tag:theconversation.com,2011:/ca-fr/topics/habillement-26479/articleshabillement – La Conversation2024-02-06T14:42:04Ztag:theconversation.com,2011:article/2228362024-02-06T14:42:04Z2024-02-06T14:42:04ZLa série « Balenciaga », fenêtre sur l’histoire de la haute couture<p>Né dans un petit village de pêcheurs basques sur la côte nord de l’Espagne à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, <a href="https://www.cristobalbalenciagamuseoa.com/en/discover/cristobal-balenciaga/">Cristóbal Balenciaga</a> (1895-1972) est devenu l’un des créateurs de mode les plus novateurs et les plus influents du XX<sup>e</sup> siècle – et le roi de la mode à Paris.</p>
<p>Son dévouement au métier de couturier et de tailleur a été très tôt encouragé par sa mère couturière et reconnu par l’aristocratie espagnole locale qui a su reconnaître ses talents. La marquise de Casa Torres, sa protectrice, lui permet de faire un apprentissage de tailleur à Saint-Sébastien, où il a ouvert sa première entreprise de couture en 1919, à l’âge de 24 ans, et plus tard un atelier à Madrid.</p>
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<img alt="Un homme brun en costume élégant" src="https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=738&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=738&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=738&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=927&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=927&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=927&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cristóbal Balenciaga ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Crist%C3%B3bal_Balenciaga#/media/File:Cristobal_Balenciaga.jpg">Louise Dahl-Wolfe, 1950/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Ses coupes impeccables et ses compétences exceptionnelles en matière d’assemblage et de couture de vêtements à la main lui valent une position respectée dans le monde de la haute couture à Paris, où il ouvre sa <a href="https://www.oxfordreference.com/display/10.1093/acref/9780199891573.001.0001/acref-9780199891573-e-4043">maison</a> en 1937.</p>
<p>La vie et l’œuvre de Balenciaga sont actuellement explorées dans une <a href="https://www.theguardian.com/tv-and-radio/2024/jan/19/cristobal-balenciaga-review-this-classy-drama-is-utterly-gorgeous">série biographique espagnole en six épisodes</a> sur <a href="https://press.disney.co.uk/news/original-drama-series-crist%C3%B3bal-balenciaga-will-debut-january-19-exclusively-on-disney+-in-the-uk">Disney+</a>. La série retrace l’histoire de l’homme qui est devenu le « maître » de la <a href="https://www.businessoffashion.com/education/fashion-az/haute-couture">haute couture</a> grâce à ses créations innovantes de vêtements féminins et son utilisation originale des textiles pendant les années qu’il a passées à Paris, de 1937 à 1968.</p>
<p>La nouvelle série de Disney met en scène Alberto San Juan dans le rôle de Balenciaga et s’articule autour du créateur qui se remémore les événements de sa vie et de sa carrière lors d’une rare interview en 1971 avec la rédactrice de mode du <em>Times</em>, Prudence Glynn (Gemma Whelan).</p>
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<h2>La mode pour un monde d’après-guerre</h2>
<p>Nous rencontrons Balenciaga en 1937, un an après avoir accepté le statut très convoité de « couturier », conféré par les normes rigoureuses de la <a href="https://www.fhcm.paris/en/our-history">Chambre syndicale de la couture parisienne</a>. Les talents de tailleur et de couturier de Balenciaga, ainsi que ses créations innovantes, ont joué un rôle crucial dans le succès et l’impact durable de la haute couture du milieu du XX<sup>e</sup> siècle – un fait qui est soigneusement décrit dans la série.</p>
<p>Si la licence artistique embellit les moments intimes et émotionnels de la série, celle-ci est globalement fidèle à l’histoire, notamment en ce qui concerne les relations et les rivalités entre les couturiers <a href="https://www.vogue.co.uk/article/coco-chanel-biography">Coco Chanel</a> (Anouk Grinberg), <a href="https://www.vogue.co.uk/article/christian-dior">Christian Dior</a> (Patrice Thibaud) et le mentorat de <a href="https://www.vogue.co.uk/article/hubert-de-givenchy-biography">Hubert de Givenchy</a> (Adrien Dewitte).</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>Dans l’épisode 2 (« L’occupation »), lorsque l’investisseur de Balenciaga cherche à se rassurer et rend visite à Chanel pour lui demander si le créateur peut réussir dans la haute couture parisienne, sa célèbre réponse est retentissante : « « Cristóbal était le seul vrai couturier parmi nous tous. Les autres n’étaient que des stylistes ».</p>
<p>La série retrace les turbulences politiques et économiques de la mode au milieu du XX<sup>e</sup> siècle. Les créateurs devaient protéger leur réputation et leur intégrité créative et faire face à l’espionnage industriel, dans un contexte international mouvementé. Pendant ce temps, les traditions artisanales de la couture devaient faire face à la montée et à l’expansion de la fabrication en masse du <a href="https://www.masterclass.com/articles/ready-to-wear-fashion-guide">prêt-à-porter</a>.</p>
<h2>Trouver l’inspiration</h2>
<p>L’influence de Balenciaga dans le domaine de la couture tient aussi à son inspiration issue des vêtements traditionnels espagnols et des vêtements liturgiques du catholicisme, qu’il a incorporés dans ses collections.</p>
<p>Au cours des épisodes 1 et 2, nous le voyons s’efforcer de définir le style de sa maison jusqu’à ce qu’il consulte ses livres d’art et de costumes historiques pour trouver l’inspiration. Cet engagement dans la <a href="https://www.bloomsbury.com/uk/memories-of-dress-9781350153813/">mémoire culturelle de l’habillement</a>, révèle l’authenticité, la signification et la profondeur de ses créations qui émergent de ses racines espagnoles.</p>
<p>Christian Dior a dit de Balenciaga qu’il était « notre maître à tous », et l’Espagnol était admiré pour son génie technique et ses innovations par les journalistes de mode, les critiques, les clients, les employés et ses pairs dans les cercles de la haute couture.</p>
<p>Les nouveaux créateurs de prêt-à-porter, dont il a été le mentor, ont repris ses principes de conception dans leurs lignes de vêtements de luxe fabriqués en série, notamment Givenchy, <a href="https://www.vogue.com/article/remembering-andre-courreges">André Courrèges</a> et <a href="https://www.vogue.co.uk/article/emanuel-ungaro-biography">Emanuel Ungaro</a>.</p>
<h2>Industrie et passion</h2>
<p>Il s’agit d’une série écrite, réalisée et dirigée par des personnes qui respectent la place des idées, des compétences et de l’innovation dans la pratique de la fabrication des vêtements de haute couture. La magie de Balenciaga repose sur un dévouement infatigable son art. Partout, nous voyons des mains, des outils, des textiles manipulés, coupés, pliés, cousus, ajustés et finalement formés sur un corps, prêt à être admirés et, en fin de compte, vendus.</p>
<p>Il s’agit là d’une des réussites de cette série. Dans le dernier épisode, « Je suis Balenciaga », l’Espagnol s’interroge sur l’avenir de la couture et de sa maison dans un contexte de prêt-à-porter en plein essor. Il se rend compte que l’une des options qui s’offrent à lui est de se retirer et de passer les rênes à un collaborateur de confiance. Cependant, il déclare : « Ce n’était pas seulement une entreprise, elle faisait partie de moi, comme une extension de mon corps. Comment un corps peut-il survivre sans cerveau ? »</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Femme portant un tailleur noir à manches évasées et jupe au genou, assise sur un socle, la main droite levée et appuyée contre le mur" src="https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Costume vintage Cristóbal Balenciaga, 1951.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/51248231@N04/4711015713">Bianca Lee/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>La série montre aussi le pouvoir croissant des médias qui imposent le rythme des changements sur les marchés de la mode. <a href="https://www.harpersbazaar.com/culture/features/a92/bazaar-140-0507/">Carmel Snow</a> ((Gabrielle Lazure) est un personnage important de la série : c’était la responsable de la mode de l’édition américaine du très influent magazine lifestyle <a href="https://www.harpersbazaar.com/"><em>Harper’s Bazaar</em></a>. Snow avait le pouvoir de faire ou défaire la fortune des plus grands couturiers, car, sans l’exposition offerte par le prestigieux magazine, il n’y aurait eu ni clients, ni commandes.</p>
<p>L’épisode quatre – « Imitations » – montre les prémisses du débat sur les systèmes actuels de <a href="https://www.vogue.co.uk/fashion/article/article/history-of-paris-fashion-week"><em>fashion weeks</em></a>, afin de limiter l’accès de la presse aux défilés de couture intimes dans les maisons, par crainte de voir apparaître des copies et des contrefaçons.</p>
<p>Cette série, bien que dramatisée, représente avec une certaine fidélité un pan important de l’histoire. Ce que nous portons est une facette de notre identité, et la mode est au cœur des événements quotidiens et extraordinaires. Cette série témoigne du fait que la conception, la fabrication et la promotion des vêtements mêleront toujours passion et drame.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222836/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elizabeth Kealy-Morris ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La série Balenciaga offre un aperçu fascinant de l’univers de la haute couture au milieu du siècle dernier, en retraçant le destin d’un couturier d’exception.Elizabeth Kealy-Morris, Senior Lecturer in Dress and Belonging, Manchester Fashion Institute, Manchester Metropolitan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1355602020-04-07T19:19:04Z2020-04-07T19:19:04ZCe n’est pas parce que vous êtes en confinement qu’il faut travailler en pyjama<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/325290/original/file-20200403-74243-16dfy48.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=44%2C0%2C1234%2C852&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La tenue aide à se projeter en situation pour maintenir le niveau de performance habituel. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/a-l-interieur-adulte-blanc-brune-920381/">Andrea Piacquadio / Pexels</a>, <a class="license" href="http://artlibre.org/licence/lal/en">FAL</a></span></figcaption></figure><p>À l’heure du confinement imposé par la pandémie de Covid-19, une pratique professionnelle inédite pour beaucoup se développe : le télétravail subi. Si la mise en place de ce nouveau mode de fonctionnement est facilitée par les nouvelles technologies, il n’en reste pas moins que compartimenter vie personnelle et vie professionnelle demeure une des clés du travail à distance.</p>
<p>Ce cloisonnement peut être réalisé grâce à un espace-temps balisé et régulé. Mais, au-delà de cet aménagement spatio-temporel, comment se conditionner soi-même pour télétravailler efficacement ? Autrement dit, à quoi sert d’aménager un bureau organisé et équipé, des plages horaires structurées, si derrière votre écran, vous-même n’êtes pas dans une disposition professionnelle ? Et si une des raisons résidait dans la tenue vestimentaire que vous portez ? Est-elle adaptée à un contexte professionnel ou à une journée de relâchement ?</p>
<h2>Un impact sur la perception de soi</h2>
<p>La question mérite d’être posée car il semblerait que le vêtement, nos habits sculpteraient et orienteraient notre pensée. Dans la situation de télétravail subi dans laquelle se trouvent actuellement de nombreux Français, adopter une tenue liée à notre contexte professionnel du moment peut donc nous aider à se projeter en situation pour maintenir le niveau de performance.</p>
<p>Comme un acteur revêt la tenue de son personnage pour l’incarner, le représenter, se l’approprier et n’en sera que meilleur pour jouer le rôle et performer sur scène.</p>
<p>Si ce champ des sciences cognitives n’en est encore qu’à ses débuts, une <a href="https://www.researchgate.net/publication/256752678_Enclothed_cognition">étude</a> publiée dans la revue <em>Journal of Experimental Social Psychology</em> en 2012, a développé des résultats intéressants. Ainsi, les chercheurs ont découvert que le port d’une blouse blanche décrite comme une blouse de médecin avait tendance à augmenter une attention soutenue, par rapport au port de cette même blouse décrite comme une blouse de peintre.</p>
<p>Parce que nous percevons les médecins comme ayant un niveau d’attention plus élevé pour les détails, nous commençons à prendre cette même qualité lorsque nous sommes habillés en médecins.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/325198/original/file-20200403-74243-1kbnuz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/325198/original/file-20200403-74243-1kbnuz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/325198/original/file-20200403-74243-1kbnuz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/325198/original/file-20200403-74243-1kbnuz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/325198/original/file-20200403-74243-1kbnuz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/325198/original/file-20200403-74243-1kbnuz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/325198/original/file-20200403-74243-1kbnuz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La blouse blanche renforce l’attention.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/personne-individu-femme-technologie-3845998/">Anna Shvets/Pexels</a>, <a class="license" href="http://artlibre.org/licence/lal/en">FAL</a></span>
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<p>Une autre <a href="https://www.researchgate.net/publication/277641085_The_Cognitive_Consequences_of_Formal_Clothing">étude</a>, menée en 2015, conjointement par des chercheurs des Universités de Northridge et de New York, et intitulée <em>The Cognitive Consequences of Formal Clothing</em>, a quant à elle prouvé que les hommes qui portent une tenue formelle (costume, chemise, cravate ou nœud papillon) développent une capacité de pensée abstraite plus importante.</p>
<p>C’est donc ce qui permet de prendre du recul, d’analyser et de réaliser des objectifs sur le long terme, alors qu’une personne faisant majoritairement appel à la pensée concrète se focalise sur les bénéfices immédiats, à court terme. À l’inverse, les tenues vestimentaires plus décontractées favorisent les pensées concrètes.</p>
