tag:theconversation.com,2011:/au/topics/revenu-universel-27626/articlesrevenu universel – The Conversation2022-03-20T17:51:39Ztag:theconversation.com,2011:article/1777092022-03-20T17:51:39Z2022-03-20T17:51:39ZDébat : Un salaire à vie ou un revenu universel ?<p><em>Le 27 janvier dernier, la Bibliothèque universitaire de Nanterre organisait un <a href="http://bu.parisnanterre.fr/agenda-scd/le-travail-salaire-a-vie-ou-revenu-universel-du-pareil-au-meme?id_agendaevenement=72360">débat</a> en présence de Bernard Friot, sociologue et économiste, professeur émérite à l’Université de Paris Nanterre, et Vincent Liegey, ingénieur, chercheur interdisciplinaire et spécialiste de la décroissance. Chacun y a présenté sa proposition, respectivement le Salaire à Vie et la Dotation Inconditionnelle d’Autonomie (ou une version décroissante du revenu universel).</em></p>
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<p>Le contexte de crise sanitaire, économique et sociale que nous traversons ne manque pas de poser la question de la valeur travail et de sa rémunération. Elle a porté la focale sur le fait que les métiers dits « essentiels », tels que le travail de soignants, d’éboueurs, de caissières, d’aide-ménagères, étaient particulièrement mal payés. Pour quelles raisons ? Et, par ailleurs, dans un contexte de fragmentation du travail, avec le recours à l’externalisation de certains emplois, sous-traités, voire « ubérisés », ne faut-il pas aussi se pencher sur la qualité de l’emploi ? Ces questions ouvrent celle d’un véritable droit au revenu – ou droit au salaire.</p>
<p>L’idée d’une garantie de revenu fait l’objet de nombreuses propositions depuis bien longtemps. Celle-ci était déjà évoquée dans <em>L’Utopie</em> de Thomas More au XVI<sup>e</sup> siècle. On la retrouve également dans les travaux sur la justice agraire de Thomas Paine au XVIII<sup>e</sup>. Le pamphlétaire britannique interrogeait notamment le système de propriété privée dans le contexte des <em>enclosures</em> en Angleterre qui mettaient fin au partage de certains terrains. Il proposait alors l’allocation d’un revenu minimum garanti, comme compensation pour les personnes qui en seraient exclues.</p>
<p>Plus récemment, certaines expérimentations d’un revenu versé sans conditions de ressources ont vu le jour, notamment aux États-Unis et au Canada dans les années 1970, puis à travers le monde depuis une vingtaine d’années. Dans la grande majorité des cas, ces <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/blog/peut-on-tirer-des-enseignements-de-lexperimentation-finlandaise-de-revenu-universel/">expérimentations</a> ont démontré deux éléments majeurs : d’une part, une garantie de revenu n’a pas d’impact réel en termes d’incitation à l’emploi et n’influe donc pas sur le marché du travail ; d’autre part, le véritable changement repose sur une amélioration du bien-être des individus, libérés de la contrainte économique, ce qui leur permettrait alors de se projeter plus sereinement dans l’avenir.</p>
<h2>Propositions alternatives</h2>
<p>Le débat sur un revenu universel, versé individuellement à chaque membre d’une communauté de la naissance à la mort, sans conditions, est aujourd’hui connu sous différentes appellations telles que revenu de base ou revenu d’existence. Il s’est invité sur la scène politique française à l’occasion de l’élection présidentielle de 2017, lorsque le candidat socialiste Benoît Hamon en a fait une <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/03/15/qui-beneficierait-du-revenu-universel-de-benoit-hamon_5094563_4355770.html">mesure phare de sa campagne</a>.</p>
<p>Différentes propositions de revenu universel existent aujourd’hui et se trouvent parfois diamétralement opposées sur l’échiquier politique. Elles vont des sensibilités les plus libérales, visant à « simplifier » le système de protection sociale en fusionnant le plus grand nombre d’allocations, aux versions plus « à gauche », dont les montants sont plus élevés (autour de 1 000 €). Dans le second cas, la chose serait couplée d’un revenu maximum acceptable pour lutter contre les inégalités et s’inscrirait dans une perspective post-capitaliste. La proposition de <a href="https://www.cairn.info/revue-projet-2021-6-page-78.htm">dotation inconditionnelle d’autonomie</a> émise par Vincent Liegey fait partie de ces dernières.</p>
<p>Il existe aussi en France une proposition alternative : le <a href="https://www.cairn.info/revue-l-homme-et-la-societe-2020-1-page-243.htm">salaire à vie</a>, théorisé par Bernard Friot et porté notamment par les membres du Réseau Salariat. Il vise à rattacher le salaire à la qualification personnelle et non à l’activité. Un point de comparaison pour mieux le comprendre serait celui du statut de fonctionnaire, dont la garantie de salaire s’est révélée particulièrement efficace en temps de crise. Les fonctionnaires font certainement partie des acteurs sociaux qui ont été les mieux protégés – dont le travail n’a pas été menacé – même en temps de confinement. Le salaire à vie est aussi assimilable aux statuts des retraités ou encore des intermittents du spectacle.</p>
<h2>Assumer le tragique ?</h2>
<p>Le salaire à vie, pensé dans un projet de société communiste, se veut bien distinct du revenu universel, qualifié de « roue de secours du capitalisme ». D’après Bernard Friot, cette proposition induirait la nécessité de faire reposer la sécurité économique sur l’obtention de « deux chèques » : l’un issu du travail, et l’autre issu du revenu universel. Cela reviendrait d’une certaine manière à valider socialement certaines formes de rémunération précaires dans l’emploi, voire d’endormir les volontés de revendications collectives. Les entreprises, sachant que leurs travailleurs disposent d’un revenu garanti, se sentiraient ainsi plus libres de les exploiter.</p>
<p>D’autre part, selon lui, aucun montant, même dans les versions les plus à gauche de revenu universel, n’est suffisant (le salaire à vie s’élève au minimum à 1 500€, pouvant évoluer, selon quatre niveaux de qualification, jusqu’à 6 000€). Il critique également son <a href="https://www.ofce.fr/pdf/pbrief/2016/pbrief10.pdf">mode de financement</a> qui, même en rendant l’impôt plus progressif, resterait insuffisant. Pour lui, seule une socialisation des richesses permettrait leur juste partage.</p>
<p>La rémunération à la qualification proposée pour le salaire à vie interroge cependant Vincent Liegey : qui déciderait ? Si cela doit être collectivement, cela pourrait entraîner de violentes situations dans la prise décision. Ce à quoi répond Bernard Friot qu’il s’agirait d’un jury de qualification déterminant la hiérarchie des salaires. Et d’insister sur la nécessité d’en finir avec « l’anthropologie enchantée » d’un projet de société qui supprimerait les rapports de violence : « il faut assumer le tragique de la société ».</p>
<h2>Un outil pour un changement de société</h2>
<p>C’est alors que, depuis la question du revenu, peuvent s’interroger la gouvernance et la démocratie.</p>
<p>Le système capitaliste actuel repose sur la précarité d’une part importante de la population, de même que sur une grande partie de travail aliéné, tel que les <a href="https://laviedesidees.fr/Les-emplois-inutiles.html"><em>bullshit jobs</em></a> décrits par David Graeber. L’anthropologue américain désigne avec cette expression les emplois dont les titulaires eux-mêmes considèrent qu’ils sont inutiles, pour eux comme pour la société.</p>
<p>Il s’avèrerait alors nécessaire de réintroduire des outils de démocratie directe, vectrices d’autonomie, à l’image de la Convention Citoyenne pour le Climat, qui a produit des propositions intéressantes, même si elles ont ensuite été en grande partie refusées par le politique. Le principe de subsidiarité, qui consiste à promouvoir autant que possible la décision au niveau le plus local est également une piste intéressante, comme l’ont appliqué les <a href="https://www.cairn.info/revue-ballast-2015-2-page-164.htm">zapatistes au Chiapas</a>. Ces outils permettraient de se demander « comment changer la société sans prendre le pouvoir ? »</p>
<p>La dotation inconditionnelle d’autonomie fait, dans cette lignée, partie des outils à disposition pour amorcer un changement de société. Combinée à des alternatives telles que les monnaies locales ou la gratuité de certains services, elle permettrait de repenser ce qu’est un bien commun.</p>
<p>Changer le sens du travail, repenser le partage des richesses, amorcer un changement de société… ce débat, riche en idées et réflexions entre les deux intervenants mais aussi avec la salle – comble – de la Bibliothèque de Nanterre démontrent de l’intérêt de penser les alternatives, de les mettre en débat, sur la base de théories et modes de pensée déjà initiés, en particulier dans le contexte électoral actuel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177709/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicole Teke est membre du Collectif pour un Droit au Revenu. </span></em></p>À la différence du revenu universel, le salaire à vie rattache la rémunération non pas à l’emploi mais au niveau de qualification, un peu comme dans la fonction publique.Nicole Teke, Doctorante en sociologie à l'IDHE.S Nanterre, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1482922020-10-21T20:12:44Z2020-10-21T20:12:44ZAvoir 20 ans en 2020 : quand le Covid-19 révèle les inégalités entre les jeunes<p>«C'est dur d'avoir 20 ans en 2020». Ces mots prononcés par Emmanuel Macron le 14 octobre dernier expriment une forme de compassion envers les jeunes. L'expérience du confinement puis du déconfinement, avec les mesures barrières, la distanciation sociale, la fermeture partielle des universités et les difficultés accrues à trouver un emploi évoquent en effet un climat anxiogène auquel tous seraient confrontés, devant faire face aux restrictions des sociabilités, à la précarité et à l'incertitude de l'avenir.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1316491213315493888"}"></div></p>
<p>Ce message présidentiel contraste cependant avec d'autres discours gouvernementaux, jugés parfois culpabilisants. Certains ont en effet pointé les festivités étudiantes, qui expliqueraient les «clusters» à l'université, ou adopté une approche infantilisante, présentant les jeunes comme les principaux responsables de la diffusion du virus, notamment dans le spot «choc» du ministère de la Santé.</p>
<p>Dans un cas comme dans l'autre (compassion ou stigmatisation), la crise sanitaire, économique et sociale a renforcé les préoccupations et les injonctions à l'égard des jeunes. Et les mots utilisés pour les désigner laissent entendre qu'ils formeraient une communauté de destin – on a parlé de «Génération Covid» et Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, s'est inquiété de <a href="https://www.lepoint.fr/politique/le-gouvernement-a-la-reconquete-de-la-generation-covid-13-10-2020%E2%80%932396083_20.php">ce qu'il a nommé</a> un «terreau d'une colère générationnelle».</p>
<h2>Pas une mais des jeunesses</h2>
<p>Cette lecture générationnelle tend à faire des jeunes un bloc homogène, dans lequel ils partageraient une condition et une conscience communes : d'un côté «la jeunesse», de l'autre «les adultes». Les sciences sociales, ainsi que des organisations solidaires, ont pourtant rappelé qu'il n'y a <a href="https://blogs.mediapart.fr/atd-quart-monde/blog/280818/il-ny-pas-une-jeunesse-il-y-des-jeunesses">pas une mais des jeunesses</a>.</p>
<p>Ce que nous vivons depuis mars 2020 a rappelé avec force la précarité, mais aussi et surtout les inégalités et les divisions parmi les jeunes. Le confinement a ainsi rendu visible et a décuplé les inégalités face au logement, que ce soit pour les personnes sans domicile fixe, résidant dans des foyers, des centres d'hébergement d'urgence, dans des logements insalubres ou surpeuplés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1247806128253067264"}"></div></p>
<p><a href="https://www.oecd.org/fr/education/regards-sur-education/">Les études sur l'éducation</a> ont aussi montré que cette période a eu un effet démultiplicateur des inégalités. À l'université par exemple, les étudiants d'origine populaire sont les premiers à pâtir du manque de moyens humains et matériels – qui inquiète les enseignants-chercheurs depuis de nombreuses années, tandis qu'augmente continuellement le nombre d'étudiants, et <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/09/28/nous-avons-besoin-d-etablissements-universitaires-a-taille-humaine-structures-en-petites-entites-autonomes_6053845_3232.html">empêche</a> de les accueillir sur place dans de bonnes conditions. À défaut, ces jeunes ont souvent dû suivre des enseignements à distance, alors qu'ils n'ont pas toujours le matériel informatique adapté ou, quand ils l'ont, ne le maîtrisent pas forcément.</p>
<p>À ce sujet, ce que l'on appelle communément la «fracture numérique» ne concerne pas que les inégalités d'accès – sur lesquelles les pouvoirs publics ont tendance à insister, focalisant l'attention notamment sur la généralisation de la couverture Internet des territoires ruraux –, mais aussi les <a href="https://fabiengranjon.eu/wp-content/uploads/2018/12/COMMU_088_0067.pdf">inégalités d'usages</a>: il ne suffit pas d'avoir un téléphone portable ou un ordinateur pour savoir manier les multiples modalités des plates-formes de visioconférence qui ont imprégné l'enseignement supérieur, ou pour être à l'aise avec sa boite mail. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sommes-nous-egaux-face-aux-ecrans-en-periode-de-confinement-136130">Sommes-nous égaux face aux écrans en période de confinement ?</a>
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<p>Ces jeunes appartiennent au pôle «populaire», majoritaires en leur sein – les classes populaires formant à elles seules presque la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3676623?sommaire=3696937">moitié</a> de la population active selon l'Insee, soit 20,3% d'ouvriers et 27,4% d'employés –, et vivent aussi bien dans des «cités» que dans des mondes ruraux ou des zones périurbaines.</p>
<p>Ce pôle contraste nettement avec celui des jeunes des classes supérieures. Certes, ces derniers pâtissent eux aussi de la <a href="https://news.un.org/fr/story/2020/05/1069622">saturation</a> du marché de l'emploi en temps de Covid-19; mais ils restent les mieux armés pour y faire face. Formés pour la plupart dans les meilleurs établissements du supérieur, ce sont les plus à même de remplir et présenter efficacement leur CV, faciliter les rencontres ou encore mener des engagements associatifs et bénévoles qui leur permettent d'accroître leur réseau de relations, en <a href="https://injep.fr/publication/sengager-pour-trouver-un-emploi/">partie hérité</a> de la famille.</p>
<h2>Une catégorie manipulable</h2>
<p>Ces divisions rappellent que, comme toute catégorie, la «jeunesse» est une catégorie manipulable, notamment par les responsables publics. Ceux-ci ont le pouvoir de désigner des populations et de les nommer, de leur attribuer des comportements et des attributs, bref, de construire des représentations sociales de «la jeunesse».</p>
<p>Ainsi en va-t-il de l'image de jeunes diplômés, informés, mobiles, ouverts sur l'international et hyperconnectés, ayant un désir de réalisation de soi au travail qui les inclinerait à ne pas vouloir le réaliser dans une même entreprise, un même métier et un même emploi toute leur vie. Cette image est incarnée par ce que l'on a appelé la <a href="https://cdn.reseau-canope.fr/archivage/valid/N-8646-12502.pdf">«génération «Y»</a>, rassemblant les personnes nées entre 1982 et 1995 au moment de la «révolution technologique», précédant la «Génération Z» regroupant celles nées dans les années 1990.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/precarite-etudiante-de-la-difficulte-dune-evaluation-126872">Précarité étudiante : de la difficulté d’une évaluation</a>
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<p>Cette image de la «jeunesse», radicalement éloignée de son pôle populaire, est réductrice et ne peut que concerner qu'une petite minorité des jeunes. Il n'en va pas moins qu'elle converge avec les décennies de flexibilisation du travail et de l'emploi, ainsi que de valorisation de l'«esprit d'entreprendre», <a href="https://editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Business_Model-9782348042706.html">y compris dans l'enseignement supérieur</a>. Cela d'autant plus qu'à l'opposé de cette image du jeune travailleur mobile et flexible, les <a href="https://www.cgt.fr/sites/default/files/2020-06/synthese_rapport%20Ires%20Mai%202020_0.pdf">conditions d'accès</a> à l'assurance chômage se durcissent et que le quinquennat actuel continue d'alimenter les <a href="https://www.cairn.info/revue-pensee-plurielle-2019-2-page-129.htm">représentations stigmatisantes</a> à l'égard des chômeurs, que ce soit par l'invitation à «traverser la rue pour trouver du travail» selon la formule du président ou par le renforcement des modalités de contrôle, de repérage et de sanction des «fraudes» et des «abus».</p>
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<figcaption><span class="caption">2020 : la jeunesse impossible ? (France Culture, 25 septembre 2020).</span></figcaption>
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<p>Alors que le contexte actuel met en lumière la précarité et les inégalités parmi les jeunes, il importerait avant tout de leur donner les moyens de leur «insertion» et de leur «intégration». La France se distingue de nombreux pays européens en matière de protection sociale pour cette population. Le Revenu de solidarité active (RSA) ne peut être perçu par les moins de 25 ans qu'à des conditions très restreintes ; et ce ne sont pas les aides «exceptionnelles», comme celle mise en place le 14 octobre pour les familles bénéficiaires du RSA (de 100 € à 150€ supplémentaires durant six semaines) ou celle, envisagée, dédiée aux étudiants, qui permettront d'agir sur les causes structurelles de la pauvreté.</p>
<p>L'exemple de la Garantie Jeunes a montré combien la perception d'une allocation mensuelle <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2019-2-page-79.htm">s'avère essentielle</a> pour les jeunes qui ne peuvent s'appuyer sur des ressources financières familiales. Mais ils ne sont que 57 800 à la toucher en décembre 2017 (sur 75 000 à bénéficier du dispositif), soit <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/22-8.pdf">moins de 1% des 16-25 ans</a>…</p>
<p>Tandis qu'Emmanuel Macron a appelé, pour construire le «monde d'après», à «tirer les leçons du moment que nous traversons» et à prendre des «décisions de rupture», ne serait-il pas temps de considérer sérieusement la possibilité d'assurer aux jeunes au moins des <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/09/05/les-jeunes-representent-un-angle-mort-de-l-etat-providence--francais_6051065_3232.html">minima sociaux</a>, ou un <a href="https://www.liberation.fr/france/2020/05/21/le-revenu-universel-panacee-du-monde-d-apres_1789068">revenu universel</a> à un niveau décent ? Il s'agit aussi de rompre avec la lutte contre un supposé «assistanat» de la part des destinataires des politiques d'emploi et d'insertion, dont nombre de jeunes font ou feront bientôt partie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/148292/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Roux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ce que nous vivons depuis mars 2020 a rappelé avec force la précarité, mais aussi et surtout les inégalités et les divisions parmi les jeunes.Nicolas Roux, Maître de conférences en sociologie, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1445172020-08-19T18:33:19Z2020-08-19T18:33:19ZDe Kuczynski à Piketty, que reste-t-il de l’histoire de l’économie de l’Allemagne de l’Est ?<p>La figure de l’économiste Karl Marx était omniprésente en République démocratique allemande (RDA). De l’allée portant son nom et où défilaient les chars à Berlin-Est à la ville de Chemnitz rebaptisée Karl-Marx-Stadt, les autorités est-allemandes inscrivirent dans leur espace public la figure tutélaire du fondateur du communisme, rappelant par là qu’il était avant tout un Allemand.</p>
<p>Mais avec la Karl-Marx-Universität de Leipzig, les chaires d’économie marxiste et son effigie sur le billet de 100 marks – <a href="https://www.welt.de/finanzen/article143304973/Warum-die-DDR-nie-die-grossen-Geldscheine-herausgab.html">plus grande valeur en circulation</a> en RDA, les billets de 200 et 500 marks servant uniquement de monnaie de réserve –, Marx retrouvait aussi sa nature première, celle d’un intellectuel qui voulait transformer le modèle économique.</p>
<p>En deçà des affrontements de puissance, militaire et politique, entre les deux blocs, l’économie a été une source de scission incommensurable de la guerre froide, car elle opposait un système économique planifié et rigide, reposant sur les directives d’un État autoritaire, à une économie de marché, plus ou moins encadrée par des démocraties libérales.</p>
<p>Les aspirations à la liberté des populations est-allemandes n’étaient pas seulement liées au manque de moyens d’expression et à l’absence de démocratie représentative, elles étaient aussi le reflet d’un système économique à bout de souffle.</p>
<p>Dans les années 1980, le billet de 100 marks est-allemands, orné la figure paternelle de Marx, était largement suffisant pour payer un <a href="http://library.fes.de/fulltext/fo-wirtschaft/00343002.htm">mois de loyer, charges comprises</a>, dans un logement neuf et pour toute une famille. Mais il restait très insuffisant pour acheter une <a href="https://www.ddr-museum.de/de/blog/archive/7353315-steht-fuer-sie-esel-der-schul-taschenrechner-sr1">calculatrice électronique SR1 (Schul-Rechner 1)</a>, même à un prix subventionné pour les écoliers, c’est-à-dire sept fois inférieur à son prix réel. Les retards technologiques à l’Est dans les années 1980 accentuèrent le fossé entre les deux blocs et contribuèrent à la chute du mur de Berlin et à l’effondrement du communisme en Europe.</p>
<p>Comment prendre au sérieux les théoriciens d’une économie qui ne savait pas satisfaire aux besoins de sa population ?</p>
<h2>Affrontement idéologique</h2>
<p>La théorie de l’économie, comme le reste de la société est-allemande, était imprégnée d’une doxa marxiste, d’autant plus qu’elle devait perpétuer l’œuvre du père fondateur.</p>
<p>Penser l’économie c’était penser dans une logique d’affrontement idéologique pour discréditer le modèle occidental. Celui-ci était qualifié de Staatsmonopolkapitalismus, de capitalisme monopoliste d’État, variation remodelée de la théorie de la centralisation du capital de Marx au XIX<sup>e</sup> siècle. Pour justifier leurs choix – parfois aberrants –, les dirigeants politiques firent donc appel à l’histoire de l’économie, discipline universitaire prospère en RDA, car elle invoquait Marx.</p>
<p>Plus que la science économique elle-même, l’histoire de l’économie était la seule à même de justifier, par une dialectique économico-téléologique – c’est-à-dire reposant sur l’idée de finalité – la nécessité historique de l’existence d’un État « <a href="http://ghdi.ghi-dc.org/sub_document.cfm?document_id=80&language=english">socialiste, ouvrier et paysan</a> » en Allemagne de l’Est.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/353144/original/file-20200817-22-1hfnden.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/353144/original/file-20200817-22-1hfnden.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=714&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/353144/original/file-20200817-22-1hfnden.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=714&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/353144/original/file-20200817-22-1hfnden.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=714&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/353144/original/file-20200817-22-1hfnden.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=897&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/353144/original/file-20200817-22-1hfnden.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=897&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/353144/original/file-20200817-22-1hfnden.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=897&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’économiste Jürgen Kuczynski en 1997.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:J%C3%BCrgen_Kuczynski_(1997)_by_Guenter_Prust.jpg">Günter Prust</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>L’émergence de cette science universitaire est intimement liée à la personnalité de l’intellectuel issu d’une famille bourgeoise Jürgen Kuczynski, lointain parent de l’ancien président péruvien Pedro Pablo Kuczynski et fondateur de la discipline à l’université Humboldt, puis à l’académie des sciences de RDA.</p>
<p>Celui-ci a publié entre 1960 et 1972 une monumentale « <a href="https://ideas.repec.org/a/zbw/espost/123049.html">Histoire de la condition ouvrière sous le capitalisme</a> » (« Geschichte der Lage der Arbeiter unter dem Kapitalismus ») en quarante volumes, dans lesquels il propose des séries annuelles homogènes de salaires ouvriers moyens dans tous les pays occidentaux depuis le début du XIX<sup>e</sup> siècle. Avec un tel titre, il serait certes facile d’y lire une histoire ouvriériste politisée et idéologique destinée à affirmer la doctrine communiste, mais son contenu méthodique y est plus nuancé.</p>
<h2>Les indices de Kuczynski, source incontournable</h2>
<p>Les études sur les écarts de richesses sont un topos de l’histoire de l’économie marxisante, elles permettent d’étudier la « classe ouvrière » dont la conscience de classe reposerait sur l’exploitation économique dont elle est victime.</p>
<p>Si l’économiste français Thomas Piketty est connu pour ses positions économiques interventionnistes, marquées à gauche, et <a href="https://www.challenges.fr/economie/piketty-meda-saez-dix-economistes-en-faveur-du-revenu-universel-de-hamon_450232">son soutien</a> à la proposition du candidat à l’élection présidentielle de 2017 Benoît Hamon de créer un « revenu universel », il n’en est pas pour autant un économiste marxiste.</p>
<p>Dans son best-seller « <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/le-capital-au-XXIe-siecle-thomas-piketty/9782021082289">Le capital au XXIe siècle</a> » il affirme néanmoins que « les indices de Kuczynski constituent une source historique incontournable ». Déjà dans un précédent ouvrage « <a href="https://www.grasset.fr/livres/les-hauts-revenus-en-france-au-XXeme-siecle-ned-9782246855316">Les hauts revenus en France au XXᵉ siècle. Inégalités et redistributions, 1901-1998</a> », paru chez Grasset en 2001, Piketty étudiait, comme le faisait Kuczynski, les inégalités de revenus par le biais statistique des sources fiscales.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’économiste Thomas Piketty présente son ouvrage Le capital au XXIe siècle.</span></figcaption>
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<p>Piketty y démontre que les inégalités salariales sont restées très stables en France à l’échelle du XX<sup>e</sup> siècle, mais que l’accumulation du capital depuis 1945 a conduit à une nouvelle concentration des revenus. Ses travaux, s’ils peuvent être débattus, n’en sont pas moins d’une rigueur méthodologique dans l’analyse et dans la documentation, qu’il prend toujours soin d’expliquer.</p>
<p>L’objectif de Piketty n’est donc pas de valider ou d’infirmer les thèses de Kuczynski, mais de comprendre et d’utiliser sa méthode, celle de ses indices des salaires ouvriers qui « figurent parmi les plus approfondis » en la matière. Plus encore, il rappelle qu’avant lui, d’autres économistes ont utilisé ces chiffres, les ont mis en perspective et les ont validés.</p>
<p>Ainsi, Jean Lhomme, fondateur de la Revue économique, ou Alain Bayet, secrétaire général de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), reproduisirent-ils les tableaux indiciaires de l’économiste est-allemand dans leurs ouvrages, en les amendant parfois, mais en les tenant pour sérieux.</p>
<h2>Des recherches orientées mais précises</h2>
<p>Jürgen Kuczynski était certes un marxiste et un communiste convaincu, dont les convictions influèrent parfois sur ses conclusions, mais il était également un intellectuel et un universitaire laborieux et précis dans ses recherches.</p>
<p>Il est devenu rare aujourd’hui de lire des ouvrages économiques qui citent des économistes est-allemands. Pourtant ceux-ci constituèrent de facto une véritable « école » universitaire en RDA, relativement autonome du système étatique, même si elle semble aujourd’hui à la fois datée et très politique dans son analyse du système économique capitaliste. Une fois débarrassé de son jargon dialectique, il demeure, par certains aspects, une méthode d’analyse scientifique pertinente.</p>
<p>Les indices de prix à la consommation pour la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle et pour le XIX<sup>e</sup> siècle se fondaient sur des relevés de prix très peu systématiques et portaient sur un nombre restreint d’articles de consommation. Jürgen Kuczynski, par ses travaux, a tenté d’apporter une amélioration des indices « officiels » en calculant ses propres indices à partir de ses propres relevés de prix. Il a ainsi créé un outil d’analyse plus fin pour l’étude des inégalités sociales sur le temps long.</p>
<p>Néanmoins, la brillante carrière de ces universitaires, reconnus parfois même au sein du monde occidental, fut associée – parfois à raison – à l’omniprésence de la Stasi (service de police politique, de renseignements, d’espionnage et de contre-espionnage de la RDA) et à la bienveillance de la dictature communiste et ne survécut pas à la disparition de la RDA.</p>
<p>Les derniers instituts de recherche furent dissouts au début des années 1990 et nombre de leurs membres furent congédiés, relégués à la confidentialité voire à l’anonymat. Comme l’économie marxiste, les théoriciens de l’économie d’Allemagne de l’Est tombèrent dans l’oubli, du passé il fallait faire table rase.</p>
<hr>
<p>Cet article a été rédigé dans le cadre d’un doctorat sous la direction d’<a href="https://sirice.eu/membre/helene-miard-delacroix">Hélène Miard-Delacroix</a>, à Sorbonne Université (Sirice) et à l’Université de la Sarre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144517/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paul MAURICE est chercheur au Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l'Ifri (Institut français des relations internationales). </span></em></p>Bien qu’empreints d’un jargon idéologique, les travaux de l’« école » d’histoire de l’économie en RDA reposent sur méthode parfois pertinente à même d’être utilisée par les économistes du XXIe siècle.Paul Maurice, Chercheur au comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l’Ifri, doctorant associé à l’UMR Sirice (Sorbonne,Identités, relations internationales et civilisations de l’Europe), Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1408342020-06-25T18:14:44Z2020-06-25T18:14:44ZTogo : Novissi, un programme de revenu universel de solidarité et un modèle pour l’Afrique<p>Lancé en avril 2020 par le gouvernement togolais, le <a href="https://novissi.gouv.tg/">programme Novissi</a> (un terme qui signifie solidarité en éwé, la langue majoritaire dans le sud du pays) assure un transfert monétaire direct aux ménages ayant perdu tout ou partie de leurs revenus à cause de l’impact de la pandémie du Covid-19.</p>
<p>Ce programme, dont le caractère innovant a été <a href="https://l-frii.com/togo-programme-novissi-2-laureats-du-prix-nobel-saluent-linitiative/">salué par les prix Nobel d’économie 2019 Abhijit Banerjee et Esther Duflo</a>, vise à répondre à un certain nombre de défis auxquels sont confrontés la plupart des pays en développement, notamment en Afrique.</p>
<h2>Une innovation majeure sur le continent africain</h2>
<p>Deux caractéristiques majeures distinguent cette initiative.</p>
<p>D’abord, la stratégie d’identification et de ciblage des populations visées : l’inscription s’effectue tout simplement via une plate-forme accessible par téléphone mobile. Cette inscription se fait sur la base d’informations contenues dans la carte d’électeur (autrement dit, le programme est accessible à toutes les personnes majeures de nationalité togolaise), et permet à l’administration d’avoir une première idée du secteur d’activité dans lequel évolue le candidat au programme.</p>
<p>En outre, la rapidité fait aussi la simplicité du processus. En effet, le croisement de deux bases de données, celle des titulaires d’un abonnement de téléphonie mobile et celle du fichier électoral, permet de dispenser les candidats de fournir tout document administratif en format papier, simplifiant grandement la procédure d’accès aux plus vulnérables.</p>
<p>La procédure de paiement contourne la contrainte du faible taux de bancarisation : même si le Togo présente le taux de bancarisation strict le <a href="https://www.togofirst.com/fr/gouvernance-economique/2210-4194-le-togo-affiche-le-plus-haut-taux-de-bancarisation-de-luemoa">plus élevé de l’espace UEMOA (26,8 %)</a>, ce taux reste relativement faible comparé aux autres économies émergentes. Avec Novissi, dès qu’un candidat est éligible, il reçoit son paiement directement sur son porte-monnaie électronique sans aucun coût de transaction.</p>
<p>Les modalités de paiement ont été définies suivant un barème mensuel de 12 500 francs CFA (environ 20 euros) pour les commerçantes, 10 500 francs CFA (environ 16 euros) pour les commerçants et 10 000 francs CFA pour les conducteurs de taxi (environ 15 euros). Le montant supérieur alloué aux femmes pourrait s’expliquer par le fait qu’en Afrique, <a href="https://www.uneca.org/sites/default/files/PublicationFiles/eca_covid_report_en_24apr_web1.pdf#page=17">75 % des femmes sont employées dans le secteur informel</a> (contre 60 % pour les hommes) mais aussi par l’objectif d’autonomiser davantage les femmes.</p>
<p>Depuis le lancement du programme, 1 378 381 personnes se sont inscrites et 566 567 personnes ont reçu des transferts monétaires (dont une majorité de femmes, à savoir 370 422 contre 196 145 hommes). Les inscrits au programme et les bénéficiaires représentent respectivement 17,4 % et 7,1 % de la population togolaise. Ainsi, deux mois après son lancement, Novissi a versé un peu plus de 11,3 milliards de francs CFA (environ 17,25 millions d’euros).</p>
<p>Les éléments d’innovation introduits dans le cadre de son opérationnalisation font de Novissi un programme qui peut servir de base à une redéfinition des politiques économiques dans les économies en développement.</p>
<h2>Le ciblage des subventions publiques</h2>
<p>L’objectif de toute politique économique est de toucher le plus précisément possible les agents ciblés afin de leur insuffler les bonnes incitations. Plusieurs domaines de la politique publique pourraient s’inspirer de la méthode Novissi. Nous en évoquerons deux : la question des subventions et celle relative aux minima sociaux dans le contexte des pays en développement.</p>
<p>La subvention est une mesure budgétaire visant à encourager une activité, à apporter davantage d’équité dans un secteur ou à corriger certaines imperfections du marché. Dans ce cadre, le « first best » – c’est-à-dire une politique publique qui soit mieux orientée vers la population cible – en politique économique consisterait à effectuer un transfert monétaire directement et de façon individuelle aux agents concernés ; mais face à la difficulté de cette tâche souvent impossible, le décideur opte souvent pour le « second best » voire « third best ».</p>
<p>Si l’on prend l’exemple des subventions dans le secteur de l’énergie en Afrique, à défaut de pouvoir alléger les prix uniquement pour les couches les plus pauvres, la subvention est appliquée sur le kilowatt-heure sans discrimination possible suivant le niveau de revenu des ménages. En Afrique subsaharienne, les <a href="https://www.imf.org/en/Publications/WP/Issues/2019/05/02/Global-Fossil-Fuel-Subsidies-Remain-Large-An-Update-Based-on-Country-Level-Estimates-46509">subventions sur le prix de l’électricité représentent environ</a> 2 % du total mondial (qui est d’environ 104 milliards de dollars en 2015) ce qui est équivalent à 5,5 % des recettes publiques et occupe 1,5 % du PIB de la sous-région.</p>
<p>Le faible niveau d’efficience de ces subventions dans le secteur de l’énergie fait quasiment unanimité dans la littérature (<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301421519301491">Breisinger et coll. 2019</a> ; <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2211467X12000399">Fattouh et El Katiri, 2013</a> ; <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921800916303494">Sovacool, 2017</a>. Dans les économies à revenu faible et intermédiaire, les 20 % les plus riches ont tiré des subventions des gains six fois supérieurs aux 20 % les plus pauvres <a href="https://www.imf.org/external/pubs/ft/wp/2015/wp15250.pdf">selon un document du FMI</a>. En plus d’un déficit quasi budgétaire dans le secteur de l’énergie de 1,4 %, ces subventions n’ont pas réellement permis d’augmenter substantiellement la consommation d’électricité dans la région, où elle reste à environ 485 kWh par habitant (contre 6021 kWh dans l’Union européenne) <a href="https://data.worldbank.org/indicator/EG.USE.ELEC.KH.PC">selon la Banque mondiale</a>.</p>
<p>Malgré les nombreux <a href="https://www.imf.org/en/News/Articles/2015/09/28/04/53/soint032713a">appels à réformer</a> les politiques de subvention pour améliorer leur ciblage et contenir leur impact sur les budgets des États, les avancées restent minces.</p>
<h2>Les pistes à explorer pour les autres pays d’Afrique subsaharienne</h2>
<p>Le mécanisme Novissi peut aider à formuler une meilleure politique des subventions dans les économies d’Afrique subsaharienne à plusieurs niveaux :</p>
<ul>
<li><p>La forte pénétration de la téléphonie mobile rend le digital opportun : en <a href="https://data.worldbank.org/indicator/IT.CEL.SETS.P2?locations=ZG-EU">Afrique subsaharienne, 82,3 % des habitants possèdent un abonnement mobile</a>. Dès lors, l’outil digital peut être utilisé pour permettre à l’État de disposer assez rapidement d’une base de données sur la nature des activités et les niveaux de revenus des ménages les plus pauvres ou évoluant dans l’informel.</p></li>
<li><p>À la suite de cette inscription, une première vérification pourra se faire à travers le croisement des informations collectées avec les fichiers électoraux et/ou ceux de l’identification nationale des citoyens. Ce qui permet de vérifier les identités et la véracité des informations fournies afin de limiter les abus.</p></li>
<li><p>Sur le continent, le paiement des factures et la recharge des crédits électricité s’effectuent de plus en plus à travers la <a href="http://www.tanesco.co.tz/index.php/customer-service/luku-recharge/m-pesa">téléphonie mobile</a>. Quand cela est disponible, la possibilité de payer les factures par monnaie électronique permet à l’administration d’obtenir des données sur l’historique des niveaux de consommation d’électricité. Elle permet aussi d’effectuer facilement le paiement des subventions aux ayants droit sur leur porte-monnaie électronique ou de recharger directement leur crédit d’électricité.</p></li>
</ul>
<p>L’outil digital apparaît alors comme un instrument voire un allié indispensable dans la formulation de politiques économiques et sociales efficientes, comme évoqué par le président togolais dans une <a href="https://www.ft.com/content/adc604f6-7999-11ea-bd25-7fd923850377">récente tribune parue dans le <em>Financial Times</em></a>.</p>
<p>Le « first best » serait désormais possible en contournant la bureaucratie grâce à un médium digital. Ce médium, avec le développement des banques sur téléphone mobile, permet également de surmonter les niveaux de bancarisation relativement faibles dans la région Afrique subsaharienne.</p>
<p>En clair, le mécanisme Novissi peut aussi servir de maquette quand au développement de la protection sociale. Des efforts importants sont consentis par les pays africains en matière de financement des filets sociaux : en moyenne près de <a href="https://openknowledge.worldbank.org/bitstream/handle/10986/29789/211164ovFR.pdf">1,2 % du PIB</a> y sont consacrés. Cependant, un <a href="https://blogs.worldbank.org/fr/africacan/etendre-lassurance-sociale-au-secteur-informel-une-planche-de-salut-pour-des-millions">nombre important de ménages demeurent sans couverture sociale</a> en Afrique.</p>
