tag:theconversation.com,2011:/au/topics/recrutement-33086/articlesrecrutement – The Conversation2024-03-03T15:56:22Ztag:theconversation.com,2011:article/2238742024-03-03T15:56:22Z2024-03-03T15:56:22ZComment les entreprises peuvent-elles embaucher et soutenir les employés neurodivergents ?<p>Environ <a href="https://www.forbes.com/sites/forbestechcouncil/2021/08/13/neurodiversity-as-a-strengthening-point-for-your-team-and-our-society/">15 à 20 %</a> de la population mondiale se situe sur le spectre de la <a href="https://www.health.harvard.edu/blog/what-is-neurodiversity-202111232645">neurodiversité</a>, qui comprend une variété de diagnostics cognitifs tels que la dyslexie, l’autisme, le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), le syndrome de Down et la dyspraxie. Les <a href="https://hbr.org/2017/05/neurodiversity-as-a-competitive-advantage">recherches</a> montrent que les employés neurodivergents ont des compétences exceptionnelles en matière de reconnaissance des formes, de mémoire et de mathématiques, ce qui peut s’avérer très bénéfique pour les entreprises.</p>
<p>En général, les entreprises qui embauchent des employés neurodivergents (par exemple, <a href="https://www.autismatwork.org/about">SAP</a>, <a href="https://www.microsoftalumni.com/s/1769/19/interior.aspx?gid=2&pgid=1119&sid=1769">Microsoft</a>, <a href="https://www.jpmorganchase.com/news-stories/autism-at-work">JPMorgan</a>, <a href="https://www.ey.com/en_us/innovation/neurodiversity-powered-transformation">Ernst & Young</a>, <a href="https://www.deloitte.com/global/en/about/people/social-responsibility/neurodiversity-at-deloitte.html">Deloitte</a>, <a href="https://www.hp.com/us-en/shop/tech-takes/neurodiversity-in-the-office">Hewlett Packard</a>) ont constaté plusieurs <a href="https://www.forbes.com/sites/forbesbusinesscouncil/2023/03/07/why-its-important-to-embrace-neurodiversity-in-the-workplace-and-how-to-do-it-effectively/?sh=15f267294669">avantages</a> tels qu’une productivité accrue, une plus grande créativité, une culture et une réputation améliorées, et une réduction du taux de rotation du personnel. En fait, certaines estimations suggèrent que les employés autistes peuvent être jusqu’à <a href="https://hbr.org/2021/12/autism-doesnt-hold-people-back-at-work-discrimination-does">140 %</a> plus productifs que leurs homologues neurotypiques.</p>
<p>Malgré cette reconnaissance, la grande majorité des personnes neurodivergentes restent sans emploi. Certaines études suggèrent que le taux de chômage chez les personnes neurodivergentes pourrait <a href="https://hbr.org/2017/05/neurodiversity-as-a-competitive-advantage">atteindre 80 %</a>. Cela n’a rien d’étonnant puisque seule <a href="https://sloanreview.mit.edu/article/helping-neurodivergent-employees-succeed/">une</a> entreprise <a href="https://sloanreview.mit.edu/article/helping-neurodivergent-employees-succeed/">sur dix</a> se préoccupe de l’inclusion de la neurodiversité.</p>
<h2>L’entretien d’embauche n’est pas adapté</h2>
<p>Quelles sont les mesures que les entreprises peuvent prendre pour intégrer la neurodiversité ? Sur la base des études existantes et de nos propres recherches auprès des entreprises, nous pouvons identifier trois domaines clés qui doivent être abordés pour l’embauche et la gestion des employés neurodivergents :</p>
<p>Tout d’abord, les entreprises doivent <strong>adapter le processus d’embauche</strong> aux besoins des personnes neurodivergentes. Pour commencer, le langage utilisé dans les offres d’emploi doit être inclusif afin d’éviter toute interprétation erronée.</p>
<p>Par exemple, la banque <a href="https://cib.bnpparibas/harnessing-the-power-of-neurodiversity-in-the-workplace/">BNP Paribas</a> a décidé d’utiliser un langage clair et concis dans ses offres d’emploi. Les organisations peuvent également souligner leur engagement en faveur de la diversité et de l’inclusion.</p>
<p>Ensuite, au lieu d’entretiens, les entreprises peuvent envisager des <strong>évaluations basées sur les compétences</strong>. L’envoi d’un CV suivi d’un premier entretien de sélection n’est pas nécessairement adapté aux personnes autistes, qui peuvent trouver ce type de communication particulièrement difficile. En revanche, grâce à des évaluations basées sur les compétences, les responsables du recrutement pourraient savoir si les candidats sont capables d’effectuer un travail.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Illustration de CV" src="https://images.theconversation.com/files/576460/original/file-20240219-28-g7jxid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/576460/original/file-20240219-28-g7jxid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=287&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/576460/original/file-20240219-28-g7jxid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=287&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/576460/original/file-20240219-28-g7jxid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=287&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/576460/original/file-20240219-28-g7jxid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/576460/original/file-20240219-28-g7jxid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/576460/original/file-20240219-28-g7jxid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’envoi d’un CV suivi d’un premier entretien n’est pas nécessairement adapté aux personnes autistes, qui peuvent trouver ce type de communication particulièrement difficile.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.needpix.com/photo/1812579/cv-curriculum-vitae-interview-recruitment-employment-resume-job-application-unemployed">Needpix.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans cette optique, chez l’éditeur de logiciel <a href="https://www.sap.com/insights/viewpoints/the-win-win-potential-of-hiring-neurodiverse-workers.html">SAP</a>, les candidats neurodivergents sont invités à effectuer une série de tâches qui leur permettent de démontrer leurs capacités. De même, le géant du numérique <a href="https://www.microsoft.com/en-us/diversity/inside-microsoft/cross-disability/neurodiversityhiring">Microsoft</a> organise un événement d’embauche au cours duquel les candidats découvrent l’environnement de travail et réfléchissent au développement de leurs compétences tout en se préparant aux entretiens.</p>
<p>Enfin, les entreprises doivent <strong>s’associer à des organisations</strong> qui travaillent avec des personnes neurodivergentes, car elles peuvent manquer d’expertise interne en matière d’embauche. Aux États-Unis, il existe une <a href="https://hbr.org/2022/02/is-your-company-inclusive-of-neurodivergent-employees">quarantaine de structures dédiées</a> à l’accompagnement des entreprises et au soutien des employés neurodivergents. Elles peuvent être d’une grande aide dans l’identification et la sélection des candidats, ainsi que dans l’intégration et la formation de ces derniers.</p>
<h2>« Office buddy »</h2>
<p>Il ne suffit pas d’embaucher des candidats neurodivergents : il est également important qu’ils se sentent soutenus et qu’ils trouvent des occasions de développer leurs compétences. À cet égard, les organisations peuvent s’assurer que leurs employés neurodivergents ont des mentors pour répondre à leurs besoins professionnels et sociaux.</p>
<p>Par exemple, <a href="https://s3-us-west-2.amazonaws.com/palms-awss3-repository/Shared_Content/BAS/PATC/2015/SAP_Autism%2Bat%2BWork%2B-%2Bv2.pdf">SAP</a> s’assure qu’il existe un cercle de soutien pour le lieu de travail et la vie personnelle, tant pour le travail que pour les aspects sociaux liés à l’emploi. De même, le cabinet de conseil EY met à la disposition des employés neurodivergents un « job coach » et un « office buddy » et a également nommé des champions de la neurodiversité et des sponsors exécutifs.</p>
<p>Ensuite, les entreprises doivent réfléchir aux possibilités de développement de carrière et aux parcours personnalisés pour les employés neurodivergents. Il s’agit notamment de réfléchir à des questions telles que la manière dont les performances seront évaluées et la façon dont ils peuvent développer des compétences pour progresser dans leur carrière.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Chaque lundi, que vous soyez dirigeants en quête de stratégies ou salariés qui s'interrogent sur les choix de leur hiérarchie, recevez dans votre boîte mail les clés de la recherche pour la vie professionnelle et les conseils de nos experts dans notre newsletter thématique « Entreprise(s) ».</em></p>
<p><em><a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-entreprise-s-153/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a></em></p>
<p>Enfin, pour créer un environnement favorable, il est essentiel de former les personnes qui travaillent avec des employés neurodivergents. Le plus souvent, ce n’est pas la neurodiversité <em>en soi</em> qui est un frein, mais les <a href="https://hbr.org/2021/12/autism-doesnt-hold-people-back-at-work-discrimination-does">préjugés et la discrimination</a> auxquels sont confrontées les personnes concernées. Les employés neurotypiques devraient donc suivre une formation pour lutter contre leurs <a href="https://www.linkedin.com/pulse/neurodiversity-101-whats-your-neurodivergent-bias-prof-amanda-kirby/">préjugés conscients et inconscients</a>.</p>
<p>Ils devraient également développer une sensibilité à l’égard des manières et des méthodes de travail de leurs collègues neurodivergents. Pour créer un environnement favorable, EY forme ses équipes comprenant des employés neurodivergents à communiquer clairement et sans ambiguïté. De même, le cabinet de conseil <a href="https://www2.deloitte.com/uk/en/pages/neurodiversity-learning-guides.html">Deloitte</a> a créé des guides d’apprentissage sur la neurodiversité qui aident les managers à comprendre comment ils peuvent embaucher et soutenir les employés neurodivergents.</p>
<h2>Limiter les réunions</h2>
<p>Enfin, les entreprises devraient réfléchir à la manière dont l’espace de travail et les processus peuvent être <a href="https://www.workdesign.com/2023/07/designing-for-neurodiversity-in-the-workplace/">conçus</a> et adaptés pour répondre aux besoins des employés neurodivergents. Parmi ces adaptations, citons l’utilisation de couleurs plus calmes sur les murs et l’aménagement d’espaces calmes dans le bureau pour faire une pause.</p>
<p>Pour faciliter les réunions, l’ordre du jour et les documents à lire peuvent être envoyés à l’avance. De même, la fréquence et la durée des réunions pourraient être limitées, et des pauses pourraient être prévues en cas de réunions prolongées. Les horaires de travail peuvent également prévoir des jours sans réunion. Les options de <a href="https://hbr.org/2023/08/the-radical-promise-of-truly-flexible-work">travail flexible et à distance</a> facilitent également la gestion des routines de travail et de soins personnels des employés neurodivergents et peuvent éventuellement les aider à construire leur carrière.</p>
<p>Non seulement les grandes entreprises peuvent prendre des mesures en faveur de l’inclusion de la neurodiversité, mais les petites entreprises peuvent également suivre cette voie. Dans le cadre de nos propres <a href="https://www.neilsonjournals.com/JIBE/abstractjibe18food4thought.html">recherches</a>, nous avons ainsi étudié comment un restaurant, qui est une petite entreprise, a réussi à embaucher des employés neurodivergents. Comme les grandes entreprises, il s’est associé à des associations pour l’identification des candidats. Le processus d’embauche a consisté à remplacer l’entretien formel par une première rencontre non structurée.</p>
<p>En outre, les candidats neurodivergents ont travaillé sur des tâches que l’on effectue normalement dans un restaurant. Cela a permis de comprendre si les candidats étaient aptes à occuper le poste. En même temps, cela a permis aux candidats d’évaluer s’ils trouvaient le poste et l’environnement de travail adéquats. Il est à noter que les familles des candidats neurodivergents ont également été impliquées dans la phase initiale d’embauche et que les restaurateurs se sont assurés qu’ils étaient convaincus que les candidats se trouvaient dans un endroit adéquat. Enfin, la formation continue des employés neurodivergents et des collègues neurotypiques a été la clé de la création d’un environnement de travail propice.</p>
<p>Grâce à ces mesures, le restaurant a pu embaucher et soutenir des employés neurodivergents et, ce faisant, bénéficier d’un personnel engagé avec un faible taux de rotation, ce qui est une lutte constante dans le secteur de la restauration. Il ne fait aucun doute que les entreprises peuvent tirer profit de l’emploi de salariés neurodivergents. Toutefois, pour récolter ces bénéfices, il est essentiel de repenser et d’adapter les systèmes et les processus existants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223874/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les personnes atteintes de dyslexie ou encore d’autisme, malgré leurs compétences reconnues, restent victimes de discriminations sur le marché du travail.Mamta Bhatt, Associate Professor of Organizational Behavior, IESEG School of Management, LEM, CNRS (UMR 9221), IÉSEG School of ManagementAntonio Giangreco, Full Professor in HRM & OB, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2224202024-02-05T09:58:00Z2024-02-05T09:58:00ZGénération Z et entreprises du numérique : PME vs. grandes entreprises, le match de l’attractivité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/572406/original/file-20240131-19-ayudj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=40%2C28%2C1876%2C1253&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2023, un poste sur 10 n’était pas pourvu dans le secteur du numérique
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.publicdomainpictures.net/fr/view-image.php?image=270605&picture=le-marketing-numerique">Publicdomainpictures.net</a></span></figcaption></figure><p>Les leviers permettant d’attirer la génération Z, <a href="http://pewsocialtrends.org/essay/on-the-cusp-of-adulthood-and-facing-an-uncertain-future-what-we-know-about-gen-z-so-far/psdt_generations_defined/">née après 1996</a>, vers les entreprises étant encore peu connus, s’interroger sur la pertinence des modèles d’attractivité développés pour les générations qui l’ont précédée est donc utile. Pour mieux les comprendre, nous avons mené, avec le soutien du Syndicat régional des professionnels de l’informatique et du numérique (SYRPIN), une <a href="https://openurl.ebsco.com/EPDB:gcd:16:12133584/detailv2?sid=ebsco:plink:scholar&id=ebsco:gcd:163875687&crl=c">recherche</a> sur l’attractivité des entreprises de services numériques (ESN) en Nouvelle-Aquitaine.</p>
<p>Les entreprises de ce secteur, très petites entreprises (TPE), petites et moyennes entreprises (PME) et grandes entreprises (GE), sont aujourd’hui particulièrement concernées par les difficultés de recrutement, en raison de la pénurie des profils recherchés. Selon une étude de l’Institut Montaigne publiée mi-2023, près de <a href="https://www.institutmontaigne.org/ressources/pdfs/publications/Institut%20Montaigne-note%20daction-Mobiliser-et-former-les-talents-du-nume%CC%81rique_0.pdf">10 % des emplois ne seraient pas pourvus</a> dans le secteur du numérique, soit environ 85 000 postes.</p>
<p>La rareté des compétences recherchées ressort comme principale cause de cette difficulté. Les entreprises de petite taille, confrontées à la concurrence des sociétés nationales et internationales, sont spécialement touchées. Elles ne bénéficient pas d’une notoriété importante et ne peuvent déployer des moyens et des arguments aussi convaincants pour attirer les futurs diplômés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1661032451206963201"}"></div></p>
<p>Dans la région Nouvelle-Aquitaine, l’économie numérique s’est peu à peu imposée comme l’un des domaines d’excellence, avec notamment la <a href="https://www.digital-aquitaine.com/">création du cluster Digital Aquitaine, dès 2014</a>. Cet affichage politique a eu de nombreuses conséquences parmi lesquelles une forte tension du marché du travail relatif aux technologies numériques. Les ESN de Nouvelle-Aquitaine, en majorité PME et ETI, se sont retrouvées en concurrence avec des grands groupes faisant le choix d’y localiser leur siège (comme le site de paris en ligne Betclic à Bordeaux, en 2017) ou d’y ouvrir une antenne (<a href="https://www.sudouest.fr/economie/emploi/ubisoft-inaugure-son-studio-a-bordeaux-et-recrute-encore-3302760.php">implantation d’un studio de développement de jeux vidéo</a> Ubisoft cette même année). Ce contexte constitue donc un cas d’école en matière de « guerre des talents ».</p>
<h2>Trois leviers d’attractivité se dégagent</h2>
<p>Pour étudier l’attractivité comparée des PME et des GE de services numériques, nous avons interrogé, en Nouvelle-Aquitaine, de futurs diplômés du numérique et de l’informatique inscrits en écoles ou à l’université (N = 143 étudiants de fin de cycle). Nous leur avons demandé d’évaluer <a href="https://d1wqtxts1xzle7.cloudfront.net/30728570/IJA24%282%29-libre.pdf?1392101982=&response-content-disposition=inline%3B+filename%3DThe_state_of_theory_in_three_premier_adv.pdf&Expires=1706699583&Signature=UXtlwOa8wsdDnoghgBkhRE0H2x-He1VJz8PFZokV5wk%7E2OKYzg0LSXs5N4eNINsM6sF94gKqKYLZfzCPaHMSBQo1GsCJbUnb1sQCJstG-Z%7E0rAzYW3L9vb4gLqxNsF5geN6NcldpEm3st%7EwQ9gdPhP3LcyzXbX3Zh2tTeujTwy0I79KCugAmtmsrDElIWBeniwQgHW3QzWEK5CXbS8hLYenj2-w%7EMr0ui7JBwm6xOFk85yUh%7E4%7ETVEVcUC2kNxvJV0n397HUCK9BjFiP3fKLIf3vbMPC6Qv9uFjo7L9LTs-TgdL7ZW">cinq leviers décrivant l’attractivité des ESN</a>.</p>
<p>La recherche a permis d’identifier trois leviers d’attractivité qui se dégagent : la valeur d’intérêt, la valeur sociale et la valeur économique.</p>
<p><iframe id="UIwsk" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/UIwsk/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Tout d’abord, la <strong>valeur d’intérêt</strong> impacte positivement l’attractivité des PME. Les Z sont attirés par les PME qui offrent un environnement de travail stimulant, axé sur la créativité et l’innovation. Il est à noter que ce facteur ne ressort pas comme un levier d’attractivité des GE du secteur numérique. Les Z ont tendance à les percevoir comme des organisations bureaucratiques au sein desquelles les tâches sont répétitives.</p>
<p>Pour contrer ce frein, certaines grandes entreprises adoptent une structure hybride pour <a href="https://www.hbrfrance.fr/organisation/focus-sur-la-start-up-hybride-60189">entretenir un « esprit start up</a> ». À titre d’exemple, Airbus UpNext, une entité du célèbre avionneur qui a pour mission de propulser les ruptures technologiques, <a href="https://www.usinenouvelle.com/editorial/comment-airbus-repere-et-evalue-les-technologies-de-rupture.N2067232">cherche à fonctionner comme une véritable jeune pousse</a>.</p>
<p>Ensuite, si proposer un bon salaire et des perspectives d’évolution s’avère un levier d’attractivité particulièrement pertinent pour les GE, a contrario, la <strong>valeur économique</strong> a un impact négatif sur l’attractivité des PME. Deux facteurs peuvent expliquer ce résultat. Premièrement, les Z ne s’attendent pas à ce que les PME proposent des salaires élevés et la sécurité de l’emploi. Deuxièmement, les Z effectuent un arbitrage entre la quête de sens au travail et le salaire.</p>
<p>Si nos résultats montrent qu’un bon salaire est un levier d’attractivité pour les GE, l’intérêt de ce levier pourrait se limiter à l’embauche car <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/lambiance-avant-le-salaire-ou-linteret-du-travail">l’argent n’est plus un moteur suffisamment puissant pour motiver et fidéliser</a> tandis que la garantie de pouvoir progresser, évoluer et se former prend de l’importance.</p>
<p>Enfin, aucune relation significative n’est observée, pour les PME, entre la <strong>valeur sociale</strong> et l’attractivité. Pour les grandes entreprises, s’il existe bien une relation entre la valeur sociale et l’attractivité, celle-ci est négative. Ces résultats ne sont pas ceux attendus. Un début d’explication est à rechercher dans le souhait d’un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Les Z accordent <a href="https://bonafide.paris/analyse-lentreprise-devra-t-elle-bientot-se-faire-recruter/">plus d’importance à la réussite de la vie privée qu’à celle de la vie professionnelle</a>.</p>
<p>Le lien social en entreprise n’est pas une fin en soi pour les Z et pourrait même être perçu comme un risque de s’y engager davantage, au détriment de la vie privée. L’engouement pour le télétravail pourrait être un corolaire du désintérêt des Z pour la valeur sociale. Gorgias, une entreprise franco-américaine de support pour l’e-commerce, a par exemple <a href="https://start.lesechos.fr/travailler-mieux/flexibilite-au-travail/le-100-teletravail-sans-frontieres-remede-a-la-penurie-de-cerveaux-dans-la-tech-1942062">intégré cette nouvelle donnée</a> en permettant à ses développeurs de télétravailler à 100 %. Ces derniers peuvent ainsi vivre dans le pays de leur choix.</p>
<h2>Quelles recommandations pour les entreprises ?</h2>
<p>Cette recherche aide les ESN à identifier les arguments sur lesquels elles devraient axer leur communication ME afin d’attirer les Z. Pour les PME, plutôt que les promesses d’une rémunération et de perspectives de carrières pour lesquelles elles auraient du mal à concurrencer les entreprises à dimension nationale ou internationale, ce sont les éléments liés à un environnement de travail stimulant et à des pratiques qui favorisent la créativité des salariés qui feront la différence.</p>
<p>Le futur employeur gagnerait ainsi à se positionner comme une entreprise qui met l’innovation au centre de ses préoccupations, aussi bien dans les produits/services offerts que dans l’organisation du travail et l’environnement de ce dernier. Puisque les jeunes de la génération Z sont plus enclins que leurs ainés à gagner moins pourvu que leur travail ait du sens et/ou qu’il permette de respecter un équilibre avec la vie personnelle, les PME doivent également utiliser cet argument dans leur communication.</p>
<p>Pour les grandes entreprises, attirer par un salaire élevé peut s’avérer payant à court terme, mais il serait risqué de faire reposer l’attractivité sur le seul levier du salaire et de la sécurité de l’emploi. Selon une <a href="https://start.lesechos.fr/travailler-mieux/flexibilite-au-travail/le-100-teletravail-sans-frontieres-remede-a-la-penurie-de-cerveaux-dans-la-tech-1942062">étude</a> récente, 67 % des Z comptent gagner moins d’argent mais avoir plus de temps libre et 87 % n’envisagent pas de faire carrière dans la même entreprise. Créer une ambiance start up au sein des GE du secteur numérique, comme le fait Airbus, permettrait d’améliorer leur attractivité auprès des Z en apportant une réponse à la crainte d’une organisation trop bureaucratique et d’un travail trop répétitif.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222420/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>L'equipe de recherche à laquelle appartient Laila Benraïss-Noailles a reçu des financements du SYRPIN.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Olivier Herrbach a participé au projet de recherche financé par le SYRPIN.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Catherine Viot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une étude menée en région Aquitaine révèle des attentes des jeunes générations sur lesquelles les petites entreprises peuvent capitaliser pour s’imposer dans la « guerre des talents ».Laila Benraïss-Noailles, Professeur des universités en sciences de gestion, directrice adjointe, IAE BordeauxCatherine Viot, Professeur des Universités en sciences de gestion, IAE BordeauxOlivier Herrbach, Professeur des universités en sciences de gestion, directeur, IAE BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2217742024-01-23T16:36:51Z2024-01-23T16:36:51ZLe tatouage est de mieux en mieux accepté en entreprise – surtout s’il ne se voit pas<p>D’après la dernière grande enquête statistique disponible sur le sujet, <a href="https://www.ifop.com/publication/la-pratique-du-tatouage-en-france-aux-etats-unis-et-en-grande-bretagne/">plus de 18 % des Français étaient tatoués en 2018</a>, contre 14 % en 2016 et 10 % en 2010. Le tatouage est même désormais <a href="https://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2023/12/16/miss-france-2024-une-diversite-qui-progresse-a-tout-petits-pas-pour-la-premiere-fois-il-y-a-une-jeune-femme-qui-a-les-cheveux-courts_6206131_1655028.html">autorisé pour le concours Miss France</a>, c’est dire si la pratique est rentrée dans les mœurs ! Mais qu’en est-il en entreprise ?</p>
<p>Selon différentes études expérimentales menées principalement aux États-Unis, les personnes tatouées sont considérées comme plus rebelles (50 % en moyenne), moins attirantes (45 %), moins sexy (39 %), moins intelligentes (27 %), <a href="https://www.scirp.org/reference/referencespapers?referenceid=2132373">moins saines et moins spirituelles</a> (25 %). Elles sont perçues comme plus extraverties, moins intelligentes et même moins <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1111/j.1559-1816.2010.00596.x">honnêtes au travail</a>. Il existe donc encore de puissants préjugés qui prédominent <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/labr.12167">dans la plupart des emplois</a>.</p>
<h2>Evolution encourageante</h2>
<p>Toutefois, nos récentes recherches montrent une évolution encourageante (article à paraître prochainement dans un numéro spécial de la <a href="https://www.ripco-online.com/FR/presentation.asp">RIPCO</a>). Cette étude qualitative exploratoire a été menée auprès d’une vingtaine de candidats tatoués et de recruteurs tatoués et non tatoués dans des emplois de bureau ou de service entre 2021 et 2023. Les candidats tatoués avaient entre 1 et 30 tatouages, visibles ou non, avec des couleurs et des motifs variés : polynésiens, japonais, tribaux, des oiseaux, des références à la mythologie, au sport…</p>
<p>Selon nos répondants, d’une manière générale, le tatouage est socialement « accepté aujourd’hui » (un recruteur dans l’industrie) et perçu « comme n’importe quel style vestimentaire » (recruteur dans l’industrie). Mais il apparaît aussi très clairement que pour les recruteurs le tatouage n’est pas un problème dès lors qu’il n’est « pas visible » (recruteur dans les systèmes d’information, ou SI) et qu’« on peut le cacher » (recruteur dans l’industrie). Évidemment, on peut comprendre que certains tatouages, un signe menaçant comme une « tête de mort ou un serpent » (recruteur dans l’industrie), « une chaine, un poignard » (tatoué dans la banque) ne soient pas acceptés.</p>
<h2>« C’est toujours un peu difficile »</h2>
<p>Mais sans aller aussi loin dans les extrêmes, nos résultats montrent surtout que les stéréotypes sur les personnes tatouées demeurent au travail : une personne tatouée ne serait « pas sérieuse » (tatoué dans une banque), « extrémiste » (recruteur dans les SI), considérée comme « pas fiable, pas sérieuse, ni compétente, ni performante » et moins facilement recommandable à un client (recruteur tatoué dans les SI), une femme tatouée serait « peu féminine » (recruteur dans l’industrie). Le tatouage serait même le fait des « classes moyennes » (recruteur dans les SI).</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/vous-postulez-dans-une-banque-enlevez-vos-piercings-et-cachez-vos-tatouages-194571">Vous postulez dans une banque ? Enlevez vos piercings et cachez vos tatouages !</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Ainsi, les discriminations à l’égard des personnes tatouées restent fortes, notamment dans certains secteurs d’activité plus conventionnels comme « l’audit » (tatoué dans l’audit) ou la « banque » (tatoué dans la banque). « Même si on a l’impression que c’est beaucoup plus accepté qu’avant, dans le milieu professionnel, c’est toujours un peu difficile » (tatoué dans la communication). Dès lors qu’il y a des interactions sociales, les tatouages semblent rédhibitoires : « J’ai du mal avec le tatouage apparent dans les professions qui accueillent du public » (tatoué dans la police).</p>
<h2>Quand ChatGPT confirme les stéréotypes</h2>