<p>Cette étude se réfère au concept d’<em>embodiment</em>, c’est-à-dire à la façon dont nos pensées, nos sentiments et nos comportements se basent sur nos expériences sensorielles et sur nos positions corporelles.</p>
<p>Le simple fait de changer de tenue vestimentaire peut donc avoir un impact considérable sur la façon dont nous nous percevons. En effet, les individus s’évaluent eux-mêmes en utilisant les mêmes cadres qu’ils appliquent pour évaluer les autres. Tout indice extérieur tel que l’apparence ou les vêtements, qui affectent nos impressions sur les autres, peut également affecter nos impressions sur soi.</p>
<h2>Le pouvoir des lunettes et de la blouse</h2>
<p>Par exemple, des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1467-6494.1982.tb00752.x">travaux</a> ont montré que les individus croyaient avoir de meilleurs résultats à des tests lorsqu’ils portaient des lunettes, même si dans les faits leur performance réelle n’était pas supérieure. Dans ce cas, l’explication repose sur une croyance ancrée : les lunettes sont souvent corrélées à des capacités intellectuelles ou à un quotient intellectuel élevé.</p>
<p>Ainsi, une tenue adaptée à notre contexte professionnel peut nous aider à renforcer la confiance en soi ou l’estime de soi. Les personnes habillées de façon formelle dans un environnement professionnel formel présentent une perception de soi nettement plus élevée que celles qui portent des vêtements de loisirs ou de détente.</p>
<p>L’estime de soi et l’efficacité personnelle sont extrêmement importantes pour déterminer le jugement de sa propre valeur. Elles fonctionnent comme des indicateurs sur notre conviction quant à la capacité à atteindre des objectifs avec succès et efficacité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/325201/original/file-20200403-74220-18l6hyw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/325201/original/file-20200403-74220-18l6hyw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/325201/original/file-20200403-74220-18l6hyw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/325201/original/file-20200403-74220-18l6hyw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/325201/original/file-20200403-74220-18l6hyw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/325201/original/file-20200403-74220-18l6hyw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/325201/original/file-20200403-74220-18l6hyw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les individus estiment être plus performants lorsqu’ils portent des lunettes – même si ce n’est pas forcément toujours le cas.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/personne-livres-crayon-verres-3769987/">Andrea Piacquadio/Pexels</a>, <a class="license" href="http://artlibre.org/licence/lal/en">FAL</a></span>
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<p>Les explications de ce mécanisme cognitif tiennent d’une part à la valeur symbolique et d’autre part à l’expérience physique liées au vêtement. Concernant la valeur symbolique, chacun accorde à un certain type de tenue des caractéristiques qui font souvent consensus : le <a href="https://www.theses.fr/2012LORR0374">costume est associé au pouvoir</a>, au sérieux, à la finance, la <a href="https://www.researchgate.net/publication/307868080_The_Effect_of_Enclothed_Cognition_on_Empathic_Responses_and_Helping_Behavior">blouse blanche incarne le savoir</a>, la science ou le soin…</p>
<p>En outre, il semble y avoir un effet lié à l’expérience physique qu’implique de porter un vêtement et qui nous conditionne dans notre façon d’être et d’agir. En effet, certaines tenues vestimentaires (les vestes de costume ou de tailleur, les tenues ajustées, etc.), peuvent nous contraindre, nous limiter dans nos gestes et dans nos postures alors que d’autres (sweats, joggings, etc.) permettent au contraire une amplitude plus grande de nos mouvements et de nos attitudes.</p>
<p>Il s’agit en fait d’un discours performatif en forme de vêtement : se vêtir, c’est ressentir ; se vêtir, c’est devenir. Pour faire simple et court, être habillé en tenue de sport peut prédisposer à un regain d’énergie, rester en pyjama toute la journée et la journée disparaîtra dans les abysses de la procrastination.</p>
<p>De là à en déduire qu’endosser un costume de support héros nous donnera de supers pouvoirs…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135560/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Agnès Ceccarelli ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des études montrent que l’habillement influence la perception de soi et conditionne ainsi nos comportements professionnels.Agnès Ceccarelli, Professeur associé, département Ressources humaines, ICN Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1255762019-10-23T19:58:52Z2019-10-23T19:58:52ZBonnes feuilles : pas facile de réaliser tout ce qu’on gaspille…<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/297896/original/file-20191021-56228-1op5e01.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">shutterstock</span> </figcaption></figure><p><em>Nous publions ici quelques extraits de l’ouvrage collectif <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807321878-du-gaspillage-la-sobriete">« Du gaspillage à la sobriété »</a> : avoir moins et vivre mieux ) rédigé sous la direction de Valérie Guillard (Éditions De Boeck). Dans ce livre, les différents contributeurs s’interrogent sur les raisons qui poussent les consommateurs à gaspiller des objets. Ils donnent notamment la parole à des associations qui évoquent leurs initiatives pour réduire le gaspillage des objets, et évoquent des voies vers des modes de vie plus sobres.</em></p>
<hr>
<h2>Le déchet, dépendant de l’intervention publique</h2>
<p>Les Français se situent dans la frange moyenne des producteurs de déchets en Europe avec une production annuelle de <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Municipal_waste_statistics">514 kg par habitant</a> contre 486 kg pour la moyenne européenne (chiffres Eurostat de 2017). En termes de modes de traitement, elle reste également proche des moyennes de l’Union : 26 % des déchets des ménages sont enfouis, 32 % sont incinérés, 26 % recyclés, 16 % sont compostés (en Europe : 26 % enfouis, 27 % incinérés, 30 % recyclés et 17 % compostés).</p>
<p>Mais alors que les priorités réglementaires européennes et françaises voudraient que les pouvoirs publics travaillent avant tout sur la réduction des déchets, en France la quantité de déchets des ménages n’a baissé que de 5,2 % en dix ans. Sur cet ensemble de 37,9 millions de tonnes de déchets produits par les ménages chaque année, environ 25 % sont potentiellement gaspillés et pourraient trouver une seconde vie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/297874/original/file-20191021-56203-bcq4sn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/297874/original/file-20191021-56203-bcq4sn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/297874/original/file-20191021-56203-bcq4sn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=226&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/297874/original/file-20191021-56203-bcq4sn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=226&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/297874/original/file-20191021-56203-bcq4sn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=226&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/297874/original/file-20191021-56203-bcq4sn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=284&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/297874/original/file-20191021-56203-bcq4sn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=284&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/297874/original/file-20191021-56203-bcq4sn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=284&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Déchets municipaux par habitant.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Municipal_waste_statistics">Eurostat</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À ce stade, aucune solution technique ne saurait y remédier en totalité sans représenter un coût public déraisonné. Le marché de la seconde main – qui fonctionne sans intervention publique directe : brocante, plates-formes de vente en ligne, reconditionnement – permet à l’équivalent de 2 % de la masse des déchets des ménages de trouver une seconde vie. Mais ce marché ne se préoccupe que d’objets dont la valeur marchande est suffisamment forte, alors que la grande majorité de ces 25 % de déchets n’en ont que peu ou plus. Ces objets restants et dont la valeur marchande est très faible, voire nulle, ne trouvent et ne trouveront leur place dans aucun marché (vente en ligne, brocante, reconditionnement industriel, etc.).</p>
<p>C’est le cas de la quasi-totalité des déchets. Si aujourd’hui l’industrie de la gestion et du traitement des déchets est en capacité d’exister – de la collecte au recyclage, en passant par l’incinération –, c’est avant tout, car les pouvoirs publics ont décidé de construire les piliers de son existence. Obligations légales faites aux communes de gérer les déchets des ménages, création de taxes et de mesures fiscales, obligations faites aux entreprises de payer pour gérer leurs déchets, écoparticipations sont autant d’outils que le législateur a produits pour permettre d’injecter chaque année environ 16,7 milliards d’euros au sein d’un secteur qui ne saurait fonctionner sans.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/297873/original/file-20191021-56194-mlou2s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/297873/original/file-20191021-56194-mlou2s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/297873/original/file-20191021-56194-mlou2s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/297873/original/file-20191021-56194-mlou2s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/297873/original/file-20191021-56194-mlou2s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/297873/original/file-20191021-56194-mlou2s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=594&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/297873/original/file-20191021-56194-mlou2s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=594&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/297873/original/file-20191021-56194-mlou2s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=594&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Extraits de la brochure « Chiffres-clés Déchets 2016 » de l’Ademe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/dechets-chiffres-cles-edition-2016-8813.pdf">Ademe (2016)</a></span>
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</figure>
<p>À titre d’exemple, le secteur de la collecte et du traitement des déchets des ménages (ramassage, tri, enfouissement, incinération, compostage, recyclage) ne génère que <a href="https://www.ademe.fr/referentiel-national-couts-service-public-prevention-gestion-dechets">5,6 % de recettes industrielles</a> (recettes liées à la vente des produits finis comme la matière recyclable ou recyclée, l’énergie produite par l’incinération, le compost, etc.). Le reste de l’argent nécessaire aux activités (94,4 %) provient de l’argent public (85,5 %) et des écoparticipations (8,9 %).</p>
<p>Les déchets coûtent donc très cher, et si toutefois certains peuvent les considérer comme une ressource, c’est bel et bien parce que nous en augmentons artificiellement la valeur par différents mécanismes d’intervention publique. Bien qu’il soit possible – à mesure que nous approchons de l’épuisement de certaines ressources naturelles (pétrole, minerais, etc.) – que la valeur du déchet augmente, nous pouvons tous nous accorder sur le cynisme que révèle une telle situation : le déchet est avant tout une source de pollution irréversible, symptôme d’une production inadéquate aux lois de la nature. Il ne constituera jamais une ressource suffisante pour permettre à nos modes de consommation de perdurer en l’état.</p>
<p><em>Texte de Martin Bobel, coordinateur du Réseau francilien des acteurs du réemploi (<a href="http://www.reemploi-idf.org">REFER</a>).</em></p>
<h2>Pourquoi gaspille-t-on ?</h2>
<p>Une première explication du gaspillage des objets renvoie au fonctionnement humain. L’Homme (mais aussi certains animaux ou insectes comme les abeilles par exemple) produit davantage d’énergie qu’il n’en a besoin. Se pose alors la question de savoir ce qu’il va faire de cet excédent, de ce superflu, de cet au-delà du nécessaire par où s’affirme la valeur ? Le stocker au risque de le perdre par le vol ou la dégradation ? Le dilapider, autrement dit, le dépenser de manière excessive et inconsidérée ? La dilapidation est source d’angoisse, n’étant <a href="https://www.persee.fr/doc/dreso_0769-3362_1996_num_33_1_1723_t1_0489_0000_2">pas reconnue comme loi fondamentale</a> de l’économie générale. Il faut donc détruire cette « part maudite » même si cette destruction est dangereuse et menaçante : « Le gaspillage est toujours considéré comme une <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Idees/La-Societe-de-consommation">sorte de folie</a>, de démence, de dysfonction de l’instinct, qui fait brûler à l’homme ses réserves et compromettre par une pratique irrationnelle ses conditions de survie » (Jean Baudrillard dans « La Société de consommation. Ses mythes, ses structures »).</p>
<p>Une deuxième explication vient du besoin de l’être humain de prendre le pouvoir sur autrui par ce qu’il possède, ce qui le conduit à gaspiller. Les sociétés traditionnelles dilapidaient des biens, notamment lors des fêtes, dans le but de maintenir l’ordre social. En étudiant le potlatch, cérémonie basée sur le don, voire sur la destruction, de cadeaux somptueux (bijoux, matières premières, canoës, tissus, etc.), l’anthropologue Marcel Mauss explique que l’offreur acquiert un rang par la perte de richesse et <a href="https://journals.openedition.org/lectures/9657">prend le pouvoir sur le receveur</a> qui devra le lui rendre de façon encore plus grande. Le gaspillage, légitimé par la culture et la tradition, était cérémoniel, cadré par des rites, des codes, du personnel, des types de prestations et de destructions. Cette « consumation » assurait la paix entre les tribus mutuellement endettées, leurs relations étant rythmées par le don/contre-don.</p>
