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Algérie – The Conversation
2024-03-19T10:14:18Z
tag:theconversation.com,2011:article/224777
2024-03-19T10:14:18Z
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Mali : la dénonciation de “l’accord d’Alger”, un tournant dans la résolution du conflit ?
<p>A la surprise générale, dans un <a href="https://www.jeuneafrique.com/1530317/politique/le-mali-enterre-laccord-de-paix-dalger/">communiqué du 25 janvier 2024</a>, le gouvernement du Mali fait constater “l'inapplicabilité absolue de l'Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus <a href="https://peacemaker.un.org/sites/peacemaker.un.org/files/Accord%20pour%20la%20Paix%20et%20la%20R%C3%A9conciliation%20au%20Mali%20-%20Issu%20du%20Processus%20d%27Alger_0.pdf">d’Alger, signé en 2015</a>” et annonce sa fin “avec effet immédiat”. En outre, il souligne des “actes inamicaux” et d’ingérence de la part du médiateur algérien dans des affaires internes du Mali. </p>
<p>Cette décision intervient dans un contexte où le Mali réaffirme sa souveraineté et ses choix stratégiques. </p>
<p>Je suis chercheur en <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ei/2022-v53-n1-ei07137/1090710ar.pdf">relations internationales</a>. Dans cet article, j'analyse les origines du conflit, les précédents accords de paix et les raisons de l'échec de l'accord de 2015. Je donne aussi des pistes de résolution future du conflit.</p>
<h2>La saga des accords non-appliqués</h2>
<p>Le conflit malien est, en partie, un héritage de la colonisation française. En effet, en 1957, dans la mouvance de l’indépendance des anciennes colonies françaises en Afrique - à travers une pétition- des leaders Touareg ont réclamé le rattachement de l’Organisation commune des régions sahariennes (OCRS) à l’Algérie voire son indépendance. Cette pétition portée par le Cadi de Tombouctou Mohamed Mahmoud Ould Cheikh avait pour objectif d’éviter le rattachement de <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/322">l’OCRS au Soudan français qui deviendra le Mali en 1960 </a>. La France du général Charles de Gaulle n’accèdera pas à cette requête, car elle était consciente de la volonté des leaders africains de l’époque de construire l’unité africaine et opposée à la balkanisation des frontières africaines. </p>
<p>Deux ans après l’indépendance du Mali (1962), des Touaregs ont enclenché le premier conflit sécessionniste. Cette rébellion a été aisément contenue par l’Etat malien sur le plan militaire. Le gouvernement de <a href="https://modibo-keita.site/qui-etait-modibo-keita-le-premier-president-du-mali/">Modibo Keïta</a>, en réaction à cette crise, prendra des politiques de cohésion nationale. Il s’agit, entre autres, de l’instauration du service civique pour assurer la formation politique et civique des populations rurales, la création des mouvements des pionniers pour développer leur esprit nationaliste, et la valorisation de la culture malienne en guise de ciment de la cohésion nationale. Plusieurs entreprises nationales sont créées pour <a href="https://www.amazon.fr/Modibo-Keita-Portrait-Inedit-President/dp/9995260425">promouvoir le développement économique du pays et réduire sa dépendance des puissances étrangères</a>.</p>
<p>Moins de 30 ans plus tard, <a href="https://www.rfi.fr/fr/hebdo/20160415-afrique-touareg-rebellions-niger-mali-algerie-burkina-faso-histoire">en 1991</a>, un second conflit avec les touaregs éclate. Ce conflit prend fin suite à une médiation algérienne. L’Etat malien et les groupes rebelles (Mouvements et Fronts unifiés de l’Azawad ) signent à cet effet <a href="https://www.cairn.info/les-touaregs-kel-adagh--9782811106355-page-445.htm">l’accord de Tamanrasset</a>, le 6 janvier 1991. Dans la foulée, en 1992, les parties signent <a href="https://peacemaker.un.org/sites/peacemaker.un.org/files/ML_920411_PacteNationalGouvMaliAzawad.pdf">le Pacte national pour le développement des régions du nord du pays</a>. Ces accords promettaient une décentralisation effective et une démilitarisation du nord. Dans l'opinion populaire, ces accords ouvraient la voie à une domination politique et économique des Touaregs qui constituent pourtant une minorité ethniques - <a href="https://www.cairn.info/revue-civitas-europa-2013-2-page-19.htm">5 à 6 % - dans les régions du nord du pays</a>. </p>
<p>Cette possible nouvelle domination annoncée de quelques tribus touaregs se fondait sur la prise des armes contre l’Etat. Elle suscita une réaction de résistance dans d’autres communautés (songhaï, peulh, etc.) En effet, la création des mouvement de résistance telle que le mouvement “Ganda Koi”, littéralement mouvement des “maîtres de la terre” et Ganda Izo (fils du terriroire) illustre bien cette volonté des communautés sédentaires (Songhaï,Bozo, Peulh, etc.) de résister à la domination touareg. </p>
<p>L’Etat et les signataires n’ont pas réussi à mettre en oeuvre ces accords de manière satisfaisante. Par manque de courage politique, les deux parties ont tourné dos à ces accords laissant un vide.</p>
<p><a href="https://www.thenewhumanitarian.org/fr/report/95263/mali-chronologie-du-conflit-dans-le-nord-du-pays">En 2006</a>, les rebelles reprennent les hostilités arguant la non-application des accords de Tamanrasset et le Pacte national signé en 1992 par le gouvernement malien et les Mouvements et Fronts Unifiés de l’Azawad. Un accord issu d’une médiation algérienne quelques mois plus tard mettra fin aux affrontements armés. Mais cet accord connaîtra lui aussi d’énormes difficultés d’application comme les précédents et justifiera, aux yeux des groupes touaregs, une nouvelle reprise du conflit en 2012.</p>
<h2>Le labyrinthe sur le chemin de la paix</h2>
<p>Sous la pression de la communauté internationale, mobilisée autour du gouvernement malien pour la restauration de la paix au Mali, les belligérants se sont finalement engagés dans une médiation conduite par l’Algérie de 2014 à 2015. </p>
<p>Suite à une sollicitation du président <a href="https://www.bbc.com/afrique/60016099">Ibrahim Boubacar KeÎta</a> (IBK), l’Algérie a porté la médiation entre le gouvernement et la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA). La CMA est composée de plusieurs regroupements : Mouvement de libération de l’Azawad (MLNA), Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), Mouvement arabe de l’Azawad (MAA). D’autres mouvements proches du gouvernement malien ont créé <a href="https://ecfr.eu/special/sahel_mapping/maa_pf">la plateforme des mouvements du 14 juin 2014 d'Alger</a>. </p>
<p>La médiation internationale porte alors sur trois sujets : la décentralisation, le développement et la sécurité. Elle se déroule en cinq sessions sur une période de neuf mois.</p>
<p>L’équipe de médiation était constituée d’organisations internationales engagées dans le recouvrement de la paix au Mali - CEDEAO, Union africaine, ONU, Union européenne, Organisation de la coopération islamique - et des États voisins du Mali dont le Burkina Faso, la Mauritanie, le Niger, le Nigeria et le Tchad. </p>
<h2>L’accord de la discorde</h2>
<p>Plusieurs facteurs expliquent la rupture de l’accord de 2015 à l’instar des accords précédents négociés par l’Algérie. </p>
<p>D’abord, l’accord ne touche pas aux racines du conflit, notamment la question épineuse de l’indépendance de l'Azawad. L'Azawad désigne une zone du nord du Mali, principalement habitée par les touaregs, qui aspirent depuis longtemps à l'autonomie ou à l'indépendance vis-à-vis du gouvernement central du Mali. En réalité, les groupes armés réclament l’indépendance de l’Azawad et à défaut une autonomie des régions du nord du Mali. Or, pour le gouvernement malien la forme républicaine, unitaire et laïque de l’Etat n’est pas négociable. </p>
<p>De toute évidence, le problème de fond n’étant pas traité, les acteurs se sont inscrits dans <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2020-3-page-9.htm">une logique d’instrumentalisation de l’accord</a>. On remarque que l’accord a permis à l’Etat malien de se réorganiser, d’acquérir des armes, d’étoffer l’effectif des FAMAs (Forces armées du Mali) et de nouer de nouvelles alliances stratégiques (Russie, Burkina Faso, Niger, etc.). </p>
<p>D’autre part, les groupes armés signataires de l’accord ont profité de la médiation et de l’accord qui en a découlé pour obtenir <a href="https://www.i24news.tv/fr/actu/international/1701636037-des-fuites-montrent-que-le-qatar-a-secretement-envoye-15-millions-de-dollars-a-des-mouvements-islamistes-dans-le-nord-du-mali#:%7E:text=nord%20du%20Mali-,Le%20Qatar%20a%20secr%C3%A8tement%20envoy%C3%A9%2015%20millions%20de%20dollars%20%C3%A0,dans%20le%20nord%20du%20Mali&text=Le%20r%C3%A9gime%20du%20Qatar%20a,%27objet%20d%27une%20fuite">la sympathie et le soutien du Qatar</a>. Par la même occasion, ils ont renforcé leur légitimité sur les territoires du nord du pays dont ils avaient le contrôle en raison de l’absence de l’Etat dans cette zone. Ces groupes armés distribuaient la justice à travers <a href="https://www.cnrtl.fr/definition/cadi">des cadis</a>. Ils ont construit à l’ombre des autorités d’Etat un système local de financement. Ils ont en outre accédé à de nouvelles ressources et intégré les sphères de décision (gouvernement, Assemblée nationale, Conseil de transition, etc.).</p>
<p>Ensuite, l’accord a souffert d’un <a href="https://searchworks.stanford.edu/view/13175446">manque de légitimité populaire </a>. Il n’y a pas eu une appropriation nationale de l’accord, car la grande majorité des acteurs nationaux (partis politiques, société civile, etc.) n’ont pas été largement inclus dans le processus de médiation internationale. En effet, l’accord n’a pas rencontré une volonté populaire au Mali exigeant son application, mais au contraire, il a été appréhendé comme le catalyseur de la division du pays. </p>
<p>Enfin, il semble que l'objectif de la médiation algérienne n'a jamais clairement été de parvenir à un accord considéré comme réaliste et potentiellement applicable. La stratégie de la médiation était de mettre fin aux affrontements armés entre le gouvernement et les groupes signataires (CMA) et de laisser les Maliens construire de nouveaux consensus à travers un dialogue inter-Maliens. L’échec de ce dialogue inter-Maliens est au cœur des <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ei/2022-v53-n1-ei07137/1090710ar.pdf">difficultés de mise en œuvre des accords</a>.</p>
<h2>Dialogue inter-Maliens</h2>
<p>La dénonciation de l’accord par les autorités de la transition à Bamako laisse un vide qui traduit simplement les dynamiques en cours dans les régions du nord du pays. En effet, la reprise des affrontements armés entre l’Etat et les groupes armés pour l’occupation des camps cédés par la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) montraient déjà un abandon de l’accord par les deux parties. </p>
<p>La reprise des hostilités appelle un nouveau dialogue entre Maliens pour trouver des solutions consensuelles à cette crise sécessionniste. Et, justement, les nouvelles autorités ont appelé à un <a href="https://sgg-mali.ml/JO/2024/mali-jo-2024-01-sp.pdf">dialogue inter-Maliens</a> dans un communiqué du 25 janvier 2024. Il s’agit d’expérimenter une approche endogène pour le règlement de la crise. </p>
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<figcaption><span class="caption">Communiqué gouvernement de la transition du 25 janvier 2024 mettant fin à l'accord d'Alger.</span></figcaption>
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<p>Ce changement de paradigme trouve ses fondements dans l’insuccès des multiples accords successifs signés par les groupes armés et le gouvernement, loin des regards du peuple.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224777/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Abdoul Sogodogo does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>
L’accord n’a pas rencontré une volonté populaire au Mali exigeant son application, mais au contraire, il a été appréhendé comme le catalyseur de la division du pays.
Abdoul Sogodogo, Enseignant chercheur en sciences politiques, Université des sciences juridiques et politiques de Bamako
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2024-01-12T19:26:37Z
2024-01-12T19:26:37Z
CAN 2023 : tout ce qu'il faut savoir sur une année record pour la plus grande compétition de football d'Afrique
<p>La plus grande fête du football en Afrique, la <a href="https://www.cafonline.com/caf-africa-cup-of-nations/">Coupe d'Afrique des Nations 2023 (CAN)</a> masculine, est organisée par la Côte d'Ivoire en Afrique de l'Ouest et se terminera par la finale le 11 février 2024.</p>
<p>Plus que jamais, l'attention mondiale sera rivée sur les événements de la 34e édition de la Coupe en raison de la participation de certains athlètes qui font partie des plus éminents dans le domaine du football. Ajoutez à cela le fait que le tournoi se déroule pendant l'hiver européen et qu'il n'est donc pas confronté à la concurrence d'autres tournois internationaux majeurs, à l'exception de la Coupe d'Asie de l'AFC. </p>
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Read more:
<a href="https://theconversation.com/africa-cup-of-nations-showcases-the-continents-finest-footballers-and-chinas-economic-clout-220313">Africa Cup of Nations showcases the continent's finest footballers – and China's economic clout</a>
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<p>Le tournoi a ses <a href="https://english.aawsat.com/sports/4766406-asian-cup-afcon-scheduling-%E2%80%98not-good%E2%80%99-players-says-arsenal%E2%80%99s-tomiyasu%C2%A0">détracteurs</a>, en particulier en Europe, où plusieurs clubs perdront des joueurs clés au profit d'équipes africaines. Malgré cela, rares sont ceux qui doutent que La CAN entre dans une nouvelle ère.</p>
<p>En tant que <a href="https://scholar.google.com/scholar?hl=en&as_sdt=0%2C5&q=Chuka+Onwumechili&btnG=">chercheur</a> en communication sportive axée sur le football africain, je pense que ce sera une année record pour la CAN. Les vedettes mises à part, le tournoi continue de se développer en termes d'audience mondiale, d'amélioration des infrastructures, d'attention médiatique et d'augmentation des récompenses.</p>
<h2>Une dotation record</h2>
<p>La <a href="https://www.cafonline.com">Confédération africaine de football</a> (Caf) a annoncé une <a href="https://www.sportingnews.com/us/soccer/news/afcon-2023-prize-money-total-winners-africa-cup-nations-2024/3cef2e95886cf6b323253685">augmentation de 40 %</a> des récompenses pour les vainqueurs de la CAN. Le pays champion remportera 7 millions de dollars US, le vice-champion 4 millions, le troisième 2,5 millions et le quatrième 1,3 million. Bien qu'encore loin de l'Europe, ces récompenses <a href="https://en.as.com/en/2021/07/10/soccer/1625920368_059485.html">sont plus importantes</a> que celles ofertes par la Copa America (le championnat de football sud-américain) en 2021.</p>
<h2>Les stars</h2>
<p>Les joueurs africains vedettes sont des noms connus en Europe, grâce à des postes de haut niveau dans des clubs de premier plan. De grands noms comme <a href="https://www.transfermarkt.co.za/victor-osimhen/profil/spieler/401923">Victor Osimhen</a> (Nigeria), <a href="https://www.transfermarkt.co.za/achraf-hakimi/profil/spieler/398073">Achraf Hakimi</a> (Maroc) et <a href="https://www.transfermarkt.co.za/mohamed-salah/profil/spieler/148455">Mohamed Salah</a> (Égypte) représenteront tous leur pays lors du tournoi. Ils ont recueilli les trois plus grands <a href="https://www.espn.com/soccer/story/_/id/39091926/nigeria-striker-osimhen-african-footballer-year">votes</a> pour le titre de Joueur africain de l'année 2023. En outre, d'autres finalistes des Caf Awards - Fiston Mayele (Congo), Peter Shalulile (Namibie) et Percy Tau (Afrique du Sud) - participeront également au tournoi. A cette liste s'ajoute le sensationnel gardien de but marocain <a href="https://www.transfermarkt.co.za/bono/profil/spieler/207834">Yassine Bounou</a>.</p>
<h2>Les téléspectateurs du monde entier</h2>
<p>Le tournoi sera un événement mondial. La Caf a <a href="https://www.cafonline.com/caf-africa-cup-of-nations/news/caf-concludes-extensive-global-tv-broadcast-agreements-ahead-of-the-kick-off-of-the-totalenergies-africa-cup-of-nations-cote-d-ivoire-2023/">annoncé</a> une nouvelle série d'accords sur les droits de diffusion. Il s'agit notamment d'accords avec la BBC et Sky au Royaume-Uni, Band TV au Brésil, beIN et Canal+, entre autres. Ces accords signifient que le tournoi sera suivi en direct dans 180 pays à travers le monde. La Caf a également annoncé plus de 6 000 demandes d'accréditation de médias. C'est plus du double des demandes reçues lors de la précédente édition de la CAN.</p>
<h2>Des infrastructures de classe mondiale</h2>
<p>La Côte d'Ivoire a mis tout en œuvre pour que la CAN de cette année soit un événement de classe mondiale. On estime que le pays hôte a dépensé <a href="https://www.bbc.com/sport/africa/67719900">1 milliard de dollars</a> pour rénover les routes, les stades, les hôpitaux et d'autres infrastructures en préparation du tournoi. Outre la rénovation des stades existants, le pays a construit trois nouveaux sites. Il y a deux nouveaux stades d'une capacité de 20 000 places. Le <a href="https://www.afrik-foot.com/en-ng/afcon-2023-laurent-pokou-stadium-san-pedro">Stade Laurent Pokou</a> est situé à San-Pédro dans l'extrême sud-ouest du pays et le <a href="https://www.cafonline.com/caf-africa-cup-of-nations/stade-amadou-gon-coulibaly/">Stade Amadou Gon Coulibaly</a> à Korhogo dans le nord. </p>
<p>La plus grande nouvelle infrastructure, le <a href="https://www.modernghana.com/sports/1284721/2023-afcon-six-world-class-stadiums-ready-for.html">Stade Alassane Ouattara</a>, est située juste à l'extérieur de la capitale économique, Abidjan, et a été construite avec 260 millions de dollars pour accueillir 60 000 spectateurs sous un même toit. </p>
<p>Certains de ces sites, comme celui de Korhogo, sont accompagnés d'hôtels, de villas et de routes nouvellement construits. En tant que pays hôte, la Côte d'Ivoire bénéficiera également d'une base de supporters qui pourrait renforcer le moral de son équipe et ses chances de victoire.</p>
<h2>Les favoris</h2>
<p>Une saine rivalité entre les nations - en particulier entre l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique du Nord - va intensifier les enjeux de la CAN de cette année. Vingt-quatre équipes participent à la phase de groupes et 16 d'entre elles se qualifieront pour la <a href="https://www.bbc.com/sport/africa/67615678">phase à élimination directe</a>. Cela signifie que trois équipes se qualifieront à partir de quatre poules sur sur les six. </p>
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Read more:
<a href="https://theconversation.com/womens-afcon-2022-nigeria-sweats-as-morocco-and-cote-divoire-usher-in-new-era-177844">Women's Afcon 2022: Nigeria sweats as Morocco and Cote d'Ivoire usher in new era</a>
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<p>Bien que le Maroc soit devenu la première équipe africaine à atteindre la demi-finale d'une Coupe du monde de football masculin, il pourrait avoir du mal à remporter la CAN. Le Maroc a <a href="https://tribune.com.pk/story/2452923/morocco-seek-end-to-48-year-african-trophy-drought">remporté un seul</a> titre de la CAN, en 1976 en Éthiopie, et a atteint la finale en 2004 à Tunis. Mais le pays nord-africain fait partie des favoris en Côte d'Ivoire. Le pays hôte et le champion en titre, le Sénégal, se joindront à aux Marocains. Le Nigeria et l'Algérie sont également des candidats sérieux, tandis que le Mali fait figure d'outsider.</p>
<p>Compte tenu de tous ces développements, il ne fait aucun doute que le tournoi établira des records d'audience et d'affluence des stades, ouvrant ainsi une nouvelle perspective pour le tournoi le plus prestigieux d'Afrique. </p>
<p>La CAN a débuté ce 13 janvier 2024.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221065/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chuka Onwumechili does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>
L'augmentation des récompenses, plusieurs nouveaux contrats de diffusion et les plus grands noms du football africain définiront l'édition 2024 de la CAN.
Chuka Onwumechili, Professor of Communications, Howard University
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2023-08-15T21:08:38Z
2023-08-15T21:08:38Z
L’Accord franco-algérien de 1968 est-il en sursis ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/537482/original/file-20230714-15-gbkiou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C0%2C7404%2C4632&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le président français Emmanuel Macron et le président algérien Abdelmadjid Tebboune à Alger, le 27 août 2022.</span> <span class="attribution"><span class="source">Ludovic Marin / AFP</span></span></figcaption></figure><p>Une nouvelle fois tenu pour <a href="https://www.fondapol.org/etude/politique-migratoire-que-faire-de-laccord-franco-algerien-de-1968">« cause de l’échec »</a> de la gestion de l’immigration algérienne, l’<a href="https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Europe-et-International/Les-accords-bilateraux/Les-accords-bilateraux-en-matiere-de-circulation-de-sejour-et-d-emploi/L-accord-franco-algerien">Accord franco-algérien</a> de 1968 a aussi été récemment <a href="https://www.lexpress.fr/politique/exclusif-edouard-philippe-immigration-subie-algerie-delinquance-on-creve-des-non-dits-UKTIL7AR4RFF7CJ4MN3ALWAMIE/">brocardé</a> par l’ancien Premier ministre Édouard Philippe qui, début juin, annonçait envisager sa dénonciation.</p>
<p>Né de circonstances historiques particulières liées aux <a href="https://theconversation.com/19-mars-1962-une-fin-de-la-guerre-qui-nen-finit-pas-74822">Accords d’Évian</a>, l’Accord de 1968 vise à <a href="https://www.ined.fr/fichier/rte/104/Publications%20FR/Diffusion/KS_Algeriens_Migration.pdf">réorganiser</a> la circulation postindépendance des personnes entre les 2 pays. Le Conseil d’État en a constaté le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000007735276/">caractère spécifique</a> et conclu que sur les sujets dont il traite, les règles générales du droit commun regroupées dans le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) ne s’appliquent pas aux ressortissants algériens. Pour autant, l’Accord de 1968 n’a pas échappé à l’influence du Ceseda au fil des 3 avenants qu’il a intégrés.</p>
<p>Quels droits si exorbitants ouvre-t-il aujourd’hui qu’il faille en finir ? L’hypothèse, grosse de sérieuses difficultés diplomatiques et humaines, est-elle juridiquement réalisable ?</p>
<h2>Des intérêts mal identifiés à l’origine, vite redéfinis</h2>
<p>Les <a href="https://peacemaker.un.org/sites/peacemaker.un.org/files/DZ-FR_620319_AccordsEvian.pdf">Accords d’Évian</a> du 18 mars 1962, énoncent : « sauf décision de justice, tout Algérien muni d’une carte d’identité est libre de circuler entre l’Algérie et la France ». Ces Accords garantissent aux « Pieds-noirs » qui choisissent la nationalité algérienne le droit de circuler librement entre les deux pays. Les départs massifs de l’été 1962 en ont décidé autrement. <a href="https://theconversation.com/en-1926-les-entraves-a-la-migration-tuaient-deja-en-mediterranee-162483">La libre circulation, qui ne leur a pas toujours été accordée</a> bien que sujets puis nationaux français, profitait finalement et essentiellement aux Algériens “ex-indigènes”.</p>
<p>Débuta en 1963 une politique de <a href="https://www.gisti.org/spip.php?article3864">contingentement</a> du nombre de travailleurs algériens se rendant en France. Accord est conclu en 1964 pour en limiter le volume. Décidée par consentement mutuel des 2 pays (accord contractuel) pour une durée déterminée, la limitation ne porte que sur la main-d’œuvre salariée. Cet accord est dénoncé en 1966.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/GKNennlBIm8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>S’ensuit la signature le 27 décembre 1968 de l’Accord franco-algérien relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles.</p>
<h2>Une tendance à la baisse du niveau de protection</h2>
<p>L’Accord vise à réduire <a href="https://theconversation.com/limmigration-represente-t-elle-une-menace-pour-les-salaires-et-lemploi-113502">l’immigration de la main d’œuvre salariée</a>. Il fixe un contingent annuel révisable de 35 000 travailleurs, chacun devant, pour bénéficier d’un titre de séjour de 5 ans, trouver un emploi sous 9 mois. Un « certificat de résidence d’Algérien » (CRA), d’une validité de 5 ans pouvant être réduite en cas de chômage, est délivré aux travailleurs salariés ou non-salariés et aux Algériens résidant en France disposant de ressources suffisantes. Un CRA de 10 ans est délivré aux Algériens déjà présents depuis 3 ans. Il préserve la libre circulation des Algériens « se rendant en France sans intention d’y exercer une activité professionnelle salariée ».</p>
<p>En septembre 1973, l’Algérie décide l’<a href="https://journals.openedition.org/hommesmigrations/11417">arrêt de l’émigration de travail</a> vers la France. En 1974, la France décide de <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2008-2-page-69.htm">suspendre toute immigration</a>. Dans la foulée, le renvoi de 500 000 Algériens sur 5 ans entre dans l’agenda gouvernemental. Les <a href="http://www.gisti.org/spip.php?article3863">difficiles négociations de 1978-1979</a> restreignent cet objectif. Sont prises, sans grande efficacité, des mesures de « retour volontaire ». En 1983, un nouvel accord restreint la libre circulation pour visite privée ou familiale.</p>
<p>En 1985, est signé le premier avenant à l’Accord de 1968. Son niveau de protection est quasiment calqué sur le droit commun des étrangers de l’époque. L’avenant en transpose la durée des titres de séjour : 1 an et 10 ans. La liberté d’établissement pour les professions non-salariées et la liberté de circulation des touristes sont maintenues. Cet avenant marque pourtant le point de départ de l’érosion progressive de l’Accord de 1968.</p>
<p>L’instauration en 1986 du visa d’entrée en France lui porte un coup sévère. Celle-ci déclenche, par réciprocité, l’instauration d’un visa d’entrée en Algérie. La <a href="https://theconversation.com/migration-comment-se-distribue-le-privilege-de-libre-circulation-197155">« libre circulation »</a> est dès lors dépendante de la politique des visas.</p>
<p>L’avenant de 1994, complété par échange de lettres, limite l’absence du territoire à 3 ans sous peine de péremption du CRA. Les visites privées et familiales sont soumises, outre le visa, à la production d’un certificat d’hébergement, d’un justificatif de ressources et d’un billet de transport aller-retour.</p>
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<p>En 2001, un dernier avenant aligne l’Accord sur la loi Chevènement de 1998 globalement plus favorable aux étrangers. Il fige le <a href="https://www.gisti.org/IMG/pdf/np_53_statut_des_algeriennes_et_des_algeriens_en_france.pdf">statut des Algériens</a> dans l’état d’alors. L’arrivée de Nicolas Sarkozy à la présidence relance les critiques et, fin 2010, un projet de quatrième avenant, resté sans suite, est discuté.</p>
<h2>Un niveau de protection affecté par le Ceseda</h2>
<p>Si l’Accord de 1968 reste le mètre-étalon des règles régissant les immigrés algériens, il ne les soustrait pas pour autant aux <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000007981929">règles de procédure</a> du Ceseda applicables à tous les étrangers. Leur sont aussi applicables mesures d’éloignement, contrôles et sanctions et droit d’asile car non inclus dans l’Accord de 1968.</p>
<p>Que reste-t-il de l’Accord de 1968 qui justifierait <a href="https://theconversation.com/peut-on-etre-contre-limmigration-et-pour-lheritage-chretien-152040">critiques sévères</a> et appels à le dénoncer ?</p>
<p>Sans être exhaustif, on relèvera quelques <a href="https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Europe-et-international/Les-accords-bilateraux/Les-accords-bilateraux-en-matiere-de-circulation-de-sejour-et-d-emploi/L-accord-franco-algerien">avantages spécifiques</a> non-négligeables. Ainsi, de la liberté d’établissement. Un Algérien porteur d’un projet commercial ou artisanal n’a pas à prouver, préalablement à l’obtention du premier titre de séjour, la viabilité de son activité. Ce n’est pas le cas pour les étrangers relevant du Ceseda. Un Algérien peut obtenir un titre de séjour de 10 ans après 1 an de séjour régulier quand il en faut 3 pour l’étranger relevant du Ceseda. Le conjoint·e algérien de Français·e peut obtenir un titre de séjour dès lors qu’il entre en France muni d’un visa de court séjour. Le Ceseda exige un visa de long séjour.</p>
<p>En contrepoint, certains avantages induits des lois votées depuis 2004 ne bénéficient que par exception aux Algériens. Il en va ainsi de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000021191574/">« régularisation par le travail »</a> des sans papiers ou de la régularisation pour “motifs humanitaires” de la loi de 2004. L’étudiant algérien doit renouveler son titre de séjour chaque année, ne pouvant prétendre au titre pluriannuel du Ceseda. S’il se retrouve dans l’irrégularité, 15 ans de présence sont nécessaires pour une hypothétique régularisation, contre 10 ans pour les autres étrangers. En termes d’emploi étudiant, la durée de travail qui lui est autorisée est inférieure à celle du Ceseda. Dans le regroupement familial du Ceseda, le visa long séjour du membre rejoignant vaut titre de séjour de 1 an. L’Algérien rejoignant porteur du même type de visa doit se rendre à la préfecture dans les 2 mois de son arrivée pour demander délivrance du premier titre de séjour.</p>
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<p>Globalement, l’Accord franco-algérien, s’il conserve quelques avantages, n’est plus si protecteur, son contenu originel ayant été érodé au fil des avenants et de la complexité croissante des procédures spécifiques au Ceseda qui s’imposent aussi aux Algériens. Son intérêt réside en ce que les règles de fond régissant les Algériens ne peuvent être modifiées unilatéralement. En cela, il n’est pas différent des autres <a href="https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Europe-et-International/Les-accords-bilateraux/Les-accords-bilateraux-en-matiere-de-circulation-de-sejour-et-d-emploi/Les-accords-bilateraux-avec-certains-%C3%89tats-d-Afrique-subsaharienne">accords bilatéraux</a> conclus en la matière à la différence notable que ces derniers ne portent que sur quelques points particuliers.</p>
<h2>Une dénonciation juridiquement mal assurée</h2>
<p>Selon le principe <em>pacta sunt servanda</em>, les parties à un traité sont tenues de l’exécuter. Un traité peut être légalement dénoncé exclusivement si les conditions <em>sine qua non</em> sont remplies. L’existence d’une clause qui en prévoit la dénonciation en est la principale. L’Accord de 1968 ne contient pas cette clause.</p>
<p>En revanche, il contient un article 12 créant une commission mixte franco-algérienne. Celle-ci est chargée de suivre l’application de l’Accord et d’en résoudre les difficultés. Ses négociateurs ont voulu que toute difficulté soit réglée par cette commission. C’est donc sciemment que la clause de dénonciation n’a pas été incluse.</p>
<p>La dénonciation fondée sur la nature du traité, qui implique son « extinction naturelle » une fois ses objectifs atteints, n’est pas moins hasardeuse. Ce texte tire en effet sa source des Accords d’Évian. De ce fait, il participe à la poursuite de relations bilatérales conçues par les signataires pour être pérennes.</p>
<p>Enfin, sa dénonciation aurait pour conséquence de rétablir le <em>statu quo ante</em>, c’est-à-dire les droits issus des Accords d’Évian, donc, en droit… la libre circulation des Algériens entre l’Algérie et la France ! Quel bénéfice alors à dénoncer cet accord, sauf à poursuivre un objectif politique singulier ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209176/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hocine Zeghbib ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
En perspective, une autre loi sur l’immigration. En onde de choc, des appels à mettre fin à l’Accord franco-algérien sur la circulation et le séjour. Est-ce indispensable et juridiquement faisable ?
Hocine Zeghbib, Maître de conférences HDR honoraire, Université Paul-Valéry- Montpellier IIII, chercheur au CREAM- Faculté de droit, Université Montpellier, Université de Montpellier
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tag:theconversation.com,2011:article/210601
2023-08-01T06:24:45Z
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Les forces de maintien de la paix de l'ONU quittent le Mali après dix ans de présence : ce qu'il faut pour une transition en douceur
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/540049/original/file-20230730-118729-a9qx57.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des Maliens manifestent contre la force de maintien de la paix de l'ONU à Bamako en septembre 2022. </span> <span class="attribution"><span class="source">Ousmane Makaveli/AFP via Getty Images</span></span></figcaption></figure><p>Le Conseil de sécurité de l'ONU a voté le 30 juin 2023 pour <a href="https://news.un.org/en/story/2023/06/1138257">mettre fin à sa mission de maintien de la paix au Mali</a>, la <a href="https://minusma.unmissions.org/en">Minusma</a>, après que le Mali a officiellement demandé son retrait complet. Plus de <a href="https://minusma.unmissions.org/en/personnel">11 000 militaires de 53 pays</a> devraient quitter le pays d'ici le 31 décembre 2023. </p>
<p>La Minusma a été déployée pour la première fois au Mali en <a href="https://minusma.unmissions.org/en/history">avril 2013</a> pour soutenir le processus politique du pays et aider à <a href="https://betterworldcampaign.org/mission/mali-minusma#:%7E:text=The%20United%20Nations%20Multidimensional%20Integrated,fragile%20transition%20to%20constitutional%20order.">rétablir la paix et la stabilité</a>. A la <a href="https://www.britannica.com/place/Mali/2012-coup-and-warfare-in-the-north">mi-2012</a>, le nord du pays était sous le <a href="https://journals.openedition.org/echogeo/13466?lang=en">contrôle de groupes terroristes</a>.</p>
<p>La récente demande du Mali de <a href="https://www.bbc.com/news/world-60419799">retrait des troupes de maintien de la paix de l'ONU</a> n'est pas une surprise. </p>
<p>Après un coup d'État en <a href="https://www.bbc.com/news/world-africa-53830348">2020</a> et un autre en <a href="https://theconversation.com/inside-malis-coup-within-a-coup-161621">2021</a>, les relations entre les autorités maliennes et la Minusma se sont détériorées. L'ONU a publié <a href="https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/05/malian-troops-foreign-military-personnel-killed-over-500-people-during">un rapport</a> accusant les troupes maliennes et leurs alliés d'avoir massacré au moins 500 civils en 2022. Elle a également accusé le gouvernement malien <a href="https://www.crisisgroup.org/africa/sahel/mali/minusma-crossroads">de s'ingérer dans ses opérations</a>. </p>
<p>Ces événements ont incité certains pays à commencer à retirer leurs soldats de la mission de maintien de la paix. En <a href="https://www.crisisgroup.org/africa/sahel/mali/minusma-crossroads">novembre 2022</a>, la Côte d'Ivoire a informé l'ONU que ses 900 soldats quitteraient la mission. Trois jours plus tard, le Royaume-Uni a annoncé également le retrait de ses troupes. </p>
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Read more:
<a href="https://theconversation.com/un-troops-to-withdraw-from-mali-what-will-change-in-terms-of-security-209765">UN troops to withdraw from Mali: what will change in terms of security</a>
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<p>En tant que politologue qui fait des <a href="https://scholar.google.ca/citations?hl=en&user=9T47R7AAAAAJ&view_op=list_works&sortby=pubdate">recherches sur les questions de sécurité au Sahel</a> sur les questions de sécurité au Sahel, dont le Mali fait partie, je pense que pour que le Mali puisse effectuer une transition pacifique vers la démocratie, deux éléments clés sont nécessaires.</p>
<p>Premièrement, <a href="https://africacenter.org/spotlight/fatalities-from-militant-islamist-violence-in-africa-surge-by-nearly-50-percent/">les nouvelles menaces terroristes</a> dans <a href="https://www.britannica.com/place/Sahel">le Sahel</a> exigent le développement de nouveaux instruments et de nouvelles approches militaires, notamment une lutte commune contre les insurgés terroristes islamistes. Aucun pays de la région n'a <a href="https://www.researchgate.net/publication/350213273_Gestion_des_menaces_terroristes_au_Sahel_et_en_Afrique_de_l'Ouest">la force nécessaire</a> pour mener seul la lutte contre le terrorisme. Le Mali doit coordonner ses efforts militaires avec ses voisins : Algérie, Burkina Faso, Guinée, Côte d'Ivoire, Mauritanie, Niger et Sénégal. </p>
<p>Deuxièmement, le Mali doit accompagner l'aspect militaire de la lutte contre le terrorisme par des initiatives de développement visant à prévenir la radicalisation. Sans ces mesures, le pays et ses citoyens pourraient être confrontés à une instabilité accrue.</p>
<h2>Ce qu'il faut faire</h2>
<p>Le 3 juillet 2023, les autorités maliennes et une délégation de la Minusma se sont mises d'accord sur un <a href="https://peacekeeping.un.org/en/minusma-presents-its-withdrawal-plan-to-malian-foreign-minister">plan de retrait</a>. Ce plan prévoit le transfert des tâches, de la logistique, de la sécurité et de la communication stratégique à Bamako d'ici décembre.</p>
<p>Le Mali a mis en place des mesures pour le retrait des troupes de l'ONU depuis qu'un nouveau gouvernement a pris le pouvoir après le coup d'État de 2020. Le Conseil national de transition a approuvé la création d'une école de guerre en septembre 2021 pour <a href="https://www.maliweb.net/armee/le-mali-cree-son-ecole-de-guerre-2945251.html">renforcer l'appareil de sécurité nationale et former les futurs cadres de l'armée</a>. </p>
<p>L'objectif était de remplacer les troupes étrangères par des troupes locales en cas de retrait. La <a href="http://news.abamako.com/h/277568.html">première cohorte</a> a déjà terminé sa formation. La deuxième promotion est sur le point d'obtenir leurs diplômes. </p>
<p>Alors que le retrait de l'ONU créera un vide sécuritaire, <a href="https://www.lareussitemali.com/mali-la-2eme-promotion-de-lecole-de-guerre-fait-sa-rentree-solennelle/">augmentant la vulnérabilité du Mali aux défis liés à la sécurité et au terrorisme</a>, les diplômés de l'école de guerre pourraient aider à combler ce vide. </p>
<p>Mais pour que cela fonctionne, les autorités maliennes doivent s'assurer que les soldats locaux soient capables d'occuper les zones qui étaient sous le contrôle des forces de maintien de la paix. En outre, le gouvernement devra offrir des possibilités d'emploi aux plus de 800 civils travaillant avec la Minusma et créer de nouvelles activités économiques pour combler le vide laissée par leur départ. Cela permettra de minimiser tout impact négatif supplémentaire sur le <a href="https://www.ilo.org/global/topics/employment-intensive-investment/countries/WCMS_327090/lang--en/index.htm">taux de chômage déjà fragile</a> du Mali. Bamako s'est dit <a href="https://www.aljazeera.com/news/2023/7/3/what-next-for-mali-after-minusma-withdrawal">capable de sécuriser ses 23 millions de citoyens</a>, mais n'a pas encore précisé comment il compte le faire. </p>
<p>Le gouvernement doit également mettre en œuvre les recommandations de la conférence nationale sur <a href="https://modelemali.com/2021/12/30/conclusions-des-assises-nationales-de-la-refondation-de-letat-niveau-national-decembre-2021/">la refondation de l'État</a>. Il s'agit notamment d'organiser des élections crédibles, équitables et transparentes. Un accord de transition adopté par le <a href="https://www.africanews.com/2022/02/21/mali-parliament-approves-new-charter-allowing-a-five-year-democratic-transition//">parlement en 2022</a> avait donné au gouvernement de transition deux ans pour rendre le pouvoir aux civils. </p>
<p>Cependant, les progrès en la matière ont déjà été remis en question. Le président intérimaire Assimi Goïta a récemment <a href="https://www.bbc.com/news/world-africa-66282417">adopté une nouvelle constitution</a> qui renforce ses pouvoirs.</p>
<p>La principale préoccupation est maintenant de savoir si le gouvernement militaire respectera la période de transition et organisera des élections qui redonneront le pouvoir à un président démocratiquement élu d'ici 2024. Pour y parvenir, il faut des <a href="https://www.studiotamani.org/29484-mali-la-cedeao-favorable-a-une-transition-supplementaire-de-12-mois">mesures gouvernementales</a> qui rétablissent la sécurité dans tout le pays, favorisent la <a href="https://www.liberation.fr/planete/2020/01/02/mali-peuls-et-dogons-des-freres-devenus-ennemis_1771562/">réconciliation nationale</a> et promeuvent la bonne gouvernance. </p>
<h2>Pourquoi c'est important</h2>
<p>Le retrait des troupes de l'ONU du Mali pourrait avoir des conséquences négatives sur la <a href="https://theconversation.com/un-troops-to-withdraw-from-mali-what-will-change-in-terms-of-security-209765">situation sécuritaire</a> et la croissance économique du pays. Il pourrait également compliquer <a href="https://www.africanews.com/2022/09/03/mali-ex-rebels-and-the-government-return-to-talks-after-almost-a-year//">les efforts de dialogue et de négociation avec les ex-rebelles</a>. </p>
<p>Une perte de soutien et d'engagement de la part de la communauté internationale pourrait conduire à une réduction de <a href="https://reliefweb.int/report/mali/minusma-liquidation-process-unpacked">l'aide financière et du soutien politique</a> en matière de lutte contre l'insécurité. Cela aurait un <a href="https://www.aljazeera.com/news/2023/7/3/what-next-for-mali-after-minusma-withdrawal">impact direct</a> sur la stabilité du pays – et de la région du Sahel.</p>
<p>La voie du dialogue constructif reste une condition essentielle pour une transition politique pacifique et la construction du “<a href="http://www.maliweb.net/societe/politique-espoir-mali-koura-salue-le-discours-2993460.html">Mali Koura</a>”, ou d'un nouveau Mali. </p>
<p>Le Mali a besoin de reconstruire sa société. Son peuple a <a href="https://www.studiotamani.org/43945-democratie-au-mali-les-aspirations-profondes-du-peuple-n-ont-pas-ete-comblees">aspire à une véritable démocratie et au développement</a>. Les autorités de transition doivent veiller à mettre fin à la mauvaise gouvernance, à la gabegie politique, à la corruption et au népotisme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210601/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mady Ibrahim Kanté does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>
Le dialogue constructif est une condition essentielle pour une transition politique pacifique au Mali.