<p>Ce segment est composé d’une part des ménages évoluant dans l’informel dont l’épargne de précaution ne permet de couvrir que quelques semaines. D’autre part, il y a les autres ménages évoluant dans l’informel, moins vulnérables, qui disposent à la fois d’une épargne de précaution et d’une épargne de long terme. Pour relever le défi de la couverture sociale pour les populations cibles, la téléphonie mobile permettra d’étendre substantiellement la couverture desdits registres sociaux dans les pays du continent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140834/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mouhamadou Moustapha LY ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le programme de revenu universel de solidarité (Novissi) du Togo peut servir de modèle à beaucoup de pays africains. Voici pourquoi ils devraient l’adopter.Mouhamadou Moustapha LY, Maître de conférences en économie, Université Mohammed VI PolytechniqueLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1378212020-05-24T17:04:42Z2020-05-24T17:04:42ZÉtats-Unis : l’impact de la pandémie sur la bataille des idées<p>Le Covid-19 a frappé l’Amérique au moment où le candidat centriste Joe Biden devenait de facto le candidat investi par le parti démocrate, après que les autres modérés eurent abandonné la course et se furent désistés en sa faveur. Les plus à gauche ont attendu avant de se rallier (Bernie Sanders, puis Elizabeth Warren) mais la pertinence de leurs propositions est rendue évidente par la crise sanitaire (mal gérée par l’administration Trump) doublée d’une crise économique qui se solde déjà par 30 millions de chômeurs. Dans la bataille des idées, le rôle d’un État fédéral protecteur, compétent et responsable (défendu par les Démocrates) et la nécessité d’une couverture médicale universelle, quelle que soit sa forme, sont les grands gagnants. Sans oublier l’idée encore minoritaire d’un revenu minimal défendue par l’entrepreneur et éphémère candidat aux primaires démocrates <a href="https://www.wired.co.uk/article/can-universal-basic-income-fix-the-coronavirus-crisis">Andrew Yang</a>.</p>
<p>Sur le rôle de l’État, le credo étatsunien était, avant le Covid-19, la liberté (au détriment de l’égalité) et une dérive accentuée par Donald Trump vers toujours plus de néo-libéralisme et moins d’impôts. Mais en quelques semaines de mars-avril 2020, plusieurs plans de soutien sont votés dans l’urgence par le Congrès pour un total de 4 000 milliards de dollars. Au pays du « tout marché », ils prévoient des aides versées aux individus : 1 200 dollars, plus 500 dollars par enfant, pour les personnes gagnant moins de 75 000 dollars par an et l’extension/augmentation des allocations chômage (600 dollars par semaine au-delà des montants prévus). La loi <a href="https://www.congress.gov/bill/116th-congress/senate-bill/3548/text?q=product+update">Cares (coronavirus Aid, Relief, and Economic Security Act)</a> met aussi en place des prêts aux petites entreprises garantis par l’État, classiques dans une social-démocratie mais contraires à la culture anti-État qui prédomine aux États-Unis depuis cinquante ans.</p>
<h2>Le retour en force de l’État</h2>
<p>La réaction contre « les dérives » d’un État devenu providence durant le New Deal peut être datée de 1964 quand le parti républicain investit le sénateur de l’Arizona Barry Goldwater, qui faisait campagne pour l’équilibre budgétaire, la réduction des dépenses fédérales et, donc, des programmes sociaux de l’État-providence. Puis il y eut Ronald Reagan – qui dans son discours sur l’état de l’Union le 21 janvier 1981, désigna l’État comme l’ennemi public et la cause de toutes les difficultés de l’Amérique – et, plus récemment, l’émergence du Tea Party en 2010 en réaction à l’élection du premier président noir et au plan de relance de 2008-2009.</p>
<p>Il est vrai que le credo d’un État fédéral au rôle réduit avait été profondément remis en cause par l’adoption de plans de relance représentant 3 % du PNB et la quasi-nationalisation de General Motors et des grandes banques. Donald Trump n’eut alors qu’à faire campagne en 2016 contre les élites et l’État « pourri », inutile et dispendieux ; dès 2018, il supprimait le poste de coordinateur en charge de la lutte contre les maladies infectieuses au sein du Conseil national de sécurité, avant de minimiser l’impact de la pandémie de Covid-19 et de retarder l’intervention de l’État fédéral et la mise en œuvre des mesures d’urgence, pour des raisons électoralistes.</p>
<p>Chaque année depuis 2017, ses projets de budget ont inclus une baisse des crédits destinés aux différentes agences et administrations fédérales, en particulier l’administration en charge des situations d’urgence (FEMA) et le centre de contrôle des maladies (CDC), au cœur de la crise sanitaire actuelle. C’était à nouveau le cas pour le budget FEMA prévu pour 2021, alors que les sommes sont destinées à financer les collectivités locales et les États confrontés à des urgences climatiques ou sanitaires. Quant au budget du CDC, le président se proposait de le réduire de 16 % le 10 février, soit 11 jours après que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) eut déclaré la pandémie.</p>
<p>Puis le POTUS a soudain découvert « l’utilité » des deux institutions et a signé des textes, négociés et adoptés par les deux partis au Congrès sans aucune aide de sa part, qui attribuent des centaines de milliers de dollars à ces institutions. Les libertariens étaient furieux, estimant qu’avec le vote des quatre plans de soutien à la santé et l’économie (pour un montant total équivalant à 10 % du PNB), les États-Unis étaient devenus un État « socialiste ». Mais les élus de tous bords avaient pris conscience de l’urgence, et l’hostilité anti-État de Donald Trump s’évanouit quand il comprit tout l’intérêt politique de la distribution à de larges pans de la population de chèques de 1 200 dollars sur lesquels figure son nom, en violation de toutes les normes et traditions.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1251148929971793921"}"></div></p>
<p>Mise à part la « redécouverte » du rôle essentiel de l’État, l’irruption de la pandémie du coronavirus durant la présidence Trump a révélé au grand jour l’échec du modèle économique étatsunien, dépourvu de tout filet social, et la <a href="https://www.vox.com/2020/4/9/21210353/coronavirus-health-insurance-biden-sanders-medicare-for-all">nécessité d’une assurance médicale universelle</a>, désormais reconnue par une majorité du corps médical et des soignants.</p>
<h2>Des millions de citoyens dépourvus d’assurance médicale</h2>
<p>Le système de santé aux États-Unis est cher, peu efficace, et il laisse 27,5 millions de personnes sans couverture médicale, malgré l’adoption de la loi santé du président Obama (ou Obamacare) en 2010. <a href="http://www.oecd.org/health/health-systems/health-at-a-glance-19991312.htm">Dans les classements de l’OCDE</a>, les États-Unis sont passés du 6<sup>e</sup> rang en 1990 au 27<sup>e</sup> en 2019 alors que les sommes dépensées par tête (10 600 dollars) sont supérieures aux autres pays de l’OCDE ayant un système de santé de qualité similaire : 7 300 dollars en Suisse et 5 300 dollars en moyenne pour les pays de l’OCDE hors États-Unis.</p>
<p>Aux millions d’individus dépourvus de sécurité sociale (au sens français) se sont ajoutés ceux qui ont <a href="https://www.washingtonpost.com/health/first-the-coronavirus-pandemic-took-their-jobs-then-it-wiped-out-their-health-insurance/2020/04/18/1c2cb5bc-7d7c-11ea-8013-1b6da0e4a2b7_story.html">perdu leur assurance</a> en 2018 et 2019 du fait du démantèlement des mécanismes protecteurs de l’Obamacare et du refus des législatures des États à majorité républicaine d’adhérer au volet Medicaid pour les défavorisés prévu par la loi. Puis, en six semaines de mi-mars à fin avril, 30 millions de personnes se sont inscrites au chômage, beaucoup perdant ipso facto leur couverture médicale – qui pour 55 % des Américains est attachée à l’emploi. Selon l’Economic Policy Institute, il s’agirait de 9,2 millions de personnes supplémentaires sans assurance ; les organisations Health Medical Association et Health Management Associates (HMA) estimaient dès mi-avril que ce chiffre était bien supérieur et se situait entre 12 et 35 millions.</p>
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<p>Parmi les non-assurés, on compte une forte proportion de travailleurs précaires, ouvriers du bâtiment, des conserveries, magasiniers, camionneurs, livreurs, caissières, c’est-à-dire les catégories qui continuent à travailler et risquent leur santé ou leur vie pour faire tourner l’économie durant l’épidémie. Or ces personnes sous-payées, qui appartiennent de façon disproportionnée aux minorités (Africains-Américains en particulier), sont en première ligne.</p>
<p>Elles ne cessent pas le travail car elles ne peuvent se permettre de perdre leur gagne-pain et elles font partie des catégories à risque (plus susceptibles d’être diabétiques ou obèses ou atteintes de pathologies qu’on sait être des facteurs de comorbidité) car, n’ayant pas d’assurance maladie, elles consultent rarement, y compris en cas de suspicion de Covid-19, sachant qu’elles ne pourront pas acquitter les centaines de dollars facturés pour une visite médicale ou un test du coronavirus.</p>
<p>Certes, les plans de réponse à la pandémie adoptés par le Congrès contiennent, en partie grâce à la pression des Démocrates, quelques palliatifs et « rustines ». Ainsi, le premier plan prévoit un dispositif incomplet d’indemnisation pendant 14 jours pour les salariés des entreprises comptant entre 50 et 500 employés. Et le président promet depuis début mars « des tests gratuits pour tous » et des soins gratuits, mais c’est loin d’être le cas dans la réalité.</p>
<p>D’autres propositions suscitent un intérêt accru, comme le <a href="https://www.wired.co.uk/article/can-universal-basic-income-fix-the-coronavirus-crisis">revenu universel</a>, dont on peut trouver l’idée chez Thomas More dans son livre Utopie de 1516 ou chez Thomas Paine, Jugé fantaisiste et irréaliste durant les primaires démocrates, où il était notamment défendu par Andrew Yang, ce « dividende de la liberté » semblait en opposition frontale avec l’ADN du mythe du rêve américain : tout le monde peut réussir et si un individu est au chômage, c’est de sa faute ; quant aux aides versées, elles relèveraient de l’assistanat et sont vues comme une incitation à ne pas travailler. De plus, le coût d’une telle mesure – environ 3 000 milliards par an (12 000 dollars multipliés par 254 millions d’habitants), soit plus des deux tiers du budget fédéral total, ou 10 % du PNB – semblait rédhibitoire.</p>
<p>Mais la donne a changé. Le Congrès, y compris des Républicains en principe attachés à l’équilibre budgétaire et hostiles aux interventions massives de l’État, a adopté en quelques semaines plusieurs plans s’élevant à un total de 4 000 milliards de dollars pour lutter contre la crise, sanitaire et économique. Et les <a href="https://www.politico.com/magazine/story/2019/10/16/andrew-yang-universal-basic-income-229847">sondages</a> semblent montrer que le soutien aux idées de Yang gagne dans l’opinion ; du fait de la crise, de nombreux Américains ont pris conscience des inégalités profondes et de la nécessité de mettre en place des filets sociaux comme il en existe en Europe. Cette nouvelle perception aura-t-elle un effet sur la présidentielle de novembre 2020 ?</p>
<h2>Quel effet sur la présidentielle ?</h2>
<p>Joe Biden a déjà promis, en cas de victoire, l’ouverture de Medicare à partir de 55 ans (au lieu de 65 actuellement), ainsi que la gratuité des études courtes pour les jeunes issus de familles aux revenus inférieurs à 75 000 dollars et un smic fédéral à 15 dollars. Mais les Démocrates de gauche vont-ils se contenter de ces réformettes et faire confiance à ce Démocrate de l’ancien monde ? Quant aux Républicains, vont-ils continuer à soutenir le président malgré la dure situation sanitaire et économique qui les frappe et malgré le mépris affiché de Donald Trump pour la vie humaine, la science et les experts ?</p>
<p>Les jeux sont ouverts. En tout état de cause, pour que l’élection ait des chances de déboucher sur de vrais changements de la donne politique et économique, le minimum est une triple victoire qui donnerait aux Démocrates le contrôle de la Maison-Blanche et des deux chambres du Congrès.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137821/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne E. Deysine ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Aux États-Unis, la pandémie a remis au goût du jour des concepts comme l’État-providence et la couverture médicale universelle.Anne E. Deysine, Professeur émérite juriste et américaniste, spécialiste Etats-Unis, questions politiques, sociales et juridiques (Cour suprême), Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1368722020-05-13T18:57:00Z2020-05-13T18:57:00ZLe moment est venu de créer un revenu d’existence en démocratisant la monnaie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/334369/original/file-20200512-82357-1r1b19k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=40%2C484%2C8930%2C6240&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Et si nous changions radicalement notre vision de l'argent ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/Xeo_7HSwYsA">Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le président Macron, dans son discours du lundi 13 avril, a conclu sur les mots du Conseil National de la Résistance « nous retrouverons les jours heureux ». Or, le Covid-19 l’a révélé au monde entier, nous ne pourrons retrouver les jours heureux qu’en changeant radicalement de société.</p>
<p>Pour remédier à la crise économique et sociale consécutive à la pandémie du Covid-19, de nombreuses initiatives, en France, mais aussi <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/le-billet-economique/chronique-eco-du-vendredi-17-avril-2020">d’autres pays occidentaux</a>, proposent l’instauration rapide d’un « revenu d’existence ». L’objectif est de distribuer un revenu de base pour, à la fois, limiter les situations d’extrême pauvreté et aussi éviter une trop forte contraction de la demande.</p>
<p>En tant que spécialistes de l’économie sociale et solidaire, nous proposons le revenu d’existence RECRE, permettant à la fois de dépasser le capitalisme et de <a href="https://www.cairn.info/defaire-le-capitalisme-refaire-la-democratie--9782749266305-page-259.html">renouveler la démocratie</a>.</p>
<p>Le RECRE est le versement mensuel, individuel et inconditionnel d’un revenu permettant de vivre dans la dignité sans obligation de travailler.</p>
<p>Cette proposition va plus loin que les initiatives de revenu universel lues dans la presse. Elle veut promouvoir une démocratie radicale, c’est-à-dire, selon le <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-essais/Le-public-et-ses-problemes">philosophe John Dewey</a>, de donner la possibilité à tous ceux qui le souhaitent de participer activement à la solution des problèmes qu’ils rencontrent.</p>
<p>La singularité de ce revenu c’est de reposer sur la création monétaire et non pas sur le principe de la redistribution. Pour comprendre son fonctionnement, nous partirons de l’exemple des <a href="https://www.cairn.info/revue-mouvements-2002-1-page-81.htm">Systèmes d’Échanges Locaux</a> (SEL).</p>
<h2>Qu’est ce qu’un SEL ?</h2>
<p>Un SEL est une association à but non lucratif où les membres échangent certains biens, connaissances ou savoir-faire à l’aide d’une monnaie qui leur est propre (le Piaf par exemple pour le <a href="http://www.seldeparis.org">SEL de Paris</a>). Il ne s’agit pas d’un simple troc mais d’une réciprocité multilatérale. Djamila aide Marc dans la réparation d’un vélo et reçoit en échange X unités monétaires, elle peut donc à son tour faire garder ses enfants par Eric en lui donnant ses X unités.</p>
<p>Actuellement, le SEL de Paris est le plus grand qui compte environ 400 adhérents. Dans d’autres lieux le cercle peut être plus restreint et compter quelques dizaines d’adhérents.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/cFjnSgCrNgw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Fonctionnement d’un SEL en Lorraine.</span></figcaption>
</figure>
<p>Les règles de fonctionnement (Combien vaut le service ? Quel est le niveau de débit acceptable ?…) sont entièrement délibérées par les adhérents.</p>
<p>De ce fait, ces règles varient d’un groupe à l’autre mais on retrouve la même conception de la monnaie : un pur nombre qui permet la production et la mesure de l’activité. Ainsi, ces expériences citoyennes permettent de révéler trois choses sur la monnaie :</p>
<ul>
<li><p>La monnaie est un élément central d’une solidarité démocratique. Certes, elle revêt, en régime capitaliste, une dimension spéculative, mais comme le souligne <a href="https://editions.flammarion.com/Catalogue/bibliotheque-des-savoirs/la-subsistance-de-l-homme">l’anthropologue Karl Polanyi</a>, elle est aussi une abstraction indispensable aux échanges économiques que l’on doit préserver d’une logique prédatrice. C’est, en effet, une construction sociale indispensable à la formation d’une communauté politique (dans un SEL, les membres de l’association) et au développement de l’activité économique.</p></li>
<li><p>La monnaie n’est pas une marchandise parmi d’autres, c’est un enregistrement comptable préalable à l’activité économique. On retrouve ainsi, la <a href="https://www.persee.fr/doc/cep_0154-8344_1999_num_35_1_1265">théorie schumpetérienne</a> de la monnaie créance qui permet aux banques de créer ex-nihilo de la monnaie à l’occasion d’un crédit à l’entrepreneur innovant. Cependant, différence notable avec l’économie capitaliste, cette création, dans un SEL, n’est pas gérée par une banque privée ou par une banque centrale, bras armé de l’État, mais autogérée par les adhérents.</p></li>
<li><p>La monnaie nombre, créée de toutes pièces, permet d’engager la production par la distribution de revenus. Ces revenus sont dits primaires car ils découlent directement de la production effectuée par les acteurs. De ce fait, ils obtiennent des droits de tirage sur la richesse globale sans passer par les fourches caudines et donc conditionnelles des règles de la redistribution (prestations sociales : revenus secondaires). Un SEL peut ainsi décider de distribuer de la monnaie pour permettre à ceux qui n’ont pas de revenu d’entrer dans l’échange.</p></li>
</ul>
<h2>Une solidarité démocratique nouvelle</h2>
<p>Ces trois enseignements sont à la base de RECRE. Il s’agit, tout d’abord, d’instaurer un revenu universel par création monétaire favorisant une solidarité démocratique entre tous les habitants du territoire. Cette création monétaire se fait au nom d’une valeur commune : le droit pour tous de vivre dans la dignité.</p>
<p>Il s’agit, également, d’initier une gestion démocratique de la <a href="https://theconversation.com/pas-de-transition-sans-une-nouvelle-approche-de-la-monnaie-pour-une-monnaie-deliberee-59476">monnaie</a> en soumettant ses règles de fonctionnement à la délibération de tous. La monnaie cesse d’être un bien public géré par le système bancaire privé.</p>
<p>Notre proposition suppose donc deux choses : premièrement la reconnaissance de la monnaie comme bien commun favorisant les activités économiques jugées utiles par la communauté. Ce qui suppose, d’une part, de reconnaître et d’encourager légalement les monnaies autonomes de type SEL et les <a href="https://www.cairn.info/revue-innovations-2012-2-page-67.htm">monnaies sociales non complémentaires</a> par exemple les monnaies locales.</p>
<p>Cela suppose, d’autre part, de généraliser les banques éthiques et revenir au principe fondateur des banques coopératives et mutualistes : créer de la monnaie pour et par les sociétaires qui sont à la fois les clients et les décideurs.</p>
<p>Deuxièmement, et c’est sans doute le plus essentiel mais aussi le plus compliqué, démocratiser les institutions monétaires pour que la monnaie devienne pleinement un bien public.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/9eBBIYWeUxs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La NEF une banque éthique et coopérative.</span></figcaption>
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<p>Il convient alors, tout d’abord, de redonner à l’État la possibilité d’utiliser la monnaie indépendamment des banques et de leur logique de rentabilité des fonds prêtés à court terme. Concrètement, la banque centrale doit non seulement pouvoir financer directement l’État (ce qui est pour l’instant interdit dans le cadre l’union monétaire européenne) mais plus fondamentalement redevenir un outil au service de la politique et cesser d’être un outil de contrôle des dépenses publiques.</p>
<p>On pourrait ainsi instituer la distribution d’un revenu d’existence à tous les habitants d’un territoire en utilisant la monnaie au nom de la dignité humaine.</p>
<p>Il s’agit dans le même temps d’opérer un contrôle démocratique sur les institutions bancaires par exemple en réservant des minorités de blocage à des citoyens élus dans les directoires des banques centrales. Dans le cadre de cette proposition de démocratisation du système monétaire que l’on vient d’esquisser, RECRE serait un revenu distribué en monnaie officielle. Dans l’idéal ce revenu se matérialiserait en euro si on imagine une réinvention de l’Union européenne.</p>
<p>Enfin, dernière caractéristique, il ne s’agit pas d’un revenu secondaire alimenté par l’imposition, mais d’un revenu primaire, à savoir un droit de tirage déterminé – par des procédures délibératives – sur la production globale.</p>
<h2>Une nouvelle forme de distribution du revenu</h2>
<p>Par rapport à la proposition des présidents de département, RECRE n’est pas une prestation sociale mais bien une nouvelle forme de distribution du revenu. Il ne s’agit pas, non plus, contrairement <a href="https://www.nouvelobs.com/societe/20180913.OBS2310/ce-que-l-on-sait-du-revenu-universel-d-activite-propose-par-macron.html">au projet d’Emmanuel Macron</a>, de « revenu universel d’activité », de limiter l’État social en rassemblant toutes les prestations dans un versement social unique puisque RECRE peut être complémentaire de la protection sociale existante.</p>
<p>Ce revenu primaire ne se substitue pas d’avantage au salaire minimum, c’est au contraire un revenu supplémentaire, indépendant de l’activité individuelle. Ce n’est pas non plus, une mesure temporaire, le fameux « hélicoptère monétaire » consistant pour la banque centrale à distribuer de la monnaie aux ménages pour <a href="https://theconversation.com/lhelicoptere-monetaire-le-dernier-recours-des-politiques-economiques-134672">qu’ils consomment</a>.</p>
<p>C’est au contraire un revenu permanent versé de la naissance à la mort. Enfin, ce n’est pas une aumône philanthropique destinée aux plus pauvres mais une reconnaissance effective de l’égale dignité de chacun. Toutes ces caractéristiques nouvelles en font un puissant outil de transformation sociale permettant de fonder, sur d’autres bases intellectuelles, le débat public.</p>
<h2>Remettre en cause la centralité du travail</h2>
<p>Le RECRE permet une rupture radicale avec l’imaginaire productiviste qui emprisonne nos sociétés dans les contraintes du marché.</p>
<p>Il offre à tous ceux qui se sentent proches de la décroissance d’assumer leur choix sans pour autant sombrer dans la pauvreté. La monnaie n’est plus au service de la croissance et de l’accumulation du capital mais au service de la dignité humaine.</p>
<p>Par ailleurs le RECRE remédie à la dégradation du salariat (précarité, « bullshits jobs »…) et, plus fondamentalement, il ose remettre en cause la centralité du travail dans l’existence. Il n’est plus nécessaire de travailler pour vivre dans la dignité. Enfin, il s’attaque, en plus du salariat, à l’autre pilier du capitalisme : la propriété.</p>
<p>Le revenu n’est plus, dans cette perspective, uniquement lié à l’activité individuelle et à la possession de titres de propriété (action, terre, immobilier, brevet…). Une partie du revenu est lié, via la création monétaire, à un droit de tirage égalitaire sur un patrimoine commun (connaissances, techniques, nature…).</p>
<h2>Une rupture avec la démocratie libérale actuelle</h2>
<p>Enfin le RECRE permet une rupture profonde avec la démocratie libérale représentative actuelle.</p>
<p>Les droits de l’homme ne sont plus uniquement conçus comme des libertés détachées des réalités économiques. Le droit à la dignité humaine s’ancre dans un droit économique soit recevoir un revenu permettant de vivre décemment. Il susciterait aussi, ainsi que l’ont montré de nombreux philosophes politiques, comme <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-internationaux-de-sociologie-2002-2-page-285.htm">Carnelius Castoriadis</a>, l’engagement des citoyens dans le projet démocratique.</p>
<p>Car délibérer prend du temps et nécessite, comme le souligne <a href="https://calmann-levy.fr/livre/condition-de-lhomme-moderne-9782702112755">Hannah Arendt dans son analyse de la démocratie grecque</a>, d’être libéré des contraintes du travail. Dès lors, le RECRE, en réduisant les inégalités concrètes, rend plus effectif l’égalité de droit qui est à la base de la démocratie.</p>
<p>Au final, le RECRE est une révolution intellectuelle qui combat les autoritarismes de marché et les choix arbitraires de l’État. Ainsi, il apporte les moyens économiques favorables à l’avènement d’une démocratie radicale. Tout comme l’énonçait le programme du Conseil National de la Résistance en son temps, c’est en instaurant un « ordre social plus juste » que l’on peut espérer retrouver les jours heureux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136872/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La singularité d’une mise en place d’un revenu RECRE est de reposer sur la création monétaire et non pas sur le principe de la redistribution.Éric Dacheux, Professeur en information et communication, Université Clermont Auvergne (UCA)Daniel Goujon, Maître de conférences en sciences économiques, Université Jean Monnet, Saint-ÉtienneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1361372020-05-13T17:25:03Z2020-05-13T17:25:03ZCes travailleurs jetables qui deviennent « essentiels » en temps de crise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/334173/original/file-20200511-49542-3lnp31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=31%2C13%2C2959%2C1994&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un masque jeté dans une rue de Montréal, le samedi 25 avril 2020, alors que les cas de COVID-19 augmentent au Canada et dans le monde entier. </span> <span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Graham Hughes</span></span></figcaption></figure><p>La pandémie actuelle est un puissant révélateur de la précarisation de l’emploi et de l’exploitation des travailleurs à bas salaires, qui sont « devenus » essentiels en temps de crise.</p>
<p>Pour comprendre comment nous en sommes venus à devoir inventer à la va-vite des programmes de soutien, on ne peut faire abstraction des ravages d’une politique d’emploi centrée sur la mise en concurrence des uns contre les autres, qui repose sur le transfert des risques vers les individus.</p>
<p>Quarante ans après le virage néolibéral, plus du <a href="https://www.bankofcanada.ca/wp-content/uploads/2019/01/remarks-310119.pdf">tiers des travailleurs canadiens ont des statuts d’emploi atypiques et précaires</a> (à temps partiel, à contrat, sur appel, via des agences de placement). Ces derniers sont facilement éjectables, comme l’a montré la rapidité des mises à pied dès la mi-mars. Les prestations de chômage auraient pu les protéger, mais rappelons que seulement quatre travailleurs sur dix y ont accès en temps normal, une <a href="https://www.lemasse.org/category/femme/?fbclid=IwAR3PpsgtNQO0FK9wYRuXojVs14hxgF3oILVFlHzkB69YhfIScufWvNPYQak">proportion encore plus faible dans le cas des femmes</a>.</p>
<p>Il est aussi ironique de constater la situation des bénéficiaires d’aide sociale vivant avec 690 dollars par mois, quand on avance que 2 000 dollars par mois – le montant de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) – est un « strict minimum ».</p>
<p>Avec un filet social conséquent et une sécurité d’emploi digne de ce nom, nous n’aurions pas à créer autant de nouveaux programmes d’aide en catastrophe comme Jean Yves Duclos, le président du Conseil du trésor au fédéral, l’a <a href="https://www.lesoleil.com/chroniques/francois-bourque/jean-yves-duclos-faire-atterrir-lavion-dans-la-tempete-9869dae22538261f163d69c349722b74">reconnu</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/334175/original/file-20200511-49558-nm3mfx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/334175/original/file-20200511-49558-nm3mfx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/334175/original/file-20200511-49558-nm3mfx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/334175/original/file-20200511-49558-nm3mfx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/334175/original/file-20200511-49558-nm3mfx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/334175/original/file-20200511-49558-nm3mfx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/334175/original/file-20200511-49558-nm3mfx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le président du Conseil du trésor, Jean‑Yves Duclos, répond aux questions des journalistes lors d’une conférence de presse le mardi 21 avril 2020, à Ottawa.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Adrian Wyld</span></span>
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<p>En tant que professeur au département de sociologie de l’Université de Montréal, mes travaux portent sur le renouvellement du syndicalisme, les <a href="https://www.puq.ca/catalogue/livres/transformations-des-marches-travail-innovations-syndicales-2573.html">transformations du travail</a> et les politiques sociales dans le contexte de la mondialisation. Laurence Hamel-Roy poursuit pour sa part présentement un doctorat en humanités à l’Université Concordia. Ses recherches portent notamment sur les <a href="https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/20362">transformations du secteur des services de soutien à domicile québécois</a> et leurs impacts sur les conditions d’emploi. Nous sommes tous deux chercheurs au <a href="http://www.gireps.org/">Groupe interuniversitaire et interdisciplinaire de recherche sur l’emploi, la pauvreté et la protection sociale</a> (GIREPS).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/we-call-workers-essential-but-is-that-just-referring-to-the-work-not-the-people-137460">We call workers 'essential' – but is that just referring to the work, not the people?</a>
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<h2>Une prestation d’urgence injuste</h2>
<p>La PCU, annoncée dans la confusion et amendée à de multiples reprises depuis, témoigne bien du bourbier dans lequel on se retrouve. Elle est, <a href="http://behindthenumbers.ca/2020/04/02/which-unemployed-canadians-will-get-support/">comme plusieurs l’ont déjà dénoncé</a>, inéquitable et discriminatoire. Même amendée, la mesure est notamment injuste pour les travailleurs à petits salaires qui en sont exclus (s’ils gagnent plus de 1 000 dollars par mois) et discriminatoire envers ceux et celles qui ont perdu leur emploi avant et après le 15 mars.</p>
<p>La PCU-Étudiant (1 250 dollars par mois) annoncée plus récemment réifie quant à elle une distinction envers les jeunes dont on estime que les besoins seraient moins élevés parce qu’ils poursuivent leurs études.</p>
<p>Il aurait été plus juste de rendre cette prestation universelle en proposant un revenu minimum garanti temporaire et en s’appuyant sur une structure d’imposition très progressive allant jusqu’à imposer à 100 % la prestation d’urgence des plus riches. L’impossibilité de cumuler un revenu au-delà de 1 000 dollars et l’absence d’articulation de la PCU avec les mesures provinciales a d’importants effets déstructurant, notamment dans le <a href="https://www.lapresse.ca/covid-19/202004/23/01-5270696-la-tension-monte-entre-ottawa-et-quebec.php">secteur agricole</a> et le système de soins.</p>
<h2>Des mesures provinciales insuffisantes</h2>
<p>Au Québec, les décisions du premier ministre Legault s’appuient sur des solutions bricolées « à la pièce », avec leurs effets collatéraux.</p>
<p>Le rehaussement à la fin mars du salaire des préposées aux bénéficiaires dans les résidences privées pour personnes âgées en constitue un exemple. Elle ne portait le salaire horaire qu’autour de 17 dollars, ne comblait pas complètement l’écart avec le salaire versé au secteur public et, surtout, laissait en plan les travailleuses des entreprises d’économie sociale et solidaire (ESSAD), du <a href="https://www.quebec.ca/famille-et-soutien-aux-personnes/aide-et-soutien/allocation-directe-cheque-emploi-service-une-modalite-de-dispensation-des-services-de-soutien-a-domicile/">Chèque emploi-service</a> et des agences privées offrant des services à domicile.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/334178/original/file-20200511-66693-waxo3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/334178/original/file-20200511-66693-waxo3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/334178/original/file-20200511-66693-waxo3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/334178/original/file-20200511-66693-waxo3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/334178/original/file-20200511-66693-waxo3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/334178/original/file-20200511-66693-waxo3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/334178/original/file-20200511-66693-waxo3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un travailleur regarde par la fenêtre de la résidence pour personnes âgées Vigi Mont-Royal, le vendredi 1ᵉʳ mai 2020 à Montréal.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Ryan Remiorz</span></span>
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</figure>
<p>Ces travailleuses revendiquent encore aujourd’hui la mise en place d’un <a href="https://www.newswire.ca/news-releases/demande-officielle-de-decret-dans-les-services-prives-d-aide-a-domicile-898733573.html">décret de convention collective</a>. Près de deux mois après la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, l’absence d’une réponse globale dans le secteur des soins occasionne des mouvements de personnel d’un <a href="https://www.tvanouvelles.ca/2020/04/19/les-ressources-intermediaires-crient-a-laide">établissement à l’autre</a> et <a href="https://exaequo.net/medias/communiques/ex-aequo-exige-du-ministere-de-la-sante-et-des-services-sociaux-quil-garantisse-la-securite-des-usagers-du-cheque-emploi-service/">d’un secteur à l’autre</a> avec les risques de rupture des soins et de propagation du virus que cela représente. Elle ouvre aussi la porte <a href="https://www.lapresse.ca/covid-19/202004/24/01-5270723-agences-de-placement-des-pratiques-abusives-inquietent-quebec.php">aux pratiques prédatrices d’agences de placement privées</a> venant colmater les brèches à gros prix.</p>
<p>Devant la sérieuse crise qui sévit dans le système de santé, le gouvernement Legault s’est appuyé sur une série de <a href="http://www.belangersauve.com/fr/covid-19/informations-generales-importantes-pour-les-municipalites-a-lere-du-covid-19-decrets-et-arretes-ministeriels-au-quebec">plus de trente arrêtés ministériels</a> témoignant de son peu de considération pour les soignantes et lui permettant, en suspendant l’application des conventions collectives, de disposer du personnel à sa guise. Pour faire face aux manques croissants de personnel, le MSSS s’est ainsi notamment chargé de modifier unilatéralement les disponibilités des travailleuses et de les délester d’un milieu de travail à l’autre.</p>
<p>L’annonce tardive, le 7 mai, de primes substantielles pour le personnel à temps plein dans les zones à risque est certainement bienvenue. Il n’en demeure pas moins qu’il aura fallu une hécatombe dans les CHSLD pour que le gouvernement non seulement rémunère conséquemment une partie des travailleuses dont l’apport a été trop longtemps mal reconnu et qu’il reconnaisse – temporairement rappelons-le – la nécessité de fournir des horaires stables et à temps plein. Reste aussi à savoir si nous ne sommes pas en train de déshabiller Paul pour habiller Jacques.</p>
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<a href="https://theconversation.com/tragedie-dans-les-chsld-une-realite-trop-previsible-137442">Tragédie dans les CHSLD : une réalité trop prévisible</a>
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<h2>Pour une solution durable par-delà la crise</h2>
<p>Jusqu’à maintenant, les travailleurs des services sociaux et de santé ont reçu à juste titre une large part de l’attention médiatique. Mais les travailleurs à bas salaires – principalement des femmes, et souvent des personnes racisées ou issues de l’immigration – qui travaillent dans les épiceries, les restaurants, les pharmacies, ou, encore plus invisibles, dans les entrepôts, font des livraisons ou de l’entretien, doivent également avoir un accès égal à de meilleures conditions de travail. C’est le cas aussi des travailleuses qui portent sur leurs épaules le <a href="https://www.puq.ca/catalogue/livres/travail-epreuve-des-nouvelles-temporalites-3861.html">secteur communautaire sous-financé</a>.</p>
<p>Nous estimons que le salaire doit être de vingt dollars l’heure, minimalement, et pas de manière temporaire. Et à ceux qui avancent que cette augmentation du salaire minimum donnera le coup de grâce aux PME, les sommes colossales – plus de 146 milliards du fédéral expédiés à tout vent selon le principe de « l’hélicoptère monétaire ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-educatrices-en-services-de-garde-les-anges-oublies-137742">Les éducatrices en services de garde : les anges oubliés ?</a>
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<p>Au Québec, le gouvernement a plutôt préféré mettre en place, début avril, une <a href="https://www.revenuquebec.ca/fr/salle-de-presse/actualites/details/167331/2020-04-03/">prime temporaire</a> de 400 dollars aux travailleurs au bas de l’échelle œuvrant dans les secteurs déclarés « essentiels ».</p>
<p>Qui plus est, plutôt que <a href="https://lactualite.com/actualites/covid-19-14-droits-de-refus-accordes-depuis-le-debut-rapporte-la-cnesst/">d’assurer la sécurité de ceux qui sont piégés dans des lieux de travail où les protections contre la COVID font défaut</a>, le gouvernement provincial, s’appuyant sur une <a href="http://behindthenumbers.ca/2020/05/06/an-impossible-choice/?fbclid=IwAR0zLGdTDpXHmJewnEwU_3vL3ShInPpZPu4R-fqITuFwfLB-5OeHzok8G4U">interprétation étroite</a> des critères d’éligibilité à la PCU, <a href="https://www.tvanouvelles.ca/2020/04/28/retour-progressif-au-travail--saisis-cette-opportunite-pense-a-ton-avenir-lance-jean-boulet">brandit le spectre de la double sanction</a> – celle de la rupture du lien d’emploi et de la perte d’admissibilité à la PCU (ce qui est par ailleurs en <a href="https://www.ledevoir.com/politique/canada/578761/un-employe-peut-refuser-de-travailler-et-toucher-la-pcu-confirme-ottawa?fbclid=IwAR1Li69fiNkErxQ0CezXQ2Ss8Zj9RRhJIs9_IWNj4N6u0h210LpgLAWg5CI">partie faux</a>) – afin de mettre au pas les travailleurs.</p>
<p>Les travailleurs à bas salaire sont pourtant <a href="http://behindthenumbers.ca/2020/05/06/an-impossible-choice/?fbclid=IwAR0zLGdTDpXHmJewnEwU_3vL3ShInPpZPu4R-fqITuFwfLB-5OeHzok8G4U">plus exposés aux risques</a> pour la santé et la sécurité en milieu de travail comme le <a href="https://www.cbc.ca/radio/thesundayedition/the-sunday-edition-for-april-5-2020-1.5518735/why-the-invisible-workers-cleaning-up-covid-19-need-better-labour-protection-1.5518747?fbclid=IwAR3J2q8LVWGUvM8SzLE60UELHZJa9HMsO5KLT4R2Ywtz47Z5vUzKjciz-oY">rappelait encore récemment Deena Ladd</a> du Worker’s Action Center à Toronto.</p>
<p>Ces choix politiques en temps de crise montrent bien, <a href="https://twitter.com/sandylocks/status/1246838079828029440">comme la théoricienne et activiste afroféministe Kimberlé Crenshaw l’a récemment souligné</a>, que les travailleurs – et travailleuses – pauvres sont considérés comme étant « simultanément essentiels et jetables ». Pas étonnant dans ce contexte que les « anges gardiennes » aient rapidement été réduites à des « paires de bras » dans le discours de nos gouvernants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136137/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yanick Noiseux receives funding from FRQ and CRSH.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laurence Hamel-Roy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Tout comme les travailleurs de la santé, ceux qui livrent, désinfectent, travaillent dans les épiceries, les restaurants, les pharmacies et les entrepôts ont droit à de meilleures conditions d'emploi.Yanick Noiseux, Professor, Département de sociologie, Université de MontréalLaurence Hamel-Roy, Humanities PhD student, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1358832020-04-20T17:27:54Z2020-04-20T17:27:54ZLe revenu universel inconditionnel plébiscité en Europe<p>Ainsi que les implications de la pandémie de coronavirus deviennent évidentes, de nouveaux appels ont été lancés en faveur d’un revenu de base universel : par des politiciens de <a href="https://www.cnbc.com/2020/03/16/coronavirus-stimulus-romney-proposes-1000-for-every-american.html">droite</a> comme de <a href="https://basicincome.org/news/2020/03/united-states-alexandria-ocasio-cortez-calls-for-basic-income-as-a-response-to-the-corona-virus-crisis/">gauche</a>, des <a href="https://www.independent.co.uk/voices/letters/coronavirus-universal-basic-income-ubi-poverty-economy-business-migrants-a9408846.html">academiques</a>, le <a href="https://www.americamagazine.org/faith/2020/04/12/easter-message-pope-francis-proposes-universal-basic-income?fbclid=IwAR0xTJ0tGNejz5jge74dHZOQ6LUzy_4ZvgqSB3TBl4XPGzCmvj8NFsy5mHs">pape</a> et même le comité de rédaction du <a href="https://www.ft.com/content/7eff769a-74dd-11ea-95fe-fcd274e920ca"><em>Financial Times</em></a>. Cette politique garantirait aux individus des paiements réguliers de la part de l’État, quelle que soit leur activité économique.</p>
