>Qu’il soit devenu le premier État à franchir le pas du retrait a surpris beaucoup d’observateurs car, jusqu’à récemment, l’Afrique du Sud était plutôt l’un des premiers soutiens de la CPI avec le Botswana, le Ghana, le Lesotho et le Sénégal. Son soutien à la Cour a contribué à forger sa réputation de pays progressiste et défenseur des droits de l’homme. Élu en 2009, Jacob Zuma a d’abord suivi cette ligne. Il a publiquement reconnu son obligation d’arrêter Béchir si celui-ci se rendait à son investiture, le dissuadant de venir. En 2013, Pretoria avait exhorté les autres pays africains à ne pas quitter le Statut de Rome.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/144223/original/image-20161102-27237-1ofr0p6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/144223/original/image-20161102-27237-1ofr0p6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/144223/original/image-20161102-27237-1ofr0p6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/144223/original/image-20161102-27237-1ofr0p6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/144223/original/image-20161102-27237-1ofr0p6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/144223/original/image-20161102-27237-1ofr0p6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/144223/original/image-20161102-27237-1ofr0p6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jacob Zuma (ici en 2013), très remonté contre la CPI.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/governmentza/10570083603/in/photolist-h73rAK-fDC9Zs-dNEJWM-k5heyv-f5awFZ-gruKzT-f1NsTF-d7x1xS-biUc8R-igYWK8-pmQrcB-9EzMnC-dcaqcx-9dzSsK-hD9Y1A-jedjYE-fsESk2-dH7g2Y-hmTLHS-k36FeG-j5AAWx-rTckqK-rTckv4-igZrcs-aBx1F3-dH1PST-dwSM6D-aPDXyg-57utkh-dv85DW-rLKR7P-f9NEpX-ruoLut-dU4b1q-gF7849-hhBmMc-rLJxnd-8F3Wyj-hEHuzy-jHK3oW-qQ4j3a-e7ZzHH-8LU6vY-duLP5c-57ur4j-dSXZyY-dH7g6y-ePHB4c-q22By3-b3PwWR">GovernmentZA/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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</figure>
<p>C’est en juin 2015 que Zuma bascule : il accueille Béchir pour le 25<sup>e</sup> sommet de l’UA, s’attirant une forte critique internationale. La Haute Cour de Pretoria juge le gouvernement coupable d’avoir violé une obligation constitutionnelle (une décision qui sera confirmée par la Cour suprême le 15 mars 2016) et interdit au président soudanais de quitter le pays, mais celui-ci est déjà dans l’avion du retour. Une crise politique s’ensuit, dans laquelle l’opposition réclame la destitution de Zuma pour avoir aidé un « meurtrier de masse » à s’enfuir. Pour sa défense, Zuma invoque l’immunité des chefs d’État en exercice, contredisant sa position de 2009 puisqu’il reconnaissait à l’époque que cette immunité ne protégerait pas Béchir.</p>
<p>C’est pour échapper à cette contradiction et au scandale qu’il menace de se retirer du Statut de Rome. Son parti, le Congrès national africain (ANC), l’annonce dès octobre 2015. Ce n’était donc pas une surprise : il aura même fallu un an pour que le gouvernement mette sa menace à exécution. Sa volte-face s’explique en partie par le climat anti-CPI, largement encouragé par les efforts kenyans depuis 2013, et en partie par un conflit de normes (entre l’obligation d’arrêter une personne recherchée par la Cour et l’immunité des chefs d’État en exercice) et d’intérêts (entre une politique étrangère internationaliste et progressiste et l’acceptation du continent et des alliés). En outre, l'Afrique du Sud a bénéficié de l'ethos de Mandela sur la scène internationale mais <a href="http://www.courrierinternational.com/article/cour-penale-internationale-lafrique-du-sud-ou-la-tentation-du-repli">la politique de Zuma s’en éloigne</a> et a plutôt la volonté de se donner une <a href="https://theconversation.com/limportance-des-brics-ne-se-dement-pas-67349">dimension globale au sein des BRICS</a>, où la plupart des autres États sont opposés à la CPI.</p>