Mady Ibrahim Kanté, Lecturer, Université des sciences juridiques et politiques de Bamako
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tag:theconversation.com,2011:article/201032
2023-03-21T17:48:59Z
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Algérie : 60 ans plus tard, que reste-t-il des décrets de mars 1963 sur l’autogestion ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/515204/original/file-20230314-3238-7vd2qu.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C1513%2C848&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Meeting de soutien aux décrets de mars 1963, Algérie, 1963.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Collection privée</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Il y a tout juste 60 ans, fin mars 1963, la République algérienne à peine indépendante adoptait les fameux « décrets de mars » qui visaient à introduire dans certains secteurs de son économie un fonctionnement basé sur le principe de l’autogestion.</p>
<p>Une expérience aujourd’hui souvent méconnue, qui marqua pourtant son époque et eut un impact non négligeable dans de nombreux autres pays par la suite.</p>
<h2>De la propriété coloniale à la propriété algérienne</h2>
<p>Avec les <a href="https://mjp.univ-perp.fr/france/1962-1903evian.htm">accords d’Évian</a> signés le 19 mars 1962, s’ouvre une phase qui va aboutir à la <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/305">proclamation de l’indépendance de l’Algérie le 5 juillet 1962</a>. Les accords prévoient, dans leur titre IV, des « garanties des droits acquis et engagements antérieurs », ce qui concerne notamment la propriété des « Européens » d’Algérie.</p>
<p>Il convient de rappeler à qui appartient le secteur agricole à l’époque, sachant que 87 % de la population vit de ce secteur, qui représente 33 % de la production brute et 67 % des exportations du pays. Les terres et les forêts s’étendent sur plus 20 millions d’hectares, dont près de la moitié appartiennent à l’État colonial, 3 millions à la propriété privée européenne et 10 millions aux Algériens. Mais, pour les deux tiers, les terres appartenant aux Algériens sont des terres improductives ou de maigres pâturages. 450 000 fellahs (petits paysans) possèdent moins de 10 hectares, alors que la surface moyenne des terres possédées par les colons est de 125 ha, sur lesquelles travaillent 450 000 ouvriers agricoles.</p>
<p>1 800 000 personnes avaient été déplacées par l’armée française dans des « camps de regroupement » pour vider des centaines de villages et rendre impossible le soutien des villageois aux maquisards. Enfin, plusieurs centaines de milliers d’Algériens sont des travailleurs émigrés à l’étranger, notamment en France, et 200 000 sont réfugiés de l’autre côté des frontières en Tunisie et au Maroc.</p>
<p>À l’indépendance, la situation est dramatique : pour plus de onze millions et demi d’habitants on compte un million de chômeurs ruraux, et un autre million est venu grossir la population urbaine, constituant une sorte de plèbe.</p>
<h2>Les biens vacants</h2>
<p><a href="https://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/1962-lexode-des-francais-dalgerie">L’exode, entre mars et juillet, de la plupart des Français</a>, laisse un nombre important de biens vacants ou de matériel détruit par les propriétaires. Ainsi, alors que l’on dénombrait 5 600 tracteurs en 1956, il n’en reste que moins d’un millier en 1962. Les récoltes risquent d’être perdues. Il faudra attendre 1963 pour que la Yougoslavie de Tito (qui avait <a href="https://www.cairn.info/les-balkans-1945-1960%E2%80%939782130355137-page-191.htm">instauré l’autogestion en 1950</a> et par ailleurs largement <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/07075332.2015.1051569?journalCode=rinh20">soutenu le FLN pendant la guerre d’indépendance)</a> fournisse des engins agricoles en nombre à l’Algérie.</p>
<p>Le départ des Français se traduit, entre autres, par un déficit de l’encadrement, du fait du retour en métropole de 35 000 ingénieurs, 2 000 médecins et 20 000 enseignants. La Fédération de l’éducation nationale (syndicat majoritaire dans l’enseignement français) arrive toutefois à organiser l’arrivée de 8 000 enseignants dans l’Algérie nouvelle, et beaucoup d’autres Français viennent prêter main-forte, plutôt bien accueillis car pour beaucoup ils ont soutenu la lutte pour l’indépendance.</p>
<p>C’est dans ce contexte que l’on observe un fort mouvement d’occupation par des Algériens des logements, commerces et terres ayant anciennement appartenu aux Français. Dans les fermes de l’Algérois et d’Orléansville (aujourd’hui Chlef), des comités de gestion se mettent en place pour assurer d’urgence les récoltes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/515211/original/file-20230314-4703-vmz4q8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/515211/original/file-20230314-4703-vmz4q8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/515211/original/file-20230314-4703-vmz4q8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/515211/original/file-20230314-4703-vmz4q8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/515211/original/file-20230314-4703-vmz4q8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=582&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/515211/original/file-20230314-4703-vmz4q8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=582&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/515211/original/file-20230314-4703-vmz4q8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=582&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Meeting de soutien aux décrets de mars 1963, Algérie, 1963.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Collection privée</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les nouveaux dirigeants du pays, qui craignent que de telles occupations fournissent à l’armée française un prétexte pour se maintenir afin de faire respecter les accords d’Évian, décident de protéger les biens vacants et prennent des mesures juridiques pour cela (<a href="https://www.lkeria.com/ordonnance-62-20-431">ordonnance du 24 août 1962</a>). Est constitué un <a href="https://www.joradp.dz/FTP/Jo-Francais/1962/F1962904.pdf">Bureau des biens vacants</a>. À son initiative, les comités de gestion sont légalisés le 22 octobre 1962 pour l’agriculture, puis en novembre pour l’industrie, le commerce et l’artisanat.</p>
<p>Ce même 22 octobre, les anciens propriétaires n’étant pas revenus, un décret transfère à l’État les propriétés européennes. Les achats effectués à bas prix par des Algériens nantis (commerçants, petits industriels, professions libérales) pendant la période de confusion des six mois précédents sont invalidés par un autre décret le 23 octobre 1962.</p>
<h2>Les décrets de mars 1963</h2>
<p>Le président Ben Bella, au départ réticent, constate la popularité du processus. C’est dans ces conditions que les « décrets de mars », adoptés les 18 et 22 mars 1963, instituent un secteur autogéré, sur la base des travaux et préconisations des membres du Bureau national d’animation du secteur socialiste (BNASS) qui a remplacé le Bureau des biens vacants, dans la perspective plus vaste d’une grande réforme agraire.</p>
<p>Cet organisme est composé d’Algériens, tel <a href="https://maitron.fr/spip.php?article138752">Mohammed Harbi</a>, mais aussi d’autres nationalités comme le juriste Français Yves Mathieu, mort dans un accident mystérieux, et dont la fille a réalisé un film, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=6hWCynieEaQ"><em>L’Algérie du possible</em></a>, le trotskiste grec <a href="https://autogestion.asso.fr/michel-pablo/">Michel Raptis</a>, le surréaliste égyptien <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/cpf07012208/interview-soliman-lotfallah">Lotfallah Soliman</a>, etc., qui se mettent « au service de la révolution algérienne ».</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/515205/original/file-20230314-166-ijoe21.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/515205/original/file-20230314-166-ijoe21.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/515205/original/file-20230314-166-ijoe21.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=692&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/515205/original/file-20230314-166-ijoe21.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=692&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/515205/original/file-20230314-166-ijoe21.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=692&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/515205/original/file-20230314-166-ijoe21.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=870&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/515205/original/file-20230314-166-ijoe21.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=870&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/515205/original/file-20230314-166-ijoe21.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=870&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Journal officiel de la République algérienne portant publication des décrets du 22 mars 1963. Cliquer pour zoomer.</span>
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<p>L’architecture du système articule trois niveaux dans les entreprises concernées. Une assemblée des travailleurs, composée des ouvriers « permanents » ayant une ancienneté de six mois au moins (ce qui exclut les saisonniers) se réunissant chaque trimestre ; un conseil des travailleurs, désigné par l’assemblée générale, réunissant une fois par mois de 10 à 100 membres selon la taille de l’entreprise ; et enfin un comité de gestion de 3 à 11 membres, dont le président du comité, se réunissant chaque mois.</p>
<p>Dans l’agriculture, un organisme (ONRA, Office national de la réforme agraire) est chargé d’organiser la gestion des fermes abandonnées. À l’échelle du domaine, il désigne un chef d’exploitation doté d’une mission technique et un membre du comité de gestion. À une échelle locale, d’arrondissement, l’ONRA coordonne diverses activités, dont la réparation du matériel agricole, les coopératives d’écoulement et de commercialisation, et d’exportation des fruits et légumes.</p>
<h2>Les obstacles</h2>
<p>Dans la pratique, la mise en œuvre des décrets fut difficile. L’armée n’avait accepté l’autogestion qu’après avoir préempté pour elle-même 70 000 hectares des meilleures terres. Les enquêtes commandées par le BNASS ont révélé que dans beaucoup de cas, les ouvriers agricoles ont été expropriés au profit des anciens combattants appuyés par une administration non habituée à accepter des processus démocratiques. Le pouvoir politique lui-même n’a pas soutenu l’autogestion, tendant au contraire à accroître le contrôle du parti unique FLN sur les syndicats et les organisations sociales. Le nombre de travailleurs concernés fut limité ; le secteur autogéré en comptait environ 10 000 dans l’industrie, et 200 000 dans l’agriculture.</p>
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<p>Toutefois, l’impact politique et symbolique fut important à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. À l’intérieur, le syndicat UGTA (Union générale des travailleurs algériens) avait lancé une grande campagne de soutien aux décrets de mars, avec une grande manifestation à Alger le 3 avril 1963. Dans les villes, des ouvriers et des étudiants, à l’appel de leur syndicat l’UNEA (Union nationale des étudiants algériens), organisaient des brigades de solidarité pour réparer les machines ou participer aux récoltes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/515206/original/file-20230314-24-cdz220.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/515206/original/file-20230314-24-cdz220.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/515206/original/file-20230314-24-cdz220.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=948&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/515206/original/file-20230314-24-cdz220.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=948&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/515206/original/file-20230314-24-cdz220.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=948&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/515206/original/file-20230314-24-cdz220.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1191&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/515206/original/file-20230314-24-cdz220.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1191&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/515206/original/file-20230314-24-cdz220.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1191&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une de « Révolution africaine » du 6 avril 1963. Cliquer pour zoomer.</span>
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<p><a href="https://m.youtube.com/watch?v=30LfSuLxUQ0">L’hebdomadaire <em>Révolution africaine</em> dirigé par Mohammed Harbi</a> est un outil d’information et de formation, n’hésitant pas à faire état des difficultés et blocages. Des enquêtes de terrain sont confiées à des universitaires, dirigés par la Française <a href="https://www.youtube.com/watch?v=jPQlcbRnpLA">Jeanne Favret-Saada</a> qui venait de remplacer Pierre Bourdieu à la faculté d’Alger. Les pressions et les menaces interrompent sa mission, son rapport de synthèse disparaît, mais beaucoup d’enquêtes de terrain ont pu être sauvées, et certaines récemment publiées dans un ouvrage de Mohammed Harbi, <a href="https://www.syllepse.net/l-autogestion-en-algerie-_r_76_i_879.html"><em>L’autogestion en Algérie : une autre révolution</em></a>.</p>
<h2>La renaissance de l’« utopie autogestionnaire »</h2>
<p>Quand Ben Bella est renversé en juin 1965 par le <a href="https://recitsdalgerie.com/coup-d-etat-boumediene/">coup d’État de Boumedienne</a>, on ne touche ni aux lois ni au vocabulaire de l’autogestion, bien que nombre de ses promoteurs soient arrêtés pour les uns, expulsés pour les autres. Il faut attendre 1971 pour que les termes changent ; on parle alors de « la gestion socialiste des entreprises », qui sont étatisées. À ce moment-là, le secteur dit autogéré recouvrait 80 % de la surface des cultures permanentes, assurait 60 % du revenu brut agricole utile, et 30 % net du revenu algérien, mais il n’avait plus, avec la bureaucratisation et les accaparements évoqués plus haut, d’« autogéré » que de nom.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/515208/original/file-20230314-3609-qw6br.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/515208/original/file-20230314-3609-qw6br.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/515208/original/file-20230314-3609-qw6br.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/515208/original/file-20230314-3609-qw6br.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/515208/original/file-20230314-3609-qw6br.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=868&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/515208/original/file-20230314-3609-qw6br.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=868&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/515208/original/file-20230314-3609-qw6br.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=868&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une de « Sous le drapeau du socialisme », revue animée par Michel Raptis (Pablo). Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Pour l’extérieur, le vocabulaire « socialiste » du <a href="https://autogestion.asso.fr/app/uploads/2012/11/le-programme-de-tripoli1.pdf">programme de Tripoli</a> élaboré par le Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) en mai 1962 dans la perspective de l’indépendance et de la <a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/afrique/algerie-charte_d%27alger1964.htm">« charte d’Alger »</a>, adoptée au congrès du FLN d’avril 1964, donne un cadre aux décrets de mars 1963. Tout cela répondait aux espoirs placés par une grande partie de la gauche dans une voie nouvelle qui ne soit ni le capitalisme, ni une économie étatisée comme celle des pays de l’Est.</p>
<p>En Italie, par exemple, des coopératives se mettent en relation avec des fermes autogérées algériennes. Le Parti communiste italien appuie l’autogestion, comme le fait en France, le Parti socialiste unifié (PSU). En mai 1967, le n°3 de la revue <em>Autogestion</em> y consacre un <a href="https://www.persee.fr/doc/autog_0005-0970_1967_num_3_1_908">numéro spécial</a>. En mai 1968, la CFDT adopte officiellement la perspective de l’autogestion.</p>
<p>Malgré ses limites, et même son échec politique, l’expérience algérienne a redonné un souffle à « l’utopie autogestionnaire » qui sera revendiquée en France et dans bien d’autres pays dans les années 1968.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201032/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Membre de l'Association autogestion et co-préfacier de "L'autogestion en Algérie: une autre révolution?".</span></em></p>
En mars 1963, l’Algérie se lançait dans l’aventure de l’autogestion. Si l’expérience ne dura guère, elle n’en constitua pas moins une source d’inspiration pour d’autres pays, y compris européens.
Robi Morder, Chercheur Associé au Laboratoire Printemps, UVSQ/Paris-Saclay, président du Groupe d'études et de recherches sur les mouvements étudiants (Germe), Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/200391
2023-03-01T19:56:03Z
2023-03-01T19:56:03Z
Quatre ans après la Révolution du sourire, où en est la jeunesse algérienne ?
<p><a href="https://www.cairn.info/hirak-en-algerie--9782358721929.htm">Le Hirak</a>, terme qui signifie en arabe tout simplement « mouvement », est né en février 2019, quand à travers des manifestations régulières, d’une ampleur inédite dans le pays, les Algériens ont massivement rejeté l’idée d’un cinquième mandat présidentiel d’Abdelaziz Bouteflika, en poste depuis 1999 et pratiquement grabataire. </p>
<p>Ce mouvement résilient, novateur, non violent et innovant, largement porté par les jeunes, <a href="https://theconversation.com/algerie-quand-les-millennials-defont-le-trauma-avec-humour-et-imagination-113377">usant de slogans humoristiques incisifs</a>, ce qui lui a valu d’être surnommé <a href="https://theconversation.com/algerie-la-revolution-du-sourire-pacifique-persiste-et-signe-157615">« Révolution du sourire »</a>, a obtenu gain de cause puisque Bouteflika a <a href="https://www.europe1.fr/international/bouteflika-renonce-a-un-cinquieme-mandat-cest-un-moment-historique-pour-lalgerie-3872081">renoncé à son projet</a> et s’est retiré de la vie politique, avant de décéder en 2021.</p>
<p>Les protestataires n’ont pas souhaité s’arrêter là. Au-delà du seul cas de Bouteflika, ils aspiraient à une profonde démocratisation de l’Algérie et à un changement de génération à la tête du pays, exigence exprimée par le slogan <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Yetnahaw_Ga%C3%A2_!">« Yetnahaw ga3, qu’ils dégagent tous »</a>.</p>
<p>Le mouvement a donc continué même après le départ de « Boutef » et l’élection en décembre 2019 d’un cacique du régime, <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Afrique/Algerie-Abdelmadjid-Tebboune-elu-president-huees-2019-12-13-1201066362">Abdelmadjid Tebboune</a>, alors âgé de 74 ans. En dépit de la répression et de l’épidémie de Covid, qui a permis au pouvoir de justifier l’interdiction des grands rassemblements, le Hirak est toujours vivant aujourd’hui, mais sous une forme différente de celle qui était la sienne à l’origine : les <a href="https://fr.hespress.com/302992-algerie-hirak-quatre-bougies-et-peu-de-dents-contre-la-tyrannie.html">rues algériennes sont restées vides</a> en ce quatrième anniversaire.</p>
<h2>L’évolution du Hirak</h2>
<p>Début 2020, les mesures visant à endiguer la pandémie ont contraint les manifestants à <a href="https://www.algerie-eco.com/2020/03/16/coronavirus-les-appels-a-une-treve-du-hirak-se-multiplient/">observer une trêve dans la rue</a>. Le Hirak a alors mué en une sorte de « e-Révolution », l’essentiel de la contestation se déployant désormais en ligne.</p>
<p>Mais le pouvoir n’a pas tardé à réagir, se dotant de différents textes de loi permettant d’interpeller des individus <a href="https://rsf.org/fr/projet-de-loi-anti-fake-news-en-alg%C3%A9rie-comment-museler-un-peu-plus-la-libert%C3%A9-de-la-presse">pour des propos tenus sur les réseaux sociaux</a>. Plus généralement, selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), des <a href="https://www.hrw.org/fr/news/2022/02/21/algerie-trois-ans-apres-le-debut-du-mouvement-du-hirak-la-repression-se-durcit">centaines de personnes ont été inquiétées depuis le début du Hirak</a> : hommes, femmes, figures connues et inconnues, journalistes, personnel politique, étudiants, chômeurs, salariés, chefs d’entreprise…</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/DPvoevcDpcQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Dès lors, devant ce risque diffus, une autocensure s’est instaurée. Le mur de la peur semble être de nouveau retombé sur les aspirations de la jeunesse algérienne. Celle-ci avait initié un mode de protestation qui a su, un temps, déstabiliser l’exécutif par la combinaison d’une projection vers le futur (codes du digital, culture de consommation globale, mixité, chanson et danse) et du maintien d’une filiation historique avec la guerre d’indépendance algérienne, puisque les manifestants réclamaient que ses idéaux s’appliquent.</p>
<p>La reprise des marches en février 2021, avant leur nouvelle interdiction en juin 2021, s’est faite selon des modalités moins festives. L’été 2021, marqué par une <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/07/29/en-algerie-le-systeme-de-sante-est-submerge-par-le-variant-delta_6089865_3212.html">nouvelle flambée de Covid</a>, ainsi que par des incendies meurtriers qui ont suscité un <a href="https://theconversation.com/a-lepreuve-du-feu-et-de-la-pandemie-un-regain-de-solidarite-nationale-en-algerie-166119">regain de solidarité nationale</a>, a contribué au retour en force non pas des marches en tant que telles, mais de l’idée du Hirak.</p>
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<p>Un drame dans le drame a marqué une partie de la jeunesse hirakiste : le <a href="https://www.algerie360.com/victimes-des-incendies-florilege-dhommages-artistiques/">lynchage à mort de Djamal Bensmail</a>, artiste venu prêter main-forte aux personnes luttant contre les incendies en Kabylie, dont la personnalité condensait les valeurs défendues par le Hirak.</p>
<h2>Des champs d’expression plus restreints</h2>
<p>La fin de l’année 2022 voit la mise sous scellés de Radio M et du site associé, Maghreb Emergent, l’un des derniers médias en ligne dont l’image était associée au Hirak, et <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1323137/ihsane-el-kadi-icone-de-la-presse-libre-en-algerie.html">l’incarcération de leur fondateur et directeur, le journaliste Ihsane El Kadi</a>.</p>
<p>L’ONG internationale Reporters sans Frontières <a href="https://rsf.org/fr/rsf-saisit-l-onu-apr%C3%A8s-l-incarc%C3%A9ration-d-ihsane-el-kadi-en-alg%C3%A9rie">saisit l’ONU</a> et publie une lettre ouverte signée de 16 patrons de rédactions de 14 pays, dont Dmitri Mouratov, prix Nobel de la paix, qui appellent à la libération de leur confrère Ihsane El Kadi. Sans succès. L’affaire El Kadi rappelle <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/algerie-appel-la-mobilisation-internationale-pour-le-journaliste-khaled-drareni-371023">l’incarcération pendant un an, en 2020-2021, du journaliste Khaled Drareni</a>, qui a été un animateur phare de Radio M, dont le cas avait suscité une vague de soutien international. *Aujourd’hui, dans le pays, le climat est plus frileux au vu de la multiplication de ces affaires.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1614973055796760576"}"></div></p>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/02/01/en-algerie-la-dissolution-de-la-ligue-des-droits-de-l-homme-illustre-l-escalade-repressive-du-regime_6160088_3212.html">La ligue algérienne des droits de l’homme est dissoute</a> depuis peu, et son vice-président a fui en France. Le RAJ <a href="https://www.jeuneafrique.com/1421053/politique/en-algerie-dissolution-du-raj-une-ong-emblematique-du-hirak/">(Rassemblement actions jeunesse)</a>, une ONG emblématique du Hirak, a également été interdit. <a href="https://www.slate.fr/story/225879/presse-francophone-algerie-declin-liberte-soir-dalgerie-el-watan">La presse indépendante francophone est moribonde</a>, ce qui réduit encore les espaces d’expression libre.</p>
<p>Des frictions diplomatiques ont mis aux prises Alger et Paris autour de l’affaire Bouraoui. Cette gynécologue, militante déjà connue depuis 2014 pour le <a href="https://www.lexpress.fr/monde/afrique/barakat-le-mouvement-anti-bouteflika-peut-il-s-etendre-en-algerie_1506636.html">mouvement Barakat</a> contre le quatrième mandat de Bouteflika et animatrice d’un programme sur Radio M, qui faisait l’objet d’une interdiction de sortie du territoire algérien, a rejoint la France sous protection consulaire française au vu de sa double nationalité. </p>
<p>En réaction, <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20230208-affaire-amira-bouraoui-l-alg%C3%A9rie-rappelle-son-ambassadeur-en-france">Alger a rappelé son ambassadeur</a>. Ce <em>Bouraouigate</em> a semble-t-il provoqué l’incarcération du journaliste <a href="https://cpj.org/2023/02/algerian-journalist-mustapha-bendjama-arrested/">Mustapha Bendjama</a>, exerçant au <em>Provincial</em> d’Annaba. Notons qu’un lanceur d’alerte, Zaki Hannache, décrit comme un pilier du Hirak, a obtenu un <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/02/17/je-suis-le-prochain-sur-la-liste-a-tunis-l-exil-intranquille-du-militant-algerien-zaki-hannache_6162243_3212.html">statut de réfugié en Tunisie depuis trois mois</a>. Il avait reçu un prix pour son engagement lors d’une cérémonie organisée par Radio M.</p>
<h2>Radio M, une caisse de résonance à la jeunesse dans la ligne de mire du pouvoir ?</h2>
<p>Plusieurs protagonistes sont reliés à l’espace Radio M, cette radio web qui offrait des programmes classiques de débats et d’informations.</p>
<p>Pour la jeunesse algérienne, deux programmes ont, pendant la crise sanitaire, représenté une sorte de continuité de l’esprit positif du Hirak. Ils étaient tous deux animés par le regretté <a href="https://www.dzairdaily.com/algerie-anis-hamza-chelouche-decede-journaliste-radio-m-plus/">Anis Hamza Chelouche</a>, dit AHC, décédé lors d’un photoreportage en mer en septembre 2021. Chelouche, qui était une sorte d’archétype de cette jeunesse d’avant-garde patriote, avait couvert toutes les marches. Polyglotte, progressiste, il avait vécu dans trois pays européens mais était rentré au pays pensant contribuer à l’ouverture du champ des possibles pour les jeunes.</p>
<p>Le premier programme, <a href="https://www.facebook.com/watch/live/?ref=watch_permalink&v=677656219575478">Maranach Saktine</a> (Nous n’allons pas nous taire), qui fait directement écho au slogan Maranach Habsin (Nous n’allons pas nous arrêter), a consacré de nombreux numéros à des sujets sociétaux tabous ou mis a la marge. Il se caractérisait par un ton très particulier, donnant la parole aux jeunes, y compris à ceux que l’on n’entend jamais, qui s’exprimaient avec leurs mots, dans toute leur diversité – un véritable prolongement du Hirak de la rue.</p>
<p>L’autre émission animée par AHC, <a href="https://m.youtube.com/playlist?list=PLYQuO64wrGlV2bXru70sPIMxsqsQIeB8w">Doing DZ</a>, était consacrée à l’entrepreneuriat. Elle représentait l’autre versant du Hirak, celui d’une société civile en mouvement, qui ne fait pas que marcher mais qui crée ses propres opportunités, souvent en adaptant au marché algérien des services disponibles à l’étranger et en promouvant le <em>made in Algeria</em>, avec une vision start up ou libérale, qui n’attend pas l’État et ses subventions pour agir. Le Hirak a concerné les jeunes de toutes classes sociales qui ont signifié à leurs aînés leur volonté de trouver leur place dans la société, et de s’émanciper vis-à-vis du pouvoir politique mais aussi de toutes les institutions qui semblent sclérosées et bloquées, inhibant l’initiative individuelle.</p>
<h2>Jeunesse algérienne : quelles perspectives ? Le départ ou le silence</h2>
<p>Quelles solutions pour cette jeunesse ? Si durant les premiers mois du Hirak, on ressentait une effervescence des Algériens de l’intérieur et de l’extérieur à l’idée de bâtir le pays, aujourd’hui le départ devient un une option fréquente. De plus en plus d’étudiants y aspirent. En outre, alors que le Hirak espérait que moins de <em>harragas</em> (clandestins) risqueraient de prendre la mer au vu de l’espoir suscité par le mouvement, il semble que leur flux reste constant. Le phénomène concerne parfois femmes et enfants, avec hélas, régulièrement, des <a href="https://observalgerie.com/2022/08/21/societe/parties-harraga-espagne-trois-femmes-algeriennes-decedent-mer/">issues tragiques</a>.</p>
<p>Un mur, <a href="https://www.jeune-independant.net/un-mur-controverse-pour-fermer-les-plages-aux-harraga/">bâti le long de la corniche oranaise</a> et censé dissuader les candidats au départ, avait provoqué l’indignation des habitants. Ce mur était perçu comme une <a href="https://www.middleeasteye.net/fr/opinionfr/algerie-oran-harraga-mur-repression-enfermement-libertes">métaphore de l’enfermement et de la rétention</a> de la jeunesse algérienne dans les murs du pays.</p>
<p>Pendant la crise sanitaire, les frontières maritimes et terrestres algériennes avaient été drastiquement fermées. Le retour à la normale a été long, privant d’échanges familiaux les Algériens vivant des deux côtés de la Méditerranée. Le Hirak a également été un temps particulièrement fluide et collaboratif entre les Algériens de l’intérieur et la diaspora.</p>
<p>Ces dernières semaines, plusieurs mesures gouvernementales montrent un décalage du pouvoir avec le Hirak, dont l’exécutif se réclame, mais en le cantonnant à un Hirak originel (celui qui a duré jusqu’à l’élection présidentielle de 2019) et dont il incarnerait désormais officiellement les aspirations. Le ministère du Commerce a <a href="https://maghrebemergent.net/signes-et-couleurs-contraires-aux-valeurs-morales-de-la-societe-le-gouvernement-mene-la-guerre/">fait retirer les produits comportant l’arc-en-ciel</a> car ils constitueraient une atteinte aux mœurs. Les internautes n’ont pas hésité à railler une mesure jugée absurde en proposant l’interdiction de l’arc-en-ciel dans le ciel. Une limitation des importations de produits de mode a été évoquée pour encourager la production nationale.</p>
<p>Récemment, la ministre de la Culture a exigé des sanctions pour les chansons comportant du contenu <a href="https://www.algerie360.com/ministere-culutre-chansons-vulgaires/">offensant pour les bonnes mœurs algériennes</a>. Bien sûr, comme ailleurs, le rap algérien se développe, et l’art en général sert à exprimer des transgressions et un besoin d’évasion surtout dans un champ d’expression fermé. Le rap mais aussi les chants des supporters dans les stades ont notamment <a href="https://academic.oup.com/book/45355/chapter-abstract/389273637?redirectedFrom=fulltext">joué un rôle important pour le Hirak</a>. Aujourd’hui, dans un contexte économique qui n’offre aux jeunes guère d’opportunités de se réaliser, leurs codes culturels (tech, mode,arts) semblent scrutés et policés par les autorités. On l’aura compris : pour le moment,la jeunesse algérienne n’est pas récompensée pour le pacifisme, le civisme, le patriotisme et l’ouverture de sa Révolution du Sourire… </p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 28 et 29 septembre 2023 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200391/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nacima Ourahmoune ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Apparu en 2019 avant de se voir relégué au second plan pendant la pandémie, le mouvement du Hirak cherche à subsister face à une répression gouvernementale qui s’intensifie.
Nacima Ourahmoune, Professeur / Chercheur/ Consultant en marketing et sociologie de la consommation, Kedge Business School
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/200482
2023-02-27T18:11:42Z
2023-02-27T18:11:42Z
En vert et contre tout : quels freins pour les entreprises soucieuses de l’environnement en Kabylie ?
<p>Devant les grands défis du changement climatique, les entreprises semblent devoir jouer un <a href="https://theconversation.com/cop21-un-an-apres-ou-en-sont-les-engagements-de-la-planete-business-69840">rôle majeur</a> pour adresser ses enjeux sous-jacents chargés d’incertitudes. Dès le début du XX<sup>e</sup> siècle, l’économiste <a href="https://neoeconomicus.fr/frank-knight-du-risque-a-lincertitude/">Frank Knight</a> définissait l’entrepreneur comme celui guidé par un profit rémunérant des décisions prises dans un monde incertain. De ce point de vue, les questions environnementales semblent représenter de grandes opportunités pour les entreprises.</p>
<p>Et pourtant, peu sont celles qui semblent l’avoir intégré. Selon une <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/climat-une-minorite-dentreprises-europeennes-a-reellement-engage-sa-transition-1907076">étude récente</a> de l’ONG Carbon Disclosure Project, seuls 2 % des firmes françaises ont un plan de transition suffisamment avancé pour être jugé crédible dans la perspective de limiter à 1,5 °C le réchauffement climatique.</p>
<p>Certes, de jeunes actifs portent le développement d’un entrepreneuriat vert cherchant à apporter des solutions pratiques et souvent innovantes aux préoccupations sociales et environnementales. <a href="https://www.entreprendre.fr/les-entrepreneurs-la-dream-team-pour-relever-notre-pays/">Innover et entreprendre</a> dans ce domaine semble de plus en plus en vogue, investir dans la <a href="https://www.lavieeco.com/influences/ces-jeunes-qui-craquent-pour-la-greentech/"><em>green tech</em></a> pour proposer des <a href="https://theconversation.com/les-technologies-a-emissions-negatives-deviennent-incontournables-face-au-rechauffement-climatique-196301">technologies à émissions négatives</a> également.</p>
<p>L’enthousiasme est cependant souvent freiné par plusieurs obstacles. Nos <a href="https://www.cairn.info/revue-innovations-2023-1-page-209.htm">travaux</a> l’ont en particulier montré à partir de l’étude d’un pays en développement, étude locale mais éclairante y compris pour nos politiques publiques.</p>
<h2>Manque d’accompagnement et méconnaissance</h2>
<p>Il existe trois <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/09534819410061388/full/html">grands types de motivations</a> pour les entrepreneurs à s’engager sur les questions environnementales. Il y a ceux convaincus par l’importance de l’enjeu et qui souhaitent contribuer à sa résolution (<em>l’environnementalisme axé sur les valeurs</em>) ; il y en a d’autres qui cherchent à exploiter les pressions institutionnelles, les nouvelles lois et les normes, pour créer de nouveaux modèles d’affaires (<em>l’environnementalisme de conformité</em>) ; d’autres enfin exploitent les imperfections du marché à adresser les externalités négatives générées par l’économie grise (<em>l’environnementalisme axé sur le marché</em>).</p>
<p>Parmi les freins habituels auxquels les entrepreneurs se confrontent, on relève – quel que soit l’endroit du monde – des accès au marché rendus difficiles, parfois car la demande de produits verts peut être insuffisante pour générer des rendements durables. La consommation de produits bio n’en est, par exemple, qu’à ses balbutiements dans les pays en développement. Il n’est pas toujours certain que l’entreprise trouve un marché suffisant pour être rentable. Bien souvent, de plus, la consommation responsable souffre encore d’une <a href="https://theconversation.com/le-consommateur-responsable-souffre-encore-dune-image-trop-negative-191474">image trop négative</a>.</p>
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<p>Un autre obstacle concerne l’accès au financement des projets entrepreneuriaux verts. Devant trop d’incertitudes ou des perspectives de rendements peu sûres, les banques s’avèrent parfois frileuses au moment d’octroyer des crédits. Dès lors, il pourrait apparaître souhaitable que, en compensation, les <a href="https://theconversation.com/acteurs-financiers-publics-un-role-strategique-face-a-la-transition-energetique-175550">pouvoirs publics</a> prennent le relai.</p>
<p>Notre <a href="https://www.cairn.info/revue-innovations-2023-1-page-209.htm">étude</a> s’est intéressé à des entrepreneurs verts qui rencontrent encore bien d’autres obstacles. Nous avons procédé à des entretiens en Algérie, dans un territoire kabyle pourtant précurseur en termes de développement durable. L’économie du pays repose encore largement sur des ressources fossiles (elles constituent près de la <a href="https://www-cairn-info.ezproxy.universite-paris-saclay.fr/revue-innovations-2023-1-page-209.htm">moitié des recettes fiscales</a>) mais leur rente s’effrite. Il lui faudra bientôt trouver des alternatives mais l’État s’engage pourtant peu sur des politiques alternatives pour favoriser la transition écologique et accompagner les entreprises dans ce sens.</p>
<p>De nombreux entrepreneurs nous ont, par exemple, fait part d’un manque d’accompagnement d’un point de vue administratif, technique et financier alors qu’ils souhaitent vivement s’engager dans le développement durable.</p>
<blockquote>
<p>« Je ne savais pas à quelle porte frapper. Et puis j’ai rapidement découvert que rien n’était fait pour encourager les entrepreneurs à investir le champ de l’environnement », déplore l’un d’entre eux.</p>
</blockquote>
<p>Or, les enjeux environnementaux ne sont pas moins prégnants dans les économies en développement et émergentes quand bien même la <a href="https://theconversation.com/climat-lepineuse-question-de-la-responsabilite-historique-des-pays-industrialises-193511">responsabilité</a> serait à attribuer aux économies industrialisées.</p>
<p>De leur côté, les structures accompagnatrices ne se sentent pas non plus à la hauteur en termes de moyens, de capacités et de compétences. Elles n’estiment pas pouvoir accompagner au mieux ces <em>startupers</em> verts, à l’image de cet employé :</p>
<blockquote>
<p>« Je me suis senti bien seul. Je n’avais pas grand-chose à proposer et puis je n’y connais vraiment pas grand-chose là-dedans ».</p>
</blockquote>
<p>Nous montrons, par ailleurs, que le <a href="https://theconversation.com/financement-des-start-up-quand-le-crowdfunding-investit-avec-les-business-angels-61253">financement participatif</a> reste un dispositif peu voire pas connu alors qu’il peut représenter une source de financement particulièrement bénéfique dans les projets.</p>
<h2>L’outil de la plate-forme unique</h2>
<p>Comment progresser par conséquent ? Tout d’abord, étant donné que la question centrale reste celle du financement, il est important de rappeler qu’investir dans des projets « verts » ne signifie pas <a href="https://theconversation.com/effectuer-des-investissements-responsables-ce-nest-pas-renoncer-a-leur-rentabilite-199021">renoncer à leur rentabilité</a>. Les investissements verts semblent même <a href="https://theconversation.com/investissements-verts-une-sur-performance-amenee-a-durer-192647">surperformer</a> et il est vraisemblable que cette tendance va durer dans le temps.</p>
<p>Il semble aussi que les gouvernements et les instances publiques régionales et locales doivent intensifier leurs efforts pour améliorer les connaissances, compétences et expériences des personnes en charge de l’accompagnement des projets en entrepreneuriat vert. En l’état, notre étude montre que ces personnes, c’est particulièrement vrai pour les pays en développement, ont une relative méconnaissance des enjeux du développement durable. Elles rencontrent ainsi des difficultés au moment d’appréhender les innovations vertes. Dans ce cadre, il pourrait être envisagé d’organiser des rencontres avec des accompagnateurs de projets d’autres pays afin d’échanger sur leurs bonnes pratiques et de favoriser l’apprentissage.</p>
<p>Cela fait notamment que les startupers verts peinent à identifier les aides dont ils pourraient bénéficier. Des politiques de création d’une plate-forme unique qui rassemblerait et présenterait des informations consolidées à destination des éco-entrepreneurs sur la nature et le type d’instruments de soutien (financiers mais pas que) à leur disposition ne s’avèreraient ainsi pas vaines.</p>
<p>Y inclure des processus de demande standardisés afin de réduire davantage la charge administrative serait également tout à fait pertinent. La chose représente, aux dires des enquêtés, un réel frein à la mobilisation des programmes de soutien.</p>
<blockquote>
<p>« Stop à la paperasse ! On croule sous les dossiers à remplir. Comment voulez-vous qu’on travaille sur le fond ? », s’emporte l’un d’entre eux.</p>
</blockquote>
<p>La France, a, il y a un an, su franchir cette étape avec un <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A16384">site dédié</a>. Reste à savoir si celui-ci atteindra les objectifs fixés et répondra aux attentes de nos entrepreneurs verts.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200482/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sebastien Bourdin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Manque d'accompagnateurs formés, soutiens de l'État absents ou mal indiqués, il y a de quoi rapidement doucher l'enthousiasme de qui veut saisir les opportunités offertes par la transition verte.