<p>Nous avons récemment <a href="https://www.springer.com/gp/book/9783030300432">analysé la faisabilité de la mise en place d’un tel revenu dans les pays de l’Union européenne</a>. Nos conclusions montrent que, bien que des mesures importantes aient été prises, pour que ces politiques soient mises en œuvre avec succès, des changements seraient nécessaires en termes de soutien public, d’alignement institutionnel, de preuve des effets et de clarté de l’objectif politique. La pandémie de Covid-19 pourrait-elle déclencher un tel changement ?</p>
<h2>Mettre le stimulus financier entre les mains des particuliers ?</h2>
<p>Étant donné que des stimuli financiers massifs <a href="https://fr.euronews.com/2020/04/10/coronavirus-l-eurogroupe-trouve-finalement-un-accord-pour-renflouer-l-economie-europeenne">sont négociés</a> pour atténuer la dépression économique, <a href="https://www.ft.com/content/927d28e0-6847-11ea-a6ac-9122541af204">certains économistes</a> soutiennent qu’une politique de transferts directs d’argent aux particuliers est un mécanisme relativement abordable. Un revenu de base pourrait soulager les travailleurs et entrepreneurs qui sont en <a href="https://www.liberation.fr/debats/2020/04/09/coronavirus-face-a-une-telle-crise-il-faut-un-revenu-universel_1784609">difficulté</a>.</p>
<p>Au-delà de ses avantages potentiels en temps normal – comme atténuer les situations de <a href="https://www.revenudebase.info/decouvrir/">pauvreté</a>, <a href="https://theconversation.com/le-revenu-universel-la-solution-aux-inegalites-homme-femme-93019">valoriser</a> le travail de soin <a href="https://theconversation.com/money-for-nothing-lheure-du-revenu-de-base-universel-a-t-elle-sonne-71435">non rémunéré</a> – il est suggéré qu’un revenu de base inconditionnel puisse amoindrir certains des effets et des causes de la pandémie.</p>
<p>En effet, d’après les <a href="https://www.ids.ac.uk/opinions/precarious-and-informal-work-exacerbates-spread-of-coronavirus/">économistes</a> et les <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2020/mar/19/coronavirus-insecurity-anxiety-us-epidemic">épidémiologistes</a>, en palliant l’insécurité des revenus, un revenu de base pourrait renforcer le respect de la distance sociale, en particulier chez les <a href="https://www.weforum.org/agenda/2020/03/covid-19-quarantine-sick-pay/">travailleurs précaires</a> qui ne bénéficient pas d’indemnités de maladie ou le télétravail, ce qui ralentirait la propagation du virus. Des <a href="https://www.nytimes.com/article/coronavirus-stimulus-package-questions-answers.html">transferts directs en espèces</a> sont aussi proposés pour faire face à la chute précipitée des dépenses de consommation, ce qui permettrait d’amortir l’impact économique de la crise.</p>
<h2>Les pays qui soutiennent le revenu universel</h2>
<p>Une <a href="https://theconversation.com/survey-reveals-young-people-more-likely-to-support-universal-basic-income-but-its-not-a-left-right-thing-87554">enquête sociale européenne</a> de 2016 a montré un soutien assez élevé pour le revenu de base dans les pays européens, détaillé dans le tableau 1. Toutefois, il est surprenant de constater que le soutien public le plus important se trouve en Lituanie, en Hongrie et en Slovénie, des pays qui, <a href="https://www.springer.com/gp/book/9783030300432">selon nous</a>, ont peu ou aucune propositions concrètes concernant le revenu de base. Puisque la popularité du revenu de base n’équivaut pas à la faisabilité politique, il est donc important que nous examinions cette dernière en profondeur.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/326174/original/file-20200407-147360-1055vhz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/326174/original/file-20200407-147360-1055vhz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/326174/original/file-20200407-147360-1055vhz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/326174/original/file-20200407-147360-1055vhz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/326174/original/file-20200407-147360-1055vhz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/326174/original/file-20200407-147360-1055vhz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/326174/original/file-20200407-147360-1055vhz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pourcentage de la population favorable ou fortement favorable à l’existence d’un régime du revenu de base dans son pays en 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shanahan, Smith and Srinivasan (2020)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Notamment, même en l’absence d’un soutien public particulièrement fort pour les politiques du revenu de base, quelque pays prennent des mesures pour tester les propositions, avec des essais pilotes en <a href="https://basicincome.org/news/2019/03/germany-the-hartzplus-experiment-is-starting-and-the-basic-income-discussion-is-there-to-stay/">Allemagne</a> et les <a href="https://www.utrecht.nl/city-of-utrecht/study-on-rules-in-social-assistance/">Pays-Bas</a>. Notre recherche du degré relatif de développement des initiatives sur le revenu de base est résumée dans le tableau 2.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/327355/original/file-20200412-134587-1vi9uqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/327355/original/file-20200412-134587-1vi9uqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=219&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/327355/original/file-20200412-134587-1vi9uqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=219&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/327355/original/file-20200412-134587-1vi9uqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=219&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/327355/original/file-20200412-134587-1vi9uqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=275&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/327355/original/file-20200412-134587-1vi9uqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=275&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/327355/original/file-20200412-134587-1vi9uqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=275&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Initiatives revenu de base par niveau de développement dans 28 États membres de l’UE, janvier 2016-mars 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shanahan, Smith and Srinivasan (2020)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La faisabilité politique</h2>
<p>Nous pouvons examiner la faisabilité politique en déterminant si les conditions sociales actuelles sont propices à une politique du revenu de base. <a href="https://www.researchgate.net/publication/304799382_On_the_Political_Feasibility_of_Universal_Basic_Income_An_Analytic_Framework">Selon les théoriciens politiques Jurgen De Wispelaere et Jose Antonip Noguera</a>, la faisabilité dépend de quatre sous-types :</p>
<ul>
<li><p>La faisabilité institutionnelle : la politique atteindrait-elle ses objectifs dans le cadre institutionnel existant ?</p></li>
<li><p>La faisabilité stratégique : les principaux acteurs politiques sont-ils prêts à engager des ressources pour mettre en œuvre la politique ?</p></li>
<li><p>La faisabilité psychologique : le grand public soutient-il la politique ?</p></li>
<li><p>La faisabilité comportementale : la politique établirait-elle des incitations comportementales cohérentes avec ses objectifs ?</p></li>
</ul>
<h2>Est-on prêt à payer le prix du revenu universel ?</h2>
<p>L’un des principaux obstacles à la mise en œuvre du revenu de base est le <a href="https://www.ft.com/content/cf63e08e-725f-11e9-bbfb-5c68069fbd15">prix apparemment</a> élevé des caractéristiques distinctives de la politique, en particulier en l’absence de vérification des moyens mis en œuvre.</p>
<p>Mais les soutiens au revenu universel proposent de le mettre en place de la même façon que le système d’allocation. <a href="https://www.weforum.org/agenda/2017/01/why-we-should-all-have-a-basic-income/">Ils affirment</a> que la différence de coût entre les allocations sociales sous condition de moyens et un revenu de base sans condition de moyen pourrait être récupérée par le biais du système fiscal donc être payé par les contribuables les plus fortunés, ainsi que par une réduction des coûts administratifs liés à la vérification des moyens.</p>
<p>Ces idées dépendent d’une forte volonté politique. Néanmoins on observe un certain volontarisme politique stimulé par la pandémie. Les gouvernements sont soumis à une pression intense pour faire <a href="https://theconversation.com/coronavirus-why-the-uk-needs-a-basic-income-for-all-workers-134257">« tout ce qu’il faut »</a> afin d’éviter une dépression économique.</p>
<p>Les économistes réclament des mesures d’urgence économique rapides et simples pour <a href="https://www.ft.com/content/abd6bbd0-6a9f-11ea-800d-da70cff6e4d3">« mettre l’argent entre les mains de tout le monde »</a>, et nous voyons apparaître des initiatives qui <a href="https://read.oecd-ilibrary.org/view/?ref=119_119686-962r78x4do&title=Supporting_people_and_companies_to_deal_with_the_Covid-19_virus">échappent</a> à de nombreuses restrictions habituelles.</p>
<p>Par exemple, en <a href="https://www.oireachtas.ie/en/debates/debate/dail/2020-04-02/5/">Irlande</a>, une allocation de chômage Covid-19 a été mise à la disposition par le gouvernement de ceux qui perdent leur emploi à la suite de la pandémie, avec moins de restrictions, moins de conditions de moyens et donc une période d’attente beaucoup plus courte pour le paiement que les allocations de chômage ordinaires. On voit des mesures similaires à <a href="https://www.nytimes.com/2020/04/03/world/europe/coronavirus-Berlin-self-employed.html">Berlin</a>.</p>
<p>Bien qu’il s’agisse de mesures temporaires, certains dirigeants politiques, comme la <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-pour-faire-face-la-crise-l-espagne-veut-deployer-un-revenu-universel-6801428">ministre de l’Économie d’Espagne</a> et le <a href="https://www.thejournal.ie/dail-emergency-legislation-5058234-Mar2020/">premier ministre irlandais</a>, ont laissé entendre que nous ne reviendrons pas entièrement au statu quo une fois la pandémie maîtrisée.</p>
<p>Ces allocations ne sont pas identiques au revenu de base, dans la mesure où elles s’adressent exclusivement aux travailleurs ou aux ménages pauvres. Néanmoins, la réduction de l’administration et de la vérification des moyens établissent un <a href="https://www.nytimes.com/2020/03/06/business/europe-coronavirus-labor-help.html">cadre de protection sociale</a> plus proche qu’auparavant du revenu de base, renforçant ainsi la faisabilité institutionnelle de la politique.</p>
<h2>Impact psychologique et comportemental</h2>
<p>L’acceptabilité sociale du revenu de base est liée à l'adéquation entre les effets attendus par chacun sur le comportement de l'autre, et les effets réellement observés de la mise en place d'un revenu garanti. Une préoccupation commune concernant le revenu de base est qu’il agirait comme un facteur de dissuasion au travail. Pourtant des recherches initiales, conduites par exemple au <a href="http://archive.irpp.org/po/archive/jan01/hum.pdf">Canada</a> et en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0304387818306084 ?via %3Dihub">Iran</a>, suggèrent que les gens n’abandonnent généralement pas le travail lorsqu’ils sont par ailleurs soutenus par un revenu de base.</p>
<p>Cependant, <a href="https://www.kela.fi/web/en/basic-income-objectives-and-implementation">l’expérimentation finlandaise du revenu de base</a>, peut-être l’expérience de revenu de base la plus médiatisée à ce jour, a <a href="https://www.theguardian.com/world/2019/feb/08/finland-free-cash-experiment-fails-to-boost-employment">été critiquée</a> parce qu’elle ne maximisait pas l’insertion professionnelle.</p>
<p>Or, l’insertion par le travail <a href="https://helda.helsinki.fi/handle/10138/167728">n’est pas la seule raison</a> d’un revenu de base. Il est donc important d’examiner ce que les gens considèrent comme <a href="https://www.academia.edu/38154431/From_Rights_to_Activation_The_Evolution_of_the_Idea_of_Basic_Income_in_the_Finnish_Political_Debate_1980_2016">l’objectif du revenu de base</a> pour la société : s’il s’agit d’encourager l’emploi ou de faciliter une transformation du rôle du travail rémunéré dans la société tout entière.</p>
<h2>Objectifs de transformation ?</h2>
<p>Un effet frappant de la crise Covid-19 est la façon dont elle change déjà la façon dont la société perçoit les prestations de l’État. Lorsque l’ancien secrétaire d’État britannique au travail a critiqué le soutien au revenu des coronavirus, affirmant qu’il aurait un effet <a href="https://www.independent.co.uk/news/uk/politics/coronavirus-uk-update-universal-basic-income-iain-duncan-smith-a9411251.html">« dissuasif sur le travail »</a>, les commentateurs se sont empressés de noter que, dans ce cas, la dissuasion au travail est <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2020/mar/26/universal-basic-income-help-self-employed">précisément le but recherché</a>. Aujourd’hui, certains travailleurs sont <a href="https://www.nytimes.com/2020/03/06/business/europe-coronavirus-labor-help.html">« payés pour rester à la maison »</a> pour le bien de la santé publique.</p>
<p>Comme la pandémie oblige pour la première fois de <a href="https://www.euronews.com/2020/03/31/coronavirus-in-europe-one-million-job-losses-in-two-weeks-is-tip-of-the-iceberg">vastes pans de la population</a> active à dépendre du soutien au revenu de l’État, on peut s’attendre à une érosion des barrières psychologiques à l’acceptation de <a href="https://www.jacobinmag.com/2019/12/basic-income-finland-experiment-kela">« l’aumône »</a> et à une remise en question de la signification de ces transferts.</p>
<p>Peut-être cela ouvre-t-il la porte à l’examen d’autres objectifs sociaux qu’un revenu de base pourrait servir, comme donner aux citoyens le temps de <a href="https://www.vox.com/future-perfect/2020/3/24/21188779/mutual-aid-coronavirus-covid-19-volunteering">s’occuper les uns des autres</a>, de <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2019/feb/12/universal-basic-income-work-finland-experiment-payments">réduire le rôle du travail rémunéré</a> dans leur vie, et de réduire les activités qui nuisent à <a href="https://www.bbc.com/future/article/20200326-covid-19-the-impact-of-coronavirus-on-the-environment">l’environnement</a>.</p>
<hr>
<p><em>Priya Srinivasan a contribué à cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135883/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pour mettre en place un revenu universel, des changements seraient nécessaires en termes de soutien public et politique. La pandémie de Covid-19 pourrait-elle faire basculer la donne ?Mark Smith, Dean of Faculty & Professor of Human Resource Management, Grenoble École de Management (GEM)Genevieve Shanahan, Etudiante PhD, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1363782020-04-20T15:13:53Z2020-04-20T15:13:53ZRéduire la pauvreté avec le revenu minimum garanti ? Pas si sûr…<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/329154/original/file-20200420-152581-1yi15px.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une caissière d'un supermarché travaille derrière son abri de plexiglas, le 16 avril, en pleine crise du coronavirus. Les salaires dans le secteur alimentaire sont bien souvent minimum. Avec la mise en place de la Prestation Canadienne d’Urgence, un revenu de base à tous les Canadiens dont l’emploi est affecté par la Covid-19, plusieurs rêvent de la transformer en RMG.</span> <span class="attribution"><span class="source">Evan Abell /Yakima Herald-Republic via AP</span></span></figcaption></figure><p>Avec la mise en place de la <a href="https://www.canada.ca/fr/services/prestations/ae/pcusc-application.html">Prestation canadienne d’urgence</a>, le gouvernement offre un revenu de base à tous les Canadiens dont l’emploi est affecté par la crise de la Covid-19.</p>
<p>Plusieurs y voient la première étape de la mise en place d’un <a href="https://www.mtess.gouv.qc.ca/grands-dossiers/revenu_min_garanti.asp">revenu minimum garanti</a> (RMG), alors que les grandes innovations de politiques sociales se sont toujours réalisées à la suite de crises historiques majeures.</p>
<p>En principe, le RMG est une idée séduisante : tout citoyen, qu’il travaille ou non, reçoit un montant de base lui permettant de subvenir à ses besoins. Théoriquement, on élimine la pauvreté, la discrétion bureaucratique et on force les employeurs à offrir des conditions de travail décentes aux personnes à faibles revenus. D’ailleurs, la couverture médiatique envers le revenu minimum garanti semble <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1689379/coronavirus-canada-trudeau-prestation-canadienne-urgence-covid?utm_source=dlvr.it&utm_medium=twitter&fbclid=IwAR2WfVb_lzoQBgSizY5LxCDatlKa9fXZEw1TRwqMl2LZAp2KYpRWYf38HW0">particulièrement positive</a>, surtout dans le contexte de la crise actuelle.</p>
<p>Pourtant, les obstacles financiers et constitutionnels à la mise en place d’un RMG sont nombreux. En fait, un RMG risque de ne pas réduire la pauvreté et pourrait même nuire à l’offre d’autres services publics.</p>
<p>Doctorant en science politique à l’Université McGill, mes travaux portent sur les finances publiques et les inégalités.</p>
<h2>Les transferts sont insuffisants</h2>
<p>Un des principes de base d’un revenu minimum garanti est de regrouper l’ensemble des transferts publics en espèces sous une seule prestation d’un montant offert également à tous les citoyens. Les transferts publics représentent les sommes d’argent qu’un citoyen peut recevoir de la part du gouvernement pour répondre à certaines situations, comme l’assistance sociale, les allocations familiales ou l’assurance emploi par exemple. Or, le niveau des transferts publics actuels demeure trop faible pour fournir un RMG qui parviendrait à atteindre ses objectifs de réduction de la pauvreté et de diminution de la dépendance au marché du travail.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/329152/original/file-20200420-152602-1h9ehcs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/329152/original/file-20200420-152602-1h9ehcs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/329152/original/file-20200420-152602-1h9ehcs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/329152/original/file-20200420-152602-1h9ehcs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/329152/original/file-20200420-152602-1h9ehcs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/329152/original/file-20200420-152602-1h9ehcs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/329152/original/file-20200420-152602-1h9ehcs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le premier ministre Justin Trudeau durant son point de presse quotidien, le 19 avril, à Ottawa. Son gouvernement a mis en place la Prestation canadienne urgence afin d’offrir un revenu de base à tous les Canadiens dont l’emploi est affecté par la crise de la Covid-19. Plusieurs y voient la première étape de la mise en place d’un Revenu minimum garanti.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse canadienne/Justin Tang</span></span>
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</figure>
<p>En 2017, le <a href="https://www.mtess.gouv.qc.ca/grands-dossiers/revenu_min_garanti.asp">Comité d’experts sur le revenu minimum garanti</a> évaluait que de regrouper l’ensemble des transferts en espèce offerts par le gouvernement du Québec, sauf l’aide aux familles, représentait un total annuel de seulement 878 dollars par personne. Il est donc illusoire de concevoir un RMG financé à partir des transferts actuels, même en supposant pouvoir faire des économies en diminuant le nombre de fonctionnaires qui s’occupent de ces programmes.</p>
<p>Pire, égaliser l’ensemble des transferts augmenterait significativement les inégalités et la pauvreté. Les citoyens les plus vulnérables recevraient considérablement moins que ce qu’ils perçoivent actuellement (l’assistance sociale pour une personne seule est de 690 dollars par mois), faisant de la classe moyenne aisée la grande gagnante de cette mesure.</p>
<p>Puisque les transferts actuels sont insuffisants, augmenter significativement leur niveau est nécessaire à l’obtention d’un RMG adéquat. Malheureusement, toujours selon le Comité d’experts, un RMG d’à peine 6 000 dollars par année coûterait 27 milliards de dollars, soit plus de 25 % du budget du gouvernement du Québec, et plus que l’ensemble des sommes actuellement investies en éducation. Financer cette somme ferait tout simplement du Québec l’endroit le plus imposé au monde, et ce, même si tel RMG demeure plus de trois fois moins élevé que le seuil de pauvreté.</p>
<h2>Des transferts mieux ciblés</h2>
<p>Ces calculs ne tiennent pas en compte le rôle qu’Ottawa peut jouer. Toutefois, le fédéralisme canadien nuit à la mise en place d’un RMG, car les deux gouvernements financent déjà des transferts aux personnes. Créer un RMG sans l’accord de l’autre palier implique un fardeau financier trop lourd à porter pour Ottawa ou pour une province, mais la mise en place coordonnée d’un RMG relève d’une harmonie intergouvernementale inégalée dans l’histoire du fédéralisme canadien.</p>
<p>Même en supposant qu’une telle entente intergouvernementale soit possible et que l’on puisse augmenter les impôts au niveau requis, un RMG risque de nuire à la qualité des autres services publics, comme la santé et l’éducation.</p>
<p>Comment financer les autres missions de l’État si un RMG accapare plus de la moitié des dépenses publiques ? <a href="https://www.socialeurope.eu/ubi-bad-idea-welfare-state">Comment convaincre les citoyens de soutenir un niveau d’impôt considérablement plus élevé qu’à l’heure actuelle</a> ? Alors que l’on devrait s’affairer à préparer notre réseau de la santé à des chocs futurs, comme le vieillissement de la population et d’autres pandémies, je crains qu’un RMG soit tout simplement incompatible avec un État providence universel offrant des services publics de qualité.</p>
<p><a href="https://www.oecd.org/social/Basic-Income-Policy-Option-2017.pdf">Une étude de l’OCDE</a> sur la question proposait des conclusions semblables : même des RMG financés par des hausses d’impôts importantes (en éliminant les montants personnels de base exemptés d’impôts) diminuent à peine la pauvreté dans la plupart des pays membres. De telles hausses d’impôts permettraient de réduire la pauvreté et les inégalités bien davantage si elles étaient investies dans des <a href="https://www.broadbentinstitute.ca/andrew_ajackson/why_we_need_a_practical_approach_in_the_basic_income_debate">transferts mieux ciblés</a>. D’ailleurs, l’expérience <a href="https://nationalpost.com/opinion/kevin-milligan-ontarios-basic-income-pilot-will-send-the-most-money-to-grownup-kids-who-still-live-with-mom-and-dad">ontarienne de revenu de base</a>, annulée par le premier ministre Doug Ford, visait à hausser les niveaux d’assistance sociale et d’assurance-emploi et à rendre ces programmes plus accessibles à l’ensemble des personnes exclues du marché du travail. Contrairement à une idée répandue, ce type de politique ne cherche pas à offrir un revenu universel à tous les citoyens, mais plutôt à mieux s’occuper des personnes sans emplois.</p>
<p>Profitons de l’élan de solidarité qui pourrait caractériser l’ère post Covid-19 pour tendre vers les objectifs d’un RMG, en bonifiant les dispositifs de revenus de base existants. Bonifions l’assistance sociale, l’aide aux personnes en situation de handicap, élargissons la couverture et la générosité de l’assurance emploi et éliminons la pauvreté chez les aînés en révisant le Supplément de revenu garanti. L’atteinte de ces objectifs est possible et permettrait de réduire bien davantage la pauvreté et les inégalités que la mise en place d’un revenu minimum garanti.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136378/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Jacques a reçu des financements de Conseil de Recherche en Science
humaines du Canada, de la Chaire de Recherche en Fiscalité et Finances Publiques de l'Université de Sherbrooke et de l'Institut d'études Canadiennes de l'Université McGill.
Olivier Jacques est vice président responsable du développement de contenu de l'organisme Force Jeunesse, une organisation bénévole vouée à la défense de l'équité intergénérationnelle. </span></em></p>Un RMG risque de ne pas réduire la pauvreté et pourrait même nuire à l’offre d’autres services publics.Olivier Jacques, Candidat au doctorat, département de science politique, spécialiste en politiques publiques, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1081042018-12-05T22:22:47Z2018-12-05T22:22:47ZÀ quoi ressemblera le travail en 2030 ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/249057/original/file-20181205-186079-wzbte2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C960%2C630&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Seul face la montagne</span> </figcaption></figure><p>Le travail se transforme et avec lui toute la société. Les débats sur son futur ont été particulièrement vifs ces trois dernières années, (re)lancés par les discussions autour du <a href="https://theconversation.com/digital-mais-de-quoi-parle-t-on-vraiment-104647">digital</a>, du <a href="https://theconversation.com/travailleurs-independants-combattre-la-solitude-78793">travail indépendant</a>, des pluri-actifs (<a href="https://theconversation.com/slashers-pluriactivite-et-transformations-du-travail-opportunite-ou-menace-pour-le-management-84939"><em>slashers</em></a>), du <a href="https://theconversation.com/pour-ou-contre-le-revenu-de-base-universel-103739">revenu universel</a>, ou encore de questions sur les <a href="https://theconversation.com/la-liberation-des-entreprises-en-question-quelques-reflexions-a-destination-des-futurs-leaderateurs-98079">nouvelles formes de management</a>, de <a href="https://theconversation.com/les-nouvelles-formes-de-solidarite-chez-les-travailleurs-independants-82853">solidarité</a> et de <a href="https://theconversation.com/gouvernance-dentreprise-de-leconomie-collaborative-au-gouvernement-algorithmique-des-plateformes-61104">gouvernance</a>.</p>
<p>Centrés tantôt sur l’emploi, le travail ou encore les pratiques de management, ces débats ont eu un mérite : rendre visible la multiplicité des avenirs possibles du travail.</p>
<h2>Atmosphère… Vous avez dit atmosphère ? !</h2>
<p>Dans le cadre de sa dernière note de recherche intitulée <a href="https://www.researchgate.net/publication/329254461_Le_futur_du_travail_en_2030_quatre_atmospheres/stats">« Le futur du travail en 2030 : quatre atmosphères ? »</a>, le réseau international et think tank <a href="https://collaborativespacesstudy.wordpress.com/">RGCS</a> propose à son tour une vision plurielle des futurs du travail.</p>
<p>Nous présentons d’abord huit paradoxes à l’œuvre dans les pratiques de travail et de management actuelles. Ils mettent en évidence les tensions et les dilemmes qui sont au cœur des transformations du travail : mobilité <em>vs</em> sédentarité ; entreprendre <em>vs</em> dépendre ; liberté <em>vs</em> sécurité ; autonomie <em>vs</em> contrôle ; digitalisation <em>vs</em> corporéité, etc.</p>
<p>Sur cette base, nous réhabilitons la notion d’<a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01868036/document">atmosphère</a>, à la fois simple et paradoxale, afin de décrire le travail d’aujourd’hui et de demain. L’atmosphère désigne le milieu, le contexte, l’ambiance, tout ce qui est difficilement dicible dans un environnement de vie ou de travail. Elle est en même temps très concrète dans ce qui la constitue : des gestes, des outils, des lieux, des pratiques, des sensations, des affects, etc. Il s’agit d’une « quasi-matérialité » (res)sentie dans les lumières, les paroles, les bruits, les textures qui médiatisent notre relation au travail. L’atmosphère définit, dans et au-delà des mots, l’espace et le temps de l’activité de travail.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/248579/original/file-20181203-194953-13elqlm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/248579/original/file-20181203-194953-13elqlm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/248579/original/file-20181203-194953-13elqlm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/248579/original/file-20181203-194953-13elqlm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/248579/original/file-20181203-194953-13elqlm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/248579/original/file-20181203-194953-13elqlm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/248579/original/file-20181203-194953-13elqlm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Ahmed Carter/Unsplash.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nous élaborons alors quatre scénarios, articulés avec quatre atmosphères particulières de travail, afin d’envisager à quoi ressemblera le monde du travail à l’horizon 2030.</p>
<ul>
<li><p><strong>« Freelancing » </strong> imagine une société majoritairement faite de travailleurs indépendants et de freelancers mis en relation par des plates-formes globales. L’Autre est transaction. L’atmosphère devient liquide au sens de <a href="https://www.fayard.fr/pluriel/la-vie-liquide-9782818503096">Z. Bauman</a> ;</p></li>
<li><p><strong>« Salariat » </strong> décrit un monde ayant comme mode de fonctionnement central le salariat. Les CDI et CDD connaissent des évolutions juridiques mais ils restent au cœur de l’emploi et du travail. L’Autre est contrat. L’atmosphère se territorialise, s’enracine ;</p></li>
<li><p><strong>« Hybridation » </strong> s’inscrit davantage en rupture avec les modes de fonctionnement actuels. Les formes de pluriactivités y sont généralisées. Chacun cumule au même moment différents emplois ou alterne les périodes de salariat et d’entrepreneuriat à un rythme soutenu. L’atmosphère devient un millefeuille de sensations alternées ou ressenties au même moment. L’Autre, réversible, est un autre soi-même et entraîne la gestion d’un « soi multiple ». Pour certains, cette atmosphère est quasi schizophrénique ;</p></li>
<li><p><strong>« Revenu universel » </strong> projette une situation dans laquelle le sens donné à l’activité prime sur la performance et les statuts. Les formes de salariat et d’entrepreneuriat perdurent sur fond de solidarité généralisée. L’atmosphère est davantage incarnée par le don et la réinvention de soi.</p></li>
</ul>
<p>Bien sûr, ces scénarios, et leurs atmosphères associées, peuvent se combiner. On peut ainsi imaginer une progression conjointe du freelancing et du salariat avec la généralisation du CDD. Les scénarios freelancing et revenu universel nous semblent également compatibles. Nos quatre scénarios sont autant de possibilités pratiques et émotionnelles avec lesquelles nous suggérons de jouer afin de se projeter dans le futur.</p>
<p>Pour affirmer ici notre propre conviction, nous pensons que l’avenir du travail sera plein de surprises et entrelacera de façon créative les évolutions que nous venons d’esquisser. Les grands paradoxes et les enjeux managériaux soulignés dans cette troisième note de recherche sur le sujet garderont cependant toute leur importance dans l’équilibre qu’atteindra ou non la société française d’ici une dizaine d’années.</p>
<h2>Futures or no future ? !</h2>
<p>Un soir d’été 2025 à Montpellier, Freelancia, Salaria, Hybridia et Solidaria discutent, place de la Comédie.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/248580/original/file-20181203-194922-1uk8ecx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/248580/original/file-20181203-194922-1uk8ecx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/248580/original/file-20181203-194922-1uk8ecx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/248580/original/file-20181203-194922-1uk8ecx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/248580/original/file-20181203-194922-1uk8ecx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/248580/original/file-20181203-194922-1uk8ecx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/248580/original/file-20181203-194922-1uk8ecx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Rochelongue Montpellier.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces quatre personnages féminins incarnent nos quatre scénarios. Elles portent chacune le futur du travail. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé, des événements ayant eu lieu, n’est pas purement fortuite !</p>
<p>Ce dialogue (détaillé dans notre note de recherche) entre ces quatre individus illustre les choix de vie et les projets de société spécifiques, parfois exclusifs, qui correspondent à chacun de ces scénarios. Extrait :</p>
<blockquote>
<p>Hybridia : « Il y a trois ans, j’étais encore indépendante. Et tu te souviens qu’après le lycée, j’avais créé une petite entreprise d’art collaboratif ? Mais je trouve que tu opposes trop les choses Freelancia ! Pourquoi ne pas avoir le beurre et l’argent du beurre : des moments de liberté et des moments de sécurité ? »</p>
<p>Freelancia : « Il n’y que 24 heures dans une journée […]. Avec une autre activité en parallèle, j’aurais l’impression de faire un enfant dans le dos à ma première activité. »</p>
<p>[…]</p>
<p>Solidaria : « Tu ne vas pas passer ta vie à vendre du vent ! Tu as été “consultante”, “innovation catalyst” et maintenant “chief of intrapreneurship ». C’est quoi l’étape d’après ? […] Tu n’as pas envie de faire des choses qui auraient plus de sens ? Pour toi et pour les autres ? »</p>
<p>Salaria : « Je ne pourrais pas vivre d’amour et d’eau fraîche comme toi. Je gère deux enfants quasiment seule. Je sais ce que vont coûter leurs études. Je veux pour eux une éducation top […] qui leur donnera cette petite rente sur laquelle tu t’es appuyée toi aussi au début. »</p>
</blockquote>
<p>La note se prolonge par une réflexion plus spécifique sur les aspects technologiques en toile de fond de ces scénarios. Il y est question des liens que l’intelligence artificielle (IA) entretient avec le travail (plutôt que l’emploi). En revenant sur une métaphore liée à l’Égypte ancienne empruntée à Michel Serres, nous proposons de regarder le smartphone du futur travailleur et son IA comme un « <a href="https://www.decitre.fr/livres/petite-poucette-9782746506053.html">Ka</a> », un double autonome de chacun d’entre nous. Nous soulevons alors un certain nombre de questions d’ordre éthique.</p>
<p>En conclusion, loin de céder à la tentation de la boule de cristal ou de la dystopie, nous souhaitons, au travers de cette recherche, mettre en exergue des choix de vie, d’usages technologiques, des formes de travail – anciennes et nouvelles, de votes et d’engagements citoyens qui, dès aujourd’hui, rendent possibles ou impossibles certains scénarios sur l’avenir du travail.</p>
<hr>
<p><em>Cette contribution est tirée de l’étude intitulée <a href="https://www.researchgate.net/publication/329254461_Le_futur_du_travail_en_2030_quatre_atmospheres">« Le futur du travail en 2030 : quatre atmosphères ? »</a>, cosignée par François-Xavier de Vaujany (PSL, Université Paris-Dauphine), Amélie Bohas (Université Aix-Marseille), Sabine Carton (Université Grenoble-Alpes), Julie Fabbri (EM Lyon Business School) et Aurélie Leclercq-Vandelannoitte (CNRS, IESEG). Cette étude a été menée dans le cadre du réseau international de recherche RGCS (Research Group on Collaborative Spaces) sur les nouvelles pratiques de travail.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108104/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François-Xavier de Vaujany est président du réseau académique et think tank RGCS.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Amélie Bohas est membre du réseau académique et think tank RGCS</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Aurélie Leclercq-Vandelannoitte est membre du réseau académique et think tank RGCS.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Julie Fabbri est vice-présidente du réseau académique et think tank RGCS.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sabine Carton est secrétaire du réseau académique et think tank RGCS.</span></em></p>Une étude établit quatre scénarios possibles qui pourraient se combiner entre eux au cours de la prochaine décennie.François-Xavier de Vaujany, Professeur en management & théories des organisations, Université Paris Dauphine – PSLAmélie Bohas, Maître de Conférences en Sciences de Gestion, Aix-Marseille Université (AMU)Aurélie Leclercq-Vandelannoitte, Chercheuse, CNRS, LEM (Lille Economie Management), IÉSEG School of ManagementJulie Fabbri, Professeur en stratégie et management de l'innovation, EM Lyon Business SchoolSabine Carton, Professeur en Management des Systèmes d'Information Grenoble IAE - CERAG, Grenoble IAE Graduate School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1037392018-10-11T20:00:18Z2018-10-11T20:00:18ZPour ou contre le revenu de base universel ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/240204/original/file-20181011-154580-fauux7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C79%2C2029%2C1348&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lors de l'université d'été du revenu de base en août 2014.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/revenudebase/14993476352/in/photolist-d8vfpA-LU4Uip-J3GtnF-XzP6qd-HPrSbz-JMse7e-HXXznC-R7faqZ-QJr23A-RffSfm-N5Lce3-Q6GwLb-QimxNz-Q7GvKN-Mf8huZ-PB5SsS-i3EbX3-oytnR1-iix5sF-RzU4GX-25na7ce-oNUqjb-oyrAMY-Vh4Gyb-pYwTkq-qg5MbB-pcsmhC-oFAJeu-oFAVK4-oXPrVi-oFAhR7-oFAEy2-oW3PYh-oFzKHV-oFzEtX-oyGEgS-oysWPP-oQVu9Y-oQUnN3-oQEpkD-oNUqeG-oyroCB-oQEp5t-oysceF-oQWbTr-oQUmWo-dnMZmw">Revenu de base / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Un débat a été organisé sur le revenu universel de base dans le cadre d’un colloque de <a href="http://www.ccic-cerisy.asso.fr/">Cerisy</a> sur <a href="https://www.la-fabrique.fr/fr/blog/colloque-2018-journal-de-bord/">« Le travail en mouvement »</a>. Animé par <a href="https://www.ihedate.org/?+-Kaisergruber-+">Danielle Kaisergruber</a> (<a href="http://www.metiseurope.eu/">Metis-Europe</a>), il a opposé <a href="https://uclouvain.be/fr/chercher/hoover/yannick-vanderborght.html">Yannick Vanderborght</a>, professeur de sciences politiques aux universités de Saint-Louis (Bruxelles) et Louvain, et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean%E2%80%91Baptiste_de_Foucauld">Jean‑Baptiste de Foucauld</a>, inspecteur général des finances honoraire, ancien commissaire au Plan et acteur engagé depuis des décennies dans tous les dispositifs de solidarité et d’actions contre le chômage. Au-delà des arguments invoqués, deux visions anthropologiques s’affrontent autour de la question du travail.</p>
<h2>De quoi parle-t-on ?</h2>
<p>Revenu de base, revenu universel, revenu d’existence… Ces termes avaient déjà fait couler beaucoup d’encre lors de la dernière campagne présidentielle.</p>
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<a href="https://theconversation.com/revenu-universel-evitons-les-discours-simplistes-73813">Revenu universel : évitons les discours simplistes</a>
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<p>Le soufflé était quelque peu retombé, mais voici qu’Emmanuel Macron relance le débat en annonçant dans son plan Pauvreté un « revenu universel d’activité », contribuant ainsi à une certaine cacophonie des concepts. Rappelons les principes qui définissent le revenu de base : un revenu universel (pour tous), inconditionnel (ne nécessitant pas de remplir des conditions préalables), individuel (destiné à la personne et non au foyer), automatique (qu’on n’a pas besoin de demander) et sans devoirs ni contre-parties (« duty free »).</p>
<p>Or le « revenu universel d’activité » proposé par Emmanuel Macron vise surtout la simplification des nombreuses allocations existantes : il ne serait ni inconditionnel (il serait attribué au-dessous d’un certain plafond de ressources), ni a fortiori universel, et serait soumis à des devoirs (suivre un parcours d’insertion). Tout au plus serait-il automatique dès lors que les conditions de revenus en seraient réunies, d’où son appellation d’origine « versement social unique et automatique ».</p>
<p>Pour Jean‑Baptiste de Foucauld, ce brouillage terminologique est l’indice que le débat sur le revenu de base « va désormais polluer la vie politique pendant des décennies » au détriment d’une véritable réflexion sur la lutte contre le chômage et le droit au travail. Pour Yannick Vanderborght, le revenu universel constitue au contraire une « utopie mobilisatrice », qui permet de réfléchir concrètement à la déconnexion du revenu et du travail.</p>
<p>Pour ne prendre que le cas de la France, 2 millions de personnes en activité réduite perçoivent une allocation chômage, 1 million travaillent tout en percevant le RSA, 2,36 millions de foyers touchent la prime d’activité parce que leurs revenus sont insuffisants et 700 000 retraités sont aussi auto-entrepreneurs : la déconnexion revenu/travail est donc déjà une réalité. Réduire les difficultés d’accès aux minima sociaux représente un pas vers le revenu de base ; pourquoi dès lors ne pas aller encore plus loin et reconstruire radicalement tout le système ?</p>