<p>Pourquoi le 20 octobre 2016 ? Parce que, deux jours plus tôt, le Président burundais Pierre Nkurunziza avait signé une « loi concernant le retrait » du Burundi du Statut de Rome, après que l’Assemblée et le Sénat ont voté en faveur. Il ne lui restait plus qu’à notifier sa décision au Secrétaire général des Nations unies pour devenir le premier État à quitter la CPI. L’Afrique du Sud, première puissance régionale, ne pouvait pas laisser le Burundi, un petit État paria, lui ravir cette première historique. C’est donc pour défendre son statut que Zuma s’est précipité et a présenté son « instrument de retrait » au Secrétaire général des Nations unies le 20 octobre, volant la vedette au Burundais, et sautant au passage l’étape parlementaire.</p>
<p>Pour cette raison, sa décision est déjà contestée, par l’opposition et la société civile, au motif que l’exécutif n’aurait pas le pouvoir de se retirer unilatéralement d’un traité international, sans autorisation préalable du Parlement. Compte tenu de la majorité dont y jouit l’ANC, cela pourrait ne rien changer si Zuma décidait d’y faire valider sa décision, mais une consultation <em>ex post</em> sera considérée comme un passage en force, une politique du fait accompli, qui aurait un coût politique. Le président sud-africain, déjà fragilisé au sein de son parti et empêtré dans un scandale de corruption (<a href="http://fr.africanews.com/2016/11/02/afrique-du-sud-la-fondation-mandela-appelle-au-depart-de-jacob-zuma/">la Fondation Nelson Mandela vient d'appeler à sa démission</a>), réfléchira à deux fois avant de risquer son capital politique pour une mesure somme toute impopulaire.</p>
<h2>2. Le Burundi</h2>
<p>Ses motivations sont plus classiques. Contrairement à l’Afrique du Sud qui n’a jamais suscité l’intérêt de la CPI, le Burundi fait l’objet depuis avril 2016 d’un examen préliminaire sur les violences qui ont fait 300 000 réfugiés depuis que le Président a annoncé sa candidature à un troisième mandat (en avril 2015), violant la Constitution et l’accord d’Arusha qui avait mis fin à la guerre civile de 1993-2006. Le but de l’examen préliminaire est d’établir si une « base raisonnable » existe pour ouvrir une enquête.</p>
<p>C’est pour éviter ce risque que Nkurunziza préfère quitter la Cour. Il n’est toutefois pas certain que cela l’immunise puisque le retrait n’est pas suspensif : il ne permet pas aux accusés d’échapper à la justice pour les enquêtes ouvertes avant le retrait effectif, qui n’a lieu qu’un an après la notification au Secrétaire général des Nations unies. C’est pourquoi, si le Procureur, Fatou Bensouda, estime qu’elle a des raisons juridiques suffisantes de le faire, elle devrait ouvrir une enquête sur le Burundi dès que possible, dans tous les cas avant le 27 octobre 2017 – date à laquelle le retrait sera effectif.</p>
<h2>3. La Gambie</h2>
<p>C’est quelque part la décision la moins surprenante, tant le président Yahya Jammeh, au pouvoir depuis 22 ans et <a href="http://www.jeuneafrique.com/mag/329204/politique/gambie-yahya-jammeh-ban-ki-moon-amnesty-peuvent-aller-enfer/">« fier » d’être dictateur</a>, est connu pour ses fantaisies (il prétend notamment pouvoir guérir le sida) et ses volte-face. En juin 2016, il défendait encore Fatou Bensouda, son ancienne ministre de la Justice devenue procureure de la CPI : « Son job est difficile et, contrairement à ce que j’entends, la <a href="http://www.jeuneafrique.com/mag/329204/politique/gambie-yahya-jammeh-ban-ki-moon-amnesty-peuvent-aller-enfer/">CPI ne vise pas spécialement l’Afrique</a>. […] Que ceux qui veulent quitter la CPI s’en aillent, mais, si les pays africains étaient moins faibles et plus unis, nous pourrions peser au sein de la Cour. » Quatre mois plus tard, il dit exactement le contraire, par la voix de son ministre de l’Information Sheriff Bojang qui, le 24 octobre, accuse la CPI de « persécution envers les Africains » et annonce la volonté de s’en retirer. Ce revirement n’est pas surprenant de la part d’un régime habitué au coup d’éclat permanent.</p>