Sebastien Bourdin, Enseignant-chercheur en géographie-économie, Laboratoire Métis, EM Normandie
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/197242
2023-01-08T16:38:46Z
2023-01-08T16:38:46Z
L’Afrique du Nord pendant la Seconde Guerre mondiale : une mémoire douloureuse parfois méconnue
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/503283/original/file-20230105-20-nc2xj9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C1022%2C725&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Soldats allemands dans une rue de Tunis, 1943.</span> <span class="attribution"><span class="source">Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty Images</span></span></figcaption></figure><p>Il y a un peu plus de quatre-vingts ans, en novembre 1942, les <a href="http://www.cerclealgerianiste.fr/index.php/archives/encyclopedie-algerianiste/histoire/histoire-militaire/la-seconde-guerre-mondiale/265-la-tunisie-sous-occupation-allemande">nazis occupaient la Tunisie</a>. Pendant les six mois qui suivirent, les Juifs et les musulmans tunisiens furent soumis au règne de terreur du Troisième Reich, ainsi qu’à sa législation antisémite et raciste. Les habitants vivaient dans la peur – « sous la botte des nazis », comme l’a écrit l’avocat juif tunisien Paul Ghez dans son <a href="https://www.fondationshoah.org/memoire/six-mois-sous-la-botte-paul-ghez?2022-09-18_091008_2539.html">Journal</a> pendant l’occupation.</p>
<p>Nous sommes respectivement <a href="https://sarahastein.com/">historienne</a> et <a href="https://www.aomarboum.com/">anthropologue</a>. Ensemble, nous avons passé une décennie à <a href="https://www.sup.org/books/title/?id=32119">rassembler les voix</a> de diverses personnes qui ont enduré la Seconde Guerre mondiale en Afrique du Nord, par-delà <a href="https://www.worldreligionnews.com/issues/the-triangular-affair-between-muslims-france-and-jews-interview-with-ethan-b-katz/">leur confession, leur classe sociale, leur langue et leur région d’origine</a>. Leurs lettres, leurs journaux intimes, leurs Mémoires, leurs poèmes et leur histoire orale expriment à la fois l’espoir et la détresse. Ils se percevaient comme étant piégés par la machine déchaînée du nazisme, de l’occupation, de la violence et du racisme.</p>
<p>Quand la plupart des Européens pensent au cauchemar de la guerre ou de l’Holocauste, ils pensent avant tout aux événements survenus sur le continent européen. Mais l’Afrique du Nord n’a pas été épargnée par ce déferlement de haine et de violence.</p>
<h2>L’Afrique du Nord aux mains des régimes d’Hitler, de Mussolini et de Pétain</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/503082/original/file-20230104-129650-1ae668.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503082/original/file-20230104-129650-1ae668.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503082/original/file-20230104-129650-1ae668.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=690&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503082/original/file-20230104-129650-1ae668.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=690&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503082/original/file-20230104-129650-1ae668.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=690&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503082/original/file-20230104-129650-1ae668.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=868&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503082/original/file-20230104-129650-1ae668.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=868&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503082/original/file-20230104-129650-1ae668.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=868&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une famille juive à Tanger, au Maroc, en 1885. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LL/Roger Viollet via Getty Images</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/patrimoine/histoire/2500-annees-de-presence-juive-en-afrique-du-nord-un-monde-qui-s-eteint_3477857.html">L’histoire des Juifs installés en Afrique du Nord</a> commence dès le VI<sup>e</sup> siècle avant J.-C., après la destruction du premier temple de Jérusalem. Une autre vague importante d’immigrants a suivi l’Inquisition espagnole. Au début de la Seconde Guerre mondiale, une <a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-l-orient-2015-3-page-71.htm">population juive nord-africaine variée d’environ 500 000 personnes</a> coexistait avec les voisins musulmans.</p>
<p>Ces Juifs d’Afrique du Nord parlaient de nombreuses langues, reflétant leurs différentes cultures et appartenances : l’arabe, le français, le tamazight – langue berbère – et le haketia, une forme de judéo-espagnol parlé dans le nord du Maroc. Alors qu’un grand nombre de Juifs d’Afrique du Nord, en particulier en Algérie, bénéficiaient des privilèges de la citoyenneté française et d’autres nationalités occidentales, la majorité restait soumise aux autorités locales.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503079/original/file-20230104-18-i31kod.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503079/original/file-20230104-18-i31kod.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=377&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503079/original/file-20230104-18-i31kod.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=377&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503079/original/file-20230104-18-i31kod.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=377&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503079/original/file-20230104-18-i31kod.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503079/original/file-20230104-18-i31kod.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503079/original/file-20230104-18-i31kod.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un groupe de jeunes filles juives à Debdou, au Maroc, vers 1915.</span>
<span class="attribution"><span class="source">D. Millet E/Wikimedia</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais au cours de la Seconde Guerre mondiale, les Juifs détenteurs de la citoyenneté française en <a href="https://journals.openedition.org/assr/21080">ont été déchus</a>. Trois puissances européennes ont gouverné tout ou partie de l’Afrique du Nord pendant la guerre, toutes trois avec une immense brutalité : la France de Vichy, l’Italie mussolinienne et l’Allemagne nazie.</p>
<p>Le Maroc, l’Algérie et la Tunisie furent pendant la majeure partie du conflit dominés par la France de Vichy. Toutes les <a href="https://books.openedition.org/pumi/17916?lang=fr">lois et politiques antisémites et racistes</a> que le régime de Vichy a imposées à la France métropolitaine ont été <a href="https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/article/anti-jewish-legislation-in-north-africa">étendues aux colonies françaises d’Afrique du Nord et de l’Ouest</a>, expulsant les Juifs de leurs emplois, les privant de la citoyenneté – s’ils la possédaient – et saisissant les propriétés, les entreprises et les actifs appartenant à des Juifs.</p>
<p>Le régime de Vichy a également poursuivi les <a href="https://journals.openedition.org/rh19/1762">politiques racistes initiées par la IIIᵉ République</a>, en imposant le <a href="https://www.cairn.info/histoire-militaire-de-la-france--9782262065133-page-485.htm">service militaire aux jeunes Noirs des colonies</a>, et en les exposant aux avant-postes les plus dangereux en temps de guerre : après l’occupation allemande de la France, de nombreux tirailleurs sont emprisonnés par les nazis. Beaucoup ont été libérés et remis aux autorités de Vichy qui les ont utilisés pour contrôler la population indigène dans les colonies nord-africaines et les camps d’Afrique du Nord. Ces recrues forcées venaient du Sénégal, de Guinée française, de Côte d’Ivoire, du Niger et de Mauritanie, des territoires français du Bénin, de la Gambie et du Burkina Faso d’aujourd’hui. Il y avait également parmi eux des musulmans du Maroc et d’Algérie.</p>
<p>Ainsi, en ces temps de guerre, les Français menèrent une campagne anti-musulmane et anti-noire, associant des formes de haine raciale de l’ère coloniale à l’antisémitisme. Celui-ci avait des racines profondes dans l’histoire française et coloniale, mais trouva une <a href="https://www.haaretz.com/opinion/2022-06-27/ty-article-opinion/.highlight/how-north-african-jews-have-been-erased-from-holocaust-history/00000181-a4fe-dcbe-a19b-a5ff8fc40000">nouvelle vigueur</a> avec le nazisme.</p>
<p>La politique antisémite et anti-Noirs était également une composante de la politique du gouvernement fasciste de Benito Mussolini, qui a <a href="https://www.middleeasteye.net/fr/reportages/la-libye-vue-ditalie-colonialisme-fascisme-et-histoire-cachee">régné sur la Libye pendant la guerre</a>. L’Italie a d’abord testé sa politique raciste dans ses colonies d’Afrique orientale, en séparant les populations locales noires des colons italiens. Le régime de Mussolini a ensuite adapté cette politique de haine raciale en Libye, où il a <a href="https://northafricanjews-ww2.org.il/fr/les-juifs-de-libye-pendant-la-seconde-guerre-mondiale">chassé les Juifs de la vie active et de l’économie</a>, saisi les biens de milliers de personnes et les a déportées vers des camps de travail et d’internement. Des Juifs – enfants, femmes et hommes – sont morts de faim, de maladie, et des suites de privations et du travail forcé.</p>
<h2>Des camps en terre africaine</h2>
<p>L’Allemagne nazie a occupé la Tunisie de novembre 1942 à mai 1943. <a href="https://www.sup.org/books/title/?id=32119">Pendant cette période</a>, les SS – le corps d’élite du régime nazi – ont emprisonné quelque 5 000 Juifs dans environ 40 camps de travaux forcés et de détention sur le front et dans des villes comme Tunis. Les troupes allemandes ont également terrorisé les filles et les femmes musulmanes et juives restées sur place.</p>
<p>Le Troisième Reich n’a pas déporté des Juifs d’Afrique du Nord vers ses camps de la mort en Europe de l’Est, mais des centaines de Juifs d’origine nord-africaine et certains musulmans qui vivaient en France ont connu ce sort. Ils furent déportés d’abord au camp d’internement de Drancy, aux portes de Paris, puis envoyés de là dans des camps de concentration et de la mort. Beaucoup sont morts à Auschwitz.</p>
<p>Il y avait aussi des camps en Afrique du Nord et en Afrique de l’Ouest. En plus des centres ouverts par les fascistes italiens en Libye, la France de Vichy et l’Allemagne nazie ont établi des camps pénitentiaires, des camps de détention et des camps de travail.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503106/original/file-20230104-129855-8pavdk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503106/original/file-20230104-129855-8pavdk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503106/original/file-20230104-129855-8pavdk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503106/original/file-20230104-129855-8pavdk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503106/original/file-20230104-129855-8pavdk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503106/original/file-20230104-129855-8pavdk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503106/original/file-20230104-129855-8pavdk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un prisonnier juif allemand du nom de Rosenthal pousse une charrette dans la carrière de pierres du camp de travail d’Im Fout au Maroc.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Musée du mémorial de l’Holocauste des États-Unis</span></span>
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</figure>
<p>Le régime de Vichy a construit à lui seul <a href="https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/gallery/camps-in-north-africa">près de 70 camps de ce type au Sahara</a>, insufflant une nouvelle vie au vieux projet colonial consistant à construire un chemin de fer transsaharien pour relier les côtes atlantique et méditerranéenne. Le régime de Vichy y voyait notamment un moyen d’envoyer un certain nombre de soldats sénégalais assurer la sécurité des camps sahariens de travaux forcés.</p>
<p>Dans <a href="https://www.yadvashem.org/fr/shoah/a-propos/camps/les-camps-dafrique-du-nord.html">ces camps</a>, comme dans les camps nazis d’Europe de l’Est, la logique raciste complexe du nazisme et du fascisme s’est illustrée de manière très concrète. Les musulmans arrêtés pour activités anticoloniales ont été contraints à un travail épuisant aux côtés de Juifs et de chrétiens qui avaient fui l’Europe déchirée par la guerre avant d’être arrêtés en Afrique du Nord.</p>
<p>Ces hommes ont partagé le pain avec d’autres travailleurs forcés du monde entier, y compris des combattants qui s’étaient portés volontaires aux côtés de l’armée républicaine espagnole pendant la guerre civile. Ces Ukrainiens, Américains, Allemands, Juifs russes et autres avaient été arrêtés, déportés et emprisonnés par le régime de Vichy après avoir fui l’Espagne de Franco. Il y avait aussi des opposants politiques du régime de Vichy et du régime nazi, dont des socialistes, des communistes, des syndicalistes et des nationalistes maghrébins. Des enfants et des femmes ont également été emprisonnés.</p>
<p>Parmi ces prisonniers, beaucoup étaient des réfugiés ayant fui l’Europe, que ce soit en raison de leur judéité ou parce qu’ils étaient des adversaires politiques du Troisième Reich. Les détenus étaient encadrés par des soldats français de Vichy ainsi que par des <a href="https://www.cairn.info/revue-histoire-economie-et-societe-2004-2-page-215.htm">autochtones marocains et des Sénégalais recrutés de force</a>, qui n’étaient souvent guère plus que des prisonniers eux-mêmes. Parfois, les prisonniers du camp interagissaient avec les populations locales : musulmans sahariens et juifs qui leur fournissaient des soins médicaux, des lieux de sépulture, de la nourriture et du sexe contre de l’argent.</p>
<p>Le nazisme en Europe reposait sur une matrice complexe d’idées racistes, eugénistes et nationalistes. La guerre – et l’Holocauste – apparaît encore plus complexe lorsque l’on prend en compte la logique raciste et violente des événements survenus alors en Afrique du Nord.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197242/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Au début des années 1940, l'Afrique du Nord a été aux mains de la France de Vichy, de l'Italie fasciste et de l'Allemagne nazie. Une période tragique et douloureuse pour les populations locales.
Sarah Abrevaya Stein, Professor of History, University of California, Los Angeles
Aomar Boum, Professor of Anthropology, University of California, Los Angeles
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/190024
2022-09-14T18:05:42Z
2022-09-14T18:05:42Z
Algérie-Indochine : l’asymétrie mémorielle française
<p>Emmanuel Macron vient d’effectuer une <a href="https://www.europe1.fr/politique/algerie-quel-bilan-pour-la-visite-demmanuel-macron-sur-place-4130470">visite officielle à Alger</a> afin de mettre en œuvre une « réconciliation mémorielle » entre les sociétés française et algérienne sur la guerre qui les a déchirées entre 1954 et 1962.</p>
<p>En juillet 2020, déjà, le président avait confié à l’historien Benjamin Stora une <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/07/24/emmanuel-macron-confie-a-l-historien-benjamin-stora-une-mission-sur-la-memoire-de-la-colonisation-et-de-la-guerre-d-algerie_6047236_3212.html">« mission sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie »</a>. Six mois plus tard, ce dernier rendait <a href="https://journals.openedition.org/chrhc/16509">son rapport</a> comprenant des recommandations concrètes pour faciliter la réconciliation. En octobre 2021, <a href="https://www.france24.com/fr/france/20211016-17-octobre-1961-emmanuel-macron-va-reconna%C3%AEtre-une-v%C3%A9rit%C3%A9-incontestable">Emmanuel Macron déposait une gerbe</a> nationale sur les berges de Seine <a href="https://www.cairn.info/revue-plein-droit-2021-4-page-32.htm">à la mémoire des militants algériens</a> tués par la police française en 1961.</p>
<p>Ces démarches étaient, certes, motivées par un besoin d’affronter le passé, par les tensions récentes entre la France et l’Algérie, par des <a href="https://www.cairn.info/revue-le-mouvement-social-2017-1-page-29.htm">problèmes irrésolus d’intégration</a> dans l’Hexagone, et sans doute des préoccupations politiques lors de la campagne électorale du président sortant en 2022. Il est néanmoins frappant de constater à quel point l’Algérie occupe une place beaucoup plus importante que celle de l’Indochine dans la mémoire française. Et cela, malgré le fait que la <a href="https://www.cairn.info/revue-strategique-2009-1-page-339.htm">guerre d’Indochine</a>, qui a opposé la France au Vietnam d’Hô Chi Minh entre 1945 et 1954, fut la <a href="https://www.lhistoire.fr/indochine-la-guerre-de-d%C3%A9colonisation-la-plus-violente-du-xxe-si%C3%A8cle%C2%A0">guerre de décolonisation la plus violente du XXᵉ siècle</a>.</p>
<p>Comment expliquer cet oubli relatif du Vietnam à une époque où la France semble plus prête qu’auparavant à regarder son passé colonial en face ?</p>
<h2>La « rive algérienne » de la mémoire française</h2>
<p>La prédominance algérienne s’explique par divers facteurs. Le premier, démographique, fait ressortir le maigre poids de la <a href="https://www.cairn.info/revue-annales-de-demographie-historique-2007-1-page-85.htm">population des « Français d’Indochine »</a> – 35 000 personnes en 1945 – comparé au million de « Français d’Algérie » qui se comptaient de façon assez stable entre 1945 et 1962. Après la guerre d’Algérie, la majorité d’entre eux <a href="https://cairn.info/revue-pole-sud-2006-1.htm?contenu=sommaire">s’installèrent en France</a>. Le poids politique et l’influence mémorielle des Français d’Indochine resteront toujours plus modestes par rapport à ceux des Français d’Algérie installés en France après 1962.</p>
<p>Le deuxième facteur tient à l’origine des combattants eux-mêmes. Pour garder l’Algérie française, Paris ne vit d’autre choix que d’imposer la <a href="https://www.cairn.info/revue-historique-2007-1-page-165.htm">conscription</a> aux jeunes Français de métropole. Un million et demi de soldats français furent ainsi envoyés en Algérie. La guerre terminée, des porte-paroles, des associations, des maisons d’édition, d’anciens colons aussi, échangeront souvenirs, traumas, commémorations.</p>
<p>En Indochine, la situation était très différente : le gouvernement français avait fait appel au Corps expéditionnaire, à la Légion étrangère, mais surtout aux <a href="https://www.penseemiliterre.fr/ressources/30114/43/de-la-politique-de-jaunissement_cdt-cadeau.pdf">soldats de son Empire</a>. La majorité des « anciens d’Indo » étaient en fait originaires de l’Indochine, du Maghreb et l’Afrique subsaharienne. La guerre terminée, ils ont ramené leur mémoire avec eux. L’homme qui a bâti la dalle commémorative à Diên Biên Phu en 1992, pour honorer les soldats tombés pour la France dans cette bataille historique de 1954, était un Allemand, un ancien de la Légion.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/484042/original/file-20220912-20-zjibcx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Mémorial en pierre en l’honneur des morts français au Vietnam" src="https://images.theconversation.com/files/484042/original/file-20220912-20-zjibcx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484042/original/file-20220912-20-zjibcx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484042/original/file-20220912-20-zjibcx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484042/original/file-20220912-20-zjibcx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484042/original/file-20220912-20-zjibcx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484042/original/file-20220912-20-zjibcx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484042/original/file-20220912-20-zjibcx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Mémorial en l’honneur des soldats français morts lors de la bataille de Diên Biên Phu au Vietnam.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:French_War_Memorial_-_Dien_Bien_Phu_-_Vietnam_%2848159141076%29.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Troisième facteur : si des dizaines de milliers de harkis algériens, qui s’étaient battus comme supplétifs aux côtés des Français, s’installèrent en France après 1962 avec leur famille, les soldats vietnamiens ayant combattu les troupes d’Hô Chi Minh auprès des Français d’abord, puis des Américains jusqu’à la <a href="https://www.lhistoire.fr/%C3%A9ph%C3%A9m%C3%A9ride/30-avril-1975-chute-de-saigon">chute de Saigon</a> en 1975, refirent principalement leur vie en Amérique du Nord. La diaspora vietnamienne en France ne peut pas être comparée à la diaspora vietnamienne aux États-Unis, ni à celle des Algériens en France. Le poids politique et mémoriel de cette communauté vietnamienne de France est en conséquence beaucoup plus faible. En 2019, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) comptait <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3633212">846 400 immigrés algériens résidant sur le territoire français</a>. La même année, l’Institut national d’études démographiques (INED) estimait à <a href="https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/france/immigres-etrangers/descendants-dimmigres-par-pays-dorigine/">1 207 000 le nombre d’enfants d’immigrés algériens résidant en France</a>, soit 2,1 millions de personnes sur deux générations.</p>
<p>La diaspora vietnamienne en France est la deuxième dans le monde après celle des États-Unis, laquelle est forte de 2 100 000 membres. L’Insee dénombrait en 2018 159 000 personnes résidant en France <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2381755">nées dans toute l’ex-Indochine française</a> (Cambodge, Laos, Vietnam) ainsi que <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4186761">153 000 descendants directs d’au moins un parent né en ex-Indochine française</a>, soit 312 000 au total.</p>
<p>Que le président Macron se soit <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/11/30/la-therapie-memorielle-des-petits-enfants-de-la-guerre-d-algerie_6104100_823448.html">récemment adressé</a> aux « petits-enfants de la guerre d’Algérie » sans penser à évoquer leurs homologues vietnamiens est révélateur à cet égard.</p>
<p>Soulignons aussi que la guerre d’Algérie ne s’est jamais internationalisée comme ce fut le cas en Indochine. Cela a permis aux hommes politiques et anciens combattants français de présenter la guerre d’Indochine comme une lutte anticommuniste dans le cadre d’une coalition occidentale, non comme une <a href="https://www.lhistoire.fr/indochine-combat-pour-une-puissance-perdue">guerre coloniale</a> qu’elle fut assurément. La sortie de la France de la guerre d’Indochine apparut ainsi moins comme une défaite coloniale qu’un simple passage de flambeau anticommuniste aux Américains dans un lointain pays en Asie. Certes, la guerre d’Algérie eut un volet international, mais elle fut surtout une affaire coloniale. L’Indochine restera un enjeu géopolitique majeur dans les relations internationales jusque dans les années 1990.</p>
<p>Enfin, les <a href="https://www.persee.fr/doc/ihtp_0769-4504_1996_num_34_1_2369">intellectuels français critiques de la guerre d’Indochine</a> à l’époque se comptent sur les doigts d’une main. En revanche, la liste de ceux qui se sont opposés au conflit algérien est longue : Jean-Paul Sartre, Albert Camus, Jacques Derrida, Franz Fanon et Pierre Bourdieu pour ne citer qu’eux. Même le cinéma français écarte les Vietnamiens. On voit les centurions français de la guerre d’Indochine dans les films de Pierre Schoendoerffer comme <a href="https://www.cairn.info/revue-inflexions-2019-3-page-37.htm"><em>La 317ᵉ Section</em></a> ou <a href="https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2011/11/17/le-crabe-tambour-de-pierre-schoendoerffer_1605198_4497319.html"><em>Le Crabe-tambour</em></a>. On suit les soldats français dans les camps communistes après Diên Biên Phu. Mais on cherche en vain un film critique portant sur la toile de fond coloniale de la guerre d’Indochine qui serait comparable à la <a href="https://www.cairn.info/revue-inflexions-2019-3-page-159.htm"><em>Bataille d’Alger</em></a> de Gillo Pontecorvo.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/484279/original/file-20220913-20-fi7apx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484279/original/file-20220913-20-fi7apx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=749&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484279/original/file-20220913-20-fi7apx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=749&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484279/original/file-20220913-20-fi7apx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=749&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484279/original/file-20220913-20-fi7apx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=941&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484279/original/file-20220913-20-fi7apx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=941&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484279/original/file-20220913-20-fi7apx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=941&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<h2>Et la « rive vietnamienne » ?</h2>
<p>Les Vietnamiens auraient pu demander des comptes à Paris à la fin de la guerre en 1954. Mais ce n’était pas si facile. La <a href="https://www.cairn.info/revue-bulletin-de-l-institut-pierre-renouvin1-2012-2-page-57.htm">guerre américaine</a> éclipsa vite celle d’Indochine dans les années 1960. Puis survint la <a href="https://www.jstor.org/stable/25729173">troisième guerre d’Indochine</a>, qui opposa les communistes cambodgiens, vietnamiens et chinois en 1979. Les atrocités se cumulaient, s’écrasaient les unes sur les autres. Se préoccuper de l’Histoire, de la mémoire, quand le pays est encore en guerre ou tout est à reconstruire peut sembler difficile à entreprendre.</p>
<p>De nos jours, le gouvernement communiste du Vietnam ne tient pas particulièrement à se souvenir de ces pans conflictuels. Il répète à l’infini une histoire nationaliste héroïque, où la célèbre victoire sur l’armée française à <a href="https://www.cairn.info/la-guerre-d-indochine--9791021010192-page-431.htm">Diên Biên Phu</a> est un chaînon glorieux, primordial en termes mémoriels. Mais pour Hanoi, il est hors de question de réclamer la repentance de la France pour la guerre d’Indochine. Les massacres commis par l’armée française à la fin des années 1940 se commémorent au niveau local jusqu’à nos jours, mais le gouvernement actuel ne laisserait jamais ces <a href="https://www.herodote.net/16_mars_1968-evenement-19680316.php">« My Lai français »</a> mettre en danger ses relations avec la France.</p>
<p>Sans doute aussi, Hanoi, accolé à une Chine déterminée à jouer un rôle prédominant dans l’Indopacifique, ne souhaite pas mettre en cause ses relations discrètes, mais très importantes, avec les Américains et les Français. Au Moyen-Orient, aucun voisin de l’Algérie n’est une puissance un tant soit peu comparable à la Chine. Les dirigeants algériens ont donc les mains plus libres pour mobiliser différemment la mémoire vis-à-vis de la France.</p>
<p>Le contraste est patent entre la pensée mémorielle à Hanoi et à Alger, quand on songe à la volonté des dirigeants algériens depuis Abdelaziz Bouteflika, le président algérien entre 1999 et 2019, et son successeur, Abdelmadjid Tebboune, de faire le procès de la colonisation à la France. En 2021, le ministre algérien de la Communication <a href="https://www.lefigaro.fr/international/colonisation-alger-reclame-toujours-la-repentance-de-la-france-20210508">a demandé</a> « la reconnaissance officielle, définitive et globale, par la France, de ses crimes […] la repentance et des indemnisations équitables ». Emmanuel Macron, dans <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Pourquoi-torchon-brule-entre-France-lAlgerie-2021-10-03-1201178652">sa réplique</a>, a suscité la colère de la classe dirigeante à Alger en déclarant que l’Algérie s’est construite « sur une rente mémorielle » et « une haine de la France ». En signe de protestation, le <a href="https://www.rts.ch/info/monde/12538060-lalgerie-rappelle-son-ambassadeur-a-paris-apres-des-propos-demmanuel-macron.html">président algérien rappela son ambassadeur de Paris</a>. Aucun dirigeant communiste à Hanoi n’aurait jamais entamé un tel échange avec le gouvernement français.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/vers-une-reconciliation-franco-algerienne-189658">Vers une réconciliation franco-algérienne ?</a>
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<h2>France-Vietnam : la réconciliation s’est-elle vraiment déjà faite ?</h2>
<p>Au Vietnam comme en France, les dirigeants préfèrent regarder vers l’avenir. Ce fut déjà évident au début de la normalisation des relations franco-vietnamiennes à la fin de la guerre froide. Lorsque le président François Mitterrand effectua une <a href="https://www.universalis.fr/evenement/9-16-fevrier-1993-france-asie-visite-du-president-francois-mitterrand-au-vietnam-et-au-cambodge/">visite officielle au Vietnam en 1993</a> pour ouvrir un nouveau chapitre diplomatique, il mit surtout l’accent sur l’avenir.</p>
<p>Initiant une sorte de rituel qui continue jusqu’à nos jours, <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1993/02/11/la-visite-du-president-francais-au-vietnam-m-mitterrand-estime-que-l-embargo-americain-n-a-plus-de-raison-d-etre_3914182_1819218.html">Mitterrand se rendit cependant sur le site de Diên Biên Phu</a> pour saluer l’héroïsme des combattants français tombés dans cette bataille épique, pour « ressentir tout ce qu’un Français peut éprouver devant le sacrifice de nos soldats, sans oublier les autres ». Dans ce voyage, Mitterrand était notamment accompagné de Pierre Schoendoerffer. Ce dernier venait de sortir son dernier film, <a href="https://www.cairn.info/revue-guerres-mondiales-et-conflits-contemporains-2003-3-page-107.htm"><em>Dien Bien Phu</em></a>, qui louait justement l’esprit de « sacrifice » des soldats français lors de cette perte « tragique » et pourtant « héroïque » que fut la bataille de Diên Biên Phu.</p>
<p>Emmanuel Macron ne s’est jamais rendu au Vietnam, mais il y a <a href="https://www.gouvernement.fr/actualite/10641-retour-sur-le-voyage-au-vietnam-d-edouard-philippe">envoyé son premier ministre</a> Édouard Philippe, en visite officielle en 2018. Celui-ci déposa solennellement une gerbe devant le monument aux morts français à Diên Biên Phu. Il évoqua la guerre franco-vietnamienne rapidement avant de se tourner vers l’avenir :</p>
<blockquote>
<p>« Nos deux pays, parce qu’ils sont réconciliés avec leur passé regardent avec plus de force encore leur avenir partagé. »</p>
</blockquote>
<p>Son homologue vietnamien fit une déclaration allant dans le même sens. En effet, à la différence du gouvernement algérien, les dirigeants vietnamiens veulent éviter de souligner le passé colonial afin de mettre l’accent sur un nouveau « partenariat stratégique » en Asie. Pour Paris et Hanoi, la réconciliation est déjà acquise. Il faut tourner la page.</p>
<p>Toutefois, les cicatrices de la guerre sont encore présentes dans le tissu social vietnamien. Selon Bernard Fall, un <a href="https://cgoscha.uqam.ca/wp-content/uploads/sites/28/2022/07/Bernard-Fall-This-isnt-munich.pdf">million de Vietnamiens sont morts lors du conflit indochinois (contre 21 000 décès français)</a>. La plupart étaient des civils. Mais peu de journalistes, écrivains ou chercheurs ont enquêté sur les blessures de la guerre d’Indochine vécues par les Vietnamiens. Et pourtant, de <a href="https://cgoscha.uqam.ca/wp-content/uploads/sites/28/2022/02/massacres-indochine-images-2.pdf">nombreux monuments</a> commémorent les pertes civiles causées par la guerre. Il suffit de regarder au-delà de Diên Biên Phu.</p>
<p>Plusieurs Vietnamiens nous ont aussi laissés <a href="https://cgoscha.uqam.ca/wp-content/uploads/sites/28/2022/08/nguyen-cong-luan-nationalist-viet-nam-wars.pdf">leurs témoignages</a>. Il faut les lire. Car briser un mur de silence est une chose, mais un manque d’écoute pérennise l’oubli.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190024/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christopher Goscha ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Pourquoi, alors que le travail mémoriel sur la guerre d’Algérie est en cours en France, un travail similaire n’est-il pas effectué à propos de la guerre d’Indochine ?
Christopher Goscha, Professor, Université du Québec à Montréal (UQAM)
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tag:theconversation.com,2011:article/189658
2022-09-05T22:55:16Z
2022-09-05T22:55:16Z
Vers une réconciliation franco-algérienne ?
<p>La visite du président Macron en Algérie du 25 au 27 août 2022 a eu pour but de reconstruire du lien avec ce pays qui occupe une place à part dans l’histoire française.</p>
<p>La relation bilatérale s’était en effet <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Pourquoi-torchon-brule-entre-France-lAlgerie-2021-10-03-1201178652">nettement dégradée</a> ces dernières années, en dépit des nombreux gestes mémoriels accomplis par Paris à la suite des préconisations du <a href="https://www.vie-publique.fr/rapport/278186-rapport-stora-memoire-sur-la-colonisation-et-la-guerre-dalgerie">rapport Stora</a>, la France ayant notamment reconnu des faits de torture et de disparitions forcées pendant la <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/03/03/guerre-d-algerie-emmanuel-macron-reconnait-qu-ali-boumendjel-a-ete-torture-et-assassine-par-l-armee-francaise_6071747_3212.html">guerre d’Algérie</a>, ainsi que le <a href="https://www.france24.com/fr/france/20211016-17-octobre-1961-emmanuel-macron-va-reconna%C3%AEtre-une-v%C3%A9rit%C3%A9-incontestable">massacre des Algériens à Paris</a> lors de la manifestation du FLN du 17 octobre 1961.</p>
<p>Cette dégradation s’expliquait notamment par des <a href="https://www.courrierinternational.com/article/vu-dalgerie-les-propos-de-macron-plongent-paris-et-alger-dans-une-crise-ouverte">propos tenus par Emmanuel Macron</a> le 30 septembre 2021 sur l’inexistence de la nation algérienne avant la colonisation française, qui avaient entraîné le <a href="https://www.france24.com/fr/afrique/20211002-l-alg%C3%A9rie-rappelle-son-ambassadeur-en-france-pour-consultations">rappel de l’ambassadeur algérien à Paris</a> pendant plusieurs mois et l’<a href="https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20211003-l-alg%C3%A9rie-interdit-le-survol-de-son-territoire-aux-avions-militaires-fran%C3%A7ais">interdiction du survol du territoire algérien</a> par les avions militaires français pour se rendre au Mali ou au Niger.</p>
<p>Il reste que la France et l’Algérie ont toutes deux intérêt à protéger cette relation privilégiée.</p>
<h2>Une émancipation partielle de l’Algérie vis-à-vis de la France</h2>
<p>Rappelons d’abord que la <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2006-3-page-179.htm">perte d’influence</a> de la France en Algérie est un phénomène que l’on observe depuis longtemps et qui n’est pas imputable au président Macron.</p>
<p>La France est depuis maintenant des décennies concurrencée en Afrique et, en particulier, en Algérie, par des puissances émergentes. La deuxième puissance mondiale, la Chine, l’a supplantée comme <a href="https://afrique.latribune.fr/economie/strategies/2018-12-28/commerce-sans-surprise-la-chine-reste-le-premier-fournisseur-de-l-algerie-802309.html">premier partenaire commercial</a> de l’Algérie. La Turquie s’affirme également en Algérie, elle qui est héritière de l’Empire ottoman, qui avait exercé sa domination en Algérie avant la conquête française en 1830. Quant à la Russie, elle est le <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/l-algerie-tiraillee-entre-la-russie-pourvoyeuse-d-armes-et-l-europe-acheteuse-de-gaz_2172134.html">principal fournisseur d’armes</a> de l’Algérie depuis 1962. Mais elle vend aussi des armes au Maroc, notamment des chars et des véhicules blindés.</p>
<p>Les Français ont perdu de gros contrats. Suez ne gère plus l’eau à Alger. Aéroports de Paris a perdu le contrat de management de l’aéroport d’Alger, qui s’est récemment agrandi. La RATP n’est plus en charge du fonctionnement du métro d’Alger. Le français comme langue étrangère est également en perte de vitesse en Algérie <a href="https://journals.openedition.org/droitcultures/1860">par rapport à l’anglais</a>.</p>
<p>Toutefois, l’Algérie ne peut se passer de la France et de l’Union européenne. Le pays subit actuellement un relatif isolement. Alger a quand même des alliés dans la région, notamment en la personne du président tunisien <a href="https://news.gnet.tn/tunisie-kais-saied-en-algerie-degel-et-resultats-esperes/">Kais Saïed</a>, qui affiche de plus en plus son adhésion au nationalisme arabe. Mais elle voit d’un mauvais œil les ingérences en Libye de l’Égypte et des Émirats arabes unis, qui sont des soutiens importants du maréchal Haftar, très puissant en <a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/autre-region/Cyr%C3%A9na%C3%AFque/115383">Cyrénaïque</a>. L’Algérie est en effet trés soucieuse de protéger ses vastes frontières, et cherche à les défendre tout en maintenant sa doctrine traditionnelle de non-intervention en dehors de son territoire.</p>
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<p>Son relatif isolement actuel a été suscité par les <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03566453/">accords d’Abraham</a> du 15 septembre 2020, qui ont entraîné une normalisation des relations entre Israël et certains pays arabes, dont le Maroc, qui a reconnu l’État israélien.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ce-que-change-laccord-de-cooperation-securitaire-entre-le-maroc-et-israel-178335">Ce que change l’accord de coopération sécuritaire entre le Maroc et Israël</a>
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<p>En contrepartie, les États-Unis ont <a href="https://www.aa.com.tr/fr/monde/les-etats-unis-r%C3%A9it%C3%A8rent-leur-position-reconnaissant-la-souverainet%C3%A9-du-maroc-sur-le-sahara/2292157">reconnu</a> la marocanité du Sahara occidental, ce qui va à l’encontre de la position de l’Algérie, qui <a href="https://theconversation.com/algerie-maroc-la-rupture-est-consommee-172430">soutient le combat du Front Polisario pour le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui</a>. Madrid a également reconnu la marocanité du Sahara occidental, ce qui a fortement déplu à Alger qui a <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/le-president-algerien-coupe-le-robinet-du-gaz-au-maroc-430682">cessé ses livraisons de gaz</a> à l’Espagne à travers le gazoduc Maghreb Europe, qui transite par le Maroc.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1505255177825230850"}"></div></p>
<p>Alors que, du fait de la guerre en Ukraine, les <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/ue/baisse-des-livraisons-de-gaz-l-europe-doit-s-affranchir-de-moscou-des-que-possible-estime-l-ue-530a27a8-0cb4-11ed-bc02-4fec2eb4421e">livraisons de gaz russe aux pays de l’UE devraient baisser significativement</a>, l’Algérie peut-elle prendre le relais de Moscou en la matière ? Pour l’heure, 8 % à 9 % du gaz consommé en France provient d’Algérie. Le gaz algérien arrive en France soit par gazoduc via des interconnexions gazières avec des pays européens, soit par transport maritime via le GNL (gaz naturel liquéfié). Un certain nombre de problèmes techniques doivent être réglés entre Français et Algériens pour permettre l’<a href="https://www.sudouest.fr/economie/energie/l-algerie-pourrait-augmenter-de-50-ses-livraisons-de-gaz-a-la-france-des-annonces-a-venir-12061041.php">augmentation de ces livraisons</a>.</p>
<p>Emmanuel Macron ne semble pas être un partisan du gazoduc <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/energie/gaz-naturel/midcat-ce-gazoduc-qui-oppose-plus-que-jamais-la-france-a-l-espagne-l-allemagne-et-bruxelles-451fde18-2946-11ed-816a-f6aa922adaf4">Midcat</a>,</p>
<p>qui relierait l’Espagne à la France et qui permettrait d’augmenter les livraisons de gaz algérien transitant actuellement par le gazoduc <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/04/28/gaz-l-algerie-menace-de-rompre-son-contrat-avec-l-espagne_6124014_3212.html">Medgaz</a>. Une solution envisageable passerait par la construction d’un <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/la-mise-en-service-d-un-terminal-methanier-flottant-au-havre-en-septembre-2023-confirmee.N2031367">terminal flottant de gaz liquéfié au Havre</a>. Les choses sont plus faciles avec l’Italie : Alger a augmenté ses livraisons de gaz aux Italiens via le gazoduc <a href="https://www.transmed-spa.it/sistema_di_trasporto.php?lingua=3">Transmed</a> qui va de Hassi R’Mel en Algérie jusqu’à Bologne en transitant par la Sicile et la Tunisie.</p>
<h2>Le rôle de l’Algérie dans le conflit malien et les intérêts stratégiques français</h2>
<p>Le partenariat renouvelé entre la France et l’Algérie revêt dans ces conditions un caractère stratégique. Les Français ont besoin d’Alger du fait des enjeux sécuritaires de la bande saharo-sahélienne, surtout après le <a href="https://www.francebleu.fr/infos/international/les-derniers-soldats-francais-de-l-operation-barkhane-ont-quitte-le-mali-1660571253">départ de leurs troupes du Mali</a> dont la présence suscitait le rejet de l’opinion publique malienne.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/mali-fallait-il-renouveler-le-mandat-de-la-minusma-189079">Mali : Fallait-il renouveler le mandat de la Minusma ?</a>
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<p>En effet, Alger a patronné les <a href="https://peacemaker.un.org/sites/peacemaker.un.org/files/Accord%20pour%20la%20Paix%20et%20la%20R%C3%A9conciliation%20au%20Mali%20-%20Issu%20du%20Processus%20d%27Alger_0.pdf">accords d’Alger</a> signés en mai 2015 entre le gouvernement algérien et la rébellion touareg de la Coordination des mouvements touaregs de l’Azawad, qui n’ont d’ailleurs pas permis de ramener la paix dans la région en raison de la prolifération des milices, de leur désarmement différé et de la distinction artificielle entre rebellions touaregs séparatistes et djihadistes.</p>
<p>Les Algériens entretiennent aussi de <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/08/27/paris-cherche-l-appui-d-alger-sur-le-sahel_6139190_3212.html">très bonnes relations</a> avec la junte malienne au pouvoir à Bamako, qui est très hostile à la France, préférant les mercenaires russes à la force Barkhane.</p>
<p>Les Français ont besoin des Algériens pour redéfinir leurs relations avec le Sahel et ont un ennemi commun les djihadistes du <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Quest-GSIM-groupe-djihadiste-responsable-lenlevement-dOlivier-Dubois-2021-05-07-1201154647">GSIM</a> (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), dirigé par le chef touareg radicalisé <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/07/27/mali-iyad-ag-ghali-l-ennemi-numero-un-de-la-france_5336668_3212.html">Iyad Ag Ghali</a>, ancien milicien au service du colonel Kadhafi. Il a fait allégeance à Al-Qaida au Maghreb islamique, dirigée par l’Algérien Abou Oubaïda Yousef al-Annabi, un ancien du GIA (Groupement islamique armé). Iyad Ad Ghali s’est allié aux djihadistes peuls de la <em>katîba</em> Macina. Le GSIM, désormais <a href="http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2022/07/28/mali-le-gsim-annonce-des-operations-d-envergure-alors-que-les-attaques-se-m.html">actif dans le centre du Mali</a>, avec des possibilités de frappe dans le sud du pays, représente une menace pour toute l’Afrique de l’Ouest où la France conserve des intérêts, et une menace moindre – pour le moment – pour l’Algérie.</p>
<p>Concernant l’approfondissement des relations économiques, l’Algérie est demandeuse d’investissements plus productifs des entreprises françaises et de transferts de technologies, notamment dans le secteur énergétique, dans le domaine des énergies renouvelables avec l’énergie solaire et dans les hautes technologies. Elle souhaite une diversification des investissements français en Algérie.</p>
<h2>Le poids du passé colonial</h2>
<p>Les relations franco-algériennes sont évidemment aussi une affaire intérieure en France. Emmanuel Macron a annoncé durant son séjour la transition vers une <a href="https://www.algerie-eco.com/2022/08/27/visas-immigration-choisie-ce-qua-dit-macron/">immigration algérienne choisie</a> de travailleurs qualifiés et d’étudiants. Cette immigration choisie a déjà commencé dans les faits avec l’installation en France de nombreux <a href="https://www.visa-algerie.com/hopitaux-francais-1200-medecins-algeriens-autorises-a-exercer/# :%7E :text=Au %20total %2C %201 %20200 %20m %C3 %A9decins,en %20France %20pour %20cette %20ann %C3 %A9%3Csup%3Ee%3C/sup%3E.">médecins généralistes algériens</a> et ingénieurs informaticiens issus de grandes écoles et d’universités algériennes. </p>
<p>Cette politique d’immigration sélective peut entraîner des effets négatifs pour le développement algérien du fait de la <a href="https://www.courrierinternational.com/dessin/fuite-des-cerveaux-lalgerie-confrontee-au-depart-de-ses-medecins-vers-la-france">fuite des cerveaux</a> qu’elle représente pour le pays de départ. Paris ne semble plus vouloir des anciennes migrations algériennes de travailleurs peu qualifiés. Pourtant, ces populations ont bien <a href="https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2011-2-page-219.htm">participé à la construction de la France</a> depuis la Première Guerre mondiale jusqu’à nos jours.</p>
<p>Approfondir la relation franco-algérienne nécessite d’aplanir les maux hérités du passé colonial et de la guerre qui sont à l’origine de notre relation si forte et si particulière avec l’Algérie. Pendant sa visite à Alger, les présidents Macron et Tebboune ont annoncé la <a href="https://www.la-croix.com/Monde/France-Algerie-commission-mixte-regarder-lhistoire-face-2022-08-28-1201230572">création d’une commission mixte d’historiens français et algériens</a> pour établir ensemble les faits. À noter que le rapport Stora de 2021 ne recommandait que la nomination d’une commission d’historiens sur les <a href="https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/article.php ?laref=2527&titre=victimes-des-massacres-d-oran-le-5-juillet-1962">massacres d’Oran</a>, et pas une commission d’historiens compétente globalement. </p>
<p>Les travaux produits par cette nouvelle commission d’historiens, si elle voit effectivement le jour, pourraient légitimer la reconnaissance par la France des crimes de la colonisation – même s’il est peu probable que le président français réitère les propos qu’il avait tenus en 2017 en tant que candidat, quand il avait évoqué les <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/02/15/macron-qualifie-la-colonisation-de-crime-contre-l-humanite-tolle-a-droite-et-au-front-national_5080331_4854003.html">crimes contre l’humanité commis par la France en Algérie</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1563579555809337346"}"></div></p>
<p>S’il <a href="https://www.lefigaro.fr/international/guerre-d-algerie-macron-recuse-toute-repentance-et-appelle-a-regarder-le-passe-avec-courage-20220826">refuse la repentance</a> et ne veut pas prononcer les excuses officielles demandées par l’Algérie, une telle reconnaissance forte du passé par le pouvoir politique français, légitimée par un travail historique commun, pourrait toutefois être fondatrice d’une nouvelle relation avec l’Algérie, en levant les blocages à la coopération entre nos sociétés et en permettant aux jeunesses de nos deux pays d’envisager pleinement un avenir commun sans haine et sans rancune. Cette initiative est probablement une des dernières chances du président Macron, qui voudrait rester dans l’histoire comme le réconciliateur de la France et de l’Algérie.</p>
<h2>Regarder la vérité historique en face, dans toute sa complexité</h2>
<p>Si on ne peut que se réjouir de la prise de conscience du pouvoir politique français et algérien de la nécessité de passer de la mémoire à l’histoire, un processus d’ailleurs largement entamé dans les travaux de plusieurs générations d’historiens – qu’ils portent sur l’histoire des Algériens avant 1830, la conquête de l’Algérie, l’histoire de la colonisation française, la guerre d’Algérie et sa fin tragique avec les <a href="https://theconversation.com/les-obstinations-nucleaires-des-dirigeants-francais-en-algerie-independante-185050">essais nucléaires français en Algérie</a>, le massacre du 17 octobre 1961, l’abandon des harkis, les massacres d’Oran… –, une telle commission sera amenée à évoquer la douloureuse question des responsabilités étatiques au plus haut sommet de l’État.</p>
<p>Elle ne peut éluder la séquence de la fin de la guerre d’Algérie et devra affronter le regard de la statue de commandeur du général de Gaulle, le dernier grand homme d’État français du XX<sup>e</sup> siècle, sans oublier les non-dits de la mémoire officielle algérienne. Cette prise en compte globale de l’histoire franco-algérienne est indispensable pour deux nations condamnées dans tous les cas par cette même histoire traumatique à avoir un avenir commun.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189658/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Alcaraz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
À Alger, Emmanuel Macron a discuté avec Abdelmadjid Tebboune d’enjeux gaziers, de lutte contre le djihadisme, d’immigration et d’histoire. Un rapprochement durable est-il possible ?