<p>Dans nos sociétés, certaines fêtes carillonnées (Noël) pourraient être assimilées à un véritable potlatch, mais n’ont pas un rôle aussi puissant de structuration de l’ordre social et de significations symboliques que les fêtes des sociétés traditionnelles. En somme, dans nos sociétés, les fêtes n’entraînent pas un gaspillage « productif »… bien qu’elles servent néanmoins les intérêts d’un système qui repose sur la consommation, elle-même se nourrissant du mécanisme de la distinction.</p>
<p><em>Texte de Valérie Guillard</em></p>
<h2>Le sentiment de gaspiller</h2>
<p>La figure ci-après rend compte des catégories d’objets que les individus ont le sentiment de gaspiller. Elle est issue d’une enquête auprès de 250 étudiants dans le laboratoire expérimental de l’université Paris-Dauphine (mars 2018) ; de 156 adultes dans l’entourage personnel des étudiants de master 1 de cette même université (mars 2019) ainsi que de 150 adultes qui se sont engagés dans le défi <a href="https://www.zerowastefrance.org/projet/defi-rien-de-neuf/">« Rien de neuf »</a> de l’association Zero Waste France (décembre-février 2019).</p>
<p>L’analyse montre que des catégories d’objets sont :</p>
<ul>
<li><p>spécifiques à certaines populations : l’alimentation, les cosmétiques, la papeterie pour les étudiants par exemple et de façon minoritaire les cadeaux ; les meubles pour les adultes qu’ils soient engagés ou non dans une démarche de réduction de gaspillage/des déchets ; les articles de puériculture pour les personnes engagées dans une démarche de réduction du gaspillage/des déchets ;</p></li>
<li><p>communes à certaines populations : gros et petit électroménager, équipements électriques et électroniques et livres dans des proportions toutefois variées. La catégorie faisant l’unanimité pour les trois populations est les vêtements.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
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<span class="attribution"><span class="source">Auteur.</span></span>
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<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs.</span></span>
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</figure>
<h2>Contre le gaspillage, les home organisers</h2>
<p>Nous avons vu que certaines personnes ont peu conscience de ce qu’elles gaspillent, autrement dit de la perte d’utilité des objets. De nombreuses raisons l’expliquent, leur habitude d’enfouir des objets inutiles dans des placards, caves, greniers, maisons secondaires ; de se dire que ça peut toujours servir ; de racheter des choses qu’elles ont, mais qu’elles ne trouvent pas lorsqu’elles en ont besoin, etc. Puis, les placards deviennent pleins, les personnes ont le sentiment d’être envahies d’objets et ne savent plus par quel bout commencer. Il n’est alors pas rare qu’elles ne se sentent pas bien chez elles, encombrées dans leurs espaces physiques et mentaux.</p>
<p>Le sujet de l’encombrement est moins anecdotique qu’il n’y paraît. Le magazine Geo annonce d’ailleurs, en décembre 2016, parmi « Les grands défis de demain »,
apprendre à faire le tri pour vaincre l’hyperconsommation : « dans ce monde livré au désordre et au chaos, commençons par nous alléger de ce qui nous encombre ».</p>
<p>De nombreux essais plébiscitent le rangement, l’allègement, le peu, la légèreté. Le phénomène « Marie Kondo » a notamment permis de faire connaître un métier qui l’est encore peu en France : les <em>home organisers</em> (organisateurs de maison).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/srsqo2CPZrw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les bienfaits du rangement avec la méthode de Marie Kondo (Doctissimo, 2019).</span></figcaption>
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<p>Ces professionnels vendent une prestation pour accompagner les personnes dans le désencombrement et la réorganisation de leurs espaces de vie. Un coach en rangement fait un diagnostic des lieux, aide, guide les personnes dans leurs prises de décision pour désencombrer, propose des solutions pour ranger, aménager un espace afin de vivre dans un lieu dans lequel elles se sentent mieux, voire bien. Or, pour aider les personnes à réinvestir un lieu de vie, il est nécessaire de débarrasser l’excédent, ce qui questionne la problématique du gaspillage, question non traitée par les quelques travaux académiques sur ce thème. Ces derniers ont mobilisé des concepts en psychologie, voire en anthropologie, pour expliquer comment les home organisers créent une distance aux objets.</p>
<p>[…] Formés ou non à la méthode KonMarie (de Marie Kondo), les professionnels du rangement recourent globalement à la même technique : rassembler des objets par catégorie, ce qui déclenche, chez les clients, la prise de conscience de « tout » ce qu’ils possèdent. La théorie de la distance psychologique et des niveaux de représentation enseigne à ce titre que plus un objet est situé loin de son possesseur, plus ce dernier en a une représentation abstraite, ce qui conduit à ne pas le percevoir comme du gaspillage. Les rassembler vers soi permet d’avoir une représentation plus concrète de ce que l’on possède, de ce qui est utile et inutile, de ce qui met en joie ou non.</p>
<p>La notion de gaspillage émerge ainsi du questionnement de la relation aux objets et la quantité accumulée : pourquoi sont-ils là ? sont-ils utiles ? En ont-ils besoin ? Comment les ont-ils acquis ? Est-ce qu’ils les aiment (ou, comme le dit Marie Kondo, est-ce qu’ils leur apportent de la joie ?). Ce questionnement, absent de la plupart des actes d’achat, est réintroduit par un home organiser […] C’est donc une éducation à la réduction du gaspillage que les home organisers dispensent implicitement sans pour autant être culpabilisateurs.</p>
<p><em>Texte de Valérie Guillard</em></p>
<h2>La sobriété, une ambition encore lointaine ?</h2>
<p>Les Français sont sensibilisés aux questions environnementales. Ils ont de plus en plus conscience des enjeux entourant la durée de vie des objets, mais ils conservent aujourd’hui, en grande majorité, des modes de vie où la consommation est majoritairement associée au plaisir. S’ils recourent plus souvent à l’acquisition de produits d’occasion, c’est davantage dans une perspective de consommation et d’achat « malin » que de véritable changement de rapport aux objets et à la possession.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/297864/original/file-20191021-56238-5mhq3b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/297864/original/file-20191021-56238-5mhq3b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/297864/original/file-20191021-56238-5mhq3b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/297864/original/file-20191021-56238-5mhq3b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/297864/original/file-20191021-56238-5mhq3b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1133&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/297864/original/file-20191021-56238-5mhq3b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1133&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/297864/original/file-20191021-56238-5mhq3b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1133&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807321878-du-gaspillage-la-sobriete">Éditions De Boeck.</a></span>
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<p>Pour concilier leurs préoccupations environnementales et leur désir de consommer, ils fondent leurs espoirs d’une part sur le progrès technique et d’autre part sur un effort plus important du côté des industriels, par exemple en limitant l’obsolescence programmée, des grandes surfaces et de l’État.</p>
<p>Pour les Français, la réduction du gaspillage d’objets se traduirait ainsi par la fabrication d’objets plus durables à travers des processus de production plus performants et mieux réglementés, et par une moindre incitation à l’achat « inédit » de la part des revendeurs. Leurs propres pratiques restent moins remises en cause à l’égard des objets qu’elles ne le sont en matière de gaspillage de ressources et viennent encore souvent nourrir une volonté de consommer plus plutôt que de consommer mieux ou moins.</p>
<hr>
<p><em>Texte de Sandra Hoibian, directrice du pôle Evaluation et société du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc), et Lucie Brice Mansencal, chargée d’études et de recherche au Credoc.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125576/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Guillard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les Français sont aujourd’hui davantage prêts à la sobriété énergétique qu’à la réduction de leur consommation d’objets. Les auteurs du livre « Du gaspillage à la sobriété » expliquent pourquoi.Valérie Guillard, Professeur des Universités (Sciences de Gestion), Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1232042019-09-15T19:42:42Z2019-09-15T19:42:42ZMode : la fabrication à la demande, tendance de demain<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/291489/original/file-20190909-109947-ja41mx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C23%2C931%2C624&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Produire exactement ce que le client demande permet de limiter les invendus.</span> <span class="attribution"><span class="source">New Africa / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’immense majorité des acteurs de la mode, quel que soit leur positionnement prix, leur histoire, leur mode de distribution ou leur nationalité, se sont construits sur le principe d’une fabrication sur stock, c’est-à-dire que les produits sont fabriqués et mis sur le marché à travers différents circuits de distribution en attendant de trouver leurs clients. Or, les signaux de rupture liés à ce modèle sont de plus en plus nombreux, à l’image des faillites ou difficultés de nombreux acteurs du secteur (Gap, Top Shop, <a href="https://theconversation.com/chez-victorias-secret-les-fonds-activistes-ne-font-pas-dans-la-dentelle-115328">Victoria’s Secret</a>, American Apparel n’en représentent que quelques exemples). Même le suédois H&M, longtemps modèle de réussite du secteur, <a href="https://www.businessoffashion.com/articles/professional/hm-inventory-retail-supply-chain">souffre financièrement</a> en raison d’un niveau de stock estimé à 4 milliards de dollars.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/291473/original/file-20190909-109952-1g2gfih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/291473/original/file-20190909-109952-1g2gfih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/291473/original/file-20190909-109952-1g2gfih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/291473/original/file-20190909-109952-1g2gfih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/291473/original/file-20190909-109952-1g2gfih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/291473/original/file-20190909-109952-1g2gfih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=943&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/291473/original/file-20190909-109952-1g2gfih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=943&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/291473/original/file-20190909-109952-1g2gfih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=943&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution de la part des acteurs de la mode affichant un résultat négatif.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.businessoffashion.com/articles/opinion/op-ed-winner-takes-all-trend-raises-tough-questions-for-everyone-else?utm_source=daily-digest-newsletter&amp;utm_campaign=1640109185718485&amp;utm_term=11&amp;utm_medium=email">Business of fashion</a></span>
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<p>Les soldes et autres types de remises représentent des parts de chiffre d’affaires parfois supérieures à 60 %, et sont autant de manques à gagner importants. À part quelques exceptions de plus en plus limitées, les entreprises de mode peinent à dégager des profits, ce qui souligne les limites économiques du modèle actuel. D’après une <a href="https://www.businessoffashion.com/articles/opinion/op-ed-winner-takes-all-trend-raises-tough-questions-for-everyone-else?utm_source=daily-digest-newsletter&utm_campaign=1640109185718485&utm_term=11&utm_medium=email">étude récente de McKinsey</a> pour Business of Fashion, 46 % des entreprises de mode ont ainsi affiché un résultat négatif en 2017.</p>
<p>Au-delà des problèmes économiques criants, ce modèle traditionnel soulève de nombreuses questions quant à la durabilité du modèle au niveau environnemental. La <em>supply chain</em> (chaîne logistique) de la mode entraîne un <a href="https://www.supplychaindive.com/news/fashion-supply-chains-wasteful/559254/">gaspillage incontestable</a> à tous les niveaux. Alors que la conscience sociale et environnementale des consommateurs ne cesse de se renforcer, notamment sous la pression des plus jeunes, comment continuer à accepter les principes de la « fast fashion », de la mode jetable, dont le gaspillage ne cesse de croître ? Plusieurs scandales ont éclaté, suscitant l’indignation de la presse et des consommateurs : en 2017, H&M était accusé d’avoir brûlé <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/H-M-brulerait-jusqu-a-12-tonnes-de-ses-vetements-par-an,886688.html#.XUKsXC3pOCR">12 tonnes d’habillement par an</a> depuis 2013. En 2018, Burberry indique dans son rapport annuel avoir détruit des produits d’une <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/Burberry-sous-le-feu-des-critiques-au-sujet-de-la-destruction-de-ses-invendus,999361.html">valeur totale de 31 millions d’euros</a> en un an. Cette année, c’est au tour d’Amazon d’être vivement critiqué pour sa <a href="https://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2019/01/11/amazon-vendeur-de-destruction-massive_5407944_1655027.html">politique de destruction massive des invendus</a> (plus de 3,2 millions de produits neufs en 2018).</p>
<h2>Des initiatives encore marginales</h2>
<p>La mode à la demande pourrait constituer une réponse à ce problème. En effet, produire avec précision ce que le client demande tant en termes de style, de tissu, de couleur que d’ajustement à ses mensurations, permettrait d’éviter de mettre sur le marché des quantités de vêtements qui ne trouvent pas preneur, de limiter le gaspillage à tous les niveaux de la chaîne de valeur, et d’accroître in fine la satisfaction client.</p>
