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Bien connaître les motivations de ses fournisseurs pour de meilleures collaborations

« Teamwork partnership ». http://bswllc.com/

Nombreux sont aujourd’hui les dirigeants qui prennent conscience du rôle éminemment stratégique des achats. Loin de constituer la panacée, la collaboration avec les fournisseurs est bien souvent un moyen de créer, par les achats, davantage de valeur et de continuer à innover. En collaborant mieux, il devient en effet possible de tirer profit du fantastique potentiel de créativité des fournisseurs.

Il devient également possible d’améliorer la qualité des produits sur les plans technique, social et environnemental, ce qui au final permet de restaurer ou de développer ce que les Anglo-saxons appellent le pricing power. Développer la collaboration avec les fournisseurs devient une mission essentielle confiée aux acheteurs. Nous proposons ici quelques pistes pour parvenir à nouer des collaborations fécondes.

La collaboration, pour entrer dans la logique des achats high value

À l’heure où les achats représentent fréquemment jusqu’à 80 % du chiffre d’affaires suite aux vagues d’externalisation de ces dernières années, une part essentielle de la valeur proposée aux clients finaux est créée chez les fournisseurs. Ce sont ces derniers qui, bien souvent, détiennent les clés de l’innovation qui contribuera au succès des produits à moyen, voire à court terme.

Notre conviction est que la collaboration avec les fournisseurs constitue le meilleur moyen de rentrer dans cette logique de création de valeur par les achats. La collaboration apparaît d’autant plus souhaitable que le Monde de ressources rares dans lequel nous sommes entrés (pour reprendre l’expression de Érik Orsenna) fait de la sécurisation des approvisionnements un objectif de moins en moins anodin. Au-delà de l’eau, de l’énergie ou de toute autre matière première, l’une de ces ressources rares sera de plus en plus constituée des compétences distinctives des fournisseurs, celles qui précisément permettent de développer un avantage concurrentiel. Il n’est pas étonnant que l’une des nouvelles missions confiées aux acheteurs soit de faire en sorte de devenir le client préféré de leurs fournisseurs.

Bien sûr, la collaboration n’est pas sans risque (pour le fournisseur comme pour son client). Elle ne constitue pas toujours la panacée ou n’apporte pas parfois les effets escomptés. Il est difficile, et d’ailleurs inutile, d’être partenaire avec tout le monde. Il importe néanmoins de définir et de mettre en place des modalités de fonctionnement adaptées afin de développer des avantages concurrentiels reposant sur la collaboration et que nous appelons avantages collaboratifs.

Herzberg two-factor theory. 12manage.com

Comprendre les motivations de vos fournisseurs avec Herzberg

À observer les pratiques des pionniers, nombreuses sont aujourd’hui les modalités de collaboration déployées dans le cadre de relations clients-fournisseurs. Ces dernières, pour pertinentes qu’elles puissent être dans certains cas, demeurent inutiles, voire dangereuses, dans d’autres cas.

Aussi convient-il désormais de proposer aux entreprises soucieuses de développer des collaborations efficaces des clés de compréhension leur permettant d’effectuer les choix les plus adéquats dans tout le spectre des modalités de collaboration possibles.

Les travaux du psychologue américain Frederick Herzberg nous semblent, dans cette optique, mériter toute notre attention. Travaillant sur l’enrichissement des tâches au travail et la motivation, Herzberg en est venu à distinguer deux types de facteurs de motivation.

Selon lui, les facteurs de satisfaction au travail différeraient des facteurs d’insatisfaction et surtout, ils agiraient de manière indépendante. Le contraire de la satisfaction ne serait donc pas l’insatisfaction mais l’absence de satisfaction. De même l’absence d’insatisfaction constituerait le contraire de l’insatisfaction.

Herzberg met ainsi en évidence l’existence de deux continuums : le premier regrouperait les « facteurs moteurs », contribuant à générer de la satisfaction, tandis que le second regrouperait les « facteurs d’hygiène », contribuant à réduire l’insatisfaction. Il explique ensuite que c’est de la somme des facteurs moteurs (évolution de carrière, autonomie, responsabilités…) et des facteurs d’hygiène (conditions de travail, salaire, relations humaines…) que découle la motivation et ajoute une précision d’importance : ce sont les facteurs moteurs qui se trouvent à l’origine des effets les plus durables sur cette dernière.

Nous faisons ici l’hypothèse selon laquelle cette théorie pourrait trouver un terrain d’application pertinent dans le cadre des relations clients-fournisseurs. Bien sûr, il convient de prendre garde aux transpositions hâtives. Il est clair que le contrat de sous-traitance ou d’achat, même s’il est qualifié de partenariat, est bien loin du contrat de travail qui régissait les relations entre les personnes qu’étudiait Herzberg.