Emmanuel Alcaraz, Docteur en histoire, Agrégé d'histoire géographie, Enseignant à Sorbonne Université, Chercheur associé à Mesopolhis(Sciences Po Aix UMR 7064)et à l'IRMC(Institut de recherches sur le Maghreb contemporain, CNRS), Sorbonne Université
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tag:theconversation.com,2011:article/185050
2022-07-04T18:41:57Z
2022-07-04T18:41:57Z
Les obstinations nucléaires des dirigeants français en Algérie indépendante
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/470035/original/file-20220621-24-9kljtw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C13%2C960%2C958&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une explosion dans le massif du Hoggar en mars 1963, soit Émeraude (le 18 mars) soit Améthyste (le 30 mars).</span> <span class="attribution"><span class="source">©Photographe inconnu/ECA/ECPAD/Défense/F63-115 RC19</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les plus hauts responsables français, dont le président de la République Charles de Gaulle, ont envisagé de réaliser des essais nucléaires atmosphériques dans le Sahara algérien après l’indépendance de l’ancienne colonie en 1962. Ces projets, décrits dans des documents récemment mis à la disposition du public, n’ont jamais été menés à bien. Sinon, ils auraient contredit la volonté exprimée à plusieurs reprises par le premier président algérien Ahmed Ben Bella et son gouvernement, opposés aux essais nucléaires atmosphériques dans leur pays et dans le monde.</p>
<p>La publication de l’ouvrage <a href="https://www.puf.com/content/Toxique"><em>Toxique</em></a> (2021), du physicien Sébastien Phillipe et du journaliste d’investigation Tomas Statius, a récemment mis l’accent sur les risques sanitaires et environnementaux résultant du développement de l’arsenal nucléaire français. <a href="https://moruroa-files.org/fr/investigation/moruroa-files">Leurs analyses</a> ont révélé que l’étendue de la contamination radioactive en Polynésie, où la France a procédé à presque deux centaines d’explosions nucléaires atmosphériques et souterraines entre 1966 et 1996, avait été bien plus large que n’avaient voulu l’admettre les autorités.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-des-bombes-en-polynesie-180772">Bonnes feuilles : « Des bombes en Polynésie »</a>
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<p>Ces révélations, ainsi que la tenue d’une table ronde réunissant les membres de la société civile polynésienne, avaient mené à l’ouverture d’un <a href="https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/article.php?larub=371&titre=essais-nucleaires-en-polynesie-francaise">processus inédit de déclassification des archives françaises</a>, sur <a href="https://www.ouest-france.fr/politique/emmanuel-macron/emmanuel-macron-facilite-l-acces-aux-archives-classifiees-dont-celles-sur-la-guerre-d-algerie-7180261">décision du président Emmanuel Macron</a>. L’importance pour le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000021625586/2022-07-01/">droit des victimes à l’indemnisation</a>, un droit établi par le Parlement français depuis 2010, pose des <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2022-2-page-172.htm">questions sur le secret – notamment nucléaire – en démocratie</a>.</p>
<p>La publication en mai de <em>Des Bombes en Polynésie</em>, commande du gouvernement de Polynésie française dirigée par les historiens <a href="https://www.editions-vendemiaire.com/catalogue/nouveautes/des-bombes-en-polynesie-renaud-meltz-alexis-vrignon-dir/">Renaud Meltz et Alexis Vrignon</a>, prolonge l’attention du grand public sur le Pacifique. Bien que la plupart des déclassifications françaises récentes portent également sur la Polynésie, certains documents donnent l’occasion d’interroger les dimensions nucléaires de l’indépendance algérienne, lors de son 60<sup>e</sup> anniversaire.</p>
<h2>Le Sahara algérien, premier site d’essais français</h2>
<p>Entre 1960 et 1966, la France a procédé dans le désert saharien à ses premiers essais nucléaires, <a href="https://information.tv5monde.com/info/algerie-sous-le-sable-du-sahara-le-lourd-passe-nucleaire-francais-417402">17 en tout</a> dont 4 dans l’atmosphère. Ces enjeux nucléaires interagissaient avec la guerre d’indépendance (1954-62), comme explique <a href="https://read.dukeupress.edu/history-of-the-present/article-abstract/9/1/84/155705/No-Hiroshima-in-Africa-The-Algerian-War-and-the">l’historienne Roxanne Panchasi</a>, puis avec la construction du nouvel état algérien. Les explosions françaises en Algérie font maintenant l’objet de travaux <a href="https://h-france.net/fffh/reviews/radiation-affects-three-novels-about-french-nuclear-imperialism-in-algeria/">littéraires</a>, <a href="https://www.architectural-review.com/essays/nuclear-powers-frances-atomic-bomb-tests-in-the-algerian-sahara">architecturaux</a> et <a href="https://www.boell.de/sites/default/files/2020-07/Collin-Bouveret-2020-Sous-le-sable-la-radioactivite.pdf">militants</a>.</p>
<p>Quatre essais aériens eurent lieu sur le site de Reggane, avant que la France ne passe aux essais souterrains dans le site d’In Ekker à partir de 1961. Ces essais souterrains, conçus pour empêcher la fuite des retombées radioactives produites par l’explosion, <a href="https://nsarchive2.gwu.edu/nukevault/ebb433/">n’atteindront pas toujours ce but</a>. Quatre essais souterrains dans le Sahara algérien « <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/rap-oecst/essais_nucleaires/i3571.asp">n’ont pas été totalement contenus ou confinés</a> ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1416817281045352451"}"></div></p>
<p><a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20220319-sahara-alg%C3%A9rien-les-clauses-secr%C3%A8tes-des-accords-d-%C3%A9vian-en-1962">Les accords d’Evian</a>, garantie du cessez-le-feu en Algérie en 1962, ont assuré à la France le droit d’usage des deux sites nucléaires pendant cinq ans. Du moins, selon l’interprétation française : plusieurs décideurs algériens la contestaient. Ce document ne prévoyait aucune disposition interdisant la reprise des essais aériens sur le territoire algérien. Mais, de fait, la France ne les reprit qu’en <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/03/05/toxique-enquete-sur-les-essais-nucleaires-francais-en-polynesie-les-mensonges-de-la-france-dans-le-pacifique_6072003_3232.html">1966, en Polynésie</a>.</p>
<p><a href="https://www.sfhom.com/spip.php?article3910">Le tissage des relations bilatérales</a>, à partir des négociations d’Evian, a permis aux dirigeants du nouvel état algérien de contester les projets nucléaires français les plus néfastes.</p>
<h2>Les retombées françaises et les frontières africaines</h2>
<p>Le choix français de passer aux essais souterrains, à partir de décembre 1961, ne fut pas définitif. Pourquoi un retour à l’atmosphère inquiétait-il ? Après la première explosion française en 1960, des retombées radioactives sont arrivées, à la grande surprise de la France et de ses alliés, au-dessus du Ghana indépendant de Kwame Nkrumah et du Nigeria, colonie britannique sur le point d’acquérir son indépendance.</p>
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<p>Ces deux gouvernements, comme l’ont expliqué séparément les historiens <a href="https://www.cambridge.org/core/books/atomic-junction/908C8667C97132B19B3DA93B90BCD41A">Abena Dove Osseo-Asare</a> et <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13619462.2018.1519426?journalCode=fcbh20">Christopher Hill</a>, s’étaient acharnés à mesurer les traces laissées par les nuages radioactifs français sur leur territoire. D’autres États voisins, comme la Tunisie, s’étaient tournés vers l’Agence internationale de l’énergie atomique (AEIA), puis vers les États-Unis, afin de participer eux aussi à ces mesures. Ils cherchaient des preuves scientifiques des violations françaises de leur souveraineté.</p>
<p>Mais en dépit de ces contestations, plusieurs hauts responsables français, dont Charles de Gaulle, souhaitaient conserver la possibilité d’effectuer des essais sur le site de Reggane. À la fin de l’année 1961, les autorités militaires se refusent à modifier les règles de circulation aérienne au-dessus du site, préférant conserver celles mises en place lors des essais, au motif qu’il n’était alors <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/2150/19610908_-_19760078-72_-_Lettre_de_la_DGA_au_ministre_des_travaux_publics_et_transports_%28Maintien_du_NOTAM_Reggane%29.pdf?1656596734">« pas possible de prévoir les caractéristiques d’éventuelles expérimentations qui pourraient être faites à Reggane »</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/FxJjThpYxmQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">1960 : La bombe atomique française est « sans danger » pour le Sahara (Archive INA).</span></figcaption>
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<p>Au mois de mai 1963, le premier président algérien Ahmed Ben Bella commence à s’impatienter devant le refus de la France de cesser ses activités nucléaires en Algérie. Il s’agit, pour Ben Bella, de la légitimité de son mandat national et de <a href="https://oxford.universitypressscholarship.com/view/10.1093/acprof:oso/9780199899142.001.0001/acprof-9780199899142">sa politique étrangère</a>, les deux étant basés sur son autonomie vis-à-vis de Paris. S’adressant à Jean de Broglie, secrétaire d’État chargé des affaires algériennes, il lui demande si la France peut accélérer son retrait du site de Reggane, considérant qu’elle n’en a plus l’usage. De Broglie refuse de s’engager : des « études » seraient encore à faire pour déterminer s’il est vraiment possible d’accélérer ce retrait.</p>
<p>Ahmed Ben Bella fera la même demande au moins deux fois en 1963 à l’ambassadeur français en Algérie, Georges Gorse, qui lui confirmera la volonté française de garder ce site quelques années encore. Le choix français de conserver le site de Reggane, et la possibilité d’une reprise des essais aériens, inquiétaient sérieusement le président algérien, qui soutenait vivement le traité de Moscou d’interdiction partielle des essais nucléaires (1963), dont la France <a href="https://www.iaea.org/sites/default/files/15403500322_fr.pdf">n’était pas signataire</a>.</p>
<h2>Un cinquième tir atmosphérique ? La volonté française de réactiver Reggane</h2>
<p>Plusieurs documents issus des archives déclassifiées permettent d’affirmer que, malgré les protestations algériennes, des dirigeants français s’apprêtaient probablement à réaliser un nouvel essai atmosphérique sur le site de Reggane durant l’année 1964.</p>
<p>Le général <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1997/12/17/le-general-jean-thiry_3812159_1819218.html">Jean Thiry</a>, responsable des sites d’essais nucléaires français de 1963 à 1969, évoque au printemps de 1963 <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/2151/19630228_-_GR_6_V_9827_-_Lettre_du_G%C3%A9n%C3%A9ral_Thiry.pdf?1656597027">« la réouverture actuellement prévue du polygone d’Hammoudia pour un tir aérien en 1964 »</a>, désignant la zone de tir à côté de Reggane. Thiry et d’autres hauts gradés militaires français s’inquiétaient des capacités françaises à réaliser des essais souterrains après le <a href="https://editionsthaddee.com/reportages/23-les-irradies-de-beryl.html">fameux accident de Béryl</a> en 1962. Les fuites radioactives du tir mal contenu avaient contaminé les ministres Pierre Messmer et Gaston Palewski, des soldats français et des riverains algériens.</p>
<p>Thiry n’était pas seul à en parler. En mars 1963, le général de brigade Plenier, du Génie, évoque <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/2152/19630312_-_GR_6_V_9827_-_Lettre_du_G%C3%A9n%C3%A9ral_Pl%C3%A9nier_au_Ministre_des_Arm%C3%A9es.pdf?1656597060">« la reprise d’expérimentations sur la protection à l’occasion d’un tir aérien prévu vers le début 1964 »</a>. S’il sait que « ce tir est prévu », il note que son travail « dépend de données non encore fixées sur les conditions du tir » comme l’emplacement ou l’altitude. Le 29 mars 1963, c’est au tour du général de division Labouerie, inspecteur du Génie, de se réjouir : <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/2153/19630329_-_GR_6_V_9827_-_Lettre_du_G%C3%A9n%C3%A9ral_Labouerie_au_Ministre_des_Arm%C3%A9es.pdf?1656597094">« Il se pourrait que des conditions favorables soient réunies à l’occasion de l’explosion aérienne prévue pour 1964. »</a> Ainsi, au moins trois militaires au cœur du programme nucléaire français attendaient impatiemment la réactivation du site de Reggane.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/470036/original/file-20220621-23-w4esjb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/470036/original/file-20220621-23-w4esjb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=597&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/470036/original/file-20220621-23-w4esjb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=597&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/470036/original/file-20220621-23-w4esjb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=597&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/470036/original/file-20220621-23-w4esjb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=750&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/470036/original/file-20220621-23-w4esjb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=750&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/470036/original/file-20220621-23-w4esjb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=750&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une explosion dans le massif du Hoggar en mars 1963, soit Émeraude (le 18 mars) soit Améthyste (le 30 mars).</span>
<span class="attribution"><span class="source">ECA/ECPAD/Défense/F63-115 RC18</span></span>
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<p><a href="https://imagesdefense.gouv.fr/fr/explosion-nucleaire-souterraine-au-cemo-centre-d-experimentations-militaires-des-oasis-dans-le-hoggar-algerie.html"><em>Reportage disponible sur Images Défense</em></a></p>
<p>Il n’y aura finalement pas d’essai en 1964. Lors de <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1964/03/16/la-rencontre-de-gaulle-ben-bella-permettra-de-mieux-adapter-la-cooperation-franco-algerienne_2118967_1819218.html">sa rencontre avec Charles de Gaulle</a> au château de Champs-sur-Marne, au mois de mai 1964, Ahmed Ben Bella avait demandé au président français de ne pas reprendre, si possible, les essais atmosphériques. De Gaulle avait refusé de donner cette garantie. À la fin de l’année 1964, il discutait encore avec ses conseillers de la possibilité de réaliser un tir atmosphérique sur le site de Reggane, s’impatientant de l’entrée en service du Centre d’Expérimentations du Pacifique en Polynésie.</p>
<p>Si la demande d’Ahmed Ben Bella fut finalement respectée, un haut responsable du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), Jean Viard, produisait tout de même en décembre 1966 une <a href="https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/_depot_mdh/_depot_images/TerritoiresExpeditions/Essais_Nucleaires_Polynesie/CEA/S7507098-declassifie.pdf">étude sur la possibilité de réactivation du site</a> – possibilité qu’il ne jugeait alors pas optimale. Pourtant, Charles de Gaulle aurait continué de vouloir conserver le site. Dans une note adressée aux membres de son cabinet en février 1967, il demandait d’étudier la possibilité de maintenir une présence française à Reggane, site qui ne pouvait servir, sans des travaux importants, qu’à des essais atmosphériques.</p>
<h2>Les archives nucléaires et l’indépendance algérienne</h2>
<p>Rien n’assurait l’absence d’essais nucléaires atmosphériques en Algérie indépendante. Les déclassifications récentes révèlent des études françaises pour leur reprise, malgré les protestations venues des plus hauts niveaux du nouvel État algérien. Toujours voilée par le secret, la prise de décision se prolongea jusqu’au transfert français des deux sites sahariens aux autorités algériennes en 1966 et 1967.</p>
<p>Certaines archives, notamment des fonds militaires et diplomatiques de l’époque, restent indisponibles pour la recherche historique. Des aperçus suggèrent l’importance de cet épisode, des projets abandonnés pendant des négociations bilatérales, pour le programme nucléaire militaire français, pour le nouvel État algérien et pour les relations entre ces deux pays. Le nouvel accès aux archives nucléaires françaises, malgré ses lacunes, commence à illuminer des enjeux méconnus du 60<sup>e</sup> anniversaire de l’indépendance algérienne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185050/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Fraise a reçu des financements du Conseil Européen de la Recherche (ERC) au titre du programme-cadre de l’Union européenne pour la recherche et l'innovation Horizon 2020 (projet NUCLEAR, convention de subvention n° 759707). Cet article est issue de son travail de recherche doctorale.. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Austin R. Cooper a reçu des financements du programme Fulbright-Hays Doctoral Dissertation Research Abroad (convention n° P022A200009-004). Cet article est issue de son travail de recherche doctorale.</span></em></p>
La France a utilisé le Sahara algérien pour effectuer ses premiers essais nucléaires. Un choix qui irrite le tout jeune État algérien, dont l’indépendance date du 5 juillet 1962.
Thomas Fraise, Doctorant au sein du projet ERC NUCLEAR, Nuclear Knowledges/CERI, Sciences Po
Austin R. Cooper, Postdoctoral fellow, Massachusetts Institute of Technology (MIT)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/183414
2022-06-17T13:35:57Z
2022-06-17T13:35:57Z
Pourquoi fait-il froid la nuit dans les déserts chauds ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/468990/original/file-20220615-14-1zff63.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C5661%2C4000&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Campement dans le désert du Sahara.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/684FPBKzX-M">Tomáš Malík/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les déserts comme le Sahara, le Kalahari, ou le grand désert australien sont le lieu de très fortes amplitudes thermiques sur une journée.</p>
<p>Alors que la température peut atteindre une cinquantaine de degrés sous un soleil de plomb du Sahara dans une ville comme Djanet en Algérie, celle-ci peut descendre d’une trentaine de degrés la nuit suivante.</p>
<p>Comment se fait-il qu’en certains lieux, comme dans les îles au milieu de l’océan la température ne varie quasiment pas entre le jour et la nuit alors qu’en d’autres comme les déserts la variation de température est si forte ?</p>
<h2>Conduction, convection et rayonnement</h2>
<p>Les transferts de chaleur s’effectuent selon trois modalités. La conduction, qui correspond à un transport de chaleur dans la matière des hautes vers les basses températures, la convection, qui est un transfert de chaleur associé à un mouvement de fluide et le rayonnement qui correspond à un transfert d’ondes électromagnétiques entre corps chauffés. Pour prendre en compte les échanges thermiques, il convient de prendre en compte également l’inertie thermique qui désigne la capacité d’un matériau à emmagasiner de la chaleur.</p>
<p>Le bilan thermique dans les déserts est fortement dominé par les échanges radiatifs (liés au rayonnement thermique). Sur Terre, la principale source d’énergie provient du soleil qui est un corps dont la température de surface est de 6000 °C et qui émet du rayonnement dans le domaine visible.</p>
<p>De jour, en l’absence de couverture nuageuse comme sur n’importe quel point à la surface de la planète, le sol du désert reçoit et absorbe le rayonnement thermique du soleil. Comme tout corps chauffé à des températures ordinaires, le sol chauffé émet lui principalement dans le domaine infrarouge et rayonne vers l’atmosphère terrestre et le ciel. Or, si l’atmosphère terrestre est bien transparente pour le rayonnement visible, tel n’est pas le cas pour le rayonnement infrarouge. L’atmosphère empêche en effet une partie de ce rayonnement de repartir vers l’espace. C’est le fameux effet de serre qui permet à notre planète d’avoir une température moyenne de 15 °C, qui serait de -18 °C en l’absence de ce phénomène. De jour, l’absorption du rayonnement solaire est bien supérieure à l’émission du sol à travers l’atmosphère si bien qu’au final le sol chauffe sur une faible épaisseur dizaine de centimètres. La nuit, l’absorption du rayonnement solaire n’a plus lieu et le sol se refroidit vers le ciel à travers l’atmosphère.</p>
<h2>Une atmosphère plus ou moins transparente</h2>
<p>La transparence de l’atmosphère dépend de plusieurs paramètres. Elle dépend du rayonnement considéré (visible, infrarouge), de la concentration en certains gaz à effets de Serre (CO<sub>2</sub>, Méthane, Vapeur d’eau), de son épaisseur et de la couverture nuageuse. Ainsi, dans l’infrarouge, plus l’atmosphère est sèche et plus l’atmosphère est fine (par exemple en altitude) plus elle sera transparente. Au contraire, une atmosphère contenant des nuages est pratiquement opaque au rayonnement infrarouge. Dans un désert l’humidité peut descendre à des niveaux très bas l’été jusqu’à quelques pourcents d’humidité relative. Dans ces conditions l’atmosphère est quasiment transparente si bien que le sol échange directement avec l’espace dont la température n’est que de quelques degrés au-dessus du zéro absolu. Les conditions sont alors réunies pour un refroidissement radiatif très important.</p>
<p>D’autres paramètres peuvent encore augmenter ce phénomène. Tout d’abord, l’émission thermique du sol dépend de sa composition. Le sable et la neige émettent ainsi beaucoup plus que la végétation notamment celle constituant les plaines et les forêts. D’autre part, la présence de vent accroît les échanges entre l’air et le sol.</p>
<p>Nous sommes alors en présence d’un transfert thermique par convection. Si au cours de la nuit l’air devient plus chaud que le sol, celui-ci réchauffera le sol et réduira donc son refroidissement. Au contraire, l’absence de vent réduira les transferts par convection et conduira à des conditions très favorables au refroidissement.</p>
<p>De plus, le sable constituant le sol du désert a une inertie thermique relativement faible. Autrement dit, la quantité de chaleur stockée par le sable chauffé à une certaine température est plus faible que pour un matériau comme de la terre, humide, du béton ou de l’eau. Pour un refroidissement donné, plus la quantité de chaleur stockée est faible et plus l’évacuation de la chaleur s’effectuera rapidement conduisant à une baisse brutale de la température durant la nuit. Ainsi, la faible humidité des déserts, leur absence de couverture nuageuse et leur constitution d’un matériau très émissif et présentant une faible inertie thermique sont responsables du fort refroidissement nocturne et de la grande amplitude thermique observée dans ces espaces.</p>
<p>Les considérations précédentes permettent également d’expliquer d’autres situations ou l’amplitude thermique journalière peut être très importante. Ainsi le village de Mouthe (Doubs) dans le massif du Jura détient le record de froid (-36,7 °C) et d’amplitude thermique journalière en France (37,8 °C). Sa situation l’hiver sur un plateau enneigé en fait un site qui émet fortement vers l’espace quand l’humidité est très faible. Cette configuration de plateau est également plus favorable à l’absence de vent contrairement à celle de communes de montagnes où des différences de température à des altitudes variables déclenchent des courants de convection atténuant le refroidissement du sol.</p>
<p>A contrario les îles comme Ouessant qui connaissent moins d’un jour de gel par sont connues pour être des lieux de faible amplitude thermique. Ouessant a un climat très venteux, nuageux et est située au milieu de la mer. L’océan dont la température est uniforme sur une grande épaisseur possède une forte inertie thermique. Sa température ne varie pratiquement pas à l’échelle de la journée. Au final, les conditions pour un fort refroidissement nocturne (absence de vent, nuit claire, faible humidité et faible inertie thermique) ne sont quasiment jamais réunies. Tous ces éléments qui limitent le refroidissement radiatif font que la température dans les îles et plus généralement en bord de mer varie beaucoup moins à l’échelle de la journée qu’à l’intérieur des terres.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183414/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Karl Joulain a reçu des financements de la fondation de recherche pour l'aéronautique et l'espace. </span></em></p>
Des variations de température extrêmes dans les déserts et très faibles sur certaines îles. Explications physiques.
Karl Joulain, Professeur de physique et d'énergétique, Université de Poitiers
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/178335
2022-03-22T19:44:08Z
2022-03-22T19:44:08Z
Ce que change l’accord de coopération sécuritaire entre le Maroc et Israël
<p>Le 24 novembre dernier, le Maroc et Israël ont signé un <a href="https://information.tv5monde.com/info/le-maroc-et-israel-signent-un-accord-de-cooperation-securitaire-433753">accord de coopération sécuritaire</a>. Cet accord, qui prévoit un volet sur la coopération dans l’industrie militaire, pourrait donner un avantage technologique et militaire au Maroc <a href="https://www.liberation.fr/international/le-maroc-signe-un-accord-securitaire-avec-israel-et-irrite-lalgerie-20211126_C2BKJKTKJVGX5KOZ42WQ2PHUZM/">par rapport au voisin algérien</a>, d’autant que son budget militaire (12,8 milliards de dollars) pourrait surpasser celui de l’Algérie dès 2022.</p>
<p>L’accord fait suite <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/05/13/resurgence-du-conflit-israelo-palestinien-les-nouveaux-allies-arabes-d-israel-sur-la-corde-raide_6080102_3210.html">aux accords d’Abraham</a> de novembre 2020 qui avaient scellé les relations diplomatiques entre Rabat et Tel-Aviv en échange de la reconnaissance par l’administration Trump de la <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/conflit-du-sahara-occidental-la-reconnaissance-de-la-souverainete-marocaine-par-trump-n-rien">« marocanité » du Sahara occidental</a>. Depuis, Rabat a aussi créé une <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/02/22/le-maroc-cree-une-region-militaire-a-sa-frontiere-avec-l-algerie_6114729_3212.html">nouvelle région militaire</a> le long de sa frontière orientale avec l’Algérie, augmentant ainsi la présence d’armes et de soldats des deux côtés de la frontière.</p>
<p>La signature de l’accord a encore dégradé les rapports, déjà très tendus, entre le Maroc et l’Algérie. En août dernier, Alger a <a href="https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20210824-l-alg%C3%A9rie-rompt-ses-relations-diplomatiques-avec-le-maroc-ministre-alg%C3%A9rien-des-affaires-%C3%A9trang%C3%A8res">rompu ses relations diplomatiques</a> avec Rabat, suite à une escalade d’incidents émanant du Makhzen (le pouvoir marocain). Parmi ces incidents, on retrouve notamment les écoutes d’officiels algériens à l’aide du <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/07/23/l-algerie-condamne-l-utilisation-par-le-maroc-de-pegasus-et-se-dit-profondement-preoccupee_6089282_3212.html">logiciel espion israélien Pegasus</a> ou l’appel de l’ambassadeur du Maroc aux Nations unies en faveur de <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20210719-les-propos-d-un-responsable-marocain-sur-la-kabylie-f%C3%A2chent-l-alg%C3%A9rie">l’autonomie de la Kabylie</a> – une ligne rouge pour Alger.</p>
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<p>Analyser l’accord israélo-marocain à travers le seul prisme algéro-marocain serait toutefois une erreur d’appréciation. En réalité, les pays du pourtour méditerranéen, à commencer par l’Espagne, sont eux aussi concernés.</p>
<h2>La bonne image internationale du Maroc va-t-elle s’éroder ?</h2>
<p>Jusqu’à présent, le Maroc a <a href="https://www.maghreb-intelligence.com/parlement-francais-le-maroc-constitue-un-pole-de-stabilite-malgre-la-persistance-de-tensions-socio-economiques/">bénéficié d’une image d’allié fiable</a> auprès de la communauté internationale, en dépit du fait qu’il soit le <a href="https://www.20minutes.fr/monde/2997127-20210312-premier-producteur-mondial-haschich-maroc-veut-legaliser-cannabis-therapeutique">premier exportateur mondial de cannabis</a> et que son occupation du Sahara occidental depuis le retrait de l’Espagne de ce territoire en 1975 soit <a href="https://www.icj-cij.org/en/case/61">illégale au regard du droit international</a>.</p>
<p>La nouvelle <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/maroc/le-maroc-achete-un-systeme-de-defense-israelien-en-pleine-tension-avec-l-algerie_4857375.html">coopération militaire</a> en devenir entre Rabat et Tel-Aviv pourrait bien changer la donne.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le ministre israélien de la Défense Benny Gantz au Maroc pour une visite historique (France 24, 24 novembre 2021).</span></figcaption>
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<p>En effet, enhardi par ses nouvelles relations avec Israël et, par ricochet, avec Washington, le Maroc pourrait bien se montrer encore plus agressif dans son <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/tensions-entre-lespagne-et-le-maroc-sur-la-question-du-sahara-occidental-1320094">face-à-face avec l’Espagne</a>.</p>
<p>Rappelons que, avant même la signature de cet accord, le Makhzen n’avait pas hésité, en mai 2021, à envoyer près de 8 000 jeunes Marocains, dont des bébés, inonder l’enclave espagnole de Ceuta, ce qui avait incité les autorités espagnoles à dénoncer une <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/05/20/migrants-a-ceuta-l-espagne-accuse-le-maroc-d-agression-et-de-chantage_6080868_3210.html">« agression » et un « chantage »</a>. Selon bon nombre d’observateurs, cette opération marocaine était avant tout due à la <a href="https://ecfr.eu/article/this-time-is-different-spain-morocco-and-weaponised-migration/">volonté du pouvoir de Rabat de faire diversion</a> auprès de sa propre population, en proie à de <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/02/18/nous-n-avons-plus-aucun-revenu-l-arret-de-la-contrebande-plombe-l-economie-du-nord-du-maroc_6070448_3212.html">graves difficultés socio-économiques</a>.</p>
<p>Comme le soulignait justement le politologue José Ignacio Torreblanca dans le quotidien espagnol <a href="https://www.elmundo.es/opinion/2021/05/18/60a3e4a2fc6c83a70e8b4575.html"><em>El Mundo</em></a>, rappelant le précédent de la <a href="https://www.lopinion.ma/Marche-Verte-Chronologie-d-une-epopee-fondatrice-du-patriotisme-marocain_a20489.html">« marche verte » de 1975</a>, lorsque 350 000 civils et militaires marocains avaient, déjà, marché jusqu’au Sahara occidental afin de l’occuper, le Makhzen n’en était pas à son coup d’essai dans son utilisation de sa population à des fins de politique nationale et de renforcement du trône.</p>
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<figcaption><span class="caption">Crise migratoire Maroc/Espagne : retour au calme à Ceuta, tensions entre Rabat et Madrid, France 24, 21 mai 2021.</span></figcaption>
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<p>Cette crise des migrants rappelait aussi que l’interdépendance créée par la globalisation peut être détournée et utilisée comme une stratégie de <a href="https://ecfr.eu/special/connectivity_wars/">« guerre de connectivité »</a> au lieu de contribuer au développement. La Turquie de Recep Erdogan avait utilisé les <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/migrants/les-migrants-sont-devenus-les-armes-de-guerre-non-letales-du-regime-turc-estime-le-politologue-ahmet-insel_3849539.html">mêmes méthodes</a> en laissant passer des milliers de migrants en Europe, exerçant ainsi une pression sur les pays européens mais démontrant aussi l’interdépendance entre l’UE et la Turquie. Plus près de nous, les sanctions économiques imposées à la Russie par l’UE, les États-Unis et les Nations unies soulignent elles aussi que la globalisation a rendu les pays profondément interdépendants et donc, aussi, plus vulnérables.</p>
<p>Les Espagnols, qui n’ont pas oublié par ailleurs l’intrusion d’éléments militaires marocains [sur l’île espagnole de Perejil en juillet 2002], ne sont pas les seuls à avoir eu maille à partir avec Rabat ces dernières années. Ce fut également, et récemment encore, le cas des <a href="https://www.lefigaro.fr/international/d-ou-vient-la-crise-diplomatique-entre-l-allemagne-et-le-maroc-20210304">Allemands</a> et des Français, qui auraient eux aussi été <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/l-enquete-des-matins-du-samedi/scandale-pegasus-l-embarras-francais-vis-a-vis-du-maroc">espionnés par le Maroc à l’aide du logiciel Pégasus</a>.</p>
<h2>La nécessaire mise à jour du logiciel géopolitique européen</h2>
<p>L’incident de Ceuta en mai 2021 avait mis en évidence « la réalité d’un pouvoir à l’inquiétante régression autoritaire » comme l’avait souligné à l’époque l’éditorial du journal <em>Le Monde</em>, qui invitait à <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/05/21/crise-des-migrants-a-ceuta-il-est-temps-de-sortir-d-une-certaine-naivete-dans-le-regard-porte-sur-le-maroc_6081001_3232.html">« sortir d’une certaine naïveté dans le regard porté sur le Maroc »</a>.</p>
<p>Les différentes <a href="https://www.bladi.net/maroc-manifestations-accord-militaire-israel,88495.html">manifestations dans les rues marocaines</a> condamnant la venue au Maroc du ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, en novembre dernier, révèlent, pour leur part, un profond fossé entre le peuple et le palais royal. Illustration de ce fossé : des manifestants sont allés jusqu’à <a href="https://www.youtube.com/watch?v=-oWBzmp0FGg">jeter des pierres sur un portrait géant de Mohammed VI</a>. Geste impensable au Maroc il y a encore peu !</p>
<p>Les <a href="https://lvsl.fr/repression-des-mouvements-du-rif-par-letat-marocain-aux-origines-de-la-fracture/">manifestations</a> récurrentes pour la liberté et la dignité, dans la région du Rif, économiquement délaissée par le pouvoir central de Rabat, pourraient elles aussi s’accentuer. La réponse des autorités marocaines consistant à multiplier les poursuites et les arrestations contre les manifestants ne fait que renforcer le mouvement, qui ne plie pas. Plus encore, la nouvelle alliance avec Israël risque fort d’être la goutte qui fait déborder le vase, non seulement pour le Rif mais pour de nombreux Marocains, aux yeux desquels ce rapprochement entre Rabat et Tel-Aviv constitue une <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20210513-le-maroc-embarras%C3%A9-par-les-manifestations-anti-isra%C3%A9liennes-dans-le-pays">trahison de la cause palestinienne</a>. La continuation des manifestations du Rif pourrait bien <a href="https://www.courrierinternational.com/article/maroc-la-revolte-du-rif-sinvite-la-fete-du-tron">déstabiliser le trône chérifien</a> et susciter une répression sanglante, qui déboucherait inévitablement sur une vague de migration marocaine vers l’Europe.</p>
<p>Sur le plan régional, l’accord avec Israël risque également d’avoir des conséquences importantes. Le Maroc étant mieux armé et donc davantage susceptible d’entrer dans un conflit militaire, même minime, <a href="https://www.lemonde.fr/blog/filiu/2021/12/26/le-risque-en-2022-dun-conflit-entre-lalgerie-et-le-maroc/">avec l’Algérie</a> ou avec le Front Polisario au Sahara occidental, le Maghreb, mais aussi le Sahel et l’Afrique francophone dans sa globalité, pourraient se voir entraînés dans une spirale d’instabilité dont les ondes de choc se feront sentir jusqu’au cœur de l’Europe à moyen et long terme. Car une déstabilisation de l’Afrique du Nord aura pour conséquence inévitable une vague migratoire vers l’Europe d’une ampleur jamais vue précédemment. De plus, du fait de l’importance de la communauté franco-maghrébine vivant en France, un conflit armé algéro-marocain, même de basse intensité, ne pourrait que se répercuter dans l’Hexagone.</p>
<p>Par ailleurs, cet armement marocain aux portes de l’Europe qui <a href="https://www.middleeastmonitor.com/20211204-spain-concerned-about-israel-morocco-rapprochement/">inquiète Madrid</a> risque aussi de créer des tensions diplomatiques et des divisions au sein même de l’Union européenne entre les pays qui soutiennent systématiquement Rabat, comme la France, et d’autres, comme l’Allemagne, qui souhaiteraient voir plus de fermeté vis-à-vis du Maroc.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1368864229382578177"}"></div></p>
<p>Si leur attention est actuellement rivée sur l’Ukraine, il serait sans doute judicieux pour les Européens, et spécialement pour la France, de s’interroger si la <a href="https://www.lemonde.fr/livres/article/2011/04/26/la-diplomatie-de-connivence-de-bertrand-badie_1513006_3260.html">politique de connivence</a> décrite par le politologue Bertrand Badie est toujours justifiée à l’égard du Maroc. Paris, tout spécialement, pourrait se positionner comme un interlocuteur et un partenaire crédible dans tout le Maghreb s’il mettait un terme à son soutien inconditionnel à l’occupation marocaine du Sahara occidental. Une évolution qui serait d’autant plus utile que, à l’heure où les Européens cherchent une alternative au gaz russe, <a href="https://www.algerie360.com/lalgerie-peut-elle-remplacer-le-gaz-russe-en-europe/">l’Algérie</a> peut se révéler un allié précieux dans ce domaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178335/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Abdelkader Abderrahmane est senior researcher a I'institut d'études de sécurité (ISS) et non-resident fellow au sein de l'Atlantic Council. </span></em></p>
Cet accord, qui renforce le Maroc face à l’Algérie, a fait naître quelques inquiétudes dans plusieurs pays d’Europe.