<h2>Positions des principales forces politiques et sociales à l’égard du revenu de base</h2>
<p>Yannick Vanderborght a d’abord beaucoup étudié le revenu de base, avant d’en devenir un défenseur nuancé. Avec <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_Van_Parijs">Philippe Van Parijs</a>, il est l’auteur de <a href="http://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=9780674052284"><em>Basic Income. A Radical Proposal for a Free Society and a Sane Economy</em></a> (traduction française en 2019 à <a href="http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-L_allocation_universelle-9782707145260.html">La Découverte</a>), qui passe en revue l’histoire du concept et les positions des principales forces politiques et sociales engagées pour ou contre le revenu universel dans le monde.</p>
<p>Dans le camp des opposants, on trouve généralement la gauche travailliste, la gauche chrétienne et les syndicats, pour lesquels l’intégration par le travail reste l’horizon indépassable. Trois objections dominent : la crainte d’une individualisation des rapports sociaux au détriment des collectifs ; le risque d’une pression à la baisse des salaires ; et un sous-jacent plus stratégique : les syndicats sont par nature organisés autour du travail et le revenu universel s’adresse politiquement et prioritairement aux outsiders du marché du travail.</p>
<p>Parmi les forces « pour », on trouve essentiellement les écologistes en Europe, aux USA et au Canada et la gauche libertaire, qui mettent en avant trois types d’arguments : la remise en cause de la croissance (en tant que telle ou ne permettant de toute manière plus de fournir du travail à tous) ; l’existence de « communs » comme les ressources naturelles ou le capital accumulé, dont le revenu universel serait le dividende ; un rapport différent à l’activité plutôt qu’au seul « travail » dont la définition devient de plus en plus malaisée.</p>
<p>Si les féministes demeurent divisées à propos du revenu universel, à l’occasion d'expérimentations menées Seattle et Denver entre 1970 et 1980, certains analystes ont estimé que le taux de divorce avait soudainement augmenté; l’interprétation donnée à cette hausse étant que la répartition plus équilibrée du pouvoir économique a permis à des femmes dépendantes de sortir de situations de couple toxiques.</p>
<p>Même dans des pays où l’éthique du travail est très forte, le débat sur le revenu universel existe : en Suisse, l’initiative populaire en faveur d’un revenu universel (à hauteur de 2 260 euros par adulte !) a recueilli 23 % de « oui », ce qui est considérable, et au Japon, la fin de la tradition de l’emploi à vie, et ses corollaires précarisation/polarisation, ont fait modestement émerger la question.</p>
<h2>« Donner le minimum vieillesse aux nourrissons ! »</h2>
<p>Pour Jean‑Baptiste de Foucault, auteur de <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/sciences-politiques/abondance-frugale_9782738124470.php"><em>L’Abondance frugale, pour une nouvelle solidarité</em></a> et l’un des coordinateurs du <a href="http://www.pacte-civique.org/?Accueil">Pacte civique</a>, le point capital de sa critique contre le revenu universel réside dans l’absence de contre-don (« duty free »). Toutes les sociétés se sont construites sur le triptyque « donner, recevoir, rendre ».</p>
<p>La question de la réciprocité est donc essentielle : il y a don parce qu’il y a contre-don. S’affranchir méthodologiquement du contre-don (l’obligation de travailler, chercher du travail ou se former) représenterait un saut anthropologique de type transhumaniste, conduisant à un individualisme terrifiant. Le RU ferait courir à nos sociétés des risques tragiques, en créant des habitudes et des attentes – « sans doute pas à la première génération, car nous sommes habitués au travail, mais dès la suivante » – dont on découvrirait ensuite qu’elles ne peuvent pas être durablement financées, ce qui causerait d’amères déceptions. « Il y a de quoi provoquer une guerre civile ! »</p>
<p>Selon lui, la promesse est financièrement insoutenable dans le contexte des finances publiques qui est le nôtre, ce que confirment d’ailleurs la grande majorité des économistes : « On parle quand même de donner le minimum vieillesse aux nourrissons ! ». Or cela interviendrait en outre dans un contexte où le coût de la réparation écologique va nécessiter la mobilisation de ressources considérables et une demande de travail accrue.</p>
<p>Enfin, le revenu universel représenterait une rupture complète avec la société du travail. Travailler, c’est se rendre utile à autrui et recevoir en échange une rémunération. À l’inverse, le revenu universel incite à se désintéresser de l’utilité sociale, de l’insertion et du chômage, « puisqu’on règle le problème en le supprimant ». N’oublions pas que « pour que les uns consomment sans travailler, il faut que d’autres travaillent sans consommer » : ce qui est normal pour aider devient insupportable si cela se transforme en rente et inverse la dépendance.</p>
<h2>Poursuivre « la vie bonne » selon ses propres critères</h2>
<p>Tout au contraire, répond Yannick Vanderborght, les expérimentations ne donnent aujourd’hui aucune certitude quant à l’impact du RU sur l’activité : elle peut augmenter ou décroître. Croire à la propension des individus à travailler ou à se vautrer devant la télévision relève de la « foi » anthropologique. C’est une question du même ordre que savoir si l’homme est bon ou mauvais. Notre propension à travailler a certes un intérêt dans la mesure où elle détermine notre capacité à financer le revenu de base. Elle a donc une valeur instrumentale, mais pas forcément une valeur intrinsèque.</p>
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<p>En disséminant le pouvoir économique, le RU donne à chacun une certaine liberté pour poursuivre la « vie bonne » selon ses propres critères. Et cette vie bonne sera souvent une « vie laborieuse », ne serait-ce que parce qu’avec 500 euros par mois on continue à être incité à rechercher un revenu complémentaire. Mais ce peut être aussi suivre une formation, créer, rêver, ne rien faire ou choisir de participer à des activités socialement utiles – car le travail au sens de l’emploi n’est pas toujours utile (<em>bullshit jobs</em>), et les activités socialement utiles ne sont pas toujours des emplois.</p>
<h2>« Est-on libre avec 500 euros par mois ? »</h2>
<p>À cette question posée par un participant, Jean‑Baptiste de Foucauld répond catégoriquement par la négative.</p>
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<p>« Beaucoup d’individus doivent vivre avec 500 euros par mois. Ils ne sont évidemment pas heureux, car cela ne résout pas leur problème d’emploi. Le fait de ne pas travailler remet en cause l’identité et ne procure aucun bonheur. 500 euros ne permettent de gérer ni le problème de l’inclusion, ni la question de la reconnaissance de sa propre utilité. C’est pourquoi, je ne vois aucune raison de renoncer à lutter contre le chômage et pour le droit au travail. »</p>
</blockquote>
<p>De son côté, Yannick Vanderborght insiste sur le fait que c’est justement l’universalité qui représente l’indéniable avantage du revenu de base, parce qu’elle permet d’éviter la stigmatisation et le sentiment d’exclusion des allocataires de minima sociaux.</p>
<blockquote>
<p>« Dans le revenu de base, universalité et absence d’obligations sont deux inconditionnalités indissolublement liées : la première est ce qui permet d’accepter des activités faiblement rémunérées parce que l’on a un revenu par ailleurs ; la seconde est ce qui permet de refuser des activités dégradantes, peu attractives ou mal rémunérées, et donc de ne pas ouvrir la voie à l’exploitation. »</p>
</blockquote>
<p>Le débat entre ceux qui veulent continuer à chercher des solutions au chômage et ceux qui veulent couper le lien entre travail et revenu ne fait que commencer.</p>
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<p><em>Article extrait du compte-rendu du débat par <a href="https://www.cahierandco.com/">Marie-Laure Cahier</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103739/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Thierry Weil reçoit des financements de la Fondation Mines Paristech, reconnue d'utilité publique, qui soutient sa chaire "Futurs de l'industrie et du travail" et plus généralement la recherche et l'enseignement de l'Ecole des mines de Paris, membre de l'Université Paris Sciences et Lettres. Thierry Weil conseille La Fabrique de l'industrie, laboratoire d'idée laboratoire d'idées destiné à susciter et à enrichir le débat sur l'industrie.</span></em></p>Faut-il accorder un revenu de base à tous et sans conditions ?Thierry Weil, Chaire Futurs de l'industrie et du travail (CERNA, I3, CNRS), Membre de l’Académie des technologies, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/930192018-03-07T21:52:41Z2018-03-07T21:52:41ZLe revenu universel, la solution aux inégalités homme-femme ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/209384/original/file-20180307-146703-wzpave.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C31%2C3011%2C1908&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La répartition des tâches au sein du foyer est très déséquilibrée. Un revenu universel permettrait de rémunérer ce travail invisible.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/young-couple-woman-wife-kneeling-washing-582234067?src=7_KVh3RcnAXl5LvyTcZUcw-1-3">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>De nombreuses inégalités de genre semblent encore fermement ancrées. Elles résistent aux diverses lois et mesures politiques en faveur de l’égalité homme-femme. Comment remédier à cette situation ? Le revenu universel pourrait être une solution.</p>
<h2>Le revenu universel, une innovation dans la lutte contre les inégalités</h2>
<p>Mis en avant en France lors des élections présidentielles de 2017, le revenu universel est encore discuté à travers le monde. Une <a href="http://assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-FR.asp?cat=8&lang=1&newsid=6933">résolution récente du Conseil de l’Europe</a> a confirmé cet intérêt soutenu, de même que les nouvelles <a href="https://www.thersa.org/discover/publications-and-articles/reports/pathways-to-universal-basic-income-the-case-for-a-universal-basic-opportunity-fund">études de faisabilité</a> et <a href="https://www.theguardian.com/uk-news/2017/dec/25/scotland-universal-basic-income-councils-pilot-scheme">expérimentations</a> à l’échelon local, réalisées aux <a href="https://www.theguardian.com/inequality/2018/jan/12/money-for-nothing-is-finlands-universal-basic-income-trial-too-good-to-be-true">quatre coins du monde</a>. Mais est-ce pour autant la solution politique appropriée pour les femmes, contre ces inégalités de genre tenaces ?</p>
<h2>Les femmes, une population à risque avéré</h2>
<p>Il existe plusieurs raisons pour lesquelles un revenu universel accordé aux femmes pourrait être une bonne idée. Tout d’abord, les femmes sont sur-représentées <a href="http://beijing20.unwomen.org/fr/in-focus/poverty">parmi les individus en situation de pauvreté à travers le monde</a>. Ensuite, il a été mis en évidence que le <a href="http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1468018116686503?journalCode=gspa">lien entre le système de protection sociale actuel et le travail rémunéré désavantage systématiquement les femmes</a> : elles sont plus souvent que les hommes amenées à s’absenter du marché du travail pour prendre soin des autres. De plus, elles ont un accès plus limité aux transferts de revenu et ont tendance à être moins bien payées que leurs homologues masculins pour le même travail. Enfin, de nombreux obstacles continuent à les empêcher d’accéder aux postes à haute rémunération. Cette position de faiblesse peut également mener vers d’autres écueils, comme les <a href="https://www.forbes.com/2010/09/02/women-money-domestic-violence-forbes-woman-net-worth-personal-finance.html#5421d7461047">risques de violences conjugales résultant d’une situation de dépendance financière</a>.</p>
<p>En dissociant les revenus des prestations sociales et en étant versé aux individus plutôt qu’aux ménages, le revenu universel apporterait aux femmes une plus grande stabilité financière, une meilleure prédictibilité et une réelle indépendance.</p>
<h2>Un complément pour les femmes sous-payées ?</h2>
<p>Un revenu universel <a href="https://www.forbes.com/sites/timworstall/2015/09/18/the-real-value-of-a-universal-basic-income-is-that-it-raises-the-reservation-wage/#37e7e8377ca1">protégerait également les personnes qui occupent des emplois faiblement rémunérés</a>, qui sont en <a href="https://www.inegalites.fr/Les-inegalites-de-salaires-entre-les-femmes-et-les-hommes-etat-des-lieux">majorité des femmes</a>. Avec l’assurance de percevoir revenue de base, travailleurs et travailleuses ne seraient pas contraints d’accepter le premier emploi venu. Ils pourraient patienter jusqu’au moment où l’opportunité d’un poste correspondant mieux à leurs qualifications et expérience se présenterait, accompagné d’un salaire plus élevé et de meilleures conditions de travail.</p>
<p>Attention toutefois : de nombreux secteurs où les femmes constituent l’essentiel de la main-d’œuvre ont des taux de rémunération faibles. On suppose par exemple implicitement que les employés des domaines de la <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1564-913X.2010.00095.x/epdf">santé, de l’éducation et du social</a> occupent ces postes par vocation, et non par motivation financière. Plutôt que de s’attaquer à ce problème de la sous-évaluation des professions à prédominance féminine dans le secteur des services et du soin, il existe un risque que le revenu universel soit utilisé pour <a href="http://www.bath.ac.uk/publications/assessing-the-case-for-a-universal-basic-income-in-the-uk/attachments/basic_income_policy_brief.pdf">compléter ce travail féminin peu rémunéré</a>.</p>
<h2>Des risques cachés</h2>
<p>La répartition des tâches au sein du foyer serait la <a href="http://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/7202382/3-07032016-AP-FR.pdf/b6e922f7-c1b8-42b2-afdc-ffa947a1d260">cause principale de la plupart des inégalités de genre</a>. Un revenu universel inconditionnel n’est bien entendu en aucun cas inféodé à une exigence de tâches domestiques ou de soin par la personne qui le reçoit. Cela signifie que les <a href="https://www.inegalites.fr/L-inegale-repartition-des-taches-domestiques-entre-les-femmes-et-les-hommes">hommes qui aident peu à la maison recevraient malgré tout la même somme</a>. En revanche, ceux qui travaillent plus et qui se reposent sur les autres pour assurer ces tâches aideraient efficacement les personnes recevant le revenu de base par le biais de l’acquittement de leurs impôts. Comme le <a href="http://www.scottsantens.com/unconditional-basic-income-is-a-pigovian-subsidy-for-unpaid-work">soulignent les partisans du revenu universel</a>, tout le monde dépend du travail non rémunéré réalisé, de façon très disproportionnée, par les femmes au sein des familles. Par conséquent, un revenu universel pourrait être une façon de résoudre le problème du laisser-aller de ceux qui ne font pas leur juste part.</p>
<p>Cependant, à l’opposé, un revenu universel risquerait de consolider la division genrée du travail non rémunéré. Il pourrait en effet encourager les personnes en charge des responsabilités familiales du ménage à s’éloigner plus encore du marché du travail. Cette préoccupation ne se limite pas au revenu universel : en Suède, une aide financière pour les parents au foyer a rencontré une vive opposition car considérée comme <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-social-policy/article/trap-for-women-or-freedom-to-choose-the-struggle-over-cash-for-child-care-schemes-in-finland-and-sweden/42D05606B2489CF451C4C4EFAB2C5425">« un piège pour les femmes »</a>. À l’échelle du foyer et à court terme, la décision de la personne ayant le plus bas salaire (en général, la femme) de se retirer du marché du travail pourrait sembler rationnelle.</p>
<p>Néanmoins, quand il est associé à des inégalités salariales, à la discrimination de genre et aux préjugés culturels, ce choix apparemment réfléchi a des conséquences négatives à moyen et long terme, non seulement pour la gent féminine mais aussi au <a href="https://www.academia.edu/621286/An_emancipation_fee_or_hush_money_The_advantages_and_disadvantages_of_a_basic_income_for_womens_emancipation_and_well-being">plan sociétal</a>.</p>
<h2>La valeur du travail non rémunéré pour la société</h2>
<p>Certains soutiennent qu’un revenu universel peut être considéré comme <a href="https://www.degruyter.com/view/j/bis.2008.3.3/bis.2008.3.3.1129/bis.2008.3.3.1129.xml">valorisant réellement le travail de soin et d’entretien non rémunéré</a>, en reconnaissant la nature non marchande de cette activité et son interaction avec les influences idéologiques et culturelles. En effet, même les plus sceptiques admettent que ce type de paiement aurait plus de transparence que des aides financières déguisées pour les personnes <a href="https://www.academia.edu/621286/An_emancipation_fee_or_hush_money_The_advantages_and_disadvantages_of_a_basic_income_for_womens_emancipation_and_well-being">bénéficiaires d’allocations chômages</a>.</p>
<p>D’autres voient le revenu universel comme un moyen de diminuer la <a href="https://www.degruyter.com/view/j/bis.2008.3.3/bis.2008.3.3.1133/bis.2008.3.3.1133.xml">division sexuelle du travail</a> au foyer, pour une société plus égalitaire. Cependant, ces mêmes influences culturelles et idéologiques « forcent » aussi les femmes, même celles qui sont bien payées à des postes à temps plein, à effectuer davantage de travail non rémunéré à la maison. Les partisans de l’égalité des sexes affirment donc que de vrais changements requièrent le rééquilibrage de la distribution du travail à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du foyer.</p>
<p>Malheureusement, les progrès en dehors de la maison ont jusqu’à présent devancé ceux réalisés au sein des ménages, laissant aux femmes une « deuxième journée » de travail. Un revenu universel, même pour ses adeptes, devrait donc uniquement être envisagé comme un <a href="https://www.degruyter.com/view/j/bis.2008.3.3/bis.2008.3.3.1136/bis.2008.3.3.1136.xml">élément précis d’un ensemble de mesures visant à réduire les inégalités</a>, qu’elles soient d’âge, de classe, d’éducation ou de genre.</p>
<h2>Solution partielle ou mise en danger ?</h2>
<p>À terme, un revenu universel pourrait constituer un outil efficace pour traiter les symptômes résultant des inégalités salariales et du déséquilibre dans l’accès au marché du travail. Toutefois, il ne s’attaque pas aux causes sous-jacentes desdites inégalités. Pour véritablement briser les inégalités tenaces entre les sexes, une <a href="https://www.academia.edu/621286/An_emancipation_fee_or_hush_money_The_advantages_and_disadvantages_of_a_basic_income_for_womens_emancipation_and_well-being">série de mesures</a> devraient être prises. Il faudrait notamment cibler les hommes et leur comportement dans le domaine du travail, à la fois rémunéré et non rémunéré.</p>
<p>Ces dispositions doivent viser à changer la culture de la société, pour se diriger vers un monde où tout travailleur peut être un aidant, qu’il soit homme ou femme. Elles doivent encourager le partage des rôles au sein du foyer avec le même accès aux congés. Il est peu probable qu’un revenu universel seul puisse favoriser une redistribution plus équitable du travail de soin et d’entretien. Se reposer uniquement sur cette solution risquerait en effet de rendre économiquement viable l’actuel déséquilibre du partage des rôles, faisant manquer les objectifs égalitaires initiaux.</p>
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<p><em>Traduction par Gaëlle Gormley.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/93019/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les inégalités de genre persistent encore en 2018. L’instauration d’un revenu universel pourrait permettre de les réduire, à condition de rester vigilant vis-à-vis de ses potentiels effets pervers.Genevieve Shanahan, Etudiante PhD, Grenoble École de Management (GEM)Mark Smith, Dean of Faculty & Professor of Human Resource Management, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/911122018-02-13T20:23:49Z2018-02-13T20:23:49ZFace à des ressources naturelles comptées, instaurons le revenu de transition écologique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/206020/original/file-20180212-58324-1xggzd4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Repenser l’activité économique à l’heure où les ressources naturelles sont menacées. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/success?src=CV1J37_-8eG1ossDVqiOhg-11-48">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><em>Ce texte est publié en partenariat avec la revue numérique <a href="http://lapenseeecologique.com/">« La pensée écologique »</a>, dirigée par <a href="https://theconversation.com/profiles/dominique-bourg-411343">Dominique Bourg</a></em>.</p>
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<p>L’idée d’un revenu de base inconditionnel, qui serait versé à chaque personne indépendamment de son activité professionnelle, anime les milieux académiques et politiques depuis plusieurs décennies. L’une des propositions les plus récentes, formulée par le <a href="http://www.revenudebase.info/">Mouvement français pour un revenu de base</a>, s’élève à hauteur du RSA (soit 465 euros par mois et par adulte pour 2015).</p>
<p>Pour justifier son instauration, ses partisans invoquent différents arguments de nature philosophique, économique, sociale ou politique.</p>
<p>En toile de fond, sont évoquées les inquiétudes liées à l’avenir du salariat dans une société en proie à de graves problèmes d’exclusion, d’enfermement dans des trappes à inactivité et à l’automatisation.</p>
<h2>Le débat de la présidentielle</h2>
<p>Le principe d’une rente inconditionnelle a ainsi connu un succès d’estime durant la campagne présidentielle française de 2017 ; il a été défendu par des candidats de gauche et de droite, de Benoît Hamon à Nathalie Kosciusko-Morizet.</p>
<p>Dans le secteur numérique, <a href="https://www.fastcompany.com/4030576/elon-musk-says-automation-will-make-a-universal-basic-income-necessary-soon">Elon Musk</a>, le créateur de Tesla, SpaceX et PayPal, envisage le RBI comme une opportunité intéressante pour accompagner l’automatisation de l’économie : une forme de revenu sans contrepartie pour compenser les pertes d’emploi massives qui vont se poursuivre avec le développement continu et croissant de l’intelligence artificielle et de la robotisation.</p>
<p>Le fondateur d’eBay, Pierre Omidyar, a de son côté récemment affirmé investir près de 500 000 dollars pour mener sur douze ans une <a href="https://www.omidyar.com/blog/why-we-invested-givedirectly">expérimentation avec une ONG</a> dans plusieurs centaines de villages au Kenya. L’enjeu est de sensibiliser les dirigeants politiques à l’opportunité d’un RBI dans un pays pauvre où la main-d’œuvre considérée « bon marché » est aussi menacée aussi par l’automatisation et la mondialisation.</p>
<p>Mais face à l’ampleur des problèmes socio-économiques et écologiques, le RBI est-il vraiment la solution ? Peut-on attendre d’une seule mesure monétaire des effets aussi ambitieux et contradictoires que la sortie des trappes à chômage, l’émergence d’activités écologiques ou citoyennes, le retour à la consommation de masse et la création de liens sociaux ? Rien n’est moins sûr.</p>
<p>Nous avançons ici une proposition qui, si elle semble proche du RBI, est radicalement différente, s’appuyant sur une autre représentation sociétale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"960832406457651200"}"></div></p>
<h2>Social et écologie, même combat</h2>
<p>L’enjeu principal concerne la combinaison des volets écologiques et sociaux. C’est autour de cette combinaison que tous les autres aspects s’articulent.</p>
<p>Prenons la question du chômage : avec la vague de robotisation qui s’annonce, les <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/economie-et-finance/deuxieme-age-de-la-machine_9782738133069.php">emplois sont menacés</a>, des milliers de licenciements sont attendus, intensifiant le <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/economie-et-finance/homme-inutile_9782738133113.php">sentiment d’inutilité</a> au sein de la population.</p>
<p>Pourtant, le travail reste encore générateur de lien social et porteur de sens. Alors, pourquoi attendre passivement que les vagues l’emportent ? Pourquoi ne pas prendre acte du fait que notre société évolue désormais dans un monde aux ressources limitées ?</p>
<p>Dans ce tel contexte, il nous faut évidemment revoir nos capacités productives (en limitant notamment le volume de nos extractions en ressources naturelles) ; mais de telles mesures nous permettront aussi d’aller dans le sens d’une <a href="https://theconversation.com/etes-vous-terriens-ou-martiens-plaidoyer-pour-une-economie-permacirculaire-85165">société permacirculaire</a>.</p>
<p>Pour créer les emplois de demain, il importe de valoriser une révolution socio-écologique, analogue à celle que nous connaissons dans le numérique ; des expérimentations déjà en cours, compatibles avec l’objectif de réduction de l’empreinte écologique à une planète, en constituent les signes avant-coureurs.</p>
<p>Ces activités ont <a href="https://www.actes-sud.fr/catalogue/economie/leconomie-symbiotique">émergé dans différents secteurs</a>, de la production à la consommation, en passant par l’habitat, l’urbanisme, l’information, la gouvernance partagée, la mobilité et ce qui relève plus généralement du biosourcé avec, à titre d’exemple, le modèle de l’agroécologie, la chimie verte, le biomimétisme, la mutualisation des ressources, les fablabs, la consommation collaborative, les communs entrepreneuriaux. On a ainsi vu émerger des coopératives d’énergie renoulevable, des écohameaux et écovillages, des entrepreneurs actifs dans l’écomobilité ou encore des associations qui luttent contre la précarité énergétique.</p>
<p>Ce sont ces activités qu’un dispositif d’accompagnement de la transition écologique et sociale devrait encourager. Et c’est ici qu’intervient l’idée d’un <a href="https://www.puf.com/content/Pour_un_revenu_de_transition_%C3%A9cologique">revenu de transition écologique (RTE)</a>. Ce dispositif s’articule autour de trois axes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"940150888215269376"}"></div></p>
<h2>Les trois composantes du RTE</h2>
<p>La première caractéristique du RTE consiste à maintenir, contrairement au RBI, le couplage entre revenu et activité. Cette dernière est entendue au sens large : elle inclut le bénévolat, à caractère écologique ou social, et peut être continuellement enrichie par des propositions individuelles ou collectives.</p>
<p>La deuxième composante du dispositif consiste à ne pas se limiter à un revenu sous forme monétaire ; il s’agit de proposer aussi un dispositif d’accompagnement, fondamental pour encadrer les personnes porteuses de projets et celles déjà en transition. De ce point de vue, des méthodologies existent déjà, à l’instar de celle développée par <a href="https://snc.asso.fr">Solidarités nouvelles face au chômage</a> et grâce, notamment, à l’immense travail des associations comme le Pacte civique, ATD Quart-Monde ou le Secours catholique, présentes sur le terrain.</p>
<p>Enfin, la troisième composante du RTE tient à la nécessaire adhésion pour le percevoir à une structure démocratique. Celle-ci est entendue au sens large du terme ; elle pourrait reposer sur les modèles des coopératives d’activité et d’emploi, mais également sur les pôles territoriaux de coopération économique basés sur des coopérations entre acteurs privés et collectivités publiques, ou encore les <a href="https://www.tzcld.fr/">Territoires zéro chômeur de longue durée.</a></p>
<p>Au sein de cette structure, chaque personne peut choisir de reverser son RTE ou de le conserver individuellement, sachant qu’il constitue un socle sur lequel s’additionnent les autres revenus et est récupéré par la fiscalité (le taux d’imposition augmente avec le revenu). Le système d’imposition progressif actuel serait donc maintenu et combiné avec, d’une part, la mise en place de taxes carbone ou une taxe dite de <a href="https://livre.fnac.com/a10815383/Christian-Arnsperger-Ecologie-integrale">permarcircularité</a> et, d’autre part, de monnaies locales complémentaires.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"917133621663846400"}"></div></p>
<h2>Un nouveau lien social</h2>
<p>Le RTE vise ainsi clairement la réduction de l’empreinte écologique : en permettant de toucher un revenu en contrepartie d’une activité compatible avec la limitation des ressources naturelles de notre planète. En prenant en compte la dimension sociale et sans stigmatisation qui instaure une nouvelle hiérarchie des enjeux : tout le monde peut bénéficier d’un accompagnement qui inscrit un objectif global et en même temps plus précis que l’affirmation non ciblée des promoteurs du RBI de lutter à la fois contre le chômage, la pauvreté et le retour de la consommation.</p>
<p>En prônant, enfin, l’adhésion à une structure démocratique et à un nouvel imaginaire. Pas simplement la défense de la liberté individuelle de consommer ce que l’on souhaite avec un revenu monétaire, mais celle de s’engager pleinement dans les activités de son choix, en adhérant à un collectif qui partage des valeurs génératrices du nouveau lien social qui manque cruellement à nos sociétés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/91112/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sophie Swaton ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il faut aller plus loin que le revenu de base inconditionnel pour prendre en compte les aspects à la fois sociaux et écologiques.Sophie Swaton, Maître d’enseignement et de recherche en durabilité opérationnelle, Université de LausanneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/874012017-11-16T20:33:07Z2017-11-16T20:33:07ZTout salaire mérite-t-il travail ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/194595/original/file-20171114-26457-yxi5pc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le travail est devenu synonyme de réalisation de soi.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/andrewfhart/16269834605/">Andrew Hart/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article a été publié en collaboration avec le <a href="http://rfiea.fr/">Réseau français des instituts des études avancées</a> (RFIEA) dans le numéro 29 du bimensuel <a href="http://fellows.rfiea.fr/">Fellows</a> intitulé <a href="http://fellows.rfiea.fr/dossier/l-avenir-du-travail-au-xxie-siecle">« L’avenir du travail au XXᵉ siècle »</a>.</em></p>
<hr>
<p>Dimanche 5 juin 2016, les <a href="http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/06/05/les-suisses-appeles-a-se-prononcer-sur-le-revenu-de-base-inconditionnel_4936537_3214.html">citoyens suisses auraient pu décider de vivre sans travailler</a>, pour le reste de leur vie, en recevant de l’État 2 250 euros par mois sans contrepartie.</p>
<p>Le refus de cette perspective a été net : <a href="https://www.tdg.ch/suisse/Retrouvez-le-depouillement-en-direct-des-votations-du-5-juin/story/23828519?dossier_id=3270">76,2 % des votants ont dit non</a> à « l’instauration d’un revenu de base inconditionnel » pour « permettre à l’ensemble de la population de mener une existence digne et de participer à la vie publique ».</p>
<p>Par le passé, les électeurs suisses avaient déjà repoussé sèchement l’éventualité de passer de <a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2012/03/11/20002-20120311ARTFIG00217-les-suisses-disent-non-a-plus-de-vacances.php">quatre à six semaines de vacances par an</a>, de <a href="https://www.swissinfo.ch/fre/les-suisses-ne-veulent-pas-travailler-moins/2576262">réduire le temps de travail</a> de 40 à 36 heures par semaine, ou encore d’avancer l’<a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-politique-2005-2-page-173.htm">âge de départ à la retraite de 65 à 62 ans</a>. Considérer que l’existence ne devrait pas être consacrée à chercher et exercer une activité de plus en plus difficile à trouver, mais nécessaire pour survivre, n’a pas le vent en poupe.</p>
<p>Triste destinée politique que celle des partisans de l’utopie de la rémunération sans travail. En France, Benoît Hamon en <a href="http://www.lefigaro.fr/elections/presidentielles/2017/04/23/35003-20170423ARTFIG00184-benoit-hamon-autopsie-d-un-echec-programme.php">a fait les frais aux dernières élections présidentielles</a>, avec un résultat désastreux – le plus faible score de l’histoire du PS.</p>
<p>Selon un sondage IFOP mené fin 2016, <a href="http://www.ifop.com/?option=com_publication&type=poll&id=3623">73 % des Français jugent le revenu universel utopique</a> et 65 % craignent que celui-ci « incite les gens à ne plus travailler et à se contenter de leur revenu universel ». Les personnes sondées sont pourtant 85 % à déclarer qu’en cas d’adoption de la mesure, elles continueraient à s’échiner à la tâche « pour gagner plus d’argent, parce qu’ils ne s’imaginent pas ne pas travailler ».</p>
<h2>Fractures</h2>
<p>La fracture sociologique, économique et philosophique entre partisans et opposants de ce genre de revenu ne pourrait être plus nette. Le postulat de départ lui-même est clivant.</p>
<p>Pour les tenants du revenu universel, le travail tel que nous l’avons connu et imaginé jusqu’à présent est révolu. Les métamorphoses sont multiples. D’une part, sa nature : le travail est de moins en moins cantonné à un lieu, des horaires déterminés, et de plus en plus entrelacé avec des aspects de l’existence qui n’étaient pas nécessairement impliqués dans cette activité auparavant (émotions, sentiments, savoir-être, réseau…)</p>
<p>D’autre part, la pénurie du travail croît de façon exponentielle et inexorable, et cette tendance s’applique également aux activités créatrices et innovantes, de plus en plus menacées de remplacement par le progrès des machines numériques et intelligentes. De ce diagnostic découle, logiquement, une proposition politique. Il s’agit d’un changement de hiérarchie de valeurs, voire d’une révolution, dans le rapport entre individu et travail : garantir la subsistance de l’individu, même en l’absence de la vente (partielle ou totale) de sa propre force de travail, de sa vie en échange d’un salaire.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/194596/original/file-20171114-26470-159944w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/194596/original/file-20171114-26470-159944w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/194596/original/file-20171114-26470-159944w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/194596/original/file-20171114-26470-159944w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/194596/original/file-20171114-26470-159944w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/194596/original/file-20171114-26470-159944w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/194596/original/file-20171114-26470-159944w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dès son origine, le capitalisme a mis en compétition droit de vivre et droit de travailler.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/35675330555/">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Le refus de l’utopie</h2>
<p>Pourquoi une utopie si attrayante, basée sur des arguments solides, en phase avec les problématiques contemporaines, rencontre des résistances si tenaces ? Sur quoi s’appuie ce refus à imaginer la possibilité d’une vie sans travail, jusqu’à présent manifestée par la majorité des citoyens occidentaux (c’est seulement d’eux dont on parle, faut-il le rappeler, lorsqu’on évoque ce type de scénarios) ?</p>
<p>Ces questions ne sont pas inédites. Elles sont, en réalité, anciennes comme le capitalisme. Dès son origine, celui-ci a mis en compétition inévitable droit de vivre et droit de travailler. Le capitalisme crée et détruit constamment, de manière plus ou moins équilibrée, des postes de travail ; il exploite les travailleurs comme une marchandise lambda ; il engendre tant la richesse que la pauvreté. Pour ces raisons structurelles, <a href="https://framespa.revues.org/59">depuis les lois anglaises</a> sur le travail au XVIII<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup> siècles, on débat avec acharnement de la question suivante : déconnecter travail et salaire est-il opportun – introduisant les problématiques de charité, d’assistance/assistanat, de mécénat, de _welfare _- ou inenvisageable, avec la figure du <a href="https://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2008-2-page-107.htm"><em>working poor</em></a> comme seul sujet économique de masse admis par le travail capitaliste ?</p>
<h2>Le travail comme réalisation de soi</h2>
<p>Au cours des XIX<sup>e</sup> et XX<sup>e</sup> siècles, les principales réponses culturelles à ce dilemme ont convergé vers une forme d’apologie, de <a href="https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2001-2-page-145.htm">culte ou de sanctification du travail</a>.</p>
<p>Il y a la version protestante-bourgeoise (le <a href="https://books.google.fr/books?id=xwk723HxrjkC&pg=PA21&lpg=PA21&dq=le+travail+comme+signe+d%27%C3%A9lection+et+salut+de+l%27%C3%A2me+protestant&source=bl&ots=Alkd9QwEUW&sig=bUpblRxFoHS7y63WMQPpezMeVEg&hl=en&sa=X&ved=0ahUKEwiLqInKhr7XAhWFZFAKHQ_DDdYQ6AEIPjAD#v=onepage&q=le%20travail%20comme%20signe%20d%27%C3%A9lection%20et%20salut%20de%20l%27%C3%A2me%20protestant&f=false">travail comme signe d’élection et salut de l’âme</a>) et la version socialiste-prolétaire, où le <a href="https://lectures.revues.org/21441?lang=es">travail est arme d’émancipation révolutionnaire</a>. Dans un cas comme dans l’autre, cette idéologie assigne au travail le rôle de vecteur de réalisation de soi du point de vue moral, économique et politique. Cela donne une fonction essentielle au marché du travail : celle de grand dispositif d’intégration sociale.</p>
<p>Les résistances face à la perspective d’un revenu universel – corollaires d’une stigmatisation sociale de ceux qui ne travaillent pas ou de ceux qui aspirent à vivre sans travailler « vraiment » – trouvent leur source dans cette culture « travailliste ». Celle-ci traverse les frontières du traditionnel conflit de classe entre capital et travail, patrons et ouvriers (avec des différences significatives entre Nord et Sud de l’hémisphère occidental).</p>
<p>Or, cette dimension est un angle mort dans l’argumentation des partisans de l’utopie d’une vie sans labeur. Ils ne comprennent pas que, jusqu’à présent, l’expérience du travail revêt un caractère incontournable pour la plupart des Occidentaux, en raison de leur condition : isolés, impuissants, libres seulement de consommer et de jouir à l’infini. Ils oublient que l’expérience du travail a une double nature. Condamnation à gagner chaque jour son pain, supplice, torture (comme l’indique une de ses possibles étymologies : <em>trepalium</em> en latin), le travail est aussi accouchement, création et réalisation : un horizon de lumière qui peut produire des transformations concrètes.</p>
<p>Cette expérience de réalisation de soi malgré les difficultés présente une affinité très forte avec ce qu’on pourrait appeler « l’utopie capitaliste ». C’est le rêve de liberté de chaque <em>self-made man</em> : se créer une vie meilleure, avec ses seules forces, donc avec son travail. Dans <em>Robinson Crusoé</em>, <a href="http://www3.nccu.edu.tw/%7E100258501/file/H.%20Varian_Microeconomics(2010,%208th%20ed.).pdf">bible de ce genre de rêves</a>, <em>industry</em> est le mot le plus présent.</p>
<p>Face à cette perspective, si laborieuse, le projet de revenu universel, tel qu’il est articulé aujourd’hui, a très peu de chances de s’imposer. L’espoir utopique de milliards de self-made men/women peut difficilement être remplacé par celui d’une vie sans travail, avec un revenu distribué de façon paternaliste par l’État.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/194148/original/file-20171110-29364-1vw6o0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/194148/original/file-20171110-29364-1vw6o0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/194148/original/file-20171110-29364-1vw6o0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/194148/original/file-20171110-29364-1vw6o0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/194148/original/file-20171110-29364-1vw6o0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/194148/original/file-20171110-29364-1vw6o0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/194148/original/file-20171110-29364-1vw6o0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Le réseau des quatre instituts d'études avancées a accueilli plus de 500 chercheurs du monde entier depuis 2007. Découvrez leurs productions sur le site <a href="http://fellows.rfiea.fr/">Fellows</a>.
