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séismes – The Conversation
2024-02-11T14:44:46Z
tag:theconversation.com,2011:article/222072
2024-02-11T14:44:46Z
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Haïti : un « séisme commémoratif » en hommage aux victimes de la catastrophe de 2010
<p>Le quotidien des Haïtiens est sans cesse confronté à des <a href="https://news.un.org/fr/story/2024/01/1142817">crises politiques</a>, économiques et sécuritaires. Parmi tous ces risques, des séismes surviennent <a href="https://www.donneesmondiales.com/amerique/haiti/tremblements-terre.php">régulièrement</a>. Souvent meurtriers, ils provoquent l’effroi et laissent la population démunie.</p>
<p>Depuis 2021, un <a href="https://theconversation.com/sismo-citoyens-et-chercheurs-du-monde-entier-sallient-pour-comprendre-le-recent-seisme-dha-ti-166787">groupe de chercheurs haïtiens et français</a> travaille sur le risque sismique en Haïti dans le cadre du projet ANR Osmose. Sismologues, géologues, mais aussi géographes, anthropologues et philosophes : de façon multidisciplinaire, ils distribuent à travers tout le pays de <a href="https://raspberryshake.org/wp-content/uploads/etudescaribeennes-24534.pdf">petits sismomètres</a>, ces appareils qui enregistrent et mesurent les tremblements de terre, à des habitants qui, bénévolement, les accueillent chez eux. Cette démarche dite de <a href="https://hal.inrae.fr/hal-02801940">« science participative »</a> permet de faire des relevés précis des mouvements de la terre, immédiatement mis en ligne <a href="https://ayiti.unice.fr/sismo-ayiti/">sur un site Internet</a>, mais aussi d’impliquer les hébergeurs (baptisés « sismo-citoyens ») dans la démarche de recherche.</p>
<p>Alors qu’on ne peut encore <a href="https://theconversation.com/seismes-pourquoi-on-ne-peut-pas-les-prevoir-58754">prédire les séismes</a>, l’accueil des sismomètres pourrait paraître superfétatoire. Pourtant, pour les sismo-citoyens, participer à un projet dont les résultats peuvent paraître lointains (des articles académiques dans des revues scientifiques) prend tout son sens.</p>
<p>Leur motivation est grande, leur fierté réelle, et ils démontrent sans cesse un grand intérêt à participer au projet. Chaque vibration du sol ressentie est « vérifiée » en ligne par l’hébergeur, pour voir si le sismomètre a bien fait son travail et mesuré la taille de l’évènement. Quand cela dysfonctionne, les scientifiques sont appelés. Quand ces derniers viennent visiter les dispositifs, pour les réparer par exemple, ils sont toujours bien reçus. Un groupe de discussion sur la plate-forme <em>WhatsApp</em> voit les hébergeurs échanger, se questionner, ou interpeller directement les sismologues quand une interrogation se présente.</p>
<h2>Un signal symbolique pour commémorer le séisme de 2010</h2>
<p>C’est justement cette forte implication qui interpelle les chercheurs. Elle a été démontrée une fois de plus le 12 janvier dernier, date anniversaire du <a href="https://www.dec.org.uk/article/2010-haiti-earthquake-facts-and-figures">séisme de 2010</a> qui a frappé l’agglomération de la capitale Port-au-Prince et provoqué la mort de dizaines de milliers de personnes et le déplacement de plus de 2 millions d’autres dans des camps de fortune.</p>
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<p>L’équipe de chercheurs a demandé aux sismo-citoyens de créer un <a href="https://www.facebook.com/p/Les-Sismo-citoyens-en-Ha%C3%AFti-100092265603680/">« séisme commémoratif »</a>. À l’heure exacte du séisme de 2010, ils devaient sauter à côté de leurs sismomètres pour créer des signaux sismiques enregistrés sur la plate-forme en ligne. L’enjeu pour les chercheurs n’était pas tant de savoir si les vibrations causées par ces sauts allaient être enregistrées – les sismomètres, s’ils sont bien branchés et connectés à Internet, sont très sensibles. Il s’agissait surtout de voir si cette idée de signal symbolique allait être acceptée et relayée par les sismo-citoyens.</p>
<p>Et ça a fonctionné ! Le 12 janvier 2024, à 16h53 précise, les sismomètres ont enregistré les vibrations provoquées par les sauts des sismo-citoyens. Certains se sont filmés lors de l’exercice, d’autres ont réuni voisins ou amis pour sauter de manière synchrone vers « la petite boîte qui fait beaucoup », tel qu’est décrit le sismomètre par un hébergeur. Dans la bonne humeur, et avec précision, le séisme commémoratif a mobilisé et a été enregistré.</p>
<h2>Un besoin de mémoire</h2>
<p>Cependant, la mémoire du 12 janvier 2010 est difficilement entretenue dans le pays : les sites mémoriels ont été délaissés, et les actions commémoratives ont été peu suivies.</p>
<p>Un <a href="https://haiti.loopnews.com/content/la-decouverte-dun-memorial-consacre-aux-disparus-du-12-janvier">mémorial</a> a laborieusement été construit près des fosses communes du séisme, mais s’est rapidement délabré. Si les autorités se recueillent annuellement au sein de leurs ministères ou devant de petites stèles, la population est peu conviée à ces temps de souvenirs, car elle est plus occupée à organiser sa survie quotidienne.</p>
<p>Décrété initialement jour férié, ce temps de souvenir et de deuil a été oublié des calendriers dès 2013. De manière générale, les <a href="https://journals.openedition.org/espacepolitique/8275">activités commémoratives sont organisées par la population</a> et au sein des familles : le saut collectif des participants au projet Osmose traduit bien le désir, et peut-être la nécessité, de rappeler la catastrophe et de la visibiliser pour ne pas qu’elle tombe dans l’oubli.</p>
<p><a href="https://journals.openedition.org/cal/3093">Haïti est un pays failli</a>, sur lequel le regard porté est souvent pessimiste. On égraine ses malheurs en les associant à des chiffres de morts dans une litanie d’un pays malade, voir « maudit ». Certes, il y a les séismes et les cyclones, l’économie vacillante et les instances politiques dépassées par une insécurité de tous les instants.</p>
<h2>Un pays disloqué par l’insécurité</h2>
<p>Depuis l’assassinat du Président Moïse, en 2021, les <a href="https://www.lemonde.fr/comprendre-en-3-minutes/article/2023/10/08/comment-les-gangs-ont-pris-le-controle-d-haiti-comprendre-en-trois-minutes_6193123_6176282.html">gangs ne cessent de s’affronter</a> et le pays vibre au son des combats qui déplacent les populations, coupent les routes (et les échanges marchands), ferment les écoles, provoquent la terreur.</p>
<p>La population a donc peu de droits respectés, de la même façon qu’elle a du mal à exercer ses devoirs citoyens. <a href="https://news.un.org/fr/story/2023/10/1139942">Les élections ne sont toujours pas organisées</a> et les autorités sont absentes, seulement incarnées par une police mal équipée et parfois défaillante.</p>
<p>L’impact sécuritaire des tirs et des affrontements qui rythment le quotidien entrave toutes les possibilités de développement, d’expression et d’exercice de la citoyenneté. <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/news/feature/2023/11/15/school-attendance-and-a-keen-interest-in-learning-are-priorities-for-many-young-haitians">L’éducation et la santé sont difficiles d’accès</a> : seuls s’en sortent ceux qui peuvent payer. <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/journal-d-ha%C3%AFti-et-des-am%C3%A9riques/20230728-ha%C3%AFti-la-fuite-des-cerveaux-s-acc%C3%A9l%C3%A8re">Les personnes formées ont pour beaucoup fui le pays</a>, et les ONG ont des difficultés à travailler (par exemple, les hôpitaux de Médecins sans frontières <a href="https://www.msf.fr/communiques-presse/haiti-msf-condamne-fermement-la-violente-intrusion-armee-a-tabarre-et-suspend-ses-activites-a-l-hopital">ferment parfois leurs portes</a> après des attaques ou exactions de patients).</p>
<p>Une grande partie du pays est en <a href="https://fr.wfp.org/communiques-de-presse/la-faim-severe-persiste-en-haiti-alors-que-la-violence-dans-la-capitale">insécurité alimentaire</a>, non parce qu’il n’y a pas de production, mais parce que les routes sont coupées : la nourriture produite dans le pays n’accède pas aux centres urbains. Tout cela provoque <a href="https://www.iom.int/es/news/une-aide-essentielle-aux-haitiens-expulses">l’exode des Haïtiens</a> qui se retrouvent souvent en Amérique latine, d’où ils essaient de remonter vers les États-Unis.</p>
<p>Alors qu’une <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-enjeux-internationaux/le-deploiement-d-une-force-internationale-peut-il-sauver-haiti-3448257">force multinationale</a> pour rétablir la sécurité <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/01/26/au-kenya-la-justice-refuse-le-deploiement-de-policiers-a-haiti-le-president-n-abandonne-pas_6213196_3212.html">tarde à se mettre en place</a>, les Haïtiens sont toujours dans l’attente d’une solution pour pouvoir vivre dans un pays apaisé.</p>
<h2>Le désir d’agir des citoyens</h2>
<p><a href="https://www.cetri.be/Haiti-continuation-et-interruption">Les citoyens haïtiens sont pourtant là</a>. Ils luttent par le verbe notamment – la poésie, le chant, la prose, partagés lors de rencontres littéraires ou récités en ligne, <a href="https://www.haitiinter.com/">y compris par la diaspora</a>. Ils luttent aussi par leur participation sans faille à tout événement collectif, pour peu qu’on leur en donne les moyens. La voix des Haïtiens est clamée dans tous les réseaux d’entraide qu’ils organisent entre eux : on se serre les coudes pour faire des courses, circuler à travers le pays, se tenir au courant, via les réseaux sociaux, des zones qui s’enflamment pour pouvoir les éviter. On fait avancer la science également, pour le bénéfice du pays – à l’instar des « sismo-citoyens » – en s’investissant dans le projet Osmose.</p>
<p>Le séisme commémoratif est un de ces signes de « citoyenneté malgré tout ». Il démontre à quel point les citoyens haïtiens s’investissent, dès qu’on leur en donne les moyens, dans les activités collectives pour leurs pays. Il fait partie des nombreux actes de résistance – et d’existence – des habitants qui valorisent une citoyenneté qui leur est pourtant flouée au quotidien. Cette participation symbolique et scientifique est donc avant tout populaire et politique.</p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-21-CE03-0010">OSMOSE</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222072/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alice Corbet a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR) française dans le cadre du projet numéro ANR-21CE03-0010 intitulé OSMOSE. Les auteurs remercient toute l'équipe de OSMOSE sans qui tout ce travail ne pourrait être réalité. Site du projet : <a href="https://ayiti.unice.fr/osmose/fr/">https://ayiti.unice.fr/osmose/fr/</a> </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Éric Calais a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et du programme européen Interreg Caraïbes (projet PREST). </span></em></p>
À l’heure exacte du séisme de janvier 2010, des Haïtiens ont sauté à côté de sismomètres pour créer des signaux « commémoratifs » enregistrés sur une plate-forme en ligne.
Alice Corbet, Anthropologue, LAM, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
Éric Calais, Professeur, École normale supérieure (ENS) – PSL
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/220292
2023-12-21T17:42:46Z
2023-12-21T17:42:46Z
Pourquoi l'éruption volcanique en Islande n'a rien d'une surprise : les explications d’un géologue
<p>Le 18 décembre 2023, la lave a jailli d’une fissure dans la péninsule de Reykjanes, en Islande, s’élevant à <a href="https://en.vedur.is/about-imo/news/a-seismic-swarm-started-north-of-grindavik-last-night">près de 30 mètres</a> dès les premières heures de la journée.</p>
<p>Les Islandais anticipaient une éruption dans la région depuis des semaines, après qu’un <a href="https://en.vedur.is/about-imo/news/a-seismic-swarm-started-north-of-grindavik-last-night">essaim de milliers de petits tremblements de terre</a> a commencé le 23 octobre au nord-est de la ville de pêcheurs de Grindavík, signalant une activité volcanique en contrebas.</p>
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<p>Dans les jours qui ont suivi ces premiers grondements, une série de petites failles se sont ouvertes sous la ville, fracturant des rues, brisant des lignes électriques et faisant basculer des maisons. Les stations GPS ont détecté l’<a href="https://en.vedur.is/about-imo/news/earthquake-activity-in-fagradalsfjall-area">affaissement et l’élévation du sol</a> sur une vaste zone.</p>
<p>Les géologues du <a href="https://en.vedur.is/about-imo/news/a-seismic-swarm-started-north-of-grindavik-last-night">bureau météorologique islandais</a> ont interprété ces événements comme la preuve qu’un dyke de basalte (c’est-à-dire le magma sous pression qui se fraye un chemin dans une fracture) s’était infiltré sous Grindavík. L’activité avait diminué début décembre, mais à quatre kilomètres au nord de la ville, le sol sous la centrale géothermique de <a href="https://www.verkis.com/projects/energy-production/geothermal-energy/nr/936">Svartsengi</a> était en mouvement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566683/original/file-20231219-19-6waspp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une carte montre l’emplacement de la fissure." src="https://images.theconversation.com/files/566683/original/file-20231219-19-6waspp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566683/original/file-20231219-19-6waspp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566683/original/file-20231219-19-6waspp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566683/original/file-20231219-19-6waspp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566683/original/file-20231219-19-6waspp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566683/original/file-20231219-19-6waspp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566683/original/file-20231219-19-6waspp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Emplacement de la fissure où le magma est entré en éruption le 18 décembre 2023, à quelques kilomètres de la ville de Grindavík et juste à l’est de la centrale électrique de Svartsengi et de la station thermale Blue Lagoon adjacente.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.vedur.is/about-imo/news/a-seismic-swarm-started-north-of-grindavik-last-night">Bureau météorologique islandais</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le sol a baissé de 25 centimètres au fur et à mesure que la digue de basalte se remplissait, mais a ensuite commencé à s’élever en un large dôme, ce qui indique que le magma regonflait et repressurisait la chambre magmatique. Il en a résulté l’éruption du 18 décembre.</p>
<p>Si la fissure continue à se propager vers le sud, ou si un volume important de lave entre à nouveau en éruption, la ville évacuée de Grindavík, qui compte environ 3 500 habitants, pourrait être en danger. La lave pourrait également se déverser vers le nord-ouest en direction de la centrale électrique, bien que la compagnie d’électricité ait construit des murs de roche pour tenter de détourner les coulées de lave.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une vue aérienne montre les lumières de Grindavík et la lueur de l’éruption très proche." src="https://images.theconversation.com/files/566707/original/file-20231219-25-zfbj7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566707/original/file-20231219-25-zfbj7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566707/original/file-20231219-25-zfbj7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566707/original/file-20231219-25-zfbj7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566707/original/file-20231219-25-zfbj7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566707/original/file-20231219-25-zfbj7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566707/original/file-20231219-25-zfbj7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La ville de Grindavík, qui a été évacuée, et une centrale géothermique située à proximité sont toujours menacées.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/the-evacuated-icelandic-town-of-grindavik-is-seen-as-smoke-news-photo/1860420658?adppopup=true">Viken Kantarci/AFP</a></span>
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</figure>
<p>Ce n’est pas pour rien que l’Islande est surnommée « la terre de feu et de glace ». Ses habitants ont appris au fil des siècles à vivre avec sa géologie hyperactive.</p>
<p>La raison du volcanisme islandais est double : l’une est liée à ce que les géologues appellent sans imagination un <a href="https://oceanexplorer.noaa.gov/facts/volcanic-hotspot.html">point chaud</a>, et l’autre concerne les plaques tectoniques géantes qui se séparent juste sous l’île. En tant que <a href="https://scholar.google.com/citations?user=r8FqGBEAAAAJ&hl=fr">géologue</a>, j’étudie les deux.</p>
<h2>Volcanisme et puzzle tectonique</h2>
<p>Lorsque la <a href="https://www.iris.edu/hq/inclass/animation/plate_tectonic_theorya_brief_history">théorie de la tectonique des plaques</a> est apparue dans les années 1960, les géologues ont réalisé que de nombreux volcans se situent dans des zones où les plaques tectoniques se rencontrent. Les plaques tectoniques sont de gigantesques morceaux de la couche externe rigide de la Terre qui supportent à la fois les continents et les océans, et qui sont constamment en mouvement. Elles <a href="https://www.usgs.gov/media/images/tectonic-plates-earth">recouvrent la planète</a> comme les grandes pièces d’un puzzle sphérique.</p>
<p>Beaucoup de ces volcans se trouvent dans des zones de subduction, comme le <a href="https://education.nationalgeographic.org/resource/plate-tectonics-ring-fire/">Cercle de feu du Pacifique</a>, où des plaques océaniques plus minces s’enfoncent lentement dans le <a href="https://education.nationalgeographic.org/resource/mantle/">manteau terrestre</a>. Ce sont les stratovolcans de carte postale, comme le mont Fuji, au Japon, ou le mont Rainier, près de Seattle. En raison de leur forte teneur en gaz, ils ont tendance à entrer en éruption de manière catastrophique, projetant des cendres dans l’atmosphère avec l’énergie d’une bombe nucléaire, comme l’a fait le <a href="https://www.usgs.gov/volcanoes/mount-st.-helens/science/1980-cataclysmic-eruption">Mont Saint Helens en 1980</a>.</p>
<p>Un deuxième type de volcan, généralement plus silencieux, se forme <a href="https://oceanexplorer.noaa.gov/facts/mid-ocean-ridge.html">lorsque les plaques se séparent</a>.</p>
<p>L’activité volcanique près de Grindavík est directement liée à ce type de mouvement tectonique des plaques. La dorsale médio-atlantique, qui sépare les plaques eurasienne et nord-américaine, traverse cette partie de l’île.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/559688/original/file-20231115-22-mdyae8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une carte montre où les tremblements de terre se produisent dans une péninsule du sud-ouest et où les plaques tectoniques se rencontrent." src="https://images.theconversation.com/files/559688/original/file-20231115-22-mdyae8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/559688/original/file-20231115-22-mdyae8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=780&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/559688/original/file-20231115-22-mdyae8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=780&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/559688/original/file-20231115-22-mdyae8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=780&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/559688/original/file-20231115-22-mdyae8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=980&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/559688/original/file-20231115-22-mdyae8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=980&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/559688/original/file-20231115-22-mdyae8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=980&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’Islande est située au point de rencontre de deux plaques tectoniques, la nord-américaine à l’ouest et l’eurasienne à l’est, comme l’indique la ligne rouge qui traverse l’île. Les cartes montrent la succession de tremblements de terre du 12 au 14 novembre 2023.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/an-infographic-titled-iceland-prepares-for-volcanic-news-photo/1782148842?adppopup=true">Yasin Demirci/Anadolu via Getty Images</a></span>
</figcaption>
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<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/559732/original/file-20231115-27-7uf0ky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une carte montre les détails des dorsales médio-océaniques qui ressemblent aux coutures d’une balle de baseball et qui serpentent à travers les principaux océans." src="https://images.theconversation.com/files/559732/original/file-20231115-27-7uf0ky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/559732/original/file-20231115-27-7uf0ky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/559732/original/file-20231115-27-7uf0ky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/559732/original/file-20231115-27-7uf0ky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/559732/original/file-20231115-27-7uf0ky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/559732/original/file-20231115-27-7uf0ky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/559732/original/file-20231115-27-7uf0ky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Dans les années 1950, la cartographe Marie Tharp a utilisé les échosondages recueillis par les navires pour élaborer la première carte détaillée des fonds océaniques. Celle-ci met clairement en évidence les dorsales médio-océaniques. Cette version peinte à la main de sa carte comporte des annotations montrant les traces de points chauds liés au mouvement des plaques.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.loc.gov/">Heinrich C. Berann via Library of Congress ; annotations by Jaime Toro</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En fait, au <a href="https://guidetoiceland.is/connect-with-locals/jorunnsg/ingvellir-national-park">Parc national de Thingvellir</a>, vous pouvez littéralement marcher entre les deux plaques tectoniques. Les cicatrices topographiques du rift sont visibles dans les longues vallées linéaires qui s’étendent au nord-est de Grindavík. Elles répondent à la succession de séismes, à la <a href="https://en.vedur.is/about-imo/news/bigimg/4511?ListID=0">déformation du sol</a> et à l’éruption fissurale observés en 2023.</p>
<p>Lorsque les plaques s’écartent l’une de l’autre, le manteau terrestre sous-jacent remonte vers la surface pour combler l’espace, transportant de la chaleur avec lui et se déplaçant dans une zone de pression plus basse. Ces <a href="https://www.e-education.psu.edu/rocco/node/1988">deux processus</a> provoquent la fusion des roches en profondeur et l’activité volcanique à la surface.</p>
<p>Il s’agit du <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Sheeted_dyke_complex">même processus que celui qui crée une nouvelle croûte océanique</a> sous l’eau au niveau des dorsales médio-océaniques. Une fois que le magma s’est solidifié sous forme de basalte, il ressemble à des murs verticaux.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566733/original/file-20231219-19-4i4dgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Le soulèvement concerne une vaste zone qui comprend une centrale électrique proche et la station thermale Blue Lagoon." src="https://images.theconversation.com/files/566733/original/file-20231219-19-4i4dgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566733/original/file-20231219-19-4i4dgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=552&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566733/original/file-20231219-19-4i4dgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=552&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566733/original/file-20231219-19-4i4dgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=552&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566733/original/file-20231219-19-4i4dgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=694&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566733/original/file-20231219-19-4i4dgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=694&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566733/original/file-20231219-19-4i4dgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=694&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une carte montre le soulèvement du sol (en rouge vif) au nord de Grindavík avant l’éruption du 18 décembre 2023, ainsi que l’étendue de la nouvelle coulée de lave (en noir).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.vedur.is/">Bureau météorologique islandais</a></span>
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<h2>L’Islande assise sur un point chaud</h2>
<p>En Islande, les grands volcans de l’intérieur <a href="https://doi.org/10.1016/j.epsl.2013.02.022">semblent également se trouver au-dessus d’un panache de manteau terrestre</a>, <a href="https://theconversation.com/where-mauna-loas-lava-is-coming-from-and-why-hawaiis-volcanoes-are-different-from-most-195633">comme à Hawaï</a>.</p>
<p>Ce type de volcan émet généralement de la lave basaltique, qui fond à très haute température et a tendance à s’écouler facilement. Les éruptions ne sont généralement pas explosives car la lave qui coule permet aux gaz de s’échapper.</p>
<p>Les causes exactes de la remontée de matière chaude dans les points chauds sont encore débattues, mais l’idée la plus communément admise est qu’elles sont provoquées par des panaches de roches surchauffées qui prennent naissance à la transition <a href="https://doi.org/10.1126/science.349.6252.1032">entre le noyau métallique de la Terre et le manteau terrestre</a>. Les points chauds sont un mécanisme permettant à la Terre d’évacuer une partie de sa <a href="https://www.sciencealert.com/earth-s-insides-are-cooling-faster-than-we-thought-and-it-will-mess-things-up">chaleur interne</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Hl1gfV-TdU0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comment les points chauds se développent. Vidéo par Volcano Museum.</span></figcaption>
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<p>En règle générale, les éruptions fissurales ne sont pas explosives. Cependant, lorsque de la lave à 1 000 °C entre en contact avec de l’eau, la transformation de la lave en vapeur peut provoquer des explosions susceptibles de disperser des cendres sur une zone plus étendue.</p>
<h2>Les bons côtés du volcanisme islandais</h2>
<p>Vivre dans une région volcanique active présente certains avantages, notamment sur le plan énergétique.</p>
<p>L’Islande tire 30 % de son électricité de sources géothermiques qui utilisent la chaleur du sous-sol pour actionner des turbines et produire de l’énergie. Si l’on veut, c’est quasiment la version contrôlée d’une coulée de lave frappant la mer, et cela contribue à faire de l’Islande <a href="https://www.volts.wtf/p/whats-the-deal-with-iceland#details">l’une des économies les plus propres de la planète</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/559465/original/file-20231114-21-f3fk7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Des personnes sont assises dans un lac bleu entouré de roches de lave noires. De la vapeur s’élève à l’arrière-plan." src="https://images.theconversation.com/files/559465/original/file-20231114-21-f3fk7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/559465/original/file-20231114-21-f3fk7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=758&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/559465/original/file-20231114-21-f3fk7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=758&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/559465/original/file-20231114-21-f3fk7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=758&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/559465/original/file-20231114-21-f3fk7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=953&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/559465/original/file-20231114-21-f3fk7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=953&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/559465/original/file-20231114-21-f3fk7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=953&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’Islande possède de nombreuses sources d’eau chaude naturelles, mais son Lagon bleu a une origine inhabituelle liée à l’énergie géothermique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/people-swimming-on-hot-spring-near-mountain-during-daytime-jTeQavJjBDs">Jeff Sheldon/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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</figure>
<p>La centrale hydrothermale <a href="https://www.verkis.com/projects/energy-production/geothermal-energy/nr/936">Svartsengi</a> utilise ainsi la chaleur souterraine de la même chambre magmatique qui est actuellement en éruption pour fournir de l’eau chaude à plusieurs milliers de foyers, ainsi que 75 mégawatts d’électricité.</p>
<p>Cette centrale est aussi l’une des raisons pour lesquelles le <a href="https://www.bluelagoon.com/">Lagon bleu</a> est si populaire. Lorsque la centrale a été construite en 1976, il était prévu de déverser ses eaux usées encore chaudes dans une zone basse adjacente, en espérant qu’elles s’infiltreraient dans le sol. Cependant, l’eau géothermique était chargée de silice dissoute, qui s’est transformée en minéraux solides lorsque l’eau s’est refroidie, créant ainsi une couche imperméable. Un petit lac a commencé à se former.</p>
<p>En raison de sa forte teneur en silice, l’eau de ce lac a une couleur bleue spectaculaire qui a inspiré la création de la station thermale. Le lagon bleu est l’une des principales attractions touristiques du pays.</p>
<p>Aujourd’hui, le lagon bleu est menacé : parfois le volcan donne, parfois il reprend.</p>
<hr>
<p><em>Ceci est une version mise à jour d’un <a href="https://theconversation.com/volcanic-iceland-is-rumbling-again-as-magma-rises-a-geologist-explains-eruptions-in-the-land-of-fire-and-ice-217671">article publié le 15 novembre 2023</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220292/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jaime Toro travaille pour l'Université de Virginie occidentale (Etats-Unis). Dans le passé, il a reçu des financements de la NSF, de l'USGS et du DOE.</span></em></p>
Que se passe-t-il en Islande ? Un géologue revient sur l'éruption du 18 décembre, ses signes avant-coureurs et les particularités uniques du volcanisme islandais.
Jaime Toro, Professor of Geology, West Virginia University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/217846
2023-11-15T21:18:49Z
2023-11-15T21:18:49Z
Séismes et volcans : que se passe-t-il en Islande ?
<p>Une série intense de séismes a secoué la péninsule de Reykjanes dans le sud-ouest de l’Islande, vendredi 10 novembre. Des centaines de tremblements de terre ont été détectés par les réseaux régionaux de sismomètres et plusieurs ont été suffisamment forts pour être ressentis à Reykjavik, à 50 kilomètres de là.</p>
<p>Une <a href="https://en.vedur.is/about-imo/news/a-seismic-swarm-started-north-of-grindavik-last-night">alerte de protection civile a été déclenchée</a> avertissant du risque d’une éruption volcanisme – ce serait la quatrième depuis 2021. </p>
<p>Pourquoi ce phénomène se reproduit-il ? Que pourrait-il se passer ?</p>
<h2>L’Islande à cheval sur un fossé d’effondrement</h2>
<p>L’Islande chevauche la dorsale médio-atlantique, où les plaques nord-américaine et eurasienne s’écartent l’une de l’autre d’environ 2 centimètres par an. Dans le manteau terrestre, où les roches se comportent comme des caramels très rigides, les plaques peuvent se déformer de façon continue.</p>
<p>Mais près de la surface, les roches de la croûte terrestre sont froides et cassantes : elles ne s’étirent qu’en se brisant. Comme si l’on tirait sur les extrémités d’une barre de chocolat dont l’intérieur est tendre mais la coque dure, la tension accumulée au fur et à mesure que les plaques s’écartent est libérée par à-coups lorsque l’enrobage se brise.</p>
<p>La péninsule de Reykjanes forme la pointe sud-ouest de l’Islande, où le <a href="https://doi.org/10.1016/0040-1951(91)90501-I">rift médio-atlantique sort de la mer</a>. À cet endroit, la croûte terrestre répond à des forces tectoniques inexorables, en se brisant toutes les quelques centaines d’années, ce qui forme un fossé d’effondrement (ou <em>rift</em>).</p>
<p>La dernière séquence de rupture de la croûte et d’éruptions s’est produite il y a plus de 800 ans. Depuis, les plaques devraient s’être écartées d’environ seize mètres.</p>
<p>Nous nous trouvons actuellement dans une nouvelle phase de rupture, marquée par des centaines ou des milliers de tremblements de terre, dont beaucoup sont suffisamment importants pour être ressentis dans le sud-ouest de l’Islande. Tous sont provoqués par l’arrivée de magma près de la surface.</p>
<p>Chaque tremblement de terre et éruption libère un peu de l’énergie emmagasinée dans ces plaques tectoniques et, à terme, lorsque cette tension aura été complètement relâchée, les éruptions cesseront. Au cours des 50 dernières années, nous avons assisté à <a href="https://doi.org/10.1038/ngeo1428">plusieurs poussées similaires de ruptures et d’éruptions</a> dans le monde.</p>
<p>De 1975 à 1984, 18 séries de tremblements de terre et neuf éruptions de lave ont frappé le nord de l’Islande – un épisode appelé « Krafla fires ». Entre 2005 et 2010, 14 séries de tremblements de terre et trois éruptions se sont produites le long d’une section de 80 kilomètres d’une vallée du rift dans l’Afar, au nord de l’Éthiopie.</p>
<p>Les ruptures de la croûte sont « lubrifiées » par la présence de magma – comme au niveau des autres dorsales océaniques. Le magma se forme continûment en profondeur et sa densité le destine à remonter.</p>
<p>Au sein de la croûte rigide et cassante, le magma ne peut se propager qu’en suivant les fractures – et s’il y en a, donc. Mais une fois qu’il commence à monter, il se fraye un chemin vers des zones de moins en moins profondes, ce qui augmente le risque d’éruption.</p>
<h2>La vue d’en haut</h2>
<p>Les scientifiques du <a href="https://en.vedur.is/earthquakes-and-volcanism/earthquakes">Bureau météorologique islandais</a> peuvent détecter <a href="https://doi.org/10.1007/s11069-022-05798-7">ce qui se passe en profondeur</a> et localiser les moindres secousses à l’aide de réseaux de sismomètres. Ces instruments alertent l’équipe sur les nouvelles ruptures de roches dans la croûte terrestre et leur localisation.</p>
<p>Des capteurs communiquant avec des constellations de satellites de navigation peuvent fournir des mesures locales des minuscules mouvements de la surface de la Terre. Les images satellites radar permettent de cartographier en 3D et de mesurer la forme de cette surface en évolution.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1723129082261446997"}"></div></p>
<p>La série de tremblements de terre qui a commencé fin octobre est le plus récent d’une séquence d’événements qui a commencé début 2020 et qui a jusqu’à présent culminé lors des trois éruptions du système volcanique Fagradalsfjall, dans le sud-ouest de l’Islande, en 2021, 2022 et à l’été 2023.</p>
<p>Lorsque les tremblements de terre ont commencé cette fois-ci, ils se sont concentrés aux alentours d’un autre système volcanique – Thorbjörn, à 10 kilomètres à l’ouest de Fagradalsfjall. Au début, il n’y a pas eu de déformation visible de la surface de la Terre, et il n’était pas clair s’il s’agissait « juste » d’un réajustement de la croûte terrestre à l’épisode précédent de ruptures.</p>
<p>Puis, les signaux ont montré que la surface de la Terre commençait à se bomber, <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-022-05083-4">indiquant que du magma neuf entrait dans la croûte</a>. Au cours du week-end dernier, la situation a évolué rapidement. La taille, le nombre et la localisation des tremblements de terre indiquaient tous le remplissage d’une fracture de la croûte par du magma, à une profondeur d’environ 5 kilomètres.</p>
<p>Le magma a continué à pénétrer, et les extrémités de la fracture se sont ouvertes, ouvrant un chemin à travers la croûte jusqu’à ce que le « dike » – ce filon de roche infiltré dans une fissure – atteigne une longueur d’environ 15 kilomètres. Le magma n’a pas encore atteint la surface, mais les mouvements du sol et les modèles informatiques suggèrent qu’un bassin de magma s’est accumulé à moins d’un kilomètre de la surface.</p>
<h2>Une éruption est-elle imminente ?</h2>
<p>À l’heure où nous écrivons ces lignes, il semble très probable que ce magma atteindra la surface et déclenchera une éruption. Mais les équipes de surveillance ne sauront quand et où cela arrivera que lorsqu’elles auront détecté des <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00445-023-01671-y">signaux spécifiques de magma en mouvement</a>. Ces signes peuvent inclure le « bourdonnement » répétitif de trémors volcaniques, signalant que le magma peut entrer en éruption dans les heures qui suivent, ou des tremblements de terre se multipliant à de très faibles profondeurs.</p>
<p>Pour l’instant, le dike semble s’étendre directement sous la ville de Grindavik, une communauté de pêcheurs située au sud-ouest de l’Islande. S’il y a une éruption à la surface, elle sera probablement similaire aux éruptions de 2021-2023 à Fagradalsfjall : une fissure qui s’ouvre à la surface de la Terre, des fontaines de roche en fusion rouge et chaude, de la lave descendant la colline qui s’éloigne du site de l’éruption.</p>
<p>La menace dépendra donc de l’endroit où l’éruption commence et de la distance parcourue par la lave. Les fumées <a href="https://doi.org/10.1016/j.epsl.2017.05.025">libérées par le magma en éruption</a> combinées à la combustion de la tourbe et de la végétation pourraient aussi créer un air toxique, en fonction de la vitesse des éruptions et de la direction des vents.</p>
<p>Si une éruption se produit dans la ville de Grindavik, les effets pourraient être similaires à ceux de <a href="https://www.theatlantic.com/photo/2017/01/the-eldfell-eruption-of-1973/514394/">l’éruption d’Eldfell en 1973</a>, qui a enseveli une partie de la ville de Heimaey. D’où l’évacuation préventive de la ville, de la centrale géothermique voisine de Svartsengi et du Lagon bleu, l’une des attractions touristiques les plus connues d’Islande.</p>
<p>Si une éruption se produit à l’extrémité sud du dike, qui s’étend au large, l’éruption sera sous-marine : la rencontre entre lave chaude et eau de mer pourrait générer des explosions de petite échelle et des nuages de cendres locaux, et la <a href="https://doi.org/10.1016/j.epsl.2006.02.005">mer en ébullition</a> pourrait libérer des gaz toxiques.</p>
<p>Même si les effets d’une telle éruption n’étaient probablement pas aussi étendus que ceux de <a href="https://doi.org/10.1038/srep00572">l’éruption de l’Eyjafjallajökull en 2010</a> – qui a entraîné la fermeture de l’espace aérien au-dessus d’une vaste zone de l’Europe du Nord pendant plusieurs semaines, même une petite éruption sous-marine ajouterait aux défis que les autorités doivent gérer… même dans un pays aussi bien préparé que l’Islande.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217846/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Pyle a reçu des financements du NERC, de l'AHRC et de la Oxford Martin School. Il est membre du «Centre for Observation and Modelling of Earthquakes, Volcanoes and Tectonics (COMET)».</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Tamsin Mather a reçu des financements du NERC (COMET et V-PLUS), de l'ERC (V-ECHO) et de la Oxford Martin School.</span></em></p>
Des signaux indiquent que le magma est proche de la surface au sud-ouest de l’Islande, ce qui a entraîné des évacuations de populations.
David Pyle, Professor of Earth Sciences, University of Oxford
Tamsin Mather, Professor of Earth Sciences, University of Oxford
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/215750
2023-10-26T17:57:44Z
2023-10-26T17:57:44Z
Cascade de séismes en Afghanistan : une séquence jamais vue ?
