tag:theconversation.com,2011:/au/topics/poissons-21149/articlespoissons – The Conversation2024-03-12T16:04:05Ztag:theconversation.com,2011:article/2217642024-03-12T16:04:05Z2024-03-12T16:04:05ZQuand les cormorans huppés collaborent avec les biologistes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/580672/original/file-20240308-30-hix4g6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2619%2C2005&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Par les pelotes qu'ils rejettent, les cormorans livrent régulièrement de précieuses informations sur la biodiversité marine aux scientifiques.</span> <span class="attribution"><span class="source">Philippe Maes/Université Bretagne Sud</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Voici une pelote de réjection de cormoran huppé, <em>Gulosus aristotelis</em>, posée sur la vitre d’un scanner de bureau. Je l’ai ramassée avec beaucoup d’autres en mai 2012 sur l’îlot Er Valueg, non loin de l’île de Houat, à une quinzaine de kilomètres au large de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/bretagne-35081">côte du Morbihan</a>. Ces <a href="https://theconversation.com/fr/topics/oiseaux-20808">oiseaux</a> marins rejettent à peu près une pelote par jour sur les îlots qu’ils fréquentent toute l’année. Ils s’y retrouvent en période de reproduction mais aussi le reste du temps pour se toiletter, interagir socialement, digérer, dormir, et aussi… pour régurgiter des pelotes entre deux sessions de pêche en mer.</p>
<p>Les pelotes contiennent les restes non digérés des proies des cormorans. Ils attrapent et engloutissent tout ce qui bouge sous la surface de la mer : essentiellement des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/poissons-21149">poissons</a>, mais aussi des crevettes et d’autres crustacés. Parmi ces restes, on peut voir ici des fragments de crâne, des vertèbres et même, au centre de la pelote sur cette image, la petite bille transparente d’un cristallin, reste indigeste d’un œil de poisson.</p>
<h2>Récolteur de pelotes</h2>
<p>Si je suis devenu ramasseur de pelotes, c’est en fait pour étudier la biodiversité marine. Peu de recherches sont menées pour caractériser les peuplements de poissons côtiers, qui entrent largement dans le régime alimentaire d’<a href="https://www.documentation.eauetbiodiversite.fr/notice/00000000015df173f15a0ec0cffbb6ff">espèces exploitées par la pêche</a>. Ainsi, merlans, merlus, lieus, bars, des poissons habituels des étals de nos marchés, sont <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.0022-1112.2004.00400.x">des prédateurs de petites espèces côtières communes</a> tels le lançon ou le tacaud, sans grande valeur commerciale. De plus, ces petites espèces abondantes et ordinaires sont une composante essentielle de la biodiversité marine, un peu comme le sont les oiseaux communs de nos jardins. Ainsi leur suivi temporel à long terme permet de réaliser un état des lieux des écosystèmes et nous renseigne globalement sur leur évolution.</p>
<p>Il est donc intéressant de mieux connaître l’état des peuplements de ces espèces. L’abondance des différentes espèces fluctue-t-elle avec les saisons ? Ou d’une année à l’autre ? Est-elle dépendante de facteurs environnementaux comme la température et donc du réchauffement global ? Le biologiste peut aussi avoir besoin de mesurer certains paramètres biologiques de ces espèces comme leur vitesse de croissance ou encore de déterminer quelle est leur période de reproduction.</p>
<p>Mais pour répondre à ces questions, il faut des moyens en mer : bateaux, lignes, filets… Il faut aussi prélever des spécimens toute l’année, par tous les temps, en toutes saisons. Et répéter ces campagnes plusieurs années de suite, pour consolider les données. La méthode est à la hauteur du questionnement, mais coûte très cher et demande beaucoup de temps et d’énergie. Idéalement il faudrait, pour le chercheur biologiste que je suis, sous-traiter cette phase de prélèvements : trouver une main-d’œuvre motivée, compétente et capable d’échantillonner à bas coût par tout temps. Bref, il faut un plan B.</p>
<h2>Des déchets pleins de données</h2>
<p>La main-d’œuvre est justement fournie par les cormorans huppés et la pelote sur l’image montre comment ils nous font parvenir leurs échantillons. De fait, il est possible d’en ramasser tout au long de l’année sur les îlots de la côte sud-morbihannaise où stationnent les cormorans. Ensuite, au laboratoire, en triant et étudiant les restes non digérés qui s’y trouvent, nous obtenons des indices sur ce que ces oiseaux marins chassent et mangent, et donc sur les espèces de poissons présentes dans les zones prospectées.</p>
<p>Les éléments qui nous intéressent tout particulièrement ici sont les « otolithes » : ces petites concrétions blanches en forme d’écaille ou de pointe de lance visibles sur l’image. L’otolithe, littéralement « pierre d’oreille », fait partie de l’oreille interne des poissons osseux, organe de l’équilibre qui leur permet de capter et ressentir leurs mouvements dans les trois directions de l’espace.</p>
<p>La forme des otolithes est <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-the-marine-biological-association-of-the-united-kingdom/article/abs/t-harkonen-guide-to-the-otoliths-of-the-bony-fishes-of-the-northeast-atlantic-256-pp-hellerup-denmark-danbiu-aps-1986-price-5200/9D245F52472A7FD0D81EB5262EDA427C">propre à chaque espèce de poisson</a>. Ce sont eux qui nous permettent d’identifier les proies des cormorans huppés, de les dénombrer, et même d’en calculer la taille ou la masse, celles-ci étant proportionnelles à la longueur de l’otolithe. On peut mentionner que ces otolithes enregistrent aussi les caractéristiques du milieu dans lequel a vécu le poisson, entre leurs cernes de croissance semblables à celles des arbres, <a href="https://www.inc.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/biodiversite-lotolithe-un-gps-chimique-dans-loreille-des-poissons">mais c’est une autre histoire</a>.</p>
<h2>Reconstituer les cycles de vie des petits poissons côtiers</h2>
<p>Notre suivi à long terme montre qu’une bonne vingtaine d’espèces différentes peuvent être capturées par les cormorans de la côte sud du Morbihan. Certaines sont présentes toute l’année, d’autres nettement saisonnières. C’est le cas du chabot par exemple, un poisson benthique (c’est-à-dire vivant sur le fond de l’océan). La <a href="https://cdnsciencepub.com/doi/10.1139/f70-227">littérature mentionne</a> que les chabots mâles, qui surveillent et défendent leurs œufs, ne fuient pas les prédateurs, voire même les attaquent, et ce quelle que soit leur taille. Ce comportement expliquant l’abondance d’otolithes de chabot dans les pelotes en hiver et la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1095-8649.2002.tb02489.x">surmortalité des mâles à cette période</a>. Le gobie est capturé pour les mêmes raisons mais un peu plus tard que le chabot, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1095-8649.2002.tb01743.x">sa reproduction s’étendant d’avril à août</a>.</p>
<p>Autre exemple : le tacaud commun, un poisson à croissance rapide se reproduisant en fin d’hiver. Ici, les adultes sont trop gros pour les cormorans, et les otolithes vus dans les pelotes à partir d’avril-mai correspondent exclusivement à la capture de jeunes tacauds de l’année. Leur croissance peut être déduite des longueurs d’otolithes mesurées au fil des mois. On sait ainsi que de mai à septembre leur croissance est linéaire et d’environ 7 cm. En déduisant la date correspondant à de jeunes tacauds de 0 cm, on peut aussi remonter à la date de ponte, qui se situe vers la 3<sup>e</sup> semaine de mars. Intéressant à savoir quand on sait que le tacaud est au menu du merlu, espèce pêchée et d’intérêt économique.</p>
<p>Sans s’en douter, le cormoran huppé est devenu un collaborateur, un auxiliaire du biologiste, fonctionnant comme un engin de pêche à maille fine rapportant dans ses pelotes un échantillonnage régulier et ininterrompu de petits poissons côtiers communs. Dans le contexte actuel, où les changements globaux impriment des modifications de plus en plus importantes dans le fonctionnement des écosystèmes, ce type de suivi à long terme fournit un jeu de données permettant de décrire un état biologique initial des écosystèmes côtiers. Cela permet de dresser une sorte de « point zéro » auquel se référer en cas de grosse variation climatique ou d’un accident environnemental imprévu. Ce travail de suivi permet de voir qu’en réalité, l’état initial est dynamique et caractérisé par de fortes variations saisonnières ou interannuelles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221764/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Maes a reçu des financements de l'Agence des Aires Marines Protégées</span></em></p>Cette pelote, constituée des restes de proies non digérés par un cormoran, contient de précieuses données que les biologistes qui les ramassent utilisent pour suivre la biodiversité marine.Philippe Maes, Maître de conférences en biologie marine, Université Bretagne SudLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2213622024-02-27T15:41:23Z2024-02-27T15:41:23ZComment migrent les flétans ? Une petite structure dans leur crâne permet de mieux le comprendre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/576890/original/file-20240220-18-5yndy5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=24%2C18%2C3953%2C2999&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les habitats utilisés tout au long de la vie du flétan et les mouvements effectués entre ceux-ci sont difficiles à caractériser.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Charlotte Gauthier)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Hausse des températures, modification des grands courants, diminution de l’oxygène en profondeur : le golfe du Saint-Laurent a subi de <a href="https://theconversation.com/lestuaire-maritime-du-saint-laurent-est-a-bout-de-souffle-180069">grands changements au niveau de ses conditions environnementales</a> dans les dernières décennies. Résultat ? De nombreuses espèces se retrouvent en difficulté et sont donc plus sensibles aux effets de la pêche.</p>
<p>Ces changements se font toutefois au profit de certaines autres espèces, comme le flétan de l’Atlantique, qui bat présentement des records d’abondance avec les valeurs les plus élevées des <a href="https://waves-vagues.dfo-mpo.gc.ca/library-bibliotheque/41206708.pdf">60 dernières années</a>.</p>
<p>Chercheuse en biologie, je propose d’apporter un éclairage sur certains mystères qui planent encore sur cette espèce qui détonne.</p>
<h2>Le flétan de l’Atlantique : champion du golfe du Saint-Laurent</h2>
<p>Le flétan de l’Atlantique est un poisson plat qui habite le fond des eaux du fleuve Saint-Laurent. Il est exploité pour sa chair blanche fine et ferme, très appréciée des consommateurs.</p>
<p>Le flétan peut atteindre des tailles impressionnantes de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/23308249.2021.1948502">plus de deux mètres</a>. En raison de la qualité de sa chair et de sa popularité dans les assiettes, il représente actuellement le poisson à la plus haute valeur commerciale de tout le golfe du Saint-Laurent.</p>
<p>Mais cette tendance n’a pas toujours été la même. Dans les années 1950, la portion adulte et exploitable des populations de flétan, que l’on nomme le stock, <a href="https://academic.oup.com/icesjms/article/73/4/1104/2458915?login=false">a subi un déclin majeur en raison de la surpêche</a>.</p>
<p>Dans l’idée de vouloir continuer d’exploiter cette ressource pour une période prolongée, il est impératif de ne pas répéter les mêmes erreurs que dans le passé. Pour y arriver, il est primordial d’avoir une bonne compréhension du cycle de vie du flétan et des effets que la pêche peut avoir sur le stock. Cependant, ce n’est pas complètement chose faite.</p>
<h2>Des enjeux pour une exploitation durable</h2>
<p>On connaît assez bien la biologie de base du flétan de l’Atlantique. Toutefois, les habitats utilisés tout au long de sa vie et les mouvements effectués entre ceux-ci sont plus difficiles à caractériser.</p>
<p>De <a href="https://academic.oup.com/icesjms/article/77/7-8/2890/5923787?login=false">récentes études</a> ont installé des étiquettes satellites sur des flétans pour enregistrer des données sur la profondeur et la température de l’eau où ils se trouvent et ainsi permettre de calculer précisément leurs déplacements. Grâce à cette méthode, les chercheurs ont pu identifier des trajectoires de flétans adultes sur une période d’un an et découvrir qu’ils se reproduisent en hiver dans les chenaux profonds du golfe.</p>
<p>Dans les différentes trajectoires annuelles, les chercheurs ont observé que, l’été, certains flétans demeurent dans les chenaux profonds, alors que d’autres entreprennent des migrations vers les zones moins profondes.</p>
<p>Même avec ces nouvelles informations, plusieurs questions demeurent, spécifiquement sur les plus jeunes stades de vie qui ne sont capturés que de façon anecdotique dans le golfe. Aussi, les étiquettes satellites fournissent des informations précises, mais uniquement sur une période d’un an, ce qui n’offre pas toute l’histoire pour un poisson qui peut vivre jusqu’à 50 ans.</p>
<p>C’est dans cette optique que l’utilisation d’un nouvel outil permettant d’étudier toute la vie des poissons devient fort pertinente.</p>
<h2>Les « os » des oreilles à la rescousse</h2>
<p>Tous les poissons osseux possèdent de petites structures calcaires dans leur oreille interne qu’on nomme otolithes, ou os d’oreilles, et qui remplissent des fonctions d’équilibre et d’audition.</p>
<p>Les otolithes se développent au tout début de la vie des poissons et grandissent au même rythme qu’eux. Les otolithes forment des cernes de croissance annuels qui sont comparables à ceux visibles dans le tronc des arbres.</p>
<p>Pour croître, les otolithes accumulent des éléments chimiques qui se retrouvent dans le milieu dans lequel baigne le poisson. Ainsi, lorsque le poisson se déplace, les éléments chimiques accumulés dans les otolithes seront différents d’un endroit à un autre. Chaque endroit est caractérisé par une combinaison unique de différentes concentrations d’éléments chimiques. C’est ce qu’on appelle une empreinte élémentaire. L’identification de ces empreintes peut donc nous fournir des informations cruciales sur les déplacements des poissons à différents endroits, et ce, tout au long de leur vie.</p>
<p>C’est cette méthode de caractérisation des éléments chimiques des otolithes que j’ai utilisée pour me pencher sur les patrons migratoires du flétan de l’Atlantique dans le golfe du Saint-Laurent.</p>
<h2>Un large spectre de stratégies migratoires</h2>
<p>Pour pouvoir savoir à quelles concentrations d’un élément chimique correspond le lieu de capture du poisson, on utilise l’empreinte de la marge de l’otolithe, c’est-à-dire la matière de la fin du cerne le plus à l’extérieur de l’otolithe, qui a été accumulée en dernier.</p>
<p>On considère que les concentrations des éléments qu’on y retrouve sont caractéristiques du lieu où le poisson a été capturé. En analysant les marges de près de 200 otolithes de flétans provenant d’un peu partout dans le golfe, j’ai pu distinguer deux empreintes élémentaires : une représentative des eaux de surface (moins de 100 mètres de profondeur) et une caractérisant les eaux plus profondes (plus de 100 mètres de profondeur).</p>
<p>Une fois ces empreintes identifiées, j’ai observé la concentration des éléments chimiques sur toute la vie des poissons pour pouvoir associer chaque moment de la vie soit à l’empreinte des eaux de surface, soit à celle des eaux profondes.</p>
<p>En ayant séparé la vie de chacun des individus entre moments passés en eaux de surface ou profondes, j’ai pu ressortir les patrons récurrents et les regrouper en trois stratégies migratoires différentes : les résidents, les migrants annuels et les migrants irréguliers.</p>
<p>Ainsi, j’ai pu observer que les flétans capturés dans le sud du golfe étaient majoritairement des migrants annuels, et donc qu’ils entreprennent des migrations entre les eaux profondes et peu profondes chaque année. Au contraire, dans la partie nord du golfe, on y retrouve une majorité de résidents. Les résidents correspondent à des poissons qui peuvent avoir migré au début de leur vie, mais qui ont fini par s’installer définitivement dans les eaux profondes avant d’avoir atteint la maturité. Les migrants irréguliers, quant à eux, montrent des migrations sur une fréquence plus sporadique, et se retrouvent en proportions similaires partout dans la zone d’étude.</p>
<h2>Sur la bonne voie pour une gestion optimale</h2>
<p>Mon étude est la première à offrir une vision globale des mouvements effectués par les flétans sur toute leur vie.</p>
<p>Ces nouvelles informations permettent de mieux comprendre la structure du stock et la diversité des stratégies migratoires qu’on peut y retrouver.</p>
<p>Considérant que ces stratégies sont réparties différemment selon les zones du golfe, on peut s’assurer de ne pas cibler de manière disproportionnelle les flétans utilisant la même stratégie migratoire et éviter la surpêche d’une seule composante du stock.</p>
<p>De cette manière, il est possible de conserver cette diversité qui bénéficie à la résilience du stock face aux différents changements qui peuvent survenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221362/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charlotte Gauthier a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et de la fondation de l'Université du Québec à Chicoutimi. </span></em></p>Le flétan de l’Atlantique revient en force dans le golfe du Saint-Laurent. Mais comment savoir où il se déplace pendant toute sa vie ?Charlotte Gauthier, Étudiante au doctorat, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2146102024-01-12T16:13:59Z2024-01-12T16:13:59ZLes compléments d’huile de poisson sont-ils aussi bons pour la santé qu’on le croit ? Serait-il préférable de manger du poisson ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/550973/original/file-20230907-23-mnm8ig.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=305%2C17%2C5667%2C3961&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’huile de poisson, qui contient des acides gras oméga-3, est vantée pour de nombreux bienfaits pour la santé, comme renforcer la santé cardiaque, protéger le cerveau de la démence ou atténuer les symptômes de la polyarthrite rhumatoïde.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>L’huile de poisson, qui contient des acides gras oméga-3, est vantée pour de nombreux bienfaits pour la santé, comme renforcer la santé cardiaque, protéger le cerveau de la démence ou atténuer les symptômes de la polyarthrite rhumatoïde.</p>
<p>Penchons-nous sur les oméga-3 : que sont-ils exactement et quels avantages présentent-ils pour notre santé ?</p>
<p>Et s’ils sont bons pour nous, la consommation de poisson offre-t-elle les mêmes avantages que les compléments d'huile ?</p>
<h2>Que sont les acides gras oméga-3 ?</h2>
<p>Les oméga-3 sont un type d’acide gras polyinsaturé. Nous devons en consommer dans notre alimentation, car notre corps ne les fabrique pas.</p>
<p>On distingue trois types d’acides gras oméga-3 importants dans notre alimentation :</p>
<ul>
<li><p>l’acide alpha-linolénique (ALA), que l’on trouve dans des végétaux tels que les légumes à feuilles vertes, les noix, les graines de lin et les graines de chia ;</p></li>
<li><p>l’acide eicosapentaénoïque (EPA), qui ne se trouve que dans les fruits de mer, les œufs (en plus grande quantité dans les œufs de poules élevées en plein air que dans ceux produits en cage) et dans le lait maternel ;</p></li>
<li><p>l’acide docosahexaénoïque (DHA), que l’on trouve aussi uniquement dans les fruits de mer, les œufs (là encore, en plus grande quantité dans les œufs de poules élevées en plein air) et le lait maternel.</p></li>
</ul>
<p>Les oméga-3 sont essentiels à la structure de nos cellules et contribuent au bon fonctionnement de notre cœur, de nos poumons, de nos vaisseaux sanguins et de notre système immunitaire.</p>
<h2>Manger du poisson ou prendre des compléments ?</h2>
<p>Les premières données suggérant que les oméga-3 étaient bénéfiques pour la santé provenaient d’<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1111/j.0954-6820.1976.tb08198.x">études d’observation sur des personnes qui consommaient du poisson</a> et non de l’huile de poisson.</p>
<p>Les « ingrédients actifs » des compléments alimentaires – l’EPA et le DHA – sont-ils absorbés par notre organisme de la même manière que lorsqu’on mange du poisson ?</p>
<p>Une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0002916523281484">étude expérimentale</a> (où un groupe a reçu du poisson et un autre des compléments d’huile de poisson) a montré que les taux d’EPA et de DHA dans le corps augmentent de manière similaire lorsqu’on consomme des quantités égales d’EPA et de DHA, qu’ils proviennent du poisson ou de l’huile de poisson.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Poisson cru dans un sac" src="https://images.theconversation.com/files/546820/original/file-20230907-21-g4294m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546820/original/file-20230907-21-g4294m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546820/original/file-20230907-21-g4294m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546820/original/file-20230907-21-g4294m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546820/original/file-20230907-21-g4294m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546820/original/file-20230907-21-g4294m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546820/original/file-20230907-21-g4294m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La consommation de poisson peut procurer des bienfaits que les compléments n’offrent pas.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/kC9KUtSiflw">Unsplash/CA Creative</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais cela suppose que seuls les oméga-3 sont bénéfiques pour la santé dans le poisson. Mais celui-ci contient <a href="https://www.foodstandards.gov.au/science/monitoringnutrients/afcd/pages/default.aspx">d’autres substances</a>, telles que les protéines, les vitamines A et D, l’iode et le sélénium, qui pourraient être responsables, en totalité ou en partie, de ses effets sur la santé.</p>
<p>On peut également supposer que l’absence de certains nutriments présents dans d’autres types de produits animaux (viande rouge et viande transformée), tels que les graisses saturées et le sel, participe aux bénéfices pour la santé.</p>
<h2>Quels sont les avantages des acides gras oméga-3 ? Et la source importe-t-elle ?</h2>
<p>Examinons les données concernant les maladies cardiaques, l’arthrite et la démence.</p>
<p><strong>Maladies cardiaques</strong></p>
<p>Une <a href="https://www.cochranelibrary.com/cdsr/doi/10.1002/14651858.CD003177.pub3/full">méta-analyse</a>, qui fournit des preuves de la plus haute qualité, a révélé que la complémentation en huile de poisson n’a que peu d’influence, voire pas du tout, sur les maladies cardiovasculaires (crises cardiaques et accidents vasculaires cérébraux).</p>
<p>Une autre <a href="https://www.mdpi.com/2072-6643/12/8/2278">méta-analyse</a> a montré que chaque tranche de 20 grammes de poisson consommés par jour réduisait de 4 % les risques de maladie coronarienne.</p>
<p>La <a href="https://www.heartfoundation.org.au/getmedia/f1d22267-7381-4513-834b-df317bed9a40/Nutrition_Position_Statement_-_DIETARY_FAT_FINAL-4.pdf">National Heart Foundation</a> recommande, en se basant sur les données scientifiques, de manger des poissons riches en oméga-3 pour une santé cardiaque optimale. La <a href="https://apjcn.nhri.org.tw/server/APJCN/17/3/385.pdf">teneur en oméga-3 des poissons varie</a> [JG1]et, en général, plus ils ont un goût de poisson, plus ils en contiennent. On peut privilégier des espèces comme le thon, le saumon, la perche de mer néo-zélandaise, la carangue, le maquereau et le brochet de mer.</p>
<p>La fondation explique que l’huile de poisson peut être bénéfique pour les personnes qui présentent une insuffisance cardiaque ou un taux élevé de triglycérides, un type de graisse qu’on retrouve dans le sang et qui augmente les risques de maladie cardiaque et d’accident vasculaire cérébral. Mais elle ne recommande pas l’huile de poisson pour réduire les risques de maladies cardiovasculaires (crise cardiaque et accident vasculaire cérébral).</p>
<h2>Arthrite</h2>
<p>Des <a href="https://arthritis-research.biomedcentral.com/articles/10.1186/s13075-022-02781-2">études</a> ont montré que les compléments d’huile de poisson permettent de réduire la gravité et la progression de la polyarthrite rhumatoïde.</p>
<p>La consommation de poisson engendre également une amélioration, mais comme la quantité d’EPA et de DHA nécessaire est élevée, il peut être difficile et coûteux de se fier uniquement au poisson.</p>
<p>En fonction de la quantité d’EPA et de DHA présente dans chaque capsule, on devrait prendre de 9 à 14 capsules (ou de 5 à 7 capsules de concentré d’huile de poisson) par jour. Cela équivaut à environ 130 à 140 g de saumon ou de maquereau grillé, ou à 350 g de thon en boîte.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Tacos de poisson" src="https://images.theconversation.com/files/546824/original/file-20230907-15-3ox0ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546824/original/file-20230907-15-3ox0ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=512&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546824/original/file-20230907-15-3ox0ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=512&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546824/original/file-20230907-15-3ox0ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=512&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546824/original/file-20230907-15-3ox0ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=644&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546824/original/file-20230907-15-3ox0ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=644&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546824/original/file-20230907-15-3ox0ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=644&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La consommation de poisson permet de diminuer les symptômes de l’arthrite, mais il faut en manger de grandes quantités.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/fish-tacos-slaw-lemon-zest-cilantro-256178206">Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Démence</h2>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0952327807001421?via%3Dihub">Des études épidémiologiques</a> ont démontré une corrélation entre un apport accru en DHA (par l’alimentation) et une réduction du risque de développer la maladie d’Alzheimer, un type de démence.</p>
<p>Des études menées sur des animaux ont indiqué que le DHA pouvait modifier des marqueurs dont on se sert pour évaluer les fonctions cérébrales (comme l’accumulation d’amyloïde, une protéine que l’on pense liée à la démence, et la détérioration de la protéine tau, qui aide à stabiliser les neurones dans le cerveau). Mais cela n’a pas encore été démontré chez l’humain.</p>
<p>Une revue systématique de <a href="http://betamedarts.gr/wp-content/uploads/2021/05/31Psychiatriki03_2020.pdf#page=58">plusieurs études</a> avec des humains a montré des résultats différents pour les oméga-3 provenant de compléments.</p>
<p>Dans les deux études dans lesquelles on a administré des compléments à des personnes atteintes de démence, il n’y a pas eu d’amélioration. En revanche, on a observé une amélioration chez les personnes souffrant de troubles cognitifs légers, un état associé à une augmentation du risque d’évolution vers la démence.</p>
<p>Une autre <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25446949/">méta-analyse</a> (synthèse de plusieurs études) a révélé qu’une consommation accrue de poisson était liée à une réduction du risque de développer la maladie d’Alzheimer, mais cette relation n’était plus présente si on examinait la consommation totale d’oméga-3 dans l’alimentation. Cela indique que la consommation de poisson peut avoir d’autres effets protecteurs.</p>
<p>En se basant sur ces résultats, la <a href="https://www.alzheimers.org.uk/about-dementia/risk-factors-and-prevention/omega-3-and-dementia#:%7E:text=This%20could%20suggest%20that%20taking,its%20own%20may%20not%20be.">Société Alzheimer</a> recommande de manger du poisson plutôt que de prendre des compléments d’huile de poisson.</p>
<h2>Que doit-on retenir ?</h2>
<p>Plus une personne a un régime sain, avec des végétaux, du poisson et le moins possible d’aliments ultra-transformés, meilleure sera sa santé.</p>
<p>À l’heure actuelle, les données disponibles indiquent que l’huile de poisson est bénéfique pour la polyarthrite rhumatoïde, en particulier pour les gens qui ont du mal à manger de grandes quantités de poisson.</p>
<p>En ce qui concerne la démence et les maladies cardiaques, il est préférable de consommer des acides gras oméga-3 dans son alimentation. Bien que la nourriture d’origine végétale contienne de l’ALA, cela n’est pas aussi efficace qu’un apport accru d’EPA et de DHA grâce à des poissons.</p>
<p>Comme pour tous les produits alimentaires, on doit vérifier la date limite de consommation de l’huile de poisson et s’assurer d’être en mesure de la terminer avant celle-ci. La structure chimique de l’EPA et du DHA les rend <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0924224421005422">sujets à la dégradation</a>, ce qui affecte leur valeur nutritionnelle. Conservez-les au froid, de préférence au réfrigérateur, à l’abri de la lumière.</p>
<p>L’huile de poisson peut avoir quelques effets secondaires gênants, tels que des éructations de poisson, mais <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3664575/">ses effets secondaires graves</a> sont très rares. Toutefois, il est important de discuter de la prise d’huile de poisson avec son médecin, en particulier si on prend d’autres médicaments.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214610/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Evangeline Mantzioris est affiliée à l'Alliance for Research in Nutrition, Exercise and Activity (ARENA) de l'Université d'Australie du Sud. Elle a reçu des fonds du National Health and Medical Research Council et a été nommée au Dietary Guideline Expert Committee du National Health and Medical Research Council.</span></em></p>On prête de nombreux bienfaits à l’huile de poisson, qu’il s’agisse de renforcer notre santé cardiaque, de protéger notre cerveau ou de soulager l’arthrite. Voici ce qu’en dit la science.Evangeline Mantzioris, Program Director of Nutrition and Food Sciences, Accredited Practising Dietitian, University of South AustraliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2203042024-01-09T17:54:23Z2024-01-09T17:54:23ZConnaissez-vous des poissons qui rampent ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567132/original/file-20231221-29-cnz71n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C12%2C2038%2C1520&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une sole d'Esope, _Soleichthys heterorhinos_, rampant avec ses nageoires sur le fond sablonneux, en Égypte.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/silkebaron/5822697794/in/photolist-2etD4SR-jb4qe4-ZbV6mw-9SwRch">prilfish, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Regardez cette sole. Elle ne nage pas, elle rampe sur le fond d’un lagon, Égypte. Ses nageoires dorsales et anales sont <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Tqa1KJY-6MM">animées de mouvements ondulatoires</a>. Elle les utilise comme des pattes pour se déplacer sur le fond.</p>
<p>Peter Wirtz et ses collaborateurs ont récemment montré que <a href="https://cbm.sb-roscoff.fr/cbm/article.htm">ce comportement ne se rencontre que chez les poissons plats</a> (dits « pleuronectiformes »), un groupe de plus de 800 espèces, dont les soles, les carrelets et les limandes.</p>
<p>En visionnant de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=FOLutbm-lW4">nombreux films</a> sur 85 espèces de poissons plats évoluant dans leur milieu naturel, ils ont pu montrer que ce mode de déplacement existe chez la majorité des poissons plats <a href="https://www.pond5.com/de/stock-footage/item/34801272-indian-halibut-psettodes-erumei-swimming">à l’exception du turbot indien</a> (<em>Psettodes erumei</em>, famille des psettodidés, différents des turbots de l’hémisphère nord), qui ne fait que nager sans prendre appui de la sorte sur le fond.</p>
<p>Ici, on a donc un caractère comportemental (ramper avec les nageoires), qui vient compléter la classification des poissons plats, où les animaux du genre <em>Psettodes</em> <a href="https://www.researchgate.net/publication/233499277_Pleuronectiform_Relationships_A_Cladistic_Reassessment">étaient éloignés des autres poissons plats, mais sur la base de caractères osseux</a> (les « pleuronectiformes » étaient définis auparavant sur un crâne singulier et des nageoires recouvrant le dos et le ventre).</p>
<h2>Le comportement pour classifier les espèces</h2>
<p>Cette confirmation la classification des espèces au moyen d’un caractère comportemental est unique.</p>
<p>En effet, historiquement, la <a href="https://yroise.biblio.brest.fr/yroise/fr/content/les-alguiers-collections-dherbiers-marins">classification des êtres vivants s’est construite sur des spécimens « secs » préservés dans l’alcool</a>, des <a href="https://yroise.biblio.brest.fr/yroise/fr/content/les-alguiers-collections-dherbiers-marins">coquilles et des squelettes</a>. Pour les vertébrés, il s’agissait donc d’une histoire de squelettes : les mammifères étaient caractérisés par le mode d’articulation de leur mâchoire avec le crâne, les dinosaures par notamment l’anatomie crânienne ou leurs dents aplaties latéralement.</p>
<p>Puis, à partir du milieu des années 1980, l’étude comparée des séquences d’ADN des espèces a à la fois bouleversé et largement complété notre connaissance de la classification des êtres vivants.</p>
<p>Ainsi, c’est essentiellement sur l’examen des molécules biologiques et des structures dures des organismes que repose notre connaissance actuelle de leur évolution.</p>
<p>C’est le reflet et la conséquence de décennies de prélèvement et d’études de spécimens morts, préservés dans l’alcool ou conservés secs à l’état de squelette dans les collections des musées. De cette manière, la classification, comme celle des poissons plats, s’est construite <a href="https://osteobase.mnhn.fr/region.php">sur la base de caractères observables sur des squelettes isolés</a> ou des <a href="https://www.pinterest.fr/pin/517210338443009147/">radiographies</a>.</p>
<p>Cependant, l’étude des organes mous, comme la vessie gazeuse, le cerveau ou le pancréas, ou l’étude des comportements <a href="https://www.researchgate.net/publication/340927798_The_distribution_of_the_recessus_orbitalis_across_flatfishes_order_Pleuronectiformes">peuvent apporter des éléments essentiels pour comprendre et reconstituer l’histoire évolutive</a> et les relations de parenté entre espèces.</p>
<p>Ainsi, depuis les années 2010, les observations filmées dans le milieu naturel de ces animaux se sont multipliées et sont venues enrichir les bases de données de <a href="https://doris.ffessm.fr/">films</a>. Il est ainsi devenu possible d’observer des comportements singuliers, qui viennent compléter notre connaissance de la biologie des espèces, mais également et corroborer des relations de parenté établies auparavant au moyen d’autres caractères, par exemple des caractères osseux (structure des nageoires chez les poissons plats) ou moléculaires.</p>
<p>Cet apport de nouveaux caractères par l’intermédiaire d’observations filmées viendra sûrement compléter notre connaissance de la biologie des espèces et ainsi confirmer, voire contredire, leur classification.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220304/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruno Chanet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les soles rampent sur le fond, en utilisant leurs nageoires comme des pattes.Bruno Chanet, Chercheur attaché-honoraire, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2179762023-11-17T19:41:56Z2023-11-17T19:41:56ZLa répartition géographique des poissons d’eau douce, nouveau marqueur de l’anthropocène ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/560005/original/file-20231116-17-iwx39x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C15%2C2035%2C1345&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le poisson rouge est l'une des nombreuses espèces de poissons d'eau douce introduites par les humains dans les milieux naturels, bouleversant durablement leur aire de répartition naturelle.</span> <span class="attribution"><span class="source">Watts / Flickr / Creative Commons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Est-on entré dans l’ère géologique de l’anthropocène, une « époque de l’homme » où l’humain serait devenu la principale force de changement planétaire, surpassant les forces géologiques naturelles ? La question est débattue par la communauté scientifique, en particulier au sein de la Commission internationale de stratigraphie, qui travaille sur le sujet depuis 2009. En juillet dernier, l’enregistrement sédimentaire pressenti pour faire figure de référence et définir la transition de l’holocène à l’anthropocène avait été <a href="https://theconversation.com/voici-comment-le-lac-crawford-en-ontario-a-ete-choisi-pour-marquer-le-debut-de-lanthropocene-209454">sélectionné en Ontario, au Canada</a>.</p>
<p>Quels sont les indices qui peuvent témoigner de l’entrée dans l’anthropocène ? Les géologues et paléontologues <a href="https://theconversation.com/la-terre-a-lepoque-de-lanthropocene-comment-en-est-on-arrive-la-peut-on-en-limiter-les-degats-206523">accumulent toutes sortes de preuves</a> : traces visibles dans les couches sédimentaires telles que la pollution plastique ou la radioactivité, ou encore les changements dans les fossiles à cause de la crise de la biodiversité. Ainsi certains chercheurs proposent même de considérer, comme marqueur les <a href="https://theconversation.com/et-los-de-poulet-devint-le-symbole-de-lanthropocene-108857">os des poulets que nous consommons</a>, qui deviendront fossiles d’ici quelques millions d’années.</p>
<p>Mais ce n’est pas la seule façon dont notre espèce a bouleversé la biodiversité planétaire. Avec une équipe internationale, qui réunissait notamment le laboratoire BOREA du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), le CNRS et l’IRD, nous avons montré comment les sociétés humaines ont redessiné la géographie de la biodiversité des poissons d’eau douce.</p>
<p>Nous postulons qu’il s’agit là de changements majeurs, qui constituent une nouvelle preuve de l’entrée dans l’anthropocène. Nos travaux ont été publiés ce 17 novembre dans la revue <a href="https://doi.org/10.1126/sciadv.adi5502"><em>Science Advances</em></a>.</p>
<h2>Comment la tectonique des plaques a isolé les poissons d’eau douce</h2>
<p>Pour bien comprendre ces résultats, il faut remonter un peu dans l’histoire de la planète. Les 11 000 espèces de poissons d’eau douce qui peuplent la planète sont cantonnées à leurs milieux d’eau douce : rivières et lacs. Ils ne tolèrent pas l’eau salée, et pour eux, les collines, les montagnes, ou les océans représentent des barrières infranchissables.</p>
<p>Ce sont les forces géologiques naturelles qui ont toujours dicté leur évolution au cours de l’histoire de la Terre. La tectonique des plaques, en isolant les continents, <a href="https://doi.org/10.1111/jbi.13674">a séparé les poissons d’eau douce en six grandes régions géographiques</a>. Chaque région a évolué isolément pendant des dizaines de millions d’années, jusqu’à disposer d’un cortège d’espèces unique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte des régions biogéographiques naturelles de poissons d’eau douce.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Boris Leroy/MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Ces grandes régions sont appelées « régions biogéographiques », et elles possèdent toutes un taux d’endémisme – c’est-à-dire une proportion d’espèces que l’on ne trouve nulle part ailleurs – exceptionnellement élevé, de l’ordre de 96,7 à 99,7 %. Ce chiffre est beaucoup plus élevé que chez les autres groupes de vertébrés.</p>
