tag:theconversation.com,2011:/ca/topics/archeologie-20627/articlesarchéologie – The Conversation2024-03-26T16:24:21Ztag:theconversation.com,2011:article/2256142024-03-26T16:24:21Z2024-03-26T16:24:21ZL’archéoastronomie étudient les anciennes éclipses solaires afin de nous aider à reconstituer l’histoire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/581350/original/file-20240311-28-ygi764.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1280%2C1280&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Photographie de l’éclipse solaire totale de 2017, prise à l’Oregon State Fair Grounds, à Salem, en Oregon.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Dominic Hart/NASA)</span></span></figcaption></figure><p>Les peuples de ces époques ont relevé ces phénomènes. Des quatre coins de la planète, les récits de jours qui se transforment en nuits ou de <a href="https://eclipse2017.nasa.gov/eclipse-history">soleils qui se consument</a> abondent et ouvrent un nouveau domaine d’étude.</p>
<p>L’<a href="https://www.jstor.org/stable/20170165">archéoastronomie</a> utilise les données astronomiques pour dater des moments ou des événements clés de l’histoire. De tous les phénomènes astronomiques, les éclipses solaires totales sont parmi les meilleurs instruments de mesure, car elles ne sont visibles qu’à un moment et à un endroit précis.</p>
<p>Les éclipses totales de Soleil sont suffisamment rares pour qu’un point donné de la Terre n’en voie une <a href="https://articles.adsabs.harvard.edu/pdf/1982JBAA%E2%80%A692..124M">que tous les 375 ans (en moyenne)</a>. Et lorsqu’une éclipse se produit, elle n’est totale que pour les personnes qui se trouvent le long d’une <a href="https://eclipsewise.com/solar/SEatlas/SEatlas.html">trajectoire étroite sur la Terre</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/580844/original/file-20240310-26-te2a9p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="dessin d’une éclipse solaire représentée par un cercle noir entouré d’une aura blanche sur fond noir" src="https://images.theconversation.com/files/580844/original/file-20240310-26-te2a9p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/580844/original/file-20240310-26-te2a9p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/580844/original/file-20240310-26-te2a9p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/580844/original/file-20240310-26-te2a9p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/580844/original/file-20240310-26-te2a9p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=583&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/580844/original/file-20240310-26-te2a9p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=583&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/580844/original/file-20240310-26-te2a9p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=583&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Illustration de l’éclipse solaire du 22 janvier 1898 en Inde.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Solar_eclipse_of_January_22,_1898">(Edward Walter Maunder/British Astronomical Association)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Déterminer l’année</h2>
<p>Cette rare combinaison d’un moment et d’un lieu permet aux chercheurs de déterminer la date exacte à laquelle des peuples anciens ont vu une éclipse. Des indices supplémentaires, tels que le moment de la journée où elle s’est produite (matin, midi ou soir), l’époque de l’année (saison) ou la présence de planètes brillantes, peuvent également aider à déduire de quelle éclipse il est question.</p>
<p>Ainsi, la mention d’une éclipse solaire totale survenue à l’aube dans d’anciens textes chinois portant sur le roi Yi a permis de <a href="https://articles.adsabs.harvard.edu/pdf/2003JAHH%E2%80%A66%E2%80%A653L">déterminer l’année du début de son règne</a>.</p>
<p>L’une des plus anciennes éclipses répertoriées figure sur une tablette d’argile de la <a href="https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-361/ougarit/">ville d’Ougarit, dans la Syrie actuelle</a>. La ville a été renversée après l’éclipse, et la tablette est un des derniers documents écrits par un habitant de la ville. On peut y lire l’inscription suivante : « … jour de la Nouvelle Lune de Hiyar, le Soleil se coucha, son gardien était [Rashap]. »</p>
<p>Le mot Hiyar fait référence à une période de l’année autour de février-mars, et Rashap est probablement une planète. Forts de ces informations et sachant que la ville a disparu à l’âge du bronze, les chercheurs ont daté la tablette et l’éclipse du 5 mars 1222 avant notre ère, soit il y a plus de 3 000 ans, la planète Mars étant <a href="https://doi.org/10.1038/338238a0">visible à proximité du Soleil</a>. Grâce à cette éclipse, nous savons qu’Ougarit est tombée après le 5 mars 1222 avant notre ère.</p>
<p>De tels documents aident les scientifiques à établir des dates précises dans le monde antique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/580919/original/file-20240311-17800-m97ekg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="une illustration de texte au-dessus d’une photographie d’une tablette d’argile grise" src="https://images.theconversation.com/files/580919/original/file-20240311-17800-m97ekg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/580919/original/file-20240311-17800-m97ekg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=689&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/580919/original/file-20240311-17800-m97ekg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=689&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/580919/original/file-20240311-17800-m97ekg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=689&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/580919/original/file-20240311-17800-m97ekg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=866&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/580919/original/file-20240311-17800-m97ekg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=866&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/580919/original/file-20240311-17800-m97ekg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=866&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Photographie et illustration de la tablette d’argile KTU 1.78 d’Ougarit, dans la Syrie actuelle, qui mentionne une éclipse solaire totale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Dietrich and Loretz/University of Chicago Library)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Difficiles de faire des prédictions</h2>
<p>Pour prédire avec précision les éclipses futures ou tracer les trajectoires d’anciennes éclipses, il faut connaître les positions du Soleil, de la Lune et de la Terre. Les ordinateurs peuvent suivre leurs mouvements, mais ceux-ci ne sont pas constants. On sait que la Lune provoque des marées dans les océans terrestres, mais ce processus entraîne également une lente dérive de la Lune par rapport à la Terre et une <a href="https://www.scientificamerican.com/article/earth-rotation-summer-solstice/">lente augmentation de la durée du jour sur Terre</a>.</p>
<p>La durée d’une journée sur Terre s’allonge d’environ 18 microsecondes chaque année, ce qui représente une <a href="http://dx.doi.org/10.1098/rspa.2016.0404">seconde tous les 55 000 ans</a>. Après des centaines ou des milliers d’années, cette fraction de seconde par jour représente plusieurs heures.</p>
<p>La modification du jour terrestre a une incidence sur la datation des anciennes éclipses : si la différence de la durée du jour n’est pas corrigée, les calculs peuvent être inexacts de plusieurs milliers de kilomètres. Ainsi, lorsqu’on utilise les éclipses pour dater des événements historiques, il faut effectuer une correction. La marge d’incertitude liée à cette correction peut rendre plus ardue <a href="https://academic.oup.com/pasj/article/56/1/215/2948806">l’identification d’anciennes éclipses</a> en l’absence <a href="https://www.jstor.org/stable/178278">d’informations supplémentaires</a> permettant de <a href="https://articles.adsabs.harvard.edu/pdf/1995QJRAS..36..397Z">circonscrire les possibilités</a>.</p>
<h2>Mesurer l’évolution de la longueur du jour</h2>
<p>Les éclipses solaires bien connues permettent de suivre l’évolution de la durée du jour terrestre au fil des siècles. En datant les éclipses des 2 000 dernières années, les scientifiques ont établi un graphique représentant la durée de la journée terrestre au cours de cette même période. La valeur de 18 microsecondes par an est une moyenne, mais la Terre ralentit parfois un peu plus et parfois un peu moins.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/580922/original/file-20240311-139405-bs1pct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un graphique montrant la longueur des jours au fil du temps" src="https://images.theconversation.com/files/580922/original/file-20240311-139405-bs1pct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/580922/original/file-20240311-139405-bs1pct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/580922/original/file-20240311-139405-bs1pct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/580922/original/file-20240311-139405-bs1pct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/580922/original/file-20240311-139405-bs1pct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/580922/original/file-20240311-139405-bs1pct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/580922/original/file-20240311-139405-bs1pct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Variation de la durée du jour (lod, pour length of day) pour la Terre en millisecondes (0,001 s), mesurée à partir d’observations d’éclipses (ligne noire). La ligne rouge montre le changement moyen sur 2 000 ans, tandis que la ligne grise montre ce à quoi l’on s’attendrait en fonction de la force de marée entre la Terre et la Lune uniquement. La ligne verte en pointillés représente un modèle ajusté aux données en noir.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://dx.doi.org/10.1098/rspa.2016.0404">(F.R. Stephenson, L.V. Morrison and C.Y. Hohenkerk)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les marées ne suffisent pas à expliquer ce phénomène : il se passe quelque chose de plus entre la Lune et la Terre, et la cause en est encore inconnue. Ce mystère peut toutefois être exploré grâce aux éclipses solaires.</p>
<p>Nous pouvons désormais mesurer la variation de la durée du jour terrestre à l’aide d’instruments, mais nous ne serions pas en mesure de calculer cette variation en remontant des centaines ou des milliers d’années sans un outil de mesure précis et des données sur les éclipses depuis des millénaires et partout dans le monde. Les éclipses solaires totales nous permettent de jeter un regard sur notre histoire ainsi que sur celle de la Terre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225614/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sarah Sadavoy est financé par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG).</span></em></p>Les mentions d’éclipses totales de Soleil dans l’histoire ancienne aident les chercheurs à déterminer les dates précises d’événements notables.Sarah Sadavoy, Assistant Professor, Physics, Engineering Physics & Astronomy, Queen's University, OntarioLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2192682023-12-19T19:20:49Z2023-12-19T19:20:49ZQuels âges avaient les dinosaures ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/563916/original/file-20231206-25-khhda0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C3%2C1160%2C794&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un tibia d’Ornithomimosaure provenant du gisement d’Angeac-Charente, et une lame mince pour étudier les cernes de croissance dans la section de l’os.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://images.cnrs.fr/photo/20230040_0001">@ Laurence Godart / DIM PAMIR / CNRS</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Voici une section de tibia d’un « dinosaure autruche », ou Ornithomimosaure. Ce nom donné par les paléontologues signifie en grec « lézard qui imite l’oiseau », en raison de la ressemblance morphologique superficielle du squelette de ce dinosaure à celui des autruches modernes. Les Ornithomimosaures ont vécu au Crétacé (entre 140 millions et 66 millions d’années). Ces <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0195667115300847">bipèdes portaient des plumes</a> et pouvaient atteindre <a href="https://www.nature.com/articles/nature13874">jusqu’à 11 mètres de long</a>.</p>
<p>L’Ornithomimosaure propriétaire de ce tibia d’environ 50 cm de long provient du gisement d’Angeac-Charente, en Charente. Ce gisement, daté du Crétacé inférieur (140 millions d’années), a révélé des dizaines de milliers d’ossements, représentant les squelettes désarticulés de différentes espèces de dinosaures, dont <a href="https://bioone.org/journals/geodiversitas/volume-44/issue-25/geodiversitas2022v44a25/Vertebrate-paleobiodiversity-of-the-Early-Cretaceous-Berriasian-Angeac-Charente-Lagerst%C3%A4tte/10.5252/geodiversitas2022v44a25.full">plusieurs espèces de grands dinosaures herbivores et deux grandes espèces de dinosaures carnivores, mais également de tortues, de crocodiles, de lézards, de reptiles volants, d’amphibiens, de poissons, ou encore de mammifères</a>. L’ensemble de ces fossiles ont été déposés et enfouis pendant une durée relativement courte, ce qui permet d’affirmer que ces différentes espèces cohabitaient au sein d’un même écosystème, dont l’environnement était un <a href="https://www.idunn.no/doi/full/10.1111/let.12394">marécage d’eau douce subtropical</a>.</p>
<p>Parmi l’ensemble de ces restes fossilisés, les os attribués à l’Ornithomimosaure sont les plus abondants, en particulier les fémurs et les tibias. Au moins 70 individus d’une même population ont été enfouis à cet endroit. Ils avaient des tailles très différentes, comme en attestent les fémurs et tibias retrouvés qui mesurent de 20 à 50 centimètres.</p>
<p>Si les plus grands fémurs et tibias appartiennent probablement à des individus âgés, quels âges avaient-ils exactement ? Étaient-ils arrivés à maturité ? Combien d’années étaient nécessaires aux plus petits individus pour atteindre la taille des plus grands ?</p>
<h2>Compter l’âge des dinosaures comme celui des arbres</h2>
<p>Depuis 50 ans, les <a href="https://www.app.pan.pl/article/item/app28-225.html">paléontologues étudient l’âge des dinosaures</a>. En effet, connaître l’âge précis d’un individu est un prérequis indispensable pour de nombreux domaines de recherche tels que la biologie du développement — qui étudie comment les organismes croissent et se développent, ou encore la dynamique des populations — qui étudie les fluctuations du nombre d’individus au sein d’une population au cours du temps.</p>
<p>Pour connaître précisément l’âge d’un dinosaure, il faut plonger au cœur de ses os. Chez l’ensemble des vertébrés, la croissance osseuse ralentit et peut même cesser de façon cyclique et saisonnière. L’interruption de la croissance osseuse est visible dans l’épaisseur de l’os, matérialisée sous la forme d’une ligne concentrique sombre, qui rappelle les cernes des arbres. On appelle ces structures des lignes d’arrêt de croissance. De la même façon qu’une durée d’un an sépare deux cernes successifs dans le tronc d’un arbre, deux lignes d’arrêt de croissance successives dans un os indiquent qu’un an s’est écoulé.</p>
<p>Pour estimer les âges de cette population, nous avons donc sectionné 13 tibias et 7 fémurs d’Ornithomimosaure et compté leurs lignes d’arrêt de croissance. Nous avons ensuite mis en relation ces données d’âge avec plusieurs indicateurs de la taille du dinosaure, par exemple la circonférence de la surface externe de l’os. Ceci revient à établir un « modèle » de la croissance de cet animal.</p>
<p>Nous avons ensuite appliqué ce modèle de croissance à 294 fémurs et tibias d’Ornithomimosaures d’Angeac-Charente : connaissant leur taille, on peut maintenant estimer leur âge à partir du modèle sans avoir besoin de les sectionner.</p>
<p>Nos estimations, encore préliminaires, montrent que les plus jeunes individus étaient âgés de un à deux ans et les plus vieux individus de 18 à 20 ans. Ces derniers avaient achevé leur croissance comme le montre l’espacement entre deux lignes d’arrêt de croissance successives qui diminue jusqu’à devenir infime pour les plus grands fémurs et tibias sectionnés. Le profil d’âge du troupeau est fortement asymétrique avec une surreprésentation des individus les plus jeunes centrée autour de 5-9 ans. Nous pensons qu’une mortalité accrue débutant à partir de 6-7 ans pourrait être la cause de cette distribution asymétrique.</p>
<p>Ces données biologiques d’âge et de croissance seront confrontées à des données isotopiques du carbone, de l’oxygène, du calcium et du strontium mesurées dans une cinquantaine de fémurs couvrant l’ensemble de la gamme de taille (et donc d’âge) observée. Ces données isotopiques permettent notamment de retracer les régimes alimentaires. Ainsi il sera possible de comprendre si ces individus partageaient ou non les mêmes ressources environnementales en fonction de leur stade de croissance ; par exemple si les plus jeunes individus avaient un régime alimentaire différent ou non des individus les plus âgés. Cela permettra de comprendre, <em>in fine</em>, comment s’intégrait cette espèce au sein de l’écosystème d’Angeac-Charente.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219268/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean Goedert a reçu des financements du DIM PAMIR. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Ronan Allain a reçu des financements du MNHN, du département de La Charente, de la communauté d'agglomération de Grand Cognac, et de la Mairie d’Angoulême. </span></em></p>Combien de temps vivaient les dinosaures ? À quel âge étaient-ils « adultes » ?Jean Goedert, Post-doctorant en paléontologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Ronan Allain, Maître de conférences en paléontologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2156432023-11-20T17:15:11Z2023-11-20T17:15:11ZLe port de Narbonne, plaque tournante du commerce antique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/560392/original/file-20231120-26-fzt3p1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C1988%2C1407&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Évocation des activités portuaires au niveau de l’embouchure de l’Aude.</span> <span class="attribution"><span class="source">P. Cervellin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>À l’époque romaine, Narbonne était un port de commerce accueillant les marchandises de toute la Méditerranée mais aussi de la côte atlantique. En effet, la ville se situait au croisement des voies maritimes, terrestres et fluviales. L’axe Aude-Garonne permettait un trafic entre la Méditerranée et l’océan, à la fois pour le commerce du vin mais aussi des métaux et de nombreux autres produits. Le port est à son apogée entre le premier siècle avant et le II<sup>e</sup> siècle de notre ère : comme Arles sur l’axe rhodanien, Narbonne contrôle l’axe Aude/Garonne.</p>
<p>Le musée NarboVia expose une série de stèles antiques représentant de grands voiliers, rappelant ce passé où tout ce qui naviguait abordait au port de Narbonne comme l’écrivait le <a href="https://journals.openedition.org/viatica/?id=2039">poète Ausone</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560397/original/file-20231120-26-vu40yn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560397/original/file-20231120-26-vu40yn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560397/original/file-20231120-26-vu40yn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560397/original/file-20231120-26-vu40yn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560397/original/file-20231120-26-vu40yn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560397/original/file-20231120-26-vu40yn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560397/original/file-20231120-26-vu40yn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Navire romain en cours de chargement. Bas-relief du musée de Narbonne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">L. Damelet/CNRS-CCJ/Aix</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Grâce aux fouilles archéologiques qui révèlent des milliers d’amphores, principaux conteneurs de l’Antiquité, se dessinent les grandes routes commerciales qui convergeaient vers Narbonne. Le vin a été très apprécié durant toute l’Antiquité et, dès le II<sup>e</sup> siècle avant notre ère, de grandes quantités d’amphores produites en Italie arrivent à Narbonne pour être redistribuées. Certains vins pouvaient être de grands crus.</p>
<p>L’origine du vin va fluctuer selon les périodes : se succèdent les vins d’Italie, d’Espagne, de Gaule et d’Afrique durant cinq siècles. Narbonne pouvait fournir en blé la capitale de l’Empire et participait à la redistribution de l’huile de Bétique (province romaine qui correspondait à l’actuelle Andalousie, région productrice d’huile qui desservait notamment Rome) comme l’atteste les mentions de familles narbonnaises sur les amphores retrouvées au Monte Testaccio, une colline romaine composée par des amphores brisées à proximité du port fluvial.</p>
<h2>Narbonne, une ville connue jusqu’à Rome</h2>
<p>À Ostie, près de Rome, une <a href="https://journals.openedition.org/mefra/2042">mosaïque mentionne les Narbonnais</a> sur la place des corporations où sont rassemblés les bureaux des principaux commerçants de Méditerranée. Les amphores ne sont pas recyclables contrairement aux métaux qui de fait sont moins représentés alors qu’ils ont constitué une part majeure du commerce. En effet, Narbonne était aussi un port de redistribution de l’étain de Grande-Bretagne, du cuivre du sud de l’Espagne mais aussi du fer de l’arrière-pays. Le verre, produit alors en Égypte et au Proche-Orient, arrive sous forme brute pour être travaillé dans des ateliers locaux. Des matériaux plus lourds sont également transportés jusqu’à Narbonne pour la construction de monuments ou pour l’ornementation des riches demeures romaines.</p>
<p>Le marbre de Carrare en Italie est particulièrement prisé pour les édifices publics. Les épaves avec leur chargement confirment l’importance du trafic entre Narbonne, la péninsule hispanique, l’Italie et l’Afrique du Nord.</p>
<p>Mais cette documentation laisse de nombreuses questions en suspens : les grands bateaux représentés sur les monuments narbonnais arrivaient-ils jusqu’au cœur de ville, où se trouvaient les lieux de déchargements ? Comment s’organisait ce port ? La ville est distante de 12 km de la mer. Il ne s’agit pas d’un changement récent, les auteurs antiques précisant cette distance dans leur description.</p>
<p>L’agglomération, installée sur une petite éminence dominant une plaine marécageuse était traversée durant l’Antiquité par le fleuve Aude qui rejoignait un espace lagunaire, le Rubresus (aujourd’hui les étangs au sud de Narbonne) qui lui-même communiquait avec la mer grâce à des passages (les graus) dans le cordon littoral. Narbonne est resté un port actif jusqu’au Moyen Âge mais en <a href="https://archivesdepartementales.aude.fr/actualites/le-territoire-dans-tous-ses-etats-11-les-variations-du-lit-de-laude">1316 une crue dévastatrice dévie le cours de l’Aude</a> qui ne passe plus par la ville. Malgré les moyens pour ramener le fleuve dans son parcours initial, la cité perd son rôle commerçant.</p>
<h2>Un port à l’organisation complexe</h2>
<p>Dès la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, ces questions sont débattues et la configuration géographique a permis de proposer un fonctionnement basé sur la théorie des avant-ports : plusieurs sites autour de la lagune jouaient un rôle dans le transfert des marchandises depuis les bateaux de haute mer vers des embarcations à fond plat qui pouvaient rejoindre la ville où se concentraient des entrepôts.</p>
<p>Notre programme de recherche sur les ports antiques de Narbonne s’est attaché à restituer l’évolution de ce système mais aussi son rôle dans les échanges.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/560395/original/file-20231120-19-z7qimz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560395/original/file-20231120-19-z7qimz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560395/original/file-20231120-19-z7qimz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560395/original/file-20231120-19-z7qimz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560395/original/file-20231120-19-z7qimz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560395/original/file-20231120-19-z7qimz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560395/original/file-20231120-19-z7qimz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560395/original/file-20231120-19-z7qimz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Restitutions en cours du site de Port-la-Nautique à Narbonne. Au fond à gauche, le vivier à poissons ; au premier plan le quai et les entrepôts ; sur le plateau la villa et à droite la promenade.</span>
<span class="attribution"><span class="source">P. Cervellin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au sud de Narbonne, plusieurs sites qui contribuent au fonctionnement de l’activité portuaire ont été explorés. À l’entrée de la lagune, proche d’un ancien grau, un établissement littoral au sud de l’île Saint-Martin à Gruissan a révélé la présence d’une tour, sans doute un phare. Il est également possible que des activités administratives se déroulaient sur les lieux et que les occupants soient chargés d’accueillir et d’accompagner les navires qui rentraient dans le système portuaire et se dirigeaient vers l’embouchure située plus au nord.</p>
<p><a href="https://www.persee.fr/doc/dha_0755-7256_2020_num_46_1_4954">Les recherches récentes</a> ont permis de préciser le tracé de cet aménagement enfoui sous les sédiments. Grâce aux photographies aériennes puis aux prospections géophysiques, une première cartographie a été établie. Ces prospections ont été suivies par des fouilles archéologiques qui ont confirmé la présence d’un canal composé de deux digues imposantes pour contraindre le fleuve large d’une cinquantaine de mètres. Leur configuration permet de « pincer » le fleuve, augmentant le courant pour chasser le sable. Ainsi, les ingénieurs romains ont anticipé ce problème d’ensablement du I<sup>er</sup> au V<sup>e</sup> s.</p>
<p>La surface des digues est aménagée afin de constituer des quais mais aussi pour être utilisée comme voie de halage. En effet, les grands voiliers ne peuvent naviguer sur le fleuve. Il faut donc transférer les marchandises sur des bateaux fluviaux à fond plat qui sont tirés depuis la berge par des hommes. Une de ces embarcations a d’ailleurs été découverte dans un contexte un peu particulier car elle a servi à reconstruire la digue endommagée. Ce bateau est évalué à une douzaine de mètres de long et fait le lien entre l’embouchure et les entrepôts situés à 6 km, en ville.</p>
<p>Une partie de son chargement n’a pas été récupérée : se côtoient des amphores de Bétique (Andalousie), d’Afrique du Nord et de Lusitanie (Portugal). À la fin de l’Antiquité, au V<sup>e</sup> siècle, les constructions sont vieillissantes et soumises à des événements météorologiques qui contribuent à les déstabiliser. Les anciens monuments narbonnais en cours de démantèlement sont alors recyclés pour réparer et surélever les digues. Des amas de blocs monumentaux, parfois en marbre, sont amoncelés. Cette volonté publique de maintenir les infrastructures portuaires témoigne de l’importance de l’activité commerciale à cette période et de la transformation de la parure urbaine. Les basiliques chrétiennes remplacent alors les anciens édifices.</p>
<p>Au nord-ouest de l’embouchure antique, le site de Port-la-Nautique a aussi retenu l’attention des chercheurs : connu de longue date comme un débarcadère grâce à un grand nombre d’amphores découvertes dans la vase mais aussi des pièces d’accastillage (éléments appartenant au bateau), il n’est occupé que sur une courte durée, entre 30 av. et 70 de n. è. Les recherches géomorphologiques ont permis d’expliquer cette fréquentation épisodique : bien qu’idéalement située en fond de lagune et distante des apports sableux de l’Aude, la <a href="https://journals.openedition.org/mediterranee/11732">construction des quais romains a provoqué une hypersédimentation</a>. Malgré l’abandon de l’espace portuaire, la villa qui domine le port continue à être occupée jusqu’au II<sup>e</sup> siècle de notre ère. Un important verger mais aussi des arbres ornementaux comme les cyprès, introduits à l’époque romaine, sont liés à cette occupation et ont modifié le paysage dont nous sommes les héritiers.</p>
<p>Ainsi, les études paléoenvironnementales ont apporté des précisions sur la configuration des paysages antiques et sur l’évolution de ce système portuaire. Le site de Port-la-Nautique a été abandonné suite à son envasement au profit d’un aménagement massif de l’embouchure qui après plusieurs siècles de fonctionnement sera également colmaté. L’histoire de l’environnement est alors aussi celle de l’adaptation humaine aux changements. Faut-il reconstruire, se déplacer, envisager un nouveau système ? Les Romains ont été confrontés à ces questions. L’archéologie permet de restituer sur le long terme les choix, leur devenir mais aussi leur impact et leur durabilité.</p>
<p>Ville cosmopolite, lieu d’échanges, Narbonne a été une plaque tournante du commerce antique. Son importance se mesure au nombre des activités qui s’y déroulaient mais aussi par son réseau au sein de l’Empire romain. Un port n’est pas qu’un lieu économique, il constitue un lieu de brassage culturel, de contacts, d’introduction de nouveautés que les approches pluridisciplinaires restituent.</p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/ProjetIA-11-LABX-0032">ARCHIMEDE</a> (ARCH) est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215643/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le programme de recherche sur les ports antiques de Narbonne, mené par le CNRS sous la direction de Corinne Sanchez (laboratoire Archéologie des Sociétés Méditerranéennes, Montpellier), a été soutenu par la Région Occitanie, l’État (DRAC et DRASSM), les collectivités (villes de Narbonne et Gruissan) et le Labex Archimède.</span></em></p>Découvrez le glorieux passé de la ville de Narbonne dont le port servait de plaque tournante des biens les plus précieux de l’antiquité.Corinne Sanchez, Archéologue, Université Paul Valéry – Montpellier IIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2171962023-11-15T21:18:56Z2023-11-15T21:18:56ZDans les banquets celtiques, on ne mangeait pas que du sanglier !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559684/original/file-20231115-29-8a23px.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C196%2C3631%2C2228&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le chaudron et la ciste de Lavau en cours de fouilles.</span> <span class="attribution"><span class="source">Dominique Frère</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>L’album d’Astérix <em>L’Iris blanc</em> se termine par un joyeux banquet où les irréductibles Gaulois se réconcilient autour des habituels sangliers rôtis. Le festin rassemble les habitants du village qui consomment les mêmes mets et mêmes breuvages, se réjouissent gaiement du récit des aventures de leurs deux héros. Nous prenons le plus grand plaisir à assister à cette scène de commensalité (acte de manger ensemble, de partager la même table), matrice symbolique d’un imaginaire culturel où, au-delà des millénaires, Gaulois et Français partageraient les mêmes valeurs communautaires et la même passion pour les plaisirs collectifs de la table.</p>
<p>Il est bon de rappeler que le monde gaulois créé par Goscinny et Uderzo est fictionnel, ne reposant sur aucune réalité historique. Grâce à l’avènement de l’archéologie préventive qui a permis de multiplier les fouilles archéologiques, les connaissances sur la Gaule protohistorique (d’avant la conquête césarienne) se sont multipliées, dont celles sur les pratiques alimentaires. C’est en particulier l’étude des écofacts (vestiges matériels du monde végétal et animal) grâce à <a href="https://www.inrap.fr/les-sciences-de-l-archeologie/L-archeozoologie">l’archéozoologie</a> et <a href="https://www.inrap.fr/magazine/Les-sciences-et-les-methodes-de-l-archeologie/Des-sciences-au-service-d-une-discipline/Ce-que-revelent-les-vegetaux">l’archéobotanique</a> qui fournit les données les plus nombreuses sur l’alimentation à l’échelle d’un site archéologique, avec réalisation de synthèses régionales et chronologiques.</p>
<p>Ainsi, pour la fin de la période de La Tène (2<sup>e</sup> âge du Fer, 450-50 av. J.-C.), le stéréotype de Gaulois grands consommateurs de sangliers, vivant de la chasse et non des produits de l’élevage est démenti par l’archéologie puisqu’il s’avère que la consommation d’animaux sauvages est réduite. Les Gaulois sont des « viandards » car ils mangent beaucoup de viande bouillie, grillée ou rôtie, mais principalement d’animaux domestiques : porc, chèvre et mouton en particulier, bœuf, mais aussi, de manière plus anecdotique, cheval et chien.</p>
<p>Parmi les très nombreux sites témoignant de festins collectifs durant cette période, celui du <a href="https://www.youtube.com/watch?v=e9kRqNkzjqU">sanctuaire de Corent</a> fondé dans le dernier quart du II<sup>e</sup> s. av. J.-C. dans le Puy-de-Dôme, apporte des témoignages édifiants de libations de vin, de sacrifices d’animaux et de repas collectifs carnés, avec une masse considérable de <a href="https://books.openedition.org/editionscnrs/46905">vestiges céramiques</a> (dont plusieurs milliers d’amphores vinaires importées du centre de l’Italie romaine) et fauniques (ossements de moutons et chèvres en très grand nombre, de cochons et de chiens, de bœufs en moindre proportion). Ces témoignages matériels font écho au texte de Poseidonios d’Apamée, un auteur grec qui a voyagé en Gaule au début du I<sup>er</sup> s. av. J.-C. :</p>
<blockquote>
<p>« Les Celtes servent leur nourriture avec une sous-couche de fourrage et sur des tables en bois légèrement surélevées par rapport au sol. Leur nourriture consiste en un peu de pain et beaucoup de viande bouillie ou rôtie sur du charbon de bois ou des broches. […] Ceux qui vivent au bord des fleuves ou de la Méditerranée ou de l’Atlantique portent aussi à leur bouche des poissons cuits avec du sel, du vinaigre et du cumin (ils saupoudrent également leur boisson avec ce dernier). […] Chez les riches, d’une part, la boisson est du vin venant d’Italie et de la région de Marseille. Il est pur, même si parfois il est mélangé à un peu d’eau. Dans les classes inférieures, d’autre part, c’est de la bière faite de blé auquel on ajoute du miel que la plupart consomment pure : on l’appelle “korma” .»</p>
</blockquote>
<p>Le récit de Poseidonios, conservé par Athénée (<em>Deipnosophistes</em>, IV, 36, 4-40), mentionne plusieurs catégories de produits alimentaires consommés par les Gaulois dont certains sont reconnus par l’archéologie si les conditions environnementales le permettent (os et arêtes pour l’archéozoologie, graines de cumin pour l’archéobotanique et plus précisément la <a href="https://www.inrap.fr/les-sciences-de-l-archeologie/La-carpologie">carpologie</a>, d’autres qui se dégradent rapidement et intégralement mais peuvent parfois subsister (comme le pain exceptionnellement conservé sous forme carbonisée) et enfin les produits qui ne laissent pas de macrorestes (restes visibles à l’œil nu) comme le sel, le vin et le vinaigre, la bière et le miel.</p>
<p>Hormis le sel (qui est un cas à part), les autres produits cités peuvent être identifiés grâce à des approches analytiques transdisciplinaires appartenant au domaine des <a href="https://bioarchaeo.hypotheses.org/the-ora-organic-residue-analyses">Organic Residue Analysis</a> (ORA). Les analyses biomoléculaires par la <a href="https://www.inrap.fr/analyses-chimiques-par-spectrometrie-de-masse-et-bioarcheologie-limites-14797">GC-MS</a> (chromatographie en phase gazeuse – spectrométrie de masse) couplées avec la recherche des <a href="https://www.inrap.fr/les-sciences-de-l-archeologie/La-palynologie">pollens archéologiques</a> et des <a href="https://sstinrap.hypotheses.org/6152">MNP(microfossiles non polliniques)</a> se révèlent parmi les plus performantes pour la caractérisation de contenus de céramiques et particulièrement des boissons fermentées.</p>
<p>Un cas exceptionnel est fourni par la tombe princière de Lavau (Aube) <a href="https://www.inrap.fr/une-tombe-princiere-celte-du-ve-si%C3%A8cle-avant-notre-ere-decouverte-lavau-1369">fouillée par l’INRAP</a> et datant de la fin du Hallstatt (1<sup>er</sup> âge du Fer, 800-450 av. J.-C.). Dans la chambre funéraire, un dépôt de vaisselle est composé <a href="https://books.openedition.org/pcjb/8377">d’une dizaine de pièces</a> dont la plus importante est un chaudron étrusque en bronze posé sur une table en bois au-dessus <a href="https://books.openedition.org/pcjb/8377">d’une belle ciste</a> (seau cylindrique en métal).</p>
<p>Ces deux grands et prestigieux récipients à liquides sont, dans les mondes grec et étrusque, liés au symposion, moment le plus important du banquet consistant en la consommation collective et ritualisée du vin aromatisé et mélangé avec de l’eau.</p>