<p>Depuis le 7 octobre 2023, plusieurs séismes de magnitude 6,3 ont frappé la région d’Hérat, troisième plus grande ville d’Afghanistan, non loin de la frontière iranienne. Cette séquence de séismes destructeurs a fait <a href="https://www.unicef.fr/article/afghanistan-les-enfants-sont-en-danger-apres-un-tremblement-de-terre-de-magnitude-63/">près de 1400 victimes</a>. Quatre séismes majeurs ont frappé la région en 8 jours et les secousses liées à des séismes plus petits se font encore sentir aujourd’hui.</p>
<p>Ces quatre événements étant de magnitudes presque identiques, les scientifiques font face à une curiosité statistique, dont l’origine physique reste à expliciter. D’habitude, un séisme de forte magnitude est suivi d’une séquence de réplique de magnitudes inférieures (pour un séisme de magnitude 6, la réplique la plus forte attendue est de magnitude 5). Quatre séismes de forte magnitude à la suite, c’est très inhabituel, voire jamais vu. Un second mystère réside dans le fait qu’aucun événement avec une magnitude si élevée n’était recensé de mémoire humaine sur ces failles actives.</p>
<p>Sur le découpage de notre globe en plaques tectoniques, ces séismes ont frappé la large frontière sud de la plaque eurasienne en collision le long de la chaîne de montagnes alpino-himalayenne s’étendant des contreforts des Pyrénées au Myanmar. Au niveau de l’Afghanistan, les plaques Inde et Arabie sont en collision avec l’Eurasie, à des vitesses relatives de quelques centimètres par an. Ces mouvements relatifs peuvent être mesurés grâce à des stations GPS ou à des images satellites.</p>
<p>C’est à 11h11 le samedi 7 octobre que la terre a tremblé une première fois, puis cela s’est reproduit 30 min plus tard et à nouveau 4 et 8 jours après, les 11 et 15 octobre. À première vue, rien ne permettait d’anticiper cet enchaînement dramatique d’événements. Est-ce parce que cette région reculée n’a pas été scrutée aussi attentivement que d’autres régions, par exemple l’ouest des États-Unis bien connu pour la faille de San Andreas ? L’anticipation des séismes reste une question délicate, et c’est souvent au vu des événements passés que les sismologues peuvent (ou non) reconstituer l’enchaînement entre les causes et les conséquences, reliées par les lois de la Physique.</p>
<h2>Des séismes d’une taille sans précédent dans la région</h2>
<p>Des sources historiques remontant au IX<sup>e</sup> siècle attestent qu’Hérat, ville aux origines antiques située le long de la route de la soie, a été endommagée par des séismes par le passé, mais les magnitudes qu’on leur associe n’atteignent <a href="https://doi.org/10.1785/gssrl.74.2.107https://doi.org/10.1785/gssrl.74.2.107">pas plus de 5,9</a>. Si la différence avec les quatre séismes d’octobre de magnitude 6,3 peut paraître faible, c’est parce que l’échelle de magnitude de moment est une mesure logarithmique. Ces séismes sont en fait chacun 4 fois plus gros, que ce soit en termes d’énergie libérée ou de taille de la zone affectée.</p>
<p>Ainsi, cette région relativement stable, comparée à l’est de l’Iran ou les hauteurs himalayennes, n’éveillait pas de grandes suspicions. C’est dans les <a href="https://doi.org/10.1111/j.1365-246X.2010.04591.x">tracés des rivières</a> et les dépôts sédimentaires que l’on retrouve le plus de signes d’une activité sismique récente à l’échelle des temps géologiques.</p>
<p>Les séismes correspondent au relâchement brutal de l’énergie accumulée depuis le dernier séisme dans la région, à la manière d’un élastique que l’on aurait étendu progressivement, qui aurait tenu jusque-là et se relâche tout à coup. La petite goutte de trop qui fait craquer l’élastique est soit une question de temps, soit la conséquence d’une perturbation, par un autre séisme par exemple. C’est pour cela qu’un séisme se produit rarement seul et les perturbations qu’il génère dans son environnement entraînent une cascade d’autres séismes. En général, ces événements, appelés répliques, sont de tailles décroissantes au cours du temps.</p>
<p>Néanmoins, dans la séquence sismique d’Herat, la désescalade ne fut pas immédiate. La cascade a mené à d’autres séismes aussi gros que le premier, et ceci par trois fois. Pourquoi ces ruptures ne se sont pas faites toutes d’un coup suite à la première rupture ? Quel est l’agencement géométrique des différentes ruptures ? Les premières observations géophysiques nous renseignent sur le sujet.</p>
<h2>Un soulèvement de 80 centimètres</h2>
<p>Au-delà des destructions qu’elles engendrent, les ondes sismiques portent des informations sur l’origine et la nature du séisme jusqu’aux stations sismologiques à proximité ou à des milliers de kilomètres de là, et cela, en quelques dizaines de minutes.</p>
<p>C’est donc dans les heures qui suivent que les agences comme l’<a href="https://earthquake.usgs.gov/earthquakes/eventpage/us6000lfn5/executive">USGS</a> (service géologique des États-Unis) ont pu déterminer que le premier séisme correspondait à un glissement essentiellement vertical vers le haut le long d’une faille inclinée à environ 30 degrés par rapport à l’horizontale et orientée est-ouest. Les trois autres séismes principaux qui ont suivi semblent avoir des géométries de rupture similaires.</p>
<p>Par ailleurs, l’imagerie satellitaire nous donne des informations sur ce qu’il se passe en surface dans cette région reculée. Ainsi, on peut cartographier l’étendue des destructions ou bien mesurer le déplacement du sol à proximité de la faille.</p>
<p>Des résultats préliminaires nous indiquent que le sol s’est élevé de quelques dizaines de centimètres sur une zone de 30 km par 10 km (une surface de l’ordre de celle occupée par la métropole de Lyon). Ce mouvement nécessite donc une énergie colossale, mais fidèle à ce qui est attendu pour une telle magnitude. Les séismes de la séquence semblent adjacents les uns aux autres avec une propagation vers l’est et un soulèvement maximal de 80 cm. C’est la méthode d’interférométrie radar par satellite, sur des images de la mission Sentinel-1 délivrées par l’Agence spatiale européenne (ESA), qui nous permet d’estimer ces chiffres au centimètre près et avec une haute résolution spatiale.</p>
<p>L’interférométrie se base sur la comparaison d’images du même endroit, prises depuis le même point de vue, afin de quantifier la déformation du sol accumulée entre les deux prises de vue. Attention, avec cette méthode, on ne voit que la déformation qui est permanente et non le mouvement du sol pendant le séisme du fait du passage des ondes ; cause de l’endommagement de nombreux bâtiments à des distances supérieures à notre rayon de 30 km.</p>
<p>Comment est-ce que cet instantané rare et catastrophique s’inscrit dans l’histoire géologique de la région ?</p>
<h2>Un fragment de la longue histoire géologique</h2>
<p>Ces premières observations semblent en accord avec le système de failles cartographié dans la région qui s’étend d’est en ouest sur 700 km, nommé Hari Rud. Ces failles prennent en charge un mouvement décrochant, décalage latéral sur l’horizontale (cf. article de <a href="https://theconversation.com/ce-que-le-seisme-en-afghanistan-nous-apprend-de-la-tectonique-des-plaques-dans-la-region-186321">juin 2022</a>), entre la plaque eurasienne et le bloc afghan central. Ce mouvement est lent et ne dépasse pas quelques millimètres tous les ans, si bien que le bloc afghan central est souvent considéré solidaire avec l’Eurasie. En effet, la frontière de plaque tectonique la plus active (et la plus récente) séparant l’Inde et l’Arabie de l’Eurasie se trouve au sud, dans le golfe d’Oman.</p>
<p>Ce mouvement décrochant horizontal change d’orientation localement produisant des soulèvements et des affaissements et ceci particulièrement lorsque différentes failles se rejoignent et se coupent. Les séismes compressifs (mouvement de soulèvement dominant) comme ceux de cette séquence d’Herat créent du relief. Au fil des millions d’années, la topographie monte progressivement et des montagnes se forment, à la condition que l’érosion n’agisse pas plus vite. Il semble donc que ces séismes participent à la construction des montagnes.</p>
<p>Nos analyses ne font que commencer. Il s’agira de reconstituer les événements et forces en jeu, et d’essayer de déceler les signaux précurseurs, s’il y en a, qui auraient pu nous mettre sur la piste de cette séquence avant son initiation. Les scientifiques se retrouvent comme face à une scène de crime qu’il est question de décoder pour mieux comprendre pourquoi de tels événements se sont produits, pourquoi à cet endroit, pourquoi maintenant…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215750/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Manon Dalaison a reçu des financements de l'ERC. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Bryan Raimbault a reçu des financements de l'ERC, de l'ENS-PSL et du Ministère français de lʼEnseignement supérieur, de la Recherche et de lʼInnovation (MESRI) pour la réalisation de son contrat doctoral.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Romain Jolivet est membre de l'Institut Universitaire de France et a reçu des financements de l'ERC, de l'ANR ainsi que du CNRS.</span></em></p>
Quatre séismes majeurs ont frappé l’Afghanistan, causant la mort de près de 1 400 personnes. Les géologues peinent à expliquer les causes de cette catastrophe.
Manon Dalaison, Maître de Conférences, Institut de physique du globe de Paris (IPGP)
Bryan Raimbault, Doctorant en géosciences, École normale supérieure (ENS) – PSL
Romain Jolivet, Professeur des Universités, École normale supérieure (ENS) – PSL
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/214881
2023-10-22T15:08:50Z
2023-10-22T15:08:50Z
Le son des séismes : pourrait-on utiliser les ondes acoustiques pour alerter plus efficacement de l’arrivée d’un tsunami ?
<p>Les tsunamis font partie des catastrophes naturelles les plus meurtrières. Ils sont le plus souvent déclenchés par des tremblements de terre sous-marins, comme le tristement célèbre tsunami de Sumatra de 2004, qui a causé la mort de 200 000 personnes.</p>
<p>Plus rares, moins connus, mais aussi dangereux sont les tsunamis générés par des glissements de terrain, c’est-à-dire lorsqu’une partie du plancher océanique s’effondre et s’écoule sur les pentes en générant une vague de grande amplitude. Comme les grands tremblements de terre peuvent eux-mêmes générer des glissements de terrain, <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-0348-7995-8_1">ces deux types de sources peuvent se combiner pour créer un tsunami encore plus dévastateur</a>, comme le montrent les analyses faites par les chercheurs après le tsunami de Papouasie-Nouvelle-Guinée en 1998.</p>
<p>Comment réagir face aux tsunamis ? Deux possibilités : la prévention et l’alerte précoce, sachant que la <a href="https://theconversation.com/seismes-pourquoi-on-ne-peut-pas-les-prevoir-58754">prédiction du moment et de l’endroit précis d’occurrence d’un séisme ou d’un glissement de terrain est actuellement hors de portée</a>. La prévention consiste notamment à éviter les constructions dans à risques dans les régions à risque et à sensibiliser les populations aux réflexes à adopter dans l’urgence : comment se mettre à l’abri, l’utilité de contacter les proches, etc.</p>
<p>L’alerte précoce consiste à repérer l’arrivée d’un tsunami avec suffisamment d’avance pour d’abord analyser les signaux et en extraire les caractéristiques de la catastrophe en cours (par exemple l’intensité du phénomène initial et donc la dangerosité des vagues qui arriveront ensuite) ; puis pour alerter et évacuer la population. Cette alerte sera d’autant plus efficace que des études en amont auront été réalisées pour établir une série de cartes de risques à partir de présimulations de scénarios possibles.</p>
<p>Quels outils et méthodes scientifiques permettent de mettre en place les systèmes d’alerte ?</p>
<h2>Des systèmes d’alerte « précoces » existent</h2>
<p>Les <a href="https://theconversation.com/alertes-aux-seismes-et-tsunamis-comment-gagner-de-precieuses-secondes-139913">systèmes d’alerte précoce actuels utilisent les premières arrivées des ondes sismiques</a> qui permettent d’évaluer rapidement (en moins de 20 minutes) le type de séisme et ainsi d’en déduire sa capacité à générer un tsunami. En effet, si le séisme induit un fort mouvement vertical de la colonne d’eau, celui-ci sera fortement « tsunamigène ».</p>
<p>Mais une difficulté importante apparaît lorsqu’on analyse les ondes sismiques : l’information transportée par l’onde sur sa source (séisme ou tremblement de terre) est « polluée » par sa distorsion liée à sa propagation dans le milieu inconnu et hétérogène qu’est la terre solide. Ceci induit des incertitudes quant au moment et aux amplitudes du séisme et du potentiel tsunami. De plus, si des <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1029/2012GL052511">études récentes</a> ont aussi montré que les ondes sismiques permettent de retrouver le type de glissement de terrain ayant eu lieu et de les <a href="https://academic.oup.com/gji/article/219/2/1138/5542200">détecter de manière automatique</a>, ces avancées sont hélas pour l’instant sous-exploitées pour la détection de glissements de terrain sous-marins.</p>
<p>Un système d’alerte précoce basé sur les ondes sismiques a été utilisé par exemple pendant le tsunami de Tohoku-Oki en 2011, mais il a malheureusement <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/full/10.1098/rsta.2014.0373">mal évalué la magnitude du séisme</a>.</p>
<p>C’est pourquoi nous pensons qu’une approche complémentaire pour rendre les alertes précoces <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-fluid-mechanics/article/acoustic-and-gravity-waves-in-the-ocean-a-new-derivation-of-a-linear-model-from-the-compressible-euler-equation/1305B56DA8FE8D8D2689FF53BEEC79AA">plus fiables est d’utiliser les ondes hydroacoustiques</a>, également générées par un séisme ou un glissement sous-marin. Ces ondes se propagent dans l’océan, un milieu moins hétérogène et mieux connu que la structure interne de la Terre.</p>
<h2>Les ondes hydroacoustiques en complément des ondes sismiques : moins rapides, mais plus simples à analyser</h2>
<p>Un glissement de terrain sous-marin ou un séisme sous-marin est la source de plusieurs types d’ondes : des vagues, mais également des ondes sismiques et des ondes hydroacoustiques.</p>
<p>Pour fixer les idées, en océan profond, la vague générée par un séisme se propagera à environ 300 kilomètres par heure (pour un océan d’une profondeur d’un kilomètre) alors que les ondes hydroacoustiques se propagent à environ 5400 kilomètres par heure dans l’eau. Les ondes sismiques se propagent encore plus vite, à environ 14 000 kilomètres par heure pour les ondes dites « de Love ».</p>
<p>La présence de ces différentes ondes est confirmée par les mesures effectuées par des jauges de pression sous-marines. Sur les enregistrements de la pression sous-marine à deux jauges de pression différentes notées PG1 et PG2, on voit que la pression évolue au passage de différentes ondes : les ondes sismiques, les plus rapides, puis les ondes hydroacoustiques, et enfin le tsunami.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/551702/original/file-20231003-19-e02jlm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="graphe de la pression sous-marine en deux points géographiques différents" src="https://images.theconversation.com/files/551702/original/file-20231003-19-e02jlm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551702/original/file-20231003-19-e02jlm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=602&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551702/original/file-20231003-19-e02jlm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=602&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551702/original/file-20231003-19-e02jlm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=602&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551702/original/file-20231003-19-e02jlm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=756&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551702/original/file-20231003-19-e02jlm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=756&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551702/original/file-20231003-19-e02jlm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=756&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Enregistrements de la pression sous-marine à deux stations différentes (PG1 et PG2) pendant le tremblement de terre de Tohoku en 2011.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.fujipress.jp/jdr/dr/dsstr000700070468/">H. Matsumoto et collaborateurs</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les ondes sismiques étant les plus rapides, elles sont utilisées dans les systèmes actuels d’alerte précoce. Cependant, leur analyse peut être très complexe. Les ondes sismiques se propagent à travers tout le globe terrestre, traversant différentes couches aux propriétés très variables, et interagissant avec d’autres ondes sismiques émises à n’importe quel endroit du globe. Cela complique la phase dite « d’inversion » qui permet de remonter à la source de l’onde émise, et d’estimer l’amplitude prévue pour le tsunami.</p>
<p>A contrario, les ondes hydroacoustiques ne se propagent que dans l’eau, un milieu relativement homogène. Par exemple, même si la vitesse de propagation du son dans l’eau peut varier à cause des variations de température et de salinité, ces variations sont de l’ordre de quelques pour cent (en comparaison, la vitesse des différentes ondes sismiques est beaucoup plus variable et peut passer de 14 000 kilomètres par heure à 21 000 kilomètres par heure en fonction de la profondeur). On estime donc que les ondes hydroacoustiques sont moins déformées au cours de leur trajet, ce qui simplifierait l’analyse.</p>
<h2>Modéliser les ondes acoustiques dans l’eau pour estimer leur potentiel comme signe précurseur de tsunamis</h2>
<p>Pourquoi des tremblements de terre ou des glissements de terrain sous-marins génèrent-ils des ondes acoustiques qui se propagent dans l’eau ? L’eau est compressible : lorsqu’on la comprime, son volume diminue. Lors d’un tremblement de terre, la colonne d’eau située au-dessus de la faille est déplacée et comprimée. Le déplacement vertical va générer un tsunami, et la compression va créer des ondes acoustiques. Cependant la compressibilité de l’eau est très faible (l’air est environ 20 000 fois plus compressible que l’eau). Dans les modèles standards de propagation de tsunamis, l’eau est donc supposée incompressible, ce qui permet de négliger les ondes hydroacoustiques. Les modèles dits incompressibles sont plus simples à résoudre, et en première approximation suffisant pour l’étude des tsunamis. Cependant, pour utiliser les ondes hydroacoustiques, les modèles compressibles deviennent indispensables.</p>
<p>Les simulations faites à partir de la modélisation d’un tsunami dans un océan compressible illustrent ce couplage. Nos simulations numériques (issues d’un travail en cours) montrent l’élévation de la surface de l’eau en un point en fonction du temps. On voit ainsi de combien se déplacerait une bouée qui flotterait en ce point. La courbe bleue correspond à l’élévation calculée à partir du modèle compressible, et la courbe orange au modèle incompressible.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/551703/original/file-20231003-19-n2lo07.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma représentant la hauteur de l’eau dans le temps" src="https://images.theconversation.com/files/551703/original/file-20231003-19-n2lo07.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551703/original/file-20231003-19-n2lo07.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551703/original/file-20231003-19-n2lo07.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551703/original/file-20231003-19-n2lo07.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551703/original/file-20231003-19-n2lo07.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551703/original/file-20231003-19-n2lo07.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551703/original/file-20231003-19-n2lo07.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Simulation d’un tsunami dans un modèle incompressible (en orange) et compressible (en bleu) : on voit que des ondes acoustiques sont présentes dans le modèle compressible, et qu’elles arrivent avant le tsunami. 800 secondes équivalent à environ 13 minutes. La hauteur de la vague est exagérée, mais les échelles de temps sont réalistes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Juliette Dubois</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Bien que les deux modèles soient très différents sur plusieurs aspects, on peut remarquer que la courbe bleue comporte des oscillations de faibles intensités, mais très rapides : ce sont les ondes acoustiques, qui apparaissent avant le tsunami. Le modèle compressible (bleu) présente des oscillations, alors qu’avec le modèle incompressible, la surface de l’eau n’a pas encore bougé.</p>
<p>Pour une bouée située à 80 kilomètres du centre du tremblement de terre, les ondes acoustiques arrivent 400 secondes (6 minutes) avant le tsunami. L’écart entre l’arrivée du tsunami et des ondes acoustiques augmente avec la distance entre le point de mesure et le tremblement de terre. Ainsi, les ondes acoustiques peuvent arriver plusieurs minutes, voire plusieurs dizaines de minutes, avant le tsunami.</p>
<p>Même si ces ondes hydroacoustiques se propagent au moins deux fois moins vite que les ondes sismiques, <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspa.2001.0915">elles ont été enregistrées à plusieurs milliers de kilomètres du glissement de terrain source</a> et, comme on l’a vu, pourraient permettre de compléter l’analyse car elles sont peu déformées par leur passage dans l’eau.</p>
<p>Un important travail en modélisation et simulation est encore nécessaire pour relier précisément le signal hydroacoustique aux caractéristiques de la source du tremblement de terre ou du glissement de terrain qui a généré le signal. La comparaison aux données de terrain sera également une étape cruciale avant de pouvoir intégrer l’analyse des ondes hydroacoustiques aux systèmes d’alerte précoce.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214881/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Juliette Dubois a reçu des financements de la Région Île-de-France.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anne Mangeney a reçu des financements de l'Europe (ERC Slidequakes, Doctoral Network EnvSeis, Digital Twins DT-GEO), de l'ANR et du Ministère. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jacques Sainte-Marie ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Séismes et glissements de terrain sous-marins peuvent déclencher des tsunamis. Pour alerter les populations plus rapidement, de nouvelles méthodologies sont à l’étude.
Juliette Dubois, Doctorante en mathématiques appliquées, Inria
Anne Mangeney, Professeure en géophysique, Institut de physique du globe de Paris (IPGP)
Jacques Sainte-Marie, Directeur de recherche - Mathématiques appliquées, Inria
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/213824
2023-09-20T16:10:49Z
2023-09-20T16:10:49Z
Les conséquences économiques du tremblement de terre au Maroc
<p>Dans la nuit du 8 au 9 septembre 2023, le Maroc a connu <a href="https://medias24.com/2023/09/09/le-seisme-le-plus-puissant-de-lhistoire-recente-du-maroc/">sa plus grande catastrophe naturelle de l’époque moderne</a>, un séisme de magnitude 7 sur l’échelle Richter, d’un niveau supérieur au <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/maroc/maroc-il-y-a-60-ans-la-ville-d-agadir-etait-rasee-par-un-tremblement-de-terre_3849125.html">tremblement de terre d’Agadir de 1960</a>. Toute la région du <a href="https://www.bfmtv.com/international/afrique/maroc/seisme-au-maroc-la-province-d-al-haouz-compte-1351-morts-a-elle-seule_VN-202309100383.html">Haouz</a>, la ville de <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/seisme-au-maroc-la-vieille-ville-de-marrakech-meurtrie-20230910">Marrakech</a> et l’arrière-pays montagneux ont été particulièrement affectés.</p>
<p>Dans l’état actuel des choses, le bilan humain s’élève à 3 000 morts et plus du double de blessés. 50 000 habitations auraient été détruites, certains villages étant complètement réduits en ruines. De nombreuses routes sont inutilisables. Une trentaine de monuments historiques – greniers villageois, ksours, mosquées – ont été détruits ou fortement endommagés. C’est le cas de la <a href="https://ledesk.ma/grandangle/quelle-renaissance-pour-la-mosquee-de-tinmel-apres-le-chaos/">mosquée de Tinmel</a>, à Talat N’Yaqoub, symbole de la dynastie des Almohades, qui était en restauration. C’est le cas aussi du <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/444/">grenier collectif du village d’Aït Ben Haddou</a>, qui est à présent partiellement en ruine.</p>
<p>Les dégâts s’étendent sur un large territoire, constitué essentiellement de zones rurales pauvres. Ils sont estimés à l’heure actuelle à environ <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/seisme-au-maroc-le-sinistre-pourrait-couter-9-milliards-deuros-au-pays-1479316">10 milliards d’euros</a>, soit 8 % du PIB du pays. Cela peut paraître considérable, mais il faut mettre ces chiffres en relation avec les transferts des Marocains de l’étranger, qui s’élèvent à une somme équivalente – 11 milliards en 2022.</p>
<p>Par ailleurs, le <a href="https://www.rtbf.be/article/economie-quelles-sont-les-forces-du-maroc-pour-reconstruire-apres-le-seisme-11254493">Maroc dispose de réserves de change d’un montant de 35 milliards d’euros</a>. Les infrastructures essentielles, notamment l’aéroport et la gare de Marrakech, n’ont pas été impactés, et l’essentiel des activités industrielles, qui se situent dans des régions éloignées du séisme ont été épargnées. Grace à son développement, le <a href="https://theconversation.com/pour-une-analyse-geographique-des-catastrophes-le-cas-du-seisme-du-8-septembre-au-maroc-213668">Maroc est donc en mesure de faire face à ce séisme</a>, d’autant qu’il s’accompagne d’une très forte solidarité publique et privée.</p>
<h2>Quel impact pour le tourisme ?</h2>
<p>Après la période de Covid, le Maroc a connu une <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/teoros/2020-v39-n3-teoros05803/1074905ar/">nette augmentation des entrées touristiques</a>, dans un mouvement de rattrapage de la situation antérieure à la pandémie. Au premier semestre 2023, ces entrées ont connu une augmentation spectaculaire de 92 %, ce qui était attendu après deux années particulièrement difficiles.</p>
<p>C’est d’autant plus important que la zone frappée dans la nuit du 8 au 9 septembre, à savoir la région du Haouz et la ville de Marrakech, est la plus touristique du pays. Si le <a href="https://www.europe1.fr/international/maroc-malgre-le-seisme-le-pays-mise-sur-le-tourisme-dici-les-prochaines-annees-4203678">tourisme représente 7 % du PIB marocain</a>, ce ratio est largement supérieur dans la région de Marrakech, qui ne compte pas beaucoup d’industries et qui vit essentiellement grâce aux recettes issues du tourisme. Nombre d’habitants de l’arrière-pays et de l’Atlas vivent aussi de l’artisanat que génère le tourisme, notamment la confection de tapis, paniers et autres.</p>
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<p>Il est cependant probable que le séisme n’ait pas d’impact majeur sur le tourisme. Même s’il retarde quelque peu le rattrapage en cours, les dégâts dans la ville de Marrakech sont minimes et ont principalement touché une partie de la médina. Les bâtiments historiques et, notamment, le minaret de la Koutoubia ont été épargnés.</p>
<p>Certains hôtels ou riads déplorent des fissures et doivent mener des expertises pour garantir la sécurité des bâtiments, mais très peu seront contraints de se lancer dans des travaux de consolidation d’envergure. Pour l’essentiel, la capacité d’accueil des infrastructures de Marrakech est préservée et la vie est normale dans la ville. De fait, le nombre d’annulations touristiques reste à ce jour très limité, même si le dernier trimestre 2023 sera moins bon que prévu.</p>
<h2>Le difficile accès aux assurances</h2>
<p>Dans l’arrière-pays, la situation est différente. Certains villages sont détruits et les infrastructures seront affectées pendant une longue période. Mais il s’agit de sites touristiques secondaires par leur fréquentation, même si les revenus générés sont substantiels pour les populations locales.</p>
<p>Cependant, un point mérite d’être souligné. Les conséquences pour les plus pauvres dans les zones rurales seront d’autant plus difficiles à supporter que les systèmes de couverture des risques sont pour l’instant assez peu adaptés à leurs situations. Il existe en effet un régime de <a href="https://lematin.ma/express/2023/details-regime-couverture-consequences-catastrophes/394071.html">couverture contre les conséquences d’évènements catastrophiques</a> (EVCAT), qui vise à indemniser les victimes des dégâts corporels et/ou matériels résultant des catastrophes naturelles.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1703283174560649321"}"></div></p>
<p>La <a href="https://www.evcathimaya.ma/">loi 110-14</a> met en place un régime mixte d’indemnisation qui comporte un volet assurantiel et un volet allocataire. Ceux qui disposent d’un contrat d’assurance multirisque habitation, d’un contrat automobile ou d’assurance corporelle peuvent s’adresser à leur assurance. Mais encore faut-il que le contrat inclue effectivement la protection EVCAT. Or ce dispositif date de 2020 et, d’après le <a href="https://www.acaps.ma/sites/default/files/acaps_guide_assure_vf.pdf">guide d’information de l’Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance</a> (ACAPS), « l’insertion de la garantie EVCAT concerne les contrats souscrits ou renouvelés depuis l’entrée en vigueur de ce régime ». EVCAT ne concerne donc qu’un nombre réduit de contrats. Par ailleurs, et c’est le point le plus essentiel, la plupart des victimes n’ont pas de contrat, notamment en milieu rural.</p>
<p>Pour ceux qui ne disposent pas de contrat d’assurance, il existe un <a href="https://www.quid.ma/national/dossier-:-pourquoi-le-fonds-de-solidarite-contre-les-evenements-catastrophiques-n%E2%80%99a-pas-(encore)%20(FSCE)-ete-actionne">fonds de solidarité contre les événements catastrophiques</a> qui couvre les dommages corporels et la perte de résidence principale. Il est financé par une contribution sur les contrats d’assurance. Mais il faut un arrêté du chef du gouvernement, publié au Bulletin officiel dans un délai maximum de trois mois après la survenue de l’événement catastrophique, pour activer ce régime. Cet arrêté doit préciser la zone sinistrée, la date de l’événement, la durée de l’événement catastrophique.</p>
<p>En outre, l’activation du régime ne suffit pas. En effet, l’indemnité liée à un préjudice corporel est déterminée par l’incapacité ou le décès. La première doit être établie par un médecin exerçant dans le secteur public et le second par la fourniture de l’acte de décès. Tout cela suppose que les victimes puissent aisément s’adresser aux administrations concernées, ce qui n’est pas le cas des zones rurales. Le capital de référence qui sert de base au calcul de l’indemnité dépend du salaire ou des revenus de la victime. Ces revenus doivent naturellement être documentés par des justificatifs. Or la plupart des habitants dans les régions pauvres ne disposent pas de revenus et, s’ils en disposent, les documents sont probablement enfouis sous les décombres.</p>
<p>En ce qui concerne l’indemnité pour perte de résidence principale ou pour privation de jouissance, les choses sont aussi compliquées pour les plus pauvres. L’allocation pour privation de jouissance est fixée à six fois la valeur locative mensuelle, déterminée par un comité d’experts et encadrée par l’administration après avis de l’ACAPS. La demande d’indemnisation repose sur un rapport d’expertise rédigé par le comité d’expertise. Si le dossier est accepté, le fonds de solidarité notifie la proposition d’indemnisation au demandeur, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par voie extrajudiciaire.</p>
<p>On mesure ici la difficulté des procédures pour les plus pauvres qui ne sont pas toujours en possibilité de comprendre et même de lire des documents administratifs dans des villages complètement détruits, qui peuvent aussi n’avoir ni domicile ni même d’adresse.</p>
<h2>Une note d’espoir</h2>
<p>On le voit : les dispositifs mis en place pour indemniser les victimes risquent de s’adresser en priorité aux populations urbaines, titulaires de contrats d’assurance pour des dégâts partiels sur leur habitation ou leur véhicule. Les plus pauvres en zone rurale, qui sont aussi les plus impactés, risquent donc de demeurer en dehors des dispositifs mis en place. C’est pourquoi il faut espérer que le <a href="https://medias24.com/2023/09/14/don-du-roi-mohammed-vi-au-fonds-special-seisme-un-milliard-de-dh/">Fonds spécial</a> créé sur instruction royale pourra s’adresser vraiment aux plus pauvres, et que certaines organisations apporteront un accompagnement dans les démarches.</p>
<p>Finissons sur une note d’espoir. La crise peut avoir des effets positifs. En focalisant l’attention sur le <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/catastrophes/seisme/seisme-au-maroc-des-tresors-dhistoire-lourdement-endommages-930bad7a-52f6-11ee-b5f9-9df59b291d64">patrimoine matériel très riche de la région</a> et sur la situation précaire des populations, une reconstruction des infrastructures en milieu rural pourrait s’accompagner de nouvelles stratégies de tourisme durable, incluant des éléments culturels qui seraient de nature à diversifier l’offre touristique. Les conséquences dépendront finalement de la capacité du Maroc à transformer l’épreuve en opportunité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213824/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Yves Moisseron ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La catastrophe affecte en premier lieu les habitants les plus pauvres de la région frappée. Pourront-ils bénéficier pleinement des indemnisations prévues ?