<p>Chaque région possède donc des poissons d’eau douce qui lui sont propres, et, depuis des millions d’années, à leur mort, ces poissons forment des restes fossiles que l’on ne retrouve pas ailleurs dans le monde.</p>
<h2>Nos sociétés ont changé les règles du jeu</h2>
<p>Cette tranquille évolution orchestrée par la tectonique des plaques a très récemment été bouleversée à par les activités humaines. Pour la première fois dans l’histoire de la Terre, il est devenu possible pour les poissons d’eau douce de traverser les océans et les montagnes.</p>
<p>Au XIX<sup>e</sup> siècle, des <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-ecolsys-032522-015551">« sociétés d’acclimatation » s’étaient fixé l’objectif</a> d’établir des peuplements de poissons familiers dans les colonies, et de poissons exotiques dans les eaux européennes. Ces sociétés ont ainsi introduit de nombreuses espèces européennes en Australie, Nouvelle-Zélande, ou encore ont introduit des espèces nord-américaines en Europe ou en Russie.</p>
<p>Rapidement, d’autres motifs sont apparus pour justifier l’introduction d’espèces hors de leurs aires natives. La lutte biologique par exemple, avec l’introduction des petites gambusies d’Amérique du Nord partout dans le monde pour manger les larves de moustiques. La construction de canaux connectant différents fleuves a également permis aux espèces d’atteindre des zones auparavant inaccessibles.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Évolution des régions naturelles de répartition des poissons d’eau douce en fonction du temps.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Boris Leroy/MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Mais c’est surtout au milieu du XX<sup>e</sup> siècle que nous avons commencé à massivement déplacer les espèces entre les continents. À partir de 1947, on a observé une <a href="https://doi.org/10.1111/geb.13714">accélération exponentielle des introductions</a>, avec une globalisation des origines et des destinations des espèces introduites. Ce phénomène s’explique par l’explosion et la globalisation des échanges commerciaux à partir de cette date.</p>
<p>Les espèces ont alors été transportées entre continents pour <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-ecolsys-032522-015551">l’aquaculture ou pour le commerce ornemental (aquariophilie)</a>, et trop souvent elles se sont échappées, accidentellement ou intentionnellement. Par exemple, les tilapias d’Afrique ont été introduits partout dans le monde pour l’aquaculture, et se sont rapidement échappés des élevages pour s’établir dans de nouvelles zones. Les poissons des aquariums comme les guppys, les poissons rouges ou encore les carpes se sont, eux aussi, échappés pour coloniser les milieux naturels.</p>
<p><iframe id="3IBEv" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3IBEv/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En parallèle de ces introductions accidentelles, les hommes ont introduit de nombreuses espèces volontairement dans les milieux sauvages, pour la pêche récréative ou la pêche de subsistance. L’usage de poissons exotiques comme appât pour la pêche ou pour empoissonner les milieux naturels s’est développé et a causé de nombreuses introductions dans le monde entier, comme le goujon asiatique ou la perche-soleil en Europe.</p>
<p>Au total, ce sont 453 espèces qui ont été introduites hors de leur aire naturelle, entre les continents, ce qui a profondément redessiné la géographie de la biodiversité des poissons d’eau douce.</p>
<h2>L’humain a recréé la Pangée</h2>
<p>Pour étudier les conséquences de ces introductions, nous avons comparé la géographie naturelle de la biodiversité par rapport à la géographie modifiée par les introductions avec la même méthode d’analyse, appelée <a href="https://www.nature.com/articles/s41559-017-0114">« biorégionalisation »</a>.</p>
<p>Nos résultats ont été sans appel. Nous avons observé l’émergence inédite d’une super-région qui couvre tous les continents : Amérique du Nord, Europe, Asie de l’Est, Océanie, et une petite partie de l’Afrique et de l’Amérique du Sud. Cette nouvelle répartition illustre de toute évidence le lien entre introductions d’espèces exotiques et commerce international, car <a href="https://viz.ged-project.de/">elle connecte les pays du monde ayant les plus grands échanges commerciaux</a>.</p>
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<p>Nous avons appelé cette super-région « PAGNEA » pour Pan-Anthropocenian Global North and East Asia. L’acronyme de PAGNEA est volontairement évocateur de la Pangée (Pangea en anglais), qui est le dernier supercontinent de la planète à avoir existé il y a plus de 200 millions d’années.</p>
<p>À l’époque, les organismes avaient la possibilité de disperser sur toute la Pangée, car les océans ne constituaient pas encore une barrière. Ce que la région PAGNEA nous montre aujourd’hui, c’est que les sociétés humaines recréent artificiellement les conditions de la Pangée, en permettant aux organismes de se disperser sur tous les continents.</p>
<h2>Une uniformisation des couches fossiles</h2>
<p>Avant les activités humaines, chaque continent avait ses fossiles uniques, qu’on ne trouvait nulle part ailleurs. Désormais, à cause des introductions, nous aurons des fossiles partagés entre les différents continents de la région PAGNEA. La carte ci-dessous illustre les changements attendus dans les couches fossiles du monde entier, et en particulier pour plusieurs bassins versants notables.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte des régions de l’Anthropocène, avec des exemples de changements attendus dans les bassins versants qui se répercuteront sur les fossiles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Boris Leroy/MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Ces changements dans la distribution des fossiles à l’échelle planétaire sont un critère déterminant pour la reconnaissance de l’anthropocène. Il s’agit ici de la première cartographie qui montre une telle ampleur dans les changements attendus, tout en utilisant une grande masse de données quantitatives sur les répartitions de poissons d’eau douce.</p>
<p>Cette découverte contribuera donc probablement aux travaux <a href="http://quaternary.stratigraphy.org/working-groups/anthropocene/">du Groupe de Travail sur l’Anthropocène</a>, qui étudie les éléments de preuves accumulés par les scientifiques et décidera dans le futur d’entériner le passage à l’Anthropocène.</p>
<h2>Message aux paléontologues du futur</h2>
<p>Au-delà de l’anthropocène, cette démonstration de l’ampleur de l’effet des introductions d’espèces à l’échelle globale doit nous pousser à réfléchir sur deux conséquences majeures.</p>
<p>Tout d’abord, l’introduction d’espèces non natives pose le risque de créer de nouvelles invasions biologiques dont les <a href="https://zenodo.org/records/10127924">conséquences peuvent être dramatiques pour les écosystèmes</a> et les <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-021-03405-6">économies</a>, d’autant plus que les principales espèces introduites sont très abondantes et déjà connues pour être envahissantes.</p>
<p>Il est donc absolument nécessaire de <a href="https://invacost.fr/wp-content/uploads/2021/08/RapportCoutsFrance.pdf">prévenir les nouvelles introductions</a>, en s’inquiétant tout particulièrement des <a href="https://doi.org/10.1007/s10750-020-04407-7">menaces émergentes comme le commerce en ligne d’espèces vivantes</a>.</p>
<p>La seconde raison est presque d’ordre philosophique : elle nous aide à réaliser que nos actions, sur une échelle de temps très courte – à peine 70 ans – auront des répercussions visibles dans les couches fossiles qui seront étudiées par les paléontologues du futur. Mais ces impacts seront non seulement d’ampleur, mais aussi irréversibles, car nous sommes en train d’altérer durablement la trajectoire évolutive de la biodiversité sur la planète en créant de nouveaux points de départ évolutifs pour les lignées du futur.</p>
<p>Dans plusieurs millions d’années, la biodiversité portera encore l’empreinte évolutive d’une époque où la dispersion des organismes est à nouveau devenue possible entre les continents. Le propre de cette époque, de notre époque, réside bien là : les forces géologiques naturelles ont été surpassées par une nouvelle force de changement planétaire, l’espèce humaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217976/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Boris Leroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les introductions de poissons d'eau douce, à travers le commerce, mais aussi l'ouverture de nouvelles voies de navigation, ont bouleversé la géographie de ces espèces. Un nouveau marqueur de l'Anthropocène ?Boris Leroy, Maître de conférences en écologie et biogéographie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2159372023-10-23T13:31:18Z2023-10-23T13:31:18ZLe stress induit par les changements climatiques modifie la reproduction des poissons<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/554536/original/file-20231012-25-y5pqrb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C11784%2C6723&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La hausse des températures n'est pas seulement directement mortelle pour les poissons, mais elle entraîne également des déséquilibres hormonaux qui menacent des populations entières.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Jonathan Munera L.)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>En <a href="https://doi.org/10.1126/science.213.4507.577">1981, des scientifiques ont découvert que les poissons femelles exposés à des températures élevées développaient des testicules au lieu d’ovaires</a>. Depuis, plus de 1 100 études sur différentes espèces animales, dont 400 sur des poissons d’eau douce, ont donné des résultats similaires.</p>
<p>Cela soulève plusieurs questions.</p>
<p>Pourquoi ce phénomène se produit-il ? Comment peut-on l’expliquer ? Est-ce que cela nuit aux populations de poissons à long terme ? Nos recherches ont montré qu’un facteur clé expliquant ce phénomène est la surproduction d’hormones de stress causée par des températures plus élevées.</p>
<h2>Pas le temps de s’adapter</h2>
<p>Les organes reproducteurs des poissons sont très malléables aux changements environnementaux, car contrairement aux mammifères, <a href="https://doi.org/10.1016/S0044-8486(02)00057-1">ils ont des structures plus simples</a>. Si bien que même de légers changements des conditions de l’eau peuvent avoir un impact direct et significatif sur le <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-019-1132-4">métabolisme et la physiologie des poissons</a>.</p>
<p>Les poissons utilisent cette plasticité à leur avantage en utilisant les signaux environnementaux pour <a href="https://doi.org/10.1007/s00018-020-03532-9">modifier leur succès de reproduction selon les conditions saisonnières</a>. Par exemple, plusieurs espèces de poissons, comme <a href="https://www.alberta.ca/lake-sturgeon">l’esturgeon jaune, se reproduisent au printemps en raison des températures plus chaudes de l’eau</a>.</p>
<p>Cependant, des changements environnementaux soudains provoqués par le changement climatique, par exemple, affectent considérablement les populations de poissons et <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2880135/pdf/rstb20100055.pdf">poussent certaines d’entre elles à se déplacer vers des habitats de reproduction plus adaptés</a>.</p>
<h2>La température peut changer les poissons femelles en mâles</h2>
<p>L’étude de la façon dont les poissons femelles deviennent mâles (ou se masculinisent) en raison du changement de température a conduit à une avancée significative. Lorsque les poissons sont exposés à des températures en dehors de leur plage normale, ils deviennent stressés et présentent un niveau élevé de l’<a href="https://my.clevelandclinic.org/health/articles/22187-cortisol">hormone de stress appelée cortisol</a>. C’est le cas de plusieurs espèces de poissons, comme le <a href="https://doi.org/10.1111/j.1095-8649.2010.02780.x">Silverside argentin</a>, le <a href="https://doi.org/10.1159/000100035">medaka</a> et <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1609411114">poisson-zèbre</a>.</p>
<p>Il est intéressant de noter que la même enzyme qui génère le cortisol est également responsable de la production l’hormone mâle la plus puissante chez le poisson, appelée la <a href="https://doi.org/10.1210/jc.2016-2311">11-cétotestostérone</a>. Le rôle de cette hormone mâle est de déclencher le développement des caractéristiques sexuelles masculines chez les poissons.</p>
<p>Si les poissons subissent un stress – c’est-à-dire une augmentation du cortisol – dû à des températures élevées, cela peut perturber l’équilibre hormonal des larves de poissons et entraîner le développement de testicules. La surproduction d’androgènes entraîne le développement d’un plus grand nombre de mâles que de femelles sous des températures élevées.</p>
<h2>Pas seulement le stress</h2>
<p>En <a href="https://doi.org/10.1242/dev.172866">2019</a>, notre groupe de recherche a démontré que le blocage des récepteurs de stress grâce à des <a href="https://www.nih.gov/news-events/gene-%C3%A9dition-dossier-de-presse-num%C3%A9rique">outils d’édition génétique</a> a complètement supprimé la masculinisation des poissons induite par les températures élevées. Ces résultats révèlent, pour la première fois, que le cerveau agit comme un moteur de la masculinisation induite par le stress thermique.</p>
<p>Dans notre nouvelle étude publiée dans <a href="https://doi.org/10.1007/s00018-023-04913-6"><em>Cellular and Molecular Life Sciences</em></a> en 2023, nous avons en outre démontré que les hormones thyroïdiennes, en plus des hormones de stress, sont impliquées dans la masculinisation des poissons. Une fois de plus, grâce à l’édition génétique, nous avons pu bloquer les récepteurs du stress et démontrer que la voie des hormones thyroïdiennes est affectée lorsque les poissons subissent un stress.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Deux larves de poisson vues en gros plan" src="https://images.theconversation.com/files/553544/original/file-20231012-25-xn0fir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/553544/original/file-20231012-25-xn0fir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/553544/original/file-20231012-25-xn0fir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/553544/original/file-20231012-25-xn0fir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/553544/original/file-20231012-25-xn0fir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/553544/original/file-20231012-25-xn0fir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/553544/original/file-20231012-25-xn0fir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les larves de l’espèce de poisson Centrarchid. Le réchauffement des températures amène les larves de poisson à développer de manière disproportionnée les organes sexuels mâles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Wikimedia)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il a été observé que lorsque la production de cortisol et des hormones thyroïdiennes était supprimée par l’utilisation combinée de certains médicaments chimiques, aucune femelle n’était masculinisée. Comprendre les mécanismes moléculaires qui expliquent la détermination du sexe des poissons permet de prédire comment la température induite par les changements climatiques peut affecter les populations de poissons à l’avenir.</p>
<h2>Le rôle de la pollution</h2>
<p>Plusieurs contaminants environnementaux, comme les pesticides et les plastifiants, sont connus pour <a href="https://doi.org/10.1016/j.envres.2022.112849">perturber l’équilibre hormonal chez les animaux</a>. Ces contaminants – connus sous le nom de perturbateurs endocriniens – <a href="https://doi.org/10.1016/j.envres.2021.112584">peuvent conduire au développement anormal des organes sexuels chez les poissons</a>.</p>
<p>Avec les changements climatiques, les facteurs environnementaux qui affectent le développement sexuel constituent désormais un enjeu majeur. Dernièrement, les températures ont fluctué considérablement dépassant la plage acceptable pour la plupart des espèces de poissons. De tels changements provoquent des températures élevées, une acidification et une hypoxie <a href="https://doi.org/10.1098/rspb.2011.0529">qui peuvent altérer les ratios naturels du sexe des poissons</a> en faveur des mâles, et même générer des populations de poissons exclusivement mâles.</p>
<p>Dans les rivières et les lacs, les événements interannuels tels qu’El Niño ou El Niña peuvent également être modifiés par les changements climatiques, ce qui peut provoquer d’importantes périodes d’inondation ou de sécheresse. Cela peut exacerber le stress exercé sur les poissons. De surcroît, un nombre trop faible de femelles dans une population de poissons peut provoquer son effondrement, avec des conséquences désastreuses sur la biodiversité pour tous.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215937/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie S. Langlois a reçu des financements du Programme des Chaires de recherche du Canada pour mener ces travaux.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Diana Castañeda-Cortés a reçu un financement de la bourse de doctorat du CONICET, Conseil national de la recherche argentin, 2015-2020.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Juan Ignacio Fernandino a reçu un financement de l'Agence nationale argentine pour la promotion de la science et de la technologie (AGENCIA).</span></em></p>Les changements climatiques entraînent des niveaux de stress plus élevés chez les poissons, et les déséquilibres hormonaux qui en résultent peuvent modifier des populations entières.Valérie S. Langlois, Professor/Professeure titulaire, Institut national de la recherche scientifique (INRS)Diana Castañeda-Cortés, Postdoctoral, Institut national de la recherche scientifique (INRS)Juan Ignacio Fernandino, Associate research scientist, Developmental Biology Laboratory, Instituto Tecnológico de Chascomús (CONICET-UNSAM), Universidad Nacional de San MartínLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2141022023-10-09T17:46:41Z2023-10-09T17:46:41ZPollution, climat… pourquoi nos lacs de montagne verdissent<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/549659/original/file-20230921-21-xzmfew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=39%2C63%2C5232%2C3880&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’étang d’Ayès, dans les Pyrénées ariégeoises.</span> <span class="attribution"><span class="source">Dirk S. Schmeller</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>J’ai mis pour la première fois les pieds <a href="https://theconversation.com/pourquoi-le-rechauffement-climatique-saccelere-dans-les-pyrenees-173362">dans les Pyrénées</a> en 2006. Deux ans plus tard, j’y ai entamé une prospection à grande échelle des lacs de montagne et des populations d’amphibiens : d’est en ouest, j’ai ainsi parcouru plus de 100 lacs de montagne des Pyrénées orientales jusqu’au Béarn (Pyrénées-Atlantiques).</p>
<p>Pour nos projets divers, nous sommes revenus les échantillonner régulièrement, au moins une fois par an. C’est ainsi qu’au fil du temps, nous avons constaté des transformations, en particulier la croissance accrue de <a href="https://theconversation.com/dans-les-eaux-de-baignade-les-cyanobacteries-amies-ou-ennemies-204352">cyanobactéries</a> et parfois de dinoflagellés, des algues vertes qui verdissent un grand nombre de lacs. Dès 2012, nous alertions le Parc national des Pyrénées.</p>
<p>Durant toutes ces années, j’ai donc observé beaucoup de « nos » lacs changer de couleur. Certains ont perdu la clarté et le bleu que nous attendons tous d’un lac de montagne, d’autres ont commencé à se teinter d’une couleur verdâtre ou même d’un vert éclatant, notamment à la fin de l’été.</p>
<p>Cette tendance ne touche aucune région plus qu’une autre : on la retrouve aussi bien dans les Pyrénées Ariégeoises que dans les parties centrales des Pyrénées ou à l’ouest dans le Béarn. Il ne s’agit pas d’un phénomène rare et localisé, mais d’un événement de grande ampleur, qui tend à s’étendre dans les années à venir. Nous le remarquons également de l’autre côté de la frontière, dans les Pyrénées catalanes, où mon collègue Marc Ventura a dirigé le <a href="http://www.lifelimnopirineus.eu/es/inicio">projet européen Limnopirineos</a>.</p>
<p>Dans les Alpes, les collègues du Centre de recherche des écosystèmes d’altitude (<a href="https://creamontblanc.org/">Crea</a>) dressent un constat similaire. Même dans les <a href="https://www.nps.gov/articles/algal-booms-mountain-lakes.htm">Rocheuses canadiennes</a>, une croissance évidente des algues a été relevée.</p>
<p>À ce verdissement des lacs, nous avons identifié quatre causes principales.</p>
<h2>Poissons, crustacés et algues qui prolifèrent</h2>
<p>Côté catalan, Marc Ventura a tout d’abord remarqué que la présence de poissons contribuait au phénomène, et que leur éradication rendait aux lacs une couleur bleuâtre. Car pour ceux qui tiqueraient sur le terme d’éradication, précisons que la présence des poissons dans les lacs de montagne n’est pas naturelle : elle est le résultat d’alevinages (c’est-à-dire de peuplements) réalisés pour favoriser le tourisme de la pêche.</p>
<p>Pour mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre, il faut savoir que les espèces présentes dans les communautés lacustres de montagne forment un système très complexe, fait d’une quantité ahurissante d’interactions entre elles. La disparition d’une espèce ou d’un groupe d’espèces dans un système aquatique peut ainsi entraîner des changements radicaux.</p>
<p>Dans les lacs que nous avons étudiés, nous constatons par exemple que les crustacés sont beaucoup moins nombreux voire absents en présence de poissons, en particulier de vairons, espèce très commune dans les eaux douces. Les microcrustacés des écosystèmes aquatiques filtrent l’eau pour ingérer de la nourriture, laquelle est essentiellement constituée d’algues : en leur absence, ce déséquilibre incite les algues à proliférer.</p>
<h2>Des insecticides qui tuent les crustacés</h2>
<p>D’après nos <a href="https://theconversation.com/pyrenees-francaises-un-cocktail-toxique-impressionnant-detecte-dans-les-lacs-de-montagne-181860">propres travaux</a> menés dans certains lacs, l’absence ou la forte réduction des crustacés est également engendrée par la pollution. Celle-ci serait notamment due à deux insecticides, la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048969722015492">perméthrine et le diazinon</a>, qui sont soit utilisés sur le bétail, soit présents dans les insectifuges des touristes.</p>
<p>Nous avons identifié de nombreuses autres molécules chimiques dans l’eau des lacs – <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048969722015492">141 au total</a> – et l’effet de ce cocktail sur les réseaux alimentaires aquatiques est pour l’instant inconnu. Notons toutefois que nous ne pouvons actuellement détecter qu’une petite partie des molécules organiques, en raison de limitations méthodologiques. La toxicité cumulée de tous les polluants émis par l’homme dans ces environnements demeure par conséquent un mystère.</p>
<p>Il est ainsi probable que nous sous-estimions l’impact global du grand nombre de molécules organiques sur les écosystèmes aquatiques en montagne et ailleurs. Mais il ne fait aucun doute, dans les lacs que nous étudions, que la hausse de la pollution favorise la disparition des microcrustacés et donc la prolifération des algues.</p>
<h2>Les rejets du bétail, nutriments pour les algues</h2>
<p>Ces polluants proviennent probablement du bétail, qui est traité contre les insectes piqueurs à l’aide, par exemple, de Butox ou de traitements vétérinaires similaires, contenant de la deltaméthrine ou de la perméthrine. Appliqués sur la peau, ces insecticides pénètrent dans le sang des bêtes avant d’être rejetés dans l’urine et les excréments.</p>
<p>La molécule active reste largement inchangée et pénètre dans l’eau, alors qu’elle est <a href="https://enveurope.springeropen.com/articles/10.1186/s12302-022-00710-3">hautement toxique pour les crustacés des lacs de montagne</a>, même à une concentration de l’ordre du nanogramme par litre, ce qui est minuscule. En tuant les crustacés, ces insecticides altèrent ainsi profondément le réseau alimentaire aquatique.</p>
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<p>Mais ce n’est pas tout. Pour se développer, les algues ont également besoin de nutriments. Le bétail en fournit en venant s’abreuver dans les lacs avant d’uriner et de déféquer dans l’eau : ces rejets contiennent une forte concentration de nutriments (nitrates et phosphates, entre autres), qui font le bonheur des algues.</p>
<h2>Le changement climatique en cause</h2>
<p>Enfin, ces dernières apprécient aussi la chaleur : elles se multiplient avec des taux de croissance élevés pendant les mois d’été, en particulier quand la température de l’eau dépasse les 20 °C. L’augmentation des températures engendrée par le changement climatique s’ajoute donc aux autres facteurs. Les rives des lacs, surtout des petits et moyens, ont vu leur mercure grimper. En 2022, la bordure du lac de Lhurs, dans le Béarn, avait ainsi atteint plus de 25 °C, à près de 1800 m d’altitude : une aubaine pour les algues.</p>
<p>Ces facteurs sont les principaux, mais il peut y en avoir d’autres : mes propres recherches nous en diront peut-être davantage à l’avenir. Le plus important est de comprendre qu’ils agissent en synergie : nous tuons les crustacés en introduisant des poissons, nous polluons en traitant le bétail puis, une fois les écosystèmes aquatiques de montagne fragilisés, nous contribuons par nos activités à faire augmenter la température des lacs : les algues y trouvent alors les conditions de croissance idéales. Certaines de ces <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0043135423009879">algues sont toxiques</a> et présentent donc un risque pour la santé.</p>
<p>Nos lacs passent ainsi du bleu au verdâtre, du verdâtre au vert vif : pas de mystère à cela, leur couleur vient simplement révéler ce que nous infligeons à nos lacs de montagne, à nos ressources en eau, à la faune, au bétail et à nous-mêmes.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/TKaW25EPSk8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Indicateurs de santé des écosystèmes des lacs de montagne. Crédits : Les montagnes, une source fragile de vie, 21 septembre 2023.</span></figcaption>
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<h2>Comment retrouver des lacs clairs et bleus</h2>
<p>Tout n’est pas perdu, bien heureusement. Les travaux de <a href="https://www.researchgate.net/publication/361705726_Non-native_minnows_cause_much_larger_negative_effects_than_trout_on_littoral_macroinvertebrates_of_high_mountain_lakes#fullTextFileContent">Marc Ventura</a> mettent en lumière qu’il reste possible de faire marche arrière et de rendre aux lacs une couleur bleue et des écosystèmes sains. Mais cela implique de changer la gestion de l’ensemble des lacs de montagne dans les Pyrénées.</p>
<p>Dans un premier temps, il est indispensable de limiter l’empoissonnement à certains grands lacs et de l’interdire dans les autres, pour qu’ils soient réservés à la faune et la flore locales. Y compris dans les Grands Lacs, il est possible de créer des zones inaccessibles aux poissons afin de favoriser les invertébrés, les amphibiens et d’autres espèces aquatiques et semi-aquatiques.</p>
<p>Il s’agit ensuite de diminuer la pollution provoquée par les touristes, le bétail et l’industrie. Notamment en communiquant et en discutant avec les différents acteurs, afin de les alerter sur les risques et d’aboutir avec eux à de vraies solutions plutôt qu’à des compromis insatisfaisants.</p>
<p>Le PNR des Pyrénées ariégeoises a ainsi commencé à sensibiliser les touristes au moins sur l’utilisation des crèmes solaires. C’est un premier pas, bien qu’insuffisant compte tenu de l’éventail des problèmes expliqués ici. Une autre avancée consisterait à limiter l’accès du bétail aux lacs verts, ce qui contribuerait aussi à restaurer les écosystèmes. Enfin, à plus grande échelle, le phénomène alerte une nouvelle fois sur l’urgence de combattre le changement climatique…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Fonds Axa pour la Recherche a soutenu près de 700 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 38 pays. Pour en savoir plus, consultez le site Axa Research Fund ou suivez-nous sur Twitter @AXAResearchFund.</em></p>
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<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-21-BIRE-0002">BiodivRestore</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214102/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dirk S. Schmeller a reçu des financements de ANR et AXA Research Fund. </span></em></p>Dans les Pyrénées, de nombreux lacs de montagne ont verdi : un phénomène qui alerte sur les multiples pressions subies par les écosystèmes.Dirk S. Schmeller, Professor for Conservation Biology, Axa Chair for Functional Mountain Ecology at the École Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse, Université de Toulouse III – Paul SabatierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2109422023-10-07T11:00:12Z2023-10-07T11:00:12ZAnalyser le sang des poissons pour déterminer leur état de santé<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/551777/original/file-20231003-21-bibw4p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=30%2C12%2C3995%2C3005&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'industrialisation de la pêche et les changements de l'environnement ont amené beaucoup de problématiques sur la gestion de nos pêches.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Fanny Fronton)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Le golfe du Saint-Laurent est une ressource inestimable pour le Canada. Les pêcheries de poissons et de crustacés y ont débuté au XVI<sup>e</sup> siècle, et demeurent, encore aujourd’hui, une source de revenus essentielle pour plusieurs communautés, comme celles de la Côte-Nord, de la Gaspésie ou des Îles-de-la-Madeleine. </p>
<p>Par exemple, aux <a href="https://publications.gc.ca/collections/collection_2019/mpo-dfo/Fs124-10-2018-fra.pdf">Îles-de-la-Madeleine</a>, près de 1 800 emplois (sur 12 500 habitants) étaient liés à la pêche en 2015. </p>
<p>Mais l’industrialisation de la pêche et les changements de l’environnement ont amené beaucoup de problématiques sur la gestion de nos pêches. L’abondance des différentes espèces de poissons dans le golfe a beaucoup fluctué dans les 20 dernières années. </p>
<p>Notamment, le nombre de flétans du Groenland a diminué drastiquement. Et même son de cloche du côté du turbot. Cette année, les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1995066/fletan-groenland-turbot-peche-declin-rarete">débarquements</a> sont six fois plus bas pour les pêcheurs par rapport à l’année dernière. </p>
<p>Mais d’autres espèces profitent de la situation. C’est le cas du flétan de l’Atlantique, qui accuse des niveaux record aujourd’hui. </p>
<p>À quoi sont dus ces changements ? Et peut-on les prédire ?</p>
<p>Doctorante en biologie à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), je tente d’apporter des pistes de réponses à ces questions dans le cadre de mes travaux de recherche.</p>
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<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><strong><em>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/fleuve-saint-laurent-116908">Le Saint-Laurent en profondeur</a></em></strong>
<br><em>Ne manquez pas les nouveaux articles sur ce fleuve mythique, d'une remarquable beauté. Nos experts se penchent sur sa faune, sa flore, son histoire et les enjeux auxquels il fait face. Cette série vous est proposée par La Conversation.</em></p>
<hr>
<h2>Une nouvelle technique de suivi de l’état de santé</h2>
<p>Les moyens permettant d’étudier l’état de santé d’un poisson – à l’échelle de l’individu – sont limités. D’une part, on peut calculer des indices à partir du poids et de la taille des individus. Mais ces derniers sont trop vagues et peu informatifs. </p>
<p>D’autre part, les biopsies effectuées sur les tissus des poissons, qui consistent à prendre une partie de leur muscle ou de leurs organes, impliquent une logistique coûteuse et complexe. Mine de rien, il faut aller récolter des échantillons en pleine mer et les ramener jusqu’au laboratoire ! Et c’est sans parler des considérations éthiques, puisqu’évidemment, le poisson doit être sacrifié.</p>
<p>De plus, ces méthodes sont peu sensibles pour détecter les stress induits par les changements environnementaux. Ils ne permettent pas non plus de détecter efficacement ces stress à des stades précoces, c’est-à-dire bien avant que les effets se manifestent. </p>
<p>Pourtant, dans un contexte où l’abondance de certaines espèces décline rapidement, une analyse de leur état de santé globale est nécessaire. Heureusement, un nouvel outil est en cours de développement : le <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-023-32690-6">microbiome circulant</a>. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/551779/original/file-20231003-15-6ou9xh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="virus dans le sang" src="https://images.theconversation.com/files/551779/original/file-20231003-15-6ou9xh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551779/original/file-20231003-15-6ou9xh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551779/original/file-20231003-15-6ou9xh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551779/original/file-20231003-15-6ou9xh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551779/original/file-20231003-15-6ou9xh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551779/original/file-20231003-15-6ou9xh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551779/original/file-20231003-15-6ou9xh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">On pense souvent, à tort, que le sang est stérile.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Une pratique méconnue</h2>
<p>Le microbiome circulant est un biomarqueur, soit un signal d’alarme qu’on peut détecter chez les poissons avant même que leur santé ne commence à dégrader. Un bon biomarqueur est sensible, facile à échantillonner et peu coûteux. </p>
<p>L’analyse du microbiome circulant, constitué de l’ADN des bactéries que l’on retrouve dans le sang, est directement inspirée de <a href="https://theconversation.com/ladn-circulant-une-nouvelle-arme-simple-et-rapide-dans-le-diagnostic-et-le-suivi-des-cancers-206786">ce qui est réalisé en médecine chez l’humain</a>. Et il regorge d’informations. </p>
<p>Il permet notamment de détecter des anomalies découlant de l’effet d’un facteur de stress sur l’organisme ou du développement d’une maladie. </p>
<p>Des changements de l’environnement sont aussi détectables à partir de l’étude du microbiome circulant. Mais ici émerge un problème majeur – un poisson, ce n’est pas un humain. L’humain est tellement étudié, que les connaissances sur sa santé pavent la voie à un nombre infini de recherches. Or, l’échantillonnage du sang des poissons n’est pas une pratique courante. Tout reste donc à faire pour estimer leur santé. </p>
<p>L’analyse du microbiome circulant chez le poisson n’ayant jamais été étudiée auparavant, nous avons beaucoup de pain sur la planche afin de mettre la technique au point.</p>
<h2>Des traces de bactéries dans le sang ?</h2>
<p>Comme le sang circule dans tout l’organisme, il est notamment en contact avec des bactéries qui composent les autres microbiomes (intestinal, oral, dermique). Tant chez le poisson que chez l’humain, ces derniers sont essentiels à la bonne santé. </p>
<p>Lorsqu’on analyse l’ADN bactérien dans le sang, il est donc possible de retrouver des bactéries de l’intestin, de la bouche, ou de la peau. Mais l’hypothèse que ce soient des bactéries propres au sang ne peut pas non plus être totalement écartée. </p>
<p>Alors que certains croient que le sang est stérile, et donc qu’il ne contient aucune bactérie, on sait depuis les années 70 que cette hypothèse est fausse – elle a même été confirmée <a href="https://doi.org/10.1128/jcm.39.5.1956-1959.2001">dans les années 2000 par des études génomiques</a>. Il se pourrait même que le microbiologiste hollandais Antonie Van Leeuwenhoek ait observé des bactéries dans le sang de saumon en <a href="https://doi.org/10.3389/fcimb.2019.00148">1674 au microscope</a>. </p>
<p>Aujourd’hui, on peut analyser ces bactéries en détail en ciblant un gène bactérien bien particulier, le gène de l’ARN ribosomal 16S. Présent chez toutes les bactéries du monde, ce gène varie légèrement d’une espèce à une autre. Il permet ainsi d’identifier et d’analyser la biodiversité du microbiome. </p>
<h2>Je mange, donc je suis</h2>
<p>Nos travaux récents ont permis de caractériser, pour la première fois, les <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-023-32690-6">microbiomes circulant du turbot et du flétan</a>. Nous avons notamment démontré que les deux espèces de poissons ont des microbiomes circulants dominés par la présence des espèces <em>Pseudoalteromonas</em> et <em>Psychrobacter</em>. Ces bactéries sont connues pour coloniser les milieux froids, par exemple le fond du Saint-Laurent qui avoisine les 5 °C. Elles sont également connues pour produire des composés bioactifs (des antibactériens et des antifongiques). Elles sont plus tenaces que les autres bactéries. </p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/551768/original/file-20231003-29-qhulgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="personne avec des gants bleus tient un poisson" src="https://images.theconversation.com/files/551768/original/file-20231003-29-qhulgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551768/original/file-20231003-29-qhulgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551768/original/file-20231003-29-qhulgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551768/original/file-20231003-29-qhulgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551768/original/file-20231003-29-qhulgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551768/original/file-20231003-29-qhulgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551768/original/file-20231003-29-qhulgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Flétan du Groenland.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Fanny Fronton)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Cependant, on observe des différences entre les deux espèces. Le turbot a plus de bactéries appelées <em>Vibrio</em>, dont certaines métabolisent la chitine, molécule qui compose les carapaces d’invertébrés dont il se nourrit. Le flétan, quant à lui, présente davantage de bactéries <em>Acinetobacter</em>, typique de régimes piscivores dans les microbiomes intestinaux. Le microbiome circulant chez ces deux espèces de poissons semble donc influencé par les bactéries de l’intestin, comme c’est le cas chez l’humain. On pourrait donc potentiellement lier un microbiome sanguin au régime alimentaire du poisson, qui est souvent difficile à estimer. </p>
<h2>Une technique embryonnaire, mais prometteuse</h2>