<p>Dans le <a href="https://bioarchaeo.hypotheses.org/the-program-magi">cadre du programme Magi</a>, financé par l’ANR (Agence Nationale de la Recherche), une campagne de prélèvements pour analyses biochimiques et étude palynologique/MNP a été menée et a donné des résultats étonnants. Le chaudron, aux parois internes enduites de poix de conifère (goudron végétal de pin ou sapin), était empli d’un vin rouge aromatisé par des plantes locales (tilleul, famille des Lamiées et famille des Rosacées) et sucré par l’adjonction de miel ou <a href="https://www.archaeopress.com/Archaeopress/Products/9781789697292">plus probablement d’un rayon de ruche</a>. Dans le <a href="https://www.inrap.fr/les-sciences-de-l-archeologie/La-palynologie">spectre palynologique</a> se trouvent également des concentrations importantes de Pseudoschizaea, une <a href="https://inrap.hal.science/hal-03321780/file/2021_Barbier-Pain_Miras_et_coll_Potentiel_bioarchologique_MNP_SST4_Inrap.pdf">spore d’algue d’eau douce</a>. Ce n’est qu’une hypothèse, mais la présence notable de cette MNP peut attester de l’utilisation d’eau pure, contenue dans la ciste, pour le mélange du vin à la manière grecque ou étrusque.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/559689/original/file-20231115-21-lmguy4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/559689/original/file-20231115-21-lmguy4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=619&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/559689/original/file-20231115-21-lmguy4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=619&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/559689/original/file-20231115-21-lmguy4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=619&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/559689/original/file-20231115-21-lmguy4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=778&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/559689/original/file-20231115-21-lmguy4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=778&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/559689/original/file-20231115-21-lmguy4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=778&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Prélèvements pour analyses dans la tombe de Lavau.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Dominique Frère</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Vers 475 av. J.-C., le banquet funéraire de Lavau rassemble un grand nombre de convives (comme le suggère la contenance du chaudron estimée à plus ou moins 300 litres) qui boivent le vin préparé selon le modèle méditerranéen. Ces données contrastent avec <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0222991">celles d’autres tombes celtiques</a> (Hochdorf, Glauberg…) de la même période hallstattienne qui attestent de la consommation non pas de vin mais d’hydromel. Entre traditions locales et stimuli extérieurs, le banquet celtique se décline sous des formes diverses. Un <a href="https://bioarchaeo.hypotheses.org/research-programs/geprico">nouveau programme de l’ANR</a> (GEPRiCo) porte sur le rituel du banquet à l’interface des mondes gaulois, grec et étrusque. Gageons que les données analytiques permettront une fois de plus d’enrichir et renouveler nos connaissances.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217196/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominique Frère ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Grâce à l’avènement de l’archéologie préventive, les connaissances sur la Gaule protohistorique (d’avant la conquête césarienne) se sont multipliées, entre autres sur les pratiques alimentaires.Dominique Frère, Professeur d'archéologie et d'histoire de la Méditerranée occidentale, Université Bretagne SudLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2154742023-11-08T20:42:48Z2023-11-08T20:42:48ZQuand les Occidentaux ont découvert l’art chinois<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/558401/original/file-20231108-21-q9dtu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C1%2C752%2C511&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Édouard Chavannes (1865-198), Qufuxian, sépulture de Confucius, les deux hommes de pierre, Chine, 1907, négatif verre au gélatino-bromure d’argent, mission Chavannes du 26 au 29 juin 1907.</span> <span class="attribution"><span class="source">Musée des Arts asiatiques-Guimet</span></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« Nous devons avoir un esprit international : l’art n’a pas de frontière. Les objets parcourent le monde comme des ambassadeurs silencieux. »</p>
</blockquote>
<p>C’est en 1956 que le marchand d’art C.T. Loo, qui possédait deux galeries spécialisées dans l’art chinois, à Paris et à New York, prononce cette phrase qui frappe par son actualité : il a compris le rôle que l’art peut jouer dans le rayonnement d’un pays et dans les relations internationales. Il écrit aussi en 1949 : « Nous espérons que cette exposition permettra de mieux faire connaître le grand passé de la Chine et, ce faisant, de promouvoir la compréhension entre nos pays. »</p>
<p>C.T. Loo confère aux œuvres d’art le rôle de promoteur de leur pays, il ne renierait certainement pas la notion de <a href="https://theconversation.com/comment-la-chine-a-fait-de-lart-contemporain-une-arme-de-soft-power-170129">soft power</a> qu’on attribue désormais à l’art et qui occupe une place importante dans l’affirmation de la puissance des États.</p>
<h2>Géopolitique du patrimoine</h2>
<p>Cette pensée visionnaire montre que les œuvres d’art sont un élément à prendre en compte pour comprendre les relations internationales passées et actuelles. Les enjeux patrimoniaux ne relèvent plus uniquement du domaine culturel, ils sont aussi d’ordre politique et géopolitique. Ainsi parle-t-on depuis quelques années, du concept de « géopolitique du patrimoine », au cœur de l’ouvrage d’Emmanuel Lincot, <em>Géopolitique du patrimoine. L’Asie d’Abou Dabi au Japon</em>, publié en 2021. Ces enjeux patrimoniaux ont fait l’objet d’analyses pour le <a href="https://theconversation.com/rapport-savoy-sarr-les-oeuvres-dart-otages-du-debat-sur-la-colonisation-107449">continent africain</a> mais peu pour l’Asie alors que cette question patrimoniale se pose avec autant d’acuité que pour <a href="https://theconversation.com/restituer-les-biens-culturels-a-lafrique-idee-davenir-ou-depassee-96945">l’Afrique</a>.</p>
<p>C’est notamment le cas pour la Chine, qui souhaite retrouver son patrimoine conservé dans les collections publiques et privées occidentales.</p>
<p>Ces collections, notamment constituées d’artefacts de la Chine archaïque (période que l’on peut faire s’étendre du Néolithique à la fin du premier empire Han en 220), se sont constituées pour une large part pendant la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle et ont fait l’objet d’un processus de « patrimonialisation » : les Occidentaux ont intégré ces objets à leur patrimoine.</p>
<p>Retracer l’histoire de ces objets d’art permet de comprendre comment se sont formées les grandes collections occidentales d’art chinois entre 1900 et 1950 et d’analyser les répercussions géopolitiques actuelles.</p>
<h2>De l’attrait pour les chinoiseries au goût pour les œuvres d’art archaïques chinoises</h2>
<p>Jusqu’à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, les Occidentaux connaissent essentiellement l’art chinois à travers ses porcelaines, ses « chinoiseries ».</p>
<p>Le début du XX<sup>e</sup> siècle marque un tournant : <a href="https://www.cairn.info/revue-mouvements-2016-2-page-90.htm">l’installation forcée des Occidentaux sur le sol chinois</a>, le développement des fouilles archéologiques, <a href="https://guimet-photo-pelliot.fr/essais/essai_1.php">entreprises notamment par des Européens</a>, la période politique troublée <a href="https://www.fayard.fr/livre/la-chine-au-XXe-si%C3%A8cle-9782213023632/">que connaît la Chine</a> vont faire naître un moment particulier dans l’histoire des relations entre la Chine et l’Occident à travers l’histoire de l’art : des pièces de la période archaïque chinoise, très différentes des « chinoiseries » jusqu’alors aimées par le public occidental, arrivent en Occident dès les premières années du XX<sup>e</sup> siècle et entrent immédiatement dans les collections des grands musées et des grands collectionneurs. Un changement sémantique se produit : on ne parle plus de « chinoiseries » mais d’« antiquités chinoises », d’« objets d’art » de la Chine.</p>
<h2>Les promoteurs de l’art chinois en Occident</h2>
<p>Un petit groupe de marchands d’art, dont la figure de proue est le chinois C. T. Loo déjà évoqué, est considéré comme le principal protagoniste de la découverte, de la diffusion et de la promotion des arts asiatiques en Europe et aux États-Unis.</p>
<p>Ces marchands jouent un rôle dans la découverte de pièces archéologiques de la Chine archaïque, ils organisent des réseaux pour acheminer les pièces en Occident puis créent les conditions nécessaires à leur vente auprès des musées et des collectionneurs. Ils n’ont plus, comme les marchands de curiosité, des boutiques, véritables bric-à-brac, mais des galeries où ils mettent en scène les œuvres d’art et organisent des expositions. C’est le cas notamment de C.T. Loo dans sa Pagode à Paris. Ces marchands sont donc responsables de la perception de cet art chinois, jusqu’à aujourd’hui puisque les collections d’art chinois des grands musées occidentaux se sont constituées pendant ce premier XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Les archéologues et les sinologues ont aussi été des acteurs de cette patrimonialisation, en organisant des missions archéologiques en Chine d’où ils rapportent des pièces anciennes et en participant à la connaissance de ces objets grâce à leurs publications scientifiques. C’est le cas notamment du Français Édouard Chavannes dont la mission en Chine en 1907 et 1908 a enrichi la collection de la <a href="https://heritage.bnf.fr/france-chine/fr/mission-chavannes-article">section Extrême-Orient du musée du Louvre</a>.</p>
<h2>De l’objet d’art à l’objet de collection</h2>
<p>Le goût européen est formé à l’art chinois depuis l’époque moderne mais de façon partielle. D’ailleurs, quand <a href="https://theconversation.com/faut-il-relire-pierre-loti-97410">Pierre Loti</a> voit pour la première fois ces objets alors qu’il est à Pékin au moment de la <a href="https://www.retronews.fr/conflits-et-relations-internationales/echo-de-presse/2019/06/08/1900-revolte-des-boxers">révolte des Boxers</a>, il écrit dans son livre <a href="https://editions-magellan.com/livres/les-derniers-jours-de-pekin/"><em>Les derniers jours de Pékin</em></a> :</p>
<blockquote>
<p>« Là, tout est incompréhensible et d’aspect effroyable ; on se sent profondément étranger à l’énigme des formes et des symboles. »</p>
</blockquote>
<p>L’art chinois archaïque semble difficile à appréhender mais ces pièces inconnues des Occidentaux sont <a href="https://theconversation.com/appropriation-culturelle-peut-on-voler-une-culture-136885">tout de suite bien accueillies</a>, ces derniers ayant soif de découvrir l’Extrême-Orient depuis la fin des années 1800. Le marchand <a href="https://tokonomamagazine.com/2019/07/26/les-wannieck-un-couple-entre-paris-et-pekin/">Léon Wannieck</a> entend parler d’un ensemble de bronzes archaïques découverts dans le village de Liyu en Chine en mars 1923. Il se rend sur place et achète une partie des objets avant qu’ils ne soient complètement dispersés. Il les expédie en France où ils connaissent rapidement un large retentissement. En 1934, les bronzes sont exposés au musée de l’Orangerie sous l’impulsion de sa femme Marie-Madeleine Wannieck, un événement prétexte à une levée de fonds afin que cet ensemble entre dans les collections des musées nationaux. L’entreprise est un succès et les bronzes peuvent aujourd’hui encore être admirés au <a href="https://www.guimet.fr/collections/chine/bouteille-hu-pour-les-boissons-fermentees/">Musée national des arts asiatiques – Guimet</a> à Paris.</p>
<p>Se pencher sur la question de l’appropriation par le public occidental de ce nouvel art consiste à élaborer une « anthropologie du regard » : le public européen et américain possède ses modes de perception spécifique, ses mécanismes d’appropriation intellectuels propres. Par ailleurs, les objets qui arrivent dans les collections occidentales changent de fonction : d’objets religieux par exemple, ils sont transformés en objets d’art. Ils prennent une valeur marchande et esthétique nouvelle. On peut dire alors avec le philosophe Jean Baudrillard, dans <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tel/Le-systeme-des-objets"><em>Le système des objets</em></a> : « l’objet pur dénué de fonction ou abstrait de son usage, prend un statut strictement subjectif : il devient objet de collection. »</p>
<h2>Patrimoine et conscience collective</h2>
<p>Ce sujet fait surgir la question de la perception qu’a un peuple de ses richesses patrimoniales. Cette problématique, enjeu politique et géopolitique, s’est posée avec acuité rapidement à l’Occident, à l’Europe notamment qui s’est d’ailleurs rapidement intéressée aux patrimoines étrangers, comme le patrimoine chinois.</p>
<p>Du fait de la révolution culturelle en Chine au cours de laquelle le patrimoine national a été détruit – entre 1966 et 1976 – on dit souvent que la Chine ne s’intéresse à son patrimoine que depuis le début du XXI<sup>e</sup> siècle, les autorités ayant compris que ce soft power est à valoriser quand on veut être une puissance mondiale. Or, cette vision est caricaturale. Dès le XII<sup>e</sup> siècle, sous la dynastie Song, des fouilles archéologiques sont organisées. Les empereurs collectionnent les œuvres d’art antique. Alors même que la Chine est affaiblie au début du XX<sup>e</sup> siècle, des campagnes de fouilles archéologiques sont lancées sous l’égide de l’<a href="https://www.ehess.fr/fr/academia-sinica-taiwan">Academia Sinica</a> créée en 1928. La Chine connaît donc la richesse de son patrimoine.</p>
<p>Se pencher sur la formation des collections d’art chinois archaïque implique donc de réfléchir aux questions patrimoniales et à leurs enjeux géopolitiques dans la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle mais aussi à leurs résonances actuelles. Cela s’inscrit dans un mouvement global de réflexion sur la question des <a href="https://theconversation.com/restitution-des-biens-culturels-mal-acquis-a-qui-appartient-lart-89193">restitutions</a> à leur pays d’origine des œuvres d’art conservées dans les pays occidentaux.</p>
<p>Comprendre pourquoi et comment ces œuvres d’art ont intégré les plus grandes collections grâce à un groupe de marchands d’art avisés dans la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle permet de répondre au questionnement actuel, notamment en ce qui concerne la question des provenances. Il apparaît donc indispensable de permettre le développement des recherches des historiens sur l’histoire des collections occidentales formées d’objets venus d’ailleurs afin que la question des provenances soit évoquée en toute transparence.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215474/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elsa Valle ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La géopolitique du patrimoine, à travers les questions de restitutions et de provenance des objets d’art, fait l’actualité. On parle de l’Afrique mais l’Asie, notamment la Chine, est aussi concernée.Elsa Valle, Doctorante, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2124962023-10-04T18:39:20Z2023-10-04T18:39:20ZPourquoi les Grecs et les Romains vénéraient-ils le phallus ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/551750/original/file-20231003-29-kgks1r.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C1594%2C1054&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mercure ithyphallique. Fresque de Pompéi, Ier siècle apr. J.-C. Musée archéologique national, Naples.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/15/Pompeya_er%C3%B3tica5.jpg">Wikipédia</a></span></figcaption></figure><p>Les Grecs et les Romains vénéraient la représentation du phallus comme une idole, capable de les protéger contre tous les maux. Au V<sup>e</sup> siècle av. J.-C., les Athéniens organisaient chaque année des phallophories, processions solennelles de citoyens portant sur leurs dos des phallus géants, taillés dans des troncs de bois. Les cités alliées, désireuses de participer elles aussi à ces rites et d’en partager les effets bénéfiques, envoyaient à Athènes <a href="https://www.babelio.com/livres/Sissa-La-vie-quotidienne-des-dieux-grecs/114518">leurs propres phallus réalisés par les meilleurs artisans</a>.</p>
<p>Le pénis avait même son dieu : Priape, fils d’Aphrodite et de Dionysos, doté d’un membre démesuré, vu comme un épouvantail aux vertus magiques. C’est pourquoi des sexes en érection, sculptés ou moulés en terre cuite, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/sans-oser-le-demander/qu-est-ce-qu-on-s-envoyait-avant-les-dick-pics-6647674">étaient érigés aux angles des rues</a>, à l’entrée des boutiques et des maisons.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/551754/original/file-20231003-21-z2ibdg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551754/original/file-20231003-21-z2ibdg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551754/original/file-20231003-21-z2ibdg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551754/original/file-20231003-21-z2ibdg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551754/original/file-20231003-21-z2ibdg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551754/original/file-20231003-21-z2ibdg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551754/original/file-20231003-21-z2ibdg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Priape pesant son phallus sur une balance. Fresque, Maison des Vettii, Pompéi, Iᵉʳ siècle apr. J.-C.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/9f/Pompeya_er%C3%B3tica6.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un symbole de bonheur et de réussite sociale</h2>
<p>À Pompéi, à l’entrée de la maison des Vettii, riches marchands, une fresque montre Priape pesant son phallus sur l’un des deux plateaux d’une balance. Sur l’autre plateau repose une bourse remplie d’argent, tandis qu’une corbeille débordante de fruits est placée sous l’énorme pénis.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/551762/original/file-20231003-29-y44ayf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551762/original/file-20231003-29-y44ayf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=930&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551762/original/file-20231003-29-y44ayf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=930&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551762/original/file-20231003-29-y44ayf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=930&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551762/original/file-20231003-29-y44ayf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1169&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551762/original/file-20231003-29-y44ayf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1169&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551762/original/file-20231003-29-y44ayf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1169&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Statue de Priape, Maison des Vettii, Pompéi, Iᵉʳ siècle apr. J.-C.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/03/Priapus_from_the_house_of_the_Vetii%2C_Pompeii_02.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une autre représentation de Priape, cette fois sous la forme d’une statue en marbre, se dresse à l’intérieur de la demeure, dans l’atrium, où elle décore une fontaine. Le gros phallus en érection est traversé par un conduit permettant de répandre l’eau fécondante. Par ces images de Priape, les Vettii entendaient proclamer fièrement leur remarquable réussite économique et sociale.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/551763/original/file-20231003-16-qezeek.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551763/original/file-20231003-16-qezeek.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1357&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551763/original/file-20231003-16-qezeek.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1357&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551763/original/file-20231003-16-qezeek.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1357&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551763/original/file-20231003-16-qezeek.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1705&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551763/original/file-20231003-16-qezeek.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1705&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551763/original/file-20231003-16-qezeek.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1705&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Phallus agrémentés de clochettes provenant de Pompéi. Musée archéologique, Naples. Iᵉʳ siècle apr. J.-C.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/86/Tintinnabula%2C_da_pompei%2C_I_sec._dc.JPG">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’autres phallus, cette fois en bronze, étaient suspendus au seuil des maisons de Pompéi pour conjurer le malheur. Ils étaient parfois pourvus d’ailes et de clochettes, appelées <em>tintinnabula</em>.</p>
<h2>« Enculer » le mauvais œil</h2>
<p>Dans un style comparable, une mosaïque romaine d’Hadrumète, aujourd’hui Sousse en Tunisie, nous offre la représentation d’un pénis en forme de poisson s’apprêtant à pénétrer un œil, dit <a href="https://www.babelio.com/livres/Martin-La-magie-dans-lAntiquite/1358899">« mauvais œil »</a>, ou <em>kakos ophthalmos</em> en grec.</p>
<p>On peut rapprocher cette mosaïque <a href="https://www.babelio.com/livres/Bernand-Sorciers-grecs/153110">d’inscriptions ornant des bracelets prophylactiques</a> retrouvés en Égypte, datant de l’époque romaine, sur lesquels on peut lire : « Dehors, mauvais sort ! » ; ou encore, de manière plus directe : « Je t’enculerai » (<em>pugisô se</em>).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/551767/original/file-20231003-25-1ye3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551767/original/file-20231003-25-1ye3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551767/original/file-20231003-25-1ye3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551767/original/file-20231003-25-1ye3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551767/original/file-20231003-25-1ye3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551767/original/file-20231003-25-1ye3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551767/original/file-20231003-25-1ye3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Phallus pénétrant le « mauvais œil ». Mosaïque romaine, IIᵉ -IIIᵉ siècle apr. J.-C. Musée archéologique, Sousse.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/67/Mosa%C3%AFque_de_l%E2%80%99oeil_contre_l%E2%80%99envieux.jpg%20%22%22">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Injures phalliques</h2>
<p>Sur le médaillon d’une lampe à huile romaine, la <a href="https://theconversation.com/un-an-apres-pourquoi-cleopatre-na-pas-invente-le-vibromasseur-59500">reine Cléopâtre</a> prend la place réservée au mauvais œil. C’est elle qui, figurée nue, est sodomisée par le phallus. Sur une autre lampe, malheureusement fragmentaire, il est également possible d’identifier la reine, cette fois à quatre pattes, pénétrée par un crocodile ithyphallique. Ces images de propagande vantent symboliquement la victoire d’Octave, futur empereur Auguste, sur la reine d’Égypte.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/551765/original/file-20231003-15-bcu6ax.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551765/original/file-20231003-15-bcu6ax.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551765/original/file-20231003-15-bcu6ax.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551765/original/file-20231003-15-bcu6ax.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551765/original/file-20231003-15-bcu6ax.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551765/original/file-20231003-15-bcu6ax.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551765/original/file-20231003-15-bcu6ax.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">A droite : Cléopâtre sodomisée par un phallus. Médaillon de lampe à huile, fin du Iᵉʳ siècle av. J.-C. ou Iᵉʳ siècle apr. J.-C. British Museum, Londres. À gauche : femme (Cléopâtre ?) sodomisée par un crocodile. Fragment de lampe à huile. Musée d’histoire et d’archéologie, Les Baux-de-Provence.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Dessins de Christian-Georges Schwentzel</span></span>
</figcaption>
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<p>Cette ironie salace pouvait néanmoins se révéler dangereuse pour celui qui la proférait, comme le montre l’anecdote de l’ultime plaisanterie de Caligula, selon Suétone (<em>Vie de Caligula</em> 56). En 41 apr. J.-C., l’empereur enfonce un doigt dans la bouche d’un prétorien, membre de la garde impériale, mimant une pénétration. Quelques jours plus tard, <a href="https://remacle.org/bloodwolf/historiens/suetone/caligula.htm">il meurt assassiné par les prétoriens</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/551766/original/file-20231003-19-397yxg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551766/original/file-20231003-19-397yxg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551766/original/file-20231003-19-397yxg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551766/original/file-20231003-19-397yxg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551766/original/file-20231003-19-397yxg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551766/original/file-20231003-19-397yxg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551766/original/file-20231003-19-397yxg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’assassinat de Caligula (<em>Caligula</em> de Tinto Brass, 1979).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=Ro-hmKOyehw](https://www.youtube.com/watch?v=Ro-hmKOyehw%20%22%22">Capture d’écran</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Autre exemple : en 49 apr. J.-C., lors des fêtes de la Pâque juive, à Jérusalem, un soldat romain grimpe en un lieu élevé d’où <a href="https://remacle.org/bloodwolf/historiens/Flajose/juda20.htm">il montre son pénis aux fidèles réunis pour les célébrations</a>, raconte Flavius Josèphe (<em>Antiquités juives</em> XX, 107).</p>
<p>Il fit sans doute mine de pénétrer la foule collectivement. Cette injure provoqua une émeute, réprimée dans le sang par le gouverneur romain Cumanus qui dut faire intervenir la légion.</p>
<h2>Pénétrant et pénétré</h2>
<p>Ces insultes se comprennent par rapport à la norme phallocratique du moment : les personnes que l’on méprise sont traitées comme des « pénétrés ». D’où, par exemple, la <a href="https://lionel-edouard-martin.net/tag/pedicabo-ego-vos-et-irrumabo-traduction-francaise/">formule assassine</a> que lance le poète latin Catulle à l’encontre de ses ennemis : « pedicabo ego vos et irrumabo » (« Je vais vous enculer et vous pénétrer la bouche ») (<em>Poésies</em> 16).</p>
<p>La sexualité n’était pas alors considérée comme une identité, ni une orientation, mais comme un <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-cours-de-l-histoire/erotique-en-toge-reguler-le-desir-dans-la-rome-antique-3605082">ensemble de pratiques valorisantes ou, au contraire, dégradantes</a>. D’un côté, le mâle dominant qui pénètre ; de l’autre, la femme et l’homme dominé, également pénétrés.</p>
<p>Seul l’homme qui fait usage de son phallus est réputé viril et appelé <em>vir</em> (« homme »). Son amant de sexe masculin est considéré comme un <em>puer</em> (« garçon »), afin de souligner son infériorité par rapport au <em>vir</em> dont il subit les pénétrations.</p>
<h2>Une insulte très politique</h2>
<p>Dans ce contexte, le terme latin <em>cinaedus</em> (« enculé ») constituait une insulte redoutable. Il est formé sur le grec <em>kinaidos</em> qui désigne un esclave sexuel ou un prostitué qui « bouge » autour d’un point fixe, en l’occurrence le phallus de celui qui le pénètre. Le <em>cinaedus</em> avait pour fonction de « tortiller des fesses » et « donner de grands coups de derrière », grâce à son « cul habile », écrit au I<sup>er</sup> siècle apr. J.-C. le <a href="https://remacle.org/bloodwolf/roman/petrone/index.htm">romancier latin Pétrone</a> (<em>Satyricon</em> 21 et 23).</p>
<p>Selon les représentations du moment, un citoyen romain qui avait été pénétré, ne serait-ce qu’une seule fois, était disqualifié socialement. Sa virilité était pour toujours compromise et il ne pouvait exercer la moindre fonction de commandement.</p>
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<p>C’est pourquoi, pour tenter de déstabiliser un adversaire politique, il n’était pas rare de le traiter de <em>cinaedus</em>. Des ragots prétendaient que Jules César avait été sodomisé, dans sa jeunesse, par Nicomède, souverain de Bithynie, alors qu’il se trouvait à la cour de ce roi (Suétone, <em>Vie de César</em> 49). Selon les calomniateurs, celui qui se présentait <a href="https://remacle.org/bloodwolf/historiens/suetone/cesar.htm">comme un grand chef politique</a> et militaire n’était en réalité qu’un être dépourvu de virilité.</p>
<p>Après Jules César, Auguste fit à son tour les frais d’insultes similaires. Il fut traité par ses ennemis de « suceur » (<em>fellator</em>), dans un but identique, puisque <em>cinaedus</em> et <em>fellator</em> évoquent la même idée d’un corps pénétré, définitivement dévirilisé. Marc Antoine racontait que c’était en échange des fellations qu’il pratiquait à son grand-oncle Jules César que celui-ci <a href="https://remacle.org/bloodwolf/historiens/suetone/auguste.htm">l’avait adopté et déclaré son héritier</a> (Suétone, <em>Vie d’Auguste</em> 68 et 71).</p>
<h2>La peur de l’impuissance</h2>
<p>Cette vision phallocentrée des relations sexuelles a aussi pour conséquence la crainte de l’impuissance, qu’elle soit passagère ou définitive. Le poète Ovide évoque une « panne » dont il fut un jour victime, malgré les ardentes caresses érotiques de Corinne, sa maîtresse (<em>Les Amours</em> III, 7). L’amante déçue finit par prendre la fuite et le <a href="https://remacle.org/bloodwolf/poetes/Ovide/amours.htm#III7">poète se met à insulter</a> son pénis qui l’a laissé désarmé.</p>
<p>On retrouve ce thème dans le <em>Satyricon</em>. Encolpe, l’un des héros du roman, ne parvient plus à pénétrer ni fille ni garçon, car son sexe demeure mou. Il se décide à aller trouver une magicienne nommée Œnothéa. « Elle sort un phallus de cuir qu’elle enduit d’huile, de poivre broyé et de graine d’ortie pilée, et, à petits coups, se met à me l’enfoncer dans le cul », <a href="https://remacle.org/bloodwolf/roman/petrone/index.htm">raconte Encolpe</a> (<em>Satyricon</em> 138). Puis, la magicienne fouette le pénis de son patient avec « une poignée d’orties vertes ». Un traitement efficace, puisque Encolpe retrouve un peu plus tard toute sa virilité.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/551761/original/file-20231003-29-svgf0v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551761/original/file-20231003-29-svgf0v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551761/original/file-20231003-29-svgf0v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551761/original/file-20231003-29-svgf0v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551761/original/file-20231003-29-svgf0v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551761/original/file-20231003-29-svgf0v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551761/original/file-20231003-29-svgf0v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Encolpe et la magicienne Œnothéa, illustration de Georges Antoine Rochegrosse, <em>Le Satyricon</em>, 1910.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.proantic.com/672049-le-satyricon-de-petrone4-gravures-pas-rochegrosse1910.html">Proantic</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À nouveau, comme chez Ovide, on perçoit, sous l’humour de façade, une <a href="https://www.babelio.com/livres/Gazale-Le-mythe-de-la-virilite/992131">angoisse de la défaillance sexuelle</a>, vue comme une honte dans la société phallocratique romaine. La vénération de la virilité devient dès lors un véritable « piège », comme l’a montré Olivia Gazalé, générant peurs et frustrations.</p>
<hr>
<p><em>Christian-Georges Schwentzel est l’auteur de <a href="https://www.editions-vendemiaire.com/catalogue/nouveautes/debauches-antiques-christian-georges-schwentzel/">« Débauches antiques. Comment la Bible et les Anciens ont inventé le vice »</a>, éditions Vendémiaire.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212496/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian-Georges Schwentzel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sculptures, peintures, mosaïques… de nombreux artefacts témoignent de l’obsession phallocrate des Grecs et des Romains, entre superstition et conjuration de l’impuissance.Christian-Georges Schwentzel, Professeur d'histoire ancienne, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2087922023-09-28T19:14:48Z2023-09-28T19:14:48ZLe striptease de la momie au XIXᵉ siècle ou la fascination de l’Occident pour les dépouilles antiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/539309/original/file-20230725-19-w5id6g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C7%2C792%2C577&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Illustration de Martin Van Maële : la momie de la nouvelle fantastique "Lot n°249"(1892) d’Arthur Conan Doyle.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Mummy_%28undead%29">Wikipédia</a></span></figcaption></figure><p>Le 25 juin 1882, le <em>New York Times</em> publie un article intitulé <a href="https://www.nytimes.com/1882/06/25/archives/mummies-as-bricabrac.html">« Mummies as Bric-a-Brac »</a> rapportant que certes, l’homme moderne se doit de voyager et découvrir l’Égypte, mais qu’il est recommandé, en plus, d’en ramener une momie en souvenir.</p>
<blockquote>
<p>« Le voyageur moderne ne se contente pas de collectionner des perles, des statuettes funéraires d’autres objets de ce genre. Il doit ramener chez lui un ancien Égyptien in propria persona. »</p>
</blockquote>
<p>Pourquoi inciter à un tel comportement ? Par-delà l’aspect d’un simple témoignage archéologique, quels attributs, quels pouvoirs confère-t-on aux momifiés, à l’époque ?</p>
<h2>La momie et ses vertus thérapeutiques</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550638/original/file-20230927-29-zeb8bw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550638/original/file-20230927-29-zeb8bw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1039&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550638/original/file-20230927-29-zeb8bw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1039&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550638/original/file-20230927-29-zeb8bw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1039&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550638/original/file-20230927-29-zeb8bw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1306&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550638/original/file-20230927-29-zeb8bw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1306&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550638/original/file-20230927-29-zeb8bw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1306&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un pot pharmaceutique du XVIIIᵉ siècle, supposé contenir des matières issues de momies.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Albarello_MUMIA_18Jh.jpg">Bullenwhächter/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si la présence de momies en Égypte n’était pas un fait inconnu des Occidentaux, c’est seulement à partir de l’époque médiévale que les Européens s’intéressent aux substances utilisées pour la momification. Cette possibilité de conserver les morts durant des siècles va conférer à cette pratique une nouvelle dimension : on prête à la momie des vertus thérapeutiques.</p>
<p>Le mot <em>momie</em> est une dérive du latin médiéval <em>mumia</em> désignant une <a href="http://ducange.enc.sorbonne.fr">« substance extraite des corps embaumés, utilisée comme drogue médicinale »</a>, lui-même issu de l’arabe <em>mūmiyā</em> désignant un « mélange de poix et de bitume servant à embaumer les morts ». Ainsi, dès le XIIᵉ siècle, <a href="https://books.openedition.org/editionscnrs/46052?lang=fr">les momies sont utilisées comme remèdes pharmaceutiques</a>. Le bitume utilisé par les anciens Égyptiens pour préserver le corps, afin qu’ils puissent selon les croyances antiques revivre dans l’au-delà, était alors utilisé pour soigner divers symptômes par les médecins orientaux et occidentaux.</p>
<p>Si l’on en croit le <a href="https://en.wikisource.org/wiki/Sir_Thomas_Browne%27s_works,_volume_3_(1835)/Hydriotaphia">médecin anglais Sir Thomas Browne, en 1658</a> :</p>
<blockquote>
<p>« La momie est devenue une marchandise […] et Pharaon est vendu pour des baumes. »</p>
</blockquote>
<p>Progressivement, l’utilisation de corps momifiés devient une nécessité pour la pharmacopée médiévale. Les momies étaient démembrées, broyées et importées en Europe afin de produire <a href="https://www.biusante.parisdescartes.fr/pare/08-08.htm">« une poudre de momie »</a> consommée au travers d’onguents, comme médicament ou calmant traitant les blessures, abcès ou problèmes intestinaux.</p>