<em>Cet article a été rédigé en collaboration avec Aurélie Louchart (<a href="http://rfiea.fr/">RFIEA</a>).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/87401/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Enrico Donaggio ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’idée de revenu universel ne peut aboutir tant que le travail est associé à l’idée de réalisation de soi : le capitalisme met ainsi en compétition droit de vivre et droit de travailler.Enrico Donaggio, Professeur de philosophie, Université de Turin, Fellow 2017- IMéRA, IEA d’Aix-Marseille, Réseau français des instituts d’études avancées (RFIEA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/754862017-04-27T20:30:51Z2017-04-27T20:30:51ZComment contenir le phénomène des travailleurs pauvres ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/166789/original/file-20170426-2857-15hsfqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Livreur.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f/photo/8006172613/150bbfd03a/">domesticallydelish/Visualhunt </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Comme dans la célèbre chanson du groupe <a href="https://www.youtube.com/watch?v=TjPhzgxe3L0">The Smiths</a> des années 80 : « Je cherchais un travail, j’ai fini par en trouver un, mais mon dieu ! Dans quelle misère suis-je maintenant ! ». L’augmentation de la pauvreté active remet en question l’adage selon lequel travailler est la meilleure façon de sortir de la pauvreté. Avec les changements radicaux survenus dans le marché du travail, les types d’emploi disponibles et les nouvelles menaces telles que la robotisation, on ne peut plus se fier aux anciennes assertions. Que peut faire la société lorsqu’elle est confrontée à l’accroissement de la part de pauvreté active ?</p>
<h2>Qu’est-ce que la pauvreté active ?</h2>
<p>Bien que les définitions varient, la <a href="http://bit.ly/2p38lXi">Commission européenne</a> considère que les travailleurs pauvres sont les personnes employées plus de la moitié de l’année mais dont le revenu du foyer représente moins de 60 % de la moyenne nationale. Cette définition a concerné presque 1/10<sup>e</sup> de la <a href="http://bit.ly/2a5Psey">population active européenne en 2015</a>. Les travailleurs pauvres sont particulièrement nombreux parmi les ménages à revenu unique avec enfants (19,8 %), tandis que les foyers sans enfants où deux personnes travaillent, sont les moins à risque (6,2 %).</p>
<p>La pauvreté active a émergé suite aux changements survenus dans le marché du travail et dans sa composition, le tout aggravé par des <a href="http://bit.ly/2qdkK8S">systèmes de protection sociale</a> mal adaptés aux nouvelles réalités de l’économie. Des postes stables qui apportaient autrefois la sécurité au travailleur et à sa famille ont été remplacés par une variété de nouveaux contrats et par des formes de travail précaire et pseudo indépendant. La diversité des personnes présentes sur le marché du travail a également augmenté. Il comprend maintenant plus de femmes, de familles monoparentales et de jeunes qui peinent à trouver un emploi.</p>
<h2>Où sont ces travailleurs pauvres ?</h2>
<p>Étant donné que leurs emplois sont souvent plus précaires et moins bien rémunérés, les jeunes sont <a href="http://bit.ly/1iKLNAB">surreprésentés</a> parmi les travailleurs pauvres. Cependant, les taux officiels de pauvreté active peuvent être complexifiés par la nature des statistiques à l’échelle des ménages. À titre d’exemple, la pauvreté active parmi les jeunes est moins prononcée dans le <a href="http://bit.ly/2qdCAbS">sud de l’Europe</a> où ils ont tendance à rester plus longtemps chez leurs parents.</p>
<p>Ces statistiques illustrent les effets des ménages, inhérents à la mesure de la pauvreté active : la pauvreté est définie au niveau du foyer alors que les personnes sont employées en tant qu’individus. Ainsi, il est difficile ne pas lier la pauvreté à la composition du ménage. Cette particularité fait à son tour de la pauvreté active un problème épineux d’un point de vue politique : à quel niveau doit-on agir ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/166790/original/file-20170426-2834-934eai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166790/original/file-20170426-2834-934eai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166790/original/file-20170426-2834-934eai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166790/original/file-20170426-2834-934eai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166790/original/file-20170426-2834-934eai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166790/original/file-20170426-2834-934eai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166790/original/file-20170426-2834-934eai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166790/original/file-20170426-2834-934eai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">À Berlin.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f/photo/16469351839/3c643295e6/">Яafik/Visualhunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<h2>L’économie du « partage » entraîne-t-elle plus de travailleurs vers la pauvreté ?</h2>
<p>La multiplication des nouvelles formes de travail indépendant apporte encore une autre dimension à la problématique de la pauvreté active. Elle est plus importante parmi les autoentrepreneurs dans <a href="http://bit.ly/2oKpT8o">presque tous les pays</a>. Une étude récente sur le travail indépendant a montré qu’il y a une polarisation plus grande dans les revenus des personnes concernées que dans ceux des salariés.</p>
<p>L’émergence de ce que l’on appelle l’économie du « partage » a mis en lumière dans quelle mesure les travailleurs indépendants avec peu de revenus sont vulnérables : ils doivent endosser plus de risques en recevant pourtant une part de <a href="http://read.bi/2oIJaWH">bénéfices relativement petite</a> de ces nouveaux marchés. Une recherche allemande suggère que l’auto-entreprenariat à bas revenu tend à se concentrer au sein de groupes déjà économiquement marginaux : « jeunes, femmes, travailleurs à temps partiel, familles monoparentales et indépendants ayant des problèmes de santé ».</p>
<h2>Un nouvel enjeu définitionnel ?</h2>
<p>Un des aspects du problème de la nouvelle économie est lié à l’interrogation suivante : les travailleurs sont-ils vraiment indépendants ou de simples employés sans les avantages ?</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/166791/original/file-20170426-2848-k5alpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166791/original/file-20170426-2848-k5alpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166791/original/file-20170426-2848-k5alpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=613&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166791/original/file-20170426-2848-k5alpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=613&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166791/original/file-20170426-2848-k5alpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=613&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166791/original/file-20170426-2848-k5alpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=770&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166791/original/file-20170426-2848-k5alpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=770&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166791/original/file-20170426-2848-k5alpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=770&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Livreur Deliveroo.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tcees/VisualHunt</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Quand les vrais travailleurs indépendants fixent leurs prix en prenant en compte le coût et la maintenance de leur équipement, les périodes creuses, les jours où ils sont malades, etc., les acteurs importants de l’économie collaborative comme Deliveroo et Uber refusent ce contrôle à leurs employés. Uber rencontre des <a href="http://for.tn/2oKXkr2">difficultés à ce sujet</a> dans de nombreux pays, avec un possible impact sur les droits des travailleurs en termes de salaires, congés payés et d’indemnités maladie.</p>
<p>Le problème de la définition s’étend aussi à la variabilité des revenus de l’économie collaborative. Le risque supporté par les travailleurs signifie qu’ils peuvent avoir des bonnes et des mauvaises semaines. De plus, en tant que pseudo travailleurs indépendants, ils se retrouvent en difficulté quand ils sont en période creuse ou en arrêt maladie.</p>
<h2>Quelles politiques pour aider les travailleurs pauvres ?</h2>
<p>L’une des problématiques rencontrées par les législateurs est celle de l’adaptation de l’aide sociale en fonction de la <a href="http://bit.ly/2qdv019">précarité du marché du travail</a> et de la fluctuation des revenus d’une semaine à l’autre. Le problème est complexe et pourrait en réalité nécessiter d’agir sur plusieurs fronts. Du point de vue du marché du travail, les législateurs ont besoin de <a href="http://bit.ly/2pyhEjA">nouveaux outils</a> pour affronter la réalité de la situation de l’emploi contemporain, qui requière une aide sociale de protection contre les revenus faibles ou irréguliers et des mesures permettant de lutter contre les conséquences négatives de certaines des « innovations » de cette nouvelle économie.</p>
<p>Concernant la protection sociale, rendre les allocations universelles ou inconditionnelles est une des possibilités permettant de prévoir un seuil en dessous duquel les revenus sont assurés de ne pouvoir descendre, diminuant ainsi le risque de pauvreté active. Un certain nombre de pays ont essayé des formes <a href="http://bit.ly/2oKEVee">d’impôts sur le revenu négatifs</a> grâce auxquels les travailleurs peuvent percevoir un montant supplémentaire en compensation de faibles revenus. Cependant, ces mesures peuvent être onéreuses à mettre en place et ne sont pas forcément adaptables aux fluctuations des rentrées d’argent de court terme.</p>
<p>Les <a href="http://bit.ly/2ov2FHi">revenus minimums</a> sont un autre moyen d’avoir un seuil horaire, mais les temps de travail courts ou irréguliers font que ce taux planché ne garantira peut-être pas un salaire hebdomadaire suffisant. Une <a href="http://bit.ly/2ouZuzi">étude</a> réalisée en Belgique sur les options politiques pour lutter contre la pauvreté active conclut par un appel à des mesures universelles qui pourraient soutenir, plutôt que saper, la volonté de travailler (quand on compare avec des mesures plus ciblées).</p>
<p>En ce qui concerne les marchés du travail, les orientations politiques de ces dernières années se sont tournées vers la <a href="http://bit.ly/2phoXJI">réduction</a>, plutôt que vers l’augmentation, de la protection législative dans le but d’augmenter l’emploi et de promouvoir la flexibilité.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/166792/original/file-20170426-2831-4jvyt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166792/original/file-20170426-2831-4jvyt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166792/original/file-20170426-2831-4jvyt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166792/original/file-20170426-2831-4jvyt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166792/original/file-20170426-2831-4jvyt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166792/original/file-20170426-2831-4jvyt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166792/original/file-20170426-2831-4jvyt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166792/original/file-20170426-2831-4jvyt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Fast food.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jon Bunting via VisualHunt.com</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Dans la nouvelle économie, les formes d’action traditionnelles des syndicats sont difficiles. Les travailleurs étant souvent jeunes, mobiles et en transit, cela ne facilite pas le travail des recruteurs de ces organisations. On peut cependant voir les signes de nouvelles formes de mobilisation, par exemple parmi les livreurs <a href="http://bit.ly/2mW5qjQ">Deliveroo</a> et les employés de <a href="http://bit.ly/2q5J1Bk">fast-food</a> sous contrats « zéro heure ».</p>
<p>Dans tous les cas, il est primordial de ne pas sous-estimer le risque de progression de la pauvreté active. Quand la population sent qu’elle est perdante malgré le fait qu’elle respecte les règles du jeu, la société court un risque plus grand que celui de la précarité, celui de voir la <a href="http://bit.ly/2ouZTBO">cohésion sociale</a> diminuer et le populisme augmenter.</p>
<hr>
<p><em>Traduction par Gaëlle Gormley.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/75486/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>il est primordial de ne pas sous-estimer le risque de progression de la pauvreté active. Quand la population sent qu’elle est perdante même si elle respecte les règles du jeu, le populisme augmente.Mark Smith, Dean of Faculty & Professor of Human Resource Management, Grenoble École de Management (GEM)Genevieve Shanahan, Research assistant, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/761942017-04-13T19:46:27Z2017-04-13T19:46:27ZPrésidentielle 2017 : pour des valeurs de gauche au service du travail et de l’emploi<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/165319/original/image-20170413-25870-1c60vun.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Demain, les robots ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f/photo/3495552250/62a721aa47/">Rmoris / Visualhunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p><em>Ce texte collectif est issu du travail des auteurs suivants : Yoann Bazin (Dr en sciences de gestion), Vinca Bigo (économiste), Fabien Forge (économiste), Thomas Lagoarde-Ségot (économiste), Virginie Martin (politologue), Véronique Manry (sociologue), Annie Munos (Dr en sciences de gestion), Bernard Paranque (économiste), Katia Richomme-Huet (Dr en sciences de gestion), Virginie Vial (économiste).</em></p>
<hr>
<p>La campagne présidentielle a pour mérite de permettre l’émergence d’un débat autour des questions économiques et sociales. Nous aborderons ici celles liées au travail et à l’emploi et reviendrons sur bon nombre d’idées préconçues concernant le plein emploi, la formation, le revenu universel, le temps de travail et le digital.</p>
<p>Souvent, il est question de savoir si les programmes des candidats sont cohérents, idéalistes, réalistes, utopistes, viables. Il est aussi courant de taxer d’irréalistes les projets et idées qui tentent de penser l’avenir, des façons de voir le monde autrement et notamment celui du travail. Nous pensons au contraire que nous avons plus que jamais besoin d’interroger les enjeux essentiels de notre société ; ceci n’est ni utopique ni fou.</p>
<p>Certaines propositions qui s’autoproclament comme « réalistes » ou « pragmatiques » prennent des chemins économiques mille fois empruntés. Ces mêmes qui n’ont donné, pour le plus grand nombre, que des résultats médiocres. Dans le contexte actuel, la « rationalité » invoquée pour légitimer les discours nous paraît, paradoxalement, le signe d’une irrationalité encore plus extrême.</p>
<p>Mais pour bien repérer l’irrationalité de tels discours il faut bien sûr aller vers le détail, interroger les idées toutes faites, mettre en cause certains « économistes-journalistes » des plateaux télé.</p>
<p>En tant que chercheurs, nous pensons qu’il est temps d’accorder de l’importance non pas à ce qui est présenté comme « obligatoire », « inévitable », « rationnel », mais à ce qui est possible. Ces projections qui sont plus que jamais exigées dans le contexte actuel, sont hélas, par ignorance, moquées par les discours autodéclarés « sérieux ».</p>
<p>En tant que chercheurs nous voulons dire ici combien d’autres voies sont possibles. D’autres voies que celles des courants dominants en économie, les mêmes discours qui nous ont menés à la catastrophe productive, sociale, humaine et écologique dans laquelle nous sommes.</p>
<h2>Le plein emploi ?</h2>
<p>Il est temps d’arrêter les promesses mensongères et de faire face à la question qui fâche : pouvons-nous revenir au plein emploi avec les outils et les méthodes du néolibéralisme ? L’adoption d’une solution britannique de type contrats zéro heure, n’est qu’une manière de faire sortir quelques millions de personnes des statistiques du chômage tout en les plongeant dans la misère. En Allemagne, des statistiques cachent une augmentation de la pauvreté et au Danemark des personnes sortent des chiffres du chômage et sont comptabilisées comme handicapées.</p>
<p>Bien sûr que l’idée d’une inversion de la courbe du chômage est belle. Mais pas à n’importe quel prix : loin de créer des statuts précaires pour donner l’illusion d’une absence de chômage comme le souhaitent MM. Macron et Fillon, il s’agit d’assurer un plein emploi de qualité. De même, la réponse de certains par le tout entrepreneuriat ou le tout start-up est illusoire tant le taux de mortalité de ces micro-entreprises est élevé, crowdfunding ou pas. Et, laissées à elles-mêmes, les forces de marché ne permettent pas de créer le plein emploi et ont aussi tendance à générer des emplois de mauvaise qualité.</p>
<h2>La formation ?</h2>
<p>Pour atteindre le Saint Graal du plein emploi, beaucoup présentent la formation comme le nec plus ultra censé être l’Alpha et l’Omega de l’inversion de la courbe du chômage. Les spécialistes de la formation que nous sommes connaissent mieux que quiconque ces limites. En effet, on ne forme pas n’importe qui à n’importe quoi. Tenir compte des capacités, des « blessures » et des environnements de chacun font le succès d’une formation. On peut entendre qu’apprendre un nouveau métier la cinquantaine passée est compliqué.</p>
<p>Les formations doivent être micro-ciblées, en tenant compte des capacités de chacun et ne plus être la manne financière de quelques-uns et la réponse creuse de beaucoup de nos politiques. La formation peut être envisagée comme modalité pour pallier les manques d’un système en mutation permanente mais ne peut en aucun cas constituer la solution à une vision moderne du travail et ne saurait résoudre à elle seule le problème du chômage.</p>
<h2>Le revenu universel</h2>
<p>Le revenu universel (RU) est peut-être un des moyens de résoudre ces questions et pourrait constituer un apport pour répondre aux enjeux de ce monde « nouveau » dans lequel nous sommes déjà. Nous pouvons ici le mettre en lumière. Nous pensons en effet, qu’il est temps de prendre au sérieux la disparition tendancielle du travail salarié, question posée dès le XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Au-delà d’offrir un filet de sécurité pour les plus fragiles, ce RU pourrait aussi constituer un tremplin pour la création de nombreuses nouvelles opportunités d’innovations génératrices d’activités et d’emplois et bien sûr de création de valeurs pour la société.</p>
<p>Il faut rappeler que ceux qui se retrouvent au chômage rencontrent deux difficultés majeures : la perte d’un revenu décent mais aussi celle de la raison d’être qu’apporte la contribution effective à la création des valeurs de la société, réduite le plus souvent à la seule création de valeur comptable et financière.</p>
<p>Plutôt que « du travail tout de suite », les enjeux nous appellent à la mise en route d’une autre façon pour l’Homme d’avoir sa place dans la société.</p>
<h2>L’entreprise, un objet politique</h2>
<p>Nous refusons par ailleurs de considérer de manière univoque l’entreprise : en effet celle-ci peut prendre des formes multiples : association, Sarl, TPE, ONG… Étant donné les enjeux auxquels nous sommes confrontés, la responsabilité du politique serait plutôt de promouvoir la diversité économique ;ce en favorisant l’émergence de nouveaux modèles d’entreprise reposant notamment sur la solidarité mais aussi sur une définition élargie de la « valeur » prenant en compte les dimensions écologiques et sociales des activités. Cette nouvelle génération d’entreprise devrait être pilotée par des indicateurs de performances environnementale, sociale et de gouvernance qui prendraient en compte l’ensemble du collectif mobilisé par l’entreprise. Un tel chantier de refondation des instruments de gestion peut se résumer par une problématique simple : s’approprier résolument « l’entreprise » comme un objet politique.</p>
<h2>Le temps de travail</h2>
<p>Coincés dans une idéologie toute libérale – très vintage puisque datant des années 1980 – Messieurs Fillon et Macron préconisent à la fois une suppression de fonctionnaires et la référence aux 35 heures. Bien sûr de nombreuses entreprises défendront l’allongement du nombre d’heures surtout face à des syndicats en perte de vitesse et affaiblis entre autres, par les réformes introduites ces dernières années.</p>
<p>Mais est-on sûr que le rallongement du temps de travail est la solution à l’inversion de la courbe du chômage ? Comment les salariés pourront-ils amortir une charge supplémentaire dans un temps déjà contraint et violenté par des temps de transports plus longs et un stress en entreprise devenu pathogène ? En moyenne, les Français travaillent déjà une quarantaine d’heures par semaine. Proposer la fin de la durée légale reviendra surtout à leur faire perdre du pouvoir d’achat au regard des heures supplémentaires.</p>
<p>Se pose également une question plus philosophique : de quel travail parle-t-on ? Celui arrimé à la nécessité de vivre, ou celui qui nous permet de développer notre humanité ? Tout travail est toujours ambivalent et porte les deux aspects (épanouissement et contrainte) mais il est urgent de réfléchir à une évolution qui aurait pour cœur l’épanouissement et l’émancipation.</p>
<p>De nombreux chercheurs montrent que le temps passé à travailler n’est plus linéaire mais polychronique : on ne fait plus les choses les unes après les autres mais en même temps, en entreprise comme à la maison. Notre journée est configurée comme un millefeuille mélangeant vie privée et professionnelle… Le résultat ? Nous travaillons plus vite et presque tout le temps. Sans cesse poussés – mais aussi aidés par les technologies – à être plus productifs, ne serait-il pas logique de bénéficier de ces gains de productivité ?</p>
<p>En effet, si le Français travaille en moyenne 40,5 heures par semaine, sa productivité est parmi les plus hautes en Europe (45,6 euros par heure), avec celle des Danois et des Irlandais. Pendant longtemps, les gains de productivité se sont accompagnés d’une baisse de la durée hebdomadaire du travail et d’une hausse des rémunérations. Le néolibéralisme a contribué à casser cette dynamique en accroissant l’intensification du travail avec laquelle il est urgent de rompre.</p>
<h2>Les coûts du tout performance</h2>
<p>Dès lors, pourquoi tant de candidats tentent-ils de nous convaincre que notre économie est profondément malade alors que le dernier rapport de l’Insee montre des indicateurs très encourageants ? La France a baissé son déficit public (3,5 % de son PIB au lieu de 3,8 %). En revanche, oui, les Français sont malades : 12 millions souffrent de troubles psychiatriques, presque autant sont atteints de maladies chroniques, plus de 5 millions souffrent de solitude et 25 personnes se suicident chaque jour sur notre territoire.</p>
<p>Oui, (l’hyper)productivité coûte : en termes de santé, de pollution, de stress, de souffrance au travail, d’éducation des enfants… Par ailleurs n’est-il pas un peu court de vouloir réduire le travail au seul salariat ou à celui qui génère un revenu, au détriment de tous les travaux possibles de l’art à la culture, en passant par le bénévolat ou l’engagement citoyen ?</p>
<h2>Numérique et travail</h2>
<p>La question qui s’impose aujourd’hui est claire : la digitalisation mais aussi la robotisation de l’économie encensées aujourd’hui créeront-elles autant d’emplois qu’elles n’en supprimeront ? Combien de temps encore aurons-nous besoin de secrétaires médicales, d’agents de voyages ou de caissières ? L’explosion du digital et de la robotisation est infiniment plus rapide que la mise en place de programmes de formation et de reconversion (parfois impossible) ; le temps que ces « sacrifiés » se réinsèrent, les courbes du chômage et de la pauvreté progresseront.</p>
<p>Il s’agit bien de <a href="https://theconversation.com/taxer-le-travail-des-robots-quand-leurope-rejoint-hamon-sur-le-revenu-universel-71544">taxer les robots</a>, non pour plomber la compétitivité des entreprises mais, d’une part, pour permettre le redéploiement des compétences là où elles sont nécessaires, comme la transition écologique, et d’autre part, les utiliser à ce pour quoi ils ont été conçus : libérer les humains des tâches épuisantes, sans pour autant les condamner à la pauvreté et non pas les dédier in fine à enrichir une poignée d’actionnaires.</p>
<h2>Interroger la valeur travail</h2>
<p>Plutôt que les recettes éculées qui visent à subventionner les grandes entreprises l’idée de taxer suffisamment la création de valeur issue de l’automatisation pour financer la disparition du travail qu’elle engendre nous semble finalement plus pragmatique qu’idéaliste. Déjà, en 1995, J. Rifkin, D. Méda, ou, dès le XIX<sup>e</sup> siècle, P. Lafargue, identifiaient bien cette disparition progressive à laquelle nous faisons face aujourd’hui.</p>
<p>Finalement, est-il recevable que le seul discours porté par nos responsables politiques soit uniquement le travail générateur de revenus, et rien que le travail ? Non, car ce seul travail ne constitue pas la vie d’un citoyen. Nous vivons plus longtemps mais pas forcément en bonne santé, faisons des études plus longues et traversons des cycles multiples : stagiaires, apprentis, salariés, chômeurs, bénévoles, autoentrepreneurs, créateurs, indépendants, retraités, en formation, en arrêt maladie, en aide à sa famille, en année sabbatique, en congé maternité/paternité… Où sont les politiques de ces temps « non travaillés » ? Car nous sommes aussi des citoyens avant d’être des contribuables. Et le travail ne concerne pas que l’entreprise, il est temps de le comprendre.</p>
<h2>Une élection à fort enjeux</h2>
<p>Pour les chercheurs que nous sommes, certains programmes de cette présidentielle font écho aux résultats et préconisations de nombreux travaux académiques et scientifiques. Leur prise en compte est nécessaire dans les périodes de transitions comme celles que nous vivons, moments certes complexes, mais aussi porteurs d’opportunités. Pour aborder le monde du travail de demain, il faut enfin faire confiance à d’autres alternatives.</p>
<p>Au final, une société démocratique ne devrait-elle pas être une société plus douce et bienveillante ? N’est-ce pas ce rendez-vous dont il est question lors de cette élection présidentielle ? La modernité nous a éloignés d’une certaine forme de violence, pourquoi y revenir ? Pourquoi ne pas aller plus loin et avoir l’ambition d’une société qui souffre moins, tout en étant forte et rayonnante au plan européen et mondial ?</p>
<p>Drôle de campagne que celle-ci dans laquelle les vieilles antiennes servent de cache-misère pour continuer avec des recettes usées ou bien condamnent « les autres » – les étrangers, les réfugiés– pour nous expliquer que tout ira mieux sans eux ! La résilience doit venir de nous, car c’est une période de disruption que nous traversons et nous en avons plus que jamais besoin. L’évolution de nos habitudes de vie et de nos référentiels séculaires peut faire peur, mais elle sera aussi une chance pour qui sait l’accueillir.</p>
<p>Certains de nos candidats aujourd’hui, se demandent, au-delà des questions économiques qui sont dans leurs programmes, si nous vivrons mieux demain. C’est bien là que devraient être le pari de cette campagne, la source de toutes les interrogations. Car finalement, à quoi sert le politique si ce n’est à essayer de nous permettre de vivre humainement ?</p>
<hr>
<p><em>Texte collectif : Yoann Bazin (Dr en sciences de gestion), Vinca Bigo (économiste), Fabien Forge (économiste), Thomas Lagoarde-Ségot (économiste), Virginie Martin (politologue), Véronique Manry (sociologue), Annie Munos (Dr en sciences de gestion), Bernard Paranque (économiste), Katia Richomme-Huet (Dr en sciences de gestion), Virginie Vial (économiste).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76194/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Virginie Martin est membre de Think Tank Different</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Annie Lapert-Munos, Bernard Paranque, Virginie Vial et Yoann Bazin ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Présidentielle : des économistes, des sociologues, des politologues et des docteurs en sciences de gestion s’engagent pour que des valeurs de gauche soient mises au service de l’emploi et du travail.Virginie Martin, Docteure sciences politiques, HDR sciences de gestion, Kedge Business SchoolAnnie Lapert-Munos, Docteur en sciences de gestion, HDR, Kedge Business SchoolBernard Paranque, Economiste, Kedge Business SchoolVirginie Vial, Professeure d'Economie, Kedge Business SchoolYoann Bazin, Enseignant chercheur en Sciences de gestion, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/738132017-03-01T21:36:50Z2017-03-01T21:36:50ZRevenu universel : évitons les discours simplistes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/158876/original/image-20170301-5504-yudpdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestation de la « génération revenu universel » le 30 avril 2016 à Zurich.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/generation-grundeinkommen/26685348121/in/album-72157666579464545/">Generation Grundeinkommen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Les joutes verbales des candidats poussent à simplifier ce sujet à l’extrême. C’est inévitable. Le revenu universel mérite pourtant mieux que cela. Retour sur quelques idées reçues.</p>
<h2>Le droit au travail et à une rémunération équitable</h2>
<p>La Déclaration universelle des droits de l’homme énonce que « Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage » (art. 23-1) et que « Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s’il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale » (art. 23-3).</p>
<p>Lorsque les conditions économiques ne permettent pas de garantir ce droit au travail, le respect du préambule de notre Constitution oblige donc les gouvernements à assurer à chacun une existence conforme à la dignité humaine. C’est le rôle des divers minima sociaux, système complexe et lacunaire que certains proposent de simplifier radicalement en attribuant à chacun un revenu universel.</p>
<p>Cette idée est parfois décrite avec mépris comme totalement irréaliste, tandis que ses promoteurs éludent certaines réelles difficultés que pose sa mise en place. Retour critique sur quelques-uns des arguments échangés :</p>
<h2>Si on est payé à ne rien faire, qui voudra travailler ?</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/158877/original/image-20170301-5521-1nt17sp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/158877/original/image-20170301-5521-1nt17sp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/158877/original/image-20170301-5521-1nt17sp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/158877/original/image-20170301-5521-1nt17sp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/158877/original/image-20170301-5521-1nt17sp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/158877/original/image-20170301-5521-1nt17sp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/158877/original/image-20170301-5521-1nt17sp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/158877/original/image-20170301-5521-1nt17sp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Manifestation « génération revenu universel », Zürich, avril 2016.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/generation-grundeinkommen/26148593953/in/album-72157666579464545/">Generation Grundeinkommen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>L’idée que chaque citoyen reçoit ce dont il a besoin et contribue selon ses capacités n’est pas nouvelle. Mais son interprétation varie dans le temps et l’espace : quels besoins prend-on en compte ? Quelle contribution est raisonnable ?</p>
<p>Pour Thomas More, les habitants d’Utopia étaient frugaux, car, certains de disposer du nécessaire, ils n’avaient aucun besoin d’accumuler un superflu. Pourtant, les mises en œuvre de cette société communiste vertueuse ont été diverses et peu durables, qu’elles soient locales (phalanstères, kibboutzim, sovkhozes, communautés locales diverses) ou globales (pays communistes), conduisant beaucoup à douter de la viabilité de cette utopie.</p>
<p>En effet, une fois le nécessaire assuré pour tous, certains souhaitent s’en contenter, tandis que d’autres aspirent à plus, n’en déplaise à Thomas More. Mais dans les collectivités communistes, la plupart sont découragés par l’obligation de partager le fruit de leurs efforts supplémentaires : tout partager dans une petite communauté de 12 personnes revient à accepter un taux d’imposition de 91,5 %, et de 99,5 % dans une communauté de 200 âmes.</p>
<p>Bien sûr, certains travaux procurent suffisamment de gratification pour qu’ils soient entrepris gratuitement. On peut ainsi philosopher, écrire des poèmes ou jouer de la musique au bénéfice de tous. Il faut plus d’altruisme pour sortir les poubelles ou faire la vaisselle du repas pris en commun, surtout lorsque les convives sont nombreux. On trouve cependant des volontaires, certes plus rares. À l’inverse du passager clandestin, qui profite de l’effort commun, certains contributeurs clandestins, dont beaucoup d’anonymes, nettoient les coquilles des articles de Wikipédia ou ramassent spontanément un déchet dans la rue. Ces contributeurs désintéressés sont une énigme pour les économistes qui ne peuvent expliquer, sans dépasser les notions qui fondent leur domaine, pourquoi un client anonyme, de passage dans un restaurant où il sait qu’il ne reviendra jamais et où personne ne le connaît, laisse un pourboire à un serveur qu’il ne reverra pas.</p>
<p>Dans un contexte où la contribution demande des efforts, mais ne donne lieu à aucune rémunération, on trouve pourtant des volontaires, mus par le plaisir du don, le besoin de lien social, l’excitation de la performance, le désir d’entretenir un bien commun.</p>
<h2>Accorder un minimum à chacun, ce n’est pas tout partager</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/158878/original/image-20170301-5521-15ugbh7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/158878/original/image-20170301-5521-15ugbh7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/158878/original/image-20170301-5521-15ugbh7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/158878/original/image-20170301-5521-15ugbh7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/158878/original/image-20170301-5521-15ugbh7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/158878/original/image-20170301-5521-15ugbh7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1134&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/158878/original/image-20170301-5521-15ugbh7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1134&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/158878/original/image-20170301-5521-15ugbh7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1134&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Manifestation « génération revenue universelle », Zürich, avril 2016.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/generation-grundeinkommen/26727044456/in/album-72157666579464545/">Generation Grundeinkommen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Que ceux qui craignent que ces altruistes soient trop peu nombreux ou que leur enthousiasme s’étiole se rassurent. La plupart des promoteurs du revenu universel ne vont pas jusqu’à proposer de supprimer la monnaie et la propriété privée. Le revenu minimum doit permettre à chacun de vivre dignement (notion dont la traduction concrète est sujette à des interprétations très variables), mais chacun est libre de « travailler plus pour gagner plus ».</p>
<p>L’enfant gâté que je suis, une fois empoché son revenu universel, après avoir fourni par plaisir quelques menus services à la collectivité, prêté main-forte à une association pour passer un bon moment avec les copains, restera donc très motivé pour consentir des efforts supplémentaires afin d’améliorer un ordinaire trop ordinaire.</p>
<p>Diverses expériences indiquent que le revenu universel ne décourage pas la recherche de travail. Des expériences contrôlées sont en cours pour confirmer ce fait, par exemple à <a href="http://www.metiseurope.eu/utrecht-l-experimentation-d-un-revenu-de-base-local_fr_70_art_30388.html">Utrecht</a>. On trouvera la description de certaines d’entre elles sur le site de la revue <a href="http://www.metiseurope.eu">Metis</a>.</p>
<h2>Garantir un revenu permet-il de vivre dans une société où il n’y a pas assez de travail pour tout le monde ?</h2>
<p>Même si certains travaux, parfois réalisés depuis son domicile, contribuent peu aux besoins relationnels de l’individu, le travail procure généralement, outre un revenu, une insertion dans une communauté et une satisfaction de faire œuvre ou de contribuer à la collectivité.</p>
<p>Certes, les liens sociaux ne viennent pas que du travail, le sentiment d’utilité à ses proches ou à une collectivité plus lointaine non plus, mais s’il n’y a plus de travail pour tout le monde, il ne suffira pas d’assurer la survie matérielle de chacun pour éviter des situations d’isolement problématiques.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/158881/original/image-20170301-5494-1gzuzrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/158881/original/image-20170301-5494-1gzuzrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/158881/original/image-20170301-5494-1gzuzrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/158881/original/image-20170301-5494-1gzuzrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/158881/original/image-20170301-5494-1gzuzrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/158881/original/image-20170301-5494-1gzuzrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/158881/original/image-20170301-5494-1gzuzrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/158881/original/image-20170301-5494-1gzuzrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Génération revenu universel », Zürich, avril 2016.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/generation-grundeinkommen/25532808094/in/album-72157666579464545/">Generation Grundeinkommen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Les libertariens qui prédisent que la machine fera tous les travaux peu gratifiants, mais que tant de richesses seront produites qu’on pourra distribuer à tous de quoi vivre n’abordent qu’une dimension de cette société sans besoin de travail. Un revenu universel n’évite pas la déréliction de ceux auxquels on ne demande rien. À juste titre, des auteurs comme <a href="https://lc.cx/JQQw">Bruno Palier</a> rappellent que les services publics d’une nation développée vont bien au-delà de la garantie de la survie matérielle de chacun.</p>
<p>Dans l’immédiat, des expérimentations comme <a href="http://www.zerochomeurdelongueduree.org/">« territoires zéro chômage de longue durée »</a>, où un accompagnement individuel vise à proposer un CDI adapté aux aspirations et aux possibilités de chacun en solvabilisant des besoins latents pendant une période de transition semblent beaucoup plus adaptées à l’urgence de réinsérer les publics éloignés du travail et menacés d’exclusion sociale.</p>
<h2>Une inéluctable fin du travail ?</h2>
<p>Le chômage endémique de notre pays et les gains de productivité font que certains envisagent la fin du travail. Cette hypothèse fait débat. Dans le passé, les gains de productivité de l’agriculture puis de l’industrie ont suscité un « déversement sectoriel » vers d’autres activités. Si un individu conserve des ressources et du temps après s’être nourri, logé, habillé et suréquipé, il consacrera peut-être le temps libéré à diverses activités culturelles, ludiques, sportives ou éducatives. Rien ne prouve que ces nouvelles activités ne créeront pas plus d’emplois de salariés ou d’activités de prestataires que ce qui sera perdu dans les secteurs dans lesquels la production est plus automatisée.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/158882/original/image-20170301-5540-116cm86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/158882/original/image-20170301-5540-116cm86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/158882/original/image-20170301-5540-116cm86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/158882/original/image-20170301-5540-116cm86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/158882/original/image-20170301-5540-116cm86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/158882/original/image-20170301-5540-116cm86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/158882/original/image-20170301-5540-116cm86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/158882/original/image-20170301-5540-116cm86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Manifestation « génération revenu universel », Zürich, avril 2016.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/generation-grundeinkommen/26685421891/in/album-72157666579464545/">Generation Grundeinkommen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Les limites au développement de nos consommations viendront plus des ressources finies de la planète que de notre manque d’imagination. Ainsi si le tourisme international devient accessible à plus de gens, il faudra trouver des modes de transport beaucoup moins émetteurs de carbone pour que cette croissance soit soutenable. C’est le rythme de découplage entre consommation et impact écologique de cette consommation qui constitue la limite majeure de la croissance, donc de la demande de travail, rémunéré ou non.</p>
<h2>Faut-il partager le travail existant ?</h2>
<p>Même si le manque de travail n’est que temporaire, la transition peut être longue et douloureuse, d’où l’idée d’adapter le temps de travail pour mieux le distribuer. S’il y a 10 % de chômeurs, pourquoi ne pas réduire de 10 % le temps de travail de ceux qui ont un emploi afin que chacun travaille ?</p>
<p>Encore faut-il que ceux qui sont sans emploi aient les compétences requises ou puissent les acquérir rapidement. Demander aux chirurgiens de travailler moins n’est possible que s’il existe une « réserve » de personnes aptes à les remplacer. À court terme, c’est rarement le cas, même si un système efficace de formation professionnelle tout au long de la vie diminuerait les temps d’adaptation. À long terme, il n’est pas toujours facile de prédire où seront les besoins.</p>
<p>Mais même lorsque l’on sait quels sont les métiers en tension et ceux pour lesquels beaucoup de personnes qualifiées ne trouvent pas d’emploi, et même lorsque les services d’orientation diffusent bien les informations sur la nature et les perspectives de ces métiers (ce qui est loin d’être toujours le cas aujourd’hui), va-t-on obliger un adolescent qui rêve de travailler dans la publicité à faire un BTS de chaudronnerie ? Si l’on partage le travail en respectant la spécialisation et les aspirations de chacun, les spécialistes de communication travailleront cinq heures par semaine et les ajusteurs 60 heures…</p>
<p>Partager le travail existant suppose donc à la fois une grande mobilité professionnelle, appuyée sur une population qualifiée et polyvalente (donc parfois surqualifiée pour les tâches proposées) et une acceptation d’une augmentation du temps de travail lorsque la demande devient plus forte.</p>
<h2>Payer le travail à un plus « juste » prix ?</h2>
<p>Si chacun est assuré du minimum, certains employeurs peuvent proposer une rémunération du travail à un coût inférieur au smic horaire actuel sans que personne n’y perde, tant qu’un travail à temps plein garantit de toucher au moins le salaire minimal actuel, après prise en compte du revenu universel. De nombreux emplois qui n’étaient pas économiquement rentables le deviennent alors. Certes, si l’employé n’y perd rien (par rapport au système actuel), l’employeur s’en tire à meilleur compte, mais n’oublions pas que ce sont ses profits qui financent le revenu universel et que cette création d’emplois supplémentaires est ce qui permet à ceux qui veulent travailler de le faire.</p>
<p>A contrario, un travail pénible qu’une personne acceptait faute d’alternative ne trouvera preneur que s’il est suffisamment rémunéré.</p>
<p>Le revenu universel permet donc de moins rémunérer les travailleurs peu qualifiés qui ne trouvaient pas d’emploi tout en obligeant à améliorer la compensation des travaux pénibles.</p>
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<span class="caption">Manifestation « génération revenu universel », Zürich, avril 2016.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/generation-grundeinkommen/26148581523/in/album-72157666579464545/">Generation Grundeinkommen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Le mur du financement</h2>
<p>La <a href="http://bit.ly/1qCmw2Q">Fondation Jean-Jaurès</a> estime le coût d’un revenu universel de 500 à 336 Md euros (16 % du PIB) auxquels doivent être ajoutés le coût actuel de l’assurance maladie (500 euros ne permettent pas de couvrir les coûts de santé !) et d’une part de l’assurance-chômage (sauf à accepter que chaque chômeur doive se contenter du revenu minimal), comme le rappelle <a href="http://bit.ly/2lkKZaE">Martin Richer</a>. L’économiste <a href="http://bit.ly/2mDJwy0">Jean Gadrey</a> arrive à un chiffrage analogue : 348 milliards d’euros pour un revenu de 500 euros par adulte et 200 euros par enfant (voir l’excellent dossier sur le revenu universel d’<a href="http://bit.ly/19qtn4A">Alternatives économiques</a> en mars 2017).