<p>La fabrication à la demande ne reste pourtant que très marginale aujourd’hui. Quelques acteurs seulement s’essaient depuis une petite décennie à ce modèle, parfois de façon périlleuse. En France, les marques de mode à la demande qui se lancent concernent surtout le vestiaire masculin avec des concepts comme <a href="https://www.atelierna.com/fr">Atelier NA</a>, <a href="https://www.thefrenchtailor.com/">French Tailor</a>, <a href="https://asphalte-paris.com/">Asphalte</a>… En Australie, l’un des modèles du genre, <a href="https://theconversation.com/the-paradox-of-choice-why-made-to-order-might-not-solve-the-fashion-industrys-problems-102442">Shoe of Prey</a>, longtemps mis en avant comme histoire à succès, vient d’annoncer l’arrêt de son activité, ce qui souligne la difficulté à rendre rentable ce type de modèle.</p>
<p>Mais les signaux évoqués ci-dessus, difficultés économiques des fabricants et prise de conscience écologique, laissent penser que la fabrication à la demande est à présent en passe de s’imposer dans le secteur de la mode. Certains grands acteurs historiques tentent ainsi de se transformer et montrent déjà des signaux très encourageants. Ainsi, Fashion3, écosystème de 7 marques (Jules, Brice, Pimkie, Bizbee, Orsay, Rouge Gorge, Grain de Malice) créé au sein de la famille Mulliez, met en place un modèle de transformation de l’ensemble du processus de production, du design au <em>sourcing</em> (approvisionnement), de l’évaluation des quantités à la géolocalisation des produits. « Sur tous les points de contact de la supply chain, il y a des avancées que nous captons pour être plus près des besoins des clients. C’est la communauté qui va créer la stratégie de commande », affirme Liz Simon, <em>chief product transformation officer</em> de Fashion3, lors d’une table ronde organisée dans le cadre de la Chaire Lectra « Mode et technologie » à ESCP Europe.</p>
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<figcaption><span class="caption">Présentation de Fashion3.</span></figcaption>
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<p>Ensuite, de nouveaux acteurs émergent et se construisent en rupture par rapport aux modèles traditionnels. De cette façon, le concept récent des <a href="http://www.maxima.fr/index-fiche-587-Dnvb-digitally-native-vertical-brands.html">DNVB (Digitally Native Vertical Brands)</a> se diffuse peu à peu, notamment dans le secteur de la mode. Leur principe est de limiter le nombre d’intermédiaires tout en renforçant une relation directe avec le client et en limitant le gaspillage en étant plus respectueux de l’environnement.</p>
<h2>Nouvelles technologies prometteuses</h2>
<p>Parmi les exemples marquants de DNVB, <a href="https://www.functionofbeauty.com/">The Function of Beauty</a> permet au client d’acheter un shampoing personnalisé et réalise de ce fait la promesse non tenue durablement par <a href="http://reflect.com/">Reflect.com</a> 15 ans plus tôt. Par ailleurs, le fabricant chinois TAL parvient aujourd’hui à produire en grande quantité des vêtements à l’unité et distribue des centaines de milliers de chemises sur mesure aux États-Unis. Devant ces transformations, <a href="https://www.lectra.com/fr">Lectra</a>, leader des technologies pour les industries utilisant des matériaux souples et notamment la mode, axe sa stratégie sur la mode à la demande.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1135965650151776256"}"></div></p>
<p>Enfin et surtout, la 4<sup>e</sup> révolution industrielle caractérisée par une abondance de données et une intégration de plus en plus aboutie et intelligente entre les différents maillons de la chaîne de valeur, a donné naissance à de nouvelles technologies de fabrication en constante évolution et très porteuses. En particulier, les méthodes de fabrication additive qui sont bien plus sophistiquées que la seule impression 3D (cf. <a href="https://www.foreignaffairs.com/reviews/capsule-review/2019-02-12/pan-industrial-revolution-how-new-manufacturing-titans-will"><em>The Pan-Industrial Revolution</em></a>, Richard D’Aveni) permettent de limiter le coût et la complexité de fabrication tout en augmentant le champ des possibles tant en termes de forme, de matériaux utilisés, etc. Contrairement à la fabrication traditionnelle, dite soustractive, la fabrication additive permet de limiter l’utilisation de matière à ce qui est strictement nécessaire et de réduire le nombre d’étapes de fabrication en simplifiant par exemple l’assemblage. Certains produits peuvent même être réalisés d’une seule pièce.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"882956079608582145"}"></div></p>
<p>Ces technologies ouvrent la voie à une personnalisation accrue sans compromettre la rentabilité économique ou la satisfaction du client. Elles permettent par ailleurs d’accélérer le processus de fabrication et de limiter la matière utilisée et donc le gaspillage. Du fait de leur souplesse, ces outils peuvent être positionnés plus près des clients et limiter en conséquence les coûts de transport, de stockage ainsi que l’empreinte environnementale et sociale correspondante. Le développement des imprimantes 3D, de la fabrication additive, a déjà transformé de nombreux secteurs d’activité comme l’aéronautique (remplacement des pièces détachées chez GE), la création d’un véhicule électrique par Honda entièrement à partir de pièces imprimées. Adidas a également lancé des sites utilisant la fabrication additive de <a href="https://theconversation.com/3d-printed-sports-shoes-are-more-about-your-wallet-than-your-feet-82287">façon massive</a> et susceptible de révolutionner l’organisation de la supply chain des chaussures de sport.</p>
<p>Amazon a par ailleurs annoncé en 2017 le <a href="https://wwd.com/business-news/technology/amazon-going-deeper-into-fashion-with-new-on-demand-manufacturing-patent-10869520/">dépôt d’un brevet</a> permettant de lancer une usine de fabrication à la demande d’articles de mode. Si les résultats concrets restent encore incertains, cette annonce renforce à la fois la probabilité d’une prochaine mode à la demande… mais aussi la menace que le géant de la distribution fait peser sur le secteur de la mode. La révolution de la fabrication à la demande pourrait donc également bouleverser le paysage concurrentiel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/123204/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Moatti a reçu des financements de la Chaire ESCP Europe Lectra "Mode & Technologie".</span></em></p>De plus en plus d’indices montrent que l’heure de la personnalisation a sonné après deux décennies d’initiatives peu concluantes.Valérie Moatti, Professor, Lectra Fashion and Technology Chair, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1176792019-05-27T19:51:06Z2019-05-27T19:51:06ZLa mode grande taille, stigmatisée et… stigmatisante<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/276060/original/file-20190523-187157-1v6jyot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C52%2C946%2C613&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il devient plus difficile de trouver sa taille au-delà du 42. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/download/confirm/1131106673?src=FKSh1r-JT81sepciOhWx3Q-1-98&size=medium_jpg">PercivalJunichiroMannino / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>De nombreuses femmes rondes souhaitent acheter des marques de mode mais peu de marques de mode commercialisent des grandes tailles. Les marques les plus reconnues ne s’adressent qu’aux consommatrices minces. Par exemple, alors que 60 % des femmes en France s’habille en taille 42 et plus selon une étude de l’<a href="https://www.ifth.org">Institut français du textile-habillement</a>, la plus grande taille disponible chez de nombreuses marques de mode est souvent le 40 ou le 42.</p>
<p>Les femmes rondes se sentent souvent marginalisées et exclues par le marché dominant de la mode, à savoir le marché composé des grandes marques de mode reconnues et réputées. Ces consommatrices sont contraintes de se tourner vers un marché adjacent, la mode grande taille, sur lequel elles trouvent uniquement des marques spécialisées dans les grandes tailles, ou bien le marché de la mode discount proposée en hypermarchés ou dans des enseignes de vêtements premier prix.</p>
<p>Pourquoi le marché de la mode grande taille est-il marginalisé et déconsidéré par les acteurs de la mode comme par les consommateurs ?</p>
<p>Pour répondre à ces questions, nous avons interrogé de nombreux managers, vendeurs, experts et consommateurs. Cette <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0767370119839194">recherche</a> permet de comprendre le manque de visibilité physique et symbolique de la mode grande taille. Elle montre que la catégorisation des marchés n’est pas seulement une question de représentations, de discours ou d’interactions sociales, mais qu’elle implique aussi des dispositifs matériels. Derrière l’invisibilité physique (ne pas être vu, être caché…) se cache l’invisibilité sociale (ne pas exister socialement). D’où le sentiment de stigmatisation et d’exclusion des femmes rondes.</p>
<h2>Matérialité et dynamique de marché</h2>
<p>Nous montrons ainsi le rôle des dispositifs matériels dans les dynamiques de marché. Paradoxalement, la matérialité n’est pas simplement un dispositif utilisé pour rendre visible une catégorie de marché. Elle peut également être utilisée pour rendre une catégorie de marché invisible. La matérialité est à la fois un dispositif de visibilité et d’invisibilité.</p>
<p><strong>La matérialité comme dispositif de visibilité</strong></p>
<p>En étudiant les pratiques de catégorisation du marché de la mode, nous avons approfondi la compréhension du rôle des prototypes de marché de la mode.</p>
<p>À travers leurs actions sur le marché, les acteurs du marché (producteurs, journalistes, influenceurs, consommateurs, etc.) font référence à un nombre limité de codes visuels catégoriels ayant des caractéristiques claires et partagées. Avec le temps, ces codes visuels s’institutionnalisent et deviennent des prototypes de la catégorie de marché. Ils permettent de représenter la catégorie de marché et les profils des consommateurs. Dans la mode, on trouve par exemple le prototype de la top model ou de la Parisienne. Même s’ils sont très éloignés des réalités du marché, ils représentent un idéal type clair et désirable dans lesquelles les consommatrices se projettent.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/276061/original/file-20190523-187189-1dosw9i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/276061/original/file-20190523-187189-1dosw9i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/276061/original/file-20190523-187189-1dosw9i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/276061/original/file-20190523-187189-1dosw9i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/276061/original/file-20190523-187189-1dosw9i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/276061/original/file-20190523-187189-1dosw9i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/276061/original/file-20190523-187189-1dosw9i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La figure de la Parisienne représente toujours l’incarnation d’un idéal type pour les marques et les consommatrices.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/download/confirm/1201270153?src=FWAuv3v__nCPFQTKfxUBXw-1-96&size=medium_jpg">RossHelen/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
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<p>A contrario, les acteurs de la mode grande taille peinent à identifier un prototype de catégorie pouvant les représenter. Si le marché de la mode grande taille commence à se structurer aux États-Unis sous l’influence de personnalités et d’influenceuses engagées, la catégorie de marché en France a du mal à gagner en visibilité, faute de mannequins mais aussi d’influenceurs qui les incarnent. Il n’y a ainsi pas d’idéal type suffisamment clair et identifié pour incarner l’image de la consommatrice de mode grande taille. Sans prototype clair et partagé par les acteurs du marché, la catégorie de marché a du mal à se définir et à exister. Le marché de la mode grande taille est une catégorie floue, sans prototype qui permette clairement de l’identifier et de la représenter.</p>
<p>Au-delà de leur fonction de représentation, les prototypes jouent également un rôle dans la catégorisation de marché par le biais des mécanismes d’incarnation. Les salariés incarnent les prototypes du marché, c’est-à-dire qu’ils formatent leur apparence de telle sorte à être alignés avec les prototypes du marché. Cette incarnation permet de matérialiser la catégorie de marché et les profils de consommateurs sur ce marché. Ce phénomène est d’autant plus fort sur le point de vente où les vendeurs matérialisent une représentation des prototypes de marché auprès des consommateurs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/276051/original/file-20190523-187165-tzswur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/276051/original/file-20190523-187165-tzswur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/276051/original/file-20190523-187165-tzswur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/276051/original/file-20190523-187165-tzswur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/276051/original/file-20190523-187165-tzswur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/276051/original/file-20190523-187165-tzswur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/276051/original/file-20190523-187165-tzswur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Quelques icônes américaines de la mode grande taille : Precious Lee, Marquita Pring, Tara Lynn, Saffi Karina.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/download/confirm/1309521982?src=vLhyygdumIKk1FbRXqcsEg-1-8&size=medium_jpg">Lev Radin/Shutterstock</a></span>
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<p>L’incarnation joue également un rôle en interne, au niveau de la définition de l’offre car elle impacte le processus de création et de fabrication. Ainsi une catégorie de marché existe à travers les corps des salariés des entreprises du marché. Le corps devient un dispositif matériel qui formate les représentations du marché des clients et l’offre de produits.</p>