Nombreuses sont les modalités de collaboration mises en œuvre dans le cadre de relations clients-fournisseurs qui constituent bien plus des facteurs d’hygiène que des facteurs moteurs. Ceci ne constitue pas en soi un problème. Ça le devient en revanche si l’on souhaite développer une véritable appétence à la collaboration chez le fournisseur.

Osons donc le parallèle et tentons d’apprécier les modalités de collaboration les plus souvent rencontrées dans les relations clients-fournisseurs au regard des conclusions de Herzberg.

Un nouvel éclairage sur les différentes modalités de collaborations possibles

Un certain nombre de modalités de collaborations rentreraient indéniablement dans la catégorie des facteurs d’hygiène au sens de Herzberg. Le prix payé pour la prestation peut par exemple s’apparenter au salaire que Herzberg positionne clairement dans les facteurs d’hygiène. Le fait de payer à temps, critère qui ne se discuterait pas pour un salarié, est de plus en plus présenté comme un « cadeau » fait au fournisseur tant les pratiques de nombreux clients ont eu tendance à dériver ces derniers temps.

Le simple respect des engagements peut être vu comme un facteur d’hygiène parfois relativement distinctif par rapport aux pratiques dominantes d’un secteur. Une entreprise comme Nestlé cherche justement à se distinguer de ses concurrents et à se rendre attractive vis-à-vis des meilleurs fournisseurs lorsqu’elle instaure pour certains d’entre eux le paiement à la livraison.

Le lissage des achats constitue une autre modalité relationnelle qui entre dans cette catégorie, tout comme la transmission d’un cahier des charges clair, précis et stable dans le temps ou la réduction de la pression imposée sur les délais qui est souvent à l’origine d’une précarisation du travail chez le fournisseur qui doit développer une flexibilité très coûteuse socialement.

De même la mise en place d’un système de contrôle pas trop invasif et de pénalités raisonnables, discutées en amont et définies de concert constituent des éléments de nature à réduire l’insatisfaction du fournisseur en lui donnant un meilleur confort de travail et en dé-précarisant le travail chez ce dernier.

Voilà donc les modalités de collaboration les plus souvent rencontrées dans le cadre des relations clients-fournisseurs. Faut-il dès lors s’étonner de constater que des difficultés persistent ? Sans doute pas si l’on se réfère aux propos de Herzberg puisque seules des pratiques répondant aux caractéristiques des facteurs d’hygiène ont jusqu’ici été mentionnées.

Quelles pratiques constitueraient donc les fameux facteurs moteurs susceptibles de renforcer la motivation à collaborer sur le long terme ? Si l’on poursuit l’analogie avec les facteurs moteurs identifiés par Herzberg dans le cadre de la motivation des salariés, un certain nombre de pratiques existantes semblent répondre aux critères définis par l’auteur. L’autonomie laissée au fournisseur dans la recherche de solution plutôt que la demande consistant à respecter un cahier des charges précis constitue une première modalité intéressante que l’on rencontre de plus en plus dans les entreprises adoptant la logique de l’économie de la fonctionnalité.

Les possibilités offertes aux fournisseurs de prendre en charge des maillons plus créateurs de la chaîne de valeur ou de réalisation d’industrial upgrading constituent une autre modalité relationnelle qui rentrerait dans la catégorie des facteurs moteurs.

Le codéveloppement de produits est également de nature à générer une véritable satisfaction chez le fournisseur. L’engouement de ces derniers à entrer dans des projets collaboratifs dans le cadre des pôles de compétitivité témoigne du caractère motivant du codéveloppement.

Le co-investissement entre un fournisseur et son client dans l’outil de production du fournisseur est une autre modalité collaborative possible. Elle est notamment fréquente dans le secteur de l’habillement.

Nous venons donc de cartographier, sur la base des deux dimensions repérées par Herzberg, les principales modalités collaboratives qu’il est possible d’observer dans les relations clients-fournisseurs. L’enseignement essentiel est qu’il s’agit de choisir les modalités les plus adaptées au contexte spécifique de chaque relation.

Rien ne sert d’aligner un maximum de facteurs d’hygiène, aussi bon soit-on sur chacun d’eux, si l’on souhaite motiver un fournisseur clé à travailler avec nous. Recourir à l’un des facteurs moteurs mentionnés ou à tout autre moyen permettant de développer l’autonomie des fournisseurs se révélera sans doute beaucoup plus efficace.

De la même manière, recourir à plusieurs facteurs moteurs qui généreront beaucoup de satisfaction chez le fournisseur n’empêchera pas ce dernier d’être insatisfait si l’on ne prend pas garde à payer à temps ou si trop de pression sur les délais l’empêche de véritablement faire preuve de créativité… Il convient donc de conserver à l’esprit ce message de Herzberg selon lequel la motivation est finalement la somme des facteurs moteurs et des facteurs d’hygiène.

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