Ces chiffres évaluent les montants totaux à transférer. Mais pour beaucoup de citoyens, les conséquences sont peu visibles car leur contribution est du même ordre que ce qu'ils reçoivent. Il faut donc regarder plus en détail la situation de chaque contributeur. </p>
<p>Dans un article récent du <em>Monde</em>, <a href="http://bit.ly/2m9ILzk">Jean-Éric Hyafil</a> explique qu’on peut donner 500 euros de revenu universel à tous, en taxant à 35 % chaque gain au-delà de ces 500 euros. Un couple dont chaque membre gagne 2 000 euros ne paiera pas plus d’impôt, et les riches dont la tranche marginale d’imposition est de 45 % en paieront certes plus, mais l’augmentation relative reste tolérable (si tant est que la tolérance à l'impôt reste forte). L’augmentation relative de l’imposition des revenus moyens sera moins anodine (par exemple pour un couple dont chaque partenaire gagne 3 000 euros nets par mois, l’impôt annuel passerait de 8 139 à 21 000 euros, dont il faut retrancher les 6 000 euros reçus par chacun, donc 9 000 euros soit une augmentation d'un peu plus de 10 %). On trouvera des calculs plus détaillés sur le <a href="http://leon.regent.free.fr/Revenu_de_Base.htm">site de Léon Régent</a>, que je remercie de m'avoir signalé une erreur dans une première version de cet article. Pour des simulations précises et une bonne discussion sur qui perd ou gagne quoi et sur les aberrations d'un système devenu démesurément compliqué, on pourra lire aussi la <a href="https://www.generationlibre.eu/wp-content/uploads/2014/05/un-LIBER-pour-tous.pdf">synthèse de Gaspard Koenig et Marc de Basquiat</a>.</p>
<p>On ne va pas faire payer les pauvres qui n’en ont pas les moyens, ni les riches qui auraient trop intérêt à s’expatrier (avec les prélèvements sociaux, leur taux marginal d’imposition est déjà supérieur proche de 65 %). Les capacités contributives exploitables sont donc celles des classes moyennes, dont certains pensent que le consentement à payer l’impôt atteint ses limites. </p>
<p>Ces limites sont très liées au contexte culturel et idéologique d’une époque ou d’un pays. Le consentement à payer l’impôt comme la réprobation sociale vis-à-vis de ceux qui s’y soustraient sont plus développés en Europe du Nord que dans des pays moins civiques. L’attrait d’une société apaisée où personne ne redoute la misère peut justifier un plus grand effort de ceux qui ont une capacité contributive, et seront de surcroît moins exposés aux réactions de frustration ou d'hostilité des “classes dangeureuses”. Néanmoins, l’air du temps serait plutôt aujourd’hui à une « sécession des riches ». Même les pays vertueux ne sont pas sacrificiels au point de le rester s’ils ont le sentiment qu’ils acceptent une part disproportionnée du fardeau par rapport à leurs voisins. La tentation égoïste (ou de moindre altruisme) menace aujourd’hui le consensus dans certains pays d’Europe du Nord.</p>
<h2>L’appel d’air</h2>
<p>Le revenu universel dans un seul territoire rend ce territoire très attractif pour ceux qui ne bénéficient pas de cet avantage et ne seront pas appelés à trop contribuer à son financement. Si, pour éviter cet « appel d’air », on réserve ce privilège par exemple à ceux qui résident déjà depuis cinq ans sur le territoire, un des principaux bénéfices de la mesure, l’éradication de la pauvreté matérielle, n’est pas atteint.</p>
<p>Un revenu vraiment universel, versé à tous les habitants du globe, nous rapprocherait de l’Utopie de Thomas More et d’un monde harmonieux, sans imposer une uniformisation par le bas où les plus talentueux ne pourraient espérer améliorer leur sort. Quand on voit les difficultés à promouvoir une taxe carbone universelle qui serait pourtant le dispositif économique optimal pour éviter à moindres frais une catastrophe climatique, on peut craindre qu’il ne faille quelque temps.</p>
<p>Les optimistes objecteront qu’un revenu universel planétaire (éventuellement modulé selon les conditions de vie locales) serait ce qui rendrait supportable une taxe carbone pour les plus pauvres. Cela résoudrait en grande partie le problème de l’appel d’air, mais il resterait celui du financement. Tant qu’il existe des havres pour les plus réticents à partager qui jugent le taux de contribution nécessaire confiscatoire, il faudra se contenter de créer un consensus local (sur un territoire limité) pour un dispositif moins ambitieux.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/158885/original/image-20170301-5504-1o0ra1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/158885/original/image-20170301-5504-1o0ra1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/158885/original/image-20170301-5504-1o0ra1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/158885/original/image-20170301-5504-1o0ra1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/158885/original/image-20170301-5504-1o0ra1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/158885/original/image-20170301-5504-1o0ra1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/158885/original/image-20170301-5504-1o0ra1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/158885/original/image-20170301-5504-1o0ra1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Manifestation « génération revenu universel », Zürich, avril 2016.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/generation-grundeinkommen/25957085633/in/album-72157666579464545/">Generation Grundeinkommen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Que faire ?</h2>
<p>Comme on vient de le voir, instaurer très rapidement un revenu inconditionnel sur un territoire dont les frontières restent ouvertes ou poreuses ne semble pas réaliste. À la suite du <a href="http://bit.ly/23SsfAK">rapport de Christophe Sirugue</a>, les politiciens pragmatiques proposent donc plutôt de simplifier les minimas sociaux, de rendre leur attribution systématique, d’en étendre le bénéfice aux jeunes qui peinent à entrer sur le marché du travail. Le coût est beaucoup plus acceptable (celui de l’extension aux jeunes est évalué par Bercy à 6,6 milliards euros).</p>
<p>Pour autant, les avantages d’un octroi inconditionnel sont nombreux. Les coûts de transaction importants de la distribution sont évités, y compris la position humiliante de devoir demander à bénéficier de ses droits. La difficulté d’une mise en œuvre prochaine ne doit donc pas décourager la réflexion aux niveaux mondial, européen et national, ni surtout un foisonnement d’expérimentations locales.</p>
<p>Notre économie a besoin de plus de flexibilité pour les entreprises et de sécurité pour les individus. Il faut progresser de manière équilibrée sur ces deux dimensions. La sécurité individuelle vient d’abord d’un accès facilité à des formations qualifiantes adaptées aux besoins de l’économie et de la société, d’un accompagnement personnalisé efficace et bienveillant lors des situations de transition difficiles, d’une société inclusive où la perte d’un emploi n’implique pas celles de multiples liens sociaux. Dissiper la peur de la misère matérielle et de l’état de nécessité par un filet de sécurité universel reste toutefois indispensable pour faire face aux inévitables lacunes de tout système de protection. C’est l’objet des divers minima sociaux.</p>
<p>Afin d’éviter que les mécanismes actuels de garantie n’engendrent des trappes d’inactivité et de faire qu’il soit toujours avantageux pour chacun de contribuer plus et mieux, un système complexe d’incitations a été mis en place. Un revenu inconditionnel présenterait de multiples avantages de simplicité et d’incitation, mais son financement est loin d’être évident et on voit mal comment éviter qu’un territoire plus généreux que ses voisins ne crée un appel d’air.</p>
<p>Ignorer ces problèmes serait naïf, ne pas chercher à les surmonter serait pusillanime. Il faut travailler à imaginer un équilibre acceptable par toutes les parties prenantes et un itinéraire réaliste. Promettre un revenu universel substantiel à court terme révèle une certaine impréparation, voire une cynique manipulation, mais le déclarer à jamais impossible dénote un manque d’ambition décevant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/73813/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Thierry Weil est délégué de La Fabrique de l'industrie, laboratoire d'idées destiné à susciter et à enrichir le débat sur l'industrie. Cet article ne reflète que les positions personnelles de l'auteur et n'engage aucunement La Fabrique.</span></em></p>On balaye avec mépris une idée difficile à mettre en œuvre – contrairement à que prétendent ses promoteurs – mais qui mérite d’être étudiée sérieusement.Thierry Weil, Membre de l'Académie des technologies, Professeur au centre d’économie industrielle, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/735642017-02-28T00:03:27Z2017-02-28T00:03:27ZBenoît Hamon, la « care » attitude<p>Au printemps 2010, en vue de la présidentielle deux ans plus tard, Martine Aubry, alors première secrétaire du Parti socialiste, introduit la notion de « care » dans le débat politique à l’occasion d’un <a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/020410/la-gauche-que-veut-martine-aubry">entretien au site Mediapart</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Il faut passer d’une société individualiste à une société du “care”, selon le mot anglais que l’on pourrait traduire par “soin mutuel” : la société prend soin de vous, mais vous devez aussi prendre soin des autres et de la société. »</p>
</blockquote>
<p>Pour le journal <em>Le Monde</em>, Martine Aubry <a href="http://www.lemonde.fr/politique/article/2010/04/14/martine-aubry-cherche-a-redynamiser-la-pensee-sociale-progressiste_1333411_823448.html">« propose à son camp un nouveau concept pour redynamiser la pensée sociale et politique progressiste »</a>. Ce « concept » entraîne en réponse une volée de bois vert des poids lourds de la classe politique et <a href="http://www.lexpress.fr/actualite/politique/aphatie-crie-a-la-nunucherie-et-recolte-une-volee-de-bois-vert_886391.html">médiatique</a>.</p>
<p>Volée où se distingue, dans le camp de gauche, <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/05/14/manuel-valls-promouvoir-comme-panacee-une-societe-du-soin-est-une-erreur-profonde_1351442_3232.html">Manuel Valls</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Cette conception, si elle était retenue par une gauche victorieuse en 2012, installerait (…) une nouvelle bombe à retardement de la déception au cœur du prochain quinquennat. »</p>
</blockquote>
<p>Sept ans plus tard on peut goûter le sel de cette affirmation…</p>
<p>L’investiture de Benoît Hamon s’inscrit dans l’échec du quinquennat de François Hollande à définir idéologiquement ce que devrait être et faire une gauche de gouvernement. Et c’est bien sur le terrain idéologique que l’ancien ministre de l’Éducation a été investi par la primaire ouverte au « peuple de gauche ».</p>
<p>En revendiquant une thématique de la <a href="https://www.benoithamon2017.fr/thematique/pour-une-republique-bienveillante-et-humaniste/">« bienveillance et de l’humanisme »</a>, il reprend, dans l’<a href="http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/02/13/l-ombre-de-martine-aubry-plane-sur-la-campagne-de-benoit-hamon_5078669_4854003.html">ombre de la « dame des 35 heures »</a>, le fil d’une pensée sociale et politique que celle-ci avait échoué à installer dans le paysage politique en son temps et notamment dans son camp. Une pensée complexe que les formules à visée électorale, forcément réductionnistes, ont bien du mal à résumer.</p>
<h2>Le « care » comme réflexion sur l’agir social</h2>
<p>La pensée du « care » passée à la moulinette du travail scientifique en sciences humaines et sociales, s’articule autour de trois thèmes :</p>
<ul>
<li><p>L’individu est toujours déjà socialisé, toujours déjà dans un rapport réciproque avec autrui, une interaction, qu’il s’agisse d’ailleurs de personnes ou d’objets comme environnement. Depuis au moins G.H. Mead, nous savons que notre individualité se construit dans et par la relation mutuelle : il y a une <a href="https://activites.revues.org/1771">inscription sociale de la conduite humaine</a>.</p></li>
<li><p>L’assignation de genre fait des femmes les actrices désignées du « care » – quand il relève du souci d’autrui et de la relation interpersonnelle qui, de l’enfant au vieillard en passant par le malade, conditionne notre « bien-être ». Par ricochet, l’assignation visible à un genre infériorisé « invisibilise » le <a href="https://www.cairn.info/revue-nouvelles-questions-feministes-2004-3-page-26.htm">travail lié directement au « care »</a> comme « soin » mais aussi bien tout ce qui relève de l’attention à autrui dans la vie quotidienne, sous l’angle du politique, du social comme de l’économique..</p></li>
<li><p><a href="https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2008-2-page-267.html">Le concept de « care »</a> se détache d’un monde de la sentimentalité ou de la sollicitude pour caractériser plus profondément l’attention portée à l’activité même, le « bien-faire » en soi, en dehors d’une visée instrumentale, le moyen étant accordé à la fin : noter l’existence d’un besoin (<em>to care about</em>), prendre les dispositions pour qu’il puisse trouver une réponse (<em>to care for</em>), donner directement la réponse ou le soin (<em>care giving</em>) et la recevoir (<em>care receiving</em>), tels sont les éléments du processus.</p></li>
</ul>
<p>C’est au final à la professeure de sciences politiques <a href="https://gss.revues.org/1699">Joan Tronto</a> qu’il revient de résumer le mieux une compréhension extensive du « care » :</p>
<blockquote>
<p>« Au niveau le plus général, nous suggérons que le care soit considéré comme une activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre “monde”, de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible. »</p>
</blockquote>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/cPwGUeAuRhI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Nous voici aussi bien éloignés du standard de l’individu calculateur égocentrique, dans le champ économique, que du standard d’un État-providence chargé d’allouer anonymement et unilatéralement des services compensateurs.</p>
<p>On comprend qu’au-delà de la difficulté, voire de l’erreur de communication, à employer un terme anglais imparfaitement traduisible dans le vocabulaire français (un lexique étant toujours connoté culturellement), Martine Aubry se soit « cassée les dents » dans sa tentative pour enrichir le débat politique, et introduire la dimension mutualiste de l’agir social dans la perspective de l’action politique dédiée à l’État.</p>
<h2>Une gauche de gouvernement pensante ?</h2>
<p>C’est plus qu’un air de famille qui relie le « care » de Martine Aubry à la « bienveillance » de Benoît Hamon. Cette « bienveillance » que le candidat du Parti socialiste met au centre de son discours <a href="https://www.youtube.com/watch?v=wVCOfUQGUeY">public</a>, fait écho à la <a href="http://lemonde.fr/politique/article/2010/12/16/martine-aubry-le-care-c-est-une-societe-d-emancipation_1367954_823448.html">formule de son ex-mentor</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Nous voulons une société du respect, et non pas une société dure, violente, brutale, égoïste. »</p>
</blockquote>
<p>Dans ses thématiques de campagne on peut voir s’articuler un ensemble de préoccupations liées au « maintenir, perpétuer et réparer notre “monde” » : l’orientation écologique très affirmée ; l’idée d’un futur, déjà présent, pauvre en emplois – à contre-courant du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9or%C3%A8me_de_Schmidt">théorème du Chancelier Schmidt</a> qui légitimait l’inflexion sociale-libérale vers l’entreprise capitaliste ; le souci de rendre leur visibilité aux métiers – de l’entretien des réseaux, du nettoyage et propreté – et aux conditions de travail (travail de nuit, astreinte 24h sur 24) associés à ce « care » global qui s’occupe quotidiennement de notre monde ; l’appui à l’économie sociale et solidaire (dont il fut un ministre remarqué avec l’<a href="http://www.cncres.org/accueil_cncres/actualites_/813_520/loi_ess_un_document_pour_tout_comprendre">élaboration de la loi de 2014</a>) ; le projet d’un revenu universel censé garantir l’autonomie individuelle contre la précarité, etc.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/JvkMnHXtHzc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Il n’est pas ici question de juger d’un programme – sa faisabilité, sa cohérence, son ambition, ses failles, sa pertinence, son envergure, sa capacité à rassembler, etc. – et encore moins d’une personnalité politique. Ce qui nous semble intéressant, c’est l’effort, qui passe par l’expression de politiciens de premier plan, pour repenser l’« esprit » d’un mouvement socialiste épuisé dans l’alternative entre social-démocratie et social-libéralisme. Qu’une gauche de gouvernement continue de penser est plutôt rassurant quand on avait l’impression <a href="https://www.youtube.com/watch?v=JvkMnHXtHzc">qu’il n’y avait plus personne</a>…</p>
<blockquote>
<p>« Souvent, il semble que l’esprit s’oublie, se perde, mais à l’intérieur, il est toujours en opposition avec lui-même. Il est progrès intérieur. » Hegel</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/73564/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Bonet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’investiture de Benoit Hamon s'inscrit dans l’échec du quinquennat de François Hollande à définir idéologiquement ce que devrait être et faire une gauche de gouvernement.Luc Bonet, Chargé de cours économie sociale, Le Mans UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/731682017-02-26T22:22:39Z2017-02-26T22:22:39ZLe revenu universel comme remède à la crise démocratique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/157863/original/image-20170222-10850-oefel5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=119%2C85%2C1827%2C962&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Revenu universel de base.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/148040463@N06/31876556763/in/photolist-QyPFLg-9jK5c6-9jJRN4-9jKhUB-9jKuzB-9jK2tr-9jN38Q-9jNwgC-9jN7GL-9jMV1S-9jK2e6-9jNxVC-9jJUJt-9jNrr3-9jKfLT-9jKaqi-9jNADL-9jK76V-9jKcst-3rxQPD-dapFhF-9hnT8v-fXFCeM-9jK4vc-9jN2EW-9jMYLd-9hnMGF-yXuzMJ-yXUxDY-y43koA-yXYA6o-yHDH4h-yHtEVs-y4eSD9-y4fVBS-z1dXxk-HmhChw-eSEm9v-dapGqY-DjN5uC-CVSprT-3rF3qb-CwYBHr-CwRQKU-CwYDkK-bkzf1o-P3aTbp-DWUuzM-yHcdrh-z1Pf6Z"> Mike Ramsey, Scott Santens/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le capital social est constitué des liens, réseaux, normes et confiance entre individus. Ils se construisent pour la plupart dans un engagement civique indépendant de l'État, pour être éventuellement institutionnalisés.</p>
<p>Aux prises avec les inégalités inhérentes au capitalisme, cet <a href="http://bit.ly/2liPo1g">élément essentiel au bon fonctionnement d’une démocratie</a> - elle-même fondamentalement basée sur l’égalitarisme, s’est définitivement délité. </p>
<h2>Des inégalités et un éclatement</h2>
<p>Cette crise de confiance est le résultat direct d’une exacerbation des inégalités. Le chômage de masse frôle aujourd'hui les 10%, on observe une ghettoïsation <a href="http://bit.ly/2lI6c2M">géographique</a>, <a href="http://bit.ly/2miijQD">économique</a> et <a href="http://bit.ly/2m8l5bU">éducative</a> de la population, et le sentiment d’insécurité s'est renforcé. Ce dernier, causé en partie par les attentats perpétrés depuis 2015, se double d'une crainte de <a href="http://bit.ly/2lr9rZG">l’imperceptible déplacement de « l’équilibre entre ordre public et libertés publiques »</a> depuis la mise en place de l’état d’urgence.</p>
<p>Le découpage de la population en quelques groupes - ouvriers, cadres et patrons, a un temps permis de camoufler un certain niveau d’inégalités derrière une « cohésion sociale » motivée par un avenir économique commun. Le gouffre des inégalités économiques semble désormais difficilement franchissable, avec une concentration de la plus grande partie des richesses entre les mains d’une faible proportion de la population. </p>
<p>En France, les 10% des plus hauts revenus en reçoivent environ 28% du total, et détiennent 50% du total des actifs nets. Entre 1985 et 2011, dans les pays de l’OCDE, le revenu des 10% les plus riches a augmenté de 50%, celui des classes moyennes entre 25 et 35%, alors que celui des 10% les plus pauvres n’a augmenté que d’environ 12% (<a href="http://bit.ly/1Pytq4x">OCDE, 2015</a>). Les divisions sont aujourd’hui innombrables (les jeunes, les décrocheurs, les diplômés, les vieux, les femmes, les pauvres, les sans-abris, les chômeurs, les classes moyennes, les riches, les immigrés,…). </p>
<h2>La « Lutte des places » et le 1%</h2>
<p>Tous sont malgré eux, comme l’expliquent <a href="http://bit.ly/2m3bq9M">Vincent de Gaulejac et ses co-auteurs</a>, engagés dans cette nouvelle « lutte des places » qui se substitue à l’ancienne lutte des classes. Cette nouvelle forme de lutte est caractérisée à la fois par la destruction des liens sociaux, et la solitude de ces combats individuels contre la société. Elle a pour objectif de trouver ou retrouver une « place » dans un monde ou l’existence ne se mesure plus qu’à l’aune de l’utilité économique.</p>
<p>Certaines de ces divisions peuvent certes se recouper, mais ne permettent pas la formation d’un tissu social dense, solidaire, et puissant. Pourquoi? Parce qu’elles sont éclatées en de multiples territoires (géographiques, démographiques, éducatifs…), et sans aucun lien direct avec la sphère économique. Or, ce sont les acteurs de cette sphère qui gouvernent à tous les débats, et notamment celui du pouvoir. </p>
<p>Ce sont aujourd’hui les grandes entreprises qui bénéficient d’un pouvoir considérable dans le façonnage de la société. Pourtant, elles ne représentent en France que 0,007% de toutes les entreprises, mais 27,3% de l’emploi et 32,3% de la valeur ajoutée produite (<a href="http://bit.ly/2mblJWb">INSEE, 2013</a>). Cette concentration de pouvoir est aggravée par le jeu des conseils d’administration interreliés, et a mené à l’émergence d’une <a href="http://bit.ly/2l74tAk">« classe capitaliste transnationale »</a>. Au niveau mondial, <a href="http://bit.ly/2mbmxu5">les 1% les plus nantis détiennent près de 50% des richesses</a>. </p>
<h2>Le mythe du plein emploi</h2>
<p>Le <a href="http://bit.ly/2lF7FGC">rapport de l’OCDE dédié aux inégalités publié en 2015</a>, comme de nombreux autres rapports, multiplie les propositions afin que chacun puisse trouver ou retrouver un emploi, comme une solution miracle. Cependant, comme le soulignait si justement Albert Einstein « on ne résout pas les problèmes avec les modes de pensée qui les ont engendrés ». Le mode de fonctionnement capitaliste actuel et la mondialisation reposent en grande partie sur l’emploi de masse des populations. Il a cependant amené au délitement du capital social, et aux prémices d’une grave crise démocratique. Ce n’est donc certainement pas l’emploi de masse qui soignera nos maux actuels.</p>
<p>Le retour au plein emploi est d’autant plus improbable que les gains de productivité, l’automatisation croissante de l’économie, et la prochaine vague d'implémentation des technologies d’intelligence artificielle ne nécessitent absolument pas le recours à l’emploi de masse. <a href="http://bit.ly/2lh2UCW">Elon Musk</a> par exemple - et il n’est pas le seul, répète depuis plusieurs mois que l’application généralisée de ces technologies va fortement diminuer les besoins en travail humain (voir par exemple sa dernière participation au <a href="https://worldgovernmentsummit.org/">World Government Summit</a> en février 2017). </p>
<p>L’anthropologue britannique <a href="http://bit.ly/2lCBDep">David Graeber</a> nous rappelle d’ailleurs que John Maynard Keynes fut le premier à prédire dans les années 1930 qu’avant la fin du 20ème siècle, la technologie nous permettrait sans doute le passage à la semaine de 15 heures! Il souligne néanmoins que cela ne s’est toujours pas produit, et ce pour des raisons plus morales et politiques qu’économiques. En effet, </p>
<blockquote>
<p>« la classe dirigeante a compris qu’une population heureuse, productive et bénéficiant de temps libre est un danger mortel (pensez à ce qui s’est passé lorsque cela a commencé à se réaliser dans les années 60) ». </p>
</blockquote>
<h2>De faux emplois ou un revenu de base universel ?</h2>
<p>Afin de réconcilier le manque de besoin de travailleurs dans la sphère économique avec le besoin de maintien de l’ordre au niveau politique, nos sociétés sont devenues prolifiques en emplois « inutiles ». Leurs différents travers sont déclinés en <a href="http://bit.ly/2ecE6oK">« burn-out », « bore-out » et autres « brown-out »</a>, et contribuent à la détérioration spirituelle et morale des populations employées. Elle s’ajoute à celle des chômeurs et autres exclus, continuant ainsi de détruire le capital social, mais consolidant ainsi toutes les caractéristiques des consommateurs idéaux.</p>
<p>Le déclin du nombre d'emplois disponibles et la perte de sens croissante du travail donnent à réfléchir à un nouveau modèle de société. Ce nouveau modèle pourrait reposer sur un <a href="http://bit.ly/2lnpGIU">revenu de base universel, individuel et inconditionnel</a>. Il donnerait accès aux ressources de base nécessaires à l’élargissement du monde des possibles pour chacun. Il faciliterait par exemple l’incubation de start-ups ou les reconversions professionnelles. </p>
<p>Il redonnerait aussi une « place » à toutes celles et ceux qui génèrent une valeur sociale non rémunérée (les parents , les aidants, les volontaires…). Le revenu universel permettrait, selon Guy Standing, de reconstruire confiance et sécurité pour le <a href="http://bit.ly/2m79RYp">“précariat”</a> qui tend aujourd'hui plutôt à se tourner vers les promesses populistes. Réintroduisant ainsi un élément essentiel d’égalité, <a href="http://bit.ly/2jzJdD4">ce revenu</a> permettrait au tissu social de se reformer afin de restaurer des bases démocratiques saines.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/73168/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Virginie Vial ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La crise démocratique provient du délitement du capital social, et ne sera pas résolue par l’illusoire retour au plein emploi, mais éventuellement par un véritable revenu universel.Virginie Vial, Professeure d'Economie, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/725342017-02-09T22:54:30Z2017-02-09T22:54:30ZUn revenu de base universel, est-ce vraiment ce dont les jeunes ont besoin ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/156210/original/image-20170209-8649-1f2u0br.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestation contre la loi El Khomri à Paris, 2016.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/25024188563">Jeanne Menjoulet & Cie/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>« Pièce centrale », <a href="http://www.liberation.fr/debats/2017/01/26/revenu-universel-benoit-hamon-ou-le-syndrome-jean-claude-dusse_1544246">selon <em>Libération</em></a> du programme de <a href="http://basicincome.org/news/2017/01/france-hamon-becomes-socialist-party-presidential-candidate-following-basic-income-focused-campaign">Benoît Hamon</a>, candidat socialiste aux présidentielles, le revenu universel, déjà en expérimentation <a href="http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/06/05/carte-le-revenu-universel-et-ses-experimentations-dans-le-monde_4936892_4355770.html">sous différentes formes dans le monde</a>, <a href="http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/01/24/hamon-valls-deux-revenus-de-base-un-meme-flou-de-financement_5068403_4355770.html">fait débat</a> en France.</p>
<p>Si la question de son financement <a href="http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/01/17/les-economistes-estiment-que-le-revenu-universel-ne-peut-etre-mis-en-uvre-sans-augmenter-les-prelevements-obligatoires_5064267_4854003.html">revient régulièrement</a>, le choix des jeunes comme groupe cible d’un tel dispositif, <a href="https://www.benoithamon2017.fr/thematique/pour-un-progres-social-et-ecologique/#solidarite">comme le propose</a> le candidat Hamon, reste à évaluer.</p>
<h2>Pas facile d’être jeune en 2017</h2>
<p>L’Organisation internationale du Travail (OIT) <a href="http://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_513735/lang--fr/index.htm">estimait en 2016</a> que le taux mondial du chômage des jeunes, à nouveau en hausse, devrait atteindre 13,1 % en 2016 et se stabiliser à ce niveau en 2017. Actuellement plus de 71 millions de jeunes sont sans emploi.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/155895/original/image-20170207-4240-a5jjwy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/155895/original/image-20170207-4240-a5jjwy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/155895/original/image-20170207-4240-a5jjwy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/155895/original/image-20170207-4240-a5jjwy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/155895/original/image-20170207-4240-a5jjwy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/155895/original/image-20170207-4240-a5jjwy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/155895/original/image-20170207-4240-a5jjwy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tableau 2. Tendances et projections du chômage des jeunes en 2017, par région.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_513735/lang--fr/index.htm">World Employment and Social Outlook 2016 : Trends for Youth/ILO</a></span>
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<p>Les jeunes, catégorie des 15-24 ans <a href="http://www.observationsociete.fr/definitions/jeunes.html">selon la définition</a> des Nations Unies, peu expérimentés, sont souvent en position d’outsiders sur le marché de l’emploi.</p>
<p>Ces dernières années, la <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/12/16/la-tres-grande-recession_1619999_3232.html">« grande récession »</a> a aggravé la position de cette population sur le <a href="http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/2158244015574962">marché du travail</a> notamment en terme de qualité de vie et de nombre d’offres d’emploi.</p>
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<p>Une récente étude financée par la <a href="http://www.style-research.eu/">Commission européenne</a> a montré que les réponses politiques concernant ce public sont <a href="http://www.style-research.eu/wordpress/wp-content/uploads/2015/03/D_10_4_Flexicurity_Policies_to_integrate_youth_before_and_after_the_crisis_FINAL.pdf">inconsistantes</a> et parfois incohérentes. Le rapport démontre en revanche que les politiques en faveur de l’affaiblissement de la protection de l’emploi et limitant la <a href="http://www.style-research.eu/wordpress/wp-content/uploads/2015/03/STYLE-Working-Paper-WP10.1a-Tracing-the-interface-between-numerical-flexibility-and-income-security-for-European-youth-during-the-economic-crisis.pdf">protection des revenus</a> restent constantes.</p>
<h2>L’impact du revenu de base sur la jeunesse</h2>
<p>Or, grâce à diverses études pilotes <a href="http://bit.ly/2k77cgC">à travers le monde</a>, il existe maintenant des éléments probants en ce qui concerne l’impact d’un dispositif de revenu de base sur les jeunes.</p>
<p>Les effets du revenu de base sur l’éducation sont particulièrement importants : les jeunes gens sont plus enclins à terminer leurs études secondaires quand la pression gagner sa vie est moins forte. Une expérimentation à Dauphin, au Manitoba, Canada où toutes les personnes éligibles ont <a href="http://bit.ly/2kX7YvN">intégré le programme</a>, a démontré que le revenu de base avait pu influencer l’attitude des jeunes envers les études.</p>
<p>La chercheuse <a href="https://public.econ.duke.edu/%7Eerw/197/forget-cea%20%282%29.pdf">Evelyn Forget</a> a noté que le comportement des élèves vis-à-vis de la poursuite de leurs études était influencé par les normes sociales. C’est à dire, si leurs amis ayant bénéficié du revenu les jeunes enquêtés se disaient également favorable à poursuivre leurs études plutôt qu’à prendre un travail à temps plein, peu rémunérateur.</p>
<p>En revanche, les effets sur l’emploi et l’entreprenariat des jeunes n’ont pas encore été étudiés. L’étude du revenu de base finlandais, débutée il y a peu, exclut les personnes de moins de 25 ans.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/8xPAlEkT0kk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Expérimentation finlandaise.</span></figcaption>
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<p>Selon leur <a href="https://helda.helsinki.fi/bitstream/handle/10138/167728/WorkingPapers106.pdf?sequence=4">rapport préliminaire</a>, deux catégories des gens sont exclus. Les étudiants, car le test consiste uniquement à étudier les effets à court terme sur l’emploi ; et les inactifs, en raison de leur taux d’allocation plus bas que celui des adultes de plus de 25 ans.</p>
<p>Par conséquent, leur faire bénéficier du revenu de base dans sa totalité s’avérerait plus coûteux ; cela réduirait aussi le nombre de participants que le test pourrait couvrir.</p>
<p>Deux leçons sont à retenir pour le programme français proposé. D’une part, le fait que d’autres pays ne se soient pas focalisés sur les jeunes ou les ont exclus laisse à penser que tout dispositif dirigé vers ce seul groupe doit être développé avec prudence et avec des objectifs bien précis. D’autre part, nous manquons d’éléments permettant de démontrer les bénéfices du revenu de base pour les jeunes. Non pas parce que ces avantages sont improbables mais parce que les conclusions des études sur le revenu de base restent ténues sur le terrain et parce que ces résultats ont de grandes chances d’être assez nuancés pour ce groupe hétérogène. Pour les jeunes en particulier, ces impacts peuvent aussi apparaître sur le long terme.</p>
<h2>Les enjeux en France</h2>
<p>Les caractéristiques du marché de l’emploi français créent un certain nombre de problèmes aux jeunes. Ceux qui quittent l’école sans qualification ont <a href="http://www.cereq.fr/sous-themes/Transition-de-l-ecole-a-l-emploi/Parcours-professionnels-et-mobilite">beaucoup de difficultés</a> à accéder à l’emploi. Même si un projet de revenu de base universel aidait sans doute les jeunes gens à prendre la décision de sacrifier de meilleurs revenus à court terme, que ce soit au travers de l’enseignement supérieur, des stages, des apprentissages ou du bénévolat, il y a de multiples causes à l’abandon des études. D’autre part, en France, la segmentation entre les contrats permanents (CDI) et temporaires (CDD) est peut-être une plus grande gageure pour les jeunes que les départs par manque de revenu.</p>
<p>Passer d’un emploi à court terme à un autre est sans aucun doute source d’insécurité et de précarité. Une <a href="http://www.mckinsey.com/global-themes/employment-and-growth/independent-work-choice-necessity-and-the-gig-economy">étude de 2016</a> montre que 53 % des travailleurs français de moins de 25 ans participent au « travail indépendant », ce qui signifie que ses inconvénients sont particulièrement ressentis par la jeunesse.</p>
<p>Le candidat socialiste a ainsi <a href="http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/01/04/benoit-hamon-le-revenu-universel-est-la-nouvelle-protection-sociale_5057339_4854003.html#dH6fyECXZwU6Lgd7.99">souligné</a> le fait que les jeunes sont plus susceptibles de passer rapidement par différents cadres de travail avec de nombreux intervalles pendant lesquels ils n’ont aucun soutien et sont donc vulnérables. C’est un point répété du rapport du <a href="http://www.senat.fr/rap/r16-035/r16-035_mono.html">Sénat</a> publié en octobre dernier sur le revenu de base, dans lequel il est indiqué que seuls 44 % des changements d’emploi sont immédiats, sans période de chômage entre les deux et que les transitions plus lentes et fragilisantes se concentrent sur les jeunes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/156212/original/image-20170209-8651-gx4ozu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/156212/original/image-20170209-8651-gx4ozu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/156212/original/image-20170209-8651-gx4ozu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/156212/original/image-20170209-8651-gx4ozu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/156212/original/image-20170209-8651-gx4ozu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/156212/original/image-20170209-8651-gx4ozu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/156212/original/image-20170209-8651-gx4ozu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Être jeune signifie aussi chercher sa voie, expérimenter et pouvoir prendre le temps de décider.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.pixnio.com/free-images/2016/06/08/children-group-725x483.jpg">Hagerty Ryan/pixnio</a></span>
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<p>Être jeune signifie aussi chercher sa voie. La tendance de ce public à aller vers les postes à court terme peut être attribuable en partie à l’approche exploratoire du monde du travail. Dans ce cadre, des emplois peu rémunérés, des stages, des petits boulots, peuvent répondre à des besoins à court terme, afin d’acquérir de l’expérience ou pour tester d’autres secteurs. Cependant, on peut aussi le voir comme une tendance plus large où la sécurité de l’emploi se raréfie, et où de plus en plus de travailleurs courent le risque d’alterner <a href="http://www.style-research.eu/wordpress/wp-content/uploads/2015/11/D_10_1_Mapping_flexibility_and_security_performance_in_the_face_of_the_crisis_FINAL.pdf">périodes de chômage</a> et de reconversions fréquentes.</p>