<p>Nous nous sommes d’ailleurs essayés, après notre étude, à demander à ChatGPT 4 de « créer une image réaliste d’un entretien de recrutement professionnel pour un emploi de bureau en France avec un ou une candidat·e ».</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/570847/original/file-20240123-27-ie3syb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570847/original/file-20240123-27-ie3syb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570847/original/file-20240123-27-ie3syb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570847/original/file-20240123-27-ie3syb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570847/original/file-20240123-27-ie3syb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570847/original/file-20240123-27-ie3syb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570847/original/file-20240123-27-ie3syb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570847/original/file-20240123-27-ie3syb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Puis nous lui avons demandé de créer la même image avec le même prompt mais « avec un ou une candidat·e tatoué·e ».</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/570848/original/file-20240123-21-5abmom.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570848/original/file-20240123-21-5abmom.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570848/original/file-20240123-21-5abmom.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570848/original/file-20240123-21-5abmom.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570848/original/file-20240123-21-5abmom.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570848/original/file-20240123-21-5abmom.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570848/original/file-20240123-21-5abmom.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570848/original/file-20240123-21-5abmom.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le résultat est sans appel. Au-delà du fait que tous les candidats et recruteurs sont des hommes blancs (!), il va sans dire que l’on aura davantage tendance à recruter le candidat sans tatouage si l’on suit l’intelligence artificielle (IA), <a href="https://www.wedemain.fr/dechiffrer/lia-une-machine-a-biais-comment-lintelligence-artificielle-renforce-les-stereotypes/">reflet de nos perceptions et donc de nos biais sur Internet</a>.</p>
<p>La question de la visibilité du tatouage est donc centrale et pour faire simple, le tatouage n’est pas un problème au travail… tant qu’il ne se voit pas. On peut arguer, non sans raison, que le tatouage est un choix personnel et qu’il relève de l’intime. Mais le tatouage fait aussi partie de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1740144506001136">l’identité des personnes tatouées</a>. « C’est dommage d’en arriver à se dire qu’il faut que je cache une partie de mon identité parce que derrière, il peut y avoir des conséquences » (recruteur tatoué dans l’industrie). Les personnes tatouées vivent alors une véritable dissonance cognitive et émotionnelle qui n’est pas sans conséquence sur leur satisfaction et leur engagement au travail.</p>
<p>Elles se posent régulièrement la question de savoir si elles peuvent montrer ou non leurs tatouages. Et si oui, à quel moment – avant ou après l’entretien d’embauche, avant ou après leur période d’essai – à quelles personnes, leurs amis au travail, leurs collègues, leur responsable, aux clients, aux usagers…</p>
<p>Cette dissonance apparaît en outre d’autant plus forte dans les entreprises qui abordent de fortes valeurs inclusives mais qui n’évoquent jamais la question du tatouage. « On n’a pas mal de sensibilisation sur la discrimination mais on n’a jamais évoqué le sujet du tatouage… On a parlé de toutes les communautés, les appartenances, la culture, le handicap mais jamais du tatouage » (recruteur tatoué dans l’industrie).</p>
<p>Les personnes tatouées ont dès lors beaucoup plus de difficultés à se sentir authentiques au travail, ce qui est de moindre conséquence quand elles arrivent à dissocier leur identité privée de leur identité professionnelle, mais peut aussi les empêcher d’être véritablement elles-mêmes et efficaces au travail.</p>
<h2>Un sujet dont il faut parler</h2>
<p>En conclusion, si le tatouage est désormais bien mieux accepté socialement, il reste encore un sujet très sensible dans le milieu professionnel et mériterait d’être davantage abordé en entreprise.</p>
<p>Côté candidat, si le tatouage est un élément fort de votre identité, on peut ainsi vous conseiller d’en parler dès l’étape du recrutement afin de rejoindre une entreprise où vous pourrez vous épanouir. À l’inverse, si vous considérez le tatouage comme un choix personnel, il est sans doute préférable d’en parler avec votre manager une fois recruté afin d’éviter toute forme de discrimination et mieux comprendre quand vous pouvez le dévoiler dans le contexte professionnel.</p>
<p>Côté recruteur, attention, toute discrimination liée à l’apparence physique reste <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000045391841">interdite par la loi</a>. Néanmoins, si vous voyez un tatouage chez un candidat et que vous ne savez pas comment réagir, parlez-en afin de lever vos biais et vos stéréotypes. Nous en avons tous nécessairement. Si l’apparence physique est un élément clé du poste, il est sans doute souhaitable d’évoquer directement la question du tatouage avec le candidat et voir si celui-ci ou celle-ci peut être en phase avec la culture d’entreprise.</p>
<p>Enfin, parce que lutter contre les discriminations est un travail qui s’inscrit dans la durée, nous menons actuellement une seconde étude sur le tatouage au travail en France. Si vous êtes tatoué·e et travaillez dans une entreprise en France, n’hésitez pas à répondre à notre <a href="https://forms.office.com/Pages/DesignPageV2.aspx?origin=NeoPortalPage&subpage=design&id=1_P-3z4U7UGBXZw4PEjrlVZqyIIXJKVDjZRyXGlvDplURFJLM0Y3T0laQVRCS1pOVUJBVkFVV0FVTy4u">questionnaire</a>. Merci d’avance !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221774/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude montre que les discriminations à l’encontre des personnes tatouées tendent à diminuer, même si certaines stéréotypes ont la vie dure…Vincent Meyer, Professeur assistant en gestion des ressources humaines et théorie des organisations, EM NormandieSarah Alves, Enseignant chercheur en ressources humaines, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2213752024-01-21T14:39:35Z2024-01-21T14:39:35Z« La génération Z ceci, la génération Z cela… » : mais au fait, qu’est-ce qu’une génération ?<p><a href="https://theconversation.com/topics/generation-z-46146">« Génération Z »</a> compte sans doute parmi les mots les plus utilisés dans le monde du travail ces derniers temps. Les difficultés de recrutement ont mis les entreprises au défi d’attirer et de fidéliser les jeunes « talents » et de nombreuses analyses ont tenté de cerner les attentes de cette nouvelle génération. Celle-ci serait hyperconnectée aux réseaux sociaux, militante du genre et du climat, avide de sens… mais aussi individualiste, désengagée et matérialiste.</p>
<p>Pourtant, comme toutes les classes d’âge, celle-ci qui a récemment fait son entrée sur le marché du travail est profondément hétérogène. Difficile d’en faire un portrait uniforme, ce que le sociologue Pierre Bourdieu soulignait déjà en 1978 avec sa formule <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-pourquoi-du-comment-economie-et-social/pourquoi-la-jeunesse-n-est-elle-qu-un-mot-1625396">« La jeunesse n’est qu’un mot »</a>. Et si, pour mieux comprendre ces jeunes, on commençait d’abord par interroger le concept de « génération » ?</p>
<h2>Un seul et même groupe ?</h2>
<p>On définit la génération Z comme un groupe d’individus nés entre la fin des années 1990 et le début des années 2010. Les dates peuvent varier d’une classification à l’autre : la plupart des définitions de la génération Z la font débuter en 1997, mais d’autres mentionnent également 1996 ou encore 1995. Et il en va de même pour les autres générations, comme celle des Y qui peut débuter à partir de 1980 ou 1984 ou encore la génération X qui désigne des individus nés entre 1965 et 1976, mais parfois bornée par 1961-1981 ou encore 1962-1971.</p>
<p>Même si ces variations sont légères, elles révèlent la fragilité de ces concepts dont les professionnels du marketing et les médias usent et abusent. L’auteure de cet article, par exemple, née en 1980, ne sait toujours pas si elle appartient aux X ou aux Y. Pourtant, selon que l’on prenne l’une ou l’autre hypothèse, les caractéristiques qui lui seront attribuées seront assez différentes, notamment pour ce qui concerne son rapport au travail… Pour essayer d’y voir plus clair, revenons donc à la racine du concept : la notion de génération.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1584217232145457152"}"></div></p>
<p>D’un point de vue démographique, une génération désigne un ensemble de personnes nées sur une même période, qui s’étale sur une vingtaine d’années environ et qui renvoie à l’origine <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/generation/">« au nombre d’années séparant l’âge du père de celui du fils »</a>. Cette vision simpliste sera récusée en particulier par le sociologue Karl Mannheim, dans un <a href="https://www.1000dokumente.de/pdf/dok_0100_gen_de.pdf">article</a> fondateur de 1928 : les individus ne sont pas membres d’une même génération juste parce qu’ils partagent une date d’anniversaire, ils doivent également partager « une identité de réponses, une certaine affinité dans la manière dont ils évoluent, vivent et sont façonnés et formés par leurs expériences communes ».</p>
<p>Mannheim propose ainsi de définir une génération comme une classe d’âge partageant un destin commun et manifestant une cohésion sociale, c’est-à-dire la conscience d’appartenir à un même groupe. Il nous invite donc à considérer trois variables en parallèle : la dimension biologique de l’âge mais aussi les dimensions historique et sociale.</p>
<h2>Effet d’âge, effet de génération, effet d’époque ?</h2>
<p>En statistique, l’effet de génération, le fait d’être né à telle ou telle date ou d’avoir connu tel ou tel événement, doit être distingué de l’effet d’âge. Les recherches qui s’intéressent à l’évolution des valeurs des personnes du même âge à différentes périodes (par exemple, les attentes professionnelles des jeunes de 20 ans nés en 1960, 1980 ou 2000) n’identifient <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/12/les-certitudes-liberales-et-technocratiques-ont-enfante-bien-des-troubles-actuels-dans-le-monde-du-travail_6173077_3232.html">pas de ruptures culturelles opposant des générations</a>.</p>
<p>On retrouve ainsi dans les discours actuels sur la génération Z, la <a href="https://www.sciencespo.fr/liepp/fr/content/camille-peugny-les-jeunes-sont-ils-des-travailleuses-et-travailleurs-comme-les-autres.html">même litanie</a> qu’il y a 20 ans sur la génération Y : « quête de sens, soif d’accomplissement personnel, souhait de ne pas “perdre sa vie à la gagner” ». Des valeurs qui se manifestaient déjà chez la « génération 68 », cherchant à briser les carcans sclérosants et les relations traditionnelles en entreprise pour faire du travail un vecteur d’épanouissement personnel et collectif. Plus que des « effets de génération », il pourrait donc y avoir un « effet d’âge » commun à toutes les générations : à 20 ans, on est plus susceptible de vouloir changer le monde. Et nous sommes (ou presque) tous passés par là.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1728822459422367903"}"></div></p>
<p>Outre l’âge, une génération doit aussi être replacée dans un contexte sociohistorique qui lui confère un destin commun et la dote d’une réelle consistance, d’une « identité générationnelle ». On parle ainsi de la génération qui a connu la guerre, de la « génération 68 » et aujourd’hui parfois de « génération Covid ». Les jeunes ont en effet particulièrement mal vécu les confinements et l’isolement social, ainsi que la restriction des distractions qui en a découlé, à un âge où le désir de contacts sociaux et d’activités en groupe est souvent le plus développé. Plus que les autres classes d’âge, ils ont témoigné de <a href="https://www.etmaintenant-lequestionnaire.fr/et_maintenant_rapport_sociologique.pdf">troubles psychosociaux</a> qui perdurent encore aujourd’hui, comme le constatent les <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/sante-mentale/depression-et-anxiete/documents/article/l-impact-de-la-pandemie-Covid-19-sur-la-sante-mentale-des-francais">psychiatres</a>. S’y ajoutent les mutations climatiques à l’origine d’une <a href="https://unric.org/fr/eco-anxiete-quand-les-changements-climatiques-impactent-la-sante-mentale/">écoanxiété</a> qui touche particulièrement les jeunes.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Toutefois, ici encore, l’hypothèse d’une spécificité générationnelle semble fragile. En effet, l’angoisse suscitée par les crises sanitaire et écologique n’est pas propre aux Z. D’autres franges de la population sont aussi impactées par ces deux crises, bien au-delà des jeunes : <a href="https://www.cairn.info/avoir-20-ans-en-2020%E2%80%939782738153753.htm">femmes, précaires et chômeurs pour la première</a> ; personnes particulièrement sensibilisées aux enjeux climatiques (<a href="https://unric.org/fr/eco-anxiete-quand-les-changements-climatiques-impactent-la-sante-mentale/">scientifiques, agriculteurs par exemple</a>) ou soumises à des conditions de travail dangereuses ou travaillant dans des <a href="https://www.cairn.info/avoir-20-ans-en-2020%E2%80%939782738153753.htm">secteurs polluants</a> pour la seconde. Les évolutions dans la sensibilité et les valeurs sont souvent poreuses entre les classes d’âge d’une même époque, notamment via les transmissions familiales. Ces constats témoignent de la pertinence d’une grille de lecture en termes d’effets d’époque plutôt que de génération.</p>
<h2>Des travailleurs comme les autres</h2>
<p>Si ni l’âge ni l’époque ne permettent de faire émerger la spécificité de la génération Z, la dernière variable, à savoir la dimension sociale, nous permettra-t-elle enfin d’y parvenir ? Il semble que la réponse soit à nouveau négative et frappe encore une fois par son évidence. À toutes les époques, la jeunesse n’a <a href="https://www.cairn.info/avoir-20-ans-en-2020%E2%80%939782738153753.htm">jamais été une catégorie homogène</a>, particulièrement dans son rapport au travail. </p>
<p>Une multitude de facteurs sont en effet susceptibles de l’influencer : le niveau de diplôme, le secteur d’activité, les conditions socio-économiques, ainsi que le lieu de résidence (ville/zone rurale/zone périurbaine), le contexte organisationnel spécifique à l’entreprise dans laquelle la personne officie, mais également des facteurs plus subjectifs (traits de personnalité et expériences antérieures de travail plus ou moins positives). Une diversité de situations qui explique certainement l’ambivalence des caractéristiques attribuées aux « nouvelles générations », celles d’hier comme d’aujourd’hui.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/569906/original/file-20240117-29-xa6s9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/569906/original/file-20240117-29-xa6s9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569906/original/file-20240117-29-xa6s9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569906/original/file-20240117-29-xa6s9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569906/original/file-20240117-29-xa6s9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569906/original/file-20240117-29-xa6s9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1056&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569906/original/file-20240117-29-xa6s9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1056&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569906/original/file-20240117-29-xa6s9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1056&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De multiples portraits se cachent ainsi derrière la catégorie englobante des « jeunes », avec autant d’aspirations différentes au travail et de difficultés particulières : du <a href="https://www.cairn.info/revue-agrh1-2023-1-page-13.htm">jeune peu qualifié</a>, avant tout à la recherche d’un emploi lui permettant de subvenir à ses besoins matériels jusqu’aux élites de Harvard ou Polytechnique en <a href="https://www.la-fabrique.fr/fr/publication/les-jeunes-elites-face-au-travail-regards-croises-entre-polytechnique-et-harvard/">« quête d’excellence »</a> en passant par les diplômés du supérieur issus de familles de cadres détenant un fort capital culturel et à la recherche d’un <a href="https://www.institutmontaigne.org/ressources/pdfs/publications/une-jeunesse-plurielle-enquete-aupres-des-18-24-ans-rapport.pdf">« métier passion »</a>.</p>
<p>Sans vouloir complètement gommer quelques traits qui pourraient être plus marqués chez les jeunes d’aujourd’hui que dans les autres classes d’âge, la thèse selon laquelle la génération la plus récente formerait une cohorte homogène animée par des aspirations distinctes des autres classes d’âge dans son rapport au travail n’est soutenue par aucune preuve. Elle persiste pourtant, du fait des interprétations approximatives qui entourent le concept de génération, mais peut-être aussi de stéréotypes tenaces sur « les jeunes ». </p>
<p>Ces constats invitent avant tout à voir dans <a href="https://www.chairefit2.org/wp-content/uploads/2023/11/livre-les-jeunes-travailleurs-comme-les-autres-chaire-fit2-web_planches-1.pdf">« Les jeunes, des travailleurs comme les autres »</a>, titre d’un ouvrage que nous avons récemment publié, et à ne pas tomber dans le piège d’approches générationnelles qui empêchent de développer une réflexion approfondie sur l’expérience collaborateur au profit d’étiquettes simplistes. La <a href="http://www.chairefit2.org/">Chaire Futurs de l’industrie et du travail</a> de l’école des Mines invite ainsi à creuser d’autres pistes, cherchant à réponde aux attentes de l’ensemble des salariés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221375/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Suzy Canivenc est chercheure à la chaire Futurs de l'Industrie et du travail de Mines Paris-PSL, membre de l'Observatoire de l'Infobésité et de la Collaboration Numérique et enseignante à l'Université Catholique de l'Ouest</span></em></p>À revenir aux racines du concept de génération, peut-être se rendra-t-on compte que la génération Z n’a peut-être ni la cohérence ni les spécificités qu’on lui prête souvent bien volontiers.Suzy Canivenc, Chercheure associée à la Chaire Futurs de l'Industrie et du Travail, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2206782024-01-14T16:24:58Z2024-01-14T16:24:58ZArmée de l’air et de l’espace : l’exigeant défi du recrutement des pilotes de combat<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568173/original/file-20240108-25-ah743g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=61%2C12%2C1983%2C1168&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les forces aériennes françaises comptent aujourd’hui de plus de 40&nbsp;000 aviateurs.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/falcon_33/48712907897">Falcon Photography/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dotée de <a href="https://air.defense.gouv.fr/fiche/chiffres_cles">plus de 40 000 aviateurs</a> employés dans une quarantaine de métiers, l’<a href="https://www.defense.gouv.fr/air">armée de l’air et de l’espace</a> (AAE) a pour raison d’être l’action dans la troisième dimension, ce qui repose en très grande partie sur les opérations aériennes dont les figures les plus emblématiques sont les pilotes de combat. Chaque année, l’AAE recrute en moyenne 120 pilotes : 70 <a href="https://devenir-aviateur.fr/devenir/nos-metiers/pilote-de-chasse">officiers sous contrat</a> (OSC ; niveau bac) et 50 <a href="https://www.ecole-air-espace.fr/devenir-officier/les-concours/">officiers de carrière</a> sur concours (École de l’Air et de l’Espace ; niveaux bac+2 à bac+5 en fonction de la filière). Lors de ce processus, il s’agit de détecter les candidats qui auront la probabilité la plus forte de réussir une longue et exigeante formation.</p>
<p>Ce choix se fait à travers une <a href="https://devenir-aviateur.fr/les-tests-devaluation-pour-les-pilotes-et-les-navigateurs-officiers-systemes-darmes">procédure de sélection</a> scientifique rigoureuse constituée de différentes épreuves élaborées par l’équipe de psychologues et d’informaticiens du Centre d’études et de recherches psychologiques Air (CERP’Air). En effet, les pilotes de l’AAE ne sont pas seulement sélectionnés pour leurs aptitudes à piloter. Leurs capacités de résilience, c’est-à-dire leurs capacités à surmonter les difficultés, ainsi que leur motivation militaire sont fondamentales.</p>
<h2>Compétences non techniques</h2>
<p>Les qualités recherchées, que l’on retrouve également au sein de l’US Air Force ou de la Royal Air Force britannique, relèvent de deux grands domaines : la sphère cognitive et psychomotrice ; et la <a href="https://www.cairn.info/l-orientation-scolaire-et-professionnelle--9782804705893-page-215.htm">sphère conative</a>, composée des « soft skills » et de la motivation.</p>
<p>Dans la sphère cognitive et psychomotrice, les aptitudes montrant les <a href="https://apps.dtic.mil/sti/citations/ADA546965">plus fortes corrélations avec les performances</a> en formation en vol sont l’orientation spatiale, la vitesse perceptive, le raisonnement arithmétique, la répartition de l’attention, l’attention sélective, le contrôle précis des mouvements et la coordination des mouvements des membres.</p>
<p>La forte validité prédictive de ces différentes aptitudes reflète certes le caractère technique du métier de pilote militaire mais ne doit pas occulter l’importance de la sphère conative. En effet, le pilote de combat évolue dans un milieu où la cohésion de l’équipe de travail est capitale. De plus, l’élève pilote doit affronter une formation longue et complexe tout en subissant nombre de contraintes stressantes.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Par ailleurs, une fois les compétences de pilotage maîtrisées, les différences de performances entre les individus s’expliquent par les compétences non techniques dont le rôle est d’importance pour garantir des opérations aériennes sûres et efficaces. Ainsi, de récentes études ont mis en évidence la plus-value de caractéristiques individuelles telles que les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/10508414.2014.860843">compétences sociales</a>, les <a href="https://psycnet.apa.org/record/2013-20246-004">connaissances sur le métier</a> ou certains traits de <a href="https://psycnet.apa.org/record/2018-27938-007">personnalité</a>. Par exemple, les individus extravertis et émotionnellement stables résistent mieux au stress de la formation aéronautique.</p>
<p>Plus propre au domaine militaire, le rôle de ressources personnelles telles que le <a href="https://theses.fr/2020TOUR2011">capital psychologique</a> ou la <a href="https://www.pnas.org/doi/abs/10.1073/pnas.1910510116">« niaque »</a> (<em>grit</em> en anglais) accroissent la résilience de ces professionnels soumis à des environnements incertains et parfois dangereux.</p>
<h2>15 à 20 % de réussite</h2>
<p>Le besoin de faire passer un grand nombre d’épreuves à un flux conséquent de candidats a conduit à l’adoption d’une <a href="https://devenir-aviateur.fr/les-tests-devaluation-pour-les-pilotes-et-les-navigateurs-officiers-systemes-darmes">procédure en trois étapes</a> sélectives. Toutes les ressources humaines et techniques nécessaires à l’évaluation des candidats sont concentrées sur la base aérienne 705 de Tours-Cinq-Mars-La-Pile (Indre-et-Loire). Notons qu’à l’instar de toute candidate ou tout candidat postulant à une spécialité de l’AAE, un passage dans un Centre régional de recrutement Air permettra de s’assurer que les personnes ne présentent pas de contre-indication majeure (santé, niveau d’anglais, etc.).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Avion militaire au décollage" src="https://images.theconversation.com/files/568171/original/file-20240108-25-3ytca0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568171/original/file-20240108-25-3ytca0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568171/original/file-20240108-25-3ytca0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568171/original/file-20240108-25-3ytca0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568171/original/file-20240108-25-3ytca0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568171/original/file-20240108-25-3ytca0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568171/original/file-20240108-25-3ytca0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les individus extravertis et émotionnellement stables résistent mieux au stress de la formation aéronautique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/joseluiscel/53166589587/">José Luis Celada Euba/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, la première étape de la sélection consiste à évaluer le potentiel cognitif des candidats tandis que la deuxième est axée sur les aptitudes psychomotrices. Environ 25 % des personnes accèdent à la troisième et dernière étape dont l’objectif est de mesurer les « soft skills » et la motivation.</p>
<p>Ces qualités sont mesurées à l’aide d’une épreuve de résolution de problème en groupe et de deux entretiens individuels (un avec un psychologue du CERP’Air et un avec un binôme de personnel navigant formé à la conduite d’entretiens). Cette dernière étape n’est pas éliminatoire et peut être repassée sur décision de la commission de recrutement, tout candidat pouvant toujours améliorer, au prix d’un travail sur soi, son projet professionnel ou ses connaissances sur le métier.</p>
<p>En revanche, les deux premières étapes ne peuvent être repassées pour éviter des biais d’évaluation tels qu’un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1468-2389.2011.00530.x">effet de familiarité ou la mémorisation de questions</a>. Au final, 15 à 20 % des candidats auront le privilège de s’asseoir dans le cockpit d’un appareil de l’AAE.</p>
<h2>Des processus en mutation</h2>
<p>L’aviation a connu un essor technologique fulgurant et bien que les aptitudes de base du pilote n’aient évolué qu’à la marge, les techniques de recrutement des pilotes sont actuellement en pleine mutation avec l’arrivée de la digitalisation et de l’intelligence artificielle.</p>
<p>L’actuelle procédure de sélection des pilotes de l’AAE avait déjà fait l’objet d’une refonte en mai 2018 à la suite de différents <a href="https://psycnet.apa.org/record/2023-72916-003">travaux de recherche</a> intégrant l’avis des experts métiers comme les pilotes qualifiés. Cependant, la prise en compte de l’humain et le respect du règlement général sur la protection des données viennent aujourd’hui modérer une tendance à la disruption.</p>
<p>L’objectif d’une sélection de pilotes militaires est néanmoins de rester efficace et évolutive tout en tirant le meilleur parti de tous les outils et méthodes existant ou à venir. Aussi le CERP’Air met régulièrement à jour ses épreuves afin de suivre les évolutions techniques requérant de nouvelles compétences telles que la prise en compte d’un nombre de données tactiques en accroissement constant du fait de l’interconnexion des matériels (avions, drones, radars, etc.).</p>
<p>En définitive, cette procédure de sélection exigeante et complexe reste nécessaire à l’AAE pour pourvoir les forces aériennes en personnel fiable et compétent. Cette étape permet également de réduire drastiquement les lourdes déconvenues personnelles générées par un arrêt de la progression une fois en poste. Bien que rare, cet événement peut être traumatisant pour l’apprenti ou l’apprentie pilote qui voit alors son rêve prendre fin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220678/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le processus d’embauche des pilotes de combat se fonde sur des compétences qui dépassent largement les aptitudes au pilotage.Frédéric Choisay, Docteur en psychologie du travail, EE 1901 QualiPsy, Université de ToursEvelyne Fouquereau, Professeure des Universités en Psychologie du travail, Directrice EE 1901 QualiPsy, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2189842023-12-12T18:45:52Z2023-12-12T18:45:52ZLa compétence professionnelle n’est pas une question de personnalité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562798/original/file-20231130-21-1jjkoi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=109%2C98%2C977%2C709&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il est impossible de dire que tous les magistrats ont une personnalité introvertie. Ici, « Portrait du Juge et des Consuls de la Bourse de Bordeaux » de Pierre Lacour (1787).