Jean-Yves Moisseron, Socio-économiste Directeur de Recherche IRD/HDR, Institut de recherche pour le développement (IRD)
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tag:theconversation.com,2011:article/213668
2023-09-15T17:03:08Z
2023-09-15T17:03:08Z
Pour une analyse géographique des catastrophes : le cas du séisme du 8 septembre au Maroc
<p>Le terrible séisme survenu au Maroc dans la nuit du 8 au 9 septembre 2023 nous rappelle la nécessité de procéder à une <a href="https://www.cairn.info/introduction-a-l-analyse-des-territoires--9782200293024-page-15.htm">analyse géographique</a> des catastrophes pour comprendre comment peut se déployer une aide d’urgence.</p>
<p><a href="https://www.liberation.fr/international/afrique/seisme-au-maroc-le-royaume-fait-le-tri-dans-laide-internationale-20230912_BRJHDBCVH5D7ZHMHTIIYZGBOBM/">La polémique stérile sur l’aide internationale</a> est venue masquer la réalité du territoire touché et les spécificités du déploiement des secours d’urgence en zone de haute montagne. L’émotion, les élans de générosité et l’incompréhension de réalités territoriales complexes ont nourri des discours particulièrement confus.</p>
<h2>Des montagnes en pleine transformation</h2>
<p>Avant toute chose, il s’agit de bien comprendre la transformation accélérée des territoires impactés. L’épicentre du tremblement de terre se trouve à quelque 70 km au sud de Marrakech, au cœur du Haut-Atlas marocain, une vaste zone de plusieurs dizaines de milliers de kilomètres toujours décrite comme pauvre, reculée, oubliée, figée dans un présent ethnographique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/548530/original/file-20230915-19-q11ybo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/548530/original/file-20230915-19-q11ybo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=743&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/548530/original/file-20230915-19-q11ybo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=743&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/548530/original/file-20230915-19-q11ybo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=743&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/548530/original/file-20230915-19-q11ybo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=934&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/548530/original/file-20230915-19-q11ybo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=934&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/548530/original/file-20230915-19-q11ybo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=934&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carte des mouvements sismiques intenses qui illustre l’intensité des secousses.</span>
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<p>Loin de <a href="https://journals.openedition.org/mediterranee/5427">l’iconographie coloniale qui nourrit aujourd’hui les imaginaires touristiques</a>, ces régions n’ont <a href="https://journals.openedition.org/espacepolitique/3242">pas été oubliées par les autorités marocaines</a> et ont connu de profondes transformations.</p>
<p>Au cours des deux dernières décennies, l’État marocain a lourdement investi dans des infrastructures particulièrement coûteuses du fait des reliefs. La région a été dotée de routes rurales, de réseaux d’eau potable, de réseaux électriques, de barrages, d’écoles, de lycées, de dispensaires.</p>
<p>L’État a soutenu le développement d’une agriculture qui fait la part belle à l’arboriculture mais aussi d’un tourisme rural par la multiplication de gîtes et d’hôtels autour du massif du Toubkal et, depuis 2008, du <a href="https://lematin.ma/journal/2008/Activites-Royales_S-M--le-Roi-inaugure-a-Ouirgane-le-barrage-Yacoub-El-Mansour-au-coA-t-de-630-MDH/90965.html">barrage de Ouirgane</a>. L’Initiative nationale pour le développement humain <a href="https://www.maroc.ma/fr/content/indh">(INDH)</a> lancée en 2005 a permis aux communes de bénéficier d’importants soutiens financiers pour des projets spécifiques comme le transport scolaire, les ambulances mais aussi le développement de nombreuses coopératives et associations.</p>
<h2>Une profonde mutation de l’habitat</h2>
<p>Ces projets ont eu des effets complexes. En premier lieu, ils se sont traduits par des gains de productivité agricole et des transformations dans les pratiques culturales. Les cultures vivrières fortement demandeuses de main-d’œuvre ont été remplacées par des cultures plus rentables mais nécessitant beaucoup moins de main-d’œuvre, comme l’arboriculture.</p>
<p>En second lieu, les opportunités liées au développement des services, notamment dans le domaine du tourisme, n’ont pas compensé ces pertes d’emploi. Bien au contraire : de nombreuses activités (les agences, les entreprises de transport) se sont déplacées vers Marrakech, qui contrôle les flux touristiques.</p>
<p>Par ailleurs, le développement des établissements scolaires a attiré des jeunes fonctionnaires issus d’autres localités. La fécondité, encore forte au début des années 2000, s’est effondrée pour s’aligner sur des standards européens alors que l’espérance de vie a fortement progressé du fait de la chute de la mortalité infantile et maternelle du fait de la multiplication des dispensaires et des systèmes d’évacuation d’urgence.</p>
<p>Cependant, l’absence de perspectives d’emploi assombrit les horizons d’une jeunesse désormais très connectée. Les jeunes hommes s’engagent alors dans un <a href="https://www.ondh.ma/fr/publications/les-neet-au-maroc-analyse-qualitative">parcours professionnel marqué par une très forte mobilité</a>. Ils sont très nombreux à quitter le secondaire dès le cycle collégial lorsqu’ils ont des difficultés scolaires. Ils s’embauchent alors en ville pour des salaires très faibles, souvent autour de 120 euros par mois pour les mineurs, rarement au-dessus de 300 euros par mois pour les majeurs (le SMIG au Maroc est fixé à 300 euros). Ils doivent attendre d’avoir une situation économique suffisamment stable pour espérer se marier. Nombre d’entre eux espèrent s’installer en ville, mais d’autres privilégient la multiactivté, car profondément attachés à leur terre et à l’agriculture.</p>
<p>Les jeunes femmes sont plus durement touchées encore avec un taux de chômage record. Dès qu’elles arrêtent leurs études, elles se retrouvent à 92 % sans emploi. Les familles les découragent à partir en ville, sauf la toute petite minorité qui dispose d’un diplôme du supérieur permettant d’accéder à des emplois salariés déclarés avec une couverture sociale. L’écrasante majorité d’entre elles ne voit <a href="https://hal.science/hal-03311304/document">que le mariage comme horizon pour décohabiter et se construire une place sociale</a>. Se sentant oubliées, elles se marient désormais plus jeunes, souvent contre l’avis de leurs parents, en espérant fonder un foyer en ville à Amizmiz, Tahanaout ou Marrakech.</p>
<p>Par conséquent, la région est marquée par une profonde mutation de son habitat. Les demeures historiques au cœur de villages fortifiés ont été progressivement délaissées, ou conservées comme de simple bergeries ou étables. De nouvelles maisons ont été construites, plus près de la route et des établissements scolaires. Certains villages se sont vidés de leurs habitants, d’autres se sont développés. La population s’est concentrée dans les petites villes du piémont, comme Amizmiz, qui a connu une forte croissance démographique.</p>
<p>Les villages les plus isolés abritent souvent les doyens et surtout les doyennes attachées à leurs demeures, quelques ménages ayant maintenu une forte activité agricole, et de jeunes ménages dont l’époux qui travaille dans les plaines n’a pas les revenus suffisants pour s’installer en ville. Les médias ont fortement mis en scène ces figures emblématiques de femmes âgées vivant seules ou de jeunes mères avec de nombreux enfants, choquées et désemparées devant la catastrophe. Outre la puissance iconographique de la piéta, elles incarnent aussi une réalité sociale qui est celle de villages où les jeunes hommes sont souvent absents en dehors des récoltes.</p>
<p>Le développement des routes a accéléré les mobilités et la recomposition de l’habitat et des habitants. Au mois de septembre, plusieurs événements se conjuguent.</p>
<p>En zone de haute montagne, des ménages ont encore des pratiques pastorales importantes qui les amènent en altitude, dans les bergeries. C’est aussi la première semaine de rentrée scolaire. Les jeunes professeurs sont venus prendre leur poste. Les familles avec des enfants sont installées à proximité des écoles ou des arrêts des bus scolaires. Les collégiens et lycéens ont rejoint les internats. Mais ce n’est pas encore la rentrée universitaire ; les étudiants sont encore présents dans certaines localités, de même qu’un certain nombre de personnes originaires de ces vallées, travaillant ailleurs mais venues en vacances dans leur village d’origine. Enfin, de nombreux hommes hésitent entre partir à la recherche d’emploi sur les chantiers de construction dans les grandes villes ou attendre la fin des récoltes, selon les promesses des arbres fruitiers.</p>
<h2>L’information géographique préalable, indispensable au déploiement des secours</h2>
<p>Cette description des pratiques sociales peut paraître superfétatoire mais elle est essentielle pour comprendre la complexité du déploiement des secours.</p>
<p>Vu l’ampleur de la zone géographique touchée, pour intervenir efficacement les autorités doivent disposer des bonnes informations. Or, les premières estimations faisaient état de 55 localités (villages et hameaux, désignés par les termes de douars et sous-douars) à moins de 10 km de l’épicentre, 652 entre 10 et 30 km et un peu moins de 1 200 entre 30 et 50 km de l’épicentre.</p>
<p>Du fait du relief, de très nombreuses localités ne sont accessibles depuis les plaines de Marrakech au nord et de Taroudant au sud que par quelques routes principales particulièrement endommagées par le séisme.</p>
<p>Pour connaître l’ampleur du désastre, les autorités se sont appuyées sur le premier agent d’autorité, dénommé le moqqadem, qui est présent dans tous les villages. Il a pour mission principale le suivi de la population. Il est généralement le seul à connaître la réalité du nombre de personnes présentes dans le village. Il communique les informations au caïd, représentant de l’autorité à l’échelle d’une plusieurs communes, qui, lui-même, les transmet au gouverneur, lequel coordonne toutes les forces de sécurité.</p>
<p>Le Maroc a donc une structure assez efficace pour la remontée des informations. Malheureusement, dans certains villages, le moqqadem figure parmi les victimes. Le recours aux nouvelles technologies peut certes permettre d’estimer l’ampleur des dégâts matériels, mais cela n’indique que difficilement le nombre de victimes potentielles, du fait des importants flux de population au mois de septembre. Toutes ces caractéristiques ont compliqué la localisation des victimes et l’affectation des moyens d’urgence.</p>
<p>À cette complexité s’est ajoutée celle de la progression des secours. Même si le Maroc dispose de très nombreux engins de chantier, leur acheminement s’est avéré difficile car les vallées sont très profondes, avec des villages disséminés de part et d’autre. Les forces de sécurité ont été confrontées à l’urgence des premiers villages du bas de la vallée, qui sont souvent les plus peuplés, tout en devant dégager les routes et les pistes pour avancer, ce qui demande des moyens techniques assez importants.</p>
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<p>Ce déploiement a été beaucoup plus difficile que s’il avait pu se faire dans une grande ville. Il se traduit alors mécaniquement par des effets d’engorgement mais aussi par l’incapacité de certaines équipes spécialisées à se déployer. Il est possible d’héliporter des sauveteurs et leurs chiens, mais impossible d’apporter dans les mêmes délais une pelleteuse.</p>
<p>Les autorités ont donc opéré des choix d’intervention dans les lieux où il y avait potentiellement plus de victimes et, surtout, la possibilité de développer une action efficace. Dans certains quartiers urbains et certains villages, les habitants étaient à même de s’organiser entre eux et disposaient des ressources suffisantes, notamment si le travail ne nécessitait pas l’intervention de pelleteuses mécaniques ou d’autres engins lourds. Le mot d’ordre a donc été que les habitants agissent sans attendre une potentielle aide extérieure pour gagner un temps précieux.</p>
<h2>Un déploiement national efficace, fruit des apprentissages de la crise Covid</h2>
<p>Les premières estimations portaient sur 18 000 familles ayant besoin d’une aide d’urgence. <a href="https://telquel.ma/instant-t/2023/09/14/reconstruction-relogement-indemnisation-ce-que-le-roi-prevoit-pour-les-victimes-du-seisme_1831548/">Le 14 septembre, les autorités ont estimé que 50 000 logements</a> pourraient nécessiter des travaux allant de <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre/la-terre-au-carre-du-vendredi-15-septembre-2023-8071990">la reconstruction complète à la reconstruction partielle</a>.</p>
<p>Cela représente moins de la moitié de la production annuelle de logements au Maroc, qui était de 118 620 en 2018, avant la crise Covid. À l’échelle du pays, cette situation ne dépasse pas les capacités des autorités marocaines, mais elle suppose une très forte coordination.</p>
<p>L’intervention internationale, dans ce contexte, n’est pas une garantie d’efficacité car elle rencontre des <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/09/13/avec-les-sauveteurs-au-maroc-nous-ne-trouvons-plus-que-des-morts_6189175_3212.html">problèmes spécifiques reconnus par les professionnels eux-mêmes sur le terrain</a>. La langue : dans la zone touchée, très peu de gens parlent une autre langue que l’arabe dialectal marocain ou le <a href="https://centrederechercheberbere.fr/chleuh.html">tachelhit</a>. Les délais : sur les réseaux sociaux, les organisations internationales se disent toujours prêtes à intervenir, mais dans les faits, c’est différent. Les règles de déploiement : dans ces vallées, il faut mettre en place en aval un terrain pour déployer un hôpital et centraliser le matériel, ce qui nécessite une connaissance du relief et des infrastructures routières.</p>
<p>La volonté de collaborer et l’habitude de collaborer sont donc indispensables. Or seuls les Espagnols coopèrent régulièrement avec les Marocains, dans la lutte contre les incendies notamment. Enfin, la mobilisation nationale a généré un engorgement sans précédent de certains axes routiers, du fait des <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/maroc/video-seisme-au-maroc-des-convois-humainitaires-improvises-719e2389-f082-41d3-8a9d-acff14fcc203">multiples convois d’aide qui ont convergé de tout le pays</a> vers les zones sinistrées. Les ambulances et les engins de chantier ont connu des difficultés à circuler, ralentissant d’autant les opérations de dégagement et d’évacuation et obligeant les autorités à interdire l’accès à certaines routes. Le 14 septembre, les autorités provinciales de Taroudant ont demandé à ne plus recevoir de dons. Les forces de l’ordre ont fermé l’accès aux convois humanitaires aux routes stratégiques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1700515906483318985"}"></div></p>
<p>En cinq jours, toutes les routes ont été dégagées, tous les blessés ont été pris en charge dans des hôpitaux de campagne ou à Marrakech, tous les ménages sinistrés ont été installés dans des camps de tentes où ils reçoivent aide alimentaire et biens de première nécessité. Surtout, le gouvernement a annoncé un protocole d’indemnisation d’urgence ainsi qu’un protocole de reconstruction.</p>
<h2>Aider à reconstruire : une aide budgétaire massive</h2>
<p>Il apparaît clairement que le Maroc, à l’instar de nombreux pays, a développé une forte capacité à gérer les crises, notamment après la crise Covid-19. Suite à l’effondrement de la solidarité internationale en quelques jours, nombre de pays avaient alors compris que la <a href="https://journals.uvic.ca/index.php/bigreview/article/view/19760">solution la plus efficace était l’auto-organisation</a>. Dans un contexte d’incertitude croissante du fait du réchauffement climatique, c’est une excellente nouvelle de voir émerger des pays à même de faire face rapidement à une catastrophe alors que d’autres sombrent dans les guerres civiles.</p>
<p>Les anciennes puissances coloniales souhaitent maintenir une aura humanitaire, mais la réalité est que de nombreux pays à revenus plus modestes ont désormais développé des capacités d’intervention particulièrement efficaces sur leur territoire et sont même capables d’intervenir en dehors de leurs frontières. Le Maroc fait partie de ces nouveaux acteurs régionaux de l’aide humanitaire d’urgence, pouvant apporter son soutien aussi bien à <a href="https://lematin.ma/express/2012/Extinction-des-incendies-aux--Canaries_Madrid-remercie-le-Maroc-pour-son-aide--/170318.html">l’Espagne</a> qu’au <a href="https://www.levert.ma/le-maroc-aide-le-portugal-a-combattre-les-feux-de-foret/">Portugal</a> mais aussi <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/Covid-19-le-retour-du-soft-power-marocain-en-afrique-subsaharienne-16-06-2020-2380253_3826.php">à d’autres pays d’Afrique</a>.</p>
<p>Désormais, la question est celle des modalités de la reconstruction. La solution la plus efficace sera l’aide budgétaire massive et sans condition à <a href="https://www.karthala.com/accueil/3370-tisser-le-temps-politique-au-maroc-9782811127657.html">l’État marocain</a>. Seul l’État est à même de reconstruire les routes, les réseaux d’eau potable, d’électricité, et les infrastructures agricoles.</p>
<p>Cette reconstruction pèsera très lourdement sur les finances publiques marocaines, qui sont actuellement dans une situation très difficile. <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/au-maroc-la-tension-sociale-monte-face-a-l-inflation-galopante-958277.html">L’inflation</a>, même si elle est plus modérée que dans d’autres pays de la zone, rogne le pouvoir d’achat des ménages. Le gouvernement maintient un équilibre fragile, principalement grâce aux remises des Marocains résidant à l’étranger et aux devises touristiques. Ces deux mannes permettent de réduire le déficit commercial, mais pas le déficit budgétaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213668/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Goeury a reçu des financements du Fonds National Suisse, dans le cadre du dispositif “Encouragement de projets en sciences humaines et sociales (Division I)” "Régénération des régions oasiennes. Vers une convergence des dimensions techniques, institutionnelles et écologiques des écosystèmes ?" (2022-2025) et de la ville de Paris, dans le cadre du dispositif de soutien à la recherche "Emergence(s)", pour le projet "Lieux d'histoires, lieux de mémoires interconfessionnels des communautés oasiennes. Maroc-Israël-Europe-Amérique du Nord" (2022-2026)</span></em></p>
Pour analyser les effets du séisme et évaluer la réponse des autorités, il est indispensable de bien comprendre la réalité géographique, économique et sociale de la zone touchée.
David Goeury, Géographe, membre du laboratoire Médiations / Sciences des liens, sciences de lieux, Sorbonne Université
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2023-08-29T16:31:02Z
2023-08-29T16:31:02Z
Il y a 100 ans, le paquebot André Lebon témoin du séisme du Kanto au Japon
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545243/original/file-20230829-15-oh1h42.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C2%2C937%2C592&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mis en service en 1915, le paquebot André Lebon mesure 161 mètres de long. Il est affecté par les Messageries Maritimes à la ligne dite d'extrême-orient. </span> <span class="attribution"><span class="source">French Lines & Compagnies</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Il est 11h58 à Yokohama. Le temps est lourd et chaud, un typhon approche sur l’océan. Sur le port, on s’affaire autour du paquebot français <a href="https://www.messageries-maritimes.org/alebon.htm"><em>André Lebon</em></a>. Soudain, la terre tremble. Par deux fois, pas plus d’une minute. « Le navire a été secoué de mouvements frénétiques », rapporte le commandant Cousin. « Presque toutes les amarres ont été rompues comme des brins de fil ».</p>
<p>Ce séisme, dont la magnitude a plus tard été estimée à 7,9 sur <a href="https://www.irsn.fr/savoir-comprendre/surete/comment-mesure-t-force-seismes">l’échelle de Richter</a>, est probablement le plus meurtrier de l’histoire du Japon. Plus de 100 000 morts, près de deux millions de sans-abri et de considérables dommages qui culminent à quatre fois le budget du pays tout entier. Des archives conservées dans l’établissement <a href="https://www.frenchlines.com/">French Lines et Compagnies</a>, au Havre, permettent de reconstituer les événements du point de vue du navire français, bloqué en rade de Yokohama pendant la tragédie. L’occasion de s’intéresser au rôle et à la réactivité humanitaire, sanitaire et diplomatique des paquebots, véritables outils de la mondialisation à cette époque.</p>
<h2>Une succession de catastrophes</h2>
<p>Pour le navire des <a href="https://www.messageries-maritimes.org/">Messageries Maritimes</a>, la <a href="https://www.polarsteps.com/FrenchLinesetCompagnies/3468046-andre-lebon-messageries-maritimes-annee-1923">traversée depuis Marseille</a> entamée le 13 juillet n’a pas été une promenade de santé. Peu après Singapour, un feu se déclare dans les soutes. Lors du passage à Hongkong, le paquebot subit un typhon particulièrement violent. La collision est évitée de justesse avec un navire à la dérive. Quatre jours plus tard, le bateau essuie un nouveau typhon au large de Shanghai. <em>André Lebon</em> arrive à Yokohama le 29 août, éprouvé par le voyage. Des réparations sont nécessaires. Les machines du navire ainsi que le guindeau (qui permet de descendre et remonter l’ancre) sont démontés et diverses pièces se trouvent à terre.</p>
<p>Le 1<sup>er</sup> septembre 1923, les témoins vivent avec horreur une succession de catastrophes. Dans la foulée du tremblement de terre, de gigantesques glissements de terrain déferlent sur Kanagawa et un tsunami détruit la baie de Sagami. Bien plus que les secousses, que les spécialistes estiment être responsables de seulement 10 % des destructions, c’est le feu qui est dévastateur. À travers la poussière et la fumée, l’équipage voit affluer vers le navire une population désemparée. « Beaucoup de blessés, de femmes et d’enfants. Un assez grand nombre était à moitié nu », note le commissaire du bord Clermont.</p>
<p>Fuyant les destructions et les incendies, des milliers de personnes accourent vers le port. Le commandant Cousin ordonne d’accueillir sans distinction toutes celles et ceux qui demandent asile. Un élan qui ne va pas de soi puisque des témoignages rapportent que d’autres navires retirent les échelles de coupée, de peur d’être submergés. Suivent des manœuvres compliquées – car sans machines ! – pour s’éloigner du quai en feu, sans percuter les autres navires. De nouvelles secousses sont ressenties. Stimulés par le typhon qui souffle en parallèle sur la baie de Tokyo, de multiples incendies se propagent rapidement. Les vents excitent les braises pendant trois jours sur un territoire déjà ravagé.</p>
<h2>Jusqu’à 2 500 réfugiés à bord</h2>
<p>À bord d’<em>André Lebon</em>, le nombre de réfugiés atteint 1 552 à la fin de la première journée. Le commissaire du bord peine à suivre le flux ; le lendemain, ils sont peut-être entre 2 000 et 2 500. De son côté, le navire canadien <a href="https://hdl.handle.net/2027/njp.32101057701623"><em>Empress of Australia</em></a> porte assistance à plus de 2 000 survivants. Le docteur Charles Guibier est débordé. Il est assisté par le Dʳ Kagoshima, lui-même rescapé après la destruction de sa maison. Les blessés les plus graves sont centralisés sur un navire de la P&O, <em>Dongola</em>. Quelques médecins, dont le Français, s’y relaient toute la nuit pour opérer.</p>
<p>Pendant quatre jours le navire est livré à lui-même pour sustenter les naufragés terrestres. Le commissaire du bord ayant fait embarquer trois jours de provisions la veille du séisme, des repas peuvent être improvisés « de pain et de jambon pour les Européens et de riz et de viande en conserve pour les indigènes ». La presse nippone retiendra les largesses du navire français quant aux rations distribuées. Par ailleurs, la répartition des réfugiés dans les cabines reflète la hiérarchie raciale et sociale communément admise à l’époque : « Les Européens furent placés dans les cabines de 1<sup>e</sup> classe, les notables Japonais, femmes et enfants surtout, dans celles de seconde, les femmes et les enfants chinois en 3<sup>e</sup> ».</p>
<p>« Yokohama n’existe plus, » note sobrement le commandant. Toute la région est détruite. Le séisme a été d’une telle intensité que la baie de Sagami et une partie de la préfecture de Chiba ont été soulevées jusqu’à deux mètres, tandis qu’autour de Tokyo et du mont Tanzawa, le sol s’est enfoncé d’un à deux mètres.</p>
<p>L’effroi cède place aux pillages, aux règlements de compte, puis aux récupérations. Pour certains mouvements politiques, c’est l’occasion de dénoncer la décadence et la frivolité de ces secteurs portuaires en contact avec les Occidentaux, et donc une opportunité de renforcer le pouvoir impérial qui préfigure les dérives autoritaires des années 1930. La <a href="https://www.persee.fr/doc/ebisu_1340-3656_1999_num_21_1_1630">minorité coréenne est prise pour cible</a> : des milices armées se forment avec l’appui tacite des pouvoirs locaux et environ 6 000 Coréens sont massacrés.</p>
<h2>Un paquebot devenu ambassade</h2>
<p>L’ambassadeur de France alors en poste au Japon n’est autre que l’écrivain Paul Claudel. Il trouve refuge à bord d’<em>André Lebon</em> au matin du deuxième jour, avec une partie de son équipe. Ils ont marché toute la nuit « à travers la ville en flamme ». C’est le titre que l’homme de lettres donnera à <a href="https://www.persee.fr/doc/ebisu_1340-3656_1999_num_21_1_1624">son récit des événements</a>. Le consul en poste à Yokohama, quant à lui, a péri sous les décombres de sa résidence.</p>
<p>Pendant dix jours, l’ambassade et le consulat de France – ainsi que le consulat russe – opèrent depuis le navire. Sous l’impulsion de Paul Claudel, le paquebot participe aux secours. Il organise notamment à bord une vaste garderie pour les enfants. Biscuits de mer et eau douce sont distribués aux riverains sinistrés. Le navire donne à l’ambassadeur la souplesse nécessaire pour mettre en œuvre une diplomatie réactive et remarquée. D’après <a href="https://www.honorechampion.com/fr/9494-book-08532978-9782745329783.html">Michel Wasserman</a>, Claudel tire habilement parti de la situation. La création de la Maison franco-japonaise, l’année suivante, est considérée comme l’aboutissement de ses objectifs au Japon.</p>
<p>Plus prosaïquement, le commissaire du bord consacre toute son énergie à trouver des vivres. Une page entière de son rapport est dédiée à la bravoure du cambusier Joseph Kineider qui sauve des flammes des barriques de vin entreposées sur le quai, prêtes à être embarquées au moment du séisme. La scène est à la fois épique et cocasse. Pour éviter les pillages, le marin prend des armes, plante le drapeau tricolore sur une embarcation et rame vers le quai en ruine. Les barriques encore intactes sont poussées à l’eau puis réunies en chapelet pour être tirées vers le paquebot. Kineider est accueilli en héros.</p>
<h2>Une maquette pour la postérité</h2>
<p>Après avoir essuyé une pluie de flammèches et repoussé les incendies des chalands qui dérivaient vers le navire le premier jour, <em>André Lebon</em> doit faire face à un péril plus grave encore le lendemain. Les réserves de mazout du port de Yokohama se déversent dans la rade et prennent feu, suscitant un brasier géant sur l’eau. Un immense mur de flammes se rapproche du navire, désemparé sans ses machines. Le commandant Cousin ordonne alors une série de manœuvres et, avec l’aide d’un canot à moteur qui permet de déplacer l’amarre, le navire s’éloigne <em>in extremis</em> de l’incendie. Le commandant du <em>Empress of Australia</em> admire « a most marvellous escape ».</p>
<p>Alors que la plupart des navires prennent le large, <em>André Lebon</em> doit achever ses réparations. Le paquebot ne quitte Yokohama que le 11 septembre. L’ambassadeur félicite le commandant pour l’activité déployée au cours des événements, ajoutant que « la Compagnie des Messageries Maritimes a ajouté une belle page à son histoire ancienne et glorieuse ». Un épisode dont les Japonais se souviennent : en 1961, le tout nouveau <a href="https://marinetower.yokohama/">Yokohama Marine Museum</a> souhaite étoffer ses collections par l’ajout d’une maquette du paquebot français. La compagnie s’empresse évidemment d’offrir cet objet, encore visible sur place.</p>
<p>Du point de vue maritime et international, cet épisode symbolise à bien des égards le glissement d’une diplomatie de la canonnière – qui consiste, dans la deuxième moitié du XIX<sup>e</sup> siècle, à forcer l’ouverture de pays étrangers avec la menace de navires de guerre – à une autre forme d’influence maritime, plus discrète et pacifique, que l’on pourrait qualifier de diplomatie du paquebot.</p>
<img src="https://counter.theconversation.com/content/208796/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Drémeaux a reçu des financements de la Commission européenne dans le cadre des Marie Skłodowska-Curie Actions (MSCA). </span></em></p>
Le 1ʳᵉ septembre 1923, la terre tremble au Japon. Amarré à Yokohama, le paquebot français André Lebon est témoin et acteur d’une catastrophe qui marque profondément le Japon contemporain.
François Drémeaux, Enseignant-chercheur en histoire contemporaine, Université d'Angers
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/208521
2023-06-28T20:06:35Z
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Que sait-on du séisme de La Laigne, en Charente-Maritime ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/534546/original/file-20230628-19-tdlq97.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C10%2C2399%2C2034&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dégâts sur la commune de La Laigne.</span> <span class="attribution"><span class="source">JC Audru, BRGM </span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Un fort séisme est survenu le 16 juin à 18h38, à 11 kilomètres au nord de Surgères et à 35 km à l’est de La Rochelle. Ce séisme a été ressenti dans une grande partie de l’ouest de la France, de Bordeaux au sud à Caen au nord, et jusqu’à Clermont-Ferrand à l’est. Plusieurs répliques ont été enregistrées à ce jour, les deux plus importantes ayant eu lieu le 17 juin à 04h27 et 09h31.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/534303/original/file-20230627-17-nwkae3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="mur effondré" src="https://images.theconversation.com/files/534303/original/file-20230627-17-nwkae3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534303/original/file-20230627-17-nwkae3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=905&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534303/original/file-20230627-17-nwkae3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=905&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534303/original/file-20230627-17-nwkae3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=905&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534303/original/file-20230627-17-nwkae3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1137&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534303/original/file-20230627-17-nwkae3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1137&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534303/original/file-20230627-17-nwkae3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1137&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des dommages structuraux et non-structuraux ont été infligés par le séisme de La Laigne sur les bâtiments de la région.</span>
<span class="attribution"><span class="source">BRGM-JC Audru</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La magnitude de moment du séisme est évaluée entre 4,8 et 4,9 d’après l’<a href="https://www.oca.eu/fr/">Observatoire de la Côte d’Azur</a> et l’<a href="https://www.ipgp.fr/">Institut de Physique du Globe de Paris</a>. Cette magnitude relativement importante du séisme, combinée à une très faible profondeur du foyer estimée à <a href="https://renass.unistra.fr/fr/evenements/fr2023lznjuc/">seulement 3 kilomètres</a>, s’est traduite par une forte intensité des secousses dans la région épicentrale : à ce jour, le Bureau central sismologique français estime l’<a href="https://www.franceseisme.fr/nseisme.php?IdSei=1192">intensité épicentrale à 7 sur une échelle 12</a> (communication personnelle des auteurs).</p>
<p>Ce niveau d’intensité correspond au niveau à partir duquel des dommages modérés peuvent apparaître sur les bâtiments les plus vulnérables. Et effectivement, les <a href="https://www.brgm.fr/fr/actualite/actualite/seisme-laigne-charente-maritime-premieres-analyses">remontées de terrain montrent des dommages dans la zone épicentrale</a> autour de la commune de La Laigne en Charente-Maritime.</p>
<p>La communauté scientifique est fortement mobilisée et des <a href="https://www.resif.fr/blog/2023/06/19/seismes-de-la-laigne-un-week-end-tres-actif-pour-la-communaute-terre-solide/">déploiements instrumentaux sont en cours depuis le 17 juin</a> sur la zone épicentrale pour enregistrer les répliques et améliorer la compréhension du phénomène. Ces travaux permettront de mieux comprendre les mécanismes en jeu au niveau de la faille qui a rompu et les impacts liés au séisme.</p>
<h2>Des failles et des sédiments</h2>
<p>La région touchée par le séisme se situe sur la bordure nord du bassin d’Aquitaine au sud des reliefs du massif sud-armoricain. La zone épicentrale se situe approximativement à mi-distance entre La Rochelle et Niort.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/534339/original/file-20230627-15-w4qdi6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Reliefs du Massif armoricain, recoupés par les grands systèmes de failles" src="https://images.theconversation.com/files/534339/original/file-20230627-15-w4qdi6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534339/original/file-20230627-15-w4qdi6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534339/original/file-20230627-15-w4qdi6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534339/original/file-20230627-15-w4qdi6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534339/original/file-20230627-15-w4qdi6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534339/original/file-20230627-15-w4qdi6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534339/original/file-20230627-15-w4qdi6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Reliefs du Massif armoricain traversé par des grands accidents tectoniques hercyniens, recoupés par les grands systèmes de failles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Isabelle Thinon, topographie via l’IGN ; bathymétrie via Emodnet</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Les formations géologiques du sous-sol sont constituées d’une couche sédimentaire de calcaires marneux et argileux d’environ 150 à 200 mètres d’épaisseur, qui datent du Jurassique (c’est-à-dire entre environ 175 et 150 millions d’années). Cette couche est faiblement plissée vers le sud-sud-ouest. Ces sédiments sont recouverts localement par au moins 2 à 10 mètres d’argiles (illite et kaolinite dominantes) d’origine fluvio-marine, déposées il y a 19 000 ans lors de la remontée du niveau marin dans les dépressions du marais poitevin. Ce niveau superficiel d’argiles a pu induire un « effet de site » amplificateur du mouvement sismique : en présence d’une couche de terrain meuble en surface, les ondes sismiques peuvent être piégées, ce qui amplifie le mouvement sismique.</p>
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<p>Ce type d’effets s’est produit par exemple lors du séisme de Michoacán le 19 septembre 1985, séisme qui a produit des dommages considérables sur la ville de Mexico, pourtant située à plus de 350 kilomètres de l’épicentre.</p>
<p>Si le contexte géodynamique est <a href="https://convergent-margins.com/orogen/">globalement connu à l’échelle des plaques lithosphériques</a>, la connaissance géologique du sous-sol à l’échelle de la région des Charente-Maritime et régions avoisinantes, à la fois sur terre et en mer, ne permet pas aujourd’hui d’affilier ce séisme à une faille précise.</p>
<p>Plusieurs équipes à <a href="https://www.franceseisme.fr/donnees/intensites/2023/230616_1638/xy_p_wpinversion.pdf">Strasbourg</a>, à <a href="https://twitter.com/umrGeoazur/status/1671814993937924097">Nice</a> et en <a href="https://geofon.gfz-potsdam.de/">Allemagne</a> ont déterminé les géométries possibles du plan de faille responsable du séisme à partir des ondes sismiques enregistrées à distance sur des sismomètres : on parle de <a href="https://eduterre.ens-lyon.fr/thematiques/terre/montagnes/extension/meca%20foyer">« mécanismes au foyer »</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/534302/original/file-20230627-21-vo0b2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma de faille en décrochement" src="https://images.theconversation.com/files/534302/original/file-20230627-21-vo0b2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534302/original/file-20230627-21-vo0b2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534302/original/file-20230627-21-vo0b2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534302/original/file-20230627-21-vo0b2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534302/original/file-20230627-21-vo0b2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534302/original/file-20230627-21-vo0b2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534302/original/file-20230627-21-vo0b2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Faille en décrochement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:FailleDecrochement.png">R. Lacassin/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Pour le séisme de La Laigne, les résultats indiquent un mécanisme en « décrochement », c’est-à-dire un mouvement relatif ou un glissement entre les deux bords d’une faille verticale ou quasiment verticale. L’orientation de ces plans renseigne les scientifiques sur la faille à l’origine de la rupture sismique.</p>
<p>La région étant historiquement sismique, des études à terre comme en mer au BRGM en collaboration avec des équipes universitaires, initiées il y a quelques années, sont encore en cours pour compléter la connaissance du schéma structural, c’est-à-dire la distribution et le <a href="https://hal.science/insu-01916071/">fonctionnement des failles dans le passé et potentiellement actives dans la région</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/534304/original/file-20230627-15-hl1r78.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="carte des séismes historiques dans la région" src="https://images.theconversation.com/files/534304/original/file-20230627-15-hl1r78.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534304/original/file-20230627-15-hl1r78.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534304/original/file-20230627-15-hl1r78.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534304/original/file-20230627-15-hl1r78.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534304/original/file-20230627-15-hl1r78.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534304/original/file-20230627-15-hl1r78.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534304/original/file-20230627-15-hl1r78.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Carte représentant les séismes historiques connus dans la région du séisme de La Laigne du 16 juin 2023. Les couleurs indiquent l’intensité macrosismique des séismes historiques. Les lignes noires indiquent la position des failles actives connues dans la région.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Johanna Vieille, base de données SisFrance et BDFA</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cependant, localement, certaines failles n’ont pas encore été cartographiées car non observables en surface, parce qu’elles sont recouvertes par des terrains sédimentaires récents ou la végétation. C’est possiblement le cas pour la faille responsable du séisme de La Laigne. Des investigations avec acquisitions de données plus ciblées (structurale, géophysique, géomorphologique, etc.) seraient nécessaires pour comprendre plus finement le contexte du séisme de La Laigne.</p>
<h2>Des séismes historiques dans la région</h2>
<p>La région est associée à une sismicité modérée, induite par la réactivation d’anciennes failles dans le contexte actuel de convergence des plaques Afrique et Europe. Elle est marquée par des événements historiques dont les plus importants ont généré des dommages, comme l’attestent les études menées par les historiens sur les écrits et documents anciens.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="carte d’isoséistes" src="https://images.theconversation.com/files/534307/original/file-20230627-15-qco6bk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534307/original/file-20230627-15-qco6bk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534307/original/file-20230627-15-qco6bk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534307/original/file-20230627-15-qco6bk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534307/original/file-20230627-15-qco6bk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534307/original/file-20230627-15-qco6bk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534307/original/file-20230627-15-qco6bk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les intensités recensées pour les séismes d’Oléron de 1972 et de Luçon de 1780 dans la base de données de sismicité historique Sisfrance (BRGM/EDF/IRSN). L’échelle compte 12 niveaux, le violet représente la fourchette 2-3 ; le rouge la fourchette 7-8. Le séisme de juin 2023 est pour l’instant évalué au niveau 6.</span>
<span class="attribution"><span class="source">base de données SisFrance</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les séismes de <a href="https://www.sisfrance.net/seismes/details/170079">1972 à l’île d’Oléron</a>, de <a href="https://www.sisfrance.net/seismes/details/790006">1772 à Parthenay</a>, de <a href="https://www.sisfrance.net/seismes/details/860007">1780 vers Luçon</a>, ou de <a href="https://www.sisfrance.net/seismes/details/170047">1835 dans le Haut Poitou</a>, sont les événements répertoriés les plus importants de la zone. Lors du séisme d’Oléron en 1972 par exemple, les journaux de l’époque font état de <a href="https://www.sudouest.fr/charente-maritime/saint-pierre-d-oleron/seisme-quand-l-ouest-de-la-france-et-la-charente-maritime-tremblerent-le-7-septembre-1972-10370822.php">dégâts sur les phares de Chassiron et d’Antioche</a>.</p>
<p>Ces événements historiques, emblématiques du potentiel sismogène de la zone, sont distribués dans un périmètre d’une cinquantaine de kilomètres autour de la zone épicentrale. Comme le séisme du 16 juin 2023, ils sont associés à des <a href="https://www.sisfrance.net/glossaire">« intensités macrosismiques »</a> témoignant de dégâts dans la zone épicentrale. L’intensité macrosismique est la quantification de la puissance d’un tremblement de terre en un point particulier de la surface du sol sur les personnes, les constructions et l’environnement, à partir d’une estimation statistique des effets engendrés en ce lieu.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/536034/original/file-20230706-15-1emwuj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="tableau des séismes historiques" src="https://images.theconversation.com/files/536034/original/file-20230706-15-1emwuj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536034/original/file-20230706-15-1emwuj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=163&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536034/original/file-20230706-15-1emwuj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=163&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536034/original/file-20230706-15-1emwuj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=163&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536034/original/file-20230706-15-1emwuj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=205&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536034/original/file-20230706-15-1emwuj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=205&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536034/original/file-20230706-15-1emwuj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=205&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les séismes historiques dans la région. Les magnitudes de moment estimées Mw sont extraites de l’article de Manchuel et collaborateurs, et les intensités épicentrales I0 sont issues du catalogue Sisfrance (BRGM/EDF/IRSN), sauf celle du séisme de 2023, communication personnelle de auteurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Elsa Couderc et Anne Lemoine</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les séismes d’Oléron de 1972 ou de Luçon de 1780 semblent avoir été d’une <a href="https://www.franceseisme.fr/nseisme.php?IdSei=1192">ampleur équivalente à celui du 16 juin 2023</a>, aussi bien en termes de magnitude, d’intensité épicentrale que de distribution spatiale des intensités macrosismiques, comme indiquées sur le tableau.</p>
<p>Notons que des séismes similaires aux séismes de magnitude supérieure ou égale à 5 mentionnés ci-dessus peuvent se produire dans l’ensemble de la région, y compris autour de la commune de La Laigne, où seuls des événements plus modérés avaient été répertoriés jusqu’au 16 juin dernier – par exemple le <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10518-017-0236-1">séisme du 5 avril 1950 associé à une magnitude de moment Mw 3,4</a> et à une <a href="https://www.sisfrance.net/seismes/details/170075">intensité épicentrale 5</a>.</p>
<p>Quatre ans après le <a href="https://theconversation.com/ce-que-le-seisme-du-teil-nous-apprend-sur-le-risque-sismique-en-france-metropolitaine-150988">séisme qui a frappé la commune du Teil</a>, le séisme de La Laigne nous rappelle l’importance de mieux comprendre le comportement des failles actives dans les régions associées à une sismicité modérée. L’évaluation de l’aléa sismique dans un tel contexte reste complexe mais primordiale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208521/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Le 16 juin, un séisme a frappé l’ouest de la France, dans une région dont la sismicité modérée est assez bien connue.