<p><strong>La matérialité comme dispositif d’invisibilité</strong></p>
<p>L’offre permet de visualiser la catégorie de marché. Toutefois, l’offre est intégrée dans un dispositif matériel qui permet d’accentuer ou d’atténuer la visibilité des catégories de marché selon les cibles de consommateurs recherchés. Par exemple, lorsque les marques de mode se lancent dans les grandes tailles, elles laissent souvent les plus grandes tailles en réserve ou installent les corners « grande taille » dans des endroits moins accessibles et moins visibles (à l’étage, en sous-sol du magasin…). Ainsi, même si les entreprises sortent des frontières de la catégorie de marché, cette extension reste relativement invisible. Les essais d’intégrer des tailles supplémentaires se soldent par des échecs commerciaux et les entreprises reviennent à leur spectre de tailles classiques. Ce phénomène empêche la légitimation et l’extension de la catégorie de marché et renforce la frontière entre le marché principal et le marché adjacent.</p>
<p>Il est également intéressant de noter que les producteurs manipulent l’offre pour faire évoluer les frontières de marché de façon invisible. Elles ont, par exemple, souligné la façon dont les producteurs jouent avec le spectre de tailles, le taillant et l’étiquetage pour manipuler les frontières de marché de façon invisible. En jouant sur la coupe des vêtements et l’étiquetage des produits, les producteurs incluent des consommatrices à la périphérie de la catégorie, tout en donnant aux consommatrices l’impression d’être alignées avec les prototypes institutionnels du marché. La matérialité ne permet donc pas simplement de rendre visible une catégorie. Elle permet également de jouer avec les frontières de marché pour les étendre de façon invisible.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/276062/original/file-20190523-187172-1vc8on7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/276062/original/file-20190523-187172-1vc8on7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/276062/original/file-20190523-187172-1vc8on7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/276062/original/file-20190523-187172-1vc8on7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/276062/original/file-20190523-187172-1vc8on7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/276062/original/file-20190523-187172-1vc8on7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/276062/original/file-20190523-187172-1vc8on7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les plus grandes tailles sont généralement reléguées dans un coin moins accessible des magasins.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/cute-simple-woman-red-hair-size-626130032?src=FKSh1r-JT81sepciOhWx3Q-1-99">T.Den_Team/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, paradoxalement la matérialité est utilisée pour rendre une pratique invisible. Ces pratiques permettent de manager discrètement des zones interstitielles à la frontière de la catégorie pour éviter un phénomène d’hybridation trop visible qui diluerait son identité.</p>
<h2>De l’invisibilité physique à l’invisibilité sociale</h2>
<p>Une catégorie de marché n’est pas seulement une question de représentations symboliques mais elle est aussi façonnée par une multitude de dispositifs matériels. Les dynamiques de marché reposent sur une lutte autour de la question de la visibilité où les acteurs des marchés adjacents cherchent à gagner en visibilité et les acteurs du marché principal à rendre les marchés adjacents invisibles. La gestion de la visibilité passe par le déploiement de dispositifs matériels qui permettent de rendre visibles ou invisibles les prototypes et les frontières des catégories de marché. À travers la gestion de la visibilité et de l’invisibilité, la matérialité joue ainsi un rôle majeur dans les processus de catégorisation et de légitimation des marchés.</p>
<p>La catégorie de marché grande taille a du mal à être visible sur le plan symbolique comme sur le plan physique. Le marché manque de prototype qui puisse clairement le représenter. L’offre grande taille est cachée ou présentée dans des espaces de second choix peu mis en valeur. Cette pratique est vécue négativement par les femmes qui se sentent dévalorisées et déconsidérées. Derrière l’invisibilité physique (ne pas être vu, être caché…) se cache l’invisibilité sociale (ne pas exister socialement). Être invisible, c’est aussi ne pas être reconnu en tant qu’individu et/ou en tant que groupe social. D’où le sentiment d’exclusion et de stigmatisation ressenti par les femmes rondes dans les magasins de mode.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117679/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Ce segment du marché reste globalement délaissé par les acteurs de la mode, ce qui entretient un sentiment d’exclusion chez les femmes rondes.Delphine Dion, Professeure de marketing, ESSEC Béatrice Tachet, Doctorante, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/901932018-01-17T21:39:08Z2018-01-17T21:39:08ZKering : retour d’un « pure player » sur le luxe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/202154/original/file-20180116-53307-mgy9uy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La marque Puma, qui a retrouvé des couleurs, sert la stratégie de croissance organique de Kering.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/2807558024/3a8471c07f/">theMaykazine/VisualHunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Kering a annoncé le 11 janvier 2018 sa volonté de se recentrer sur son activité luxe en distribuant <a href="http://www.kering.com/fr/communiques-de-presse/projet_de_distribution_en_nature_dactions_puma_aux_actionnaires_de_kering">70 % du capital de Puma, sur les 86,3 % actuellement détenus par le groupe</a>. Quelles sont les motivations de cette transaction ? Et pourquoi une distribution d’actions à ses actionnaires plutôt qu’une vente ?</p>
<h2>Recentrage sur le luxe</h2>
<p>Le groupe Kering (12,385 milliards d’euros de chiffre d’affaires au 31 décembre 2016 et environ 36 000 collaborateurs) a initié une transformation stratégique à partir de 2005, évoluant d’un conglomérat tourné vers la distribution grand public en France et en Europe (Le Printemps, la Redoute, Conforama, la Fnac..) vers un groupe de luxe à dimension internationale complété par des marques de sport et lifestyle. Afin de confirmer cette transformation, le groupe Printemps-Pinault-Redoute est devenu PPR en 2005 puis a changé à nouveau de nom en 2013 pour devenir Kering. Il s’est alors désengagé de ses activités grand public en cédant progressivement les différentes sociétés de distribution qu’il détenait et en réalisant l’introduction en bourse de la FNAC en 2013.</p>
<p>Depuis son entrée dans l’univers du luxe en 1999 avec l’acquisition de Gucci Group NV, Kering a développé un groupe multimarques par croissance externe en acquérant d’autres Maisons emblématiques comme Yves Saint-Laurent, Boucheron, Pomellato… Fin décembre 2016, Kering regroupait deux activités : une activité luxe et une activité sport et lifestyle. Kering est aujourd’hui un des leaders mondiaux du luxe. Selon l’étude <a href="https://www2.deloitte.com/content/dam/Deloitte/global/Documents/consumer-industrial-products/gx-cip-global-powers-luxury-2017.pdf">« Deloitte Global Powers of Luxury Goods 2017 »</a>, le groupe se classe cinquième au niveau mondial (base année fiscale 2015). Présent dans la mode, la maroquinerie, la joaillerie et l’horlogerie, il dispose de plus de 20 marques dont les plus connues sont Gucci, Yves Saint-Laurent, Bottega Veneta, Balenciaga, Alexander McQueen, Boucheron, Ulysse Nardin. En parallèle, Kering a également développé une activité sport et lifestyle avec Puma, Volcom et Cobra. Kering a acquis une participation de contrôle dans Puma à partir de 2007 et détient à présent 86,3 % des parts de Puma via la holding Artémis.</p>
<h2>Une cession en vue d’améliorer la rentabilité du groupe</h2>
<p>Porté par les excellentes performances <a href="http://www.kering.com/sites/default/files/communique_kering_-_chiffre_daffaires_du_troisieme_trimestre_2017_-_24-10-2017.pdf">annoncées le 24 octobre pour le troisième trimestre 2017</a> (hausse du chiffre d’affaires du groupe de 28,4 % en données comparables et plus particulièrement imputables à son activité luxe), Kering officialise ainsi son intention de se recentrer sur le luxe. Ce marché mondial, estimé à 860 milliards d’euros en 2016 selon l’étude <a href="https://altagamma.it/media/source/BCG%20Altagamma%20True-Luxury%20Global%20Cons%20Insight%202017%20-%20presentata.pdf">True Luxury Global Consumer Insight 2017 du BCG</a>, pourrait même croître jusqu’en 2023 pour atteindre les 1 187 milliards d’euros. Dans son <a href="http://www.kering.com/sites/default/files/kering_documentdereference_2016_vf.pdf">document de référence 2016</a>, Kering indique s’attaquer à un marché représentant 249 milliards d’euros en 2016. Ce marché offre donc de très belles perspectives de développement, même s’il est en légère baisse de 1 % en 2016.</p>
<p>Sur le 3<sup>e</sup> trimestre 2017, les ventes de l’activité luxe ont progressé de 32,3 % drainées par la hausse des revenus de 22,2 % de la Maison Yves Saint Laurent et surtout par les ventes de Gucci en progression de 49,4 % en données comparables. Une performance exceptionnelle reflétant le succès des créations d’Alessandro Michele. Le directeur artistique de Gucci a réussi à donner une nouvelle impulsion à la Maison avec son souci d’innovation permanent, son côté excentrique et sa capacité à toucher des clientèles très variées (géographie, âge…)avec une stratégie omnicanal. Les ventes de l’activité luxe ont peut-être aussi été portées par l’engagement clairement affiché de Kering et de Gucci en matière de responsabilité sociétale et environnementale. Le développement durable est un autre pilier de la stratégie de Kering et de ses marques. Le groupe a même lancé un <a href="http://www.kering.com/en/sustainability/whatisepl">Compte de Résultat Environnemental (EP&L)</a> ou, pour le grand public, des initiatives comme celle de <a href="https://www.lesechos.fr/12/10/2017/lesechos.fr/030700482653_gucci-va-bannir-la-fourrure-animale-de-ses-collections.htm">bannir toute fourrure animale des collections Gucci</a> à partir de 2018. Une annonce qui a fait beaucoup de bruit en octobre 2017, et ciblait tout particulièrement les Millenials.</p>
<p>D’après le <a href="http://www.kering.com/fr/communiques-de-presse/projet_de_distribution_en_nature_dactions_puma_aux_actionnaires_de_kering">communiqué de presse</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Le projet permettrait à Kering de renforcer son statut de pure player du luxe, avec un niveau de profitabilité accru, positionnant le groupe parmi les meilleurs de son secteur. Kering a pour ambition de continuer à faire croître et à développer l’ensemble de ses maisons de luxe dans la couture, la maroquinerie, la joaillerie et l’horlogerie en s’appuyant sur sa génération de cash-flow élevée et sa situation financière solide. »</p>
</blockquote>
<p>En effet si l’on se penche sur le <a href="http://www.kering.com/sites/default/files/kering_documentdereference_2016_vf.pdf">document de référence 2016</a>, il apparaît clairement que l’activité luxe est beaucoup plus rentable que l’activité sport et lifestyle. Ainsi la première contribue pour 94 % au résultat opérationnel de 2,1 milliards d’euros pour le groupe, contre seulement 6 % pour la seconde, alors qu’elles représentent respectivement 69 % et 31 % du chiffre d’affaires. De même l’activité luxe présente un taux de marge opérationnelle courante de 22,9 %, contre seulement 3,2 % pour l’activité sport et lifestyle. L’annonce de la distribution d’actions Puma a été saluée par les marchés financiers. L’action Kering a franchi les 408,9 euros le 12 janvier 2018 et plusieurs analystes ont relevé leurs objectifs de cours sur Kering.</p>
<h2>Création de valeur de Puma : des bénéfices pour les actionnaires</h2>
<p>Même si le taux de marge opérationnelle courant reste nettement en dessous de celui de l’activité luxe pour 2016, les efforts entrepris par la direction actuelle de Puma commencent à porter leurs fruits. L’endettement financier (dettes financières sur capitaux propres) du groupe est très faible, à 2,36 % fin 2016, et même négatif si on prend en compte la trésorerie disponible. Puma, qui a longtemps tiré la rentabilité de Kering à la baisse, semble avoir retrouvé des couleurs. La marque a affiché de bonnes performances sur le troisième trimestre 2017, avec une hausse de ses ventes de 17,3 % en comparable à 1 125,7 millions d’euros. Les chaussures comme les accessoires connaissent une croissance à deux chiffres.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/202162/original/file-20180116-53299-8fpdhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/202162/original/file-20180116-53299-8fpdhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/202162/original/file-20180116-53299-8fpdhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/202162/original/file-20180116-53299-8fpdhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/202162/original/file-20180116-53299-8fpdhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/202162/original/file-20180116-53299-8fpdhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/202162/original/file-20180116-53299-8fpdhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La marque Puma semble prête à gagner des parts de marchés sur ses concurrents.</span>
<span class="attribution"><span class="source">davitydave/VisualHunt</span></span>
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<p>Puma lance de nouvelles collections prometteuses avec des produits innovants comme la Puma One et développe encore ses partenariats avec des idoles des jeunes telles que Selena Gomez (actrice, chanteuse…), extrêmement active sur les réseaux sociaux, Rihanna ou Kylie Jenner. Cette stratégie cible les Millenials et vise à prendre en compte les attentes d’une nouvelle génération de consommateurs dans les pays matures et émergents. Une opération qui interviendrait donc au bon moment, dans un contexte de croissance de ventes, ce qui devrait permettre à l’équipementier allemand de gagner quelques parts de marché face à ses concurrents Adidas et Nike.</p>
<h2>Pourquoi une distribution d’actions plutôt qu’une vente ?</h2>