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/50879678@N03/19433203832">Flickr/Bernard Blanc</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>On lit parfois que la <a href="https://journals.openedition.org/rfp/5143">personnalité indique l’intelligence</a>, ou qu’il existe des <a href="https://www.hrimag.com/Les-caracteristiques-personnelles-des-personnes-creatives">personnalités plus créatives que d’autres</a>. Or, ces perspectives sont erronées, comme le montrait une <a href="http://www.leseditionsovadia.com/collections/22-les-carrefours-d-ariane/159-personnalite-ou-performance.html">publication en 2015</a>. En effet, il n’existe pas de définition consensuelle de la personnalité. Cependant, un thème commun émerge : la personnalité se manifeste au travers des <a href="https://pascalkermarrec.com/2018/03/28/le-comportement-de-lindividu-dans-lorganisation/">régularités ou des cohérences du comportement</a>.</p>
<p>Dans le monde professionnel, bien que les sages-femmes soient souvent bienveillantes, les magistrats distants et les commerciaux avenants, il reste difficile d’affirmer avec certitude que ces caractéristiques soient le reflet de leur personnalité : en effet, il est tout aussi probable que ces régularités comportementales soient le résultat d’une compétence acquise et qu’elles aient été adoptées parce qu’elles sont efficaces dans ces professions. Il est donc impossible de dire que les magistrats ont tous une personnalité réservée et introvertie. De la même façon, la bienveillance est essentielle pour une sage-femme, mais cela ne signifie pas qu’elle soit de nature bienveillante.</p>
<h2>Méfiez-vous des tests !</h2>
<p>De manière générale s’il veut être reconnu, tout professionnel se doit d’incarner les qualités attendues spécifiques à son métier. L’acquisition de ces compétences comportementales nécessite un certain degré d’intelligence et d’adaptabilité mais ne reflète pas leur personnalité à proprement parler. Les comportements professionnels ne peuvent donc pas être considérés comme manifestant la personnalité.</p>
<p>Dès lors, comment interpréter les recours aux tests de personnalité des ressources humaines lors d’une phase de recrutement ? Ces tests sont censés offrir un aperçu des préférences et tendances (c’est notamment le cas pour le <a href="https://eu.themyersbriggs.com/fr-FR/tools/MBTI/MBTI-personality-Types">MBTI</a>, l’une des références en la matière). Toutefois, ils ne doivent pas être interprétés comme une représentation totale de la personnalité ou du potentiel professionnel d’un individu.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-tests-de-personnalite-sont-ils-vraiment-un-bon-outil-de-selection-en-entreprise-201432">Les tests de personnalité sont-ils vraiment un bon outil de sélection en entreprise ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Comme le souligne une étude récente de la <a href="https://www.challenges.fr/emploi/recrutement-et-si-les-tests-de-personnalite-ne-servaient-a-rien_11046">Chaire « Nouvelles Carrières » de Neoma Business School</a> :</p>
<blockquote>
<p>« L’évaluation de la personnalité en situation de recrutement révèle moins les caractéristiques réelles des candidats que leur connaissance des stéréotypes et des attentes supposées des recruteurs ».</p>
</blockquote>
<p>Les managers doivent donc éviter de tirer des conclusions hâtives à partir de la personnalité supposée d’un candidat et rester factuels dans leur approche. Par exemple, dans un contexte de management d’équipe, il est crucial de distinguer le comportement observable des traits de personnalité tels que mesurés via un test et d’éviter les généralisations réductrices. Il en va de même pour les <a href="https://www.hbrfrance.fr/management/faut-il-en-finir-avec-le-management-intergenerationnel-60325">stéréotypes générationnels</a>, eux aussi réducteurs et nuisibles au management.</p>
<h2>Déresponsabilisation</h2>
<p>Les principaux enseignements de ce constat pour les managers peuvent donc se résumer comme suit :</p>
<ul>
<li><p>D’abord, <strong>considérer l’adaptabilité comme la clef de la réussite</strong> : comportements professionnels et habitudes peuvent être le résultat d’adaptations à des situations spécifiques plutôt que des indicateurs fixes de la personnalité. Les managers doivent favoriser une culture d’adaptabilité pour encourager la flexibilité dans les réponses aux défis et ne pas emprisonner les collaborateurs dans des profils types.</p></li>
<li><p>ensuite, <strong>éviter les amalgames préjudiciables</strong> : les tests de personnalité ne doivent pas être les seuls guides dans le recrutement et la gestion d’équipes. Les témoignages d’anciens collaborateurs ou superviseurs et les expériences professionnelles fournissent notamment des informations cruciales sur l’adaptabilité et la capacité individuelle d’un collaborateur à évoluer dans des contextes variés.</p></li>
</ul>
<p>Faire uniquement appel à la personnalité pour expliquer un comportement professionnel revient donc à dire que les individus ne sont pas responsables de leur comportement, mais que leur personnalité l’est. C’est suggérer, à tort, une absence de responsabilité individuelle dans les actions et ignorer la complexité des influences externes et internes sur notre comportement. Le management efficace va au-delà des simples étiquettes de personnalité et exige une compréhension individuelle plus approfondie et une approche plus flexible, surtout dans un contexte mouvant comme la gestion d’équipes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218984/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les comportements professionnels ne sont pas des indicateurs fiables de la véritable nature d’une personne, car ils peuvent également résulter de compétences acquises progressivement.Veronique Brajeux-Ferrouillat, Responsable Master Négociation et Management des Affaires, Pôle Léonard de VinciJean-Etienne Joullié, Professeur de management à l'EMLV, Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2164982023-11-06T16:58:57Z2023-11-06T16:58:57ZDes IA pour recruter : mais qu’en pensent les candidats ?<p>L’<a href="https://theconversation.com/topics/intelligence-artificielle-ia-22176">intelligence artificielle (IA)</a> transforme le secteur de la gestion des <a href="https://theconversation.com/topics/ressources-humaines-rh-120213">ressources humaines</a> plus rapidement que nous ne l’imaginons. <a href="https://www.tidio.com/blog/ai-recruitment/">Soixante-cinq pour cent</a> des organisations utilisent déjà des outils basés sur l’IA dans les processus de recrutement. Seulement un tiers des candidats pourtant pensent que l’IA est utilisée pour analyser leur profil.</p>
<p>En matière de recrutement, les outils fondés sur l’IA ont la capacité de collecter de grandes quantités de données au sein d’une entreprise ou d’une institution afin de rechercher, d’identifier, d’évaluer, de classer et de sélectionner les candidats à un poste. Ils peuvent <a href="https://www.forbes.com/sites/forbestechcouncil/2022/03/23/how-ai-is-primed-to-disrupt-hr-and-recruiting/">systématiquement recueillir des informations</a> sur les besoins en matière de recrutement au sein des équipes, générer des offres d’emploi avec les caractéristiques des candidats modèles pour pourvoir ces postes vacants, et repérer rapidement les candidats adéquats à partir de diverses plates-formes numériques.</p>
<p>Dès le départ, les outils fondés sur l’IA promettaient davantage d’efficacité dans le traitement d’un grand nombre de documents provenant des candidats. Les concepteurs affirmaient également pouvoir réduire les biais décisionnels des personnes travaillant aux ressources humaines qui pourraient, intentionnellement ou non, discriminer ou traiter injustement certaines des candidatures.</p>
<p>De nouvelles analyses suggèrent toutefois que cela n’est pas toujours le cas. Des algorithmes discriminent encore certains candidats qui peuvent ne pas correspondre au modèle historique de la description d’un poste. Sont parfois exclus les <a href="https://pubsonline.informs.org/doi/abs/10.1287/mnsc.2018.3093">femmes</a> (notamment dans les domaines « STIM – science, technologie, ingénierie et mathématiques ») ou ceux qui ont des <a href="https://wwnorton.com/books/the-second-machine-age/">lacunes dans leur CV</a> en raison d’une maladie, d’un handicap, de la prise en charge d’un membre de la famille, du chômage ou <a href="https://www.hbs.edu/ris/Publication%20Files/hiddenworkers09032021_Fuller_white_paper_33a2047f-41dd-47b1-9a8d-bd08cf3bfa94.pdf">d’une peine de prison</a>.</p>
<p>Plusieurs grandes entreprises, dont <a href="https://www.bbc.com/news/business-50365609">Apple</a>, <a href="https://proceedings.mlr.press/v81/buolamwini18a/buolamwini18a.pdf">IBM et Microsoft</a>, ont été mises en cause pour des manquements à l’éthique dans l’utilisation de l’IA, notamment en ce qui concerne la discrimination fondée sur le genre. Même si ces cas d’outils biaisés involontairement ont été corrigés, d’autres biais non détectés peuvent continuer à sévir.</p>
<h2>Apparaître comme éthique rend attractif</h2>
<p>Le marché des technologies liées aux ressources humaines devrait atteindre près de <a href="https://www.fortunebusinessinsights.com/infographics/human-resource-hr-technology-market-105437">40 milliards de dollars d’ici 2029</a>, l’IA étant au premier plan de ces technologies visant à accroître l’efficacité et la rentabilité. <a href="https://www.tidio.com/blog/ai-recruitment/">Près de 80 % des recruteurs</a> pensent que les humains ne seront bientôt plus nécessaires dans le processus d’embauche.</p>
<p>Mais que pensent les candidats de pareils outils ? Font-ils confiance aux organisations qui les utilisent pour le recrutement ? Nous avons abordé ces questions dans deux publications récentes du prestigieux <em>Journal of Business Ethics</em>. Nous y avons cherché à comprendre les perceptions individuelles quant à l’éthique de l’utilisation de l’IA à travers toute la gamme de méthodes utilisées dans le processus de recrutement. En particulier, nous avons cherché à savoir si l’utilisation de l’IA dans le processus de recrutement <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10551-022-05166-2">influence la confiance</a> que les demandeurs d’emploi et les personnes ayant une expérience du recrutement accordent aux organisations qui utilisent des outils d’IA, et s’ils considèrent ces organisations comme <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10551-023-05380-6">attractives et innovantes</a>. Cela, à notre connaissance, restait peu étudié.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1614990837967888384"}"></div></p>
<p>Nos recherches mettent en lumière que les considérations éthiques des individus ne sont pas à négliger. Le fait que des candidats à l’emploi perçoivent l’utilisation de l’IA dans le recrutement comme éthique détermine s’ils identifient l’organisation en question comme digne de confiance ou même attractive et innovante, c’est-à-dire comme un employeur potentiel.</p>
<p>Ces perceptions varient en fonction des valeurs personnelles, des expériences passées et de l’acceptation de la technologie. Elles changent également en fonction des contextes et des applications. Par exemple, alors qu’une personne pourrait faire confiance à l’efficacité de l’IA pour prédire ses préférences cinématographiques, des études montrent que la plupart des individus préféreraient encore un <a href="https://www.tidio.com/blog/ai-recruitment/">humain</a> ou une collaboration entre l’être humain et l’IA pour décider de l’évolution de leur carrière.</p>
<h2>Protéger la vie privée d’abord</h2>
<p>Dans le premier de nos <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10551-022-05166-2">travaux</a>, nous avons constaté que les candidats qui perçoivent l’IA dans le processus d’embauche comme très efficace sont plus susceptibles de faire confiance aux organisations qui l’utilisent. Considérer une IA comme efficace, c’est par exemple penser qu’elle a la capacité de vérifier si leur CV correspond bien à la description du poste.</p>
<p>Il y a toutefois des limites à cela. Si les organisations utilisent des outils fondés sur l’IA pour des méthodes de recrutement plus intrusives, telle qu’analyser l’activité des candidats sur les médias sociaux pour y déceler des traits de caractère ou encore examiner minutieusement des comportements non verbaux lors d’un entretien vidéo, la confiance accordée par les individus envers l’organisation va décroissant. Dans ce dernier cas, l’efficacité et l’optimisation précédemment accordées à l’IA passent au second plan, derrière l’importance de la protection de la vie privée.</p>
<p>Dans un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10551-023-05380-6">second temps</a>, nous avons constaté que plus les perceptions éthiques de l’utilisation de l’IA dans le recrutement sont élevées, plus la personne trouve l’organisation innovante et attractive. Les candidats qui estiment qu’il est éthique pour une organisation d’utiliser l’IA pour analyser leurs données les plus privées, comme leurs réseaux sociaux ou un entretien audio pour des indicateurs verbaux, percevront également cette organisation comme étant à la fois innovante et attractive. <em>A contrario</em>, les personnes qui ont des perceptions éthiques plus faibles percevront l’organisation qui utilise l’IA comme moins innovante ou moins attractive.</p>
<h2>Un équilibre pour l’avenir</h2>
<p>Une collaboration efficace entre les humains et les robots est déjà en <a href="https://www.linkedin.com/pulse/synergy-humans-robots-how-achieve-effective-workplace-vinayak-ravi/">cours dans divers secteurs</a>. La recherche rattrape enfin son retard aux développements de l’IA dans les ressources humaines. Des études récentes suggèrent que les candidats préfèrent encore être soumis à une décision humaine, ou à une collaboration entre l’homme et l’IA, plutôt que de voir leur sort influencé par une IA autonome. Par exemple, de nouvelles études révèlent que les candidats qui ont fait l’objet d’une décision autonome de l’IA ont l’impression de ne pas être traités avec <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/0144929X.2022.2164214">dignité</a> ou <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/20539517221115189">équité</a>.</p>
<p>Nos propres travaux et les études émergentes montrent que ces perceptions éthiques sont importantes pour les individus. Trouver un équilibre entre l’efficacité et la réduction des coûts des outils d’IA et des systèmes pilotés par l’homme n’est pas une tâche facile dans la pratique, mais c’est un impératif pour l’avenir.</p>
<p>Les organisations doivent adopter une stratégie qui intègre systématiquement les perceptions positives des individus et leurs préoccupations en matière de risques dans leurs outils d’IA pour la gestion des ressources humaines. En effet, la nécessité d’intégrer l’éthique liée à l’IA dans la <a href="https://www.unesco.org/en/artificial-intelligence/business-council">gouvernance</a> de chaque organisation devient de plus en plus urgente à mesure que l’utilisation de l’IA continue de se développer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216498/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une organisation qui fait appel à l’IA pour sélectionner des profils et recruter ne sera perçue comme innovante et attractive que par les candidats qui jugent cette pratique éthique.Maria Figueroa-Armijos, Associate Professor of Entrepreneurship, EDHEC Business SchoolSerge da Motta Veiga, Professeur en Gestion des Ressources Humaines, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2152802023-10-30T10:50:18Z2023-10-30T10:50:18ZEntretiens d’embauche : l’accent étranger, une source de discrimination<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/552956/original/file-20231010-27-qfnphj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=47%2C34%2C1230%2C754&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De nombreuses variables liées à l’apparence, à la présentation ou encore à la manière de s’exprimer peuvent affecter les décisions d’embauche.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1639058">Mohamed Hassan/PxHere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Au cours de l’entretien de recrutement, méthode encore probablement la plus utilisée dans ce contexte, des <a href="https://bpspsychub.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.2044-8325.2011.02036.x">études</a> montrent que les « premières impressions » sont déterminantes et qu’il ne faut parfois guère plus de quatre minutes au recruteur pour prendre la décision d’embauche. Ce court délai nous invite à réfléchir sur l’influence des préjugés dans la formation du <a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-internationaux-de-psychologie-sociale-2005-2-page-43.htm">« jugement de la valeur professionnelle »</a>.</p>
<p>L’humain, cet « avare cognitif », utilise en réalité toute une série de raccourcis (<a href="https://www.apa.org/pubs/highlights/peeps/issue-105">dits heuristiques</a>), permettant certes de traiter rapidement les informations présentes dans son environnement mais aboutissant également probablement à des erreurs. Dans le domaine de l’évaluation et de la sélection des personnes, les recruteurs, issus de formations et d’horizons professionnels variés, sont <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-319-59686-0_9">soumis à des biais et n’en sont que plus ou moins conscients</a>. De nombreuses variables liées à l’apparence, à la présentation ou à la manière d’« appartenir » à un groupe, peuvent affecter les jugements et décisions. On peut donc aussi s’interroger sur l’impact de la prononciation ou de l’accent d’un candidat en contexte de sélection.</p>
<h2>Des carrières impactées</h2>
<p>Quelques premières études, <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0950017016630260">américaine</a> ou plus récemment <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/01979183211042004">européenne</a>, montrent que le fait d’être perçu comme ayant un accent étranger tend à désavantager les candidats concernés, et ce très tôt dans le processus de recrutement puisqu’un premier contact par téléphone est souvent pris voire exigé dans ces situations.</p>
<p>Dans divers domaines professionnels, les études tendent à montrer également qu’un accent identifié comme « étranger » influence la perception du professionnel qui le porte. Ainsi, les <a href="https://www-tandfonline-com.bases-doc.univ-lorraine.fr/doi/full/10.1080/10410236.2019.1584779">médecins sont perçus comme moins fiables</a>, ou des <a href="https://www.jstor.org/stable/40196047">conférenciers comme moins experts de leur domaine</a>. Cela peut aussi impacter les <a href="https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1037%2Fa0021522">carrières professionnelles</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/trois-mythes-sur-les-biais-cognitifs-ces-raccourcis-mentaux-qui-peuvent-nous-induire-en-erreur-206644">Trois mythes sur les biais cognitifs, ces raccourcis mentaux qui peuvent nous induire en erreur</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/01461672221130595">méta-analyse</a> montre que le préjugé lié à l’accent est particulièrement prononcé envers les candidates et plus généralement, chez les candidats qui s’expriment avec un accent étranger (par rapport aux accents régionaux). Ces préjugés sur l’accent étranger dans le monde professionnel sont souvent justifiés par un supposé manque de compréhensibilité (même si les spécialistes du domaine soulignent que l’on peut avoir un accent et être <a href="https://www.jbe-platform.com/content/journals/10.1075/jslp.20038.mun">tout à fait compréhensible</a>).</p>
<p>En psychologie sociale, une équipe de chercheurs allemands a dressé un <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0261927X19884619">tableau mitigé sur l’expression de préjugés négatifs ou de discrimination à l’encontre de la parole accentuée</a>. Cependant, l’expression de ces préjugés ou de ces discriminations tend à devenir de plus en plus implicite dans une société où l’on promeut la tolérance, l’inclusion et la reconnaissance de la diversité.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Chaque lundi, que vous soyez dirigeants en quête de stratégies ou salariés qui s'interrogent sur les choix de leur hiérarchie, recevez dans votre boîte mail les clés de la recherche pour la vie professionnelle et les conseils de nos experts dans notre newsletter thématique « Entreprise(s) ».</em></p>
<p><em><a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-entreprise-s-153/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a></em></p>
<p>Jeanne Meyer, sociolinguiste, montre que la situation est encore plus complexe et varie en fonction des domaines et des idéologies linguistiques. Par exemple, <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-internationaux-de-sociolinguistique-2011-1-page-33.htm">dans le prêt-à-porter</a>, être un vendeur avec un accent dit « anglophone » sera vu comme plus positif car <em>fashion</em> comparé à d’autres accents. Dans l’enseignement, <a href="https://didierfle.com/produit/didactique-de-la-prononciation-en-langues-etrangeres-de-la-correction-a-une-mediation-livre/">même si les travaux ne convergent pas dans ce sens</a>, les apprenants pensent souvent que seul un enseignant natif – donc sans accent – leur permettra de devenir bilingues.</p>
<h2>Prise de conscience et décentration</h2>
<p>Faut-il en déduire qu’il revient au candidat avec un accent « étranger » de faire en sorte de le supprimer pour faciliter son accès au monde professionnel ? Pas forcément : certains chercheurs en psychologie du travail et en sociophonétique proposent d’autres voies.</p>
<p>Tout d’abord, il s’agit de réfléchir au <a href="https://luminosoa.org/site/books/e/10.1525/luminos.148/">rôle de la formation et du politique</a> dans la réduction des mécanismes qui conduisent aux discriminations. Le <a href="https://prosophon.atilf.fr/">projet PROSOPHON mené à l’Université de Lorraine</a> s’intéresse à la manière dont les individus vivent ces situations en menant des entretiens avec différents profils de personnes en lien avec le recrutement. Une manageuse dans des centres d’appel démontre qu’aborder l’accent dans l’entretien d’embauche, peu importe l’intention, déstabilise le candidat en créant un rapport vertical :</p>
<blockquote>
<p>« j’me souviens d’une fois où l’entretien s’est super bien passé et du coup à la fin j’me suis juste permis de dire “euh bah j’ai cru euh constater que vous aviez un accent” et j’ai vu la personne en face, elle s’est complètement liquéfiée. »</p>
</blockquote>
<p>Plutôt que d’investir massivement dans la correction de l’accent chez les candidats, des auteurs ont également pu démontrer qu’il était possible de <a href="https://www-tandfonline-com.bases-doc.univ-lorraine.fr/doi/abs/10.1080/01434630208666468">sensibiliser les personnes à mieux comprendre les accents et à la variation</a>. Augmenter la sensibilité à la variation et à la pluriphonie permettrait de limiter les effets d’exclusion ou de discrimination.</p>
<p>Une autre piste serait de permettre aux professionnels du domaine de l’évaluation et de la sélection de prendre conscience des biais susceptibles de les influencer. Des <a href="https://www.forbes.fr/management/stop-aux-erreurs-de-decision-analyse-du-processus-decisionnel-par-les-biais-cognitifs/">outils existent et se développent</a> dans ce domaine. Il pourrait être intéressant également de former, au moins d’informer les candidats sur les biais pouvant influencer la décision du recruteur et les facteurs influençant les représentations des compétences.</p>
<p>Finalement, favoriser le développement du <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807326811-auto-efficacite">sentiment d’efficacité personnelle</a> et la confiance en sa capacité de réussir – <a href="https://dial.uclouvain.be/pr/boreal/object/boreal:178655">dont les effets sur l’insertion professionnelle ont notamment été démontrés</a> – serait, dans certains cas, encore une piste à examiner.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215280/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La recherche montre que les recruteurs se forgent une image déformée des candidats lorsque ces derniers parlent avec un accent étranger. Des solutions existent pour limiter ces biais.Grégory Miras, Professeur des Universités en didactique des langues, Université de LorraineAnne Pignault, Professeure des Universités, Psychologie du travail, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2121592023-09-17T14:44:44Z2023-09-17T14:44:44ZDiscriminations à l’embauche : quand les ressources humaines lancent l’alerte<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/544531/original/file-20230824-29-crau44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=26%2C12%2C1117%2C767&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une majorité de salariés français déclarent avoir déjà été victimes d’au moins une forme de discrimination au cours de leur carrière.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/1652044">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans le contexte bien spécifique du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/recrutement-33086">recrutement</a>, il est du ressort des directions des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ressources-humaines-rh-120213">ressources humaines</a> (DRH) de garantir un processus éthique, avec notamment le traitement équitable des candidats, le respect des procédures et la qualité de l’intégration. D’autant plus que les ressources humaines apparaissent dans ce cadre comme les protecteurs de l’image de marque de leur employeur, en s’assurant d’abord que les lois sont bien respectées.</p>
<p>Pourtant, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/discrimination-21598">discriminations</a> au travail restent une réalité. Selon le dernier baromètre de l’Observatoire Cegos, publié fin 2022, <a href="https://www.cegos.fr/ressources/enquetes/enquete-internationale-2022-diversite-inclusion">plus d’un salarié français sur deux</a> dit avoir déjà été victime d’au moins une forme de discrimination.</p>
<p>Pour lutter contre ce phénomène, les recruteurs doivent donc endosser davantage un rôle de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/lanceurs-dalerte-20710">« lanceur d’alerte »</a> lorsqu’ils sont témoins d’une situation qui peut poser problème.</p>
<h2>Enjeux d’image</h2>
<p>Mais comment jugent-ils qu’il existe un dilemme <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ethique-20383">éthique</a> ? Les résultats de nos <a href="https://www.cairn-int.info/journal-agrh1-2023-3-page-161.htm">travaux</a> laissent apparaître que les recruteurs s’appuient sur 4 composantes :</p>
<ul>
<li><p>La <strong>morale ou les valeurs</strong> : par exemple, lorsqu’un collègue proche agit de manière non éthique, en déstabilisant les candidats ou en tenant des propos irrespectueux. Face à ces pratiques, qui peuvent nuire à l’image de marque de l’entreprise, une personne peut hésiter la défense de son collègue et celle de l’organisation.</p></li>
<li><p>Les <strong>règles et les procédures</strong> : par exemple, lorsque l’ensemble des supérieurs hiérarchiques et des collègues exercent une autorité qui induit de mauvaises pratiques de recrutement, comme ne pas publier une annonce d’emploi en interne alors qu’une demande d’évolution a été déposée.</p></li>
<li><p>La <strong>recherche de performance</strong> : certains recruteurs sous pression peuvent prendre des décisions privilégiant l’immédiateté à une solution plus satisfaisante à long terme. Par exemple, ils recrutent une personne sur un poste alors qu’ils savent qu’elle ne conviendra pas dans le futur.</p></li>
<li><p>La <strong>maîtrise des coûts</strong> : les recruteurs peuvent être amenés à appliquer des décisions standardisées, par exemple pour la maison mère et les filiales, sans prendre en considération les effets dans les différents contextes.</p></li>
</ul>
<p>Généralement, le silence prévaut si les recruteurs estiment que la situation ne mérite pas de prendre le risque de dénoncer une pratique non éthique – au risque de mettre en péril la réputation de leur organisation. En revanche, ils souhaitent réagir, comme le précise le droit, s’ils estiment que l’image de marque de leur employeur est bel et bien menacée.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Homme stressé au travail" src="https://images.theconversation.com/files/544538/original/file-20230824-2803-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/544538/original/file-20230824-2803-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/544538/original/file-20230824-2803-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/544538/original/file-20230824-2803-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/544538/original/file-20230824-2803-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/544538/original/file-20230824-2803-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/544538/original/file-20230824-2803-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le manque de temps peut conduire à ne pas prendre les décisions optimales dans la durée.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/man-in-black-suit-jacket-feeling-stressed-4175021/">Khwanchai Phanthong/Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Bien évidemment, la structuration du jugement est différente en fonction des situations rencontrées. Cependant, nous montrons que les recruteurs ne s’appuient pas que sur des valeurs pour rendre compte du caractère non éthique de la situation à dénoncer : en effet, au sein de notre population étudiée, l’intention de lancer l’alerte se manifeste plus facilement en cas de manquement aux règles ou aux procédures qu’en raison d’une volonté de protéger la santé et l’environnement.</p>
<h2>Une protection renforcée</h2>
<p>Une nouvelle version de loi Sapin 2, entrée en vigueur en mars 2022, <a href="https://theconversation.com/decryptage-mieux-proteger-les-lanceurs-dalerte-cest-aussi-securiser-leconomie-191231">renforce la protection des lanceurs d’alerte</a> contre les intimidations, les atteintes à la réputation de l’individu ou encore les phénomènes de harcèlement sur les réseaux sociaux. Les lanceurs d’alerte peuvent désormais bénéficier de mesures de soutien par les autorités externes à la fois psychologiques et financières lorsqu’ils font appel au Défenseur des droits.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Chaque lundi, que vous soyez dirigeants en quête de stratégies ou salariés qui s'interrogent sur les choix de leur hiérarchie, recevez dans votre boîte mail les clés de la recherche pour la vie professionnelle et les conseils de nos experts dans notre newsletter thématique « Entreprise(s) ».</em></p>
<p><em><a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-entreprise-s-153/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a></em></p>
<p>Il convient néanmoins d’enrichir ces protections judiciaires en termes de recommandations managériales. Tout d’abord, il s’agit de mieux définir les procédures en présentant aux recruteurs des situations concrètes. De plus, lorsque de mauvaises pratiques en termes de recrutement sont observées, les professionnels de la fonction RH doivent être particulièrement attentifs afin d’éviter que le lancement d’alerte ne soit accompagné d’une dégradation de la réputation de l’entreprise.</p>
<p>Des sessions de formation spécifiques à chaque type de dilemme de recrutement peuvent ainsi être dispensées auprès de l’ensemble des collaborateurs spécialistes mais aussi non spécialistes de la fonction RH. Celles-ci pourront aussi sensibiliser sur les garanties à apporter aux lanceurs d’alerte, à savoir une sécurité psychologique suffisante pour favoriser la remontée d’informations, même s’ils doivent transmettre de mauvaises nouvelles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212159/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une recherche montre que les responsables de recrutement se disent globalement sensibles aux enjeux de réputation de leur entreprise et prêts à intervenir s’ils constatent un manquement aux règles.Jocelyn Husser, Professeur des Universités, IAE Aix-Marseille Graduate School of Management – Aix-Marseille UniversitéAnne Goujon Belghit, Maître de Conférences HDR, IAE BordeauxDelphine Lacaze, Certified Coach, Speaker & Consultant, Professor of Human Resources Management, IAE Aix-Marseille Graduate School of Management – Aix-Marseille UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2016892023-04-20T15:59:50Z2023-04-20T15:59:50ZPompiers volontaires : pourquoi de telles difficultés à recruter ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/516729/original/file-20230321-2402-lcafsn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les femmes ont deux fois plus de risques que les hommes de rompre leur engagement au cours des premières années en tant que sapeur-pompier volontaire. Arles, 31 août 2011.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/terrette/6162279497/">a@k / Flickr</a></span></figcaption></figure><p>En France, les sapeurs-pompiers volontaires sont essentiels. Ils représentent <a href="https://mobile.interieur.gouv.fr/Publications/Statistiques/Securite-civile/2021">78 % des effectifs</a> de pompiers et prennent en charge <a href="https://mobile.interieur.gouv.fr/Publications/Statistiques/Securite-civile/2021">67 % des interventions</a> (secours d’urgence aux personnes, lutte contre les incendies, accidents de la route, risques industriels, protection de l’environnement…). Leurs missions, menées en parallèle de leur activité professionnelle, sont indispensables, et le ministère de l’Intérieur ne s’en cache pas, indiquant que les sapeurs-pompiers volontaires : <a href="https://mobile.interieur.gouv.fr/Le-ministere/Securite-civile/Tous-volontaires">« constituent le socle de notre modèle de Sécurité civile »</a>. Or, les <a href="https://www.cairn.info/revue-gestion-et-management-public-2014-3-page-3.htm">difficultés de recrutement</a> sont réelles.</p>