Agathe Roullé, Responsable de l'Equipe Risques Sismique et Volcanique, BRGM
Anne Lemoine, Chercheure en sismologie, BRGM
Caterina Negulescu (BRGM), ingénieur génie civil et risques, BRGM
Isabelle Thinon, Chercheur géologue-géophysicienne marine, BRGM
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/203191
2023-04-13T17:49:53Z
2023-04-13T17:49:53Z
Séisme en Turquie : Pourquoi autant de dégâts et d’impuissance ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/519941/original/file-20230407-22-g3cadh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C8192%2C5457&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le tremblement de terre du 6&nbsp;février 2023, qui a frappé une zone frontalière turco-syrienne, a fait plus de 50&nbsp;000 morts.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/turkey-earthquake-kahramanmaras-gaziantep-adana-hatay-2261981611">FreelanceJournalist/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>À un mois de <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20230310-pr%C3%A9sidentielle-en-turquie-l-opposition-unie-face-%C3%A0-un-erdogan-plus-fragilis%C3%A9-que-jamais">l’élection présidentielle en Turquie</a>, le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan essuie de nombreuses critiques du fait de sa gestion du <a href="https://theconversation.com/seisme-en-turquie-la-catastrophe-humanitaire-sexplique-aussi-par-la-corruption-generalisee-200568">tremblement de terre du 6 février dernier</a>, qui a provoqué un traumatisme national. Dans les heures suivant la catastrophe, la société civile s’est mobilisée en un temps record pour envoyer de l’aide humanitaire dans la région. L’État, lui, a semblé tétanisé, et n’a commencé à réagir qu’au bout de 48 heures.</p>
<p>Chacun a pu constater que l’État n’était pas vraiment préparé à un plan d’action d’urgence en cas de séisme de grande ampleur et que ses services étaient largement dysfonctionnels. Au-delà, la catastrophe a également mis en évidence les immenses lacunes de la Turquie en matière de mise en œuvre d’une urbanisation rationnelle tenant compte du <a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-y-a-des-seismes-en-cascade-en-turquie-et-en-syrie-199350">risque sismique</a>.</p>
<p>Ce risque n’a pourtant rien de nouveau dans le pays, qui a déjà connu, par le passé, des secousses comparables, notamment le <a href="https://www.rfi.fr/fr/europe/20230207-la-turquie-une-longue-histoire-de-s%C3%A9ismes-d%C3%A9vastateurs">séisme d’Elazığ en 1939, qui avait causé la mort de 33 000 personnes</a>. Rien que depuis 1999, la Turquie a subi (si l’on tient compte du 6 février dernier) 11 tremblements de terre d’une magnitude de plus de 6 sur l’échelle de Richter, qui ont causé au total plus de 70 000 morts et des dégâts colossaux.</p>
<p>Pourquoi la Turquie n’arrive-t-elle toujours pas à mettre en place un système de construction fiable et solide et une politique urbanistique adaptée aux réalités géologiques ? Le 6 février en a tragiquement rappelé l’urgence, d’autant que les spécialistes indiquent qu’un séisme de grande ampleur <a href="https://www.courrierinternational.com/article/geologie-istanbul-tarde-a-se-premunir-contre-le-seisme-qui-vient">va très probablement bientôt frapper la métropole d’Istanbul</a> et ses 16 millions d’habitants…</p>
<h2>Cent ans d’urbanisation prenant très peu en compte les risques sismiques</h2>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-mouvements-2017-2-page-54.htm">L’urbanisation</a> a été une priorité de l’État dans les premières années suivant la fondation de la République (1923). Le gouvernement de Mustafa Kemal Atatürk avait alors convié des aménageurs français et allemands pour planifier et développer des villes, notamment la capitale <a href="https://books.openedition.org/ifeagd/2700?lang=fr">Ankara</a>, selon des normes modernes.</p>
<p>Néanmoins, dès la fin des années 1930, cette volonté s’est heurtée à deux phénomènes devenus endémiques jusqu’à nos jours : d’une part, le manque de moyens ; de l’autre, la spéculation et les intérêts fonciers des dirigeants eux-mêmes.</p>
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<p>Dès les années 1940, les politiques d’urbanisation et de logement sont pratiquement devenues lettre morte et les villes se sont développées d’une manière anarchique, les grandes métropoles se couvrant d’habitats informels (gecekondus). Si bien que, dans les années 1990, 72 % des habitants d’Ankara vivaient dans ce type de logements.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/519940/original/file-20230407-26-xepsrk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519940/original/file-20230407-26-xepsrk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519940/original/file-20230407-26-xepsrk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519940/original/file-20230407-26-xepsrk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519940/original/file-20230407-26-xepsrk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519940/original/file-20230407-26-xepsrk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519940/original/file-20230407-26-xepsrk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue de bidonvilles à Ankara.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cem Aytas/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mis à part quelques tentatives infructueuses, les gouvernements ont longtemps laissé faire, et n’ont pas tenté de transformer à grande échelle les gecekondus, craignant une sanction électorale dans ces zones fortement peuplées.</p>
<p>Cette position a évolué à la suite <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-reportage-de-la-redaction/turquie-ao%C3%BBt-1999-17-000-morts-en-moins-de-quarante-secondes-4517831">du grand tremblement de terre de 1999</a> dans la mer de Marmara près d’Istanbul, qui a causé la mort de 16 000 personnes et la destruction de 20 000 bâtiments, et de la <a href="https://www.persee.fr/doc/tiers_1293-8882_2003_num_44_175_5414">crise financière de 2001</a>, qui a provoqué une rupture politique et économique considérable.</p>
<p>Porté au gouvernement après la crise de 2001, le Parti de la justice et du développement (AKP) a massivement utilisé l’argument du risque sismique pour entreprendre de vastes projets urbains : transformation ou rénovation des quartiers informels ou vétustes, construction de grandes infrastructures comme des ponts, des autoroutes et des aéroports. L’idée était de relancer la croissance économique du pays en stimulant le secteur de la construction. Malheureusement, l’urbanisation rapide ainsi mise en œuvre n’a guère pris en compte les normes anti-sismiques, ce qui aurait pu sauver des milliers de vies au vu des séismes qui se sont produits par la suite et qui, pour la plupart, étaient prévisibles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/519051/original/file-20230403-26-mwa3tf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519051/original/file-20230403-26-mwa3tf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519051/original/file-20230403-26-mwa3tf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519051/original/file-20230403-26-mwa3tf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519051/original/file-20230403-26-mwa3tf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519051/original/file-20230403-26-mwa3tf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519051/original/file-20230403-26-mwa3tf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Institution nationale des statistiques de Turquie (TÜIK).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les projets d’urbanisation ont souvent été justifiés par la nécessité d’adapter les bâtiments et infrastructures du pays aux risques sismiques mais, dans les faits, les normes correspondantes n’ont que très peu été appliquées, et ces projets ont surtout servi à enrichir les entreprises proches de l’AKP et, partant, à renforcer le pouvoir en place.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/520272/original/file-20230411-1531-2y20ky.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520272/original/file-20230411-1531-2y20ky.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=219&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520272/original/file-20230411-1531-2y20ky.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=219&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520272/original/file-20230411-1531-2y20ky.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=219&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520272/original/file-20230411-1531-2y20ky.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=275&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520272/original/file-20230411-1531-2y20ky.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=275&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520272/original/file-20230411-1531-2y20ky.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=275&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1111/1468-2427.12154">Erdi-Lelandais, 2014</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>L’urbanisation conduite par l’AKP a abouti à la destruction des gecekondus et au déplacement forcé de leurs habitants vers les marges des villes. Comme le montre le tableau ci-dessus, la construction de nouveaux bâtiments suite à une catastrophe naturelle comme le séisme est restée minime (0,1 %), la priorité étant donnée à l’édification d’immeubles générant de hauts profits et rapportant de l’argent à l’État (75,25 %).</p>
<h2>La centralisation des politiques d’urbanisme</h2>
<p>En termes de construction et de protection contre les désastres naturels, la Turquie possède un arsenal législatif couvrant l’ensemble des domaines de l’urbanisation.</p>
<p>Dès son arrivée au pouvoir, l’AKP décide de restructurer la gouvernance du marché immobilier et de l’urbanisme en renforçant le rôle des institutions étatiques dans ce secteur.</p>
<p>En 2003, il élargit les compétences de l’Administration des Logements Collectifs (TOKI), autorisée à édifier des logements sur les terrains appartenant à l’État. En 2004, la TOKI obtient le pouvoir de procéder à des expropriations dans les zones de rénovation urbaine, d’établir des partenariats avec des entreprises privées et des trusts financiers, et de développer des projets de transformation dans les zones de gecekondus. En 2007, elle devient la seule autorité responsable de la détermination des zones de construction et de la vente des terrains publics. Enfin, en 2012, la « loi sur la transformation des zones à risques de catastrophe » donne au gouvernement les mains libres pour entreprendre des projets de renouvellement, toujours via la TOKI, en utilisant l’argument du « risque ». Les propriétaires des logements situés dans des zones déclarées à risque sont obligés de les vendre à la municipalité ou de les démolir à leurs propres frais.</p>
<p>Depuis le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2017/04/16/le-premier-ministre-turc-proclame-la-victoire-du-oui-au-referendum-constitutionnel_5112199_3210.html">référendum constitutionnel de 2017</a>, le pouvoir politique est plus que jamais centralisé autour du président Erdogan qui gère plusieurs domaines comme la défense, le patrimoine national, les affaires religieuses voire la communication, via des décrets présidentiels, sans passer par le Parlement. Cette centralisation se reflète au niveau local : les mairies métropolitaines deviennent compétentes dans l’ensemble des départements où elles se trouvent, y compris les villages et les zones rurales. Elles peuvent entreprendre des actions d’expropriation ou changer la caractéristique des sols, ouvrant les zones agricoles à la construction.</p>
<h2>Clientélisme et corruption</h2>
<p>Si l’ultra-centralisation aurait pu fournir à l’État la possibilité d’améliorer l’ensemble du parc immobilier du pays de façon à le rendre plus résistant aux séismes, la législation n’a pas été utilisée en ce sens.</p>
<p>L’État a utilisé l’urbanisation et la construction pour faire des profits grâce au développement de projets dans des zones à haute valeur foncière, ces projets étant sous-traités à des entreprises privées de construction « amies » : Limak, Cengiz, Kolin, Kalyon et Makyol… Les dirigeants de ces entreprises figurent dans le cercle rapproché d’Erdogan et constituent ensemble la <a href="https://www.jstor.org/stable/2777096">« machine de croissance » urbaine</a> du pays, selon les termes du sociologue Harvey Molotch.</p>
<p>Le candidat de l’opposition à la prochaine élection présidentielle, <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/turquie/turquie-qui-est-kemal-kilicdaroglu-l-homme-qui-va-defier-recep-tayyip-erdogan-dans-les-urnes_5703293.html">Kemal Kılıçdaroğlu</a>, utilise la formule <a href="https://www.duvarenglish.com/erdogan-sues-main-opposition-chp-leader-kemal-kilicdaroglu-for-1-million-liras-for-calling-him-money-collector-of-five-construction-firms-news-60772"><em>Beşli Çete</em> (Gang des Cinq)</a> pour désigner ces entreprises. Celles-ci accumulent les contrats publics et se sont constitué, d’après l’opposition, une fortune d’environ 418 milliards de dollars attribués uniquement par l’État.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/JwoPBVOVdaE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Cette gouvernance où s’imbriquent et se chevauchent des liens amicaux, familiaux, économiques, financiers mais aussi politiques se retrouve non seulement dans la construction et les infrastructures physiques (transport, facilités portuaires, canalisation, approvisionnement en eau, etc.) mais aussi dans les infrastructures sociales (éducation, culture, technologie…). Mais le secteur de la construction est particulièrement marqué par le clientélisme. Jusqu’à récemment, les constructeurs pouvaient choisir eux-mêmes l’entreprise chargée d’inspecter la conformité de leurs bâtiments aux normes antisismiques.</p>
<p>Les intérêts financiers ont toujours dépassé l’intérêt public et le pouvoir a fermé les yeux pendant des années sur ces relations. Aucun système efficace, susceptible de sanctionner ces dérives, n’a été établi.</p>
<p>Depuis des années, des <a href="https://www.lefigaro.fr/international/turquie-le-seisme-revele-le-manque-d-anticipation-des-autorites-20230207">scientifiques annonçaient l’imminence d’un grand séisme dans la région</a>, mais le gouvernement a fait la sourde oreille et continué d’autoriser la construction de bâtiments au-dessus des lignes de faille.</p>
<p>Le comble a été <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/seisme-en-turquie-et-en-syrie/seisme-en-turquie-une-loi-d-amnistie-a-autorise-durant-plus-de-40-ans-la-construction-illegale-de-logements_5660081.html">l’adoption en 2018 d’une loi rendant légaux les bâtiments construits dans des zones à risques</a> illégalement et sans respecter les normes sismiques. Ce faisant, au lieu de consolider le bâti résistant au séisme, l’État a laissé en place de nombreux bâtiments mal conçus, ce qui a, de fait, augmenté le nombre de pertes humaines le 6 février dernier.</p>
<p>On l’aura compris : l’État turc actuel, ultra-centralisé, focalisé sur les intérêts financiers d’entreprises proches du pouvoir, voit ses institutions publiques de tous les niveaux pratiquement paralysées et incapables d’agir pour réduire les risques sismiques. À chaque niveau, l’accord des supérieurs hiérarchiques est nécessaire, ce qui empêche ainsi un fonctionnement souple. À titre d’exemple, l’envoi de soldats dans la zone du séisme du 6 février pour participer aux opérations de sauvetage a pris deux jours car (en partie à cause de la méfiance envers l’armée consécutive à la <a href="https://theconversation.com/erdogan-la-guerre-tous-azimuts-64916">tentative de putsch de 2016</a>) hormis le président Erdogan, personne n’était habilité à prendre cette décision. La transformation du fonctionnement du système politique et étatique en Turquie apparaît aujourd’hui plus nécessaire que jamais. Il aura fallu les dizaines de milliers de morts du 6 février pour que cette prise de conscience s’opère…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203191/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gülçin Erdi a reçu des financements de l'ANR France pour un projet de recherche sur les villes capitales (SPACEPOL) </span></em></p>
Le bilan du tremblement de terre qui a dévasté le 6 février dernier une zone à cheval entre la Turquie et la Syrie s’explique en partie, côté turc, par des décennies d’urbanisation incohérente.
Gülçin Erdi, Chargée de recherches CItés, TERritoires, Environnement, Sociétés (CITERES), CNRS, Université de Tours
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/203748
2023-04-13T08:30:15Z
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La géophonie, à l’écoute des sons de la Terre
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/520638/original/file-20230412-22-13hdjo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Entendez-vous le doux clapotis des gouttes de pluie ? </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/qCA6EULMskk">Luca Bravo/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p><em>Chercheur en éco-acoustique, Jérôme Sueur part dans son dernier ouvrage <a href="https://www.actes-sud.fr/catalogue/nature-et-environnement/histoire-naturelle-du-silence">« Histoire naturelle du silence », paru le 5 avril 2023 aux éditions Actes Sud</a>, à la recherche de cet espace sonore plein et divers que constitue le silence. Dans le court extrait que nous vous proposons de découvrir ci-dessous, l’auteur s’intéresse plus particulièrement à la « géophonie », qui désigne les sons de la Terre.</em></p>
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<p>La géophonie rassemble les sons issus des quatre éléments d’Empédocle : la terre, l’eau, le feu et le vent. Les textes de John Muir, pionnier de l’écologie du XIX<sup>e</sup> siècle qui évolue dans un univers souvent minéral de haute montagne nord-américaine, illustrent l’importance de ces sons dans la construction des paysages naturels : crissements et fracas des chutes de pierres, chansons et mélodies des cours d’eau, sifflements et <a href="https://www.jose-corti.fr/titres/celebrations-de-la-nature.html">bruissements du vent dans les séquoias et pins géants</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/leco-acoustique-ecouter-la-nature-pour-mieux-la-preserver-129376">L’éco-acoustique, écouter la nature pour mieux la préserver</a>
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<p>Les sons de la Terre sont probablement les plus ancrés dans l’histoire de la vie même si nous ne les percevons pas tous. Il en va ainsi de vibrations telluriques que seuls les sismomètres mettent en évidence. La Terre est parcourue en permanence d’ondes faibles mais régulières. Tout d’abord, des oscillations libres sont observées toutes les deux à huit minutes, probablement liées à des mouvements des océans de très basses fréquences.</p>
<p>À ces oscillations s’ajoute une pulsation régulière enregistrée toutes les vingt-six secondes et qui se propage à travers la Terre à une vitesse de plus de 3 kilomètres par seconde. L’origine géographique de cet autre son tellurique a été localisée dans le golfe de Guinée, proche de l’île de São Tomé, et son origine mécanique serait la conséquence du choc de vagues de l’océan Atlantique sur la croûte terrestre.</p>
<p>Enfin, la Terre est parcourue de microséismes qui sont eux aussi liés aux océans, mais cette fois-ci aux vagues de houle régulières ou issues de tempêtes dont les fréquences sont de l’ordre de quelques dizaines de millihertz. Ainsi, les mouvements des océans, qu’ils soient lents et globaux ou rapides et locaux, génèrent un bouquet d’ondes sismiques qui font vibrer notre planète en permanence et la rendent intrinsèquement sonore.</p>
<p>Les séismes terrestres et sous-marins génèrent des ondes qui sont à l’évidence perceptibles par tous. De nombreuses observations rapportent des comportements de stress ou de fuite de poissons, d’amphibiens, de reptiles, d’oiseaux et de mammifères qui précèdent les catastrophes, c’est-à-dire avant que les murs tremblent ou que les vagues s’abattent sur les plages. Ces animaux seraient ainsi capables de percevoir des signes géophysiques précurseurs, les ondes dites primaires (P) qui voyagent longitudinalement et plus rapidement que les ondes secondaires (S) dont le mouvement de cisaillement détruit plus.</p>
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<img alt="Un iceberg" src="https://images.theconversation.com/files/520641/original/file-20230412-26-d6rig7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520641/original/file-20230412-26-d6rig7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520641/original/file-20230412-26-d6rig7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520641/original/file-20230412-26-d6rig7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520641/original/file-20230412-26-d6rig7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520641/original/file-20230412-26-d6rig7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520641/original/file-20230412-26-d6rig7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Quand l’iceberg fait entendre sont craquement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/Tno1Zd3T6yY">Annie Spratt/Unsplash</a></span>
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<p>Moins dramatiques, les éléments aquatiques des paysages naturels produisent des sons tout à fait audibles par la plupart des animaux : le ressac de la mer, les remous d’une rivière ou d’un torrent, le fracas d’une cascade, la fonte de la neige, le mouvement d’un glacier, la fracture d’un iceberg. L’eau par son mouvement ou ses changements d’état vibre et fait vibrer autour d’elle. Tous ces sons participent aux signatures acoustiques de paysages et peuvent servir de repères sonores pour les déplacements ou la recherche d’un point d’eau.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/a-lecoute-du-chant-des-glaciers-qui-fondent-196816">À l’écoute du chant des glaciers qui fondent</a>
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<p>Les phénomènes météorologiques génèrent aussi de nombreux sons. La neige qui tombe doucement du ciel ou des arbres à la grande fonte crée des sons doux et le tapis neigeux a une influence sur les paysages sonores, absorbant les autres sons. La pluie, tombant parfois sous la forme d’un orage tonitruant, est une composante importante des paysages sonores, surtout en forêt tropicale : le choc de l’eau sur la végétation produit un tel brouhaha qu’il devient impossible de parler. </p>
<p>La pluie qui martèle le sol a un effet connu chez certains animaux : elle fait notamment émerger les vers de terre et sortir les grenouilles enfouies dans le sable. Des chauves-souris (<em>Micronycteris microtis, Molossus molossus</em>) attendent que le son de la pluie cesse avant de sortir de leurs refuges pour aller chasser et la chouette hulotte (<em>Strix aluco</em>) est perturbée par le son de la pluie, chantant moins les nuits pluvieuses que les nuits sèches.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/520640/original/file-20230412-18-sob2r9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Couverture de l’ouvrage « Histoire naturelle du silence »" src="https://images.theconversation.com/files/520640/original/file-20230412-18-sob2r9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520640/original/file-20230412-18-sob2r9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1133&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520640/original/file-20230412-18-sob2r9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1133&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520640/original/file-20230412-18-sob2r9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1133&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520640/original/file-20230412-18-sob2r9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520640/original/file-20230412-18-sob2r9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520640/original/file-20230412-18-sob2r9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Paru le 5 avril 2023.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.actes-sud.fr/catalogue/nature-et-environnement/histoire-naturelle-du-silence">Actes Sud</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Le vent est une autre force sonore des environnements naturels. Le vent n’est rien acoustiquement s’il ne rencontre pas des obstacles. Ce sont les corps végétaux et animaux qui le révèlent. Les troncs, les tiges, les branches et les feuilles penchent, bougent, vibrent avec le vent et leurs mouvements se font sonores. Ils deviennent les instruments et les interprètes du vent. Les corps, les nôtres, les leurs, créent des courants d’air, des vortex qui deviennent sonores. Le vent gêne la communication sonore. Ainsi les adultes de manchot empereur (<em>Aptenodytes patagonicus</em>) doivent plus souvent <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspb.1999.0824">répéter leur cri de retrouvaille après une excursion en mer</a> quand le vent souffle sur la banquise.</p>
<p>[…]</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203748/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Sueur ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La géophonie rassemble les sons issus des quatre éléments d’Empédocle : la terre, l’eau, le feu et le vent.
Jérôme Sueur, Maître de conférences, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/200568
2023-02-23T20:32:02Z
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Séisme en Turquie : la catastrophe humanitaire s’explique aussi par la corruption généralisée
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/511962/original/file-20230223-2744-jvfo37.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=187%2C0%2C1088%2C720&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au moins 45&nbsp;000 personnes ont trouvé la mort après le séisme de magnitude 7,8 sur l’échelle de Richter qui a frappé la Turquie et la Syrie début février.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:2023_Turkey–Syria_earthquake_montage.jpg#/media/File:2023_Turkey_Earthquake_Damage.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 6 février 2023, un séisme de magnitude <a href="https://earthquake.usgs.gov/earthquakes/eventpage/us6000jllz/executive">7,8 sur l’échelle de Richter</a> a frappé la Syrie et la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/turquie-21579">Turquie</a>, détruisant notamment Antakya (l’antique cité d’Antioche). Pour les assureurs, il s’agit d’un « act of god », une catastrophe naturelle sans cause humaine, mais l’ampleur des victimes avec 45 000 décès recensés à ce jour (et peut-être plus de 100 000 avec les disparus) et des millions de sinistrés a très vite suscité la colère des Turcs contre l’exécutif.</p>
<p>En réponse, le pouvoir a dénoncé leur indécence face à la « catastrophe du siècle » qui ne serait due qu’à <a href="https://www.mediapart.fr/journal/international/160223/seisme-en-turquie-la-colere-prend-le-pas-sur-le-deuil">« la main du destin »</a> selon le président Recep Tayyip Erdogan. Les autorités ont très vite <a href="https://www.lemonde.fr/en/international/article/2023/02/08/twitter-down-in-turkey-as-quake-response-criticism-mounts_6014930_4.html">coupé le réseau Twitter</a> comme de nombreux sites Internet et procédé à <a href="https://www.washingtonpost.com/world/2023/02/08/erdogan-turkey-aftermath-earthquake-politics/">l’arrestation des critiques des secours</a> puis le Conseil supérieur de la radio-télévision a sanctionné le 22 février <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/02/22/seisme-trois-medias-turcs-sanctionnes-pour-avoir-critique-le-pouvoir_6162898_3210.html">trois chaines de télévision</a> qui avaient blâmé le gouvernement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1624740523733819395"}"></div></p>
<p>Les risques sismiques dans la région étaient en effet parfaitement <a href="https://www.bbc.com/news/world-europe-64566296">connus des scientifiques</a>, comme le rappelait le sismologue néerlandais Frank Hoogerbets du Solar System Geometry Survey (SSGEOS) dans un tweet du 3 février dernier « tôt ou tard il y aura un séisme d’une magnitude d’environ 7,5 dans cette région ».</p>
<p>Les accusations se sont ainsi rapidement cristallisées sur l’autorité de gestion d’urgence des catastrophes naturelles, l’AFAD, créée en 2009 et dirigée par Ismail Palakoglu, un diplômé d’une faculté de théologie qui a réalisé l’essentiel de sa carrière au ministère des Affaires religieuses et dénué de compétences dans le domaine. Les équipes d’aide internationales ont d’ailleurs déploré la désorganisation des premiers secours et le peu d’appui de l’AFAD dans leur travail.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1621479563720118273"}"></div></p>
<p>Le gouvernement a même tenté d’entraver l’aide civile : le ministre de l’Environnement, de l’urbanisation et du changement climatique, Murat Kurum, a ainsi décrété que les dons ne pourront être collectés que par l’intermédiaire de l’AFAD et que le <a href="https://rojinfo.com/le-gouvernement-turc-entrave-laide-aux-regions-sinistrees-par-le-seisme/">matériel de secours des organisations non gouvernementales (ONG) sera confisqué</a>.</p>
<h2>Engagements non tenus</h2>
<p>Quand l’actuel président <a href="https://theconversation.com/fr/topics/recep-tayyip-erdogan-21581">Recep Tayyip Erdogan</a> est devenu premier ministre en 2003, quatre ans après le séisme d’Izmit qui avait fait <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Seisme-Turquie-1999-tremblement-terre-dIzmit-faisait-17-000-morts-2023-02-07-1201254106">plus de 17 000 victimes</a>, il s’était engagé à renforcer les normes de construction et les constructions existantes. Pourtant, fin 2022, après un séisme de magnitude 5,9, l’Union des architectes et ingénieurs turcs affirmait dans un communiqué que « la Turquie avait <a href="https://time.com/6253208/turkey-earthquake-syria-updates/">échoué à prendre les mesures nécessaires</a> en cas de tremblement de terre », relevant de sérieux problèmes dans la conception, la construction et le contrôle des bâtiments.</p>
<p>Les premiers responsables de la fragilité des bâtiments sont les promoteurs qui cherchent systématiquement à réduire leurs coûts de construction en employant massivement le béton peu cher et en limitant la quantité d’acier destinée à le renforcer.</p>
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<p>Les dispositifs antisismiques existent pourtant depuis longtemps, comme en atteste la résistance des bâtiments dans des pays à haut risque sismique comme le Japon et le Chili où on a dénombré <a href="https://lepetitjournal.com/istanbul/actualites/seisme-en-turquie-linevitable-questionnement-du-respect-des-normes-de-construction-356572">525 morts et disparus</a> dans un séisme bien plus puissant, de magnitude 8,8 le 27 février 2010. Plus grave encore, pour agrandir les espaces dans les étages inférieurs, les promoteurs turcs détruisent fréquemment certaines colonnes de soutien des immeubles, pour pouvoir ouvrir des magasins ou des chaines de supermarchés.</p>
<p>Pour tenter de calmer la colère populaire, les autorités ont immédiatement arrêté et incarcéré une quarantaine d’entrepreneurs et maîtres d’ouvrage. Pour leur défense, ces derniers ont rejeté la faute sur les autorités locales qui ont accordé les permis de construire, ces dernières reconnaissant ne pas disposer de compétences en interne et se défaussant à leur tour sur les bureaux de certification privés sous-traitants.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/511959/original/file-20230223-787-238kgx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Photo de Tayyip Recep Erdogan" src="https://images.theconversation.com/files/511959/original/file-20230223-787-238kgx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511959/original/file-20230223-787-238kgx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511959/original/file-20230223-787-238kgx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511959/original/file-20230223-787-238kgx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511959/original/file-20230223-787-238kgx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511959/original/file-20230223-787-238kgx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511959/original/file-20230223-787-238kgx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Devenu premier ministre en 2003, Tayyip Recep Erdogan s’était engagé à renforcer les normes de construction.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Recep_Tayyip_Erdogan_%282020-03-05%29_02.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Comme ailleurs dans le monde, ce sont les administrations locales qui délivrent les permis de construire, mais la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/corruption-21440">corruption</a> est telle en Turquie qu’il est facile d’obtenir un permis moyennant le versement d’un pot-de-vin. Preuve par l’absurde d’une corruption locale généralisée, Erzin, une ville de 42 000 habitants située dans une région dévastée n’a subi ni dommage, ni victimes, ni blessés.</p>
<p>Le maire de la commune, Okkes Elmasoglu, a en effet expliqué qu’à la différence de nombre de ses confrères, il n’avait jamais autorisé de construction illégale. « Certains ont essayé », a-t-il précisé, interrogé par <em>Le Monde</em>, « Nous les avons alors signalés au bureau du procureur et pris la décision de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/02/16/derriere-le-bilan-humain-des-seismes-en-turquie-des-annees-de-corruption-et-de-laisser-faire-du-pouvoir_6162015_3210.html">démolir les édifices</a> » en chantier. Dans sa ville, à la différence de ses voisines, la majorité des habitations sont soit individuelles, soit à quatre étages et le bâtiment le plus élevé n’en compte que six.</p>
<h2>Amnisties récurrentes</h2>
<p>La corruption ne se limite pas aux potentats locaux au contraire, elle est même le résultat d’un système généralisé au niveau national mêlant incurie, incompétence, détournement de fonds publics, népotisme et électoralisme méthodiquement tissé depuis vingt ans par Erdogan et son parti, l’AKP.</p>
<p>Créée en 1984 pour pallier le manque de logements sociaux et freiner l’étalement des quartiers informels, l’Agence nationale du logement social (TOKI) rattachée au bureau du premier ministre en 2004 puis au président en 2018 s’est vite imposée comme l’acteur et le promoteur le plus puissant du secteur foncier et immobilier du pays. Outil principal des grands chantiers de logements et d’infrastructures du parti au pouvoir depuis 20 ans, elle a pour mission de faciliter l’accès à la propriété des nouvelles classes moyennes et populaires, cœur électoral du pouvoir en place.</p>
<p>La connivence croissante entre le pouvoir politique et le secteur de la construction, de notoriété publique, a fini par éclater au grand jour le 17 décembre 2013 avec <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2013/12/17/vaste-coup-de-filet-dans-l-entourage-de-m-erdogan-en-turquie_4336062_3214.html">l’arrestation d’une cinquantaine de personnalités</a> accusées de malversations, de corruption et de blanchiment d’argent ainsi que d’avoir délivré des permis de construire mettant en danger la sécurité de certains édifices. Mais six mois plus tard, le nouveau procureur chargé du volet immobilier des enquêtes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2212567115000118">abandonnait subitement les charges contre tous les suspects</a>.</p>
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<img alt="Réfugiés dans un gymnase" src="https://images.theconversation.com/files/511961/original/file-20230223-25-lm89i6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511961/original/file-20230223-25-lm89i6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511961/original/file-20230223-25-lm89i6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511961/original/file-20230223-25-lm89i6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511961/original/file-20230223-25-lm89i6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511961/original/file-20230223-25-lm89i6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511961/original/file-20230223-25-lm89i6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le séisme du 6 février a fait des millions de sinistrés.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:2023_Turkey–Syria_earthquake_montage.jpg#/media/File:2023_Gaziantep_Earthquake_Shelter.jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>Après chaque séisme, le gouvernement turc procède rituellement à des arrestations de promoteurs qui sont non moins rituellement amnistiés un peu plus tard. Au total, les pouvoirs publics ont accordé une dizaine d’amnisties générales dans le secteur de la construction depuis 2002, permettant ainsi aux propriétaires de logements non conformes de régulariser leur situation moyennant le paiement de droits.</p>
<p>Plus de 7 millions de bâtiments en ont bénéficié, dont 300 000 se trouvent dans les dix villes les plus touchées par l’actuel tremblement de terre. Au moment du séisme, une nouvelle loi d’amnistie était d’ailleurs en discussion au parlement en prévision des prochaines élections…</p>
<h2>Le pouvoir en place fragilisé</h2>
<p>Comme dans les tragédies antiques, le drame du 6 février est peut-être le signe avant-coureur de la fin du règne du président Erdogan. L’État de droit s’est d’ailleurs <a href="https://carnegieeurope.eu/strategiceurope/88887">considérablement affaibli ces 20 dernières années</a> et la Turquie pointe aujourd’hui seulement à la <a href="https://rsf.org/fr/classement-mondial-de-la-libert%C3%A9-de-la-presse-2021-le-journalisme-est-un-vaccin-contre-la">149ᵉ place sur 180 États</a> dans le classement l’ONG Reporters sans frontières en matière de liberté de la presse.</p>
<p>En outre, le niveau de vie des Turcs est laminé par une inflation officiellement proche de 60 % (mais en réalité sans doute du <a href="https://globalvoices.org/2022/09/01/undertones-in-turkeys-plunging-economy-conspiracy-and-corruption-allegations-abound/">double</a> selon les économistes indépendants) provoquée par une politique monétaire absurde qui prétend la <a href="https://www.economist.com/special-report/2023/01/16/the-turkish-economy-is-in-pressing-need-of-reform-and-repair">réduire en diminuant les taux d’intérêt</a>.</p>
<p>Le président Erdogan avait avancé les élections présidentielle et législative initialement prévues en juin au 14 mai 2023 mais le séisme a bousculé ses plans en exacerbant la colère populaire. La constitution interdit en l’état de repousser les législatives (sauf en cas de guerre) et le parti présidentiel ne dispose que de 333 sièges, loin du seuil des 400 parlementaires nécessaire à la modifier.</p>
<p>L’opposition craint toutefois que le pouvoir qui a déclaré l’état d’urgence (et non pas, comme cela aurait été plus logique, l’état de catastrophe naturelle) pour trois mois ne demande un délai pour se consacrer à la reconstruction du pays en transformant l’état d’urgence actuel en un état permanent.</p>
<p>À l’approche du <a href="https://www.herodote.net/29_octobre_1923-evenement-19231029.php">centenaire de la proclamation la République turque</a>, le 29 octobre 1923 par Mustafa Kemal Atatürk, autour des principes de sécularisation, d’occidentalisation et de modernisation du pays, la démocratie turque vit sans doute aujourd’hui son heure de vérité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200568/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet est membre de l'association anticorruption française Anticor et de l'organisation non gouvernementale Amnesty international France.</span></em></p>
Les villes qui sont parvenues à limiter les constructions illégales ont enregistré des bilans humains moins lourds après le tremblement de terre du 6 février.
Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business School
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/199526
2023-02-10T11:43:22Z
2023-02-10T11:43:22Z
Séismes et répliques : comment assurer la sécurité des secouristes
<p>Un violent séisme de magnitude 6.8 a frappé le Maroc dans la nuit du 8 au 9 septembre 2023, avec un épicentre situé dans le Haut-Atlas, à environ 80 kilomètres au Sud de Marrakech. L’urgence est actuellement à l’assistance aux populations sinistrées et au secours des personnes encore bloquées sous les décombres.</p>
<p>C’est une véritable course contre la montre qui s’est engagée. Une course non sans dangers pour les secouristes. C’est pourquoi nous avons mené une étude visant à la mise en place d’un dispositif d’alerte permettant aux secouristes de se mettre à l’abri le plus rapidement possible en cas de répliques sismiques.</p>
<h2>Des secours à haut risque</h2>
<p>D’abord conduites de manière spontanée par les habitants et par les équipes de secours locales, ces opérations de « sauvetage déblaiement » sont désormais réalisées par des équipes spécialisées (dites « USAR » pour Unité de sauvetage et de recherche) marocaines, mais également étrangères, à mesure que le Maroc accepte au compte-goutte l’aide internationale qui lui est proposée.</p>
<p>Par nature, ces interventions se déroulent dans un environnement dégradé et dangereux. Les répliques sismiques constituent à ce titre un risque majeur pour les équipes qui doivent intervenir dans des bâtiments gravement endommagés dont certaines parties peuvent s’effondrer, y compris en cas de secousses sismiques relativement faibles.</p>
<p>La période qui suit la survenue d’un séisme important est en effet caractérisée par une probabilité accrue de séismes – les répliques – qui sont de moindre ampleur que le séisme principal et résultent de réajustements de contraintes le long de la zone de faille. Autrement dit, de petites ruptures ont lieu sur la faille jusqu’à ce que celle-ci retrouve une position stable lui permettant à nouveau d’accumuler des contraintes pendant des centaines d’années jusqu’au prochain séisme d’ampleur.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-y-a-des-seismes-en-cascade-en-turquie-et-en-syrie-199350">Pourquoi il y a des séismes en cascade en Turquie et en Syrie</a>
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<p>Ce phénomène s’était illustré avec force en Turquie en début d’année, puisque les deux séismes du 6 février avaient donné lieu à un nombre particulièrement élevé de répliques : plus de 400 répliques de magnitude supérieure à 3.0 avaient ainsi été enregistrées par le Centre sismologique Euro-Méditerranéen dans les 24 premières heures, avec une dizaine de minutes seulement entre chaque secousse ressentie à des degrés divers la population. D’une puissance près de 30 fois inférieure à celle du séisme principal de Turquie, le séisme survenu au Maroc demeure très important et est donc lui aussi susceptible de donner lieu à de nombreuses répliques. A ce jour, seules deux répliques significatives de magnitudes comprises entre 4.0 et 5.0 ont été enregistrées, mais d’autres peuvent venir à tout moment.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/509450/original/file-20230210-20-n36c04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Télémètre d’alarme pointant vers un bâtiment instable pendant la conduite d’opération de secours par des équipes USAR." src="https://images.theconversation.com/files/509450/original/file-20230210-20-n36c04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509450/original/file-20230210-20-n36c04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509450/original/file-20230210-20-n36c04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509450/original/file-20230210-20-n36c04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509450/original/file-20230210-20-n36c04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509450/original/file-20230210-20-n36c04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509450/original/file-20230210-20-n36c04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Télémètre d’alarme pointant vers un bâtiment instable pendant la conduite d’opération de secours par des équipes USAR.</span>
<span class="attribution"><span class="source">S. Auclair, BRGM</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Bien que ce risque soit bien connu des équipes de sauvetage, elles ne disposent à ce jour que de peu de moyens pour s’en protéger, avec des pratiques très variables d’une équipe à l’autre. L’un des outils les plus utilisés demeure le « télémètre d’alarme » : un faisceau laser est pointé vers un bâtiment instable, et une alerte sonore est émise en cas de déplacement de plusieurs millimètres de la structure, malheureusement souvent trop tard au moment même de l’effondrement !</p>
<h2>À défaut de prévoir, alerter au plus vite</h2>
<p><a href="http://www.seismo.ethz.ch/fr/research-and-teaching/fields_of_research/earthquake-early-warning/">Le principe d’alerte</a> sismique précoce a été formulé dès 1868 en Californie, dans l’idée de pouvoir alerter San Francisco de l’imminence de l’arrivée d’ondes destructrices engendrées par des séismes localisés à une centaine de kilomètres de la ville.</p>
<p>En cas de séisme, les ondes « P » (comme « Premières ») – les moins fortes – libérées au niveau de la faille, se propagent dans le sol près de 2 fois plus rapidement que les ondes « S » (comme « Secondes ») qui sont responsables d’une grande partie des dommages, elles-mêmes suivies par d’autres ondes encore plus destructrices. En principe, il « suffit » donc d’analyser les premières secondes d’enregistrement des ondes P pour prédire la puissance du séisme ainsi que la sévérité des secousses à venir. La diffusion de cette alerte s’effectuant ensuite quasiment instantanément, il est possible d’informer des zones non encore atteintes par les ondes sismiques les plus dangereuses : plus l’on est éloigné de l’épicentre et plus l’intervalle de temps séparant l’arrivée de l’alerte et celle des ondes S est importante, laissant ainsi plus de temps pour réagir.</p>
<p>La principale complexité de mise en œuvre de ce principe vient du fait que le traitement des ondes sismiques doit être réalisé de manière automatique en quelques secondes seulement… De fait, cela était impossible du temps de Cooper, et il a fallu attendre plus d’un siècle pour que cette idée soit appliquée pour la première fois au Japon à la fin des années 1980.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/509452/original/file-20230210-14-l8ko4c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Aperçu du dispositif japonais d’alerte précoce pour les équipes USAR." src="https://images.theconversation.com/files/509452/original/file-20230210-14-l8ko4c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509452/original/file-20230210-14-l8ko4c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=674&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509452/original/file-20230210-14-l8ko4c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=674&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509452/original/file-20230210-14-l8ko4c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=674&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509452/original/file-20230210-14-l8ko4c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=847&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509452/original/file-20230210-14-l8ko4c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=847&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509452/original/file-20230210-14-l8ko4c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=847&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Aperçu du dispositif japonais d’alerte précoce pour les équipes USAR.</span>
<span class="attribution"><span class="source">SDR Company</span></span>
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<p>Parmi ces systèmes d’alerte, certains fonctionnent à partir d’une unique station de mesure, permettant ainsi de le décliner en version mobile, facilement transportable sur le terrain. <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-540-72241-0_15">Un tel dispositif existe au Japon</a>, où il accompagne déjà depuis une dizaine d’années les équipes de secours tokyoïtes. Concrètement, il prend la forme d’un boîtier contenant un sismomètre permettant l’enregistrement continu des mouvements du sol, accompagné d’un dispositif pour la diffusion d’une alerte sonore accompagnée d’un signal lumineux. Selon le constructeur, l’alerte peut également être relayée à chacun des secouristes exposés au danger via des récepteurs individuels portatifs.</p>
<h2>Alerter les secouristes quelques secondes avant les secousses destructrices</h2>
<p>Constatant d’une part le fort risque encouru par les équipes de sauvetage en cas de répliques, et d’autre part des avancées constantes de la robustesse des systèmes d’alerte sismique précoce, nous avons réalisé au BRGMune <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2212420921005069">étude</a> publiée en 2020 explorant la faisabilité et l’intérêt de doter ces équipes de secours de tels systèmes d’alerte.</p>
<p>L’objectif ? Pouvoir les alerter quelques secondes avant l’arrivée de secousses sismiques. Ce qui est très peu… mais peut faire la différence.</p>
<p>Il s’agissait à travers cette étude d’identifier dans quelle mesure un tel outil pourrait être une aide pour ces équipes, par le recueil et l’analyse du point de vue des secouristes eux-mêmes. Ainsi, elle repose en grande partie sur les résultats d’une enquête par questionnaire que nous avons menée avec le soutien de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) auprès d’équipes du monde entier.</p>
<p>Sur la base de la centaine de réponses récoltée auprès de spécialistes du domaine, cette étude permet en premier lieu de mettre en évidence un certain nombre d’actions pouvant être prises en quelques secondes et permettant de réduire le risque encouru par les secouristes.</p>
<p>Avec des délais espérés entre la réception de l’alerte et l’arrivée des secousses le plus souvent inférieurs à une dizaine de secondes, le bénéfice perçu de ces alertes précoces est multiple. Il va de la simple préparation psychologique permettant de réduire l’effet de surprise pour des alertes extrêmement réduites, à la possibilité de réduire son exposition au risque en se mettant en position de sécurité, en passant par l’arrêt d’activités dangereuses.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/509453/original/file-20230210-16-6fmtik.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Exemple d’actions pouvant être entreprises par les membres des équipes USAR en fonction du temps d’alerte disponible." src="https://images.theconversation.com/files/509453/original/file-20230210-16-6fmtik.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509453/original/file-20230210-16-6fmtik.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509453/original/file-20230210-16-6fmtik.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509453/original/file-20230210-16-6fmtik.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509453/original/file-20230210-16-6fmtik.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=374&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509453/original/file-20230210-16-6fmtik.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=374&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509453/original/file-20230210-16-6fmtik.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=374&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Exemple d’actions pouvant être entreprises par les membres des équipes USAR en fonction du temps d’alerte disponible.</span>
<span class="attribution"><span class="source">D’après Auclair et coll., 2020</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Mais un tel système automatisé n’est pas fiable à 100 %, et des fausses alertes sont inévitables. Facteur favorable souligné par l’étude, contrairement à d’autres secteurs d’activité dont la criticité rend les fausses alertes inacceptables et le principe d’alerte sismique précoce quasiment inopérant (centrales nucléaires par exemple), l’impact de fausses alertes isolées sur ces activités semble relativement limité.</p>
<p>En effet, au regard du gain de sécurité offert par une alerte précoce, le fait de devoir arrêter préventivement les opérations de recherche des victimes pour une fausse alerte semble donc acceptable, d’autant que dans ce cas de figure les opérations peuvent reprendre très rapidement du fait qu’il n’est pas nécessaire de procéder à une nouvelle inspection de la stabilité des bâtiments dans lesquels se déroulent les recherches.</p>
<p>Cela permet d’entrevoir la possibilité de tirer pleinement profit des potentialités des systèmes d’alerte en configurant des seuils de déclenchement très sensibles maximisant la sécurité des sauveteurs.</p>
<p>Bien qu’un tel dispositif d’alerte précoce aux répliques existe déjà au Japon, il demeure largement méconnu est n’est de fait utilisé que par quelques équipes japonaises. A l’heure où les secours, d’une ampleur exceptionnelle, se poursuivent au Maroc pour tenter de sauver un maximum de personnes, il est sans doute opportun de penser au test de ce dispositif par les équipes de sauvetage internationales de sorte à pouvoir juger de son apport effectif.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199526/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samuel Auclair est membre de l'Association française du génie parasismique (AFPS) dont il a coordonné le dispositif d'urgence de 2018 à 2022. Il a reçu pour l'étude décrite dans cet article, un financement du programme de recherche et d'innovation "Horizon 202"0 de l'Union européenne, dans le cadre du projet TURNKey.</span></em></p>
Après un séisme, les secouristes peuvent entrer dans des bâtiments menaçant de s’écrouler lors d’une réplique. Il faut donner l’alerte le plus vite possible pour les aider à anticiper.
Samuel Auclair, Ingénieur en sismologie au BRGM, chef de projet « Gestion de crise ». Auteur du livre « Le séisme sous toutes ses coutures », éd. l’Harmattan, 2019, BRGM
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/199350
2023-02-08T19:59:02Z
2023-02-08T19:59:02Z
Pourquoi il y a des séismes en cascade en Turquie et en Syrie
<p>Ce lundi 6 février, à 4h17 du matin, un <a href="https://theconversation.com/fr/topics/seismes-27199">séisme</a> de magnitude 7,8 a frappé la Turquie et la Syrie. Les séismes dans cette région du monde sont courants, mais l’ampleur de celui-ci est clairement impressionnante : pour trouver un séisme aussi violent sur cette faille, il faut <a href="https://doi.org/10.1017/CBO9781139195430">remonter en 1114</a>.</p>
<p>Une dizaine de minutes après le séisme le plus puissant, une réplique de magnitude 6,7 s’est produite à proximité de l’épicentre et d’autres répliques continuent aujourd’hui de se produire dans une zone allongée sur plus de 350 kilomètres, depuis l’est de la Turquie jusqu’à la frontière syrienne. Ces « répliques », les séismes qui se produisent après un grand tremblement de terre, sont attendues et leur comportement statistique est bien connu.</p>
<p>De façon plus étonnante et surtout dramatique, un second séisme de magnitude 7,5 a eu lieu à 13h24 heure locale, plus au nord. Ce séisme n’est pas une réplique : d’après les premières données traitées en direct par les grandes agences sismologiques internationales, il se serait produit sur une faille est-ouest coupant la rupture principale.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/508950/original/file-20230208-23-8rad2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/508950/original/file-20230208-23-8rad2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508950/original/file-20230208-23-8rad2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508950/original/file-20230208-23-8rad2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508950/original/file-20230208-23-8rad2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508950/original/file-20230208-23-8rad2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508950/original/file-20230208-23-8rad2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508950/original/file-20230208-23-8rad2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La micro-plaque Anatolienne est poussée vers l’ouest par la remontée de la plaque Arabie vers le nord, et tractée à l'ouest. Ce mouvement vers l’ouest est accommodé par deux grandes failles tectoniques : la faille nord-anatolienne (2 cm par an de mouvement relatif entre les plaques Anatolie et Eurasie) et la faille est-anatolienne (entre 5 mm et 1 cm par an de mouvement relatif entre les plaques Arabie et Anatolie). Nous savons bien comment et pourquoi l’Anatolie bouge, mais cette connaissance est encore trop parcellaire pour prévoir les séismes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Romain Jolivet/ENS. Fond de carte GoogleEarth</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Nous n’avons pas encore toutes les <a href="https://theconversation.com/seisme-en-mer-egee-que-savent-les-scientifiques-apres-quelques-jours-de-travail-149246">informations que fournissent les images satellites et les mesures GPS</a>, mais il est possible que le second séisme ait été causé par le premier, une hypothèse qu’il va falloir vérifier dans les jours à venir avec les données qui arrivent au compte-goutte.</p>
<p>Cette activité sismique majeure sur deux failles proches reflète que les contraintes qui sont à l’origine des tremblements de terre se réorganisent petit à petit. L’autre grande faille de la région (la faille « nord-anatolienne ») a vu se propager une séquence de séismes au long du XX<sup>e</sup> siècle, comme une série de dominos, jusqu’à la mer de Marmara et la mégalopole d’Istanbul.</p>
<p>Toute la communauté scientifique, ainsi que les autorités turques, <a href="https://doi.org/10.1038/35005054">attendent un séisme</a> proche de cette ville de 16 millions d’habitants. Nous ne savons pas quand ce séisme aura lieu ni quelle sera sa taille. Nul ne peut, en l’état actuel des connaissances, proposer une date et une magnitude pour ce séisme à venir, et le séisme de ce lundi nous rappelle malheureusement que la Turquie peut aussi être frappée durement ailleurs.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/seismes-pourquoi-on-ne-peut-pas-les-prevoir-58754">Séismes : pourquoi on ne peut pas les prévoir</a>
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<h2>Des répliques et un second séisme</h2>
<p>Le comportement des répliques suite au séisme de lundi n’est en lui-même pas du tout une surprise. En 1894, Omori observait déjà une décroissance logarithmique du nombre de répliques avec le temps (selon une loi en 1/t, t étant le temps écoulé depuis le choc principal).</p>
<p>Ces mêmes lois empiriques, dites « lois d’échelles », prévoient que la plus grosse réplique aura une magnitude d’un ordre de grandeur inférieur au choc principal : ici, la plus grosse réplique du premier séisme a été d’une magnitude de 6,7, proche des 6,8 attendus. Rappelons que cette échelle est logarithmique, et qu’un séisme de magnitude 6 libère 30 fois moins d’énergie qu’un séisme de magnitude 7.</p>
<p>Les répliques s’arrêtent lorsque les forces engendrées par le séisme principal sont accommodées, un peu comme lorsque, après avoir mis un coup de pied dans un tas de sable, les grains continuent de rouler les uns après les autres, puis se stabilisent.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/508937/original/file-20230208-16-1zh76a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/508937/original/file-20230208-16-1zh76a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508937/original/file-20230208-16-1zh76a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508937/original/file-20230208-16-1zh76a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508937/original/file-20230208-16-1zh76a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508937/original/file-20230208-16-1zh76a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=942&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508937/original/file-20230208-16-1zh76a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=942&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508937/original/file-20230208-16-1zh76a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=942&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Essaims de répliques des deux séismes ayant eu lieu à la frontière entre Turquie et Syrie le 6 février.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Romain Jolivet/ENS. Fond de carte Google Earth</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Mais le séisme de magnitude 7,5 de 13h24 sort complètement de ce comportement statistiquement vérifié depuis 1894 sur des milliers de séismes dans le monde : ce n’est pas une réplique mais bien un second séisme. Il faut ainsi noter qu’il s’est produit sur une faille qui semble orientée à 45° par rapport à la faille Est-Anatolienne, comme en témoigne la forme de l’essaim de répliques qui l’ont suivi.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/seisme-au-maroc-les-satellites-peuvent-aider-les-secours-a-reagir-au-plus-vite-183675">Séisme au Maroc : les satellites peuvent aider les secours à réagir au plus vite</a>
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<p>On parlera donc plutôt ici de « séisme déclenché », ou tout du moins, on tentera d’explorer des mécanismes permettant d’expliquer la coïncidence temporelle entre ces deux grands séismes.</p>
<h2>Un risque pour Istanbul</h2>
<p>Certains séismes sont effectivement liés les uns aux autres : en « accommodant » les contraintes qui s’accumulent au niveau des failles tectoniques, ils relâchent de l’énergie et réorganisent ces contraintes, ce qui peut déclencher de nouveaux séismes.</p>
<p>Sur la faille nord-anatolienne, très active et qui accommode un déplacement relatif d’environ 2 centimètres par an entre les plaques Anatolie et Eurasie, une série de séismes de magnitude supérieure à 7 a eu lieu en cascade d’est en ouest sur environ 800 kilomètres au cours du XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Le point notable est que toute la longueur de la faille nord-anatolienne a rompu entre 1939 et 1999. Le dernier segment n’ayant pas rompu se trouve en mer de Marmara, tout près d’Istanbul, entre les séismes de Izmit en 1999 et de Ganos en 1912.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/508948/original/file-20230208-13-485i1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="carte de la région avec les failles, mouvement des plaques tectoniques et seismes historiques" src="https://images.theconversation.com/files/508948/original/file-20230208-13-485i1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508948/original/file-20230208-13-485i1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508948/original/file-20230208-13-485i1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508948/original/file-20230208-13-485i1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508948/original/file-20230208-13-485i1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508948/original/file-20230208-13-485i1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508948/original/file-20230208-13-485i1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une séquence historique de séismes s’est produite au XXᵉ siècle : initiée à l’est avec le séisme de Erzincan en 1939 (7,8), elle a continué avec des séismes en 1943, 1944, 1967 et enfin en 1999 avec les deux séismes d’Izmit (7,6) et Duzce (7,3), séparés d’à peine quelques mois.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Romain Jolivet, ENS. Fond de carte GoogleEarth</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Cette succession de séismes s’explique par le transfert de la contrainte tectonique d’un segment à l’autre de la faille. Un séisme relâche localement les contraintes accumulées par le mouvement relatif des plaques, mais en même temps, augmente celles sur les segments de faille adjacents qui se rapprochent donc d’une rupture future.</p>
<p>Si ce segment est déjà bien chargé (proche de la rupture), alors un séisme peut en déclencher un autre. Sinon, il faudra attendre que le mouvement des plaques tectoniques apporte le reste de contrainte nécessaire pour déclencher un séisme. On parle ici de « déclenchement statique » car l’état de la croûte après le séisme est la cause du séisme suivant.</p>
<h2>Quand des séismes géants déclenchent d’autres séismes… à distance</h2>
<p>Il existe aussi un type de déclenchement dit « dynamique ». Dans certains cas, la variation de contrainte résultant d’un grand séisme n’est pas assez grande pour expliquer l’occurrence de certains séismes, notamment s’ils sont situés à plusieurs centaines de kilomètres de l’épicentre du choc principal.</p>
<p>Par exemple, suite aux séismes californiens de Landers en 1992 et Hector Mine en 1999, des essaims de séismes ont été observés à plusieurs centaines de kilomètres de l’épicentre. Il a été démontré que <a href="https://doi.org/10.1038/35078053">ces séismes ont eu lieu exactement lors du passage des ondes sismiques les plus fortes émises par ces deux séismes</a>.</p>
<p>Des observations similaires ont été effectuées en laboratoire pour démontrer que <a href="https://doi.org/10.1038/nature04015">lors du passage de ces ondes sismiques, le matériau qui constitue le cœur de la faille s’affaiblit</a>, provoquant un relâchement des contraintes par glissement, c’est-à-dire un séisme.</p>
<p>Ce genre de comportement vient de la physique des milieux granulaires, qui lorsqu’ils sont secoués, peuvent se comporter comme des fluides. Secouer rapidement un tas de sable va le conduire à s’aplatir sous son propre poids alors que sans ces secousses, il tient très bien tout seul.</p>
<p>Secouer rapidement une faille peut donc la conduire à glisser, produisant ainsi des séismes. Il a aussi été observé que <a href="https://doi.org/10.1029/2012JB009160">ces ondes sismiques peuvent déclencher des glissements lents à des distances colossales</a>. Les ondes sismiques émises par le séisme de Maule, un séisme de magnitude 8,9 en 2010 au Chili, ont provoqué un glissement lent le long de la subduction du Mexique, à environ 7 000 kilomètres de l’épicentre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199350/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Jolivet a reçu des financements de Conseil Européen pour la Recherche (ERC), de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR) ainsi que du Centre National pour la Recherche Scientifique (CNRS) et de l'Institut Universitaire de France (IUF).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laurent Jolivet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les séismes peuvent en déclencher d’autres : des répliques, mais aussi des séismes plus distants.
Romain Jolivet, Professeur des Universités, École normale supérieure (ENS) – PSL
Laurent Jolivet, Professeur, Sorbonne Université
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/183479
2022-07-11T18:24:13Z
2022-07-11T18:24:13Z
Grands séismes : peut-on les détecter plus rapidement grâce à l’IA ?
<p>Le bilan provisoire du violent séisme qui a frappé le Maroc dans la nuit de vendredi à samedi ne cesse d’augmenter. Il est désormais de plus de 2 000 morts, a précisé le ministère de l’Intérieur.</p>
<p>Selon le Centre national pour la recherche scientifique et technique, l’épicentre de la secousse se situait dans la province d’al-Haouz, au sud-ouest de Marrakech et le tremblement de terre a provoqué d’importants dégâts dans plusieurs villes</p>
<p>Au cours des trente dernières années, les tremblements de terre et les tsunamis qu’ils génèrent ont causé la mort de <a href="https://www.usgs.gov/programs/earthquake-hazards/lists-maps-and-statistics">près d’un million de personnes</a>. Si la prédiction en tant que telle de ces événements est <a href="https://theconversation.com/seismes-pourquoi-on-ne-peut-pas-les-prevoir-58754">impossible</a>, des systèmes d’alerte ont été mis en place pour <a href="https://theconversation.com/que-savons-nous-vraiment-des-seismes-que-faire-pour-nous-en-proteger-61452">limiter le coût humain et matériel</a> de ces catastrophes.</p>
<p>Ces systèmes ne prédisent pas le futur, mais essaient de détecter les séismes et d’estimer le plus rapidement possible leur magnitude. Actuellement, ils utilisent les ondes sismiques pour tenter de prévenir les populations quelques secondes avant les secousses, même si malheureusement le résultat n’est pas toujours au rendez-vous.</p>
<p>Les tsunamis se propagent plus lentement, laissant plus de temps pour agir ce qui est généralement (<a href="https://theconversation.com/alertes-aux-seismes-et-tsunamis-comment-gagner-de-precieuses-secondes-139913">quelques dizaines de minutes</a>). Cependant, les systèmes d’alerte éprouvent de grandes difficultés à évaluer rapidement la magnitude des très grands séismes. Par exemple, le système japonais a estimé une magnitude de 8 au lieu de 9 lors du séisme de 2011, et donc une vague de 3 mètres au lieu de 15, une erreur aux conséquences dramatiques à Fukushima.</p>
<p>Afin d’améliorer les systèmes d’alerte sismique et tsunami, nous travaillons actuellement sur un algorithme d’intelligence artificielle (IA), basé sur des ondes d’origine gravitationnelle, qui estime de manière plus fiable et plus rapide la magnitude des grands séismes.</p>
<h2>Les systèmes d’alerte sismique</h2>
<p>Les signaux sismiques enregistrés le plus tôt sur les sismomètres sont les ondes de compression (dites ondes P). Ces ondes se propagent à environ 6,5 km par seconde. Si vous êtes 65 km plus loin de l’épicentre que les capteurs les plus proches, vous allez donc ressentir les premières secousses 10 secondes après que ces capteurs aient enregistré les premières ondes P. En pratique, en prenant en compte le temps de transmission et de traitement de ces ondes, vos 10 secondes seront probablement réduites à 5 ou 6.</p>
<p>Mais les ondes les plus destructrices, les ondes de cisaillements (dites ondes S), se propageant légèrement plus lentement que les ondes P (à environ 3,5 km par seconde), il est possible d’anticiper de quelques secondes les plus fortes secousses. Sur ce principe, dans les pays pourvus de systèmes d’alerte sismique comme au Japon, lorsqu’un séisme est détecté proche de votre position, vous recevez un SMS d’alerte vous informant de l’imminence de secousses.</p>
<h2>Les systèmes d’alerte tsunami</h2>
<p>Malheureusement, pour des raisons à la fois instrumentales et fondamentales, les ondes P ne renseignent pas de manière fiable sur la magnitude des très grands séismes. Les systèmes d’alerte sismiques, basés sur ces ondes, s’avèrent ainsi incapables de faire la différence entre un séisme de magnitude 8 et un séisme de magnitude 9, posant un problème majeur pour l’estimation du tsunami, comme l’a illustré l’exemple de Fukushima en 2011. En effet, un séisme de magnitude 9 est 30 fois plus « grand » qu’un séisme de magnitude 8, le tsunami qu’il génère est donc considérablement plus important.</p>
<p>Pour estimer de manière plus fiable la magnitude des grands séismes, des systèmes d’alerte basés sur un autre type d’ondes, appelé phase W, <a href="https://theconversation.com/alertes-aux-seismes-et-tsunamis-comment-gagner-de-precieuses-secondes-139913">ont été développés</a>. La phase W a une bien meilleure sensibilité à la magnitude que les ondes P, mais se propage beaucoup plus lentement. On l’enregistre entre 10 et 30 minutes après l’origine du séisme, soit peu de temps avant l’arrivée du tsunami.</p>
<h2>La découverte des signaux gravitationnels</h2>
<p>En 2017, des signaux jusqu’alors <a href="https://www.science.org/doi/abs/10.1126/science.aao0746">inconnus ont été découverts</a>. Ces signaux, appelés PEGS pour « prompt elasto-gravity signals » (signaux élasto-gravitationnels soudains), ont laissé entrevoir une possibilité nouvelle d’estimer plus rapidement et de manière plus fiable la <a href="https://theconversation.com/quantifier-au-plus-vite-les-seismes-pour-ameliorer-lalerte-88673">magnitude des grands séismes</a>. Lorsqu’un séisme se produit, une immense masse de roche est mise en mouvement de manière soudaine. Cette masse de roche en mouvement engendre une perturbation du champ de gravité terrestre (la pesanteur). Cette perturbation est extrêmement faible, mais se propage à la manière d’une onde gravitationnelle, à la vitesse de la lumière. De manière instantanée à l’échelle de la Terre. La gravité étant une accélération et les sismomètres enregistrant l’accélération du sol, les PEGS sont enregistrés par nos instruments de mesure « classiques ». De plus, ces signaux sont très sensibles à la magnitude, beaucoup plus que les ondes P dans le cas des grands événements.</p>
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<img alt="Illustration de l’algorithme d’IA capable d’estimer la magnitude des grands séismes à partir de signaux gravitationnels (les PEGS) se propageant à la vitesse de la lumière, bien plus vite que les ondes sismiques (P et S)" src="https://images.theconversation.com/files/471575/original/file-20220629-13-fkri9x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/471575/original/file-20220629-13-fkri9x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/471575/original/file-20220629-13-fkri9x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/471575/original/file-20220629-13-fkri9x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/471575/original/file-20220629-13-fkri9x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/471575/original/file-20220629-13-fkri9x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/471575/original/file-20220629-13-fkri9x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Illustration de l’algorithme d’IA capable d’estimer la magnitude des grands séismes à partir de signaux gravitationnels (les PEGS) se propageant à la vitesse de la lumière, bien plus vite que les ondes sismiques (P et S).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Quentin Bletery</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les PEGS disposent donc des caractéristiques idéales pour alimenter un système d’alerte. Cependant, leur détection est rendue difficile par leur très faible amplitude. (environ un million de fois plus faibles que les ondes P). Comment exploiter des signaux si faibles pour alerter ?</p>
<h2>Une IA pour exploiter les signaux gravitationnels</h2>
<p>La technologie émergente de l’IA s’avère très performante pour extraire rapidement des signaux faibles dans de grands volumes de données bruitées. Nous avons développé un algorithme d’IA qui estime toutes les secondes la magnitude du séisme en cours à partir des PEGS]Il est donc nécessaire de mettre au point de nouveaux systèmes plus fiables et rapides, afin d’avoir une stratégie de mise à l’abri la plus efficace possible. Nous avons développé un algorithme d’intelligence artificielle (IA), se basant sur des ondes d’origine gravitationnelle se propageant à la vitesse de la lumière, pour estimer de manière plus rapide et plus fiable la magnitude des grands séismes., publié très récemment dans <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-022-04672-7"><em>Nature</em></a>. Comme les grands séismes sont rares, nous avons simulé des centaines de milliers de scénarios de séismes possibles le long des grandes failles japonaises.</p>
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<p>Dans chaque scénario, nous avons calculé les PEGS attendus sur tous les sismomètres de la région et entraîné l’IA à « trouver » la magnitude et la localisation du séisme en lui donnant la réponse à chaque fois. Nous avons ensuite testé la performance de l’IA sur les données enregistrées lors du séisme de Fukushima. Les résultats indiquent que l’on aurait pu estimer la magnitude du séisme dès la fin de la rupture (soit 2 minutes après l’origine de l’événement), et donc obtenir très rapidement une bien meilleure estimation de la hauteur de la vague.</p>
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<img alt="Graphe comparant la performance de l’IA aux systèmes de détection classiques" src="https://images.theconversation.com/files/471574/original/file-20220629-14-18jeri.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/471574/original/file-20220629-14-18jeri.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/471574/original/file-20220629-14-18jeri.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/471574/original/file-20220629-14-18jeri.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/471574/original/file-20220629-14-18jeri.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/471574/original/file-20220629-14-18jeri.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/471574/original/file-20220629-14-18jeri.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Performance de l’IA par rapport au système en place en 2011 lors du séisme de Fukushima.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Quentin Bletery</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Les résultats étant encourageants, nous passons désormais à la phase d’implémentation de l’algorithme dans un système d’alerte opérationnel, en commençant par le Pérou <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/2016JB013080">où l’on attend un très gros évènement</a> (qui pourrait intervenir demain comme dans 300 ou 600 ans). Nous travaillons également à améliorer les performances de l’algorithme pour les séismes de magnitude plus modérée. Il fonctionne dans sa version actuelle pour les séismes de magnitude supérieure à 8,3, ce qui le rend déjà très utile pour l’estimation des tsunamis (qui ne concernent que ces très grands séismes) mais limite grandement les possibilités pour alerter sur les secousses (car ces dernières sont ressenties dans la plupart des cas avant que le séisme n’atteigne une telle magnitude).</p>
<p>Enfin, nous ambitionnons de développer une version mondiale de cet algorithme qui utiliserait des sismomètres pour alerter sur des séismes se produisant partout sur Terre, offrant ainsi une « couverture » d’alerte mondiale particulièrement intéressante pour des régions peu équipées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183479/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Quentin Bletery a reçu des financements de l'European Research Council (ERC), de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), de l’Université Côte d’Azur et de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD). </span></em></p>
L’exploitation d’ondes gravitationnelles par une IA pourrait permettre d’améliorer les systèmes de détection des séismes et de leur magnitude.
Quentin Bletery, Géophysicien, chargé de Recherche IRD au laboratoire Géoazur., Institut de recherche pour le développement (IRD)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/186321
2022-07-04T18:43:23Z
2022-07-04T18:43:23Z
Ce que le séisme en Afghanistan nous apprend de la tectonique des plaques dans la région
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/472302/original/file-20220704-26-76w6bw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1200%2C795&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un homme prie devant les décombres du séisme de Khost.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://u.afp.com/wzHA">Ahmad Sahel Arman / AFP </a></span></figcaption></figure><p>Dans la nuit du 22 juin dernier, un <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/06/22/afghanistan-au-moins-255-morts-dans-un-seisme-dans-le-sud-est-du-pays_6131495_3210.html">séisme a violemment secoué</a> les villes et villages des montagnes reculées du Sulaiman, à la frontière entre l’Afghanistan et le Pakistan. L’effondrement de nombreuses habitations y a fait <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/06/1122272">plus d’un millier de victimes</a>. On l’appelle « séisme de Khost », du nom de la ville voisine d’environ 150 000 habitants.</p>
<p>Dans une région située à l’interface entre les plaques tectoniques indienne et eurasienne – qui, par leur collision, forment aussi la plus haute chaîne de montagnes de notre planète, l’Himalaya – cet évènement rare rappelle douloureusement les enjeux majeurs associés à une meilleure compréhension des failles et forces tectoniques à l’œuvre.</p>
<p>Les premières observations scientifiques du séisme de Khost remettent en question ce que l’on sait (ou croit comprendre) des failles voisines.</p>
<h2>Une frontière de plaque décrochante presque banale</h2>
<p>La plaque indienne se déplace vers le nord, à une vitesse d’environ 3 centimètres par an, de l’ordre de la vitesse de croissance de nos ongles. À sa limite avec l’Eurasie en Afghanistan et au Pakistan, elle coulisse le long de failles décrochantes ; c’est-à-dire que les plaques, comme des trains qui se croisent, se déplacent dans des sens opposés de part d’autre de failles, sans se cogner.</p>
<p>Si les failles étaient droites, lisses et verticales, tout se passerait comme sur des rails, mais le fait est que cette frontière de plaque est tordue et épaissie par les millions d’années d’histoire tectonique et le mouvement plus compliqué que prévu.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/472283/original/file-20220704-16-xny6ut.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Géographie et failles tectoniques autour de Khost" src="https://images.theconversation.com/files/472283/original/file-20220704-16-xny6ut.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/472283/original/file-20220704-16-xny6ut.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/472283/original/file-20220704-16-xny6ut.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/472283/original/file-20220704-16-xny6ut.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/472283/original/file-20220704-16-xny6ut.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/472283/original/file-20220704-16-xny6ut.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/472283/original/file-20220704-16-xny6ut.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Contexte tectonique et géographie du séisme de Khost du 22 juin 2022. Les failles sont en rouge et les frontières nationales en pointillé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Manon Dalaison</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des dégâts considérables au regard de la magnitude</h2>
<p>Le séisme du 22 juin a une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Magnitude_de_moment">« magnitude de moment »</a> <a href="https://earthquake.usgs.gov/earthquakes/eventpage/us7000hj3u/moment-tensor">estimée à 6,0</a>. Ce chiffre indique une libération d’énergie modérée, plus de mille fois inférieure à celle du séisme japonais de 2011 associé à la catastrophe de Fukushima, de magnitude de moment 9,1 (on dit que l’échelle de magnitude de moment est « logarithmique »). En moyenne, on dénombre une centaine de séismes de taille similaire dans le monde chaque année, mais rares sont ceux qui se révèlent aussi dévastateurs.</p>
<p>Deux séismes plus petits (magnitudes de 4,5 et 4,3) à proximité immédiate <a href="https://earthquake.usgs.gov/earthquakes/map/?currentFeatureId=us7000hj3u&extent=32.05697,67.32422&extent=34.16636,71.71875&range=search&baseLayer=terrain&timeZone=utc&search=%7B%22name%22:%22Search%20Results%22,%22params%22:%7B%22endtime%22:%222022-07-12T20:54:36.148Z%22,%22latitude%22:33.0924,%22longitude%22:69.5135,%22maxradiuskm%22:250,%22minmagnitude%22:2,%22starttime%22:%222022-05-31T20:54:36.148Z%22%7D%7D">ont pu être détectés</a> une heure et trois jours après. Ce sont les plus grosses « répliques » de ce séisme qui en a probablement des dizaines d’autres, plus petites et indétectables à cause du manque de capteurs dans cette région.</p>
<p>[<em>Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>.</em>]</p>
<p>En effet, le risque ne peut être apprécié qu’en croisant les caractéristiques physiques d’un séisme avec les facteurs de vulnérabilité d’une région, dont la proximité des populations, la résistance des structures. Ainsi, dans le cas du séisme de Khost, <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/06/22/afghanistan-au-moins-255-morts-dans-un-seisme-dans-le-sud-est-du-pays_6131495_3210.html">il a été souligné</a> que l’ampleur exceptionnelle des dégâts pour un tel séisme était largement liée à la vulnérabilité des bâtiments non renforcés. D’autres facteurs explicatifs peuvent néanmoins être avancés, comme la faible profondeur du séisme (il s’est amorcé à <a href="https://earthquake.usgs.gov/earthquakes/eventpage/us7000hj3u/executive">10 kilomètres</a>) d’une part, et des effets locaux d’amplification des ondes sismiques liés à la nature du sous-sol d’autre part.</p>
<h2>Pourquoi est-il difficile d’estimer le risque sismique dans la région ?</h2>
<p>En général, c’est l’analyse des séismes contemporains et historiques d’une région qui constitue la première source d’information pour essayer d’anticiper l’emplacement et l’ampleur des prochains séismes.</p>
<p>Or <a href="https://pubs.usgs.gov/of/2006/1185/">très peu de séismes ont été documentés dans cette région</a>, en comparaison avec d’autres frontières de plaques, comme celle en Californie par exemple, la plus étudiée au monde. Le dernier tremblement de terre de taille importante enregistré à proximité de Khost remonte à 1956, avec une magnitude <em>estimée</em> de 6,7.</p>
<p>On sait également que Kaboul, la capitale afghane, a été <a href="https://pubs.usgs.gov/of/2006/1185/">détruite par un séisme en 1505</a>, et des <a href="https://www.seismosoc.org/Publications/SRL/SRL_74/srl_74-2_ambraseys-esupp2.html">récits rapportent</a> que « le sol s’est élevé aussi haut qu’un éléphant à certains endroits et s’est effondré d’autant ailleurs ». D’autres récits, combinés aux informations géographiques ont permis d’estimer qu’il s’agissait d’un séisme de magnitude 7,3 – 90 fois plus puissant que celui de 2022.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Carte d’intensité des trois séismes historiques afghans connus" src="https://images.theconversation.com/files/472286/original/file-20220704-25-htajp8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/472286/original/file-20220704-25-htajp8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=496&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/472286/original/file-20220704-25-htajp8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=496&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/472286/original/file-20220704-25-htajp8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=496&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/472286/original/file-20220704-25-htajp8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=623&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/472286/original/file-20220704-25-htajp8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=623&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/472286/original/file-20220704-25-htajp8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=623&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Intensité sismique pour trois séismes afghans : celui du 22 juin 2022 et ceux de 1505 et 1956. Alors que les cartes pour les séismes contemporains sont produites en temps quasi réel à partir de stations sismiques connectées et de témoignages, la reconstitution de l’intensité des séismes historiques est un tout autre travail d’enquête. Représentation basée sur l’« échelle de Mercalli modifiée ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://earthquake.usgs.gov/earthquakes/eventpage/us7000hj3u/map">Manon Dalaison à partir de données USGS</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Mises bout à bout, ces observations ne sont pas suffisantes pour avoir une vision précise des failles sismiques actives le long de cette frontière de plaques large de plus de 100 kilomètres. Ainsi, la connaissance scientifique actuelle des failles de cette région s’appuie largement sur les traces laissées par les mouvements tectoniques dans le paysage et la géologie.</p>
<p>Étant donné le contexte géopolitique de la région, cela fait plusieurs décennies que les sismologues travaillent essentiellement à partir d’images satellites, c’est-à-dire par « télédetection ». La végétation clairsemée, liée au climat aride, est propice à l’observation du sol et de ses mouvements tectoniques. Pour autant, vues du ciel, les failles actives de nos jours et celles fossilisées héritées de l’histoire géologique ne sont pas faciles à distinguer.</p>
<p>Ainsi, on sait que le séisme du 22 juin 2022 est survenu à proximité immédiate de nombreuses et courtes failles connues, dans une zone où la topographie montre des bourrelets caractéristiques d’une zone en compression (les blocs de part et d’autre des failles se cognent et se montent les uns sur les autres), mais l’activité sismique de ces failles est indéterminée. Peuvent-elles accueillir du glissement ? En quelle quantité et dans quelle direction ?</p>
<h2>Un premier aperçu du mouvement sismique qui donne à réfléchir</h2>
<p>Une partie de la réponse nous est fournie par le « mécanisme au foyer » de ce séisme obtenu dans les heures qui ont suivi l’évènement à partir des signaux enregistrés sur le réseau mondial de stations sismiques.</p>
<p>Les sismologues ont pour habitude de représenter le glissement tridimensionnel du séisme sur un « ballon de plage » vu du ciel. Le ballon à quatre quartiers rouges et blancs est précisément orienté tel que le mouvement soit du blanc vers le rouge. Les plans entre les quartiers définissent deux failles probables et d’autres données, comme des <a href="https://twitter.com/timwright_leeds/status/1542582339653570560">images satellites</a>, sont requises pour savoir laquelle représente effectivement la faille qui a joué. Dans notre cas, les plans sont proches de la verticale et le mouvement est « décrochant », c’est-à-dire que les deux côtés de la faille coulissent sans contraction ou extension nettes associées.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/472288/original/file-20220704-21-72m5s3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Le séisme de Khost est orienté de façon surprenante par rapport aux failles de la région" src="https://images.theconversation.com/files/472288/original/file-20220704-21-72m5s3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/472288/original/file-20220704-21-72m5s3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/472288/original/file-20220704-21-72m5s3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/472288/original/file-20220704-21-72m5s3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/472288/original/file-20220704-21-72m5s3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/472288/original/file-20220704-21-72m5s3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/472288/original/file-20220704-21-72m5s3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Localisation du séisme de Khost dont le mouvement est représenté par le mécanisme au foyer rouge et blanc. Le tracé des failles connues est en rouge. Les séismes passés de magnitude 6 ou plus sont localisés et l’année où ils ont eu lieu est indiquée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Manon Dalaison</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Cette observation contraste avec notre vision des failles construite sur la géologie et les images satellites qui nous indique que le mouvement décrochant entre l’Inde et l’Eurasie est décomposé en deux parties à l’échelle locale. Les grandes structures décrochantes que sont les zones de failles de Chaman et de Gardez et qui auraient pu accommoder un tel séisme se trouvent plus à l’est, alors que la région dans laquelle a eu lieu le séisme de Khost est associée à des structures identifiées comme « compressives ».</p>
<p>Par conséquent, ce séisme a surpris la communauté scientifique par les dégâts considérables qu’il a engendrés, mais aussi par la direction du mouvement décrochant, dans une zone pensée comme en compression tectonique. C’est un nouvel élément (parmi d’autres) qui aide à préciser la géométrie actuelle de la frontière de plaque et les modèles de son évolution passée et future.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186321/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Manon Dalaison a reçu des financements de l'ERC (European Research Council). </span></em></p>
Dans cette région difficile d’accès, les premières observations du séisme contrastent avec notre compréhension des failles tectoniques.