<p>Cette première cartographie bactérienne du sang de ces deux espèces reflète donc probablement leur microbiome intestinal respectif. À partir de cette caractérisation, une simple détection d’une variation de la composition des bactéries pourrait être reliée à un stress, à un changement de l’environnement ou à un changement physiologique de l’animal. </p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/540859/original/file-20230802-23891-ctgz3u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="bande dessinée" src="https://images.theconversation.com/files/540859/original/file-20230802-23891-ctgz3u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540859/original/file-20230802-23891-ctgz3u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=907&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540859/original/file-20230802-23891-ctgz3u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=907&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540859/original/file-20230802-23891-ctgz3u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=907&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540859/original/file-20230802-23891-ctgz3u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1140&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540859/original/file-20230802-23891-ctgz3u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1140&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540859/original/file-20230802-23891-ctgz3u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1140&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Bande dessinée illustrant le principe de l’analyse du microbiome circulant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Fanny Fronton)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Par exemple, on sait que chez l’humain, la perte d’<em>Actinobacteria</em> dans le microbiome circulant est associée à une <a href="https://doi.org/10.3389/fcimb.2018.00005">pancréatite</a> aiguë sévère. Et des exemples comme celui-ci, il en existe des dizaines chez l’humain.</p>
<p>Cette étude, issue d’une collaboration entre des chercheurs universitaires de l’INRS, de l’Université du Québec à Rimouski et le ministère Pêches et Océans Canada, donne un petit aperçu du potentiel informatif qu’offriraient les microbiomes sanguins des poissons de notre golfe. </p>
<p>Des recherches plus poussées permettront d’estimer leur santé, et de mieux prédire l’évolution de leur population. L’effondrement dramatique du stock de la morue des années 80 a beaucoup marqué les pêcheurs. Plusieurs d’entre eux redoutent même que cette situation se reproduise avec une autre espèce. Comme le turbot reste une espèce à risque, il est primordial d’assurer une meilleure gestion des espèces du Saint-Laurent. </p>
<p>Ce n’est qu’en peaufinant nos techniques d’analyse et en approfondissant nos connaissances scientifiques que l’on pourra éviter que ce type d’effondrement ne se reproduise dans le futur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210942/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fanny Fronton a reçu des financements de la Bourse Armand Frappier. </span></em></p>Non, le sang n’est pas stérile. Et analyser les bactéries qui s’y trouvent pourrait permettre d’évaluer la santé des poissons et d’éviter l’effondrement de leurs populations.Fanny Fronton, Doctorante en Écologie halieutique et biologie moléculaire, Institut national de la recherche scientifique (INRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2105932023-09-10T14:55:52Z2023-09-10T14:55:52Z« L’envers des mots » : Aquaponie<p><a href="https://www.ladepeche.fr/2022/05/10/larousse-2023-Covid-long-wokisme-grossophobie-les-nouveaux-mots-qui-entrent-dans-le-dictionnaire-10286397.php">Entré dans le dictionnaire en 2023</a>, le mot aquaponie est dérivé des termes latins <em>aqua</em>, qui signifie « eau », et <em>ponie</em>, qui veut dire « travail ». Son sens littéral est donc de faire travailler l’eau pour produire. Il s’agit d’un système de production agricole combinant production d’animaux aquatiques (poissons, crustacés…) et de plantes. <a href="https://projetapiva.wordpress.com/">L’aquaponie</a> s’inspire de techniques millénaires comme les chinampas de Mésoamérique – où des jardins flottants délimités par des poteaux sont créés sur des lacs – ou encore la rizi-pisciculture chinoise – où des poissons sont mis à grandir dans les rizières pendant leur période inondée.</p>
<p>Sous l’impulsion de chercheurs anglo-saxons, <a href="https://www.milkwood.net/2014/01/20/aquaponics-a-brief-history/">l’aquaponie</a> refait surface dans les années 1970 <a href="https://thefishsite.com/articles/the-godfather-of-aquaponics-james-rakocy-creating-ecosystems">sous une forme modernisée</a> et combine aujourd’hui la production de plantes en <a href="https://theconversation.com/lumiere-artificielle-et-plantations-hors-sol-les-nouvelles-methodes-des-agriculteurs-urbains-105676">hydroponie</a>, c’est-à-dire sans substrat ou dans un substrat neutre, et la production d’animaux aquatiques, majoritairement des poissons. Ce système repose sur un écosystème en trois parties :</p>
<ul>
<li><p>Les poissons sont nourris par des aliments adaptés et produisent des déjections qui sont filtrées et minéralisées par un compartiment bactérien tandis que la partie solide est utilisée pour fertiliser des champs.</p></li>
<li><p>Puis, l’eau contenant les minéraux quitte le compartiment des bactéries pour rejoindre le compartiment des plantes qui sont nourries par ces minéraux.</p></li>
<li><p>Enfin, l’eau nettoyée de ses minéraux peut ensuite rejoindre le compartiment des poissons ou partir irriguer d’autres cultures selon que le système est ouvert ou fermé.</p></li>
</ul>
<p>Dans <a href="https://theconversation.com/fr/topics/aquaculture-38039">l’aquaculture</a> classique, l’eau se charge en éléments riches en azote issus des déjections et finit par devenir toxique pour les poissons. Elle doit donc être régulièrement renouvelée alors qu’en aquaponie, les plantes vont jouer le rôle de filtre et purifier cette eau ce qui permet de l’économiser.</p>
<p>Le choix des poissons élevés est guidé par les températures de la région et peut varier selon les saisons. Les espèces communément élevées en France sont la truite arc-en-ciel, le saumon, le sandre, l’esturgeon et l’anguille. D’autres productions existent comme la crevette d’eau douce. Le tilapia n’est pas autorisé en France mais est largement élevé dans d’autres pays.</p>
<hr>
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<a href="https://theconversation.com/agriculture-urbaine-en-france-le-jeu-des-sept-familles-107381">Agriculture urbaine en France, le jeu des sept familles</a>
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<p>Pour la production des plantes en hydroponie, on retrouve plusieurs systèmes généralement sous serre : les rafts où les plantes sont positionnées dans des trous sur des plaques qui flottent sur l’eau, des gouttières (horizontales ou verticales) dans lesquelles circule en permanence l’eau, un substrat neutre (laine de roche, billes d’argile expansé, graviers de roche volcanique…) qui n’apportent aucun élément nutritif mais permettent à la plante de développer ses racines.</p>
<p>Dans tous les cas, il faut que les racines des plantes soient à la fois en contact avec l’eau et ses nutriments et aérées pour un bon apport d’oxygène. Les plantes ont parfois besoin de fertilisation complémentaire, en particulier si l’on cherche à produire des légumes comme les tomates, contrairement à la salade ou au basilic. La production de plantes se fait sans pesticides car on ne peut prendre le risque d’impacter les poissons ou les bactéries. Par contre, il est possible d’introduire des animaux auxiliaires (pollinisateurs, prédateurs ou parasites des ravageurs de cultures).</p>
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<p>L’aquaponie permet donc d’économiser de l’eau pour les poissons et les plantes. Elle est particulièrement adaptée à des situations où le manque d’eau est important. Des systèmes existent à différentes échelles, d’une production domestique à des <a href="https://bigh.farm/">fermes industrielles</a>. Actuellement, c’est également une production qui se développe dans ou à proximité des villes. Cependant la rentabilité économique de ces systèmes n’est pas toujours garantie. Ils font l’objet de multiples recherches à travers le monde en particulier pour améliorer la recirculation de l’eau, produire de nouvelles espèces animales et végétales et limiter sa consommation d’énergie.</p>
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<p><em>Cet article s’intègre dans la série <strong>« L’envers des mots »</strong>, consacrée à la façon dont notre vocabulaire s’étoffe, s’adapte à mesure que des questions de société émergent et que de nouveaux défis s’imposent aux sciences et technologies. Des termes qu’on croyait déjà bien connaître s’enrichissent de significations inédites, des mots récemment créés entrent dans le dictionnaire. D’où viennent-ils ? En quoi nous permettent-ils de bien saisir les nuances d’un monde qui se transforme ?</em></p>
<p><em>De <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-validisme-191134">« validisme »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-silencier-197959">« silencier »</a>, de <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-bifurquer-191438">« bifurquer »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-degenrer-191115">« dégenrer »</a>, nos chercheurs s’arrêtent sur ces néologismes pour nous aider à mieux les comprendre, et donc mieux participer au débat public.</em></p>
<p><em>À découvrir aussi dans cette série :</em></p>
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<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-quantique-196536"><em>« L’envers des mots » : Quantique</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-agnotologie-207441"><em>« L’envers des mots » : Agnotologie</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-neuromorphique-195152"><em>« L’envers des mots » : Neuromorphique</em></a></p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/210593/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Agnès Lelièvre est membre de l'Association Française d'Agronomie et de la Société Régionale d'Horticulture de Montreuil. Elle a reçu des financements de l'Union Européenne pour sa participation à des projets de recherche européens. </span></em></p>Derrière le terme « aquaponie », entré au dictionnaire en 2023, se cache un système de production agricole permettant des économies d’eau. Explications.Agnès Lelièvre, Maître de conférences en agronomie, AgroParisTech – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2067782023-05-31T16:21:40Z2023-05-31T16:21:40ZPodcast « Zootopique » : Stressé comme un poisson dans l’eau<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/529313/original/file-20230531-23-2p7b3q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C0%2C3967%2C2982&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les poissons sont soumis à de nombreux stress, notamment à cause du changement climatique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/ePvBOHsAA54">Jean Wimmerlin/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><iframe src="https://embed.acast.com/7f7f5b1b-ba8f-4be1-833e-f8c62a47f850/64760bff28633f0011d95c3d" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<p>« Zootopique » est une série de podcasts réalisés en partenariat avec l’Anses (Agence nationale sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) qui interroge nos relations avec les animaux au prisme de la santé. Après une première saison portant sur des thèmes aussi variés que le déclin des abeilles ou les maladies portées par les moustiques et les tiques, nous vous proposons une deuxième saison.</p>
<p>Pour ce deuxième épisode, Morgane Danion, chargée de projets scientifiques en immuno-écotoxicologie dans l’unité VIMEP de l’Anses et Thierry Morin, responsable de l’unité de virologie, immunologie et écotoxicologie des poissons à l’Anses font le point sur la santé des poissons. </p>
<p>Entre pollutions, virus et changement climatique, comment se portent-ils ? Quelles sont les espèces les plus menacées ? Que faire pour les protéger ?</p>
<p>Alors, stressé comme un poisson dans l’eau ?</p>
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<p><em>Crédits : Conception : Anses et The Conversation France. Réalisation : <a href="https://www.moustic-studio.com/">Moustic Studio</a>. Animation : Benoît Tonson.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206778/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Entre pollutions, virus et changement climatique comment se portent les poissons ? Que faire pour les protéger ?Thierry Morin, Responsable de l’unité de virologie, immunologie et écotoxicologie des poissons, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)Benoît Tonson, Chef de rubrique Science + Technologie, The Conversation FranceMorgane Danion, Chargée de projets scientifiques en immuno-écotoxicologie, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2039572023-04-26T17:13:13Z2023-04-26T17:13:13ZSushi, ceviche… Comment éviter l'infection par ces vers qui parasitent le poisson cru<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/521267/original/file-20230417-20-7pujer.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=43%2C114%2C1440%2C939&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le poisson cru est souvent parasité par l'anisakis, petit vers rond et blanc.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/living-anisakis-worm-just-found-on-1142197133">WH_Pics/Shutterstock</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>De plus en plus, la consommation de poissons, calmars et poulpes crus se développe alors que sushis japonais, poke hawaïen et autres ceviches péruviens gagnent nos tables. Or ces plats ne sont pas sans risque puisqu’ils peuvent nous exposer aux divers parasites véhiculés par ces animaux lorsqu’ils sont insuffisamment cuits…</p>
<p>Ce problème n’est pas à prendre à la légère. Chaque année, près d’une personne sur dix est atteint d'« anisakiase » après avoir consommé de tels aliments contaminés. Plus précisément, l’Organisation mondiale de la santé estime que quelque 56 millions de cas <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0020751905002766">d’infections parasitaires sont associées à la consommation de produits de la pêche</a> chaque année.</p>
<p>Aujourd’hui, l’anisakiase est donc un problème de santé émergent à l’échelle mondiale. Elle est également une préoccupation économique, en raison des potentiels effets négatifs sur la confiance des consommateurs et des problèmes commerciaux associés aux produits de la pêche infestés.</p>
<h2>Les vers qui nous parasitent</h2>
<p>Parmi les parasites transmis par les poissons, trois grands groupes sont capables de nous infecter : les vers plats, les vers à tête épineuse (acanthocéphales) et les vers ronds (nématodes).</p>
<p>Les infections par un opisthorchidé, une famille de vers plats, sont les plus fréquemment diagnostiquées, mais il se retrouve principalement en <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33158552/">Asie de l’Est et du Sud-Est</a>. Son impact au niveau mondial est donc moindre que celui de certains nématodes de la famille des <em>Anisakidae</em>. Les espèces des genres <em>Anisakis</em>, <em>Pseudoterranova</em> et <em>Contracaecum</em> sont ainsi au cœur d’une grande partie des préoccupations médicales.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/podcast-tous-parasites-202537">Podcast : Tous parasités ?</a>
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<p>En particulier, l’<a href="https://www.msdmanuals.com/fr/professional/maladies-infectieuses/n%C3%A9matodes-vers-ronds/anisakiase">anisakiase</a> (ou anisakidose), causée par des larves de nématodes appartenant au genre <em>Anisakis</em>, est considérée comme la principale menace pour la santé humaine. Chaque année, sur tous les continents, d’innombrables cas sont décrits, qui sont liés notamment à l’augmentation de la consommation de certains produits comme les sushis ou les sashimis.</p>
<p>Rien qu’au Japon, où il est traditionnel et courant de manger ces plats à base de poisson cru et de fruits de mer, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9514333/">l’incidence annuelle moyenne</a> de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33025215/">l’anisakiase</a> dépasse les 7 000 cas cliniques.</p>
<h2>Le long chemin du ver jusqu’à notre estomac</h2>
<p>Comment se retrouve-t-on atteint d’anisakiase ? La réponse réside dans la compréhension du cycle de vie du parasite.</p>
<p>Le genre <em>Anisakis</em> comprend <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7550275/">neuf espèces</a>, dont trois (<em>A. simplex</em>, <em>A. pegreffii</em> et <em>A. physeteris</em>) ont été confirmées comme pathogènes zoonotiques pour l’homme. Ces nématodes parasitent un large éventail d’organismes marins et leur cycle de vie inclut les <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-022-17710-1">dauphins, les baleines, les phoques et d’autres mammifères en tant qu’hôtes finaux</a>, ainsi que les poissons et les céphalopodes (poulpes, etc.) en tant qu’hôtes intermédiaires.</p>
<p>Les vers adultes se trouvent initialement dans la muqueuse de l’estomac des mammifères marins, où ils se reproduisent. Les œufs du parasite sont ensuite expulsés par les fèces de l’animal et vont se développer dans l’eau de mer. Désormais sous forme de larve, les nématodes vont infecter des crustacés (krill). Lorsque ces crustacés sont la proie de poissons ou de calmars, le parasite (sous forme de larve toujours, mais de troisième stade) peut gagner les intestins du prédateur et s’enkyster à la surface de ses organes, puis dans sa musculature.</p>
<p>Et c’est là que nous intervenons : nous pouvons devenir un hôte accidentel du parasite en mangeant des céphalopodes ou du poisson cru ou insuffisamment cuit, ou même fumé, salé ou saumuré, contenant des <a href="https://www.cdc.gov/parasites/anisakiasis/biology.html">larves d’<em>Anisakis</em> (du troisième stade)</a>. Une fois ingérées, ces dernières s’installent dans notre estomac et notre intestin grêle.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521624/original/file-20230418-26-ac0dtu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521624/original/file-20230418-26-ac0dtu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521624/original/file-20230418-26-ac0dtu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521624/original/file-20230418-26-ac0dtu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521624/original/file-20230418-26-ac0dtu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521624/original/file-20230418-26-ac0dtu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=973&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521624/original/file-20230418-26-ac0dtu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=973&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521624/original/file-20230418-26-ac0dtu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=973&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Cycle de vie du ver Anisakis, parasite responsable de l’anisakiase.</span>
<span class="attribution"><span class="source">CDC/Alexander J. da Silva/Melanie Moser (PHIL #3378), 2002</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Urticaire, douleurs d’estomac et vomissements</h2>
<p>Une fois chez nous, le parasite est piégé… Il ne peut plus se reproduire, mais peut survivre pendant une courte période et provoquer l’anisakiase. La maladie, <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/BIORISK2016SA0071Fi.pdf">qui varie de légère à grave selon la personne infectée</a>, peut se manifester par des troubles gastriques, intestinaux et abdominaux, des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25039016/">manifestations allergiques (quatorze allergènes ont été décrits)</a> et même un choc anaphylactique. L’infection peut s’installer en dehors de l’appareil gastro-intestinal, mais ce phénomène est rare.</p>
<p>Les symptômes les plus typiques de l’anisakiase gastrique comprennent des douleurs abdominales, des nausées et des vomissements dans les heures qui suivent l’ingestion des larves. L’atteinte de l’intestin grêle est moins fréquente, mais lorsqu’elle se produit, elle peut entraîner une inflammation massive et des symptômes subaigus, similaires à ceux de la maladie de Crohn, qui se développent une à deux semaines plus tard.</p>
<p>En outre, certains travailleurs de l’industrie de la pêche, cuisiniers et autres professionnels qui manipulent régulièrement du poisson peuvent souffrir d’anisakiase allergique professionnelle. Dans ce cas, l’ingestion de larves ou l’exposition orale au parasite n’est pas nécessaire pour que la maladie se manifeste : la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28429304/">sensibilisation se fait par l’intermédiaire des protéines d’<em>Anisakis</em></a> qui entrent en contact avec leur peau ou leurs voies respiratoires.</p>
<p>Le pronostic global de l’anisakiase est positif. La plupart des infections sont limitées et disparaissent spontanément après plusieurs semaines. La transmission de personne à personne n’est pas possible.</p>
<h2>Ceviche, sashimi et anchois marinés</h2>
<p>Le saumon, le thon, le calmar, la morue, le merlu, le maquereau, le chinchard, le merlan bleu, les sardines et les anchois font partie des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0078323422000446">espèces les plus fréquemment parasitées</a>.</p>
<p>Plus de 90 % des cas d’anisakiase dans le monde sont signalés au Japon, et la plupart des 10 % restants dans des pays tels que l’Espagne, l’Italie, les États-Unis (Hawaï), les Pays-Bas et l’Allemagne. Il s’agit de régions où l’on consomme traditionnellement des plats de poisson cru ou insuffisamment cuit, tels que le sushi et le sashimi, le ceviche et le carpaccio, les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0034528823000607">anchois marinés ou saumurés</a>, le saumon lomi-lomi à la hawaïenne et le hareng salé. (<em>En France, une <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/BIORISK2016SA0071Fi.pdf">étude de 2016 estimait le nombre de cas à 10 par an en moyenne (contre 20 en Espagne, etc. ou un pic à 30 cas décrits en Italie en 2005)</a>, avec un développement en cours notamment au niveau des allergies. Il n’y a pas encore de système de surveillance épidémiologique, ndlr</em>)</p>
<h2>Comment se débarrasser du parasite</h2>
<p>Peut-on éviter de contracter l’anisakiase ? Les mesures préventives sont essentielles pour contrôler la maladie, et certaines permettent de minimiser le problème. Tout d’abord, bien que les vers résistent au marinage et au fumage, la cuisson à des températures supérieures à 63 °C détruit les larves. Une température atteinte en les faisant frire, cuir au four ou griller.</p>
<p>L’Espagne, qui fait partie des pays les plus concernés en Europe, son <a href="https://www.aesan.gob.es/AECOSAN/web/seguridad_alimentaria/subdetalle/anisakis.htm">Agence pour la sécurité alimentaire et la nutrition</a> signale que les préparations traditionnelles de produits de la pêche (friture, cuisson au four, grillade) inactivent le parasite, car elles permettent d’atteindre une température de 60 °C pendant au moins une minute.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Les <a href="https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Vie-pratique/Fiches-pratiques/Conservation-des-aliments#:%7E:text=Les%20semi%2Dconserves%20sont%20des,doivent%20%C3%AAtre%20stock%C3%A9es%20au%20froid.">semi-conserves (en récipients étanches et pasteurisées, salées, séchées, etc.)</a>, comme pratiquées sur les anchois, les morues… impliquent des processus qui tuent le parasite.</p>
<p>Une autre solution courante est la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32247867/">congélation</a>, car les larves sont détruites lorsqu’elles sont soumises à une température de -20 °C pendant sept jours, ou de -35 °C pendant plus de 15 heures. Si votre réfrigérateur a moins de 3 étoiles, il est par contre prudent d’acheter du poisson congelé.</p>
<p>Dans certains pays, pour accroître la sécurité alimentaire des consommateurs, les sushis préparés commercialement sont même congelés avant d’être mis en vente.</p>
<p>En outre, il est préférable de procéder à une inspection visuelle du foie, des gonades et de la cavité viscérale des poissons éviscérés, ainsi qu’à une inspection des filets de poisson. Les législations européennes exigent que les produits de la pêche montrant des parasites visibles ne soient pas mis en vente. Il est conseillé d’acheter des poissons propres et éviscérés.</p>
<p>Tous les fruits de mer ne sont pas soumis aux mêmes astreintes. Les huîtres, moules, palourdes, coquillages et autres mollusques bivalves, ainsi que les poissons provenant des eaux intérieures (rivières, lacs, marais…) et des piscicultures d’eau douce, comme les truites et les carpes, ne nécessitent pas de congélation.</p>
<p>De même, les poissons issus de l’aquaculture peuvent être exemptés de l’obligation de congélation, à condition qu’ils aient été élevés à partir d’embryons obtenus en captivité, qu’ils aient été nourris avec des aliments exempts de parasites zoonotiques et qu’ils aient été maintenus dans un environnement exempt de parasites viables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203957/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raúl Rivas González ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Notre consommation croissante de sushi, poke, ceviche et autres plats à base de poisson cru augmente le risque d’anisakiase. Comment se prémunir contre le petit ver parasite qui la cause ?Raúl Rivas González, Catedrático de Microbiología. Miembro de la Sociedad Española de Microbiología., Universidad de SalamancaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2025742023-04-19T16:57:39Z2023-04-19T16:57:39ZAlimentation : les enjeux de l’affichage environnemental, ou ce que la morue nous enseigne<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/518138/original/file-20230329-20-57i54v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C11%2C1908%2C1905&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En plus du Nutri-score, nos aliments devraient bientôt afficher un score environnemental.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/Gk8LG7dsHWA">Tara Clark/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Dans les mois à venir, les pouvoirs publics devront définir les règles d’affichage environnemental pour les industriels de l’alimentation, selon un mode inspiré du Nutri-score (5 notes de A à E et un code couleur du vert au rouge). L’enjeu est d’orienter vers plus de durabilité environnementale.</p>
<p>Devant la complexité des enjeux, les ministères en charge de l’écologie et de l’agriculture ont lancé une expérimentation permettant de proposer et tester des options méthodologiques de cet affichage. </p>
<p>Son cadre d’ensemble est néanmoins contraint d’autorité : elle doit en effet s’inscrire dans le schéma général du <em>Product Environmental Footprint</em>, fondé sur une analyse de cycle de vie censé permettre d’évaluer l’impact de tout produit vendu dans l’Union européenne.</p>
<p>Mais appliquer un cadre analytique conçu pour des objets industriels (comme un aspirateur) à un système alimentaire fondé sur le vivant peut conduire à de graves erreurs d’interprétation.</p>
<p>Nous l’illustrons ici en nous appuyant sur le cas de la pêche de la morue en Terre-Neuve, et en y appliquant par la pensée l’ACV/kg pour en évaluer la durabilité.</p>
<h2>La dramatique histoire de la morue de Terre-Neuve</h2>
<p>L’effondrement de la population de morues pêchées au large de Terre-Neuve (Canada) au début des années 1990 est largement documenté.</p>
<p>Historiquement, cette zone de pêche était parmi les plus « productives » pour la morue. De 1500 au début du XX<sup>e</sup> siècle, une pêche artisanale assurait des prises estimées entre 150 000 à 200 000 tonnes annuelles, permettant une consommation dans toute l’Europe. Les techniques de l’époque ne permettaient pas de pêcher en profondeur ou dans certaines zones éloignées des côtes, ce qui était compatible avec une durabilité écologique des ressources halieutiques.</p>
<p>La dynamique change radicalement dans la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle avec le développement de la motorisation et celui des radars et sonars, qui permettent d’aller plus loin et d’augmenter la précision des prises en localisant les bancs de poissons. En moins de 20 ans, les prises totales sont multipliées par 3 à 4 pour culminer à près de 800 000 tonnes en 1968.</p>
<p>Un premier signal de surpêche sera donné au tournant des années 1970, avec des prises qui s’effondrent au niveau de la pêche préindustrielle. Le Canada instaure alors des quotas et limite l’accès aux pêcheurs étrangers. Ces mesures sont temporairement efficaces et conduisent à une reprise des volumes pêchés, conduisant le Canada à investir davantage dans les équipements modernes. La taille et l’âge des poissons diminuent, mais les tonnages augmentent à nouveau.</p>
<p>L’issue est dramatique : les prises s’effondrent en quatre ans, pour devenir littéralement <em>inexistantes</em> en 1992. Deux causes écologiques se combinent : il n’y avait plus de femelles âgées, les plus prolifiques, pour assurer la reproduction ; et avec des filets qui capturaient toutes sortes de poissons, ceux dont se nourrissent les morues disparaissaient.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/517496/original/file-20230326-16-m0qh25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique ; la quantité des prises augmente doucement entre 1850 et 1955, puis augmente brutalement jusqu’à 1970 ; réaugmente un peu entre 1970 et 1992, puis tombe à zéro en 1992. Une infime reprise est visible autour des années 2000" src="https://images.theconversation.com/files/517496/original/file-20230326-16-m0qh25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517496/original/file-20230326-16-m0qh25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517496/original/file-20230326-16-m0qh25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517496/original/file-20230326-16-m0qh25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517496/original/file-20230326-16-m0qh25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517496/original/file-20230326-16-m0qh25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517496/original/file-20230326-16-m0qh25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution des quantités de morue pêchées au large de Terre-Neuve entre 1850 et 2005.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Surexploitation_morue_surp%C3%AAcheEn.jpg">Lamiot/Wikimedia</a></span>
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</figure>
<p>L’atteinte à l’écosystème a été si profonde que 30 ans après cette catastrophe écologique et socio-économique, la population reste quasi inexistante.</p>
<h2>Comprendre les enjeux de l’évaluation environnementale</h2>
<p>Revenons maintenant à notre objet : l’affichage environnemental de l’alimentation fondé sur une analyse de cycle de vie (ACV).</p>
<p>Une des premières difficultés de l’ACV est de définir ce qu’on appelle l’unité fonctionnelle, pour comparer des usages pertinents. Pour un aspirateur, cela peut être une quantité de poussière à aspirer par an. Pour la morue, on hésitera entre apporter un nombre de calories ou contribuer à une alimentation saine et équilibrée (auquel cas, et on commence à toucher du doigt une difficulté, on ne peut pas parler de la morue isolément, mais situé dans un régime alimentaire pris dans son ensemble).</p>
<p>La pratique de l’ACV pour l’alimentation a tranché ce point : on compare l’usage d’un kilo de nourriture, quelle que soit cette dernière. Ce qui revient à comparer l’impact environnemental d’un kilo de morue avec celui d’un kilo de tomate, ce qui est évidemment problématique et reconnu comme tel.</p>
<p>Cette simplification extrême de tout rapporter au kilo ne se justifie que pour des raisons de faisabilité, mais il est utile d’avoir à l’esprit ses limites.</p>
<h2>La morue terre-neuvaine au prisme d’une analyse de cycle de vie par kilo</h2>
<p>Appliquons maintenant ce raisonnement d’une ACV/kg à la morue terre-neuvaine au cours de son histoire.</p>
<p>Dans le cas d’une activité de pêche où on prélève dans un stock naturel, on n’a pas à considérer les impacts environnementaux de la « production » de morues. Le principal indicateur d’impact pour une ACV de la pêche sera donc la quantité de fuel utilisée annuellement : plus le ratio morue/kg de fuel sera élevé, meilleure sera la note ACV.</p>
<p>Avant le développement des moteurs diesel, les prises sont modestes au regard de ce qu’on prélèvera plus tard. Mais le dénominateur « fuel » étant nul, c’est sans doute la morue la plus durable que l’on puisse imaginer.</p>
<p>Une rupture s’opère au moment où la flotte s’équipe de moteurs diesel et où elle adopte des techniques de pêche plus efficaces. Cela a comme effet d’augmenter les prises à un rythme plus qu’exponentiel. Dans le même temps, les quantités de fuel consommées augmentent elles aussi, mais bien moins que les prises. On peut donc supposer que de 1960 à 1970, l’ACV/kg de morue s’est <em>améliorée</em>, pour connaître un pic d’efficacité juste avant le premier effondrement de la population.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Le filet d’un chalutier est en train d’être rapproché du navire pour être remonté ; les poissons s’agitent par milliers dans l’eau" src="https://images.theconversation.com/files/518141/original/file-20230329-20-c5dqfp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518141/original/file-20230329-20-c5dqfp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518141/original/file-20230329-20-c5dqfp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518141/original/file-20230329-20-c5dqfp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518141/original/file-20230329-20-c5dqfp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518141/original/file-20230329-20-c5dqfp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518141/original/file-20230329-20-c5dqfp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un chalutier moderne permet de maximiser le rendement tonnage de poissons pêchés par tonnage de fuel consommé.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Trawlers_overfishing_cod.jpg">Asc1733/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’épilogue de la période 1970-1992 ne change hélas pas la conclusion, l’équipement de la flotte canadienne en matériel plus moderne accélérant l’effondrement total.</p>
<h2>Du kilo à l’analyse écologique d’un système alimentaire</h2>
<p>Quels enseignements tirer de cette histoire et de sa lecture sous l’angle de l’ACV/kg ?</p>
<p>Les premiers sont spécifiques au secteur de la pêche, à commencer par l’inadaptation conceptuelle fondamentale d’une ACV/kg pour la gestion d’une ressource halieutique. Le détour par le kilogramme n’apporte aucune information scientifique, même s’il est clair qu’<em>in fine</em> on consomme un kilo de poisson.</p>
<p>L’indicateur pertinent devrait être le statut de la population dans un lieu de pêche, en fonction des pratiques à l’œuvre. Et la question clé : ce poisson provient-il d’un système de pêche durable ?</p>
<p>Un deuxième enseignement, lié au précédent, procède du cadrage de ce qu’on mesure. Raisonner en termes d’efficacité énergétique ou de production de gaz à effet de serre revient à sortir du champ d’analyse la destruction des fonds marins et celle d’autres espèces non valorisées. Autrement dit, à considérer qu’il est « bénéfique » de pêcher un kilo de morue de manière très efficace, même si d’autres poissons sont détruits.</p>
<p>On peut élargir les enseignements à l’agriculture et à l’élevage, qui mobilisent de l’espace et des ressources potentiellement polluantes. L’ACV/kg conduit à considérer que les systèmes agricoles ayant l’impact environnemental le plus faible sont les plus intensifs à l’hectare, car ils produisent beaucoup de kg au total.</p>
<p>Considérons le cas du poulet : celui conduit sur un mode industriel est très « efficace », car il est abattu jeune et est nourri avec des aliments très élaborés, issus de pratiques intensives. Sous le prisme de l’ACV/kg, c’est logiquement la viande préférable sur le plan environnemental. Or, s’il est pourtant une production animale dont l’essor global a un impact majeur sur les écosystèmes, c’est assurément le poulet industriel !</p>
<p>Fondamentalement, l’approche est similaire à celle appliquée à la morue : un raisonnement fondé sur l’efficacité de la production/kg, indépendamment du volume <em>total</em> produit et minorant les autres impacts de production qui rentrent mal dans le cadre de l’ACV.</p>
<p>Ainsi, quid de l’incapacité à prendre en compte l’impact des pesticides (que veut dire « utiliser peu de pesticides/kg » si on produit beaucoup de kg sur peu d’espace ?) et le fonctionnement écosystémique des paysages (que veut dire « une complexité paysagère/kg » ?). On ne regarde qu’une performance unitaire, <a href="https://theconversation.com/agriculture-alimentation-environnement-sante-a-quand-des-politiques-enfin-coherentes-184097">pas la vision d’ensemble du système alimentaire</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une vague écossaise en train de fixer le photographe" src="https://images.theconversation.com/files/518145/original/file-20230329-16-cxai2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518145/original/file-20230329-16-cxai2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518145/original/file-20230329-16-cxai2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518145/original/file-20230329-16-cxai2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518145/original/file-20230329-16-cxai2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518145/original/file-20230329-16-cxai2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518145/original/file-20230329-16-cxai2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’élevage pastoral est bénéfique pour les écosystèmes… mais a une mauvaise note en ACV/kg.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/keVAik-kAVU">Charlie Parker/Unsplash</a></span>
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</figure>
<p>Enfin, le raisonnement en termes d’ACV/kg empêche de penser une contribution <em>positive</em> de certains systèmes agricoles : l’élevage pastoral extensif permet par exemple de conserver une biodiversité irremplaçable, <a href="https://inpn.mnhn.fr/docs/cahab/tome4_1.pdf">reconnue par la directive Habitats</a>. Pourtant, si l’on s’en tient à une ACV/kg, ce dernier est considéré comme le moins souhaitable.</p>
<h2>Dépasser l’ACV par kg et par produit</h2>
<p>Le risque de l’AVC/kg est donc double : qualifier des systèmes à fort impact environnemental, et disqualifier ceux qui contribuent positivement à la biodiversité.</p>
<p>Que ce soit pour la pêche ou l’agriculture, il faut donc établir la durabilité des modes de production, de manière spatialement définie, et évaluée globalement d’un point de vue écologique. La question fondamentale sera alors de savoir si les produits (la morue, le blé, le poulet…) issus de tels systèmes sont (ou non) produits de manière durable. On doit ainsi certifier en amont les modes de production, puis certifier sur cette base chaque kg d’aliment provenant de tel ou tel mode. Avec comme corollaire que les systèmes les plus durables seront souvent ceux qui produiront globalement moins par hectare.</p>
<p>On le voit, il y a un enjeu vital à reconsidérer les enjeux méthodologiques de l’affichage environnemental. Le risque n’est pas de donner des signaux imparfaits – c’est nécessairement le cas – mais bien d’accélérer la non-durabilité environnementale du système alimentaire dans son ensemble. </p>