<p>Une large partie de la population <a href="https://www.pompiers.fr/grand-public/devenir-sapeur-pompier/devenir-sapeur-pompier-volontaire-spv">peut en théorie s’engager</a> comme pompier volontaire. En pratique, on observe une forte <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2011-1-page-167.htm">homogénéité</a> dans les rangs, composés d’une majorité d’hommes, jeunes et issus de milieux populaires. Si l’âge peut constituer un facteur assez facilement compréhensible, le sexe et l’origine sociale méritent une attention plus particulière. Ainsi, près de cinquante ans après qu’elles aient pu s’engager pour la première fois, les femmes ne représentent toujours que 20 % des effectifs. De surcroît, moins de 1 % de chefs d’entreprise sont comptabilisés dans les rangs, contre 35 % d’employés ou d’ouvriers.</p>
<p>Pour tenter de comprendre ce phénomène, nous avons réalisé une <a href="https://www.theses.fr/s244578">enquête qualitative</a>, par l’intermédiaire d’entretiens et d’observations. Les individus interrogés ont fait le choix de mettre un terme à leur engagement au cours des premières années et plus particulièrement au cours de leur formation initiale. Cette dernière constitue en effet une première étape essentielle dans le parcours des sapeurs-pompiers volontaires. Elle leur permet non seulement de développer les compétences nécessaires pour répondre aux missions qui leur sont confiées, mais elle constitue également l’une des premières occasions d’immersion dans le milieu et d’interaction avec les pairs. Elle est organisée sur une trentaine de jours, répartis sur une à trois années, et est constituée de cinq modules, dont la validation permet l’accès à certains types d’<a href="https://theconversation.com/malgre-leurs-equipements-performants-les-pompiers-restent-vulnerables-face-aux-incendies-82780">intervention</a>.</p>
<h2>Des obstacles rencontrés en formation initiale</h2>
<p>Les résultats montrent que certains profils sont plus susceptibles que d’autres de rencontrer des obstacles en formation initiale. Les plus touchés sont les femmes et les chargés de famille. Les femmes interrogées ont surtout été affectées par la difficile conciliation entre la formation initiale et la <a href="https://theconversation.com/confinement-quand-la-vie-de-famille-simpose-a-lentreprise-134477">vie de famille</a>, sans doute en raison de leur plus faible disponibilité pour leur engagement au regard de leur investissement familial.</p>
<p>Mais elles ont également été marquées par différents problèmes rencontrés avec les formateurs. Ces derniers adoptent parfois une posture rappelant celle de l’instructeur, aux antipodes de l’idée d’accompagnement dans le développement des compétences portée par les référentiels, ou peuvent manquer de rigueur dans le suivi des apprenants. Certains propos ou comportements des formateurs ont, en ce sens, pu entraver la motivation et l’apprentissage des femmes concernées, à l’image de Julie (tous les prénoms ont été modifiés), qui explique que « quand on parle comme ça, moi je préfère me mettre dans une coquille ».</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ARfAFgEMIDo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Les chargés de famille ont quant à eux surtout regretté l’aspect chronophage de cette formation, qui a notamment affecté leur organisation familiale, dans la mesure où elle est généralement organisée pendant les vacances scolaires ou sur plusieurs week-ends. Mais ils ont également été déçus de la qualité du suivi de leur formation initiale, qui ne leur semble pas toujours à la hauteur, tant sur le plan administratif que sur le plan humain – en caserne notamment. De surcroît, ils ne se sont pas sentis à l’aise face aux évaluations, éprouvant généralement stress et angoisse, particulièrement en manœuvre, lorsqu’ils doivent affronter le regard de l’autre.</p>
<h2>Des défis au sein de la caserne</h2>
<p>Les obstacles entravant le parcours des sapeurs-pompiers volontaires ne se limitent pas à la seule formation initiale. La caserne en introduit d’autres, particulièrement pour les femmes, les chargés de famille et les diplômés du supérieur. Ces derniers sont notamment déçus par l’ambiance qui y règne, ressentant des difficultés d’intégration et la nécessité de faire ses preuves pour être accepté, ou observant des tensions entre les sapeurs-pompiers au sein de la caserne. Mais ils sont également frustrés du manque de reconnaissance de l’institution, à l’image de Pierre, qui regrette la faible <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046316884">indemnisation</a> accordée aux volontaires (notamment parce que le temps d’astreinte n’est généralement pas pris en compte) : « c’est quand même un sacré sacrifice pour le peu d’argent ».</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Les chargés de famille ont régulièrement été insatisfaits de l’organisation de la caserne, en particulier parce que les nouvelles recrues ne semblent pas toujours accueillies avec bienveillance par les sapeurs-pompiers déjà en place. Sur ce point, Chloé s’adresse directement à ses anciens collègues :</p>
<blockquote>
<p>« Vous dites qu’il faut recruter, que vous êtes en manque de personnel, mais le peu de gens qui sont motivés, qui viennent franchir le pas de votre caserne, essayez déjà de vous intéresser à eux et de les garder, et pas de les dégoûter en les prenant de haut et en leur faisant laver le matériel, les véhicules et compagnie ».</p>
</blockquote>
<p>Les chargés de famille relèvent aussi un manque de communication et de suivi, et regrettent plus largement, comme les diplômés du supérieur, un manque de reconnaissance de l’institution et de l’État.</p>
<h2>Un milieu toujours sexiste</h2>
<p>Comme lors de leur formation initiale, les femmes ont éprouvé des difficultés pour concilier engagement et vie de famille. Mais elles ont surtout été affectées par l’organisation de la caserne et l’ambiance qui y règne, notamment en raison des problèmes liées à leur condition de femme que la majorité d’entre elles (61 %) ont rencontrés. Le milieu apparaît <a href="https://theconversation.com/la-persistance-des-stereotypes-entretient-les-inegalites-professionnelles-femmes-hommes-199320">sexiste</a> et les propos désagréables ou remarques déplacées semblent monnaie courante. Elles peuvent porter sur la stature des femmes, qui ne leur permettrait pas de répondre à l’ensemble des missions, particulièrement celles réputées dangereuses comme les incendies. Elles concernent aussi la répartition des rôles au sein de la caserne, puisque comme le souligne Myriam :</p>
<blockquote>
<p>« Quand on est une fille dans la caserne, on va dire que la fille elle fait le ménage, et le reste, tout ce qui est lourd, c’est les hommes ».</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/515472/original/file-20230315-275-xn8ka3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/515472/original/file-20230315-275-xn8ka3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/515472/original/file-20230315-275-xn8ka3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/515472/original/file-20230315-275-xn8ka3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/515472/original/file-20230315-275-xn8ka3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/515472/original/file-20230315-275-xn8ka3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/515472/original/file-20230315-275-xn8ka3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Campagne de recrutement des sapeurs pompiers.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pompiers.fr/grand-public/devenir-sapeur-pompier/devenir-sapeur-pompier-volontaire-spv">Sapeurs pompiers de France</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais les femmes évoquent également des propos à connotation sexuelle, et sont parfois victimes de gestes ou de comportements déplacés. Trois d’entre elles indiquent en avoir parlé avec leur chef de centre, mais ont été déçues par leur réaction, à l’image de Léa, qui explique que :</p>
<blockquote>
<p>« Personne ne faisait rien et que tout le monde avait passé ça sous silence, en disant que “ça reste entre nous, que ça sort pas de nous quatre”. »</p>
</blockquote>
<p>Myriam, elle, a fini par mettre un terme à son engagement :</p>
<blockquote>
<p>« Je suis allée le voir deux ou trois fois, et il m’a dit qu’il allait arranger ça, mais il n’a jamais rien fait, jusqu’au jour où je suis partie. »</p>
</blockquote>
<p>La plupart de ces femmes ont mal vécu les situations auxquelles elles ont pu être confrontées. Ces événements ont parfois affecté leur motivation et leur santé mentale. Cela a été le cas pour Cindy :</p>
<blockquote>
<p>« J’avais 17 ans, je l’ai très mal vécu, mes parents n’étaient même pas au courant, du coup je me suis sentie seule au monde. C’était vraiment la dégringolade jusqu’au bout. »</p>
</blockquote>
<p>Ces résultats font largement écho à des <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2006-1-page-203.htm">travaux antérieurs</a>, dans la mesure où les stéréotypes sociaux de genre semblent toujours s’inviter dans le quotidien de la vie des casernes. Certains hommes ont du mal à accepter la présence des femmes dans un milieu qui leur a longtemps été réservé. Ils utilisent alors diverses stratégies pour les dissuader de poursuivre leur engagement, malgré la volonté de féminisation des effectifs de l’organisation et les campagnes de sensibilisation menées.</p>
<p>Les statistiques réalisées dans le cadre de cette étude ont d’ailleurs montré que les femmes ont deux fois plus de risques que les hommes de rompre leur engagement au cours des premières années.</p>
<h2>Un entre-soi très marqué</h2>
<p>Cette nouvelle enquête corrobore les résultats <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2011-1-page-167.htm">d’autres</a> réalisées il y a plusieurs années. Le constat reste le même : une forte homogénéité est observée dans les rangs.</p>
<p>Les services départementaux d’incendie et de secours semblent toujours peiner à recruter et à maintenir dans l’engagement certains profils, à l’image des femmes, des chargés de famille et des diplômés du supérieur.</p>
<p>Tous éprouvent de réelles difficultés à s’intégrer dans le milieu et finissent généralement par rompre leur engagement. Il est par ailleurs intéressant de noter que dans près des deux tiers des cas, l’engagement se fait dans un contexte de connaissance du milieu, favorisé soit par la présence de sapeurs-pompiers dans l’entourage, soit par un engagement précédent en tant que <a href="https://www.pompiers.fr/grand-public/devenir-sapeur-pompier/devenir-jeune-sapeur-pompier">jeune sapeur-pompier</a>, soit, pour certains, par les deux. Le milieu affiche donc un certain entre-soi dont il a du mal à se défaire, malgré différentes campagnes de communication et de recrutement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201689/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pauline Born a reçu des financements de l'ANRT (thèse Cifre)</span></em></p>Quand on n’est pas un homme jeune et issu de milieu populaire, il semble difficile de trouver sa place parmi les sapeurs-pompiers volontaires.Pauline Born, Doctorante en Sciences de l'Éducation, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2020652023-03-21T17:49:55Z2023-03-21T17:49:55ZPénurie de main-d’œuvre : mais où sont donc passés les conducteurs de bus ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/516106/original/file-20230317-20-dtrtr2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C0%2C1270%2C852&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les transports parisiens ont connu un automne relativement sombres, notamment sur les réseaux de bus, ce qui donne lieu à une campagne de remboursement partiel du pass Navigo.</span> <span class="attribution"><span class="source">Andrzej Otrębski / Wikimedia Commons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>C’est un automne 2022 noir qu’ont connu les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transport-21575">transports</a> parisiens. Délais d’attente plus longs qu’à l’accoutumée, trains supprimés et même un quart des missions de bus non assurées justifient une campagne exceptionnelle de <a href="https://www.iledefrance-mobilites.fr/dedommagement">remboursement des passes Navigo</a>, à hauteur d’un demi-mois et même davantage pour les usagers des lignes de RER B et D. Lancée le 14 mars, la plate-forme sera ouverte jusqu’au 14 avril.</p>
<p>La <a href="https://www.france.tv/france-3/paris-ile-de-france/parigo/4563616-parigo-le-grand-debat-transports-publics-comment-sortir-de-la-crise.html">raison principale</a>, invoquée par l’autorité organisatrice comme par les opérateurs, est le manque de personnel, qu’il s’agisse de machinistes, de conducteurs de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transport-en-commun-64187">bus et métro</a> ou d’agents de maintenance. Rémunérations insuffisantes, pénibilité, manque d’attractivité, craintes quant à l’ouverture à la concurrence ou compétition avec les entreprises de la logistique pour recruter les titulaires d’un permis D sont autant d’éléments d’explication qui ont été portés au débat.</p>
<p>Pour Transilien, « c’est un effet du Covid », se défendait Sylvie Charles, directrice de cette entité de la SNCF, dans l’émission <a href="https://www.france.tv/france-3/paris-ile-de-france/parigo/4563616-parigo-le-grand-debat-transports-publics-comment-sortir-de-la-crise.html"><em>Parigo, le grand débat</em></a> au mois de janvier. </p>
<blockquote>
<p>« En 2020 et 2021, nous n’avons pas pu faire toutes les formations qui étaient prévues car ces métiers ne s’apprennent pas en visioconférence ».</p>
</blockquote>
<p>Côté RATP, le climat social a aussi été invoqué, motivant au début de l’année la conclusion d’un <a href="https://www.ratp.fr/groupe-ratp/newsroom/bus/la-ratp-signe-un-accord-avec-les-organisations-syndicales-modifiant-les">accord syndical</a>. Le transporteur a par ailleurs lancé une vaste <a href="https://www.liberation.fr/economie/transports/la-ratp-lance-une-campagne-de-recrutement-sans-precedent-dans-la-perspective-de-paris-2024-20230220_74VW6CXMHFC5NERINK7HRR3B24/">campagne de recrutement</a> afin de répondre aux pénuries et d’anticiper les besoins supplémentaires engendrés par la coupe du monde de rugby qui se tient à l’automne puis par les Jeux olympiques et paralympiques de l’été 2024. 6 600 postes sont à pourvoir tous métiers confondus dont 2 700 pour les seuls chauffeurs de bus.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1590309505786556417"}"></div></p>
<p>En province, des pénuries de personnel sévissent tout autant. La rentrée scolaire de septembre avait, pour mémoire, suscité de nombreuses craintes quant à un <a href="https://www.la-croix.com/Famille/Devant-penurie-transports-scolaires-familles-sorganisent-rentree-2022-08-23-1201229820">manque de conducteurs pour les cars scolaires</a>. Une des raisons avancées alors pour expliquer le manque de personnel était la faible attractivité des conditions d’emploi, l’intervalle de temps entre les tournées du matin et du soir s’avérant trop étroit pour d’autres activités, pourtant nécessaires pour compléter ses revenus.</p>
<p>Au-delà des problématiques de l’attractivité de certains postes, peut-être s’y prend-on également mal pour recruter. C’est en tout cas ce que suggèrent nos recherches.</p>
<h2>Une pénurie de candidatures plus que de candidats</h2>
<p>Les propos tenus sur la pénurie de conducteurs de bus sont typiques des analyses spontanées de la crise du recrutement que connaît la France. Premier argument : nous manquerions de <a href="https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/face-a-la-penurie-de-personnel-la-sncf-forme-ses-nouveaux-conducteurs-du-nord-7900213472">candidats formés</a> et de talents employables. Second argument : le confinement et le télétravail auraient catalysé des mutations dans le comportement des individus et auraient fait éclore une <a href="https://www.contrepoints.org/2023/02/06/449917-la-valeur-travail-a-perdu-de-sa-valeur">perte de la « valeur travail »</a>.</p>
<p>Le manque de conducteurs reste avant tout quantifié par le volume des intentions de recrutement et leur difficulté perçue. Pour 2022, <a href="https://statistiques.pole-emploi.org/bmo/bmo?fe=J3Z41&la=0&pp=2022&ss=1">17 000 projets d’embauche de conducteurs</a> étaient anticipés par Pôle emploi ; 80 % paraissaient difficiles du fait, principalement, du manque de candidats.</p>
<p>Ce chiffre témoigne davantage des inquiétudes des entreprises qu’il ne quantifie la difficulté réelle. D’autant que les PME des territoires enclavés ne sont sans doute pas confrontées au même volume de CV que les sièges sociaux franciliens. Il faudrait, pour objectiver la difficulté, examiner le volume de demandeurs d’emploi qualifiés disponible pour chaque offre.</p>
<p>Pour les conducteurs, Pôle emploi recense en moyenne <a href="https://recrutement.pole-emploi.fr/marche-du-travail/informationssurunmetier?codeMetier=12874&codeZoneGeographique=11&typeZoneGeographique=REGION">cinq fois plus de demandeurs d’emploi que d’offres</a>. Dit autrement, cinq candidats compétents et à la recherche active d’un emploi sont disponibles pour chaque poste à pourvoir. En outre, ces chiffres ne tiennent compte ni des personnes en formation, ni des actifs déjà en poste qui pourraient avoir envie de changer d’emploi. Il existe donc bien un stock de candidats qualifiés correspondant aux offres à pourvoir. La perception de pénurie concerne plutôt les candidatures que les candidats. Et la différence n’est pas qu’une nuance rhétorique. </p>
<h2>Un travail empêché ?</h2>
<p>Il est intellectuellement simple, mais empiriquement faux, de considérer que les individus vont préférentiellement et exclusivement rechercher des emplois correspondant à leur niveau de qualification. Si les demandeurs d’emploi qualifiés ne manquent pas mais que les candidats font défaut, il faut s’interroger sur les processus par lesquels les individus choisissent une offre et y répondent.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Une des réalités méconnues du marché du travail est la baisse du nombre de candidats retrouvant un emploi dans leur domaine de qualification. La chaire Compétences, employabilité et décision RH de l’EM Normandie s’applique à collecter des données pour suivre le phénomène. 200 000 actifs représentatifs de la population active sont interrogés au moins deux fois par an pour analyser leur parcours. Les éléments recueillis permettent, notamment, de faire apparaître les écarts entre qualification et emploi retrouvé.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1636685090200727553"}"></div></p>
<p>Le taux de candidats retrouvant un emploi dans leur domaine de qualification était de 87 % en 2015. En 2022, il est de 81 % en moyenne, mais il descend jusqu’à 78 % dans le cas des diplômés de bac à bac+3. Une part significative des actifs se détourne des postes pour lesquels ils sont qualifiés et employables. La plupart d’entre eux semble s’orienter vers des emplois moins qualifiés après deux ou trois expériences similaires liées à leur formation. Cela s’explique souvent par le rejet des conditions dans lesquelles les compétences sont utilisées par les entreprises.</p>
<p>Ce n’est pas par hasard si ces individus, qui se détournent de leur métier, appartiennent au groupe des techniciens et des techniciens supérieurs. Cette population est sans doute celle qui est le plus confrontée à la mise en <em>process</em> du travail. Ces pratiques, qui entendent encadrer les tâches afin de simplifier l’organisation, de garantir la qualité des prestations et, peut-être, de stimuler des performances qui sinon ne seraient pas présentes, <a href="https://journals.openedition.org/pistes/3419">créent du travail empêché</a>.</p>
<p>Elles interdisent cette part d’effort qu’on aimerait fournir pour bien faire et créent une pénibilité invisible mais bien réelle. <a href="https://www.editions-eres.com/ouvrage/4618/ethique-et-travail-collectif">L’éthique productive</a>, ou l’idée de ce qu’est le travail bien fait, est spontanément au cœur des préoccupations de chacun. Et ces idées débordent un peu, beaucoup ou passionnément du cadre imposé par l’organisation prescrite du travail. C’est, finalement, l’idée que l’entreprise et ses <em>process</em> ne permettront pas de travailler à la hauteur de son éthique professionnelle qui crée une évaporation de candidats qualifiés. On les retrouve alors dans des emplois purement alimentaires où, pensent-ils, ils ne seront pas déçus puisqu’ils n’auront rien espéré.</p>
<h2>Postuler, c’est prendre un risque</h2>
<p>Pour quelle raison un individu postulerait-il ? Les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11301-022-00290-9">recherches</a> ont souvent mobilisé l’idée de « <em>fit</em> » (la proximité, l’adéquation) entre le poste décrit par l’annonce et les caractéristiques du candidat. Le <em>fit</em> élevé d’un candidat avec une offre illustrerait sa grande proximité avec les attendus du poste. Il déclencherait l’acte de postuler.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1635553299712602115"}"></div></p>
<p>Pour le <a href="https://blog.ecole-management-normandie.fr/fr/entreprises-ressources-humaines/should-i-stay-or-should-i-apply-pourquoi-repond-on-a-une-offre-demploi/">vérifer</a>, nous avons confronté 165 actifs, tous en recherche d’emploi, à de vraies annonces choisies pour correspondre à leurs compétences et à leurs lieux de résidence. Ils devaient décider de postuler ou non, puis décrire les causes de leur choix. Les sujets étaient de compétences et d’anciennetés équivalentes, mais de parcours très différents : très linéaires pour certains, très marqués par des étapes de chômage pour d’autres.</p>
<p>Seuls 46 % des sujets ont choisi de postuler. Dans tous les cas, l’estimation des chances de succès est la première cause de la décision, loin devant l’affinité avec le poste ou avec l’entreprise. A compétences égales, cette estimation est directement liée aux différences de parcours. Les candidats aux carrières les moins linéaires s’auto-éliminent majoritairement. </p>
<p>Pourquoi ? L’expérience de la candidature est celle de l’ascenseur émotionnel : l’enthousiasme de l’opportunité, l’inconfort de l’attente, la frustration de la réponse négative et parfois la colère du sentiment d’injustice. La joie de la réponse positive est possible, évidemment. Mais ne pas postuler, c’est aussi s’éviter des émotions négatives certaines.</p>
<h2>Donner une place centrale au travail</h2>
<p>Les discours mobilisés semblent aussi parfois en décalage avec les attentes des candidats. Jean Castex, PDG de la RATP, ou Valérie Pécresse, présidente d’Île-de-France Mobilités, croient attirer des candidats en vantant les perspectives de carrière au sein des opérateurs ; ces discours séduisent en fait un public de cadres mais rebutent les autres et peuvent les conduire à s’auto-éliminer.</p>
<p>Les quelques chiffres présentés dans ce texte, rassemblés autour du cas des conducteurs d’autocars, n’entendent pas nier la difficulté du recrutement. Ils veulent avant tout éclairer deux ou trois angles morts des analyses portés régulièrement pour remédier au problème. En clair : les candidats ne sont pas rares, mais les candidatures se raréfient. Deux phénomènes semblent expliquer ce décalage. Le premier pourrait être la désaffection pour les conditions dans lesquelles les métiers s’exercent. Le second, les pratiques de recrutement sont vraisemblablement perçues comme des obstacles à l’accès aux emplois mais, aussi, à la juste reconnaissance des compétences.</p>
<p>Tout se passe comme si la définition du travail bien fait devait être extérieure aux travailleurs. Celui-ci, qui devrait être l’objectif partagé des candidats, des recruteurs et des entreprises, semble comme escamoté par les pratiques de management et de sélection. La raréfaction des candidats ne serait ainsi pas imputable à un rejet de la valeur travail : c’est même exactement l’inverse qui s’observe. Donner au travail une place centrale dans le recrutement et le faire savoir pourrait être un levier puissant pour réengager les individus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202065/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean Pralong est membre de l'Association de Gestion des Ressources Humaines, de l'Academy of Management et d"Egos</span></em></p>Les pénuries s’expliqueraient plus par un manque de candidatures que par un manque de candidats. En cause, les conditions d’exercice et l’image des techniques de recrutement mobilisées.Jean Pralong, Professeur de Gestion des Ressources Humaines, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2014322023-03-12T17:12:18Z2023-03-12T17:12:18ZLes tests de personnalité sont-ils vraiment un bon outil de sélection en entreprise ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/514239/original/file-20230308-1070-gko9ak.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C20%2C965%2C724&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une certaine répétition dans le contenu des questions est inévitable…
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/30478819@N08/51226099988">Flickr/Marco Verch Professional Photographer</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La notion de « personnalité » (ou, plus rarement, de « caractère ») est souvent invoquée lors <a href="https://www.pole-emploi.fr/employeur/lessentiel-pour-embaucher/savoir-faire-et-savoir-etre/3-tests-de-personnalite--pour-re.html">d’un processus de recrutement</a>. Les psychologues spécialisés en gestion des ressources humaines avancent que les personnalités des employés <a href="https://www.centraltest.fr/blog/personnalite-et-performance-vont-elles-de-pair">prédisent en partie leur performance</a> car qu’elles sont stables, difficiles à changer et formées de <a href="https://fr.indeed.com/conseils-carrieres/developpement-personnel/meilleurs-traits-caracteres-monde-travail">grandes caractéristiques souvent appelées « traits »</a>. Cette perspective justifie l’existence de tests de personnalité administrés pour identifier les caractéristiques fondamentales affectant la performance des employés et composer des <a href="https://asana.com/fr/resources/team-roles">équipes équilibrées</a>.</p>
<p>Comme expliqué dans une <a href="http://www.leseditionsovadia.com/collections/22-les-carrefours-d-ariane/159-personnalite-ou-performance.html">publication toujours d’actualité</a>, les questionnaires de personnalité suivent presque tous une même logique. Ils consistent en une série de questions auxquelles il faut répondre par « oui » ou « non » (certains proposent des réponses graduées ou neutres). Lorsque le test est complété, les réponses sont compilées suivant plusieurs axes, qui sont autant de traits de personnalité mesurés par le questionnaire.</p>
<p><a href="https://nospensees.fr/cattell-modele-de-personnalite-16-pf/">Le test de Cattell</a>, connu sous le nom de « 16PF », date de 1949 et peut être considéré comme l’ancêtre des tests de personnalité. Populaire jusque dans les années 1980, il a été depuis supplanté, notamment par le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mod%C3%A8le_des_Big_Five_(psychologie)">« Big Five » </a>(unesimplificationdu16PF), le <a href="http://www.psychomedia.qc.ca/tests/inventaire-personnalite-hexaco">HEXACO</a> (tiré du « Big Five ») et surtout le <a href="https://eu.themyersbriggs.com/fr-BE/tools/MBTI/MBTI-personality-Types">MBTI</a>. Voici un exemple de profil généré par le 16PF :</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/514223/original/file-20230308-18-cj3g93.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514223/original/file-20230308-18-cj3g93.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514223/original/file-20230308-18-cj3g93.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514223/original/file-20230308-18-cj3g93.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514223/original/file-20230308-18-cj3g93.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514223/original/file-20230308-18-cj3g93.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514223/original/file-20230308-18-cj3g93.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514223/original/file-20230308-18-cj3g93.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Exemple de profil généré par un test « 16PF ».</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La personne ayant ce profil aura été jugée « très intelligente », « très assertive », « faisant confiance facilement », « très imaginative », « très directe », « très placide » et « très autosuffisante ». Cependant, dans le cadre d’un processus d’embauche, elle aura très vraisemblablement été écartée. En effet, son profil est déséquilibré : 11 des 16 traits ont été mesurés en dehors de la zone moyenne, 7 d’entre eux en étant même très éloigné.</p>
<h2>Préférence pour le profil moyen</h2>
<p>D’une manière générale, un candidat dont le profil est déséquilibré comme celui ci-dessus n’a que peu de chance d’être sélectionné. En l’espèce, qui a envie de travailler avec quelqu’un de plus intelligent, assertif, confiant, imaginatif, etc. que soi-même ? Un profil « équilibré », « rond » ou « lisse », c’est-à-dire dont la plupart des traits de personnalité ont été mesurés proche de la moyenne, aura lui, nettement plus de chances d’être retenu.</p>
<p>Certes, une telle personne sera un peu ennuyeuse (ni trop intelligente, ni trop imaginative, etc.), mais au moins elle ne fera d’ombre à personne. Le profil moyen est donc le profil psychologique idéal, du moins dans le cadre d’une procédure de sélection à l’emploi et en l’absence d’informations complémentaires sur le poste et l’entreprise concernés. Mais comment l’obtenir ?</p>
<p>Quel que soit le questionnaire, un trait donné est mesuré en rapprochant les réponses à un groupe de dix, quinze ou vingt questions différentes et en les comparant avec des moyennes établies par les concepteurs du test. Les questions d’un groupe, bien que formulées différemment, portent en fait sur la même dimension psychologique. La langue française est souple, mais il n’existe qu’un nombre limité de manières de demander, par exemple, à quelqu’un s’il a beaucoup d’amis ou s’en fait facilement. Une certaine répétition dans le contenu des questions est inévitable.</p>
<p>Pour éviter un score extrême (dans un sens ou dans l’autre) pour un trait, on répondra de manière la plus conventionnelle possible aux questions (comme si on était Monsieur ou Madame Toulemonde, heureux et bien dans sa peau). De plus, on n’hésitera pas à se contredire de temps en temps. Par exemple, si on a répondu « oui » à deux ou trois questions du type « je donne souvent spontanément mon opinion », on répondra « non » à la question « je dis fréquemment ce que je pense ». Ainsi, le trait de personnalité que ces questions essayent de mesurer ne ressortira pas avec un score trop élevé ou trop faible.</p>
<h2>« Comprenez-vous pourquoi des gens aiment l’art abstrait ? »</h2>
<p>Les adeptes des tests de personnalité protesteront qu’il n’y a pas de « bonnes » ou « mauvaises » réponses à leurs questions, que les scores ne s’apprécient pas isolément, qu’il est malhonnête d’essayer de tricher, que cela n’est pas possible et que même si cela l’était, c’est le candidat qui en pâtira car il risque de se voir proposer un <a href="https://www.lefigaro.fr/sciences/comment-cerner-votre-personnalite-au-travail-20210314">poste qui ne lui convient pas</a>. Ces remarques peuvent cependant être largement nuancées.</p>
<p>Tout d’abord, vouloir ressortir du test de personnalité avec le profil le plus avantageux possible est du même ordre d’idée que de vouloir faire bonne impression lors d’un entretien. Par exemple, les personnes qui s’habillent de façon négligée dans leur vie de tous les jours font généralement l’effort de s’habiller au mieux pour un entretien d’embauche. De tels ajustements ne sont pas considérés comme de la malhonnêteté. Ils sont même encouragés, alors qu’ils travestissent la « véritable nature » de la personne (en supposant qu’il y en ait une) de la même manière que des réponses calculées à des questions de personnalité.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/vous-postulez-dans-une-banque-enlevez-vos-piercings-et-cachez-vos-tatouages-194571">Vous postulez dans une banque ? Enlevez vos piercings et cachez vos tatouages !</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Le test « Big Five » contient des questions comme « savez-vous pourquoi les étoiles scintillent ? », « préférez-vous un livre à un film à la télévision ? » ou encore « comprenez-vous pourquoi des gens aiment l’art abstrait ? » La pertinence de ces questions dans le cadre d’un recrutement pour un poste de responsable marketing, de consultant ou autre semble douteuse.</p>
<p>En effet, pour rappel, le code du travail (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072050/LEGISCTA000006189415/">article L 1221-6</a>) précise que :</p>
<blockquote>
<p>« Les informations demandées au candidat à un emploi, sous quelque forme que ce soit, ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation des aptitudes professionnelles ».</p>
</blockquote>
<p>L’objectif du législateur est de protéger les candidats contre les discriminations. Poser une question comme celles énoncées précédemment s’apparente donc à de la discrimination selon le code du travail.</p>
<h2>Questions pièges</h2>
<p>Conscients de la possibilité de manipuler les résultats de leurs tests, les psychologues y insèrent parfois des questions pièges (<a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/1948550617737141">« lie scale »</a> en anglais). Celles-ci ne mesurent pas directement un trait de personnalité, mais évaluent l’honnêteté de la personne qui passe le test (et donc la fiabilité de celui-ci) en comparant ses réponses avec ce que les concepteurs du test ont estimé être une conduite normale.</p>
<p>Ces questions particulières portent sur des comportements critiquables mais très courants. Par exemple : « toutes vos habitudes sont-elles bonnes ? » ; « vous vantez-vous parfois un peu ? » ; « avez-vous déjà dit du mal de quelqu’un ? », etc.</p>
<p>Afin d’apparaître comme honnête, on répondra « non », « oui » et « oui », même si cela implique de mentir sur soi-même. Une fois ces questions pièges déjouées, les autres questions peuvent être répondues comme bon le semble.</p>
<p>Reste finalement le risque de se voir proposer un poste qui ne convient pas à sa « personnalité ». À cette remarque, on rétorquera que c’est sûrement un risque plus acceptable que celui de ne pas se voir proposer un poste du tout.</p>