<p>Il est même rationnel : compte tenu de son bilan calamiteux en matière de violations des droits de l’homme, Jammeh savait qu’il intéresserait tôt ou tard la CPI, et la <a href="http://jotay.net/gambie-limoge-vendrdi-dernier-lex-ministre-de-linterieur-a-fui-en-suede-via-le-senegal/">fuite fin septembre 2016 de son ancien ministre de l’Intérieur</a>, qui a demandé l’asile politique en Suède, est une raison supplémentaire de s’inquiéter puisqu’il pourrait livrer de nombreux secrets. En quittant le Statut de Rome, il pense d’abord se protéger de cette épée de Damoclès, en profitant du mouvement créé par le Burundi et l’Afrique du Sud. Accessoirement, c’est aussi une pique vers son voisin sénégalais, champion de la CPI (premier signataire en 1998) et dont le ministre de la Justice préside actuellement l’Assemblée des États parties.</p>
<h2>Un effet domino limité</h2>
<p>Il est possible que le Kenya et l’Ouganda emboîtent prochainement le pas à l’Afrique du Sud, au Burundi et à la Gambie. Les affaires Kenyatta et Ruto sont désormais closes, mais la CPI maintient trois mandats d’arrêts contre des Kenyans accusés notamment de subornation de témoins.</p>
<p>Quant à l’Ouganda, le président Museveni, au pouvoir depuis 30 ans, n’avait rien contre la CPI tant qu’il pouvait s’en servir contre les rebelles de la Lord’s Resistance Army (il l’a saisie en 2003). Il a changé d’avis depuis qu’elle s’intéresse aussi à des chefs d’État. L’Ouganda et le Kenya, avec le soutien de l’Éthiopie et du Rwanda notamment, étaient déjà à l’origine de la tentative de « retrait collectif » lors du Sommet de l’UA d’octobre 2013.</p>
<p>En dehors de ces quelques cas, dont il faut répéter qu’ils n’ont rien à voir avec le soi-disant néocolonialisme de la Cour, mais seulement avec les intérêts égoïstes d’une poignée de chefs d’État, le risque d’effet domino est en réalité limité, car tout retrait a un coût potentiel élevé. Il pourrait impliquer des mesures de rétorsion, notamment des coupures dans l’aide au développement de la part de l’UE ou des États-Unis. Par conséquent, seuls les États y voyant un gain substantiel s’y risqueront.</p>
<p>L’hémorragie actuelle ne menace pas la Cour, mais confirme qu’elle a un sérieux problème d’image, en plus de ce qui lui est reproché par ailleurs : la rareté des condamnations (quatre condamnés en presque quinze ans d’existence), un budget limité (139,5 millions d’euros pour 2016), un risque de politisation, un effet dissuasif discutable, en plus de <a href="https://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/260612/syrie-les-limites-de-la-justice-penale-internat">susciter paradoxalement des attentes démesurées</a> – non seulement punir les coupables, mais pacifier le monde – qui la condamnent à toujours décevoir. Ce qui lui reste est sa légitimité sociale, le fait d’avoir le soutien d’une majorité d’États (124 États parties), et c’est précisément cela qui est entamé avec le retrait de certains pays africains.</p>
<p>La Cour doit donc reconnaître cette difficulté et tenter d’y remédier dans les plus brefs délais. J’ai fait, ailleurs, <a href="http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/11/01/l-afrique-et-la-cour-penale-internationale-2-2-comment-sortir-de-l-impasse_5023627_3212.html">des propositions pour sortir de l’impasse</a> : en plus de contre-argumenter systématiquement, et développer un discours positif (les États africains ont joué un rôle important dans la création et le développement de la CPI), il faut « désafricaniser » la Cour, renforcer les juridictions nationales, créer des structures intermédiaires entre la CPI et l’UA, et s’appuyer sur les États parties amis et la société civile africaine.</p>