<p>On prêtait aux momies une fonction curative, en référence à une Égypte mystique capable par sa magie de guérir les maladies. Cet aspect se double d’une fonction mercantile : elle est vendue à prix d’or et le marché de la momie est en pleine expansion au Moyen-âge, non sans dérives : certains marchands se vantaient de détenir de la poussière de momie royale !</p>
<p>Face à la demande exponentielle d’un marché européen en plein essor, le pillage de nécropoles égyptiennes s’intensifie. Les momies devenant rares et coûteuses, les faussaires font leur apparition avec des momies d’animaux, des momies de morts prématurés de maladies, voire des modèles en cire. Malgré les malversations l’engouement pour la poudre de momie « rédemptrice » n’a pas disparu. Hier encore (1998), la poussière de momie – ou pseudo – se vendait sur les étagères des <a href="https://www.academia.edu/3265928/1998_The_Mummy_in_Ancient_Egypt_Equipping_the_Dead_for_Eternity_London_Thames_and_Hudson">boutiques occultes de New York et Philadelphie</a>.</p>
<h2>Momie peinture et momie papier</h2>
<p>Les momies suscitent un enthousiasme certain dans le domaine artistique au XIX<sup>e</sup> siècle. Ce siècle du romantisme et de l’orientalisme qui s’ouvre en Europe comme aux États-Unis pousse les artistes peintres à utiliser d’autres matériaux et notamment le « caput mortuum » ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Brun_momie">« brun de momie »</a> pigment rouge contenant à l’origine des morceaux broyés de momies, de résine blanche et de myrrhe.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550649/original/file-20230927-27-ti73gr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550649/original/file-20230927-27-ti73gr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=481&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550649/original/file-20230927-27-ti73gr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=481&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550649/original/file-20230927-27-ti73gr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=481&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550649/original/file-20230927-27-ti73gr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=604&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550649/original/file-20230927-27-ti73gr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=604&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550649/original/file-20230927-27-ti73gr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=604&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Cet <em>Intérieur d’une cuisine</em> de Martin Drôlling (1815) aurait été peint à base de brun de momie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010065880">Louvre</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Produit pour la peinture à l’huile, son utilisation s’est étendue à d’autres techniques comme l’aquarelle. Utilisé pour donner aux œuvres d’art une dimension exotique et éternelle, son emploi n’a connu qu’un succès mitigé. Les artistes émettaient des réserves quant à sa fiabilité :</p>
<blockquote>
<p>« Bitume momie, couleur brun roux, origine bitume naturel, le plus néfaste des pigments. Ne sèche jamais. » (André Béguin, Mémento pratique de l’artiste peintre, 1979)</p>
</blockquote>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550639/original/file-20230927-17-ykyqr3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550639/original/file-20230927-17-ykyqr3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=938&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550639/original/file-20230927-17-ykyqr3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=938&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550639/original/file-20230927-17-ykyqr3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=938&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550639/original/file-20230927-17-ykyqr3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1179&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550639/original/file-20230927-17-ykyqr3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1179&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550639/original/file-20230927-17-ykyqr3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1179&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une page du livre du <em>Jubilé de Norwich</em> (1859) imprimé sur du papier fabriqué à partir des enveloppes de momies égyptiennes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://mummymania.omeka.net/exhibits/show/mummy-paper-no-longer-an-urban/item/95">Mummy mania</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les réserves quant à son utilisation se justifient également par une question éthique notamment en ce qui concerne la fabrication de cette poudre avec des morceaux de momies. Si cette question était ignorée à l’époque par certains artistes au vu des intérêts commerciaux, d’autres au contraire s’insurgent et en 1881, l’artiste peintre préraphaélite Lauwrence Alma Tadena décide d’enterrer ses tubes de peinture après avoir appris que <a href="https://archive.org/details/memorialsofedwar02burn/page/114/mode/2up">les couleurs avaient été obtenues à partir d’une momie</a> !</p>
<p>Dans le domaine industriel, aux États-Unis, les momies trouvent aussi une utilisation bien singulière. On s’en sert pour pallier le coût des fibres de chiffon, dans la réalisation du papier moderne. Les papeteries américaines ont ainsi utilisé le linceul de nombreuses momies afin de fabriquer du papier, comme ce fut le cas, en 1862, de la papeterie américaine du <a href="https://www.academia.edu/35561637/Mummies_in_Maine_pdf">Maine d’Augustus Stanwood</a> pour confectionner son papier d’emballage. Signe de mauvais augure, la légende veut que l’ensemble de ses ouvriers soient morts du choléra.</p>
<p>On peut lire sur une affiche de célébration de Jubilé à Norwich, en 1859 :</p>
<blockquote>
<p>« Ce papier est fabriqué par la Chelsea Manufacturing Company de Greenville, la plus grande usine de papier au monde. Le matériau qui le compose a été apporté d’Égypte. Il a été prélevé dans d’anciennes tombes où il avait été utilisé pour l’embaumement de momies ».</p>
</blockquote>
<h2>Des bizarreries qui attisent la curiosité</h2>
<p>Au XIX<sup>e</sup> siècle, l’Égypte antique est perçue comme la mère des civilisations. Le vestige égyptien était gage de sagesse pour son propriétaire. Toutefois, seule une infime partie de la population américaine, souvent aisée, pouvait faire ce genre d’acquisition. Faire découvrir les richesses de l’Égypte à l’immense majorité de la population devient dès lors une source de profits pour les entrepreneurs du spectacle.</p>
<p>Avant d’être exposées dans les musées, les momies étaient promenées de ville en ville dans les carnavals et cirques itinérants et expositions de fortune. La momie, au même titre que les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Freak_show">« freak shows »</a>, était avant tout un objet de divertissement, une bizarrerie humaine.</p>
<p>Parallèlement, d’autres spectacles sont organisés et touchent une frange plus érudite de la population. Ce fut le cas des démaillotages de momies. En effet, dans une perspective scientifique, les momies étaient « déshabillées » et étudiées en public. Le médecin <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Pettigrew">Thomas Joseph Pettigrew</a> en Angleterre et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/George_Robin_Gliddon">George Robin Gliddon</a> aux États-Unis sont les plus célèbres examinateurs de momie. Véritables spectacles aux États-Unis, les démaillotages étaient un moyen de montrer à un public passionné des exemples réels de sauvetage et d’analyse des vestiges du passé et, en outre, d’imprégner les esprits sur <a href="https://theconversation.com/egypte-blanche-egypte-noire-histoire-dune-querelle-americaine-197119">l’évolution raciale présentant les « caucasiens » comme descendant des Égyptiens</a>. Ces démaillotages étaient suivis par des conférences sur le thème de la momification.</p>
<p>On peut lire dans le <em>Baltimore Patriot</em>, en 1830 :</p>
<blockquote>
<p>« Ces vénérables vestiges de l’antiquité présentent à l’œil du spectateur une image saisissante de trois mille ans, et constituent incontestablement la plus grande curiosité jamais offerte à un public américain. »</p>
</blockquote>
<h2>La malédiction des momies</h2>
<p>Dans l’élan impérialiste et colonialiste du XIX<sup>e</sup> siècle et début XX<sup>e</sup>, l’archéologie et la fiction populaire transforment la momie en une figure féminine séduisante et maléfique.</p>
<p>La quête scientifique objectivant la momie et sa marchandisation fait naître dans les romans victoriens, comme ceux de H.D. Everett, <a href="https://books.google.fr/books/about/Iras.html?id=10rSzQEACAAJ&redir_esc=y"><em>Iras. A Mystery</em></a> (1896) Rider Haggard, <a href="https://books.google.fr/books/about/She.html?id=84jebkn7E90C&redir_esc=y"><em>She</em></a> (1887) ou encore de Bram Stoker, <a href="https://www.google.fr/books/edition/The_Jewel_of_Seven_Stars/eO1BEAAAQBAJ"><em>The Jewel of Seven Stars</em></a> (Le Joyau des sept étoiles, 1903), une réincarnation de la figure de la momie présentée comme humaine et séduisante.</p>
<p>Victime directe des recherches archéologiques et de la profanation des tombeaux, elle se réincarne sous la forme d’une beauté orientale vengeresse. Les châtiments que la momie inflige sont aussi liés aux démaillotages publics et aux examens réalisés par les archéologues, perçus comme une forme d’agression sexuelle.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550653/original/file-20230927-17-h5tl2m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550653/original/file-20230927-17-h5tl2m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550653/original/file-20230927-17-h5tl2m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550653/original/file-20230927-17-h5tl2m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550653/original/file-20230927-17-h5tl2m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=610&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550653/original/file-20230927-17-h5tl2m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=610&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550653/original/file-20230927-17-h5tl2m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=610&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une annonce de démaillotage de momie, à Boston, en 1850, sous la houlette de George Gliddon, premier égyptologue américain.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://echoesofegypt.peabody.yale.edu/mummy-mania/broadsheet-announcement-mummy-unwrapping">Yale</a></span>
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<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550635/original/file-20230927-23-1viyn1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550635/original/file-20230927-23-1viyn1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=794&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550635/original/file-20230927-23-1viyn1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=794&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550635/original/file-20230927-23-1viyn1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=794&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550635/original/file-20230927-23-1viyn1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=998&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550635/original/file-20230927-23-1viyn1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=998&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550635/original/file-20230927-23-1viyn1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=998&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Page de titre de l’ouvrage de Jane Webb Loudon (1828), l’une des premières histoires à traiter d’une « malédiction de la momie ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Mummy!#/media/Fichier:The_Mummy!_1828_second_ed%20ition.jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>En effet, les démaillotages relatés dans les premiers romans d’époque victorienne renvoient à la conquête occidentale de l’Orient, personnifiée par la momie, symbole d’une femme vierge étrangère soumise aux envahisseurs. Cette femme orientale est détaillée, déballée, et pénétrée comme devait l’être l’Égypte coloniale. L’exposition du corps momifié, le retrait des bandages de lin, laissant apparaître un corps nu sans défense, dévoile un fantasme érotique comparable au viol. L’objet archéologique (la momie) devient un objet sexuel.</p>
<p>Cette sexualisation de la momie trouve également un écho dans le pillage des tombes égyptiennes. S’intensifiant au XIX<sup>e</sup> siècle, les pillages de tombeaux et l’accaparement des momies reflètent également le concept sexualisé de la pénétration et du viol. Très présente dans la littérature victorienne, la malédiction de la momie incarne la notion de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Vagina_dentata">vagina dentata</a> : les momies revenues à la vie se vengent du viol de la pénétration du tombeau (<a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Lost_in_a_Pyramid;_or,_The_Mummy%27s_Curse">Louisa May Alcott, <em>Lost in Pyramid or, The Mummy’s Curse</em></a>, 1869).</p>
<p>Dans le <em>Roman de la Momie</em>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Roman_de_la_momie">Thépophile Gautier écrit</a> :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai l’idée que nous trouverons […] un tombeau qui n’a jamais été altéré […] mais qui nous livrera, intactes, toutes les richesses de son mystère vierge. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550644/original/file-20230927-21-dnpvu6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550644/original/file-20230927-21-dnpvu6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1022&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550644/original/file-20230927-21-dnpvu6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1022&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550644/original/file-20230927-21-dnpvu6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1022&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550644/original/file-20230927-21-dnpvu6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1284&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550644/original/file-20230927-21-dnpvu6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1284&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550644/original/file-20230927-21-dnpvu6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1284&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Albert Robida, illustration pour le <em>Roman de la momie</em> de Théophile Gautier (1858).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Roman_de_la_momie#/media/Fichier:Albert_Robida_-_Le_Roman_de_la_momie.jpg">Wikimedia</a></span>
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</figure>
<p>Ainsi, bien avant la découverte du tombeau de Toutankhamon (1922), l’idée de malédiction par une momie vengeresse trouve écho dans la profanation des tombes égyptiennes et l’absence de culpabilité des archéologues qui violent les tombeaux. L’une des plus célèbre momies vengeresses est <a href="https://www.britishmuseum.org/collection/object/Y_EA22542">« The Unlucky Mummy » conservée au British Musuem (BMEA22542)</a> : elle aurait porté malheur à l’ensemble de ceux qui l’ont rencontrée et aurait même, d’après une légende, fait couler le <em>Titanic</em>.</p>
<h2>La momie face aux chrétiens</h2>
<p>Ces déballages, ces exhibitions de momie dénotent une certaine curiosité malsaine, forme de voyeurisme à l’égard du défunt et de la mort. Dans cette période victorienne où la mort est omniprésente, la curiosité face à des corps enveloppés et momifiés l’emporte sur la pudeur et la dignité. Mais cette curiosité se pare aussi d’un esprit religieux et scientifique marqué par la volonté de prouver les évènements bibliques.</p>
<p>Le démaillotage de momies posait également la question des richesses contenues dans les sépultures des momies. En effet, l’austérité prônée par la religion chrétienne était en totale contradiction avec l’abondance de richesses que contenaient certains tombeaux ou momies égyptiennes. Cette profusion de richesses amena certains à émettre l’hypothèse que les Égyptiens étaient incapables de reconnaitre la valeur des objets enfouis avec leurs morts.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550651/original/file-20230927-17-mnqkoz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550651/original/file-20230927-17-mnqkoz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=752&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550651/original/file-20230927-17-mnqkoz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=752&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550651/original/file-20230927-17-mnqkoz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=752&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550651/original/file-20230927-17-mnqkoz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=945&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550651/original/file-20230927-17-mnqkoz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=945&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550651/original/file-20230927-17-mnqkoz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=945&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dans La Tombe de la Momie (1942), un film d’horreur de Lon Chaney. Le héros est assassiné par une momie venue pour se venger de la profanation de la tombe d’Ananka.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Tombe_de_la_Momie">Wikimedia</a></span>
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</figure>
<p>Dans un esprit de charité et de ferveur chrétienne et bien que les Égyptiens soient polythéistes, un nombre important de momies ont été réenterrées dans de nouvelles sépultures chrétiennes. La momie <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Amum-Her-Khepesh-Ef">d’Amun-Her-Kepesh-Ef vendue à Henry Sheldon</a> en 1886 pour son musée de Middlebury (Vermont) a été redécouverte dans le grenier du musée par le conservateur George Mead en 1950. La momie fut incinérée et enterrée au West Cemetery (Vermont) <a href="https://books.google.fr/books/about/The_Encyclopedia_of_Mummies.html?id=rdmONAAACAAJ&redir_esc=y">avec une croix chrétienne sur sa pierre tombale</a> – une manière de se soucier de la dignité et de l’âme du défunt.</p>
<p>Tombeaux violés, momies transformées en onguent médicinal, en peinture, démaillotées en public : le XIX<sup>e</sup> siècle marque une certaine déshumanisation des momies. Pillées et séparées des biens avec lesquels elles avaient été enterrées, les momies ont perdu une part de leur identité, de leur intégrité et de leur caractère mystique.</p>
<p>Le XXI<sup>e</sup> siècle offre un nouveau regard sur les momies. Les travaux archéologiques et scientifiques ont apporté de nombreuses réponses et une meilleure compréhension concernant les sépultures égyptiennes, les techniques d’embaumement et par la même des momies. De nouvelles fouilles, comme celle de Saqqarah et la découverte d’une momie de plus de 4 000 ans, enrichissent toujours l’histoire de cette civilisation. Mais la fascination pour les momies, elle, n’est pas prête de s’éteindre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208792/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Vanthournout ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Entre pseudo vertus thérapeutiques, usages insolites et fascination morbide, pourquoi les momies exhumées en Égypte ont connu un destin hors du commun.Charles Vanthournout, Professeur d'histoire-géographie et Doctorant en égyptomanie américaine, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2095382023-09-05T17:04:50Z2023-09-05T17:04:50ZUne chasse au trésor pour retrouver des restes de Néandertal dans le Bassin parisien<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545236/original/file-20230829-29-t0yocw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C12%2C4031%2C3005&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour trouver des restes de Néandertal ici, vous commenceriez où ?</span> <span class="attribution"><span class="source">Léa Beaumont</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Vous rêvez de creuser au hasard au fond d’un jardin et de faire une découverte archéologique, ou de trouver un trésor grâce à un manuscrit laissé par des ancêtres ? Moi aussi.</p>
<p>Mais lorsqu’une <a href="https://www.lgp.cnrs.fr/le-terrain-se-poursuit-a-resson/">équipe de géologues et d’archéologues</a> s’est penchée sur des archives de <a href="https://patrimoine.mines-paristech.fr/document/G%C3%A9ol_Aube_1846_texte#?c=0&m=0&s=0&cv=0&z=0%2C-1472.03%2C5610%2C5307.06">Alexandre Leymerie de 1846</a>, d’<a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58187693.texteImage">Eugène Belgrand de 1869</a>, et un <a href="https://data.bnf.fr/temp-work/c71c4c062019aa1a1fb66f11b9d09334/">inventaire de Fliche de 1884</a>, qui décrivent des restes d’hommes de Néandertal dans le Bassin parisien – alors que lesdits restes ont disparu – les choses se sont corsées.</p>
<p>L’équipe est donc partie à la chasse au trésor dans la région désignée par les archives. C’est non loin de Provins, que les archives mènent. Si le nom du village d’où ils proviennent, Resson, a été mentionné dans les archives, la carrière n’avait pas été précisément localisée. Il a donc fallu chercher une ancienne carrière dont le profil semble correspondre à la coupe géologique crayonnée par J.-P. Michel en 1967.</p>
<p>Après quelques missions de repérage, l’équipe a retrouvé une carrière de tuf creusée sur 10 mètres de haut, large d’une vingtaine de mètres, correspondant à ces indications. <a href="https://doi-org.inee.bib.cnrs.fr/10.4000/quaternaire.13778">Elle a pu confirmer</a> que cette ancienne carrière d’exploitation de tuf est riche en ossements de grands mammifères (mammouth, cerf…), en coquilles de mollusques et en restes végétaux – une partie de ces restes de mollusques et de végétaux exhumés par Belgrand, Fliche, Leymerie et de Mortillet à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle est bien <a href="https://doi-org.inee.bib.cnrs.fr/10.4000/quaternaire.15923">présente au Musée d’histoire naturelle de Troyes</a>.</p>
<p>Les restes paléontologiques de mollusques présents dans le tuf ont permis d’estimer l’âge du site à <a href="https://journals.openedition.org/quaternaire/13778">il a environ 125 000 ans</a>. Cette période géologique appelée l’Éemien fut une période chaude, assez similaire à la nôtre, à laquelle vivaient en Europe les hommes de Néandertal.</p>
<p>Si l’âge des roches correspond bien à la période où ont vécu les Néandertaliens, il est plus délicat de trouver des outils en silex de type moustérien et des restes humains mentionnés dans les archives et les synthèses de Fliche.</p>
<p>Heureusement, il est possible d’affiner la zone de recherche grâce à la géologie.</p>
<h2>Le tuf, une roche d’eau</h2>
<p>En effet, le tuf est une roche calcaire qui se dépose dans les cours d’eau : si des Néandertaliens ont bien occupé le site, il est peu probable qu’ils y aient vécu au moment du développement du tuf, puisqu’avoir les pieds dans l’eau n’est pas vraiment un lieu d’occupation confortable ou pratique. Mon rôle a été de guider mes collègues archéologues vers des niveaux dans la roche où il est plus plausible de trouver des restes de Néandertal… une telle découverte permettrait de mieux comprendre les populations de Néandertal, leur mode de vie et l’environnement dans lequel ils ont vécu.</p>
<p>Nous avons remarqué au sein du tuf certaines couches géologiques un peu différentes, des niveaux « gris », qui sont très riches en matière organique et sont généralement signe de périodes d’assèchement. Ce serait donc plutôt dans ces couches-ci qu’il faudrait chercher les restes archéologiques.</p>
<p>Pour en être sûr, nous avons coupé de très fines tranches de roches dans ces niveaux gris, des lames minces, que nous avons observées au microscope pour révéler en détail leur contenu minéralogique et paléontologique. Celles-ci servent à déterminer quel était l’environnement à cette époque et s’il était gorgé d’eau ou accessible à pied sec, ce qui aurait permis aux Néandertaliens d’occuper le site.</p>
<p>Dans certaines d’entre elles, nous avons retrouvé des « granules de vers de terre », qui sont de petites sphères en calcite, qui attestent de périodes d’assèchement permettant le développement de « petits » sols (car l’épaisseur du sol « fossile » est petite, 5 à 10 centimètres environ), qui auraient donc accueilli des vers de terre.</p>
<p>Nous pensons que c’est dans ces niveaux à granules de vers de terre qu’il faut chercher pour trouver des preuves de la présence de Néandertal. Les recherches sont encore en cours !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209538/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>A reçu des financements du LabEx DYNAMITE, du DIM MAP et de la Région Île-de-France.</span></em></p>Des archives font état de restes de Néandertal à côté de Provins. Enquête géologique et archéologique pour les retrouver.Léa Beaumont, Doctorante en Géographie physique au Laboratoire de Géographie Physique, CNRS, Inrap, UPEC, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2090062023-08-06T15:31:47Z2023-08-06T15:31:47ZLe fabuleux destin de Thérèse Poulain : dans les coulisses d’une Préhistoire à la française<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/537044/original/file-20230712-21-abu8rn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C7%2C4905%2C3268&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Thérèse Poulain à son domicile.</span> <span class="attribution"><span class="source">Gwendoline Torterat </span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« Les ossements sur lesquels maman travaillait étaient étalés partout dans la maison. Quand je rentrais de l’école, je me mettais sur ses genoux et je les triais avec elle. » (Agnès Poulain, fille cadette de l’archéologue Thérèse Josien-Poulain)</p>
</blockquote>
<p>Disparue en 2022, <a href="https://hal.science/hal-03950706">Thérèse Josien-Poulain</a>, mère de quatre enfants et chargée de recherche au CNRS, a travaillé dès les années 1950 au développement d’un domaine scientifique jusque-là inédit pour la préhistoire française : <a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb38801438w">l’archéozoologie</a>. Elle fait partie de ces femmes pionnières qui ont révolutionné la science.</p>
<p>Contrairement à la paléontologie, dont l’histoire remonte à la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle, les études archéozoologiques sont menées sur les sites portant les traces d’activités humaines et tiennent compte de l’ensemble des ossements d’animaux retrouvés lors des fouilles. Elles s’adossent donc à l’étude des autres vestiges afin d’accéder notamment aux comportements de subsistance vis-à-vis des ressources sauvages et domestiques. Malgré leur proportion importante sur les sites archéologiques, aucun spécialiste n’avait jusqu’alors choisi de consacrer sa carrière à des analyses poussées destinées à dépasser les déterminations anatomiques et taxinomiques en usage.</p>
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<p>C’est pourtant tout un pan des connaissances sur les populations préhistoriques, croisées à celles des relations naturelles et culturelles entre les humains et les animaux non humains qui échappaient à la science.</p>
<p>La thèse que Thérèse Josien-Poulain soutient en 1964 témoigne d’un élan précurseur vers ces questions, d’autant qu’elle intègre les périodes préhistoriques et historiques à sa recherche. Elle fut en effet la première à étudier la <a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb351538575">domestication des animaux sur 10 000 ans</a> et la place des premières formes d’élevage dans ce processus.</p>
<p>Et pour cela, elle s’est autant investie sur les terrains de la fouille qu’en post-fouille, c’est-à-dire à l’étape de l’identification et de l’analyse de ces vestiges. Elle a par exemple montré que le prélèvement de certains animaux chassés était différent selon leur âge ou leur état de santé. Elle a également avancé l’hypothèse d’une consommation sélective de certaines parties de l’animal.</p>
<h2>Du Musée de l’Homme à son domicile : la naissance d’un laboratoire domestique</h2>
<p>Au cours de ses études d’histoire-géographie à la Faculté des lettres de Paris, elle suit en tant qu’auditrice libre les cours de l’ethnologue et préhistorien <a href="https://hal.science/hal-01772868v1">André Leroi-Gourhan</a> (1911-1986) au Musée de l’Homme.</p>
<p>En 1951, elle s’associe aux fouilles archéologiques que ce dernier dirige à Arcy-sur-Cure (Yonne) et fait la rencontre de l’un de ses proches collaborateurs, Pierre Poulain (1921-1987), qui était aussi responsable des collections du musée d’Avallon et implanté dans la région depuis plusieurs années. Thérèse Josien épouse Pierre Poulain en 1957 et le suit la même année à Avallon, petite ville de l’Yonne éloignée de près de 200 kilomètres du musée de l’Homme où se trouvait son laboratoire, ses collègues, et les étudiants qu’elle avait commencé à former.</p>
<p>Qu’à cela ne tienne ! Thérèse Josien-Poulain décide de transformer son domicile en y installant une bibliothèque, une collection inédite d’ossements de référence ainsi que de multiples zones de stockage et plusieurs espaces de travail.</p>
<p>Ce laboratoire domestique que s’est constitué Thérèse Josien-Poulain n’est pas un cas isolé. L’historiographie souligne la <a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb39150209g">sous-reconnaissance générale des contributions des femmes dans les sciences</a>. Ce phénomène touche autant les catégories de chercheuse, d’assistante ou de technicienne, le statut d’épouse augmentant souvent encore plus leur invisibilisation. L’espace domestique a dès lors longtemps constitué le <a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb45339617v">seul lieu pour l’activité scientifique des femmes</a>, également un espace d’inventions.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/mathilde-wernert-une-femme-dans-un-monde-de-prehistoriens-en-1907-201212">Mathilde Wernert : une femme dans un monde de préhistoriens… en 1907</a>
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<p>Entre les années 1950 et 2000, un volume colossal de vestiges est arrivé jusqu’au domicile familial de Thérèse Josien-Poulain. Ils proviennent en tout de plus de 600 sites archéologiques, dont 279 ont fait l’objet d’une publication (hors articles de fond).</p>
<p>Des colis d’ossements ont ainsi été envoyés par ses collègues responsables de fouilles en France et à l’étranger, qu’elle appelait ses « fournisseurs ». Avec près de 700 000 ossements répertoriés, elle a examiné sur la table de son salon l’équivalent de plus de 40 000 animaux. Quelques carcasses de boucherie ou de chasse étaient même placées dans le réfrigérateur avant que les os ne complètent la collection de référence. Elle a continué à collaborer de la même manière après sa retraite en 1994, c’est-à-dire bénévolement, pendant plus d’une dizaine d’années.</p>
<h2>Dans les coulisses d’une préhistoire « à la française », une école de pensée née dans les années 1950</h2>
<p>Malgré son isolement géographique, une implication considérable pour seconder son époux au musée, et l’éducation de ses quatre enfants (nés entre 1958 et 1966), Thérèse Josien-Poulain obtient le poste de chargée de recherche au CNRS en 1967. Si travailler de son domicile ne l’a pas empêchée d’être titularisée, il ne lui a toutefois pas été possible d’évoluer par la suite en tant que maître de recherche. Il fallait pour cela avoir la responsabilité de travaux de recherche d’étudiants, une possibilité offerte à ceux qui étaient restés proches des universités et des laboratoires. Cela étant, ses recherches ont largement contribué à la reconnaissance progressive de ce qui deviendra une discipline à part entière à partir des années 1980.</p>
<p>La reconnaissance de Thérèse Josien-Poulain comme fondatrice de l’archéozoologie est marquée par l’organisation des « Journées scientifiques d’Avallon » en 1983. Cet événement hommage fut organisé par une quinzaine de chercheurs travaillant tant sur les périodes préhistoriques qu’historiques. Ils incarnaient d’une part la première génération d’archéozoologues français formés entre autres par les paléontologues et préhistoriens François Poplin et Jean Bouchud (1913-1995). Et d’autre part, ils héritaient d’une certaine école de pensée née dans les années 1950 avec André Leroi-Gourhan : pour lui, sans l’intégration de l’étude des restes de faune, la <a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32375872w">préhistoire ne serait qu’un catalogue d’outillage</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/537790/original/file-20230717-224833-3iwgm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="coupure de presse" src="https://images.theconversation.com/files/537790/original/file-20230717-224833-3iwgm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537790/original/file-20230717-224833-3iwgm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537790/original/file-20230717-224833-3iwgm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537790/original/file-20230717-224833-3iwgm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537790/original/file-20230717-224833-3iwgm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537790/original/file-20230717-224833-3iwgm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537790/original/file-20230717-224833-3iwgm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Coupure de presse de l’<em>Yonne républicaine</em>, qui couvre la réunion d’Avallon. Thérèse Poulain est la troisième en partant de la droite sur la photo de gauche.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gwendoline Torterat</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>De façon plus générale, il voulait élargir le spectre des types de vestiges étudiés, pas uniquement osseux. Les méthodes de fouille et d’analyse des vestiges qu’il développa ont suscité l’intérêt d’autres préhistoriens qui mesuraient également l’importance de l’<a href="https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1993_num_48_1_279117">analyse des sédiments et des pollens fossiles</a>. Ce sont plus de 1 500 personnes qui ont ainsi été formées de son vivant à ses méthodes, sur les sites d’Arcy-sur-Cure (1946-1963) et de Pincevent (1964-1986).</p>
<p>Cette école de préhistoire à laquelle Thérèse Josien-Poulain appartenait est donc née sur les chantiers de fouille et a contribué au renouveau des études de paléoenvironnements quaternaires. Néanmoins, pour André Leroi-Gourhan, cet élan d’après-guerre favorable pour la préhistoire était lié à une réflexion de fond sur l’avenir professionnel et institutionnel de la discipline. Son objectif était de <a href="https://hal.science/hal-01772868v1">remettre les travaux de la préhistoire française à un niveau scientifique qui soit digne du pays</a>. L’ambition d’un tel projet scientifique n’a ainsi pu se faire que collectivement, souvent en coulisses, ce dont les recherches pionnières de Thérèse Josien-Poulain témoignent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209006/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gwendoline Torterat a reçu des financements du DIM MAP région Île-de-France.</span></em></p>L’espace domestique a longtemps constitué le seul lieu pour l’activité des femmes scientifiques, participant à leur invisibilisation.Gwendoline Torterat, Post-doctorante en anthropologie sociale (UMR TEMPS 8068, CNRS), Université d’OrléansLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2103872023-07-26T18:19:06Z2023-07-26T18:19:06ZGrâce à l’ADN, rencontre avec une famille « française » du Néolithique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/539537/original/file-20230726-25-ll11yv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=985%2C0%2C931%2C638&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Représentation d'une des habitantes de la communauté.</span> <span class="attribution"><span class="source">Images peintes par Elena Plain</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>À partir des restes de près de 100 individus retrouvés dans la nécropole française de la commune de Gurgy (Yonne) vieille de 6 700 ans, nous avons reconstitué deux vastes arbres généalogiques préhistoriques révélant ainsi de nouvelles informations sur une communauté du Néolithique (5<sup>e</sup> millénaire avant J.-C.).</p>
<p>Nos nouveaux résultats, <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-023-06350-8">publiés aujourd’hui dans <em>Nature</em></a>, montrent un groupe d’agriculteurs préhistoriques qui vivaient au sein d’un réseau formé de plusieurs communautés. </p>
<p>Ce groupe s’est installé à Gurgy en apportant avec lui les ossements d’un « père fondateur », établissant ainsi une lignée sur sept générations, structurée par les hommes. </p>
<p>Ces derniers restaient dans la communauté alors que les femmes se déplaçaient vers d’autres groupes pour fonder de nouvelles familles.</p>
<h2>Il n’est pas si facile de comprendre les comportements sociaux des sociétés passées</h2>