<p>Certains promoteurs des tests de personnalité affirment qu’ils sont utiles pour s’assurer de la cohérence de la personnalité du candidat avec la culture de l’entreprise. Comme le faisait remarquer le professeur et consultant américain en management <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Peter_Drucker">Peter Drucker</a>, une telle pratique, en admettant qu’elle soit efficace, ne ferait qu’encourager favoritisme et conformisme et se retournera contre l’entreprise lorsqu’une diversité des opinions sera nécessaire.</p>
<p>Quoiqu’il en soit, l’utilisation des tests de personnalité dans le cadre d’un processus d’embauche est peu efficace et juridiquement douteuse. <a href="https://www.lemonde.fr/emploi/article/2014/02/24/recrutement-les-tests-de-personnalite-en-question_4372053_1698637.html">Il est temps de s’en détourner</a>.</p>
<p>Plutôt que d’essayer d’évaluer la personnalité d’un candidat, les recruteurs peuvent par exemple vérifier, via des mises en situation, s’il sait se présenter, animer une réunion, exposer un argument et écouter ses interlocuteurs, ou s’il a le sens du service (compétences souvent appelées « soft skills », <a href="https://start.lesechos.fr/apprendre/universites-ecoles/soft-skills-les-oubliees-des-ecoles-de-commerce-1886592">souvent oubliées des écoles de management</a> – mais <a href="https://www.emlv.fr/programmes/grande-ecole/soft-skills-et-transversalite/">enseignées à l’EMLV</a>). Si nécessaire, des tests cognitifs (de QI ou de connaissances spécifiques) peuvent être organisés pour les aspects techniques de l’emploi concerné (les « hard skills »).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201432/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les candidats peuvent notamment être tentés de se présenter sous leur meilleur jour à travers leurs réponses à des questionnaires qui, en outre, visent à écarter les profils moyens.Jean-Etienne Joullié, Professeur de management à l'EMLV, Pôle Léonard de VinciBertrand Jonquois, Responsable du Master Marketing Digital et Data Analytics, Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1970862023-03-05T16:48:30Z2023-03-05T16:48:30ZQuand les avis en ligne des salariés prennent à contre-pied la communication des employeurs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/502707/original/file-20221228-62321-fz6u3c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C7360%2C4902&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Qu'ils soient positifs ou négatifs, beaucoup plus de crédibilité est octroyé aux avis des salariés qu'aux propos des responsables des ressources humaines.</span> </figcaption></figure><p>Dans un environnement toujours plus compétitif, dans lequel la survie de l’entreprise dépend de ses performances, avoir des salariés engagés, les fidéliser, et attirer de nouveaux talents sont devenus des enjeux stratégiques majeurs. Cependant, beaucoup, les <a href="https://www.lepoint.fr/economie/rse-jeunes-cherchent-entreprises-responsables-07-05-2022-2474619_28.php">jeunes</a> en particulier, ne sont aujourd’hui plus prêts à signer pour n’importe quoi, et le salaire ne s’avère souvent pas un argument suffisant. Soucieux d’éthique et d’écologie, la nouvelle génération est plus attentive aux <a href="https://theconversation.com/la-notion-de-generation-z-entrave-lintegration-des-jeunes-sur-le-marche-du-travail-192875">conditions</a> de travail saines et équitables, et en font leurs critères de choix d’employeur.</p>
<p>Certaines firmes tentent donc de se doter de ce que l’on appelle une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/02650487.2005.11072912">« marque employeur »</a>. L’idée : de même que l’on achètera un produit en se référant à sa marque, de même on sera tenté d’accepter une offre d’emploi provenant d’une entreprise positivement connotée. Cette image se forge selon ce que les salariés valorisent le plus et désirent retrouver chez un employeur idéal : un travail attrayant, de bonnes relations sociales, des avantages économiques, des possibilités de développement et de transmission de leurs savoirs font partie des éléments qui entrent en jeu.</p>
<p>Les entreprises vont alors multiplier les communications vantant une gestion socialement responsable de leurs ressources humaines (RH).</p>
<p>En interne cependant, en raison une nouvelle fois d’une recherche perpétuelle de performance, les salariés vivent parfois certaines réalités qui ne correspondent pas à l’image d’une marque employeur socialement responsable, notamment en période de transformation organisationnelle. Avec l’avènement des réseaux sociaux, ils n’hésitent d’ailleurs plus à dévoiler des pratiques peu scrupuleuses. Qu’ils soient positifs ou négatifs, leurs avis en ligne sont considérés <a href="https://journals.vilniustech.lt/index.php/BTP/article/view/8357">plus crédibles</a> que les communications RH de l’entreprise.</p>
<p>Dans une telle situation, comment l’entreprise peut-elle (encore) revendiquer une marque employeur socialement responsable ? Nos <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2022-5-page-129.htm">recherches</a> mettent en avant les conditions sous lesquelles les marques employeur peuvent se nourrir des avis en ligne des salariés pour rester attractives.</p>
<h2>Des salariés en quête de bien-être</h2>
<p>Nous avons mené une double étude qui repose d’une part sur près de 700 avis de salariés d’un des leaders européens de la grande distribution. Ces avis ont été répertoriés sur une période d’un changement stratégique majeur de l’entreprise, à partir de la plate-forme <em>Company reviews</em> du site de recherche d’emploi <em>Indeed</em>. D’autre part, nous avons mobilisé les communications RH de l’entreprise pendant cette même période. Quatre points de divergence entre l’image transmise par l’entreprise et celle perçue par les salariés ressortent.</p>
<p>Premièrement, bien que la dimension managériale fasse l’objet d’une forte communication RH, des propos très négatifs ont été repérés à son sujet. Les salariés, notamment sur des postes en caisse, font état de pratiques de management désobligeantes :</p>
<blockquote>
<p>« Le plus difficile est de rester en caisse debout sans s’asseoir car on n’avait pas le droit » ; « j’ai enchaîné six heures de tenue de caisse sans pause, et pas qu’une fois » ; « Harcèlement, chantage à l’emploi et discrimination sont les maîtres mots de cette entreprise. Ne soyez pas étonné d’entendre des propos injurieux et de subir l’humiliation. »</p>
</blockquote>
<p>Un taux d’occurrence de 10 % à ce sujet a été observé dans les avis en ligne.</p>
<p>Avec, elles, 38 % d’occurrences, la santé et la sécurité au travail constituent la dimension de la marque employeur la plus importante aux yeux des salariés. La communication RH, de son côté, reste pourtant timide à ce sujet. Les cadences élevées, « irréalisables » et la forte intensité du travail provoquent, d’après les propos déposés sur le web, des problèmes de santé, psychologiques (stress, épuisement) comme physiques. La pénibilité de certains postes de travail qui occasionne des troubles musculo-squelettiques est largement soulignée.</p>
<p>L’équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle semble, quant à elle, une dimension périphérique de la marque employeur. A contrario, pour les salariés, les difficultés à le trouver expliquent des départs sur certains postes :</p>
<blockquote>
<p>« Après 5 ans de bons et loyaux services, j’ai décidé de partir, car trop de pression morale et pas de vie de famille. Ils s’en foutent royalement que certains de leurs salariés aient une famille ou des enfants qu’ils élèvent seuls. »</p>
</blockquote>
<p>Sur des postes peu qualifiés, enfin, malgré une rémunération avantageuse par rapport aux autres entreprises du secteur, des promesses pour un emploi stable non tenues et un turnover élevé créent un sentiment d’insécurité de l’emploi.</p>
<p>La question qui se pose alors pour la marque est que faire de ces avis ? Comment les entreprises peuvent-elles s’en servir pour gérer leur marque employeur ?</p>
<h2>Une communication discrète sur les questions de santé</h2>
<p>Les décalages entre l’image transmise et celle perçue en interne ne peuvent se résumer à une défaillance en termes de communication. Les responsables de ressources humaines, pour éviter les promesses non tenues, semblent en fait avoir tout intérêt à co-construire la marque employeur avec les salariés, notamment quand celle-ci se trouve malmenée par des changements organisationnels profonds.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Nos conclusions amènent aussi à bannir les considérations touchant à la santé au travail dans ce qui vise à améliorer l’image de la marque employeur, souvent vues comme du « greatwashing », un appât dont on sait trop qu’il en est un. Cela remettrait en cause les communications RH qui, par nature, restent exclusivement favorables à l’entreprise.</p>
<p>Les avis en ligne négatifs étant réputés être plus influents sur les comportements et attitudes que ceux qui sont positifs, les employeurs devraient en outre mettre en place une veille sur les plates-formes d’opinion pour une meilleure gestion de leur marque. D’autant plus que cela permettrait d’apporter des réponses aux attentes des salariés : nos résultats confirment en effet que des formules de rémunération attrayantes ne suffissent plus pour rendre totalement compte du caractère responsable de la marque employeur. Des pratiques de management symboliques, au moins dans le court terme, mais centrées sur l’humain seraient nécessaires.</p>
<p>Les certifications respectant des standards internationaux pourraient également apporter des garanties sur la qualité du management et favoriser la crédibilité de la communication sur la marque employeur socialement responsable.</p>
<hr>
<p><em>Mohamed Regragui, Docteur en Sciences de Gestion, spécialisé dans l’influence sociale en E-Commerce et actuellement Business Project Manager, a également contribué à cette recherche.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197086/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Difficile alors pour l’entreprise de se dire « socialement responsable » et d’attirer les travailleurs. Et si la solution était d’associer les salariés à la communication ?Sinem Kilic, Enseignant-chercheur, ESCE International Business SchoolMonyédodo Régis Kpossa, Associate professor, ESCE International Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1978032023-01-24T19:08:27Z2023-01-24T19:08:27ZEfficacité, constance, faible absentéisme… tout ce que les autistes Asperger apportent à l’entreprise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/504402/original/file-20230113-18-h05j76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=29%2C3%2C982%2C654&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les salariés atteints du syndrome d'Asperger connaissent des taux de chômage qui peuvent atteindre 80 à 90%.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/genomegov/27025657576/">National Human Genome Research Institute/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les organisations, à travers leurs développements des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ressources-humaines-rh-120213">ressources humaines</a>, sont soumises à une double pression : d’une part, celle d’une responsabilisation sociale invitant notamment à l’inclusion de la <a href="https://academic.oup.com/bmb/article/135/1/108/5913187">neurodiversité</a> (terme qui regroupe des handicaps invisibles comme la dyslexie, le syndrome de la Tourette, la maladie mentale ou encore neurologique), qui concerne <a href="https://www.presses.ehesp.fr/wp-content/uploads/2022/03/978-2-8109-0998-8_feuilletage.pdf">10 à 15 % de la population</a> ; et d’autre part, celle plus traditionnelle de l’amélioration des performances de l’organisation, par une productivité accrue, des processus de travail efficaces et des contributions individuelles.</p>
<p>Au-delà de la finalité humaniste, le projet de recruter ou de manager doit ainsi s’inscrire dans une logique de contribution effective au bon fonctionnement de l’organisation.</p>
<p>Dans le cadre d’un <a href="https://www.theses.fr/s245822">travail doctoral</a>, nous nous sommes intéressés plus précisément aux salariés concernés par le syndrome d’Asperger, dont l’American Psychiatric Association donne la <a href="https://psyclinicfes.files.wordpress.com/2020/03/dsm-5-manuel-diagnostique-et-statistique-des-troubles-mentaux.pdf">définition</a> suivante :</p>
<blockquote>
<p>« Des déficits persistants dans la communication sociale et les interactions sociales dans de multiples contextes, tels qu’une incapacité à la conversation ou une absence totale d’expressions faciales ».</p>
</blockquote>
<p>Historiquement, ces salariés connaissent des <a href="https://www.sqpto.ca/userfiles/files/Automne2020--Hiver2021_Volume6N2_nume%CC%81ro_complet.pdf">taux de chômage très élevés</a>. En 2019, il atteindrait environ <a href="https://drexel.edu/%7E/media/Files/autismoutcomes/publications/NationalAutismIndicatorsReport--July2015.ashx">80 % aux États-Unis</a>. En France, le taux de chômage des salariés autistes Asperger atteindrait même les <a href="https://www.pole-emploi.org/accueil/actualites/2022/inclusion-des-personnes-autistes--les-entreprises-ont-tout-a-gagner-a-recruter-des-profils-neuro-atypiques.html">90 %</a>.</p>
<p>Les adultes autistes Asperger, à l’image de <a href="https://blogs.mediapart.fr/lezhaen/blog/271020/autisme-de-lidiotie-au-genie">l’industriel Henry Ford, des réalisateurs Woody Allen et Stanley Kubrick ou encore de la physicienne Marie Curie</a>, présentent donc de nombreuses caractéristiques recherchées en qualité d’employés : l’honnêteté, l’efficacité, la précision, la constance, un faible taux d’absentéisme, ou encore un désintérêt pour la « politique de bureau ».</p>
<p>Il ressort ainsi des 13 entretiens menés, sur plus de 7 heures, que tous les enquêtés expriment des qualités inaliénables, une forte implication organisationnelle, un fort allocentrisme et plus généralement une volonté manifeste de faire correctement leurs tâches.</p>
<h2>Accros au travail</h2>
<p>Par exemple, interrogé sur ce qui fait selon lui un « bon salarié », un participant répond :</p>
<blockquote>
<p>« C’est quelqu’un qui va faire son travail correctement, respecter les autres, et se respecter soi-même. Il va acquérir la connaissance de l’autre et, en même temps, va apporter à l’autre ce que l’autre n’a pas non plus ».</p>
</blockquote>
<p>À l’inverse, selon un autre :</p>
<blockquote>
<p>« Le mauvais salarié va plutôt être celui qui va tout reposer sur les autres, celui qui pense à écraser ou qui attend la « plainte client » avant d’agir. C’est celui qui n’est pas capable de dire : “je ne sais pas”, quand il ne sait pas répondre à une question et ne réagit pas face aux injustices. »</p>
</blockquote>
<p>En plus de tendre vers le « bon salarié », le salarié autiste Asperger semble concrètement nourrir un besoin d’« apporter quelque chose » à son organisation, ses collègues, son client. Il aura du mal avec les retards et pourra être vu comme un acharné ou un « accro » au travail. Il fera toujours le maximum pour que les choses avancent, quitte à passer parfois trois ou quatre nuits blanches sur sa mission.</p>
<p>Grâce à son sens du détail, il remonte souvent beaucoup d’erreurs, ce qui cependant peut parfois le mettre en difficulté socialement. En effet, il aura généralement du mal à dire non ou à définir le juste milieu entre passion, travail, lien social et équilibre émotionnel.</p>
<h2>Paradoxe entre convention et idéaux</h2>
<p>Une notion importante des relations au sein d’une organisation vient d’ailleurs à manquer parmi leurs compétences : celle de la compréhension de ce que la recherche définit comme le <a href="https://www.cairn.info/psychologie-du-travail-et-des-organisations--9782100738113-page-136.htm">« contrat psychologique »</a>. Ce contrat psychologique revêt l’intégralité des attentes non dites ou des rituels sociaux implicites, tel que de se regarder dans les yeux lorsque l’on nous parle ou encore celle de consommer à la machine à café commune pour s’intégrer. Autrement dit, il s’agit de l’ensemble des clauses non écrites sur son contrat de travail.</p>
<p>Le salarié autiste Asperger aura ainsi du mal avec une quelconque exigence non professionnelle. Une répondante ne s’en cache pas :</p>
<blockquote>
<p>« Si la boîte exige que je sois coiffée et maquillée tous les matins, qu’ils me payent l’heure et demi que je vais y passer ».</p>
</blockquote>
<p>Un salarié atypique pourra ainsi être mis en difficulté pour un regard, un oubli social, une légère différence de fonctionnement bien que ses résultats et ses apports soient indéniables. À l’image de ce témoignage de cette salariée aujourd’hui en arrêt maladie :</p>
<blockquote>
<p>« Je m’étais lancé dans ce travail en pensant que j’allais être femme de chambre, c’est-à-dire sans être en contact avec les clients. En fait, j’ai aussi fait de l’accueil à la réception. Or, j’ai la phobie de rencontrer de nouvelles personnes. Dans ces moments-là, je pétais un plomb ».</p>
</blockquote>
<p>Pour une entreprise, choisir de manager la neurodiversité, c’est donc finalement poser le paradoxe entre convention et idéaux, entre performance et politiquement correct. Le management de la neurodiversité prendra donc le soin d’embrasser la différence, de l’écouter, de la cultiver et d’en extraire toute sa richesse. Actuellement, des entreprises comme les géants de l’informatique <a href="https://news.sap.com/2019/10/workplace-neurodiversity-autism-at-work-program/">SAP</a> ou encore <a href="https://www.microsoft.com/en-us/diversity/inside-microsoft/cross-disability/neurodiversityhiring">Microsoft</a>, articulent une part importante de leurs recrutements autour de ces neurodivergents performants.</p>
<p>Ainsi, pour maintenir l’exemple de ces deux organisations. SAP se félicite d’avoir un taux de rétention de 90 % des embauches sur le spectre de l’autisme via leur programme de recrutement « Autism at Work » mis en place en 2013. De son côté, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/microsoft-21701">Microsoft</a>, à travers son programme « Neurodiversity Hiring Program » mis en place en 2015, recrute continuellement des salariés neurodivergents par le biais de procédures de recrutements adaptées : séminaire en ligne, entrainements aux contextes formels et informels ou encore un examen approfondi pour chaque candidature entre profil du candidat et demande réelle du poste à pourvoir.</p>
<p>L’objectif reste avant tout d’adapter le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/recrutement-33086">recrutement</a> puis de répondre à certains besoins au cas par cas : un bureau isolé pour l’un ou complètement ouvert pour un autre, casque antibruit pour l’un ou port d’un casque audio avec musique pour un autre, etc. Autant d’ajustements et d’investissements minimaux qui permettent à ces entreprises de bénéficier de toutes les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/competences-80203">compétences</a> et les talents des salariés autistes Asperger</p>
<hr>
<p><em>Franck Biétry, maître de conférences à l’IAE de Caen, a supervisé la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197803/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandre Richet a reçu des financements de L'université de Caen Normandie. </span></em></p>Les employeurs ont longtemps mis à l’écart les personnes qui présentent des « déficits persistants dans la communication sociale ». Elles présentent pourtant d’excellentes qualités professionnelles.Alexandre Richet, Doctorant en science de gestion, Université de Caen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1977342023-01-15T12:48:22Z2023-01-15T12:48:22ZL’intelligence artificielle pour mieux recruter… vraiment ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/504257/original/file-20230112-12-uaauy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=59%2C23%2C7847%2C3497&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Elles promettent beaucoup, mais faire aveuglément confiance aux intelligences artificielles pour recruter le candidat idoine est loin d'être sans danger.</span> </figcaption></figure><p>Les outils intégrant des algorithmes mobilisant l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/intelligence-artificielle-ia-22176">intelligence artificielle</a> (IA) ont progressivement gagné toutes les étapes du processus de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/recrutement-33086">recrutement</a>. En 2018, déjà, 64 % des 9000 recruteurs interrogés dans une <a href="https://business.linkedin.com/content/dam/me/business/en-us/talent-solutions/resources/pdfs/linkedin-global-recruiting-trends-2018-en-us2.pdf">étude</a> en ligne déclaraient les utiliser parfois ou souvent dans le cadre de leur activité. 76 % pensaient que cette technologie aurait dessus un impact significatif. Une <a href="https://www2.deloitte.com/content/dam/Deloitte/us/Documents/human-capital/us-cons-hr-bots-new-super-power-for-workforce.pdf">enquête</a> plus récente suggère même un lien entre IA et performance : 22 % des entreprises les plus performantes ont recours à un recrutement « prédictif » ou « augmenté », contre 6 % des organisations les moins performantes.</p>
<p>De quoi s’enthousiasmer ? Les promesses faites par les acteurs du marché sont très importantes : du temps de gagner, des profils mieux identifiés, des stéréotypes éliminés… Au-delà, se posent néanmoins de nombreuses questions techniques, éthiques et juridiques.</p>
<p>Pour y répondre, un projet de règlement de l’Union européenne (« AI-act ») est en préparation. Il classe d’ailleurs les systèmes destinés à être utilisés pour le recrutement ou la sélection de personnes physiques dans la catégorie des « systèmes d’IA à haut risque », celles qui ont des effets potentiels sur les droits fondamentaux. Des règles spécifiques d’information détaillée, de mise en conformité préalable, et d’audit régulier sont prévues pour ces systèmes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1385177267945545730"}"></div></p>
<p>Même si le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006900847/2023-01-09">droit du travail</a> français et les <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000037090394/2018-05-25#:%7E:text=Aucune%20d%C3%A9cision%20de%20justice%20impliquant,la%20personnalit%C3%A9%20de%20cette%20personne.">textes européens</a> présentent des règles générales qui visent à protéger les candidats à l’embauche, Un règlement européen sur l’IA apparait indispensable. Le constat actuel est celui d’un vrai décalage entre les nombreuses promesses d’efficacité et d’objectivité de ces outils et les rares études scientifiques traitant de ces sujets pourtant fondamentaux. Leur capacité à réduire les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/discrimination-21598">discriminations</a> est notamment encore largement à prouver.</p>
<h2>Plus efficace, plus rapide, plus inclusif</h2>
<p>Les solutions intégrant l’IA concernent aujourd’hui toutes les étapes du processus de recrutement, avec à la clef pour chacune d’elles des promesses d’avantages pour les organisations qui les mettent en place : avantage économique en étant plus rapide et productif au moment de choisir son futur salarié (certains développeurs de ces solutions de recrutement affirment même <a href="https://www.hirevue.com/case-studies/national-safety-apparel">diviser par quatre le temps</a> nécessaire pour finaliser un recrutement) ; avantage technique en pouvant traiter un grand volume d’information et effectuer des classements selon les critères que l’on souhaite ; avantage éthique en échappant aux <a href="https://theconversation.com/le-cv-anonyme-une-bonne-idee-trop-vite-enterree-87293">stéréotypes mobilisés par les recruteurs humains</a> lorsqu’ils découvrent un CV ou une lettre de motivation.</p>
<p>Au moment de rechercher des candidats, phase dite de « sourcing », la collecte automatisée d’informations en ligne sur les candidats potentiels (le « web scraping ») est présentée comme un gage d’amélioration de l’adéquation entre les besoins de l’entreprise qui recrute et le profil des candidats. Les algorithmes d’analyse vont rechercher des données repérables sur les CV mais aussi des informations récupérées sur les réseaux sociaux, qui sont supposées permettre d’inférer certains traits de personnalité ou compétences particulières chez les candidats potentiels.</p>
<p>Au cours de la présélection des dossiers, des <em>chatbots</em>, à l’instar de <a href="https://www.randstad.fr/randy/">Randy</a>, le robot conversationnel développé par Randstad, proposent des tests personnalisés et orientent les candidats vers les métiers les mieux adaptés. L’expérience candidat en serait améliorée, grâce notamment à la diminution du stress ressenti et à la ludification de l’expérience vécue. Pour l’entreprise, il y a là une possibilité de réorienter l’activité des recruteurs vers des tâches plus qualitatives et complexes, en les débarrassant d’étapes très chronophages.</p>
<p>En ce qui concerne la phase d’entretiens, les outils d’analyse automatique de vidéos, que le candidat peut parfois faire seul, sont en plein développement. L’entreprise américaine <a href="https://www.hirevue.com/platform/online-video-interviewing-software">HireVue</a> propose par exemple d’évaluer les réponses données sur la base des expressions faciales et de la posture corporelle. L’entreprise suisse <a href="https://cryfe.swiss/#cryfe">Cryfe</a> propose quant à elle d’analyser « l’authenticité » des personnes en étudiant leurs signaux verbaux et leur gestuelle.</p>
<p>Le tout prétendument sans activer de stéréotypes portant sur l’apparence physique ou le langage du candidat et par conséquent sans discrimination. À chaque étape du processus de recrutement donc, les promoteurs de ces solutions promettent aux entreprises qui recrutent en les utilisant un recrutement plus efficace, plus rapide et plus inclusif.</p>
<h2>Biais de jugement à tous les étages</h2>
<p>Certains signaux d’alerte, cependant, ne doivent pas être négligés. Plusieurs études ont par exemple montré que loin de réduire les biais discriminatoires, certains outils de recrutement prédictifs peuvent même engendrer de nouveaux biais de jugement.</p>
<p>Dès l’étape de la programmation de l’outil, les développeurs peuvent incorporer leurs propres préjugés. Les algorithmes associant expressions faciales, traits de personnalité et compétence, notamment, partent de postulats discutables. Plusieurs études concluent que le décodage des émotions est d’une part très complexe et d’autre part <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30297420/">culturellement dépendant</a>. Le <a href="https://proceedings.mlr.press/v81/buolamwini18a/buolamwini18a.pdf">taux d’erreur</a> pour la reconnaissance d’une expression peut ainsi varier de 1 % pour un homme blanc à 35 % pour une femme noire.</p>
<p>Pour les algorithmes dits de « machine learning », qui s’appuient sur des données pour s’entraîner et s’ajuster, les discriminations se reproduisent en effet facilement. Les bases d’entraînement peuvent être incomplètes et biaisées et rendre les outils rendus moins performants et même discriminants pour les catégories minoritaires.</p>
<p>L’exemple le plus célèbre est celui d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/amazon-40118">Amazon</a> qui a dû <a href="https://www.numerama.com/tech/426774-amazon-a-du-desactiver-une-ia-qui-discriminait-les-candidatures-de-femmes-a-lembauche.html">cesser l’utilisation d’un outil de tri automatique</a> de candidatures en 2018. Il discriminait systématiquement les femmes candidatant pour des emplois techniques ou de développeuses web sur la base des recrutements réalisés entre 2004 et 2014 qui avaient, eux, favorisé les hommes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1058457736713826304"}"></div></p>
<p>En ce qui concerne les tests qui se disent neutres, la <a href="https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1037%2F0022-3514.69.5.797">« menace du stéréotype »</a> n’est jamais bien loin. Il s’agit d’un effet psychologique selon lequel face à certaines situations de test, un individu peut avoir la sensation d’être jugé à travers un préjugé négatif visant son groupe, ce qui peut provoquer un stress et une diminution des performances. Par exemple, quand une femme passe un test en mathématiques, son résultat peut être affecté par le stress causé par l’idée intériorisée selon laquelle les femmes auraient des capacités inférieures à celles des hommes dans cette discipline.</p>
<p>La passation de tests avec un chatbot, censée être plus ludique, donc moins stressante pour un candidat, pourrait être mal vécue par certaines catégories de candidats. La passation de tests avec un chatbot, censée être plus ludique, donc moins stressante pour un candidat, pourrait néanmoins être mal vécue par certaines catégories de candidats. C’est notamment le cas des candidats les moins familiarisés avec les environnements digitaux et virtuels ; ils pourraient moins bien réussir lorsqu’ils sont confrontés à une méthode de sélection digitale, et ce en raison de stéréotypes générationnels négatifs actionnés (mais aussi le manque d’habitude d’utiliser ce type d’outil, la peur d’être moins performant que les générations plus jeunes…).</p>
<p>L’algorithme peut aussi engendrer des erreurs lui-même en se fondant sur des corrélations fallacieuses, en raison de variables qui amènent de la confusion. Pratiquer le golf peut ainsi être un loisir surreprésenté dans le profil de salariés occupant un poste de cadre dirigeant. Pour autant, l’association entre ce sport et la performance au travail n’est en aucun cas pertinente. Le pire est qu’il est parfois difficile de connaître et d’identifier les raisonnements de certains algorithmes basés sur l’apprentissage profond (<em>deep learning</em>) en raison de la complexité du processus. On parle dans ce cas de modèle de « boite noire ».</p>
<h2>Un algorithme inexplicable est un algorithme inacceptable</h2>
<p>Prudence est donc de rigueur. Les spécialistes qui travaillent de longue date sur l’intelligence artificielle parlent même parfois d’ <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-019-03013-5">« incompétence artificielle »</a> en lieu et place d’intelligence artificielle. Actuellement, les tâches semblent, la plupart du temps, réparties avec une certaine modestie dans les usages : privilégier l’intervention humaine en phase de choix final, et envisager l’usage de l’IA comme outil de présélection et comme aide à la décision.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Grande s’avère cependant la tentation de céder aux sirènes des algorithmes. Comme nous le montrons dans une <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2022.895997/full">étude</a> publiée récemment, les recruteurs déclarent certes davantage faire confiance aux recommandations de leurs pairs. Dans les faits, pourtant, ils ont tendance à suivre davantage les recommandations fournies par un algorithme de présélection que celles de leurs collègues. Cela vaut d’ailleurs même quand l’algorithme propose de sélectionner le moins bon candidat.</p>
<p>Nos observations appellent donc à une extrême vigilance : si les recruteurs suivent aveuglément des recommandations, même erronées, fournies par des outils manquant de transparence et d’explicabilité, les risques juridiques et de réputation sont grands pour une entreprise qui utilise ces outils, notamment en cas de discrimination avérée. La nouvelle réglementation initiée par l’Europe, qui devrait être votée cette année, ne paraît ainsi pas dénuée de toute pertinence.</p>
<p>Un algorithme inexplicable est en principe un algorithme inacceptable. Une IA explicable devrait obéir <a href="https://ieeexplore.ieee.org/document/9007737">trois principes</a> : la <em>transparence</em> des données utilisées pour fabriquer le modèle ; l’<em>interprétabilité</em>, la capacité à produire des résultats compréhensibles par un utilisateur ; et l’<em>explicabilité</em>, la possibilité de comprendre les mécanismes ayant conduit à ce résultat avec les biais potentiels qu’ils comportent. Anticipant sans doute les difficultés à venir et l’évolution du cadre légal, certaines entreprises proposent déjà aujourd’hui des <a href="https://interviewer.ai/explainable-ai/%20;%20https:/beamery.com/explainable-ai/">ajustements</a> intégrants des IA « explicables » dites aussi transparentes, si besoin est, en pratiquant une forme de discrimination positive.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197734/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ce travail a bénéficié d'une aide de l'Etat gérée par l'Agence Nationale de la Recherche au titre du
programme « Investissements d'avenir » portant la référence ANR-15-IDEX-02 ».</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alain Lacroux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une étude montre que les recruteurs suivent des recommandations algorithmiques de recrutement, même lorsqu’elles sont erronées… ce qui n’est pas sans risques pour les candidats.Christelle Martin-Lacroux, Professeure des universités en sciences de gestion / comportement organisationnel, Université Grenoble Alpes (UGA)Alain Lacroux, Professeur des universités en Sciences de Gestion, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1959842022-12-11T16:55:58Z2022-12-11T16:55:58ZLa pluridisciplinarité, un frein pour les chercheurs dans leur avancement de carrière<p>La <a href="https://theconversation.com/fr/topics/diversite-23117">diversité</a> est la bienvenue dans le monde de l’entreprise, à tel point que les plus grandes d’entre elles ont aujourd’hui des « Chief Diversity Officers » dont la mission est de permettre que des parcours variés et une fertilisation croisée entre différents domaines donnent naissance à de nouvelles idées. Une <a href="https://www.bcg.com/fr-fr/publications/2018/how-diverse-leadership-teams-boost-innovation">étude</a> réalisée par le Boston Consulting Group révèle en effet qu’avec des équipes plus diverses, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/innovation-21577">innovation</a> génère une part plus importante du chiffre d’affaires de l’entreprise, avec à la clé 19 % d’avantage concurrentiel et d’amélioration des performances financières.</p>
<p>Pourtant, les attitudes territoriales restent omniprésentes, tout particulièrement dans le milieu universitaire. Notre récente <a href="https://pubsonline.informs.org/doi/10.1287/orsc.2022.1610">étude</a> suggère que les scientifiques qui affichent d’excellents résultats dans plus d’un domaine tendent à être pénalisés en termes d’avancement de carrière. Ceci est vrai dans le monde académique, mais probablement dans d’autres professions, avec pour conséquence un impact potentiellement négatif sur l’innovation et la créativité.</p>