<p>Au cours de 333 euros le 15 janvier 2018, la valorisation de Puma était légèrement en dessous des 5 milliards d’euros (Infront Analytics). On peut donc se demander pourquoi Kering ne tente pas de mettre en vente Puma, qui pourrait lui apporter une confortable entrée de liquidités. Si les modalités n’ont pas encore été précisément définies et sont soumises à la décision des actionnaires le 26 avril 2018, la distribution d’actions en nature aux actionnaires de Kering nous paraît être une option tout à fait en ligne avec la nouvelle stratégie du Groupe, à savoir promouvoir une croissance organique (du moins à court terme) affichant un engagement particulier sur le développement durable.</p>
<p>Avec un endettement financier net (dettes financières – disponibilités)/capitaux propres relativement modéré (à environ 36,5 % fin 2016) et un cash-flow opérationnel qui progresse d’année en année (660 millions d’euros en 2015, 1,2 milliard d’euros en 2016), Kering ne présente pas de besoin massif de liquidités, surtout si le groupe n’envisage pas d’opération majeure de croissance externe.</p>
<p>En outre, selon le communiqué de presse du 11 janvier 2018, à l’issue de l’opération</p>
<blockquote>
<p>« Kering conserverait environ 16 % des actions Puma en circulation. Artémis qui détient 40,9 % du capital de Kering, deviendrait un actionnaire stratégique de long terme de Puma avec une participation d’environ 29 %. Le flottant de Puma atteindrait environ 55 %. »</p>
</blockquote>
<p>Ce choix permettrait de confirmer la confiance que Kering a dans les perspectives d’évolution et de création de valeur de Puma. Néanmoins si, à court terme, Kering envisageait une opération de croissance externe ou si une opportunité se présentait, il nous semblerait judicieux d’envisager la vente d’une partie des actions, le cours ayant sensiblement progressé depuis octobre 2017 et ayant même franchi les 377,1 euros en décembre 2017.</p>
<p>L’activité luxe connaît une croissance remarquable, comme nous l’avons indiqué, et affiche une hausse de 80 % de ses ventes en ligne, selon le <a href="http://www.kering.com/fr/communiques-de-presse/un_nouveau_trimestre_de_croissance_exceptionnelle_du_chiffre_daffaires_">communiqué du 24 octobre 2017</a>. Le recentrage vers le luxe prend donc tout son sens, porté par les créations, l’audace et l’innovation dont fait preuve Kering. Il semblerait que le groupe s’oriente vers une croissance organique et attache de plus en plus d’importance à sa stratégie digitale comme en témoigne la nomination le 4 décembre 2017 de Grégory Boutté comme <em>Chief Client & Digital Officer</em>. Toutefois, afin d’accompagner Kering dans sa transformation digitale et d’accélérer son développement, une entrée de liquidités pourrait tout de même être bienvenue, surtout si le groupe envisage de monter en puissance face à son principal rival LVMH. Rappelons-le, Kering (PPR à l’époque) avait arraché <a href="https://www.nouvelobs.com/economie/20010910.OBS8230/lvmh-et-ppr-s-entendent-sur-gucci.html">Gucci à LVMH</a> au début des années 2000, après deux ans de lutte acharnée. Il conviendra donc de suivre avec attention les modalités définitives de l’opération relative à la cession de Puma, qui pourraient bien évoluer et se traduire par une vente d’actions dans le futur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/90193/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Chaboud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En distribuant 70 % du capital de Puma, le groupe Kering confirme la transformation stratégique de son activité, de plus en plus concentrée sur le luxe.Isabelle Chaboud, Professeur associé d’analyse financière, d’audit et de risk management, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/894352017-12-20T20:31:19Z2017-12-20T20:31:19ZConversation avec Frédéric Godart : « La mode est confrontée à un problème de créativité »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/200217/original/file-20171220-4965-18tkkpk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Portrait de Fred Godart</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Frédéric Godart est sociologue et chercheur à l’Institut européen d’administration des affaires (INSEAD). Depuis douze ans, il étudie la mode sous toutes ses coutures. Lors des <a href="http://tribunesdelapresse.org/">Tribunes de la Presse</a> organisées en décembre 2017 à Bordeaux où nous l’avons rencontré, Frédéric Godart a présenté la mode comme un reflet des évolutions de la société.</p>
<hr>
<p><strong>La mode ne peut exister, selon vous, sans « individus disposant d’une certaine liberté de choix ». C’est le point de vue que vous développez dans votre dernier ouvrage <em>Sociologie de la mode</em>. Est-ce que les individus disposent vraiment de cette liberté?</strong></p>
<p>Est-ce que l’on peut avoir une mode dans un cadre communiste ou soviétique, avec une agence centrale qui édicte les normes? D’une certaine façon, c’est une forme de mode puisqu’on a un changement qui est centralisé, et les individus s’adaptent. Mais ce n’est pas ce qu’on appelle la mode au sens propre, parce qu’il faut une tension entre distinction et imitation. Et cela ne peut se faire qu’à travers la psychologie de l’individu, et aussi à travers une forme de socialisation.</p>
<p>Je dis que l’individu est central et doit être libre, mais c’est un individu qui s’inscrit dans des contraintes sociales et sociologiques, ce n’est pas un individu complètement isolé. L’individu est partiellement libre. Dans ce cadre et sous ces contraintes, effectivement, il y a un choix et une forme de liberté. On parle souvent de dictature de la mode, mais il y a quand même une marge de choix dans ce cadre restreint : quelle couleur, quel type de style… Elle est là cette liberté, c’est une liberté contrainte, mais elle existe.</p>
<p><strong>Nos sociétés contemporaines inventent la possibilité de cumuler en même temps plusieurs identités. L’historien du corps Georges Vigarello pointe « un spectre vestimentaire de plus en plus large, du talon aiguille au crampon alu ». Qu’est-ce que ce constat induit pour les différents acteurs de la mode?</strong></p>
<p>Il y a une tendance à l’individualisation, à la customisation de la mode, depuis une trentaine d’années, même si elle a commencé à apparaître avec le prêt-à-porter dans les années 1960. On a de plus en plus de styles disponibles parce que les modes de production ont changé et les consommateurs ont accès à plus de choses. A l’heure actuelle, il y a beaucoup de marques, beaucoup de styles. Avec Internet, on a l’impression d’avoir accès à tout, tout le temps, mais ce n’est pas complètement vrai. Ce n’est pas la fin des tendances: au contraire, le nombre de tendances par saison augmente. Avant il y en avait une ou deux, maintenant, c’est une cinquantaine.</p>
<p>Une tendance importante et très récente, c’est le vintage, l’utilisation de styles passés. C’est une tendance qui donne cette impression de diversité absolue.</p>
<p><strong>Les algorithmes remplaceront-ils les spécialistes qui se projettent et imaginent les futures tendances de la mode? Peuvent-ils prédire ce que seront les vêtements que nous porterons demain?</strong></p>
<p>J’ai envie de dire que les humains vont encore avoir un rôle à jouer, mais je n’en suis pas persuadé. Les bureaux de tendances comme NellyRodi ou WGSM, vont dire qu’il y a quand même une forme d’art, parce qu’il faut sentir les tendances. Mais avec l’émergence de bases de données qui traquent tout en permanence, on peut codifier l’approche humaine. L’intelligence artificielle a mis de l’ordre dans la profusion de produits et de tendances. Cela prendra une quinzaine d’années, mais je pense que les algorithmes vont remplacer les hommes.</p>
<p><strong>Avec le mélange du streetwear et du luxe, on assiste à l’émergence d’un phénomène de rapprochement des extrêmes et d’inversion des valeurs. Faut-il y voir une métaphore des évolutions de notre société?</strong></p>
<p>C’est une question très intéressante, parce qu’il y a longtemps eu une opposition entre la haute couture et le sportswear. A l’heure actuelle, je dirais qu’il y a un problème de créativité dans la mode, identifié dès les années 1990, parce que d’une certaine façon, tout a déjà été fait.</p>
<p>Tout a été exploré pour trouver de la créativité, et donc tout ce qui est sportswear, même la mode de rue, est devenu une source d’inspiration. Un exemple frappant, c’est la mode punk. Un mouvement populaire anglais antisocial se retrouve sur les défilés de grandes marques comme Vivienne Westwood, qui reprend l’épingle à nourrice. On retrouvera même des épingles à nourrice dorées sur des robes chez Versace. La mode a aussi repris le vestiaire des sans-abris en en faisant une esthétique, ce qui pose des problèmes éthiques. C’est une appropriation sociale, avec le même mécanisme que l’appropriation culturelle.</p>
<p>En fait, les marques font feu de tout bois. Gérer cette crise de créativité va être un problème dans les années à venir. L’intelligence artificielle aura un rôle à jouer, parce que si les algorithmes systématisent tout, comment des choses nouvelles peuvent-elles émerger? Qui va les créer? Est-ce que les intelligences artificielles vont pouvoir faire du design? C’est possible.</p>
<hr>
<p><em>Propos recueillis par Julianne Rabajoie-Kany et Marina Guibert, étudiantes en Master professionnel à l’Institut de Journalisme Bordeaux Aquitaine/Université Bordeaux Montaigne.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89435/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Simon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le sociologue de la mode analyse l'état, et les défis, d'un secteur en pleine révolution.François Simon, Maître de conférences hors classe en sciences de l’information et de la communication, Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/768862017-07-12T19:59:42Z2017-07-12T19:59:42ZComment le voile a donné naissance à la « hijabista » mondiale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/174023/original/file-20170615-23518-1purekq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le voile musulman sème la confusion chez les Occidentaux.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/mod%C3%A8le-la-mode-jeune-fille-sexy-1245558/">Bessi/Pixabay</a></span></figcaption></figure><p>La marque Gap relance la polémique sur le port du voile : dans sa dernière campagne pour GapKids, deux enfants sont mis en avant, l'une porte un voile bleu. <a href="https://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2018/08/11/une-campagne-publicitaire-de-gap-montrant-une-enfant-voilee-suscite-la-polemique_5341566_3224.html">En France, élus et internautes appellent au boycott</a>. L'enseigne se défend en expliquant qu'il s'agit d'enfants issus d'une école publique new-yorkaise et que la publicité est destinée au marché international.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1027890662098780160"}"></div></p>
<p>Comment le voile, une simple pièce de tissu aux déclinaisons diverses, a-t-il pu devenir un vêtement mondialisé, suscitant d’importantes controverses ?</p>
<p>En juin 2017, c'était le maire de la commune de Lorette qui avait <a href="https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/le-maire-de-lorette-retire-son-arrete-anti-burkini-1498960310">rédigé un arrêté anti-burkini</a>, interdisant le port du burkini et du voile sur un plan d’eau municipal. La polémique suscitée par son acte l’a poussé à le retirer au bout d’une semaine. Le même mois, de l’autre côté de l’Atlantique, le <a href="http://www.bbc.com/news/blogs-trending-40379503">magazine de mode américain Allure illustrait sa Une</a> avec une photo de la modèle somalienne Hamali Aden, portant un hijab.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"877181177894973440"}"></div></p>
<p>Une dizaine d’années de terrain en Afghanistan et de nombreux voyages au Moyen-Orient m’ont menée à réaliser un travail anthropologique et <a href="http://croquant.atheles.org/terra/femmesafghanesenguerre">historique du costume féminin</a>.</p>
<p>Cependant, il m’a été difficile d’ignorer les transformations sociétales européennes de ces dix dernières années. L’habillement des jeunes femmes musulmanes a en effet engendré des débats virulents.</p>
<h2>Le <em>voile</em>, un mot, des variantes</h2>
<p>En France, où je vis, le terme <em>voile</em> est particulièrement confus, puisqu’il recouvre <a href="http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/06/11/niqab-hijab-burqa-des-voiles-et-beaucoup-de-confusions_4651970_4355770.html">des variantes</a> qui s’excluent souvent mutuellement : le foulard, la burqa, le niqab, le hijab, le jilbab.</p>
<p>Ces termes décrivent des formes différentes de voile, plus ou moins enveloppantes. <a href="http://www.lexpress.fr/actualite/societe/religion/la-burqa-en-questions_768733.html">La burqa</a> afghano-pakistanaise bleue et le <a href="http://www.lemondedesreligions.fr/mensuel/2010/40/niqab-quels-sens-pour-celles-qui-le-portent-06-05-2010-167_106.php">niqab</a> noir d’Arabie saoudite, recouvrent le visage aussi bien que le corps. C’est une version du niqab que portent les jeunes musulmans et les convertis qui se sont tournés vers un islam puriste, basé sur une lecture fondamentalisme des textes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174021/original/file-20170615-23528-153b2qh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174021/original/file-20170615-23528-153b2qh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174021/original/file-20170615-23528-153b2qh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174021/original/file-20170615-23528-153b2qh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174021/original/file-20170615-23528-153b2qh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174021/original/file-20170615-23528-153b2qh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174021/original/file-20170615-23528-153b2qh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un défilé de mode, dans un salon de la femme musulmane ayant eu lieu en France.</span>
<span class="attribution"><span class="source">C.M.</span></span>
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<p>Le hijab est le terme utilisé pour désigner une coiffure islamique colorée, couvrant le crâne, le cou et les épaules. Cette coiffe est notamment portée dans le monde issu des colonies anglaises, en Inde, au Pakistan, au Bangladesh.</p>