Manon Dalaison, Post-doctorante en géophysique, École normale supérieure (ENS) – PSL
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/183675
2022-06-12T18:42:13Z
2022-06-12T18:42:13Z
Séisme au Maroc : les satellites peuvent aider les secours à réagir au plus vite
<p>Un séisme de magnitude 6,8 a frappé le Maroc à 11km d’Adassil le vendredi 8 Septembre 2023 à 23h11 heure locale. On déplore plus de 2 000 décès et autant de blessés avec un bilan qui pourrait encore s'alourdir. </p>
<p>Depuis l’espace, on peut obtenir des informations cruciales pour guider les secours et l’aide humanitaire qui convoie eau et vivres, mais qui sont inaccessibles depuis le sol, en particulier en cas de catastrophes. Il s’agit de cartographier l’état des routes, des ponts, des bâtiments, et aussi – et c’est crucial ici – de repérer les populations qui tentent d’échapper aux effets de potentielles répliques en se regroupant dans des stades ou d’autres espaces ouverts.</p>
<p>Afin de tourner rapidement les yeux des satellites vers les régions concernées, les Nations Unies (UNITAR) ont demandé l’activation de la <a href="https://disasterscharter.org/fr/web/guest/home">charte internationale « Espace et Catastrophes majeures »</a> le samedi matin à 7h04 heure locale pour le compte de l’organisation humanitaire internationale FICR (Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge).</p>
<p>Dans la foulée, les satellites optiques et radar les plus appropriés de huit agences spatiales ont été programmés. Pour la France, il s’agit des satellites optiques <a href="https://pleiades.cnes.fr/fr">Pléiades</a> et <a href="https://earth.esa.int/eogateway/missions/pleiades-neo">Pléiades Neo</a> (de haute et très haute résolution), qui fourniront de premières images dès demain matin, lors de leur passage au-dessus de la zone, le temps de charger le plan de vol. Des satellites radar viendront compléter les informations des satellites optiques, car ils fonctionnent aussi la nuit et à travers les nuages, et peuvent imager les glissements de terrain et les <a href="https://theconversation.com/seisme-en-mer-egee-que-savent-les-scientifiques-apres-quelques-jours-de-travail-149246">changements d’altitude, même très faibles</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/alertes-aux-seismes-et-tsunamis-comment-gagner-de-precieuses-secondes-139913">Alertes aux séismes et tsunamis : comment gagner de précieuses secondes</a>
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<p>Chaque année, des millions de personnes partout dans le monde sont touchées par des catastrophes, qu’elles soient d’origine naturelle (cyclone, tornade, typhon, tremblement de terre, glissement de terrain, éruption volcanique, tsunami, inondation, feu de forêt, etc.) ou humaine (pollution par hydrocarbures, explosion industrielle). L’intensité et la fréquence de ces évènements s’intensifient malheureusement avec le changement climatique, créant chaque jour un peu plus de sinistrés ou d’habitats précaires.</p>
<h2>Anatomie d’une catastrophe</h2>
<p>Dans le cadre de la charte internationale « Espace et catastrophes majeures », on définit une catastrophe comme un événement de grande ampleur, soudain, unique et incontrôlé, entraînant la perte de vies humaines ou des dommages aux biens et à l’environnement et nécessitant une action urgente d’acquisition et de fourniture de données.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466030/original/file-20220530-20-a1wa4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466030/original/file-20220530-20-a1wa4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466030/original/file-20220530-20-a1wa4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466030/original/file-20220530-20-a1wa4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466030/original/file-20220530-20-a1wa4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466030/original/file-20220530-20-a1wa4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466030/original/file-20220530-20-a1wa4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Glissement de terrain à Munnar, en Inde. L’accès aux zones touchées est souvent difficile.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/rakesh/1933161414/">Rakesh Pai/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette charte a été créée par le Centre National d’Études Spatiales et l’Agence spatiale européenne en 1999, rejoints rapidement par l’Agence spatiale canadienne. Aujourd’hui, <a href="https://disasterscharter.org/fr/web/guest/home">17 agences spatiales membres</a> s’unissent pour offrir gratuitement des images satellites le plus rapidement possible sur la zone sinistrée. Depuis 2000, la charte a été activée 837 fois dans plus de 134 pays. Elle est depuis complétée par des initiatives similaires (<a href="https://emergency.copernicus.eu/">Copernicus Emergency</a> ou <a href="https://sentinel-asia.org/">Sentinel Asia</a>).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/seisme-en-mer-egee-que-savent-les-scientifiques-apres-quelques-jours-de-travail-149246">Séisme en mer Égée : que savent les scientifiques après quelques jours de travail ?</a>
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<p>Près des trois-quarts des activations de la charte sont dues à des phénomènes hydrométéorologiques : tempêtes, ouragans et surtout inondations qui représentent à elles seules la moitié des activations. Dans ces situations de crise imprévues, quand les sols sont endommagés ou inondés et les routes impraticables, les moyens terrestres ne permettent pas toujours d’analyser l’étendue du désastre et d’organiser au mieux les secours et l’aide humanitaire. En capturant la situation vue de l’espace, avec des satellites très haute résolution, le spatial apporte rapidement des informations cruciales.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466035/original/file-20220530-20-mecx69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466035/original/file-20220530-20-mecx69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=289&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466035/original/file-20220530-20-mecx69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=289&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466035/original/file-20220530-20-mecx69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=289&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466035/original/file-20220530-20-mecx69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=363&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466035/original/file-20220530-20-mecx69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=363&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466035/original/file-20220530-20-mecx69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=363&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’ouragan Harvey a provoqué des inondations au Texas en 2018, déplaçant 30000 personnes, et nécessitant le sauvetage de 17000 personnes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/sentinelhub/46200452394/in/album-72157704784948961/">Sentinel Hub/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans certains cas, la charte ne peut pas être activée. Soit parce que l’objet est hors cadre de la charte (guerres et conflits armés), soit parce que l’imagerie spatiale n’est parfois pas d’un grand intérêt (canicules, épidémies), soit car les phénomènes ont une évolution lente (sècheresses) qui est incompatible avec la notion d’urgence au cœur de la mission de la charte.</p>
<h2>Les données satellites en réponse aux crises dans le monde</h2>
<p>Dès la survenue d’une catastrophe, les satellites sont programmés pour acquérir dans un délai très court des images au-dessus des zones impactées. Plus d’une soixantaine de satellites, optiques ou radars, sont mobilisables à toute heure.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sismo-citoyens-et-chercheurs-du-monde-entier-sallient-pour-comprendre-le-recent-seisme-dha-ti-166787">« Sismo-citoyens » et chercheurs du monde entier s’allient pour comprendre le récent séisme d’Haïti</a>
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<p>Selon le type de catastrophes, on mobilisera différents satellites, en se basant sur des scénarii de crise préétablis – parmi eux : <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/TanDEM-X">TerraSAR-X/Tandem-X</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/QuickBird">QuickBird-2</a>, <a href="https://www.asc-csa.gc.ca/fra/satellites/radarsat/default.asp">Radarsat</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Programme_Landsat">Landsat-7/8</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/SPOT_(satellite)">SPOT</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pl%C3%A9iades_(satellite)">Pléiades</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sentinel-2">Sentinel-2</a> notamment.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466033/original/file-20220530-16-b4snga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466033/original/file-20220530-16-b4snga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=289&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466033/original/file-20220530-16-b4snga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=289&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466033/original/file-20220530-16-b4snga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=289&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466033/original/file-20220530-16-b4snga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=363&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466033/original/file-20220530-16-b4snga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=363&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466033/original/file-20220530-16-b4snga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=363&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Feux de forêt en Russie dans la région d’Irkutsk en 2017, causés par des éclairs.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/sentinelhub/46200453044/in/photostream/">Sentinel Hub/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les images optiques sont semblables à des photos vues de l’espace, mais les <a href="https://theconversation.com/sismo-citoyens-et-chercheurs-du-monde-entier-sallient-pour-comprendre-le-recent-seisme-dha-ti-166787">images radar</a> par exemple sont plus difficilement interprétables par les non-initiés. Ainsi, suite à la catastrophe, les informations satellites sont retravaillées pour les rendre intelligibles et y apporter de la valeur ajoutée. Elles sont par exemple transformées en cartes d’impacts ou de changements pour les secouristes, en cartes de vigilance inondations pour les populations, en cartographie des zones brûlées ou inondées avec estimation des dégâts pour les décideurs.</p>
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<p>Le travail collaboratif entre les utilisateurs de terrain et les opérateurs satellitaires est primordial. Des progrès ont été faits grâce aux innovations des technologies d’observation de la Terre (notamment la performance des résolutions optiques – passant de 50 à 20 mètres puis à 30 centimètres actuellement) et des logiciels de traitement des données 3D, mais également grâce au développement d’outils numériques pouvant coupler données satellites et in situ. De plus, les besoins de terrain ont contribué à l’évolution des processus d’intervention de la charte en termes de délai de livraison et de qualité des produits délivrés.</p>
<h2>La reconstruction après les catastrophes</h2>
<p>La gestion de l’urgence est bien sûr primordiale mais il est important pour tous les pays affectés d’envisager une reconstruction et l’avenir. En effet, dans le <a href="https://centredecrise.be/fr/que-font-les-autorites/le-cycle-du-risque">« cycle du risque »</a>, après le sinistre et l’urgence humanitaire, le retour à la normale va ouvrir le temps de la reconstruction, de la résilience, de la prévention et de l’alerte. On ne peut prévoir les catastrophes mais on peut mieux s’y préparer, surtout dans les pays où le malheur est récurrent, avec par exemple la construction antisismique, le déplacement des zones d’habitation en lieu sûr, la sensibilisation aux gestes de survie, la création de lieux de rassemblements sécurisés, entre autres.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466034/original/file-20220530-14-np1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466034/original/file-20220530-14-np1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466034/original/file-20220530-14-np1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466034/original/file-20220530-14-np1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466034/original/file-20220530-14-np1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466034/original/file-20220530-14-np1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466034/original/file-20220530-14-np1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Inondations à Gan dans le Béarn en 2018.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/pezon64/42709789225/">Bernard Pez/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Plusieurs initiatives, appelées <a href="https://www.recovery-observatory.org/drupal/en/node/811">« Observatoires de la Reconstruction »</a>, ont été menées après des catastrophes d’envergure, par exemple à Haïti en 2021, ou suite à l’explosion de Beyrouth en 2019. Le but : planifier des acquisitions d’images satellites coordonnées pour permettre une évaluation détaillée et dynamique des dommages aux zones les plus touchées (bâti, routes, agriculture, forêts, etc.), suivre la planification des reconstructions, réduire les risques et enfin réaliser un suivi des changements à l’horizon de 3-4 ans.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183675/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emilie Bronner ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Utiliser l'imagerie spatiale permet de guider les secours vers les zones critiques lors d'une catastrophe naturelle.
Emilie Bronner, Représentante CNES au Secrétariat Exécutif de la Charte Internationale Espace et Catastrophes Majeures, Centre national d’études spatiales (CNES)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/166787
2021-08-26T18:48:01Z
2021-08-26T18:48:01Z
« Sismo-citoyens » et chercheurs du monde entier s’allient pour comprendre le récent séisme d’Haïti
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/418038/original/file-20210826-25-tq43me.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1268%2C952&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur le terrain, les chercheurs déploient rapidement des équipements de mesure pour mieux identifier les zones affectées. Ici, une antenne GPS.</span> <span class="attribution"><span class="source">Steeve Symithe et Sadrac St Fleur</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Samedi 14 août 2021, 8h29 du matin, la terre <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/08/14/haiti-un-seisme-de-magnitude-7-2-fait-plusieurs-morts_6091441_3210.html">tremble en Haïti</a>. Déjà durement frappé il y a 11 ans par un séisme qui a ébranlé la capitale Port-au-Prince et fait entre 100 000 et 250 000 victimes, Haïti est de nouveau touché par un séisme de forte magnitude (Mw 7,2 magnitude de moment), cette fois-ci le long de la péninsule sud, environ 100 km à l’ouest de Port-au-Prince.</p>
<p>Les dégâts sont considérables et le bilan est déjà lourd. Alors que les secours tentent de sauver des vies, de nombreuses répliques sismiques frappent la zone épicentrale, comme attendu après tout séisme d’une telle ampleur.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/418039/original/file-20210826-6126-dwtshf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/418039/original/file-20210826-6126-dwtshf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/418039/original/file-20210826-6126-dwtshf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/418039/original/file-20210826-6126-dwtshf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/418039/original/file-20210826-6126-dwtshf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/418039/original/file-20210826-6126-dwtshf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=296&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/418039/original/file-20210826-6126-dwtshf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=296&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/418039/original/file-20210826-6126-dwtshf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=296&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les failles tectoniques dans la zone nord-caraïbe et les directions de la déformation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Éric Calais</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Des scientifiques haïtiens, français, japonais, américains, eux, travaillent pour tenter de comprendre ce qui s’est passé, afin de produire de l’information utilisable au plus tôt par les secours et de mieux pouvoir anticiper ce genre d’événements à l’avenir. Ce travail est plus simple qu’en 2010 grâce à une combinaison d’efforts locaux et internationaux ayant abouti à la mise en place d’un réseau de stations sismologiques dites « citoyennes » en Haïti.</p>
<h2>Hispaniola, une île aux frontières de deux plaques tectoniques</h2>
<p>L’île d’Hispaniola, deuxième plus grande île des Caraïbes partagée entre la République dominicaine et Haïti, est parcourue par de grandes failles sismiques résultant de la subduction (l’enfoncement) de la plaque nord-américaine sous la plaque caraïbe. À cet endroit, ce mouvement se fait de façon tellement oblique sous Hispaniola et Porto Rico que le mouvement active à la fois des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Faille_inverse">failles inverses</a> (aussi appelées chevauchements) et des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9crochement">failles décrochantes</a> (aussi appelés décrochements).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/418001/original/file-20210826-25-q4kkj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/418001/original/file-20210826-25-q4kkj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/418001/original/file-20210826-25-q4kkj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/418001/original/file-20210826-25-q4kkj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/418001/original/file-20210826-25-q4kkj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/418001/original/file-20210826-25-q4kkj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/418001/original/file-20210826-25-q4kkj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/418001/original/file-20210826-25-q4kkj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Deux types de failles ont été activés par les mouvements sismiques en Haïti : des décrochements et des chevauchements.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Ces séismes peuvent se répéter sous la forme de séquence d’évènements : ce fut le cas au XVIII<sup>e</sup> siècle où quatre séismes destructeurs frappèrent le sud de l’île en 1701, à deux reprises à trois mois d’intervalle en 1751, et en 1770.</p>
<p>Le 14 août dernier, les grandes agences sismologiques mondiales ont produit une première analyse du séisme en quelques minutes. Grâce aux données ouvertes des stations sismologiques du monde entier, situées à des milliers de kilomètres d’Haïti, on sait que le mouvement a été à moitié décrochant et à moitié chevauchant, avec un épicentre, point où commence la rupture, situé dans la péninsule du sud d’Haïti. Le glissement total est d’environ 1 à 2 mètres et la rupture a duré environ 25 secondes.</p>
<h2>Pourquoi travailler si vite est-il important ?</h2>
<p>Cependant, établir un tel modèle du séisme revient à tenter de déchiffrer une conversation ayant lieu dans la pièce d’à côté. On sait que quelqu’un parle, mais on n’arrive pas à savoir qui parle et ce qui se dit exactement.</p>
<p>Ici, les données sismologiques globales ne permettent pas d’identifier quelle faille a rompu, si la rupture a atteint la surface ni où se distribue le glissement. Or, ces informations sont cruciales pour les secours afin d’identifier les régions où les dégâts ont été les plus importants, car l’accès à la zone de faille est ardu et nécessite une organisation complexe, que nous mettons en œuvre, mais qui doit composer avec l’urgence de la situation.</p>
<p>C’est alors qu’entrent en jeu les données sismologiques locales et les images satellites.</p>
<h2>Depuis 2010, une mise en capacité réussie en Haïti</h2>
<p>En 2010, l’intervention scientifique fut très complexe à mettre en œuvre et il fallut de longues semaines avant que les premières données utilisables ne soient disponibles. En effet, il n’y avait à l’époque ni sismologue haïtien ni réseau sismologique national, et les scientifiques restèrent longtemps « aveugles » face à l’événement qui venait de se produire.</p>
<p>Ce séisme marqua le réveil de la sismologie en Haïti, grâce à l’engagement de jeunes haïtiens qui allèrent se former à l’étranger, à la mise en place d’un master en géoscience à l’<a href="https://ueh.edu.ht/">université d’État</a>, et au développement d’un réseau sismologique national maintenu par le Bureau des Mines et de l’Énergie. Les soutiens internationaux furent nombreux pour accompagner Haïti dans cette évolution scientifique (France, États-Unis, Belgique, Canada notamment). Nous en recueillons tous les fruits aujourd’hui : trois jours après le séisme, trois jeunes sismologues haïtiens sont partis pour installer des sismomètres et stations GPS sur le terrain. Cette rapidité de réponse, essentielle pour ne rien rater des chuchotements sismiques de la zone du séisme – la « conversation » mentionnée plus haut – était impensable en 2010.</p>
<h2>Citizen seismology, des sismomètres « chez l’habitant »</h2>
<p>Par ailleurs, l’idée de compléter le réseau sismologique national par un effort impliquant les citoyens <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-021-02279-y">a vu le jour en 2019</a>. L’organisme haïtien en charge du réseau sismologique officiel peinait à trouver des fonds pour maintenir les sismomètres opérationnels. De plus, les <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/feart.2020.542654/full">études</a> montraient un réel besoin – une demande même – des citoyens pour plus d’information sur les séismes et les risques environnementaux en général.</p>
<p>L’arrivée sur le marché en 2019 de <a href="https://raspberryshake.org/">sismomètres simples et compacts</a> a changé la donne : des petites boîtes de la taille d’un téléphone portable, placées dans son salon ou un bureau, connectées à l’internet et à l’électricité, leurs données sont mises à disposition des sismologues en temps réel. À ce jour, 15 stations citoyennes sont <a href="https://www.sciencenews.org/article/haiti-earthquake-citizen-science-seismology-risk">opérationnelles en Haïti</a>, hébergées par des « sismo-citoyens ».</p>
<p>Les données, mises <a href="https://ayiti.unice.fr/ayiti-seismes/">à la disposition de tous sur Internet</a>, ont d’ores et déjà permis de mieux localiser l’épicentre du 14 août dernier et de localiser en temps réel les nombreuses répliques toujours en cours.</p>
<p>En effet, suite à un séisme, les contraintes tectoniques sont localement chamboulées. Ce nouvel état des forces telluriques est accommodé par de nombreuses répliques, des séismes de magnitudes plus faibles que le choc principal, dont le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_d%27Omori">nombre et la magnitude décroissent avec le temps</a>. La distribution spatiale des répliques indique une rupture d’environ 80 kilomètres de long, orientée Est-Ouest, avec l’épicentre situé à l’extrême est de la rupture.</p>
<h2>Des images satellites pour voir la rupture</h2>
<p>L’<em>imagerie optique</em> – de « simples » photographies du sol depuis l’espace – a permis de cartographier dans la journée suivant le séisme de nombreux glissements de terrain. Malheureusement, Haïti est une zone très nuageuse, et nous n’avons pas pu détecter les déplacements de surface qui auraient permis de voir si la rupture avait effectivement rompu la surface (déplacements qui font souvent quelques dizaines de centimètres).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1426842807394881542"}"></div></p>
<p>Grâce à l’<em>imagerie radar</em>, une première cartographie des dommages était réalisée dès le lendemain du séisme (on regarde si chaque pixel change beaucoup d’aspect entre les passages successifs du satellite), permettant elle aussi de guider les secours vers les zones durement touchées. C’est aussi cette technique qui a permis mesurer les déplacements du sol entre chaque passage du satellite (avant et après le séisme).</p>
<h2>Un séisme pas exactement comme on l’attendait</h2>
<p>Malgré les limitations inhérentes à la technique d’imagerie radar que nous utilisons, nous avons immédiatement réalisé que ce séisme ne correspondait pas complètement à ce qui était attendu : au lieu de s’éloigner du satellite comme ce que notre compréhension du système de faille traversant la péninsule du sud suggérait, le sol a bougé, sur une grande partie, vers le satellite, c’est-à-dire vers le haut.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/417839/original/file-20210825-27-la6lrx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/417839/original/file-20210825-27-la6lrx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/417839/original/file-20210825-27-la6lrx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/417839/original/file-20210825-27-la6lrx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/417839/original/file-20210825-27-la6lrx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/417839/original/file-20210825-27-la6lrx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/417839/original/file-20210825-27-la6lrx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/417839/original/file-20210825-27-la6lrx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte des déplacements dues au séisme du 14 août dans la direction de la ligne de visée du satellite. Les déplacements positifs (rouges) indiquent un déplacement vers le satellite (c.-à-d., ici, essentiellement vers le haut). Les déplacements négatifs (bleus) indiquent un déplacement ici plutôt horizontal. Les données ont été acquises pas la constellation Sentinel 1 (ESA) et traitées par Bryan Raimbault au Département de Géosciences de l’École normale supérieure (PSL).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bryan Raimbault/ENS-PSL</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Avec les acquisitions satellites suivantes, notre compréhension a progressé : la rupture est distribuée sur au moins deux failles, avec un mouvement chevauchant à l’est et un mouvement décrochant à l’ouest – un modèle conceptuel cohérent avec la distribution des répliques, les premiers modèles sismologiques et les <a href="https://www.nature.com/articles/ngeo992">informations géologiques et géodésiques acquises dans la région depuis 2010</a>.</p>
<p>Ces nouvelles connaissances vont permettre d’affiner notre compréhension de l’activité tectonique de la région, de mieux comprendre l’histoire géologique d’Haïti, mais surtout d’améliorer les modèles d’aléa sismique sur cette île malheureusement frappée de façon régulière par ce genre de catastrophe.</p>
<hr>
<p><em>Cet article et les études en cours bénéficient du concours de nombreux chercheurs et experts, en particulier de l’équipe de sismologie du laboratoire <a href="https://geoazur.oca.eu/fr/acc-geoazur/3164-seisme-m-7-de-haiti-du-14-aout-2021-bilan-a-24h">GEOAZUR</a> (CNRS, OCA, UCA, IRD), menée par Françoise Courboulex et Tony Monfret. Les travaux en cours se réalisent dans le cadre du laboratoire mixte international <a href="https://www.ird.fr/premiers-enseignements-sur-le-seisme-du-14-aout-2021-en-haiti">CARIBACT</a>, financé par l’Institut de Recherche pour le Développement.</em></p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article fait partie de la série « Les belles histoires de la science en libre accès », publiée avec le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Pour en savoir plus, veuillez consulter la page <a href="https://www.ouvrirlascience.fr/">Ouvrirlascience.fr</a>.</em></p>
<hr><img src="https://counter.theconversation.com/content/166787/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Jolivet est membre de l'Institut Universitaire de France. Il a reçu des financements du CNRS, de l'ERC (European Research Council), de la NASA, de l'ENS-PSL et de l'IUF.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Bryan Raimbault a reçu des financements de l'ENS-PSL et du Ministère français de lʼEnseignement supérieur, de la Recherche et de lʼInnovation (MESRI) pour la réalisation de son contrat doctoral. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Éric Calais est membre de l'Académie des Sciences et de l'Institut Universitaire de France. Il est actuellement en détachement auprès de l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD). Pour cette étude, il a reçu des financements de l'IRD, du CNRS, du projet européen PREST (Interreg Caraibes) et un soutien logistique de l'UNAVCO.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sadrac St Fleur travaille aussi pour le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) et a eu une bourse de thèse IRD (2012-2016).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Steeve Symithe a reçu des financements de l’USGS, de la coopération de Belgique, du Fond Appui à la Recherche (UEH).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Dominique Boisson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les moyens colossaux des agences spatiales européenne et japonaise combinés à la sismologie participative permettent aux chercheurs haïtiens et du monde entier de comprendre le séisme du 14 août 2021.
Romain Jolivet, Maitre de Conférences, École normale supérieure (ENS) – PSL
Bryan Raimbault, Doctorant en géosciences, École normale supérieure (ENS) – PSL
Dominique Boisson, Professeur en géologie structurale, géotechnique, exploration minière, Université d'Etat d'Haiti
Éric Calais, Professeur, École normale supérieure (ENS) – PSL
Sadrac St Fleur, Professeur en géosciences, Faculté des Sciences, Université d'Etat d'Haiti
Steeve Symithe, Chercheur en géosciences, Faculté Des Sciences, Université d'Etat d'Haiti
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/166386
2021-08-20T12:58:29Z
2021-08-20T12:58:29Z
Après les catastrophes en Haïti, une solidarité internationale nécessaire, mais illusoire
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/417097/original/file-20210819-21-100tk6x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=53%2C0%2C6000%2C3979&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un homme est accroupi sur les décombres de l'hôpital détruit par le tremblement de terre à Fleurant, en Haïti, le 17 août 2021, trois jours après le séisme de magnitude 7,2 qui a frappé la nation des Caraïbes. </span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Fernando Llano) </span></span></figcaption></figure><p>Un tremblement de terre de 7,2 sur l’échelle de Richter <a href="https://www.tvanouvelles.ca/2021/08/16/apres-le-seisme-en-haiti-les-secours-saffairent">a frappé à nouveau Haïti le 14 août</a>. Le séisme a particulièrement frappé les départements du Sud, des Nippes et de la Grande-Anse. En même temps, la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1817156/haiti-tempete-grace-apres-seisme-risque-inondations">tempête tropicale Grace</a> s’est abattue sur le sud-est et le sud du pays, charriant tristesse et désolation.</p>
<p>En attendant de connaître le bilan définitif de ces événements — il serait de près de 2 200 morts à l’heure actuelle —, ces tragédies naturelles font revivre de douloureux souvenirs. Le 12 janvier 2010, un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9isme_de_2010_en_Ha%C3%AFti">tremblement de terre d’une magnitude similaire (7,0 sur l’échelle de Richter) a dévasté la grande région métropolitaine de Port-au-Prince</a>, la capitale du pays, laissant derrière lui de multiples désastres matériels, plus d’une centaine de milliers de morts et un nombre incalculable de personnes blessées.</p>
<p>Tout comme en 2010, plusieurs pays, partenaires des Nations unies et organisations non gouvernementales, se préparent à conduire une évaluation des dommages et des besoins en <a href="https://www.carefrance.org/actualite/communique-presse-news/2021-08-14,haiti-seisme-tremblement.htm">vue d’activer les mécanismes de réponse rapide</a>.</p>
<p>Au-delà de la situation spécifique haïtienne, de tels drames naturels et humains signalent la place de l’inattendu et de l’incontrôlable dans le rapport de l’humain avec la nature. Elles nous rappellent notre vulnérabilité collective et, par le fait même, nous font prendre conscience des valeurs et objectifs communs que nous partageons.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/417100/original/file-20210819-15-y7lc4k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/417100/original/file-20210819-15-y7lc4k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/417100/original/file-20210819-15-y7lc4k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/417100/original/file-20210819-15-y7lc4k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/417100/original/file-20210819-15-y7lc4k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/417100/original/file-20210819-15-y7lc4k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/417100/original/file-20210819-15-y7lc4k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des personnes blessées lors du tremblement de terre survenu samedi et leurs proches se pressent dans une salle d’urgence de l’hôpital Saint-Antoine, à Jérémie, le 18 août. Le plus récent bilan fait état de près de 2 200 morts.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Matias Delacroix)</span></span>
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<p>Toutefois, il est fort probable que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’élan de solidarité internationale envers Haïti ne débouche pas sur des résultats tangibles sur le moyen et long terme. Quatre facteurs, entre autres, expliquent une telle situation : les leçons de l’expérience du tremblement de terre de 2010 ; la faiblesse de l’État haïtien et l’instabilité interne chronique ; l’absence de coordination et de gouvernance de l’action humanitaire internationale et locale ; la nature de la politique mondiale.</p>
<p>Je suis haïtien d’origine, spécialiste en relations internationales et globales, chercheur au CEIM, co-directeur de l’Observatoire des Amériques et chargé de cours à l’UQAM.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-crise-en-ha-ti-reflete-lechec-de-la-communaute-internationale-pour-stabiliser-le-pays-164471">La crise en Haïti reflète l’échec de la communauté internationale pour stabiliser le pays</a>
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<h2>Les leçons du séisme de 2010</h2>
<p>En 2010, plusieurs pays et grandes organisations internationales avaient fait part de leur intention de contribuer financièrement aux opérations d’urgence et de reconstruction. Des milliers de citoyens de partout dans le monde avaient aussi participé aux nombreuses collectes de fonds.</p>
<p>Pour leur part, les pays et les grandes organisations comme la Banque mondiale, le FMI et les grandes agences de l’ONU <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1464873/seisme-haiti-argent-international-reconstruction-chartrand">s’étaient engagés à verser globalement 13 milliards de dollars canadiens</a>.</p>
<p>Il faut ajouter à cette somme plusieurs milliards amassés par dons privés versés directement à des ONG comme la Croix-Rouge, Médecins du Monde et des centaines d’autres. On se souvient aussi que des ONG de partout dans le monde avaient déferlé sur Haïti avec tentes, nourriture, vêtements, services médicaux d’urgence, etc.</p>
<p>Toutefois le bilan de l’assistance internationale post-tremblement de terre à Haïti demeure mitigé, voire catastrophique. La présence de l’ONU, via ses Casques bleus, a conduit à plusieurs scandales, sanitaires (avec le choléra) et <a href="https://theconversation.com/apres-seisme-voici-comment-des-enfants-ha-tiens-ont-ete-abandonnes-par-leur-pere-casque-bleu-129118">sexuels</a>. Plutôt que de satisfaire les besoins réels du pays et de sa population, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Corruption_in_Haiti">l’argent récolté a souvent été détourné</a> ou bien a servi à la prolifération des ONG dans le pays et à édifier ce qu’on appelle communément « une république des ONG ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/417098/original/file-20210819-13-lrwrtb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/417098/original/file-20210819-13-lrwrtb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/417098/original/file-20210819-13-lrwrtb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/417098/original/file-20210819-13-lrwrtb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/417098/original/file-20210819-13-lrwrtb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/417098/original/file-20210819-13-lrwrtb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/417098/original/file-20210819-13-lrwrtb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des membres d’une ONG déchargent de l’aide destinée à un hôpital où sont soignés les nombreux blessés du tremblement de terre survenu le 19 août. Les ONG ne sont pas parvenues à relever les défis de la reconstruction après le séisme de 2010. Il est peu probable qu’elles y parviennent cette fois.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Fernando Llano)</span></span>
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<p>Le réalisateur haïtien Raoul Peck, <a href="http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/38155_1">dans son documentaire coup de poing de 2013</a>, compare l’assistance internationale à Haïti comme de l’« assistance mortelle » des ONG. En d’autres mots, le constat est implacable : les <a href="https://books.openedition.org/editionsmsh/8343?lang=en">ONG ne sont pas parvenues à relever le défi de la reconstruction post-séisme</a>.</p>
<h2>L’invisibilité de l’État</h2>
<p>François Audet et Diane Alalouf-Hall, de <a href="https://occah.uqam.ca">l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaires (OCCAH)</a>, imputent le choix fait en faveur des organisations internationales (OI et ONG) comme acteurs principaux de la reconstruction <a href="https://alternatives-humanitaires.org/fr/2020/03/12/haiti%E2%80%89-mieux-comprendre-le-bilan-mitige-de-laction-humanitaire-internationale/">à la faiblesse de l’État haïtien</a>.</p>
<p>En même temps, ils attirent l’attention sur le fait que ce flux massif d’aide internationale souligne « le caractère de spectateur forcé du peuple haïtien ».</p>
<p>Dépourvu de ressources autonomes et de capacités propres, l’État haïtien est invisible, affaibli par des convulsions internes successives et historiquement incapable de livrer des services à ses citoyens.</p>
<p>De plus, aujourd’hui, le climat politique général se dégrade de manière considérable. Rappelons que le président <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Assassinat_de_Jovenel_Mo%C3%AFse">Moïse Jovenel a été assassiné</a> en juillet. Une grande partie du territoire métropolitain est contrôlée par des gangs armés à la solde de forces obscures. <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/desautels-le-dimanche/segments/entrevue/351747/haiti-face-a-une-vague-d-enlevements-etienne-cote-palluck">Les enlèvements sont devenus monnaie courante</a>. Pour un pays vulnérable aux catastrophes naturelles répétitives et saisonnières, il s’agit là d’une recette pour l’implosion.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apres-lassassinat-de-son-president-ha-ti-a-besoin-plus-que-jamais-de-laide-internationale-164147">Après l’assassinat de son président, Haïti a besoin plus que jamais de l’aide internationale</a>
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<p>On observe aussi que les trois catastrophes naturelles les plus récentes sont survenues dans le pays à des moments de grande incertitude politique et de déliquescence accélérée de l’État. Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 est survenu en pleine période électorale, à un moment de grande inquiétude politique. Les élections, qui devaient se tenir le 28 février, avaient été repoussées au 28 novembre.</p>
<p>En octobre 2016, quelques semaines avant les élections du 20 novembre, le sud du pays a été dévasté par l’ouragan Matthew. Les événements entourant le tremblement de terre d’août 2021 sont arrivés un mois et quelques jours après l’assassinat du président Jovenel Moise lequel a généré un climat politique tendu et délétère. S’il n’existe aucun lien causal entre ces événements, ces catastrophes naturelles exacerbent des situations déjà tendues.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/417101/original/file-20210819-17-6ho334.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/417101/original/file-20210819-17-6ho334.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/417101/original/file-20210819-17-6ho334.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/417101/original/file-20210819-17-6ho334.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/417101/original/file-20210819-17-6ho334.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/417101/original/file-20210819-17-6ho334.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/417101/original/file-20210819-17-6ho334.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un homme se tient près des décombres d’un bâtiment effondré à Jérémie, en Haïti, le 18 août, quatre jours après que la ville ait été frappée par un séisme de magnitude 7,2.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Matias Delacroix)</span></span>
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<h2>Une coordination nécessaire</h2>
<p>À l’expérience traumatisante de 2010 et l’invisibilité chronique et historique de l’État, s’ajoutent le <a href="https://www.courrierinternational.com/article/2012/01/12/mais-ou-diable-est-passe-l-argent-de-la-reconstruction">problème de l’absence de coordination de l’action humanitaire, tant à l’échelle internationale que locale</a>. Cette situation fait d’Haïti le grand bazar à ciel ouvert de l’humanitaire.</p>
<p>Pourtant, plusieurs résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies envisagent d’encadrer les actions des acteurs (gouvernements, ONG et institutions spécialisées, etc.) à la suite d’un appel à l’aide de la communauté internationale. Mais en dépit de l’adoption de ces instruments, et des lignes directrices proposées, l’intervention d’urgence reste plus que jamais tributaire des caprices des intervenants. Dans la plupart des cas, ces derniers opèrent dans une anarchie relative, comme des ghettos protégés, des cartels intéressés, des îlots désincarnés. Cette situation conduit <a href="https://www.bbc.com/afrique/region-43108034">à des dérives de toutes sortes, corruption, népotisme, voire exploitation sexuelle</a>.</p>
<p>En même temps, on observe également un déficit criant de coordination de l’action des ONG sur le terrain. Pour ce faire, il faut davantage d’État. Or ce à quoi on assiste depuis toujours, c’est à l’affaiblissement systématique de celui-ci.</p>
<h2>La nature de la politique mondiale</h2>
<p>L’idée d’une gouvernance de l’action des États et des ONG dans le champ humanitaire reste un défi de taille. Les sources de ces difficultés sont à rechercher dans la dynamique compétitive de la politique internationale et les rivalités permanentes entre les acteurs pour l’atteinte d’objectifs géostratégiques.</p>
<p>Les motivations et contraintes principales guidant les interactions entre les États sur la scène internationale sont davantage politiques qu’éthico-morales. Dans l’état actuel des choses, l’État haïtien est incapable d’intervenir efficacement dans les situations d’urgence. En même temps, les risques d’implosion politique interne fragilisent la coordination de la réponse humanitaire sur le terrain. Il faudrait éviter à tout prix que l’élan de solidarité observé en ce moment, plus que nécessaire, ne se convertisse en un nouveau désenchantement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/166386/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chalmers Larose ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Secoué par un puissant tremblement de terre et frappé par une tempête tropicale, Haïti a de nouveau besoin d’aide internationale. Mais elle reste désorganisée, détournée et confirme l’échec de l’État.