<h2>Considéré comme « peu qualifié »</h2>
<p>L’état de l’art dans ce domaine suggère que les scientifiques avec une carrière pluridisciplinaire sont victimes de discrimination. Dans un contexte d’évaluation, leur travail est en effet perçu comme confus. Ils sont généralement considérés comme moins compétents et moins fiables que les scientifiques dont le profil correspond strictement à une seule discipline. L’idée générale est que si vous touchez à tout, vous êtes forcément moins capable qu’un spécialiste et plus difficile à classer. Vous êtes donc considéré comme « peu qualifié ».</p>
<p>Nous avions postulé que lorsqu’un grand nombre d’informations étaient disponibles à propos d’un candidat pluridisciplinaire prouvant qu’il était un bon scientifique, ce candidat serait considéré comme bon et ne serait pas pénalisé de la sorte. Nous pensions qu’un excellent CV pallierait le problème et nous avons entrepris de mettre ce concept à l’épreuve.</p>
<p>En analysant un ensemble de données provenant du système d’accréditation pour les candidats au professorat, nous avons été surpris de constater que ce n’est pas parce qu’ils étaient moins compétents que les candidats pluridisciplinaires étaient pénalisés. Bien au contraire.</p>
<p>Notre étude révèle que les candidats pluridisciplinaires sont plus susceptibles d’être désavantagés si leurs résultats académiques sont meilleurs que ceux de leurs pairs. Les pénalités appliquées aux candidats pluridisciplinaires très performants sont supérieures de 50 % à celles attribuées à leurs homologues peu performants. Les scientifiques qui affichent le plus grand nombre de citations et de publications sont donc ceux qui rencontrent le plus de difficultés lors des évaluations, malgré leur excellent CV.</p>
<h2>« Maintien des frontières »</h2>
<p>Ces observations vont à l’encontre des recherches menées jusqu’à présent. Ce n’est pas parce qu’un candidat pluridisciplinaire est peu performant qu’il est pénalisé : c’est même tout le contraire. Nous pensons que ceci est dû à un effet de « maintien des frontières ». En cherchant à éviter une érosion des frontières et ce qui est perçu comme une dégradation de la discipline, les évaluateurs la protègent en tenant à l’écart les candidats pluridisciplinaires.</p>
<p>Cette attitude paraît logique pour un certain nombre de raisons. Les scientifiques performants qui possèdent une expérience transversale peuvent plus facilement remettre en question le statu quo. Ils peuvent avoir davantage de ressources à leur disposition ou même des fonctions éditoriales dans des revues importantes. Ces personnes peuvent être perçues comme présentant un risque majeur de vouloir apporter des changements à la discipline, qui ne seront pas forcément du goût de tous. A contrario, les candidats pluridisciplinaires peu ou moyennement performants ne représentent pas le même degré de menace, et risquent moins d’être confrontés à de telles pénalités ou discriminations.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Nos résultats suggèrent que les recherches pluridisciplinaires dans le milieu académique, qui seraient considérées comme bénéfiques pour générer de nouvelles manières de penser, sont difficiles à mettre en œuvre en raison de cet obstacle important de « maintien des frontières ». Ces résultats sont plus marqués dans les « petites » disciplines, et dans celles qui sont très exclusives en matière de revues scientifiques.</p>
<p>Une autre hypothèse est que les personnes décisionnaires choisissent d’éliminer les personnes talentueuses car elles sont des concurrents directs de leurs évaluateurs. Même si nous contrôlons cette variable dans notre étude, il est très difficile de la séparer de toutes les autres variables, aussi cette hypothèse de concurrence n’est pas à écarter.</p>
<h2>Le risque de « pensée de groupe »</h2>
<p>L’innovation et la créativité naissent indéniablement du conflit et de la différence. Si tout le monde a le même profil et partage les mêmes idées et points de vue, il sera difficile d’amener de nouvelles manières de penser dans un domaine. Une absence de diversité pourrait être un vrai obstacle au développement de disciplines ou professions académiques, avec un risque élevé de « pensée de groupe ».</p>
<p>Nos résultats suggèrent que de meilleurs processus de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/recrutement-33086">recrutement</a> et d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/evaluation-43771">évaluation</a> pourraient désamorcer l’effet de maintien des frontières. Les départements ou équipes avec une forte identité ont de fortes chances selon nous de pénaliser les candidats les plus performants, ce qui peut être problématique du point de vue des dirigeants. L’évaluation de la capacité et l’expérience doit donc être améliorée afin de garantir que les candidats pluridisciplinaires ne seront pas éliminés pour cette raison.</p>
<p>Notre étude démontre que les candidats brillants sont recalés parce qu’ils ne correspondent pas à un profil défini. Ceci pourrait nuire considérablement à l’avenir des recherches académiques et cet effet peut également s’appliquer à certaines professions. Les départements à forte identité, qu’ils appartiennent au monde universitaire ou à l’entreprise, peuvent mettre de la mauvaise volonté à accueillir des candidats aux profils différents.</p>
<p>Ces résultats peuvent s’appliquer à tout type de décision où des personnes sont recrutées à l’extérieur et des décisionnaires sont impliqués dans l’entité. Nos résultats suggèrent enfin qu’une profession ayant le sentiment d’être une minorité menacée sera d’autant plus sensible à cet effet de maintien des frontières. Les professions et groupes organisationnels relativement petits et avec une forte identité ont les plus fortes chances d’être victimes de cet effet.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195984/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Jourdan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une recherche récente démontre que les scientifiques spécialisés ont tendance à écarter leurs pairs pluridisciplinaires – notamment les plus brillants. Une situation qui pénalise l’innovation.Julien Jourdan, Professeur Associé, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1945712022-11-27T16:02:02Z2022-11-27T16:02:02ZVous postulez dans une banque ? Enlevez vos piercings et cachez vos tatouages !<p>« Le jeans, les baskets, c’est pas chez nous, ça c’est clair ! » Ce directeur d’agence, que nous avons interrogé dans le cadre de nos récents <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03694250">travaux de recherche</a>, explicite l’existence d’une convention régie par un <a href="https://psycnet.apa.org/record/1993-23778-001">ensemble de « dress codes »</a> (codes vestimentaires) dans le secteur bancaire. Vous êtes donc prévenus : si vous souhaitez postuler dans une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-22013">banque</a> et décrochez un entretien, attention à ce que vous choisissez dans votre garde-robe avant de vous y rendre…</p>
<p>Plus largement, nos entretiens menés auprès de 32 recruteurs pratiquant le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/recrutement-33086">recrutement</a> (28 hommes et 4 femmes, âgés de 28 à 57 ans), nous ont permis de déceler les éléments jugés non conformes au métier de conseiller bancaire et rejetés par la grande majorité des recruteurs : les tatouages visibles, les piercings, les jupes très courtes, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vetements-48448">vêtements</a> pas soignés, sales, ou débraillés ou encore le combo jeans/baskets. Ils peuvent donner lieu à des commentaires radicaux d’élimination de la candidature : « pas de ça chez nous ! » ou encore « c’est rédhibitoire ».</p>
<p>Notre étude dessine ainsi un référentiel vestimentaire fonctionnant à l’instar d’une grammaire : ce qui se fait, le conforme ; et ce qui ne se fait pas, le non conforme. Le jeans peut être envisagé mais à condition d’être assorti d’une veste et/ou d’une chemise, sans être ni délavé ni troué.</p>
<p><iframe id="6DBPx" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/6DBPx/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ainsi, la tenue vestimentaire exerce une influence sur la perception des recruteurs et peut même intervenir comme un critère de décision.</p>
<h2>Le recrutement, une situation incertaine</h2>
<p>En effet, malgré des outils et des méthodes rationnelles, recruter un candidat <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2010-3-page-404.htm">reste une démarche empreinte d’incertitudes</a>. Il demeure impossible d’affecter des probabilités totalement objectives et infaillibles à la réalisation d’événements non encore survenus. Dès lors, dans un contexte incertain, pour effectuer un choix, les individus s’appuient sur des <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2006-1-page-217.htm">conventions</a>, c’est-à-dire des règles communes, admises et suivies au sein d’un même groupe.</p>
<p>Dans le cadre du recrutement, elles incluent des <a href="https://journals.openedition.org/formationemploi/1051?lang=en">critères à la fois explicites et implicites</a> constituant des <a href="https://maelko.typepad.com/PratiquesDeRecrutement.pdf">standards de décision</a>. Les premiers comportent notamment des repères institutionnels tels que les diplômes, le niveau de formation, le nombre d’années d’expérience professionnelle, le niveau de salaire… Les seconds sont surtout mobilisés lors de l’entretien de recrutement, méthode plébiscitée par les recruteurs pour la sélection de candidats, puisqu’utilisée dans près de <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/sites/default/files/pdf/2017-064-.pdf">90 % des cas</a>.</p>
<p>Les critères implicites relèvent davantage d’indices tels que les informations verbales : les mots et les informations non verbales : les gestes, la voix, les intonations, l’habillement ou encore les attributs vestimentaires. Ainsi, la tenue vestimentaire intervient comme un paramètre dans le recrutement et plus largement dans un contexte professionnel. Le vêtement peut être un élément d’attractivité ou de rejet envers l’entreprise de la part du candidat mais également de sélectivité pour le recruteur.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dress-code-en-entreprise-tenue-correcte-toujours-exigee-120442">Dress code en entreprise : tenue correcte (toujours) exigée</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Selon le <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1744-6570.1995.tb01780.x">modèle ASA</a> (Attraction-Sélection-Attrition), lors de la phase d’attraction (A), les candidats évaluent au moment de choisir l’entreprise, leur adéquation à l’organisation en fonction de certaines caractéristiques relatives à leur personnalité, leurs goûts, leurs objectifs, leur façon d’être… Les codes vestimentaires peuvent donc influencer ce choix selon qu’ils correspondent ou non au profil et aux attentes du candidat.</p>
<p>De leur côté, les recruteurs en phase de sélection (S), évaluent l’adéquation du candidat à l’organisation en privilégiant des personnes possédant certains attributs en phase avec la culture et les valeurs de l’entreprise. Or, la tenue vestimentaire constitue un élément de la culture organisationnelle. Elle influencerait donc la décision du recruteur en indiquant l’adéquation ou non du candidat à l’organisation.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Cette démarche s’explique par un mécanisme vérifié : plus le degré d’inadéquation est élevé, plus l’employé sera susceptible d’être insatisfait de son <a href="https://theconversation.com/fr/topics/travail-20134">travail</a>, de s’absenter et de démissionner. D’où le risque d’attrition « A » figurant comme dernière étape du cycle ASA.</p>
<p>L’adéquation du candidat à l’entreprise résonne donc comme un critère d’embauche pour de nombreuses organisations. En ce sens, la tenue vestimentaire d’un postulant, lorsqu’elle est adaptée aux codes de l’entreprise, s’inscrirait comme un indice de concordance favorable et rassurant.</p>
<h2>« L’argent, c’est quelque chose de sérieux »</h2>
<p>Pour les recruteurs en banque, une tenue conforme aux codes vestimentaires attendus traduit donc un faisceau d’indices positifs sur le candidat et agit donc comme un support de décision. Un directeur d’agence se justifie :</p>
<blockquote>
<p>« Le fait d’avoir un candidat qui d’emblée a adopté ou à peu près les codes et notamment, par exemple les codes vestimentaires, c’est quelqu’un qui est déjà dans la logique, qui a compris, qui comprend ce qu’on va attendre de lui. »</p>
</blockquote>
<p>Ainsi, une tenue répondant aux codes vestimentaires révèle une adéquation organisationnelle de la part des candidats. Selon les interviewés, une apparence vestimentaire conforme exprime une compréhension de la culture bancaire et une adhésion à ses valeurs, la principale étant la confiance. Dans la banque, cette dernière est directement reliée à l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/argent-69158">argent</a> et au crédit. Par essence, toute <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=--lyWSgqdOYC">monnaie étant fiduciaire</a>, elle présuppose foi (<em>fides</em>) et confiance. C’est aussi vrai pour le crédit, d’où l’expression « faire crédit à quelqu’un ».</p>
<p>En outre, la conformité vestimentaire constitue un signe manifeste de la crédibilité professionnelle du candidat auprès des clients à laquelle veillent particulièrement les recruteurs, comme le souligne une directrice des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ressources-humaines-rh-120213">ressources humaines</a> :</p>
<blockquote>
<p>« L’argent c’est quelque chose de sérieux. Lorsqu’on parle d’épargne, de projets, de crédits… je n'ai pas envie d'avoir en face de moi quelqu'un qui a un look déjanté ! ».</p>
</blockquote>
<p>Une tenue répondant au vestiaire attendu, « sobre » et « sérieux », donne donc une envergure commerciale au candidat, cohérente avec le produit/service bancaire, sujet sérieux puisque relatif à l’argent. Elle renvoie une image adaptée au métier permettant d’inspirer la confiance auprès du client dans un secteur concurrentiel où le <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2009-1-page-123.htm">risque perçu reste élevé</a>. Cette congruence vestimentaire signifierait alors une <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2013-2-page-176.htm">preuve de compétences du candidat</a>, voire de son expertise.</p>
<h2>« L’habit fait le moine »</h2>
<p>Enfin, notre recherche illustre comment les recruteurs assimilent le respect des codes vestimentaires à certaines caractéristiques personnelles du candidat. D’une part, une tenue adaptée au métier indique son aptitude à communiquer, ce qui, dans un secteur digitalisé, contribue à la <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02146068/document">création de valeur de marque</a>. D’autre part, la conformité vestimentaire révèle sa motivation et sa capacité d’adaptation au milieu bancaire. Autrement dit, contrairement à l’adage populaire, l’habit ferait bien le moine…</p>
<p>Pourtant, ce constat questionne l’impact de la tenue vestimentaire au regard des <a href="https://www.theses.fr/2012LORR0374">risques de discrimination</a> liés à l’apparence dans le recrutement et la vie professionnelle.</p>
<p>Pour rappel, une enquête TNS Sofres publiée en 2018 concernant la perception de l’égalité des chances, montrait que le look, la beauté et le poids demeuraient des <a href="https://www.medef.com/uploads/media/default/0019/98/14105-vf-livret-synthese-barometre-diversite-2018.pdf">critères discriminatoires</a> qui expliquent, notamment, les disparités de salaires. Les <a href="https://www.ifop.com/publication/lobservatoire-meteojob-des-discriminations-a-lembauche/">discriminations au travail</a>, malgré les nombreuses lois, ne semblent donc toujours pas prêtes d’être enrayées lors de l’embauche. Ces dernières seraient même passées du simple au double entre 2001 et 2021…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194571/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Agnès Ceccarelli ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une série d’entretiens menés auprès de recruteurs du secteur bancaire révèle l’existence d’un code vestimentaire auquel les candidats sont appelés à se conformer.Agnès Ceccarelli, Professeur associé, département Ressources humaines, ICN Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1942672022-11-21T19:27:01Z2022-11-21T19:27:01ZPME : comment attirer et fidéliser les talents ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/494404/original/file-20221109-14-coyx50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C3%2C1187%2C794&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Environ 6 PME sur 10 déclarent aujourd’hui manquer de talents pour croître.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/124247024@N07/14090438714">Flazingo Photos/Flickr </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.bpifrance.fr/nos-actualites/etude-attirer-les-talents-dans-les-pme-et-eti">83 % des petites et moyennes entreprises (PME) françaises rencontrent des problèmes d’attractivité</a>, de rétention et de développement des talents, selon une étude de Bpifrance de 2018. Ce constat est alarmant quand 6 PME sur 10 déclarent manquer de talents pour croître, avec un impact sensible sur leur chiffre d’affaires. Quand ces sociétés manquent de ressources pour investir, les grandes entreprises comme Google, Apple, L’Oréal restent davantage épargnées en raison de leur statut social, des avantages financiers qu’elles proposent et des ressources qu’elles allouent.</p>
<p>L’explication trouve notamment ses origines dans le management des talents (MT). Une étude <em>The Global Leadership and Talent Index</em> du Boston Consulting Group (BCG) de 2015 démontrait d’ailleurs que l’engagement d’une politique de MT (identification et responsabilisation des talents en interne, qualité de vie au travail, coaching, etc.) permettait de <a href="https://www.leapros.com/assets/downloads/The_Global_Leadership_and_Talent_Index_Mar_2015.pdf">multiplier par 2,2 les profits des entreprises</a>, et ce plus rapidement qu’une entreprise fonctionnant de manière classique.</p>
<p>Il s’agit donc d’un sujet important pour les directeurs des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ressources-humaines-rh-120213">ressources humaines</a> (DRH) mais aussi <a href="https://www.pwc.fr/fr/espace-presse/communiques-de-presse/2021/decembre/priorites-2022-des-directions-financieres.html">pour les directeurs financiers</a> qui estiment désormais que la croissance de l’activité de l’entreprise par ses propres moyens constitue le principal levier pour s’adapter au marché, comme souligné dans une étude du cabinet de conseil PWC publiée fin 2021.</p>
<p>Toutefois, il demeure légitime de s’interroger plus largement sur le rôle de chacun des acteurs de l’entreprise dans ce nouveau modèle de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/management-20496">management</a> stratégique. Bien qu’il soit généralement admis que le MT est une affaire du top-management pour faire face aux divers changements contextuels, il n’est pas coutume de discuter le rôle des managers dans cette dynamique, fédératrice et collective.</p>
<p>Cependant, comme nous l’avons montré dans un <a href="https://www.theses.fr/s312719">travail doctoral</a> récent, les managers dans les PME sont des leaders et des accompagnateurs du déploiement du MT au côté du top-management.</p>
<h2>Posture de manager-coach</h2>
<p>D’une part, les managers déterminent non seulement l’implémentation des stratégies et pratiques, mais contribuent également à l’identification du potentiel, des besoins de développement et des moyens de rétention des talents en PME, surtout à la vue de la proximité qui domine le relationnel dans ces organisations. Comme l’avance un DRH que nous avons interrogé :</p>
<blockquote>
<p>« Nous basons notre approche sur les retours des managers, qui appliquent nos pratiques, et qui nous permettent d’ajuster nos démarches et de forger nos politiques de développement des talents par exemple ».</p>
</blockquote>
<p>Les dirigeants doivent donc sensibiliser les managers de leurs rôles, importances et apports à l’organisation et au système de MT. D’autant plus, lorsqu’une nouvelle stratégie doit être mise en œuvre, puisqu’il appartient alors généralement aux managers de s’assurer qu’elle se déploie avec succès. Les managers apparaissent ainsi comme des relais primordiaux, d’où l’importance de les épauler et de les suivre dans leur mission d’agent d’implémentation ou de changement auprès des talents.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>D’autre part, les managers doivent opter pour une posture de manager-coach. Les managers sont en effet le premier point de contact pour leurs subalternes directs. Ils assurent la liaison et transmettent les informations entre les cadres supérieurs, les RH et les collaborateurs.</p>
<p>Les compétences de leadership, qui permettent de conduire efficacement des individus ou des organisations, apparaissent ainsi essentielles pour initier la dynamique et favoriser les comportements souhaités. En l’occurrence, notre recherche a par exemple montré que, dans le cas d’une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/petites-et-moyennes-entreprises-pme-21112">PME</a> du secteur technologique, les compétences de leadership transformationnel des managers avaient été primordiales dans l’accompagnement de la croissance de l’activité de la PME, en même temps que l’adaptation de sa structure, de ses procédures et de ses démarches.</p>
<p>Enfin, les managers sont des dénicheurs et des développeurs de talent. Le dirigeant d’une PME technologique que nous avons interrogé détaille ainsi la politique mise en place au sein de son organisation :</p>
<blockquote>
<p>« nos managers identifient les talents avec un fort potentiel qui auront la capacité d’occuper des postes futurs de responsabilité et d’évoluer, dans et avec la boîte ».</p>
</blockquote>
<p>L’identification des talents peut donc se faire à deux niveaux : à destination des talents qui ont le potentiel pour évoluer dans l’organisation vers des postes de direction et vers d’autres qui peuvent maximiser leur potentiel dans les rôles existants.</p>
<p>D’un autre côté, l’un des véritables objectifs du management des talents est le développement des compétences et de la carrière des employés. Il s’agit d’adopter une attitude proactive, par anticipation, en analysant les besoins futurs en termes de compétences et les potentiels axes d’évolution possibles en termes de carrières et de postes. Autrement dit, le développement des talents consiste à commencer à les préparer au travail qu’ils ne font pas encore mais qu’ils pourraient faire à l’avenir.</p>
<h2>Réussir la réflexion stratégique</h2>
<p>Ainsi, afin de réaliser l’un des objectifs stratégiques de management des talents, à savoir le développement des talents, il est recommandé de confier aux managers les rôles de coach et de mentor. Bien que l’idée traditionnelle soit de développer les talents à travers les méthodes classiques de formation, les managers constituent, entre autres, un levier de développement des talents en PME. Dans ce but, ils associent leurs connaissances personnelles et les compétences managériales pour exercer ce rôle.</p>
<p>Cela leur permet d’améliorer l’efficacité des démarches de développement et la transformation des relations humaines au travail davantage axées sur la qualité (se faire confiance et travailler ensemble en période de changement ou de crise par exemple).</p>
<p>Comme souligné dans notre recherche par les dirigeants :</p>
<blockquote>
<p>« nous avons constaté divers changements positifs à la suite de la mise de l’accent sur nos managers qui, grâce à leur proximité, ont pu développer un climat de travail plus fédérateur ».</p>
</blockquote>
<p>In fine, les managers s’inscrivent donc bien dans la dynamique stratégique du management des talents et jouent un rôle primordial dans les PME en France. Ils permettent de réussir la réflexion stratégique et de faire face aux problématiques d’attractivité, de rétention et de développement des talents en France.</p>
<hr>
<p><em>Sabrina Loufrani-Fedida, professeure des Universités à l’Université Côte d’Azur, a supervisé la recherche doctorale à l’origine de la rédaction de cet article</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194267/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kousay Abid ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Selon un travail de recherche, les managers sont appelés à renforcer leur rôle dans les politiques de ressources humaines pour faciliter le recrutement et fidéliser les meilleurs éléments.Kousay Abid, Attaché temporaire de l’enseignement et de la recherche en sciences de gestion et du management, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1914492022-10-09T15:06:54Z2022-10-09T15:06:54ZRecherche d’emploi : les (réels) bénéfices des pauses et d’une prise de distance<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/486767/original/file-20220927-20-o5ruuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C7%2C1272%2C841&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Aller au café avec des amis, un exemple de pause utile.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Coffee_break_(3457656569).jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans de nombreuses activités, y compris les études, le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/travail-20134">travail</a> ou même la recherche d’un emploi, les individus ont besoin de faire des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pause-78818">pauses</a> afin de reconstituer leur niveau d’énergie. Lorsque l’on fait des efforts pour atteindre divers objectifs, de l’énergie physique et mentale est nécessaire, et ces niveaux d’énergie ne sont pas infinis.</p>
<p>En ce qui concerne les activités professionnelles, plusieurs recherches s’accordent sur les effets positifs des <a href="https://doi.org/10.1016/j.jvb.2022.103747">activités de récupération au travail</a> (par exemple, les pauses pendant la journée), des <a href="https://psycnet.apa.org/doi/10.1037/ocp0000079">activités de récupération hors travail</a> (l’exercice physique), des <a href="https://doi.org/10.1177/0149206319864153">expériences de récupération hors travail</a> (un détachement psychologique par rapport aux tâches professionnelles), ou, bien entendu, des activités sociales (passer du temps avec la famille et les amis) sur le bien-être des employés.</p>
<p>Or, les distractions et les pauses peuvent être réparatrices non seulement pour les activités professionnelles, mais aussi pour d’autres activités fatigantes de la vie quotidienne. La recherche d’un emploi est en ce sens une activité importante, à laquelle chacun·e est confronté·e une ou plusieurs fois au cours de sa vie.</p>
<h2>Un détachement essentiel</h2>
<p>En effet, rechercher un emploi est un processus potentiellement éprouvant, qui implique un nombre important de refus, des moments particulièrement stressants (par exemple, les entretiens), ainsi que beaucoup d’efforts et de résistance pour atteindre le but ultime de trouver un emploi. En d’autres termes, la recherche d’un emploi est un processus qui prend du temps et consomme beaucoup d’énergie mentale et physique.</p>
<p>Des recherches ont été menées dans différents domaines pour déterminer si et comment les niveaux d’énergie s’épuisent et si et comment ils peuvent être reconstitués. L’épuisement et la reconstitution de l’énergie dans la recherche d’emploi ne sont pas différents.</p>
<p>Dans une <a href="https://psycnet.apa.org/doi/10.1037/apl0000967">étude récente</a>, mes co-auteurs et moi avons constaté que lorsque les demandeurs d’emploi parviennent à se détacher psychologiquement de leur recherche sur une base hebdomadaire, ils se sentent reconstitués, revigorés, et finissent par fournir plus d’efforts et obtenir un plus grand nombre d’entretiens.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Une autre façon d’interpréter les résultats de notre étude est qu’il est important de faire des pauses, de se distraire de la recherche d’emploi et de ne pas en faire une activité à plein temps. Comme pour de nombreuses autres activités, il est essentiel de reconstituer ses ressources épuisées pour réussir.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/recherche-demploi-comment-mettre-toutes-les-chances-de-votre-cote-173850">Recherche d’emploi : comment mettre toutes les chances de votre côté ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>C’est pourquoi nous avons recueilli des données supplémentaires pour voir quel type de pause les chercheurs d’emploi, en l’occurrence les étudiants à la recherche de leur premier emploi à temps plein, faisaient. Ils prennent des pauses dont la durée varie, allant de pauses très courtes plusieurs fois par jour, comme envoyer des SMS à des amis ou à la famille, à des pauses plus longues de 20 à 30 minutes, comme regarder un épisode d’une série.</p>
<h2>Sports et jeux vidéo</h2>
<p>Nous avons constaté que les pauses les plus courantes consistaient à regarder la télévision/des séries/des films/des vidéos YouTube, à jouer à des jeux (vidéos) et à dormir.</p>
<p>Par exemple, une participante a déclaré qu’au cours d’une semaine importante de recherche d’emploi, qu’elle avait « essayé de nouveaux cafés, vu des films avec des amis et s’est promenée en ville pendant les jours les plus agréables ». Un autre participant a indiqué qu’il avait « passé du temps à apprendre à programmer », car il prévoit de « développer en parallèle une idée d’application » ; il a également déclaré « jouer à une tonne de jeux vidéo et aller à la salle de sport ».</p>
<p>Pour une autre participante, cependant, ces pauses n’ont eu lieu qu’après avoir reçu une première offre ferme : « j’étais tellement excitée d’avoir enfin obtenu ma première offre que j’ai passé beaucoup plus de temps que d’habitude cette semaine-là à me détendre avec des amis. Je me suis reposée plus que d’habitude et je me suis sentie plus soulagée que jamais par rapport à ce processus. Je passe encore des entretiens avec d’autres entreprises, mais j’ai pris le temps de me détendre en écoutant de la musique et en rattrapant certains contenus Netflix que j’avais manqués à cause de ma recherche d’emploi et d’autres obligations ».</p>
<p>Globalement, faire des pauses, sous différentes formes, peut être bénéfique pour se détacher mentalement de la recherche d’emploi, tout en donnant à l’esprit et au corps le temps de refaire le plein d’énergie.</p>
<h2>La voie de l’humour</h2>
<p>Dans un <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9781315671659-14/humor-job-search-recruitment-serge-da-motta-veiga">autre travail</a>, j’ai proposé qu’une de ces distractions, ou une façon de se détacher mentalement du stress de la recherche d’emploi est l’humour. En effet, rire peut agir comme un mécanisme de soulagement du stress, et pourrait donc être un comportement qui aide à réduire celui associé à la recherche d’emploi.</p>
<p>Par exemple, les individus concernés pourraient partager leurs mauvaises expériences de façon humoristique avec d’autres chercheurs d’emploi ou des services d’orientation professionnelle afin d’apprendre de leurs erreurs tout en riant d’eux-mêmes (c’est-à-dire en se distrayant…). Ces idées s’alignent avec les travaux sur l’humour en entreprise réalisés par le Dr. Vanessa Marcié, dont notamment <a href="https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2020/05/30098-lhumour-un-puissant-mecanisme-dadaptation-face-a-la-crise/">son article</a> sur l’humour comme mécanisme d’adaptation durant les crises.</p>
<p>En résumé, prendre du temps libre ou se déconnecter est essentiel pour réussir, en l’occurrence pour réussir sa recherche d’emploi. Quel que soit le type de pause que les demandeurs d’emploi choisissent de prendre, elle les aidera à récupérer et à se revigorer. Et cela a un impact direct sur leur recherche d’emploi, tant en termes d’efforts que de réussite.</p>
<p>Il est également important de noter que ces pauses peuvent varier en durée et en type de pause, mais qu’elles aident in fine à se distraire. Pour certains, ce sera de rire avec des amis ou d’autres chercheurs d’emploi. Pour d’autres, ce sera de regarder la télévision ou de jouer à des jeux vidéo.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191449/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge da Motta Veiga ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une étude montre que les demandeurs d’emploi qui parviennent à se détacher psychologiquement une fois par semaine de leur but décrochaient davantage d’entretiens d’embauche.Serge da Motta Veiga, Professeur en Gestion des Ressources Humaines, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1898232022-09-08T19:20:53Z2022-09-08T19:20:53ZLa grande pagaille de l’été dans l’aérien s’explique (aussi) par la domination du modèle low cost<p>Le secteur du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transport-aerien-29163">transport aérien</a> est révélateur des chocs subis par les entreprises depuis plus de deux ans. Elles ont dû s’ajuster en permanence, dans un environnement particulièrement incertain, et les cycles d’activité ont été particulièrement marqués pour les compagnies. Souvenons-nous, par exemple, des images de l’aéroport parisien d’Orly, désert durant les premiers mois de pandémie.</p>
<p>L’été 2022 a, lui, été caractérisé par une <a href="https://www.iata.org/en/pressroom/2022-releases/2022-08-04-01/">reprise très forte du trafic</a>, notamment en Europe, sur le court et le moyen-courrier. Une reprise jusqu’à présent synonyme de <a href="http://www.slate.fr/story/231626/transport-aerien-chaos-aeroports-voyage-chaos-bagages-trafic-avions-retards-annulations">chaos</a> avec des passagers qui ont souvent découvert que leur vol était annulé au moment d’embarquer. Le fossé entre demande de transport et capacité des transporteurs était bien visible. Les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/compagnies-aeriennes-56376">compagnies aériennes</a> n’ont pu cacher leur absence d’une ressource matérielle clé : le <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/la-penurie-de-main-doeuvre-menace-le-trafic-aerien-1437654">personnel navigant</a>.</p>