<p>Il y a environ 9 000 ans, le « mode de vie néolithique » <a href="https://theconversation.com/european-invasion-dna-reveals-the-origins-of-modern-europeans-38096">s’est répandu de l’Anatolie</a> (la grande péninsule composée principalement de l’actuelle Turquie) vers l’Europe occidentale, transporté par de grandes migrations humaines.</p>
<p>De chasseurs-cueilleurs nomades, les gens se sont sédentarisés et ont commencé à cultiver. Avec la capacité de produire et de stocker de la nourriture supplémentaire, les Néolithiques ont développé de nouveaux fonctionnements sociaux fondés sur la richesse, la gestion des terres et l’accès aux ressources, formant notamment des <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.2120786119">hiérarchies sociales</a>.</p>
<p>Les sépultures anciennes peuvent nous en apprendre beaucoup sur la manière dont les hommes préhistoriques traitaient leurs morts. Cependant, il a toujours été difficile pour les chercheurs de comprendre comment ces sociétés se comportaient au quotidien. Ces difficultés sont dues à l’absence de documents écrits et à des données matérielles qui peuvent être difficiles à interpréter (réseaux d’échanges de matières premières ou de biens manufacturés, etc.).</p>
<p>Le Bassin parisien est bien connu pour ses <a href="https://doi.org/10.12766/jna.2010.37">structures funéraires monumentales</a> (longs tertres funéraires construits pour des personnes importantes). En parallèle, il n’y a que de rares sites regroupant des sépultures sans monument, qui sont possiblement les habitants « normaux » de la région, et le site de Gurgy représente la plus grande de ces nécropoles non monumentales. L’étude de ces sépultures est un moyen de comprendre qui étaient ces gens, enterrés plus simplement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/539541/original/file-20230726-25-t8cqps.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/539541/original/file-20230726-25-t8cqps.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539541/original/file-20230726-25-t8cqps.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=740&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539541/original/file-20230726-25-t8cqps.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=740&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539541/original/file-20230726-25-t8cqps.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=740&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539541/original/file-20230726-25-t8cqps.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=930&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539541/original/file-20230726-25-t8cqps.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=930&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539541/original/file-20230726-25-t8cqps.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=930&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Photographie de la femme GLN270A (à droite, pas de résultats génétiques) avec laquelle les os longs de l’ancêtre principal GLN270B du grand arbre généalogique (à gauche) ont été ré-enterrés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphane Rottier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Nous avons échantillonné majoritairement les os pétreux (la partie la plus dense de l’os temporal dans laquelle se situe l’oreille interne), élément osseux qui préserve le mieux l’ADN ancien dans le corps humain, et nous avons appliqué les méthodes les plus récentes d’obtention de l’ADN ancien. Parmi ces techniques, celle dite de la « capture » permet d’accéder à de l’ADN plus dégradé sur un grand nombre d’individus. Elle cible des portions spécifiques et informatives du génome, permettant de comparer ces mêmes régions d’un individu à l’autre sans avoir besoin de la totalité du génome.</p>
<p>Nous avons également utilisé des techniques spécialisées et novatrices pour estimer le degré de parenté de ces individus. Grâce à l’échantillonnage de presque tous les individus de cette nécropole de Gurgy, nos nouveaux résultats révèlent ainsi deux grands arbres généalogiques qui ouvrent une fenêtre sur la vie des membres de cette communauté préhistorique.</p>
<h2>Un réseau de communautés</h2>
<p>Dès la fouille du site, nous avons observé que les tombes ne se chevauchaient pas, ce qui signifie qu’il y avait peut-être des marques sur le sol (un peu comme les pierres tombales utilisées aujourd’hui). Cela suggérait également que des personnes étroitement liées savaient où leurs proches étaient enterrés.</p>
<p>Grâce au croisement de différentes approches génomiques et anthropologiques, nous avons pu reconstituer deux des plus grands arbres généalogiques jamais réalisés à partir d’une nécropole préhistorique. L’un des arbres généalogiques relie 63 individus sur sept générations, tandis que l’autre relie 12 individus sur cinq générations.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Interprétation artistique du grand arbre généalogique de Gurgy avec des portraits dessinés à la main" src="https://images.theconversation.com/files/534954/original/file-20230630-29-6gxcoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534954/original/file-20230630-29-6gxcoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=200&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534954/original/file-20230630-29-6gxcoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=200&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534954/original/file-20230630-29-6gxcoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=200&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534954/original/file-20230630-29-6gxcoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=251&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534954/original/file-20230630-29-6gxcoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=251&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534954/original/file-20230630-29-6gxcoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=251&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les portraits peints des individus sont basés sur des traits physiques (pigmentation) estimés à partir de l’ADN (lorsqu’il est disponible), ainsi que sur l’âge et le sexe génétique. Les carrés en pointillés (génétiquement masculin) et les cercles (génétiquement féminin) représentent les individus qui n’ont pas été trouvés sur le site ou qui n’ont pas fourni suffisamment d’ADN pour l’analyse.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Images peintes par Elena Plain ; reproduites ici avec l’autorisation de l’Université de Bordeaux/UMR 5199 PACEA</span></span>
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</figure>
<p>L’exploration de ces arbres généalogiques a révélé une claire tendance à la descendance via la lignée masculine (appelée patrilinéarité). Il s’agit d’une pratique selon laquelle chaque génération est presque exclusivement liée à la génération précédente par l’intermédiaire de son père biologique et que les statuts sont transmis d’une génération à la suivante.</p>
<p>Nos résultats suggèrent également la pratique de la virilocalité à Gurgy. Cela signifie que les fils sont restés là où ils sont nés et ont eu des enfants avec des femmes extérieures à Gurgy.</p>
<p>En appliquant sur les dents les <a href="https://doi.org/10.3109/03014461003649297">analyses isotopiques du strontium</a>, qui s’attachent à déterminer la mobilité au cours de la vie d’un individu grâce à la signature chimique de l’environnement enregistrée par les tissus lors de leur croissance, nous avons confirmé que les femmes exogènes (non reliées génétiquement au reste de la communauté) ont une origine non locale.</p>
<p>Il est intéressant de noter que certaines des femmes « nouvellement arrivées » n’avaient qu’un lien de parenté distant, voire inexistant, les unes avec les autres, ce qui signifie qu’elles viennent d’un large réseau de communautés.</p>
<p>Enfin, nous avons également observé que les descendantes adultes de la lignée principale de Gurgy n’étaient pas enterrées sur le site, impliquant qu’elles avaient probablement quitté le groupe pour rejoindre elles-mêmes d’autres communautés voisines (à partir d’un certain âge).</p>
<h2>Un père fondateur</h2>
<p>Nous avons également découvert la tombe du « père fondateur » du cimetière : un homme dont presque tous les membres du principal arbre généalogique sont issus.</p>
<p>Nous avons remarqué que cet individu avait été déplacé de l’endroit où il avait été inhumé à l’origine et qu’il avait été réinhumé à Gurgy (aux côtés d’une femme dont nous n’avons pas pu obtenir l’ADN). Seuls ses os longs (de ses bras et de ses jambes) ont été apportés, et il a dû représenter un ancêtre important pour les premiers arrivés dans ce nouveau lieu de sépulture de la communauté.</p>
<p>Nous avons observé qu’un groupe entier, composé de plusieurs générations, est arrivé à Gurgy dès le début. Ce groupe a dû quitter une précédente nécropole, laissant derrière lui les enfants décédés en bas âge et absents de Gurgy dans les premières générations, mais emportant tout de même les restes de l’ancêtre fondateur. De même, dans les dernières générations de Gurgy, nous avons observé de nombreux enfants sans parents enterrés sur place. Ainsi, comme le groupe fondateur, ces dernières générations ont quitté Gurgy, ensemble, laissant derrière elles leurs propres enfants. Par conséquent, Gurgy n’a probablement été utilisé que pendant 3 à 4 générations, soit environ un siècle. </p>
<p>Cette recherche représente un point de départ pour l’étude interdisciplinaire de l’organisation sociale des sociétés préhistoriques, car ces grands arbres généalogiques permettent de nouvelles interprétations de la vie et des pratiques sociales des communautés préhistoriques.</p>
<p>Au fur et à mesure que nous découvrirons et analyserons ces nécropoles, nous pourrons peut-être comparer et opposer les pratiques sociales d’une région à l’autre et d’une époque à l’autre, ouvrant ainsi une véritable nouvelle fenêtre sur notre passé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210387/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maïté Rivollat est membre de l'Institut Max Planck de Leipzig (Allemagne), de l'Université de Gand (Belgique) et de l'Université de Durham (Angleterre). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Adam "Ben" Rohrlach ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des analyses ADN ont permis de reconstituer un arbre généalogique de sept générations ayant vécu il y a 7 000 ans et de comprendre l’organisation de cette petite société.Maïté Rivollat, Archaeologist, Université de BordeauxAdam "Ben" Rohrlach, Mathematics Lecturer and Ancient DNA Researcher, University of AdelaideLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2012122023-06-12T18:41:38Z2023-06-12T18:41:38ZMathilde Wernert : une femme dans un monde de préhistoriens… en 1907<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/531102/original/file-20230609-25-uqux1b.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C4%2C716%2C531&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mathilde Wernert et ses enfants, Madeleine et Paul.</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>L’archéologie est synonyme d’aventure, et fait toujours rêver les enfants et les plus grands – le succès d’<em>Indiana Jones</em>, bientôt de retour sur les écrans, en est la preuve. Les nombreux visiteurs qui se pressent pour visiter les chantiers ouverts chaque année au public à l’occasion des Journées européennes de l’archéologie témoignent également de cette passion indéfectible des Français. Ce petit monde serait-il un havre de paix, loin des soubresauts et des maux de la société ?</p>
<p>Il vaut mieux l’affirmer immédiatement : comme dans toutes les strates du monde du travail, l’archéologie ne peut ignorer ses propres difficultés. Son modèle machiste – Indiana Jones préfère utiliser la force pour mener des enquêtes archéologiques – est même très présent. Le hashtag « paye ta truelle », qui dénonce le sexisme en archéologie, voire la division genrée de cette activité, permet de recenser publiquement les abus depuis quelques années. Pourtant, l’Observatoire de l’égalité femmes-hommes constate qu’une majorité des études réalisées en archéologie sont menées par des femmes (58 %) ; <a href="https://www.rcf.fr/actualite/lactualite-en-region/embed?episodeId=372280">une petite victoire </a> au sein de cette discipline, mais qui ne se retrouve pas dans les postes d’encadrement, encore majoritairement occupés par des hommes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1655679801301123074"}"></div></p>
<p>L’image très masculine du <a href="https://www.hominides.com/articles/prehistoriens-reels-et-imaginaires-de-la-seconde-moitie-du-XXe-si%C3%A8cle/">préhistorien barbu</a> fumant la pipe n’est donc pas seulement un cliché. L’histoire de la discipline ne peut que confirmer cette image écornée de l’archéologie et la liste des grands noms de la recherche préhistorique ne pourra pas contredire cette image caricaturale. Ainsi, il est bien difficile, voire impossible, d’identifier une femme dans ce monde d’hommes avant 1918. On peut reconnaître le <a href="https://archeologie.culture.gouv.fr/lascaux/fr/labbe-henri-breuil-1877-1961">rôle de l’abbé Breuil</a>, au début du XX<sup>e</sup> siècle, qui a encouragé et accompagné les recherches de plusieurs femmes, comme <a href="https://musee-archeologienationale.fr/collection/objet/dorothy-annie-elizabeth-garrod">Dorothy Garrod</a>, qui poursuit ses études en France avec lui dans les années 1920 et Mary Elisabeth Boyle, qui devient sa secrétaire, dans les mêmes années. Elles existent donc bien, mais seulement après le <a href="https://www.museedelagrandeguerre.com/collections/le-travail-des-femmes/#:%7E:text=Elles%20remplacent%20les%20hommes%20partis,se%20montrent%20patriotes%20et%20solidaires%E2%80%A6">choc de la Première Guerre mondiale</a>, qui aura aussi contribué à accorder un rôle plus important aux femmes, dans des domaines qui leur étaient interdits auparavant.</p>
<p>Notre société actuelle, qui bouge sur ce sujet du rapport femmes-hommes, notamment suite au mouvement #MeToo, s’interroge aussi sur la place même des femmes dans les études historiques. On redécouvre des femmes là où les hommes s’étaient habitués à ne parler que de leurs confrères masculins. Des femmes oubliées reviennent enfin à la lumière, bien tardivement il est vrai, grâce à ces nouvelles recherches.</p>
<h2>Une femme dans un monde d’hommes</h2>
<p>Dans ce mouvement salutaire, la découverte d’une femme passionnée par la préhistoire, Mathilde Wernert (née Ulrich), bien avant la Première Guerre mondiale est une bonne nouvelle. Une découverte fortuite, inattendue, et dont la portée n’est devenue évidente qu’au fil des lectures de la correspondance familiale, miraculeusement conservée par cette famille.</p>
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<p>Connue jusque-là pour être la mère du préhistorien alsacien <a href="https://www.ihnpan.pl/wp-content/uploads/2017/12/final_10_boes.pdf">Paul Wernert</a> (1889-1972), le rôle propre de cette femme apparaît progressivement. Quelle chance déjà que cette correspondance ait été conservée, d’abord par Paul Wernert, puis par son fils Michel. C’est dans ce domaine privé que le rôle de Mathilde Wernert apparaît pleinement ; sans lui, elle serait complètement restée dans l’ombre, sort réservée à de nombreuses femmes, dont l’activité demeure parfois cantonnée dans le registre privé.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/531109/original/file-20230609-29-sgqp5h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531109/original/file-20230609-29-sgqp5h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531109/original/file-20230609-29-sgqp5h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=867&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531109/original/file-20230609-29-sgqp5h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=867&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531109/original/file-20230609-29-sgqp5h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=867&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531109/original/file-20230609-29-sgqp5h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1090&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531109/original/file-20230609-29-sgqp5h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1090&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531109/original/file-20230609-29-sgqp5h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1090&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Dans notre imaginaire, Indiana Jones est cet archéologue macho et violent.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=121.html">Allociné</a></span>
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<p>Cette mère qui aurait encouragé son fils dans la poursuite de sa passion apparaît finalement comme l’instigatrice de recherches menées dans les <a href="https://journals.openedition.org/adlfi/66204">loessières d’Achenheim</a>, auxquelles elle consacra une grande énergie, qui dépasse le seul accompagnement financier de son fils.</p>
<p>Les études de Paul à Tübingen, à partir de 1910, conduisent à une correspondance régulière entretenue avec sa mère, sans oublier sa sœur Madeleine, un peu plus âgée que lui. Et les échanges n’ont pas cessé : souvent plusieurs lettres par semaine, durant les mois d’études suivis à distance de la maison familiale. Ces liens se sont poursuivis durant les campagnes de fouilles menées par Paul dans la grotte <a href="http://ceres.mcu.es/pages/ResultSearch?txtSimpleSearch=Hugo%20Obermaier%20y%20Paul%20Wernert%20en%20la%20entrada%20de%20la%20Cueva%20del%20Castillo&simpleSearch=0&hipertextSearch=1&search=simple&MuseumsSearch=&MuseumsRolSearch=1&listaMuseos=null">du Castillo</a>, en Espagne, à partir de 1911, avec Hugo Obermaier, puis durant toute la guerre de 1914-1918, durant laquelle Paul Wernert est bloqué dans ce pays.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531385/original/file-20230612-222648-t8xxx2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531385/original/file-20230612-222648-t8xxx2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1003&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531385/original/file-20230612-222648-t8xxx2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1003&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531385/original/file-20230612-222648-t8xxx2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1003&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531385/original/file-20230612-222648-t8xxx2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1260&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531385/original/file-20230612-222648-t8xxx2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1260&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531385/original/file-20230612-222648-t8xxx2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1260&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carte postale transmise par Paul Wernert à, sa mère en 1913.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Archives Paul Wernert</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Une passion familiale</h2>
<p>Cette correspondance consultée dans un premier temps dans le cadre d’un travail consacré à Paul Wernert illustre finalement le rôle de cette femme passionnée par la préhistoire. Paul s’est montré toujours reconnaissant du rôle de sa mère, mais les mentions laissées dans quelques articles scientifiques ont été lus comme le témoignage de l’amour d’un fils pour sa mère. Un lien qui occulte finalement le rôle réel de Mathilde dans la collecte des ossements à Achenheim, leur préparation, leur classement et leur marquage consciencieux.</p>
<p>Il s’agit en fait d’une affaire familiale, Mathilde amenant ses enfants très jeunes dans ces carrières, où des os de mammouth sont retrouvés depuis la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. La mort de son mari en 1902 est peut-être un déclencheur, car les indices se multiplient à partir de cette date. On imagine Mathilde prendre le tram avec ses enfants pour Achenheim, non pas pour leur trouver une activité, mais pour assouvir son propre intérêt pour les recherches préhistoriques, auquel ses enfants ont finalement vite adhéré. À cette date, Paul n’a que 13 ans et la conduite des opérations sur le site est menée par Mathilde et sa fille, les véritables instigatrices de ces recherches.</p>
<p>Les auteurs de <a href="https://www.persee.fr/authority/390440">biographies</a> de Paul Wernert ont, par facilité, occulté à leur tour le rôle de Mathilde Wernert, en valorisant la longue durée des recherches menées par Paul Wernert sur ce site. Mais si Paul, décédé en 1972, a bien fréquenté le site durant plus de cinquante ans, les premières années sont à attribuer à sa mère.</p>
<p>Il apparaît même que Paul pense moins à Achenheim qu’aux fouilles qu’il mène en Espagne en 1911, avec l’abbé Breuil et Hugo Obermaier, qui ont repéré ce jeune étudiant très motivé. Paul réalise finalement son rêve lorsqu’il visite la grotte d’Altamira, et le site alsacien de son enfance a dû lui paraître alors bien modeste. Car il s’agit d’un site ardu, où les vestiges apparaissent au gré de l’avancement de l’exploitation. Il faut donc y passer régulièrement et organiser le suivi de l’exploitation.</p>
<h2>Une infatigable découvreuse</h2>
<p>Ce travail a été mené par Mathilde Wernert au moins depuis 1904, en établissant une relation directe avec les ouvriers, une première ! Si de petites sommes sont versées pour l’acquisition d’ossements ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Industrie_lithique">d’outils lithiques</a>, cet encouragement a vite été remplacé par une relation de confiance, qui valorise aussi les découvertes faites par les ouvriers. Mathilde déploie une énergie qui concurrence les ambitions du conservateur du <a href="https://www.musees.strasbourg.eu/musee-archeologique">musée d’archéologie de Strasbourg</a>, <a href="https://www.dna.fr/edition-de-strasbourg/2019/11/10/robert-forrer-archeologue-et-antiquaire">Robert Forrer</a>, qui veut alors développer la section de préhistoire de son musée.</p>
<p>Il essaye de récupérer ces collections pour son musée et invite Mathilde et Madeleine Wernet à présenter leurs découvertes à l’occasion d’une exposition organisée au Palais Rohan de Strasbourg, en 1907. De nombreux panneaux sont alors préparés et des vitrines apparaissent remplies d’ossements. Une belle réalisation qui fait l’objet de photographies, à regarder aujourd’hui d’un autre œil, tant ces documents viennent compenser l’absence d’informations dans les écrits laissés par des hommes. Paul n’est pas mis en valeur lors de ces présentations pour le sujet de la préhistoire ancienne, mais pour l’exposition d’une collection d’objets Néolithiques de Suisse, acquise par sa mère et qu’il présente en effet. S’était-elle imaginée à cette date trouver un autre sujet que le site d’Achenheim ?</p>
<p>Nous pouvons dès lors nous interroger sur les raisons pour lesquelles Mathilde Wernert apparaît si peu dans les articles scientifiques de son fils, qui reprend pleinement l’étude du site d’Achenheim dans les années 1920. C’est finalement le poids social qui s’impose à Mathilde Wernert, même si son fils la pousse à publier ses découvertes alors qu’elle voulait créer un musée dans sa maison. Son écriture se retrouve sur des ossements et des étiquettes, elle reçoit les préhistoriens du moment, qui viennent la rencontrer à Strasbourg. L’abbé Breuil ou Pierre Theillard de Chardin n’ont ainsi pas manqué de lui rendre visite.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/531400/original/file-20230612-107201-qbap8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531400/original/file-20230612-107201-qbap8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531400/original/file-20230612-107201-qbap8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531400/original/file-20230612-107201-qbap8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531400/original/file-20230612-107201-qbap8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531400/original/file-20230612-107201-qbap8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1067&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531400/original/file-20230612-107201-qbap8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1067&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531400/original/file-20230612-107201-qbap8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1067&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Dents de chevaux d'Achenheim trouvés en 1908, avec l'étiquette rédigée par Mathilde ou Madeleine Wernert.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Collection Paul Wernert.</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Mais Mathilde Wernert a peu à peu été oubliée. C’est le résultat des habitudes d’une époque, de son fonctionnement et des mécanismes qui ne permettaient pas à une femme d’exister dans ce monde de la préhistoire et tant d’autres. Pour la postérité, elle est restée la mère du préhistorien Paul Wernert, qui apparaissait comme le chef de famille depuis la mort de son père. Elle a pu bousculer ce monde d’hommes en s’imposant malgré tout, mais pas dans les rencontres scientifiques et les publications, la place ne pouvait être occupée que par un homme. Les centaines de lettres consultées ne laissent toutefois apparaître aucune rancœur ; Mathilde Wernert était une femme passionnée par la préhistoire et cette passion est devenue une histoire familiale.</p>
<p>Ainsi, la découverte de Mathilde Wernert est une belle surprise, qui permet de rappeler que, sans être visibles, des femmes ont œuvré dans le domaine de la préhistoire au début du XX<sup>e</sup> siècle. Il faut le dire et l’écrire, pour que cette idée devienne une évidence et que l’on découvre le <a href="https://theconversation.com/the-dig-un-ete-archeologique-a-sutton-hoo-155898">rôle caché d’autres femmes</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201212/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Boes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il est bien difficile, voire impossible, d’identifier une femme dans ce monde d’hommes avant 1918… Mais il y eut quelques exceptions, que nous redécouvrons peu à peu.Eric Boes, Directeur adjoint scientifique et technique - Inrap GE, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2004892023-02-24T14:25:46Z2023-02-24T14:25:46ZPhallus géant de Vindolanda : le jouet sexuel romain a peut-être été fabriqué par un cordonnier, selon une spécialiste des prothèses antiques<p>En 1992, des archéologues ont découvert ce qu’ils pensaient être un outil à repriser dans le cadre de fouilles sur le site du <a href="https://www.vindolanda.com/roman-vindolanda-fort-museum">fort romain de Vindolanda</a>, sur le mur d’Hadrien, dans le Northumberland, en Angleterre. On a par la suite laissé l’artefact de côté, de sorte qu’il n’a fait l’objet d’aucune recherche. Jusqu’à récemment.</p>
<p>Quand les archéologues Rob Collins, de l’Université de Newcastle, et Rob Sands, de la University College de Dublin, ont réexaminé l’artefact, ils ont eu un choc. Après l’avoir étudié, ils sont arrivés à une interprétation quelque peu différente, estimant que ce qu’on avait cru être un outil à repriser était en fait un phallus. Et pas n’importe lequel : il s’agit de l’unique phallus en bois grandeur nature de l’époque romaine trouvé intact à ce jour.</p>
<p>Grâce à mes recherches sur les <a href="https://www.cambridge.org/gb/academic/subjects/classical-studies/ancient-history/prosthetics-and-assistive-technology-ancient-greece-and-rome?format=HB">prothèses antiques</a>, je sais que les cordonniers romains pratiquaient souvent une seconde activité, plus osée. Pourraient-ils être à l’origine de cet outil en bois, qui semble être un godemichet de l’Antiquité romaine ?</p>
<p>On a déjà découvert de nombreux phallus en pierre, en métal, en os et en céramique sur d’autres sites romains. Si les phallus en matière organique, comme le bois et le cuir, étaient sans doute tout aussi populaires à l’époque romaine, ils n’ont pu être conservés que dans certaines conditions particulières : très humides ou très sèches.</p>
<p>Le site de Vindolanda, dont les conditions sont très humides, étonne les archéologues par les trésors qu’il recèle, comme des tablettes en bois où des lettres étaient inscrites (dont une <a href="https://romaninscriptionsofbritain.org/inscriptions/TabVindol291">invitation à une fête d’anniversaire</a>), une paire de <a href="https://www.bbc.com/news/uk-england-tyne-43120942">gants de boxe en cuir</a> ou un <a href="https://www.vindolanda.com/toilet-seat">siège de toilette en bois</a>.</p>
<p>Le <a href="https://www.vindolanda.com/Blog/wooden-phallus">phallus de Vindolanda</a>, comme on l’appelle désormais, a été retrouvé dans un gisement datant de la fin du deuxième siècle de notre ère et est particulièrement bien conservé.</p>
<p>Il est sculpté dans du bois de frêne et a probablement été taillé à l’aide d’un seul outil par une personne qui s’y connaissait en sculpture sur bois, car on ne trouve aucune trace d’erreurs commises au cours du processus. Il mesure 16 cm de long, mais il se peut qu’il ait été plus gros à l’origine, puisque le bois a tendance à se contracter et à se déformer avec le temps.</p>
<p>Le phallus était une image très répandue dans le monde romain. Si on a déjà interprété les phallus de manière très littérale, considérant qu’ils indiquaient le chemin vers des maisons closes, de nos jours, on les perçoit plutôt comme des objets « apotropaïques », c’est-à-dire servant à se protéger et à conjurer le mauvais sort. Ainsi, l’on peut imaginer différentes utilités au phallus de Vindolanda.</p>
<h2>Théories sur le phallus de bois</h2>
<p>Il est tout à fait possible que l’artefact ait été utilisé dans un contexte sexuel. Cependant, il s’agit peut-être d’un pilon qui, avec un mortier, aurait servi à la préparation d’aliments ou de médicaments. Si c’est le cas, il se peut que la forme phallique fût considérée comme renforçant les propriétés des ingrédients.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/511474/original/file-20230221-14-da3g7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une tête de garçon est assise sur une colonne carrée avec un pénis gravé à la hauteur appropriée" src="https://images.theconversation.com/files/511474/original/file-20230221-14-da3g7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511474/original/file-20230221-14-da3g7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511474/original/file-20230221-14-da3g7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511474/original/file-20230221-14-da3g7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511474/original/file-20230221-14-da3g7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511474/original/file-20230221-14-da3g7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511474/original/file-20230221-14-da3g7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Hermès romain avec une tête de Mercure.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.britishmuseum.org/collection/image/968544001">The Trustees of the British Museum</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il aurait également pu être inséré dans une statue, telle qu’une représentation du dieu Priape ou Sylvanus, ou même simplement un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Herm%C3%A8s_(sculpture)">hermès</a>, une sculpture avec une tête et une section inférieure rectangulaire sur laquelle des organes génitaux étaient parfois sculptés), soit sur pied, soit monté sur un bâtiment, que les gens pouvaient toucher ou frotter pour attirer la chance.</p>
<p>L’absence d’usure indique que si le phallus était fixé sur une statue, celle-ci se trouvait à l’intérieur et n’était pas exposée aux intempéries du Northumberland dont les soldats stationnés à Vindolanda <a href="https://romaninscriptionsofbritain.org/inscriptions/TabVindol234">se plaignaient fréquemment</a> dans leur correspondance.</p>
<p>Les archéologues qui ont examiné l’artefact pour en redéfinir l’usage <a href="https://www.theguardian.com/science/2023/feb/20/its-not-a-darning-tool-its-a-very-naughty-toy-roman-dildo-found">ont plutôt tendance à croire</a> qu’il s’agissait d’un pilon ou d’un élément de statue que d’un jouet sexuel.</p>
<p>Cependant, le fait que le phallus ait été découvert dans une fosse avec des dizaines de chaussures et d’accessoires vestimentaires et des déchets tels que des chutes de cuir et des morceaux de bois de cervidé travaillé est intrigant. Cela donne du poids à la théorie du jouet sexuel.</p>
<p>Les artisans de l’Antiquité, tels que les cordonniers, pouvaient se consacrer à toutes sortes d’activités et, bien que de nombreuses chaussures d’hommes, de femmes et d’enfants aient été retrouvées à Vindolanda, les cordonniers devaient avoir tout le temps, pendant les longues et noires nuits nordiques, d’exercer divers petits boulots.</p>
<p>De même qu’aujourd’hui, nous associons parfois la taille des pieds à celle du pénis, dans l’Antiquité, on établissait fréquemment un lien entre pieds et phallus. Le poète Hérondas <a href="https://remacle.org/bloodwolf/poetes/herondas/mimes.htm">met en scène deux femmes</a>, Koritto et Métro, qui discutent du godemichet en cuir rouge que vient d’acquérir la première. L’autre veut savoir où elle peut en trouver un semblable, et Koritto lui conseille d’aller chez le cordonnier Kerdon.</p>
<p>Plus loin, Métro s’adresse à Kerdon pour obtenir ce qu’elle cherche, et le cordonnier lui présente un vaste catalogue de « chaussures » parmi lesquelles elle peut choisir. Peut-être la ville située à l’extérieur du fort de Vindolanda abritait-elle un cordonnier tout aussi ingénieux.</p>
<p>Les fouilles à Vindolanda ont beau se poursuivre depuis des décennies, le site a toujours la capacité de nous surprendre et de nous émerveiller par la fenêtre qu’il nous ouvre sur les aspects les plus intimes de la vie des Romains qui y vivaient il y a 2 000 ans.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200489/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jane Draycott ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les cordonniers romains de l’Antiquité avaient tout le temps, pendant les longues et sombres nuits hivernales, de s’adonner à des activités annexes… plus osées.Jane Draycott, Lecturer, Classics, University of GlasgowLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1959532023-01-09T20:28:25Z2023-01-09T20:28:25ZÀ qui appartiennent ces empreintes de pieds vieilles de 300 000 ans ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/503629/original/file-20230109-9349-y8ec3q.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C3%2C2354%2C1569&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Photographie du site archéologique au pied de la falaise d'Asperillo en Espagne où ont été trouvées les empreintes.</span> <span class="attribution"><span class="source">E. Mayoral</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Au cours de leurs recherches sur l’évolution humaine, les paléoanthropologues se concentrent généralement sur des restes osseux fossilisés. Toutefois, un autre type de vestige est de plus en plus utilisé : les empreintes de pieds laissées par nos ancêtres et conservées à travers le temps. À la différence des restes osseux, les empreintes ouvrent une fenêtre sur de brefs moments de vie d’individus disparus. Par cette échelle temporelle très particulière, leur étude fournit de nombreuses informations inédites sur les comportements locomoteurs mais aussi la composition de groupes ayant vécu il y a des centaines de milliers voire millions d’années. Malheureusement, les empreintes de pieds fossiles sont particulièrement rares du fait de leur fragilité. Quand elles sont découvertes, un véritable travail d’enquête commence.</p>
<p>En 2020, 87 empreintes de pieds ont été découvertes au pied de la falaise d’Asperillo sur la côte de l’espace naturel de Doñana, au sud-ouest de l’Espagne.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/503620/original/file-20230109-4654-qx6px8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503620/original/file-20230109-4654-qx6px8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503620/original/file-20230109-4654-qx6px8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503620/original/file-20230109-4654-qx6px8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503620/original/file-20230109-4654-qx6px8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503620/original/file-20230109-4654-qx6px8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503620/original/file-20230109-4654-qx6px8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503620/original/file-20230109-4654-qx6px8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Photographie du site archéologique au pied de la falaise d’Asperillo en Espagne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">E. Mayoral</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Lors de la première étude de ces empreintes, <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-021-83413-8">publiée dans la revue <em>Scientific Reports</em> en 2021</a>, nous avions montré qu’elles avaient été laissées par un groupe composé d’enfants, d’adolescents et d’adultes. Afin d’estimer l’âge des individus à partir de leurs empreintes de pieds, nous avions utilisé des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0003552122000772">données expérimentales</a>. Des participants d’âges variés avaient laissé des empreintes dans un sol similaire à celui de Doñana. Les empreintes ont ensuite été mesurées et des relations statistiques avaient été établies entre les dimensions des empreintes et leurs caractéristiques biologiques comme leur taille ou leur âge. Ces relations ont alors été appliquées aux empreintes fossiles qui avaient été mesurées.</p>