<p>Des signaux nous alertent déjà sur des dysfonctionnements écologiques – pollinisateurs, vie des sols, disparition des auxiliaires de cultures –, invisibles aux ACV/kg. Pire, les systèmes les mieux évalués selon cette métrique sont ceux qui contribuent le plus à ces dysfonctionnements. Pensons à la morue que nous aurions achetée en 1968 ou 1990 sur la seule base d’une ACV/kg…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202574/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Xavier Poux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Proposer un affichage environnemental pour une consommation alimentaire plus durable paraît une idée séduisante. Cependant, la méthodologie officielle peut conduire à des contre-performances.Xavier Poux, agriculture, environnement, politiques publiques, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2024942023-04-04T17:21:36Z2023-04-04T17:21:36ZLes anguilles sont fascinantes – et nous devons cesser de les manger<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/519349/original/file-20230404-17-kzgto1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C1%2C994%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il est temps que tout le monde s’abstienne de manger, de servir ou de recommander l’anguille.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Peu d’animaux ont autant suscité la curiosité de l’humanité que l’anguille (<em>Anguilla anguilla</em>). Il n’y a pas si longtemps encore, ces poissons visqueux, glissants, incroyablement agiles et à forme de serpents peuplaient presque toutes les étendues d’eau d’Europe et d’Afrique du Nord, souvent en quantités extraordinaires. Et personne ne savait d’où ils venaient.</p>
<p><a href="https://www.pbs.org/wnet/nature/the-mystery-of-eels-book-excerpt-eels-by-james-prosek/8242/">D’Aristote à Linné</a>, les philosophes et les naturalistes ont été fascinés par l’apparente absence de reproduction de l’anguille. Comme personne n’avait pu observer d’organes sexuels ni d’œufs, les scientifiques ont fourni des explications diverses et inventives sur la provenance de cet animal.</p>
<p>Ce n’est qu’à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle que l’on a découvert l’origine marine de l’anguille. Le zoologiste italien <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Giovanni_Battista_Grassi">Giovanni Grassi</a> a constaté qu’un poisson marin en forme de feuille, appelé <em>Leptocephalus brevirostris</em>, était en réalité une anguille européenne à un stade juvénile. Grassi a observé que ces larves se métamorphosaient en civelles (alevin de l’anguille) lorsqu’elles arrivaient près des côtes, puis en anguilles jaunes. Les anguilles viennent donc de la mer. Mais la mer est très vaste.</p>
<p><a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Johannes_Schmidt/143546">Johannes Schmidt</a>, un biologiste danois, voulait trouver les zones de reproduction de l’anguille. Il avait constaté que les larves de leptocéphales variaient en taille et en avait déduit que plus elles étaient petites, plus elles étaient proches des zones de fraie. Schmidt a entrepris la tâche herculéenne de capturer et de mesurer des anguilles juvéniles dans tout l’Atlantique Nord et a <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/epdf/10.1098/rstb.1923.0004">publié ses résultats</a> il y a un siècle. Depuis cette publication phare, on suppose que l’anguille européenne se reproduit dans la mer des Sargasses.</p>
<p>Étonnamment, nous n’avons quasiment rien appris sur la reproduction des anguilles depuis 100 ans. Un <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-022-19248-8">rapport récent</a> sur leur migration de reproduction a été remarqué pour avoir fourni la première observation directe d’anguilles migrant vers la mer des Sargasses pour s’accoupler. Ces résultats ont confirmé la vision de Schmidt.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512262/original/file-20230224-1680-2wp8g9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512262/original/file-20230224-1680-2wp8g9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512262/original/file-20230224-1680-2wp8g9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512262/original/file-20230224-1680-2wp8g9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512262/original/file-20230224-1680-2wp8g9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=459&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512262/original/file-20230224-1680-2wp8g9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=459&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512262/original/file-20230224-1680-2wp8g9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=459&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Aguille européenne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Lluís Zamora)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Ces anguilles que l’on savoure</h2>
<p>Qu’ils connaissent ou non le mystérieux cycle de vie de l’anguille, les humains en ont toujours mangé. On retrouve régulièrement des restes d’anguilles dans les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277379108000735">sites archéologiques</a> de toute l’Europe. Elles étaient appréciées par les anciennes civilisations égyptienne, grecque et romaine.</p>
<p>Dans l’Angleterre médiévale, certains <a href="https://historiacartarum.org/eel-rents-project/">impôts étaient payés en anguilles</a>, ce qui nécessitait la livraison de millions de bêtes. Des <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/ecy.3783">documents historiques</a> des XVI<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup> siècles font état d’anguilles mesurant 80 cm et pesant 11 kg pêchées dans le centre de l’Espagne. L’anguille a fait l’objet d’une pêche à grande échelle dans plusieurs pays européens, comme dans le delta du Pô, en Italie, où l’on conserve des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/aqc.2701">données sur les captures d’anguilles</a> depuis 1780.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/515853/original/file-20230316-20-vpv8es.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Anguilles fumées" src="https://images.theconversation.com/files/515853/original/file-20230316-20-vpv8es.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/515853/original/file-20230316-20-vpv8es.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/515853/original/file-20230316-20-vpv8es.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/515853/original/file-20230316-20-vpv8es.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/515853/original/file-20230316-20-vpv8es.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=439&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/515853/original/file-20230316-20-vpv8es.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=439&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/515853/original/file-20230316-20-vpv8es.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=439&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Fumage de l’anguille. Exposition 2007 (Journées des pêcheurs – Visserij Dagen).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Eel_smoking.jpg">Labberté K.J./Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De nombreuses traditions culturelles se sont développées autour de l’anguille. Dans toute l’Europe, <a href="https://britishfoodhistory.com/tag/eels/">on la mange</a> frite, grillée, séchée, salée, fumée, bouillie et mijotée de diverses manières. On trouve des fêtes et des festivals de dégustation d’anguilles à divers endroits, comme la <a href="https://www.sagradellanguilla.it/">Sagra dell’Anguilla</a>, à Comacchio, en Italie, ou l’<a href="https://sv.wikipedia.org/wiki/%C3%85lagille">Ålagill</a>, en Suède.</p>
<p>Les habitants des zones côtières du golfe de Gascogne, et en particulier des régions basques, ont développé un goût pour la civelle (ou anguillette) qui ne s’est étendue que récemment à d’autres lieux en tant que mets gastronomique. La civelle fait également l’objet de fêtes gastronomique, comme celle célébrée début mars dans les <a href="https://www.asturiasdefiesta.es/xxxvi-festival-de-la-angula-en-la-arena-soto-del-barco-2023/jornadas-gastronomicas">Asturies</a>, en Espagne.</p>
<p>Nous avons pris goût à la consommation d’anguilles, mais tout cela doit cesser.</p>
<h2>L’effondrement de l’anguille</h2>
<p>L’anguille européenne a commencé un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/gcb.12972">déclin soudain</a> vers la fin des années 1970. Toutes les données montrent de manière cohérente que la <a href="https://ices-library.figshare.com/articles/report/Joint_EIFAAC_ICES_GFCM_Working_Group_on_Eels_WGEEL_and_Country_Reports_2020_2021/18620876?file=33399341">population actuelle d’anguilles n’est que l’ombre</a> de ce qu’elle était il y a quelques dizaines d’années.</p>
<p>De nos jours, moins de cinq civelles arrivent sur les côtes européennes pour cent qui y arrivaient dans la période de 1960 à 1979. La diminution des stocks reflète la perte de l’aire de répartition. Dans la <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1365-2664.12446">péninsule ibérique</a>, plus de 85 % de l’habitat de la civelle lui est désormais inaccessible en raison de la construction de barrages.</p>
<p>Le statut de conservation de l’anguille européenne est si mauvais qu’elle est aujourd’hui considérée comme une espèce en <a href="https://www.cms.int/fr/news/l%E2%80%99anguille-europ%C3%A9enne-reste-gravement-menac%C3%A9e-dans-la-derni%C3%A8re-liste-rouge-de-l%E2%80%99uicn">danger critique d’extinction</a>. Il s’agit de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Esp%C3%A8ce_en_danger_critique">catégorie extrême</a>, la dernière étape avant l’extinction. Toutes les autres espèces emblématiques de la conservation sur la planète (panda, koala, ours polaire) sont en meilleure posture que l’anguille. Parmi les autres espèces gravement menacées que l’on trouve en Europe figurent le <a href="https://www.iucnredlist.org/species/14018/45199861">vison d’Europe</a> et le <a href="https://www.iucnredlist.org/species/22728432/132658315">puffin des Baléares</a>. Ces deux espèces sont strictement protégées, et d’importants efforts de conservation sont mis en place pour les préserver.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512263/original/file-20230224-1701-9ewsb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512263/original/file-20230224-1701-9ewsb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=657&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512263/original/file-20230224-1701-9ewsb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=657&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512263/original/file-20230224-1701-9ewsb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=657&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512263/original/file-20230224-1701-9ewsb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=826&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512263/original/file-20230224-1701-9ewsb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=826&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512263/original/file-20230224-1701-9ewsb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=826&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Anguille européenne dans le fleuve Ter.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Lluís Zamora)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>On ne trouve pas de vison d’Europe ou de puffin des Baléares au menu des restaurants, pas plus qu’on ne les sert en grandes quantités dans les festivals gastronomiques. <a href="https://www.theguardian.com/environment/2023/mar/12/eels-endangered-species-calls-to-off-european-menu">Mais c’est le cas de l’anguille</a>. Nous sommes en train de dévorer l’anguille européenne jusqu’à son extinction.</p>
<h2>Arrêtons de manger des anguilles</h2>
<p>Les traditions culinaires et sociales associées à la consommation de l’anguille sont apparues à une époque où l’on pouvait satisfaire son appétit grâce à son abondante population. Ce n’est plus le cas depuis des décennies. Mais on maintient et même intensifie les habitudes comme si rien n’avait changé.</p>
<p>On n’a pas mis fin à la pêche à l’anguille malgré sa rareté croissante. Elle est devenue un aliment unique et <a href="https://www.tastingtable.com/828681/why-are-baby-eels-so-expensive/">excessivement cher</a>, de plus en plus recherché en raison de notre <a href="https://www.nature.com/articles/444555a">goût pour les produits rares</a>. Le <a href="https://journals.plos.org/plosbiology/article?id=10.1371/journal.pbio.0040415">cercle vicieux</a> qui fait en sorte que les espèces exploitées et en déclin ont une valeur économique accrue ne fait qu’engendrer une intensification de leur exploitation et accélérer leur déclin. On sait que cela peut mener à <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1755-263X.2008.00038.x">l’extinction de certaines espèces</a>. L’anguille semble être l’une d’entre elles.</p>
<p>Dans le contexte actuel, <a href="https://www.science.org/doi/full/10.1126/science.abj3359">l’exploitation durable des anguilles</a> n’est plus possible. Bien que l’on puisse se demander si la surpêche a joué le rôle principal dans le déclin de l’espèce, sa consommation est assurément l’un des plus gros obstacles à son rétablissement. Nous devons cesser de pêcher et de manger des anguilles, à la fois pour éviter leur extinction et pour permettre l’exploitation future d’une population d’anguilles en bonne santé.</p>
<p>Les recommandations des spécialistes visant à <a href="https://zientzia.eus/artikuluak/aingira-eta-angularik-ez-harrapatzeko-gomendatu-du/fr/">mettre fin à toute forme de pêche</a> à l’anguille devraient idéalement être mises en œuvre dans l’ensemble de l’aire de répartition de l’espèce et pendant une longue période (au moins une décennie).</p>
<p>Cependant, les responsables politiques de l’Union européenne, à tous les échelons, manquent de vision en la matière et ont décidé de ne pas interdire la pêche. Les administrations nationales et régionales tentent de contourner les restrictions timides et clairement insuffisantes imposées par l’UE et protègent la pêche à l’anguille.</p>
<p>En l’absence d’une interdiction décrétée par les autorités, les consommateurs et la communauté gastronomique devraient jouer un rôle important dans l’abandon de l’exploitation des anguilles. Les recettes à base d’anguille sont encore largement diffusées dans les médias et servies dans les restaurants chics. Je veux bien croire que les chefs et les journalistes gastronomiques ne sont pas au courant du statut critique de l’anguille et qu’ils soutiendraient un moratoire s’ils en étaient conscients. Il existe des cas où on a renoncé à l’anguille en tant qu’ingrédient culinaire, comme pour l’émission télévisée <a href="https://www.theguardian.com/lifeandstyle/2009/nov/01/eels-on-tv-menu-protest">Masterchef</a> au Royaume-Uni. </p>
<p>Il est temps que tout le monde s’abstienne de manger, de servir ou de recommander l’anguille.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202494/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Miguel Clavero Pineda bénéficie d'un financement pour ses travaux de recherche dans le cadre du projet SUMHAL, financé par le ministère espagnol de la Science et de l'Innovation, par l'intermédiaire des Fonds européens de développement régional (FEDER) : SUMHAL, LIFEWATCH-2019-09-CSIC-4, POPE 2014-2020.</span></em></p>Il ne viendrait à l’idée de personne de manger un animal en voie de disparition comme le lynx ibérique. Alors pourquoi mangeons-nous encore des anguilles ?Miguel Clavero Pineda, Científico titular CSIC, Estación Biológica de Doñana (EBD-CSIC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2007572023-03-02T20:00:32Z2023-03-02T20:00:32ZLes raies et les requins durement frappés par la dernière extinction de masse il y a 66 millions d’années<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/513183/original/file-20230302-764-kk77mi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C1960%2C3933%2C3032&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vue d'artiste de la Terre il y a 66 millions d'années.</span> <span class="attribution"><span class="source">Jorge Gonzalez</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>La dernière extinction de masse qui a frappé l’évolution de la vie a eu lieu il y a 66 millions d’années (Ma), marquant la limite Crétacé/Paléogène. Si cette crise biologique est connue pour avoir provoqué des extinctions dramatiques au niveau global et anéanti de grands groupes de vertébrés comme les dinosaures, les conséquences de cette extinction sur la biodiversité marine font encore l’objet d’intenses débats. Nous venons de publier une <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.abn2080">étude dans la revue <em>Science</em></a> s’intéressant à l’impact de cette crise sur la diversité des élasmobranches (requins et raies), un groupe majeur de vertébrés marins ayant traversé cette extinction de masse. Nos travaux indiquent que cette crise a été brutale et qu’elle a frappé les élasmobranches de façon hétérogène, tant au niveau des groupes touchés que de la distribution géographique des espèces.</p>
<p>Les estimations précédentes suggèrent que cette crise aurait éradiqué plus de <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-020-3003-4">40 % des genres et 55 à 76 % des espèces</a>. Cependant, un nombre croissant de données indique que l’ampleur de cet événement aurait varié selon les <a href="http://jgs.geoscienceworld.org/content/154/2/265">groupes</a>, les <a href="https://pubs.geoscienceworld.org/gsa/geology/article-abstract/33/8/653/103785/Selective-calcareous-nannoplankton-survivorship-at">écologies</a> (ex. régimes alimentaires, modes de vie), et les <a href="https://www.nature.com/articles/srep01790">zones géographiques</a>.</p>
<p>Toutefois, les estimations globales de la perte de diversité à cette période ont été principalement extrapolées à partir de données concernant des groupes d’invertébrés marins qui ne peuvent pas refléter à eux seuls la complexité des modalités d’extinction lors de cette crise. Les vertébrés marins, en raison de leur position plus élevée dans la chaîne alimentaire, pourraient donc fournir de nouvelles informations sur cette extinction et sur la récupération post-extinction des faunes. Encore faut-il que ces groupes aient survécu !</p>
<p>Parmi ces vertébrés marins, les élasmobranches sont un groupe emblématique de prédateurs qui représentaient déjà une composante importante des écosystèmes marins au Crétacé et avaient développé un large éventail d’écologies. Appartenant à la classe des poissons cartilagineux (chondrichthyens), ces organismes sont dotés d’un squelette qui se fossilise rarement. Cependant, ils sont représentés par un registre fossile abondant, majoritairement composé de dents qu’ils perdent et remplacent tout au long de leur vie et dont la morphologie permet d’identifier les espèces. Ainsi, par la qualité de leur registre fossile, leur présence avant et après l’évènement d’extinction et leur position au sommet de la chaîne alimentaire, les requins et raies sont un très bon cas d’étude pour analyser l’impact de cette crise sur les vertébrés marins.</p>
<p>À l’aide des données fossiles, notre objectif était de quantifier de façon précise l’ampleur de l’extinction, le profil des victimes et des survivants, et les conséquences de cette crise sur l’évolution des faunes de requins et raies après l’extinction.</p>
<h2>Plus de dix années de compilation de données</h2>
<p>Nous avons tout d’abord compilé toutes les données du registre fossile pour l’ensemble des espèces d’élasmobranches sur un intervalle de temps d’environ 40 millions d’années (de -93,9 à -56 Ma), comprenant l’évènement d’extinction. Ce travail de longue haleine s’est étalé sur plus d’une décennie et a consisté à faire l’inventaire des espèces de requins et raies présentes sur l’intervalle Crétacé supérieur–Paléocène, mais également de leurs occurrences : toutes les fois où des fossiles ont été retrouvés pour chacune de ces espèces. Ces informations sont disponibles de façon disparate dans plusieurs centaines de travaux scientifiques publiés depuis le XIX<sup>e</sup> siècle jusqu’à aujourd’hui, et qu’il a fallu compiler.</p>
<p>Une espèce peut donc avoir plusieurs occurrences, et chaque occurrence correspond à un âge ainsi qu’à des coordonnées géographiques distinctes. Nous avons pu inventorier plus de 3 200 occurrences pour 675 espèces fossiles, mais il a fallu vérifier les identifications et les âges géologiques attribués à chacune de ces occurrences dans la littérature scientifique. En effet, la classification des espèces (taxonomie) est une discipline en constante évolution et il a tout d’abord a été nécessaire de mettre à jour la classification de chaque espèce et parfois de corriger des identifications erronées. Par ailleurs, les âges des formations géologiques ayant livré des fossiles peuvent aussi être réévalués par de nouvelles études, et il a fallu mettre à jour ces informations. Ce travail d’expertise, fastidieux mais crucial, représente la base des analyses que nous avons conduites pour cette étude.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/513184/original/file-20230302-15-oy3ewe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/513184/original/file-20230302-15-oy3ewe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/513184/original/file-20230302-15-oy3ewe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/513184/original/file-20230302-15-oy3ewe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/513184/original/file-20230302-15-oy3ewe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/513184/original/file-20230302-15-oy3ewe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/513184/original/file-20230302-15-oy3ewe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une partie des collections de fossiles étudiés.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Une fois les données compilées, nous avons utilisé des modèles statistiques pour estimer les âges d’apparition et d’extinction pour chacune des 675 espèces. Ce lourd travail analytique est essentiel car le registre fossile comprend un certain nombre de biais de préservation et d’échantillonnage. Il faut donc préalablement prendre en compte l’hétérogénéité spatiale et temporelle du registre fossile pour tenter d’estimer la durée de vie des espèces fossiles. Ces modèles, dont Fabien Condamine (co-auteur de l’étude) est également spécialiste, permettent ensuite d’estimer les taux de spéciation et d’extinction (nombre d’extinctions ou d’apparitions par millions d’années par espèce) pour le groupe étudié.</p>
<h2>Requins et raies n’ont pas été touchés de la même manière</h2>
<p>Nos résultats montrent, avec une fine résolution, que 62 % des espèces d’élasmobranches ont disparu lors de cette crise et que cette extinction a été « brutale » à l’échelle des temps géologiques puisque restreinte à une période de 800 000 ans.</p>
<p>Mais les différents groupes d’élasmobranches ont-ils été touchés de la même manière par cette extinction ? Pour répondre à cette question, nous avons évalué les taux d’extinction entre requins et raies, et entre les différents groupes de requins et de raies. Nos résultats indiquent que les raies ont été plus fortement touchées que les requins (72,6 % d’extinction contre 58,9 %). Le caractère sélectif de cette crise est aussi marqué au sein des raies et des requins. Certains groupes de requins encore représentés aujourd’hui (orectolobiformes, lamniformes) ont été plus fortement impactés, et des groupes de raies (rajiformes, rhinopristiformes) ont même frôlé l’extinction complète alors qu’ils comptent aujourd’hui plusieurs centaines d’espèces.</p>
<p>Les études de paléodiversité ne fournissent qu’une vision partielle des conséquences d’une crise sur la structure et le fonctionnement des écosystèmes. Il nous fallait donc évaluer l’impact de cette crise sur les différents groupes écologiques représentés chez les élasmobranches. Nous nous sommes donc intéressés aux régimes alimentaires des espèces de requins et de raies les plus touchées par l’extinction en étudiant la morphologie de leurs dents. Nous avons pu séparer les espèces qui sont dites « durophages » (se nourrissant de proies dures, comme les coquillages bivalves représentés aujourd’hui par les huîtres, palourdes, moules, et autres pétoncles) des autres espèces (non-durophages) et avons analysé l’ampleur de cette crise sur ces deux catégories écologiques. Nos résultats indiquent que les espèces de requins et raies à dents spécialisées dans un régime alimentaire durophage ont été plus fortement touchées (73,4 % d’extinction) que les autres (59,8 %). C’est un point intéressant car <a href="http://www.annualreviews.org/doi/abs/10.1146/annurev.ecolsys.35.021103.105715">il a été démontré</a> que cette extinction a fortement impacté les premiers maillons des réseaux trophiques marins (plancton) et les organismes dépendant directement de ces derniers (par exemple, les bivalves). Nos résultats suggèrent donc un phénomène d’évènements en cascade qui a provoqué une énorme perte de diversité des élasmobranches durophages. On a donc ici un deuxième type de sélectivité, écologique cette fois, contre les espèces se nourrissant de proies à coquilles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/513186/original/file-20230302-24-tt8en5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/513186/original/file-20230302-24-tt8en5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/513186/original/file-20230302-24-tt8en5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/513186/original/file-20230302-24-tt8en5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/513186/original/file-20230302-24-tt8en5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/513186/original/file-20230302-24-tt8en5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/513186/original/file-20230302-24-tt8en5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les résultats de l’étude.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Nos analyses indiquent que les requins – et particulièrement les espèces non-durophages – ont retrouvé les niveaux de diversité d’avant-crise plus rapidement (quelques millions d’années tout de même) que les raies, ces dernières n’ayant pas entièrement récupéré, même 10 millions d’années après l’extinction. De plus, cette crise a eu un effet majeur sur la composition des faunes d’élasmobranches qui ont survécu à l’extinction en remodelant profondément la diversité de ce groupe. Ces modifications sont particulièrement marquées chez les raies pour lesquelles on observe notamment une diversification d’un groupe appelé Myliobatiformes (pastenagues, raies aigles, etc.) qui a vraisemblablement profité des niches écologiques laissées vacantes par l’extinction pour s’y diversifier.</p>
<p>Enfin, nous avons testé l’effet de la répartition géographique des espèces sur leur probabilité de survie à cette crise. Pour ce faire, nous avons compilé l’aire de répartition géographique de toutes les espèces qui se sont éteintes ou qui ont survécu à l’extinction. Nos résultats montrent que les espèces qui avaient une large distribution géographique ont eu un taux de survie plus élevé que les autres. Plus intéressant encore, les espèces qui vivaient aux basses latitudes ont été plus fortement touchées, suggérant une sélectivité géographique.</p>
<p>Les causes de cette crise sont débattues et <a href="https://www.science.org/doi/full/10.1126/science.328.5981.973-a">certainement multiples</a> (<a href="http://science.sciencemag.org/content/327/5970/1214">astéroïde</a> bien sûr, mais aussi volcanisme, refroidissement climatique, baisse des niveaux marins). Bien que notre étude ne propose pas de réponse directe à ce débat, elle apporte des indices quant aux possibles mécanismes qui ont joué lors de cette crise, en particulier nos résultats sur la plus forte extinction aux basses latitudes.</p>
<p>Aujourd’hui, un tiers des espèces de requins et raies est menacé d’extinction et il est important de comprendre comment l’histoire évolutive de ce groupe a été impactée par les précédentes extinctions et comment ce groupe a survécu à ces extinctions. Notre étude propose une sorte de profil-type des victimes d’extinction pour la dernière extinction de masse et donne également un ordre d’idée du temps nécessaire pour la récupération post-extinction. Un temps qui se compte en millions d’années.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200757/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Guinot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au moment de l’extinction des dinosaures, les espèces marines ont également payé un lourd tribut.Guillaume Guinot, Paléontologue, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1987452023-02-07T19:34:38Z2023-02-07T19:34:38ZÀ quelles conditions peut-on parler d’activités de pêche « durables » ?<p>En Europe, et en France tout particulièrement, la pêche a fait l’objet ces dernières années de nombreux débats – par exemple, sur la pêche profonde, la pêche au chalut électrique, l’empreinte carbone des activités de pêche, les captures accidentelles de dauphins… Cette mise à l’agenda citoyen et politique s’est faite en lien avec une implication accrue des ONG, à l’image de <a href="https://seashepherd.fr/">Sea Sheperd</a>, et la montée en puissance de nouveaux groupes d’opinion, comme <a href="https://bloomassociation.org/">Bloom</a>, représentant la petite pêche et les pêcheurs de loisir.</p>
<p>Une revendication importante concerne la garantie pour le consommateur que les produits de pêche correspondent à des exigences environnementales, économiques et sociales.</p>
<p>Si la mise en place de labels tente de répondre à ces attentes, ainsi qu’au souhait de la filière d’améliorer <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0308597X13000948">l’acceptabilité sociale de ses activités et de ses produits</a>, leur profusion a entraîné une confusion tant dans la filière (chez qui se certifier ?) que chez le consommateur (quel label privilégier ?). Outre ces initiatives, privées en majorité, des démarches sont également en cours au niveau national (<a href="https://docs.score-environnemental.com/">Ecoscore</a>) et européen (CSTEP, 2020) pour améliorer/enrichir l’affichage environnemental public sur les produits de la pêche.</p>
<p>De manière plus globale, c’est la question de la durabilité de ce secteur économique qui est posée. Mais comment définir, évaluer et garantir une pêche durable ? C’est ce que nous allons voir.</p>
<h2>Une question de sécurité alimentaire</h2>
<p>Les produits de la pêche représentent une source importante de protéines animales et de micronutriments essentiels pour l’humanité, avec un coût environnemental parmi les plus faibles, en particulier en <a href="https://www.nature.com/articles/s41893-022-00965-x">termes de consommation d’énergie et de production de gaz à effet de serre</a> (les coûts variant cependant selon la <a href="https://www.nature.com/articles/s43247-022-00516-4">catégorie d’espèces de poissons ou d’invertébrés</a> ciblés).</p>
<p>L’approvisionnement durable en produits de la pêche est devenu un enjeu stratégique <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-019-1592-6">pour la sécurité alimentaire</a>. Les poissons représentent la plus riche source disponible en acides gras polyinsaturés à longue chaîne, qui sont indispensables à un large éventail de fonctions physiologiques essentielles pour la santé humaine.</p>
<p>Cependant, l’exploitation des ressources halieutiques s’accompagne d’effets délétères <a href="http://bibliomer.ifremer.fr/consult.php?ID=2004-2499">(surcapacité et surexploitation)</a>. <a href="https://theconversation.com/latlantique-moteur-de-la-circulation-oceanique-et-memoire-de-la-folle-course-a-la-morue-153284">L’effondrement de la morue de Terre-Neuve</a> dans les années 1980 en constitue un des exemples les plus frappants. Mais avec la mise en place de systèmes de gestion en Atlantique Nord-Est à partir des années 1970, la proportion de stocks halieutiques exploités à un niveau durable y a <a href="https://doi.org/10.4060/cc0461fr">atteint les 72 % (2019)</a>.</p>
<h2>Moins de navires et de marins</h2>
<p>Au-delà de pérenniser la ressource, les systèmes de gestion des stocks et des exploitations sont indispensables <a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.marpol.2016.01.003">au maintien des revenus et des emplois liés à la pêche</a>.</p>
<p>Après une phase de développement continu des capacités de pêche, entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et jusque dans les années 1990, la mise en place de système de gestion des stocks et des exploitations a conduit à une <a href="https://www.franceagrimer.fr/content/download/69397/document/20220616_CC_%20PECHE_AQUA%202022_FR.PDF">diminution du nombre de navires et de marins en France</a>, entraînant des bouleversements dans certaines régions littorales où la pêche revêt une importance historique et culturelle.</p>
<p>Bien que la dépendance des communautés littorales à l’activité de pêche reste très faible en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0308597X13000948">moyenne, moins de 1 % en France</a>, l’impact des dynamiques du secteur sur les communautés est aujourd’hui un <a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.marpol.2016.05.006">sujet d’étude nécessaire</a>.</p>
<h2>Une activité de pêche « durable », qu’est-ce que c’est ?</h2>
<p>Sur la base du constat de la finitude des ressources halieutiques, les premières cibles de gestion des pêcheries ont été définies dans les années 1950 et se sont focalisées sur l’état des stocks exploités.</p>
<p>Des modèles mathématiques ont permis de simuler la dynamique des populations de poissons exploités et de déterminer des seuils de biomasse et de mortalité par pêche et par conséquent, les prélèvements maximums.</p>
<p>Ces cibles de gestion ont évolué au cours du temps ; actuellement, elles sont régies, dans l’Union européenne comme ailleurs dans le monde, par le principe du « rendement maximum durable » : c’est-à-dire la plus grande quantité de biomasse que l’on peut en moyenne extraire à long terme d’un stock en considérant constants le mode d’exploitation et les conditions environnementales sans affecter significativement le processus de reproduction.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ». Au programme, un mini-dossier, une sélection de nos articles les plus récents, des extraits d’ouvrages et des contenus en provenance de notre réseau international. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-environnement-150/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a>.</em></p>
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<p>À une échelle plus globale, la durabilité a été notamment théorisée par la Norvégienne Gro Harlem Brundtland dans son rapport <a href="https://fr.wikisource.org/wiki/Notre_avenir_%C3%A0_tous_-_Rapport_Brundtland">« Notre avenir à tous » de 1987</a> qui y distingue trois dimensions : environnementale, économique et sociale. Cette approche de la durabilité est reprise par la FAO dans sa définition de <a href="https://www.fao.org/3/i1146f/i1146f00.htm">l’approche écosystémique des pêches</a> (AEP).</p>
<p>L’état des stocks y est inclus dans la dimension environnementale, entre autres choses. Dès 2003, l’AEP a été conceptualisée de manière très exhaustive, <a href="https://doi.org/10.1016/j.icesjms.2004.12.003">mais en pratique peu opérationnalisée</a>.</p>
<h2>Une notion qui évolue</h2>
<p>Peu à peu cependant, les différents enjeux documentés apparaissent dans les débats sociétaux. Les exemples les plus récents sont la minimisation des captures accidentelles (les cétacés en particulier), le <a href="https://theses.hal.science/tel-03329637/document">maintien du bon état écologique de la faune et de la flore marine</a> ou la décarbonation des flottilles.</p>
<p>La notion de durabilité des pêches évolue encore. Ainsi, les enjeux de bien-être animal, qui ne figurent pas dans la définition de l’AEP, prennent aujourd’hui une importance croissante dans nos sociétés. Les travaux scientifiques sur le sujet <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0165783618300298">restent encore rares, mais existent</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/508662/original/file-20230207-28-mdpe68.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Tableau des objectifs de pêche durable" src="https://images.theconversation.com/files/508662/original/file-20230207-28-mdpe68.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508662/original/file-20230207-28-mdpe68.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1374&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508662/original/file-20230207-28-mdpe68.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1374&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508662/original/file-20230207-28-mdpe68.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1374&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508662/original/file-20230207-28-mdpe68.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1726&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508662/original/file-20230207-28-mdpe68.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1726&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508662/original/file-20230207-28-mdpe68.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1726&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Objectifs pour une pêche durable, basés sur les travaux de Jules Danto et ses collègues.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00762/87378/">Ifremer</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Sur la base de la littérature scientifique existante, nous proposons, compilés dans le tableau ci-contre établi <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00762/87378/">à partir de récents travaux</a>, les objectifs relevant des dimensions environnementale, économique et sociale. Selon les objectifs, il peut s’agir de maximiser (des performances) ou au contraire de minimiser (des impacts).</p>
<p>Il est toutefois utile de rappeler que toute activité de pêche a un impact, et que le concept de minimisation a donc ses limites : une minimisation totale reviendrait à arrêter de pêcher… L’évaluation des impacts se conçoit donc dans deux cadres possibles : la confrontation à une cible de durabilité si elle est définie, ou à défaut la comparaison des impacts de différentes pratiques de pêche en les ramenant à une unité de production.</p>
<h2>Le casse-tête de l’évaluation</h2>
<p>Pourquoi est-il compliqué de juger de la durabilité d’une activité de pêche ?</p>
<p>Un premier élément concerne le manque d’outils pour évaluer toutes les facettes de cette durabilité. Pour certains des objectifs, les scientifiques disposent de données, d’indicateurs, de cibles/seuils et d’un cadre législatif bien établi.</p>
<p>Pour d’autres, il existe des indicateurs, mais pas suffisamment de données pour leur application opérationnelle, ou pas de cibles. Dans certains cas, comme pour le bien-être animal, il n’existe pas d’indicateurs finalisés.</p>
<p>Un autre point concerne le fait que ces outils ne sont pas toujours applicables à l’échelle pertinente. Typiquement, la biodiversité et l’équilibre d’un écosystème sont les résultats d’influences multiples, et peuvent donc être difficiles à relier directement à la pratique d’une activité de pêche.</p>
<p>De même, si l’activité de pêche est un maillon indispensable à l’approvisionnement d’une filière, cette dernière est elle-même intégrée dans des marchés mondialisés de matières premières et de produits. Les emplois de l’industrie de transformation sont également le résultat de dynamiques (prix, produits) à d’autres échelles (nationales, mondiales). Il en est de même de la consommation finale des produits de la mer.</p>
<p>Il faut également souligner que la durabilité des activités de pêche intègre une grande variété de questions.</p>
<p>Si l’on se demande par exemple « Quelles techniques de pêche permettent d’exploiter durablement les quotas français d’une espèce donnée », le cadre d’analyse monospécifique impose en principe de comparer les impacts des différentes flottilles en fonction des quantités qu’elles débarquent de cette espèce. Mais, dans le cas des questions suivantes – « Quelles sont les flottilles qui pêchent de la manière la plus durable ? » ou « Quelles techniques de pêche concilient durabilité et approvisionnement de la population en protéines ? » –, plusieurs choix sont possibles. On peut rapporter les impacts des différentes flottilles à la tonne de poisson débarqué (toutes espèces confondues), à la tonne de poisson capturé, ou encore à la tonne d’équivalent protéine. Ces différences d’unité à laquelle on rapporte les impacts d’une flottille peuvent conduire à des classements et des conclusions différentes.</p>