<p>La priorité reste de montrer que la Cour est capable de s'attaquer à des affaires non africaines, y compris contre des puissants. De ce point de vue, ce n'est sans doute pas un hasard si, au moment même où elle est attaquée sur son tropisme africain, le bruit court que le <a href="http://foreignpolicy.com/2016/10/31/exclusive-international-criminal-court-poised-to-open-investigation-into-war-crimes-in-afghanistan/">Bureau du Procureur pourrait dans les prochaines semaines ouvrir une enquête sur les crimes commis en Afghanistan</a>, y compris par des soldats américains. Cette hypothèse reste peu crédible (elle aurait du mal à passer le test de la complémentarité) et potentiellement contreproductive. Cette diversification souhaitable dans l’absolu pourrait en effet être fatale à la Cour : une affaire afghane pourrait ouvrir un front américain, en plus de l’africain qui dure depuis des années et du russe que l’affaire géorgienne risque déjà de déclencher.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, cette rumeur qui vient sans doute de la Cour elle-même est révélatrice d’une prise de conscience de la CPI. Elle sait que sa marge de manœuvre est réduite, mais que les prochains mois seront cruciaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/68040/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Baptiste Jeangène Vilmer parle ici en son nom propre et ses propos n’engagent aucunement le ministère de la Défense.</span></em></p>Afrique du Sud, Burundi, Gambie : cet « Afrexit » est sans précédent dans l’histoire de la justice pénale internationale. Comment l’expliquer ? Et faut-il craindre un effet domino ?Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, Directeur, Institut de Recherche Stratégique de l’Ecole Militaire (IRSEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/573252016-04-20T04:42:39Z2016-04-20T04:42:39ZViolences sexuelles contre les hommes, une prise de conscience progressive<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/118795/original/image-20160414-2617-hbcr2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Utilisant un procédé photographique datant de la Seconde Guerre mondiale, Richard Mosse a capté la violence diffuse au Congo.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jason_lacey/17177185012/in/photolist-saTyEh-6Vse6Y-drUzhL-kuavZq-quAApc-kdySRK-qX9zuy-qNcbAV-7W97Eu-7ZAwZj-66HvJT-7ZQpaK-6JpiTL-cRajvo-e1Mbh2-7TjnYJ-7SoqDP-4RVgxJ-7T4995-6JkeoR-5yZXzt-4hPtD2-68b7kN-4RRaQv-4RRaJT-4RVgqS-4RVheE-e4YyBC-84fAqq-7RJvKE-dv3rAv-kTMpUk-nA2zSw-bhRg1D-4oWVKt-pEv3PK-fnv3qG-dc9Ygx-a4JzSG-cMPADN-pbcQYr-6mjRfp-6R5RbT-kKL1Ag-5WqRN7-qKUe3q-jbhfiN-kdyndP-fFUY1w-82KRiD">Jason W Lacey/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Le 21 mars 2016, la Cour pénale internationale (CPI) a jugé Jean-Pierre Bemba coupable de crime contre l’humanité et de crime de guerre pour des actes commis en République de Centrafrique par les troupes dont il était le commandant militaire. Parmi ces actes, la CPI retient les violences sexuelles (dont le viol) pratiquées entre octobre 2002 et mars 2003.</p>
<p>Rappelons que Bemba était un chef de guerre et le leader politique du Mouvement de libération du Congo (MLC). Homme politique de premier plan en République démocratique du Congo (RDC), il fut candidat à la présidence de la République en 2006 et vaincu au second tour par Joseph Kabila. Il quitta la RDC en 2007 et fut arrêté en Belgique le 24 mai 2008 en exécution du mandat délivré par la CPI la veille.</p>