<p>En Indonésie, le terme jilbab signifie à peu près la même chose. Ailleurs, par exemple sur les catalogues de <a href="http://www.nabira.fr/23-jilbab?">vente en ligne</a> – dont les plus pudiques mettent un flou sur les visages des mannequins-, il désigne la tenue en une pièce qui recouvre la tête et le corps.</p>
<p>Le port du simple foulard est l’antithèse du niqab (le voile intégral), puisque le foulard permet la participation à l’espace public de celle qui le porte, alors que le niqab l’exclut définitivement. L’individualité d’un côté, l’anonymat de l’autre, au nom de préceptes religieux qui se voudraient partagés mais qui offrent des oscillations déterminantes, parfois choisies, parfois contraintes.</p>
<h2>Du voile honni au voile plébiscité ?</h2>
<p>Une version médiane, qui ne révèle que le visage, est imposée par la loi en Iran et Irak chiites : le tchador noir, vêtement politique aussi bien que religieux, était censé <a href="http://www.karthala.com/867-la-revolution-sous-le-voile-femmes-islamiques-diran-9782865373291.html">représenter la femme musulmane idéale</a>, produite par la révolution khomeiniste de 1979. Mais son détournement imaginatif à Téhéran <a href="http://thetehrantimes.tumblr.com">est devenu un sport national</a>.</p>
<p>Le visage est alors investi en tant que terrain d’expression, voire de contestation, par le maquillage, les sourcils, et même la chirurgie esthétique.</p>
<p>Le voile intégral est obligatoire dans quelques pays <a href="https://www.gov.uk/guidance/living-in-saudi-arabia">comme l’Arabie Saoudite</a> (niqab/abaya), ou au sud de l’Afghanistan surtout rural (burqa), où le <a href="https://www.unicef.org/infobycountry/files/Best_Estimates_Fact_Sheet_-_Kandahar.PDF">taux l’alphabétisation féminin 16 %</a> est l’un des plus bas sur terre selon l’UNICEF.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174010/original/file-20170615-23548-1v80g9z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174010/original/file-20170615-23548-1v80g9z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174010/original/file-20170615-23548-1v80g9z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174010/original/file-20170615-23548-1v80g9z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174010/original/file-20170615-23548-1v80g9z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174010/original/file-20170615-23548-1v80g9z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174010/original/file-20170615-23548-1v80g9z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans les jardins publics de Kaboul, en Afghanistan.</span>
<span class="attribution"><span class="source">C.M</span></span>
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<p>Dans de nombreux autres pays, y compris ceux où réside une vaste communauté musulmane pratiquante, les lois n’imposent certes pas explicitement le port d’un tel vêtement dédié, <a href="https://tribune.com.pk/story/711490/no-dress-codes-for-pakistani-women/">mais une exigence de « modestie »</a> s’applique, selon les canons en vigueur. Il est impensable, par exemple, de se promener en short ou jean moulant au Pakistan, même si aucune loi constitutionnelle ne l’interdit.</p>
<p>En revanche, dans les pays aux lois explicitement répressives comme l’Iran, la Malaisie, les régions dominées par Daech et Boko-Haram au Sahel et au Moyen-Orient, une police des mœurs religieuse veille et rappelle à l’ordre les contrevenants, souvent par des moyens violents. Elle est généralement rattachée à un <a href="http://www.bbc.com/news/world-middle-east-36101150">« Comité pour la promotion de la vertu et la répression du vice »</a>.</p>
<p>Mes amies féministes iraniennes et afghanes sont ainsi consternées lorsque des organisations comme <a href="http://www.france24.com/fr/20140630-voile-integral-france-islamique-burqa-CEDH-droit-homme-expression-amnesty-international-">Amnesty International</a> ou la Ligue des Droits de l’homme s’insurgent, au nom des libertés personnelles, contre l’interdiction du port du voile intégral, statuée par l’<a href="http://www.liberation.fr/societe/2014/07/01/la-cedh-valide-l-interdiction-du-voile-integral-en-france_1053802">Union européenne en 2014</a>.</p>
<p>À l’époque où les <a href="https://2001-2009.state.gov/g/drl/rls/6185.htm">Américains</a> et leurs alliés intervenaient en Afghanistan (à partir de 2002), ces mêmes organisations jugeaient que la burqa (version locale du niqab) était emblématique des <a href="https://www.hrw.org/legacy/wr2k2/women.html">restrictions extrêmes</a> imposées aux femmes par les talibans et représentait un refus de leurs droits humains.</p>
<p>Comment, en l’espace de quinze ans, s’est opéré ce bouleversement absolu ?</p>
<h2>La religion, une certitude rassurante</h2>
<p>Selon un <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19585/document_.travail_2013_196_religion.fr.pdf">rapport de l’INED</a>, l’un des facteurs le plus important serait la montée du fait religieux auprès des jeunes, en particulier chez les immigrés se déclarant musulmans de la deuxième génération. Ils estiment vivre une « forte religiosité », souvent différente de celle pratiquée par leurs propres parents.</p>
<p>Selon ce même rapport, la sécularisation, voire l’athéisme s’enracinent plus chez les migrants ou natifs d’origine chrétienne.</p>
<p>Peu importe leur religion, les enfants du millénaire vivent ce qui a été appelé « la <a href="http://www.liberation.fr/debats/2016/02/23/la-fin-des-ideologies_1435327">fin des idéologies</a> », ou le « <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-des-Sciences-humaines/Le-desenchantement-du-monde">désenchantement du monde</a> », selon les expressions consacrées, avec par exemple, la montée du néo-libéralisme à tout cran et son lot de désillusions. Parmi celles-ci, la <a href="https://theconversation.com/conversation-avec-gerald-bronner-ce-nest-pas-la-post-verite-qui-nous-menace-mais-lextension-de-notre-credulite-73089?sa=google&sq=post+v%C3%A9rit%C3%A9&sr=3">normalisation de l’incrédulité</a> et le manque de confiance face aux processus démocratiques et aux personnalités politiques ont joué un rôle majeur.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174011/original/file-20170615-23548-18pwzl5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174011/original/file-20170615-23548-18pwzl5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174011/original/file-20170615-23548-18pwzl5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174011/original/file-20170615-23548-18pwzl5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174011/original/file-20170615-23548-18pwzl5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174011/original/file-20170615-23548-18pwzl5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174011/original/file-20170615-23548-18pwzl5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des étudiantes à Beyrouth (Liban) : la femme située au milieu porte son voile dans un style « sunnite ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">C.M.</span></span>
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<p>Au Moyen-Orient, les jeunes ont été élevés dans le contexte d’une guerre violente ou de basse intensité, du terrorisme, de l’effondrement de l’option relativement laïque des gouvernements post-coloniaux de <a href="http://www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/2011/01/22/01006-20110122ARTFIG00584-o-va-la-tunisie.php">Ben-Ali en Tunisie</a> et de <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2011/02/10/01003-20110210ARTFIG00658-plus-de-deux-semaines-de-revolte-populaire-en-egypte.php">Moubarak en Egypte</a>, ainsi que de l’échec des révoltes populaires <a href="http://www.la-croix.com/Editos/L-echec-du-printemps-arabe-2013-07-29-992331">comme le Printemps arabe</a>.</p>
<p>Les débats autour de l’<a href="https://www.fidh.org/fr/regions/maghreb-moyen-orient/israel-palestine/50e-anniversaire-de-l-occupation-militaire-par-israel-de-la-palestine">occupation de la Cisjordanie</a> depuis un demi-siècle a d’autant plus cristallisé les débats en France, <a href="http://www.regards.fr/monde/en-france-le-mouvement-de-soutien,7866">rassemblant la jeunesse</a> souvent issue de l’immigration musulmane autour d’un même combat.</p>
<p>Peu à peu, la religion politisée a été érigée en un nouvel idéal, <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Hors-serie-Connaissance/La-Fracture">comme l’a démontré le politologue Gilles Kepel</a>, notamment dans son ouvrage <em>La Fracture</em>.</p>
<p>Un processus partiellement comparable s’est opéré dans les pays occidentaux tels que le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada, ainsi qu’en Scandinavie. Dans ces territoires, le <a href="http://www.lesinrocks.com/2015/12/10/actualite/doit-on-remettre-en-question-la-la%C3%AFcit%C3%A9-%C3%A0-la-fran%C3%A7aise-11791149/">principe communautariste</a> domine : soit une société plurielle où est reconnue l’appartenance affichée, à des communautés religieuses et ethniques, jusque dans l’espace public, au détriment parfois d’une idée d’appartenance nationale unificatrice.</p>
<p>Selon les critiques français, cette tendance encouragerait la dissolution identitaire dans l’assimilation totale. En 1997, le sociologue Michel Wieviorka avait déjà cerné les <a href="https://www.cairn.info/une-societe-fragmentee--9782707127310.htm">écueils d’une trop grande rigidité</a>.</p>
<h2>Le vêtement véhicule identitaire</h2>
<p>Le vêtement figure aujourd’hui parmi les signes les plus évidents de cette soif de reconnaissance identitaire. Une classe moyenne éduquée, dynamique, moderne et religieuse a émergé en Grande-Bretagne et en Amérique du Nord. Elle affirme son appartenance musulmane et revendique le droit de faire du hijab un objet de mode.</p>
<p>En 2016, le Huffington Post recensait d’ailleurs les <a href="http://www.huffingtonpost.com/entry/17-muslim-american-women-who-made-america-great-in-2016_us_584204b7e4b09e21702ec3b1">17 femmes musulmanes</a> américaines qui avaient contribué à la bonne image des États-Unis en 2016. On peut y admirer, en foulard et souvent très maquillées, des avocates, des femmes d’affaires et des activistes.</p>
<p>Cette représentation est inimaginable en France, où la réussite sociale signifie conformité au <a href="https://www.cairn.info/revue-histoire-monde-et-cultures-religieuses-2014-4-page-43.htm">modèle républicain</a>, y compris dans le style de vie. C’est ainsi que les <a href="https://www.mimoza-hijab.fr/">sites web</a> vendant des vêtements plus orthodoxes en France, tels que des niqabs et des jilbabs, sont plutôt réservés à un marché populaire, <a href="http://www.institutmontaigne.org/fr/publications/un-islam-francais-est-possible">généralement sans emploi</a>.</p>
<p>Aux États-Unis au contraire, <a href="https://www.theatlantic.com/entertainment/archive/2015/02/making-modest-fashion-cool/385789/">c’est une classe bourgeoise de consommatrices</a> qui, affichant clairement son attachement à l’islam, a permis le développement du <a href="http://blogs.lexpress.fr/styles/le-boulevardier/2013/01/07/lexplosion-du-modest-clothing-vers-une-mode-hallal-ou-cascher-ou-sacree/">« modest wear »</a>. Au départ, dans les années 1980, cette mode était destinée aux femmes juives orthodoxes et mormones, et se retrouve aujourd’hui sur les <a href="http://www.deseretnews.com/article/865622949/Jewish-woman-says-modesty-spans-religions-and-cultures-launches-modest-online-marketplace.html">sites Internet</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174016/original/file-20170615-11162-1jjg43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174016/original/file-20170615-11162-1jjg43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174016/original/file-20170615-11162-1jjg43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174016/original/file-20170615-11162-1jjg43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174016/original/file-20170615-11162-1jjg43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174016/original/file-20170615-11162-1jjg43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174016/original/file-20170615-11162-1jjg43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À Jérusalem, des femmes juives orthodoxes, portant des coiffes sur la tête.</span>
<span class="attribution"><span class="source">C.M.</span></span>
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<h2>Le business florissant de la mode « islamique »</h2>
<p>Les styles aujourd’hui en vente ne se conforment pas uniquement aux injonctions de piété, mais également aux critères temporaux et sociaux de la mode actuelle, par la coupe et les couleurs.</p>
<p>Ainsi, alors que 40 couturiers internationaux présentaient la première <a href="https://www.theguardian.com/fashion/2017/feb/22/generation-m-how-young-muslim-women-are-driving-a-modest-fashion-revolution">Modest Fashion Week à Londres</a> en février 2017, le lancement, en 2016, de <a href="http://www.huffingtonpost.com/entry/uniqlo-hijabs-february_us_56c3699de4b08ffac126a8fa">collections</a> de prêt-à-porter « modest wear » par Uniqlo, D&G, Tommy Hilfiger, et Oscar de la Renta, <a href="https://blogs.mediapart.fr/carol-mann/blog/040416/interdire-la-mode-mais-soutenir-les-dictatures">ont suscité la polémique</a> en France.</p>
<p>On ne saurait accuser ces entreprises de prosélytisme en faveur de l’islam : <a href="https://www.theatlantic.com/entertainment/archive/2016/01/dolce-gabbana-high-fashion/423171/">elles capitalisent avant tout</a> sur une croissance annoncée d’un marché de plus en plus large. D’après Thomson Reuters et son rapport « State of Global Islamic Economy 2014-2015 », <a href="http://www.aljazeera.com/indepth/features/2016/01/booming-muslim-fashion-industry-160124132747636">ce marché était de 266 milliards de dollars en 2013</a> et devrait atteindre les 484 milliards de dollars d’ici 2019.</p>
<p>Cette croissance coïncide avec le <a href="http://www.la-croix.com/Religion/Monde/Que-seront-religions-2050-2016-04-22-1200755307">boom démographique de la population musulmane dans le monde</a>, passant de 1,6 milliard à presque 3 milliards d’ici 2050.</p>
<h2>Hijabista branchée</h2>