Chalmers Larose, Docteur en science politique, Spécialiste en relations internationales, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/165070
2021-07-25T16:35:28Z
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Anatomie martienne : après seulement deux ans de surveillance sismique, la structure interne de la planète rouge révélée
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/412985/original/file-20210725-13-1m0cef.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C9%2C1603%2C1002&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La structure interne de la planète rouge au scalpel, vue d’artiste.</span> <span class="attribution"><span class="source">© IPGP/David Ducros</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Avant la <a href="https://www.nature.com/articles/s41561-020-0544-y">mission Insight</a> de la NASA opérée par le JPL, la structure interne de Mars était encore mal connue, étudiée grâce aux images des satellites en orbite martienne et à l’analyse des météorites martiennes. Depuis <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02526752/document">début 2019</a> et le succès du déploiement du premier sismomètre martien, l’<a href="http://seis-insight.eu">expérience SEIS</a>, les scientifiques ont collecté et analysé les données sismiques d’une année martienne, soit presque deux années terrestres, qui nous donnent des indications directes sur la structure de Mars, et donc sur sa formation et son histoire.</p>
<p>À ce jour, presque 700 évènements ont été répertoriés dans les données transmises par le CNES et IPGP à l’équipe internationale du <em>Mars Quake Service</em> animée par l’ETHZ. Dans ce <a href="http://www.insight.ethz.ch/seismicity/catalog/v1/">catalogue</a>, on trouve une soixantaine de séismes martiens, dont une dizaine de séismes suffisamment distincts pour l’on puisse, pour la première fois, déterminer un modèle de la structure interne de Mars, qui fait cette semaine la couverture du journal scientifique <em>Science</em>, avec trois articles cosignés par la collaboration InSight, sur la <a href="https://science.sciencemag.org/content/373/6553/438">croûte</a>, le <a href="https://science.sciencemag.org/content/373/6553/434">manteau</a>, et le <a href="https://science.sciencemag.org/content/373/6553/443">noyau</a>.</p>
<h2>Détecter un murmure sous le brouhaha du vent martien</h2>
<p>Sur Terre, les séismes sont forts à cause de la tectonique des plaques, et les sismomètres installés dans des caves ou sous terre et sont déployés par centaines. Sur Mars, dès que le soleil se lève, un bruit sismique important est généré par l’atmosphère et par sa turbulence et les <a href="https://www.nature.com/articles/s41561-020-0539-8">séismes sont beaucoup plus faibles</a> : c’est comme si vous cherchiez à entendre une conversation murmurée au milieu d’une salle de restaurant agitée.</p>
<p>Mais contrairement à la Terre, où même loin des côtes, le bruit sismique reste dominé par des ondes générées par la houle des océans, le bruit sismique observé par InSight est régional, voire local. Il chute donc dès le coucher du soleil et plus particulièrement pendant la première partie de la nuit, quand le vent est si faible que le capteur météorologique d’InSight n’arrive plus à le mesurer. Ces quelques heures ont permis de <a href="https://www.nature.com/articles/s41561-020-0544-y">détecter des petits séismes</a>, d’une magnitude inférieure à 3,7 et ce jusqu’à plusieurs milliers de kilomètres du capteur InSight. Certains de ces séismes ont un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rapport_signal_sur_bruit">« rapport signal sur bruit »</a> suffisamment bon (entre 10 et 100) pour l’on puisse en extraire des informations.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/412987/original/file-20210725-14556-1sqwuaa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/412987/original/file-20210725-14556-1sqwuaa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/412987/original/file-20210725-14556-1sqwuaa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/412987/original/file-20210725-14556-1sqwuaa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/412987/original/file-20210725-14556-1sqwuaa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/412987/original/file-20210725-14556-1sqwuaa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/412987/original/file-20210725-14556-1sqwuaa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/412987/original/file-20210725-14556-1sqwuaa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Image d’artiste de la propagation dans la croute et conversion sismiques à la base de la discontinuité à 10 km. Incrusté : Séismes du Sol 173, un des plus gros séismes martien, avec indication de l’onde P et S.</span>
<span class="attribution"><span class="source">IPGP/Nicolas Sarter</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Avant de présenter ce modèle, rappelons que pour déterminer tout à la fois un modèle de structure, le temps (d’arrivée) du séisme et sa distance, il faut habituellement disposer de plus d’une station. Or, sur Mars, seule la station InSight est à disposition des scientifiques. Il a donc fallu rechercher, identifier et valider dans les enregistrements sismiques la signature d’ondes ayant interagi différemment avec les structures internes de Mars. Ces nouvelles mesures, couplées avec des modélisations minéralogiques et thermiques de la structure interne, ont permis de s’affranchir de la contrainte de station unique. C’est une méthode qui ouvre une nouvelle ère de la sismologie planétaire.</p>
<h2>Mars rejoint le club très sélect des corps célestes dont nous connaissons la structure</h2>
<p>Après plus de deux ans de surveillance sismique martienne, le premier modèle de la structure interne de Mars est obtenu, et ce jusqu’au noyau. Mars rejoint ainsi la Terre et la Lune dans le club des planètes et satellites telluriques dont la structure profonde est explorée par la sismologie. </p>
<p>Et pour la première fois, il est possible non seulement de comparer la structure interne de la Terre avec celle d’une autre planète tellurique, mais aussi l’état de leur moteur thermique interne : l’épaisseur de la croûte nous renseigne en effet sur la quantité d’éléments radioactifs qui s’y trouve, l’épaisseur de la lithosphère thermique donne la profondeur de la zone éventuellement convective du manteau et l’existence ou non de phases profondes peut avoir des conséquences majeures sur la vigueur de la convection.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/retour-sur-si-vous-alliez-sur-mars-comment-choisiriez-vous-votre-destination-158973">« Retour sur… » : Si vous alliez sur Mars, comment choisiriez-vous votre destination ?</a>
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<p>Avec ce premier modèle de structure interne et de profil thermique actuel, ce sont donc toutes les théories de formation et d’évolution thermique de Mars qui doivent être maintenant ajustées, avec à la clef une meilleure compréhension de l’évolution de la planète, puis de la <a href="https://theconversation.com/comment-cherche-t-on-des-traces-de-vie-sur-mars-136720">perte d’« habitabilité » de Mars</a> durant les 500 millions d’années qui suivirent sa formation.</p>
<h2>Observer l’enveloppe superficielle : la croûte de Mars</h2>
<p>Avant la mission InSight, les modèles ne reposaient que sur des mesures recueillies par les satellites en orbites ou l’analyse des météorites martiennes. L’épaisseur de la croûte, avec les seules mesures de gravité et de topographie, était estimée entre 30 et 100 kilomètres. Les valeurs du moment d’inertie et de la densité de la planète suggéraient un noyau avec un rayon entre 1400 kilomètres et 2000 kilomètres. Les détails de la structure interne de la planète comme les profondeurs des frontières entre croûte, manteau et noyau, et plus encore les stratifications éventuelles de la croûte ou du manteau étaient donc inconnus.</p>
<p>Aujourd’hui, c’est l’analyse des signaux sismiques recueillis par InSight qui nous permet de comprendre la structure interne de la planète. Avant d’atteindre la station Insight, à chaque « discontinuité crustale », les ondes sismiques vont être en partie converties en un autre type d’onde, en partie transmises, et en partie réfléchies. Une onde S peut ainsi être convertie en une onde P, dont la plus grande vitesse de propagation lui assurera une arrivée plus rapide à la surface. L’inverse est vrai pour une conversion P en S, qui elle arrivera après l’onde transmise.</p>
<p>La mise en évidence de ces « conversions » a permis d’identifier plusieurs <a href="https://www.nature.com/articles/s41561-020-0536-y">discontinuités dans la croûte</a> : une première, observée à environ 10 kilomètres de profondeur, marque la séparation entre une structure très altérée qui résulte d’une très ancienne circulation de fluide, et une croûte peu altérée. Une seconde discontinuité vers 20 kilomètres puis une troisième moins marquée, vers 35 kilomètres, indiquent la stratification de la croûte sous le sismomètre InSight. La croûte martienne sous InSight fait donc entre 20 et 35 kilomètres d’épaisseur.</p>
<h2>Comprendre la structure et les propriétés du « manteau martien »</h2>
<p>Dans le manteau, nous avons analysé les différences de temps de parcours entre les ondes générées directement par le séisme (de types P et S) et celles générées lors de la réflexion de ces ondes directes sur la surface (une seule réflexion donne les ondes « PP » et « SS » tandis que deux réflexions génèrent les ondes dites « PPP » et « SSS »). Ces différences permettent avec une seule station de déterminer la structure du manteau supérieur, et notamment la variation des vitesses sismiques avec la profondeur.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/412988/original/file-20210725-27-8oll6s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/412988/original/file-20210725-27-8oll6s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/412988/original/file-20210725-27-8oll6s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/412988/original/file-20210725-27-8oll6s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/412988/original/file-20210725-27-8oll6s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/412988/original/file-20210725-27-8oll6s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/412988/original/file-20210725-27-8oll6s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/412988/original/file-20210725-27-8oll6s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Vue d’artiste des principales ondes sismiques P et S et des ondes transmises, réfléchies et converties.</span>
<span class="attribution"><span class="source">IPGP/David Ducros/Philippe Lognonné</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Or, ces variations de vitesse sont liées à la température, à la pression et à la minéralogie du manteau. En croisant ces informations avec les contraintes minéralogiques liées à nos observations des météorites martiennes basaltiques, dont le réservoir pourrait être le manteau superficiel, il est possible de relier directement les vitesses sismiques mesurées à la température du manteau.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ecouter-battre-le-coeur-de-mars-pour-comprendre-sa-formation-et-sa-structure-129389">Écouter battre le cœur de Mars pour comprendre sa formation et sa structure</a>
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<p>Les résultats suggèrent alors que la température du manteau de Mars croit linéairement avec la profondeur jusqu’à atteindre un peu plus de 1500 °Celsius entre 500 et 600 kilomètres de profondeur. Cette croissance de la température caractérise un manteau où la chaleur interne se diffuse sans qu’une lente convection de ce dernier puisse mieux équilibrer ces différences de température. Sur Terre, cette zone où il n’y a pas de convection appelée « lithosphère thermique » varie entre 10 et 100 kilomètres d’épaisseur.</p>
<h2>Où est le noyau de la planète rouge ?</h2>
<p>Pour trouver le noyau, nous avons déterminé la profondeur de la base du manteau grâce aux ondes S réfléchies par sa surface. Malgré les faibles amplitudes des signaux associés à ces ondes réfléchies (appelées « ScS »), un excès d’énergie est observé pour les modèles de noyaux avec un rayon entre 1790 kilomètres et 1870 kilomètres, ce qui nous donne une fourchette de taille pour le noyau martien.</p>
<p>Une telle taille impliquerait la présence d’éléments chimiques légers dans le noyau externe liquide. Ce type de taille exclue l’existence à la base du manteau d’une couche de « bridgmanite », ce silicate de fer et de magnésium de structure pérovskite <a href="https://theconversation.com/mystere-des-profondeurs-le-manteau-terrestre-au-laboratoire-128350">qui constitue l’essentiel du manteau terrestre</a> entre 660 et 2700 kilomètres de profondeur. Si elle avait existé sur Mars, une telle couche aurait « boosté » la convection et donc le volcanisme, en particulier pendant les 500 premiers millions d’années.</p>
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<p><em>L’auteur remercie Brigitte Knapmeyer-Endrun, Amir Khan, Mark P. Panning, Simon C. Stähler et les autres coauteurs des trois articles parus dans Science en 2021, ainsi que Charles Yana (CNES) et toute l’équipe opération SEIS au CNES/JPL/IPGP.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/165070/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Lognonné est l'investigateur principal de SEIS à l'Institut de physique du globe de Paris.</span></em></p>
Plongée à l’intérieur de la planète rouge grâce à l’unique sismomètre martien. Une avancée méthodologique majeure et des connaissances primordiales pour comprendre l’histoire de notre voisine.
Philippe Lognonné, Professeur en Géophysique et Planétologie, Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP), Université Paris Cité
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/161694
2021-06-03T19:49:21Z
2021-06-03T19:49:21Z
Quand étudier les séismes de Mars permet des prouesses techniques inédites
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/404307/original/file-20210603-17-1n4xet3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1200%2C896&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Insight avec le sismomètre SEIS en bas à gauche.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.jpl.nasa.gov/news/press_kits/insight/appendix/gallery/">NASA</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://www.jpl.nasa.gov/news/nasas-insight-mars-lander-gets-a-power-boost">NASA vient d’annoncer</a> une grande première pour une mission spatiale de planétologie, en l’occurrence avec la mission InSight qui s’est posée sur Mars en 2018 : le nettoyage d’un panneau solaire par une action autre que le vent ou via les conditions naturelles à la surface de la planète.</p>
<p>Les ingénieurs du Jet Propulsion Laboratory (JPL, un laboratoire de la NASA) sont parvenus à dépoussiérer les panneaux solaires… en projetant du sable dessus ! Cette activité contre-intuitive est rendue possible par <em>l’effet de saltation</em> : de gros grains de sable, poussés par le vent, viennent arracher les plus petits grains de poussière collés au panneau solaire, permettant d’augmenter la production d’énergie de ce dernier.</p>
<p>Cette action était devenue une nécessité du fait de l’ensablement important des panneaux solaires de l’atterrisseur, diminuant considérablement l’énergie disponible pour la mission et ses instruments scientifiques. Elle découle directement de travaux d’enfouissement du câble d’un des instruments de la mission, que je vais vous présenter.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/retour-sur-rencontrez-les-rovers-qui-cherchent-des-traces-de-vie-sur-mars-159397">« Retour sur… » : Rencontrez les rovers qui cherchent des traces de vie sur Mars</a>
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<p>Prolongée fin 2020 par la NASA pour deux années supplémentaires, la mission InSight se focalise désormais sur les opérations du sismomètre français SEIS, à l’écoute des tremblements et vibrations de la planète Mars depuis l’atterrissage dans la plaine d’Elysium Planitia le 26 novembre 2018. </p>
<p>InSight, qui fait partie du 12<sup>e</sup> programme Discovery de la NASA, a pour objectif de déterminer les grands mécanismes de la formation et de l’évolution des planètes telluriques en mesurant et caractérisant finement la structure interne de Mars. Tout cela grâce au sismomètre SEIS (développé par le Centre national d’études spatiales et l’Institut de physique du globe de Paris, avec le support de nombreux partenaires français, européens et américains), ainsi qu’avec la sonde de température HP3, développée par le Centre allemand pour l’aéronautique et l’astronautique, dont l’objectif était de s’enfoncer dans le sol martien jusqu’à 5 mètres de profondeur afin de mesurer les flux de chaleur sous la surface. Les deux instruments SEIS et HP3 avaient été déployés sur le sol de Mars peu après l’atterrissage, grâce au bras robotisé de l’atterrisseur InSight.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/NAorZFLVH8M?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">SEIS pour écouter battre le cœur de Mars (CNES).</span></figcaption>
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<p>Si SEIS a pu rapidement enregistrer les premiers séismes martiens, la pénétration de la sonde HP3 dans le sol s’est avérée plus difficile et cette dernière n’a jamais pu, après presque deux ans de tentatives, s’enfoncer complètement dans le sol.</p>
<p>Les tentatives de forage infructueuses de la sonde de température allemande HP3 ont été abandonnées début 2020 afin de libérer le bras robotique de l’atterrisseur et permettre d’entamer l’enfouissement du câble de SEIS sous du régolithe martien (la poussière fine à la surface de la planète) grâce à la pelle installée au bout du bras. En effet, s’il est installé sur le sol de Mars, le sismomètre SEIS reste relié à l’atterrisseur par un câble appelé <em>tether</em>, en charge de transmettre les commandes à SEIS et de transférer ses données scientifiques. </p>
<p>L’installation de SEIS et de son câble a été particulièrement minutieuse afin d’éviter toute contrainte mécanique du câble sur la structure du sismomètre. Les forts gradients de température à la surface de Mars génèrent en effet des effets mécaniques de rétractation et de dilatation de ce câble. À la tombée de la nuit, vers 18h sur Mars, les températures chutent de près de 80 °C en 1 heure. Cela a pour effet de générer des craquements thermoélastiques du câble qui génèrent du bruit sismique sur les données de SEIS, des <em>glitchs</em> que l’équipe cherche toujours à mieux comprendre et caractériser. </p>
<p>Afin de réduire la fréquence et l’amplitude de ces craquements, les équipes de l’IPGP ont eu l’idée d’enfouir le câble sous une couche de sable afin de l’isoler thermiquement. In fine, l’objectif est d’améliorer les performances de SEIS, déjà excellentes, et la qualité des données scientifiques produites. L’opportunité s’est présentée avec l’extension de mission par la NASA sur les années 2021 et 2022, car la durée nominale de la mission n’était que de deux ans, jusqu’à fin 2020.</p>
<h2>Un enfouissement extrêmement minutieux</h2>
<p>Cette activité est minutieusement préparée depuis le début de l’année par les équipes du CNES et du JPL. Les ingénieurs opèrent le bras d’InSight à partir des consignes de l’équipe opérationnelle du CNES, qui appuie son plan d’action sur les essais effectués au CNES sur le modèle de qualification du sismomètre.</p>
<p>Lancées le 14 mars et le 28 mars derniers, les deux premières pelletées ont déposé le régolithe directement sur le bouclier qui recouvre SEIS, permettant ainsi d’être au plus près de l’instrument en laissant glisser le sable jusqu’au <em>tether</em> (le câble qui relie l’instrument à l’atterrisseur), permettant de recouvrir les quelques centimètres les plus proches de SEIS, que l’on pense être les plus critiques vis-à-vis du bruit sismique. L’opération s’est parfaitement déroulée et a permis de recouvrir l’extrémité du câble la plus proche de SEIS de quelques millimètres de sable, mais les spectaculaires images revenues de Mars ont soulevé quelques questions.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/404306/original/file-20210603-15-10kfstf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/404306/original/file-20210603-15-10kfstf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/404306/original/file-20210603-15-10kfstf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/404306/original/file-20210603-15-10kfstf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/404306/original/file-20210603-15-10kfstf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/404306/original/file-20210603-15-10kfstf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/404306/original/file-20210603-15-10kfstf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/404306/original/file-20210603-15-10kfstf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Coupe du sismomètre SEIS, le câble à enfouir est à droite de l’image.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/InSight#/media/Fichier:PIA22320_%E2%80%93_Cutaway_of_SEIS_(Artist's_Concept).jpg">NASA/JPL-Caltech/CNES/IPGP</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En premier lieu, le dépôt est tombé un peu plus à gauche que prévu du <em>tether</em>, qui a tout de même été recouvert en grande partie. Cela est dû à la forme en dôme du bouclier thermique, ainsi qu’à l’imprécision mécanique de placement du bras. Le résultat s’est avéré un peu différent des tests sur Terre, pourtant réalisés avec un modèle identique du bouclier de SEIS.</p>
<p>S’est également posée la question de l’effet du vent sur le dépôt et de son influence sur la dispersion du régolithe qui est lâché d’assez haut (environ 40cm) par sécurité. L’énergie de l’atterrisseur étant limitée, le capteur de vent de la station météo (également opérée au CNES) n’avait pas été allumé. La dispersion des particules fines est cependant clairement apparue sur la trace laissée par le régolithe sur le bouclier, dont la surface s’est retrouvée spectaculairement nettoyée de sa poussière accumulée depuis deux ans.</p>
<p>Enfin la quantité de sable déposée sur le câble dépend forcément de la quantité de sable qui a pu être préalablement transféré dans la pelle. Les photos prises avant et après l’opération sont le seul moyen de s’assurer par exemple que la pelle s’est bien vidée, ou d’estimer le volume de remplissage, forcément difficile à déterminer à partir d’une image vue du dessus. Chaque opération de dépôt permet aux équipes de progresser dans la compréhension des mécanismes sous-jacents, et de gagner en efficacité à chaque nouvel essai.</p>
<p>Fortes de cette première expérience, les équipes opérationnelles ont pu continuer l’activité sans perdre de temps. Mars approche en effet de son aphélie (point de l’orbite d’une planète où elle se trouve à la plus grande distance du soleil), ce qui marquera pour InSight les températures les plus froides de l’année. De plus, les panneaux solaires commencent à être fortement recouverts de poussière, ce qui limite l’énergie disponible pour les opérations.</p>
<p><img src="https://mars.nasa.gov/system/resources/detail_files/25771_PIA24450.gif"></p>
<p>Un plan sur 6 à 8 dépôts a ainsi été mis en place d’ici à cet été avant que l’énergie ne vienne à manquer. L’activité est complexe et nécessite de prendre en compte de nombreux paramètres :</p>
<ul>
<li><p>La température à la surface de Mars en premier lieu, car le bras ne peut pas être opéré à des températures trop froides.</p></li>
<li><p>L’incertitude dans le placement du bras et la hauteur du dépôt ensuite, bien qu’ils s’affinent au fur et à mesure des opérations.</p></li>
<li><p>Le vent est également primordial, car si des rafales ne sont jamais à exclure, le vent résiduel change la physionomie du dépôt au sol. Il est ainsi pris en compte pour estimer le point de dépôt (au cm près) et finalement mesuré en temps réel pendant l’exécution de l’activité avec le capteur de vent.</p></li>
<li><p>Enfin, les ombres portées sont importantes pour estimer la hauteur de la pile de régolithe, et les activités ont ainsi lieu tard dans la journée, au moment où le soleil est rasant dans Elysium Planitia.</p></li>
</ul>
<h2>Une idée pour dépoussiérer les panneaux solaires</h2>
<p>Les deux premiers dépôts ont été effectués directement sur le bouclier thermique, avant de glisser jusqu’au sol. Cela a eu l’effet de nettoyer la poussière qui s’était accumulée sur le panneau. Ce qui a pu indirectement donner aux ingénieurs du JPL l’idée à l’équipe d’effectuer une activité similaire pour dépoussiérer un des panneaux solaires par effet de saltation (l’autre panneau n’étant pas atteignable par le bras robotique) : en effectuant un dépôt depuis assez haut sur le pont de l’atterrisseur sur un endroit proche du panneau solaire et à une heure de la journée avec suffisamment de vent dans la bonne direction, les gros grains poussés vers le panneau par le vent viennent arracher les poussières collées au panneau en rebondissant à la surface par saltation.</p>
<p>Les dépôts sont précédés d’une phase de « scraping » (raclage) pendant laquelle la pelle vient racler le sol afin de rassembler suffisamment de régolithe au sol. La pelle vient ensuite se remplir dans ce tas avant le dépôt.</p>
<p>Les troisième et quatrième dépôts visaient la pinning mass, le petit appendice rajouté sur le <em>tether</em> pour ajuster ce dernier lors de la phase de déploiement. Si le premier dépôt s’est avéré un peu à côté (le vent n’avait finalement pas soufflé aussi fort qu’attendu), le 4<sup>e</sup> dépôt a été une belle réussite, venant en grande partie recouvrir le câble.</p>
<p>Les effets de cette activité sont déjà visibles dans la qualité des données scientifiques, avec une légère réduction des glitchs, ces craquements thermoélastiques qui viennent perturber les signaux sismiques. L’effet plus complet est attendu à partir de 8 dépôts sur Mars, objectif qui pourra être atteint avant l’été si l’énergie disponible le permet, ou à partir de la rentrée une fois les températures remontées sur Mars.</p>
<p>Les dépôts 5 et 6 ont été effectués les 10 et 17 mai respectivement, toujours sur la pinning mass qui est maintenant bien recouverte. L’étape suivante pour SEIS est de recouvrir la partie du câble plus éloignée de SEIS, mais celle-ci est plus sensible car un « pont » s’est créé en dessous lors du déploiement de l’instrument il y a deux ans. En effet, lors de la phase de déploiement de SEIS juste après l’atterrissage, le câble a été ajusté sur le sol grâce à la pelle (la même qui sert à décharger le régolithe sur le câble) qui est venue tirer ce dernier vers l’atterrisseur. Cela a eu pour effet de venir « bomber » un peu le câble et le décoller légèrement du sol à peu près en son milieu.</p>
<p>Le câble ne reposant pas directement sur le sol, il faut éviter que le régolithe déposé dessus ne vienne créer une contrainte mécanique et modifier l’installation du câble. Des tests sont en cours au CNES pour déterminer la meilleure approche pour cette activité à risque.</p>
<p>L’activité d’enfouissement du câble de SEIS est menée conjointement par le CNES et par le JPL (qui opère notamment le bras robotisé), avec le support scientifique de l’Institut de Physique du Globe de Paris, du Laboratoire de Planétologie et Géodynamique de Nantes, et du Laboratoire Navier.</p>
<p>À ce jour, la mission InSight compte 600 séismes détectés par l’instrument SEIS, dont une petite dizaine peut être qualifiée de majeur (de magnitude 3,1 à 3,6). Ils proviennent tous de la zone sismique de Cerberus Fossae, située à 1 600km à l’Est d’InSight.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161694/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Yana ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Prouesse technique extraordinaire : enfouir un câble sur Mars, en pilotant un robot à des millions de kilomètres, et en bonus, une technique pour nettoyer les panneaux solaires a été inventée.
Charles Yana, Chef de Projet Opérations SEIS pour la mission InSight, Centre national d’études spatiales (CNES)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/153923
2021-02-10T20:47:46Z
2021-02-10T20:47:46Z
Il existe plusieurs types de géothermie – comment marchent-ils, et quels sont les risques ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/382514/original/file-20210204-22-1jkm74t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C0%2C1274%2C852&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La centrale géothermique de Nesjavellir, en Islande, est située sur un point chaud -- mais ce n’est pas la seule manière d’extraire de l’énergie de la chaleur de la Terre.</span> <span class="attribution"><span class="source">Damien Do Couto</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Les actualités récentes dans le fossé rhénan font état de séismes induits par l’homme <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/12/04/un-nouveau-seisme-d-origine-humaine-reveille-l-agglomeration-de-strasbourg_6062150_3244.html">lors de l’exploitation de l’énergie géothermale</a>.</p>
<p>L’exploitation de la chaleur interne de la Terre, la <a href="http://patrick.monassier.free.fr/energies/cours_energies_renouvelables/Geothermie%20PM.pdf">« géothermie »</a>, est une pratique très ancienne qui a débuté avec l’utilisation des sources thermales et qui a connu ces dernières décennies un essor tout particulier avec l’avènement de la transition énergétique qui presse l’humanité à changer ses modes de production et de consommation énergétiques.</p>
<p>En effet, alors que 99 % du volume de la Terre est à une température supérieure à 100 °C, cette chaleur est inégalement répartie à l’échelle du globe. Les grands mouvements tectoniques aux frontières et à l’intérieur des plaques tectoniques, le volcanisme, ou encore l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hydrothermalisme">hydrothermalisme</a> sont autant de facteurs <a href="http://encyclopedie-dd.org/encyclopedie/neige-neige-terre-neige-neige/la-geothermie.html">favorisant la circulation de chaleur depuis les profondeurs</a>. Faisons le point sur cette ressource aux différentes facettes, qui reste malgré tout encore peu connue.</p>
<h2>Trois types de géothermie</h2>
<p>L’utilisation de la chaleur du sous-sol est dépendante des avancées technologiques nous permettant de récupérer de cette chaleur, soit par l’utilisation de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pompe_%C3%A0_chaleur">pompes à chaleur</a>, soit par la <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/stimulation-plutot-que-fracturation.N219086">stimulation hydraulique</a> par exemple dont nous reparlerons plus tard. En fonction de la demande énergétique et de la quantité de chaleur disponible dans le sous-sol, plusieurs types de géothermies sont aujourd’hui développées dans le monde.</p>
<p>On distingue trois grands types de géothermie, différenciables selon la profondeur, la température ou encore l’utilisation de la ressource de chaleur : la géothermie de très faible à faible énergie (température inférieure à 90 °C), la géothermie de moyenne énergie (température supérieure à 90 °C) et la géothermie de haute énergie (température supérieure à 120 °C).</p>
<p>La profondeur de ces exploitations varie en fonction de la géologie du sous-sol. En effet, sur Terre, la température augmente en moyenne de 30 °C tous les kilomètres (c’est ce qu’on appelle le « gradient géothermique »), mais ce gradient n’est pas identique en tout point du globe et peut varier localement très fortement, atteignant parfois les 100 °C par kilomètre. Plus le gradient sera élevé, moins il faudra creuser pour trouver des températures élevées.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/382518/original/file-20210204-14-dwn54z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/382518/original/file-20210204-14-dwn54z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/382518/original/file-20210204-14-dwn54z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/382518/original/file-20210204-14-dwn54z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/382518/original/file-20210204-14-dwn54z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/382518/original/file-20210204-14-dwn54z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/382518/original/file-20210204-14-dwn54z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/382518/original/file-20210204-14-dwn54z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Trois types de géothermie : de faible, moyenne et grande profondeur, pour des sources de chaleur de plus en plus chaudes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Damien Do Couto, d’après un schéma du BRGM</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les trois grands types de géothermie diffèrent donc par plusieurs aspects, et notamment par les risques qui leur sont associés.</p>
<h2>La géothermie de faible énergie</h2>
<p>La géothermie de faible énergie concerne le secteur domestique ou industriel et s’applique à utiliser la chaleur ou la douceur du sous-sol pour chauffer, refroidir et produire de l’eau chaude pour des habitations uniques, des immeubles ou encore des bâtiments tertiaires.</p>
<p>À très faible profondeur (inférieure à 200 mètres et environ 20 °C), l’utilisation de pompes à chaleur géothermiques est le meilleur moyen de récupérer cette chaleur et de produire de l’énergie. Dans ce cas, les pompes à chaleur sont reliées à des « sondes » verticales ou à des « échangeurs » horizontaux, qui font circuler en profondeur un liquide caloporteur : celui-ci se réchauffe au contact de la chaleur du sous-sol, et se refroidit dans la pompe à chaleur, par un système de compresseur/détendeur, pour céder ses calories au milieu que l’on souhaite réchauffer, par exemple de l’eau chaude domestique ou un circuit de chauffage.</p>
<p>Cette géothermie de proche surface est la plus développée en France, car elle est la moins coûteuse et la plus facile à mettre en place. Elle est également la moins risquée, car les sondes géothermales et les échangeurs horizontaux fonctionnent en boucles fermées : le fluide caloporteur n’entre jamais en contact avec le milieu extérieur et réalise toujours le même circuit. Il s’agit ici d’un échange de chaleur, par diffusion thermique uniquement.</p>
<p>Lorsqu’un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Aquif%C3%A8re">aquifère</a> est présent dans le sous-sol, c’est-à-dire une roche dont la porosité et la perméabilité permettent à l’eau de circuler librement, des « doublets géothermiques », composés d’un forage de production et un forage d’injection, peuvent être mis en place. Dans ce cas, la chaleur du fluide ascendant est exploitée pour chauffer les réseaux urbains, puis celui-ci est réinjecté dans son milieu d’origine à une température plus faible.</p>
<p>En Île-de-France, de nombreux doublets géothermiques sont installés dans le but d’alimenter des réseaux de chauffage urbains en utilisant un aquifère profond situé entre 1,5 et 2 km de profondeur, à une température moyenne comprise entre 60 et 85 °C. L’histoire géologique du bassin parisien a permis à une roche « réservoir » de se déposer il y a plus de 160 millions d’années. La présence de ces aquifères profonds dépend entièrement de l’histoire géologique passée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/382517/original/file-20210204-12-1gmtawh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/382517/original/file-20210204-12-1gmtawh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/382517/original/file-20210204-12-1gmtawh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=230&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/382517/original/file-20210204-12-1gmtawh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=230&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/382517/original/file-20210204-12-1gmtawh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=230&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/382517/original/file-20210204-12-1gmtawh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=288&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/382517/original/file-20210204-12-1gmtawh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=288&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/382517/original/file-20210204-12-1gmtawh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=288&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Coupe géologique du bassin parisien et les différents aquifères pouvant servir à la géothermie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">ADEME-BRGM</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>En fonctionnement par doublet géothermique, l’eau chaude de l’aquifère en production est réintroduite dans son milieu d’origine afin que le fluide caloporteur n’entre pas en contact avec le milieu extérieur (ni avec une potentielle nappe d’eau superficielle) pour ne pas impliquer de contamination et de déséquilibre physico-chimiques entre les différents milieux.</p>
<h2>La géothermie de moyenne et haute énergie</h2>
<p>La géothermie de moyenne énergie concerne des projets plus profonds et des températures généralement supérieures à 90 °C. Le but de cette géothermie est d’utiliser la forte température des profondeurs pour produire de la chaleur, ou de l’électricité (dans une moindre mesure), voire les deux en même temps. Les usages principaux de ce type de géothermie sont industriels et comprennent l’extraction de produits chimiques, le séchage de produits industriels ou encore la récupération de métaux.</p>
<p>La géothermie de haute énergie cherche quant à elle à capter l’eau à des températures supérieures à 120 °C, sous forme de vapeur, qui servira à produire de l’électricité grâce à des turbines. Ce type de géothermie est développé dans des contextes géologiques spécifiques, impliquant la présence de corps chauds apportant la source de chaleur : il peut s’agir de la proximité du manteau terrestre ou de corps magmatiques, comme on peut en trouver par exemple en Guadeloupe, sur le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Centrale_g%C3%A9othermique_de_Bouillante">site de Bouillante</a> ou encore en Toscane.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/382515/original/file-20210204-18-1j1stxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/382515/original/file-20210204-18-1j1stxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/382515/original/file-20210204-18-1j1stxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/382515/original/file-20210204-18-1j1stxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/382515/original/file-20210204-18-1j1stxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/382515/original/file-20210204-18-1j1stxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/382515/original/file-20210204-18-1j1stxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le champ géothermal de Larderello en Italie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Damien Do Couto</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Des forages à plusieurs kilomètres de profondeur sont nécessaires pour produire cette chaleur étant donné le gradient géothermique moyen. En l’absence d’aquifère profond, il faut injecter de l’eau douce en profondeur, où elle se réchauffe, puis la pomper vers la surface, généralement grâce deux puits de production. Pour cette méthode, il convient donc de trouver, en profondeur, un environnement chaud et naturellement fracturé dans lequel l’eau pourra circuler et emmagasiner la chaleur.</p>
<p>Dans ce contexte, l’utilisation de la « stimulation hydraulique » sert à augmenter la perméabilité des réservoirs fracturés en profondeur. Cette technique, dérivée du monde pétrolier, vise à injecter de l’eau douce sous pression pour ouvrir les fractures préexistantes. On parle alors d’« EGS » pour <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Enhanced_geothermal_system"><em>Enhanced Geothermal System</em></a>. Contrairement à la fracturation hydraulique, qui cherche via l’injection d’eau et de produits chimiques à créer de nouvelles fractures sur une vaste superficie, la stimulation hydraulique est bien moins risquée, car les pressions d’injection sont quatre à cinq fois inférieures à celles de la fracturation hydraulique. Cette étape de stimulation hydraulique <a href="http://www.grand-est.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Expose_de_CUENOT.pdf">induit fréquemment des séismes</a>, la plupart étant de magnitudes si faibles qu’ils ne sont pas ressentis par la population aux alentours du site d’injection.</p>
<p>Par contre, recourir à la stimulation hydraulique nécessite d’avoir une parfaite connaissance du réservoir en profondeur : sa nature, sa géométrie, l’orientation des fractures ou encore la quantité de tension tectonique préalablement accumulée. Ce qui s’est déroulé récemment sur le site de Vendenheim dans le Bas-Rhin démontre la méconnaissance des propriétés du réservoir profond. En effet, la plupart des données utilisées par les géoscientifiques sont des données indirectes issues d’observations géophysiques, et le diamètre d’un forage ne représente que quelques centimètres carrés de surface, pour un réservoir qui peut s’étendre sur plusieurs kilomètres carrés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153923/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Damien Do Couto a reçu des financements de Sorbonne Université. Il est membre de la Société Géologique de France.</span></em></p>
L’utilisation de la chaleur de la Terre est très ancienne. Aujourd’hui, certaines exploitations sont très profondes et nécessitent une très bonne connaissance des réservoirs souterrains.