Abdelkader Abderrahmane, Senior researcher, Institute for Security Studies
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/170160
2022-02-23T18:35:01Z
2022-02-23T18:35:01Z
Pourquoi le voilement du corps des femmes est au cœur du projet des islamistes
<p>Au Maghreb, durant l’année 2021, des cérémonies incitant les adolescentes et les étudiantes à se voiler ont été organisées. En <a href="https://www.businessnews.com.tn/D%C3%A9sormais,-en-Tunisie,-le-port-du-voile-%C3%A7a-se-f%C3%AAte-!537,109467,3">Tunisie</a> et en <a href="https://www.youtube.com/watch?v=bEYIV9DwHiE">Algérie</a> des jeunes filles fraîchement voilées ont été récompensées dans une ambiance festive.</p>
<p>Une <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/11/03/une-campagne-du-conseil-de-l-europe-celebrant-la-diversite-et-la-liberte-dans-le-hijab-retiree_6100773_823448.html">campagne pro-hijâb</a> a également été récemment mise en place au sein du Conseil de l’Europe par les <a href="https://dial.uclouvain.be/downloader/downloader.php?pid=boreal%3A91446&datastream=PDF_01">organisations fréristes</a> (<a href="https://www.lepoint.fr/debats/tribune-la-propagande-pro-hidjab-du-conseil-de-l-europe-est-inacceptable-03-11-2021-2450445_2.php">Frères musulmans</a>) européennes.</p>
<p>Autant d’évènements qui semblent témoigner d’une recrudescence de l’activisme islamiste qui fait du voile son fer de lance. Le voilement des femmes est en effet au fondement de <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/egypte/egypte-quand-nasser-se-moquait-du-voile-c-etait-il-y-a-plus-de-50-ans_3066035.html">l’idéologie islamiste</a> qui se développe après la naissance, en 1928 en Egypte, de l’association des Frères musulmans fondée sur la revendication de la création d’un <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-histoire/Le-Prophete-et-Pharaon">État islamique</a> basé sur la « loi islamique » (<em>charî’a</em>).</p>
<p>Pour ne pas tomber dans le travers de la rhétorique islamiste, assimilant toute critique du voile à de l’islamophobie, il nous paraît utile d’adopter une <a href="https://lemonde-arabe.fr/15/10/2018/leila-tauil-feminisme-arabe-maroc-tunisie/">approche historique</a> du phénomène du voile, en contextes musulmans et ailleurs, en vue d’en comprendre sa complexité.</p>
<h2>Les premières féministes arabes anticoloniales et anti-voile</h2>
<p>Les premières associations féministes arabes et maghrébines, qui apparaissent durant les années 1920-1930 dans un contexte de colonisation, s’engagent en faveur de l’accès à l’éducation et aux fonctions sociales et politiques des femmes tout en s’investissant systématiquement dans le combat anticolonial.</p>
<p>Elles s’opposent également avec force au voilement de la gent féminine – <a href="https://www.letemps.ch/culture/leyla-belkaid-une-femme-voiles">voile social</a> dénué de connotation religieuse sous la forme d’un drapé, à l’image du haïk et du safsari au Maghreb, porté indistinctement par les femmes musulmanes, chrétiennes et juives en contextes islamiques – car elles comprennent l’enjeu de la place du corps des femmes dans l’espace public.</p>
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<span class="caption">Leyla Belkaïd, Voiles, Ed. Vestipolis, 2009.</span>
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<p>Elles décident de s’inscrire dans un rapport d’égalité avec les hommes qui ne font pas l’objet de la même contrainte vestimentaire. A l’image du dévoilement spectaculaire de la féministe égyptienne <a href="https://www.persee.fr/doc/mcm_1146-1225_1998_num_16_1_1184">Huda Sharawi</a> en 1923, suivi par une vague de dévoilement, ces pionnières transgressent les normes patriarcales en s’engageant publiquement débarrassées de leurs voiles comme la tunisienne Bchira Ben Mrad et la marocaine Malika Al Fassi qui créent les premiers <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-feminismes_arabes_un_si%C3%A8cle_de_combat_les_cas_du_maroc_et_de_la_tunisie_leila_tauil-9782343146430-59538.html">mouvements de femmes</a> durant les années 1930.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/442011/original/file-20220121-19-yaectt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442011/original/file-20220121-19-yaectt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442011/original/file-20220121-19-yaectt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442011/original/file-20220121-19-yaectt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442011/original/file-20220121-19-yaectt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1168&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442011/original/file-20220121-19-yaectt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1168&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442011/original/file-20220121-19-yaectt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1168&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Leyla Belkaïd, Voiles, Ed. Vestipolis, 2009.</span>
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<p>Face au phénomène de dévoilement apparaît dès la fin des années 1920, dans les milieux de l’islam conservateur et de l’islam politique naissant, un nouveau type de discours sur le voile, le hijâb, fondé sur un argumentaire religieux. Ce dernier n’a toutefois qu’un impact restreint au sein de la population et est surtout arboré par les premières femmes islamistes telles que l’égyptienne <a href="https://experts.illinois.edu/en/publications/an-islamic-activist-zaynab-al-ghazali">Zaynab al-Ghazali</a> qui crée, en 1936, l’Association des Femmes musulmanes, aile féminine de la confrérie des Frères musulmans.</p>
<p>En réaction à cette volonté conservatrice de contrôler religieusement le corps des femmes, des féministes se positionnent courageusement. Parmi elles, la libanaise druze Nazîra Zayn al-Dîn qui fait preuve d’une audace intellectuelle subversive, dans la lignée des théologiens réformistes, en publiant en 1928 un ouvrage, <a href="https://www.cairn.info/revue-le-mouvement-social-2010-2-page-123.htm">Voile et dévoilement (al-Sufûr wa-l-hijâb)</a> qui déconstruit théologiquement le postulat du voile obligatoire et provoque durant une vingtaine d’années des débats sociétaux féconds entre féministes et autorités religieuses.</p>
<p>Au moment des indépendances, l’abandon progressif et généralisé du voile social traditionnel se banalise dans les sociétés travaillées par le <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/histoire-des-peuples-arabes-albert-hourani/9782020200011">panarabisme de gauche</a> – projet politique prônant l’unité du monde arabe incarné par le président égyptien Gamal Abdel Nasser – où de nombreuses femmes jusque dans les années 1980 occupent l’espace public, la tête nue, comme en témoignent de nombreuses archives.</p>
<h2>La visibilité politique des courants islamistes</h2>
<p>C’est à partir des années 1980 que le succès de l’islamisme (islam politique) et de la <a href="http://www.sudoc.abes.fr/cbs/xslt/DB=2.1//SRCH?IKT=12&TRM=003007812">réislamisation</a> (islamisation des mœurs), après l’échec du panarabisme fondé sur une modernisation mais sans démocratisation, s’accompagnent d’un <a href="https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2006-4-page-89.htm">voilement massif des femmes</a>. Dès lors, le port du nouveau voile (hijâb) garantit « la visibilité politique des courants islamistes ».</p>
<p>En une vingtaine d’années, les acteurs islamistes et de la réislamisation ambitionnent de <a href="https://www.histoire-immigration.fr/opac/38079/show">contrôler le corps</a> – assimilé à une nudité à cacher – d’une grande partie de la gent féminine en diffusant à grande échelle et de manière récurrente le postulat du voile obligatoire en associant « la femme voilée » à « la bonne musulmane », via les associations, les mosquées, les chaînes satellites et les réseaux sociaux.</p>
<p>A l’image de <a href="https://www.worldcat.org/title/global-mufti-the-phenomenon-of-yusuf-al-qaradawi/oclc/611131071">Youssef Al-Qaradawi</a>, ténor de la confrérie des Frères musulmans ayant contribué à la réislamisation frériste de la « masse orthodoxe » en animant une émission religieuse sur la <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/2004/08/30/al-qaradawi-l-islam-a-l-ecran_377155_1819218.html">chaîne Al-Jazira</a> suivie par plusieurs millions d’arabophones, qui participe explicitement au voilement massif des femmes musulmanes.</p>
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<figcaption><span class="caption">Dans cette vidéo, cheikh Qaradawi explique le caractère « obligatoire » du hijab.</span></figcaption>
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<p>Les femmes non-voilées, à partir des années 1980 font l’objet d’une <a href="https://journals.openedition.org/ema/1473">disqualification</a> islamiste banalisée et répandue, au sein des sociétés musulmanes et ailleurs, qui les assimile à des mutabarijât – concept coranique désignant les femmes païennes préislamiques aux « mœurs légères » – entraînant un voilement tant des militantes réislamisées que des femmes « ordinaires ».</p>
<p>Nos <a href="https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=65477">recherches de terrain</a>, entre 2006 et 2011, portant sur les discours des acteurs fréristes et salafistes influents d’Europe et du monde arabe, montrent que le phénomène du voilement massif des jeunes filles et des femmes est directement lié à <a href="https://www.academia.edu/43926061/Entretien_avec_Le%C3%AFla_Tauil_sur_lactualit%C3%A9_de_son_ouvrage_Les_femmes_dans_les_discours_fr%C3%A9ristes_salafistes_et_f%C3%A9ministes_islamiques_Une_analyse_des_rapports_de_force_genr%C3%A9s">l’activisme des tenants de l’islamisme et de la réislamisation</a> en contextes musulmans et ailleurs.</p>
<p>En effet, le <a href="https://irel.ephe.psl.eu/ressources-pedagogiques/comptes-rendus-ouvrages/femmes-au-miroir-lorthodoxie-islamique">voilement du corps de la gent féminine</a> s’inscrit dans le projet de société islamiste – ayant pour modèle de société la période médinoise mythifiée du VII<sup>e</sup> siècle – fondé sur une morale sexuelle patriarcale, une assignation des femmes à l’espace privé – en qualité d’épouses et de mères – avec un accès à l’espace public conditionné par le port du voile et la revendication du primat de la « loi islamique » (la charî’a) qui légalise et sacralise l’infériorité de la gent féminine.</p>
<p>A l’image de <a href="https://www.cairn.info/islam-politique-sexe-et-genre--9782130587927.htm">Khomeyni</a> qui contraint les femmes à porter le tchador dès son investiture en 1979, les talibans qui accèdent au pouvoir en Afghanistan en août 2021, imposent le voile et remplacent le ministère des affaires féminines par le ministère de la promotion de la vertu et de la prévention du vice.</p>
<p>En <a href="https://www.karthala.com/2028-les-freres-musulmans-des-origines-a-nos-jours-9782811101688.html">Egypte</a>, terre mère de l’islamisme, la réislamisation par le bas – activisme islamiste visant à islamiser les mœurs via notamment les associations et les universités –, aboutit à un <a href="https://www.lemonde.fr/m-moyen-format/article/2015/06/17/l-egypte-tout-voile-dehors_4655971_4497271.html">voilement généralisé</a> – environ 90 % de femmes sont désormais voilées.</p>
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<figcaption><span class="caption">Manifestation des femmes égyptiennes, 2011.</span></figcaption>
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<p>L’argument d’autorité religieuse relatif au voile obligatoire, mobilisé par tous les acteurs islamistes et de la réislamisation, se fonde sur deux versets coraniques – évoquant la tenue vestimentaire des femmes – qui ne stipulent pourtant nullement la tête à couvrir. De plus, dans l’exégèse coranique médiévale, le voile constitue un signe de distinction sociale entre femmes libres, sommées de le porter, et femmes esclaves, contraintes de l’enlever comme l’attestent les sources scripturaires citées ci-dessous.</p>
<h2>Le voile : signe de distinction sociale entre femmes libres et femmes esclaves</h2>
<p>Le corpus coranique contient 6236 versets dont seuls deux font allusion au vêtement féminin et ne mentionnent aucunement la tête à couvrir, à savoir :</p>
<blockquote>
<p>« Prophète, dis à tes épouses, à tes filles, aux femmes des croyants de revêtir leurs mantes (jalabîbihinna), sûr moyen d’être reconnues et d’échapper à toute offense. Dieu est toute indulgence, Miséricordieux. » (33 : 59)</p>
<p>« Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qu’il en paraît et qu’elles rabattent leur voile (khumurihinna) sur leurs poitrines. » (24 : 31)</p>
</blockquote>
<p>A propos du verset 59 de la sourate 33, l’ensemble des exégètes médiévaux, à l’image du célèbre commentateur At-Tabarî (m. 923), lui confèrent exclusivement une fonction de distinction sociale entre les femmes libres, priées de se revêtir d’une mante, et les femmes esclaves, sommées de s’en défaire en pouvant faire hélas l’objet d’agressions sexuelles.</p>
<blockquote>
<p>« [P]orter la mante montre aux hommes qu’elles ne sont pas des esclaves, ce qui leur éviterait d’être blessées par un dire ou un exposé à une convoitise malsaine. » <a href="https://books.google.ch/books?id=Y09iDwAAQBAJ">(At-Tabarî, m. 923) Ibn Jarir Al Tabary (224-310 H./839-923 J.C.)</a></p>
</blockquote>
<p>Aussi, les femmes voilées dans leur grande majorité, convaincues de se soumettre à une injonction religieuse coranique, ignorent – comme d’ailleurs les <a href="https://www.lesinrocks.com/actu/question-voile-divise-t-feministes-76486-08-04-2016/">féministes post-coloniales</a> qui défendent le droit pour les femmes de porter le voile – la fonction discriminante initiale du voile des femmes libres à l’égard des femmes esclaves présente pourtant dans les sources scripturaires médiévales. En effet, ces dernières comprennent des récits décrivant la violence exercée sur les femmes esclaves, qui osent arborer le voile des femmes libres, par le deuxième calife de l’islam et compagnon du prophète Umar Ibn Khattâb (m. 644).</p>
<blockquote>
<p>« <a href="https://www.lalibrairie.com/livres/encyclopedie-de-la-femme-en-islam-la-tenue-vestimentaire-et-la-parure-de-la-femme-musulmane-vol--4_0-48371_9782909469263.html">Ibn Taymiyya</a> (m. 1328) a dit : ‘‘ Le voile est spécifique aux femmes libres à l’exclusion des esclaves. La pratique des croyants du temps du Prophète et des Califes était ainsi que les femmes libres se voilent tandis que les esclaves restaient découvertes. Lorsque ‘Omar ibn al-Khattâb (que Dieu soit satisfait de lui) voyait une esclave portant le voile, il la frappait en lui disant : ‘‘Sotte, tu t’habilles comme les femmes libres !’’ »</p>
</blockquote>
<p>Par ailleurs, la posture des acteurs de l’islam idéologique, qui assimilent le voile à un acte de foi, est également démentie par les sources religieuses car l’imam Mâlik (m. 796), fondateur d’une des quatre écoles juridiques sunnites, autorise la femme musulmane esclave à prier sans voile.</p>
<blockquote>
<p>« L’imam Malik a dit à propos de la servante qui prie sans voile : ‘‘ Telle est sa tenue habituelle’’. »</p>
</blockquote>
<p>La fonction de distinction sociale du voile entre femmes libres et femmes esclaves, explicitement décrite dans les <a href="https://pdfprof.com/PDF_Doc_Telecharger_Gratuits.php?q=les+causes+et+les+circonstances+de+la+r%C3%A9v%C3%A9lation+des+versets+coraniques/-26PDF30542-">sources scripturaires</a>,est complètement passée sous silence par les acteurs islamistes et de la réislamisation au profit du voile religieusement obligatoire car ils savent pertinemment que, dans la logique chariatique, l’absence d’éléments d’application (ici l’abolition de l’esclavage) entraîne la disparition d’une pratique.</p>
<h2>Fer de lance</h2>
<p>Les acteurs islamistes et de la réislamisation, dans leur projet de société, font du voile leur fer de lance pour, d’une part, contrôler le corps de la gent féminine et, d’autre part, rendre visible l’islamité sur l’espace public dont seules les femmes sont sommées de manifester.</p>
<p>Au-delà du fait que nous respectons la liberté individuelle des femmes voilées, souvent animées par des convictions religieuses sincères, il nous semble important de mettre en lumière le patriarcat sacralisé de l’ensemble des gestionnaires contemporains de l’islam orthodoxe et idéologique. En effet, ces derniers – en dehors des jihâdistes – entretiennent un rapport à géométrie variable avec le corpus coranique acceptant, par exemple, d’historiciser les nombreux versets explicites sur l’esclavage (cf. notamment verset 71 de la sourate 16), le combat armé, le jihâd, (cf. notamment verset 5 et 29 de la sourate 9) mais refusent catégoriquement de discuter du statut du voile, dont les versets sont pourtant plus que discutables, tout en sacralisant et absolutisant les versets relatifs à l’autorité maritale (verset 34 de la sourate 4), à la polygamie (verset 3 de la sourate 4), à l’inégalité successorale (verset 11 de la sourate 4) en vue de maintenir les privilèges masculins.</p>
<p>Enfin, dans les sociétés à majorité musulmane, traversées par l’islamisme et la réislamisation, il existe des féministes qui se positionnent explicitement et publiquement sur cette contrainte vestimentaire touchant exclusivement la gent féminine, à l’image de l’Association tunisienne des femmes démocrates qui déclare : « s’opposer au voile n’est pas rejeter les femmes qui le portent, mais <a href="https://www.vie-publique.fr/catalogue/277874-femmes-et-republique">refuser le voile pour horizon politique pour les femmes</a> ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170160/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Leïla Tauil ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Plusieurs événements semblent témoigner d’une recrudescence de l’activisme islamiste qui fait du voile son fer de lance.
Leïla Tauil, Enseignante-chercheure, Université de Genève
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tag:theconversation.com,2011:article/175123
2022-02-13T19:58:40Z
2022-02-13T19:58:40Z
Au nord comme au sud de la Méditerranée, les quartiers populaires face à la métropolisation
<p>Dans de nombreux pays du monde, les processus de mondialisation et de métropolisation à l’œuvre depuis plusieurs décennies ont entraîné une profonde mutation des villes, plus ou moins inspirée de <a href="https://metropolitiques.eu/Villes-contestees.html">logiques néo-libérales</a>.</p>
<p><a href="https://library.oapen.org/handle/20.500.12657/46385">Nos analyses</a> portent sur des quartiers de diverses villes du bassin méditerranéen abritant des <a href="https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20110913_schwartz.pdf">classes populaires</a>, directement ou indirectement confrontées aux transformations urbaines (éradication des bidonvilles, requalification des centres, rénovation des grands ensembles et régularisation/restructuration des quartiers non réglementaires) et à un urbanisme de grands projets (commerciaux, immobiliers, touristiques ou à finalité patrimoniale) dont l’objectif essentiel est de valoriser le foncier.</p>
<p>Ces dynamiques provoquent des <a href="https://metropolitiques.eu/Renovation-urbaine-et-trajectoires-residentielles-quelle-justice-sociale.html">déplacements contraints</a>, qui se conjuguent aux effets de la <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/la_privatisation_des_services_urbains_en_europe-9782707155566">« privatisation » des services urbains</a>, de la réduction des budgets publics d’équipement des quartiers et des difficultés de transport. Ces effets enclenchent des processus de marginalisation qui exacerbent les inégalités sociospatiales.</p>
<p>Nos <a href="https://marges.hypotheses.org/">travaux de terrain</a>, conduits dans des quartiers représentatifs de ces mutations dans cinq villes au nord de la Méditerranée (Cagliari, Turin, Barcelone, Grenade et Marseille) et sept villes au sud (Rabat, Casablanca, Fès, Alger, Tunis, Istanbul, Ankara) ont mis en évidence la circulation de modèles de gouvernance, de régulations sociales et politiques, et de modes de mobilisation et de résistance aux transformations imposées d’en haut.</p>
<iframe width="100%" height="300px" frameborder="0" allowfullscreen="" src="https://umap.openstreetmap.fr/fr/map/carte-sans-nom_705163?scaleControl=false&miniMap=false&scrollWheelZoom=false&zoomControl=true&allowEdit=false&moreControl=false&searchControl=null&tilelayersControl=null&embedControl=null&datalayersControl=true&onLoadPanel=undefined&captionBar=false"></iframe>
<p><em>Cliquer sur les villes pour des informations sur leur superficie et leur démographie</em>.</p>
<h2>La marginalisation par la stigmatisation</h2>
<p>Dans le cadre de nos recherches, nous avons employé la formule « marges urbaines » : nous entendons par là ces <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-01609138">quartiers populaires</a>, qu’ils se trouvent dans le centre ou en périphérie, qui font l’objet de pratiques de marginalisation et de <a href="https://books.openedition.org/editionsmsh/9204?lang=fr">stigmatisation</a> mises en œuvre par les acteurs urbains dominants. La stigmatisation apparaît comme une violence symbolique particulièrement humiliante, qui affecte la dignité des personnes. Beaucoup d’entre elles finissent par l’intérioriser, certaines par la détourner et d’autres par la combattre.</p>
<p>Souvent, le langage est un premier élément de compréhension, et les expressions utilisées pour <a href="https://passansnous.org/evenements/">désigner ces quartiers</a> reflètent les processus qui, de l’extérieur mais aussi de l’intérieur, fabriquent les valeurs socioculturelles et les registres idéologiques de leurs habitants.</p>
<p>Plusieurs systèmes langagiers participent à une sémantique de la stigmatisation de la marge : les langages savants, administratifs, techniques, juridiques – en un mot, les registres normatifs –, mais tout autant les langages courants, ordinaires, dialectaux ou vernaculaires, créolisés… Lorsqu’elle émane des acteurs dominants – ou de ceux qui n’habitent pas de tels espaces –, la sémantique construit la marge comme problème, en marquant son « a-normalité » et en en écartant toute possibilité de la considérer comme une ressource. Mais, dès lors qu’elle est saisie « de l’intérieur », à partir des paroles et images de ses habitants, la marge se révèle comme un <a href="https://journals.openedition.org/cdlm/729">espace d’appartenance</a>, une ressource, voire un espace d’autonomie normative et politique.</p>
<p>Les langues « administrantes » édictent une vision normative de l’espace. S’y opposent les parlers ordinaires, qui peuvent, selon les cas, intégrer, s’approprier, modifier, contester, inverser ou délégitimer ces discours « d’en haut ». Ces tensions posent la question des liens entre <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-des-Histoires/Surveiller-et-punir">savoir et pouvoir</a> et, plus explicitement, du rapport entre <a href="https://www.pur-editions.fr/product/ean/9782753559035/frontieres-en-tous-genres">domination et dénomination</a>.</p>
<h2>Des quartiers à problèmes aux quartiers à potentiels</h2>
<p>Face aux mutations provoquées par la mondialisation et plus particulièrement par les transformations urbaines, le quartier populaire apparaît comme un <a href="https://library.oapen.org/handle/20.500.12657/46385">territoire-ressource</a> qui prend corps autour des réseaux de sociabilité et de solidarité, ainsi qu’autour des constructions identitaires et mémorielles que ceux-ci génèrent.</p>
<p>Ces constructions assurent la force du quartier et en font, de ce fait, un cadre privilégié de résistance à la marginalisation et d’action politique des habitants.</p>
<p>Le quartier doit régulièrement s’opposer à des politiques publiques qui, quels qu’en soient les objectifs affichés, apparaissent le plus souvent comme des facteurs de déstructuration sociale contrariant les dynamiques d’intégration des populations. L’intégration renvoie ici à un processus, où les individus et leur famille tentent de conjuguer une certaine stabilité économique par le travail et des relations sociales au sein des réseaux de protection rapprochée procurés par le voisinage ou d’autres plus larges. L’objectif pour les ménages étant de s’écarter de la vulnérabilité et de la désaffiliation sociales. L’intégration se joue également à l’échelle du quartier, à travers les <a href="https://www.fayard.fr/sciences-humaines/les-metamorphoses-de-la-question-sociale-9782213594064">stratégies déployées par les populations</a>, pour la reconnaissance de ce territoire.</p>
<p>Les correspondances entre les trajectoires sociospatiales des ménages et les transformations de leurs territoires montrent comment les mutations de ces espaces pèsent sur l’intégration sociale et/ou la marginalisation des habitants. Par exemple, lee déménagement contraint de ménages après la rénovation de leur quartier enclenche des dépenses d’installation et de transport qui fragilisent leur budget.</p>
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<p>Pour les habitants, les changements subis se répercutent sur leurs espaces de vie et leur rapport à la ville, au point qu’ils sont souvent ressentis comme une remise en cause de leur citoyenneté.</p>
<p>Dans les contextes étudiés, la mise en œuvre (matérielle et idéelle) de l’urbanisation plus ou moins néo-libérale, les bouleversements, voire les traumatismes, qu’elle provoque auprès des citadins les moins dotés économiquement et socialement (classes populaires qui ont perdu l’espoir d’ascension sociale et classes moyennes inférieures en situation de déclassement) font qu’ils la ressentent comme l’expression d’une extrême violence, matérielle et/ou symbolique.</p>
<p>Confrontés à ces situations, les habitants des quartiers marginalisés contestent et résistent pour tantôt refuser les évolutions qu’ils estiment leur être imposées, tantôt composer avec les acteurs de ces transformations, qu’ils soient privés ou publics.</p>
<h2>Le long chemin de la reconnaissance de la citoyenneté</h2>
<p>Les habitants défient « l’ordre » de manières multiples, à travers des émeutes, des manifestations, des occupations de lieux publics – soit toutes les actions qui se « donnent à voir » parce qu’elles se déploient dans des <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/pourquoi_se_mobilise_t_on_-9782707152503">arènes publiques</a> – et expriment le mécontentement d’individus, de petits groupes, de communautés spécifiques et généralement limitées à l’échelle du quartier.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/S6QqMHNkNF0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>La <a href="https://archive-ouverte.unige.ch/unige:4324">géographie des résistances</a> met en évidence des évolutions qui se sont traduites par une diversification des modalités d’action, mais aussi, dans des cas particuliers, par des convergences susceptibles d’alimenter des révoltes de grande ampleur, voire des « révolutions ». En Algérie, par exemple, le Hirak a été alimenté en partie par des populations qui avaient déjà manifesté contre leur éviction des bidonvilles ou pour obtenir des logements décents.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/algerie-la-revolution-du-sourire-pacifique-persiste-et-signe-157615">Algérie : la « Révolution du sourire pacifique » persiste et signe</a>
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<hr>
<p>Mais, d’un autre côté, nombre de contestations conduisent leurs initiateurs à des impasses : la résistance peut échouer, soit qu’elle est réprimée plus ou moins violemment, soit qu’elle se délite pour des raisons multiples (y compris des conflits internes).</p>
<p>La recherche de négociations, d’arrangements et de compromis entre les habitants des quartiers populaires et les pouvoirs politiques éclaire sur la fabrique de l’ordre politique. Dans leurs rapports avec l’action des institutions, les acteurs populaires « pénètrent le système », non pas à des fins subversives ou de renversement, mais pour y saisir des opportunités ou pour se protéger contre les risques que la précarité de leur habitat (et de leurs revenus) leur fait courir.</p>
<p>Les mobilisations collectives restructurent l’espace en modifiant les perceptions sociales, culturelles et politiques des habitants. Même lorsqu’elles n’ont pas de réponses aux revendications, elles consolident l’idée du « nous » et débouchent souvent sur des actions collectives du type nettoyage, embellissement, réparation d’une conduite d’eaux usées, etc. Les mobilisations de la période récente sont à replacer dans une filiation, un héritage ou encore une continuité mémorielle.</p>
<p>La <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?gcoi=27246100717390">mémoire protestataire</a> est un moteur particulièrement efficace des luttes, qu’il s’agisse de la mémoire des événements qui les ont composées, des « héros » qui les ont animées ou des hauts lieux où elles se sont déployées. Mais ces luttes visibles, fortement médiatisées et bien étudiées ne doivent pas masquer les résistances qui, pour être plus ordinaires, plus discrètes, plus quotidiennes, n’en contiennent pas moins une prise de risque importante pour ceux qui osent les mettre en œuvre.</p>
<p>Ces mobilisations sont contrariées par le renforcement – à quelques exceptions près – de l’autoritarisme, l’échec des transitions politiques vers la démocratie et la répression de toute contestation politique d’un côté de la Méditerranée et par la montée des extrémismes sur l’autre rive. Ces mobilisations sont pourtant à l’origine de processus d’apprentissage et de politisation ainsi que de chemins singuliers de construction de la citoyenneté au sein des quartiers populaires méditerranéens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175123/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nora Semmoud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Conclusions d’une récente étude conduite dans les quartiers défavorisés de plusieurs villes du pourtour méditerranéen.
Nora Semmoud, Professeur des universités, classe exceptionnelle Directrice de l'UMR 7324 CITERES Membre suppléante nommée de la section 24 du CNU, Université de Tours
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/172796
2021-12-09T18:26:26Z
2021-12-09T18:26:26Z
France-Algérie : l’impasse diplomatique
<p>Le 2 octobre 2021, le journal <em>Le Monde</em> <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/10/02/vous-etes-une-projection-de-la-france-emmanuel-macron-s-adresse-aux-petits-enfants-de-la-guerre-d-algerie_6096830_823448.html">rapporte</a> les propos tenus par Emmanuel Macron lors d’un échange avec des jeunes issus de familles liées à l’histoire de l’Algérie. À cette occasion, le président français critique un système algérien « politico-militaire » qui entretient une « rente mémorielle » et « la haine de la France », et ajoute :</p>
<blockquote>
<p>« La construction de l’Algérie comme nation est un phénomène à regarder. Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? »</p>
</blockquote>
<p>Contre toute attente et de façon incompréhensible, Emmanuel Macron reprend ici des propos que tiennent régulièrement les <a href="https://twitter.com/cnews/status/1445792612846391297">partisans de « l’Algérie française »</a>.</p>
<p>Dans cet <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/france-algerie-le-malaise-des-historiens-apres-les-propos-d-emmanuel-macron_2160348.html">égarement historique</a>, le chef de l’État français, irrité par la <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/tensions-en-mediterranee-erdogan-promet-la-lecon-qu-elle-merite-a-la-grece_2136417.html">politique agressive de son homologue turc Recep Tayyip Erdogan</a> en Méditerranée, ose une comparaison historique erronée entre la <a href="https://journals.openedition.org/insaniyat/14758">colonisation française de l’Algérie</a> et la <a href="https://www.lhistoire.fr/carte/lempire-ottoman-domine-lafrique-du-nord-xvie-xviiie-si%C3%A8cle">domination ottomane sur ce territoire</a> entre le XVI<sup>e</sup> et le XVIII<sup>e</sup> siècle. Il se dit ainsi « fasciné de voir la capacité qu’a la Turquie à faire totalement oublier le rôle qu’elle a joué en Algérie et la domination qu’elle a exercée ».</p>
<p>À Alger, ces propos ont provoqué une vague d’indignation, y compris <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/10/04/a-alger-questions-et-critiques-apres-la-sortie-rugueuse-d-emmanuel-macron-sur-l-algerie_6097091_3212.html">parmi les opposants au régime</a>. La présidence de la République algérienne les qualifie d’<a href="https://www.lavoixdunord.fr/1078994/article/2021-10-03/l-algerie-furieuse-de-propos-irresponsables-attribues-emmanuel-macron">« irresponsables »</a> puis rappelle pour consultation son ambassadeur à Paris, Mohamed-Antar Daoud, et <a href="https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20211003-l-alg%C3%A9rie-interdit-le-survol-de-son-territoire-aux-avions-militaires-fran%C3%A7ais">interdit le survol</a> de son espace aérien aux avions militaires français.</p>
<h2>L’ire algérienne</h2>
<p>Les autorités algériennes exploitent habilement cette crise avec la France, dans l’espoir de restaurer un semblant de légitimité <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/le-zoom-de-la-redaction/le-zoom-de-la-redaction-du-mercredi-16-juin-2021">après la contestation portée par le Hirak</a>, un mouvement pacifique qui aspire à une transition démocratique.</p>
<p>Dans les médias et sur la toile, des propos incendiaires sont tenus contre la France et sa persistance à nier l’existence d’une <a href="https://www.jeuneafrique.com/1247481/politique/algerie-france-y-avait-il-une-nation-algerienne-avant-la-colonisation-francaise/">Algérie précoloniale</a>.</p>
<p>Ainsi, dans un <a href="https://www.spiegel.de/international/world/algerian-president-abdelmadjid-tebboune-you-can-t-question-a-p3eople-s-history-and-you-can-t-insult-the-algerians-a-44033dcb-53b4-4660-8e24-44aff8756c2e">entretien</a> accordé le 6 novembre 2021 à <em>Der Spiegel</em>, le <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/algerie-abdelmadjid-tebboune-un-apparatchik-devenu-president-336981">président Tebboune</a> souligne que « Macron a rouvert un vieux conflit de manière totalement inutile » et précise, concernant une éventuelle réconciliation :</p>
<blockquote>
<p>« Je ne serai pas celui qui fera le premier pas… Aucun Algérien n’accepterait que je contacte ceux qui nous ont insultés. »</p>
</blockquote>
<p>Le 9 novembre, Emmanuel Macron <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/11/09/emmanuel-macron-regrette-les-malentendus-avec-l-algerie-apres-ses-propos-sur-le-systeme-politico-militaire_6101548_823448.html">répond</a>. Il « regrette les polémiques et malentendus engendrés par les propos rapportés » et exprime son « plus grand respect pour la nation algérienne, pour son histoire et pour la souveraineté de l’Algérie ».</p>
<p>Mais cette volonté d’apaisement se heurte à une relation dépourvue d’intérêts communs stratégiques à l’instar de celle avec le Maroc ou d’une vision partagée des problèmes régionaux, cela depuis une décennie.</p>
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<figcaption><span class="caption">Crise entre Paris et Alger : pourquoi de tels propos d’E. Macron ? France 24, 4 octobre 2021.</span></figcaption>
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<p>Pourtant, en 2017, le candidat Macron laissait espérer une relation amicale et constructive avec l’Algérie. Ses propos sur la colonisation, qu’il avait qualifiée de <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/02/15/macron-qualifie-la-colonisation-de-crime-contre-l-humanite-tolle-a-droite-et-au-front-national_5080331_4854003.html">« crimes contre l’humanité »</a> lors de sa visite à Alger, avaient notamment touché une corde sensible de l’histoire de du pays.</p>
<p>Par ailleurs, beaucoup ont cru que le <a href="https://www.vie-publique.fr/rapport/278186-rapport-stora-memoire-sur-la-colonisation-et-la-guerre-dalgerie">rapport Stora</a>, publié en janvier 2021, préparerait la France à reconnaître ses crimes coloniaux et à émettre des excuses, ouvrant la voie à une relation amicale. En fait, le rapport avait pour objectif la réconciliation des mémoires entre la France et l’Algérie au travers de la <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/01/20/france-algerie-les-22-recommandations-du-rapport-stora_6066931_3212.htm">création d’une commission Mémoire et Vérité</a>, chargée de proposer des initiatives. La déception fut totale et le rejet unanime en Algérie.</p>
<p>Pour Alger, le rapport Stora répond à des préoccupations françaises (le vivre-ensemble de populations liées à l’Algérie) mais ne correspond pas aux attentes algériennes, à savoir la reconnaissance officielle par la France des crimes coloniaux, « perpétrés durant 130 ans de l’occupation de l’Algérie ». Comme le souligne le porte-parole du gouvernement Ammar Belhimmer, le rapport <a href="https://algeriebrevesnews.dz/ammar-belhimer-le-rapport-stora-sur-la-memoire-est-en-deca-des-attentes-et-non-objectif/">place « sur un même pied d’égalité la victime et le bourreau »</a>.</p>
<p>L’amertume était d’autant plus forte que, deux mois plus tard, le <a href="https://www.vie-publique.fr/rapport/279186-rapport-duclert-la-france-le-rwanda-et-le-genocide-des-tutsi-1990-1994">rapport Duclert</a> sur le Rwanda, rendu public en mars 2021, souligne avec insistance « la lourde responsabilité politique et militaire » de la France dans le génocide des Tutsis, ce qui montre que, en d’autres circonstances, Paris sait admettre ses torts.</p>
<p>Force est de constater qu’à la veille de l’élection présidentielle de 2022, la relation entre la France et l’Algérie est dans une impasse. Cela à un moment où le contexte régional (Libye, Sahel, Maroc) nécessite plus que jamais une entente entre ces deux pays.</p>
<h2>Frustration économique de la France</h2>
<p>En 2012, la <a href="https://www.universalis.fr/evenement/19-20-decembre-2012-france-algerie-visite-officielle-du-president-francois-hollande-en-algerie/">visite d’État en Algérie</a> de François Hollande avait pour ambition d’établir « une relation apaisée » avec l’Algérie d’<a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/09/22/abdelaziz-bouteflika-un-homme-qui-traverse-l-histoire-algerienne_6095606_3212.html">Abdelaziz Bouteflika</a>, alors au sommet de sa puissance financière avec ses <a href="https://www.lematindz.net/news/11150-algerie-les-reserves-de-change-estimees-a-plus-de-190-milliards-de-dollars.html">190 milliards de dollars de réserve de change</a> accumulés grâce à la montée du prix du baril de pétrole depuis 2002. La signature de nombreux accords commerciaux avec des entreprises comme Renault, Alstom ou encore Sanofi, et la mise en œuvre d’un Comité intergouvernemental bilatéral de haut niveau (CIHN) présidé par les premiers ministres respectifs, venaient illustrer la qualité du partenariat.</p>
<p>Toutefois, les relations stagnent. La grave maladie qui frappe le président algérien en 2013 le contraint à disparaître de la vie publique. Sa réélection en 2014 ne soulève pas encore les foules mais suscite des interrogations sur sa santé réelle, et la seconde brève visite de François Hollande à Alger, en 2015, indigne les opposants et rivaux du président Bouteflika. Ils voient dans celle-ci un <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20150615-algerie-visite-hollande-fait-grincer-dents-bouteflika">soutien politique déplacé</a> à un chef d’État malade, affaibli et dans l’incapacité de parler en public. Cela d’autant plus que le quatrième mandat d’Abdelaziz Bouteflika (2014-2019) marque l’amplification d’un <a href="https://algeria-watch.org/?p=7224">système de détournement colossal de fonds publics</a> dans les transports, les infrastructures et les achats d’armements, de céréales et de véhicules qui prospère à l’ombre des investissements publics.</p>
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<figcaption><span class="caption">Algérie, le grand gâchis. Le Dessous des cartes, Arte.</span></figcaption>
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<p>Par ailleurs, contrairement aux attentes françaises, l’abondance financière de l’Algérie profite en premier lieu aux entreprises chinoises.</p>
<p>En effet, depuis 2013, la Chine est devenue le <a href="https://afrique.latribune.fr/economie/strategies/2018-12-28/commerce-sans-surprise-la-chine-reste-le-premier-fournisseur-de-l-algerie-802309.html">premier fournisseur de l’Algérie</a>, remplaçant la France. En 2020, la France reste le deuxième fournisseur avec une <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/DZ/commerce-exterieur-de-l-algerie">part de marché de 10,6 %</a>, loin derrière la Chine et ses 17 % (2 0 % en 2019). Les échanges commerciaux Paris-Alger ne cessent de chuter – -24 % en 2020, – 18 % au premier semestre 2021 –, bien qu’il faille prendre en compte les réductions générales des importations algériennes suite à la chute des revenus issus de la vente des hydrocarbures.</p>
<p>Après la Chine, c’est la Russie, déjà <a href="https://fr.hespress.com/234318-armement-la-dependance-de-lalgerie-envers-la-russie-decortiquee.html">premier fournisseur d’armements</a> de l’Algérie, qui menace la place des importations françaises, notamment dans le secteur du blé, dont le pays est l’un des principaux importateurs mondiaux. Premier importateur de blé français depuis des années, l’Algérie d’Abdelmadjid Tebboune affiche clairement sa volonté de <a href="https://www.terre-net.fr/marche-agricole/actualite-marche-agricole/article/l-algerie-restera-t-elle-encore-longtemps-le-premier-client-du-ble-francais-1395-165889.html">réduire cette tendance</a> au profit de la Russie.</p>
<p>À la crainte française de perdre le principal débouché du blé tendre à l’extérieur, s’ajoute la montée de l’Italie dans les parts de marché en Algérie. En 2020, l’Italie est le premier client de l’Algérie (14,7 %), devant la France (13,3 %). En pleine brouille avec la France, la visite d’État du président italien, Sergio Mattarella, le 6 novembre 2021, est venue conforter la position centrale de l’Italie en Algérie.</p>
<p>Enfin, le rapprochement de l’Algérie avec la Turquie d’Erdogan s’est traduit par une hausse des investissements turcs dans le pays (5 milliards de dollars) et une augmentation des échanges commerciaux. La Turquie est ainsi devenue en 2020 le troisième client de l’Algérie. Qualifiées d’« excellentes » par le président Tebboune, les relations entre Alger et Ankara suscitent de nombreuses inquiétudes, en particulier au Sahel où des pays comme la Russie ne cachent plus leur volonté de remplacer la France en Afrique. Or, l’Algérie constitue un formidable relais sur le continent pour ces deux pays.</p>
<h2>Déception française au Sahel</h2>
<p>Les désaccords entre l’Algérie et la France se sont d’abord illustrés sur le dossier du renversement du régime de Mouammar Kadhafi, en octobre 2011. Avec 900 km de frontières avec la Libye, Alger ne pouvait qu’être inquiet des effets déstabilisateurs de la situation dans ce pays sur sa sécurité.</p>
<p>En 2013, l’attaque par des groupes terroristes provenant de Libye <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/politique-africaine/il-y-a-5-ans-la-prise-d-otages-sanglante-d-in-amenas-en-algerie_3055625.html">du site gazier d’In Amenas</a> est venue illustrer de façon dramatique les craintes de voir la Libye post-Kadhafi se transformer en zone refuge pour les groupes djihadistes.</p>
<p>Du renversement du régime, en 2011, jusqu’à la <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2021/11/12/conference-internationale-pour-la-libye-a-paris">Conférence de Paris</a> sur la sortie de crise en novembre 2021, la France et l’Algérie n’ont pas réussi à développer une vision commune sur l’avenir de ce pays.</p>
<p>Bien au contraire, l’Algérie a rejoint la Turquie dans son opposition à l’offensive ratée du général Haftar sur Tripoli au printemps 2019, là où la France <a href="https://www.jeuneafrique.com/mag/909987/politique/le-marechal-haftar-lami-libyen-controverse-de-lelysee/">l’a toujours soutenu</a>.</p>
<p>De même, l’Algérie <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/03/24/la-securite-au-sahel-se-construit-sans-l-algerie-jusqu-a-quand_4889730_3212.html">n’a pas accompagné</a> la France dans son intervention au Mali dans le cadre de l’opération Barkhane en 2013. L’intervention française a été vécue par Alger comme une ingérence dans son pré carré sahélien. De plus, la France a toujours défendu une ligne de non-négociation avec les djihadistes, au premier rang desquels Iyad Ag Ghali, chef du groupe Ansar Dine. Alger, au contraire, voit en lui un acteur central d’un éventuel processus de paix au Mali, et <a href="https://www.jeuneafrique.com/1180965/politique/sahel-negocier-avec-iyad-ag-ghali-est-un-point-de-desaccord-majeur-entre-paris-et-alger/">soutient le projet de Bamako de discuter avec lui</a>.</p>
<p>Or, l’opération Barkhane est un échec. La France va se retirer, en 2022, sans qu’une solution ait été atteinte : face aux défis du développement d’une région sahélienne en pleine transformation, la réponse militaire est vaine.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fin-de-loperation-barkhane-au-mali-mythe-ou-realite-166291">Fin de l’opération Barkhane au Mali, mythe ou réalité ?</a>
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<p>Ce repli français annonce une <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/mali/avec-la-fin-annoncee-de-loperation-barkhane-alger-pourrait-etre-tente-de-jouer-un-role-plus-actif-au-sahel_4677757.html">possible intervention</a> de l’Algérie au Mali au côté de la Russie via la société <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/mali/wagner-qui-sont-ces-mercenaires-que-le-kremlin-affirme-ne-pas-connaitre_4811199.html">Wagner</a>. Une telle évolution, au-delà du symbole, ne manquerait pas d’accroître les divergences de vues et d’intérêts entre la France et l’Algérie.</p>
<h2>L’urgence de rétablir une relation apaisée</h2>
<p>En désaccord sur presque tous les sujets avec la France, l’Algérie est entrée dans une stratégie de tension avec le Maroc, pays devenu pour la France un partenaire essentiel sur le continent africain. Depuis la <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/08/25/rupture-des-relations-diplomatiques-entre-alger-et-rabat-un-impact-surtout-politique_6092297_3212.html">rupture des relations diplomatiques</a> avec le Maroc annoncé le 24 août 2021, le risque d’un conflit entre les deux puissances de l’Afrique du Nord ne cesse de croitre.</p>
<p>Les deux pays sont engagés dans un <a href="https://fr.hespress.com/230732-la-course-a-larmement-entre-lalgerie-et-le-maroc-en-chiffres.html">renforcement de leurs capacités militaires</a> et chacun s’efforce de persuader sa population de la supériorité de son armée. En 2021, l’armée algérienne est classée à la 27<sup>e</sup> place sur 140 armées par le <a href="https://www.globalfirepower.com/countries-listing.php">classement <em>Global Fire Power</em></a> et est en théorie plus puissante que celle du Maroc, classée 53<sup>e</sup>. Les deux pays sont donc très lourdement armés et disposent chacun d’un gros demi-million de soldats. Autant dire qu’un conflit aujourd’hui prendrait des proportions sans commune mesure avec la <a href="https://www.jeuneafrique.com/124805/archives-thematique/d-but-de-la-guerre-des-sables/">« Guerre des sables »</a> de 1963. Il contraindrait les populations à basculer dans un nationalisme grégaire aux effets dévastateurs pour toute la région.</p>
<p>Dans ce contexte explosif, le rétablissement d’une relation apaisée et constructive avec l’Algérie devient un impératif pour la France. C’est l’objet du <a href="https://fr.news.yahoo.com/alg %C3 %A9rie-france-jean-yves-drian-150000275.html">déplacement</a> qu’effectue Jean‑Yves Le Drian à Alger ce 8 décembre ; sans doute faudra-t-il encore bien plus d’efforts pour y parvenir…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172796/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luis Martinez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Alors que les relations avec l’Algérie n’ont jamais été aussi mauvaises, il est urgent de renouer le dialogue.