<p>Ultime difficulté : il faut combiner les « scores » obtenus pour les différents objectifs de durabilité, or il n’existe pas de méthode neutre pour le faire, l’arbitrage relevant de choix politiques et sociétaux.</p>
<p>Certains engins de pêche peuvent ainsi avoir moins d’impact sur les fonds marins, mais provoquer plus de captures accidentelles. Certaines flottilles peuvent être à la fois très sélectives et peu impactantes sur les fonds, mais présenter une consommation en carburant, rapportée au kilogramme de poisson, supérieure à d’autres flottilles. La volonté de maintenir l’emploi à court terme n’est pas forcément compatible avec des objectifs environnementaux ambitieux…</p>
<h2>Affiner les indicateurs</h2>
<p>On l’aura compris, la durabilité des activités de pêche doit répondre à de nombreux critères, sans perdre de vue une double finalité.</p>
<p>Au niveau sociétal, les scientifiques doivent aspirer à définir des objectifs de durabilité sur une base de connaissances de l’ensemble des enjeux et des attentes, et non pas en réponse aux priorités de l’une ou l’autre des parties prenantes. Il est donc nécessaire de développer des approches et des outils pour éclairer la décision multicritère, et permettre d’adapter de manière transparente les critères de durabilité aux priorités de la société et au contexte, en explicitant les arbitrages.</p>
<p>Au niveau individuel, un consommateur devrait idéalement pouvoir choisir ses produits selon ses propres priorités de durabilité, en toute connaissance de cause. Il s’agit ici de produire d’autres types d’outils, indépendants de la priorisation des objectifs.</p>
<p>Finalement, dans les deux cas, il est aujourd’hui nécessaire d’enrichir et améliorer les indicateurs permettant d’évaluer au mieux cette durabilité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198745/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Savina-Rolland a reçu des financements de l'Ifremer.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Fabienne Daurès, Jose-Luis Zambonino Infante, Nicolas Desroy et Youen Vermard ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>De nombreux critères d’évaluation et d’objectifs permettent d’apprécier la durabilité du secteur de la pêche.Marie Savina-Rolland, Chercheure en halieutique, IfremerFabienne Daurès, Chercheure en économie, IfremerJose-Luis Zambonino Infante, Physiologie des poissons, IfremerNicolas Desroy, Chercheur en faune benthique, IfremerYouen Vermard, Chercheure en halieutique, Ifremer, IfremerLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1840342022-09-14T14:53:12Z2022-09-14T14:53:12ZExplorer le Saint-Laurent à travers les arts de la scène<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/484359/original/file-20220913-4313-9zchfx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C23%2C3831%2C2875&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le O d'écH2osystème est une roue de quatre mètres de diamètre qui s’accroche au moyen d’une grue sur le pont d’un navire, un quai ou sur les berges du Saint-Laurent des petites et grandes municipalités.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Geneviève Dupéré)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Le Saint-Laurent est un théâtre immense qui nous dépasse. Sa démesure est telle que ses horizons nous échappent. Même si on cumulait nos connaissances scientifiques, économiques, historiques, culturelles, industrielles, politiques ou logistiques, il serait impossible de saisir sa dynamique dans son ensemble.</p>
<p>Si on ne peut cerner son envergure par les sciences, est-ce que les arts vivants pourraient nous permettre de voir plus grand ? Cet article raconte le parcours du projet <a href="http://ech2osysteme.blogspot.com"><em>écH₂osystème</em></a>, où, par les arts du cirque, je cherche à mettre en scène la complexité de ce qui nous relie à l’écosystème du Saint-Laurent, à travers les échos de ceux qui œuvrent sur ses eaux.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/fleuve-saint-laurent-116908">Le Saint-Laurent en profondeur</a></strong></p>
<p><br><em>Ne manquez pas les nouveaux articles sur ce fleuve mythique, d’une remarquable beauté. Nos experts se penchent sur sa faune, sa flore, son histoire et les enjeux auxquels il fait face. Cette série vous est proposée par La Conversation.</em></p>
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<p><em>écH<sub>2</sub>osystème</em> est une recherche-création maritime de type documentaire. Sa démarche est à la source de <a href="https://doctorat-arts.uqam.ca/babillard/evenements/22-juillet-2022-genevieve-dupere-ech2osysteme-du-fleuve-a-la-scene/">mon doctorat en études et pratiques des arts à l’UQAM</a> et de divers projets <a href="https://www.rqm.quebec/valorisation/o-dech2osysteme/">scientifiques</a> et <a href="https://oceanweekcan.ca/fr/pole-des-artistes/genevieve-dupere/">artistiques</a> qui allient mes vingt dernières années en arts de la scène et ma fascination de longue date pour l’univers maritime.</p>
<p>La recherche-création se caractérise selon un double objectif : la <a href="https://www.researchgate.net/publication/346448818_Degager_des_connaissances_de_sa_recherche-creation">production d’une œuvre et la production de connaissances liées au phénomène de la création de l’œuvre</a>. <em>écH<sub>2</sub>osystème</em> mobilise des savoirs, facilite l’intersectorialité, maille les arts et les sciences et interroge les arts comme mode de connaissance à partir d’un écosystème dont nous faisons partie. De ces réflexions, en 2020, je propose cette idée de <em>recherche-création maritime</em> au sens où ce sont les eaux qui actionnent le moteur de création, à la différence d’un projet qui prendrait racine d’un concept, d’un texte, d’une esthétique, d’une performance ou d’une mise en scène.</p>
<h2>Changement de cap</h2>
<p>En 2017, je quitte ma carrière ponctuée de créations et de tournées à travers le monde pour me tourner vers le Saint-Laurent.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/480900/original/file-20220824-9524-aaitdg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="personnes dans une cage au bout d’une grue attachée à un navire" src="https://images.theconversation.com/files/480900/original/file-20220824-9524-aaitdg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/480900/original/file-20220824-9524-aaitdg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/480900/original/file-20220824-9524-aaitdg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/480900/original/file-20220824-9524-aaitdg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/480900/original/file-20220824-9524-aaitdg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/480900/original/file-20220824-9524-aaitdg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/480900/original/file-20220824-9524-aaitdg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Échantillonnage de la glace de mer à bord du NGCC Amundsen, brise-glace de la Garde côtière canadienne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Geneviève Dupéré)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Deux éléments sont à l’origine de cette décision. En 2016, suite à la création de <a href="https://finzipasca.com/fr/creations/luzia/"><em>Luzia</em>, du Cirque du Soleil</a>, je m’éclipse des théâtres quelques semaines pour traverser le canal de Panama vers l’Équateur comme équipière sur un bateau. Un jour d’escale, <a href="https://www.scielo.sa.cr/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0034-77442014000500001">l’équipe scientifique de Gorgone</a> m’invite sur le terrain. Je nage vers l’île, lorsque deux jets jaillissent. Surprise par deux rorquals, sans veste de sauvetage, je passe près de me noyer. Cette leçon d’immensité m’accompagne depuis ce temps.</p>
<p>Le second élément est lié au premier projet scénique maritime sur lequel j’ai travaillé. <a href="https://finzipasca.com/fr/creations/avudo/"><em>Avudo</em></a> est un projet à grand déploiement de la <a href="https://finzipasca.com/fr">Compagnia Finzi Pasca</a> qui marquait les festivités du <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1041895/spectacle-avudo-fleuve-saint-laurent-succes-375-anniversaire-montreal">375ᵉ anniversaire de Montréal</a>. Directrice du contenu artistique et historique, trois années de recherche m’avaient été nécessaires pour arrimer le synopsis aux couleurs maritimes.</p>
<p>Au fil de ce processus, la perspective historique du fleuve me questionne. Qu’en est-il du Saint-Laurent aujourd’hui ?</p>
<h2>Des milliers de mémoires</h2>
<p>Entre 2017 et 2022, je pars à la découverte du fleuve au golfe, à bord de divers bateaux de pêche, navires de recherche, vraquiers, traversiers, remorqueurs, barques, barges et même à bord d’un tracteur avançant sur la partie du littoral située entre les limites extrêmes des hautes et basses marées, que l’on appelle <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Estran">l’estran</a>.</p>
<p>Cinq années d’investigation me permettent de rencontrer plus de 300 collaborateurs des sciences marines et des eaux douces, de la pêche et de l’industrie maritime et portuaire. Ces collaborateurs viennent de divers groupes de recherche, ministères, corporations, Premières Nations, administrations portuaires, instituts, réseaux, municipalités ou traditions familiales. Ils sont de toutes les générations, allant de professeurs émérites à des étudiants formés à la fine pointe de la technologie. Ils contribuent au fil conducteur du récit par la transmission de leur connaissance et expérience, de même que par les liens qui se tissent au fil de la trajectoire. Des milliers de mémoires s’amoncellent.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/480931/original/file-20220824-4272-i6ebvu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="personne suspendue sur une roue géante au bout d’une grue" src="https://images.theconversation.com/files/480931/original/file-20220824-4272-i6ebvu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/480931/original/file-20220824-4272-i6ebvu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/480931/original/file-20220824-4272-i6ebvu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/480931/original/file-20220824-4272-i6ebvu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/480931/original/file-20220824-4272-i6ebvu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/480931/original/file-20220824-4272-i6ebvu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/480931/original/file-20220824-4272-i6ebvu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le O d’écH2osystème est un appareil acrobatique maritime novateur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Geneviève Dupéré)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>J’enregistre en temps réel ces parcelles de vécu qui entrecroisent les connaissances maritimes, scientifiques et de la pêche. Au son de la trame sonore composée des voix des collaborateurs prises sur le vif, les manœuvres acrobatiques transportent les spectateurs dans un port, un laboratoire, sur un navire ou par exemple, en pleine <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/bon-pied-bonne-heure/segments/entrevue/158162/spectacle-gestation-admunsen-genevieve-dupere">mission scientifique hivernale du Réseau Québec Maritime, à bord du brise-glace NGCC <em>Amundsen</em></a>, au moment même où les océanographes découvrent une (rare) larve de flétan dans leur filet d’échantillonnage.</p>
<h2>Le <em>O</em> d’<em>écH₂osystème</em>, un appareil inédit</h2>
<p>Pour manœuvrer du fleuve à la scène sur un horizon durable, j’imagine un navire acrobatique maritime. En tant que chercheuse au <a href="https://ecolenationaledecirque.ca/fr/lecole/critac">Centre de recherche, d’innovation et de transfert en arts du cirque (CRITAC)</a>, je conçois le <em>O</em> d’<em>écH<sub>2</sub>osystème</em> en 2018. Le <em>O</em> est une roue de quatre mètres de diamètre qui s’accroche au moyen d’une grue sur le pont d’un navire, un quai ou sur les berges du Saint-Laurent des petites et grandes municipalités. Les eaux en arrière-plan deviennent le cœur du récit en temps réel.</p>
<p>En 2020, la <a href="https://www.rqm.quebec/valorisation/o-dech2osysteme/">réalisation du <em>O</em></a> rassemble une <a href="https://ech2osysteme.blogspot.com/p/le-o-dech2osysteme.html">équipe de recherche intersectorielle et des partenaires</a> dont le <a href="https://www.rqm.quebec/">Réseau Québec Maritime</a>, <a href="https://door-spec.com/?lang=fr">Doorspec</a>, <a href="http://www.multi-electronique.com/">Multi-Électronique</a> et le chantier naval du <a href="https://www.groupocean.com/">Groupe Océan</a> où se construit cet appareil inédit. Les essais sur le <em>O</em> à l’été 2022 amorcent une nouvelle phase du projet, soutenue entre autres par le <a href="https://www.calq.gouv.qc.ca/">CALQ</a>, le <a href="https://conseildesarts.ca/">CAC</a> et le <a href="https://www.nserc-crsng.gc.ca/Professors-Professeurs/RPP-PP/CCSIF-ICC_fra.asp">programme d’innovation du CRSNG</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/481844/original/file-20220830-22-6xibsx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="personnes travaillant sur la conception d’une roue" src="https://images.theconversation.com/files/481844/original/file-20220830-22-6xibsx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/481844/original/file-20220830-22-6xibsx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/481844/original/file-20220830-22-6xibsx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/481844/original/file-20220830-22-6xibsx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/481844/original/file-20220830-22-6xibsx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/481844/original/file-20220830-22-6xibsx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/481844/original/file-20220830-22-6xibsx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La réalisation du O rassemble une équipe de recherche intersectorielle et des partenaires, dont CRITAC, le Réseau Québec Maritime, Doorspec, Multi-Electronique (MTE) et le Groupe Océan.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Geneviève Dupéré)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Cette nouvelle phase permet une série de résidences de travail collaboratif où les scientifiques deviennent des co-chorégraphes, les pêcheurs des co-metteurs en scène, les marins des co-dramaturges.</p>
<h2>Du fleuve au spectateur et du spectateur au fleuve</h2>
<p><em>écH<sub>2</sub>osystème</em> n’explique pas la démesure de l’écosystème du Saint-Laurent. Il cherche à la mettre en scène par le transfert des connaissances de ses acteurs. Si on hisse le <em>O</em> à la cime d’une grue, l’acrobate devient minuscule. À 20 mètres de hauteur, la colonne d’eau devient vertigineuse. Instinctivement, on retient son souffle. Si le vent se lève, la sensation s’amplifie et ce, même si l’acrobate est en harnais et que toutes les mesures de sécurité sont prises par l’équipage du <em>O</em>.</p>
<p>M’appuyant sur les <a href="https://www.jstor.org/stable/j.ctt16gznjb">théories du documentaire contemporain</a> et les <a href="https://www.gallimardmontreal.com/catalogue/livre/l-espace-vide-ecrits-sur-le-theatre-brook-peter-9782020511223">écrits du metteur en scène Peter Brook</a>, les arts vivants ont cette capacité de croiser le réel et de dépasser les mots, les données ou la représentation. En 1989, le cinéaste Pierre Perrault <a href="http://www.edhexagone.com/grande-allure/pierre-perrault/livre/9782890063372">cherchait un présent au fleuve. « Existe-t-il seulement ? »</a> <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/documents/biographies-memoires/du-bout-des-levres_9782738139924.php">Les arts deviennent une lentille qui permet de rétrécir la vie</a> en <a href="https://www.cornellpress.cornell.edu/book/9789462701410/transpositions/#bookTabs=1">la transposant à une échelle intelligible</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/480905/original/file-20220824-4398-2mg4lq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="personne sur une barge vue de haut en hiver" src="https://images.theconversation.com/files/480905/original/file-20220824-4398-2mg4lq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/480905/original/file-20220824-4398-2mg4lq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/480905/original/file-20220824-4398-2mg4lq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/480905/original/file-20220824-4398-2mg4lq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/480905/original/file-20220824-4398-2mg4lq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/480905/original/file-20220824-4398-2mg4lq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/480905/original/file-20220824-4398-2mg4lq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cinq années d’investigation me permettent de rencontrer plus de 300 collaborateurs des sciences marines et des eaux douces, de la pêche et de l’industrie maritime et portuaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Geneviève Dupéré)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Mes premières semaines d’exploration acrobatique maritime à Sept-Îles, <a href="https://oceanweekcan.ca/fr/events/ech2osysteme-du-fleuve-a-la-scene/">Pointe-aux-Trembles</a>, Rimouski et <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/bon-pied-bonne-heure/segments/entrevue/414923/ech2osysteme">Rivière-au-Renard</a> révèlent des résultats préliminaires prometteurs. À l’été 2023, cette exploration se poursuivra dans différentes municipalités riveraines pour que l’année suivante, je puisse arrimer les scènes co-orchestrées avec les collaborateurs. Ce premier spectacle éventuel s’adressera alors au grand public, en tentant de refléter le Saint-Laurent à une plus grande échelle.</p>
<p>En cherchant à mettre en lumière les liens du fleuve au spectateur et du spectateur au fleuve, <em>écH<sub>2</sub>osystème</em> s’intéresse à la manière dont la recherche-création nous invite à figurer nos liens avec un écosystème <a href="https://books.google.ca/books/about/Esth%C3%A9tique_de_l_environnement.html?id=quD-jgEACAAJ&redir_esc=y">« dans lequel nous vivons, non pas au titre de spectateurs, mais au titre de participants »</a>.</p>
<p>Les eaux du Saint-Laurent abritent de microscopiques crevettes, englouties par les plus grands géants de la planète. Elles coulent depuis la fonte des glaciers jusque dans le robinet de millions d’entre nous. Au cours des prochaines décennies, ces connaissances porteront <em>écH<sub>2</sub>osystème</em> sur les courants des Grands Lacs à l’Arctique pour remonter vers la scène, où les spectateurs font partie du théâtre de cet écosystème.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184034/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le O d'écH2osystème a été soutenu par les Fonds de recherche du Québec à travers le programme de valorisation de la recherche du Réseau Québec Maritime. Le projet de recherche sur l'impact de la démarche collaborative intersectorielle est soutenu au CRITAC par le programme d'innovation dans les collèges et la communauté du CRSNG. Geneviève Dupéré a été titulaire d'une bourse doctorale du CRSH pour son doctorat. Elle a reçu des financements en tant qu'artiste individuelle par le Conseil des arts et des lettres du Québec et le Conseil des arts du Canada pour les phases de résidence. </span></em></p>Cet article traverse du fleuve à la scène pour explorer le Saint-Laurent, à la confluence des sciences marines et des eaux douces, de la pêche, de l’industrie maritime et portuaire et des arts du cirque.Geneviève Dupéré, Conceptrice, chercheuse au CRITAC (Centre de recherche de l'École nationale de cirque), professeure à l'École nationale de théâtre, chargée de cours en sciences de l'environnement à l'Université de Montréal, et doctorante en recherche-création maritime, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1869772022-08-17T13:15:31Z2022-08-17T13:15:31ZDes contaminants préoccupants, présents dans les écrans solaires et les plastiques, se retrouvent dans le Saint-Laurent<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/478113/original/file-20220808-8265-q3pbp6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=24%2C12%2C3977%2C3005&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les absorbants UV et les antioxydants peuvent trouver plusieurs voies vers les milieux aquatiques, que ce soit par la dégradation des plastiques, les eaux usées ou les dépotoirs. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Environnement et Changement climatique Canada)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les absorbants ultraviolets (UV) et les antioxydants industriels sont des contaminants qui suscitent de plus en plus d’intérêt puisqu’ils se retrouvent dans une panoplie de produits qui sont utilisés quotidiennement. Ces produits incluent les écrans solaires, les crèmes anti-âge et les shampoings, mais également des matériaux comme les plastiques et les textiles, domestiques ou industriels. On les utilise principalement pour protéger notre peau et les biens de consommation des <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/psr-2016-0130/html">rayonnements UV du soleil ou des agents oxydants naturellement présents dans l’air</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-retardateurs-de-flamme-un-veritable-danger-pour-la-faune-182714">Les retardateurs de flamme, un véritable danger pour la faune</a>
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<p>Étant donné leur grande versatilité, il existe plusieurs points d’entrée pour ces contaminants dans les milieux aquatiques. Les vecteurs couramment ciblés sont les effluents des usines de traitement des eaux usées municipales, puisqu’elles recueillent les eaux issues des usages domestiques courants ainsi que les eaux des industries.</p>
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<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><strong><em>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/fleuve-saint-laurent-116908">Le Saint-Laurent en profondeur</a></em></strong>
<br><em>Ne manquez pas les nouveaux articles sur ce fleuve mythique, d'une remarquable beauté. Nos experts se penchent sur sa faune, sa flore, son histoire et les enjeux auxquels il fait face. Cette série vous est proposée par La Conversation.</em></p>
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<p>Pour améliorer l’état des connaissances au niveau de la situation du Québec, au cours de mon projet de maîtrise, je me suis intéressée au devenir de ces contaminants dans le fleuve Saint-Laurent à la hauteur de Montréal. Avec mes collègues, nous vous présentons ici les <a href="https://doi.org/10.1021/acs.est.1c07932">conclusions de cette étude</a>.</p>
<h2>De la douche et des poubelles… aux poissons du fleuve Saint-Laurent</h2>
<p>Lorsque l’on prend sa douche, l’eau utilisée pour le rinçage contient des résidus de crèmes solaires, de shampoing ou d’autres produits de soin personnel utilisés et elle sera acheminée à une usine de traitement d’eaux usées. De façon similaire, la baignade dans les endroits plus touristiques peut engendrer une contamination directement dans les cours d’eau.</p>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S030438941730763X">Une autre source est liée à la pollution par les plastiques</a>, qui se retrouvent dans les milieux aquatiques notamment par un rejet direct dans l’environnement, par exemple lorsque des gens laissent des débris sur les plages. Il peut également y avoir un rejet indirect de plastiques, de par leur présence dans les effluents des stations de traitements des eaux usées domestiques. Lors de la dégradation des plastiques, qui se produit entre autres suite à une exposition au soleil, la salinité de l’eau ou au contact prolongé des vagues, les composés qu’ils contiennent (comme les absorbants UVs et les antioxydants industriels) peuvent migrer vers l’environnement.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/478319/original/file-20220809-18-w9mttj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="filet dans un lac" src="https://images.theconversation.com/files/478319/original/file-20220809-18-w9mttj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478319/original/file-20220809-18-w9mttj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478319/original/file-20220809-18-w9mttj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478319/original/file-20220809-18-w9mttj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478319/original/file-20220809-18-w9mttj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478319/original/file-20220809-18-w9mttj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478319/original/file-20220809-18-w9mttj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une fois retrouvés dans les milieux aquatiques, les absorbants UV et les antioxydants industriels peuvent nuire aux animaux qui y vivent.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Environnement et Changement climatique Canada)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Dès leur entrée dans l’environnement, ces contaminants peuvent se disperser dans les sédiments, l’eau, et même dans les organismes aquatiques, et ainsi nuire à la biodiversité et la santé des écosystèmes. En effet, certains de ces composés sont suspectés d’engendrer des effets néfastes, dont la perturbation <a href="https://doi.org/10.1021/acs.est.7b05057">du système hormonal chez les organismes aquatiques exposés</a> ou encore de <a href="https://doi.org/10.1007/s00244-015-0227-7">favoriser le blanchiment des coraux</a>.</p>
<p>Cependant, il importe de mieux comprendre leur répartition et leur devenir dans les milieux aquatiques afin de pouvoir évaluer le risque présentement encouru par les espèces exposées à ces contaminants.</p>
<h2>Des contaminants bien présents dans le fleuve</h2>
<p>Afin de favoriser la compréhension du devenir des polluants d’intérêt dans l’écosystème du Saint-Laurent, plusieurs types d’échantillons ont été étudiés en provenance de l’amont et de l’aval du centre de traitement des eaux usées de Montréal. Nous avons récolté de l’eau, de la matière en suspension (qui sont les particules insolubles visibles dans l’eau), des sédiments et les tissus de deux espèces de poissons, soit le grand brochet et l’esturgeon jaune.</p>
<p>Les résultats des analyses ont décelé plusieurs contaminants, ce qui confirme leur présence dans l’écosystème du Saint-Laurent. De plus, une certaine affinité pour la matière en suspension été observée, avec des concentrations plus importantes pour certains contaminants, ce qui indique l’importance d’une meilleure compréhension des risques liés à l’ingestion de la matière en suspension. En effet, cette dernière peut être une voie importante d’accumulation pour les organismes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/477479/original/file-20220803-25-fruewv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma présentant la présence de contaminants émergents dans le Fleuve" src="https://images.theconversation.com/files/477479/original/file-20220803-25-fruewv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/477479/original/file-20220803-25-fruewv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/477479/original/file-20220803-25-fruewv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/477479/original/file-20220803-25-fruewv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/477479/original/file-20220803-25-fruewv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/477479/original/file-20220803-25-fruewv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/477479/original/file-20220803-25-fruewv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les absorbants UV et les antioxydants industriels peuvent trouver plusieurs voies vers les milieux aquatiques que ce soit par la dégradation des plastiques, les eaux usées ou les dépotoirs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Abigaëlle Dalpé-Castilloux)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En comparant les contaminants dominants dans les deux poissons étudiés, nous avons observé une distinction importante entre l’esturgeon jaune et le grand brochet. Cette différence peut être induite par différents facteurs, comme une différence au niveau du régime alimentaire des deux organismes. Le <a href="https://mffp.gouv.qc.ca/faune/peche/poissons/grand-brochet.jsp">grand brochet</a> est un carnivore opportuniste qui se nourrit de ce qui est facilement accessible. Sa diète principale se compose de perchaudes, de meuniers, de crapets et autres.</p>
<p>En comparaison, l’<a href="https://mffp.gouv.qc.ca/faune/peche/poissons/esturgeon-jaune.jsp">esturgeon jaune</a> est un prédateur de fond qui se nourrit des petits organismes qui s’y trouvent comme des larves, des écrevisses et des petits mollusques. Cette distinction entre les modes de vie engendre une différence dans la manière dont les organismes seront exposés à la pollution et donc l’ampleur de la contamination par certains polluants. Par exemple, si un contaminant a une plus grande affinité pour les sédiments, les organismes qui vivent près du fond risquent d’être plus impactés par celui-ci.</p>
<h2>Certains contaminants sont plus préoccupants que d’autres</h2>
<p>Les résultats permettent également de mettre en lumière que le BHT, soit un antioxydant industriel, et son produit de dégradation, le BHTQ, sont les seuls composés qui ont été retrouvés dans le cerveau du grand brochet. Les effets de ces contaminants sur le système nerveux des organismes aquatiques ne sont pas bien connus pour le moment. Une étude antérieure a cependant démontré que le BHT peut s’accumuler dans le cerveau du rat et peut entraîner une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/0300483X80901213?via%3Dihub">augmentation du nombre de cellules mortes</a>. À notre connaissance, il s’agit de la première observation de ces composés toxiques dans le Saint-Laurent.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/478324/original/file-20220809-24-hxw36w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="2 personnes déploient un filet dans l’eau" src="https://images.theconversation.com/files/478324/original/file-20220809-24-hxw36w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478324/original/file-20220809-24-hxw36w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478324/original/file-20220809-24-hxw36w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478324/original/file-20220809-24-hxw36w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478324/original/file-20220809-24-hxw36w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478324/original/file-20220809-24-hxw36w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478324/original/file-20220809-24-hxw36w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les concentrations de contaminants ont été mesurées chez le grand brochet et l’esturgeon jaune du fleuve Saint-Laurent.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Environnement et Changement climatique Canada)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>L’UV328, que l’on retrouve principalement dans les plastiques et les peintures, est une molécule d’intérêt internationale <a href="http://www.pops.int/TheConvention/ThePOPs/ChemicalsProposedforListing/tabid/2510/Default.aspx">suivie par la convention de Stockholm</a> pour ses effets dommageables sur le foie et pour son potentiel de perturbation hormonale. Sa présence a été détectée principalement dans l’esturgeon jaune, l’eau, la matière en suspension et les sédiments du fleuve.</p>
<h2>Encore des lacunes à combler</h2>
<p>L’étude réalisée a permis de mettre en lumière la présence de contaminants d’intérêt dans le fleuve Saint-Laurent et d’en cibler certains comme l’UV328 et le BHT comme plus préoccupants. En revanche, il y a toujours un manque de connaissance à combler pour pouvoir comprendre l’impact de ces contaminants sur les différents organismes qui habitent le Saint-Laurent, notamment au niveau des effets des expositions à plus long terme.</p>
<p>De plus, il est important de rappeler que les organismes aquatiques sont soumis à un mélange de plusieurs polluants et qu’il est donc essentiel d’avoir une meilleure compréhension des conséquences des interactions entre ces contaminants sur la santé des organismes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186977/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Zhe Lu a reçu des financements de Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, Environnement et Changement climatique Canada, et UQAR-ISMER pour ce projet. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Abigaëlle Dalpé-Castilloux a reçu des financements du FRQNT et du regroupement des écotoxicologues du Québec.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Magali Houde a reçu des financements d'Environnement et Changement climatique Canada.</span></em></p>Les absorbants UV et les antioxydants industriels sont utilisés dans plusieurs biens de consommation afin de les protéger des rayons UV. Ils peuvent avoir un impact sur la santé des écosystèmes.Zhe Lu, Professor, Université du Québec à Rimouski (UQAR)Abigaëlle Dalpé-Castilloux, M Sc océanographie (laboratoire d'écotoxicologie marine, chimie analytique environnementale), Université du Québec à Rimouski (UQAR)Magali Houde, Chercheuse scientifique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1858162022-07-21T16:33:02Z2022-07-21T16:33:02ZLe bruit sous-marin, cette pollution du littoral peu connue et pourtant facile à réduire<p>Les paysages sonores se composent de différentes sources d’origines naturelles et anthropiques. Dans le milieu marin, les sources naturelles comprennent des événements géologiques tels que les vagues, les tremblements de terre, la pluie, ainsi que des phénomènes biologiques comme le chant des baleines, les vocalisations des poissons ou les claquements des crevettes.</p>
<p>Les sources anthropiques sont également diverses et sont produites par toutes les activités humaines, en particulier le trafic maritime allant des plus petites embarcations de plaisance près du littoral jusqu’aux superpétroliers et porte containers dans l’océan. Plus le navire est grand, plus les niveaux sonores sont intenses et plus la fréquence de ce son est basse. Le bruit des bateaux de plaisance ou jet-skis, bien moins grands et bruyants que les navires commerciaux, mais plus nombreux, se concentre particulièrement dans les zones côtières.</p>
<p>Si de nombreuses études ont déjà montré les conséquences sur la santé humaine d’une exposition chronique au bruit, principalement liées au stress, très peu d’études ont été entreprises dans ce sens chez les organismes marins, en particulier les poissons. Très probablement car le son se transmet très mal de l’eau vers l’air… L’humain n’est donc pas conscient du bruit qu’il introduit dans le milieu marin.</p>
<p><audio preload="metadata" controls="controls" data-duration="30" data-image="" data-title="Bateau" data-size="465277" data-source="Frédéric Bertucci" data-source-url="" data-license="Author provided" data-license-url="">
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<div class="audio-player-caption">
Bateau.
<span class="attribution"><span class="source">Frédéric Bertucci</span>, <span class="license">Author provided</span><span class="download"><span>454 ko</span> <a target="_blank" href="https://cdn.theconversation.com/audio/2543/boat.mp3">(download)</a></span></span>
</div></p>
<h2>Des effets connus sur la faune marine</h2>
<p>Les bruits anthropiques constituent pourtant des nuisances directes pour la faune marine, qui utilise elle-même le son à des fins très diverses. Il intervient notamment dans la communication entre congénères, lors de la parade nuptiale, de l’accouplement, de la défense du territoire et dans la coordination des groupes sociaux. Les signaux sonores sont également utilisés pour la recherche de nourriture, la détection de prédateurs et pour s’orienter dans l’environnement afin de trouver par exemple un habitat favorable ou un site de ponte.</p>
<p>La bande de fréquences des bruits anthropiques étant très large, elle peut ainsi masquer les sons de l’environnement indispensables pour se repérer ou communiquer. Ce masquage peut être de longue durée (chronique), et affecter un animal sur des distances considérables. La gravité de cette perte d’espace de communication reste malheureusement mal connue chez les poissons.</p>
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<figcaption><span class="caption">Des dauphins et baleines menacés par trop de bruit sous l’eau (<em>Le Monde</em>, le 10 mars 2020).</span></figcaption>
</figure>
<p>Si les réponses comportementales comprennent des réactions de sursaut et l’évitement de zones pouvant aller jusqu’à plusieurs centaines de kilomètres carrés, il semble que les poissons puissent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0025326X22004325">s’habituer au bruit</a>. Cependant, des effets physiologiques avec perte d’audition, stress au moment du passage d’un bateau avec augmentation du rythme cardiaque et du niveau de certaines hormones sont à envisager. Des fonctions vitales comme l’alimentation, la reproduction, les soins apportés aux jeunes sont alors affectées, par exemple chez les mâles poissons <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0269749120360644">demoiselle Ambon</a>.</p>
<p>Mais des exemples récents ont montré qu’en réponse à un bruit plus faible, moins de sons étaient détectés à proximité de la marina de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0269749121014809">Pointe-à-Pitre</a>. Suggérant que les environnements moins bruyants pourraient permettre à des poissons vocaux de réduire le nombre de signaux nécessaires pour communiquer, car la transmission d’informations serait plus efficace.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/473887/original/file-20220713-9155-7p7h1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/473887/original/file-20220713-9155-7p7h1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/473887/original/file-20220713-9155-7p7h1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/473887/original/file-20220713-9155-7p7h1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/473887/original/file-20220713-9155-7p7h1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/473887/original/file-20220713-9155-7p7h1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/473887/original/file-20220713-9155-7p7h1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La gorette dorée.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/zsispeo/31911421593">François Libert/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><audio preload="metadata" controls="controls" data-duration="7" data-image="" data-title="La gorette dorée" data-size="39342" data-source="Labex Corail et laboratoire de morphologie fonctionnelle et évolutive de l’Université de Liège" data-source-url="" data-license="Author provided" data-license-url="">
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La gorette dorée.
<span class="attribution"><span class="source">Labex Corail et laboratoire de morphologie fonctionnelle et évolutive de l’Université de Liège</span>, <span class="license">Author provided</span><span class="download"><span>38,4 ko</span> <a target="_blank" href="https://cdn.theconversation.com/audio/2541/gorette-haemulon-aurolineatum-haemulidae-captivite.mp3">(download)</a></span></span>
</div></p>
<p><audio preload="metadata" controls="controls" data-duration="11" data-image="" data-title="La hachette cuivrée" data-size="109567" data-source="Labex Corail et laboratoire de morphologie fonctionnelle et évolutive de l’Université de Liège" data-source-url="" data-license="Author provided" data-license-url="">
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La hachette cuivrée.