<h2>Un revenu de base, avec ou sans conditions ?</h2>
<p>En France, une étude préliminaire à une expérimentation dans la région <a href="http://basisinkomen.org/obi/wp-content/uploads/2016/02/Update-on-basic-income-in-France.pdf">Aquitaine</a> est prévue mais jusqu’à présent, il a été peu question des jeunes dans le cadre de cette initiative. Entre-temps, <a href="http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/01/04/benoit-hamon-le-revenu-universel-est-la-nouvelle-protection-sociale_5057339_4854003.html">Hamon</a> a proposé un montant équivalent à celui du RSA, versé sans condition et automatiquement à toute personne entre 18 et 25 ans, comme première étape à l’introduction d’un dispositif de revenu de base universel.</p>
<p>La plupart des jeunes (chômeurs et sous-employés) ne sont pas éligibles au <a href="http://www.caf.fr/aides-et-services/s-informer-sur-les-aides/solidarite-et-insertion/le-revenu-de-solidarite-active-rsa">RSA</a> en raison des contrôles de ressource basés sur les revenus des parents. Cette initiative pourrait alors faire toute la différence pour ceux qui sont exclus du système actuel, ainsi que pour leurs familles.</p>
<p>L’une des préoccupations courantes reste cependant l’idée qu’attribuer un revenu de base à de jeunes gens encouragerait l’inactivité. À cet égard, un <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1467-923X.1996.tb01568.x/abstract">« revenu participatif »</a> apparaît plus acceptable.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/156216/original/image-20170209-8640-1i14v8z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/156216/original/image-20170209-8640-1i14v8z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/156216/original/image-20170209-8640-1i14v8z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/156216/original/image-20170209-8640-1i14v8z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/156216/original/image-20170209-8640-1i14v8z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/156216/original/image-20170209-8640-1i14v8z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/156216/original/image-20170209-8640-1i14v8z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le bénévolat pourrait être l’une des conditions nécessaires à l’obtention du revenu de base.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Camps_chantiers_jeunes_du_Club_du_Vieux_Manoir.jpg">Clubduvieuxmanoir/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cela impliquerait d’imposer des conditions à l’obtention du revenu de base. Par exemple, la personne s’engagerait dans une activité bénévole, à réaliser un stage, à entamer des démarches pour créer sa propre entreprise, etc. Or, la définition d’une telle participation est déjà un premier écueil. Par ailleurs, l’<a href="http://www.usbig.net/papers/157-DeWispelaereStirton_Against%20Participation%20Income_USBIG2006.pdf">administration</a> d’un tel dispositif conditionnel supposerait des dépenses qui risqueraient de peser plus lourd que toute augmentation de participation en lien avec un programme sans condition aucune.</p>
<p>À titre d’exemple, un projet similaire à l’échelle européenne et sous certaines conditions, la <a href="http://www.gouvernement.fr/action/la-garantie-jeunes">Garantie Jeunes</a>, a rencontré des <a href="http://www.euractiv.com/section/social-europe-jobs/news/youth-guarantee-doesn-t-bring-quality-jobs/">difficultés</a> à bénéficier à tous les jeunes en situation de chômage de longue durée en raison, en partie, en raison des dépenses générées par les services d’orientation professionnelle et de contrôle.</p>
<p>Une expérimentation néerlandaise, dénommée <a href="https://www.utrecht.nl/city-of-utrecht/living/welfare-experiment-weten-wat-werkt">« Weten Wat Werkt »</a> (savoir ce qui marche) est prévue plus tard dans l’année 2017 et permettra de répondre à cette interrogation en examinant les coûts relatifs aux diverses allocations attribuées sous et sans conditions.</p>
<h2>Une solution du XXI<sup>e</sup> siècle pour la jeunesse ?</h2>
<p>Être dynamique, s’habituer aux reconversions régulières, créer de nouvelles opportunités… Ces caractéristiques sont désormais essentielles pour pouvoir percer sur un marché du travail en pleine mutation. Ce dernier génère de nouveaux risques dont font les frais les personnes les moins expérimentées, et tout particulièrement les jeunes. Un revenu de base permettrait de les stabiliser. Il ne requiert ni remplissage de dossiers ni inscriptions à chaque fois que l’on passe en dessous d’un seuil de ressources.</p>
<p>Selon <a href="https://blogs.mediapart.fr/michel-juffe/blog/230117/le-revenu-universel-nest-ni-une-utopie-ni-un-delire-il-est-realiste-et-coutera-peu">certains</a> il permettrait également de se libérer du stress et des freins à l’emploi qui gangrènent les aides sous condition de ressources, permettant ainsi aux personnes de se focaliser de façon plus productive. Les jeunes pourraient se consacrer à leurs études, à l’apprentissage, à la découverte de la contribution unique qu’ils pourraient apporter à la société et en fin de compte, à créer des opportunités d’emploi pour eux-mêmes et pour les autres. L’atteinte de ces objectifs par le biais du revenu de base universel au profit de la jeunesse dépendra du vote des Français en mai 2017.</p>
<hr>
<p><em>Traduction par Gaëlle Gormley.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/72534/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les jeunes sont les premières cibles de la précarité croissante du monde du travail. Un revenu de base, tel que proposé par certains politiques, peut-il changer la donne ?Mark Smith, Dean of Faculty & Professor of Human Resource Management, Grenoble École de Management (GEM)Genevieve Shanahan, Research assistant, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/714352017-01-22T21:19:19Z2017-01-22T21:19:19Z« Money for nothing » : l’heure du revenu de base universel a-t-elle sonné ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/153223/original/image-20170118-3882-78ubsr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un revenu universel à travers le monde peut-il réellement changer la façon dont le travail est perçu ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/aigle_dore/8273660863/">Moyan Brenn/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span></figcaption></figure><p>« Money for nothing » (« de l’argent pour rien ! »), au-delà d’une simple chanson des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=wTP2RUD_cL0">Dire Straits sortie en 1985</a>, l’expression court actuellement sur toutes les lèvres, au cœur des débats politiques et des programmes proposant d’instituer des salaires de base aux citoyens, quelle que soit leur activité économique.</p>
<p>Ainsi, à travers le monde, des expérimentations <a href="http://basicincome.org/topic/pilot-experiments/">du revenu universel sont mises en place</a>, les gouvernements explorant la possibilité de verser un salaire aux personnes à taux forfaitaire, indépendamment de leur participation au marché du travail. Inconcevable ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/153203/original/image-20170118-3885-1w0jcl1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/153203/original/image-20170118-3885-1w0jcl1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/153203/original/image-20170118-3885-1w0jcl1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/153203/original/image-20170118-3885-1w0jcl1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/153203/original/image-20170118-3885-1w0jcl1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/153203/original/image-20170118-3885-1w0jcl1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/153203/original/image-20170118-3885-1w0jcl1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Nombreux sont ceux qui réclament un revenu universel dans le monde, ici, à Berlin en 2013.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/stanjourdan/9772827876">Stanjourdan/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Au premier abord, on pourrait penser que les bénéficiaires resteront chez eux à regarder la télévision toute la journée. Mais en observant de plus près la façon dont les économies ont évolué ces dernières décennies, on peut comprendre comment de telles politiques ont pu émerger. Dans de nombreuses économies avancées, les espoirs d’augmentation de salaires, de stabilité et de prospérité dont les générations précédentes ont pu profiter, se sont détériorés.</p>
<h2>Une réponse à l’économie des « marges »</h2>
<p>Beaucoup vivent désormais en marge de l’économie, avec des périodes d’emploi (et de revenu) par intermittence en raison du recours aux contrats zéro-heure, de périodes répétées de chômage ou juste des salaires très bas. Ces bas revenus <a href="http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.953.9369&rep=rep1&type=pdf">ont des conséquences négatives</a> sur les individus, leurs familles et la <a href="http://www.ingentaconnect.com/content/routledg/reus/2007/00000009/00000003/art00007">société</a>en général.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/153209/original/image-20170118-3885-9i9lod.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/153209/original/image-20170118-3885-9i9lod.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/153209/original/image-20170118-3885-9i9lod.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/153209/original/image-20170118-3885-9i9lod.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/153209/original/image-20170118-3885-9i9lod.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/153209/original/image-20170118-3885-9i9lod.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/153209/original/image-20170118-3885-9i9lod.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Sans asile, ou les expulsés », 1848, Paris.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://parismuseescollections.paris.fr/fr/petit-palais/oeuvres/sans-asile">Fernand Pelez/</a></span>
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<p>Les partisans du revenu universel, tels que l’auteur et chercheur <a href="https://www.guystanding.com/files/documents/CDHE_Standing.pdf">Guy Standing</a>, évoquent depuis longtemps l’émergence d’une classe précaire (le <a href="https://www.amazon.fr/Precariat-New-Dangerous-Class/dp/1472536169">précariat</a>), plus affectée que d’autres par le contexte d’insécurité croissante. Son expansion, d’après Standing, remet en question la structure de la société, la solidarité intergénérationnelle et la cohésion sociale. En effet, la <a href="http://piketty.pse.ens.fr/files/Piketty2015AER.pdf">désillusion croissante envers la pensée économique conventionnelle</a>, comme on a pu l’observer avec les votes <a href="https://theconversation.com/en-economie-lunion-europeenne-fait-elle-encore-la-force-54978">pour le Brexit</a> et <a href="https://theconversation.com/trump-donald-ou-picsou-les-marches-nous-prennent-ils-pour-des-mickey-68714">Trump</a>, démontre le potentiel de déstabilisation des ordres économiques et politiques surannés, à partir du moment où le nombre de laissés-pour-compte devient trop important.</p>
<p>Une solution partielle contre un tel désenchantement pourrait donc être une redistribution qui prenne en compte les méthodes de travail modernes, dont l’économie des petits boulots ou l’<a href="https://theconversation.com/economie-collaborative-ou-cooperative-ne-melangeons-pas-tout-65045">économie collaborative</a>. Un revenu de base pourrait offrir une certaine protection contre les insécurités et la précarité <a href="http://www.huffingtonpost.ca/2016/04/18/precarious-work-technological-advances-drive-basic-income-interest_n_9714258.html">croissantes</a> d’une économie majoritairement composée d’emplois à temps partiel, à court terme et flexibles où l’employeur est distant et prend peu de responsabilités sociales, comparé à un patron traditionnel.</p>
<h2>L’expérience finlandaise</h2>
<p>Afin de répondre aux questionnements sur l’encouragement à l’oisiveté d’un revenu de base, Kela, l’organisme de <a href="http://www.kela.fi/documents/12099/12170/socialsecurity.pdf">sécurité sociale finlandais</a> vient de lancer une <a href="http://www.kela.fi/web/en/basic-income-experiment-2017-2018">expérimentation</a> pour tester la faisabilité du revenu de base universel.</p>
<p>Ce programme, qui s’étalera sur deux ans, a sélectionné au hasard 2 000 demandeurs d’emploi finlandais, âgés de 25 à 58 ans, qui recevront un revenu de base de 560 euros. Ce salaire de base remplacera leur allocation chômage et sera versé pendant les deux années entières, que le bénéficiaire recherche un emploi ou non et qu’il retrouve du travail ou pas. Même si ces expérimentations ne pourront jamais vraiment reproduire l’impact d’une telle mise en œuvre au niveau national (comme les conséquences sur les communautés et les secteurs industriels, ou les effets sur les projets à long terme des individus et des familles), ce test représente une nouvelle avancée vers ce qui semble être l’avènement de l’ère du revenu de base universel.</p>
<p>Des expérimentations similaires ont eu lieu en <a href="http://www.developmentpathways.co.uk/resources/wp-content/uploads/2016/04/Indias-Basic-Income-Experiment-PP21.pdf">Inde</a>, au <a href="https://www.theguardian.com/world/2016/oct/28/universal-basic-income-ontario-poverty-pilot-project-canada">Canada</a> et sont en discussion en France.</p>
<p>Récemment, la <a href="http://basicincome.org/news/2015/12/france-aquitaine-region-to-conduct-unconditional-minimum-income-pilot">région Aquitaine</a> a en effet proposé de tester l’octroi d’un revenu existant (le <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00812109/file/11-01.pdf">Revenu de Solidarité Active</a>) de façon inconditionnelle, sans exigences ou contreparties d’activité professionnelle.</p>
<p>Ce projet n’est pas à un stade aussi avancé que celui développé en Finlande mais une étude de faisabilité est en cours avec une mise en place prévue en 2018, si un financement peut être trouvé. D’autre part, le <a href="http://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-035-notice.html">Sénat</a> a récemment publié un rapport et s’est engagé à étendre les expérimentations.</p>
<h2>Créer plus de solidarité</h2>
<p>Ces innovations, originaires de pays nordiques, cherchent à faire face aux défis du changement économique tout en garantissant la solidarité au sein de leurs populations. Que ce soit les <a href="http://investissementsocial.org/wp-content/uploads/2016/06/PPT-21juin2016bis-Vanessa-Wisnia-Weill.pdf">congés aménagés</a> innovants ou la promotion de la <a href="https://www.oecd.org/policy-briefs/parental-leave-where-are-the-fathers.pdf">paternité</a> la Suède, la Finlande, la Norvège et dans une moindre mesure le Danemark, sont souvent précurseurs en matière de politiques sociales même si ces dernières apparaissent au premier abord trop onéreuses ou « farfelues ». Avant d’être <a href="http://information.tv5monde.com/terriennes/la-suede-fiere-de-ses-peres-expose-sa-politique-d-egalite-paris-148491">largement plébiscitées</a> par la suite.</p>
<p>Un dispositif de revenu de base comporte également un certain nombre davantages pratiques. Bien qu’il semble paradoxal de verser à tous un montant forfaitaire au lieu d’identifier ceux qui en ont « besoin », le <a href="http://bit.ly/2k0MgYm">coût</a>de l’évaluation, du remplissage de dossier et du contrôle des prestations versées sous condition de ressource est considérable. En outre, la stigmatisation créée autour de tels régimes peut diminuer les demandes des plus précaires. À titre d’exemple, <a href="https://www.caf.fr/sites/default/files/cnaf/Documents/Dser/essentiel/124_essentiel_-_non-recours_rsa.pdf">presque la moitié</a> seulement des personnes pouvant bénéficier du RSA ou d’autres avantages sociaux <a href="https://theconversation.com/le-non-recours-aux-aides-sociales-lenvers-invisible-de-la-fraude-sociale-54765">n’y ont pas recours</a>.</p>
<p><a href="http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/19439342.2014.974200">Les études</a> sur les expérimentations précédentes attestent également de retombées positives du revenu de base en termes de santé et d’atténuation des problèmes sociaux. Ce n’est peut-être pas surprenant étant donné qu’il existe depuis longue date un nombre important de <a href="http://www.nber.org/papers/w7487">recherches</a> qui démontrent les conséquences négatives de la précarité et du chômage sur le bien-être des personnes et sur celui de leurs familles.</p>
<p>Tandis que <a href="http://www.theatlantic.com/magazine/archive/2015/07/world-without-work/395294/">certains critiquent</a> le revenu de base au motif que le travail offre des avantages non financiers, <a href="http://cep.lse.ac.uk/pubs/download/cp249.pdf">nous savons</a> que les dispositifs de prestation actuels pour les chômeurs créent souvent un effet dissuasif à l’acceptation d’emplois, piège de l’aide sociale. Donner les moyens de pouvoir prendre des emplois temporaires et à bas salaires dans l’économie actuelle pourrait peut-être permettre aux personnes de profiter des avantages sociaux et de bien-être apportés par le travail (même peu rémunéré), sans risquer de perdre un revenu vital.</p>
<h2>Changer la nature du travail</h2>
<p>La politique du paysage économique du XXI<sup>e</sup> siècle doit répondre à l’évolution du monde du travail, en particulier pour les plus démunis de la société. Si des pays comme la France réfléchissent à des essais sur le revenu de base, il sera important de tirer les leçons des expérimentations à travers le monde, tout en réfléchissant bien aux conséquences qui pourraient être plus difficiles à évaluer.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/153204/original/image-20170118-3923-jlx6rw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/153204/original/image-20170118-3923-jlx6rw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/153204/original/image-20170118-3923-jlx6rw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/153204/original/image-20170118-3923-jlx6rw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/153204/original/image-20170118-3923-jlx6rw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/153204/original/image-20170118-3923-jlx6rw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/153204/original/image-20170118-3923-jlx6rw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">.“Un.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/efforts-humains-men-at-work-la-boue-92262/">Suman/pixabay</a></span>
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<p>Par exemple, il reste à prouver que le revenu de base, octroyé à tous et non à un simple échantillon, peut augmenter le pouvoir de négociation des travailleurs précaires afin d’améliorer leurs paies et leurs conditions de travail.</p>
<p>Ou encore, que le revenu de base pourrait en réalité subventionner les employeurs de l’économie des petits boulots et du contrat zéro-heure en compensant l’insuffisance des salaires qu’ils versent. Tandis que le premier effet possible cité serait un bienfait évident du revenu de base, le second demande d’apporter une plus grande attention à la façon dont le salaire universel est subventionné et s’il existe des moyens de demander une participation financière aux sociétés qui profitent d’un marché du travail plus flexible.</p>
<p>L’expérimentation finlandaise répondra quant à elle, dans une certaine mesure, à des interrogations précises concernant les propositions de revenu de base. Que ce dispositif encourage plus efficacement à la recherche d’emploi et à l’embauche que les allocations chômages conditionnelles ou non, il y a encore d’autres questions sans réponse mais également beaucoup plus de résultats positifs possibles à considérer.</p>
<hr>
<p><em>Traduction de l’anglais par Gaëlle Gormley.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71435/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>De l’argent pour rien ? Le revenu universel est au cœur des débats actuels, mais peut-il changer notre perception de l’économie et du travail ?Mark Smith, Dean of Faculty & Professor of Human Resource Management, Grenoble École de Management (GEM)Genevieve Shanahan, Research assistant, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/715442017-01-20T00:13:40Z2017-01-20T00:13:40ZTaxer le travail des robots : quand l’Europe rejoint Hamon sur le revenu universel<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/153447/original/image-20170119-26585-x14c2z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Robot Anybots </span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.flickr.com/photos/mightyohm/3986706040/in/set-72157622402447085/">Jeff Keyzer</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le <a href="http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-%2f%2fEP%2f%2fNONSGML%2bCOMPARL%2bJURI-OJ-20170112-1%2b01%2bDOC%2bPDF%2bV0%2f%2fEN">rapport de l’eurodéputée Mady Delvaux</a> concernant les règles de droit civil sur la robotique a été adopté par la commission juridique du Parlement européen le 12 janvier dernier. Taxer le travail des robots et de leur offrir un statut légal, le <a href="http://europhonica.eu/un-robot-president-du-parlement-europeen-emission-du-141216/">débat est maintenant lancé.</a> </p>
<h2>Le droit de la robotique harmonisé en Europe</h2>
<p>Ce rapport est une invitation à légiférer formulée par la commission juridique du Parlement européen. Il s’agit donc d’initier le processus législatif : le texte s’adresse à la Commission pour qu’elle se saisisse du sujet et propose une directive européenne (art. 46 du règlement, <a href="http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML%2BCOMPARL%2BPE-582.443%2B01%2BDOC%2BPDF%2BV0//FR">ici le projet de rapport</a>). Le rapport Delvaux a été adopté à une large majorité par la <a href="https://polcms.secure.europarl.europa.eu/cmsdata/upload/58a264f6-058d-483d-a5bf-703c0eea7228/juri-roll-call-vote-12012017.pdf">commission juridique du Parlement</a> avec 17 voix pour, 2 contre : Marie-Christine Boutonnet, Gilles Lebreton, FN, France et 2 abstentions dont Joëlle Bergeron, FN, France. Il sera ensuite soumis au vote en assemblée plénière mi-février. Sa rapporteuse Mady Delvaux (S&D, Luxembourg) y rassemble de multiples éléments visant à inciter la Commission à adopter une directive arguant notamment du risque de fragmentation des législations nationales susceptibles de freiner le développement des entreprises face aux concurrents américains et asiatiques.</p>
<h2>Une taxe robot pour financer le revenu universel de base</h2>
<p>Le spectre de la suppression de millions d’emplois, faute de maîtriser l’invasion des machines, est brandi pour accélérer la procédure législative. Assurer une vie décente aux personnes ayant perdu leur emploi à cause de la robotisation en créant un revenu universel de base financé par de nouvelles taxes sur les entreprises, telle est la solution retenue par le <a href="http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=COMPARL&reference=PE-592.395&format=PDF&language=FR&secondRef=01">25ᵉ amendement</a>.</p>
<p>En France, Benoît Hamon a initialement soutenu ce revenu universel d’existence pour éradiquer la grande précarité et contribuer à définir un nouveau rapport au travail alors que Manuel Valls opte pour une position intermédiaire qui consiste à créer un revenu décent issu de la fusion des minima sociaux. L’amendement constate que « l’accomplissement par des robots d’une grande partie des tâches autrefois dévolues aux êtres humains » ne permet pas « de récupérer la totalité des emplois perdus ». Il est donc proposé « l’éventuelle application d’un impôt sur le travail réalisé par des robots ou d’une redevance d’utilisation et d’entretien par robot doit être examinée dans le contexte d’un financement visant au soutien et à la reconversion des chômeurs dont les emplois ont été réduits ou supprimés, afin de maintenir la cohésion sociale et le bien-être social ».</p>
<h2>Le Parlement européen pour une personnalité juridique des robots</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/153450/original/image-20170119-26567-k3z4bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/153450/original/image-20170119-26567-k3z4bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/153450/original/image-20170119-26567-k3z4bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/153450/original/image-20170119-26567-k3z4bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/153450/original/image-20170119-26567-k3z4bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/153450/original/image-20170119-26567-k3z4bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/153450/original/image-20170119-26567-k3z4bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Qui suis-je ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://it.wikipedia.org/wiki/Robert_Kinoshita#/media/File:Osaka_Tin_Toy_Institute_%E2%80%93_Tin_Age_Collection_%E2%80%93_Robby_the_Robot_with_Blaster_%E2%80%93_Front.jpg">D.J. Shin/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le rapport de la commission JURI contient en annexe des recommandations détaillées telles que : la définition et la classification des « robots intelligents », leur immatriculation… La priorité est aussi de clarifier les responsabilités engagées tant contractuelle que non contractuelle (utilisateur, fournisseur, plate-forme…) afin que les usagers soient indemnisés en cas de dommage causé par exemple par une voiture sans conducteur. En toile de fond, le contexte international fait de l’Union européenne une retardataire en comparaison des États-Unis, sans parler du Japon et de la Corée du Sud. Celle-ci a en effet adopté une <a href="https://www.asianscientist.com/2017/01/print/caring-cyborgs/">charte sur l’éthique de la robotique</a> en 2007 autour de la question sociale de l’interaction homme-robot.</p>
<p>Outre les normes de fabrication, des droits et devoirs sont affirmés à la fois pour les utilisateurs et propriétaires (protection des données, usage légal) mais aussi pour les robots : protection contre toute maltraitance par les humains, droit d’exister sans crainte de blessure ou de mort et droit à une existence exempte de violences systématiques. En France, la Commission de réflexion sur l’Éthique de la Recherche en sciences et technologies du Numérique d’Allistene <a href="http://cerna-ethics-allistene.org/">(CERNA)</a> a dégagé des éléments de réflexion essentiels autour des organes robotisés à vocation réparatrice et des dispositifs visant l’augmentation des capacités humaines.</p>
<h2>Pour une éthique <em>by design</em></h2>
<p>Le rapport Delvaux propose un code de conduite éthique pour les ingénieurs en robotique et un code de déontologie pour les comités d’éthique de la recherche. En effet, passer outre ce <a href="https://www.youtube.com/watch?v=tY49XseCvr4&feature=youtu.be&list=PLNAnUl_bnDUf1xo4X57alzmeouLtQPDhs">débat philosophique</a>, anthropologique et bioéthique irait à l’encontre des valeurs européennes et humanistes que l’Union européenne défend, notamment l’équité. Proposer une réponse fiscale, financière à cette question capitale reviendrait à entériner une déshumanisation de la société et remplacer tout débat par une vision transhumaniste qui relève de l’idéologie ; le risque étant de créer un fossé entre les privilégiés qui auront accès à cette technologie et la majorité de la population. Or, les équilibres qui se mettront en place entre les États membres de l’Union européenne, les citoyens et les machines (même autonomes) seront déterminants et orienteront profondément les choix de société.</p>
<p>De nombreux dilemmes éthiques font déjà surface avec l’homme hybride, l’animal cyborg : jusqu’où automatiser le monde ? L’analyse du comportement de ces machines ne revient-elle pas à en déduire le comportement de son propriétaire ou de son utilisateur ? Les atteintes à la vie privée et aux libertés qui en résulteront sont évidentes mais loin d’être intelligibles pour les citoyens. Il faudrait commencer par définir les termes employés : robot, intelligence artificielle (voir la <a href="http://www.iso.org/iso/fr/catalogue_detail.htm?csnumber=7272">norme ISO 2382-28</a>), humanoïde… Et ensuite clarifier en quoi l’usage des big data oriente les choix d’une société. Ces éléments sont aussi discutés à l’ONU dans son agence spécialisée, l’Union Internationale des Télécommunications dont les travaux d’avril 2017 portent précisément sur la <a href="http://www.itu.int/en/ITU-T/AI/Pages/default.aspx">relation de l’intelligence artificielle avec l’éthique</a>. Ce débat bioéthique sur ce qui nous rend humain devrait guider les réflexions de nos décideurs nationaux et européens en particulier concernant les <a href="https://theconversation.com/des-robots-therapeutiques-pour-les-seniors-ai-ou-a-e-63440">personnes les plus vulnérables</a> susceptibles de s’attacher émotionnellement à ces machines.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71544/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Personnalité électronique, taxes pour les entreprises ayant recours à l’intelligence artificielle… tout y est, et bien plus encore… Sommes-nous prêts à légiférer dans ce domaine ?Nathalie Devillier, Professeur de droit, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/598022016-05-27T04:45:41Z2016-05-27T04:45:41ZQuel futur pour l’emploi et le salariat ? (2) : une autre vision du travail et des revenus<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/124011/original/image-20160525-25231-1m9zeb8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'idée d'un revenu universel est de plus en plus présente dans le débat public.</span> </figcaption></figure><p><em>Nous publions en deux parties ce texte de l’économiste Yann Moulier-Boutang, auteur de « L’<a href="http://www.carnetsnord.fr/titre/l-abeille-et-l-economiste">abeille et l’économiste</a> ». Dans la première partie il explore les racines de la crise et les conséquences de la révolution numérique. Dans la seconde partie ci-dessous il avance des solutions possibles.</em></p>
<h2>Les « solutions » possibles</h2>
<p>Face à une situation de chômage technologique structurel très important qui relègue les espoirs de plein emploi au rang de vœux pieux, il existe au fond trois positions qui conduisent à trois solutions différentes.</p>
<p><strong>La première</strong> consiste à penser que le capitalisme qui est en train d’émerger n’est pas substantiellement différent du capitalisme industriel et que la transition se fera d’autant mieux qu’on prendra le plus rapidement <strong>des mesures d’ajustement</strong> de la main d’œuvre aux nouvelles formes de production (<em>lean management</em>, rationalisation de la main d’œuvre, augmentation de productivité), que les entreprises regagneront des marges de profits et donc embaucheront.</p>
<p>La solution passerait par une baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée, une activation des dépenses de chômage par une formation systématique, une plus grande adaptation des métiers. Les salariés devraient souffrir momentanément de chômage, mais l’emploi devrait redémarrer sur la base d’un contrat de travail unique (moins de sûreté de l’emploi pour les salariés protégés avec par exemple l’adoption d’un contrat de travail unique, mais davantage d’emplois) discours entendu aussi bien en France qu’en Chine récemment. C’est la position néolibérale.</p>
<p><strong>La seconde analyse</strong> reconnaît que le capitalisme nouveau est différent du capitalisme industriel, mais que le contrat de travail salarié « protégé » peut être imposé aux entreprises par l’État et rester le socle de la protection sociale. C’est en gros le socle commun à tous les refus de la gauche des aménagements du Code du travail vers <strong>plus de flexibilité</strong> pour obtenir davantage de création d’emploi.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/124014/original/image-20160525-25218-1ank6uc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/124014/original/image-20160525-25218-1ank6uc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/124014/original/image-20160525-25218-1ank6uc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/124014/original/image-20160525-25218-1ank6uc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/124014/original/image-20160525-25218-1ank6uc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/124014/original/image-20160525-25218-1ank6uc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/124014/original/image-20160525-25218-1ank6uc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Margaret Thatcher à la télévision.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/joybot/6379400463/in/photolist-aHJ6va-qGT5F9-7HHJtX-gzTVbz-jvdYic-efaFB5-82MzKq-82JnGa-78HW7x-7eexBZ-7cMECq-75BS7S-82MqBs-82JrnX-82JrFX-82JqRz-aemMx5-82Js1a-82Jr7X-av3FMP-82MyCW-6zZE4d-6zVxgV-82MwMb-6zVxBH-9Stcn3-6zZx45-6zZDob-7cHDsP-7eenGk-av3G78-6ZSdLk-7cMFgW-7eeysK-7eeoBD-7cMyXS-6zVsZ6-6zVv76-49gBJf-av3Hg4-7S82dR-6zZxw5-7eerD8-6zVubP-7cMAFf-8b7BQp-7cMBiC-7eikW3-6zZBvN-7eitKq">Sarah Joy/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>L’affrontement de ces deux positions a dominé la scène politique depuis 1975 et la discussion en cours en France autour de la loi El Khomri en constitue une illustration parfaite. La première position l’a largement emporté depuis la <a href="http://www.alternatives-economiques.fr/margaret-thatcher-ou-la-dame-de-fer-et-du-laisser-faire_fr_art_834_42844.html">contre-révolution thatchérienne</a> et reaganienne, réduisant la seconde à une résistance dans un pré carré de plus en plus réduit.</p>
<p>C’est au reste ce constat d’impuissance de la gauche traditionnelle, combinée à l’effondrement en 1989 des régimes socialistes d’obédience soviétique et l’hybridation chinoise très curieuse d’un socialisme autoritaire combiné à un développement d’un capitaliste de marché débridé, qui a conduit Tony Blair et son mentor idéologique <a href="https://www.cairn.info/la-sociologie-de-anthony-giddens--9782707151902.htm">Anthony Giddens</a> bientôt suivis dans toute l’Europe, à déserter la social-démocratie au nom d’un réalisme économique.</p>
<p>Avec dix ans de retard, par rapport à l’Allemagne (<a href="http://www.lesechos.fr/02/02/2015/LesEchos/21868-053-ECH_hartz-iv--la-clef-controversee-du-miracle-allemand.htm">Lois Hartz</a>), vingt ans par rapport au Royaume-Uni, les débats français sur la réforme du Code du travail retrouvent ces mêmes lignes de fracture.</p>
<p>Ces deux solutions ou une motion chèvre/choux combinant les deux épuisent-elles toutes les possibilités ? Il est permis d’en douter d’autant qu’une troisième solution est en train de s’esquisser sous nos yeux.</p>
<h2>Deux pistes qui tournent court</h2>
<p>Le problème que rencontrent ces deux « solutions » est simple et tient en un seul mot : <strong>l’impossibilité constatée d’un retour à une croissance durable de plein emploi</strong> et une crise de l’État Providence. Michel Rocard avait assez lucidement craché le morceau dans les années 1990. Avec Nouvelle Donne et Pierre Larrouturou (<em>La gauche n’a plus droit à l’erreur</em>, Flammarion, 2013) il avait récidivé. Sans beaucoup de succès à gauche. C’est dommage. En apparence, mais en apparence seulement, les recettes néolibérales ont paru l’emporter d’abord sous la forme des purges d’austérité à la Thatcher (réduction des dépenses publiques, de l’endettement de l’État, des privatisations) ensuite par les recettes du nouveau Labour anglais dérégulant le marché du travail.</p>
<p>Mais l’instabilité financière qui s’est traduite par des crises très fortes dont celle de 2008 qui a failli devenir systémique, les médiocres bilans en termes d’emplois, des déficits budgétaires croissants, l’explosion des inégalités, le recours croissant à des retraites par capitalisation et non plus par répartition ont montré que la première solution ne parvenait pas à stabiliser un véritable régime de croissance.</p>
<p>Inverser la courbe du chômage au prix d’une dégradation des emplois offerts surtout dans les services ce qu’on a pu voir aussi bien au Royaume-Uni, en Allemagne et aux États-Unis, tel est le cruel dilemme auquel se heurtent les politiques de lutte contre le chômage.</p>
<p>L’heure de la seconde solution a paru émerger avec la montée en Grèce, en Espagne d’une gauche clairement contestataire remettant en cause les dogmes de l’austérité budgétaire et du désendettement à tout prix. Il est à craindre toutefois que la seconde solution : relancer la croissance par la consommation populaire, taxer les profits des multinationales du numérique (les Gafa) imposer par la loi le respect d’un code du travail axé sur la défense du salariat canonique (contrat de travail à durée indéterminée, limitation des licenciements) ne se heurte aux transformations intenses de l’appareil productif par la deuxième vague de la révolution numérique.</p>
<h2>L’impact de la révolution numérique</h2>
<p>Au moment où l’économie matérielle paraît toucher enfin les dividendes des progrès de productivité des ordinateurs, un nouvel impact du progrès technique obère le redressement d’une croissance de l’emploi. C’est le drame des stratégies « d’inversion de la courbe du chômage » adoptée par le Rapport Gallois et le « redressement productif » qui voient échouer les politiques de l’offre après avoir vu échouer les politiques keynésiennes de relance de la demande.