Luis Martinez, Directeur de recherches, CERI, Sciences Po
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/172430
2021-12-05T17:16:17Z
2021-12-05T17:16:17Z
Algérie-Maroc : la rupture est consommée
<p>Les tensions entre les deux grands États du Maghreb, qui se sont <a href="https://www.iris-france.org/162907-algerie-maroc-de-la-brouille-au-conflit/">nettement envenimées ces dernières semaines</a>, si bien que certains observateurs redoutent que le conflit actuel <a href="https://www.lopinion.fr/international/lalgerie-est-prete-a-faire-la-guerre-au-maroc-sil-le-faut">dégénère en guerre ouverte</a>, ne datent pas d’hier.</p>
<p>En réalité, elles remontent à la fin de la guerre d’indépendance algérienne. La question des frontières <a href="https://lygeros.org/wp-content/uploads/root/21701.pdf">dessinées par le colonisateur</a>, qui avantagent l’Algérie au détriment des autres pays de la région, suscite un profond différend entre Rabat et Alger, qui connaîtra de multiples rebondissements, sous des formes diverses et avec un abcès de fixation récurrent au <a href="https://www.cairn.info/les-conflits-dans-le-monde--9782200272715-page-79.htm">Sahara occidental</a>. Un retour historique s’impose pour comprendre les données de la dégradation à laquelle on assiste en ce moment.</p>
<h2>Un conflit ancien</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/435085/original/file-20211201-17-kihtg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/435085/original/file-20211201-17-kihtg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/435085/original/file-20211201-17-kihtg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=647&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/435085/original/file-20211201-17-kihtg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=647&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/435085/original/file-20211201-17-kihtg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=647&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/435085/original/file-20211201-17-kihtg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=813&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/435085/original/file-20211201-17-kihtg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=813&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/435085/original/file-20211201-17-kihtg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=813&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Sahara occidental d’après la carte du World Factbook de la CIA.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikipedia</span></span>
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<p>Lorsque le Maroc devient <a href="https://mjp.univ-perp.fr/constit/ma1912.htm">protectorat français en 1912</a>, l’administration française délimite les deux territoires algérien et marocain. Mais le tracé est très peu précis et varie d’une carte à l’autre.</p>
<p>Pour la France, il ne s’agit pas à proprement parler de frontières, la zone qui va de <a href="https://www.google.com/maps/dir/colomb+bechar/Tindouf,+Alg%C3%A9rie/@29.1347596,-8.1906065,5.5z/data=!4m14!4m13!1m5!1m1!1s0xd855f5061ac9881:0x97206fd4229749af!2m2!1d-2.2162443!2d31.6238098!1m5!1m1!1s0xdc8f543a42dd5fb:0x77f07f133f79f497!2m2!1d-8.1398003!2d27.6719159!3e2">Colomb-Béchar à Tindouf</a> et correspond à l’Ouest algérien étant inhabitée.</p>
<p>Le regard sur ce territoire allait fondamentalement changer à partir de 1952, date à laquelle la France y <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00919268/document">découvre un gisement de pétrole et des minerais (fer et manganèse)</a>. Ces terres sont alors intégrées à l’Algérie. Pour la France, il s’agit de les inclure dans son territoire sur le long terme, <a href="https://www.cairn.info/algerie-des-evenements-a-la-guerre--9782846703949-page-121.htm">l’Algérie étant française</a> alors que le Maroc n’est qu’un protectorat appelé à s’affranchir de la tutelle de Paris.</p>
<p>Mais dès son indépendance, en 1956, le Maroc <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1956/07/05/tindouf-colomb-bechar-et-la-mauritanie-font-partie-du-grand-maroc-que-veut-realiser-si-allal-el-fassi_2251800_1819218.html">revendique ce territoire</a>, affirmant qu’il fait partie du Maroc historique.</p>
<p>La France répond à cette demande en proposant à Rabat un marché : cette bande Ouest de l’Algérie pourrait être restituée au Maroc en contrepartie de la mise en place d’une <a href="http://alger-roi.fr/Alger/cdha/textes/55_organisation_regions_sahara_cdha_60.htm">« Organisation commune des régions sahariennes »</a> (OCRS), qui serait chargée d’exploiter les gisements miniers du Sahara algérien, au bénéfice commun du Maroc et de la France.</p>
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<p>L’offre de Paris est assortie d’une demande : celle de ne pas abriter d’insurgés algériens. Rabat rejette cette proposition, préférant discuter directement avec les Algériens.</p>
<p>En juillet 1961, <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMBiographie?codeAnalyse=26">Hassan II</a>, qui vient d’accéder au trône, reçoit à Rabat <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/abbas-abbas/">Farhat Abbès</a>, le président du Gouvernement provisoire de la République algérienne. <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1965_num_15_4_392877">Une convention est signée</a> au terme de la rencontre, et une commission algéro-marocaine est créée pour régler cette question du Sahara algérien « dans un esprit de fraternité et d’unité maghrébines ».</p>
<p>Selon l’accord, une fois l’indépendance de l’Algérie acquise, le statut de la zone serait renégocié. Mais à l’indépendance de l’Algérie, et avant même que l’accord de Rabat ait pu être ratifié, une coalition menée par Ahmed Ben Bella et soutenue par l’Armée de libération nationale (ALN) <a href="https://www.djazairess.com/fr/elwatan/1298789">évince Farhat Abbas du gouvernement</a>. La nouvelle équipe au pouvoir à Alger refuse de rétrocéder au Maroc un territoire « libéré avec le sang de tant de martyrs ».</p>
<p>Hassan II se sent trahi par la nouvelle classe politique algérienne, et <a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Istiqlal/125318">l’Istiqlal</a>, le parti marocain qui porte la question nationale et en devient le phare, se dit indigné par l’« ingratitude » des Algériens. Le Maroc historique auquel se réfèrent les acteurs politiques marocains allait être matérialisé par une carte du <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1956/07/05/tindouf-colomb-bechar-et-la-mauritanie-font-partie-du-grand-maroc-que-veut-realiser-si-allal-el-fassi_2251800_1819218.html">« Grand Maroc »</a> que l’Istiqlal fait dessiner et publier dans son hebdomadaire <em>Al-Alam</em> en mars 1963.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1353422945947947008"}"></div></p>
<p>Selon cette carte, les frontières du pays se définissent en fonction des allégeances qui ont été faites aux sultans du Maroc à travers les âges. Le Grand Maroc comprendrait un bon tiers du Sahara algérien, le Sahara occidental colonisé par l’Espagne (1884-1976), la Mauritanie et une partie du Mali.</p>
<p>Entre « territoire acquis par le sang des martyrs » et « droit historique », deux conceptions du droit et de l’histoire allaient donc s’affronter, donnant lieu, en septembre 1963, au déclenchement d’un conflit armé : la <a href="https://www.cairn.info/les-100-portes-du-maghreb--9782708234345-page-171.htm">Guerre des sables</a>.</p>
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<p>Ayant pour théâtre la région de Tindouf, ce conflit oppose le Maroc à une Algérie fraîchement indépendante et aidée par l’Égypte et Cuba. Les combats, dont le bilan humain est encore controversé, cessent en février 1964, quand l’Organisation de l’unité africaine (<a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/organisation-de-l-unite-africaine/">OUA</a> – l’ancêtre de l’Union africaine) obtient un cessez-le-feu qui laisse la frontière inchangée : la zone contestée demeure algérienne.</p>
<p>Mais le contentieux entre les deux États allait se prolonger, se nourrissant de l’irrédentisme marocain autour de la question du « Grand Maroc » et du refus de l’Algérie indépendante de reconsidérer les frontières héritées de l’ère coloniale. Un différend dont l’intensité ne peut se comprendre qu’à l’aune de la sourde rivalité pour le leadership régional qui oppose les deux pays.</p>
<h2>Le conflit du Sahara occidental : abcès de fixation des tensions entre les deux pays</h2>
<p>À partir de 1975, l’appui apporté par l’Algérie au Front Polisario, ce mouvement indépendantiste mis en place en 1973 et qui revendique le Sahara occidental au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, viendra nourrir la tension désormais permanente entre Alger et Rabat. En effet, le Maroc revendique cette ancienne colonie espagnole et s’engage donc dans une lutte durable contre le Front Polisario. Pour l’Algérie, qui s’abrite derrière le <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/269898-quest-ce-que-le-droit-des-peuples-disposer-deux-memes">droit des peuples à l’autodétermination</a>, un conflit de basse intensité a l’avantage d’affaiblir le Maroc. Les deux pays allaient donc s’affronter par Front Polisario interposé.</p>
<p>Deux conflits s’additionnent et se superposent : l’opposition territoriale entre l’Algérie et le Maroc, d’une part, et le conflit de décolonisation entre Sahraouis et Marocains, qui n’aurait pu se prolonger pendant près d’un demi-siècle si le contentieux algéro-marocain n’avait pas lourdement pesé sur son déroulement.</p>
<p>En accueillant les réfugiés sahraouis à Tindouf, symboliquement, après l’installation du Maroc sur ce territoire, en mettant sa diplomatie au profit du Front Polisario et en l’armant, l’Algérie donnait un autre aspect à <a href="https://journals.openedition.org/anneemaghreb/697">ce dernier conflit de décolonisation d’Afrique</a>.</p>
<p>L’imbrication des deux conflits, entre Algérie et Maroc d’abord, entre Sahraouis et Marocains ensuite, pèse lourdement sur l’attitude des acteurs. Chacun des deux camps souhaite une victoire totale sur l’adversaire, au point que toute négociation devient impossible. L’impuissance des Nations unies, en charge du règlement de ce conflit saharien <a href="https://peacekeeping.un.org/fr/mission/minurso">depuis 1991</a> est sans doute à lire à travers ce prisme.</p>
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<figcaption><span class="caption">Série documentaire sur le conflit du Sahara occidental, 1ᵉʳ épisode.</span></figcaption>
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<p>L’implication de l’Algérie dans le dossier saharien provoque une rupture des relations diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc entre 1976 et 1988. Pour autant, la reprise des relations ne contribue pas à dissiper la conflictualité.</p>
<p>En 1994, Driss Basri, ministre marocain de l’Intérieur, a laissé entendre que les services secrets algériens pouvaient avoir commandité <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1994/08/30/maroc-arrestations-apres-l-attentat-contre-un-hotel-a-marrakech_3821195_1819218.html">l’attentat terroriste</a> qui s’est produit dans un hôtel de Marrakech, faisant deux victimes espagnoles. Il instaure des visas et organise une campagne d’expulsion d’Algériens résidant au Maroc sans carte de séjour. La riposte d’Alger est immédiate : la fermeture de la frontière terrestre.</p>
<p>Abdelaziz Bouteflika, président de l’Algérie à partir de 1999, a tenté de rompre cette spirale de tensions et de ruptures, sans succès. Il s’est heurté à la l’intransigeance de l’état-major de l’armée algérienne qui gère le dossier des frontières, la relation avec le Maroc et bien plus encore, tant l’armée est <a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-l-orient-2010-4-page-19.htm?contenu=resume">impliquée dans la vie politique algérienne</a>.</p>
<p>La brouille aura des effets majeurs sur les échanges commerciaux et culturels <a href="https://www.medias24.com/2014/08/24/vingt-ans-apres-la-fermeture-de-la-frontiere-maroc-algerie-limmense-gachis/">entre les deux pays</a>.</p>
<p>La coopération est quasi inexistante, exception faite du <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre2-2014-4-page-362.htm?contenu=plan">gazoduc qui relie l’Algérie à l’Europe</a> en passant par le Maroc. Le différend bloque toute interaction au niveau horizontal et rend impossible l’intégration de la région, c’est-à-dire la mise en place de <a href="https://journals.openedition.org/anneemaghreb/1938">l’Union du Maghreb arabe (UMA)</a>, qui a pourtant été signée en 1989. Le conflit du Sahara occidental s’en est trouvé gelé, la coopération entre les pays quasi nulle et l’UMA une véritable <a href="https://maghrebarabe.org/fr/">coquille vide</a>.</p>
<h2>L’axe Washington/Tel-Aviv/Rabat rebat les cartes</h2>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/12/22/le-maroc-et-israel-concretisent-leur-normalisation-diplomatique_6064261_3210.html">L’accord du 22 décembre 2020</a> passé entre le Maroc et les États-Unis, qui stipule que Rabat normalise ses relations avec Israël en contrepartie de la reconnaissance par Washington de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental a créé un déséquilibre dans le rapport des forces entre l’Algérie et le Maroc.</p>
<p>Pour Alger, un Maroc appuyé par Israël ne pouvait être que plus puissant, d’autant que le pays a donné de lui-même l’image d’un partenaire incontournable pour les États occidentaux, notamment <a href="https://www.courrierinternational.com/article/analyse-le-maroc-fer-de-lance-de-la-lutte-contre-le-djihadisme-en-afrique">dans la lutte contre le djihadisme</a>, ou en matière de <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Immigration-lUnion-europeenne-menage-Maroc-2020-12-03-1201128079">contrôle de l’immigration</a> venue des pays subsahariens.</p>
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<figcaption><span class="caption">Relations Maroc/Israël : les deux pays vont ouvrir réciproquement des ambassades, France 24, 13 août 2021.</span></figcaption>
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<p>Un an après la <a href="https://www.rfi.fr/fr/moyen-orient/20201210-donald-trump-annonce-la-normalisation-des-relations-entre-le-maroc-et-isra%C3%ABl">déclaration de Donald Trump</a>, l’administration Biden a d’une certaine manière confirmé cette reconnaissance, même si le chef de la diplomatie américaine a exprimé son désir de respecter le droit international. Les Algériens, qui continuent d’appuyer inconditionnellement le Front Polisario, savent que c’est une question de temps et que, tôt ou tard, le Maroc verra sa souveraineté sur ce territoire être reconnue par l’ONU, au mépris d’un processus de résolution du conflit saharien confié à la même organisation depuis 1991. Le silence éloquent de l’Union européenne sur ce dossier les conforte dans leur conviction.</p>
<p>L’année 2021 a été émaillée de vexations et de provocations qui sont allées crescendo jusqu’à l’été passé. La tension devient très vive en juillet dernier, suite aux révélations selon lesquelles le Maroc aurait eu <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2021/07/27/projet-pegasus-ces-elements-techniques-qui-attestent-de-l-implication-du-maroc_6089711_4408996.html">recours au logiciel israélien Pegasus</a>, commercialisé par <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/de-l-affaire-pegasus-a-la-plainte-d-apple-la-descente-aux-enfers-de-nso-group_2163005.html">l’entreprise israélienne NSO</a>, pour espionner « des responsables et des citoyens algériens ». L’enquête a révélé que des milliers de numéros de téléphone algériens ont été ciblés, dont certains appartenant à de hauts responsables politiques et à des militaires.</p>
<p>La tension monte d’un cran lorsque, au cours d’une réunion des Non Alignés à New York (13 et 14 juillet) Omar Hilale, l’ambassadeur du Maroc à l’ONU a distribué une note stipulant que <a href="https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/nouveau-coup-de-chaud-diplomatique-entre-alger-et-rabat-1333040">« le vaillant peuple de Kabylie mérite, plus que tout autre, de jouir pleinement de son droit à l’autodétermination »</a>.</p>
<p>Un mois plus tard, c’est <a href="https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20210602-isra %C3 %ABl-ya %C3 %AFr-lapid-guid %C3 %A9-par-les-r %C3 %AAves-de-son-p %C3 %A8re-vers-le-poste-de-premier-ministre">Yaïr Lapid</a>, le ministre israélien des Affaires étrangères, en visite à Rabat, qui <a href="https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/diplomatie-en-visite-au-maroc-le-ministre-israelien-yair-lapid-ravive-les-tensions">déclarait</a>, en présence de son homologue marocain <a href="https://www.diplomatie.ma/fr/biographie-de-m-nasser-bourita">Nasser Bourita</a>, qu’il était « inquiet du rôle joué par l’Algérie dans la région, du rapprochement d’Alger avec l’Iran et de la campagne menée par Alger contre l’admission d’Israël en tant que membre observateur de l’UA ».</p>
<h2>La riposte algérienne</h2>
<p>Le 24 août, l’Algérie annonce la <a href="https://www.lci.fr/international/l-algerie-annonce-la-rupture-de-ses-relations-diplomatiques-avec-le-maroc-2194558.html">rupture de ses relations diplomatiques</a> avec le Maroc. Le haut conseil de sécurité algérien, présidé par le chef de l’État Abdelmajid Tebboune, <a href="https://www.france24.com/fr/afrique/20210925-avec-la-rupture-des-relations-entre-l-alg %C3 %A9rie-et-le-maroc-le-maghreb-durablement-fractur %C3 %A9">ferme l’espace aérien du pays</a> à tout appareil civil ou militaire immatriculé au Maroc.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-lalgerie-a-t-elle-rompu-ses-relations-diplomatiques-avec-le-maroc-et-quelles-en-sont-les-consequences-pour-lavenir-168179">Pourquoi l'Algérie a-t-elle rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc et quelles en sont les conséquences pour l'avenir ?</a>
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<p>Évidemment, la frontière étant fermée depuis 1994, l’impact de cette rupture des relations est politique. Elle met néanmoins un terme au seul cas de coopération entre les deux pays : le fameux <a href="https://telquel.ma/2021/11/05/gazoduc-maghreb-europe-le-gaz-de-la-discorde_1742135">gazoduc Maghreb Europe (GME)</a>.</p>
<p>Le gaz est, ici comme ailleurs, utilisé comme un moyen de pression. Le contrat qui liait les deux pays pour alimenter le Maroc en gaz et pour le transit a été <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/le-president-algerien-coupe-le-robinet-du-gaz-au-maroc-430682">interrompu le 31 octobre</a>.</p>
<p>Difficile de croire le Maroc qui affirme, par un communiqué de l’Office national de l’électricité et de l’eau (<a href="http://www.one.org.ma/">ONEE</a>), que l’impact de cette décision sur le système électrique marocain est « insignifiant », le pays ayant pris ses dispositions.</p>
<p>Car, depuis 1996, le Maroc est un pays de transit pour le gaz algérien exporté en Espagne et au Portugal. 10 milliards de mètres cubes sont ainsi transportés chaque année et le Maroc perçoit des droits de péage en gaz et le reste de sa consommation est facturé à des tarifs très avantageux.</p>
<p>La réponse marocaine s’inscrit dans le prolongement du conflit, puisque l’ONEE affirme que même si les deux centrales électriques qui fonctionnent grâce au gaz algérien venaient à s’arrêter, le consommateur marocain ne s’en rendrait pas compte car, pour compenser la perte, le Maroc dispose de plusieurs options : les alimenter en charbon, en produits pétroliers ou bien importer plus d’électricité.</p>
<p>Le premier ministre <a href="https://www.courrierinternational.com/article/maroc-aziz-akhannouch-un-premier-ministre-milliardaire-au-service-de-sa-majeste">Aziz Akhannouch</a> est en <a href="https://fr.le360.ma/economie/gazoduc-maghreb-europe-phase-decisive-des-negociations-entre-le-maroc-et-lespagne-pour-linversement-247911">négociation avec Madrid</a> au sujet du renvoi du gaz algérien à partir de l’Espagne. Ce dernier pays serait quant à lui toujours alimenté par l’Algérie par voie sous-marine, à travers le gazoduc Medgaz.</p>
<p>Toutefois, ce pipeline est aujourd’hui au maximum de sa capacité, 8 milliards de mètres cubes y transitant chaque année. Pour compenser la différence, il faudrait élargir le pipeline, ou transporter le gaz liquéfié par méthaniers. Autant de moyens qui impliquent un coût qui ne peut que se répercuter sur le consommateur, qu’il soit espagnol ou marocain.</p>
<p>L’énergie est donc la dernière arme qu’a choisi d’utiliser l’Algérie dans sa guerre sans fin contre le Maroc. Mais les armes conventionnelles pourraient aussi parler, les deux pays étant les plus grands <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/algerie-maroc-que-pesent-leurs-forces-militaires-431591">acheteurs d’armes</a> en Afrique après l’Égypte…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172430/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Khadija Mohsen-Finan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le conflit qui oppose l’Algérie au Maroc depuis des décennies risque aujourd’hui de dégénérer en véritable guerre. Pour en comprendre les causes, un retour historique s’impose.
Khadija Mohsen-Finan, Politologue, enseignant-chercheur, spécialiste du Maghreb & du Monde Arabe, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/168179
2021-09-19T09:03:00Z
2021-09-19T09:03:00Z
Pourquoi l'Algérie a-t-elle rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc et quelles en sont les conséquences pour l'avenir ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/421705/original/file-20210916-21-9w2j33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C924%2C655&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, (à droite) accueille son homologue israélien, Yair Lapidis, à Rabat, en août 2021. La normalisation des relations entre ces deux pays a précipité la rupture des relations diplomatiques maroco-algériennes</span> <span class="attribution"><span class="source">EPA-EFE/Alal Morchidi</span></span></figcaption></figure><p>La rupture des relations diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc en <a href="https://www.reuters.com/world/algeria-says-cutting-diplomatic-ties-with-morocco-2021-08-24/">août</a> est le résultat d’une longue histoire de tensions. Les deux nations n’ont jamais connu de longues périodes d’amitié, malgré les nombreux facteurs qui les unissent. En effet, elles appartiennent à la même <a href="https://www.afdb.org/en/documents/report-regional-integration-maghreb-2019-challenges-and-opportunities-private-sector-synthesis">région du Maghreb</a>, partagent la même religion (islam sunnite et rite malékite) et la même identité, et parlent un dialecte similaire. Elles partagent en outre une <a href="https://artsandculture.google.com/entity/algeria%E2%80%93morocco-border/g1229dss0?hl=en">frontière commune de 1 550 km</a>.</p>
<p>En fait, les peuples algérien et marocain sont si semblables qu’il est difficile de les distinguer. Depuis leurs indépendances respectives cependant, les dissemblances historiques, politiques et idéologiques pèsent lourdement sur les relations entre ces pays « frères ».</p>
<p>Comment expliquer les tensions qui ont caractérisé leurs relations et ont maintenant conduit à une <a href="https://www.jstor.org/stable/j.ctv1169bh2">deuxième rupture des relations diplomatiques</a> ? La première, initiée par le Maroc, a perduré de 1976 à 1988.</p>
<p>J’ai effectué des recherches sur les relations entre l’Algérie et le Maroc pendant plus de 40 ans et publié des études sur le sujet. Les relations entre les gouvernements algérien et marocain ont rarement été cordiales. Cela s’explique par la différence d’approche en matière de lutte anticoloniale, la divergence de leurs systèmes politiques et de leurs orientations idéologiques contraires.</p>
<p>Au cours de la décennie écoulée, le Maroc a exploité non seulement la léthargie de la diplomatie algérienne mais aussi la paralysie de son système politique afin de servir ses propres intérêts, souvent au détriment de l’Algérie. Le regain de la diplomatie algérienne et sa décision de contrer ce qu’elle considère comme des « actes hostiles » du Maroc ont abouti à cette dernière rupture.</p>
<p>Leur relation tumultueuse a freiné l’intégration de la région, qui pourrait présenter des avantages considérables pour les deux pays. L’Algérie, la Libye, la Mauritanie, le Maroc et la Tunisie ont fondé l’<a href="https://maghrebarabe.org/fr/union-du-maghreb-arabe/">Union du Maghreb arabe en 1989</a>. Cette union est toutefois devenue moribonde depuis 1996 en raison des tensions répétées dans les relations maroco-algériennes.</p>
<p>Les divergences de ces dernières années sont, sans doute, bien plus lourdes de conséquences. Elles pourraient menacer la stabilité de toute la région de l’Afrique du Nord.</p>
<h2>L’historique des relations algéro-marocaines</h2>
<p>Les nationalistes algériens ont entretenu des relations relativement bonnes avec le <a href="https://www.cairn.info/revue-relations-internationales-2011-2-page-77.htm.">roi Mohammed V du Maroc</a>, décédé en 1961, un an avant que l’Algérie n’acquiert sa souveraineté. Le Maroc est devenu indépendant en <a href="https://www.moroccoworldnews.com/2020/11/326269/morocco-celebrates-64-years-of-independence-from-european-colonizers">1956</a> et <a href="https://www.britannica.com/event/Algerian-War">l’Algérie</a> en 1962.</p>
<p>Le fils du roi Mohammed, le <a href="https://www.britannica.com/biography/Hassan-II">roi Hassan II</a>, qui lui a succédé, a revendiqué sa souveraineté sur le territoire algérien et l’a envahi en <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-1-349-21026-8_19">1963</a>. Ce qui a entrainé la mort de centaines combattants algriens mal équipés.</p>
<p>Bien que cette guerre ait été de courte durée, elle a façonné l’esprit de l’establishment militaro-politique algérien. Une ère de coopération a suivi entre 1969 et le milieu des années 1970. Cependant, le conflit découlant de l’invasion par le Maroc du Sahara occidental dans le cadre de la soi-disant « Marche verte » en <a href="https://www.bbc.com/news/av/magazine-34667782">1975</a>, a donné lieu à une nouvelle période de tensions.</p>
<p>En mars 1976, en fait, la reconnaissance par l’Algérie de la République arabe sahraouie démocratique, proclamée par le mouvement nationaliste sahraoui, le <a href="https://www.britannica.com/topic/Polisario-Front">Front Polisario</a>, a amené le Maroc à rompre ses relations diplomatiques avec l’Algérie. De nombreux autres pays africains ont reconnu la République arabe sahraouie démocratique. Les relations ont été rétablies en <a href="https://www.bbc.com/news/world-africa-14123260">mai 1988</a>.</p>
<p>La reprise des relations se basait <a href="https://www.tsa-algerie.com/rupture-des-relations-avec-le-maroc-le-texte-integral-de-la-declaration-de-lamamra/">sur un certain nombre d’accords</a>, notamment :</p>
<ul>
<li><p>un engagement à entretenir des relations pacifiques durables ;</p></li>
<li><p>des relations de bon voisinage et de coopération ;</p></li>
<li><p>l’accélération de la construction du Grand Maghreb arabe ;</p></li>
<li><p>la non-ingérence de l’Algérie dans les affaires intérieures du Maroc ;</p></li>
<li><p>la résolution du conflit du Sahara occidental par un référendum d’autodétermination.</p></li>
</ul>
<p>Pour l’Algérie, le Maroc n’a respecté aucun de ces engagements.</p>
<p>C’est dans ce contexte que les tensions algéro-marocaines n’ont eu de cesse de s’accumuler.</p>
<h2>Tensions grandissantes</h2>
<p>Dans les années 90, l’Algérie a traversé sa plus grave crise. Le pays a été <a href="https://www.middleeasteye.net/opinion/remembering-algeria-1992-first-arab-spring-never-became-summer">dévasté</a> par des conflits civils opposant l’État et des groupes islamistes armés. En 1994, au milieu de cette crise, les autorités marocaines ont <a href="https://en.yabiladi.com/articles/details/56799/attack-hotel-asni-marrakech-straw.html">faussement accusé les services de renseignements algériens</a> d’être à l’origine des attentats terroristes meurtriers perpétrés à l’hôtel Asni de Marrakech.</p>
<p>Le Maroc a imposé des visas aux Algériens, y compris à ceux qui possédaient une autre nationalité. L’Algérie a riposté en imposant des visas et en fermant ses frontières terrestres avec le Maroc. Fin 1995, le Maroc a gelé ses activités avec les institutions de l’Union du Maghreb arabe en raison du soutien de l’Algérie à la République arabe sahraouie démocratique.</p>
<p>Un changement dans les relations semble s’être produit lorsque <a href="https://www.bbc.com/news/world-africa-14118854">Abdelaziz Bouteflika</a> est devenu président de l’Algérie en avril 1999. Il avait prévu de rencontrer le roi Hassan II pour aplanir leurs différends, mais celui-ci est décédé en juillet de la même année. Son successeur, <a href="https://www.jstor.org/stable/1559304">Mohammed VI</a>, n’a pas montré la moindre volonté de régler le problème du Sahara occidental selon les conditions des Nations unies.</p>
<p>Pendant sa présidence, étonnamment, Bouteflika a non seulement négligé la question du Sahara occidental, mais il a également donné l’ordre à ses fonctionnaires de ne pas répondre à un quelconque acte hostile du Maroc.</p>
<p>Après son <a href="https://theconversation.com/bouteflika-steps-aside-as-algerians-push-to-reclaim-and-own-their-history-114380">retrait forcé en avril 2019</a>, l’Algérie a réitéré son soutien au principe d’autodétermination.</p>
<p>Pour sa part, le Maroc a fait pression sur l’<a href="https://au.int/en">Union africaine</a>, l’Europe et les États-Unis pour qu’ils soutiennent ses revendications de souveraineté sur le Sahara occidental. Deux événements survenus au cours des dix derniers mois ont exacerbé les tensions. Le premier a été l’attaque par les troupes marocaines de manifestants sahraouis <a href="https://www.nytimes.com/2020/11/13/world/middleeast/morocco-military-operation-western-sahara.html">à El-Guergarat</a>, la zone tampon au sud du Sahara occidental. Puis, il y a eu un <a href="https://www.undispatch.com/western-sahara-conflict-upended-by-a-trump-tweet/">tweet du président Donald Trump</a> annonçant la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahahara occidental.</p>
<p>Ces éléments ont partiellement contribué à la décision de l’Algérie de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc.</p>
<p>Trump a utilisé le Sahara occidental comme monnaie d’échange en contrepartie <a href="https://www.state.gov/wp-content/uploads/2021/01/Joint-Declaration-US-Morrocco-Israel.pdf">d’une normalisation des relations</a> entre le Maroc et Israël. D’autres États arabes ont fait de même dans le cadre des <a href="https://www.state.gov/the-abraham-accords/">Accords d’Abraham</a> négociés par le gendre de Trump, Jared Kushner.</p>
<p>Avant les Accords d’Abraham, les responsables marocains faisaient preuve d’une hostilité implacable envers l’Algérie, à laquelle le gouvernement algérien ne répondait pas. Le tweet de Trump du <a href="https://twitter.com/ap/status/1337069459551506432?lang=en">10 décembre</a> a apparemment galvanisé l’attitude hostile du Maroc envers l’Algérie.</p>
<p>L’Algérie a perçu ces deux décisions comme une véritable menace pour sa sécurité nationale.</p>
<p>Le seuil de tolérance d’Alger face à des actes considérés comme hostiles a été atteint <a href="https://fr.sputniknews.com/amp/international/202107191045896006-soutien-marocain-aux-separatistes-kabyles-le-debut-dune-dangereuse-escalade-entre-alger-et-rabat/">à la mi-juillet</a> lorsque l’ambassadeur du Maroc à l’ONU a fait circuler une note exprimant son soutien à un groupe luttant pour la sécession de la <a href="https://www.jstor.org/stable/24042103">région côtière kabyle de l’Algérie</a>. Ce groupe figure sur la liste des groupes terroristes établie par l’Algérie. Cette dernière a donc rappelé son ambassadeur au Maroc pour « consultations » et <a href="http://www.mae.gov.dz/news_article/6594.aspx">a demandé au Maroc de préciser</a> si cette décision était uniquement celle de l’ambassadeur ou bien du gouvernement. Elle n’a jamais reçu de réponse.</p>
<p>Un autre acte hostile aux yeux de l’Algérie a été la révélation d’un <a href="https://www.afrik.com/pegasus-plus-de-6000-algeriens-espionnes-par-le-maroc-dont-lamamra">vaste scandale d’espionnage</a> par un consortium de journaux internationaux et d’organisations de défense des droits de l’homme. Ceux-ci ont découvert que le Maroc avait ciblé plus de 6 000 Algériens, dont de nombreux hauts responsables politiques et militaires.</p>
<p>L’Algérie a alors décidé de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc à partir du 24 août.</p>
<h2>Conséquences de la rupture</h2>
<p>Cette rupture peut entraîner des réalignements géopolitiques. Tout dépendra, cependant, des intentions du Maroc à savoir s’il fera monter les tensions et utilisera la carte israélienne contre l’Algérie, ou s’il cherchera à les réduire.</p>
<p>L’Algérie a déjà commencé à renforcer son contrôle à la frontière algéro-marocaine et pourrait créer de sérieux problèmes au Maroc si elle décidait d’expulser de son territoire les dizaines de milliers de Marocains (dont beaucoup sont des migrants illégaux).</p>
<p>Il y a par ailleurs des conséquences plus globales.</p>
<p>La rupture a sonné le glas de l’Union du Maghreb arabe, qui était déjà en léthargie. En raison des relations tendues, soit l’organisme régional restera au point mort, soit un nouvel organisme régional pourrait voir le jour.</p>
<p>On peut s’attendre à ce que les rivalités entre l’Algérie et le Maroc s’intensifient au sein de l’Union africaine au sujet <a href="https://www.dohainstitute.org/en/PoliticalStudies/Pages/The-Admission-of-Israel-as-an-Observer-in-the-African-Union.aspx">du statut d’observateur d’Israël auprès de l’UA</a> et du Sahara occidental.</p>
<p>Dans le domaine économique, le ministre algérien de l’Énergie a annoncé fin août que le contrat pour le gazoduc Maghreb-Europe (GME), qui passe par le Maroc, ne sera pas renouvelé après son <a href="https://www.algeriepatriotique.com/2021/08/26/lalgerie-ne-renouvellera-pas-le-contrat-du-gazoduc-traversant-le-maroc/">expiration le 31 octobre 2021</a> ; décision maintenant <a href="https://www.olcnbvc4jz.com/renouvellement-du-gazoduc-maghreb-europe-lalgerie-a-tranche/">confirmée</a>. Le gazoduc part directement du nord-ouest de l’Algérie, puis traverse la Méditerranée.</p>
<p>À la place, l’Algérie distribuera du gaz naturel à l’Espagne et au Portugal via le gazoduc MEDGAZ.</p>
<p>L’impact à long terme de cette rupture est imprévisible. Ce qui est certain, en revanche, c’est que la rivalité algéro-marocaine va s’intensifier.</p>
<hr>
<p><em>Les points de vue et opinions exprimés ici n’engagent que l’auteur et ne reflètent pas nécessairement les opinions de Business Kedge School ou de Brookings Doha Centre.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168179/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yahia H. Zoubir does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>
Au cours de la décennie écoulée, le Maroc a exploité la léthargie de la diplomatie algérienne et la paralysie de son système politique pour servir ses propres intérêts au détriment de l’Algérie.