<p>Par ailleurs, l’orientation de ces empreintes vers des traces animales (oiseaux, cerfs, bovins…) laissait penser à d’éventuels comportements de chasses de la part de ce groupe préhistorique.</p>
<p>L’une des questions était de savoir quelle espèce humaine avait laissé ces empreintes. Dans la plupart des cas les empreintes de pieds ne sont pas associées à une espèce sur la base de critères anatomiques, comme le sont les restes osseux fossiles, mais à partir du contexte chronologique. C’est pourquoi nous avions attribué ces empreintes à des Néandertaliens sur la base de la seule référence temporelle disponible, une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0277379114003254">date de 106 000 ans</a> obtenue lors d’une étude du site au milieu des années 2000. Une telle attribution se justifiait car les Néandertaliens étaient la seule espèce connue à occuper la péninsule ibérique et plus largement l’Europe de l’ouest à cette date.</p>
<h2>De nouvelles datations</h2>
<p>Cependant, en continuant l’étude de ce site, nous avons procédé à un échantillonnage du sol où ont été découvertes les empreintes afin d’obtenir des datations plus précises. Les résultats de cette étude <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-022-22524-2">publiés en octobre dans la revue <em>Scientific Reports</em></a> sont surprenants : le sol n’est pas daté de 106 000 mais de 296 000 ans. Les empreintes sont donc beaucoup plus vieilles qu’estimées. Cette différence dans les dates obtenues est non seulement due aux avancées méthodologiques dans les techniques utilisées mais également à la position des échantillons datés se focalisant davantage sur le niveau des empreintes que les toutes premières datations qui avaient été précédemment utilisées.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/503623/original/file-20230109-7887-4dky2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503623/original/file-20230109-7887-4dky2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503623/original/file-20230109-7887-4dky2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503623/original/file-20230109-7887-4dky2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503623/original/file-20230109-7887-4dky2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503623/original/file-20230109-7887-4dky2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503623/original/file-20230109-7887-4dky2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503623/original/file-20230109-7887-4dky2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Empreinte de pied découverte à Doñana comparée à un pied adulte.</span>
<span class="attribution"><span class="source">E. Mayoral</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>La nouvelle datation a placé les empreintes dans un nouveau contexte géographique et environnemental. Le continent européen était sur le point de subir un <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-022-22524-2">changement climatique radical il y a 300 000 ans</a>. Des conditions relativement chaudes faisaient place à des conditions beaucoup plus froides, précurseur d’une ère glaciaire. À cette époque, le niveau de la mer sur le continent européen était en moyenne 60 mètres en dessous de son niveau actuel. Le littoral du sud-ouest de l’Espagne était alors à 20 ou 25 kilomètres au large de sa position actuelle.</p>
<p>Outre ces changements environnementaux et géographiques, cette nouvelle chronologie est à l’origine d’une question essentielle : est-ce que des Néandertaliens ont vraiment réalisé ces empreintes ?</p>
<h2>De nouveaux suspects</h2>
<p>Pour répondre à cette question, il a fallu se pencher sur les archives paléontologiques pour savoir quelle espèce était présente il y a 296 000 ans au cours de la période appelée le Pléistocène moyen. Selon les paléoanthropologues, les individus ayant vécu au cours de cette époque appartenaient à la « lignée néandertalienne ». Une « lignée » comme la « lignée néandertalienne » ou la célèbre « lignée humaine » est composée de plusieurs espèces apparentées. La « lignée néandertalienne » est ainsi composée des Néandertaliens, aussi appelés <em>Homo neanderthalensis</em>, et d’une espèce plus ancienne, <em>Homo heidelbergensis</em>,dont certains seraient à l’origine des Néandertaliens.</p>
<p>Malheureusement, les restes osseux fossiles datant de cette période sont relativement pauvres et dispersés non seulement temporellement mais aussi géographiquement. Ils montrent cependant que les premiers Néandertaliens et les derniers <em>Homo heidelbergensis</em> étaient tous les deux présents en Europe lorsque les empreintes de Doñana ont été réalisées. Les autres sites où des empreintes de pieds ont été découvertes ne sont pas d’une grande aide. En effet, dans tout le Pléistocène moyen européen, seuls quatre sites ont livré des empreintes : Terra Amata en France (380 000 ans), Roccamonfina en Italie (345 000 ans), Biache-Vaast en France (236 000 ans) et Theopetra en Grèce (130 000 ans). Alors que les empreintes des deux premiers sites ont été attribués à <em>Homo heidelbergensis</em>, celles des deux suivants ont été attribuées à <em>Homo neanderthalensis</em>.</p>
<p>La présence de deux espèces en Europe au cours de cette période rend complexe une attribution des empreintes de Doñana à l’une ou l’autre de ces espèces. Une option serait de comparer les caractéristiques reflétées par les empreintes de pieds à l’anatomie des pieds des deux espèces pour savoir de quelle espèce elles se rapprochent le plus. Toutefois, les restes de pieds datant du Pléistocène moyen ne sont que peu connus. Ils sont presque tous issus du site espagnol de Sima de Los Huesos près d’Atapuerca et apparentés à <em>Homo neanderthalensis</em>. Par ailleurs, ces restes sont très fragmentaires et aucun pied complet n’a été retrouvé pour le moment. En outre, la morphologie d’une empreinte ne résulte pas uniquement des caractéristiques anatomiques mais aussi d’autres facteurs comme la nature du sol (son humidité, sa granulométrie, sa minéralogie…). Il est donc rare de trouver des empreintes de pieds reflétant des caractéristiques anatomiques parfaitement conservées (traces des orteils, voûte plantaire…) encore plus dans les milieux dunaires comme à Doñana où les empreintes peuvent être endommagées et détruites par l’action du vent et des marées.</p>
<p>L’attribution de ces empreintes à l’une ou l’autre espèce est également compliquée par l’absence de consensus chez les paléoanthropologues concernant la lignée néandertalienne et la définition d’<em>Homo heidelbergensis</em>. Différents modèles d’évolution ont été proposés, mais cette question est encore loin d’être résolue, étant donné la rareté des archives fossiles et la complexité des relations évolutives soulignées par les dernières études sur l’ADN ancien.</p>
<p>Ainsi, les empreintes de pieds de Doñana ont probablement été laissées par des individus appartenant à la lignée néandertalienne. Savoir qui des Néandertaliens ou de leurs ancêtres apparentés, les <em>Homo heidelbergensis</em>, ont laissé ces traces est une question encore ouverte. Malgré ces incertitudes, le site de Doñana complète nos connaissances sur les occupations humaines en Europe au cours du Pléistocène et sur notre évolution.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été co-écrit par Eduardo Mayoral Alfaro, Ana Santos, Antonio Rodríguez Ramírez, Asier Gomez-Olivencia, Ignacio Díaz-Martínez, Jorge Rivera Silva, Juan Antonio Morales et Ricardo Díaz-Delgado.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195953/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérémy Duveau a reçu des financements de la fondation FYSSEN dans le cadre d'un projet de recherche sur les empreintes de pieds. </span></em></p>Pouvoir identifier quelle espèce a pu laisser des traces de son passage n’est pas chose aisée. Découvrez comment les scientifiques enquêtent pour trouver les « coupables ».Jérémy Duveau, Chercheur associé, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1956612022-12-05T19:01:42Z2022-12-05T19:01:42ZLe vrai régime paléo : de nouveaux éléments archéologiques nous éclairent sur l’alimentation de nos ancêtres<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/498278/original/file-20221130-26-o5ayfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">San Bushmen I</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/c3/San_Bushmen_I.jpg">David Barrie, CC BY 2.0 <https://creativecommons.org/licenses/by/2.0>, via Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Nous, les humains, ne pouvons pas nous empêcher de jouer avec la nourriture – des livres entiers ont été écrits rien que sur les mille et une façons de cuisiner les pommes de terre. L’industrie de la restauration est née de notre amour pour les saveurs nouvelles et intéressantes des aliments.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.15184/aqy.2022.143">L’analyse par mon équipe</a> des plus anciens restes alimentaires carbonisés jamais découverts montre que le fait d’agrémenter son dîner est une habitude humaine qui remonte à au moins 70 000 ans.</p>
<p>Vous pourriez très bien imaginer nos ancêtres en train de déchirer à mains nues des ingrédients crus ou de rôtir de la viande sur le feu, conformément aux stéréotypes ancrés dans nos représentations collectives. Mais notre nouvelle étude montre que le régime alimentaire des Néandertaliens et des <em>Homo sapiens</em> était complexe, impliquant plusieurs étapes de préparation, et qu’ils s’efforçaient d’assaisonner leurs mets et d’utiliser des plantes aux saveurs amères et piquantes.</p>
<p>Ce degré de complexité culinaire n’a jamais été documenté auparavant chez les chasseurs-cueilleurs du Paléolithique.</p>
<p>Avant notre étude, les plus anciens restes alimentaires végétaux connus étaient originaires d’Asie du Sud-Ouest ; ils provenaient d’un <a href="https://www.pnas.org/doi/full/10.1073/pnas.1801071115">site de chasseurs-cueilleurs</a> jordanien vieux de 14 400 ans, découvert en 2018.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496976/original/file-20221123-18-83lk07.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496976/original/file-20221123-18-83lk07.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=274&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496976/original/file-20221123-18-83lk07.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=274&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496976/original/file-20221123-18-83lk07.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=274&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496976/original/file-20221123-18-83lk07.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=344&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496976/original/file-20221123-18-83lk07.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=344&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496976/original/file-20221123-18-83lk07.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=344&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Images au microscope électronique à balayage de restes alimentaires carbonisés. À gauche : l’aliment ressemblant à du pain trouvé dans la grotte de Franchthi. À droite : Fragment d’aliment carbonisé provenant de la grotte de Shanidar avec des pois sauvages.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ceren Kabukcu</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nous avons examiné les restes alimentaires de deux sites du paléolithique tardif, qui couvrent une période de près de 60 000 ans, afin d’étudier les régimes alimentaires des premiers chasseurs-cueilleurs. Nos preuves reposent sur des fragments d’aliments végétaux préparés (morceaux de pain brûlé, galettes, morceaux de bouillie) trouvés dans deux grottes. À l’œil nu, ou sous un microscope de faible puissance, ils ressemblent à des <a href="https://doi.org/10.1016/j.jas.2021.105531">miettes ou morceaux d’aliments carbonisés</a>, avec des fragments de graines. Mais un puissant microscope électronique à balayage nous a permis de distinguer les détails des cellules végétales.</p>
<h2>Les chefs préhistoriques</h2>
<p>Nous avons trouvé des fragments d’aliments carbonisés dans la grotte de <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0207805">Franchthi</a> (Égée, Grèce) datant d’environ 13 000 à 11 500 ans. Nous y avons découvert un fragment d’un aliment finement moulu qui pourrait être du pain, de la pâte à frire ou un type de bouillie, mais aussi des aliments riches en graines de légumineuses et grossièrement moulus.</p>
<p>Dans la <a href="http://www.antiquity.ac.uk/projgall/barker348">grotte de Shanidar</a> (Zagros, Kurdistan irakien), associée aux <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0003552118300797?via%3Dihub">premiers humains modernes</a> il y a environ 40 000 ans et aux <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/antiquity/article/new-neanderthal-remains-associated-with-the-flower-burial-at-shanidar-cave/E7E94F650FF5488680829048FA72E32A">Néandertaliens il y a environ 70 000 ans</a>, nous avons également trouvé des fragments d’aliments anciens. Il s’agissait notamment de moutarde sauvage et de térébinthe (pistache sauvage) mélangés à des aliments. Nous avons découvert des graines d’herbes sauvages mélangées à des légumineuses dans les restes carbonisés des couches néandertaliennes. Des études antérieures à Shanidar ont trouvé des traces de graines d’herbes sauvages dans le <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1016868108">tartre des dents de Néandertal</a>.</p>
<p>Sur les deux sites, nous avons souvent trouvé des graines de légumineuses moulues ou pilées, comme la vesce amère (<em>Vicia ervilia</em>), le pois chiche (<em>Lathyrus spp</em>) et le pois sauvage (<em>Pisum spp</em>). Les personnes qui vivaient dans ces grottes ajoutaient les graines à un mélange qui était chauffé avec de l’eau lors du broyage, du pilonnage ou de l’écrasement des graines trempées.</p>
<p>La majorité des mélanges de légumineuses sauvages étaient caractérisés par un goût amer. Dans la <a href="https://doi.org/10.1007/s00334-011-0302-6">cuisine moderne</a>, ces légumineuses sont souvent trempées, chauffées et décortiquées (élimination de l’enveloppe de la graine) pour réduire leur amertume et leurs toxines. Les vestiges anciens que nous avons trouvés suggèrent que les humains font cela depuis des dizaines de milliers d’années. Mais le fait que les téguments des graines n’aient pas été complètement retirés laisse penser que ces personnes voulaient conserver un peu de leur saveur amère.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496977/original/file-20221123-20-sdj04n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496977/original/file-20221123-20-sdj04n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496977/original/file-20221123-20-sdj04n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496977/original/file-20221123-20-sdj04n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496977/original/file-20221123-20-sdj04n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496977/original/file-20221123-20-sdj04n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496977/original/file-20221123-20-sdj04n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vue de la grotte de Shanidar à Zagros, au Kurdistan irakien.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Chris Hunt</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Ce que les études précédentes ont montré</h2>
<p>La présence de moutarde sauvage, avec son goût piquant caractéristique, est un <a href="https://doi.org/10.1007/s003340200006">assaisonnement bien documenté dans la période acéramique</a> (le début de la vie villageoise dans le sud-ouest de l’Asie, 8500 avant J.-C.) et <a href="https://doi.org/10.1017/S0003598X00098896">pour les sites du Néolithique ultérieur</a> dans la région. Des plantes telles que l’amande sauvage (amère), le pistachier térébinthe (riche en tanin et huileux) et les fruits sauvages (piquants, parfois acides, parfois riches en tanin) sont omniprésents dans les restes végétaux du sud-ouest de l’Asie et de l’Europe au cours du Paléolithique supérieur (il y a 40 000 à 10 000 ans). Leur inclusion dans des plats à base d’herbes, de tubercules, de viande, de poisson, aurait conféré une saveur particulière au repas. Ces plantes ont donc été consommées pendant des dizaines de milliers d’années dans des régions distantes de plusieurs milliers de kilomètres. Ces plats pourraient être à l’origine des pratiques culinaires humaines.</p>
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<p>D’après les plantes trouvées au cours de cette période, il ne fait aucun doute que l’alimentation des Néandertaliens et des premiers hommes modernes comprenait une grande variété de plantes. Des études antérieures ont découvert des résidus alimentaires piégés dans le tartre des dents des Néandertaliens d’Europe et d’Asie du Sud-Ouest prouvant qu’ils cuisinaient et mangeaient des <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1016868108">herbes et tubercules</a> comme l’orge sauvage, et des <a href="https://doi.org/10.1007/s00114-012-0942-0">plantes médicinales</a>. Les restes de végétaux carbonisés montrent qu’ils cueillaient des <a href="https://doi.org/10.1016/j.jas.2004.11.006">légumineuses</a> et des <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.aaz7943">pignons</a>.</p>
<p>Des résidus végétaux trouvés sur des outils de broyage ou de pilonnage du Paléolithique supérieur européen suggèrent que les premiers humains modernes ont <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1505213112">écrasé</a> et <a href="https://doi.org/10.1017/S0003598X00113195">grillé</a> des graines d’herbes sauvages. Des résidus provenant d’un site du Paléolithique supérieur dans la steppe pontique, en Europe orientale, montrent que les anciens <a href="https://doi.org/10.1016/j.jasrep.2021.102999">pilaient les tubercules</a> avant de les manger. Des preuves archéologiques provenant d’Afrique du Sud, il y a déjà 100 000 ans, indiquent que <em>Homo sapiens</em> utilisait des <a href="https://doi.org/10.1126/science.1173966">graines d’herbes sauvages</a> écrasées.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/496978/original/file-20221123-22-ztb31l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496978/original/file-20221123-22-ztb31l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496978/original/file-20221123-22-ztb31l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496978/original/file-20221123-22-ztb31l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496978/original/file-20221123-22-ztb31l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496978/original/file-20221123-22-ztb31l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496978/original/file-20221123-22-ztb31l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496978/original/file-20221123-22-ztb31l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un foyer néandertalien découvert dans la grotte de Shanidar.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Graeme Barker</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Si l’homme de Néandertal et les premiers humains modernes se nourrissaient de plantes, cela n’apparaît pas de manière aussi constante dans les données d’isotopes stables provenant des squelettes, qui nous renseignent sur les principales sources de <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.0903821106">protéines dans le régime alimentaire</a> au cours de la vie d’une personne. Des études récentes suggèrent que les populations néandertaliennes d’Europe étaient des <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.210931511">carnivores de haut niveau</a>. Des études montrent que les <em>Homo sapiens</em> semblent avoir eu une <a href="https://www.pnas.org/doi/full/10.1073/pnas.0903821106">alimentation plus diversifiée</a> que les Néandertaliens, avec une plus grande proportion de plantes. Mais nous sommes certains que ces preuves d’une certaine complexité dans la préparation des aliments et la recherche du goût est le point de départ de nombreuses découvertes au sujet des premiers sites de chasseurs-cueilleurs de la région.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195661/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ceren Kabukcu reçoit le financement du Leverhulme Trust (Early Career Fellowship, ECF-284). Elle est actuellement employée comme Associée de Recherche financée par la Gerda Henkel Stiftung. La recherche à Shanidar Cave, avec une équipe dirigée par Graeme Barker, a reçu un financement du Leverhulme Trust (Research Grant RPG–2013–105), Rust Family Foundation, British Academy, Wenner-Gren Foundation, Society of Antiquaries, McDonald Institute of Archaeological Research at the University of Cambridge, Natural Environment Research Council’s Oxford Radiocarbon Dating Facility (grant NF/2016/2/14) et au Templeton Foundation. </span></em></p>Le fait d’agrémenter son dîner et de modifier le goût des aliments est une habitude humaine qui remonte au moins à 70 000 ans.Ceren Kabukcu, Research Associate in Archaeology, University of LiverpoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1921382022-10-29T14:37:04Z2022-10-29T14:37:04ZMais où se trouve la momie de Cléopâtre ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/490885/original/file-20221020-1633-lyaomr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1280%2C714&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Valerie Leon dans Blood from the Mummy’s Tomb (en français : La Momie sanglante), 1971.</span> </figcaption></figure><p>Rien ne subsiste du tombeau « d’une élévation et d’une somptuosité étonnantes » que Cléopâtre se fit édifier, non loin du palais royal, au nord-est d’Alexandrie, selon l’auteur antique Plutarque (<em>Vie d’Antoine</em> 74).</p>
<p>Vaincue par Octave, le futur empereur Auguste, la reine y fait entasser toutes ses richesses, au cours de l’été 30 av. J.-C.</p>
<p>Lorsqu’il pénètre dans Alexandrie, le vainqueur craint que Cléopâtre se donne la mort en mettant le feu à ses trésors. Il souhaite s’emparer d’elle vivante autant que de ses richesses qui seront, espère-t-il, les principaux ornements de son triomphe à Rome.</p>
<p>Au même moment, Marc Antoine, maître déchu de l’Orient romain et amant de Cléopâtre, rate son suicide. Il se frappe avec son glaive, mais pas suffisamment fort pour mourir sur le coup. À l’agonie, se vidant de son sang, il est transporté par des serviteurs jusqu’au tombeau de la reine. Comme les portes en ont été barricadées, Marc Antoine mourant doit être hissé jusqu’à une fenêtre au moyen de cordes. Une fois arrivé au sommet, il expire dans les bras de sa maîtresse.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/490886/original/file-20221020-16-dic0zh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/490886/original/file-20221020-16-dic0zh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=842&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/490886/original/file-20221020-16-dic0zh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=842&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/490886/original/file-20221020-16-dic0zh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=842&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/490886/original/file-20221020-16-dic0zh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1058&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/490886/original/file-20221020-16-dic0zh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1058&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/490886/original/file-20221020-16-dic0zh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1058&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>Antoine mourant rapporté à Cléopâtre</em>, tableau d’Eugène-Ernest Hillemacher, 1863. Grenoble, Musée de Peinture et Sculpture.</span>
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</figure>
<h2>Un mausolée en forme de tour</h2>
<p>L’anecdote racontée par Plutarque a l’avantage de nous renseigner quelque peu sur l’aspect de la dernière demeure de Cléopâtre : c’était une haute tour, suivant le modèle du fameux mausolée d’Halicarnasse, élevé au IV<sup>e</sup> siècle av. J.-C., par Mausole, dynaste de Carie, dans l’actuelle Turquie.</p>
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<p>Octave, raconte Plutarque, envoya ses hommes s’emparer de Cléopâtre. Ils parvinrent à pénétrer dans le mausolée, en passant par une ouverture qui se trouvait dans la partie supérieure de l’édifice et réussirent à immobiliser la reine, au moment où elle allait se tuer d’un coup de poignard.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/490889/original/file-20221020-14-rhvllf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/490889/original/file-20221020-14-rhvllf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=642&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/490889/original/file-20221020-14-rhvllf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=642&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/490889/original/file-20221020-14-rhvllf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=642&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/490889/original/file-20221020-14-rhvllf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=806&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/490889/original/file-20221020-14-rhvllf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=806&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/490889/original/file-20221020-14-rhvllf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=806&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Reconstitution du mausolée d’Halicarnasse. Bodrum, Musée d’archéologie sous-marine.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
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<p>Les hommes d’Octave vérifient que leur prisonnière ne porte plus aucune arme sur elle. Puis Cléopâtre est placée en résidence surveillée dans une chambre du palais royal. C’est là qu’elle parvient à se suicider au moyen d’un serpent qui lui est apporté, caché sous des figues, selon l’étonnant scénario évoqué par Plutarque. Un suicide fascinant <a href="https://theconversation.com/coucher-avec-cleopatre-et-mourir-183664">qui connut une étonnante postérité littéraire et artistique</a>.</p>
<h2>Cléopâtre et Marc Antoine réunis dans la mort</h2>
<p>Le corps de la reine est alors, de toute évidence, embaumé, comme l’ont été les dépouilles de ses prédécesseurs, Alexandre le Grand et les souverains de la dynastie des Ptolémée dont elle est l’ultime représentante. La momie est ensuite déposée dans le mausolée, où la rejoint le corps de Marc Antoine. Le Romain avait, en effet, formulé dans son testament le souhait que sa dépouille soit placée à côté de celle de Cléopâtre (Plutarque, <em>Vie d’Antoine</em> 58). Et la reine avait confirmé cette ultime volonté dans une lettre adressée à Octave quelques instants avant son suicide (Plutarque, <em>Vie d’Antoine</em> 85).</p>
<p>Le mausolée n’a pas été retrouvé. Ce qu’il en reste doit reposer aujourd’hui quelque part sous les eaux de la zone orientale du grand port d’Alexandrie. L’archéologue Franck Goddio y a mené des recherches sous-marines en 1996, sans parvenir <a href="https://www.liberation.fr/culture/1996/11/12/le-palais-de-cleopatre-en-eau-trouble-scepticisme-apres-la-decouverte-de-vestiges-sous-marins-de-l-a_188756/">à identifier les vestiges du fameux monument</a>.</p>
<p>Par contre, le témoignage de Plutarque <a href="https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2020-07-13/pourquoi-on-ne-trouve-toujours-pas-la-tombe-de-cleopatre-malgre-de-recentes-decouvertes-8e65fc70-380b-4ae6-8a22-93c8c35f0728">contredit formellement l’hypothèse avancée par l’archéologue Kathleen Martinez</a>, qui pensa, au début des années 2000, pouvoir découvrir la sépulture de Cléopâtre et Marc Antoine à Taposiris Magna, à quelque 40 kilomètres à l’ouest d’Alexandrie.</p>
<p>La forte médiatisation de ces recherches traduit néanmoins le puissant intérêt que suscite toujours, auprès du grand public, le tombeau de la reine devenue mythique.</p>
<h2>Dévotion posthume pour une souveraine regrettée</h2>
<p>Cet intérêt remonte aux années qui suivirent la mort de Cléopâtre. La reine fit l’objet d’un culte posthume, sans doute parce qu’elle fut une dirigeante politique compétente, regrettée par ses sujets, au contraire de la légende de la putain royale, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/cleopatre-le-genie-politique/une-reine-en-son-royaume-ep3-7842254">diffusée par la propagande d’Octave</a>.</p>
<p>C’est ce que suggère un graffiti en égyptien démotique, gravé au IV<sup>e</sup> siècle apr. J.-C., dans le temple de la déesse Isis à Philae, évoquant une « statue de Cléopâtre » <a href="https://www.babelio.com/livres/Schwentzel-Cleopatre--La-deesse-reine/784074">qui fut redorée par un prêtre nommé Pétésénouf</a>.</p>
<p>Sur une plaquette en bronze du II<sup>e</sup> ou du III<sup>e</sup> siècle apr. J.-C., l’historien Richard Veymiers est parvenu à lire, entre les représentations de divinités égyptiennes, une <a href="https://www.cairn.info/revue-archeologique-2014-1-page-37.htm">inscription grecque signifiant</a> : « Grand est le nom de Sarapis, grande est Néôtéra l’invincible ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/490890/original/file-20221020-11-bn1td.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/490890/original/file-20221020-11-bn1td.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=118&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/490890/original/file-20221020-11-bn1td.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=118&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/490890/original/file-20221020-11-bn1td.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=118&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/490890/original/file-20221020-11-bn1td.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=148&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/490890/original/file-20221020-11-bn1td.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=148&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/490890/original/file-20221020-11-bn1td.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=148&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Plaquette en bronze aux noms de Sarapis et Néôtéra. Paris, Cabinet des Médailles.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.cairn.info/revue-archeologique-2014-1-page-37.html">cairn</a></span>
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<p>Théa Néôtéra, ou « Déesse la plus jeune », est le surnom divin que prit Cléopâtre en 37 av. J.-C. Le texte pourrait ici, me semble-t-il, faire référence à la reine divinisée, vue comme la manifestation terrestre la plus récente de la déesse Isis, épouse du grand dieu Sarapis.</p>
<p>Le mausolée de Cléopâtre à Alexandrie était au cœur de ces dévotions posthumes. Il fut certainement fermé et pillé lors de la christianisation de l’Empire romain, à la fin du IV<sup>e</sup> siècle apr. J.-C. Ses restes s’effondrèrent ensuite dans la mer lors des séismes qui frappèrent Alexandrie et ses environs au début du Moyen Âge.</p>
<h2>Bonaparte et la momie de Cléopâtre</h2>
<p>La dépouille de Cléopâtre disparut vraisemblablement lors du pillage de son tombeau. Elle n’en continua pas moins <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-histoires-de-momies-nous-font-elles-fremir-79046">à hanter les esprits</a>, suscitant de nombreux fantasmes en Occident, à partir de la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Conséquence de l’égyptomanie ambiante, les momies sont alors à la mode. Le Cabinet des médailles, à Paris, aurait conservé la dépouille de l’ancienne reine, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/cleopatre-le-genie-politique/mourir-plutot-que-subir-ep4-1100991">selon une légende relayée par la presse de l’époque</a>.</p>
<p>On racontait que le cadavre de Cléopâtre avait été découvert lors de l’expédition de Bonaparte en Égypte. Le général lui-même aurait passé une nuit avec elle dans sa tente, dressée au pied d’une pyramide. Il l’aurait ensuite rapportée en France, dans ses bagages, et remise au Cabinet des médailles.</p>
<p>Mais la dépouille ne supporta pas le climat parisien. Elle se mit à pourrir et fut finalement enterrée dans le jardin de la Bibliothèque nationale de France. Cette légende repose sur quelques faits réels, <a href="https://antiquitebnf.hypotheses.org/7790">comme l’a montré Julien Olivier</a>, conservateur à la BNF.</p>
<p>Il y avait bien, au XIX<sup>e</sup> siècle, une momie exposée au Cabinet des médailles que des étudiants, férus d’égyptologie, se plaisaient à nommer « Cléopâtre ». Il est possible que, détériorée par l’humidité, elle ait finalement été enfouie du côté de la rue Vivienne.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/490894/original/file-20221020-18-ug7gf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/490894/original/file-20221020-18-ug7gf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=808&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/490894/original/file-20221020-18-ug7gf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=808&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/490894/original/file-20221020-18-ug7gf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=808&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/490894/original/file-20221020-18-ug7gf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1016&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/490894/original/file-20221020-18-ug7gf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1016&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/490894/original/file-20221020-18-ug7gf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1016&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Evandale et Rumphius découvrent la momie de Tahoser. Théophile Gautier, <em>Le Roman de la momie</em>, illustration de Georges-Antoine Rochegrosse.</span>
</figcaption>
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<h2>Séduisantes dépouilles</h2>
<p>De cette légende se dégage un érotisme nécrophile également présent dans la littérature du XIX<sup>e</sup> siècle. « Oh ! que je donnerais volontiers toutes les femmes de la terre pour avoir la momie de Cléopâtre ! », <a href="https://books.openedition.org/pul/20091?lang=fr">écrit Gustave Flaubert dans <em>Par les champs et par les grèves</em> (1847)</a>.</p>
<p>Dans <em>Le pied de momie</em>, nouvelle de Théophile Gautier (1840), le <a href="https://journals.openedition.org/aes/1760?lang=en">narrateur fait l’acquisition du pied embaumé d’une princesse égyptienne</a> dont il entend se servir comme presse-papier. Il décrit l’objet avec délectation : « Les doigts étaient fins, délicats, terminés par des ongles parfaits, purs et transparents comme des agathes (sic) ».</p>
<p>Gautier est aussi l’auteur du célèbre <em>Roman de la momie</em> (1858) qui confirme ce lien fantasmé entre beauté féminine et mort. Dans ce livre, deux archéologues, Lord Evandale et le docteur Rumphius, découvrent la <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8626654k/f15.image">momie parfaitement conservée d’une jeune souveraine égyptienne nommée Tahoser</a>.</p>
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<span class="caption">La « main de Cléopâtre ». Collection privée.</span>
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<h2>La « main de Cléopâtre »</h2>
<p>Au XIX<sup>e</sup> siècle, des voyageurs occidentaux, toujours plus nombreux, visitent la vallée du Nil afin d’assouvir leur passion pour l’Égypte ancienne. Ils pouvaient y acheter, en guise de souvenirs, des objets antiques dont le marché n’était alors guère réglementé. Les plus audacieux rapportaient <a href="https://www.researchgate.net/publication/326827533_Ancient_Corpses_as_Curiosities_Mummymania_in_the_Age_of_Early_Travel">chez eux des morceaux de momie</a> qu’ils exhibaient fièrement à leurs invités, lors de soirées mondaines.</p>
<p>Parmi ces restes macabres, une main féminine, présentée comme celle de Cléopâtre, est acquise par Sir Thomas Bowser (1749-1833), officier britannique, lors de son passage en Égypte en 1794. Redécouverte chez un collectionneur américain, elle est vendue aux enchères en 2011.</p>
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<span class="caption">Affiche du film <em>Blood from the Mummy’s Tomb</em> (en français : <em>La Momie sanglante</em>) de Seth Holt, 1971.</span>
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<h2>Films d’horreur et égyptomanie sanglante</h2>
<p>La momie de Cléopâtre apparaît au cinéma, dès 1899, grâce à Georges Méliès qui choisit Jehanne d’Alcy pour incarner la toute première pharaonne cinématographique. L’œuvre nous fait assister à la profanation du tombeau de la reine. Sa momie est carbonisée mais Cléopâtre surgit soudain de la fumée.</p>
<p>Plus tard, en 1971, Valerie Leon incarne une nouvelle momie de reine égyptienne, extrêmement bien conservée, dont la main droite, <a href="https://www.lefilmetaitpresqueparfait.fr/2020/04/la-momie-sanglante-seth-holt-1971.html">devenue immortelle, a été amputée par de cruels prêtres égyptiens</a>.</p>
<p>Un bel exemple d’égyptomanie et d’érotisme sanglant.</p>