<span class="attribution"><span class="source">Labex Corail et laboratoire de morphologie fonctionnelle et évolutive de l’Université de Liège</span>, <span class="license">Author provided</span><span class="download"><span>107 ko</span> <a target="_blank" href="https://cdn.theconversation.com/audio/2542/hachette-pempheris-schomburgkii-pempheridae-captivite.mp3">(download)</a></span></span>
</div></p>
<h2>Le littoral : un chantier d’étude unique</h2>
<p>Dans de nombreuses régions, le littoral a connu un fort développement économique conduisant une quantité croissante d’usagers à se partager l’espace maritime. Le tourisme en particulier constitue une part très importante de ce que l’on appelle l’économie bleue et de nombreux emplois sont en rapport avec le milieu marin, dans les domaines du transport de personnes ou de marchandises, des services portuaires, de la pêche professionnelle ou traditionnelle, et des activités nautiques de loisirs ou la plongée sous-marine. Ce développement s’accompagne souvent de l’agrandissement ou de la construction de ports ou d’une urbanisation des côtes qui gagnent sur l’espace maritime, parfois au détriment de la qualité des habitats.</p>
<p>Les enjeux économiques font donc face à de nombreux enjeux environnementaux et au besoin de préserver certains services écosystémiques du littoral. En particulier, le rôle de nurserie pour les larves et les juvéniles de nombreuses espèces de poissons ou d’invertébrés qui utilisent les sons afin de s’orienter, coloniser et sélectionner un habitat pour y grandir.</p>
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<p>Si le bruit à proximité du littoral affecte le recrutement, c’est tout un pan de l’économie qui pourrait s’effondrer en impactant les activités de pêche par exemple à cause de taux de capture ou d’une biomasse plus faibles ; ou encore l’écotourisme avec des niveaux de biodiversité plus faibles et des environnements dégradés, bien moins attractifs pour les touristes. La fermeture de la célèbre plage de Maya Bay, en Thaïlande, a permis le retour de poissons plus gros, de crabes, de crevettes et de requins pointes noires, le corail a repoussé. Depuis, plus aucun bateau n’approche et un nombre limité de passagers doit marcher jusqu’à la plage pour prendre un selfie, rien de plus.</p>
<p>La faible bande à l’interface entre terre et mer qu’est le littoral peut donc être le lieu où la conservation de la biodiversité, la durabilité des services écosystémiques et le développement économique pourront se réaliser.</p>
<h2>Quelles solutions ?</h2>
<p>Bien que certains des effets sur les organismes marins puissent durer plus longtemps que le bruit lui-même, la pollution sonore s’arrête dès que sa production stoppe, contrairement à d’autres formes de source de pollution comme les composés chimiques par exemple. Un exemple récent a été fourni lors du premier confinement d’avril 2020 en réponse à la crise du Covid-19. L’activité humaine restreinte et la chute du trafic maritime s’est instantanément traduite par une baisse de 6 à 10 décibels (dB) de l’intensité du bruit ambiant enregistré durant la journée (lorsque les activités humaines sont d’ordinaire les plus fortes) dans une marina de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0269749121014809">Pointe-à-Pitre</a>, en comparaison des niveaux enregistrés lorsque les activités ont repris en mai 2020.</p>
<p>Des mesures d’atténuation peuvent donc être facilement mises en œuvre à court terme dès lors qu’on estime qu’il existe un risque pour une population ou pour un écosystème. Un contrôle du trafic maritime, tel que la mise en place de routes maritimes obligatoires évitant les « points chauds » de la vie marine, une limitation de la vitesse ou de la fréquentation dans ou à proximité de zones vulnérables et protégées peuvent être des stratégies pertinentes pour protéger la faune locale.</p>
<p>Des solutions à plus long terme, certes encore coûteuses en raison des matériaux nécessaires, axées sur la réduction du bruit et des vibrations des moteurs sont également à l’étude. L’un des avantages est que cette révolution dans la conception des navires se fait en parallèle d’efforts destinés à réduire leur empreinte carbone. Un <a href="https://asa.scitation.org/doi/10.1121/10.0001264">ferry électrique</a> serait ainsi moins bruyant de 12 dB qu’un ferry à propulsion traditionnelle. Aux fréquences inférieures à 500 Hz, ces niveaux chutent de 25 dB à une distance inférieure à 5 mètres.</p>
<p>S’il faut accepter que l’utilisation de la mer par l’humain ne va pas s’interrompre, la pollution sonore qui y est associée est un facteur qui peut cependant être contrôlé et atténué plus rapidement que de nombreux autres stress auxquels les écosystèmes littoraux sont déjà confrontés, tels que le réchauffement ou l’acidification des océans, ou la pollution chimique due à l’usage de pesticides, qui réagissent très lentement aux mesures d’atténuation. </p>
<p>Il apparaît donc essentiel de prendre en considération la pollution sonore dans les politiques d’aménagement du territoire et de limiter ou réduire les activités bruyantes afin d’assurer une gestion et une conservation durable des habitats littoraux et de leur biodiversité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185816/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Bertucci a reçu des financements du Laboratoire d’excellence Corail (<a href="https://www.labex-corail.fr">https://www.labex-corail.fr</a>) et de l’Observatoire Homme Milieu Littoral Caraïbe (<a href="https://ohm-littoral-caraibe.in2p3.fr/">https://ohm-littoral-caraibe.in2p3.fr/</a>) en 2019 et 2020.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Malika René-Trouillefou a reçu des financements du Laboratoire d'Excellence Corail (projet EMUL 2019) et de l'Observatoire Homme-Milieux Littoral Caraibe en 2020 pour ce projet. Elle est membre du LABEX Corail et de l'OHM Littoral Caraibe du LABEX DRIIHM. Elle travaille à l'Université des Antilles en Guadeloupe.</span></em></p>Les littoraux sont particulièrement touchés par cette pollution sonore anthropique qui affecte la faune marine, pour qui l’usage du son remplit des fonctions essentielles.Frédéric Bertucci, Chercheur en éco-acoustique, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Malika René-Trouillefou, Maître de conférences en biochimie, Université des AntillesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1800692022-06-15T14:05:55Z2022-06-15T14:05:55ZL’estuaire maritime du Saint-Laurent est à bout de souffle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/458895/original/file-20220420-13790-60uh0n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C1%2C1013%2C764&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’estuaire et le golfe du Saint-Laurent se qualifient comme l’un sinon le plus grand système estuarien sur Terre. Il joue un rôle intrinsèque dans l’histoire du Canada et est le berceau de l’économie et de l’identité québécoise.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Gwénaëlle Chaillou)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>À la surface, rien d’apparent… mais, en profondeur, les eaux du Saint-Laurent s’essoufflent ! Le manque d’oxygène s’accentue et la dé-oxygénation est irrémédiable.</p>
<p>Nos travaux de recherche portent sur un éventail de projets en géochimie marine, dont les causes et les conséquences de l’hypoxie (faible taux d’oxygène) dans les eaux profondes de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent.</p>
<h2>Le Saint-Laurent colossal</h2>
<p>Le Saint-Laurent est le plus grand estuaire (un plan d’eau côtier où se mélangent eau douce et eau salée et qui se déverse dans un océan) sur Terre. Il relie les Grands Lacs à l’océan Atlantique en y drainant près de 25 % des réserves mondiales en eau douce. Son débit moyen à Québec est d’environ <a href="https://doi.org/10.1007/s10533-017-0371-4">12 000 m³ par seconde</a>, soit le deuxième plus grand débit d’eau douce du continent nord-américain après celui du Mississippi. </p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><strong><em>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/fleuve-saint-laurent-116908">Le Saint-Laurent en profondeur</a></em></strong>
<br><em>Ne manquez pas les nouveaux articles sur ce fleuve mythique, d'une remarquable beauté. Nos experts se penchent sur sa faune, sa flore, son histoire et les enjeux auxquels il fait face. Cette série vous est proposée par La Conversation.</em></p>
<hr>
<p>Son estuaire commence à la pointe est de l’île d’Orléans, à l’est de la ville de Québec. C’est là qu’on y retrouve les premières traces d’eau salée. Il s’étend alors sur 400 km jusqu’à Pointe-des-Monts, où il s’élargit et devient le golfe du Saint-Laurent, une mer intérieure qui est reliée à l’océan Atlantique par les détroits de Cabot et Belle-Isle.</p>
<p>L’estuaire est séparé en deux segments. D’une part, l’estuaire fluvial, qui s’étend de l’île d’Orléans à Tadoussac, près de l’embouchure du fjord du Saguenay. Il est relativement étroit (2 à 24 km) et peu profond, généralement moins de 30 mètres. On y retrouve un fort <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Gradient">gradient</a> de salinité (augmentation graduelle de la quantité de sel dissous dans l'eau) horizontal et la colonne d’eau est bien mélangée ou faiblement stratifiée. Une colonne d’eau est stratifiée lorsque des masses d’eau de différentes densités (déterminée par la température et le contenu en sel) se superposent. Ces masses d’eau ne peuvent se mélanger facilement sans un apport important d’énergie.</p>
<p>D’autre part, l’estuaire maritime du Saint-Laurent, qui s’étend de Tadoussac jusqu’à Pointe-des-Monts, est beaucoup plus large (30 à 50 km) et plus profond, puisqu’à son centre, une vallée sous-marine longue de 1 240 km plonge à plus de 300 m de profondeur ; c’est le chenal Laurentien.</p>
<p>Et ce sont dans les profondeurs de ce chenal que l’oxygène manque.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/458884/original/file-20220420-11-5wdro1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="carte du québec avec l’estuaire du saint-laurent" src="https://images.theconversation.com/files/458884/original/file-20220420-11-5wdro1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/458884/original/file-20220420-11-5wdro1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=469&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/458884/original/file-20220420-11-5wdro1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=469&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/458884/original/file-20220420-11-5wdro1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=469&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/458884/original/file-20220420-11-5wdro1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=589&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/458884/original/file-20220420-11-5wdro1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=589&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/458884/original/file-20220420-11-5wdro1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=589&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le système et l’estuaire du Saint-Laurent.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Alfonso Mucci)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Trois couches d'eau</h2>
<p>Pour bien comprendre les causes de la dé-oxygénation, il faut savoir que la colonne d’eau dans l’estuaire maritime et le golfe se compose de trois couches : une couche de surface, peu dense, relativement chaude et saumâtre (située entre 0 à 30 m) qui s’écoule vers l’Atlantique ; une couche intermédiaire froide, située entre 30-150 m de profondeur d’une salinité d’environ 32 g/kg (l’eau d’un lac ou d’une rivière contient typiquement moins de 0,01 g/kg de sels dissous tandis que l’eau de mer en contient près de 35 g/kg), qui se forme l’hiver dans le golfe et remonte l’estuaire.</p>
<p>Enfin, sous 150 m, on trouve des eaux profondes denses, plus chaudes (entre 2° à 7 °C) et salées (salinité entre 33 à 35 g/kg). Elles se forment sur la pente continentale près du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, par un mélange d’eaux froides et bien oxygénées du courant du Labrador et d’eaux plus chaudes et moins oxygénées provenant <a href="https://doi.org/10.4319/lo.2005.50.5.1654">du courant centre-ouest Atlantique</a>.</p>
<p>Ces eaux denses tapissent le fond du chenal Laurentien et migrent lentement vers Tadoussac, avec une quantité limitée d’oxygène dissous. Cette quantité diminue au cours de son transit puisque les bactéries, principalement, consomment progressivement l’oxygène.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/458885/original/file-20220420-23-gfu668.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="graphique" src="https://images.theconversation.com/files/458885/original/file-20220420-23-gfu668.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/458885/original/file-20220420-23-gfu668.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/458885/original/file-20220420-23-gfu668.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/458885/original/file-20220420-23-gfu668.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/458885/original/file-20220420-23-gfu668.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=432&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/458885/original/file-20220420-23-gfu668.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=432&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/458885/original/file-20220420-23-gfu668.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=432&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Stratification des différentes masses d’eau dans l’estuaire, le golfe du Saint-Laurent et le chenal Laurentien.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Alfonso Mucci)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Historique de la dé-oxygénation des eaux profondes</h2>
<p><a href="https://doi.org/10.4319/lo.2005.50.5.1654">En 2003, une première série de mesures</a> a révélé la présence de faibles concentrations d’oxygène dissous dans les eaux profondes de l’estuaire maritime, proche de Rimouski. Les concentrations étaient sous la valeur seuil de l’hypoxie sévère (62,5 µmol/L ou 20 % de saturation, soit 20 % de ce que la concentration en oxygène dissous devrait être si l’eau était en équilibre avec l’atmosphère). Sous ce seuil, plusieurs espèces de poisson, telle la morue, ne peuvent survivre longtemps.</p>
<p>De plus, la structure et l’activité des communautés benthiques, tels les mollusques et crevettes, qui vivent en profondeur près du fond, en sont fortement modifiées. Des concentrations de 60 µmol/L (soit 18 % de saturation) tapissaient alors le fond du chenal et cette zone hypoxique s’étendait sur environ 1 300 km<sup>2</sup>, de Tadoussac à Pointe-des-Mont.</p>
<p>Une <a href="https://doi.org/10.4319/lo.2005.50.5.1654">compilation de données historiques</a> et de données acquises entre 2003 et 2021 révèle que les concentrations en oxygène dissous dans les eaux profondes de l’estuaire ont diminué considérablement au cours du dernier siècle, passant d’environ 135 µmol/L en 1934 à 60 µmol/L entre 1985 et 2010. En 2021, cependant, les concentrations mesurées chutent à 35 µmol/L, soit 2 fois moins que le seuil de l’hypoxie sévère, et presque 2 fois moins que seulement deux années plus tôt.</p>
<p>De plus, la zone baignée par ces faibles concentrations d’oxygène s’étend maintenant jusqu’au golfe, triplant la superficie de la zone hypoxique en à peine 20 ans !</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/458886/original/file-20220420-15105-vud19h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="graphique" src="https://images.theconversation.com/files/458886/original/file-20220420-15105-vud19h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/458886/original/file-20220420-15105-vud19h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/458886/original/file-20220420-15105-vud19h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/458886/original/file-20220420-15105-vud19h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/458886/original/file-20220420-15105-vud19h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/458886/original/file-20220420-15105-vud19h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/458886/original/file-20220420-15105-vud19h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Concentrations minimales en oxygène dissous dans l’estuaire maritime du Saint-Laurent à des profondeurs supérieures à 250 m. Ces données sont enregistrées dans une station proche de Rimouski.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Alfonso Mucci)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Quelles en sont les causes ?</h2>
<p>Alors que les concentrations en oxygène dissous diminuent, les températures de la masse d’eau profonde, elles, <a href="https://publications.gc.ca/site/eng/9.891309/publication.html">augmentent de manière draconienne, passant de 3 °C à plus de 6 °C</a> au cours du dernier siècle. Ces changements historiques de température et de concentration en oxygène sont appuyés par des analyses micropaléontologiques (dénombrement et identification des fossiles de micro-organismes) et géochimiques des sédiments récoltés au fond du chenal Laurentien. Et cette tendance s’étend bien au-delà du XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Une analyse des variables chimiques et physiques des eaux profondes révèle aussi un changement des proportions relatives des eaux issues des courants du Labrador et du Gulf Stream alimentant le chenal Laurentien. La proportion des eaux chaudes et moins oxygénées issue du Gulf Stream augmente, aux dépens des eaux froides et plus oxygénées en provenance du courant du Labrador. </p>
<p>Donc, une plus faible contribution du courant du Labrador résulte en des eaux plus chaudes et moins riches en oxygène. Alors qu’en 1930, 72 % des eaux profondes provenaient du courant du Labrador, cette proportion est passé <a href="https://doi.org/10.1029/2020JC016577">à moins de 20 %</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/458899/original/file-20220420-11-q0p1m9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="graphique" src="https://images.theconversation.com/files/458899/original/file-20220420-11-q0p1m9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/458899/original/file-20220420-11-q0p1m9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=514&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/458899/original/file-20220420-11-q0p1m9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=514&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/458899/original/file-20220420-11-q0p1m9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=514&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/458899/original/file-20220420-11-q0p1m9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=646&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/458899/original/file-20220420-11-q0p1m9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=646&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/458899/original/file-20220420-11-q0p1m9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=646&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Distribution des concentrations en oxygène dissous (en µmol/L et en % de saturation d’oxygène) à la fin août 2021, de l’estuaire fluvial en amont de Tadoussac, à l’entrée du golfe. La carte présente la localisation des différentes stations visitées au cours de l’expédition océanographique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Gwénaëlle Chaillou)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Un phénomène global</h2>
<p>La désoxygénation des eaux côtières est un <a href="https://doi.org/10.1126/science.aam7240">phénomène observé à l’échelle globale depuis le milieu du XXᵉ siècle</a>. En 1995, environ <a href="https://doi.org/10.1126/science.1156401">200 sites étaient répertoriés</a>. En 2008, ce nombre avait plus que doublé ! </p>
<p>Un changement aussi important et rapide n’a jamais été observé pour une variable environnementale d’une si grande importance dans les écosystèmes marins côtiers et estuariens. Dans la plupart des cas, cependant, le manque d’oxygène est temporaire. Lorsque la colonne d’eau est peu profonde et stratifiée de façon saisonnière, comme dans le golfe du Mexique, les épisodes d’hypoxie, voire d’anoxie (absence totale d’oxygène dissous), ne persistent pas toute l’année.</p>
<p>L’oxygène dissous y est renouvelé lors des épisodes de ventilations automnales ou hivernales. Ces ventilations ont lieu lorsque la colonne d’eau est refroidie par l’atmosphère et que la densité des eaux de surface devient assez élevée pour engendrer un mélange complet de la colonne d’eau, apportant ainsi de l’oxygène jusque dans le fond.</p>
<p>Or, dans l’estuaire du Saint-Laurent, l’hypoxie est persistante, car la colonne d’eau est profonde et fortement stratifiée toute l’année. Les eaux profondes qui migrent de l’Atlantique vers Tadoussac sont isolées de l’atmosphère pendant 4 à 7 ans et l’oxygène dissous y est graduellement consommé tout le long du transit.</p>
<p>Reste à savoir si le réchauffement des eaux de l’Atlantique persistera, menaçant alors de plus belle les écosystèmes du Saint-Laurent.</p>
<hr>
<p><em>Nous tenons à remercier la contribution de Joannie Cool qui a récemment complété une maîtrise sur la dynamique de l’oxygène dans les sédiments de l’estuaire de Saint-Laurent et qui a assuré l’acquisition de données probantes pendant quelques années.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180069/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alfonso Mucci a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et du Fonds de Recherche du Québec-Nature et Technologies.
Il est membre de l'Ordre des Chimistes du Québec, de la Société Royale Canadienne, de l'ACFAS, de la Société Canadienne de Météorologie et Océanographie, de l'American Geophysical Union et de la Geochemical Society. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Gwénaëlle Chaillou a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) ), des Fonds de Recherche du Québec, des Chaires de Recherche du Canada, et du Gouvernement du Québec (Réseau Québec Maritime, MESI, MELCC). Elle est membre de l'ACFAS, de la Geochemical Society et de International Association of Hydrogeologists – Canadian National Committee (IAH-CNC).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mathilde Jutras a reçu des financements du Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et des Fonds de recherche du Québec, fond nature et technologie (FRQNT). Mathilde est membre de la Société canadienne de météorologie et d'océanographie (SCMO) et du regroupement de recherche Québec-Océan.</span></em></p>Les changements climatiques causent une dé-oxygénation des eaux profondes dans le chenal Laurentien du fleuve Saint-Laurent et une dégradation de la santé de cet écosystème estuarien.Alfonso Mucci, Professeur Émérite en géochimie et océanographie, McGill UniversityGwénaëlle Chaillou, professeure de chimie marine à l'Institut des sciences de la mer de Rimouski (ISMER-UQAR), Université du Québec à Rimouski (UQAR)Mathilde Jutras, PhD candidate, physical and biogeochemical oceanography, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1840202022-05-30T13:54:38Z2022-05-30T13:54:38ZOn dispose des outils nécessaires pour garantir une infinité de poissons aux générations futures<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/465763/original/file-20220527-11-kkgo06.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=37%2C14%2C4895%2C3315&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les stocks de poissons sont en déclin dans le monde entier, en partie à cause de la façon dont nous valorisons la nature et ne tenons pas compte de ses avantages à long terme. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://doi.org/10.1139/facets-2021-0089">Les aînés autochtones ont récemment fait part de leur consternation face au déclin sans précédent des populations de saumon</a> dans les trois plus grandes rivières productrices de la Colombie-Britannique. Les recherches que mon équipe a menées ont révélé que les prises de saumon coho au large de la côte sud de cette province ne représentent désormais qu’à peine <a href="https://doi.org/10.1016/j.fishres.2019.04.002">5 % des prises maximales</a>, réalisées au début des années 1900.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/465782/original/file-20220527-11-2p3wbe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/465782/original/file-20220527-11-2p3wbe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/465782/original/file-20220527-11-2p3wbe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/465782/original/file-20220527-11-2p3wbe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/465782/original/file-20220527-11-2p3wbe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/465782/original/file-20220527-11-2p3wbe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=394&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/465782/original/file-20220527-11-2p3wbe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=394&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/465782/original/file-20220527-11-2p3wbe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=394&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le 25 mai, l’auteur Rashid Sumaila discutera, dans le cadre d’un événement en direct organisé conjointement par The Conversation/La Conversation et le Conseil de recherches en sciences humaines, de ses recherches sur l'économie des océans.</span>
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</figure>
<p>La diminution des <a href="https://www.eea.europa.eu/help/glossary/eea-glossary/fish-stock">stocks de poissons</a> constitue un problème mondial. Au cours des cinq dernières décennies environ, certains stocks de poissons se sont effondrés : la morue au <a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/en/article/cod-moratorium-of-1992">large de Terre-Neuve</a>, la sardine d’Europe le long de la <a href="https://allafrica.com/stories/201709070732.html">côte namibienne</a>, le hareng de printemps au <a href="https://doi.org/10.1002/ece3.8336">large de la Norvège</a> et la sardine de la <a href="https://usa.oceana.org/responsible-fishing-modern-day-pacific-sardine-collapse-how-prevent-future-crisis/">Californie</a>. À l’échelle mondiale, plus de 100 millions de tonnes de poissons sont retirées de l’océan chaque année, ce qui équivaut au poids de plus de 100 millions de vaches adultes !</p>
<p>Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 34 % des stocks de poissons de la planète sont surexploités. Mais d’autres organismes, dont le <a href="https://www.minderoo.org/global-fishing-index/">Global Fish Index</a>, estiment cette surexploitation à environ la moitié des stocks de poissons marins.</p>
<p>Ces épuisements sont en partie dus à la façon dont nous estimons – ou plutôt n’estimons pas – la nature. L’évaluation inappropriée des biens et services que la nature nous fournit est une raison fondamentale pour laquelle nous n’avons pas réussi à protéger les océans et l’environnement en général. Elle compromet la capacité de l’humanité à réaliser ce que j’appelle une <a href="https://infinity.fish/">« infinité de poissons »</a> : transmettre à nos enfants et petits-enfants un océan sain afin de leur donner la possibilité de perpétuer cette pratique.</p>
<h2>Le prix n’est pas juste</h2>
<p>Dans le domaine des pêches, certains économistes affirment que tout ira bien si nous parvenons à « fixer le prix juste ». Je dis que si nous parvenons à déterminer la valeur et à l’établir correctement, nous serons mieux à même de vivre en harmonie avec la nature. L’attribution d’une valeur adéquate au poisson facilitera l’évaluation du coût à long terme de l’appauvrissement de l’océan qui se traduit par la disparition d’un trop grand nombre de poissons, trop rapidement, dans de trop nombreuses zones.</p>
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<img alt="Une personne debout dans un petit bateau jette un filet de pêche dans l’océan" src="https://images.theconversation.com/files/465066/original/file-20220524-18-uqnga6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/465066/original/file-20220524-18-uqnga6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/465066/original/file-20220524-18-uqnga6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/465066/original/file-20220524-18-uqnga6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/465066/original/file-20220524-18-uqnga6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/465066/original/file-20220524-18-uqnga6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/465066/original/file-20220524-18-uqnga6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Plus de 80 % des subventions mondiales pour la pêche vont aux flottes industrielles à grande échelle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>La pêche marine est <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-021-23168-y">vitale pour la subsistance de dizaines de millions de personnes dans le monde</a>. Elle contribue de façon directe et indirecte à la <a href="https://doi.org/10.1007/s10818-010-9090-9">sécurité alimentaire et nutritionnelle</a> de milliards de gens en leur offrant des produits de la mer et en générant des dizaines de millions d’emplois et de salaires. Ceci est particulièrement vrai dans les pays côtiers les moins développés du monde, où l’océan fournit jusqu’à 20 % des protéines animales.</p>
<p>Les stocks de poissons sauvages sont une ressource renouvelable qui peut continuer à nourrir et à faire vivre les populations jusqu’à la fin des temps, à condition d’être exploités judicieusement. Mathématiquement, tout ce qui continue à générer un gain positif, aussi petit soit-il, s’additionnera de façon illimitée.</p>
<p>Personne ne veut la mort d’un océan. Pour empêcher cela, nous devons adopter le mode de pensée axé sur une infinité de poissons : une évaluation précise et complète de tous les avantages qu’offre l’océan – fruits de mer, séquestration du carbone, loisirs, culture, absorption de chaleur – au-delà de ce qui est commercialisé.</p>
<h2>Ce qu’il en coûte d’ignorer la nature</h2>
<p>L’une des principales difficultés auxquelles se heurte l’économie est de parvenir à évaluer les bénéfices générés par les écosystèmes marins d’une manière exhaustive qui tient compte de leurs diverses valeurs à long terme. Il nous faut surmonter cet obstacle si nous voulons avoir une chance d’atteindre l’infinité de poissons.</p>
<p>En tant qu’êtres humains, nous avons tendance à percevoir tout ce qui nous est proche, à la fois dans le temps et dans l’espace, comme important et sérieux, alors que nous n’accordons que peu ou pas de considération à ce qui est plus distant. Et ceci constitue l’une des principales barrières nous empêchant de parvenir à une infinité de poissons. Cette tendance, que l’on retrouve en partie dans le <a href="https://doi.org/10.1093/oxfordjournals.cje.a013636">concept économique d’actualisation</a>, a constitué un sérieux frein à notre capacité à vivre en <a href="https://doi.org/10.1016/j.ecolecon.2003.11.012">symbiose avec la nature</a>.</p>
<p>Essentiellement, l’actualisation, qui consiste à rapporter les bénéfices à venir à leur valeur d’aujourd’hui, nous incite à les anticiper et à en reporter les coûts. Cette tendance explique en partie pourquoi <a href="https://doi.org/10.5281/zenodo.6417333">nous continuons à surexploiter la biodiversité</a> et <a href="https://doi.org/10.1126/science.1059199">à épuiser les stocks de poissons</a>, <a href="https://doi.org/10.1038/nature01017">marins</a> en particulier. Elle permet également de comprendre en partie la raison pour laquelle nous continuons à <a href="http://users.telenet.be/j.janssens/CommentsSPM4web.pdf">polluer l’environnement avec du dioxyde de carbone</a> <a href="https://doi.org/10.1093/reep/rez007">et du plastique</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Vue aérienne de chalutiers de pêche dans l’océan" src="https://images.theconversation.com/files/465067/original/file-20220524-12-x9cg52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/465067/original/file-20220524-12-x9cg52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/465067/original/file-20220524-12-x9cg52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/465067/original/file-20220524-12-x9cg52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/465067/original/file-20220524-12-x9cg52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/465067/original/file-20220524-12-x9cg52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/465067/original/file-20220524-12-x9cg52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La fermeture de la pêche en haute mer aurait un effet positif immense sur les stocks de poissons.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>Lorsque les individus, les communautés et les sociétés seront arrivés à calculer des valeurs réelles, nous serons en mesure d’élaborer les principes directeurs nécessaires à un mode de vie qui respecte la nature. Cette démarche nous motiverait à :</p>
<ul>
<li><p>gérer efficacement les <a href="https://doi.org/10.1080/00358533.2012.661532">stocks de poissons</a> ;</p></li>
<li><p>s’attaquer aux <a href="https://doi.org/10.3354/meps11135">facteurs de la surpêche</a> ;</p></li>
<li><p>supprimer ou rediriger les <a href="https://doi.org/10.1126/science.abm1680">subventions pour la pêche jugées préjudiciables</a> ;</p></li>
<li><p>reconstituer et rétablir les <a href="http://kenyacurrent.com/wp-content/uploads/2017/03/SunkenBillionsRevisited-embargoed14Feb17.pdf">stocks de poissons épuisés</a> ;</p></li>
<li><p>prévenir les <a href="https://doi.org/10.1139/f2011-171">marées noires</a> et la pollution marine par les plastiques ;</p></li>
<li><p>éliminer le <a href="https://doi.org/10.1126/sciadv.aaz3801">commerce illégal et illicite des prises de poissons</a> ;</p></li>
<li><p><a href="https://doi.org/10.1038/srep08481">fermer la pêche en haute mer</a> (zones situées au-delà des limites des compétences nationales) ;</p></li>
<li><p>traiter le changement climatique comme la <a href="https://elischolar.library.yale.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1019&context=fes-pubs">crise qu’il représente</a>.</p></li>
</ul>
<p>En dernier ressort, nous devons renoncer aux politiques préjudiciables qui encouragent les actions négatives perpétrées par l’humain sur la nature, telles que l’attribution de <a href="https://doi.org/10.3389/fmars.2020.539214">plus de 80 % des subventions mondiales pour la pêche aux flottes industrielles à grande échelle</a>, au détriment des petits pêcheurs côtiers, y compris la pêche traditionnelle et de subsistance.</p>
<h2>Les générations futures</h2>
<p>De bonnes choses viennent de l’océan, et d’autres, plus dommageables, y aboutissent.</p>
<p>Les gens prennent ce qu’ils veulent ou ce dont ils ont besoin dans l’océan, et ces biens sont intégrés dans nos systèmes économiques, culturels et sociaux. En retour, nous générons beaucoup de déchets, notamment, entre autres retombées négatives, des gaz à effet de serre qui sont absorbés par les océans et qui contribuent à l’augmentation de la température de surface des eaux, de leur niveau et de leur acidité.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Trois personnes sur une plage portant deux filets de poisson qui les séparent" src="https://images.theconversation.com/files/465069/original/file-20220524-13-77qtj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/465069/original/file-20220524-13-77qtj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/465069/original/file-20220524-13-77qtj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/465069/original/file-20220524-13-77qtj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/465069/original/file-20220524-13-77qtj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/465069/original/file-20220524-13-77qtj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/465069/original/file-20220524-13-77qtj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Atteindre l’« infinité de poissons » nous permettrait de léguer un océan sain à nos enfants et petits-enfants.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
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<p>Une chose est sûre, nous devons prélever les bienfaits de l’océan de façon plus judicieuse et dans les limites imposées par la nature, tout en ramenant au strict minimum la pollution qui y parvient. Nous devons également veiller à ce que nous retirons de l’océan soit utilisé pour répondre aux besoins du plus grand nombre possible de personnes, notamment les plus vulnérables d’entre nous.</p>
<p>Pour atteindre l’infinité de poissons, il faut adopter une approche interdisciplinaire, fondée sur des partenariats qui permettent aux scientifiques, aux communautés autochtones, aux gouvernements, aux entreprises, aux ONG et à la société civile de créer ensemble des solutions.</p>
<p>L’océan est immense : il couvre 70 % de la surface de la Terre. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas le protéger. Nous disposons de l’intelligence et de l’empathie nécessaires pour garantir collectivement l’infinité de poissons pour les générations futures. Il faut simplement parvenir à des valeurs et des mesures précises.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184020/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rashid Sumaila a reçu des financements du CRSH, du CRSNG, du Pew Charitable Trusts et de Oceana. Outre l'University of British Columbia, il est affilié à la National University of Malaysia en tant que professeur international distingué.</span></em></p>L’être humain n’a pas su prendre soin de l’océan – et de l’environnement en général – parce qu’il sous-estime les biens et services qu’il lui procure.Rashid Sumaila, Director & Professor, Fisheries Economics Research Unit, University of British ColumbiaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1834652022-05-22T16:06:52Z2022-05-22T16:06:52ZChangement climatique et océan : quel avenir pour les poissons ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/464453/original/file-20220520-11-gzm4ok.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C1280%2C733&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Site Ifremer de Plouzane.</span> <span class="attribution"><span class="source"> Ifremer</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Depuis la mise en place du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (<a href="https://www.ipcc.ch/languages-2/francais/">GIEC</a>) et l’émergence de <a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/04/FS_timeline_fr.pdf">leurs rapports</a> d’évaluation du système climatique global, l’altération des paramètres physico-chimiques environnementaux est une certitude.</p>
<p>En effet, les diverses émissions provenant des activités anthropiques (gaz à effets de serre, rejet de déchets, polluants chimiques et/ou biologique…) perturbent les écosystèmes. En jouant le rôle de tampon, les océans et plus précisément les eaux de surfaces régulent l’apport conséquent de dioxyde de carbone atmosphérique (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dioxyde_de_carbone">CO₂</a>). Ces puits de carbone limitent ainsi l’impact terrestre des émissions continues de CO<sub>2</sub>, l’un des acteurs majeurs de ce changement global.</p>
<p>Actuellement, la concentration en dioxyde de carbone (exprimée en pression partielle <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/PCO2">pCO₂</a>) est estimée à 400 µatm, qui correspond à un pH dans l’environnement marin de 8.</p>
<p>Selon les projections du GIEC, la pCO<sub>2</sub> de l’océan de surface atteindra des valeurs de 1 200 µatm d’ici 2100, ce qui entraînera (entre autres) une diminution importante du pH de l’eau de mer (pH estimé à 7,6). Ces variations des propriétés physico-chimiques des eaux de surface du globe entraînent une fragilisation des écosystèmes marins.</p>
<h2>Une acidification des océans</h2>
<p>En effet, la modification des paramètres des océans (réchauffement, acidification, hypoxie, salinité) peut avoir un impact sur les fonctions physiologiques des organismes aquatiques, tributaires des variations de leur milieu. Les poissons sont particulièrement sensibles aux variables environnementales qui peuvent générer des modifications de leur comportement et de leur fonctions physiologique (croissance, alimentation, maturation, reproduction).</p>
<p>L’étude des effets du changement global à long terme sur la physiologie des poissons fait l’objet de nombreux projets de recherche au sein du LEMAR-Ifremer (<a href="https://www-iuem.univ-brest.fr/lemar/">Laboratoire des sciences de l’Environnement MARin</a> et <a href="https://wwz.ifremer.fr/Recherche/Departements-scientifiques/Departement-Ressources-Biologiques-et-Environnement/Unite-Physiologie-Fonctionnelle-des-Organismes-Marins">Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer</a>), qui a acquis une expérience significative sur l’étude des effets de l’acidification des océans, spécifiquement en étudiant le bar. L’exposition de poissons marins aux conditions environnementales prévues pour le futur proche est essentielle pour évaluer les capacités physiologiques d’acclimatation des organismes aquatiques et ainsi appréhender la vulnérabilité de ces populations.</p>
<p>Le bar européen (<em>Dicentrarchus labrax</em>), est une espèce modèle idéale pour des études expérimentales en milieu contrôlé. Il cumule en effet plusieurs caractéristiques intéressantes : espèce d’intérêt commercial (aquaculture et pêche), ayant fait l’objet de nombreuses études permettant de capitaliser un grand nombre d’informations sur sa physiologie, biologie et écologie. La connaissance de cette espèce (croissance, reproduction, cycle de vie) et sa facilité d’élevage permettent d’appréhender, au laboratoire, les effets et conséquences de modification de paramètres environnementaux (température, pH, nourriture, oxygène) sur ses fonctions physiologiques aux différentes étapes de son cycle de vie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/464310/original/file-20220519-17-tc4u0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/464310/original/file-20220519-17-tc4u0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/464310/original/file-20220519-17-tc4u0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/464310/original/file-20220519-17-tc4u0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/464310/original/file-20220519-17-tc4u0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/464310/original/file-20220519-17-tc4u0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/464310/original/file-20220519-17-tc4u0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/464310/original/file-20220519-17-tc4u0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Bar européen adulte (<em>Dicentrarchus labrax</em>).</span>
<span class="attribution"><span class="source">O. Mouchel</span></span>