<p>Aujourd’hui la <a href="http://o.nouvelobs.com/mode/20130529.OBS1059/les-hijabistas-des-bloggeuses-mode-voilees-reinventent-la-feminite-musulmane.html">hijabista</a> a le vent en poupe : c’est une jeune femme, vivant en Occident, qui a décidé de vivre sur son corps sa foi musulmane de façon moderne et branchée, selon les référents toujours changeants de la mode ; on retrouve ce phénomène, de façon plus limitée, au Moyen-Orient, au Pakistan et en Asie du Sud-est.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/XOX9O_kVPeo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Hijabi, de l'artiste Mona Haydar revendique un féminisme islamique internationaliste, décomplexé vis à vis de la religion.</span></figcaption>
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<p>La différence, c’est que la figure de la hijabista constitue une particularité de la jeunesse actuelle en Europe et sur le continent américain, qui continue à revendiquer une neutralité religieuse, alors que dans les pays musulmans, elle est la norme, comme l’explique la sociologue pionnière du <em>modest fashion</em>, <a href="http://www.ibtauris.com/en/Books/Society%20%20social%20sciences/Society%20%20culture%20general/Cultural%20studies/Fashion%20%20society/Modest%20Fashion%20Styling%20Bodies%20Mediating%20Faith">Reina Lewis</a>.</p>
<p>La mode permet justement d’intégrer celles qui l’endossent, de vivre au temps présent et non pas de les emmurer dans un état supposément religieux, figé dans la temporalité inerte des textes et selon l’interprétation des islamistes.</p>
<p>Ces dernières, voilées de pied en cap, refusent le principe même de la mode. Cependant, elles ne « représentaient » en France que 687 verbalisations en 2016, et <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2016/04/08/97001-20160408FILWWW00177-voile-integral-1500-amendes-en-5-ans.php">1 500 en cinq ans</a>. En France, l’interdiction policière comme unique stratégie peine à atteindre le but escompté, soit une invisibilisation du fait musulman, où du moins sa réduction, dans l’espace public.</p>
<p>À l’inverse, elle exacerbe les tensions et renvoie ces femmes et leurs familles à l’entre-soi islamiste rigoriste, qui se manifeste dans les <a href="http://www.francetvinfo.fr/societe/le-bourget-je-suis-fier-detre-musulman-francais-ou-francais-musulman_1690279.html">salons spécialisés</a> organisés pour les « Musulmans de France », anciennement l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/presidentielle-2017/20170504.OBS8965/freres-musulmans-conferences-polemiques-10-choses-a-savoir-sur-l-uoif.html">historiquement proches des Frères Musulmans</a>. On y voit défiler par centaines des niqabs et jilbabs, d’ailleurs en vente sur place.</p>
<p>Au contraire, la mode des jeunes musulmanes, joyeuse, colorée, libérée, <em>in fine</em> jouissive, est un phénomène positif, puisqu’elle s’oppose d’emblée au niqab mortifère et à ses défenseurs. Elle permet une fluidité vestimentaire et, surtout, la possibilité de changer d’avis à tout moment.</p>
<hr>
<p><em>Carol Mann a publié <a href="http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=53086">« De la burqa afghane à la hijabista mondialisée »</a>, aux éditions de L’Harmattan.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76886/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carol Mann ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Accessoire de mode, instrument de contestation politique ou de répression, le voile est désormais un vêtement incontournable de nos sociétés.Carol Mann, chercheure associée au LEGS de Paris 8 spécialiste de genre et conflits armés, Université Paris 8 – Vincennes Saint-DenisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/512762015-12-03T05:38:36Z2015-12-03T05:38:36ZUniqlo, le petit distributeur qui devient grand<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/104070/original/image-20151202-14458-5sm15r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Uniqlo à New York en 2008</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/91499534@N00/2559522127/in/photolist-4UbdKR-6auryA-gK8War-avWoAR-7ge9Ud-48S92n-dguwBA-aYQzki-sP1qBu-gK8W2v-8KMVD7-dhdiE3-68kyC2-oZ35Ae-7fbsrn-68pLxQ-68pLqG-68pLjb-68pLcW-68kxX8-68kxSB-68kxJP-68kxjD-9RFi2Q-6auu9W-6aqktB-78JfN6-gK8RDw-dPwo8d-rWduj-92LKgR-5mTMTZ-gK9LHB-bRTDjZ-5x9sqb-7873Dp-9u1Frn-bNiXqT-8xZsam-5X9GL8-98c8o3-6aqkq2-6autZJ-7fs7bL-dvJ1TL-7YwCsQ-4RfWuU-a45irT-c22ue5-988Zgk">ehpien/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Créée en 1984, Uniqlo, entreprise familiale devenue mondiale est l’œuvre d’un homme : Tadashi Yanai. L’entreprise s’est imposée progressivement tout en définissant les bases d’un « business model » à la fois simple et innovant : la vente de produits unisexe présentant un bon rapport qualité/prix et la maîtrise de la conception de ses lignes de vêtements. Mais au-delà de ces idées et de cette vision, comment le géant du vêtement nippon parvient-il à tenir son rang face à l’intensité concurrentielle du marché du prêt-à-porter ? </p>
<h2>Sa situation par rapport à son marché</h2>
<p>Le secteur de l’habillement est dominé par deux groupes mondiaux : le groupe Inditex, gérant la marque corporate Zara, est le leader du marché, suivi de H&M. Uniqlo vient derrière selon le seul critère du nombre de points de vente. Ainsi, avec 2753 points de vente aujourd’hui et 3173 annoncés en 2016, Uniqlo représente à peine la moitié du parc commercial d’Inditex.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/103542/original/image-20151129-11600-8x7xet.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/103542/original/image-20151129-11600-8x7xet.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=229&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/103542/original/image-20151129-11600-8x7xet.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=229&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/103542/original/image-20151129-11600-8x7xet.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=229&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/103542/original/image-20151129-11600-8x7xet.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=288&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/103542/original/image-20151129-11600-8x7xet.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=288&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/103542/original/image-20151129-11600-8x7xet.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=288&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Zara et ses concurrents.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.capital.fr/bourse/actualites/a-100-milliards-d-euros-zara-creve-le-plafond-mais-gare-a-h-m-et-uniqlo-1062635">Capital, 2015</a></span>
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<p>Mais au-delà de ce critère de présence sur les marchés, il faut noter les résultats exceptionnels de l’entreprise : elle affiche 260 milliards de yens (2 milliards euros) pour son dernier exercice, alors qu’en 2011 elle atteignait à peine les 80 milliards de yens. La croissance de l’entreprise n’est donc qu’à ses débuts. </p>
<h2>Pourquoi Uniqlo a percé en France ?</h2>
<p>Les raisons de ce succès tiennent à quatre facteurs : la production, la création, l’innovation et la chaîne de valeur.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/104075/original/image-20151202-14437-48jan4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/104075/original/image-20151202-14437-48jan4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/104075/original/image-20151202-14437-48jan4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/104075/original/image-20151202-14437-48jan4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/104075/original/image-20151202-14437-48jan4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/104075/original/image-20151202-14437-48jan4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/104075/original/image-20151202-14437-48jan4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le flagship store Uniqlo à Paris-Opéra.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/panapp/4307242108/in/photolist-7yBK1Y-9QVeEY-9QSd7H-9QScpM-7rvMTg-6gJhY1-dQoS86-aMoUwV-7ikQGC-aYQFjD-7hHNv4-7hMKUL-7hMKZ1-8TkojC-8nSJXQ-nZh1pA-5h4eN7-xJy5fs-xJDNrn-fQghyN-x5h1Jz-bPoXBt-4E8ca2-6nuPe7-i1kcqp-7cnQDc-6gJi7E-ha58Fh-fEV48k-8KXQFS-aTeSne-7kipkM-6gJi3E-aQFb9t-aQFaHT-tuPZNn-AHVGr-6DzknS-6bdoPn-dYjQzg-bGUmmv-yMD7CS-7jEY4P-dxV6cm-89sNs5-fUARP8-2JGva2-ceTJo9-e1a6zv-xRAubJ/">Mario/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p><strong>Des produits standard relativement bon marché</strong> :
Uniqlo se distingue en fournissant des produits bon marché grâce à son modèle SPA (Speciality Store Retailer of Private Label Apparel). Contrairement aux concurrents qui vendent des lignes conçues et fabriquées par d’autres enseignes, Uniqlo a été l’un des premiers produisant et commercialisant des vêtements sous sa propre marque. Ce système lui a permis tout d’abord de fixer des prix de vente compétitifs par rapport aux concurrents puisque la stratégie s’est rapidement portée vers l’indépendance dans la gestion de sa chaîne logistique. Ensuite, la standardisation des produits sous la forme du slogan « Fabriqué pour tous » et le choix d’un ciblage unisexe a permis des gains en terme d’économies d’échelle. </p>
<p><strong>Innovation et mode</strong> :
Pour autant, le fait de se concentrer sur des produits « casual » ne signifie pas qu’Uniqlo se moque des tendances. Les collections sont régulièrement renouvelées, par les bureaux de Tokyo et New York, et de grands designers sont appelés pour lancer de nouveaux concepts. Dans les magasins parisiens, Inès de la Fressange, apporte ainsi son savoir-faire à la vente d’une ligne de produits co-brandés Uniqlo. Par ailleurs, les équipes de designers intègrent les avis des clients à travers les retours de questionnaires pour améliorer les lignes de produits. C’est en ce sens que la ligne « Doudoune Ultra Light » remporte un succès dans les points de vente puisque le produit associe tendance et praticité (possibilité d’associer la doudoune avec un manteau, se glisse dans un sac à main).</p>
<p><strong>La technicité des produits comme argument de vente</strong> :
Un autre élément du succès des produits Uniqlo s’explique par la présentation de la technicité des vêtements comme argumentaire de vente. A titre d’illustration, le partenariat avec Toray Industries a permis de mettre sur le marché des produits reprenant la technologie « Heattech ». On trouve aujourd’hui de nombreuses déclinaisons tels que les sous-vêtements techniques ou la doudoune « Ultra Light ». </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/103543/original/image-20151129-11600-1kesoig.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/103543/original/image-20151129-11600-1kesoig.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/103543/original/image-20151129-11600-1kesoig.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/103543/original/image-20151129-11600-1kesoig.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/103543/original/image-20151129-11600-1kesoig.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/103543/original/image-20151129-11600-1kesoig.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/103543/original/image-20151129-11600-1kesoig.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Technologie Heattech.</span>
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<p><strong>Un contrôle strict des partenaires industriels</strong> :
Le succès d’Uniqlo passe également par la maîtrise de la chaîne de valeur. Les sous traitants sont rigoureusement sélectionnés et choisis en fonction d’une spécialité allant de la couture, la teinture… Afin de veiller à la qualité à la sortie des ateliers, des maîtres takumis experts se déplacent sur les sites de production et forment si nécessaire les ouvriers par rapport au modèle patron attendu. De ce fait, alors que les relations classiques entre sous-traitant et donneur d’ordre passe par un cahier des charges, Uniqlo dépêche ses équipes dans les ateliers pour veiller à la qualité des produits. </p>
<h2>La stratégie multicanal comme relais de croissance</h2>
<p>En complément des innovations et de la maîtrise de sa chaîne de valeur, l’entreprise a compris l’importance du multicanal pour pouvoir gagner en espace médiatique par rapport à ses concurrents. Cela passe tout d’abord par le développement des achats sur les plateformes e-commerce comme Tmall, JD.com et des applications comme Wechat. En point de vente, l’intégration des techniques de e-commerce passe par les techniques du marketing expérientiel, l’objectif étant de mieux cerner les attentes du <em>shopper</em> tout en lui faisant vivre une expérience ludique. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/103545/original/image-20151129-11637-sj8cq0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/103545/original/image-20151129-11637-sj8cq0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/103545/original/image-20151129-11637-sj8cq0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/103545/original/image-20151129-11637-sj8cq0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/103545/original/image-20151129-11637-sj8cq0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/103545/original/image-20151129-11637-sj8cq0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/103545/original/image-20151129-11637-sj8cq0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Uniqlo boutique en ligne.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Ainsi, la campagne de communication « Style your life » réalisée par Offline to Online permet aux clients de se représenter avec les lignes de produits à partir de <em>selfies</em> personnalisés (sur fonds de Paris ou New York) tout en partageant les photos sur le web. De même, Uniqlo utilise les neurosciences pour captiver l’attention des clients grâce à son logiciel Umood également consultable sur son site institutionnel (uniqlo-ut.com). Cet appareil placé dans le point de vente en lisant les ondes cérébrales du client sur des images diffusées sur écran permet de proposer des produits personnalisés (couleurs, coupes des vêtements). </p>
<p>On le voit Uniqlo maîtrise sa chaîne de valeur jusqu’au cerveau du consommateur final… Une expérience de mode vraiment globale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/51276/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathieu Dunes a reçu des financements de l'Ecole Normale Supérieure. </span></em></p>Comment une entreprise familiale japonaise, fondée sur des concepts simples et innovants, vient concurrencer les géants Zara et H&M.Mathieu Dunes, Docteur en Sciences de Gestion, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.