<hr>
<p>Christian-Georges Schwentzel a publié en septembre 2022 <a href="https://www.puf.com/content/Cl%C3%A9op%C3%A2tre"><em>Cléopâtre</em>, aux éditions PUF, collection « Biographies »</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192138/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian-Georges Schwentzel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En ces temps de fête de la Toussaint et de célébrations d'Halloween, rien de tel qu'une histoire de momie sur fond d'égyptomanie teintée d'érotisme…Christian-Georges Schwentzel, Professeur d'histoire ancienne, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1929082022-10-24T17:22:56Z2022-10-24T17:22:56ZLamas et alpagas, l’or des Andes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/490876/original/file-20221020-24-zn88rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=21%2C43%2C3620%2C2686&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lamas meneurs d’une caravane (localement appelé delanteros).</span> <span class="attribution"><span class="source">Nicolas Goepfert</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>L’expression « l’or des Andes » est tirée de l’ouvrage éponyme de Jorge Flores Ochoa, Kim Mac Quarrie et Javier Portus (édité en 1994 aux éditions Jordi Blassi à Barcelone) portant sur les quatre espèces de camélidés sud-américains, à savoir le guanaco, la vigogne, le lama et l’alpaga. Comment ces animaux héritèrent d’un titre aussi élogieux, alors que d’autres figures animales du bestiaire andin comme le condor et le puma tiennent une place plus emblématique dans l’imaginaire commun ? Les raisons sont diverses, mais la principale tient au fait que ces camélidés, et en particulier les deux taxons domestiques que sont le lama (<em>Lama glama</em>) et l’alpaga (<em>Vicugna pacos</em>), sont deux acteurs fondamentaux du développement des sociétés préhispaniques (ou précolombiennes) des <a href="https://www.pourlascience.fr/sr/livres/l-atlas-de-l-amerique-precolombienne-23959.php">Andes</a>.</p>
<p>Par Andes, nous entendons à la fois un espace géographique et culturel qui inclut la célèbre cordillère, mais aussi la côte qui est un long espace désertique pris entre l’océan Pacifique à l’ouest et le piémont montagneux à l’est.</p>
<p>Ces camélidés, par l’intermédiaire des caravanes de lamas, ont permis les échanges à grande distance, non seulement entre la côte, les hautes altitudes et l’Amazonie, mais aussi entre différentes latitudes. Ils faisaient partie d’un système appelé <a href="https://www.persee.fr/doc/rural_0014-2182_1981_num_81_1_2654">verticalité andine</a> qui permettait l’échange de produits entre différentes écozones, les poissons et coquillages marins étant par exemple troqués contre des pommes de terre et autres tubercules andins.</p>
<p>Les caravanes constituaient ainsi un lien dynamique entre les différentes sociétés qui peuplaient les Andes avant l’arrivée des Européens. Les camélidés n’ont pas servi uniquement de bête de somme, car toutes les parties de leur corps étaient utilisées à l’instar de leur viande pour l’alimentation, des fibres pour les textiles ou encore des ossements pour fabriquer des outils. Ils étaient également utilisés dans nombre de rituels funéraires et sacrificiels et constituent encore aujourd’hui une des principales offrandes dans les actes propitiatoires des communautés actuelles.</p>
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<span class="caption">Offrande rituelle (<em>mesa</em>) avec le dépôt du cœur d’un lama sacrifié.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolas Goepfert</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Un défi pour les chercheurs</h2>
<p>Seuls grands vertébrés domestiqués il y a plus de 4 000 ans dans les Amériques, ils représentent un véritable défi pour les chercheurs travaillant dans cette aire culturelle. En effet, en étant au centre des pratiques socio-économiques et religieuses des sociétés du passé, ils ont été très vite associés à des idées reçues qu’il convient aujourd’hui de déconstruire.</p>
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<p>Une des idées les plus tenaces concerne leur origine géographique. Leur présence sur la côte péruvienne est attestée depuis le début de notre ère sur de nombreux sites archéologiques des moyennes vallées et du désert de la côte pacifique, alors qu’ils ont aujourd’hui totalement disparu de cet environnement suite à la conquête espagnole au XVI<sup>e</sup> siècle. Pour autant, leur présence dans cet espace n’est pas quelque chose de « naturel », au sens où leurs foyers de domestication (haut plateaux de Junin au Pérou, sud du lac Titicaca en Bolivie, nord du Chili et nord-ouest de l’Argentine) et habitats actuels se trouvent tous en altitude et pour certains à plus de 4 000 m au-dessus du niveau de la mer.</p>
<p>Espèces résolument d’altitude, les lamas et alpagas ont su, au fil du temps, s’adapter à d’autres environnements, d’autres paysages et territoires, à d’autres climats et une autre végétation. Ce processus complexe, sous contrôle des humains, a pris plusieurs centaines d’années et est resté longtemps mal compris du fait d’un postulat visant à les circonscrire aux hautes altitudes. Le développement depuis une vingtaine d’années des <a href="https://journals.openedition.org/techne/1090">analyses isotopiques</a> dans l’aire andine ont permis de mieux comprendre les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0278416514000609?via%3Dihub">pratiques pastorales</a> et la gestion des troupeaux par les sociétés anciennes. Ces analyses nous apprennent notamment que ces animaux ont été élevés <a href="https://journals.plos.org/plosone/article/comments?id=10.1371/journal.pone.0087559">à basse altitude et affouragés en maïs</a>, peut-être pour suppléer une végétation côtière plus pauvre. Le contrôle humain a été tel que le maïs est devenu la composante principale de leur alimentation et atteint à la période chimú (900-1470 de notre ère) pas loin de 70 % des plantes consommées par les camélidés.</p>
<h2>Sacrifice humain et animal de grande ampleur</h2>
<p>Cette période est particulièrement intéressante, car elle voit l’exécution du sacrifice humain et animal dans des proportions jamais atteintes auparavant. Les récentes découvertes sur les sites de Huanchaquito–Las Llamas et Pampa la Cruz renouvellent considérablement nos connaissances sur ces pratiques rituelles jugées si particulières pour nos sociétés contemporaines. Objet du documentaire <a href="https://pariscience.fr/seance/perou-sacrifices-au-royaume-de-chimor/"><em>Pérou, sacrifices au royaume de Chimor</em></a>, ces sacrifices occupaient une place centrale pour les sociétés de la côte nord du Pérou.</p>
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<span class="caption">Localisation des sites archéologiques de Huanchaquito-Las Llamas et Pampa la Cruz.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolas Goepfert</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Le sacrifice d’enfants et de camélidés devait constituer un moment fort pour ces sociétés, unissant ses différentes composantes autour de dons d’une valeur si importante. La temporalité et les circonstances (pour ne pas parler de causes) varient en fonction des sites : suivant une fréquence inégale peut-être cyclique en lien avec un calendrier rituel à Pampa la Cruz, ces sacrifices répondaient davantage à l’existence d’un évènement climatique catastrophique de type El Niño à Huanchaquito-Las Llamas.</p>
<p><a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0211691">Sacrifiés en masse sur ce dernier site</a> (137 enfants, 3 adultes et 206 camélidés), ils ont été rassemblés en petits groupes sur l’autre pour atteindre là encore plusieurs centaines d’individus. Quelle place occupaient les camélidés aux côtés des enfants et adolescents mis à mort sur ces sites ? <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14614103.2018.1541956?journalCode=yenv20">Choisis pour leur jeune âge, pour la couleur de leur pelage</a> et peut-être pour leur sexe (des analyses ADN nous apporteront prochainement des réponses), les camélidés domestiques accompagnaient ces jeunes défunts dans leur voyage vers l’inframonde.</p>
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<span class="caption">camélidé sacrifié sur le site de Huanchaquito-Las Llamas.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolas Goepfert</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’autres analyses nous renseignent sur les activités autour de ces sacrifices. La biogéochimie isotopique nous indique premièrement que les <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01968634/document">spécimens immolés provenaient de différents troupeaux</a>, suggérant ainsi une gestion ordonnée des victimes sacrificielles animales. L’identification microscopique de grains d’amidon montre qu’un <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03498828/document">menu spécifique</a> (incluant piment et manioc) leur a été donné peu de temps avant leur mort. Enfin, la présence d’<a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02190007/file/2019-Le%20Bailly%20et%20al..pdf">animaux parasités</a> indique des animaux malades ont pu être sacrifiés aux côtés d’autres spécimens sains.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/490879/original/file-20221020-18-f7n2v1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/490879/original/file-20221020-18-f7n2v1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/490879/original/file-20221020-18-f7n2v1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/490879/original/file-20221020-18-f7n2v1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/490879/original/file-20221020-18-f7n2v1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/490879/original/file-20221020-18-f7n2v1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/490879/original/file-20221020-18-f7n2v1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vue générale du sacrifice de masse de Huanchaquito–Las Llamas.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolas Goepfert</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>La variété des pratiques rituelles nous est progressivement révélée par la multiplication des analyses et grâce à une conservation des vestiges qui est exceptionnelle. Pourtant, un domaine reste encore largement inexploré. En effet, l’identification au niveau de l’espèce est impossible à partir des restes osseux, tant les quatre taxons sont proches ostéologiquement. Celle-ci reste difficile à obtenir même avec l’ADN ancien. Aussi, un nouveau champ d’investigations s’ouvre avec la <a href="https://www.inserm.fr/dossier/proteomique/">paléoprotéomique</a> qui étudie l’ensemble des protéines d’un organisme, et dans ce cas précis, des restes archéologiques. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1874391920304085?via%3Dihub">De premiers résultats</a> montrent toute la difficulté d’identifier au niveau de l’espèce les spécimens archéologiques, mais ouvrent une nouvelle voie de recherche très prometteuse qui peut s’appliquer aussi bien à l’os qu’aux fibres. Au-delà de l’identification des espèces, qui est en soi un défi, ces données apportent surtout des informations sur les choix culturels réalisés par les sociétés anciennes au moment des sacrifices.</p>
<p>La sphère rituelle n’est jamais éloignée de la sphère économique et domestique. Avant de pouvoir sacrifier des centaines de bêtes, les Chimús ont dû élever ces animaux dans un environnement qui n’était pas, du moins au début, familier. Ils bénéficiaient tout de même de l’héritage des sociétés les ayant précédés comme les Mochicas ou Lambayeque-Sicán.</p>
<p>L’expérience menée avec des lamas près du réservoir de Tinajones (vallée de Lambayeque, côte nord du Pérou) montre qu’il n’est pas si évident d’introduire (et ici réintroduire) des espèces dans un environnement si différent de celui de la cordillère. Une végétation plus pauvre et des conditions climatiques plus chaudes ont obligé les éleveurs à adapter leurs pratiques à la spécificité des camélidés par rapport à leurs habitudes et leurs différences avec les espèces européennes (cheval, bœuf, mouton, cochon, entre autres). Avec la désertification et l’aridification croissante de nombreuses zones dans le monde, nous avons tout à apprendre des modalités d’adaptation de ces espèces à un environnement désertique considéré, a priori, comme peu hospitalier pour leur élevage.</p>
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<p><em>Retrouvez Nicolas Goepfert au festival Pariscience le vendredi 28 octobre 2022 à l’issue de la diffusion du film documentaire <a href="https://pariscience.fr/seance/perou-sacrifices-au-royaume-de-chimor/">« Pérou, sacrifices au royaume de Chimor de Jérôme Scemla »</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192908/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Goepfert a reçu des financements de l'ANR (Agence Nationale pour la Recherche), du CNRS (PEPS) et du MNHN (ATM)</span></em></p>Seuls grands vertébrés domestiqués il y a plus de 4 000 ans dans les Amériques, ils représentent un véritable défi pour les chercheurs travaillant dans cette aire culturelle.Nicolas Goepfert, Chargé de recherche, archéologie des Amériques (UMR 8096), CNRS-Université Paris 1 Pantéhon-Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1910392022-10-13T19:12:55Z2022-10-13T19:12:55ZPodcast « Facteur (mal)chance » : La découverte d’un trésor, ça se provoque<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/485881/original/file-20220921-24-gd182y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=241%2C13%2C1025%2C697&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dessin de 1902 du sous-marin le Hunley à quai.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/CSS_H._L._Hunley#/media/Fichier:NH_999_(27125245401).jpg">Wikimedia commons/National Museum of the U.S. Navy </a></span></figcaption></figure><iframe src="https://embed.acast.com/601af61a46afa254edd2b909/6346bc84807f8b00120b68ea" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<p><iframe id="tc-infographic-569" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/569/0f88b06bf9c1e083bfc1a58400b33805aa379105/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
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<p>Pourquoi certaines personnes ont-elles de la chance et d’autres n’en ont pas ? Est-ce simplement le hasard ? Comment se fait-il que l’on s’estime parfois chanceux dans notre malheur ? Est-il vraiment possible d’attirer la chance à soi ? Et si oui, comment ?</p>
<p>Dans son dernier livre, <em>Provoque ta chance !</em> (Éditions Albin Michel), Christophe Haag, chercheur en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/psychologie-comportementale-64120">psychologie sociale</a> et professeur en comportement organisationnel à EM Lyon Business School, tente d’apporter des éléments de réponses à ces questions. Comme pour ses précédents travaux sur la <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-lemotion-le-virus-le-plus-contagieux-sur-terre-117866">contagion émotionnelle</a> entre les individus, il recourt à la méthode de la « tératologie », autrement dit l’étude de cas extrêmes, du « pas ordinaire », pour mieux comprendre la normalité.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/485892/original/file-20220921-17-1qnmpq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Le CSS H.L. Hunley suspendu par une grue dans le port de Charleston (Caroline du Sud) le 8 août 2000" src="https://images.theconversation.com/files/485892/original/file-20220921-17-1qnmpq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485892/original/file-20220921-17-1qnmpq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485892/original/file-20220921-17-1qnmpq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485892/original/file-20220921-17-1qnmpq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485892/original/file-20220921-17-1qnmpq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485892/original/file-20220921-17-1qnmpq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485892/original/file-20220921-17-1qnmpq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le CSS H.L. Hunley suspendu par une grue dans le port de Charleston (Caroline du Sud) le 8 août 2000.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/CSS_H._L._Hunley#/media/Fichier:CSSHLHunleyrecovery.jpg">Naval Historical Center/Wikimedia</a></span>
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<p>Dans ce cinquième et dernier épisode de notre série de podcasts « Facteur (mal)chance », Christophe Haag revient sur l’une des plus grandes découvertes de l’expert américain en épaves et trésors engloutis E. Lee Spence : l’épave du sous-marin le <em>Hunley</em>, disparu en mer en 1863. Cet « Indiana Jones » en chair et en os l’avait cherché pendant des années… Pourtant, il a fini par le trouver par hasard lors d’une sortie en mer avec un ami en 1970. Peut-on dès lors parler d’un authentique coup de chance ? Pas si sûr…</p>
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<p><strong>À écouter aussi</strong></p>
<p>Épisode #1 : <a href="https://theconversation.com/podcast-facteur-mal-chance-le-rescape-du-bataclan-devenu-paraplegique-190087">« Le rescapé du Bataclan devenu paraplégique »</a> <br>
Épisode #2 : <a href="https://theconversation.com/podcast-facteur-mal-chance-survivre-seule-a-un-crash-aerien-190181">« Survivre, seule, à un crash aérien »</a> <br>
Épisode #3 : <a href="https://theconversation.com/podcast-facteur-mal-chance-la-peur-moteur-de-la-survie-190952">« La peur, moteur de la survie »</a> <br>
Épisode #4 : <a href="https://theconversation.com/podcast-facteur-mal-chance-une-bonne-etoile-nommee-jacques-yves-cousteau-191087">« Une bonne étoile nommée Jacques-Yves Cousteau »</a></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/482976/original/file-20220906-12-pfmb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482976/original/file-20220906-12-pfmb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482976/original/file-20220906-12-pfmb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=881&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482976/original/file-20220906-12-pfmb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=881&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482976/original/file-20220906-12-pfmb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=881&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482976/original/file-20220906-12-pfmb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1107&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482976/original/file-20220906-12-pfmb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1107&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482976/original/file-20220906-12-pfmb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1107&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Crédits, conception et animation, Thibault Lieurade. Réalisation, équipe technique d’EM Lyon et Romain Pollet. Chargé de production, Rayane Meguenni</em>.</p>
<p><em>Musique, « Episodes », Azoora feat. Graciellita, 2011.</em></p>
<p><em>Le livre « Provoque ta chance ! Pourquoi certains en ont et d’autres pas » de Christophe Haag a été publié le 2 mars 2022 aux <a href="https://www.albin-michel.fr/provoque-ta-chance-9782226450586">Éditions Albin Michel</a> et le 24 août 2022 en <a href="https://www.audiolib.fr/livre/provoque-ta-chance-9791035410698/">livre audio</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191039/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Haag ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Disparu en 1863, l’épave du sous-marin américain le Hunley a fait l’objet de longues recherches fastidieuses avant d’être retrouvée (presque) par hasard plus d’un siècle plus tard.Christophe Haag, Professeur HDR en comportement organisationnel, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1678212022-09-07T18:01:56Z2022-09-07T18:01:56ZL’Anémone : de Bayonne à la Baie des Saintes, une épave hors du commun<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/483014/original/file-20220906-20-65ss0k.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C1%2C752%2C499&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Installation des aspirateurs à sédiment sur le site de l'Anémone, Photo François Jacaria, 2018.</span> <span class="attribution"><span class="source">J.-S. Guibert/AAPA/UA</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Très souvent, chez mes proches ou dans mon entourage, la mention de mon métier, archéologue maritime, évoque rêves et curiosité : ne suis-je pas, dans l’imaginaire de beaucoup, l’archétype du chasseur d’épaves, celui qui plonge à plusieurs mètres sous la surface pour faire revivre des navires, voire celui qui va dénicher quelque trésor des plus beaux romans d’aventure et de piraterie ?</p>
<p>Si l’émotion est souvent au rendez-vous, mon travail revêt un caractère scientifique. De plus, toute une dimension de mon travail demeure souvent inaperçue : une plongée non pas sous-marine mais dans les archives. C’est ainsi que j’ai eu la chance de mettre à jour et <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03480501">identifier une épave hors du commun</a>. L’épave de la Baie des Saintes (Guadeloupe) désormais identifiée comme l’<em>Anémone</em>. Il s’agit d’une goélette de la Marine royale de la période de la Restauration construite à Bayonne en 1823 et coulée aux Saintes en 1824 lors du cyclone du même mois.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482358/original/file-20220901-14-jil48g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482358/original/file-20220901-14-jil48g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482358/original/file-20220901-14-jil48g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482358/original/file-20220901-14-jil48g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482358/original/file-20220901-14-jil48g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482358/original/file-20220901-14-jil48g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482358/original/file-20220901-14-jil48g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carte de la Guadeloupe indiquant la localisation des Saintes et de l’épave de l’<em>Anémone</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Par l’auteur</span></span>
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<p>Si une partie du travail de recherche est celui, personnel, d’un chercheur isolé, le travail de terrain (deux à trois semaines par an) est le résultat de la collaboration d’une équipe d’une quarantaine de personnes sur cinq ans.</p>
<h2>L’épave de la Baie des Saintes : les premières données</h2>
<p>Dans le milieu des plongeurs de Guadeloupe passionnés d’archéologie, il est un site qui intrigue : celui de l’épave de la Baie des Saintes. Une épave ancienne trouvée en 1990 par Claude Édouard, un restaurateur de Terre-de-Haut et un certain Lesueur propriétaire d’un club de plongée aux Saintes.</p>
<p>Elle intrigue aussi parce qu’elle n’est pas facile à repérer : profondeur de 25 m en plein milieu de la baie entre Terre-de-Haut et l’îlet à Cabrit.</p>
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<p>L’accès n’est possible que par des amers que seuls quelques initiés connaissent et les navettes qui relient les Saintes à la Guadeloupe ne passent pas très loin dans la passe de la Baleine ce qui n’améliore pas la sécurité de plongeurs bravant ses secrets. La rencontre avec Claude Edouard me permet en 2009 de plonger sur le site avec un bon ami de l’époque, F. Nouhailas. Claude Edouard est que l’on appelle « l’inventeur du site » dans le métier, puisque premier « découvreur » de ce lieu.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482390/original/file-20220901-14673-84vlza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482390/original/file-20220901-14673-84vlza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=147&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482390/original/file-20220901-14673-84vlza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=147&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482390/original/file-20220901-14673-84vlza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=147&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482390/original/file-20220901-14673-84vlza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=184&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482390/original/file-20220901-14673-84vlza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=184&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482390/original/file-20220901-14673-84vlza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=184&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue panoramique de la baie des Saintes avec au premier plan le navire support à proximité du site de l’<em>Anémone</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Renaud Leroux/AAPA/UA</span></span>
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<p>En clair, il nous donne les amers (points de repères sur terre ou en mer, essentiels à la navigation) et nous parvenons lors de la seconde plongée à repérer le site : les vestiges de plaques de cuivre caractéristiques servant à doubler la coque des navires jonchent les fonds marins et ce qui semble être ceux de la carène d’un navire se découvre par endroit.</p>
<h2>Étrange « Limande »</h2>
<p>D’après les données recueillies par le ministère de la Culture (Direction de la Recherche en Archéologie Subaquatique et Sous-Marine) auprès de Claude Edouard, il pourrait s’agir de la <em>Limande</em>, un navire hydrographique, c’est-à-dire à vocation scientifique dont la mission principale est la description des fonds marins et coulé dans les années 1820 (<a href="https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Archeologie/Acteurs-metiers-formations/Les-services-de-l-archeologie-au-ministere-de-la-Culture/Le-Departement-des-recherches-subaquatiques-et-sous-marines/Documentation-scientifique-et-technique">bilan scientifique du Drassm</a> 2002).</p>
<p>Cependant, ce nom de navire demeure inconnu des registres de la Marine française, et à titre personnel je n’ai jamais vu de navire portant ce nom dans les milliers de documents que j’ai pu consulter.</p>
<p>Ces informations intriguent forcément : comment ce nom est-il sorti ? Comment l’inventeur du site peut-il dater le site aussi précisément ? La réponse est simple : le site a été pillé et les pilleurs ont prélevé des objets qui permettent de le dater précisément.</p>
<p>Quant à l’identification, les recherches menées en archives invalident rapidement cette hypothèse. Les échanges avec plusieurs autres <em>gran moun</em> (anciens en créole) des Saintes indiquent que le site avait déjà été pillé par des Américains dans les années 1970.</p>
<p>Alors que faire ? Comment retrouver trace de cette épave et d’informations validant ou invalidant les hypothèses ?</p>
<h2>Les données d’archives : la remise en cause</h2>
<p>Mon <a href="https://www.theses.fr/174711913">travail de thèse</a> m’a habitué à fréquenter les archives maritimes, au cœur du métier d’archéologue et d’historien, au même titre que la plongée.</p>
<p>En France, la pratique de l’archéologie sous-marine est réglementée : les opérations de fouille sont réalisées par des plongeurs professionnels détenteurs d’une certification le classe B.</p>
<p>J’ai déjà quelques sources sur les <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/bshg/2013-n165-bshg01014/1020647ar.pdf">naufrages à la Guadeloupe</a> et poursuis les dépouillements entre 2009 et 2012. Au cours d’une séance aux archives départementales de Guadeloupe – où les doubles microfilmés des archives des Archives Nationales d’Outre-Mer sont conservés – je tombe sur le rapport du gouverneur Jacob faisant état des dégâts causés par l’ouragan du 7 au 8 septembre 1824 qui a touché la Guadeloupe et en particulier les Saintes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482391/original/file-20220901-9301-qctpe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482391/original/file-20220901-9301-qctpe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=757&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482391/original/file-20220901-9301-qctpe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=757&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482391/original/file-20220901-9301-qctpe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=757&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482391/original/file-20220901-9301-qctpe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=952&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482391/original/file-20220901-9301-qctpe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=952&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482391/original/file-20220901-9301-qctpe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=952&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Rapport du gouverneur de la Guadeloupe Jacob sur l’ouragan du 7 au 8 septembre 1824, 25 mars 1825.</span>
<span class="attribution"><span class="source">SG/GUA/CORR/68</span></span>
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</figure>
<p>Il mentionne la perte de l’<em>Anémone</em>, une goélette du roi naufragée aux Saintes au cours du cyclone et la mort de l’ensemble de son équipage alors qu’elle y était au mouillage pour passer la mauvaise saison. A cet instant, j’envisage cette piste pour élucider l’identification des vestiges de l’épave de la Baie des Saintes. Dès lors, je mène des recherches sur cette unité et complète les informations sur ce naufrage.</p>
<p>Le navire est construit à Bayonne en 1823, il participe à la guerre d’Espagne avant d’être envoyé en Guadeloupe pour servir de navire des domaines chargé du contrôle des côtes et de transport pour l’administration. Il est alors commandé par <a href="https://www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr/ark/436346">Louis Alexandre Guillotin</a> (1790-1824). Le navire est aussi impliqué dans la lutte contre le commerce illégal d’esclaves désormais interdit depuis 1817. Le navire saisit deux navires négriers au large de la Guadeloupe au cours de sa courte existence.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482387/original/file-20220901-27-ga786v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482387/original/file-20220901-27-ga786v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482387/original/file-20220901-27-ga786v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482387/original/file-20220901-27-ga786v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482387/original/file-20220901-27-ga786v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482387/original/file-20220901-27-ga786v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482387/original/file-20220901-27-ga786v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Plan de voilure de l’Emeraude et de la Topaze, <em>sistership</em> de l’<em>Anémone</em>, 1824.</span>
<span class="attribution"><span class="source">SHD Cherbourg 2G2 321</span></span>
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<p>C’est l’une des six goélettes construites dans les années 1820 à Cherbourg, Toulon et Bayonne et la <em>sistership</em> (navire construit sur le même modèle) de la <em>Topaze</em>. Il existe d’ailleurs une monographie de la <em>Topaze</em> publiée par Jean Boudriot, spécialiste d’architecture navale. L’auteur s’appuie en fait sur l’histoire de l’<em>Anémone</em> et mentionne son naufrage aux Saintes. La boucle est bouclée !</p>
<p>L’idée d’identifier le site de l’épave de la Baie des Saintes comme étant l’<em>Anémone</em> ne me quittera plus. La datation colle et les premières observations aussi.</p>
<h2>L’identification : les résultats des recherches archéologiques</h2>
<p>Une fois ma thèse soutenue en 2013, je propose différentes pistes de recherche pour identifier plusieurs sites d’épaves à la Guadeloupe en m’appuyant sur les recherches effectuées au cours de celle-ci. Désormais recruté à l’Université des Antilles, j’envisage de mettre en œuvre un projet sur l’épave de la baie des Saintes en juillet 2015.</p>
<p>Il s’agira d’abord d’un projet de prospection (recherche) sondage (ouverture dans le sédiment pour étudier les vestiges s’y trouvant) pour localiser le site et tenter de comprendre comment il s’organise. Il faut réunir une équipe, des moyens, etc.</p>
<p>Un long travail invisible commence avec les demandes de financement, l’organisation, la préparation. Finalement nous partons depuis la Martinique avec <em>Orca</em> un navire qui nous sert à transporter le matériel nécessaire et une partie de l’équipe : Guy Lanoix, chef opérateur hyperbare et plongeur archéologue, Franck Bigot, plongeur et archéologue, Alexandre Arqué, Marie et Bruno Berton et Vassilis Tsourakos, plongeurs professionnels.</p>
<p>La première tentative de retrouver le site en plongeant n’est pas la bonne, la seconde paye ! La palanquée (groupe de plongeurs) revient en avec le navire annexe les bras en victoire le sourire aux lèvres. On a le site ! Au cours du débriefing du soir, Marie Berton, plongeuse, indique qu’elle a peut-être vu ce qui ressemble à la bouche d’un canon.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482360/original/file-20220901-19-zlj2kk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482360/original/file-20220901-19-zlj2kk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482360/original/file-20220901-19-zlj2kk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482360/original/file-20220901-19-zlj2kk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482360/original/file-20220901-19-zlj2kk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=585&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482360/original/file-20220901-19-zlj2kk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=585&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482360/original/file-20220901-19-zlj2kk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=585&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sondage autour de la caronade (2015).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Photo par l’auteur/AAPA/UA</span></span>
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<h2>Des objets essentiels</h2>
<p>Cet élément est très important et pourrait nous aider à identifier le site. En effet l’<em>Anémone</em> était armée de deux caronades (type de canons courts) de calibre de 12 datés de 1818 qu’il devrait être facile d’identifier. C’est d’ailleurs un de nos axes de travail. Le lendemain nous repérons ce que Marie nous avait indiqué. C’est clairement la bouche d’un canon, nous décidons d’installer un sondage autour de la structure et rapidement elle s’avère être effectivement une caronade. C’est un élément déterminant qui nous a conduits dès la première année de prospection d’avoir une forte certitude quant à l’identification du site. Le reste des éléments étudiés (mobilier archéologiques et structures) confirment que le site est celui d’une épave du début du XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Forts de ces premiers résultats, le rapport est rédigé et nous déposons un projet pour cette fois comprendre comment s’organise le site. En juillet 2016, une équipe d’une quinzaine de personnes rempile.</p>
<figure class="align-center ">
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<span class="caption">L’équipe du projet Anémone en 2018.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Claude Michaud/AAPA/UA</span></span>
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</figure>
<p>Nous décidons d’installer un sondage à côté de la caronade pour pouvoir étudier la coque du navire en bois repérée en 2015. Le choix est pertinent : au cours du sondage se révèlent progressivement des objets et surtout les structures de la coque en bois d’un navire : membrures, vaigrage, bordé. L’étude de la construction navale permet de mettre en lumière les caractéristiques techniques des navires mais aussi les techniques de fabrication oubliées de nos jours.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482365/original/file-20220901-4342-x7t5w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482365/original/file-20220901-4342-x7t5w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482365/original/file-20220901-4342-x7t5w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482365/original/file-20220901-4342-x7t5w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482365/original/file-20220901-4342-x7t5w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1133&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482365/original/file-20220901-4342-x7t5w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1133&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482365/original/file-20220901-4342-x7t5w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1133&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sondage sur la partie avant de la coque de l’<em>Anémone</em> (2018).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Olivier Bianchimani/AAPA/UA</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le second sondage est installé à une dizaine de mètres à un endroit où Alexandre Arqué a repéré du bois. Le choix se révèle encore une fois gagnant.</p>