<p>Entre embauches gelées et départs en retraite non compensés, celui-ci a progressivement disparu ces deux dernières années. Les directions de nombreuses compagnies aériennes ont fait pression sur leurs pilotes, hôtesses, stewards et agents au sol en leur demandant plus d’effort dans les moments difficiles qu’elles ont traversés. Amener de nouvelles recrues à être opérationnelles demande par ailleurs un temps certain. La tension actuelle peut être ainsi perçue comme momentanée.</p>
<p>Rien ne dit cependant que le déficit de ressources va être comblé. Cette pagaille, nous pouvons l’interpréter à partir de nos <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2013-7-page-33.htm?contenu=resume">travaux</a> sur les bouleversements provoqués ces dernières années par le développement des compagnies <a href="https://theconversation.com/fr/topics/low-cost-46331">low cost</a>. Nous en avons montré deux caractéristiques qui ont été particulièrement pénalisantes dans l’environnement incertain de la pandémie : l’absence de ressources excédentaires et la spécialisation des activités.</p>
<h2>Plus de réserves</h2>
<p>L’Association du transport aérien international, qui unit la plupart des grosses compagnies, alertait dès 2007 sur un <a href="https://www.iata.org/en/pressroom/2007-releases/2007-29-11-01/">vieillissement de la profession</a> de pilote et sur des départs non remplacés, faute de candidats. Du côté des stewards et hôtesses ou du personnel au sol des compagnies, les métiers ne font pas rêver. Les réductions d’effectifs parfois massives opérées par les compagnies sur 2020 et 2021 ne seront peut-être jamais compensées.</p>
<p>En gestion, on parle dans ce cas d’un problème de « slack ». Le « slack », c’est la réserve de ressources, du matériel, du personnel ou même du temps qu’une entreprise a de côté. C’est ce qui lui permet de répondre à l’imprévu.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Les compagnies aériennes font partie de ces entreprises qui, traditionnellement, ont une exigence de fiabilité et qui se doivent de créer du <em>slack</em> pour parer à toute modification, même forte, de l’environnement. Comment alors expliquer que les transporteurs n’y aient pas davantage pris garde ?</p>
<p>Les causes peuvent aussi bien être conjoncturelles, s’adapter à la pandémie, que plus profondes. Le paradigme historique est en effet remis en cause par l’émergence des modèles à bas coût. L’organisation de Ryanair et EasyJet, les deux leaders de l’aérien en Europe, repose sur une approche éliminant toute ressource excédentaire. On utilise l’adjectif anglais <em>lean</em> en gestion pour la désigner.</p>
<h2>Copier-coller</h2>
<p>Une autre caractéristique de ces modèles est l’externalisation des activités qui ne sont pas le cœur de métier, ou bien qui ne sont pas vues essentielles. La spécialisation dont on parle ici concerne bien les activités, pas le personnel qui est souvent très polyvalent (il suffit de regarder travailler un steward ou une hôtesse à bord pour s’en convaincre).</p>
<p>Celle-ci a, certes, amené une performance remarquable pour ces entreprises, avec des économies d’échelle très importantes. Cette logique ne fonctionne cependant que dans un environnement stable.</p>
<p>Ce n’est pas une découverte : on connaît l’importance de ce principe depuis, au moins, les années 1980. En environnement instable, l’entreprise généraliste est <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/256460">mieux armée</a> par rapport à l’entreprise ultra spécialisée. Elle est plus à même d’explorer de nouveaux terrains, d’innover et de trouver les réponses appropriées aux défis de l’incertitude.</p>
<p>Or, comme nous l’avons montré, les compagnies traditionnelles ont assez vite copié ce modèle à l’exception peut-être d’Air France. Beaucoup ont créé leur propre filiale à bas coût et même intégré directement dans la compagnie d’origine une bonne partie des composantes de ce type de fonctionnement.</p>
<h2>Suppression et entêtement</h2>
<p>Quelles sont alors les pistes de solution pour ces entreprises dépourvues de réserves pour répondre à l’augmentation rapide de la demande côté client ? Cela se joue à plusieurs niveaux. Anticiper les évolutions de l’environnement est clé mais ne suffit pas : ce qui est aussi nécessaire ici, c’est la qualité de décision une fois que les informations sont traitées.</p>
<p>Sur ce point, on a d’ailleurs vu des situations très différentes : British Airways repérait dès mars 2022 une remontée très forte de la demande pour l’été et a rapidement décidé de réduire sa capacité de vol. La compagnie annonçait d’ailleurs récemment <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/british-airways-supprime-10-000-vols-dans-la-foulee-des-limites-instaurees-a-heathrow-20220822">supprimer de nouveaux vols</a> depuis Londres. De son côté, <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/manque-de-personnel-navigant-easyjet-pourrait-annuler-massivement-ses-vols-cet-ete-921692.html">EasyJet</a> s’est entêté pour finalement annuler 10 000 vols quelques mois plus tard.</p>
<p>Une autre piste, assurément plus délicate pour les entreprises, serait d’oser parler aux investisseurs et actionnaires d’une révision de l’objectif global puisque le modèle à bas coût semble en cause. Il s’agirait de revoir les ambitions et d’investir durablement en ressources humaines, quantitativement mais aussi sur les conditions de travail, pour retrouver un point d’équilibre.</p>
<p>Le low cost était d’abord une niche : il est devenu dominant aujourd’hui. La conjoncture actuelle semble ouvrir une fenêtre d’opportunité pour amender son modèle originel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189823/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-François Gagne ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’élimination des ressources excédentaires et la recherche de spécialisation, deux pratiques qui se sont imposées dans le secteur aérien, pénalisent les compagnies face aux crises.Jean-François Gagne, Responsable Programme MBA, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1827152022-07-04T18:42:15Z2022-07-04T18:42:15ZArts, histoire, philosophie… les employeurs apprécient de plus en plus les compétences non techniques<p>« Le fondement des sociétés démocratiques et libérales est l’esprit critique, qui se nourrit de la connaissance des humanités. Sans exception, les <a href="https://www.japantimes.co.jp/opinion/2015/08/23/commentary/japan-commentary/humanities-attack/">États totalitaires rejettent l’enseignement des humanités</a>, et les États qui rejettent cet enseignement deviennent toujours totalitaires ». Tels étaient en 2015 les mots de Takamitsu Sawa, alors président de <a href="http://www.shiga-u.ac.jp/english/">Shiga University</a> au Japon, en réponse à une déclaration du premier ministre Shinzo Abe qui estimait que l’enseignement supérieur devait exclusivement « produire des ressources humaines qui correspondent aux besoins de la société ».</p>
<p>Cet échange montre que le monde de l’enseignement supérieur a longtemps fonctionné sur des dichotomies radicales opposant disciplines littéraires et sciences dures, humanités (lettres, philosophie et sciences humaines) et STEM (<em>science, technology, engineering et mathematics</em>), formations générales et formations professionnalisantes.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-creativite-pont-entre-les-etudes-de-sciences-et-les-humanites-110615">La créativité, pont entre les études de sciences et les humanités ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Le critère clé permettant d’arbitrer entre ces différents couples serait leur supposée « utilité » à court terme sur le marché du travail ; un raisonnement longtemps partagé dans le monde anglo-saxon. Pour preuve, seuls <a href="https://www.cnbc.com/id/100642178">8 % des étudiants américains suivent aujourd’hui une majeure en humanités contre 17 % en 1967</a>. Histoire, littérature, philosophie, langues, sont des disciplines en perte de vitesse au motif qu’elles seraient décorrélées des besoins de la vie professionnelle.</p>
<h2>Une demande des employeurs</h2>
<p>Notons que des États comme le <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/05/06/bresil-les-sciences-sociales-et-les-humanites-ne-sont-pas-un-luxe_5458932_3232.html">Brésil</a>, le <a href="http://www.slate.fr/story/106865/japon-sciences-humaines">Japon</a> ou encore le Royaume-Uni (à travers le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1078817420300134">Research Excellence Framework</a>) n’ont en outre pas hésité à réduire la part des humanités dans l’enseignement supérieur, estimant qu’elles manquaient « d’impact » aussi bien en termes de recherche que d’employabilité. Les humanités apparaissent, en conséquence, comme de plus en plus contraintes de justifier leur existence – quand elles ne doivent pas lutter pour leur survie dans l’enseignement supérieur.</p>
<p>Et pourtant, paradoxe qu’il convient de souligner, ce sont aujourd’hui les <a href="https://hbr.org/2019/09/yes-employers-do-value-liberal-arts-degrees">employeurs qui défendent les humanités</a> : en effet, 80 % d’entre eux estiment que « l’ensemble des étudiants ont besoin de bases solides en arts libéraux (<em>liberal arts</em>) ». Cette expression courante dans le monde anglo-saxon, désigne les disciplines-socles telles que les mathématiques, les sciences sociales, l’histoire, la philosophie, les sciences physiques et de la vie et les disciplines artistiques. Les humanités en constituent donc un sous-ensemble.</p>
<p>Il est intéressant de rappeler que l’enseignement des arts libéraux est <a href="https://blog.headway-advisory.com/le-passe-a-un-bel-avenir-les-arts-liberaux-ou-la-force-du-continuum-classes-preparatoires-grandes-ecoles/">né dans l’université médiévale</a> ; il était sanctionné par un diplôme, le « bachelor es arts », lequel permettait d’exercer un emploi intellectuel ou de poursuivre ses études dans une filière spécialisée : la médecine, le droit ou la théologie. Ce modèle de « bachelor » généraliste et transversal, éventuellement suivi d’une spécialisation a migré de la France vers l’Angleterre puis les États-Unis. Par un curieux paradoxe de l’histoire, ce modèle pédagogique revient aujourd’hui vers son pays d’origine. Notons au passage qu’il a perduré en France, sous une autre appellation, dans le modèle des classes préparatoires dont beaucoup mêlent enseignements littéraires et scientifiques, notamment celles qui préparent aux grandes écoles de management !</p>
<p>[<em>Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>.</em>]</p>
<p>Fait significatif, de <a href="https://www.letudiant.fr/educpros/enquetes/les-ecoles-de-commerce-ouvrent-humanites.html">plus en plus de business schools</a> <a href="https://www.aacsb.edu/insights/articles/2020/06/partnering-with-humanities-to-improve-job-skills-in-business-graduates">nord-américaines</a> (<a href="https://grandes-ecoles.studyrama.com/espace-prepas/reportages-dans-les-ecoles/skema-business-school/thinkforward-la-nouvelle-philosophie-du-programme-grande-ecole-de-skema-7454.html">mais aussi françaises</a>) défendent l’intégration des « arts libéraux » dans leurs parcours. Jamie McKown, doyen-associé du College of the Atlantic, plaide ainsi pour une éducation complète associant aux disciplines directement professionnalisantes l’histoire, la littérature, les sciences politiques mais aussi les disciplines scientifiques traditionnelles.</p>
<h2>Mieux payés à 40 ans</h2>
<p>Il estime en effet que <a href="https://www.cnbc.com/id/100642178">« les États-Unis perdront leur avantage concurrentiel »</a> s’ils adoptent l’approche simpliste selon laquelle cette éducation aux STEM est la seule voie vers la réussite économique. D’ailleurs, le fondateur d’Apple <a href="https://hbr.org/2011/08/steve-jobss-ultimate-lesson-fo">Steve Jobs ne s’y trompait pas</a> en déclarant, lors du lancement de l’iPad en 2011 :</p>
<blockquote>
<p>« Chez Apple, la technologie seule ne suffit pas. C’est la technologie couplée aux arts libéraux, aux sciences humaines, qui donne les résultats nous réjouissent ».</p>
</blockquote>
<p>Les humanités constituent complément indispensable aux compétences professionnelles, et cela à triple titre. D’abord, les humanités permettent d’acquérir des <strong>compétences durables</strong>, à la différence des savoirs techniques et technologiques. Un récent <a href="https://www.nature.com/articles/s41599-019-0245-6#Fig1">article</a> publié dans la revue <em>Nature</em> met en évidence ces acquis : pensée critique, esprit de synthèse, ouverture d’esprit, pluralité des points de vue… bref, culture générale. A contrario, les savoirs techniques connaissent une obsolescence assez rapide. Voilà pourquoi, comme l’ont montré les chercheurs d’Harvard David J. Deming et Kadeem Noray, l’avantage salarial des diplômés des STEM est le plus élevé à l’entrée sur le marché à du travail. En revanche, il <a href="https://academic.oup.com/qje/article/135/4/1965/5858010">diminue de plus de 50 % au cours de la première décennie</a> de vie active en raison de l’obsolescence des compétences acquises.</p>
<p>Par ailleurs, les arts libéraux et les humanités favorisent le développement de toutes sortes de compétences et, en particulier, les « <strong>soft skills</strong> », c’est-à-dire les compétences sociales, émotionnelles, ou comportementales qui ne relèvent pas d’un enseignement académique ou technique. C’est pourquoi ils sont aujourd’hui plébiscités par les employeurs. Une étude de 2018 conduite par l’Association of American Colleges and Universities, intitulée <a href="https://dgmg81phhvh63.cloudfront.net/content/user-photos/Research/PDFs/2018EmployerResearchReport.pdf"><em>Fullfilling the American Dream : Liberal Education and the Future of Work</em></a>, a notamment mis en évidence que les compétences les plus prisées par les employeurs sont précisément celles qui sont enseignées dans les cursus d’humanités : communication écrite et orale, pensée critique et créative, jugement éthique, capacité à travailler en groupe…</p>
<p><iframe id="L8050" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/L8050/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Or, ce même rapport révèle qu’il existe un décalage, parfois énorme, entre les acquis des jeunes diplômés et les besoins du marché identifiés par les responsables des ressources humaines.</p>
<p><iframe id="u0rEk" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/u0rEk/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En d’autres termes, un certain nombre de compétences non techniques mais indispensables à la conduite du travail font aujourd’hui cruellement défaut aux jeunes diplômés. Ce manque est d’autant plus dommageable que les actuels étudiants seront amenés à changer <a href="https://hbr.org/2019/09/yes-employers-do-value-liberal-arts-degrees">12 fois d’emplois en moyenne au cours leur carrière</a>. Dans ces conditions, maîtriser des compétences socles, qui échappent par leur nature même à l’obsolescence, est le meilleur passeport pour l’adaptation.</p>
<p>Enfin, un troisième argument plaide en faveur de l’étude des humanités et des arts libéraux : ces disciplines, en <a href="https://knowledge.skema-bs.fr/pourquoi-nous-avons-besoin-des-humanites/">initiant à la complexité</a>, préparent ceux qui les étudient à <strong>appréhender un monde de plus en plus incertain</strong> et à l’aube de <a href="https://www.researchgate.net/publication/325457088_Global_Turning_Points_The_Challenges_for_Business_and_Society_in_the_21st_Century">changements majeurs</a> avec notamment la transition énergétique qui s’annonce.</p>
<p>L’ensemble de ces éléments explique pourquoi, selon <a href="https://www.nytimes.com/2019/09/20/business/liberal-arts-stem-salaries.html">David Deming</a>, à 40 ans, les anciens diplômés de STEM ont un revenu annuel moyen de 124 000 dollars environ contre 131 000 pour ceux qui ont suivi des études de sciences sociales.</p>
<h2>Les arts libéraux, des disciplines humanistes</h2>
<p>Un dernier argument mérite d’être relevé. Même si <a href="https://oxford.universitypressscholarship.com/view/10.1093/acprof:oso/9780195175769.001.0001/acprof-9780195175769">on peut douter</a> que des sentiments emphatiques soient toujours convertis en actions altruistes, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/The_Theory_of_Moral_Sentiments">économistes</a>, <a href="https://www.romankrznaric.com/empathy-a-handbook-for-revolution">philosophes</a>, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1002/symb.306">sociologues</a>, <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/10755470211018812?journalCode=scxb">anthropologues</a>, et même <a href="https://www.emory.edu/LIVING_LINKS/empathy/">primatologues</a> s’accordent pour reconnaître que l’empathie est une condition fondamentale, la « seconde main invisible », qui assure la stabilité de nos sociétés. Les arts libéraux, qui s’intéressent par définition à l’humain, peuvent ainsi permettre d’accroître le désir de vivre ensemble en facilitant la découverte de ceux que nous ignorons, dans toute leur complexité et leur diversité.</p>
<p>In fine, humanités et arts libéraux ne sont ni un supplément d’âme ni des disciplines qu’il conviendrait de minimiser au nom de leur supposée faible employabilité. Au contraire, non seulement elles accroissent les compétences professionnelles de ceux qui les maîtrisent mais, mises en œuvre, elles contribuent à renforcer le bien commun. Double raison qui explique qu’il faille, d’urgence, inverser la tendance et les mettre en avant, notamment dans les établissements d’enseignement supérieur qui forment une partie de l’élite de demain.</p>
<hr>
<p><em>Bénédicte Decaux, responsable éditoriale à SKEMA Business School, a participé à la rédaction de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182715/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les disciplines relatives aux « humanités » forment à des compétences durables qui deviennent de véritables atouts dans la progression de carrière.Frédéric Munier, Professeur de géopolitique, SKEMA Business SchoolRodolphe Desbordes, Professeur d'Economie, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1846902022-06-15T18:27:31Z2022-06-15T18:27:31ZTémoignage : Des jurys tirés au sort pour mieux recruter les enseignants-chercheurs ?<p>Le recrutement des enseignants-chercheurs a été <a href="https://kiosque.bercy.gouv.fr/alyas/search/print/lettre-daj/3433">qualifié de concours</a> par le Conseil d’État (CE, 25 février 2015, Université de Nice Sophia-Antipolis, Req n°374002). Dès lors, le principe d’égalité des candidats à un concours, découlant lui-même du principe constitutionnel d’égal accès aux emplois publics, implique que les candidats doivent être traités de manière identique tout au long du processus de sélection.</p>
<p>Par-delà des modalités dérogatoires encore embryonnaires, il s’agit de se demander si les procédures nationales permettent de garantir la qualité scientifique des recrutements d’enseignants-chercheurs mais aussi l’égalité des candidats devant des concours de la fonction publique et donc questionner l’endo-recrutement.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/recrutements-academiques-les-quotas-de-genre-tremplins-pour-legalite-115592">Recrutements académiques : les quotas de genre, tremplins pour l’égalité ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Les enseignants-chercheurs sont des fonctionnaires recrutés par les universités au terme d’un processus exigeant. Leur parcours est d’abord soumis à l’évaluation et la validation préalable du <a href="https://theconversation.com/les-universites-en-france-et-leurs-sections-disciplinaires-liberte-ou-contrainte-scientifique-97843">CNU</a> (conseil national des universités), instance collégiale de professeurs d’université et maîtres de conférences qui jugent si le profil du candidat répond bien aux critères définis sur le plan national. Puis, celui-ci peut postuler auprès des universités en fonction des besoins que celles-ci expriment, à travers la publication de fiche de postes.</p>
<p>Des comités de sélection (COS) sont alors élaborés par un président de COS, professeur de l’université qui recrute, et validés par les instances de l’Université. Les membres du COS sont des enseignants-chercheurs de la discipline ou des disciplines requises par le poste. Les règles de constitution de ces COS imposent des impératifs de quorum de genre et des impératifs de quorum de rattachement (la moitié au moins des membres du COS ne doivent pas être membres de l’université qui recrute).</p>
<p>Ces règles ont pour objectif de limiter le « localisme » (tendance à privilégier les candidats venant de l’université qui recrute) et le clientélisme cooptatif des recrutements. Le COS procède à une pré-sélection sur dossiers puis à des auditions des candidats présélectionnés. Sur le papier, tout semble réuni pour une équité des recrutements. Le CNU apparait comme un garant de la qualité des parcours et le COS garant de l’adaptation du candidat aux besoins. Mais le diable est dans les détails et plusieurs questions demandent à être ouvertes : qui définit la fiche de poste ? Qui choisit les membres du COS ?</p>
<h2>Des failles aux garanties d’égalité</h2>
<p>Les postes mis au recrutement sont supposés répondre aux besoins de formation des composantes et aux besoins de recherche des laboratoires, matérialisés par la fiche de poste.</p>
<p>Les présidents de COS ont des moyens d’action importants : définir les membres du COS, composition ensuite validée par une instance de l’Université, pluridisciplinaire par définition, et donc éloignée des enjeux de pouvoir de la discipline. Ils attribuent à chaque membre du COS les candidats sur lesquels ils doivent rédiger un rapport au regard du dossier envoyé par le candidat.</p>
<p>Dans une session première, le COS décide alors des candidats retenus pour audition. A l’issue des auditions, le COS dresse un classement des candidats pouvant prétendre à occuper le poste. L’instance décisionnaire de l’université entérine ou pas cette liste. Il est assez rare qu’elle ne soit pas entérinée.</p>
<p>Les garanties d’égalité des candidats sont-elles respectées ?</p>
<p>Des failles existent. Ainsi, pour créer un écran de respectabilité à des pratiques non éthiques, un des moyens le simple est d’utiliser la définition des besoins grâce à une fiche de poste correspondant à un seul candidat. La fiche de poste est alors tellement spécifique que seul un candidat local prédéfini pourra y satisfaire : les postes que le jargon universitaire appelle les « postes à moustache ».</p>
<p>La seconde faille tient aux moyens d’action importants des présidents de COS : la définition des membres du COS, composition généralement validée par une instance de l’université, pluridisciplinaire par définition, et donc éloignée des enjeux de pouvoir de la discipline. Le choix des membres du COS mais aussi le pouvoir d’attribution des rapports de chacun des candidats à deux rapporteurs, membres du COS deviennent alors des moyens opaques d’infléchir la décision finale du jury.</p>
<h2>Des « endo-recrutements »</h2>
<p>L’ambition de la réforme de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (loi LRU) était de s’attaquer à la variante locale du clientélisme en prévoyant la condition d’extériorité posée à l’article L. 952-6-1. Le principe de cooptation collégiale par les pairs, règle universitaire, devrait-il être mieux encadré ? L’esprit de la loi est-il respecté ?</p>
<p>Selon le professeur Charles Fortier dans <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-02224783/"><em>Recrutement universitaire : accélérer le changement (AJFP 2015)</em></a> reste caractérisé par une « fermeture du marché » et une « domination des pratiques clientélistes, qui portent atteinte non seulement à l’égalité entre les candidats, mais à l’objectivité du recrutement (pour reprendre le critère wébérien du bon recrutement) ». Il indique que l’une des dysfonctions tient au fait que les membres extérieurs sont proposés, pour chaque concours, par les ressortissants locaux de la discipline considérée, et que dès lors « rien ne pouvait exclure qu’ils fussent choisis au gré des relations personnelles selon les enjeux en cause. » Le dispositif s’avère <a href="https://docplayer.fr/37886335-Charles-fortier-dir-universite-universites-coll-themes-et-commentaires-serie-actes-dalloz-2010-461-pages.html">au mieux « insuffisant et au pire contre-productif »</a></p>
<p>Son argumentaire résonne avec <a href="https://www.cairn.info/revue-cites-2012-2-page-126.htm">celui d’Olivier Beaud</a> : avec une commission ad hoc, le fameux comité de sélection, rien ne peut empêcher que l’on compose un comité en fonction du résultat que l’on veut obtenir : après les profils de postes dits « à moustache », voici désormais les « comités de sélection à moustache ». Tout est donc calibré pour recruter la personne déjà identifiée que l’on veut recruter, sur un profil prédéterminé. Cette personne étant, comme par hasard, issue soit de l’université ou de l’établissement qui recrute… sans compter sur les réseaux et <a href="https://www.village-justice.com/articles/contentieux-recrutement-des-universitaires-responsabilite-des-universites,35743.html">conflits de territoire de pouvoirs</a> au sein des laboratoires.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/jusquou-peut-on-invoquer-la-liberte-academique-174623">Jusqu’où peut-on invoquer la liberté académique ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Selon une <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/trajectoire-professionnelle-des-enseignants-chercheurs-recrutes-en-2016-83230">note d’information de la DGRH</a> du ministère de l’enseignement supérieur, publiée en juin 2017, respectivement 20 % des maîtres de conférences (MCF) et 44 % des professeurs des universités (PR) ont été endo-recrutés et les données n’ont que peu évolué depuis 2000 : il s’agit de MCF qui ont passé leur thèse dans l’établissement où ils sont recrutés et, pour les professeurs, il s’agit de MCF exerçant préalablement au moment du recrutement, déjà en fonction dans ce même établissement.</p>
<p>Mais ces données masquent une partie importante des pratiques… et la question de la définition de la notion et donc des chiffres de l’endo-recrutement des universités mériterait une vraie analyse approfondie. Certes, les formes de détournement de pouvoir sont parfois difficiles à prouver mais il est de la mission des universitaires de penser cette question… En tout état de cause, la liberté universitaire ne peut pas être un paravent derrière lequel se cacheraient ceux qui ne respectent pas la déontologie universitaire.</p>
<h2>Tirer au sort le jury de recrutement ?</h2>
<p>Face aux deux facteurs principaux d’opacité, que peut-on faire ? Le <a href="https://www.cyu.fr/bonheurs-bien-etre-organisation-numerique-habitabilite-education-universalite-relations-savoirs">laboratoire BONHEURS-EA 7517</a> de CY PARIS Université a décidé une procédure expérimentale pour recruter un MCF. Tout d’abord, la définition de la fiche poste a été large, pour permettre à de nombreux candidats de postuler : ce qui était requis était d’enrichir par ses travaux le projet scientifique du laboratoire, ce qui permettait à des candidats de disciplines différentes, d’objets de recherche différents de poser sa candidature en argumentant sur ce qu’il pourrait apporter l’équipe de recherche. Aucun « profil à moustache », donc et de fait 68 candidats ont postulé pour ce poste.</p>
<p>Ensuite le second levier était la constitution du COS. Nous avons donc :</p>
<ul>
<li><p>intégré plus de membres extérieurs qu’intérieurs dans le COS (en l’espèce 6 intérieurs et 10 extérieurs)</p></li>
<li><p>tiré au sort les membres extérieurs du COS</p></li>
<li><p>attribué les dossiers aux rapporteurs selon une règle alphabétique</p></li>
</ul>
<p>Ce tirage au sort avait pour enjeu d’éviter que le COS ne soit constitué de « proches » du président ou du laboratoire.</p>
<p>La première difficulté était d’établir une base de tirage au sort à savoir les universitaires des disciplines cernées par le recrutement. Aucune institution (ministères, Conseil national des universités, Direction générale de l’enseignement scolaire) n’a pu nous la communiquer.</p>
<p>Nous avons donc dû établir cette base de tirage au sort par nos moyens de recherche une liste de d’enseignants-chercheurs (EC), constituée à partir des sites des laboratoires français de sciences de l’éducation en y intégrant tous les membres sauf en ôtant les émérites et les MCF stagiaires qui ne peuvent pas être membres de COS. Elle n’était pas exhaustive, faute d’avoir accès à une telle liste nationale, notamment les enseignants-chercheurs dans des laboratoires d’autres disciplines, introuvables par des moyens « artisanaux » mais elle était conséquente (730 noms d’enseignants-chercheurs).</p>
<p>Nous avons aussi intégré une collègue d’une université étrangère (roumaine) que nous ne connaissions pas, dont la thématique de travail était la même que celle de note laboratoire et dont l’université est partenaire de la nôtre, collègue repérée par le service relations internationale de notre université.</p>
<p>Le tirage au sort à proprement parler a été réalisé par le vice-président de la recherche de notre université. Il a nécessité deux étapes : un premier tirage au sort n’a pas obtenu assez d’acception de participation des enseignants-chercheurs (trois, seulement un PR et deux MCF ont accepté immédiatement) : ce taux de refus important par les « tirés au sort » mériterait à analyse.</p>
<p>Le COS définitif a été constitué par un second tirage identique. Le recrutement a ensuite eu lieu selon la modalité d’une audition avec leçon.</p>
<p>Aucun système de recrutement n’est parfait. Le label européen HRS 4R (« Human Resources Strategy for Researcher ») vise notamment à améliorer les pratiques des organismes et établissements de recherche en matière de recrutement. Ce label impose des conditions d’ouverture des concours et d’équité des candidats notamment un code de conduite pour le recrutement des chercheurs et en appellent aux États membres pour assurer que les employeurs des chercheurs améliorent les méthodes de recrutement. Il s’agit de créer un système de recrutement qui soit plus transparent, ouvert, équitable et reconnu au niveau international, en tant que condition préalable à un véritable marché européen du travail pour les chercheurs.</p>
<p>Le tirage au sort des membres du COS pourrait-il se généraliser ? La toute nouvelle ministre de l’enseignement supérieur pourrait peut-être s’emparer de cette question.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184690/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Beatrice Mabilon-Bonfils ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour lutter contre les biais de sélection pour les postes d’enseignants-chercheurs, un laboratoire de recherche vient de tester de nouvelles modalités de recrutement. Explications.Beatrice Mabilon-Bonfils, Sociologue, Directrice du laboratoire BONHEURS, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1845042022-06-12T18:43:33Z2022-06-12T18:43:33ZÉquilibre de vie, sens, éthique… Les nouvelles clés pour fidéliser les jeunes en entreprise<p>Les jeunes nés après 1995, désignés par le terme « génération Z » et portés par la 4<sup>e</sup> révolution industrielle, imposent une remise en cause des pratiques de management au sein de l’entreprise. Une des thématiques clés est le rapport à la fidélité. Alors que la fidélité et la loyauté à long terme étaient des principes propres aux générations passées (les baby-boomers et la génération X), les jeunes semblent ne plus sacraliser l’entreprise, et peuvent même la quitter sans état d’âme rapidement après leur embauche.</p>
<p>Un jeune Français sur deux <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/ntwe.12146">refuse ainsi de s’engager dans l’entreprise à long terme</a>, privilégiant le statut plus souple et flexible d’intérimaire ou de « free-lance ». De plus, si le phénomène de « slashing », qui désigne le fait de cumuler plusieurs activités professionnelles, concerne toutes les générations, il <a href="https://theconversation.com/les-jeunes-revent-ils-encore-dun-emploi-a-vie-177574">touche particulièrement les jeunes de moins de 30 ans</a> (39 % contre 19 % des plus de 60 ans), maîtrisant parfaitement le digital et vivant dans une culture de l’instantanéité.</p>
<p>Dès lors, comment repenser la question de la fidélité de la jeune génération à l’entreprise ? Pour répondre à cette question, nous avons mené une étude de cas, à paraître dans la <em>Revue de gestion des ressources humaines</em>, auprès d’une grande enseigne française de distribution d’articles de sports réputée par son attractivité auprès des jeunes.</p>
<h2>« Ils ne veulent pas un 9h-18h »</h2>
<p>L’étude de cas met en évidence l’émergence d’une nouvelle conception de la fidélité chez les jeunes, qui s’appuie sur des dimensions à la fois émotionnelle, sociale, collaborative, intrapreneuriale et éthique.</p>
<p>Tout d’abord, la dimension <strong>émotionnelle</strong> transparaît dans la recherche d’un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et de sens, bien plus que dans la recherche d’une sécurité financière. Un manager en témoigne :</p>
<blockquote>
<p>« Les jeunes veulent un équilibre, ils ne veulent pas un 9h-18h. Ils veulent leur équilibre de telle façon à se sentir le mieux possible ; il y en a qui travaillent mieux le soir, d’autres mieux le matin ».</p>
</blockquote>
<p>La dimension <strong>sociale</strong> de la fidélité repose sur le besoin d’intégration au groupe et la fierté d’appartenance à l’organisation, comme en atteste un jeune salarié :</p>
<blockquote>
<p>« Il faut être surtout disponible pour ton équipe et pas seulement pour ton employeur. La fidélité, je la vois surtout à l’équipe ».</p>
</blockquote>
<p>La dimension sociale de la fidélité s’étend à la dimension <strong>collaborative</strong>, dans le sens où les jeunes attendent de leur entreprise qu’elle leur confie des projets variés dans lesquels ils peuvent prendre des responsabilités ensemble, en équipe. Un manager précise :</p>
<blockquote>