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<p>Parmi les projets menés sur les différents stades de vie du bar, le stade larvaire étant le plus fragile et sensible aux changements environnementaux est souvent étudié davantage. Or aucun effet sur la croissance n’a été mis en évidence face à une acidification de l’environnement, traduisant une <a href="https://doi.org/10.1007/s00227-017-3178-x">capacité de résilience</a> de la larve face à ce phénomène. Cependant, le système olfactif semble impacté à différents niveaux de son fonctionnement, comme suggéré par des <a href="https://doi.org/10.1016/j.marenvres.2020.105022">études de biologie moléculaire</a>. Contre toute attente, ces études montrent une stimulation positive des gènes impliqués dans la reconnaissance des pathogènes présents dans le système olfactif des juvéniles, ouvrant une nouvelle question sur les effets potentiels de résistance du bar aux <a href="https://doi.org/10.21203/rs.3.rs-1197163/v1">agressions virale et bactérienne</a>. Ces effets pourraient être également observés chez leurs descendances ce qui peut affecter leurs perception et interaction avec l’environnement et à long terme <a href="https://doi.org/10.1016/j.marenvres.2021.105438">impacter leur survie</a>.</p>
<h2>L’oxygène disponible diminue dans les océans</h2>
<p>L’augmentation de CO<sub>2</sub> aquatique conduit également à une diminution de l’oxygène disponible dans l’eau. Or les poissons soumis à une hypoxie (diminution de la concentration en oxygène dans l’eau), même légère, lors des stades de développement précoce, développent des malformations respiratoires et leur croissance est réduite. Cet effet sur la croissance est imputable à un dysfonctionnement des protéines digestives qui semblent moins efficaces sous ces conditions. De plus, l’exposition des stades larvaires à un phénomène d’hypoxie diminue la tolérance des stades juvéniles aux faibles concentrations en oxygène, ce qui <a href="https://doi.org/10.1016/j.marenvres.2018.03.011">accroît la vulnérabilité de l’espèce</a> face à des scenarii d’hypoxie.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/464302/original/file-20220519-25-9sduns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/464302/original/file-20220519-25-9sduns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/464302/original/file-20220519-25-9sduns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/464302/original/file-20220519-25-9sduns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/464302/original/file-20220519-25-9sduns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/464302/original/file-20220519-25-9sduns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/464302/original/file-20220519-25-9sduns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/464302/original/file-20220519-25-9sduns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Larves de bar européen (Dicentrarchus labrax) après éclosion.</span>
<span class="attribution"><span class="source">O. Mouchel</span></span>
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</figure>
<p>Actuellement, l’étude des effets de l’acidification des océans sur cette espèce dans ce laboratoire se concentre sur les adultes. Selon les résultats du laboratoire et sur la base d’autres études scientifiques, il a été observé que les changements dans les variables environnementales comme la température, la salinité, l’acidification ou l’hypoxie ont un impact sur le comportement et la physiologie reproductrice du bar qui semble <a href="https://doi.org/10.1016/j.ygcen.2020.113439">réduire le succès reproducteur des adultes</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/464301/original/file-20220519-3753-n3vzm4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/464301/original/file-20220519-3753-n3vzm4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/464301/original/file-20220519-3753-n3vzm4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/464301/original/file-20220519-3753-n3vzm4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/464301/original/file-20220519-3753-n3vzm4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/464301/original/file-20220519-3753-n3vzm4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=610&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/464301/original/file-20220519-3753-n3vzm4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=610&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/464301/original/file-20220519-3753-n3vzm4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=610&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Œufs de bar européen (<em>Dicentrarchus labrax</em>).</span>
<span class="attribution"><span class="source">O. Mouchel</span></span>
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<p>Ces études d’effets sur les trois stades de vies majeurs du bar (larves, juvéniles adultes) sont actuellement poursuivies et approfondies au laboratoire par une approche intégrée permettant d’appréhender tout le cycle de vie du bar dans sa continuité et d’éventuels effets intergénérationnels. Pour cela, une expérimentation originale et unique pour ce type d’espèce est en cours sur des individus maintenus en bassin d’élevage depuis le stade larvaire (deux à quatre jours post éclosion) jusqu’au stade adulte (4 ans) à des conditions de pH correspondant d’une part aux conditions naturelles actuelles et d’autre part à celles anticipées par le scénario le plus sévère du GIEC à l’horizon 2100. La croissance et la reproduction de ces poissons sont étudiées pendant plusieurs cycles de reproduction et sur deux générations. À notre connaissance, les effets intergénérationnels de l’acidification sur la reproduction de poissons n’ont jamais été étudiés auparavant.</p>
<p>Lors d’expériences précédentes, des différences ont été mises en évidence entre les deux conditions expérimentales en ce qui concerne divers aspects de la reproduction, tels que la maturation chez les deux sexes, la qualité des gamètes et la période de frai.</p>
<p>Sur la base de ces premiers résultats, de nouveaux projets d’études se développent autour d’approches multi-stress visant à combiner différents stress du changement global afin de mettre en évidence l’impact combiné de ces perturbations sur la résilience physiologique des organismes. Ainsi, récemment, l’approche multi-stress (température, acidification et contamination chimique de type <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/X%C3%A9noestrog%C3%A8ne">xénœstrogénique</a>, EE2) a été initiée au laboratoire sur l’épinoche à trois épines (<em>Gasterosteus aculeatus</em>) une nouvelle espèce à cycle de vie court, permettant d’observer tous les stades de vie en un an. Les premiers résultats montrent que, soumis au multi-stress, les œufs tendent à être plus petit et les larves avoir une croissance plus faible. Ces premiers indices suggèrent des effets précoces du changement environnemental.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/464306/original/file-20220519-6976-7e2k0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/464306/original/file-20220519-6976-7e2k0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/464306/original/file-20220519-6976-7e2k0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/464306/original/file-20220519-6976-7e2k0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/464306/original/file-20220519-6976-7e2k0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/464306/original/file-20220519-6976-7e2k0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/464306/original/file-20220519-6976-7e2k0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/464306/original/file-20220519-6976-7e2k0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Embryon d’épinoches à trois épines (<em>Gasterosteus aculeatus</em>) à quatre jours de développement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">J. Devergne</span></span>
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</figure>
<p>La poursuite de ces projets de recherche pour connaître et anticiper les effets du changement climatique sur les poissons constitue un sujet d’actualité et un enjeu majeur pour faire évoluer la stratégie de gestion et conservation des écosystèmes marins.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183465/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jimmy DEVERGNE est membre de Université de Brest, LEMAR, Ifremer, CNRS, IRD, Plouzané, France. Il a reçu des financements de ISblue, EC2CO. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Arianna Servili a reçu des financements de l'Ifremer, Université de Brest, CNRS, IRD, LEMAR, Plouzané, France</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Cristina Garcia Fernandez est membre de Université de Brest, LEMAR, Ifremer, CNRS, IRD, Plouzané, France</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Véronique Loizeau est membre de Ifremer ; UMR-LEMAR Ifremer, Université de Brest, CNRS, IRD, Plouzané, France. Elle a reçu des financements de EC2CO (CNRS-INSU). </span></em></p>Le changement climatique provoque une acidification des océans et une diminution de l’oxygène disponible pour les poissons.Jimmy Devergne, Doctorant en Biologie, Biochimie Cellulaire et Moléculaire, IfremerArianna Servili, chercheuse en endocrinologie et physiologie de poissons face aux environnements changeant, IfremerCristina Garcia Fernandez, Post-doc en écologie et physiologie des poissons, IfremerVéronique Loizeau, Chercheur sur la Bioaccumulation des Contaminants Organiques, IfremerLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1769292022-03-15T18:36:26Z2022-03-15T18:36:26ZTuer pour la science ? Une nouvelle expérience de Milgram<p>Les effets destructeurs de la soumission à l’autorité ont été illustrés il y a soixante ans à travers les <a href="https://calmann-levy.fr/livre/soumission-lautorite-9782702104576">fameuses recherches de Stanley Milgram</a>. Celles-ci ont montré que deux tiers des personnes qui participaient à un protocole expérimental sur l’apprentissage faisaient subir des chocs électriques potentiellement mortels à une victime humaine (qui simulait la douleur).</p>
<p>D’abord menées à Yale puis publiées en 1974 dans <em>Soumission à l’autorité</em>, ces recherches ont été <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3976349/">confirmées</a> dans une dizaine de laboratoires en Allemagne, Pologne ou Afrique du Sud.</p>
<p>Cependant, l’explication du puissant et inquiétant phénomène d’obéissance destructrice proposée par Milgram a été critiquée. Il pensait en effet que face à une autorité, les individus renonçaient temporairement à leurs convictions, devenant de simples « exécutants-robots » ayant abdiqué leur responsabilité morale. Cette idée est fascinante <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1745691612448482">mais a été largement mise en cause</a>.</p>
<p>Par exemple, quand on demande aux participants après l’expérience s’ils se sentent personnellement responsables de leurs actes, ils répondent par l’affirmative. De plus, si l’autorité se montre plus directive pour les contraindre à administrer les chocs, cela crée plus de résistance que d’adhésion. En observant attentivement les participants durant l’expérience, on décèle qu’ils <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/15534510.2017.1314980">cherchent souvent à tricher</a> pour aider la victime. Enfin, l’analyse de leurs paroles pendant l’expérience montre qu’ils s’opposent souvent verbalement à l’autorité ou cherchent à négocier <a href="https://bpspsychub.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.2044-8309.2011.02070.x">leur implication</a>.</p>
<p>Plusieurs <a href="https://theconversation.com/soumission-a-lautorite-lobeissance-nest-pas-ce-que-stanley-milgram-croyait-164341">recherches récentes</a> font largement douter de la pertinence de l’explication de Milgram et semblent incompatibles avec l’idée que les individus deviendraient les exécutants aveugles d’ordres émanant de l’autorité. Et si, dans l’expérience de Milgram, les bénéfices supposés de la recherche et le crédit accordé à la science (de loin la plus influente autorité culturelle de notre époque) éclairaient le comportement des individus ?</p>
<h2>La victime : un robot</h2>
<p>Pour tester l’impact de l’engagement pour la science sur le comportement, une situation expérimentale inédite a été imaginée. Cette fois-ci, les participants, près de 750 personnes, ne devaient pas électrocuter un autre humain mais sacrifier un animal de laboratoire.</p>
<p>Il s’agissait d’un cyprin doré, un grand poisson rouge et blanc de 50 centimètres de long qui nageait dans un aquarium de 3000 litres. C’était en réalité un robot biomimétique très réaliste, mais les participants l’ignoraient (ceux ayant eu des doutes sur l’expérience, environ 15 % de l’échantillon, ont été retirés des analyses).</p>
<p>Les participants devaient administrer un produit toxique au poisson afin de déterminer sa nocivité dans le cadre du développement d’un nouveau médicament. Ils apprenaient que les effets de la substance pourraient être douloureux et que cela tuerait progressivement le poisson. Pour réaliser la tâche, ils devaient appuyer successivement sur 12 boutons qui déclenchaient des injections toxiques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/451551/original/file-20220311-18-r1c4gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/451551/original/file-20220311-18-r1c4gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451551/original/file-20220311-18-r1c4gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451551/original/file-20220311-18-r1c4gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451551/original/file-20220311-18-r1c4gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451551/original/file-20220311-18-r1c4gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451551/original/file-20220311-18-r1c4gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451551/original/file-20220311-18-r1c4gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le dispositif utilisé pour injecter le produit toxique dans l’aquarium.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Bègue-Shankland, extrait de _Face aux animaux_</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>La probabilité de mort du poisson apparaissait sous les boutons dans l’ordre suivant : 0 % de probabilité de mort (bouton 1), 33 % (bouton 3), 50 % (bouton 6), 75 % (bouton 9) et 100 % (bouton 12). La vidéo de 50 secondes ci-dessous offre un aperçu visuel du dispositif.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/451548/original/file-20220311-28-pj4ujg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/451548/original/file-20220311-28-pj4ujg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451548/original/file-20220311-28-pj4ujg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451548/original/file-20220311-28-pj4ujg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451548/original/file-20220311-28-pj4ujg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451548/original/file-20220311-28-pj4ujg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=371&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451548/original/file-20220311-28-pj4ujg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=371&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451548/original/file-20220311-28-pj4ujg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=371&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le dispositif numérique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Bègue-Shankland, extrait de _Face aux animaux_</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les participants étaient également informés que l’activité cardiaque du poisson serait directement mesurée par un capteur implanté. Elle était traduite par des sinusoïdes sur l’écran et des bips sonores de plus en plus erratiques qui reflétaient la détresse cardiaque du poisson.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/451553/original/file-20220311-21-ee1vt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/451553/original/file-20220311-21-ee1vt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451553/original/file-20220311-21-ee1vt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451553/original/file-20220311-21-ee1vt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451553/original/file-20220311-21-ee1vt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451553/original/file-20220311-21-ee1vt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451553/original/file-20220311-21-ee1vt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451553/original/file-20220311-21-ee1vt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un participant face à l’interface. Il devait cliquer avec une souris sur chaque bouton, du jaune clair au rouge.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Bègue-Shankland, extrait de _Face aux animaux_</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Injecter un produit toxique</h2>
<p>Après une présélection permettant de garantir la diversité sociologique des participants, un rendez-vous était proposé à chaque participant. On l’informait qu’il serait rémunéré quoi qu’il fasse durant l’expérience. Au total, plus de 750 personnes sont successivement venues au laboratoire.</p>
<p>Un professeur vêtu d’une blouse blanche leur exposait les buts et modalités de l’étude : pour évaluer la toxicité d’un puissant stimulant cognitif destiné aux personnes âgées souffrant de troubles de la mémoire, on procédait à un test sur des poissons. Ils avaient été conditionnés pour réagir à certains stimuli (lumières, émission de bulles), et l’on voulait donc mesurer l’effet de la molécule sur l’amélioration de leur performance (qui se traduirait par leur passage plus fréquent dans un périmètre précis de l’aquarium, suite aux stimuli) en déterminant à partir de quels seuils ses effets seraient nocifs. Ce produit provoquerait des souffrances et finalement la mort de l’animal. Il était également indiqué que durant l’expérience, on examinerait comment des personnes ayant une formation en biologie ou des personnes néophytes catégoriseraient le comportement du poisson.</p>
<p>Un bref aperçu filmé de la salle d’expérience avec le poisson est présenté ci-dessous.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/exNHKprKNwI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Aperçu filmé de la salle d’expérience.</span></figcaption>
</figure>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/m_7AvMF1Xeg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Témoignages de participants après l'expérience.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Que feriez-vous dans cette situation ?</h2>
<p>Lorsque l’on présente pour la première fois l’expérience de Milgram à quelqu’un, la réaction la plus courante est de s’étonner que deux tiers des participants se soient soumis.</p>
<p>Lorsque Milgram a interrogé des psychiatres, des professeurs de sociologie, des adultes issus de la classe moyenne ou des étudiants, personne n’envisageait d’aller au-delà des toutes premières décharges. Peut-on observer ce phénomène de minimisation dans notre nouveau protocole ? 1623 personnes âgées de 18 à 65 ans à qui l’on a exposé en détail l’expérience ont dû estimer jusqu’à quel niveau d’injection elles pensaient qu’elles seraient personnellement allées (de 0 à 12) ainsi que jusqu’où, selon elles, des personnes de leur âge et de leur sexe iraient dans la même situation. Les résultats ont montré que seulement 12 % pensaient qu’elles seraient allées au terme de l’expérience. Près de 30 % des personnes affirmaient qu’elles n’auraient injecté aucune dose de produit toxique, alors que 93 % des participants pensaient que les autres personnes administreraient au moins une dose. Ce <a href="https://psycnet.apa.org/record/2019-72095-001">phénomène d’autovalorisation</a>, bien connu en psychologie et appelé « effet supérieur au moyen » consiste à considérer que l’on est plus intelligent, plus fidèle à ses valeurs ou moins influençable que la plupart des gens.</p>
<h2>Combien de participants sacrifient réellement l’animal ?</h2>
<p>Les résultats comportementaux ont indiqué que la majorité des participants (53 %) ont tué le poisson, allant ainsi jusqu’à la douzième (et dernière) dose. Tandis que près de 20 % ont catégoriquement refusé de commencer, de 1 % à 4 % environ ont administré entre une et onze injections. Comme le montre le graphique ci-dessous, l’écart entre le comportement observé et le comportement prédit saute aux yeux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/452267/original/file-20220315-25-13yxsfy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/452267/original/file-20220315-25-13yxsfy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/452267/original/file-20220315-25-13yxsfy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/452267/original/file-20220315-25-13yxsfy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/452267/original/file-20220315-25-13yxsfy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/452267/original/file-20220315-25-13yxsfy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/452267/original/file-20220315-25-13yxsfy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pourcentage d’injections prédites par des personnes extérieures et d’injections réellement administrées par les participants au laboratoire, dans Bègue-Shankland (2022).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Bègue-Shankland, extrait de _Face aux animaux_</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Des facteurs individuels permettaient de prédire en partie les comportements observés. Par exemple, les femmes administraient significativement moins de doses que les hommes. C’était aussi le cas des personnes végétariennes. A l’inverse, plus le score d’empathie des participants <a href="https://psycnet.apa.org/record/1983-22418-001">était élevé</a>, moins ils administraient de doses toxiques. Cependant, le lien était limité <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-019-56006-9">(les êtres aquatiques ne suscitent pas beaucoup l’empathie humaine)</a>.</p>
<p>Sans surprise, les personnes qui adhéraient à l’idée que les animaux avaient moins de valeur que les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29517258/">humains</a> administraient un plus grand nombre de doses toxiques au poisson.</p>
<p>Enfin, plus les participants trouvaient nécessaire l’idée d’une hiérarchie entre les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26479362/">groupes humains</a>, plus la quantité administrée était élevée, comme si la discrimination que les humains appliquent souvent entre leurs groupes préférés et les autres inspirait également une déconsidération du groupe « autre » par excellence qu’est celui des non-humains.</p>
<p>Comme l’ont indiqués les témoignages des participants (détaillés dans un ouvrage consacré <a href="https://livre.fnac.com/a16495272/Laurent-Begue-Shankland-Face-aux-animaux">à cette étude</a>) et aux relations humains-animaux, l’expérience était très impliquante et les confrontait à un douloureux dilemme moral.</p>
<h2>Effet du soutien à la science sur le comportement</h2>
<p>Pour mesurer l’effet du soutien à la science sur le comportement, on a remis aux participants une fiche visant à amorcer une disposition soit favorable soit défavorable à la science. Cette méthode consiste à infuser subtilement une idée de manière à déterminer son lien avec le comportement mis en œuvre ensuite par l’individu.</p>
<p>Dans la condition « pro-science », les participants devaient mentionner par écrit trois choses importantes selon eux à propos de la science, puis trois choses qu’ils aimaient au sujet de la science et enfin trois choses qu’ils avaient en commun avec les scientifiques. À l’inverse, dans la condition « critique de la science », ils devaient écrire trois choses qui leur posaient problème au sujet de la science, trois choses qu’ils n’aimaient pas, et trois choses qui les différenciaient des scientifiques. La comparaison des comportements des personnes de ces deux groupes a confirmé que les personnes mises aléatoirement dans le groupe « pro-science » administraient significativement plus de doses du produit toxique dans l’aquarium que celles du groupe <a href="https://www.researchgate.net/publication/353572755_Pro-scientific_Mindset_and_the_Lethal_Use_of_Animals_in_Biomedical_Experimentation">« critique de la science »</a>.</p>
<h2>L’obéissance n’est pas aveugle</h2>
<p>Le simple fait que l’induction d’un état d’esprit proscientifique intensifie le comportement destructeur envers un animal confirme que l’obéissance n’est pas aussi aveugle que l’affirmait Milgram. Les gens se plient à l’autorité quand le comportement qui leur est demandé a vraiment du sens pour eux.</p>
<p>La science est aujourd’hui l’influence culturelle la plus importante, en <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/les-francais-et-la-science-une-relation-ambivalente">France</a> comme dans le monde anglo-européen.</p>
<p>Bien que la pertinence et l’utilité de l’expérimentation animale soient de plus en plus discutées (par exemple, une récente synthèse publiée dans la <a href="https://www.science.org/content/article/more-half-high-impact-cancer-lab-studies-could-not-be-replicated-controversial-analysis">revue scientifique <em>Nature</em> indiquait</a> que la moitié des études animales sur le cancer n’étaient pas confirmées), la majorité des participants de notre expérience ont surmonté leurs réticences, neutralisé leur empathie et sacrifié des animaux en les faisant souffrir, espérant ainsi servir la science et la médecine.</p>
<hr>
<p><em>L’auteur vient de publier <a href="https://livre.fnac.com/a16495272/Laurent-Begue-Shankland-Face-aux-animaux">« Face aux animaux »</a>, éditions Odile Jacob.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176929/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Bègue-Shankland a reçu des financements de l'Institut Universitaire de France.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Kevin Vezirian ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une nouvelle étude démontre l’impact de l’autorité de la science sur le comportement d’individus devant tuer un animal dans un but scientifique.Laurent Bègue-Shankland, Professeur de psychologie sociale, membre de l’Institut universitaire de France (IUF), directeur de la MSH Alpes (CNRS/UGA). Dernier ouvrage : Face aux animaux. Nos émotions, nos préjugés, nos ambivalences. Odile Jacob, 2022, Université Grenoble Alpes (UGA)Kevin Vezirian, Doctorant en psychologie, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1766272022-03-01T13:53:32Z2022-03-01T13:53:32ZDes poissons drogués ? Le microdosage de LSD chez le poisson-zèbre montre d’éventuels bienfaits pour les humains<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/448415/original/file-20220224-17-ak3c6h.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=19%2C0%2C2529%2C1728&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En raison de leur caractère social et du fait qu’ils partagent 70 % de leur ADN avec les humains, les poissons-zèbres constituent d’excellents cobayes.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le microdosage – <a href="https://www.lapresse.ca/sciences/medecine/201711/19/01-5144112-une-microdose-de-lsd-avant-daller-au-boulot.php">ingestion régulière de petites quantités d’une substance psychédélique</a> – est devenu un phénomène courant.</p>
<p>Considéré comme un moyen d’accroître sa productivité, de stimuler sa créativité ou d’améliorer son ouverture d’esprit, le microdosage de drogues psychédéliques gagne en popularité auprès de chercheurs universitaires et de personnes qui souhaitent tenter des expériences.</p>
<p>Le microdosage peut toutefois offrir davantage que des effets positifs sur l’humeur.</p>
<p>Grâce au poisson-zèbre et à notre nouvelle méthode d’administration précise et répétée de substances, mes collègues et moi étudions le LSD et les terpènes (substances chimiques présentes dans les plantes et responsables, entre autres, de leur odeur) dans le cadre d’une série de projets visant à explorer de nouveaux traitements pour les troubles de santé mentale et ceux liés à l’usage de l’alcool.</p>
<p>Le poisson-zèbre peut sembler un choix étrange pour étudier la santé humaine, mais <a href="https://doi.org/10.1038/nature12111">il partage 70 % de ses gènes avec nous</a> ; c’est un organisme auquel les scientifiques ont souvent recours pour observer les processus biologiques. Il est aussi incroyablement social, ce qui le rend bien adapté aux <a href="https://dx.doi.org/10.1038/s12276-021-00571-5">études comportementales des troubles psychiatriques</a> et à la recherche sur différentes substances.</p>
<p>Toutefois, les recherches antérieures avec le poisson-zèbre portaient sur une administration « chronique », où les poissons demeuraient pendant des semaines dans une solution comprenant les substances étudiées. Étant donné que les humains ont besoin (au minimum) d’un peu de sommeil, cette administration ne peut refléter avec précision les habitudes de consommation humaine.</p>
<h2>Une question de dosage</h2>
<p>Pour dépasser ces limites, nous avons mis au point une nouvelle méthode qui permet de donner une dose précise à plusieurs poissons pour des durées d’exposition exactes. En plaçant un module dans le réservoir d’hébergement, nous pouvons déplacer des groupes de poissons vers un réservoir de dosage pour une période déterminée, ce qui permet d’imiter la façon dont les humains consomment de la drogue ou de l’alcool.</p>
<p>Pour vérifier si cette nouvelle procédure de dosage pouvait avoir des effets comportementaux et neurochimiques, nous avons réalisé une série de projets avec cette méthode pour examiner les effets de l’alcool et de la nicotine.</p>
<p>Tout d’abord, nous avons soumis les poissons-zèbres à une dose quotidienne modérée ou à une dose hebdomadaire très élevée d’éthanol pendant trois semaines. Nous avons constaté une <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0063319">différence significative dans les choix d’emplacement</a> pendant la période de sevrage des poissons du groupe qui recevait une dose quotidienne modérée par rapport au groupe témoin, ce qui signifie qu’il y a eu des changements neurologiques.</p>
<p>Nous avons ensuite réalisé une étude avec des <a href="https://doi.org/10.7717/peerj.6551">doses plus faibles pendant des périodes plus courtes</a>. Dans ce cas, nous avons observé une diminution de l’audace et une hausse des comportements anxieux pendant le sevrage de la dose la plus élevée (<a href="http://dx.doi.org/10.7717/peerj.2994">à l’inverse de ce qu’on remarque après une dose unique élevée</a>).</p>
<p>De même, en testant notre modèle <a href="https://doi.org/10.1038/s41598-020-65382-6">avec de la nicotine</a>, nous avons constaté que des doses très fortes diminuaient les comportements anxieux alors que des doses plus faibles, mais répétées, entraînaient une augmentation des comportements anxieux pendant le sevrage.</p>
<p>Chez les êtres humains, la consommation d’une boisson alcoolisée ou d’une cigarette <a href="https://doi.org/10.1176/ajp.147.6.685">peut diminuer l’anxiété, et on observe le contraire lors du sevrage</a>. Nos études sur le poisson-zèbre démontrent les mêmes effets, ce qui nous conforte dans l’idée que nous pouvons l’utiliser pour tester de nouveaux composés avec des effets thérapeutiques potentiels pour les humains.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/443573/original/file-20220131-142871-nfbzlc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un verre court contenant de l’alcool à côté d’un cendrier dans lequel se trouve une cigarette fumante. en arrière-plan, hors champ, un homme portant une chemise bleue et un masque chirurgical" src="https://images.theconversation.com/files/443573/original/file-20220131-142871-nfbzlc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/443573/original/file-20220131-142871-nfbzlc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/443573/original/file-20220131-142871-nfbzlc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/443573/original/file-20220131-142871-nfbzlc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/443573/original/file-20220131-142871-nfbzlc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/443573/original/file-20220131-142871-nfbzlc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/443573/original/file-20220131-142871-nfbzlc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les chercheurs ont constaté que la consommation de cigarettes et d’alcool a connu une hausse pendant la pandémie. Ces substances peuvent réduire l’anxiété, mais le sevrage de celles-ci peut ensuite l’augmenter.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Thérapies possibles</h2>
<p>Les terpènes constituent un groupe vaste et diversifié de composés aromatiques. Ils sont responsables de l’odeur, du goût et de la pigmentation des plantes. De nombreux terpènes – comme ceux présents dans le thé, la citronnelle, le cannabis et les agrumes – <a href="https://dx.doi.org/10.1007/978-3-030-31269-5_15">présentent des vertus médicinales</a>.</p>
<p>Nous avons constaté que des poissons-zèbres qui ont reçu une forte dose de terpène limonène (qu’on trouve dans les écorces d’agrumes et le cannabis) et de myrcène (dans le cannabis et le houblon) voyaient leurs comportements anxieux diminuer de façon importante. Une observation qui pourrait être cliniquement significative est que, contrairement à ce qui se produit avec la nicotine ou l’alcool, aucun effet négatif n’a été remarqué après des doses répétées pendant sept jours, ce qui <a href="https://doi.org/10.1038/s41598-021-98768-1">semble indiquer un potentiel addictif minimal ou nul</a>.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1038/s41598-021-98768-1">Cette étude</a>, associée à des <a href="https://doi.org/10.1078/094471102321621304">recherches antérieures</a>, tend à montrer que les terpènes limonène et bêta-myrcène possèdent des effets sédatifs et anxiolytiques qui pourraient constituer des composés thérapeutiques pour le traitement de divers troubles mentaux.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/443561/original/file-20220131-141004-b3qulk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="gros plan d’une main tenant une pince à épiler manipulant de petits carrés de carton qui sont des languettes de microdose" src="https://images.theconversation.com/files/443561/original/file-20220131-141004-b3qulk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/443561/original/file-20220131-141004-b3qulk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/443561/original/file-20220131-141004-b3qulk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/443561/original/file-20220131-141004-b3qulk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/443561/original/file-20220131-141004-b3qulk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/443561/original/file-20220131-141004-b3qulk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/443561/original/file-20220131-141004-b3qulk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le microdosage de psychédéliques pour augmenter la productivité et stimuler la créativité suscite un intérêt croissant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Recherche dans les Prairies</h2>
<p>Certaines des recherches sur les psychédéliques les plus importantes ont débuté en <a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/recherche-psychedeliques-saskatchewan">Saskatchewan dans les années 1950</a>. Humphry Osmond, psychiatre d’origine britannique, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC381240/">a utilisé le LSD et la mescaline pour traiter l’alcoolisme</a>, des doses uniques ayant permis un taux de guérison de 50 à 90 % sur deux ans.</p>
<p>Cependant, bien qu’Osmond ait constaté le succès des traitements avec une dose unique élevée, l’administration d’une telle dose nécessitait une surveillance continue du patient pendant l’hallucination de sept à quinze heures afin d’éviter <a href="https://dx.doi.org/10.1124/pr.115.011478">tout problème résultant d’une altération du jugement</a>. D’un point de vue thérapeutique, cela prendrait beaucoup de temps aux cliniciens et ne serait pas réalisable.</p>
<p>C’est là qu’intervient le microdosage. Comme il s’agit <a href="https://doi.org/10.1007/s00213-019-05417-7">d’une prise facile et sûre</a>, nous pensons que ce modèle d’exposition est plus pertinent sur le plan thérapeutique, car les doses sont suffisamment petites pour être autoadministrées en toute sécurité avec les conseils appropriés d’un clinicien.</p>
<h2>Connaissances futures</h2>
<p>Dans notre première étude, nous avons administré à répétition des microdoses de LSD à des poissons-zèbres. En utilisant des tests de neuroscience comportementale pour quantifier la locomotion, l’audace et les comportements de type anxieux, nous n’avons observé aucun impact sur leur comportement après 10 jours de microdosage. Comme pour les terpènes, cela peut suggérer une absence de symptômes de sevrage ou de potentiel addictif, ce qui est encourageant pour les possibilités d’un usage clinique chez l’être humain.</p>
<p>Notre étude actuelle examine les effets du microdosage de LSD sur les symptômes du sevrage de l’alcool, dont l’abus est considéré comme un <a href="https://policyoptions.irpp.org/fr/magazines/april-2021/covid-19-shows-us-why-canada-needs-a-federal-alcohol-act/">problème croissant dans les soins de santé canadiens</a>.</p>
<p>Au Canada, les effets négatifs de l’alcool se font largement sentir. Les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale demeurent le type le plus fréquent de déficience intellectuelle au Canada, et les méfaits de l’alcool <a href="https://secure.cihi.ca/free_products/report-alcohol-hospitalizations-fr-web.pdf">sont l’une des principales causes de blessures et de décès</a>. L’alcool coûte aux Canadiens des <a href="https://cemusc.ca/publications/CSUCH-Canadian-Substance-Use-Costs-Harms-Infographic-2020-fr.pdf">milliards de dollars en perte de productivité et constitue un fardeau pour les systèmes de soins de santé et judiciaires</a>. Le traitement et la désintoxication peuvent être coûteux, nécessiter beaucoup de temps et engendrer de longues périodes d’attente – si tant est qu’ils soient accessibles.</p>
<p>Des recherches supplémentaires sur d’autres substances psychédéliques, comme la psilocine (le composé psychoactif de la psilocybine, ou « champignon magique »), sont également prévues dans le but de fournir des preuves scientifiques permettant de déterminer si ces substances doivent être utilisées dans le cadre d’essais cliniques de plus grande envergure sur des humains.</p>
<p>Les psychédéliques peuvent être bénéfiques, mais, malgré les preuves de plus en plus nombreuses que le LSD et la psilocine <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0163725803001657?via%3Dihub">n’entraînent pas de dépendance et présentent peu de risques</a>, leur usage reste très limité. Peut-être qu’avec davantage de recherche et un changement dans la perception du public, nous pourrions voir un jour le LSD devenir un traitement radical pour la santé mentale et la dépendance.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176627/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Trevor James Hamilton a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG). </span></em></p>L’intérêt croissant pour les substances psychédéliques a suscité de nouvelles recherches, des décennies après que des hallucinogènes aient été testés en Saskatchewan dans les années 1950.Trevor James Hamilton, Associate Professor in Neuroscience (Department of Psychology), MacEwan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1763992022-02-10T16:05:10Z2022-02-10T16:05:10ZUne plongée dans les « forêts animales » formées par les gorgones en Méditerranée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/444641/original/file-20220206-19-142hy9v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« Forêt sous-marine » formée par la gorgone pourpre (_Paramuricea clavata_) au large de Marseille par 60 mètres de profondeur.</span> <span class="attribution"><span class="source">Romain Bricoult</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Les gorgones appartiennent au grand groupe des Cnidaires qui comprend, entre autres espèces, les <a href="https://theconversation.com/comment-le-rechauffement-risque-de-tuer-le-corail-48217">coraux</a>, les anémones de mer ou les méduses. Elles colonisent le fond des mers et des océans sur l’ensemble de la planète, des zones côtières peu profondes aux canyons sous-marins, des zones tempérées et tropicales aux zones polaires.</p>
<p>Doté d’un axe corné ou calcaire plus ou moins rigide, elles peuvent former des peuplements denses qui structurent le fond, formant de véritables « forêts animales » qui offrent des refuges à de très nombreuses espèces marines.</p>
<h2>L’un des plus beaux paysages sous-marins en Méditerranée</h2>
<p>En Méditerranée, entre la surface et 100 mètres de profondeur, 5 principales espèces de gorgones peuvent être rencontrées. L’une d’elles, la gorgone pourpre (<em>Paramuricea clavata</em>), forme des populations remarquables tant par leurs couleurs que par la taille des colonies qui peuvent dépasser un mètre de hauteur.</p>
<p>Elle constitue l’un des plus beaux paysages sous-marins de Méditerranée occidentale, prisé tant par les plongeurs amateurs que par les photographes. Les colonies présentes sont soit mâles soit femelles et toutes issues d’une larve ciliée (la planula). Leur croissance est lente (2 à 3 cm/an au maximum) et leur âge atteint plusieurs dizaines d’années.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/444385/original/file-20220203-21-148s931.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/444385/original/file-20220203-21-148s931.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444385/original/file-20220203-21-148s931.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444385/original/file-20220203-21-148s931.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444385/original/file-20220203-21-148s931.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444385/original/file-20220203-21-148s931.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444385/original/file-20220203-21-148s931.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444385/original/file-20220203-21-148s931.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Grande gorgone pourpre (<em>Paramuricea clavata</em>), espèce typique des fonds rocheux circalittoraux et des fonds coralligènes de Méditerranée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Dorian Guillemain</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des « forêts animales » fragilisées par les activités humaines…</h2>
<p><a href="https://www.mdpi.com/1424-2818/13/3/133">Les peuplements de gorgones pourpres, comme d’autres peuplements de gorgones, sont fragiles</a> et soumis à des pressions provoquées par les activités humaines en zone côtière. En Méditerranée, ces peuplements sont également régulièrement impactés par les conséquences du changement climatique.</p>