<p>En effet, l’analyse des deux sondages permet d’émettre l’hypothèse que le premier correspond à la partie avant de la coque et le second à la partie arrière. Mais, et c’est peut-être le plus important, nous observons que les structures correspondent aux données étudiées à partir du plan type de l’<em>Anémone</em> : l’équidistance entre les membrures (pièces architecturales transversales) sur le site correspond, le rythme des couples de levée (couple servant à l’élévation de la carène) et de remplissage (servant au remplissage entre les couples de levée) est aussi le même. Pour moi il n’y a quasiment plus de doute. Nous sommes en présence de l’<em>Anémone</em>. Au cours de notre séjour, Claude Edouard nous montre certains objets de la collection qu’il a pillé sur le site : plusieurs pièces de monnaie à l’effigie de Louis XVIII avec les dates de 1818 et 1822 permettent de comprendre pourquoi il avait daté aussi précisément le site.</p>
<h2>Faire le lien entre les vestiges d’une épave et les données historiques</h2>
<p>Les fouilles suivantes, réalisées entre 2017 et 2019 – fin juin et début juillet pour éviter le cœur de la saison cyclonique – ne font que confirmer <a href="https://acuaonline.org/deep-thoughts/end-of-game-on-anemone-wreck-site-les-saintes-guadeloupe-fwi">ces éléments</a>. L’étude de la construction navale mais aussi celle du mobilier prouvent définitivement que le site de la Baie des Saintes est bien celui de l’<em>Anémone</em>.</p>
<p>Dans la vie d’un archéologue sous-marin, l’identification d’un site d’épave est une belle expérience. Elle permet de faire le lien entre les vestiges d’une épave et les données historiques mentionnant un naufrage. Cette étape permet aussi de relier le site au contexte de sa perte et de sa construction, de connaître les fonctions du navire mais aussi la composition de son équipage.</p>
<p>Bref cela donne du sens et de la vie. C’est un luxe des périodes modernes et contemporaines de connaître tout ces éléments (c’est plus rarement le cas pour les périodes antique et médiévale). Au-delà, c’est aussi une satisfaction personnelle telle celle d’un enquêteur confirmant les hypothèses d’une enquête compliquée, et ici historique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482392/original/file-20220901-21-6xvy33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482392/original/file-20220901-21-6xvy33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=164&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482392/original/file-20220901-21-6xvy33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=164&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482392/original/file-20220901-21-6xvy33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=164&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482392/original/file-20220901-21-6xvy33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=206&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482392/original/file-20220901-21-6xvy33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=206&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482392/original/file-20220901-21-6xvy33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=206&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vue de la Baie des Saintes depuis Terre-de-Haut (2018).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Renaud Leroux/AAPA/UA</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour terminer, il reste à proposer une explication quant au nom du site proposé initialement : le terme Limande est peut-être le résultat de la culture orale issu de la déformation créole du nom de l’<em>Anémone</em>. Dans tous les cas c’est sous ce nom que les pêcheurs saintois appellent le banc sur lequel ils pêchent dans la baie des Saintes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167821/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Sébastien Guibert ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Être archéologue maritime c’est aussi savoir plonger dans les archives qui aident à identifier des épaves aux secrets inestimables pour l’histoire.Jean-Sébastien Guibert, Maître de conférences en histoire des mondes moderne et contemporain, Université des AntillesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1867942022-08-17T17:45:10Z2022-08-17T17:45:10ZComment la guerre menace le riche patrimoine archéologique ukrainien<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/477134/original/file-20220802-23-3lkd3e.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=24%2C499%2C2649%2C1314&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Stèle funéraire provenant d'Olbia.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=11601801">Par Erud — Travail personnel, CC BY 3.0 </a></span></figcaption></figure><p>La guerre menée depuis le 24 févier 2022 par Moscou en Ukraine est lourde de conséquences au plan humain et matériel. Elle entraîne également un dommage collatéral de taille : le riche patrimoine archéologique du sud et de l’est de l’Ukraine est aujourd’hui menacé. Il faut dire que ces zones, particulièrement touchées par l’invasion russe, sont aussi celles où se concentrent des sites archéologiques majeurs ainsi que les institutions qui en recensent les trésors et les conservent.</p>
<p>La guerre en Ukraine a mis fin à la <a href="https://ipiend.gov.ua/en/news/the-national-academy-of-sciences-of-ukraine-on-suspension-of-cooperation-with-scientists-of-the-russian-federation-in-the-publishing-field/">collaboration entre les chercheurs russes et ukrainiens</a> qui domine la recherche sur l’histoire ancienne du nord de la mer Noire.</p>
<p>Si les institutions scientifiques comme le <a href="https://www.theartnewspaper.com/2022/06/24/no-one-can-interfere-with-our-offensive-hermitage-director-mikhail-piotrovsky-compares-russian-export-of-culture-to-countrys-operation-in-ukraine">musée de l’Ermitage</a> à Saint-Pétersbourg et quelques chercheurs russes soutiennent bruyamment l’intervention militaire russe en Ukraine, une partie des spécialistes de l’histoire ancienne de cette région a trouvé plus prudent de garder le silence ou de passer le printemps en Europe centrale ou occidentale.</p>
<p>L’essentiel des collaborations entre les institutions scientifiques russes et leurs homologues occidentales ont été suspendues depuis le début de l’invasion russe. C’est le cas aussi bien <a href="https://www.cnrs.fr/fr/le-cnrs-suspend-toutes-nouvelles-formes-de-collaborations-scientifiques-avec-la-russie">pour le CNRS</a> que pour les institutions dont sont issus les archéologues polonais qui fouillaient avec des Russes à <a href="https://whc.unesco.org/fr/listesindicatives/5422/">Tanaïs</a>, site grec du III<sup>e</sup>-Ier siècle, près de Rostov-sur-le Don.</p>
<p>Les recherches archéologiques menées en Ukraine sur le patrimoine antique sont suspendues du fait du manque de disponibilité des archéologues ukrainiens et du danger. Les fouilles ukraino-polonaises <a href="http://blackseaproject.iaepan.edu.pl/en/news/archaeological-campaign-2022-canceled">à Olbia du Pont</a> sont ainsi interrompues, du fait de la proximité de la ligne de front, mais le travail de recherche à distance se poursuit.</p>
<h2>Les combats dégradent des sites archéologiques</h2>
<p>Les combats menacent les sites archéologiques et les musées. Des kourganes (tumuli recouvrant des tombes), dont certains utilisés pendant plusieurs millénaires, <a href="https://www.thetimes.co.uk/article/russian-troops-are-destroying-ancient-nomadic-tombs-5g00c96xs">ont ainsi été endommagés dans la région de Kherson</a> par les travaux de fortifications ou par les combats. Ils constituent en effet des points hauts dans un paysage de steppe et servent traditionnellement d’observatoire lors des conflits.</p>
<p><a href="https://ukrainer.net/olbia-grande-cite-antique/">La réserve archéologique d’Olbia</a>, située à l’ouest du port de Mykolayiv, au sud de l’Ukraine, <a href="http://blackseaproject.iaepan.edu.pl/en/news/bombing-olbia">a également reçu des projectiles russes</a>.</p>
<p>Les travaux de fortification et leur corollaire, le creusement de tranchées, permettent la découverte de complexes archéologiques. Mais ceux-ci ne peuvent qu’être endommagés du fait du conflit et de l’urgence des travaux. C’est ce qui est arrivé en mai à quelques kilomètres au nord d’Odessa, <a href="https://www.lefigaro.fr/culture/patrimoine/des-soldats-ukrainiens-decouvrent-des-amphores-grecques-dans-leur-tranchee-20220518">où des militaires ont découvert des tessons et amphores</a> qu’ils ont aussitôt apporté au musée archéologique de la ville.</p>
<p>Les musées ukrainiens mènent depuis la fin février une politique de <a href="http://hub.promuseum.org/rm/about.xhtml">protection de leurs collections</a>, en les emballant ou en les évacuant vers des endroits plus sûrs.</p>
<p>Cette démarche est soutenue par différentes institutions et associations européennes, qui fournissent du matériel de protection, mais aussi des scanners pour préserver les archives. Ainsi le <a href="https://ukraina.nid.pl/en/polish-support-center-for-culture-in-ukraine/">Polish Support Center for Culture in Ukraine</a> coordonne l’aide de plusieurs musées européens notamment pour les musées de Kyiv, d’Odessa et d’Izmaïl et la réserve archéologique d’Olbia, aux riches collections antiques. L’aide est beaucoup plus limitée dans les villes les plus exposées aux combats (Kharkiv, Mikolayiv).</p>
<p>Cette solidarité internationale s’est aussi illustrée dès le 28 février 2022 par un <a href="https://www.sucho.org/">effort de sauvegarde des ressources numériques</a> sur le patrimoine ukrainien, ce qui inclut les archives en ligne des revues scientifiques.</p>
<p>Mais toutes les collections n’ont pas pu être mises à l’abri à temps, notamment dans le sud de l’Ukraine, où les villes sont tombées très rapidement aux mains des envahisseurs ou ont été encerclées.</p>
<h2>Propagande russe</h2>
<p>Le musée régional des traditions locales de Kherson <a href="https://vk.com/wall-16957387_3458?lang=en">a réouvert</a>. À Melitopol, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Melitopol">où l’armée russe est entrée dès le 25 février</a>, le sort des collections est mieux connu. Les principaux objets <a href="https://www.nytimes.com/2022/04/30/world/europe/ukraine-scythia-gold-museum-russia.html">ont été dissimulés par les responsables du musée</a> dans l’espoir qu’ils échappent aux Russes et qu’ils puissent être évacués vers le territoire ukrainien non occupé.</p>
<p>Après leur découverte par les troupes russes, les médias russes ont titré sur la <a href="https://ria.ru/20220429/melitopol-1786107291.html">préservation de la collection</a>, car les troupes russes ont empêché l’évacuation. Le directeur du musée, nouvellement nommé par l’administration russe, E. Gorlachev <a href="https://www.youtube.com/watch?v=uQ4rDyzEMBY">a ainsi présenté aux médias russes</a> une partie des collections « préservées », qui inscrivent pour le public russe Mélitopol dans le monde russe : les objets d’art scythe et les collections militaires liées notamment à la Grande guerre patriotique, autrement dit la Seconde guerre mondiale.</p>
<p>La propagande russe insiste ainsi sur la volonté de maintenir les collections sur place, probablement dans l’idée que ces territoires du sud de l’Ukraine ont vocation à être intégrés à la Russie.</p>
<p>À Marioupol, encerclée dès le 2 mars, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Marioupol_(2022)#Si%C3%A8ge_de_Marioupol">musée a subi des dégâts importants lors des combats</a>. Le sort des collections est peu clair. <a href="https://www.rbc.ru/politics/29/04/2022/626be7f39a794700700940a4">La directrice du musée des traditions locales affirme qu’il ne reste que 5 % des collections, qu’elle a confiées aux autorités de l’autoproclamée République populaire de Donetsk</a> pour évacuation à Donetsk.</p>
<p>Si les autorités séparatistes mettent en avant la nécessité de la protection de la collection, du fait que le musée de Marioupol, fortement endommagé, n’est plus en mesure de préserver les collections, le Ministre de la Culture et de la Politique de l’information ukrainien, O. Tkatchenko s’inquiète, <a href="https://t.me/otkachenkokyiv/1530">sur son compte Telegram</a>, du sort final de ce patrimoine et craint que ces objets soient plus tard envoyés en Russie.</p>
<p>Le sort du reste de la collection est inconnu : dissimulé par des Ukrainiens, pillé, détruit pendant les combats ?</p>
<p><a href="https://gur.gov.ua/content/okupanty-hrabuiut-muzei-ta-pryvatni-kolektsii-v-khersonskii-oblasti-vkradene-vyvoziat-v-okupovanyi-krym.html">Selon la Direction principale du renseignement du ministère de la Défense de l’Ukraine</a>, des Russes armés visitent les résidences des collectionneurs privés, et envoient les objets précieux en Crimée. Si cette dernière affirmation doit être vérifiée, il n’en reste pas moins que le contrôle du patrimoine antique est un des enjeux de ce conflit, puisqu’il a une dimension identitaire forte.</p>
<h2>La Crimée, enjeu patrimonial et identitaire</h2>
<p>Cette dimension identitaire était déjà un enjeu important avec l’occupation de la Crimée par la Russie en 2014. Le patrimoine archéologique de cette région <a href="https://leplus.nouvelobs.com/contribution/1181275-ukraine-russie-crimee-mais-a-qui-appartiennent-maintenant-les-tresors-antiques.html">est depuis lors au cœur d’un conflit entre la Russie et l’Ukraine</a>.</p>
<p>L’exposition <a href="https://allardpierson.nl/wp-content/uploads/2019/07/persbericht-de-krim-gouden-en-geheimen-van-de-zwarte-zee.pdf">« La Crimée : or et secrets de la mer Noire »</a> organisée à Amsterdam en 2014 abritait des objets en provenance des musées ukrainiens de Crimée, liés notamment au monde scythe.</p>
<p>Les Scythes vivaient dans les steppes du nord de la mer Noire du VIII<sup>e</sup> siècle au III<sup>e</sup> siècle avant J.-C. avec des poches qui se sont maintenues en Crimée et en Dobroudja jusqu’au I<sup>er</sup> siècle avant J.-C.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-lart-devient-une-prise-de-guerre-le-cas-des-objets-scythes-dukraine-184121">Quand l’art devient une prise de guerre : le cas des objets scythes d’Ukraine</a>
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<p>La question du retour de ces objets en Ukraine ou en Crimée occupée par la Russie a été l’objet d’un procès aux Pays-Bas, <a href="https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/patrimoine-duel-russo-ukrainien-pour-lor-des-scythes">remporté en première instance et en appel par l’Ukraine</a>. Les musées de Crimée <a href="https://ria.ru/20220128/krym-1769906580.html">se sont pourvus en cassation en janvier 2022</a>.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/477137/original/file-20220802-4891-q9c9pb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/477137/original/file-20220802-4891-q9c9pb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=923&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/477137/original/file-20220802-4891-q9c9pb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=923&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/477137/original/file-20220802-4891-q9c9pb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=923&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/477137/original/file-20220802-4891-q9c9pb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1160&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/477137/original/file-20220802-4891-q9c9pb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1160&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/477137/original/file-20220802-4891-q9c9pb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1160&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La Mixoparthénos, statue emblématique du musée archéologique de Kertch, toujours conservée à Amsterdam, Iᵉʳ-IIᵉ siècle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Carole Raddato from FRANKFURT, Germany, CC BY-SA 2.0</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au mois de mars 2022, des responsables criméens espéraient la mise en place d’un gouvernement prorusse à Kiev, <a href="https://ria.ru/20220313/zoloto-1777902545.html">qui aurait rendu les artefacts aux musées criméens</a> en cas de nouvelle victoire juridique ukrainienne.</p>
<p>Il est donc important de contrôler ces artefacts non seulement pour des questions politiques liées à la reconnaissance juridique du contrôle de la Crimée, (qui fait partie des buts de guerre de la Russie), mais également pour des questions patrimoniales et identitaires, <a href="https://theconversation.com/quand-lart-devient-une-prise-de-guerre-le-cas-des-objets-scythes-dukraine-184121">du fait du rôle des Scythes dans le roman national des deux pays</a>.</p>
<p>L’autre point de tension sont les <a href="https://www.radiosvoboda.org/a/crimea-archaeological-treasures-russia/31341769.html">très nombreuses fouilles aussi bien de sauvetage – réalisées à l’occasion de travaux de construction- que programmées – organisées chaque année sur un même site – réalisées par des institutions russes sur le territoire de la Crimée</a>.</p>
<p>Du fait de la quasi-absence de reconnaissance internationale de l’administration russe de la Crimée, les institutions ukrainiennes considèrent ces fouilles comme illégales et ont inscrit les <a href="https://zakon.rada.gov.ua/laws/show/n0002525-19#Text">principaux fouilleurs sur une liste noire</a> /), les interdisant notamment d’entrée sur le territoire ukrainien.</p>
<p>[<em>Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Des chercheurs roumains, italiens, français… sont également inscrits sur ces listes pour leur participation à des fouilles ou à des évènements scientifiques en Crimée depuis 2014.</p>
<p>La réserve archéologique de Chersonèse à Sébastopol, dans le sud-ouest de la Crimée, se transforme depuis 2017 à en <a href="https://khpg.org/en/1608808930">« centre historique panrusse associé à la formation de la nation russe et de l’État russe unifié »</a> suite à une initiative de Vladimir Poutine visant à lui donner une nette dimension identitaire.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/477176/original/file-20220802-9575-3wlvj8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/477176/original/file-20220802-9575-3wlvj8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=478&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/477176/original/file-20220802-9575-3wlvj8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=478&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/477176/original/file-20220802-9575-3wlvj8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=478&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/477176/original/file-20220802-9575-3wlvj8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/477176/original/file-20220802-9575-3wlvj8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/477176/original/file-20220802-9575-3wlvj8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Ruines de la ville de Chersonèse.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La préservation du patrimoine et d’institutions de recherche capables de tenir un discours scientifique, notamment sur l’Antiquité est un des enjeux du conflit pour l’Ukraine, alors que la Russie de Vladimir Poutine nie l’identité ukrainienne et se sert de la culture pour justifier son invasion en <a href="https://www.nicematin.com/conflits/a-moscou-une-exposition-met-en-scene-la-cruaute-de-lotan-en-plein-conflit-en-ukraine-765420">organisant des expositions en Russie sur le conflit</a> et dans les territoires occupés <a href="https://ria.ru/20220522/melitopol-1790047332.html">sur l’administration russe de la région</a>.</p>
<p>La guerre menée depuis le 24 févier 2022 par Moscou en Ukraine est lourde de conséquences au plan humain et matériel. Elle entraîne également un dommage collatéral de taille : le riche patrimoine archéologique du sud et de l’est de l’Ukraine est aujourd’hui menacé. Il faut dire que ces zones, particulièrement touchées par l’invasion russe, sont aussi celles où se concentrent des sites archéologiques majeurs ainsi que les institutions qui en recensent les trésors et les conservent.</p>
<p>La guerre en Ukraine a mis fin à la <a href="https://ipiend.gov.ua/en/news/the-national-academy-of-sciences-of-ukraine-on-suspension-of-cooperation-with-scientists-of-the-russian-federation-in-the-publishing-field/">collaboration entre les chercheurs russes et ukrainiens</a> qui domine la recherche sur l’histoire ancienne du nord de la mer Noire.</p>
<p>Si les institutions scientifiques comme le <a href="https://www.theartnewspaper.com/2022/06/24/no-one-can-interfere-with-our-offensive-hermitage-director-mikhail-piotrovsky-compares-russian-export-of-culture-to-countrys-operation-in-ukraine">musée de l’Ermitage</a> à Saint-Pétersbourg et quelques chercheurs russes soutiennent bruyamment l’intervention militaire russe en Ukraine, une partie des spécialistes de l’histoire ancienne de cette région a trouvé plus prudent de garder le silence ou de passer le printemps en Europe centrale ou occidentale.</p>
<p>L’essentiel des collaborations entre les institutions scientifiques russes et leurs homologues occidentales ont été suspendues depuis le début de l’invasion russe. C’est le cas aussi bien <a href="https://www.cnrs.fr/fr/le-cnrs-suspend-toutes-nouvelles-formes-de-collaborations-scientifiques-avec-la-russie">pour le CNRS</a> que pour les institutions dont sont issus les archéologues polonais qui fouillaient avec des Russes à <a href="https://whc.unesco.org/fr/listesindicatives/5422/">Tanaïs</a>, site grec du III<sup>e</sup>-Ier siècle, près de Rostov-sur-le Don.</p>
<p>Les recherches archéologiques menées en Ukraine sur le patrimoine antique sont suspendues du fait du manque de disponibilité des archéologues ukrainiens et du danger. Les fouilles ukraino-polonaises <a href="http://blackseaproject.iaepan.edu.pl/en/news/archaeological-campaign-2022-canceled">à Olbia du Pont</a> sont ainsi interrompues, du fait de la proximité de la ligne de front, mais le travail de recherche à distance se poursuit.</p>
<h2>Les combats dégradent des sites archéologiques</h2>
<p>Les combats menacent les sites archéologiques et les musées. Des kourganes (tumuli recouvrant des tombes), dont certains utilisés pendant plusieurs millénaires, <a href="https://www.thetimes.co.uk/article/russian-troops-are-destroying-ancient-nomadic-tombs-5g00c96xs">ont ainsi été endommagés dans la région de Kherson</a> par les travaux de fortifications ou par les combats. Ils constituent en effet des points hauts dans un paysage de steppe et servent traditionnellement d’observatoire lors des conflits.</p>
<p>[<em>Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p><a href="https://ukrainer.net/olbia-grande-cite-antique/">La réserve archéologique d’Olbia</a>, située à l’ouest du port de Mykolayiv, au sud de l’Ukraine, <a href="http://blackseaproject.iaepan.edu.pl/en/news/bombing-olbia">a également reçu des projectiles russes</a>.</p>
<p>Les travaux de fortification et leur corollaire, le creusement de tranchées, permettent la découverte de complexes archéologiques. Mais ceux-ci ne peuvent qu’être endommagés du fait du conflit et de l’urgence des travaux. C’est ce qui est arrivé en mai à quelques kilomètres au nord d’Odessa, <a href="https://www.lefigaro.fr/culture/patrimoine/des-soldats-ukrainiens-decouvrent-des-amphores-grecques-dans-leur-tranchee-20220518">où des militaires ont découvert des tessons et amphores</a> qu’ils ont aussitôt apporté au musée archéologique de la ville.</p>
<p>Les musées ukrainiens mènent depuis la fin février une politique de <a href="http://hub.promuseum.org/rm/about.xhtml">protection de leurs collections</a>, en les emballant ou en les évacuant vers des endroits plus sûrs.</p>
<p>Cette démarche est soutenue par différentes institutions et associations européennes, qui fournissent du matériel de protection, mais aussi des scanners pour préserver les archives. Ainsi le <a href="https://ukraina.nid.pl/en/polish-support-center-for-culture-in-ukraine/">Polish Support Center for Culture in Ukraine</a> coordonne l’aide de plusieurs musées européens notamment pour les musées de Kyiv, d’Odessa et d’Izmaïl et la réserve archéologique d’Olbia, aux riches collections antiques. L’aide est beaucoup plus limitée dans les villes les plus exposées aux combats (Kharkiv, Mikolayiv).</p>
<p>Cette solidarité internationale s’est aussi illustrée dès le 28 février 2022 par un <a href="https://www.sucho.org/">effort de sauvegarde des ressources numériques</a> sur le patrimoine ukrainien, ce qui inclut les archives en ligne des revues scientifiques.</p>
<p>Mais toutes les collections n’ont pas pu être mises à l’abri à temps, notamment dans le sud de l’Ukraine, où les villes sont tombées très rapidement aux mains des envahisseurs ou ont été encerclées.</p>
<h2>Propagande russe</h2>
<p>Le musée régional des traditions locales de Kherson <a href="https://vk.com/wall-16957387_3458 ?lang=en">a réouvert</a>. À Melitopol, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Melitopol">où l’armée russe est entrée dès le 25 février</a>, le sort des collections est mieux connu. Les principaux objets <a href="https://www.nytimes.com/2022/04/30/world/europe/ukraine-scythia-gold-museum-russia.html">ont été dissimulés par les responsables du musée</a> dans l’espoir qu’ils échappent aux Russes et qu’ils puissent être évacués vers le territoire ukrainien non occupé.</p>
<p>Après leur découverte par les troupes russes, les médias russes ont titré sur la <a href="https://ria.ru/20220429/melitopol-1786107291.html">préservation de la collection</a>, car les troupes russes ont empêché l’évacuation. Le directeur du musée, nouvellement nommé par l’administration russe, E. Gorlachev <a href="https://www.youtube.com/watch ?v=uQ4rDyzEMBY">a ainsi présenté aux médias russes</a> une partie des collections “préservées”, qui inscrivent pour le public russe Mélitopol dans le monde russe : les objets d’art scythes et les collections militaires liées notamment à la Grande guerre patriotique, autrement dit la Seconde guerre mondiale.</p>
<p>La propagande russe insiste ainsi sur la volonté de maintenir les collections sur place, probablement dans l’idée que ces territoires du sud de l’Ukraine ont vocation à être intégrés à la Russie.</p>
<p>À Marioupol, encerclée dès le 2 mars, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Marioupol_(2022)#Si %C3 %A8ge_de_Marioupol">musée a subi des dégâts importants lors des combats</a>. Le sort des collections est peu clair. <a href="https://www.rbc.ru/politics/29/04/2022/626be7f39a794700700940a4">La directrice du musée des traditions locales affirme qu’il ne reste que 5 % des collections, qu’elle a confiées aux autorités de l’autoproclamée République populaire de Donetsk</a> pour évacuation à Donetsk.</p>
<p>Si les autorités séparatistes mettent en avant la nécessité de la protection de la collection, du fait que le musée de Marioupol, fortement endommagé, n’est plus en mesure de préserver les collections, le Ministre de la Culture et de la Politique de l’information ukrainien, O. Tkatchenko s’inquiète, <a href="https://t.me/otkachenkokyiv/1530">sur son compte Telegram</a>, du sort final de ce patrimoine et craint que ces objets soient plus tard envoyés en Russie.</p>
<p>Le sort du reste de la collection est inconnu : dissimulé par des Ukrainiens, pillé, détruit pendant les combats ?</p>
<p><a href="https://gur.gov.ua/content/okupanty-hrabuiut-muzei-ta-pryvatni-kolektsii-v-khersonskii-oblasti-vkradene-vyvoziat-v-okupovanyi-krym.html">Selon la Direction principale du renseignement du ministère de la Défense de l’Ukraine</a>, des Russes armés visitent les résidences des collectionneurs privés, et envoient les objets précieux en Crimée. Si cette dernière affirmation doit être vérifiée, il n’en reste pas moins que le contrôle du patrimoine antique est un des enjeux de ce conflit, puisqu’il a une dimension identitaire forte.</p>
<h2>La Crimée, enjeu patrimonial et identitaire</h2>
<p>Cette dimension identitaire était déjà un enjeu importante avec l’occupation de la Crimée par la Russie en 2014. Le patrimoine archéologique de cette région <a href="https://leplus.nouvelobs.com/contribution/1181275-ukraine-russie-crimee-mais-a-qui-appartiennent-maintenant-les-tresors-antiques.html">est depuis lors au cœur d’un conflit entre la Russie et l’Ukraine</a>.</p>
<p>L’exposition <a href="https://allardpierson.nl/wp-content/uploads/2019/07/persbericht-de-krim-gouden-en-geheimen-van-de-zwarte-zee.pdf">« La Crimée : or et secrets de la mer Noire »</a>organisée à Amsterdam en 2014 abritait des objets en provenance des musées ukrainiens de Crimée, liés notamment au monde scythe.</p>
<p>Les Scythes vivaient dans les steppes du nord de la mer Noire du VIII<sup>e</sup> siècle au III<sup>e</sup> siècle avant J.-C. avec des poches qui se sont maintenues en Crimée et en Dobroudja jusqu’au I<sup>er</sup> siècle avant J.-C.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-lart-devient-une-prise-de-guerre-le-cas-des-objets-scythes-dukraine-184121">Quand l’art devient une prise de guerre : le cas des objets scythes d’Ukraine</a>
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<p>La question du retour de ces objets en Ukraine ou en Crimée occupée par la Russie a été l’objet d’un procès aux Pays-Bas, <a href="https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/patrimoine-duel-russo-ukrainien-pour-lor-des-scythes">remporté en première instance et en appel par l’Ukraine</a>. Les musées de Crimée <a href="https://ria.ru/20220128/krym-1769906580.html">se sont pourvus en cassation en janvier 2022</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/477137/original/file-20220802-4891-q9c9pb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/477137/original/file-20220802-4891-q9c9pb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=923&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/477137/original/file-20220802-4891-q9c9pb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=923&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/477137/original/file-20220802-4891-q9c9pb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=923&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/477137/original/file-20220802-4891-q9c9pb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1160&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/477137/original/file-20220802-4891-q9c9pb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1160&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/477137/original/file-20220802-4891-q9c9pb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1160&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La Mixoparthénos, statue emblématique du musée archéologique de Kertch, toujours conservée à Amsterdam, Iᵉʳ-IIᵉ siècle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Carole Raddato from FRANKFURT, Germany, CC BY-SA 2.0</span></span>
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</figure>
<p>Au mois de mars 2022, des responsables criméens espéraient la mise en place d’un gouvernement prorusse à Kiev, <a href="https://ria.ru/20220313/zoloto-1777902545.html">qui aurait rendu les artefacts aux musées criméens</a> en cas de nouvelle victoire juridique ukrainienne.</p>
<p>Il est donc important de contrôler ces artefacts non seulement pour des questions politiques liées à la reconnaissance juridique du contrôle de la Crimée, (qui fait partie des buts de guerre de la Russie), mais également pour des questions patrimoniales et identitaires, <a href="https://theconversation.com/quand-lart-devient-une-prise-de-guerre-le-cas-des-objets-scythes-dukraine-184121">du fait du rôle des Scythes dans le roman national des deux pays</a>.</p>
<p>L’autre point de tension sont les <a href="https://www.radiosvoboda.org/a/crimea-archaeological-treasures-russia/31341769.html">très nombreuses fouilles aussi bien de sauvetage – réalisées à l’occasion de travaux de construction- que programmées – organisées chaque année sur un même site – réalisées par des institutions russes sur le territoire de la Crimée</a>.</p>
<p>Du fait de la quasi-absence de reconnaissance internationale de l’administration russe de la Crimée, les institutions ukrainiennes considèrent ces fouilles comme illégales et ont inscrit les <a href="https://zakon.rada.gov.ua/laws/show/n0002525-19#Text">principaux fouilleurs sur une liste noire</a>, les interdisant notamment d’entrée sur le territoire ukrainien.</p>
<p>Des chercheurs roumains, italiens, français… sont également inscrits sur ces listes pour leur participation à des fouilles ou à des évènements scientifiques en Crimée depuis 2014.</p>
<p>La réserve archéologique de Chersonèse à Sébastopol, dans le sud-ouest de la Crimée, se transforme depuis 2017 à en <a href="https://khpg.org/en/1608808930">« centre historique panrusse associé à la formation de la nation russe et de l’État russe unifié »</a> suite à une initiative de Vladimir Poutine visant à lui donner une nette dimension identitaire.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/477176/original/file-20220802-9575-3wlvj8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/477176/original/file-20220802-9575-3wlvj8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=478&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/477176/original/file-20220802-9575-3wlvj8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=478&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/477176/original/file-20220802-9575-3wlvj8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=478&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/477176/original/file-20220802-9575-3wlvj8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/477176/original/file-20220802-9575-3wlvj8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/477176/original/file-20220802-9575-3wlvj8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Ruines de la ville de Chersonèse.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La préservation du patrimoine et d’institutions de recherche capables de tenir un discours scientifique, notamment sur l’Antiquité est un des enjeux du conflit pour l’Ukraine, alors que la Russie de Vladimir Poutine nie l’identité ukrainienne et se sert de la culture pour justifier son invasion en <a href="https://www.nicematin.com/conflits/a-moscou-une-exposition-met-en-scene-la-cruaute-de-lotan-en-plein-conflit-en-ukraine-765420">organisant des expositions en Russie sur le conflit</a> et dans les territoires occupés <a href="https://ria.ru/20220522/melitopol-1790047332.html">sur l’administration russe de la région</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186794/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thibaut Castelli ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Collections menacées, sites archéologiques endommagés, collaborations de recherche suspendues… le patrimoine archéologique du sud et de l’est de l’Ukraine paie un lourd tribut à la guerre.Thibaut Castelli, Chercheur associé, spécialisé dans l'étude de la mer Noire antique, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1859272022-06-28T17:06:23Z2022-06-28T17:06:23ZL’australopithèque Lucy ne fut pas la seule passion d’Yves Coppens<p>Yves Coppens s’est éteint le 22 juin 2022. Il a été salué en tant que découvreur de la fameuse australopithèque <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Lucy_(australopith%C3%A8que)">Lucy</a>, fossile daté de 3,18 millions d’années. Pourtant, comme le disait lui-même le paléoanthropologue, <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/yves-coppens-raconte-sa-vie-au-theatre-il-ny-a-pas-que-lucy-dans-la-vie-10-04-2022-M7OVUXD5RVDTFEDS5LOGA7T2X4.php">« il n’y a pas que Lucy dans la vie »</a>. Yves Coppens a de fait acquis sa stature de scientifique renommé dès les années 1960, en particulier grâce à ses recherches au Tchad et dans la basse vallée de l’Omo en Éthiopie. Ces travaux précurseurs sont à la base de ses contributions très fécondes à notre compréhension de l’évolution humaine.</p>
<p>Au Tchad, Yves Coppens marcha dans les pas des hydrogéologues Jacques Barbeau et Jacques Abadie, tombés fortuitement sur des vertébrés fossiles du côté de la vallée asséchée du Bahr-el-Ghazal. <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7304/f1458.item">Chargé d’étudier ce matériel collecté en 1955 et 1957</a>, l’attaché de recherches au CNRS conduisit à 25 ans une première mission dans ce pays. Il fit en tout quatre missions et 14 mois de terrain au Tchad entre 1960 et 1966. Ces expéditions sahariennes lui permirent de réaliser de nombreuses découvertes paléontologiques et archéologiques, la moitié nord du bassin du lac Tchad se révélant à la fois riche en vestiges et, par ses vents intenses, propice à leur mise au jour.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/471427/original/file-20220628-14433-67yuvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/471427/original/file-20220628-14433-67yuvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/471427/original/file-20220628-14433-67yuvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/471427/original/file-20220628-14433-67yuvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/471427/original/file-20220628-14433-67yuvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/471427/original/file-20220628-14433-67yuvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/471427/original/file-20220628-14433-67yuvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Quelques-uns des fossiles découverts par Yves Coppens dans le désert du Djourab, dans le Nord du Tchad. Du haut vers le bas et de gauche à droite : rangée dentaire de girafe, mandibule de crocodile, molaire de rhinocéros, mâchoire inférieure d’hippopotame, molaire d’éléphant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Figure composite modifiée d’après un article d’Yves Coppens</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Intéressé en premier lieu par les fossiles les plus anciens, Yves Coppens ne dédaigna pas pour autant les témoignages d’activités humaines beaucoup plus récentes, <a href="https://pascal-francis.inist.fr/vibad/index.php?action=getRecordDetail&idt=27869444">décrivant</a> ainsi des céramiques et des harpons en os <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Protohistoire">« protohistoriques »</a> de quelques milliers d’années.</p>