Yahia H. Zoubir, Visiting fellow at the Brookings Doha Center and Senior Professor of International Studies and Director of Research in Geopolitics, Kedge Business School
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tag:theconversation.com,2011:article/164670
2021-08-22T16:32:42Z
2021-08-22T16:32:42Z
La saga Martinez ou comment romancer la violence politique dans la France des années 1962-1970
<p>Les <a href="https://benjaminstora.univ-paris13.fr/">travaux récents</a> de l’historien Benjamin Stora – commandés par l’Élysée – sur « la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie » devraient permettre d’apporter de nouveaux éléments sur un ensemble de processus violents : la colonisation puis la décolonisation, les conflits armés et les violences militantes en France comme en Algérie. Néanmoins, la fiction peut permettre d’appréhender ces événements survenus dans la France des années 1960/1970.</p>
<p><a href="https://lis.hypotheses.org/bryan-muller-la-lutte-contre-la-subversion-marxiste-dans-les-annees-1968">J’étudie cette histoire</a> du point de vue de la violence politique et il me semble que la pause estivale est une occasion bienvenue de découvrir ces phénomènes par la fiction, notamment à travers la trilogie de romans de Maurice Attia.</p>
<p>À la fois thriller, polar et roman historique, ce récit publié en trois tomes aux éditions Actes Sud – respectivement en 2006, 2007 et 2009, sous les titres <a href="https://www.actes-sud.fr/node/10143"><em>Alger la Noire</em></a>, <a href="https://www.actes-sud.fr/node/10145"><em>Pointe Rouge</em></a> et <a href="https://www.actes-sud.fr/node/10144"><em>Paris Blues</em></a> - s’appuie sur des phénomènes bien réels de violences militantes dans la France des années 1960/1970.</p>
<p>Le roman met en scène un Barcelonais exilé durant sa tendre enfance avec sa grand-mère en Algérie française, Paco Martinez, naturalisé français.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/416566/original/file-20210817-14-1fslnfy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416566/original/file-20210817-14-1fslnfy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=960&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416566/original/file-20210817-14-1fslnfy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=960&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416566/original/file-20210817-14-1fslnfy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=960&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416566/original/file-20210817-14-1fslnfy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1207&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416566/original/file-20210817-14-1fslnfy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1207&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416566/original/file-20210817-14-1fslnfy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1207&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Alger la Noire.</span>
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<p>Ce dernier va être confronté à des groupuscules militants violents. Dans le premier tome, <em>Alger la Noire</em>, il se retrouve mêlé à la guerre civile qui frappe de plein fouet l’Algérie française en voie d’indépendance. Son enquête le mène sur les traces de <a href="https://www.decitre.fr/livres/voyage-au-coeur-de-l-oas-9782262034993.html">l’OAS</a> (Organisation armée secrète), groupuscule d’extrême droite voulant maintenir les départements algériens dans l’État français et <a href="https://www.cairn.info/nostalgerie--9782707185648-page-167.htm">abattre le général de Gaulle</a> – considéré comme un traître pour avoir accordé l’indépendance à l’Algérie.</p>
<p>Le second tome emmène le lecteur à Marseille, entre décembre 1967 et juin 1968. Rapatrié menant désormais ses investigations dans la cité phocéenne, Paco Martinez est cette fois confronté au SAC (Service d’action civique), service d’ordre gaulliste à la réputation sulfureuse. Le dernier tome, <em>Paris Blues</em>, nous emmène dans la capitale et en particulier à <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2008/05/29/un-reve-deux-facs_1051318_3224.html">l’université expérimentale</a> de <a href="https://www.franceculture.fr/theme/centre-universitaire-experimental-de-vincennes">Vincennes</a> aujourd’hui disparue. Paco Martinez doit infiltrer les milieux « gauchistes » (d’extrême-gauche) pour élucider le meurtre d’un militant maoïste. Il réalise sa mission en infiltrant la GP (Gauche Prolétarienne), groupuscule maoïste-spontanéiste connu à l’époque pour ses actions coups de poing.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/411749/original/file-20210718-21-1biutp2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/411749/original/file-20210718-21-1biutp2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/411749/original/file-20210718-21-1biutp2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/411749/original/file-20210718-21-1biutp2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/411749/original/file-20210718-21-1biutp2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1056&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/411749/original/file-20210718-21-1biutp2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1056&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/411749/original/file-20210718-21-1biutp2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1056&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Page de couverture Alger la noire, Pour les amateurs de bandes-dessinées</span>
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<h2>Une exploration de la violence militante</h2>
<p>À travers ces romans, le héros traverse de multiples péripéties : agressions, meurtres, vols, viols… le tout dans des lieux parfois insolites au cœur de villes célèbres – Alger, Marseille, Paris. En suivant les pérégrinations de l’inspecteur Martinez, les lecteurs découvrent des paysages anciens reproduits fidèlement et touchent de près à la notion de <a href="https://theconversation.com/dans-la-valise-des-chercheurs-lhistoire-des-violences-politiques-100559">violence militante</a>, cette forme très particulière de la violence politique où les militants s’affrontent aussi bien symboliquement (injures, discours, menaces et autres) que physiquement (agressions, bagarres générales, homicides, etc.).</p>
<p>Lors de ses missions, Paco Martinez est confronté à l’usage décomplexé de la violence politique (aussi bien physique que symbolique) de l’OAS, du SAC et de la Gauche Prolétarienne (GP). Les militants ont des personnalités et des motivations variées, peuvent être en proie au doute, pardonnent difficilement aux « traîtres » et se méfient des éléments étrangers. <a href="https://www.lespressesdureel.com/ouvrage.php?id=6286&menu=4">La GP</a> mène des vols et réalise quelques saccages, mais elle est également la cible d’organisations hostiles – sans parler de possibles violences policières. <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/30/histoire-du-sac-les-gaullistes-de-choc-portrait-des-sulfureux-grognards-de-de-gaulle_6078599_3232.html">Le SAC</a> mène des missions d’infiltration dans les rangs des « gauchistes » et vit les événements de 1968 avec appréhension. L’OAS organise des attentats aveugles et des assassinats ciblés. Face à tant de violences, les lecteurs ne peuvent que compatir pour le héros, s’attacher à certains personnages et détester ou mépriser les organisations politiques mises en lumière dans ces romans. Et c’est là que la saga connaît ses limites : superbement écrite et très immersive, elle exagère les faits jusqu’à en devenir caricaturale.</p>
<h2>Des faits à prendre avec précaution</h2>
<p>Il convient de reconnaître à l’auteur sa volonté d’être le plus crédible possible en s’appuyant sur des travaux d’universitaires et de journalistes pour construire son univers. Globalement réaliste, la saga permet aux lecteurs de se faire une idée du contexte et des mentalités de l’époque. Pourtant, les romans ne sont pas exempts d’approximations : les militants sont souvent décrits comme des brutes épaisses, certains présentent des troubles psychiatriques (on compte plusieurs psychopathes et paranoïaques), ou sont dépeints comme des criminels assoiffés de richesse et de pouvoir.</p>
<p>Maurice Attia semble s’inspirer grandement des <a href="https://www.decitre.fr/livre-pod/histoire-du-sac-service-d-action-civique-9782234056299.html">légendes noires</a> qui entourent le SAC et l’OAS. La première organisation a la réputation d’être une officine (officieuse) de barbouzards anti-OAS servant loyalement (et brutalement) le pouvoir gaulliste, n’hésitant pas à faire appel à des criminels sans foi ni loi pour atteindre leurs objectifs. Ces derniers seraient en retour couverts par les gaullistes qui veilleraient à ce que rien n’arrive à leurs hommes de main, même lorsqu’ils commettent des crimes atroces. <a href="https://www.amazon.fr/Histoire-S-C-dOmbre-Gaullisme/dp/2234056292">Tout cela est faux</a> et a été déconstruit par les chercheurs depuis longtemps.</p>
<p>Certes, des <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3328857w.texteImage">délinquants pouvaient participer</a> aux activités de ces organisations, mais ils restaient marginaux. Les services qu’ils pouvaient rendre étaient parfois récompensés par une certaine mansuétude des autorités, mais il fallait rester très discret et ne pas commettre de crime grave. <a href="https://item.univ-pau.fr/fr/activites-scientifiques/productions/cahier-d-histoire-immediate/cahier-54.html">La légende noire qui s’est construite autour de ces groupements</a> leur prête au contraire une protection sans faille pour un ensemble d’activités criminelles aussi dangereuses qu’effrayantes : corruption des agents des forces de l’ordre, trafic de drogue, tortures et assassinats d’opposants à tout va, règlements de compte entre gangsters dans l’espace public en toute impunité, etc.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/411751/original/file-20210718-15-1ormltp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/411751/original/file-20210718-15-1ormltp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=792&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/411751/original/file-20210718-15-1ormltp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=792&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/411751/original/file-20210718-15-1ormltp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=792&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/411751/original/file-20210718-15-1ormltp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=995&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/411751/original/file-20210718-15-1ormltp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=995&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/411751/original/file-20210718-15-1ormltp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=995&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le SAC est toujours présenté comme une organisation barbouzarde.</span>
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<p>De son côté, l’OAS est réputée fascisante, voire fasciste, également sans scrupule, composée uniquement de militaires et de gangsters racistes ayant des intérêts personnels à défendre dans la préservation de l’Algérie française. <a href="https://www.riveneuve.com/catalogue/verites-et-legendes-dune-oas-internationale/">Une vision là encore erronée et trop simpliste</a> : s’il est vrai que des <a href="https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01244341/document">éléments de l’OAS pouvaient être des militaires racistes</a> qui défendaient avant tout l’Algérie française dans leur propre intérêt, la plupart s’engageaient dans une <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/les-soldats-perdus-des-anciens-de-l-oas-racontent-vincent-quivy/9782020530934">lutte idéologique et patriotique sincère</a>. Avec l’indépendance de l’Algérie actée, les plus radicaux vont poursuivre la lutte clandestine à l’étranger. Les autres, amers, vivent en exil ou sont emprisonnés. Désirant tourner la page, le général de Gaulle signe <a href="https://www.cairn.info/revue-histoire-de-la-justice-2005-1-page-271.htm">plusieurs lois d’amnistie</a> dont la plus importante fut celle de juin 1968. L’été qui suit voit alors <a href="https://journals.openedition.org/criminocorpus/1777">l’autodissolution de l’organisation</a>.</p>
<h2>Un penchant pour les légendes noires</h2>
<p>L’auteur s’avère plus original dans son approche de la GP. Décriée par les contemporains pour sa fureur et ses actions spectaculaires, elle devient ici un groupuscule de jeunes idéalistes déphasés et peu violents. Les lecteurs ont droit à un traitement plus fidèle des faits, même si là encore, il y a des exagérations inattendues : la plupart des militants de la GP paraissent ridicules dans leurs attitudes, soit parce qu’ils portent une vision décalée de la société, soit parce qu’ils sont risibles dans leurs actes. Seul un personnage se détache clairement du groupe, pour tomber dans le stéréotype du militant paranoïaque souffrant de délires mystiques…</p>
<p>Malgré ce penchant de l’auteur pour les légendes noires, le monde dans lequel évolue Paco Martinez reste crédible dans son ensemble. Il serait intéressant de voir si d’autres romanciers ou romancières ont écrit des œuvres de fiction sur les violences militantes. L’actualité hexagonale regorge d’événements militants spectaculaires (voire violents). De multiples groupes à la <em>praxis</em> militante musclée existent, et certains sont connus. Les Blacks Blocs et l’ex-Génération identitaire sont les plus médiatisés ces dernières années. Les « gilets jaunes » ont également pu marquer les esprits. Des auteurs comme Maurice Attia pourraient bien transporter le lecteur dans des questions d’actualités brûlantes en le plongeant au cœur de ces univers fascinants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/164670/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bryan Muller ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Lire ou relire les polars historiques de Maurice Attia pour essayer de comprendre la violence politique issue des tensions entre France et Algérie dans les années 60.
Bryan Muller, Doctorant en Histoire contemporaine, Université de Lorraine
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tag:theconversation.com,2011:article/166119
2021-08-17T18:02:15Z
2021-08-17T18:02:15Z
À l’épreuve du feu et de la pandémie, un regain de solidarité nationale en Algérie
<p>En cet été 2021, l’Algérie est confrontée à une double épreuve : d’une part, une <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1050663/article/2021-07-29/covid-19-en-algerie-le-pays-manque-d-oxygene-en-temoigne-une-video-et-un-appel-l">pénurie d’oxygène dans les hôpitaux</a> en pleine troisième vague de cas de Covid due à la <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/07/29/en-algerie-le-systeme-de-sante-est-submerge-par-le-variant-delta_6089865_3212.html">rapide propagation du variant delta</a> dans un pays encore peu vacciné ; d’autre part, et depuis moins longtemps, des incendies d’une violence inédite, qui ont provoqué <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/08/14/algerie-des-incendies-continuent-de-ravager-le-nord-du-pays-le-bilan-s-alourdit_6091449_3212.html">plusieurs dizaines de morts</a>.</p>
<p>Les réseaux sociaux, où la solidarité s’organise, étaient déjà submergés d’images poignantes d’hôpitaux saturés et de médecins épuisés, qui paient d’ailleurs un <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/algerie/covid-19-en-algerie-plus-de-260-medecins-emportes-par-la-pandemie_4728337.html">lourd tribut</a> à l’épidémie. S’y ajoutent désormais d’impressionnantes images apocalyptiques qui révèlent l’étendue du désastre humain, matériel et environnemental provoqué par des incendies colossaux qui semblaient <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/algerie/algerie-la-plupart-des-incendies-sont-maitrises-annonce-la-protection-civile_4739041.html">maîtrisés au 16 août</a>. Selon, les autorités, ces incendies étaient de nature criminelle : le 12 août, le président de la République a annoncé <a href="https://www.challenges.fr/monde/algerie-le-president-annonce-l-arrestation-de-22-pyromanes_776765">l’arrestation de 22 pyromanes</a>.</p>
<h2>La lenteur des secours</h2>
<p>Les villageois, avant tout en Kabylie, région particulièrement touchée, ont dû <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/algerie/reportage-en-algerie-la-kabylie-reduite-en-cendres-657f1c78-fac1-11eb-ba79-96c5b236843d">affronter le feu</a> avec des moyens rudimentaires.</p>
<p>Les renforts de la protection civile et de l’armée ont été accueillis positivement par la population, mais jugés tardifs et insuffisants face à la magnitude du désastre. Très vite, les citoyens ont <a href="https://www.lavantgarde-algerie.com/article/actualites/le-collectif-sos-la-kabylie-est-calcinee-appelle-louverture-dune-voie-pour-une-aide-internationale">exhorté l’État à accepter l’aide internationale</a> : au vu de l’ampleur de la catastrophe, l’enjeu de la fierté nationale devait passer au second plan. L’envoi de <a href="https://www.jeuneafrique.com/1217151/politique/incendies-en-algerie-comment-la-france-a-envoye-deux-canadair-en-kabylie/">deux Canadairs</a> fournis par l’Union européenne a pris trois précieux jours car le pouvoir algérien, soucieux de sauver la face, a tenu à signer pour cela un accord commercial de location avec l’UE.</p>
<p>Entretemps, avec l’humour de résistance <a href="https://theconversation.com/algerie-quand-les-millennials-defont-le-trauma-avec-humour-et-imagination-113377">que l’on connaît aux Algériens</a>. les internautes avaient comparé l’équipement en Canadairs des pays voisins, chiffré le coût d’un Canadair et de la formation du personnel, et comparé ces sommes relativement réduites au budget démesuré dévolu aux dépenses militaires.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/416517/original/file-20210817-23-1gf4nay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416517/original/file-20210817-23-1gf4nay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416517/original/file-20210817-23-1gf4nay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416517/original/file-20210817-23-1gf4nay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416517/original/file-20210817-23-1gf4nay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416517/original/file-20210817-23-1gf4nay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416517/original/file-20210817-23-1gf4nay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Montage posté par l’ONG Info Béjaïa 24 sur son compte Facebook.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.facebook.com/199486740662525/photos/a.199497037328162/896309224313603">Page Facebook Info Béjaïa 24</a></span>
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<p>Particulièrement touchée par les incendies, la Kabylie est connue pour son irrédentisme matérialisé par un <a href="http://www.slate.fr/story/208763/algerie-elections-legislatives-anticipees-kabylie-tension-abstention-mak">boycott récurrent des élections</a>, y compris les législatives de mai dernier, ce qui constitue, de fait, un défi lancé à un pouvoir central qui a classé en mai 2021 comme <a href="https://www.elwatan.com/a-la-une/haut-conseil-de-securite-le-mak-et-rachad-classes-organisations-terroristes-19-05-2021">terroriste</a> le mouvement autonomiste Kabyle (MAK), minoritaire dans la région. La répression qui vise le mouvement pacifique du Hirak, lancé début 2019 et dont les marches hebdomadaires ont été <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/algerie-marches-interdites-le-hirak-se-refugie-sur-les-reseaux-sociaux-20210604">interdites</a>, a conduit certains à ironiser sur le fait que le pouvoir use largement de canons à eau pour disperser les manifestants, mais que ces mêmes canons sont introuvables lorsqu’il faut secourir les populations.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1425077435045974021"}"></div></p>
<p>La population a pris l’habitude de largement remettre en cause la gouvernance du pays sur les réseaux sociaux, espace d’expression majeur du pays, qu’il s’agisse de crise sanitaire ou d’incendie, de pénurie d’oxygène, mais aussi de liquidités, de semoule, d’huile, de lait, d’eau ou encore de coupures d’électricité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1425929168789848068"}"></div></p>
<p>Aussi, l’annonce d’un <a href="https://www.dzairdaily.com/algerie-deuil-national-3-jours-incendies/">deuil national de trois jours</a> pour commémorer les civils et militaires décédés du fait des incendies a irrité la toile au moment où les feux continuaient de s’étendre. Les internautes n’ont pas manqué de souligner qu’il aura fallu trois jours avant que des officiels ne se présentent aux victimes pour déclencher un fonds spécial d’indemnisation et six jours au chef de l’État pour visiter deux hôpitaux. Le sentiment d’abandon de la population ne s’est pas éteint lorsque le 12 août au soir, le président de la République a déclaré que la demande d’aide internationale avait été exprimée par l’Algérie dès le 9 août mais que <a href="https://www.facebook.com/fildalgeriedz/photos/a.1769586323150169/3942045275904252/">celle-ci était indisponible en raison des incendies en Grèce</a>. Deux Canadairs attendus d’Espagne le 13 août 2021, et un de Suisse le lendemain, a annoncé le président. Bon nombre d’internautes se sont étonnés que ces procédures aient tant duré, au vu de l’urgence, et déploré que les autorités algériennes n’aient pas accepté l’aide proposée par le Maroc voisin, avec lequel les relations diplomatiques sont tendues.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1425555471608467456"}"></div></p>
<h2>Les Algériens, champions de la solidarité sociale</h2>
<p>Sans attendre, dès le 9 août au soir, s’est mise en mouvement une solidarité phénoménale, transcendant les divisions entre régions et <a href="https://www.lefigaro.fr/international/algerie-la-diaspora-en-premiere-ligne-face-aux-feux-et-a-la-crise-sanitaire-20210812">largement appuyée par la diaspora</a> – une mobilisation en continuité de celle toujours à l’œuvre pour faire face à la pénurie de moyens sanitaires.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/416522/original/file-20210817-6755-1m61vl2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416522/original/file-20210817-6755-1m61vl2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=607&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416522/original/file-20210817-6755-1m61vl2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=607&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416522/original/file-20210817-6755-1m61vl2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=607&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416522/original/file-20210817-6755-1m61vl2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=763&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416522/original/file-20210817-6755-1m61vl2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=763&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416522/original/file-20210817-6755-1m61vl2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=763&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Les Algériens se mobilisent pour la Kabylie », dessin de Dilem.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://kabyle.com/image/vivement-letat-kabyle">Kabyle.com</a></span>
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<p>Des appels à agir avec responsabilité et unité pour aider les zones sinistrées ont inondé la toile, un facilitateur important. On se souvient qu’en mars 2020, à l’avènement du coronavirus, ce sont les citoyens, avant l’État, qui ont mis fin aux marches du Hirak, par responsabilité au vu de la crise sanitaire – les Algériens avaient d’ailleurs été distingués par des médias internationaux comme <a href="https://www.middleeasteye.net/fr/reportages/face-au-coronavirus-les-algeriens-champions-de-la-solidarite">« champions de la solidarité »</a> ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1425887467895463937"}"></div></p>
<p>En très peu de temps, le Hirak avait <a href="https://theconversation.com/pourquoi-le-peuple-algerien-aspire-au-prix-nobel-de-la-paix-134499">mobilisé ses codes de collaboration solidaire</a> au travers des réseaux sociaux pour compenser, dans la mesure du possible, la fragilité du système sanitaire.</p>
<p>Cet été, un élan de générosité massif a traversé le pays. Depuis l’ensemble du territoire, des convois de dons interminables ont afflué notamment vers la Kabylie, zone la plus sinistrée, signant <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/algerie-face-a-l-apocalypse-de-feu-une-massive-solidarite-s-organise-11-08-2021-2438586_3826.php">l’union du peuple dans l’adversité</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/416523/original/file-20210817-23-5l14am.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416523/original/file-20210817-23-5l14am.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416523/original/file-20210817-23-5l14am.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416523/original/file-20210817-23-5l14am.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416523/original/file-20210817-23-5l14am.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416523/original/file-20210817-23-5l14am.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416523/original/file-20210817-23-5l14am.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’un des nombreux messages de ce type relayés sur Facebook par de nombreux internautes.</span>
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<p>Des appels pour lister les besoins, les associations fiables par village, les denrées nécessaires, les lieux de dépôt, itinéraires de départ depuis les principales villes ont été très relayés sur les réseaux. Parallèlement, des centaines de jeunes de différentes régions sont allés spontanément prêter main-forte aux locaux dans les villages reculés. On y note des scènes de fraternité émouvantes, parfois entre personnes ne parlant pas la même langue (kabyle/arabe), qui contrastent heureusement avec le racisme et les discriminations dont les réseaux sociaux algériens sont souvent le terrain d’expression.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1425168612025831429"}"></div></p>
<h2>La Kabylie, inspiration des théories de la solidarité sociale</h2>
<p>En Kabylie, la solidarité en provenance de l’ensemble du pays a été spectaculaire. Hôtels, foyers, salles des fêtes <a href="https://www.facebook.com/CulturArtKabyle/photos/a.2628991823783073/5025433327472232/">ont ouvert leurs portes aux familles sinistrées</a>, maintenant un principe d’hospitalité ancestral.</p>
<p>Dans cette région, les systèmes de gouvernance de structures ancestrales qui comportent plusieurs niveaux telles les jemaà (« assemblées villageoises » <a href="https://www.berose.fr/article2013.html">étudiées par Pierre Bourdieu</a>) se mêlent aux institutions modernes formelles (autorités locales, associations, entreprises…) pour constituer des collectifs agiles et à fort <a href="https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1980_num_31_1_2069">« capital social »</a>, identifiant vite les besoins. Les familles, délibérant ensemble sur les décisions à prendre, organisent l’action et solutionnent les conflits. Cette fois, les Kabyles ont également utilisé les réseaux sociaux pour communiquer, facilitant l’apport et la répartition de l’aide. Ainsi, quand un village déborde de dons, il parvient à éviter le gaspillage (thématique moderne), conciliant cette tradition avec une vraie agilité en matière d’usage des outils de communication et de management des dons.</p>
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<p>C’est après avoir lu des travaux sur l’organisation sociale en Kabylie (notamment <a href="https://www.leslibraires.fr/livre/1565270-la-kabylie-et-les-coutumes-kabyles-premiere-pa--adolphe-hanoteau-aristide-letourneux-association-atout-kabylie-europe">ceux d’A. Letourneu et A. Hanoteau</a>) que le père de la sociologie Émile Durkheim a forgé la problématique des <a href="http://www.education-populaire.fr/solidarite-mecanique-organique/">solidarités mécanique et organique</a>. Historiquement, selon Hanoteau et Letourneux, qui écrivaient en 1893, toute la société kabyle est imprégnée de « l’esprit d’association et de solidarité » et « partout, on retrouve, à ses divers degrés, l’association solidaire, aussi bien dans les moindres intérêts de la vie privée que dans les relations de la famille, du village et de la tribu ». Bourdieu soulignait à cet égard qu’« à l’imperfection des techniques répond une perfection hyperbolique du lien social, comme si la précarité de l’ajustement à l’environnement naturel trouvait contrepoids dans l’excellence de l’ajustement social […] ». <a href="https://www.facebook.com/farid.alilat/posts/10226359761449880">Cette contribution</a> récente du journaliste Farid Allilat illustre l’actualité de ce propos.</p>
<p>Bourdieu élaborera dans cette même Kabylie les principaux concepts de sa théorie, notamment ceux du « capital social » et de la « violence symbolique », en relation directe avec le sentiment de l’honneur qui n’épargne aucune société.</p>
<h2>Une ombre au tableau de la solidarité : une tragédie dans la tragédie</h2>
<p>Le 11 août dernier, Djamel Ben Ismaïl, un jeune bénévole venu en Kabylie depuis la ville de Miliana, située à des centaines de kilomètres de là, pour participer à la lutte contre les incendies, a été <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/le-lynchage-a-mort-de-djamel-ben-ismail-accuse-a-tort-de-pyromanie-choque-l-algerie_2156657.html">lynché</a> dans la ville kabyle de Larbaâ Nath Irathen.</p>
<p>Soupçonné par la foule d’être l’un des auteurs des incendies, il a été littéralement immolé sur la place publique, en présence de policiers. Une enquête est ouverte, de nombreux <a href="https://www.leparisien.fr/faits-divers/lynchage-dun-innocent-en-algerie-36-suspects-arretes-15-08-2021-WDQRWMYTLNG5DLPIS5ODRL2OHM.php">suspects arrêtés</a> grâce aux vidéos prises par les badauds.</p>
<p>Une <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/l-algerie-meurtrie-par-le-lynchage-d-un-jeune-en-kabylie-15-08-2021-2438933_3826.php">onde de choc</a> d’indignation et de refus de la barbarie a traversé tout le pays (et au-delà, via la diaspora). Ce crime sauvage pourrait recristalliser des divisions (entre Arabes et Kabyles) que la solidarité nationale transcende. Dans ce contexte, la réaction majestueuse du père de la victime, qui a appelé à la fraternité, à l’humanisme et à l’union entre tous les Algériens a forcé le respect dans l’ensemble du pays. Quand diverses assemblées représentatives de la société kabyle lui ont demandé pardon, il a déclaré « J’ai perdu un fils, j’ai gagné des enfants. Vous êtes tous mes enfants », éteignant ainsi d’autres feux.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1426492994920849411"}"></div></p>
<p>Dans l’urgence, sur le lieu du drame, les comités de village et citoyens ont publié ce communiqué. Dès à présent, le principe de réparation ancestral s’organise, avec des <a href="https://www.facebook.com/photo/?fbid=4559717567392105&set=gm.1759531057582023">appels aux dons</a> depuis la Kabylie pour soutenir la famille de la victime et sa région, Miliana.</p>
<p>La solidarité inter-régions et l’union ont continué massivement malgré ce sombre épisode. Djamel Ben Ismaïl, artiste, bénévole, hirakiste, célébré sur la toile, viendra longtemps hanter la conscience des Algériens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/166119/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nacima Ourahmoune ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La région la plus sinistrée par les incendies est la Kabylie, la solidarité du peuple algérien uni a démenti tout spectre de divisions régionales comme ressort de la vie politique du pays.
Nacima Ourahmoune, Professeur / Chercheur/ Consultant en marketing et sociologie de la consommation, Kedge Business School
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/162483
2021-07-19T22:06:19Z
2021-07-19T22:06:19Z
En 1926, les entraves à la migration tuaient déjà en Méditerranée
<p>Alors que la « liberté de voyage » avait été reconnue aux « indigènes » par la loi du 15 juillet 1914, les circulaires Chautemps de 1924 établirent un nouveau régime de contrôle migratoire entre les départements d’Algérie et la métropole. Les promesses d’égalité formulées à la fin de la Première Guerre mondiale s’estompant, les arguments des partisans d’un contrôle des déplacements furent entendus.</p>
<p>Les « Algériens musulmans » furent les seuls passagers ciblés par la mise en place d’autorisations de traversée, officiellement destinées aux personnes embarquant en 3<sup>e</sup> ou 4<sup>e</sup> classe. Jusqu’à la suppression (provisoire) de ces dispositions à l’été 1936, une partie des voyageurs les contournèrent en embarquant clandestinement à fond de cale, périples qui prirent parfois un tour dramatique rappelant que la létalité des contrôles migratoires doit être réinscrite dans une <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01394159/">histoire longue des prétentions à entraver les circulations humaines</a>.</p>
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<h2>Un « drame » médiatisé</h2>
<p>Il reste peu de traces de ces traversées macabres de la Méditerranée mais la presse de l’époque se fit un large écho de <a href="https://www.lecourrierdelatlas.com/notre-histoire-la-tragedie-de-sidi-ferruch-22593/">« l’horrible drame du Sidi Ferruch »</a>. Le 27 avril 1926, à la suite d’une dénonciation, onze Marocains embarqués clandestinement à Alger furent découverts asphyxiés dans les cales du bateau éponyme qui faisait escale à Marseille. Comme le décrivent des rapports de police conservés aux Archives des Bouches-du-Rhône, ils avaient été cachés « dans les ballasts du navire, sous les machines » où la température pouvait monter jusqu’à 70 degrés. Dix-neuf autres « passagers » furent retrouvés sains et saufs dans la soute à charbon, mais une inconnue demeura à propos du sort d’éventuelles autres victimes qui auraient pu être ensevelies sous les 285 tonnes de combustible entreposées dans les cales du bateau.</p>
<p>Le Sidi Ferruch repartit en effet vers Bougie (actuelle Bejaïa, sur la côte à l’est d’Alger) sans qu’une fouille complète ait pu être effectuée, tandis que les survivants, après avoir été interrogés, étaient refoulés vers Alger d’où ils avaient embarqué. Quatre matelots corses, désignés comme ayant procédé à l’embarquement, furent placés sous mandat de dépôt et des suspects (« marocains », « algériens » ou « européens ») ayant opéré depuis Alger, comme rabatteurs ou organisateurs du trafic, furent recherchés, apparemment sans succès. Hormis la désignation d’un juge d’instruction, les suites judiciaires de l’affaire ne nous sont d’ailleurs pas connues.</p>
<p>L’écho donné à la « tragédie du Sidi Ferruch » permit d’apprendre que ces cas de morts en migration n’étaient pas isolés : ainsi, le 9 avril 1926, le vapeur Anfa, un courrier parti de Casablanca, avait lui aussi été au centre d’une affaire d’embarquements clandestins nécessitant plus d’investigations que le simple refoulement des « indigènes » découverts à leur arrivée. Alors qu’une douzaine de clandestins cachés dans des canots avaient été débarqués à Tanger, ceux dissimulés à fond de cale ne furent découverts qu’en haute mer. Deux d’entre eux étaient morts par asphyxie. Le timonier dénoncé par les survivants aurait fait des aveux immédiats et se serait suicidé avec son arme personnelle.</p>
<p>Incidemment, et sans faire état d’une quelconque surprise ou volonté d’enquêter, le commissaire spécial de Marseille rapporta alors à ses supérieurs de la Sûreté générale que trois corps avaient été « immergés » avant l’arrivée dans le port de la cité phocéenne. On imagine avec quelle facilité il pouvait être possible pour les capitaines de navires, véritables « maîtres à bord », de faire disparaître des cadavres de clandestins sans que personne ne s’en inquiète.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/409342/original/file-20210701-15-s46mbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/409342/original/file-20210701-15-s46mbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/409342/original/file-20210701-15-s46mbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=640&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/409342/original/file-20210701-15-s46mbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=640&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/409342/original/file-20210701-15-s46mbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=640&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/409342/original/file-20210701-15-s46mbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=805&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/409342/original/file-20210701-15-s46mbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=805&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/409342/original/file-20210701-15-s46mbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=805&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Récépissé de demande de carte d’identité délivré par la police des ports de Marseille, mise en cause pour sa propension à régulariser ainsi, moyennant finances, la situation d’Algériens et Marocains « embarqués clandestinement ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 4M 2361</span></span>
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<h2>Des victimes sans noms</h2>
<p>Dans ce cas, comme dans celui du Sidi Ferruch, l’identité des victimes ne fut jamais établie : l’absence de papiers suffisait à justifier cet anonymat, sans qu’aucune autre forme d’attestation soit recherchée, y compris auprès des survivants promptement refoulés vers leur port d’embarquement. Selon toute probabilité, les cadavres qui n’avaient pas été immergés faisaient l’objet d’une « inhumation administrative » (enterrement « sous X » dans une fosse commune réservée aux indigents) dans un cimetière de Marseille.</p>
<p>Il est donc impossible d’établir la moindre estimation du nombre des « morts en Méditerranée » provoqués par l’introduction d’un « délit d’embarquement clandestin » (loi du 30 mai 1923) et de restrictions à la circulation entre le Maroc (1922) – puis l’Algérie (1924) – et la métropole. Le « drame du Sidi Ferruch » ne peut cependant être considéré comme un événement isolé, même s’il fut le seul à attirer l’attention de la grande presse. Ainsi, au cours des mois suivants, des militants du secrétariat colonial de la CGTU dénoncèrent la répétition de ces événements : la brochure <em>L’indigénat, code d’esclavage</em> (1928) rappelle plusieurs cas d’Algériens sortis « agonisants » ou de Nord-africains descendus de bateau « dans un état de santé alarmant ». Surtout, elle signale que pour échapper aux contrôles, ces clandestins évitaient les grands ports et pouvaient s’entasser dans de simples voiliers : quatre morts par dénutrition, après 23 jours de voyage, furent ainsi découverts le 25 février 1927, à Port-la-Nouvelle (Aude).</p>
<p>Dix ans plus tard, <a href="https://www.google.fr/books/edition/L_Alg%C3%A9rie_sous_l_%C3%A9gide_de_la_France_co/d3rxMAAACAAJ?hl=fr">Saïd Faci</a> suggérait dans <em>L’Algérie sous l’égide de la France</em> (1936) que les morts à fond de cale étaient bien plus nombreux que les seuls cas recensés : « qu’importe que les indigènes meurent pourvu que les colons algériens aient de la main-d’œuvre à bon marché », écrivait-il, afin de dénoncer les funestes conséquences des restrictions à la libre circulation entre l’Algérie et la métropole.</p>
<p>Il est vrai qu’avant même que la relative émotion suscitée par les cadavres du Sidi Ferruch ne retombe, les réactions officielles avaient été sans surprise : Octave Depont qui faisait alors figure de principal expert en <a href="http://www.theses.fr/1990PA070030">« émigration nord-africaine »</a> fit ainsi savoir dans la presse que « l’indigène sans papiers devait être renvoyé en Algérie ». L’objectif affiché était « de tarir l’émigration clandestine qui, ces derniers temps, a pris un développement redoutable », tout en évitant « les centaines de morts » en mer qu’Octave Depont évoquait sans plus de précisions (<em>Le Petit Versaillais</em>, mai 1926). Son appel à une répression plus sévère fut entendu et les peines relatives à la loi du 30 mai 1923 qui avait défini le délit d’embarquement clandestin furent alourdies (loi du 17 décembre 1926).</p>
<h2>Contourner les contrôles migratoires</h2>
<p>Les contournements des contrôles ne semblent pas avoir diminué dans les années suivantes, même si la plupart des candidats au départ cherchaient à éviter les modes opératoires les plus périlleux, en particulier les embarquements à fond de cale. Un certain nombre de Marocains, passés par Oran sans avoir pu réunir les faux documents et autres autorisations achetées qui auraient pu leur donner l’apparence d’Algériens en règle, devaient cependant s’y résoudre. Des Algériens munis de faux papiers étaient aussi interpellés à Marseille et immédiatement refoulés, mais la plupart de ces migrants clandestins, ou <em>harragas</em>, bénéficiaient de complicités qui leur permettaient d’échapper aux contrôles à l’arrivée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/408925/original/file-20210629-11592-rpv4jf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/408925/original/file-20210629-11592-rpv4jf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408925/original/file-20210629-11592-rpv4jf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=734&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408925/original/file-20210629-11592-rpv4jf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=734&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408925/original/file-20210629-11592-rpv4jf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=734&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408925/original/file-20210629-11592-rpv4jf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=922&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408925/original/file-20210629-11592-rpv4jf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=922&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408925/original/file-20210629-11592-rpv4jf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=922&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« L’horrible drame du Sidi Ferruch », Le Petit journal illustré, 16 mai 1926.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une fois passée la flambée politico-médiatique suscitée par l’affaire du Sidi Ferruch, la question des trafics de pièces d’identité et des « embarquements clandestins » resurgit périodiquement, en fonction notamment des mobilisations en faveur d’un durcissement des contrôles. Cette <a href="https://journals.openedition.org/conflits/10363">politisation</a> rend d’autant plus délicate toute évaluation du poids et des conséquences de « l’émigration clandestine ». Les refoulements depuis Marseille étaient relativement peu nombreux (de l’ordre de quelques dizaines par mois), mais les capitaines de navire avaient tout intérêt à faire débarquer discrètement les clandestins découverts en mer plutôt qu’à les dénoncer, au risque de devoir prendre en charge leur voyage retour.</p>
<p>Les plus lucides des policiers reconnaissaient d’ailleurs que le nombre des « clandestins » et les risques qu’ils étaient prêts à encourir dépendaient avant tout de la rigueur de la législation et des contrôles en vigueur. Ces constats furent cependant peu mobilisés au service d’argumentaires en faveur de la liberté de voyage, sinon par les militants anticolonialistes qui voyaient dans ces contrôles et leurs dramatiques conséquences humaines une des déclinaisons de <a href="https://www.retronews.fr/colonies/echo-de-presse/2019/10/15/le-code-de-lindigenat">« l’odieux Code de l’indigénat »</a>.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est également à retrouver sur le site de l’<a href="https://ehne.fr/fr">Encyclopédie d’histoire numérique de l’Europe</a> (EHNE).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162483/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Blanchard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Il y a 95 ans, le drame migratoire du Sidi Ferruch secouait la presse. Comme aujourd’hui, des contrôles renforcés poussaient les candidats à la traversée de la Méditerranée à mettre leur vie en péril.