La deuxième vague d’automation intellectuelle touche les tâches complexes intellectuelles, mais routinières et gouvernables par des algorithmes guidés par les valeurs statistiques</p>
<p>Les progrès rapides dans le remplacement d’activités mobilisant l’intellect, mais codifiés dans des programmes, et dans des données structurées par des tables de calcul, des BIG Data fournis par un nombre croissant d’objets connectés, montre que l’automatisation des immatériels qui peuvent être codifiés est déjà bien avancée. Les robots intellectuels touchent les emplois de banques, de consulting ou de mises à jour des données.</p>
<p>Plusieurs études en <a href="http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/quand-les-algorithmes-remplaceront-les-cadres_1548065.html">France</a>, UK et <a href="http://money.cnn.com/2016/01/15/news/economy/smart-robots-stealing-jobs-davos/index.html">US</a> montrent de façon très convergente que 45 % à 55 % des emplois actuels sont directement menacés dans les 20 ans qui viennent.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/123983/original/image-20160525-25245-1jex8je.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/123983/original/image-20160525-25245-1jex8je.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/123983/original/image-20160525-25245-1jex8je.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/123983/original/image-20160525-25245-1jex8je.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/123983/original/image-20160525-25245-1jex8je.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/123983/original/image-20160525-25245-1jex8je.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/123983/original/image-20160525-25245-1jex8je.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/123983/original/image-20160525-25245-1jex8je.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Taux de chômage en France.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Insee</span></span>
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<p>Avec plus d’un tiers de la population active au chômage indemnisé ou pas, la partition traditionnelle entre le travail salarié, le travail indépendant, les professions libérales (médecins, avocats, juriste, experts) s’estompe de plus en plus. Or la protection des « indépendants » comprenons les non salariés est une lacune profonde des stratégies prônant le développement tous azimuts de la prise de risque par l’entrepreneur. On confond le risque comelrcial du société avec le risque personnel de l’individu.</p>
<p>Les pays émergents à développement rapide (BRICS) et les nouveaux émergents (Nigéria) ne sont pas mieux lotis puisque des études récentes évaluent à plus de 80 % les emplois menacés soit par une robotisation (qui avance à grands pas en Chine) soit par le couplage des machines learning avec le big data issu des dispositifs d’objets interconnectés. Selon le World Economic Forum de Davos (janvier 2016), <a href="http://www.blog-emploi.com/5-millions-emploi-davos/">5 millions d’emplois risquent de disparaître d’ici 2020</a> en raison de la robotisation de l’économie.</p>
<h2>Revenu universel, emplois subventionnés et intermittence généralisée</h2>
<p>La troisième solution consiste à envisager le couplage d’un revenu d’existence universel, d’une subvention publique des emplois faiblement qualifiés et d’un régime d’intermittence généralisée du travail</p>
<p>En <a href="https://bambooinnovator.com/2014/02/06/if-robots-divide-us-they-will-conquer-the-rise-of-intelligent-technologies-may-cost-us-dear-unless-we-understand-the-dangers-2/">février 2014 Martin Wolf dans le <em>Financial Times</em></a> tirait les leçons de la transformation considérable de l’emploi dans la seconde vague de la révolution des technologies numériques. Il ne voyait que deux mesures capables de conjurer une crise cette fois-ci politique du capitalisme tout cognitif qu’il soit.</p>
<p>La première serait d’ <strong>instaurer un revenu de base ou citoyen inconditionnel</strong> pour tout membre de la société cumulable avec différentes formes d’activité (ce qui correspond pour moi à la rétribution de la contribution marchande ou non de la pollinisation humaine et de l’apport de chacun, sous différentes formes (y compris l’économie sociale et solidaire) à la productivité globale des facteurs.</p>
<p>La seconde mesure encore plus surprenante de la part de ce réaliste du <em>Financial Times</em> qui n’est pas particulièrement anti-capitaliste ni révolutionnaire était de <strong>subventionner toute participation au marché du travail</strong> pour les tâches banales requérant du travail manuel et peu qualifié. En effet, la conséquence directe d’un revenu d’existence serait de supprimer l’incitation majeure à remplir ces emplois. La mesure proposée serait de subventionner ce type d’emploi : chaque dollar gagné par l’employé serait abondé un autre dollar destiné à en financer les cotisations sociales de l’employeur (<em>benefits</em>). Les systèmes bismarckiens à l’allemande ou semi-bismarckiens à la française deviendraient totalement beveridgiens.</p>
<p>Remarquons que d’ores et déjà les <strong>mesures d’aide à l’emploi</strong> ces 25 dernières années ont surtout consisté à exonérer les employeurs de cotisations sociales. Le Président <a href="http://www.lefigaro.fr/emploi/2016/01/14/09005-20160114ARTFIG00107-le-gouvernement-prevoit-un-cheque-emploi-de-2000-euros.php">Hollande a au reste annoncé</a> qu’en 2017 la totalité des emplois rémunérés au salaire minimum (le smic) seraient exonérés de la cotisation sociale employeur.</p>
<p>Pourquoi des mesures qui auraient été taxées il y a vingt ans d’aimables utopies révolutionnaires figurent-elles à l’agenda politique ? Ce sont les transformations de l’économie qui l’expliquent.</p>
<h2>La mue du salariat en intermittence</h2>
<p>Le salariat aménagé par deux siècles de protection sociale passablement érodées depuis trente ans correspond-il encore au mode productif qui se dessine ? La flexibilité réclamée par les entreprises sans protection sociale comme les diverses formes de contestation de l’ubérisation croissante de l’emploi l’ont attesté, n’est pas la solution. L’idée de <strong>flexi-sécurité</strong> à la scandinave souvent citée, mais peu imitée réellement, dernier espoir de ceux qui voudraient sauver le modèle d’un salariat stable et protégé, suffirait-elle à endiguer le tsunami du chômage technologique ? Là encore on peut en douter.</p>
<p>La troisième solution de plus en plus évoquée par l’aile marchante du capitalisme numérique comme nous l’avons montré consiste à remodeler profondément ce qu’a été le salariat. Son modèle de contrat se met à ressembler à de <strong>l’intermittence ou de l’intérim généralisés</strong>, à des contrats liés à des projets de quelques années (Rapport Vizille) ou à de l’événementiel ou enfin à des participations à des poly activités (ce qui correspond au monde vécu par les fondateurs de startups, les bénévoles opérant dans les fablabs).</p>
<p>Mais à la différence du modèle de flexibilité néo-libérale, la protection sociale fondamentale est fournie par un revenu d’existence généralisé à tous pour toute la durée de la vie. La solution à la précarisation croissante du marché du travail y compris pour les classes créatives est un revenu minimum d’existence détaché de l’emploi dans le marché. De l’emploi et pas du travail rémunéré ou de l’activité bénévole.</p>
<h2>La révolution du revenu universel</h2>
<p>C’est une transformation considérable. Quand il s’agissait de financer un RSA amélioré à la marge (de l’ordre de 550 euros par personne) se substituant à l’ensemble des prestations fournies par les assurances maladie, chômage, les retraites, les aides au logement, les besoins de financement pouvait être couverts par le recours au système actuel des impôts.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/124019/original/image-20160525-17595-1l52o0n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/124019/original/image-20160525-17595-1l52o0n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/124019/original/image-20160525-17595-1l52o0n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/124019/original/image-20160525-17595-1l52o0n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/124019/original/image-20160525-17595-1l52o0n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/124019/original/image-20160525-17595-1l52o0n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=394&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/124019/original/image-20160525-17595-1l52o0n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=394&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/124019/original/image-20160525-17595-1l52o0n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=394&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le revenu de base au salon Naturabio (Lille, 2013).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/revenudebase/11188152334/in/photolist-i3EcUb-i3EbX3-i3Ed4j-h7kXvc-dnMZmw-d8vfpA-oytnR1-d8vxJ7-dnMVCz-zArGkB-zzmhfW-zzmgtq-zArH9v-zy8qwm-yDyi7M-zArBpp-ziPdLw-yDyd64-zzmbiA-oNUqjb-oyrAMY-ziPh4d-ziQKQw-qg5MoF-pYwTkq-qg5MbB-pYDp1K-pcsmhC-p3BtbJ-oFACMu-oY66fn-oFAJeu-oFAVK4-oFADt7-oXPrVi-oFAhR7-oFAEy2-oW3PYh-oFzKHV-oFzEtX-oW3yXL-oyGEgS-oytaKu-oysWPP-oQVu9Y-oyrRhC-oQUnN3-oQUnGb-oQEpkD-oNUqeG">Revenu de base/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le financement d’un revenu d’existence à un niveau équivalent à celui du smic ne peut pas être assuré par les impôts directs actuels (système Beveridgien) ou par les cotisations sociales (système bismarckien ou mixte à la française) qui ne constituent pas la solution quand bien même il serait partiellement assuré par un impôt sur le capital ou sur la consommation (via la TVA) qui ne suffiraient pas non plus.</p>
<p>La récente étude de Thomas Chevandier, Jérôme Héricourt, Groupe de travail Revenu universel de la Fondation Jean-Jaurès
https://jean-jaures.org/nos-productions/le-revenu-de-base-de-l-utopie-a-la-realite propose un revenu de base à 750 euros. La totalité des transferts opérés par le système actuel correspond à 800 euros par mois et par Français. La solution proposée par ce Think Tank proche du Parti socialiste y consacrerait les ressources actuelles des assurances maladies, handicap, chômages, retraites. L’allocation couvrirait les plus de 18 ans. Les besoins de financement seraient couverts par les modes de financement de la protection sociale actuelle. Un correctif serait effectué pour les retraités qui toucheraient une fois et demie la somme standard.</p>
<p>Les principaux défauts de ce plan c’est qu’il décolle trop peu du niveau de pauvreté pour avoir un impact macro-économique de résorption massive des inégalités et de remède à la précarisation de 25 % de la population active. Il présente au reste un très grand risque de livrer la protection sociale au marché financier de la capitalisation.</p>
<p>Le BIEN (<a href="http://www.basicincome.org">Basic Income Earth Networks</a>) en particulier l’économiste Philippe Van Parijs qui en est l’un des fondateurs explique que le revenu de base doit être le plus élevé possible selon les pays. Nous pensons pour notre part qu’en France il devrait remplacer le salaire minimum et atteindre entre 1 100 et 1 200 euros par personne (y compris les enfants) si l’on veut en faire un outil de flexibilisation de la création d’activité protégée quelle que soit sa modalité (emploi salarié classique, intermittent, partiel, occasionnel, bénévole). Voir notre contribution à paraître dans la revue <em>Multitudes</em> 2016/2, juin, n° 63.</p>
<p>Dès que le revenu universel dépasse l’effort actuel de redistribution, il est illusoire de compter le financer à prélèvement constant. Mais nous savons que le système actuel d’impôt direct ou indirect est à la limite de la rupture. Il faut donc changer totalement le système des impôts en le remplaçant par <strong>une taxe uniforme sur toutes les transactions monétaires et financières</strong> (solution proposée par <a href="https://www.cairn.info/revue-multitudes-2011-3-page-76.htm">René Montgranier</a> dans les années 1980).</p>
<p>Il y a actuellement 10 fois plus de transactions financières et monétaires mondiales que de PIB (700 000 milliards contre 70 000). Une taxe de 5 % sur toutes ces transactions perçues directement par les banques représenteraient 35 000 milliards même si le régime de croisière de cet impôt en situation normale pourrait être situé entre 1,5 et 2,5 %. Cette logique de taxation correspond au fait qu’aujourd’hui la richesse se crée dans la circulation et les flux et pas sur des stocks (le capital, le revenu, le profit, le patrimoine).</p>
<p>Pour mémoire en France le PIB en 2013 a été de 2539 milliards d’euros ; sur 25 400 milliards d’euros de flux financiers cette taxe pollen à 5 % représenterait 1270 milliards. En 2013 le budget de la France avait été de 386 milliards d’euros de recettes et de 455 milliards de dépenses ; le budget social de la nation avait été de 469 milliards d’euros de dépenses.</p>
<p>Le remplacement de tout le système actuel fiscal (impôts directs, indirects) par cette taxe uniforme perçue par les banques (qui du même coup deviendraient des annexes de l’appareil fiscal de l’État et permettraient à ce dernier d’avoir ses recettes en temps réel) est <strong>doublement redistributif dans les faits</strong>. 1°) Compte tenu de l’assiette de la richesse actuelle aussi bien productive que patrimoniale c’est dans les flux financiers et monétaires que l’essentiel de la richesse des plus riches se fabrique ; 2°) en permettant le financement des dépenses de l’État largement, en réduisant le déficit budgétaire, en accélérant le remboursement de la dette publique, il opérerait un puissant effet de redistribution.</p>
<p>Quant à l’effet incitatif à l’innovation il serait boosté d’une part par l’autonomie économique fournie à ceux qui travaillent dans des projets qui n’ont pas encore de rentabilité financière suffisante pour assurer un emploi marchand et d’autre part par un <a href="http://arsindustrialis.org/vers-le-travail-se-substituant-%C3%A0-l%E2%80%99emploi-pour-un-revenu-de-base-et-un-revenu-contributif">revenu contributif additionnel</a> tel que le propose Ars Industrialis sous l’impulsion de Bernard Stiegler pour ceux qui ont une activité non rémunérée dans des centres d’innovations, des pépinières de start-up, des ateliers de co-working.</p>
<p>Un sondage mené en mars-avril 2016 auprès de 10 000 Européens voyait 64 % d’entre eux se prononcer en faveur d’un revenu de base (<a href="http://basicincome-europe.org/ubie/unconditional-basic-income/"><em>unconditional basic income</em></a>), 58 % étant au courant de ce que cela représentait précisément <a href="http://www.basicincome.org/wp-content/uploads/2016/05/EU_Basic-Income-Poll_Results.pdf">caractère inconditionnel, individuel, cumulable avec une activité rémunérée</a>.</p>
<p>C’est un signe des temps que la proposition d’un revenu universel ou de base soit sorti des milieux très étroits des spécialistes. Et plusieurs gouvernements commencent à voir dans cette proposition une sortie vers le haut de la crise de l’emploi et du salariat.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/59802/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yann Moulier-Boutang ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Et si, au lieu de recourir aux solutions classiques d’ajustement du capitalisme, on envisageait des politiques alliant revenu universel, emplois subventionnés et intermittence ?Yann Moulier-Boutang, Professeur des universités en Sciences Economiques, Université de Technologie de Compiègne (UTC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/594762016-05-24T04:36:11Z2016-05-24T04:36:11ZPas de transition sans une nouvelle approche de la monnaie : pour une monnaie délibérée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/123219/original/image-20160519-4481-1epl5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Programme du « quantitative easing for the people » au Parlement Européen en février 2016.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.qe4people.eu/press-room">qu4people.eu</a></span></figcaption></figure><p>Une transition vers une société plus démocratique, plus écologique et plus solidaire passe par la multiplication des initiatives citoyennes relevant de l’économie sociale et solidaire, du mouvement des communs, des circuits-courts… Cependant, pour que ces initiatives changent d’échelle, elles doivent s’appuyer sur une autre approche de la monnaie puisque le système monétaire actuel ne s’intéresse pas à elles faute de rentabilité.</p>
<p>En effet, dans une économie capitaliste, la monnaie n’est pas un simple lubrifiant à l’échange mais, plus fondamentalement, un préalable à toute activité (achat de matériel productif, versement des salaires…). Cette avance monétaire ne peut se faire sans l’entremise du système bancaire qui, seul, est en mesure de faire naître des unités monétaires dans l’acte d’octroi du crédit.</p>
<p>Or les décisions de financement des banques sont assujetties à une logique de rentabilisation du capital qui les conduit à ne retenir que les activités les plus profitables. Cette logique, réduit la production à la création de marchandises, sans prise en considération de l’utilité sociale et de l’impact écologique de cette dernière.</p>
<h2>Pour démocratiser la monnaie, délibérer</h2>
<p>Pour que la transition devienne une réalité concrète, il convient donc de remettre en cause cette logique monétaire capitaliste. Pas de démocratisation de l’économie sans une démocratisation de la monnaie.</p>
<p>Comment démocratiser la monnaie ? Nous suggérons deux pistes qui sont liées au fait que la monnaie est un facteur de cohérence et de solidarité d’une communauté et simultanément un facteur qui détruit le lien social. C’est pourquoi toute réflexion sur la démocratisation de la monnaie doit mener une réflexion sur deux fronts : faciliter l’accès à la monnaie, limiter la sphère monétaire. Dans les deux cas un même principe régulateur est à l’œuvre : la délibération.</p>
<p>Délibérer pour gérer la monnaie comme dans un système d’échange local, ou une monnaie locale, délibérer pour décider de ce qui doit ou ne doit pas relever de la sphère monétaire. On le voit, cette conception de la monnaie délibérée s’oppose aux conceptions dominantes de la monnaie administrée et de la monnaie libérale.</p>
<h2>Trois pistes</h2>
<p>Pour démocratiser la monnaie nous suggérons trois propositions :</p>
<ul>
<li><p><strong>Pluraliser la monnaie</strong> en encourageant à tous les niveaux (local, national ou international) les monnaies citoyennes conçues comme étant des communs (une ressource commune, gérée de manière commune).</p></li>
<li><p><strong>Développer un système financier démocratique</strong> qui articule contrôle citoyen des banques centrales et généralisation des banques éthiques (et plus généralement des systèmes solidaires d’accès au crédit). L’idée étant d’infléchir l’actuelle politique de <a href="http://dessinemoileco.com/quantitative-easing/">« quantitative easing »</a> qui bénéficie uniquement aux banques commerciales au profit des banques éthiques. Cela permettrait à ces dernières de s’affranchir des risques d’isomorphisme marchand et donc de financer davantage les innovations jugées socialement utiles par les citoyens sociétaires.</p></li>
<li><p><strong>Favoriser l’émergence d’un revenu garanti inconditionnel</strong>. Cette utopie ancienne du revenu d’existence trouve dans la société actuelle une nouvelle vigueur que cela soit lié à la montée des inégalités, à l’inadaptation de la protection sociale ou bien encore à l’émergence d’une société numérique précarisant la condition salariale.</p></li>
</ul>
<p>Ce revenu doit être un revenu primaire venant rémunérer les activités gratuites aujourd’hui captées par l’entreprise (temps d’information, autoformation sur le Net, etc.). Il doit être également un revenu universel (versé à tous sans condition d’activité) et financé via la banque centrale sous la forme d’un <a href="http://revenudebase.info/2015/04/01/lettre-financial-times-bce-quantitative-easing-for-the-people/">« quantitative easing for the people »</a> par la puissance publique garante de l’intérêt général étant entendu que la banque centrale serait contrôlée démocratiquement par les citoyens.</p>
<h2>Limiter la sphère monétaire</h2>
<p>Dans une perspective de transition démocratique, il convient aussi de restreindre la sphère monétaire. En effet, dans une société de marché, tout est économisé, c’est-à-dire que toute activité, tout bien, tout être, se réduit à une valeur monétaire pouvant être échangée. C’est pourquoi lutter contre l’hégémonie du marché ne peut pas passer uniquement par une démocratisation de l’accès à la monnaie.</p>
<p>Il s’agit donc d’encastrer la sphère économique, dans la société démocratique, c’est-à-dire de limiter la sphère monétaire même si cette dernière était, par hypothèse, régulée de manière démocratique. Contre l’usage actuel illimité et spéculatif de la monnaie, la délibération collective doit permettre de délimiter la sphère des échanges marchands. L’étendue de celle-ci ne résulte donc pas des forces du marché et de la recherche de l’intérêt individuel, même si elle les prend en compte : elle est subordonnée aux choix démocratiques.</p>
<p>La monnaie est donc bien un marqueur de l’évaluation économique des biens, mais la valeur ne se résume pas à la grandeur monétaire. Les valeurs politiques et symboliques ont leurs propres critères d’évaluation qui ne sont pas ceux de la sphère économique.</p>
<p>Penser la transition vers une autre société nécessite de penser la transition vers un nouvel usage de la monnaie qui simultanément faciliterait l’accès à tous et limiterait la marchandisation monétaire du monde. C’est l’exact contraire de notre système économique actuel qui réduit l’accès à la monnaie aux seules activités lucratives tout en cherchant à monétiser l’ensemble du vivant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/59476/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La transition vers une économie plus solidaire et plus démocratique passe par un nouvel usage de la monnaie.Éric Dacheux, Professeur Information Communication, Université Clermont Auvergne (UCA)Daniel Goujon, Maitre de Conférences, Sciences Economiques, Université Jean Monnet, Saint-ÉtienneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/594402016-05-17T20:31:46Z2016-05-17T20:31:46ZLe revenu universel : une idée libérale ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/122820/original/image-20160517-9471-1569d73.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Revenu de base.</span> </figcaption></figure><p>Le 5 juin 2016, les Suisses voteront pour ce qui pourrait bien être une véritable révolution dans notre société : l’instauration d’un revenu universel. Il s’agit en réalité d’une idée déjà ancienne, défendue notamment par un Américain, prix Nobel d’économie en 1976, <a href="http://www.econlib.org/library/Enc1/NegativeIncomeTax.html">Milton Friedman</a>. Dès 1969 c’est, d’après l’économiste, la solution pour éradiquer la grande pauvreté : on ne touche pas à l’équilibre de répartition des richesses, tel qu’il est produit par le capitalisme, mais on procure à tous un revenu minimum de subsistance afin de sortir de l’insupportable, qu’il n’y ait enfin plus personne qui crève de faim dans une société aussi riche.</p>
<p>On retrouve cette idée dans <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Utopia"><em>Utopia</em></a> de Thomas More (en 1516 !) ou défendue par le révolutionnaire américain <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Thomas_Paine">Thomas Paine</a>, le français <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Charles_Fourier">Charles Fourier</a>, le mathématicien <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Bertrand_Russell">Bertrand Russell</a> ou l’anglais <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/James_Meade_%28%C3%A9conomiste%29">James Meade</a> (également prix Nobel, en 1977). En 2013, le <a href="http://www.nytimes.com/2013/06/14/opinion/krugman-sympathy-for-the-luddites.html">prix Nobel d’économie Paul Krugman</a> se prononce à son tour en faveur d’un revenu de base.</p>
<p>Le propos est généreux et semble tellement évident qu’on se demande pourquoi il n’est pas encore mis en place. En son temps, Martin Luther King avait posé cette même question, à laquelle quelques hommes politiques à travers le monde ont tenté de répondre depuis les années soixante, souvent en faisant face à un scepticisme plus fort qu’une bourrasque en pleine mer démontée. Chez nous, c’est <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Lionel_Stol%C3%A9ru">Lionel Stoléru</a> qui en a parlé le premier, en 1973. Cette idée a été déclinée en 1988 par Michel Rocard, qui a mis en <a href="http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/politiques-insertion/chronologie/">place le RMI</a>, soumis toutefois à une condition importante et qui change toute la philosophie du projet : une absence totale de ressources. Le RMI a été décliné en RSA et Michel Sapin <a href="http://www.numerama.com/politique/152360-michel-sapin-dit-non-revenu-de-base-universel.html">vient de fermer récemment la porte</a> à toute évolution vers un véritable revenu universel en opposant « qu’il encouragerait l’oisiveté et risquerait de nous faire basculer dans une société d’assistance ».</p>
<h2>Qu’est-ce que le revenu universel ?</h2>
<p>Tel qu’il est maintenant assez généralement présenté, le revenu universel, ou revenu de base, est un substitut de toutes les formes d’aides existantes : allocations logement, familiales, rentrée scolaire, RSA, primes à l’emploi, etc. Toutes ces diverses allocations sociales ont fini par créer un maquis dans lequel même les plus spécialistes finissent par se perdre. Il y a une dépense financière considérable mais également humaine et de l’intelligence, car les gouvernements successifs ont complété le dispositif avec un empilement d’administrations qui, pour certaines, font de la norme autour de ces questions, pendant que d’autres passent leur temps à faire du contrôle (par exemple en vérifiant que tous les critères d’obtention sont bien remplis ou qui luttent contre la fraude), ou que d’autres encore sont chargées de la mise en place, du suivi ou de la distribution.</p>
<p>Comble de l’horreur, les objectifs curatifs de ces aides multiples ne sont donc pas atteints au final car, comme le démontre <a href="https://www.cnle.gouv.fr/IMG/pdf/CNLE_CR_17_janvier_2013_pour_validation.pdf">des études récentes</a>, les bénéficiaires potentiels abandonnent souvent une demande à laquelle ils ont droit, <a href="http://mutuelle.dispofi.fr/acs-cmu-formulaire">découragés par la complexité des démarches pour l’obtenir</a>.</p>
<p>Les défenseurs du revenu universel mettent donc leur projet en avant, soulignant qu’il n’y a pas de système alternatif proposé pour répondre à ce problème spécifique. De surcroît, les plus hardis font remarquer que l’automatisation qui s’annonce dans un futur assez proche va créer <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2016/01/18/robots-intelligence-artificielle-impression-3d-5-millions-emplois-2020-davos_n_9008894.html">des millions de chômeurs supplémentaires</a> (théorie contestée par quelques économistes) et que le revenu universel sera, là aussi, une réponse à ce désastre annoncé. Mais le vrai frein à la mise en place d’un tel système est-il réellement économique ? On peut en douter. Car, en réalité, c’est tous les équilibres de notre société qui sont touchés par ce qui constituerait alors une véritable révolution.</p>
<h2>Le revenu universel : la révolution du XXI<sup>e</sup> siècle ?</h2>
<p>L’argument du ministre des finances français pour repousser cette idée est une assez bonne synthèse des oppositions généralement observées. En son temps, le président américain Nixon avait repoussé la généralisation d’une expérimentation sur le revenu universel avec exactement les mêmes arguments : dans notre société, pour obtenir un salaire – jusqu’à présent – il faut le gagner. « L’argent gagné à la sueur de son front » est une idée structurante, avec laquelle nous avons tous grandi.</p>
<p>Le désarroi de celui qui perd son emploi n’est pas uniquement ou forcément consécutif à une perte financière immédiate : il peut aussi être relatif à la place que nous occupons dans la société et à la revendication du droit à être reconnu (et rémunéré) grâce à notre activité. Le <a href="http://www.lecese.fr/content/le-cese-rendu-ses-preconisations-sur-limpact-du-chomage-sur-les-personnes-et-leur-entourage">très récent rapport du CESE</a> ne dit pas autre chose quand il met en lumière la corrélation entre chômage et suicide. Or le revenu universel remet en cause ce paradigme puisqu’il est proposé à tout le monde de recevoir un salaire en échange de la seule condition d’être né et d’appartenir à cette société.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/122821/original/image-20160517-9515-xompk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/122821/original/image-20160517-9515-xompk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/122821/original/image-20160517-9515-xompk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=482&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/122821/original/image-20160517-9515-xompk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=482&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/122821/original/image-20160517-9515-xompk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=482&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/122821/original/image-20160517-9515-xompk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/122821/original/image-20160517-9515-xompk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/122821/original/image-20160517-9515-xompk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">EELV défend le revenu de base depuis 1992.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il nous faut donc réinventer une société qui n’est plus uniquement basée sur le travail, mais qui s’ouvrirait également à des revendications nouvelles, y compris le droit à l’oisiveté, à la réflexion, à la création, à l’engagement personnel pour telle ou telle cause, bref, une société au sein de laquelle l’individu peut écouter ses envies. On peut toujours rejeter cette proposition en bloc en s’arc-boutant sur la nécessité « de gagner son pain ». Il n’est pas exclu cependant que c’est justement ce que feraient la plupart des soi-disant oisifs : un créateur de jeu vidéo qui monte sa start-up aura besoin de beaucoup de temps pour imaginer son projet et le développer, avant de commencer à vivre de celui-ci.</p>
<p>Cet exemple est bien évidemment déclinable à beaucoup de projets. Il est suffisamment évocateur des problèmes rencontrés par beaucoup de jeunes créateurs, contraint de renoncer à la poursuite d’un rêve, alors qu’ils en ont certainement les compétences, l’envie et que ce projet est épanouissant pour eux, mais qu’ils ne disposent pas du capital leur permettant de subsister jusqu’à la récolte des premiers fruits. Le revenu universel est, dans leur cas, une proposition satisfaisante et qui contribue pourtant à la création de richesses et d’emplois. Il n’en serait pas différemment avec les journalistes, auteurs, artistes, créateurs, bénévoles d’association, étudiants, intervenants dans l’économie collaborative ou numérique, mais aussi, agriculteurs, artisans, jeunes entrepreneurs, etc.</p>
<h2>Comment un tel revenu universel est-il financé ?</h2>
<p>Si l’utopie de Thomas More est de permettre aux hommes d’atteindre le bonheur, celui-ci pourrait donc être enfin déconnecté de l’argent dans notre société ? Pourquoi pas… Mais qu’en est-il de ceux qui veulent conjuguer argent et bonheur ? Si vous revendiquez un droit à gagner plus, les défenseurs du droit universel répondent que cela ne pose aucun problème : pour gagner plus, il faudra travailler (plus). Ceux qui voudront subsister seront mis à l’abri des affres de la grande pauvreté, mais ceux qui voudront accumuler des richesses pourront toujours le faire. C’est même, ajoutent-ils, sur cette condition que repose l’ensemble du système.</p>
<p>Car la question du financement est bien entendu le vecteur de réussite et elle implique que certains travaillent et même que certains travaillent beaucoup, si tel est leur choix. Les réponses apportées à la question du financement sont très nombreuses. Ce qui est sûr, c’est que personne n’a donné la preuve de l’impossibilité du financement. Parmi les différents travaux sur cette question, <a href="http://revenudebase.info/2012/09/12/interview-marc-basquiat-revenu-de-base/">ceux de l’économiste Marc de Basquiat</a> semblent parmi les plus avancés. Il préconise un revenu de base autour de 400 euros par adulte et la moitié pour chaque enfant. Une famille avec deux enfants toucherait donc autour de 1200 euros par mois sans aucune condition associée. Le financement serait assuré par le simple transfert des budgets actuels dédiés aux différentes aides et allocations, ainsi qu’en unifiant certains prélèvements obligatoires et en instaurant une taxe uniforme des patrimoines de 1 %.</p>
<p>Il s’agit donc dans le cas présent de se contenter d’une réorganisation de l’existant. Pour d’autres, au contraire, il faut en profiter pour refondre totalement le système de l’impôt, en l’étendant à tous les revenus quels qu’ils soient et dès le premier euro gagné. Ceux-là imaginent alors un revenu universel qui prendrait la forme d’un crédit d’impôt. Par exemple si la base choisie est de 3 000 euros et que le calcul de votre impôt est justement égal à 3 000 euros, vous ne recevez rien et vous ne devez rien. Si votre impôt est supérieur, vous payez la différence et s’il est inférieur vous touchez la différence. Si vous n’êtes pas imposable, vous touchez 3 000 euros.</p>
<h2>Des expériences ont été menées au quatre coins de la planète</h2>
<p>En pratique, le revenu universel et le système de l’impôt négatif ne sont pas équivalents. Mais la réflexion est identique, mettant fin au salariat traditionnel et aboutissant à une liberté d’entreprendre ou de s’accomplir. Les expériences qui ont été tentées dans le monde sont donc riches d’enseignement :</p>
<p>Aux États-Unis, Lyndon Johnson a impulsé les premières expériences, en conformité avec sa déclaration de guerre à la pauvreté. Il s’agissait de garantir un <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S105353570400109X">revenu de subsistance par famille</a>, qui ressemblait au dispositif du crédit d’impôt : le ménage ne payait pas d’impôt si ses ressources étaient inférieures à un seuil et recevait au contraire une allocation pour lui permettre d’atteindre ce seuil. Les expérimentations américaines ont été conduites dans le New Jersey entre 1968 et 1972, dans la Caroline du Nord et l’Iowa entre 1969 et 1973, dans la ville de Gary, en Indiana, entre 1971 et 1974, ainsi qu’à Seattle et à Denver entre 1972 et 1982.</p>
<p>Une autre forme d’expérience est celle qui a <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Alaska_Permanent_Fund">été mise en place en Alaska</a>, même s’il s’agit davantage d’une rente liée au bénéfice du pétrole, et qui donne une sorte de 13e mois à chaque habitant de l’État. En 2015 chacun des habitants de l’État a touché la somme de 2 072 dollars, quels que soient son âge et sa situation de fortune ou professionnelle. C’est donc bien une forme dérivée de revenu universel.</p>
<p>Au Brésil, Lula a introduit en 2002 la <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Bolsa_Fam%C3%ADlia">« Bolsa Familia »</a> pour lutter contre la misère. Il a été attribué une allocation à toutes les familles dans le besoin, soumise cependant à une condition qui était la scolarisation des enfants. Il s’agissait de faire de la lutte contre la misère une priorité, tout en luttant contre un de ses corollaires, à savoir le travail des enfants.</p>
<p>En Inde, l’idée est testée depuis 2011 sur <a href="http://www.theguardian.com/business/economics-blog/2014/dec/18/incomes-scheme-transforms-lives-poor">6 000 personnes pauvres</a>. Les résultats sont plutôt encourageants : meilleur accès aux soins, diminution des inégalités et même croissance : l’activité économique et le travail n’ont pas baissé, au contraire, précise le <em>Guardian</em>.</p>
<p>En Namibie, une des expériences les plus aboutie à ce jour à permis de donner un revenu (<em><a href="http://www.bignam.org/">basic income grant</a> – BIG</em>) de 9 euros par mois aux 930 villageois de Otjivero-Omitara, sans aucune autre condition que d’habiter le village. Les Namibiens vivent en moyenne avec 1 euro par mois et les résultats observés ont été une croissance des revenus dans le village. Donc, loin de tomber dans l’oisiveté, les habitants se sont appuyés sur cette nouvelle ressource financière sécurisée pour se tourner vers l’entreprenariat (+300 %), alors que le taux de chômage diminuait, passant de 60 % à 40 %. On peut noter qu’on a également observé un impact sur la santé : les habitants étant désormais en capacité de payer les 4 euros demandés par l’hôpital, ils se sont fait soigner. La malnutrition a chuté de 42 % à 17 % et le taux de fréquentation de l’école a augmenté, les enfants venant désormais « propres et bien nourris ».</p>
<p>Dans les pays développés l’idée fait son chemin : la Finlande va la mettre en place à la fin de l’année et le nouveau Premier ministre canadien s’est dit favorable à une expérimentation, en <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Programme_Mincome">s’appuyant sur l’expérience</a> mené dans la ville de <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Dauphin_%28ville,_Manitoba%29">Dauphin</a> (10 000 habitants) entre 1974 et 1979. Dans les deux cas ; il s’agit de simplifier le système des prestations sociales, compliqué, lourd à gérer et trop coûteux. Helsinki espère aussi faire reculer la pauvreté et le chômage : dès novembre 2016, <a href="http://www.europe1.fr/societe/la-finlande-pourrait-bientot-verser-800-euros-par-mois-a-tous-ses-citoyens-2632739">chaque Finlandais pourra recevoir une allocation de 800 euros par mois</a>, sans considération de richesse ni d’âge.</p>
<h2>L’explosion du droite-gauche : un monde en mutation ?</h2>
<p>La question du revenu universel est un des thèmes mis en vedette dans les débats qui traversent le mouvement Nuit debout. Ce serait la grande idée du siècle, la solution à la misère et apportant la liberté à chacun. Mais d’autres se méfient : n’est-ce pas un piège tendu par les politiciens qui veulent imposer une politique libérale ? Marc de Basquiat et <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Gaspard_Koenig">Gaspard Koenig</a>, qui ont publié un rapport proposant le Liber, « un revenu de liberté pour tous », se revendiquent d’ailleurs les penseurs libéraux de Génération libre. À moins que la question du revenu universel ne demande un effort, d’être en capacité de dépasser le vieux logiciel droite-gauche, pour réfléchir en termes nouveaux. C’est ce que semblent penser certains de nos hommes politiques. <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2016/04/20/valls-revenu-universel-definition_n_9736078.html">Manuel Valls a fait un pas dans cette direction</a>, en commandant un rapport au <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2016/04/18/rapport-christophe-sirugue-minima-sociaux_n_9717926.html">député Christophe Sirugue</a>, avec une orientation claire pour remettre à plat les minima sociaux.</p>
<p>D’autres réfléchissent sur cette question depuis un peu plus longtemps. Christine Boutin a <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/propositions/pion3378.pdf">déposé une proposition de loi vite enterrée visant à instaurer un dividende universel</a>, dès octobre 2006 ! Les écologistes <a href="http://video.lefigaro.fr/figaro/video/christophe-madrolle-je-veux-reveiller-les-abstentionnistes-de-gauche/4587284178001/">Christophe Madrolle</a> et <a href="https://en.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Jean-Luc_Bennahmias">Jean-Luc Benhamias</a> défendent également cette idée. Le débat transcende les partis et aujourd’hui c’est le député LR <a href="http://www.frederic-lefebvre.org/9423-2/">Frédéric Lefebvre</a> qui est en pointe sur cette question. L’ancien proche de Nicolas Sarkozy ne s’encombre plus du débat droite-gauche et on le voit débattre sur cette question avec <a href="https://frontdemocrate92.org/2016/02/18/refonder-notre-contrat-social-autour-dun-revenu-universel-2/">des centristes</a>, <a href="http://lesverts.fr/IMG/pdf/tdv10_0610.pdf">des écologistes</a> ou <a href="http://revenudebase.info/2016/01/20/amendements-revenu-de-base-rejetes/">des socialistes</a>. « Ce qui compte c’est de faire avancer l’idée » déclare-t-il de concert avec ses opposants. Fort de son statut de candidat aux primaires de la droite il aurait même convaincu un président de région de lancer une expérimentation<a href="https://www.facebook.com/FredericLefebvre.Officiel/">. Xavier Bertrand réfléchi sérieusement</a> à la question et les Hauts-de-France seront peut-être la première région à se lancer. À moins que ce ne soit le Sud-Ouest, où <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Alain_Rousset">Alain Rousset</a> voudrait <a href="http://revenudebase.info/2015/07/07/rsa-inconditionnel-aquitaine/">également faire des expérimentations</a> : des petites villes, comme La Réole se sont déjà portées candidates.</p>
<p>Mais, déjà, <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2016/01/08/97002-20160108FILWWW00186-macron-soutiendrait-le-revenu-universel.php">d’autres y réfléchissent à l’échelle de la France, comme Emmanuel Macron</a>, autre personnalité favorable à des expérimentations progressistes. C’est sur la question du financement qu’on voit réapparaître les dissensions entre partisans du revenu universel de droite ou de gauche. Pour les libéraux, cela permet de simplifier le système d’aide sociale. De le supprimer, au moins en partie, donc, avec un objectif clairement affiché : diminuer le nombre de fonctionnaires (dont les <a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2014/06/17/20002-20140617ARTFIG00073-fonctionnaires-les-salaires-et-le-temps-de-travail-dans-le-collimateur.php">salaires représentent 13 % du PIB français</a>, par exemple).</p>
<p>Le projet pour la Suisse n’est pas dans une logique politicienne : il se veut ambitieux et vertueux. Il stipule que </p>
<blockquote>
<p>la Confédération veille à l’instauration d’un revenu de base inconditionnel qui devrait permettre à l’ensemble de la population de mener une existence digne et de participer à la vie publique.</p>
</blockquote>
<p>Il a été proposé que chaque adulte reçoive 2 500 francs (à peu près l’équivalent en euros) par mois, et 625 francs par enfant. Ce haut niveau de revenu pourrait être le point d’achoppement qui fera rejeter l’idée lors de cette votation. Ce qui est certain c’est que, quel que soit le résultat de la consultation, les Suisses ont enclenché un processus et sont en avance : ils seront donc observés par le reste du monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/59440/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Éric Branaa ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Recevant en avril un rapport sur la fusion des minima sociaux, le premier ministre s’est dit favorable à un débat sur le revenu universel de base. La Suisse va voter sur le sujet.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.