<p>Poursuivre et condamner pour des violences sexuelles commises dans des situations de conflit armé n’est pas un fait nouveau dans la Justice internationale. Ainsi, « au-delà de tout doute raisonnable », le Tribunal pénal international pour le Rwanda a-t-il estimé, dans son verdict du 2 septembre 1998 contre <a href="http://www.un.org/fr/preventgenocide/rwanda/pdf/akayesu_judgment.pdf">Jean-Paul Akayesu</a>, que « les viols des femmes tutsies » étaient constitutifs du crime génocide, en raison de leur caractère systématique. Notons que, dans ce procès, il n’est pas fait état de violences sexuelles commises contre des hommes durant le génocide des Tutsis au Rwanda.</p>
<h2>« Prendre possession »</h2>
<p>De manière différente, dans le cas du procès Bemba, les juges se réfèrent à la définition <em>gender neutral</em> des violences sexuelles retenue dans l’article 7(3) du statut de la CPI adopté à Rome le 17 juillet 1998. Le texte titré <a href="https://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/7730B6BF-308A-4D26-9C52-3E19CD06E6AB/0/ElementsOfCrimesFra.pdf">Éléments des crimes</a>, qui fait partie des documents officiels de la CPI, définit ainsi le viol : « L’auteur a pris possession du corps d’une personne de telle manière qu’il y a eu pénétration, même superficielle, d’une partie du corps de la victime par un organe sexuel ». Ce texte pare au risque d’une interprétation limitative du genre des victimes en précisant bien que l’expression « “prendre possession” se veut suffisamment large pour être dénuée de connotation sexospécifique », autrement dit elle est <em>gender neutral</em>.</p>
<p>À cet égard, pour souligner l’importance du jugement contre Bemba, un commentateur, <a href="http://humanrightsdoctorate.blogspot.fr/2016/03/hayes-bemba-trial-judgement-memorable.html">Niamh Hayes</a>, se réfère à l’une des nombreuses études publiées <a href="https://www.warchild.org.uk/sites/default/files/Into-the-Mainstream.pdf">par le Dr Chris Dolan</a>, un médecin anglais qui dirige depuis 1999 le Law Project Refugee – un programme développé au sein de la Faculté de Droit de l’Université Makerere à Kampala (Ouganda) pour soutenir et aider les demandeurs d’asile et les réfugiés. Dans cette étude préparée pour un atelier organisé à Londres par l’ODI (Overseas Developement Institute) en 2014, Chris Dolan fait un état des connaissances et actions (juridiques, médicales, militantes) portant sur la violence sexuelle contre des hommes et des garçons au cours de conflits armés.</p>
<p>Cette étude et d’autres du même auteur font ressortir que quasiment toutes les ONG internationales de secours et de droits humains, ainsi que les Nations Unies ont longtemps adopté une approche de la violence sexuelle focalisée sur les actes contre les femmes. En témoigne par exemple le <a href="http://www.unhcr.org/3f696bcc4.html">Guide que l’HCR a publié en 2003</a> et qui est consacré au traitement de « la violence sexuelle et fondée sur le genre » contre les réfugiés et les déplacés. Ce guide prend explicitement le parti de considérer exclusivement les violences sexuelles contre des femmes et des jeunes filles car elles forment « la majorité » des victimes.</p>
<p>Certes ce dernier constat a été et reste régulièrement vérifiable. Cependant, dix ans plus tard, le discours de plusieurs institutions internationales a changé. Ainsi les Nations unies en 2013, suivies par l’ODI en 2014 ont-elles organisé <a href="https://www.warchild.org.uk/sites/default/files/Into-the-Mainstream.pdf">des ateliers</a> pour y discuter de la violence sexuelle contre les hommes et les garçons durant un conflit. Il s’agissait aussi de définir des mesures et des conduites à adopter pour les rendre efficaces.</p>