<p>« L’atout des jeunes, c’est qu’ils osent prendre des initiatives ensemble, discuter, dire ce qui ne va pas, être beaucoup plus dans le relationnel, en ayant moins peur ».</p>
</blockquote>
<p>La dimension <strong>intrapreneuriale</strong> repose sur la possibilité non seulement de choisir son propre parcours au sein de l’entreprise, mais aussi de pouvoir en être acteur, en participant à la “vision” organisationnelle. Un jeune salarié apprécie ainsi les opportunités offertes par son employeur :</p>
<blockquote>
<p>« Il y a cette notion de parcours où tu n’es pas enfermé dans un métier. De plus, les jeunes sont acteurs et peuvent donner leur point de vue ; leurs initiatives servent la vision de l’entreprise ».</p>
</blockquote>
<p>Enfin, la dimension <strong>éthique</strong> de la fidélité est apparue encore plus clairement pendant la crise sanitaire, qui a mis en évidence un besoin très prégnant de sens, d’utilité sociale des jeunes à travers des missions dans lesquelles ils peuvent s’engager pour défendre des causes environnementales et/ou sociales.</p>
<h2>Nouvelles politiques de fidélisation</h2>
<p>Face à ces multiples ressorts de la fidélité observés chez la génération Z, les entreprises travaillent aujourd’hui sur quatre leviers principaux dans leur politique de fidélisation des jeunes : 1) le bien-être, 2) l’authenticité et l’affectivité, 3) la création et l’engagement ainsi que 4) l’utra-connexion et le partage.</p>
<p>Le premier levier, reposant sur le <strong>bien-être</strong>, peut passer par une meilleure prise en compte des préférences des jeunes en matière d’horaires de travail, en développant des politiques de <em>flexitime</em> par exemple, qui donnent aux employés la possibilité de travailler selon les heures de leur choix. Des sociétés américaines comme Microsoft ou Google sont passées à la <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/microsoft-teste-la-semaine-de-4-jours-au-japon-20191105">semaine de 4 jours</a> en 2021.</p>
<p>Le deuxième levier vise la recherche d’<strong>authenticité et d’affectivité</strong>. Ce levier repose par exemple sur le développement de la responsabilité sociétale de l’entreprise, et inclut une évolution du rôle du manager, appelé à remplacer les rôles de supervision et de contrôle par ceux d’accompagnement et de coaching, visant à accompagner et à faire « grandir » les jeunes dans l’entreprise. La mobilisation des étudiants d’AgroParisTech appelant à <a href="https://theconversation.com/agroparistech-quand-de-futurs-ingenieurs-racontent-leur-conversion-ecologique-183764">déserter l’agro-industrie</a> en pleine remise de diplôme marque un signal : nombreux sont les jeunes qui refusent de travailler dans des entreprises n’ayant pas mis en place de politique à la hauteur des enjeux environnementaux et sociaux.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1533172771836121093"}"></div></p>
<p>Le troisième levier, à savoir la <strong>création et l’engagement</strong>, appelle à encourager le sens de la création et de l’engagement des salariés, à travers des méthodes faisant appel à la co-création et à la responsabilisation (<em>empowerment</em>) des salariés, comme en témoigne le développement de l’intrapreneuriat au sein même de l’organisation. Suivant l’exemple bien connu de Google qui a autorisé très tôt ses salariés à consacrer un jour par semaine à un projet autre que celui de leur mission, la banque Société Générale a <a href="https://www.lesechos.fr/2018/05/lintrapreneuriat-linnovation-qui-peut-rapporter-gros-972102">mis à contribution ses collaborateurs</a> pour inventer « la banque de demain ».</p>
<p>Enfin, le quatrième levier, encourageant l’<strong>ultra connexion et le partage</strong>, s’appuie sur une adaptation de l’espace de travail à la fois numérique et physique. Certaines pratiques, telles que l’aménagement de l’espace de travail, ou encore la “gamification”, sont considérées comme des dispositifs permettant de renforcer la fidélité des jeunes recrues, tout en s’inscrivant dans leurs usages des technologies numériques. Par exemple, l’entreprise Welcome to the Jungle, a créé une <a href="https://www.welcometothejungle.com/fr/articles/gamification-en-entreprise-jouer-au-travail-ca-vous-tente">monnaie virtuelle le « monkey »</a> afin de valoriser le travail des collaborateurs. Le principe est simple : chaque jour, chaque membre de l’entreprise reçoit 10 monkeys qu’il doit utiliser pour récompenser ses collaborateurs.</p>
<p>Toutes ces pratiques de fidélisation sont appelées à se généraliser, au risque de se couper de la génération Z, ce qui serait d’autant plus problématique qu’elle constitue un élément moteur du renouvellement des compétences et de la transformation digitale des entreprises.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184504/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les représentants de la génération Z n’ont pas les mêmes attentes vis-à-vis de leurs employeurs que leurs aînés. En conséquence, les politiques de ressources humaines s’adaptent.Elodie Gentina, Associate professor, marketing, IÉSEG School of ManagementAurélie Leclercq-Vandelannoitte, Chercheuse, CNRS, LEM (Lille Economie Management), IÉSEG School of ManagementVéronique Pauwels, Associate Professor, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1841142022-05-31T18:59:09Z2022-05-31T18:59:09ZLe métier de diplomate aujourd’hui<p>Les diplomates du Quai d’Orsay sont en émoi. Un décret publié au <em>Journal officiel</em> le 17 avril 2022 fixe la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045592729">« mise en extinction »</a> progressive de deux corps historiques de la diplomatie française : celui des ministres plénipotentiaires et celui des conseillers des Affaires étrangères. Jusqu’ici, c’est au sein de ces deux corps qu’étaient choisis les ambassadeurs et les consuls généraux.</p>
<p>Désormais, les diplomates rejoindront un nouveau corps des administrateurs de l’État, où l’on retrouvera tous les hauts fonctionnaires. C’est la fin des <a href="https://journals.openedition.org/sociologies/2936?lang=en">diplomates de carrière</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1515617277621768192"}"></div></p>
<p>Place à l’interchangeabilité. Un directeur des services fiscaux d’un département pourra devenir ambassadeur à Lima, et un diplomate en poste à Pretoria pourra se retrouver directeur des douanes à Marseille. Or la diplomatie est un métier et ce métier exige un long apprentissage. Cette réforme fait craindre des parachutages et autres nominations politiques. La perspective d’une carrière diplomatique au long cours est compromise, voire impossible.</p>
<p>À la suite de cette annonce, un appel à la grève a été lancé par les diplomates français, pour la première fois depuis vingt ans. La nouvelle ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna aura donc à gérer, le 2 juin 2022, la fronde des agents du Quai d’Orsay, qui expliquent dans une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/05/25/reforme-du-quai-d-orsay-nous-faisons-face-a-un-risque-de-disparition-de-notre-diplomatie-professionnelle_6127641_3232.html">tribune publiée par <em>le Monde</em></a> que « c’est l’existence même du ministère qui est désormais remise en question ».</p>
<p>Sur les réseaux sociaux, c’est le hashtag <a href="https://twitter.com/search?q=%23diplo2m%C3%A9tie">#diplo2métier</a> qui porte l’idée qu’on ne s’improvise pas diplomate, un métier au contraire exceptionnel : formation, expérience, fonctions spécifiques, conditions de travail parfois difficiles…</p>
<p>Mais quelle est vraiment la nature du métier de diplomate aujourd’hui ?</p>
<h2>Des relations diplomatiques bilatérales…</h2>
<p>Tout au long du XX<sup>e</sup> siècle, la diplomatie a connu des transformations considérables. Au début, comme on le sait, la diplomatie était l’art de mener des relations bilatérales entre États comme alternative à la guerre (quand les hommes se parlent, ils ne se font pas la guerre, dit la sagesse populaire). Les diplomates appartenaient à la <a href="https://www.pur-editions.fr/product/5948/le-diplomate-en-representation-xvie-XXe-si%C3%A8cle">bonne société de leur pays</a> et, souvent, s’entendaient mieux avec leurs collègues des autres pays qu’ils ne communiquaient avec leurs compatriotes appartenant à d’autres milieux sociaux.</p>
<p>On <a href="https://ehne.fr/fr/encyclopedie/th%C3%A9matiques/relations-internationales/cultures-de-paix/diplomates-et-diplomatie">naissait diplomate en quelque sorte</a> (il y avait des traditions familiales, des filiations) et les capacités professionnelles se résumaient, le plus souvent (comme dans l’ensemble de la bourgeoisie qui assumait diverses fonctions dirigeantes à l’époque) à la culture générale, aux bonnes manières, à l’élégance vestimentaire et à la maîtrise du français, qui était la seule langue de la diplomatie.</p>
<p>La Première Guerre mondiale a provoqué la première grande révolution dans le métier de diplomate. La <a href="https://ehne.fr/fr/encyclopedie/th%C3%A9matiques/relations-internationales/pratiques-diplomatiques-contemporaines/la-conf%C3%A9rence-de-la-paix-de-1919">Conférence de la Paix en 1919 à Versailles</a> marque le début de la diplomatie multilatérale de haut niveau et le diplomate dut dès lors tout à la fois maîtriser l’anglais – les Américains ne négociaient pas en français – et une série de matières techniques comme le désarmement, les compensations financières, les transports internationaux, etc.</p>
<p>Par conséquent, le recrutement des diplomates a mis davantage l’accent sur les compétences professionnelles que sur le milieu social, suivant le processus de démocratisation général de nos sociétés. L’usage de la force pour la conduite des relations extérieures d’un pays fut sévèrement restreint, même prohibé, et la diplomatie se vit reconnaître une forme de prééminence dans les relations internationales, avec la création de la <a href="https://www.un.org/fr/about-us/history-of-the-un/predecessor">Société des Nations</a>.</p>
<h2>… aux relations diplomatiques multilatérales</h2>
<p>Le bilatéralisme céda progressivement la place au multilatéralisme et les relations multilatérales se sont déployées <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-fabrique-de-l-histoire/multilateralisme-et-politique-qu-est-ce-qui-a-change-depuis-la-sdn-4253898">dans le cadre d’organisations internationales</a> dotées de compétences générales ou spécialisées. Dans ce dernier cas, on vit apparaître des <a href="https://www.un.org/fr/observances/delegates-day">délégués auprès des organisations internationales</a>, qui n’étaient pas nécessairement des diplomates mais bien des experts détachés par leur administration.</p>
<p>Les dernières décennies du XX<sup>e</sup> siècle ont vu une transformation encore plus profonde de la diplomatie. La barrière de la souveraineté, qui protégeait les États contre les interférences dans leurs affaires intérieures, a commencé à se déliter. La diplomatie, naguère confinée aux salons et salles de réunion, s’est progressivement étendue <a href="https://www.cairn.info/revue-mondes1-2014-1-page-6.htm">aux domaines économique, culturel, universitaire</a>…</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/V89O_afNdLI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Diplomates en action – sur tous les terrains en Ukraine (ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, 30 avril 2020).</span></figcaption>
</figure>
<p>La technologie de l’information surmonte l’obstacle des distances et permet une communication rapide entre le diplomate et ses autorités. Internet <a href="https://www.cairn.info/la-guerre-de-l-information-aura-t-elle-lieu--9782100759729-page-150.htm">décuple</a> les capacités du diplomate à communiquer, tout en lui donnant la possibilité de se concentrer sur son travail principal : établir et nourrir des relations avec un vaste éventail de représentants de la société du pays où il se trouve.</p>
<p>À une époque de compétition croissante sur la scène internationale – multinationales, ONG, médias –, les diplomates se sentent parfois « assiégés ». Ont-ils encore un rôle à jouer et quel devrait être ce rôle ?</p>
<h2>La diplomatie en question</h2>
<p>Posons quelques constats : l’ambassade classique, la plus répandue, est l’<a href="https://www.cairn.info/manuel-de-diplomatie--9782724622904-page-23.htm">ambassade bilatérale</a>. Aujourd’hui encore, beaucoup de pays perçoivent leurs relations extérieures en termes bilatéraux. L’ambassadeur Bernard Destrémau <a href="https://bibliotheques.paris.fr/cinema/doc/SYRACUSE/289312/quai-d-orsay-derriere-la-facade?_lg=fr-FR">écrit à ce propos</a> : « Les relations bilatérales restent le sel historique de la diplomatie. »</p>
<p>Pour nourrir les relations bilatérales, une diplomatie publique consistante est nécessaire, interagissant avec l’administration et la société civile du pays hôte. Le travail consulaire et culturel <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/rapportfianl_sociologue.pdf">demeure largement bilatéral</a>. Même si l’accès à l’information a été bouleversé par les moyens modernes de communication et les médias, une ambassade demeure un lieu de référence pour évaluer la <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2018-2-page-23.htm">qualité d’une information</a>.</p>
<p>Même si les ministres de différents pays se voient et se téléphonent à diverses occasions, l’avis de leur ambassadeur sur un dossier spécifique est souvent apprécié. Le diplomate peut injecter une dose de réalité (le « reality check ») dans un <em>briefing</em> ministériel ; il peut dire ce qui constitue un impératif politique pour l’État avec lequel on traite et indiquer les « lignes rouges » de la négociation en cours. Bien que les décisions politiques soient arrêtées dans les capitales, l’ambassadeur peut souvent contribuer à affiner une posture, à préparer un choix.</p>
<h2>La diplomatie au défi</h2>
<p>On doit bien reconnaître que le métier de diplomate s’est adapté à l’<a href="https://www.diploweb.com/Quelles-sont-les-facettes-du-metier-de-diplomate-aujourd-hui.html">évolution du monde et des relations interpersonnelles</a>. La figure aristocratique d’antan a laissé place à celle du diplomate ouvert sur la société et à son écoute.</p>
<p>Dans son ouvrage intitulé <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ei/2010-v41-n1-ei3710/039620ar/"><em>Guerilla Diplomacy</em></a>, Daryl Copeland décrit le diplomate de terrain, qui préfère se mêler à la population du pays où il se trouve que fréquenter ses collègues dans les murs d’une ambassade ou les salons d’un club huppé. Selon le même auteur, les rencontres diplomatiques aujourd’hui se passent dans les lieux publics, marqués par l’hybridation culturelle : dans un <em>bario</em> ou dans un <em>souk</em>, dans la blogosphère, sur l’avenue principale d’une ville ou dans une hutte à proximité d’une zone de guerre. C’est une approche fondée sur l’<a href="https://www.researchgate.net/publication/341488510_Repenser_la_puissance_par_les_hybridations_culturelles_au_XXIe_si%C3%A8cle_Les_nouvelles_strategies_dynamiques_et_spheres_de_la_geopolitique_de_la_culture">hybridation culturelle</a> et le contact de terrain.</p>
<p>La réalité paraît un peu plus complexe. La figure classique du diplomate n’a pas disparu mais s’est estompée. Il y a plusieurs explications à cela, à commencer par le <a href="https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/domaine_3.pdf">processus de recrutement et de promotion</a> : ils mettent davantage l’accent sur l’adaptabilité, une plus grande interpénétration des métiers (le diplomate est appelé, tout au long de sa carrière, à s’occuper des questions commerciales, d’affaires consulaires ou d’aide au développement), une plus grande autonomie aussi. Par conséquent, la perception du métier a changé, à mesure qu’il se professionnalise. L’image du diplomate mondain et oisif est évidemment incompatible avec cette diplomatie de terrain qui est maintenant mise en exergue.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"170519407511093248"}"></div></p>
<p>Le métier requiert un dévouement de tous les instants. On oublie trop souvent les contraintes familiales, les risques physiques, les <a href="https://www.jstor.org/stable/48605514?seq=1">situations de guerre</a> (Syrie, Afghanistan, Libye) qui constituent parfois la toile de fond de la vie quotidienne du diplomate.</p>
<h2>La diplomatie en chantier</h2>
<p>Venons-en plutôt aux fondamentaux. Les diplomates acceptent-ils toujours que leur seul objectif soit de faire avancer les intérêts de leurs États ? Beaucoup s’en contentent, il est vrai. Mais certains se voient comme œuvrant et, par conséquent, représentant l’idée de paix. On constate en effet que bien que défenseur des intérêts exclusifs de son pays, le diplomate est capable de vouloir défendre aussi des intérêts universels.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/timor-oriental-une-democratie-tenace-20-ans-apres-lindependance-182729">Timor oriental : une démocratie tenace, 20 ans après l’indépendance</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Pensons, par exemple, à <a href="https://www.ohchr.org/fr/about-us/high-commissioner/past/sergio-viera-de-mello">Sergio Vieira de Mello</a>, qui accompagna le processus de paix au Timor oriental puis œuvra en Irak (où il perdit malheureusement la vie) ou encore à Richard Holbrooke, l’artisan de la paix en Bosnie, « <a href="https://www.hks.harvard.edu/publications/unquiet-american-richard-holbrooke-world">the unquiet American</a> » pour reprendre le titre d’un article qui lui fut consacré. Cette évolution de la diplomatie est heureuse : les diplomates ont pris conscience d’un universalisme qui est dans le droit fil de leur cosmopolitisme antérieur.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/1iKlMNQH-N4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Décès de Richard Holbrooke, figure de la diplomatie américaine (France 24, 14 décembre 2010).</span></figcaption>
</figure>
<p>Tentons de jeter un regard normatif. On peut épingler deux valeurs fondamentales qui constituent la trame du travail diplomatique. La première consiste à faire prévaloir la justice sur la force car la force est la mère de l’anarchie et de la violence. Le diplomate intervient par la discussion, la négociation, la patience. Pensons à <a href="https://www.humanite.fr/medias/guerre-du-vietnam/le-duc-tho-et-kissinger-nouveau-face-face-563132">Henry Kissinger et Le Duc Tho</a> durant la guerre du Vietnam ou encore à <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/peace/2008/ahtisaari/facts/">Martti Ahtisaari</a>, qui organisa la transition vers l’indépendance de la Namibie et négocia la fin des hostilités entre ce pays et ses deux voisins, l’Angola et l’Afrique du Sud.</p>
<p>L’autre valeur essentielle est celle de la diversité. Même si on peut s’accorder sur des idéaux communs en matière de fonctionnement des États (démocratie) et de respect des droits des individus, il faut aussi prendre en compte la diversité des modèles, qui reflète des contraintes spécifiques ou une histoire différente. La perception du temps et de l’espace n’est pas la même chez tous les peuples, du fait de l’influence de l’histoire et de la géographie sur la conduite de la politique étrangère. Le diplomate est celui qui est le mieux à même de pouvoir utiliser ces différences entre les nations pour enrichir les relations entre les États.</p>
<h2>La diplomatie, ou la compréhension de l’autre</h2>
<p>Beaucoup de choses ont changé dans le monde depuis l’époque où l’on a institué le métier de diplomate et créé le corps diplomatique. Mais le travail de diplomate n’a pas fondamentalement varié.</p>
<p>Le diplomate a la relation humaine pour principal terreau et la parole comme outil. Au fond, l’essence de la diplomatie, c’est la compréhension de « l’autre ». Qu’il soit partenaire commercial, adversaire stratégique ou allié idéologique, c’est toujours et chaque fois de « l’autre » dont il s’agit. Qu’il négocie, exerce des pressions, menace, qu’il échange ou qu’il fasse la guerre, l’État est toujours dans une relation à « l’autre ». L’instrument privilégié de la rencontre de « l’autre » est, sur la scène internationale, la négociation diplomatique. On a fait remarquer que la guerre se décide seul, alors que la paix, comme tout accord commercial, se négocie.</p>
<p>« L’autre », sous quelque forme qu’il se présente, est bien au cœur de la vie internationale et donc de la diplomatie. Que ce soit depuis Varsovie, Kinshasa, Tokyo ou Paris, le diplomate est celui qui a le souci de « l’autre » et qui fait le premier pas vers lui. Le monde n’en deviendra, à chaque fois, que plus humain.</p>
<p>La mise en extinction progressive de deux corps du ministère des Affaires étrangères s’inscrit donc dans ce contexte. Cette réforme, en ouvrant notamment les postes d’ambassadeurs et de consuls généraux à d’autres profils, pourrait avoir des conséquences sur le métier de diplomate, qui n’avait jusqu’ici jamais changé sa nature profonde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184114/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raoul Delcorde ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La disparition des deux corps historiques de la diplomatie française annonce-t-elle un changement radical des pratiques diplomatiques ?Raoul Delcorde, Ambassadeur honoraire de Belgique, Professeur invité UCLouvain, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1806292022-04-11T14:00:32Z2022-04-11T14:00:32ZVoici pourquoi on ne peut plus pêcher le maquereau et le hareng de printemps<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/456651/original/file-20220406-14103-qr3a8f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C1%2C962%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’annonce du ministère des Pêches et des Océans de suspendre la pêche au maquereau bleu et au hareng de printemps du sud du golfe du Saint-Laurent a fait des vagues à l’aube de l’ouverture de la saison de la pêche.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1872749/interdiction-peche-hareng-maquereau-mpo-golfe-atlantique">L’annonce de Pêches et Océans Canada</a> de suspendre la pêche commerciale au maquereau bleu et au hareng de printemps du sud du golfe du Saint-Laurent a fait des vagues à l’aube de l’ouverture de la saison de la pêche.</p>
<p>Cette décision aura des répercussions sur l’industrie des pêches à plusieurs niveaux puisque ces espèces sont pêchées non seulement à des fins commerciales, mais aussi pour servir d’appât dans les pêches au homard, au crabe des neiges ou encore au flétan de l’Atlantique. Toutefois, vu l’état précaire de la portion adulte et exploitable de ces populations, que l’on nomme le stock, la fermeture de la pêche s’avère la bonne décision.</p>
<p>Chercheurs en écologie halieutique, nous nous intéressons à la dynamique des stocks de poissons exploités commercialement. Nous expliquons ici les causes ayant mené à la suspension de la pêche au maquereau et au hareng de printemps du sud du golfe du Saint-Laurent, ainsi que ses implications pour l’industrie des pêches.</p>
<h2>Une forte mortalité chez les adultes</h2>
<p>La dernière évaluation des stocks de <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/ResDocs-DocRech/2020/2020_013-fra.html">maquereau bleu</a> et de <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/ResDocs-DocRech/2021/2021_030-fra.html">hareng de printemps du sud du golfe du Saint-Laurent</a> a révélé des taux de mortalité élevés chez les poissons adultes. On estime que malgré les fortes réductions des prises commerciales au cours des 20 dernières années, les quotas passant de 75 000 tonnes à 4 000 tonnes chez le maquereau, et de 16 500 tonnes à 500 tonnes chez le hareng de printemps, la mortalité par la pêche demeurait tout de même trop forte pour favoriser la croissance des stocks, en <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/SAR-AS/2021/2021_029-fra.html">particulier chez le maquereau</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/457154/original/file-20220408-28439-skvnfo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/457154/original/file-20220408-28439-skvnfo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457154/original/file-20220408-28439-skvnfo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457154/original/file-20220408-28439-skvnfo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457154/original/file-20220408-28439-skvnfo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457154/original/file-20220408-28439-skvnfo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457154/original/file-20220408-28439-skvnfo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457154/original/file-20220408-28439-skvnfo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La biomasse des stocks adultes de maquereau et de hareng de printemps a diminué jusqu’à atteindre des planchers records. Les données sont issues des rapports d’évaluation de stock de Pêches et Océans Canada.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Pablo Brosset)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En plus de la pression de pêche élevée, la mortalité naturelle des poissons par prédation a aussi rapidement augmenté, un <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/ResDocs-DocRech/2016/2016_065-fra.html">phénomène bien détaillé chez le hareng du sud du golfe du Saint-Laurent</a>.</p>
<p>Le <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/ResDocs-DocRech/2017/2017_052-fra.html">phoque gris</a>, aujourd’hui 16 fois plus abondant que dans les années 1960, constitue le principal prédateur du hareng.</p>
<p>Les populations de fous de Bassan de l’île Bonaventure et du Rocher aux oiseaux, d’importants consommateurs de <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/ResDocs-DocRech/2016/2016_065-fra.html">hareng</a> et de <a href="https://www.int-res.com/abstracts/meps/v587/p235-245/">maquereau</a>, <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/ResDocs-DocRech/2016/2016_065-fra.html">se situent également à des niveaux élevés</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/456655/original/file-20220406-14533-44b777.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="phoque gris sur une roche" src="https://images.theconversation.com/files/456655/original/file-20220406-14533-44b777.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/456655/original/file-20220406-14533-44b777.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/456655/original/file-20220406-14533-44b777.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/456655/original/file-20220406-14533-44b777.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/456655/original/file-20220406-14533-44b777.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/456655/original/file-20220406-14533-44b777.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/456655/original/file-20220406-14533-44b777.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le phoque gris est le plus grand prédateur du hareng.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Un autre grand prédateur responsable de la mortalité élevée du hareng adulte est le <a href="https://afspubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/mcf2.10150">thon rouge</a>, dont l’abondance a rapidement augmenté dans les eaux du golfe au cours de la dernière décennie.</p>
<h2>Des conditions néfastes pour la survie des larves</h2>
<p>En plus de la forte mortalité affectant les adultes, le déclin de l’abondance du maquereau et du hareng de printemps jusqu’aux présents planchers records s’explique par une baisse du recrutement de ces stocks.</p>
<p>Le recrutement, qui se définit comme l’arrivée d’une nouvelle cohorte annuelle au sein du stock adulte, est demeuré relativement faible depuis les années 2000 pour le hareng et depuis les années 2010 pour le maquereau. Cette réduction de la force du recrutement est fort probablement liée aux <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-020-73025-z">conditions environnementales devenues défavorables pour les larves</a>. En effet, lors des premières semaines de vie, alors que les jeunes poissons ne mesurent que quelques millimètres et subissent une forte mortalité, leur survie dépend directement du succès à s’alimenter de leurs proies principales, des crustacés microscopiques qui composent le zooplancton.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/456983/original/file-20220407-24-mhhvcl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="larves de poissons de toutes tailles" src="https://images.theconversation.com/files/456983/original/file-20220407-24-mhhvcl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/456983/original/file-20220407-24-mhhvcl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1042&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/456983/original/file-20220407-24-mhhvcl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1042&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/456983/original/file-20220407-24-mhhvcl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1042&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/456983/original/file-20220407-24-mhhvcl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1310&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/456983/original/file-20220407-24-mhhvcl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1310&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/456983/original/file-20220407-24-mhhvcl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1310&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La survie des larves de maquereau dépend de la disponibilité de leurs proies zooplanctoniques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Claude Nozères)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Or, le <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/ResDocs-DocRech/2021/2021_045-fra.html">réchauffement rapide du sud du golfe du Saint-Laurent</a> au cours des deux dernières décennies a altéré la composition, la distribution et la période de développement des organismes du zooplancton. Il en a résulté un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/fog.12272">déphasage spatial</a> et temporel entre l’émergence des larves de maquereau et de hareng de printemps et la production de leurs proies préférées. Ce décalage a affaibli le taux de survie larvaire et provoqué l’échec du recrutement, empêchant donc la reconstitution des stocks de poissons.</p>
<p>À la suite de la suspension de la pêche, le taux de rétablissement des stocks dépendra donc grandement du retour des conditions favorisant la survie larvaire et le recrutement. Les projections climatiques à court terme ne permettent malheureusement pas d’entrevoir un retour à des années plus froides, souvent caractérisées par un meilleur synchronisme des événements favorisant la survie des larves.</p>
<h2>Une pénurie d’appâts à prévoir</h2>
<p>L’impact de la fermeture de la pêche au hareng de printemps et au maquereau se répercute au-delà de la pêche commerciale dirigée sur ces deux stocks. En effet, ces espèces forment les principaux appâts dans les casiers à homard et à crabe des neiges, et sur les hameçons visant le flétan de l’Atlantique et le thon rouge. Ces pêcheries, parmi les plus lucratives du golfe, connaissent des beaux jours, ayant rapporté plus de <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/stats/commercial/land-debarq/sea-maritimes/s2020av-fra.htm">1,3 milliard de dollars aux pêcheurs du Québec et des provinces de l’Atlantique en 2020</a>.</p>
<p>La demande déjà forte en appâts se retrouve ainsi exacerbée. Les coûts supplémentaires anticipés en lien avec l’approvisionnement en appâts risquent d’accentuer <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/2022-03-31/le-prix-du-crabe-s-emballe.php">l’augmentation rapide des prix pour les ressources les plus prisées du golfe du Saint-Laurent</a>.</p>
<h2>Quelles sont les solutions ?</h2>
<p>La solution ultime à la présente crise est de poursuivre les mesures strictes de gestion des stocks de maquereau et de hareng visés par la suspension des pêches, pour préserver un nombre suffisant de reproducteurs dans l’attente de conditions environnementales favorables à leur rétablissement. Toutefois, comme ces espèces n’atteignent la taille minimale de capture permettant leur exploitation qu’à l’âge de 3 à 4 ans, on ne peut pas espérer d’effet à court terme des mesures de gestion si bien que nous devons nous armer de patience.</p>
<p>À court terme, les pêcheurs du sud du golfe du Saint-Laurent vont devoir compenser la pénurie d’appâts en s’approvisionnant en maquereau provenant de l’étranger, par exemple de l’Europe, où le stock est en meilleure santé. Les coûts directs et environnementaux de ce transport n’en font toutefois pas une solution idéale à long terme. La pêche au hareng d’automne, qui elle demeure ouverte, pourra également permettre aux pêcheurs de s’approvisionner plus tard dans la saison.</p>
<p>Finalement, une solution novatrice envisagée est l’élaboration d’appâts alternatifs, qui remplaceraient complètement le hareng et le maquereau dans les casiers à crustacés.</p>
<p>Des équipes de recherche travaillent présentement à élaborer une recette efficace pour la fabrication de tels appâts en utilisant des <a href="https://www.pecheimpact.com/appats-alternatifs-sur-une-bonne-piste-mais-encore-loin-de-la-coupe-aux-levres/">coproduits marins</a>. Les coproduits sont les matières dérivées de la transformation des produits de la mer en usine, valorisables autrement que dans l’alimentation humaine.</p>
<p>La fabrication d’appâts alternatifs est une piste de solution à envisager pour la valorisation des coproduits d’espèces comme le sébaste, dont la pêche à grande échelle devrait bientôt reprendre dans le golfe du Saint-Laurent à la suite de <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/ResDocs-DocRech/2021/2021_015-fra.html">l’augmentation rapide de ses effectifs</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180629/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Suspendre la pêche au maquereau bleu et au hareng de printemps du sud du golfe du Saint-Laurent aura des répercussions sur l’industrie des pêches à plusieurs niveaux.Dominique Robert, Professeur et Chaire de recherche du Canada en écologie halieutique, Université du Québec à Rimouski (UQAR)Pablo Brosset, Maître de conférences en biologie halieutique, Institut Agro Rennes-AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.