Damien Do Couto, Maître de conférences, Sorbonne Université
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/150988
2020-12-16T19:16:28Z
2020-12-16T19:16:28Z
Ce que le séisme du Teil nous apprend sur le risque sismique en France métropolitaine
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/375146/original/file-20201215-21-9g70va.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C4%2C1019%2C676&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le séisme du Teil indique la possibilité de ruptures permanentes du sol, qui présentent un danger particulier pour les populations mais aussi pour les installations sensibles comme les réseaux ferroviaires, centrales, etc. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://u.afp.com/UZdV">Jeff Pachoud / AFP</a></span></figcaption></figure><p>Il y a un an, le 11 novembre 2019 à 11h52, la région de <a href="https://www.francebleu.fr/infos/sante-sciences/ardeche-un-apres-le-seisme-les-scientifique-ne-savent-toujours-pas-pourquoi-la-terre-a-tremble-ce-1604999317">Montélimar</a> était fortement secouée par un <a href="https://www.larecherche.fr/g%C3%A9ophysique/aux-origines-du-s%C3%A9isme-du-teil">tremblement de terre de magnitude 5,4</a>.</p>
<p>Avec plus de 700 bâtiments sérieusement endommagés et quatre blessés, ce séisme ressenti dans tout le sud-est de la France est le plus destructeur en métropole depuis celui d’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=j8EYjzaErfo">Arette dans les Pyrénées en 1967</a>. Cette région, en bordure de la vallée du Rhône, est particulièrement sensible du fait de la présence de plusieurs agglomérations et de grandes installations industrielles : barrages, centrales nucléaires, axes routiers, ferroviaires et fluviaux.</p>
<p>Ce séisme nous pousse à ré-évaluer le risque sismique en France métropolitaine : il faut d’une part désormais prendre en compte ce type de séisme très superficiel, capable de produire des mouvements forts du sol ; et d’autre part intégrer la possibilité de rupture de surface, c’est-à-dire d’une cassure permanente du sol, qui présente un danger particulier pour les installations sensibles.</p>
<h2>Un séisme peu profond et un décalage du sol très net</h2>
<p>Quelques dizaines de minutes après le séisme, on savait que l’épicentre était localisé près du village du Teil, avec un foyer (la zone d’initiation de la rupture en profondeur) très peu profond, entre un et trois kilomètres sous le sol, ce qui explique la forte intensité des mouvements du sol et, par conséquent, l’ampleur des destructions. En effet, les ondes sismiques produites au foyer ont parcouru une faible distance avant d’arriver en surface et leur énergie a été peu atténuée.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/374843/original/file-20201214-19-1nsed3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/374843/original/file-20201214-19-1nsed3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/374843/original/file-20201214-19-1nsed3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/374843/original/file-20201214-19-1nsed3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/374843/original/file-20201214-19-1nsed3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/374843/original/file-20201214-19-1nsed3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/374843/original/file-20201214-19-1nsed3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le séisme du Teil, dans la vallée du Rhône, et le système de failles tectoniques dans la région.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Christophe Larroque</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dès l’après-midi, les premières équipes de sismologues partaient installer des capteurs sur le terrain pour enregistrer les répliques – ce sont des secousses de plus petites magnitudes qui <a href="https://doi.org/10.31219/osf.io/3afs5">suivent systématiquement un séisme important</a>. Le lendemain, les images radar prises par <a href="http://www.esa.int/Applications/Observing_the_Earth/Copernicus/Sentinel-1">satellite</a> et leur analyse par <a href="https://planet-terre.ens-lyon.fr/article/interferometrie-radar.xml">« interférométrie radar »</a> mettaient en évidence des décalages verticaux de la surface du sol dépassant dix centimètres.</p>
<p>Pour les géologues, deux observations émergeaient donc : d’une part, le foyer du séisme est très peu profond ; d’autre part, les zones de décalage vertical du sol vues avec le traitement des images radar sont alignées de façon presque rectiligne. Ces observations sont très importantes car elles suggèrent que la partie de la faille qui a rompu lors du séisme (rupture dite « cosismique ») a atteint la surface, ce qui, pour un séisme de cette magnitude, est un événement très rare. Si rare qu’à la date du séisme du Teil, aucune rupture cosismique indiscutable à la surface du sol n’avait encore été décrite en France métropolitaine.</p>
<h2>La formation d’une « marche » à la surface</h2>
<p>Les décalages verticaux repérés par interférométrie radar s’alignent le long d’une direction nord-est/sud-ouest correspondant à une faille plus ancienne, la faille de la Rouvière. Leur analyse indique le soulèvement du compartiment situé au sud. Le 13 novembre, une <a href="http://www.gm.univ-montp2.fr/">équipe</a> de <a href="https://geoazur.oca.eu/fr/acc-geoazur">plusieurs</a> <a href="https://www.isterre.fr/">laboratoires</a> <a href="https://www.irsn.fr/FR/Pages/Home.aspx">français</a> sont partis à la recherche de potentielles ruptures de surface. Malgré les difficultés de terrain, liées à la végétation et des reliefs accentués, plusieurs indices de rupture de la surface du sol furent découverts, certains montrant des décalages verticaux entre 2,5 et 15 centimètres.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/374244/original/file-20201210-16-14nrgxy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/374244/original/file-20201210-16-14nrgxy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/374244/original/file-20201210-16-14nrgxy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/374244/original/file-20201210-16-14nrgxy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/374244/original/file-20201210-16-14nrgxy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/374244/original/file-20201210-16-14nrgxy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/374244/original/file-20201210-16-14nrgxy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Ruptures de surface observées après le séisme du Teil. La rupture de surface à la suite du séisme du Teil, visible ici à travers l’asphalte d’une route, fait environ 4 m de longueur. Le compartiment situé sous la personne a été soulevé de quelques centimètres.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://u.afp.com/Uk7C">Philippe Desmazes/AFP</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces mesures montrent elles aussi que le compartiment sud de la faille s’est soulevé, et leur distribution attestent qu’elles sont bien la <a href="https://www.nature.com/articles/s43247-020-0012-z">conséquence de l’arrivée en surface de la rupture cosismique associée au séisme</a>.</p>
<h2>Une faille ancienne… mais toujours active</h2>
<p>Ces observations sont inédites. C’est la première fois qu’une telle rupture « cosismique » – la rupture de la faille lors du séisme – est observée en surface et « en direct » en France. Très peu de cas sont par ailleurs attestés dans le monde pour des séismes de magnitude inférieure à 5,5.</p>
<p>La faille de la Rouvière, sur laquelle s’est produite le séisme du Teil, est une faille ancienne qui n’était pas cartographiée comme étant active, c’est-à-dire susceptible de produire un tel événement.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/374825/original/file-20201214-19-1kroolv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/374825/original/file-20201214-19-1kroolv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/374825/original/file-20201214-19-1kroolv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/374825/original/file-20201214-19-1kroolv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/374825/original/file-20201214-19-1kroolv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/374825/original/file-20201214-19-1kroolv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/374825/original/file-20201214-19-1kroolv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Représentation schématique d’une faille normale.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:FailleNorm.png">R. Lacassin/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Elle mesure une dizaine de kilomètres de long et elle constitue l’un des segments nord du grand système de failles des Cévennes, qui s’étend sur plus de 120 km entre Lodève et Valence. Les derniers mouvements importants sur la faille de la Rouvière remontent à la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Oligoc%C3%A8ne">période oligocène</a>, entre 35 et 25 millions d’années. Pendant l’Oligocène, cette faille a fonctionné comme une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Faille_normale">faille de type « normal »</a> dans un régime tectonique en extension, contemporain l’ouverture de la mer Méditerranée occidentale. Les mouvements le long de la faille ont alors entraîné l’affaissement de la vallée du Rhône par rapport à la bordure ardéchoise.</p>
<h2>Les mouvements de la faille de la Rouvière se sont inversés</h2>
<p>Or lors du séisme du Teil, il s’est produit un soulèvement du compartiment sud. Le séisme de 2019 indique donc que le mouvement le long de la faille de la Rouvière s’est <em>inversé</em>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/374840/original/file-20201214-24-cp1b1k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/374840/original/file-20201214-24-cp1b1k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/374840/original/file-20201214-24-cp1b1k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/374840/original/file-20201214-24-cp1b1k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/374840/original/file-20201214-24-cp1b1k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/374840/original/file-20201214-24-cp1b1k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/374840/original/file-20201214-24-cp1b1k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/374840/original/file-20201214-24-cp1b1k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une faille « inverse », en compression.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:FaillInv.png">RobinL/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’<a href="https://theconversation.com/seisme-en-mer-egee-que-savent-les-scientifiques-apres-quelques-jours-de-travail-149246">inversion des failles</a> est un processus connu dans l’évolution des grands dispositifs géologiques. Dans le cas présent, la faille de la Rouvière a fonctionné avec un sens « normal » dans la période ancienne, c’est-à-dire que le bloc situé au Sud de la faille descendait par rapport au bloc situé au Nord, puis récemment son sens de glissement s’est inversé et le bloc sud monte le long du plan de faille par rapport au bloc Nord.</p>
<p>Le séisme du Teil est, de ce point de vue aussi, particulièrement intéressant, car il illustre « en direct » l’inversion d’une faille normale, et par conséquent le changement de régime tectonique.</p>
<p>Depuis les années soixante, on pensait pouvoir expliquer assez simplement les séismes de la région par la convergence entre les plaques Afrique et Europe, qui génère des forces vers le nord depuis la limite de ces plaques située au sud de la Méditerranée. Cependant, les observations et les modélisations effectuées depuis une vingtaine d’années <a href="https://www.bsgf.fr/articles/bsgf/abs/2020/01/bsgf190089/bsgf190089.html">remettent en cause</a> ce mécanisme univoque : il apparaît que des processus locaux, par exemple l’érosion, la fonte des grands glaciers alpins il y a 15 000 ans, ou encore la circulation de fluides dans la croûte terrestre soient aussi des processus capables de produire des séismes. </p>
<p>Les actions humaines à la surface de la Terre sont aussi discutées comme <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/bas-rhin/strasbourg-0/bas-rhin-arret-definitif-travaux-geothermie-fonroche-vendenheim-suite-au-dernier-seisme-1903104.html">responsables potentielles du déclenchement de séismes</a>. Dans le cas du Teil, l’extraction d’une grande masse de roches dans une carrière située au-dessus de la faille <a href="http://www.cnrs.fr/sites/default/files/press_info/2019-12/Rapport_GT_Teil_phase1_final_171219_v3.pdf">pourrait être à l’origine de l’événement</a>.</p>
<p>En bref, l’origine des forces produisant des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9isme_intra-plaque">séismes « intraplaques »</a> en Europe occidentale n’est pas encore clairement comprise et fait l’objet de nombreuses recherches.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/seisme-en-mer-egee-que-savent-les-scientifiques-apres-quelques-jours-de-travail-149246">Séisme en mer Égée : que savent les scientifiques après quelques jours de travail ?</a>
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<h2>Explorer le passé pour mieux comprendre le présent et l’avenir</h2>
<p>Les paléosismologues décryptent les tremblements de terre passés. Dans ce cas, ils étudient la faille de la Rouvière et les autres failles qui constituent cette partie du réseau de failles des Cévennes dans le but de déterminer si elles avaient déjà produit des ruptures de surface <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Quaternaire">au cours des 2 derniers millions d’années</a>. Ils analysent si des déformations associées à des séismes (par exemple des fissures, ruptures avec déplacements, plis, basculements) affectent les couches sédimentaires les plus récentes (comme les éboulis de pentes, alluvions fluviatiles, sables) au niveau de tranchées qu’ils creusent au travers des failles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/374242/original/file-20201210-17-4t3dkc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/374242/original/file-20201210-17-4t3dkc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/374242/original/file-20201210-17-4t3dkc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/374242/original/file-20201210-17-4t3dkc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/374242/original/file-20201210-17-4t3dkc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/374242/original/file-20201210-17-4t3dkc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/374242/original/file-20201210-17-4t3dkc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">À gauche : tranchée creusée au travers de la faille de la Rouvière. À droite : la grande fissure blanche est une rupture cosismique ancienne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Christophe Larroque</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ils cherchent ainsi à déterminer les âges et les déplacements produits par ces déformations, afin d’estimer la <em>fréquence</em> et la <em>magnitude</em> des séismes anciens. En faisant alors l’hypothèse que le comportement actuel d’une faille est proche de son comportement passé (principe de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Uniformitarisme">« l’actualisme »</a>), les données paléosismologiques permettraient de discuter la probabilité qu’une faille produise un séisme sur une certaine période de temps.</p>
<p>Espérons que les travaux en cours dans la région du Teil fourniront suffisamment de données pour parvenir à faire cette évaluation du risque sismique sur cette partie du système de failles des Cévennes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150988/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Larroque a reçu des financements du Centre National de la Recherche Scientifique (INSU-CNRS), du consortium RESIF ainsi que de l'Observatoire de la Côte d'Azur (OCA). Il est membre de la Société Géologique de France. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-Francois Ritz a reçu des financements de l'institut National des Sciences de l'Univers (INSU) du CNRS et du consortium Resif (Réseau sismologique et géodésique français). Il est membre de la Société géologique de France (SGF) de l'Association française pour l’étude du quaternaire (AFEQ) et de l'Association Française de génie parasismique (AFPS).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laurence Audin a reçu des financements de l'INSU CNRS, du consortium RESIF, du LABEX OSUG@2020 et de la MITI IRD-CNRS Risque. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Matthieu Ferry a reçu des financements de l'Institut National des Sciences de l'Univers (INSU-CNRS), de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR), du Centre National d'Etudes Spatiales (CNES) et du consortium RESIF (Réseau Sismologique et Géodésique Français).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Stéphane Baize a reçu des financements de l'Institut de Radioprotection et Sûreté Nucléaire (IRSN). Il est membre de l'International Union for Quaternary Research (INQUA) et l'Association Française pour l'Étude du Quaternaire – Comité National Français de l'International Quaternary Association (AFEQ-INQUA), ainsi que du Réseau sismologique et géodésique français (RESIF), en particulier de ses Actions spécifique GNSS et Transverse Sismicité. </span></em></p>
Le séisme du Teil a montré que les ruptures sismiques peuvent atteindre la surface en France métropolitaine. Le risque sismique doit être réévalué, notamment à proximité d’infrastructures sensibles.
Christophe Larroque, Maitre de Conférences, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)
Jean-Francois Ritz, Directeur de Recherche CNRS, Université de Montpellier
Laurence Audin, Directrice de Recherche Sciences de la Terre, Institut de recherche pour le développement (IRD)
Matthieu Ferry, Maître de Conférences en Géomorphologie, Université de Montpellier
Stéphane Baize, Chercheur en géologie des tremblements de terre, Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/149246
2020-11-02T20:01:26Z
2020-11-02T20:01:26Z
Séisme en mer Égée : que savent les scientifiques après quelques jours de travail ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/366862/original/file-20201101-14-ys7c4d.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=21%2C3%2C1022%2C563&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Carte de la région, avec les grandes frontières de plaques tectoniques en rouge, l’épicentre en jaune, et l’intensité des mouvements du sol.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://earthquake.usgs.gov/earthquakes/eventpage/us7000c7y0/map?historic-seismicity=true&shakemap-intensity=false">U.S. Geological Survey, National Geospatial Program.</a></span></figcaption></figure><p>Vendredi 28 octobre vers 15h, un puissant séisme a frappé l’ouest de la Turquie et les îles grecques de la mer Égée. Les secousses engendrées ont été ressenties jusqu’à Athènes, de l’autre côté de la mer Égée, et Istanbul – deux capitales situées dans l’une des zones sismiques les plus actives du continent eurasiatique.</p>
<p>Des immeubles se sont effondrés dans la ville d’Izmir et sur l’île de Samos notamment, occasionnant plusieurs dizaines de victimes, selon un <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/10/30/un-puissant-seisme-de-magnitude-7-secoue-la-turquie-et-la-grece_6057930_3244.html">bilan toujours provisoire</a>. Un raz de marée a été observé dans la région proche du séisme.</p>
<p>Les systèmes automatisés de surveillance sismique permettent normalement en quelques minutes de connaître la localisation, la profondeur et la magnitude du séisme, et donc d’estimer un risque de tsunami. Malheureusement, dans le cas de ce séisme, localisé très proche des côtes turques et de zones densément peuplées, ces quelques minutes n’ont pas été suffisantes. Les séismes restent encore imprévisibles. Ceux comparables à celui de vendredi dernier, de magnitude modérée mais de faible profondeur et situés dans des zones peuplées, comme les séismes qui ont <a href="https://www.brgm.fr/actualite/seisme-24-aout-2016-italie-centrale">frappé l’Italie</a> <a href="http://www.planseisme.fr/Seisme-du-6-avril-2009-Mw-6-3-en-Italie-centrale.html">ces dernières années</a>, ne font pas exception.</p>
<p>Comme pour chaque grand séisme, les travaux scientifiques démarrent dès les alertes automatiques lancées, et se poursuivent sur plusieurs années. Grâce aux acquisitions de données en continu, aux outils mis en place par les chercheurs de différents instituts de recherche et aux outils actuels de communication, nous pouvons déjà voir émerger certaines conclusions.</p>
<p>Que peut-on dire à l’heure actuelle ? Quelles sont les étapes du cheminement scientifique suite à un séisme comme celui de vendredi ?</p>
<h2>Les ondes sismiques : une rupture en mer, sur plusieurs dizaines de kilomètres</h2>
<p>Les premières informations sont toujours à aller rechercher auprès des agences en charge de la surveillance sismologique de différents pays, comme l’<a href="https://www.usgs.gov/">USGS</a> et le <a href="https://www.emsc-csem.org/#2">Centre Sismologique Euro-Méditérannéen</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/366865/original/file-20201101-19-1fv758f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/366865/original/file-20201101-19-1fv758f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/366865/original/file-20201101-19-1fv758f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/366865/original/file-20201101-19-1fv758f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/366865/original/file-20201101-19-1fv758f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/366865/original/file-20201101-19-1fv758f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/366865/original/file-20201101-19-1fv758f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Carte participative « L’avez-vous senti ? ». Les couleurs indiquent l’intensité ressentie par le public.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://earthquake.usgs.gov/earthquakes/eventpage/us7000c7y0/map?historic-seismicity=true&shakemap-intensity=false">US Geological Survey, National Geospatial Program</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ici, nous avons appris quelques dizaines de minutes après le séisme que la rupture était située en mer au nord de l’île de Samos, à une profondeur d’environ 12 km, et pour une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89chelle_de_magnitude_de_moment">« magnitude de moment »</a> de l’ordre de 7 (à ne pas confondre avec l’échelle de Richter, une autre mesure de l’intensité d’un séisme). La magnitude nous renseigne sur la taille approximative de la fracture et sur la quantité de glissement : dans ce cas, une rupture de l’ordre de quelques dizaines de kilomètres de long (40 à 60 km) sur une largeur d’environ 10 km en profondeur et un glissement de l’ordre du mètre.</p>
<p>En effet, un séisme correspond à un glissement rapide (de l’ordre du mètre par seconde) le long d’une fracture dans la croûte terrestre, appelée « faille », en réponse à un « chargement » lent (du millimètre par an au centimètre par an) imposé par la tectonique des plaques. La plupart des séismes se produisent aux frontières entre grandes plaques tectoniques. Comme un ressort tendu que l’on relâche brutalement, la croûte terrestre « rebondit » d’un coup lorsque le séisme a lieu, et des vibrations sont émises sous la forme d’ondes mécaniques.</p>
<p>Ces ondes mécaniques voyagent dans la Terre et sont enregistrées – on les perçoit partout dans le monde pour les plus grands séismes. Localement, ces ondes peuvent engendrer des destructions et elles portent en elles les informations nous permettant de déchiffrer le déroulé du séisme.</p>
<h2>Les marégraphes : un séisme de faible profondeur et « tsunamigénique »</h2>
<p>Un tsunami a ensuite été détecté par les marégraphes disposés en mer Méditerranée et les images de la mer se retirant brusquement avant d’entrer dans les villes côtières nous sont parvenues par les réseaux sociaux. Si un tsunami a été déclenché, c’est que la rupture sismique est proche du fond de la mer, voire qu’elle l’a atteint. Les premiers résultats ont vite indiqué une rupture peu profonde et donc une potentialité forte que la rupture soit remontée jusqu’au plancher océanique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1322164631067070464"}"></div></p>
<p>Cette information est cruciale, car elle permet activer les systèmes d’alerte aux tsunamis. Malheureusement, dans ce cas, la rupture était située tellement proche des côtes (10-15 km) qu’aucun modèle ne peut être calculé suffisamment rapidement pour fournir à temps une prévision de l’heure d’arrivée des vagues ou de leur amplitude.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/alertes-aux-seismes-et-tsunamis-comment-gagner-de-precieuses-secondes-139913">Alertes aux séismes et tsunamis : comment gagner de précieuses secondes</a>
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<p>D’un point de vue scientifique, le travail ne fait que commencer, car après les alertes, il s’agit de comprendre la sismicité et la tectonique régionale. Pourquoi y a-t-il eu un séisme dans cette région a priori éloignée d’une limite de plaque ? Que peut-on apprendre sur l’organisation des déformations tectoniques dans la région et donc, sur la mise en place de la géographie et des paysages que l’on connaît aujourd’hui ?</p>
<h2>Les images Radar : comment se déforme la croûte terrestre à cause du séisme ?</h2>
<p>Les données sismologiques nous apprennent qu’un côté de la faille est descendu par rapport à l’autre sur un plan qui penche vers le nord ou vers le sud, résultant d’un étirement de la croûte terrestre – le mouvement est dit <a href="https://edu.obs-mip.fr/les-failles-et-le-cycle-sismique/">« normal »</a>. Mais si on s’en tient strictement à l’étude des ondes sismiques, il est impossible de savoir si le plan de faille penche vers le nord ou vers le sud et si l’île de Samos, située au sud du séisme est montée ou descendue à cause de ce séisme. La réponse à cette question permettrait de mieux connaître la géométrie de la faille et en particulier le sens de la pente de son plan.</p>
<p>Nous nous penchons alors sur des observations des satellites radar. Quelques heures après le séisme, le satellite Sentinel 1A, de la constellation Sentinel, mise en place par l’ESA, est passé au-dessus de la zone et a acquis une image Radar de la zone. Par comparaison avec l’image acquise six jours auparavant, nous pouvons calculer la déformation de la surface de la croûte terrestre occasionnée par le séisme.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1322630978280435713"}"></div></p>
<p>L’image ainsi obtenue montre que l’île de Samos est montée d’environ 10 cm alors qu’une toute petite fraction de sa côte nord est descendue d’autant. Le mouvement vers le haut de l’île nous conduit à penser que la faille responsable est orientée environ est-ouest, confirmant les données de la sismologie, émerge en mer très proche de l’île de Samos et que son plan est penté vers le nord. Cette faille est probablement reliée au mouvement général d’extension de la mer Égée.</p>
<h2>Les apports de la géologie de terrain et de la paléosismologie : l’extension dans la mer Égée, la rotation de l’Anatolie et la remontée de l’Afrique</h2>
<p>Les études géologiques et paléo-sismologiques dans cette région de la Méditerranée nous enseignent que les déformations actuelles, et donc les séismes actuels, sont la conséquence de la dynamique générale, en place depuis les 30 derniers millions d’années. Au sud de l’île de Crête, la plaque tectonique Afrique « subducte » sous l’Eurasie, c’est-à-dire que cette plaque tectonique et la croûte terrestre qu’elle porte s’enfoncent sous la plaque Eurasie.</p>
<p>Mais la subduction de l’Afrique sous l’Eurasie se déplace vers le sud, comme illustré sur l’animation ci-dessous. Il s’ensuit un mouvement d’extension nord-sud dans toute la région égéenne, d’environ 2,5 cm/an. De plus, l’Anatolie, qui porte la Turquie, tourne vers le sud-ouest et suit le mouvement en glissant le long de la grande Faille nord-anatolienne aux <a href="https://www.lemonde.fr/blog/huet/2019/07/26/un-seisme-majeur-menace-istanbul/">séismes destructeurs</a>. En surface, cette extension est exprimée par des failles sismiques qui parcourent la région, comme dans le <a href="https://goo.gl/maps/EgF3y7PnTjD5JTvN9">golfe de Corinthe</a> en Grèce ou les fossés du Menderes ou de Gediz en Turquie, juste à l’est du séisme de vendredi.</p>
<figure> <img src="http://www.geologie.ens.fr/~jolivet/mediteranean.gif"><figcaption>Les mouvements tectoniques guidant l’extension nord-sud dans la mer Égée provoquant des déformations intenses de la croûte terrestre, ici de – 15 millions d’années à nos jours. Source : Laurent Jolivet et USGS </figcaption></figure>
<p>Ce séisme a donc eu lieu dans une zone en extension active qui n’est pas une simple frontière de plaque, mais un domaine vaste où la déformation de la croûte terrestre est intense en réponse à la dynamique de la subduction. L’analyse des déformations de la surface dans les années qui viennent suite à ce séisme nous permettra d’apprendre comment les matériaux de l’écorce terrestre se comportent dans cette région complexe. Dans le monde, d’autres régions se déforment de manière comparable, comme le plateau du Tibet ou l’Ouest américain. Comprendre pourquoi certaines zones de notre planète se déforment est essentiel pour comprendre pourquoi de tels séismes ont lieu.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149246/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Jolivet a reçu des financements du CNRS, de l'Ecole Normale Supérieure ainsi que du conseil européen pour la recherche (ERC).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laurent Jolivet a reçu des financements de l'ANR, de l'ERC, de l'Institut Universitaire de France, du CNRS, du BRGM et de Total. </span></em></p>
Que sait-on sur le séisme de vendredi, entre la Turquie et les îles grecques ?
Romain Jolivet, Professeur des Universités, École normale supérieure (ENS) – PSL
Laurent Jolivet, Professeur, Sorbonne Université
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/145399
2020-10-29T20:29:33Z
2020-10-29T20:29:33Z
Aléas naturels et sociétés, une question de « RISK »
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/366477/original/file-20201029-19-18khxl1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Grenoble.</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science 2020 (du 2 au 12 octobre 2020 en métropole et du 6 au 16 novembre en Corse, en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Planète Nature ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>11 mars 2011, un puissant tremblement de terre survient dans la région de <a href="https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/La_surete_Nucleaire/risque_sismique_installations_nucleaires/Documents/IRSN_seisme-Japon_V2-22042011.pdf">Tōhoku</a> au Japon et génère un des plus importants tsunamis de l’histoire du pays. La catastrophe locale qui entraîne la mort de milliers de personnes et cause des dégâts matériels considérables devient très vite un sujet de préoccupation mondiale avec la surchauffe des réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Les répercussions écologiques, économiques, sociales et sanitaires, encore perceptibles aujourd’hui, illustrent de façon crue la vulnérabilité croissante de nos sociétés interconnectées et globalisées face aux risques naturels.</p>
<p>Le risque naturel se définit communément comme la conjonction et le produit de deux composantes : tout d’abord l’aléa, la probabilité qu’un phénomène naturel survienne et entraîne des perturbations, et la <a href="https://www.preventionweb.net/files/50683_oiewgreportfrench.pdf">vulnérabilité</a> : mesurée par le degré et les conditions d’exposition des installations humaines face à ce même événement.</p>
<p>Le risque naturel correspond donc à un degré de menace (pertes humaines et/ou dégâts matériels) pesant sur les sociétés humaines. Dans le cas où l’aléa adviendrait dans une région particulièrement vulnérable, le risque peut engendrer des perturbations suffisantes pour être désignées sous le terme de <a href="https://www.unisdr.org/files/7817_UNISDRTerminologyEnglish.pdf">catastrophe</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/360858/original/file-20200930-14-1a2prlb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360858/original/file-20200930-14-1a2prlb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360858/original/file-20200930-14-1a2prlb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=503&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360858/original/file-20200930-14-1a2prlb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=503&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360858/original/file-20200930-14-1a2prlb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=503&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360858/original/file-20200930-14-1a2prlb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=633&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360858/original/file-20200930-14-1a2prlb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=633&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360858/original/file-20200930-14-1a2prlb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=633&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Schématisation et définition du risque naturel. Mathis Brancquart.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Parer convenablement à cette éventualité exige désormais le recours à des approches quantitatives. Les récents développements de l’imagerie satellite, de l’instrumentation géophysique ou encore des modélisations numériques ont en effet conduit à de nets progrès dans la caractérisation des aléas et l’évaluation des principaux facteurs de vulnérabilités. Malgré l’intérêt fondamental de ces données chiffrées, le risque est aussi question de perception, d’organisation sociale et de gouvernance qui requièrent parfois, sinon souvent, une approche qualitative.</p>
<p>Comment les populations perçoivent-elles et se comportent-elles face aux risques qui les entourent ? À partir de quand juge-t-on un événement « dangereux » et le considère-t-on comme une menace pour la population concernée ? Comment s’organisent les populations et les organisations pour mitiger, prévenir, préparer et gérer les risques et les catastrophes ? Au sein de nos sociétés modernes complexes et globalisées, il est indispensable de mettre en œuvre des approches innovantes permettant de faciliter le dialogue entre les tenants de ces deux « philosophies ». C’est ce que l’on étudie dans notre projet de recherche (<a href="https://risk.univ-grenoble-alpes.fr/risk-institute-home-738035.htm">RISK@UGA</a>) en regroupant des spécialistes issus d’horizons académiques divers.</p>
<h2>Grenoble : un laboratoire des risques naturels</h2>
<p>La ville de Grenoble dans laquelle s’inscrit ce projet constitue un cadre particulièrement propice à <a href="http://risknat.org/">l’analyse du risque naturel</a>. Au cœur des Alpes, la métropole grenobloise fait face à un environnement qui concentre un très grand nombre et une très grande diversité d’aléas naturels, dont la sévérité va très probablement s’accroître <a href="https://journals.openedition.org/rga/2829">avec le changement climatique</a>. Les conséquences matérielles et humaines de certains risques constituent d’ores et déjà des problématiques de premier plan pour la région alpine. Tandis que 13 personnes ont perdu la vie dans les Alpes à la suite d’avalanches pour la <a href="https://www.anena.org/10766-bilan-provisoire-des-accidents-d-avalanche-2018-2019.htm">seule saison 2018/2019</a>, les chutes de pierre pèsent copieusement dans les <a href="https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/une-nouvelle-grosse-catastrophe-pour-la-route-des-gorges-de-l-arly-en-savoie-1549910888">budgets départementaux</a>.</p>
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<span class="caption">La relation face au risque naturel varie selon les acteurs considérés (société civile, expert, observateur ou preneur de décision).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Glissements de terrain, crues, avalanches, séismes, éboulements… le milieu alpin apparaît particulièrement hostile et adverse à l’installation de sociétés humaines, qui ont pourtant su s’y implanter et <a href="https://www.persee.fr/doc/bagf_0004-5322_1990_num_67_4_1545">s’y acclimater depuis plusieurs siècles</a>. Ces dernières ont très rapidement réalisé qu’il était impossible d’éliminer les aléas mais qu’il était possible de s’y adapter et/ou d’en réduire les effets néfastes. Le développement économique croissant des écosystèmes de montagne et la maintenance des infrastructures existantes (tourisme de montagne, industries lourdes, infrastructures hydroélectriques) accroissent cependant la vulnérabilité des populations et nécessitent de repenser profondément nos modes de vie, nos techniques de construction, nos comportements ainsi que nos politiques publiques et chaînes de décision.</p>
<h2>Gérer le risque : une approche interdisciplinaire</h2>
<p>Les recherches menées par les doctorants du projet RISK ont pour objectif de promouvoir de nouvelles façons de concevoir le risque naturel d’un point de vue interdisciplinaire, que celui-ci affecte des régions lointaines (séismes au Pérou, Liban, Népal et en Haïti) ou des territoires alpins plus proches (risque avalancheux en station de ski, glissements de terrain dans le Trièves, glaciers rocheux en Vanoise et Oisans, etc.).</p>
<p>Quelles que soient les régions affectées, évaluer, anticiper et minimiser le risque naturel requiert une vision globale et suppose un recours à des techniques variées. Nos recherches mettent simultanément en œuvre des outils d’identification des risques, des méthodes de <em>monitoring</em> permettant une surveillance des zones à risque (images satellite, photogrammétrie, base de données), des dispositifs de prévision et de maintenance (modélisation mathématique, modèles bayésiens, réseau de Petri, table vibrante) ainsi que (iv) des études des comportements humains (modèles multiagents, entretiens/questionnaires, interfaces informatiques pour la prise de décision, analyse des chaînes de décision).</p>
<p>Le glissement de terrain de l’Harmalière, cas emblématique de risque naturel dans les environs de Grenoble, est un terrain d’étude du CDP RISK. Régulièrement surveillé, le glissement fait l’objet, d’une part, de modélisations mathématiques et géophysiques tenant compte de nombreux paramètres (données satellite, GPS, conditions météo). La dynamique du glissement ainsi estimée peut alors être affinée en recourant aux témoignages de la population locale. D’autre part, prévoir le risque nécessite d’identifier les facteurs de vulnérabilité pour la population concernée et donc l’importance que revêt ce phénomène naturel pour les habitants de la région, au travers d’entretiens et de questionnaires. Conjuguer et faire dialoguer « capteurs » électroniques et humains, c’est tout l’enjeu de l’approche interdisciplinaire de RISK.</p>
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<span class="caption">Situé au sud de Grenoble, le glissement de terrain de l’Harmalière symbolise l’approche interdisciplinaire du projet RISK en milieu alpin.</span>
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<p>Plus généralement, gérer le risque implique le déroulement d’une chaîne opératoire précise et sans cesse renouvelée que l’on dénomme communément le cercle de la gestion du risque. Différentes étapes composent ce cycle : les phases de prévention et de préparation, la phase de réponse et de rétablissement et enfin la phase d’atténuation des risques à venir. Par l’intermédiaire des onze thèses, RISK prétend aujourd’hui couvrir toutes les dimensions de la gestion du risque.</p>
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<span class="caption">À l’instar d’un cercle, la gestion du risque est une tâche sans cesse renouvelée. Le programme RISK, grâce aux diverses approches qu’il développe, en couvre les principales phases.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Mieux comprendre le risque pour mieux l’accepter et mieux le gérer</h2>
<p>Héritage d’une longue tradition philosophique européenne, l’idée d’un dualisme Homme/Nature est encore très répandue dans nos sociétés occidentales. Les caprices de la nature représentent ainsi une véritable menace pour nos sociétés, qui tentent par tous les moyens de s’en prémunir, à l’aide notamment d’importants investissements et de lourds aménagements de protection. Le risque naturel peut toutefois être considéré comme un élément indissociable de notre existence et un élément fondamental de notre relation à l’environnement. Le véritable enjeu n’est donc pas d’élaborer des mécanismes toujours plus sophistiqués pour nous protéger de la nature mais plutôt de mieux appréhender ses aléas afin de s’y adapter.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/mxMCUtgn2Oc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Prévoir et modéliser le comportement des populations face à un aléa naturel (vidéo : séisme à Beyrouth, Liban) suppose une approche interdisciplinaire et illustre par conséquent l’aboutissement du projet RISK. Chaque point en mouvement visible dans la vidéo représente un individu, qui selon sa couleur est considéré en danger ou en sûreté (R. Iskandar).</span></figcaption>
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<p>Le projet RISK vise alors à mieux comprendre les différentes facettes des aléas et des risques naturels qui menacent nos sociétés. En identifiant les facteurs qui nous rendent vulnérables, les études de gestion des risques permettront de mieux cohabiter avec cette éventualité et de penser des territoires plus résilients.</p>
<p>Enfin, RISK, par l’intermédiaire de recherches interdisciplinaires, vise à faire collaborer le milieu académique et les preneurs de décision. L’« expert » a, plus que jamais, un rôle à jouer dans la sensibilisation des populations et des politiques et ceci passera par une meilleure interaction et un meilleur dialogue entre les différents acteurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145399/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ce travail a bénéficié d'une aide de l'Etat gérée par l'Agence Nationale de la Recherche au titre du programme Investissements d'Avenir portant la référence ANR-15-IDEX-0 (programme "CDP RISK@UGA").</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Ce travail a bénéficié d'une aide de l'Etat gérée par l'Agence Nationale de la Recherche au titre du programme Investissements d'Avenir portant la référence ANR-15-IDEX-02 (programme "CDP RISK@UGA").</span></em></p>
Anticiper et prévenir les aléas naturels nécessite une approche scientifique multidisciplinaire.
Andy Combey, Doctorant CDP RISK@UGA (ISTerre, Grenoble), Université Grenoble Alpes (UGA)
Aurélie Peillon, Doctorante en ergonomie, Université Grenoble Alpes (UGA)
Diego Cusicanqui, PhD student CDP RISK@UGA (IGE-EDYTEM, Grenoble), Université Grenoble Alpes (UGA)
Mampionona Rakotonirina, Doctorante, AE&CC - CRAterre, CDP Risk@UGA, Université Grenoble Alpes (UGA)
Maria Hagl, Psychologue, Université Grenoble Alpes (UGA)
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