<p><a href="http://www.un.org/apps/news/story.asp?NewsID=45532#.Vv6slj_fdFV">À l’atelier de 2013</a> étaient représentés les agences des Nations unies, des organisations de la société civile, des experts, des praticiens médicaux, des chercheurs et des survivants (des victimes). Plusieurs problèmes furent identifiés et retenus comme exigeant une attention immédiate : se préoccuper de l’inadéquation des cadres légaux (<em>legal frameworks</em>) ; promouvoir des recherches améliorant la compréhension des causes, des conséquences et de l’ampleur de ces violences ; surmonter les lacunes des programmes spécifiques d’assistance médicale et psychosociale aux hommes victimes.</p>
<p>De même, en 2014 le bureau du procureur de la CPI organisa-t-il une discussion qui aboutit à la <a href="https://www.icc-cpi.int/iccdocs/otp/OTP-Policy-Paper-on-Sexual-and-Gender-Based-Crimes--June-2014.pdf">rédaction d’un document</a> (<em>Policy paper</em>) précisant la politique que se fixait le procureur face aux crimes sexuels dans des contextes de violence armée et de crimes de masse. À nouveau sollicité, le Dr Dolan contribua à la discussion en soulignant notamment ceci : « L’engagement explicite de poursuivre en justice aussi bien dans les cas d’hommes victimes que de femmes victimes est d’une importance capitale étant donné la tendance des organisations internationales prenant en charge la violence basée sur le genre et le sexe à s’intéresser quasi exclusivement aux expériences féminines ».</p>
<h2>De l’ex-Yougoslavie au Congo démocratique</h2>
<p>Il paraît indéniable que le travail des juges et du procureur lors du procès Bemba coïncide avec l’accent mis sur les préoccupations reconnues, identifiées depuis la création du TPIY (Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie) et de la CPI.</p>
<p>Dès la fin des années 1990 et les procès du TPIY, quelques chercheurs et juristes ont publié des travaux portant sur les violences sexuelles contre des hommes. Ainsi en 1997 <em>The Lancet</em> publia un <a href="http://www.thelancet.com/pdfs/journals/lancet/PIIS0140-6736%2896%2910013-1.pdf">article</a> à ce sujet formulant des préoccupations que l’on retrouve en 2013-2014, lors des ateliers et des discussions que nous venons d’évoquer, mais cette fois assumées par le procureur de la CPI et la représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies chargée de la question des violences sexuelles en période de conflit.</p>
<p>Une remarque historique pour conclure : la préoccupation pour les viols d’hommes et de garçons a pris de l’intensité et eut des effets pratiques (judiciaires, médicaux, intellectuels) quand fut reconnue leur ampleur dans les conflits armés de l’est de la République démocratique du Congo. Ce fut en particulier <a href="https://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=CEA_209_0201">des reportages de journalistes et des travaux de chercheurs</a> portant sur la RDC qui révélèrent au grand public l’importance du phénomène et en analysèrent les circonstances et la méconnaissance.</p>
<p>Reste à écrire l’histoire minutieuse de l’intérêt porté à ces violences chez les chercheurs académiques et dans les institutions internationales judiciaires et politiques entre la fin des années 1990 et les années 2010.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/57325/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Le Pape ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les ONG humanitaires et l’ONU ont longtemps adopté une approche de la violence sexuelle focalisée exclusivement sur les actes contre les femmes. Les esprits sont en train de changer.Marc Le Pape, sociologue (Institut des mondes africains), École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.