Emmanuel Blanchard, Maître de conférences en sciences politiques à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, fellow de l'Institut Convergence Migrations, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay
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2021-03-28T16:37:52Z
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Algérie : la « Révolution du sourire pacifique » persiste et signe
<p>« Reste-t-il quoi que ce soit du Hirak ? », <a href="https://www.nytimes.com/fr/2020/10/04/world/africa/un-an-apres-le-hirak-lespoir-dun-renouveau-retombe-en-algerie.html">feignait de s’interroger</a> le président algérien Abdelmadjid Tebboune lors d’une entrevue avec le <em>New York Times</em> en octobre 2020. Il est vrai que, à ce moment-là, les Algériens, qui avaient battu le pavé 56 semaines durant à partir du 16 février 2019, ne sortaient plus dans la rue depuis plusieurs mois <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/le-hirak-observe-une-treve-sanitaire_2123256.html">du fait de la crise sanitaire</a>. Mais en février dernier, les marches pacifiques massives ont <a href="https://www.france24.com/fr/vid%C3%A9o/20210226-mouvement-du-hirak-le-retour-des-marches-en-alg%C3%A9rie">repris avec une nouvelle vigueur</a>, démentant de manière cinglante ce pronostic d’extinction.</p>
<p>La primauté du politique sur le militaire, l’indépendance de la justice, la liberté de la presse, la démocratie, le démantèlement réel du « système » et le départ de ceux qui l’incarnent : les mêmes exigences sont scandées les mardis et vendredis depuis le 16 février 2021, indiquant la volonté d’une large partie de la population d’en finir avec un régime qu’elle juge à bout de souffle.</p>
<h2>Un mouvement que la pandémie n’a pas arrêté</h2>
<p>L’<a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/12/19/algerie-le-nouveau-president-abdelmadjid-tebboune-entre-en-fonctions_6023465_3212.html">élection</a> du président Tebboune en décembre 2019 n’avait pas eu d’effet sur le Hirak : moins de 10 % de la population a participé au vote qui l’a élu, <a href="https://www.nytimes.com/fr/2020/10/04/world/africa/un-an-apres-le-hirak-lespoir-dun-renouveau-retombe-en-algerie.html">selon l’opposition</a>, alors que le chef de l’État, lui, affirme que le taux de participation a été de 40 %. Le <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/11/02/incertitudes-en-algerie-au-lendemain-d-un-referendum-constitutionnel-boude-par-la-population_6058192_3212.html">référendum constitutionnel</a> organisé pendant la pandémie et présenté comme une solution a également pâti d’un taux de participation historiquement bas, signe du poids du Hirak qui avait <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/societe-africaine/notre-constitution-c-est-votre-depart-le-hirak-pour-un-boycott-du-referendum-constitutionnel-en-algerie_4150695.html">appelé les citoyens à ne pas se rendre aux urnes</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1323650068520542209"}"></div></p>
<p>Malgré l’effet d’aubaine de la pandémie, qui a suscité la suspension des marches, la recherche de légitimité de l’exécutif est restée en panne. L’annonce très récente de la tenue d’<a href="https://www.latribune.fr/depeches/reuters/KBN2B32ES/algerie-les-legislatives-anticipees-fixees-au-12-juin-2021.html">élections législatives anticipées en juin 2021</a> est décriée dans la rue. Des pancartes exhibées lors du 110<sup>e</sup> vendredi l’expriment clairement : </p>
<p>La remise en liberté – parfois provisoire – de dizaines de détenus d’opinion la veille de l’anniversaire du Hirak n’a pas éteint la revendication de la rue, qui exige du pouvoir qu’il libère tous les détenus du Hirak et se conforme aux traités et conventions signées par l’Algérie en la matière – une demande <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/algerie-l-onu-demande-la-fin-des-arrestations-arbitraires-contre-le-hirak-399160">relayée par l’ONU elle-même</a>. Le <a href="https://www.jeuneafrique.com/1080643/societe/algerie-le-parlement-europeen-denonce-les-atteintes-aux-droits-de-lhomme/">Parlement européen</a> et les <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/10/12/algerie-amnesty-international-appelle-a-la-liberation-d-un-militant-du-hirak_6055689_3212.html">ONG internationales</a> ont également appelé l’État algérien a respecter ses engagements. Actuellement, selon le Comité national de libération des détenus et le site dédié <a href="https://www.algerian-detainees.org/">Algerian detainees</a>, qui dressent des bilans fiables, trente personnes sont encore en prison pour avoir pris part au mouvement du Hirak.</p>
<p>Face à la surdité du pouvoir, le Hirak persiste et signe, toujours au nom du principe de <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/societe-africaine/pourquoi-le-mouvement-citoyen-en-algerie-pourrait-pretendre-au-prixnobel-delapaix_3905235.html">Silmya</a> (Paix), qui constitue son modus operandi. En la matière, le peuple algérien persévère dans un exploit <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2020/02/22/algerians-have-been-protesting-year-heres-what-you-need-know/">reconnu par des chercheurs américains de Harvard et Princeton</a> comme l’un des mouvements les plus résilients de l’histoire mondiale des mouvements sociaux.</p>
<h2>Pas de trêve pour la répression</h2>
<p>La résilience du Hirak s’explique avant tout par l’attitude des autorités : une dissonance de plus en plus visible s’est instaurée entre un discours apaisant et une répression continue. Le pouvoir a notamment cherché à profiter du contexte de la pandémie pour criminaliser le Hirak.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1264553776775651328"}"></div></p>
<p>Pour reprendre la terminologie de <a href="https://www.franceculture.fr/conferences/forum-des-images/pourquoi-il-faut-relire-surveiller-et-punir-de-michel-foucault">Michel Foucault</a>, la pandémie en Algérie a mis à nu une gouvernementalité (gestion des populations) panoptique (voir sans être vu), de surveillance où le but est de <em>discipliner et punir</em>. Cette gestion des populations par la surveillance continue et l’emprisonnement donne aux citoyens la sensation diffuse de pouvoir à tout moment être privés de liberté, ce qui suscite chez eux censure et autocensure.</p>
<p>Foucault a <a href="http://www.festival-philosophia.com/une-notion-un-auteur/le-confinement-et-foulcaut/">étudié des cas de pandémies</a> (peste, choléra) pour expliciter la façon dont le pouvoir panoptique surveille et contrôle, dépersonnalise la sanction, insinue la tétanie jusqu’à ne plus avoir besoin d’avoir recours à la force, les individus s’auto-disciplinant par crainte. Pour éteindre un Hirak qui <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/RC-017317/algerie-le-hirak-continue/">s’est replié en ligne pendant la pandémie</a>, le pouvoir a procédé à des arrestations spectaculaires, aussi bien de personnalités médiatiques que de simples citoyens, <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/droit-et-justice/vous-mettez-un-post-sur-facebook-vous-allez-en-prison-en-algerie-la-repression-se-durcit-et-pousse-les-medias-a-l-autocensure_4104863.html">pour de simples posts sur les réseaux sociaux</a>.</p>
<p>Cette pratique a créé un sentiment de non-sens et une perception d’insécurité accrue, qui a favorisé chez certains l’effet d’auto-censure recherché. Visant autant des anonymes (jeunes, personnes âgées, hommes et femmes) que des journalistes de renom comme <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/algerie-nouvelle-arrestation-du-journaliste-khaled-drareni-353303">Khaled Drareni</a>, devenu symbole international d’un droit d’informer bafoué, pour des chefs d’inculpation lourds tels que l’atteinte à l’unité nationale, ces emprisonnements ont meurtri les citoyens ; mais ils ont aussi renforcé les revendications du Hirak énoncées plus haut. En effet, le Hirak a résisté via de nombreuses initiatives (<a href="https://www.inter-lignes.com/interdit-a-la-maison-de-la-presse-le-13eme-sit-in-en-soutien-a-khaled-drareni-en-virtuel/">sit-in en ligne</a>, création de <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/04/24/radio-corona-internationale-la-station-satirique-qui-maintient-la-flamme-du-hirak-algerien_6037653_3212.html">Radio Corona Internationale</a>, débats, expressions d’indignation…) et, comme avant la trêve sanitaire, des avocats se sont mobilisés vaillamment pour porter la voix du mouvement dans les prétoires.</p>
<p>Tout en cherchant à détourner le Hirak à son profit en l’institutionnalisant (le 22 février, considéré comme jour de la naissance du mouvement, a ainsi été <a href="https://www.algerie-eco.com/2020/02/19/tebboune-decrete-le-22-fevrier-journee-nationale/">proclamé jour férié</a>), le pouvoir n’a eu de cesse de criminaliser le mouvement. Par exemple, une <a href="https://www.24heures.ch/monde/alger-criminalise-fake-news-etat/story/18884906">loi contre les fake news</a> facilite l’emprisonnement des journalistes et des militants pour des posts sur les réseaux sociaux ; des projets de loi prévoient la <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/03/17/un-projet-de-decheance-de-nationalite-suscite-l-emoi-en-algerie_6073458_3212.html">déchéance de nationalité</a> pour les Algériens à l’étranger « agissant de manière contraire aux intérêts de l’État » ; et le déclenchement d’une enquête préliminaire est désormais <a href="https://www.inter-lignes.com/corruption-zeghmati-interdit-la-mise-en-mouvement-dune-action-publique-sans-son-approbation/">impossible sans accord du ministre de la Justice</a>. Il faut bien du courage aux Algériens pour redescendre dans la rue, malgré un dispositif policier qui ferme les accès, met des obstacles au parcours des manifestations et réprime chaque semaine. Cela fait dire à <a href="https://fb.watch/4nOuv-l84C/">Mohammed Tadjadit</a>, surnommé le poète du Hirak, qui a été incarcéré à plusieurs reprises et de nouveau en fin de manifestation le 26 mars 2021 :</p>
<blockquote>
<p>« Je n’ai plus peur de la prison… la rue est devenue une prison… il est temps que le peuple décide de son avenir… »</p>
</blockquote>
<p>Ce système de punition est tellement intégré que <a href="https://twitter.com/khaleddrareni/status/1373699851444219908">certains citoyens estiment</a> que des problèmes comme les coupures d’eau ou la hausse du prix de l’huile peuvent s’expliquer par la volonté du pouvoir de punir les Algériens pour leur participation au Hirak.</p>
<p>Ajoutons qu’une affaire fera précédent : celle de Walid Nekkiche, cet étudiant détenu d’opinion qui a osé dénoncer les tortures et le viol qu’il a subis en détention. Contre toute logique « d’honneur » qui contraint culturellement à taire de tels faits, il a créé par ses révélations un effet de choc et de rupture, reflétant les principes d’une génération déterminée à ne plus se laisser faire.</p>
<p>Cette affaire a particulièrement <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/02/06/en-algerie-des-accusations-de-tortures-suscitent-l-indignation_6069012_3212.html">indigné</a> les Algériens. Une vague de solidarité s’en est suivie, obligeant l’exécutif à ouvrir une enquête. Un <a href="https://www.facebook.com/Torture.basta">« Comité contre la torture et les conditions carcérales inhumaines »</a> est né pour venir au secours des victimes et obliger les coupables à rendre des comptes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1372938018059870213"}"></div></p>
<h2>Un régime qui ne parvient pas à reprendre la main</h2>
<p>Plutôt que d’opter pour la brutalité sécuritaire, le gouvernement aurait parfaitement pu consacrer l’esprit républicain ou d’union nationale autour de la cause sanitaire et, à partir de là, réellement correspondre à son discours d’apaisement vis-à-vis du Hirak. Dans les discours officiels, le mouvement est en effet qualifié de béni et de sacré – mais, désormais, les autorités précisent que ces termes décrivent le Hirak originel (<em>el asil</em>), celui qui est né pour contester l’annonce d’une nouvelle candidature à la présidentielle d’Abdelaziz Bouteflika. Habile manière de disqualifier toutes les marches du Hirak qui se sont déroulées après l’arrivée d’Abdelmadjid Tebboune à la présidence en décembre 2019.</p>
<p>Rompus à la communication du système, les Algériens répondent par le sarcasme à la propagande des médias officiels qui tentent d’imiter les codes stylistiques et sémantiques du Hirak. Le compte Twitter de la présidence s’inspire de l’esthétique du Hirak avec une photo représentant le président, le drapeau national et une fillette aux boucles blondes rappelant les images iconiques du mouvement. Soudain, la télévision nationale qui a ignoré le Hirak pendant un an l’année dernière, fait mine de couvrir ses dates anniversaires. Un reportage vidéo copie le style d’une vidéo qui a fait le buzz au début du Hirak : on y retrouve les vues aériennes des rues d’Alger noires de monde, et une voix qui loue l’événement… en déconnexion des banderoles, invisibles.</p>
<p>Actuellement, le terme de « société civile » est le motto de la présidence en vue des législatives anticipées de juin 2021. En mai 2019, j’avais défini <a href="https://theconversation.com/operation-mains-propres-en-algerie-la-societe-civile-mobilisee-pour-une-revolution-durable-116875">ici</a> les contours d’une société civile en mouvement (<em>hirak</em>) pour une révolution durable, dont les modalités ne sont pas le passage en force mais l’éthique collaborative.</p>
<p>Ces effets stylistiques et de sémantique qui se veulent en osmose avec le Hirak alors que le but de celui-ci est une nette rupture confèrent au rapt symbolique, à un <em>bypass</em> du consentement du peuple dans une tactique de communication politique. Du Hirak, le gouvernement choisit de récupérer parfois le style mais jamais le fond, la substance. Les hirakistes y trouvent des raisons supplémentaires de contester le système.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157615/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nacima Ourahmoune ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Après des mois d’interruption du fait de la crise sanitaire, les Algériens ont recommencé à descendre dans la rue pour contester un régime aux abois.
Nacima Ourahmoune, Professeur / Chercheur/ Consultant en marketing et sociologie de la consommation, Kedge Business School
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2021-03-09T20:09:00Z
2021-03-09T20:09:00Z
50 ans après, la nationalisation du pétrole algérien reste au cœur du conflit mémoriel
<p>Le 24 février 1971, il y a 50 ans, le président Houari Boumédiène annonçait aux cadres syndicaux de l’Union générale des travailleurs algériens sa décision de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=eK0SXJEI5HA&t=35s">nationaliser l’industrie des hydrocarbures</a>. Cette prise de contrôle par l’État de l’infrastructure de transport et de production, ainsi que de <a href="https://www.jeuneafrique.com/534985/politique/ce-jour-la-le-24-fevrier-1971-houari-boumediene-annonce-la-nationalisation-des-hydrocarbures/">51 % des actifs des entreprises pétrolières françaises</a>, entraîne à l’époque un renversement des rapports de force entre anciens colonisateurs et anciens colonisés.</p>
<p>En prenant possession du pétrole et du gaz du Sahara, les Algériens accèdent à des ressources qu’ils pourront mettre au service des projets de développement du pays. Pour la France, cette décision implique la perte du monopole qu’elle avait imposé sur les gisements sahariens lors de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Gisement_de_Hassi_Messaoud">découverte d’Hassi Messaoud</a> en 1956.</p>
<p>Ces deux perceptions opposées d’un même événement, relayées par les médias et les responsables politiques, ont contribué à renforcer le conflit de mémoires et à limiter la compréhension de l’histoire des relations franco-algériennes.</p>
<h2>Choc économique ou révolution politique ?</h2>
<p>En France, la nationalisation des hydrocarbures est présentée comme une page douloureuse de l’histoire de l’énergie. Dans ce sens, la prise de contrôle des entreprises françaises est associée à la fin de la longue phase de prospérité économique commencée dans l’après-guerre. Autrement dit, l’avènement de l’ère de la pénurie d’essence ferme la parenthèse des <a href="https://www.franceculture.fr/conferences/culturegnum/les-30-glorieuses-1945-1975">trente glorieuses</a> et marque un coup d’arrêt dans la course de la France vers la modernité.</p>
<p>En Algérie en revanche, la nationalisation est saluée en tant que victoire contre l’ancienne puissance coloniale et ses entreprises, ces dernières étant perçues comme des instruments de la domination française sur le pays. Ainsi, quand le président Boumédiène prononce son fameux discours du 24 février, il exprime clairement la volonté de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=eK0SXJEI5HA&t=4s">« porter la révolution dans le secteur des hydrocarbures »</a> afin d’assurer la création d’une industrie algérienne autour de la société nationale Sonatrach.</p>
<p>Choc économique pour les uns, révolution politique pour les autres, la nationalisation des hydrocarbures adopte un sens différent si nous l’analysons dans son contexte historique.</p>
<p>Cette décision est en effet annoncée durant les négociations sur l’augmentation de la fiscalité et des prix du brut engagées par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole avec les entreprises pétrolières qui jusqu’ici fixaient seules le cours du baril. La stratégie algérienne se révèle gagnante et d’autres États producteurs choisissent de l’imiter dans les mois qui précèdent le <a href="https://www.ina.fr/contenus-editoriaux/articles-editoriaux/23-decembre-1973-le-1er-choc-petrolier">choc pétrolier de 1973</a>.</p>
<p>Le succès des nationalisations confirme que les pays producteurs ne seront désormais plus des engrenages passifs d’une machine industrielle complexe et que le pétrole n’est pas l’affaire exclusive des grandes entreprises multinationales.</p>
<h2>La formation de travailleurs locaux</h2>
<p>L’histoire du pétrole saharien est souvent présentée comme un conflit qui a profondément influencé les relations entre la France et l’Algérie. Cela est dû à une vision très politisée du rôle joué par les hydrocarbures dans l’indépendance algérienne. Pourtant et en dépit de l’influence du système colonial, la conflictualité a été moins forte dans l’industrie du pétrole que dans d’autres secteurs tels que l’agriculture et la sidérurgie.</p>
<p>Lors du démarrage de l’exploration du Sahara au début des années 1950, les entreprises françaises manquent de connaissances techniques, de capitaux et de personnel qualifié. La Compagnie française des pétroles et les filiales du Bureau de recherche des pétroles – l’organisme d’État chargé de coordonner la politique nationale de recherche pétrolière – n’avaient jamais conduit des campagnes d’exploration d’une telle échelle en toute autonomie. Pour assurer le démarrage des chantiers, les entreprises doivent donc embaucher et former massivement des travailleurs locaux.</p>
<p>Métropolitains, « pieds noirs » et « Français musulmans d’Algérie » sont alors intégrés aux équipes techniques des sociétés. Certes, la domination coloniale ne remet pas en cause la hiérarchisation socioprofessionnelle et le système de division du travail. Mais le recrutement d’« indigènes » originaires des oasis sahariennes se révèle fondamental pour le développement de la jeune industrie.</p>
<p>La présence de travailleurs locaux au sein des entreprises pétrolières assure la naissance d’une classe ouvrière et d’une élite de techniciens qui assureront le bon fonctionnement des installations au lendemain de la nationalisation.</p>
<h2>Du système de domination aux mécanismes de coopération</h2>
<p>Quand l’Algérie devient un pays indépendant en 1962, les ressources du Sahara restent temporairement propriété des sociétés concessionnaires. Les grèves syndicales et les réformes socialistes inaugurées par le président Ahmed Ben Bella contribuent toutefois à accélérer la transition vers un nouveau mode d’activité.</p>
<p>L’Algérie obtient une participation dans le capital des entreprises auparavant contrôlées par le gouvernement colonial et introduit des obligations de recrutement et de formation des travailleurs locaux. L’« algérianisation » de l’industrie des hydrocarbures impose donc de mettre en œuvre une nouvelle stratégie de gestion des ressources humaines pour remplacer les Français expatriés par des techniciens locaux.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"692303834329280513"}"></div></p>
<p>Par ailleurs, la création d’une association coopérative entre Sonatrach et les sociétés pétrolières permet à la France de sécuriser l’accès aux sources d’énergie alors que l’Algérie obtient l’assistance nécessaire à poursuivre ses projets de développement industriel.</p>
<p>La transition entre un système de domination coloniale et un modèle d’association coopérative contribue à repousser de plusieurs années la nationalisation des hydrocarbures et contribue à renforcer les liens entre les deux pays. La France peut préserver ses investissements stratégiques et accéder à une production d’énergie à faible coût.</p>
<p>En même temps, l’Algérie devient de plus en plus dépendante de la technologie et de l’expertise française pour assurer le développement de ce secteur industriel. Dans ce sens, si la nationalisation de 1971 permet de redéfinir les relations diplomatiques, elle a dans les faits peu de conséquences sur la coopération économique dans le domaine.</p>
<h2>Une conciliation des mémoires manquée</h2>
<p>Aujourd’hui, le récit de la nationalisation demeure profondément influencé par la rhétorique des médias algériens et des publications militantes qui célèbrent, chaque année, la victoire politique de Boumédiène vis-à-vis de la France. Renforcé par le silence assourdissant du débat français, ce phénomène a contribué à accentuer le conflit mémoriel et à cristalliser deux visions différentes de la confrontation franco-algérienne pour le contrôle des ressources sahariennes.</p>
<p>Le 24 février 1971 a certainement permis d’ouvrir un nouveau chapitre dans l’histoire de l’énergie. N’oublions pas toutefois que les négociations entre les cadres de Sonatrach et les représentants de la Compagnie française des pétroles et d’Elf Aquitaine ont entraîné la signature en 1972 de nouveaux accords d’assistance technique et de coopération industrielle. Dans les années 1970, l’Algérie a donc fourni le terrain idéal pour expérimenter d’autres formes d’interaction entre la France et les pays de l’OPEP et du tiers monde.</p>
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<figcaption><span class="caption">Retour sur les origines de l’OPEP (INA Histoire/YouTube, 16 juillet 2012).</span></figcaption>
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<p>Si aujourd’hui l’Algérie est le <a href="https://www.bp.com/content/dam/bp/business-sites/en/global/corporate/pdfs/energy-economics/statistical-review/bp-stats-review-2020-full-report.pdf">2ᵉ producteur de pétrole en Afrique et le 7ᵉ exportateur de gaz naturel</a> au monde, ces résultats ne dépendent pas seulement de la disponibilité de ressources dans son sous-sol. Cela a été possible grâce à l’intense coopération technologique, industrielle et humaine qui a accompagné le développement de l’industrie nationale et a garanti à Sonatrach un accès privilégié aux marchés européens.</p>
<p>Comme l’explique <a href="https://energyhistory.eu/fr/sources-denergie/life-oilfields-unveiling-new-sources-social-history-french-hydrocarbon-industry">René Gourgouillon</a>, ancien négociateur de la Compagnie française des pétroles originaire d’Afrique du Nord,le développement de la coopération franco-algérienne dans le domaine des hydrocarbures est le fruit « d’une forme d’entente dont nous ne sommes pas toujours conscients ».</p>
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<figcaption><span class="caption">La recherche pétrolière au Sahara : travail, culture et imaginaire. (Sorbonne Université/Youtube, 2020)</span></figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/156047/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Radouan Andrea Mounecif a reçu pour ses recherches des financements de Total et du Comité d’histoire de l’électricité et de l’énergie de la Fondation EDF. </span></em></p>
Victime d’une perception déformée par les conflits de mémoire entre la France et l’Algérie, cette étape a pourtant permis de transformer la domination en coopération.
Radouan Andrea Mounecif, Archiviste et doctorant en histoire de l’énérgie, Sorbonne Université
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tag:theconversation.com,2011:article/149856
2020-11-29T17:52:33Z
2020-11-29T17:52:33Z
En Algérie, le management des entreprises contribue à la montée en puissance de la démocratie
<p>Ces dernières années, l’Algérie a été marquée par de nombreuses <a href="https://theconversation.com/en-algerie-les-cartes-du-pouvoir-face-a-la-mobilisation-populaire-112624">mobilisations populaires</a> portant sur des enjeux de politique interne et internationale, mais également sur des enjeux sociaux et économiques. Les manifestants se prononçaient alors en faveur de processus institutionnels plus démocratiques.</p>
<p>Une volonté que l’on retrouve parallèlement en entreprise, comme nous avons pu l’observer dans nos <a href="https://www.asjp.cerist.dz/en/article/76069">recherches</a> récentes. Il en ressort que les entreprises algériennes, confrontées à la recherche de l’excellence internationale, tentant généralement de combiner l’éducation et l’apprentissage de nouvelles pratiques de management avec cette aspiration profonde pour des processus institutionnels plus démocratiques.</p>
<p>L’espace de l’entreprise et celui des institutions politiques restent poreux dans toutes les évolutions sociétales. Parfois, les usages et les pratiques naissantes devancent les évolutions qui ont lieu dans les rapports de pouvoir présents au sein des entreprises.</p>
<p>Une <a href="https://sfhu.hypotheses.org/3154">étude</a> sur les entreprises dans le grand Est (très influencées par le protestantisme sous l’influence de la Réforme) du XVII<sup>e</sup> siècle à nos jours, fait par exemple état de chartes régissant le fonctionnement intérieur de ces organisations. Il y apparaît que jusqu’au début du XX<sup>e</sup> siècle, les journées de travail de plus de 10 heures sont souvent assorties d’une interdiction de pauses. Mais parfois les leviers de l’histoire s’inversent. C’est ce que nous percevons pour l’Algérie depuis plusieurs années.</p>
<h2>Le management au service de la démocratie</h2>
<p>Si dans l’espace public, les Algériens sont des citoyens libres de voter, de s’exprimer et de s’associer, qu’en est-il dans l’entreprise ? Sont-ils sommés d’obéir ou ont-ils la possibilité de participer aux décisions ? Le syndicaliste français Hyacinthe Dubreuil (auteur de nombreux ouvrages sur l’organisation des entreprises) dénonçait, dès le début des années 1930, le <a href="https://www.persee.fr/doc/rhmc_0996-2727_1929_num_4_23_3574_t1_0387_0000_4">grand écart</a> entre la libération du citoyen, permise alors par la démocratisation des institutions et le statut des salariés considérés selon l’auteur comme des corps étrangers dans l’entreprise.</p>
<p>Un siècle plus tard, paradoxalement, il semble qu’en Algérie, comme dans de nombreux autres pays, le mouvement ait suivi un cheminement inverse, et que l’évolution du management des entreprises, en tous cas de certaines des plus importantes d’entre elles, ait contribué à la montée en puissance de la demande de démocratie.</p>
<p>Même si plusieurs scandales ont éclaboussé le monde des affaires algérien, ils ne doivent pas masquer l’évolution des modes de management dans le pays comme la démarche de qualité totale ou l’engagement en matière de responsabilité sociétale et environnementale (RSE).</p>
<p>Sur le front de l’environnement, les faiblesses des institutions restent également à déplorer malgré la ratification de nombreux traités environnementaux internationaux par l’Algérie. Le <a href="https://www.courrierinternational.com/article/pourquoi-le-cholera-est-de-retour-en-algerie">retour du choléra</a> dans certaines régions n’est sans doute pas sans lien avec le système défectueux de traitement des détritus dans les villes algériennes.</p>
<p>Cependant, près de <a href="https://www.iso.org/the-iso-survey.html">5 000 sociétés</a> basées là-bas, dont les quinze premières entreprises exportatrices en valeur, ont obtenu des certifications qualité ou RSE. L’essor est considérable et le dispositif d’aide mis en place par l’État <a href="https://www.american-jiras.com/Laib-ManuscriptRef.1-ajira150418.pdf">semble fonctionner</a> quand on sait qu’elles n’étaient environ que 540 en 2013. L’Algérie comme d’autres pays du Maghreb vise à l’adhésion prochaine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ainsi qu’à l’accès aux marchés européens lui imposant le respect de l’Accord d’Association avec l’Union européenne (UE).</p>
<h2>Le rôle clé des certifications</h2>
<p>Attribuées par des organismes indépendants, ces certifications sont aujourd’hui très recherchées. Elles constituent une clé d’entrée pour accéder au marché européen, si proche et pourtant si difficile à pénétrer sans ce précieux sésame. Obtenir ces certifications ne va pas de soi : elles impliquent en réalité de profonds changements dans la culture de l’organisation et dans les mentalités.</p>
<p>Ainsi, l’attachement aux traditions est forcément mis à mal (comme l’oralité forte dans le Maghreb) lorsque, pour être certifié ISO, il faut accepter une remise en question permanente des processus existants.</p>
<p>En outre, le fait de confier la responsabilité des audits à des salariés sans distinction de grade diminue forcément la distance entre les niveaux hiérarchiques. La mise par écrit dans les manuels de toutes les règles et procédures empêche également l’arbitraire. Le paternalisme en prend aussi un coup lorsque les responsabilités de chacun doivent être clarifiées et formalisées sur un mode impersonnel.</p>
<p>La recherche monographique que nous avons menée sur l’évolution des esprits pendant vingt ans dans une entreprise algérienne pionnière (ENIEM) de ces certifications qualité montre l’importance des transformations à l’œuvre.</p>
<p>La façon de travailler est devenue peu à peu, dans cette société, un sujet de réflexion collectif. L’orientation des normes ISO 9000 vers un idéal de qualité totale (<em>Total Quality Management</em>) a impacté dans l’entreprise étudiée le leadership devenu plus démocratique et moins autocratique. Les pratiques de travail dans un objectif d’amélioration continue ont stimulé la participation au changement, et les éléments de la structure organisationnelle désormais vue comme un ensemble de processus à optimiser éclairent mieux la responsabilité de chacun, managers et employés.</p>
<h2>Dynamiques fragiles</h2>
<p>Les compétences des salariés ayant dû suivre des plans de formation s’en sont trouvées <a href="https://dspace.univ-ouargla.dz/jspui/bitstream/123456789/8185/1/ABPR_06_F03.pdf">améliorées</a>. Globalement, la certification du mode de fonctionnement des entreprises algériennes selon les standards internationaux devrait à terme aboutir à l’intégration complète du management de la qualité (norme ISO 9001), de l’environnement (norme ISO 14001), de la santé et la sécurité́ du milieu de travail (référentiel OHSAS 18001).</p>
<p>Mais notre étude montre aussi que cette dynamique d’amélioration continue est fragile car elle pourrait facilement être piégée par un environnement économique algérien encore fermé (poids faible des fournisseurs) et par des <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2010-7-page-34.htm">forces de rappel culturelles</a> ramenant à l’informel et l’autocratie.</p>
<p>La parole a été donnée à des personnes qui n’y accédaient pas et qui ont appris progressivement à la fois le sens critique et le sens des responsabilités. La culture du compromis, lentement, s’est imposée. Les opérateurs ont acquis par ailleurs plus de marge d’autonomie et les initiatives ont été davantage distribuées. Les changements se sont faits sur le long terme, mais sans retour en arrière possible, car la certification n’est jamais acquise. Elle doit être confirmée tous les quatre ans, à la suite d’un nouvel audit des procédures.</p>
<p>La pression institutionnelle reste forte mais certaines entreprises se distinguent par une dynamique interne appuyée. D’autres entreprises ont suivi l’exemple de la pionnière en matière de norme ISO, l’entreprise nationale ENIEM (électroménager). C’est le cas de EMBAG dans l’emballage, SCAEK dans les matériaux de constructions ou SETS société d’ingénierie.</p>
<p>Ces cas sont révélateurs du contraste fort entre la capacité d’adaptation de ces entreprises et l’immobilisme institutionnel entretenu par les instances politiques. Par rapport aux récits d’État soigneusement distillés depuis des décennies, un autre récit s’écrit dans ces entreprises qui devraient rassurer les Algériens sur leur capacité à se tourner enfin vers un avenir à la hauteur de leur potentiel et exprimer toute la créativité de ce peuple. Avec plus de 50 % de la population qui a moins de 30 ans, ce pays pourrait enfin avoir confiance en lui-même.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149856/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles Lambert ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La situation en Algérie montre à quel point les modes de fonctionnement dans l’entreprise participent à l’éducation du citoyen et à sa demande de démocratie.
Gilles Lambert, Professeur en Sciences de Gestion, Université de Strasbourg
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tag:theconversation.com,2011:article/148064
2020-10-18T15:56:10Z
2020-10-18T15:56:10Z
Bonnes feuilles : « La face cachée des sociétés civiles au Maghreb : un espoir pour demain ? »
<p><em>En Afrique du Nord comme en de nombreux autres points du globe, les sociétés civiles revendiquent leurs droits, exigent davantage de justice, s’engagent dans un dialogue souvent difficile avec les autorités, s’investissent dans le quotidien et l’avenir de leurs pays. Emmanuel Matteudi, professeur à l’Institut d’urbanisme et d’aménagement régional d’Aix-Marseille et responsable de la chaire <a href="https://www.chaire-mediterranee-transitions.fr/">« Sociétés civiles, transitions urbaines et territoriales en Méditerranée »</a> (Fondation AMIDEX-AMU), Fatima Chahid, juriste spécialisée dans la gouvernance locale au Maroc, et Martin Péricard, chef de projet à l’Agence française de développement (AFD), décryptent, dans leur ouvrage intitulé : <a href="http://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/la-face-cachee-des-societes-civiles-au-maghreb/">La face cachée des sociétés civiles au Maghreb : un espoir pour demain ?</a>, paru aux éditions de l’Aube en septembre 2020, les actions menées par les sociétés civiles au Maghreb. De la Tunisie au Maroc en passant par l’Algérie, ce travail d’enquête éclaire notre compréhension de l’engagement citoyen dans le cadre de la reconstruction de la société maghrébine à la suite du printemps arabe.</em></p>
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<p>À la lumière des événements actuels, observer les sociétés civiles et leurs formes d’expression est plus que jamais nécessaire, notamment parce qu’il y a des effets de résonance dans les événements que nous vivons, bien plus que de déconnexion, qui indiquent aux gouvernants l’obligation d’agir au plus vite.</p>
<p><a href="https://www.youtube.com/watch?v=oK8ud2wOdY0">Les sociétés civiles</a> se réveillent, offrent un visage que l’on méconnaissait, sous-estimait, pour dénoncer les inégalités et les injustices, ainsi que la maltraitance de notre planète, quand un virus révèle par ailleurs la voie à suivre pour sortir d’un modèle capitaliste arrivé à bout de souffle. Sommes-nous dès lors conviés à un rendez-vous essentiel de notre histoire ? C’est à supposer. Et surtout à espérer. En attendant, les sociétés civiles disent et révèlent des choses qu’il nous faut plus que jamais considérer. D’où l’absolue nécessité, particulièrement à la lumière de la crise que nous traversons, de les observer et de les considérer dans leur profondeur historique comme dans les différentes dimensions de leur expression actuelle.</p>
<p>Ainsi, parmi les mouvements qui ont connu une ampleur sans précédent dans l’histoire récente, capables de faire tomber ou bousculer les régimes en place, au risque ou au point de provoquer des guerres civiles, il y a les <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02277919/document">printemps arabes</a>, qui, en 2011, ont secoué le monde et remis en question bien des certitudes vis-à-vis de la capacité des régimes en place à imposer leur carcan idéologique et à contrôler la liberté de chacun. Ce qui s’est alors déroulé sous nos yeux au Maghreb est venu nous interpeller, d’abord parce que personne ne semblait s’y attendre, ensuite parce que les événements ont eu un impact retentissant, et alimenté bien des analyses sur les causes et les effets de ces révolutions. Enfin, parce que les suites des printemps nécessitent une prise de recul que l’actualité ne permet pas d’avoir.</p>
<p>Ce livre trouve ainsi ses origines dans la recherche d’une meilleure compréhension de ce qui s’est passé, mais aussi dans des interrogations teintées d’inquiétude et d’espoir vis-à-vis de l’avenir du Maghreb et la place des sociétés civiles dans cette transformation. Comment expliquer que de tels événements se soient répandus comme une traînée de poudre en 2011 pour le Maroc et la Tunisie, puis en 2019 pour l’Algérie ? Que signifient-ils dans l’évolution de chacun des pays et de la volonté des citoyens de voir changer les choses ? Qu’en est-il aujourd’hui des changements provoqués sur le plan sociétal ? Comment appréhender ce que révèlent les situations économique et politique d’un côté, inscrites dans un temps court, visible et médiatisé de l’histoire, et ce qui se passe de manière profonde et parfois cachée, dans les « entrailles » des sociétés de chacun des pays ?</p>
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<figcaption><span class="caption">Printemps arabe : 7 ans après, quel bilan ?</span></figcaption>
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<p>Habités par le sentiment que les questions posées ne trouvaient pas toujours de réponse, et ce malgré une littérature et des éclairages parfois passionnants des spécialistes de cette région sur la situation politique et les enjeux de la démocratisation réussie ou avortée des sociétés concernées par les printemps arabes, nous avons eu le désir d’apporter à la connaissance du Maghreb un travail d’investigation centré sur des dynamiques encore insuffisamment étudiées à ce jour, dans les domaines de l’éducation, de l’emploi, de la gestion locale des problématiques environnementales et/ou de la protection sociale : des dynamiques, en dehors de l’expression citoyenne sur l’espace public, susceptibles d’éclairer « autrement » les soubresauts les plus récents de l’histoire de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie.</p>
<p>[…]</p>
<p>Au travers de notre entrée « singulière » sur la société civile, nous voilà donc animés par le désir d’explorer les dynamiques parfois « invisibles » ou non prises en compte jusqu’alors dans l’observation des évolutions récentes des pays du Maghreb, sur des registres autres que la dimension politique de la citoyenneté. Nous voilà également intéressés et interpellés par la capacité de la société civile à faire bouger les lignes sur les questions sociales et environnementales à l’heure du réchauffement climatique et des limites du modèle de développement qui a prévalu jusqu’alors.</p>
<p>[…]</p>
<p>Bien des expériences menées à l’échelle locale montrent que la <a href="https://theconversation.com/les-societes-civiles-des-rives-sud-de-la-mediterranee-un-espoir-pour-demain-68944">société civile</a> est en capacité d’innover et d’expérimenter là où on ne l’attendrait pas forcément. D’abord, dans des secteurs sociaux vitaux comme le préscolaire, la socialisation des jeunes, la formation professionnelle et l’accompagnement vers l’emploi des plus démunis, que ce soit par le salariat ou l’entrepreneuriat individuel et collectif. Ensuite, dans des domaines essentiels du vivre-ensemble comme la gestion environnementale de proximité, à l’échelle d’un quartier, par des collectifs d’habitants, mais aussi des expériences de gouvernance locale démocratique ou encore de lutte pour les droits et la participation citoyenne à la vie publique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1192105936296595462"}"></div></p>
<p>Au regard des modes d’approche, ce sont souvent des expériences dans des domaines où les pouvoirs publics n’interviennent pas ou sont largement déficients. Ce sont aussi des porteurs de projets qui innovent, font des trouvailles pour lutter contre les difficultés du quotidien et prendre en compte les particularités du contexte dans lequel leurs actions sont menées. Et puis, il y a une perspective inédite pour certaines expériences, celle de s’autonomiser, notamment parce qu’à côté du modèle associatif classique qui a besoin des subsides de l’État ou des acteurs de la coopération internationale pour mener à bien ses projets sociaux, il y a parfois l’existence d’un modèle entrepreneurial qui permet de dégager des revenus, et donc, de faire vivre ce qu’on expérimente par ailleurs à perte.</p>
<p>Ces découvertes sont donc assurément les signes d’une évolution très intéressante et de changements inédits, suggérant que la manière de considérer l’appui ou le partenariat avec la société civile ne soit plus à faisceau unique (aide financière) ou à double entrée (aide financière et renforcement de capacités) mais à multiples configurations, dont celle du partenariat, en fonction des modèles qui se présentent aux pouvoirs publics comme aux bailleurs de fonds.</p>
<p>[…]</p>
<p>Reste maintenant à voir s’il est possible d’aller plus loin, d’abord pour comprendre et mesurer plus précisément ce qui se passe dans le tréfonds de nos trois sociétés, mais aussi, pour évaluer leur capacité à ne pas revenir en arrière.</p>
<p>Ce qui est clairement perceptible à ce jour, c’est d’abord, l’existence de sociétés en pleine mutation, et donc potentiellement instables, avec la montée des conservatismes religieux. Ce sont ensuite des ruptures générationnelles de plus en plus marquées entre les jeunes associations ou collectifs et les associations « historiques » dans tous les domaines observés : des ruptures qui sont d’ailleurs davantage liées aux manières de faire, à l’utilisation des réseaux sociaux et du numérique, plutôt qu’aux valeurs sociales, culturelles et écologiques qui les habitent. C’est encore le génie à l’œuvre sur lequel il faut compter, notamment au sein d’une société civile qui témoigne de sa capacité à créer, innover et surprendre. Quand une association développe un modèle hybride au modèle classique, combinant stratégie entrepreneuriale et valeurs associatives, quand une initiative citoyenne porte une action capable de préfigurer une politique publique ou qu’elle développe un projet en capacité d’être force de proposition pour les acteurs de la coopération internationale, il y a là, quelque chose d’un renversement paradigmatique qui témoigne de la maturité grandissante de la société civile, de sa capacité à s’autonomiser et à être l’aiguillon qui peut orienter le politique.</p>
<p>Et puis, on ne peut faire fi, au travers des ruptures qui se dessinent sous nos yeux, des formes d’expression montantes, mais aussi des acteurs potentiellement incontournables de demain. Parmi les formes d’expression, ce sont les collectifs qui se constituent de manière informelle et éphémère pour défendre une cause, un droit, une personne, une terre ou mener un projet à l’échelle locale, etc. Tout montre, à ce propos, que de plus en plus de changements passent par eux.</p>
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<figcaption><span class="caption">Tunisie : Retour sur le Nobel de la Paix 2015.</span></figcaption>
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<p>Parmi les acteurs potentiellement incontournables de demain, il y a les syndicats dont on sait qu’ils ont marqué l’histoire et l’actualité récente, au moins pour la Tunisie, avec <a href="https://www.cairn.info/revue-tumultes-2012-1-page-71.htm">l’UGTT</a> (Union générale du travail tunisienne) qui a joué un rôle essentiel dans le déroulé des événements et ses suites.</p>
<p>Au travers de ces formes d’expression et d’organisation, c’est une autre confrontation entre conservatisme et innovation, entre anciennes et nouvelles formes d’expression sur l’espace public qui est potentiellement au rendez-vous, mais c’est aussi la problématique de la médiation et des « interfaces » avec les pouvoirs publics, et au-delà, la manière dont ils sont susceptibles de produire ou d’accompagner les changements étudiés dans les domaines sociaux et environnementaux.</p>
<p>[…]</p>
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<span class="caption">Ce texte est issu de « La face cachée des sociétés civiles au Maghreb : un espoir pour demain », d’Emmanuel Matteudi, Fatima Chadid et Martin Péricard qui vient de paraître aux éditions de l’Aube.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>N’oublions pas non plus que la question écologique nécessite plus que jamais pour la Méditerranée, qui représente un des principaux hotspots planétaires du réchauffement climatique, que l’on soit à l’écoute des initiatives de la société civile dans le domaine environnemental, puis l’accompagnement des innovations qui peuvent être trouvées, et potentiellement démultipliées à grande échelle, avec/par les pouvoirs publics. Certaines des expériences observées dans chacun des trois pays nous convient déjà au rendez-vous des solutions potentielles. Gageons que la direction qu’elles indiquent fasse office de modèle pour les transitions à mettre en œuvre, et qu’elles permettent de mettre en acte l’espoir qu’elles représentent… pour le mieux vivre ensemble de demain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/148064/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Comment les actions menées par les sociétés civiles au Maghreb se traduisent-elles concrètement ? Pour quels résultats ? Le Maghreb, un exemple de la reconstruction citoyenne.
Emmanuel Matteudi, Professeur des universités en urbanisme, Aix-Marseille Université (AMU)
Martin Péricard, Chef de projet (éducation, formation, sociétés civiles), Agence française de développement (AFD)
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