<p>Les ancrages des bateaux de plaisance (pêcheurs, plongeurs) et la pose des filets de pêche peuvent ainsi causer l’arrachage de ces fragiles colonies ou provoquer des blessures (nécrose) du tissu vivant recouvrant l’axe corné. Les zones mises à nue sont ensuite colonisées par un ensemble d’organismes épibiontes qui mettent en péril la survie de la colonie.</p>
<p>L’hypersédimentation liée aux aménagements côtiers, aux modifications des cours d’eau et aux autres rejets de sédiments dans le milieu marin constitue également une menace sur les peuplements de gorgones.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/444383/original/file-20220203-23-sp41rk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444383/original/file-20220203-23-sp41rk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444383/original/file-20220203-23-sp41rk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444383/original/file-20220203-23-sp41rk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444383/original/file-20220203-23-sp41rk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444383/original/file-20220203-23-sp41rk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444383/original/file-20220203-23-sp41rk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Filet de pêche pris dans un peuplement de gorgone pourpre. Lors de sa relève, il engendrera l’arrachement de colonies et des nécroses du tissu vivant recouvrant leur squelette corné.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Benoist de Vogüé</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>… et par le changement climatique</h2>
<p>Parallèlement à l’augmentation des activités humaines dans la zone côtière, le changement climatique s’est manifesté, ces dernières décennies, par l’apparition d’anomalies thermiques dans la colonne d’eau liées à des périodes d’absence de période de vent (mistral sur les côtes provençales).</p>
<p>La conséquence en est une plongée des couches « d’eau chaude » de surface (température > 22 °C) durant de longues périodes (plusieurs semaines). Ces eaux chaudes sont alors à l’origine d’épisodes de mortalité, plus ou moins importants, au sein des peuplements de gorgones habituellement exposés à des eaux plus froides (aux alentours de 13 à 15 °C).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/444382/original/file-20220203-9318-hzu2i5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444382/original/file-20220203-9318-hzu2i5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444382/original/file-20220203-9318-hzu2i5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444382/original/file-20220203-9318-hzu2i5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444382/original/file-20220203-9318-hzu2i5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444382/original/file-20220203-9318-hzu2i5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444382/original/file-20220203-9318-hzu2i5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Nécrose du tissu vivant ayant mis à nu le squelette corné d’une gorgone qui a été recouvert dans un deuxième temps par des organismes épibiontes. Cette nécrose a été engendrée par une anomalie thermique observée en 2014 jusqu’à 30 mètres de profondeur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Benoist de Vogüé</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://www.academia.edu/10389935/Mortalit%C3%A9_massive_d_invert%C3%A9br%C3%A9s_marins_un_%C3%A9v%C3%A9nement_sans_pr%C3%A9c%C3%A9dent_en_M%C3%A9diterran%C3%A9e_nord_occidentale">En 1999, une vaste anomalie thermique</a> a ainsi affecté les peuplements de gorgones en Méditerranée occidentale, de l’Espagne à l’Italie. En dehors des gorgones, une vingtaine d’autres espèces (éponges, mollusques bivalves, bryozoaires, ascidies) a également été touchée.</p>
<p>Cette anomalie thermique s’est caractérisée par la présence durant un mois d’une colonne d’eau chaude (23 à 24 °C) jusqu’à 40 à 60 mètres de profondeur. D’autres évènements de ce type ont ensuite été observés en 2003, 2006 ou 2009, affectant les gorgones de façon plus ou moins importantes.</p>
<p>Si l’augmentation de la température est à l’origine de ces épisodes de mortalité, les mécanismes sont multiples. Ils intègrent l’intervention de processus physiologiques, de modifications du microbiote associé aux gorgones, avec parfois la survenue d’agents pathogènes, mais aussi des facteurs génétiques conférant une résistance plus ou moins grande à ces stress thermiques.</p>
<p>En tenant compte des <a href="https://theconversation.com/surpeche-et-changement-climatique-la-mediterranee-et-la-mer-noire-en-premiere-ligne-111688">grands changements climatiques en cours</a>, une modification de la distribution géographique et bathymétrique de ces espèces structurantes et patrimoniales est ainsi attendue dans les décennies à venir.</p>
<h2>À la découverte d’un peuplement profond unique</h2>
<p>Si la répartition des peuplements de gorgones est bien assez bien connue jusqu’à une cinquantaine de mètres en Méditerranée, elle l’est beaucoup moins plus profondément.</p>
<p>Un peuplement singulier a ainsi été découvert il y a quelques dizaines d’années au large de la Côte bleue (rade nord de Marseille) entre 50 et 60 mètres de profondeur. Ce peuplement occupe un vaste plateau rocheux s’étendant sur prêt de 2500 hectares.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/444381/original/file-20220203-15-12sw0x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/444381/original/file-20220203-15-12sw0x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444381/original/file-20220203-15-12sw0x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=826&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444381/original/file-20220203-15-12sw0x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=826&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444381/original/file-20220203-15-12sw0x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=826&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444381/original/file-20220203-15-12sw0x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1038&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444381/original/file-20220203-15-12sw0x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1038&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444381/original/file-20220203-15-12sw0x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1038&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Gorgone pourpre (<em>Paramuricea clavata</em>) géante (taille humaine) découverte sur un fond rocheux au large de la Côte bleue (nord de Marseille) par 60 mètres de profondeur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Romain Bricoult</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il se caractérise par une forte densité de gorgones, mais surtout par la présence de colonies géantes (entre 1,50 et 1,80 mètre de hauteur). L’âge présumé de telles colonies avoisine sans doute le siècle.</p>
<p>Ce gigantisme et cette concentration unique de colonies de <em>Paramuricea clavata</em> ont fait l’objet de deux études dont les objectifs étaient de comprendre l’origine de ces caractères particuliers (programme REFUCLIM) et d’aborder plus précisément leur répartition (programme GIGOR). Les résultats paraissent montrer qu’en dehors de leur morphologie ces gorgones sont génétiquement uniques et clairement distinctes de celles rencontrées moins profondément.</p>
<p>L’environnement qui les entoure est, quant à lui, très particulier. Les gorgones sont non seulement soumises régulièrement à de forts apports de matière organique liés à la proximité du panache du Rhône, mais les courants de fonds y sont globalement faibles. La conjonction de ces deux paramètres permet aux gorgones d’atteindre des tailles exceptionnelles.</p>
<h2>Un refuge vis-à-vis du réchauffement climatique ?</h2>
<p>Ces peuplements de <em>Paramuricea clavata</em> constituent un patrimoine remarquable, protégé pour l’instant du réchauffement des eaux méditerranéennes. Malheureusement, ils sont localement impactés par la pêche et plus particulièrement par la pêche plaisancière. En effet, le vaste plateau rocheux occupé par ces gorgones géantes est un lieu de concentration de daurades à l’automne, poissons convoités par les pêcheurs amateurs.</p>
<p>Jusqu’à 180 bateaux y ont ainsi été dénombrés en une journée (le 29 octobre 2016 suivant le comptage réalisé par le <a href="https://parcmarincotebleue.fr/">parc marin de la Côte bleue</a>) lors de la période de rassemblement des daurades. Les ancrages des bateaux et les lignes de pêche engendrent l’arrachage de nombreuses colonies géantes. La gestion de la fréquentation de cette zone, <a href="http://cotebleuemarine.n2000.fr/sites/cotebleuemarine.n2000.fr/files/documents/page/DOCOB_CBM_annexe2_fiches_socio-eco_avril2012.pdf">incluse dans une zone Natura 2000</a>, paraît donc indispensable si l’on veut allier subsistance d’un patrimoine naturel unique et pratique des activités humaines.</p>
<p>D’une façon plus générale, l’étude des peuplements profonds de gorgones constitue un axe de recherche majeur dans les années à venir, non seulement pour engager des mesures de protection adaptées, mais également pour mieux comprendre leurs connexions avec les peuplements occupant les plus faibles profondeurs.</p>
<p>Un des enjeux est notamment de savoir dans quel cas ces peuplements profonds peuvent <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-019-41929-0">constituer des populations refuges vis-à-vis du réchauffement climatique</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176399/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Sartoretto ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Cette espèce forme sous l’eau des peuplements denses qui offrent des refuges à de très nombreuses espèces marines.Stéphane Sartoretto, Chercheur en écologie marine (écosystèmes benthiques méditerranéens de substrat dur), IfremerLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1723252021-12-15T20:42:16Z2021-12-15T20:42:16ZPêche : ce que la science nous dit de l’impact du chalutage sur les fonds marins<p>En augmentation constante depuis les années 1960, la consommation mondiale de produits de la mer est passée de 9 kilos dans ces années à plus de 20 kilos par personne en moyenne en 2018 – soient 17 % des protéines animales consommées.</p>
<p>La moitié environ provient de <a href="https://doi.org/10.4060/ca9229en">captures de ressources sauvages marines</a>, illustrant l’importance de la pêche dans l’alimentation mondiale et européenne.</p>
<p>Comme toute activité humaine, l’extraction des ressources marines vivantes s’accompagne d’effets plus ou moins marqués sur ces ressources, mais également d’effets collatéraux sur des espèces et des habitats non ciblés. Ainsi, parmi les nombreuses activités humaines ayant des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17883495/">impacts prononcés sur les écosystèmes marins</a>, la pêche – et tout particulièrement le « chalutage de fond » – représente actuellement <a href="https://www.pnas.org/content/115/43/E10275">l’une des pressions la plus répandue et intense</a> sur les fonds marins des plateaux continentaux, notamment européens.</p>
<p>La prise de conscience récente de l’érosion de la biodiversité résultant de la plupart des activités humaines s’est étendue au milieu marin. Et l’acceptabilité de certaines pratiques de pêche, dont les effets s’avéreraient irréversibles, fait désormais débat.</p>
<h2>Méthodes de pêche fixes ou traînantes</h2>
<p>La pêche inclut une <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00002/11355/7928.pdf">large diversité de techniques</a> en fonction des espèces ciblées ou des zones exploitées.</p>
<p>Parmi ces techniques, on distingue les « arts fixes », déployant des engins statiques – palangres, casiers, filets – et les « arts trainants », utilisant des engins tractés dans la colonne d’eau ou sur le fond – <a href="https://www.quae.com/produit/285/9782844331281/histoire-du-chalut">chaluts</a>.</p>
<p>Ces arts traînants ciblant les espèces vivant sur les fonds marins ou à proximité doivent rester en contact permanent avec le fond, comme le montre la figure ci-dessous. Ces engins de pêche sont donc munis d’un système de lest et d’écartement (panneaux, perche) et d’une partie raclant le sol (bourrelet, racasseur, chaînes, dents) soulevant ou déterrant les espèces ciblées. Ce système est complété par un filet ou une grille permettant de ramener les captures ; il est généralement remorqué par le navire via des câbles d’acier.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/436653/original/file-20211209-25-y28vms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/436653/original/file-20211209-25-y28vms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/436653/original/file-20211209-25-y28vms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=645&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/436653/original/file-20211209-25-y28vms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=645&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/436653/original/file-20211209-25-y28vms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=645&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/436653/original/file-20211209-25-y28vms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=811&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/436653/original/file-20211209-25-y28vms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=811&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/436653/original/file-20211209-25-y28vms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=811&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Schéma d’un chalut de fond à panneaux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Extrait de G. Deschamps, et coll. (2003)</span></span>
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</figure>
<p>Les parties des engins les plus dommageables pour les fonds marins sont par exemple les racasseurs qui pénètrent de plusieurs centimètres dans les sédiments ou encore les panneaux des chaluts, parfois de plusieurs tonnes, agissant sur une surface réduite mais relativement profonde (jusqu’à plusieurs dizaines de centimètres sur certains sédiments meubles).</p>
<p>Les surfaces abrasées <a href="https://academic.oup.com/icesjms/article/73/suppl_1/i27/2573989">dépendent de la taille de l’engin</a> et de la durée de la pêche ; sur une action de pêche, elles peuvent ainsi atteindre plusieurs centaines de milliers de m<sup>2</sup>.</p>
<h2>Le chalutage, cette technique millénaire</h2>
<p>Le chalutage est une méthode de pêche ancienne : l’ancêtre du chalut peut être considéré <a href="https://www.academia.edu/952627/Fishing_in_the_Roman_World">dès l’antiquité romaine</a> où l’on traînait déjà des filets lestés sur le fond.</p>
<p>On peut dater précisément l’origine des premiers chaluts à perche à 1376, ce dont témoigne une plainte déposée auprès du roi Édouard III réclamant déjà à l’époque l’interdiction de <a href="https://islandpress.org/books/unnatural-history-sea">cette « nouvelle et destructive » méthode de pêche</a>. Suite à cette plainte, également motivée par la compétition entre les activités de pêche de l’époque, le chalutage a été banni de la zone des 3 milles (6 km environ) et repoussé plus au large.</p>
<p>Ce tout premier exemple de gestion spatialisée des activités, s’est largement répandu et perdure encore aujourd’hui dans les réglementations des pêches européennes.</p>
<h2>Depuis la fin du XIXᵉ, une empreinte toujours plus intense</h2>
<p>Le développement du chalut s’est accéléré à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle avec <a href="https://docs.ifremer.fr/ds-vpath/6.0.2-5/web-apps/apps/documenteditor/main/index_loader.html?_dc=6.0.2-5&lang=fr&customer=ONLYOFFICE&frameEditorId=iframeEditor&compact=true&parentOrigin=https://cloud.ifremer.fr">l’apparition des chalutiers à vapeur</a>.</p>
<p>Limitée initialement aux eaux peu profondes, l’empreinte de la pêche s’est ensuite <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/1922/publication-2394.pdf">considérablement étendue vers le large</a> au cours du XX<sup>e</sup> siècle, dépassant les frontières des plateaux continentaux.</p>
<p>En mer Méditerranée, l’histoire du chalutage intensif est plus récente, avec un développement important vers les années 1960-1970. L’impact des pêcheries s’est en outre <a href="https://doi.org/10.1093/icesjms/fsv123">accentué sur les habitats profonds</a> ces dernières décennies en réponse au déclin de nombreuses populations exploitées sur le plateau continental.</p>
<p>Actuellement, les art traînants et notamment le chalut, avec seulement 11 % de chalutiers et 3 % de dragueurs sur l’ensemble du nombre total de navires européens, revêtent une importance considérable avec près de <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/fr/web/fisheries/data">60 % de la biomasse de captures</a> de ressources vivantes marines européennes.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/XyKwKoRkK2Q?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les différents engins de pêche. (Wageningen Marine Research, 2018).</span></figcaption>
</figure>
<p>Sur la façade atlantique, plus de <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00649/76157/">40 % des navires français</a> pratiquent les arts traînant de façon exclusive ou occasionnelle. Ces techniques de pêche ciblent une grande diversité d’espèces et d’habitats marins ; ils fournissent les principales ressources capturées en valeur ou en biomasse pour les pêcheries françaises (merlu, baudroies, sole, langoustine, coquilles Saint-Jacques).</p>
<h2>Des zones particulièrement impactées</h2>
<p>L’activité de chalutage est actuellement <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00490/60202/63771.pdf">distribuée sur la quasi-totalité des plateaux continentaux</a> de France métropolitaine. Cette distribution est hétérogène avec des concentrations remarquables sur certains habitats ciblés par la pêche – comme la zone de pêche à langoustines dite de la « grande vasière » du golfe de Gascogne – où les fonds marins subissent parfois une pression de chalutage plusieurs dizaines de fois par an, comme en témoigne la figure ci-dessous.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/436652/original/file-20211209-140109-hs654l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/436652/original/file-20211209-140109-hs654l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/436652/original/file-20211209-140109-hs654l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/436652/original/file-20211209-140109-hs654l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/436652/original/file-20211209-140109-hs654l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/436652/original/file-20211209-140109-hs654l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/436652/original/file-20211209-140109-hs654l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/436652/original/file-20211209-140109-hs654l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Image sonar d’empreintes de chalut de fond dans la partie nord du golfe de Gascogne (zone de la grande vasière), réalisée en 2013 lors de la campagne Ifremer FEBBE (projet européen Benthis).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://doi.org/10.18142/239">P. Laffargue/Ifremer</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En parallèle, les connaissances sur les habitats marins et les organismes vivants qui les utilisent (appelés « communautés benthiques »), même si les premières observations sont <a href="https://www.leslibraires.fr/livre/16980561-les-profondeurs-de-la-mer-trente-ans-de-reche--le-danois-ed--payot">relativement anciennes</a>, restent limitées dans la plupart des zones, à l’exception de la <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/LE-MACROBENTHOS-DES-FONDS-MEUBLES-DE-LA-MANCHE%3A-ET-Cabioch-Gentil/14a7753f987cb2ae5c8118a971dd48e286dc0748">Manche</a> ou la <a href="https://doi.org/10.1093/icesjms/49.2.127">mer du Nord</a> qui sont mieux suivies.</p>
<p>Ainsi, l’effort de suivi systématique de ces communautés, notamment au large, est relativement récent et s’opère donc dans un environnement déjà fortement impacté, et ce depuis une longue période.</p>
<h2>Quels sont les effets du chalutage ?</h2>
<p>Nous nous attacherons ici à ne décrire que les effets des activités de chalutage sur les habitats benthiques et pas ceux, plus classiques, sur les ressources marines exploitées.</p>
<p>Si les <a href="https://data.bnf.fr/fr/15290206/charles_benard/">conséquences du chalutage</a> sur les écosystèmes marins étaient perceptibles dès les premiers usages, la mesure et la compréhension fine des effets sont bien plus récentes. <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/1922/publication-2394.pdf">Lorsque le zoologiste Louis Joubin en fait mention en 1922</a>, c’est plus pour cartographier les risques pour la pêche que représentent alors les coraux profonds considérés comme une menace pour les chalutiers s’aventurant au large.</p>
<p>Dès le début du XX<sup>e</sup> siècle, le constat est pourtant celui d’une large distribution de la pression de chalutage sur les plateaux continentaux et de <a href="https://www.leslibraires.fr/livre/14857414-revue-philomathique-de-bordeaux-et-du-sud-ouest--collectif-revue-philomathique-de-bordeaux">premiers témoignages</a> montrent l’impact significatif sur les fonds marins. Ces effets sont multiples et d’intensité variable en fonction notamment des engins utilisés, de la fréquence des passages ou encore des caractéristiques des habitats et des espèces touchés.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Whk_woHYso0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les impacts du chalutage varient en fonction des espèces habitant les fonds marins (Wageningen Marine Research, 2018).</span></figcaption>
</figure>
<p>Les impacts peuvent être directs par les effets physiques immédiats des engins sur les espèces : ils provoquent leur arrachement pour celles qui sont fixées, l’écrasement, l’enfouissement ou encore une exposition hors de l’eau pour les individus pris dans les filets et remontés à la surface.</p>
<p>Ces impacts directs <a href="https://www.researchgate.net/publication/250219017_Functional_changes_as_indicators_of_trawling_disturbance_on_a_benthic_community_located_in_a_fishing_ground_NW_Mediterranean_Sea">sont connus et relativement bien documentés</a> sur les <a href="https://www.researchgate.net/publication/230659963_Impacts_of_Trawling_Disturbance_on_the_Trophic_Structure_of_Benthic_Invertebrate_Communities">habitats benthiques et les organismes qu’ils abritent</a>.</p>
<p>Chaque espèce subira de façon variable les effets du chalutage. Leur fragilité, leur nature fixée ou non sur le fond, leur capacité d’enfouissement mais aussi de recolonisation (permettant leur récupération après l’impact) définissent leur vulnérabilité. Les connaissances sur la biologie des espèces, leurs modes de vie ou encore de leur rôle dans les écosystèmes sont ainsi essentielles pour évaluer l’impact du chalutage.</p>
<h2>Des habitats plus ou moins sensibles</h2>
<p>Les effets directs ne concernent pas que les organismes vivants mais aussi leurs habitats. La pression physique des engins sur le fond conduit à des remaniements et remises en suspension des sédiments. Du fait des grandes surfaces altérées et de la récurrence des passages, la morphologie des fonds peut être modifiée et mener à une diminution de leur complexité.</p>
<p>On peut distinguer des habitats moins sensibles, soumis naturellement à des <a href="https://academic.oup.com/icesjms/article/70/6/1085/638182">perturbations fortes</a> liées aux courants ou aux marées par exemple, jusqu’aux habitats les plus vulnérables, tels les habitats dits « biogéniques » (<a href="https://doi.org/10.1093/icesjms/fsv123">herbiers, coraux</a>) dont les structures formées par les organismes vivants eux-mêmes peuvent témoigner après une action de pêche de dommages durables.</p>
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<figcaption><span class="caption">Zoom sur la sensibilité des habitats des fonds marins. (Wageningen Marine Research, 2018).</span></figcaption>
</figure>
<p>Des décennies sont alors nécessaires pour une reconstitution éventuelle ; parfois, la perte est définitive. Ces changements de nature des habitats peuvent durablement affecter les organismes qui n’y trouvent plus les conditions adéquates de vie avec des répercussions à plus large échelle sur le fonctionnement des écosystèmes.</p>
<h2>Réactions en chaîne</h2>
<p>À ces impacts directs s’ajoutent donc des effets indirects et une modification durable des habitats et des espèces.</p>
<p>Ainsi, les organismes vivants montrent une interdépendance plus ou moins prononcée, notamment par des liens d’alimentation, et toute modification <a href="https://www.researchgate.net/publication/230659963_Impacts_of_Trawling_Disturbance_on_the_Trophic_Structure_of_Benthic_Invertebrate_Communities">peut affecter en chaîne ces communautés</a> d’espèces liées entre elles. Les impacts répétés peuvent amener à la perte d’organismes vivants essentiels assurant des fonctions clefs des écosystèmes marins (comme le recyclage de la matière organique facilité par certains oursins fouisseurs mais fragiles).</p>
<p>De façon moins perceptible, la chimie des fonds est elle-même bouleversée et les cycles de la matière de ces écosystèmes benthiques peuvent être modifiés de façon profonde. Une remise en suspension du sédiment superficiel pourra ainsi avoir pour conséquence <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00353/46428/">d’augmenter localement la turbidité</a>, de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22842052/">libérer des contaminants</a> ou de la matière organique <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0278434305001433?via%3Dihub">enfouie dans les sédiments</a>, de modifier les processus biogéochimiques ayant lieu à <a href="https://aslopubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/lno.10354">l’interface eau-sédiment</a>, voire de favoriser la reminéralisation du carbone sédimentaire en CO<sub>2</sub> <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-021-03371-z">participant ainsi à l’acidification des océans</a> et à l’augmentation du CO<sub>2</sub> atmosphérique responsable du réchauffement climatique…</p>
<h2>Comment évaluer ces perturbations ?</h2>
<p>La mesure plus précise de l’intensité et de l’étendue de la pression exercée par le chalutage est relativement récente ; elle bénéficie notamment de sources de données telles que la géolocalisation (VMS) obligatoire pour les navires de plus de 12 mètres. Après traitement de ces données, on peut ainsi quantifier et localiser précisément une partie significative de l’intensité de l’activité de pêche.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/436651/original/file-20211209-140109-e4wfji.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/436651/original/file-20211209-140109-e4wfji.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/436651/original/file-20211209-140109-e4wfji.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/436651/original/file-20211209-140109-e4wfji.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/436651/original/file-20211209-140109-e4wfji.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/436651/original/file-20211209-140109-e4wfji.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/436651/original/file-20211209-140109-e4wfji.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/436651/original/file-20211209-140109-e4wfji.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Distribution et intensité de la pression de pêche sur les façades atlantiques et méditerranéennes françaises. L’intensité est exprimée en fréquence de passage sur une année (2016).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://doi.org/10.12770/8bed2328-a0fa-4386-8a3e-d6d146cafe54">C. Jac, S. Vaz</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En consultant les <a href="https://doi.org/10.17895/ices.advice.8191">données 2021 de l’International Council for the Exploration of the Sea</a> (ICES), on apprend ainsi qu’entre 0 et 200 mètres de profondeur, ce sont en moyenne 66 % de la surface du Golfe de Gascogne et des côtes ibériques, 53 % des mers celtiques et 62 % de la Manche et mer du Nord qui ont fait l’objet d’une pression de chalutage pour la période 2013-2018.</p>
<p>Une meilleure connaissance des effets physiques des différents engins (étendue de la pression exercée sur les fonds par les <a href="https://academic.oup.com/icesjms/article/73/suppl_1/i27/2573989">différents éléments les constituant et profondeur de pénétration</a> dans les sédiments) permet aussi de mieux caractériser les impacts directs sur les habitats.</p>
<p>Si la pression de pêche est maintenant mieux quantifiée, la mesure des modifications des communautés benthiques et plus généralement de l’impact sur les écosystèmes est plus délicate. Après des décennies d’activité de pêche, ces communautés animales sont déjà fortement modifiées (« semi-naturelles ») sous l’effet de la pression de chalutage et parfois même adaptées à cette pression. À l’instar du milieu terrestre européen, il est désormais difficile d’identifier des zones de référence (naturelles ou pristines) sur de nombreux types d’habitats marins.</p>
<h2>Mieux observer pour mieux protéger</h2>
<p>Un effort de recherche important a été mené tout particulièrement au cours de la dernière décennie pour développer des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1470160X20305689">indicateurs de l’état et de la vulnérabilité des communautés benthiques</a> aux effets du chalutage.</p>
<p>Ces indicateurs s’appuient sur les connaissances scientifiques relatives à la nature et la distribution des habitats et à la composition en espèces associées. Les caractéristiques biologiques des espèces permettent notamment de déterminer leur sensibilité au chalutage (taille, forme, longévité, fragilité). La relation entre la pression de chalutage et les modifications engendrées sur les assemblages d’espèces renseigne ainsi sur leur réponse à la pression et <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00634/74575/">permet une détermination de l’état des écosystèmes</a>.</p>
<p>La connaissance du fonctionnement des écosystèmes permet également des approches prédictives aidant à mieux caractériser de potentiels effets du chalutage <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0184486">avant que l’impact n’ait lieu</a>.</p>
<p>Les données de terrain sont indispensables pour évaluer l’état des écosystèmes benthiques. Un ensemble d’outils d’observation est traditionnellement utilisé par les scientifiques pour étudier les organismes benthiques : les chaluts eux-mêmes, des dragues ou encore des bennes qui permettent de collecter, identifier, dénombrer et peser les différents organismes présents sur ou proche du fond.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/436650/original/file-20211209-23-1h9a0xj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/436650/original/file-20211209-23-1h9a0xj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/436650/original/file-20211209-23-1h9a0xj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/436650/original/file-20211209-23-1h9a0xj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/436650/original/file-20211209-23-1h9a0xj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/436650/original/file-20211209-23-1h9a0xj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/436650/original/file-20211209-23-1h9a0xj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/436650/original/file-20211209-23-1h9a0xj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Exemples d’habitats et de communautés benthiques : sables et graviers avec Ophiures (A), vases avec crinoïdes et oursin (B), vases à langoustines (C), cailloutis à éponges (D). Ces observations ont été réalisées lors de campagnes CGFS 2019 (A et D) et IDEM-VIDEO 2018 (B et C) conduites en Manche Ouest et en Méditerranée (Golfe du Lion) respectivement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ifremer</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>S’ajoutant aux méthodes classiques d’observation, de nouveaux outils moins impactant ont vu le jour avec notamment le <a href="https://academic.oup.com/icesjms/article-abstract/78/5/1636/6231553 ?redirectedFrom=fulltext">développement de l’utilisation de la vidéo pour le monitoring</a>.</p>
<h2>De la Manche au golfe du Lion</h2>
<p>Les premières évaluations à grande échelle sur la façade atlantique révèlent une situation contrastée avec des états généralement altérés par le chalutage (voir à ce propos les <a href="https://oap.ospar.org/en/ospar-assessments/intermediate-assessment-2017">données 2017 de Convention internationale OSPAR</a> et <a href="http://doi.org/10.17895/ices.pub.5955">celles de 2020 de l’ICES</a>).</p>
<p>La détermination de l’état des habitats doit cependant prendre en compte à la fois leur capacité naturelle à résister aux impacts de la pêche (résistance) ainsi que leur propension à s’en remettre pour revenir à leur état initial (résilience).</p>
<p>L’étude de ces processus doit conduire à la détermination de valeurs seuils au-delà desquelles la communauté est tellement dégradée, qu’elle est durablement (si ce n’est définitivement) remplacée par une communauté semi-naturelle totalement adaptée à la pression.</p>
<p>En Manche, les <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00634/74575/">dernières études</a> soulignent que si les communautés benthiques montrent des états d’altérations importants (77 à 88 % des surfaces des habitats étudiés sont dégradées), elles y sont plus résistantes en raison de contraintes naturelles plus fortes. En Méditerranée, en revanche, la même étude illustre un état généralement très dégradé (89 à 96 % des surfaces des habitats sont dégradées, durablement modifiées voir perdues <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00486/59727/">dans le golfe du Lion</a>), probablement dû à une faible résilience potentielle de ce milieu plus fragile car naturellement peu perturbé et plus limité en ressources.</p>
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<figcaption><span class="caption">À la découverte des fonds marins du golfe du Lion en Méditerranée. (Ifremer, 2018).</span></figcaption>
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<h2>Comment les limiter ?</h2>
<p>S’il semble difficile de se passer du chalutage de fond à court et moyen terme en raison de son efficacité revendiquée par les pêcheurs et surtout de son importance pour l’approvisionnement alimentaire, un certain nombre de mesures permettent d’en <a href="https://wwz.ifremer.fr/content/download/149444/file/Fiche_Fonds %20marins.PDF">réduire les impacts non désirés</a>.</p>
<p>La réduction de l’empreinte du chalutage de fond peut passer par l’utilisation d’engins existants moins « impactants » tels des engins de pêche fixes (lignes, filets, nasses à poissons). En parallèle, sont développés des engins alternatifs tels que des chaluts à panneaux « volants » <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00353/46428/">sans contact prolongé</a> avec les fonds, ou encore des chaluts « intelligents » ne se fermant ou ne raclant le fond qu’au moment voulu.</p>
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<p>Le chalut électrique, alternative proposée par les Pays-Bas pour limiter les dommages physiques directs sur le fond (et la consommation de fioul des navires), a cependant été interdit dans les eaux européennes, notamment du fait des effets non complètement quantifiés des impulsions électriques sur les organismes et les fonds marins à moyen et long terme.</p>
<p>Par ailleurs, en plus des coûts pour les pêcheurs de la conversion vers une nouvelle technique de pêche, l’utilisation d’engins de pêche parfois globalement moins efficaces ou moins adaptés à la capture des espèces ciblées peut profondément modifier les performances économiques et la viabilité de certaines pêcheries.</p>
<h2>Soustraire des zones au chalutage</h2>
<p>Une autre voie de réduction des impacts passe par une meilleure planification spatiale définissant quelles zones sont chalutables, avec quelle intensité et quelles autres ne le doivent pas en regard de leur fragilité.</p>
<p>Les efforts de gestion des ressources vivantes marines visent encore généralement à respecter les objectifs d’exploitation durable (rendement maximum durable) des populations d’espèces ciblées. Ces modes de gestion conduisent souvent à réduire directement ou indirectement l’intensité globale des activités de pêches mais ne régulent pas l’accès aux zones exploitées.</p>
<p>Ces réductions d’intensité, durables ou temporaires, bénéficient aux fonds marins dans les zones où la résilience du milieu permet une récupération rapide de l’écosystème après un impact. En revanche, ils ne permettent pas la protection ou la restauration des habitats les plus sensibles et des espèces les plus fragiles ne tolérant que des impacts physiques très faibles, voire l’absence d’impact.</p>
<p>La gestion spatiale des activités de pêche est déjà partiellement mise en œuvre avec par exemple l’interdiction côtière (zones des 3 milles marins, soit 6 km) du chalutage de fond, hors dérogation pour certains métiers, ou encore l’interdiction plus récente de l’accès aux zones profondes (800 mètres en 2017 en Atlantique, 1000 mètres en 2005 en Méditerranée).</p>
<h2>La nécessité de faire évoluer la gestion spatiale des pêches</h2>
<p><a href="https://doi.org/10.4060/cb2429en">En Méditerranée, des aires de pêche restreintes</a> ont été proposées avec pour objectif la protection des écosystèmes marins vulnérables. En France, des zones de cantonnements bannissant les engins de pêche entrant en contact avec le fond ont également été mises en place, par exemple <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2018/4/23/AGRM1733988A/jo/texte/fr.">dans le golfe du Lion</a>. Cependant l’amplification récente de la création d’aires marines protégées ne signifie pas forcément une protection efficace des fonds marins.</p>
<p>L’accent mis par exemple récemment sur l’impact du chalut sur les habitats profonds cache malheureusement une gestion plus timide des habitats plus « ordinaires » mais néanmoins importants des zones côtières et du plateau continental. Ainsi, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0308597X20310307">moins de 1 % des zones métropolitaines classées comme « aires marines protégées »</a> sont actuellement concernées par une protection significative.</p>
<p>En outre, la fermeture de zones à certaines techniques de pêche, jugées trop dommageables, résulte généralement en un simple déplacement de l’effort dans des zones non protégées, accroissant mécaniquement les impacts néfastes dans ces dernières. La mise en place de zones de fermetures doit donc faire l’objet d’une réflexion globale et prendre en compte, pour les éviter, les effets indirects sur les habitats non protégés.</p>
<p>Alternativement, des idées nouvelles émergent comme des <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00418/52997/">crédits d’accès en fonction de la vulnérabilité des zones</a> et de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/faf.12431">nombreuses autres initiatives de gestion</a> ont été développées pour tenter de traiter ce problème.</p>
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<figcaption><span class="caption">Différentes pistes pour réduire les effets du chalutage. (Wageningen Marine Research, 2018).</span></figcaption>
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<p>Finalement, un compromis semble nécessaire entre l’exploitation des ressources marines vivantes et la protection de l’intégrité des fonds marins. Une <a href="https://doi.org/10.17895/ices.advice.8191">étude récente des patrons d’exploitation</a> de la Manche et de la mer du Nord a ainsi révélé qu’une proportion importante des captures et des revenus provenait d’une partie relativement restreinte des zones de pêche.</p>
<p>Il serait ainsi possible de mettre au point des modes de gestion spatialisés permettant de réduire l’empreinte spatiale du chalutage de fond sur les fonds marins pour un coût relativement faible pour les pêcheries.</p>
<h2>L’illusion du retour à un état originel</h2>
<p>Le constat général est celui d’un état généralement dégradé, et ce depuis longtemps, des écosystèmes marins benthiques exploités.</p>
<p>L’accès relativement récent à des données détaillées de distribution des navires a constitué un tournant majeur dans l’évaluation des impacts générés par la pêche. De façon générale, l’accès et la diffusion des données sont des éléments clefs du suivi et de la gestion des impacts du chalutage et des autres activités humaines sur les écosystèmes marins.</p>
<p>Les perspectives d’outils d’observation scientifiques plus performants, moins destructifs et de données plus simples à acquérir renforcent encore nos capacités de suivi de l’état des écosystèmes et de leur gestion.</p>
<p>Les progrès en termes de connaissances scientifiques ont été considérables et les recherches actuelles visent à mieux comprendre le lien entre les habitats et les impacts pour protéger les habitats les plus fragiles, abritant des diversités remarquables ou des fonctions essentielles pour les écosystèmes marins.</p>
<p>Actuellement une difficulté majeure reste la définition de seuils de pressions ou d’impacts acceptables pour assurer un fonctionnement pérenne des écosystèmes. Il s’agit notamment de trouver une articulation délicate entre des objectifs parfois conflictuels de conservation de la biodiversité et d’exploitation durable des ressources marines.</p>
<p>Ainsi, la prise en compte des effets néfastes de certaines pratiques de pêche sur les habitats des fonds marins, sur l’érosion de la biodiversité et sur le fonctionnement de ces écosystèmes marins, est devenue une préoccupation importante.</p>
<p>Cependant, la protection ou restauration de ces biotopes passera nécessairement par l’interdiction de certaines pratiques dans des zones couvrant des surfaces bien plus importantes qu’elles ne le sont à l’heure actuelle. Si le retour à un état originel est illusoire sur des zones déjà fortement et depuis longtemps modifiées, nous avons un besoin impérieux de surveiller et ajuster nos pratiques pour en limiter les impacts sur le long terme et ainsi garantir des écosystèmes fonctionnels et une exploitation durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172325/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sandrine Vaz a reçu des financements de Ifremer, l’Union européenne, France Filière Pêche et la région Occitanie pour financer ses recherches sur ce sujet. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pascal Laffargue a reçu des financements de Ifremer, l’Union européenne, France Filière Pêche et des régions Bretagne et Pays de la Loire. </span></em></p>Cette technique de pêche constitue l’une des pressions la plus répandue et intense sur les fonds marins. Mais des pistes de réduction de ses effets délétères existent.Sandrine Vaz, chercheuse en écologie marine, IfremerPascal Laffargue, Cadre de recherche en écologie marine, IfremerLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.