<p>Il publia également une série de notes sur les faunes de vertébrés fossiles beaucoup plus anciens. Comparant ces restes avec ceux des gisements est africains, qui livraient depuis la fin des années 1950 des <a href="https://afanporsaber.com/wp-content/uploads/2017/08/A-new-fossil-skull-from-Olduvai.pdf">fossiles humains de près de 2 millions d’années (2 Ma)</a>, il publia une première <a href="https://pascal-francis.inist.fr/vibad/index.php?action=getRecordDetail&idt=GEODEBRGM6811012030">esquisse</a> de l’évolution <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Quaternaire">quaternaire</a> des faunes tchadiennes.</p>
<h2>La « Vallée des Rois » de la paléontologie</h2>
<p>Yves Coppens prit ensuite la tête du contingent français d’une grande expédition internationale baptisée <em>International Omo Research Expedition</em> (IORE). Elle avait pour objectif les riches dépôts fossilifères de la basse vallée de l’Omo dans l’extrême sud-ouest de l’Éthiopie, et notamment la Formation de Shungura, prospectée par Camille Arambourg en 1933. Cette impressionnante séquence de près de 800 mètres d’épaisseur, fracturée par la tectonique en de multiples blocs affleurants sur une surface deux fois grande comme Paris, a enregistré plus de 2,5 millions d’années d’histoire à cheval sur le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Plioc%C3%A8ne">Pliocène</a> et le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pl%C3%A9istoc%C3%A8ne">Pléistocène</a>.</p>
<p>Pour s’attaquer à cette <a href="https://whc.unesco.org/fr/soc/2073">« Vallée des Rois »</a> de la paléontologie, Yves Coppens sut s’entourer d’une équipe remarquable : on retrouve son épouse Françoise aux côtés de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=UzmD74fy4Yo">Raymonde Bonnefille</a> (spécialiste de la végétation fossile), <a href="https://journals.openedition.org/aaa/264">Jean Chavaillon</a> (géologue et préhistorien), <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Claude_Guillemot_(artiste)">Claude Guillemot</a> (artiste-peintre devenu paléontologue de terrain), et bien d’autres…</p>
<p>Dès la première année, en 1967, l’équipe mit au jour des restes de plus de 2,5 Ma appartenant à une nouvelle espèce « humaine », <a href="https://journals.co.za/doi/pdf/10.10520/AJA00382353_4440"><em>Paranthropus aethiopicus</em></a>. Jusqu’en 1976, Shungura livra à l’IORE des dizaines de milliers de fossiles dont de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0047248477801243">nombreux restes humains</a>, les <a href="https://www.persee.fr/doc/bspf_0249-7638_1970_num_67_1_10428">outils taillés les plus anciens connus</a> à l’époque, et d’abondantes données sur les <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3322583g/f17.item.texteImage">changements environnementaux</a> entre 3,6 Ma et 1 Ma. Les collections ainsi constituées sont depuis devenues des références incontournables pour les chercheurs du monde entier travaillant sur l’évolution humaine au Plio-Pléistocène, et sont la raison du classement de la basse vallée de l’Omo au <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/17/">patrimoine mondial</a> en 1980.</p>
<p>Devant un tel palmarès, il n’est pas étonnant que le jeune géologue <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k48024548/f5.item.texteImage">Maurice Taieb</a> se soit tourné vers le chef des prestigieuses missions françaises dans l’Omo pour l’aider à développer de nouvelles recherches paléontologiques à l’autre bout de l’Éthiopie. C’était en 1972 à Hadar, et deux ans plus tard, avec Raymonde Bonnefille et un autre ancien de l’IORE, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Donald_Johanson">Donald Johanson</a>, ils y découvraient Lucy…</p>
<h2>L’hypothèse de l’<em>(H)Omo Event</em></h2>
<p>Mais pour Yves Coppens, l’action sur le terrain ne suffisait pas : cet amoureux de la synthèse ne tarda donc pas à formuler des propositions théoriques sur l’évolution humaine. En 1975, <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9814450j/f83.item">ses travaux dans l’Omo</a> lui fournirent les bases d’une hypothèse qu’il intitula par la suite <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/paleontologie/yves-coppens-homo-est-un-genie-produit-d-un-changement-climatique_21828"><em>(H)Omo Event</em></a>. Selon lui, le refroidissement du climat mondial et l’aridification de l’Afrique orientale entre 3 Ma et 2,5 Ma auraient conduit à une double réponse adaptative de la lignée humaine : un cerveau plus développé et la capacité de fabriquer des outils de pierre taillée. Et voilà la naissance du genre <em>Homo</em> expliquée ! Dans ses grandes lignes, cette hypothèse reste au cœur de la recherche actuelle.</p>
<p>En 1983, dans <a href="https://www.fayard.fr/sciences-humaines/le-singe-lafrique-et-lhomme-9782213012728">« le singe, l’Afrique et l’homme »</a>, Yves Coppens promut une autre hypothèse conditionnant l’acquisition de la bipédie par la lignée humaine à la formation du rift est-africain et à ses conséquences climatiques : à l’Ouest, dans la forêt, les ancêtres des chimpanzés ; à l’Est, dans une savane de plus en plus ouverte, nos ancêtres. Si cette <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/East_Side_Story">« East Side Story »</a> doit beaucoup à ses travaux en Afrique orientale, il n’est pas impossible que l’absence de restes humains très anciens dans ses découvertes tchadiennes l’ait également mené à percevoir le Grand Rift comme une barrière biogéographique.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/471428/original/file-20220628-14648-ryc829.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/471428/original/file-20220628-14648-ryc829.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/471428/original/file-20220628-14648-ryc829.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/471428/original/file-20220628-14648-ryc829.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/471428/original/file-20220628-14648-ryc829.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/471428/original/file-20220628-14648-ryc829.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/471428/original/file-20220628-14648-ryc829.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/471428/original/file-20220628-14648-ryc829.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Couverture du livre d’Yves Coppens, <em>Le singe, l’Afrique et l’homme</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Exemplaire personnel de l’auteur</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par ses missions de part et d’autre du rift, ses hypothèses et sa générosité, Yves Coppens a inspiré plusieurs générations de paléontologues et de nouvelles découvertes en Afrique. C’est évidemment le cas pour la <a href="http://palevoprim.labo.univ-poitiers.fr/2018/06/19/tchad/">Mission paléoanthropologique franco-tchadienne</a> créée par le paléontologue <a href="https://www.youtube.com/watch?v=QwPQNgPZFXU">Michel Brunet</a>, équipe qui découvrit le premier australopithèque tchadien <a href="https://sci-hub.se/10.1038/378273a0"><em>Australopithecus bahrelghazali</em></a> en 1995 puis, en 2001, du plus ancien représentant de la lignée humaine connu à ce jour, <a href="https://sci-hub.se/10.1038/nature00879"><em>Sahelanthropus tchadensis</em></a> (Toumaï), daté aux alentours de 7 Ma. Ces découvertes s’accordent mal avec <em>East Side Story</em>, Yves Coppens <a href="https://www.larecherche.fr/yves-coppens-%C2%AB-least-side-story-nexiste-plus-%C2%BB">annonça alors officiellement la remise en cause de son hypothèse</a>.</p>
<p>Quant à l’Omo, une <a href="http://palevoprim.labo.univ-poitiers.fr/wp-content/uploads/2021/07/microscoop-66-juillet-012-vallee-omo-web.pdf">nouvelle équipe</a> a réinvesti ce terrain avec son soutien à partir de 2006 notamment dans l’idée de tester son <em>(H)Omo Event</em>. Les fossiles sont au rendez-vous, notamment les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0047248416301804 ?via %3Dihub">restes humains</a>, et les analyses sont en cours.</p>
<p>Si on ajoute à cela les autres terrains d’Yves Coppens, notamment en Asie, et les très nombreuses personnes qui ont conçu un attrait pour notre histoire évolutive grâce à ses conférences, ses livres et ses chaleureuses interventions dans les médias, vous comprenez pourquoi « il n’y a pas que Lucy » qui se sente orpheline depuis le 22 juin dernier.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185927/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Renaud Boisserie ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les découvertes d’Yves Coppens au Tchad et en Éthiopie sont l’une des bases de notre compréhension de l’évolution humaine.Jean-Renaud Boisserie, Directeur de recherche au CNRS, paléontologue, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1841212022-05-31T18:58:03Z2022-05-31T18:58:03ZQuand l’art devient une prise de guerre : le cas des objets scythes d’Ukraine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/466315/original/file-20220531-16-oozv7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C22%2C780%2C729&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Collier-pectoral en or du Kourgane royal d'Ordjonikidze (Ukraine). Art gréco-scythe, seconde moitié du ive siècle av. J.-C., musée des trésors historiques de l'Ukraine, Kiev.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Scythes#/media/Fichier:Pektoral111.JPG">Wikipédia</a></span></figcaption></figure><p>Il n’est pas rare que les conflits armés emportent dans la spirale de la violence des objets d’art et de culture : le cas de l’attaque de l’Ukraine par la Russie en donne un exemple très frappant. Dès le début de la guerre, le 24 février 2022, l’armée russe prend la ville de Melitopol, située dans le Sud du pays, près de la mer d’Azov, dans le couloir stratégique qui, s’il était conquis, permettrait de relier au territoire russe la Crimée annexée en 2014. Mais l’objectif n’est pas que militaire : en s’emparant de la ville, les <a href="https://www.nytimes.com/2022/04/30/world/europe/ukraine-scythia-gold-museum-russia.html">soldats s’empressent de piller le musée local où se trouvent des artefacts d’art scythe, aujourd’hui introuvables</a>.</p>
<p><a href="https://twitter.com/RFERL/status/1520653578712481793">« Les orques se sont emparées de notre or scythe »</a>, déclare alors le maire de la ville, Ivan Fedorov, popularisant une expression qui devient rapidement virale pour désigner les envahisseurs russes. L’attaque était de toute évidence ciblée : la directrice du musée d’histoire locale de Melitopol, <a href="https://www.rferl.org/a/russia-ukraine-looting-scythian-gold/31829109.html">Leila Ibrahimova, a rapporté à Radio Free Europe</a> que les soldats avaient demandé spécifiquement où se trouvaient ces objets précieux, cachés lors de l’approche des troupes ennemies. Elle a ajouté qu’ils étaient accompagnés d’un homme en combinaison blanche capable de manipuler ces objets et de les escamoter sans les abîmer.</p>
<p>Aux dernières nouvelles, la gardienne du musée qui a dévoilé l’emplacement des objets sous la menace des armes n’a plus donné signe de vie.</p>
<p>En tout, à Melitopol, ce sont 198 objets d’art qui auraient été escamotés, parmi lesquels des armes anciennes, des monnaies rares et surtout des artefacts en or qui constituaient la plus importante collection d’art scythe en Ukraine. Eux aussi ont disparu sans laisser de trace et il semble qu’ils n’aient pas alimenté le marché noir mondial des œuvres d’art volées.</p>
<p>Pourquoi ce vol a-t-il eu lieu ? Parce qu’autour de ces objets d’art se joue une querelle muséale, culturelle et mémorielle qui ouvre une nouvelle ligne de front dans le sanglant conflit russo-ukrainien.</p>
<h2>Les Scythes, de l’intérêt archéologique au mythe russe et slave</h2>
<p>Qui prononce le mot « scythe » convoque tout un imaginaire de la steppe primitive et sauvage, peuplée de cavaliers parés d’or qui sont autant de redoutables adversaires au combat. La fascination pour cet ensemble de cultures de l’Âge du fer, présentes en Europe et en Asie du VIII<sup>e</sup> au II<sup>e</sup> siècle avant Jésus-Christ, est ancienne en Occident. Dans ses <em>Histoires</em>, le Grec Hérodote (vers – 480 avant JC-vers – 425 avant JC) consacre tout un livre à cette peuplade réputée pour sa férocité, et on peut soupçonner les auteurs de la saga <em>Star Wars</em> d’être encore sous l’emprise de cette aura lorsqu’ils inventent des seigneurs siths à l’origine des luttes qui émaillent la galaxie.</p>
<p>Mais en contexte slave, les Scythes ont le statut d’ancêtres rêvés des peuples de l’Est de l’Europe. Cette culture orale, lointaine et à ce double titre ayant laissé peu de traces a néanmoins essaimé dans la steppe des <a href="https://archeorient.hypotheses.org/8427#:%7E:text=Le%20kourgane%2C%20mot%20d%E2%80%99origine,1">« kourganes »</a>.), ou monticules funéraires où étaient ensevelies les élites scythes. Dès le XVIII<sup>e</sup> siècle, on commence à ouvrir les tombes présentes sur le territoire russe de l’époque et on y découvre des artefacts témoignant de la richesse de cette civilisation : parmi eux, de splendides objets en or, montrant souvent des scènes de chasse ou de combat, dont la valeur artistique est évidente.</p>
<p>C’est en Ukraine, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Koul-Oba">dans la carrière de Koul-Oba</a> (« la Colline de cendre »), située dans l’actuelle Crimée, que l’on découvre en 1830 une tombe où reposent, accompagnés d’un serviteur, un homme et une femme entièrement recouverts d’or : cette première découverte d’ampleur, dans une expédition commanditée à l’origine par le tsar russe Alexandre I<sup>er</sup>, le vainqueur de Napoléon, mort en 1825, lance une opération de mythification générale des Scythes. Ils deviennent des aïeux glorieux, dont la maîtrise des armes n’a d’égale que celle des arts, et qui témoignent de l’existence précoce d’une grande civilisation extraeuropéenne dont les peuples slaves seraient les descendants.</p>
<p>Cette généalogie rêvée se heurte à certains obstacles historiques (au premier chef la définition exacte de ce qui est « scythe » : le sens étroit restreint l’usage à des peuples ayant vécu en Ukraine et au Caucase, un sens plus large englobe toute la steppe eurasiatique), mais elle sert à résorber le complexe culturel qu’a la Russie vis-à-vis de l’Europe. En se plaçant sous l’égide des Scythes, celle-ci n’est plus contrainte d’imiter servilement les grandes puissances européennes, mais peut se réclamer d’un modèle propre, d’une origine culturelle singulière et d’une puissance guerrière que la victoire contre Napoléon en 1815 vient justement de réactiver.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466319/original/file-20220531-12-hwai9t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466319/original/file-20220531-12-hwai9t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466319/original/file-20220531-12-hwai9t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466319/original/file-20220531-12-hwai9t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466319/original/file-20220531-12-hwai9t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466319/original/file-20220531-12-hwai9t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466319/original/file-20220531-12-hwai9t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le nationalisme romantique : Bataille entre Scythes et Slaves (Viktor Vasnetsov, 1881).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Scythes#/media/Fichier:%D0%91%D0%BE%D0%B9_%D1%81%D0%BA%D0%B8%D1%84%D0%BE%D0%B2_%D1%81%D0%BE_%D1%81%D0%BB%D0%B0%D0%B2%D1%8F%D0%BD%D0%B0%D0%BC%D0%B8.jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>Ce mythe scythe court ainsi durant tout le XIX<sup>e</sup> siècle et connaît un nouveau moment de gloire au début du XX<sup>e</sup> siècle où, dans le cadre du modernisme russe, philosophes et poètes n’hésitent pas à se déclarer « scythes » : le <a href="https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_2001_num_70_1_1343">mouvement « eurasiste »</a> déplace le centre de gravité de l’identité russe vers l’Est, tandis que le <a href="https://bibliotheque-russe-et-slave.com/Livres/Blok%20-%20Les%20Scythes.htm">long poème d’Alexandre Blok « Les Scythes » (1918)</a> assimile le flot menaçant des cavaliers nomades à la tempête révolutionnaire venue de l’Est et toute prête à se déverser sur l’Europe. Les Scythes sont ainsi compatibles avec la Révolution, ils en sont même les précurseurs : on ne s’étonnera pas que les expositions sur l’or scythe, prélevées notamment dans les collections du musée de l’Ermitage, ponctuent la diplomatie culturelle de l’URSS, dans laquelle elles font figure de manifestation de puissance et, peut-être, de menace voilée.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/466363/original/file-20220531-26-t0h7ly.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466363/original/file-20220531-26-t0h7ly.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466363/original/file-20220531-26-t0h7ly.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=719&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466363/original/file-20220531-26-t0h7ly.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=719&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466363/original/file-20220531-26-t0h7ly.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=719&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466363/original/file-20220531-26-t0h7ly.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=904&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466363/original/file-20220531-26-t0h7ly.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=904&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466363/original/file-20220531-26-t0h7ly.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=904&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Catalogue de l’exposition soviétique de 1975 à Paris.</span>
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</figure>
<h2>À qui sont les Scythes ?</h2>
<p>La Russie de Vladimir Poutine, lequel est un fervent défenseur de la doctrine eurasienne, a donc tout intérêt à récupérer pour elle ces grands ancêtres, quitte à piller un musée. Le sac du musée de Melitopol solde en effet une querelle muséale ouverte depuis 2014 entre la Russie et l’Ukraine. <a href="https://www.lejournaldesarts.fr/actualites/lukraine-recupere-lor-des-scythes-reclame-par-moscou-131131">En 2014, les Scythes ont refait surface dans l’actualité</a> : un musée d’Amsterdam avait consacré une exposition à l’or scythe d’Ukraine – et plus précisément de Crimée. Or, durant l’exposition, la Russie a annexé cette partie du territoire ukrainien. S’en est suivie une longue bataille judiciaire pour savoir à qui ces objets devaient être restitués : à l’Ukraine qui les avait prêtés ou à la Russie qui les réclamait ? En octobre 2021, un <a href="https://www.theartnewspaper.com/2021/10/27/crimean-gold-trove-must-return-to-ukraine-not-russia-dutch-court-rules">tribunal néerlandais tranchait en faveur de l’Ukraine</a> et les objets ont été envoyés au Musée de Melitopol. Pour les autorités ukrainiennes, c’était non seulement le signe que le droit était respecté, mais aussi le rappel que l’histoire scythe s’était jouée en grande partie sur les terres d’Ukraine.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/466351/original/file-20220531-14-o8jiis.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466351/original/file-20220531-14-o8jiis.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466351/original/file-20220531-14-o8jiis.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466351/original/file-20220531-14-o8jiis.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466351/original/file-20220531-14-o8jiis.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466351/original/file-20220531-14-o8jiis.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1129&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466351/original/file-20220531-14-o8jiis.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1129&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466351/original/file-20220531-14-o8jiis.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1129&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Sophia Schliemann arborant les bijoux du « Trésor de Priam ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/File:Sophia_schliemann_treasure.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
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<p>Or, ce sont en grande partie ces mêmes objets qui ont été pillés lors de l’occupation de Melitopol. La méthode n’est pas nouvelle, et les Russes ont souvent utilisé l’art comme prise de guerre : depuis 1994, le musée Pouchkine de Moscou expose le « trésor de Priam », à savoir la collection constituée par l’archéologue allemand Heinrich Schliemann en 1874 à partir des restes présumés de la ville de Troie et exposée à Berlin jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Disparue pendant des décennies, elle a finalement réapparu en Russie et le pays en a toujours refusé la restitution au titre du rôle joué par l’Armée rouge dans la libération de l’Europe.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/heinrich-schliemann-la-naissance-dun-archeologue-dans-la-france-du-second-empire-182246">Heinrich Schliemann : la naissance d’un archéologue dans la France du Second Empire</a>
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<p>Mais dans le contexte du conflit qui sévit depuis le 24 février 2022, c’est aussi une bataille mémorielle qui se joue autour des Scythes. Priver les Ukrainiens de leurs objets d’art scythe, les couper de ce peuple légendaire à l’aura culturelle et littéraire majeure, c’est consolider le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/02/22/l-ukraine-a-ete-creee-par-la-russie-bolchevique_6114747_3210.html">contre-récit poutinien qui consiste à nier l’existence historique de l’Ukraine, laquelle aurait en réalité été créée de toutes pièces par Lénine</a>.</p>
<p>Le vol de ces objets, effectué de manière calculée et dans une grande violence, a donc un but politique : pas d’objets d’art, pas d’histoire ; pas d’histoire, pas de Nation ; pas de Nation, pas de guerre mais une « opération spéciale » de maintien de l’ordre sur un territoire qui s’inscrirait naturellement dans la continuité du territoire russe.</p>
<p>Ce n’est pas la première fois que la Russie et l’Ukraine s’affrontent autour d’objets culturels qui engagent aussi l’affirmation d’une identité et d’une histoire : en 2009, à l’occasion du <a href="https://www.theguardian.com/world/2009/mar/31/nikolai-gogol-russia-ukraine">bicentenaire de la naissance de l’écrivain Nicolaï Gogol</a>, les historiens de la littérature des deux pays s’étaient enflammés pour savoir si le grand auteur natif de « Petite-Russie » était russe ou ukrainien. Ce ne sont pas non plus les seuls objets à subir les désastres de la guerre : la <a href="https://t.me/mariupolrada/9419">mairie de Marioupol a quant à elle fait état de 2000 vols</a>, incluant une Bible incunable de 1811, des tableaux des peintres <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Arkhip_Kou%C3%AFndji">Arkhip Kuindji</a> et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ivan_A%C3%AFvazovski">Ivan Aïvazovski</a>, des icônes rares et de nombreuses médailles anciennes. Mais nul doute que dans le butin de guerre, l’or des Scythes brille d’un éclat particulier.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184121/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Victoire Feuillebois ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Autour de ces objets d’art se joue une querelle muséale, culturelle et mémorielle qui ouvre une nouvelle ligne de front dans le sanglant conflit russo-ukrainien.Victoire Feuillebois, Assistant Professor in Russian Literature, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1822462022-05-12T19:11:53Z2022-05-12T19:11:53ZHeinrich Schliemann : la naissance d’un archéologue dans la France du Second Empire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/462770/original/file-20220512-10218-bzoz4c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=139%2C97%2C4466%2C2641&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une image extraite de l'ouvrage « Ilios, ville et pays des Troyens » d'Heinrich Schliemann. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k480188t.texteImage">BnF</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Il y a 200 ans naissait en Poméranie-Occidentale, un des Länder allemands situé sur la mer baltique <a href="https://www.schliemann-museum.de/schliemann-museum/">Heinrich Schliemann</a>, destiné à devenir un des plus célèbres archéologues de tous les temps : en 1873, il découvre en faisant des fouilles à Hissarlik ce qu’il pense être les restes de l’ancienne ville de <a href="https://ehne.fr/fr/node/21158">Troie</a> et le <a href="https://mywowo.net/fr/russie/moscou/musee-pouchkine/tresor-de-priam-salle-7">trésor de Priam</a>, souhaitant prouver ainsi l’existence historique de la ville homérique. En 1875, à <a href="https://www.namuseum.gr/collection/syllogi-mykinaikon-archaiotiton/">Mycènes</a>, il met à jour les tombes des rois, contenant le célèbre <a href="https://www.namuseum.gr/collection/syllogi-mykinaikon-archaiotiton/">masque dit d’Agamemnon</a>.</p>
<p>La vie de Schliemann est entourée de légendes. La plus persistante vient de ses <a href="https://books.openedition.org/editionsehess/3197">autobiographies</a>, et évoque l’origine de sa passion pour le monde d’Homère : enfant, son père lui aurait raconté les récits de l’Iliade, ce qui l’aurait fait rêver de découvrir l’ancienne ville de Troie. Son parcours, néanmoins, comprend un épisode peu étudié jusqu’ici, sa formation savante à Paris pendant les années 1866 à 1870, que ses archives, situées à la <a href="https://www.ascsa.edu.gr/index.php/archives/heinrich-schliemann-finding-aid/">American School of Classical Studies at Athens</a>, permettent de reconstituer. Mais avant de revenir sur ce moment qui marqua un tournant, il faut rappeler la vie de Schliemann qui, si elle ne correspond pas à ce qu’il prétend dans ses autobiographies, reste néanmoins accidentée et aventureuse.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/462807/original/file-20220512-10218-gjud0d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/462807/original/file-20220512-10218-gjud0d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/462807/original/file-20220512-10218-gjud0d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=672&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/462807/original/file-20220512-10218-gjud0d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=672&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/462807/original/file-20220512-10218-gjud0d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=672&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/462807/original/file-20220512-10218-gjud0d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=845&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/462807/original/file-20220512-10218-gjud0d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=845&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/462807/original/file-20220512-10218-gjud0d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=845&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un portrait de Schliemann, dans l’une de ses autobiographies.</span>
<span class="attribution"><span class="source">BnF</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Fils d’un pasteur protestant qui, en raison de ses mauvaises mœurs, n’eut pas les moyens de lui donner une éducation, l’enfant Schliemann est contraint d’arrêter ses études, et devient apprenti chez un épicier à Fürstenberg, puis, il suit à Rostock un cours de comptabilité, avant de se rendre à Hambourg pour s’embarque pour l’Amérique latine, sur un bateau qui fait naufrage ; il finit par trouver un emploi de clerc à Amsterdam, dans la firme Schröder, empire familial possédant des bureaux dans plusieurs grandes capitales.</p>
<p>Parce que la maison faisait du commerce avec la Russie, Schliemann apprend le russe, ouvre une branche à Saint-Pétersbourg en 1846, s’y installe, fonde sa propre entreprise en 1847, et devient citoyen russe, tout en gardant d’excellentes relations avec la firme Schröder, ce qui sera également déterminant dans la deuxième étape de sa vie, consacrée aux productions savantes, car ce seront les pourvoyeurs du matériel nécessaire à ses fouilles archéologiques.</p>
<p>Après un séjour en Californie où il tient une banque pendant la ruée vers l’or, il rentre en Russie, épouse Jekaterina Petrowna Lyshina, la fille d’un marchand russe, avec qui il aura trois enfants ; il divorcera d’elle et deviendra citoyen américain en 1869, ce qui lui permet d’épouser une jeune femme grecque, Sophia, qui deviendra, selon lui, sa compagne de fouilles, célèbre en raison du portrait où on la montre parée des bijoux de Troie, qu’elle aurait sorti en contrebande de la Turquie. La fortune de Schliemann, acquise dans le commerce d’abord, puis en Californie, se multiplie pendant la guerre de Crimée, grâce au commerce de l’indigo, qui servait à la teinture des uniformes.</p>
<h2>Un savant autodidacte</h2>
<p>Le tournant que nous avons évoqué se produit en 1866, quand Schliemann décide de quitter le commerce et la Russie, et d’investir dans l’immobilier parisien. Après un voyage qui l’amène en Orient, et qui fera l’objet de son premier ouvrage, publié à Paris, <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5607044s.texteImage"><em>La Chine et le Japon au temps présent</em></a> (1867), il cherche à acquérir des immeubles dans la ville, qui vient d’être rénovée et modernisée par le Baron Haussmann et Napoléon III. Tout en profitant des musées et théâtres, dès son deuxième jour dans la capitale, il commence à assister à des cours au <a href="https://www.college-de-france.fr/">Collège de France</a> et la <a href="https://www.sorbonne-universite.fr/">Sorbonne</a>, comme de nombreux riches bourgeois et commerçants de l’époque, français et étranger. Car la « capitale du XIX<sup>e</sup> siècle » ne l’est pas uniquement en raison de la vie de luxe et des espaces culturels et de socialisation qu’elle propose, mais aussi en raison de son offre de formation savante gratuite et ouverte à tout public.</p>
<p>Schliemann assiste pendant ces années à des cours de langues, orientales et classiques, de français, de littératures européennes, de grammaire, de philosophie grecque et d’histoire littéraire. Si on ignore les circonstances qui ont amené à ces premiers choix, ceux-ci vont évoluer progressivement, alors que ses intérêts le mènent également à intégrer des sociétés savantes, comme la <a href="https://socgeo.com/">Société de Géographie de Paris</a>, dont il devient membre assidu en 1867, puis il fréquente <a href="https://www.aibl.fr/">l’Académie des Belles-Lettres</a>, la Société d’Ethnographie orientale et américaine, la <a href="https://www.sf-archeologie.net/">Société d’archéologie</a>, <a href="https://cths.fr/an/societe.php?id=1506">l’Association pour l’encouragement des études grecques</a>. Dès le début de l’année 1868, on remarque une intensification de ses activités liées aux savoirs dans les Humanités, et même vers l’archéologie, mais qu’il perçoit lui-même comme relevant de la géographie et de la philosophie ; adressant des conseils sur ses études à son fils Serge, resté en Russie avec sa première épouse, dans une lettre du 20 mars 1868, il affirme que la géographie, qui le mènera vers l’archéologie, est à présent sa « science la plus favorite après la philosophie. »</p>
<p>La transformation de commerçant en homme de science fut possible grâce à la topographie particulière de l’enseignement supérieur français du XIX<sup>e</sup> siècle. Marquée par l’ouverture vers un public mélangé, composé par une minorité d’étudiants en quête de formation et de diplôme et d’une majorité d’auditeurs libres, pour qui l’assistance aux cours est avant tout un loisir, les facultés et autres institutions, à Paris du moins, étaient à l’époque des espaces publics.</p>
<p>Traditionnel sous le Second Empire, ce type de cours reposait sur la « performance rhétorique » du professeur, <a href="https://journals.openedition.org/histoire-education/1834">et était donc surtout destiné à distraire et à éduquer un public mondain d’auditeurs variés</a>. Brillants, mais aussi mondains et superficiels, destinés à un public large, ces cours ont un public de tout âge, qui peut changer à chaque séance et n’est pas soumis aux contraintes de <a href="http://www.persee.fr/docAsPDF/baip_1254-0714_1868_num_10_191_27190.pdf">validation d’un cursus académique</a>.</p>
<p>Les institutions d’enseignement supérieur constituent ainsi un milieu accueillant pour un homme de plus de quarante ans, riche et dépourvu de diplômes et de formation préalable, qui ne peut aspirer à une certification, puisqu’il n’avait pas achevé de cursus secondaire. Et s’il souhaite acquérir un savoir, c’est parce que s’éveille en lui, dans ces salles de cours et conférences, une passion, qui devient, selon lui, « fanatisme ». Ainsi serait né le désir de Schliemann de consacrer sa vie à la science en devenant lui-même producteur de savoir.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/462774/original/file-20220512-16-vzo0jy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/462774/original/file-20220512-16-vzo0jy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/462774/original/file-20220512-16-vzo0jy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/462774/original/file-20220512-16-vzo0jy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/462774/original/file-20220512-16-vzo0jy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/462774/original/file-20220512-16-vzo0jy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/462774/original/file-20220512-16-vzo0jy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La tombe de Schliemann, à Athènes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Annick Louis</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Si la défaite de 1870, et l’avènement de la III<sup>e</sup> République après la chute de Napoléon III mettront en question l’efficacité de l’enseignement supérieur français, et mèneront à sa professionnalisation, le cas de Schliemann illustre les possibilités qu’ouvrait ce système : pendant sa période parisienne, il publie son premier ouvrage savant, <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k97541526.texteImage"><em>Ithaque, le Péloponnèse et Troie. Recherches archéologiques</em></a> (1869), intègre le milieu académique parisien, et décide de mener sa première campagne de fouilles à Troie, entre 1870 et 1873, au terme de laquelle il met à jour le « Trésor de Troie » ou « Trésor de Priam ». </p>
<p>On comprend rapidement que les objets mis à jour par ses fouilles ne peuvent en aucun cas correspondre à des événements susceptibles d’avoir inspiré Homère, qui se seraient déroulés ses découvertes autour de 1180 av. J.-C., alors que la composition de l’Iliade daterait de 730 ou 710 av. J.-C. Néanmoins, les fouilles de Schliemann permirent de découvrir les cultures inconnues, datant de 2550-2300 av. J.-C., et firent rêver le monde d’un passé dont on ignorait jusqu’à l’existence.</p>
<hr>
<p><em>Annick Louis est l’autrice de « L’invention de Troie. Les vies rêvées de Heinrich Schliemann » paru aux éditions de l’EHESS dn 2020.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182246/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Annick Louis ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Retour sur la carrière de Heinrich Schliemann (1822-890), archéologue qui a découvert l’ancienne ville de Troie et les tombes des rois de Mycènes.Annick Louis, Professeur de littérature, Université de Franche-Comté – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1808272022-05-01T16:43:14Z2022-05-01T16:43:14ZLes insectes archéologiques témoignent du passé des humains<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/456897/original/file-20220407-19-earcw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=38%2C38%2C5105%2C2907&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les exosquelettes des insectes peuvent être très bien conservés pendant des millénaires.</span> <span class="attribution"><span class="source">Jérémy Rollin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Ils sont partout ! Dans la maison, le jardin ou encore la forêt, les insectes ont conquis l’ensemble des niches écologiques. Donc rien de surprenant si vous en voyez tous les jours. Si vous regardez attentivement, vous verrez que ce ne sont pas les mêmes en fonction des endroits. Bien qu’ils soient présents dans tous les milieux, beaucoup d’insectes ont des exigences strictes vis-à-vis de leurs conditions de vie. Ces dernières peuvent reposer sur des équilibres physico-chimiques (température, humidité, etc.), sur la disponibilité d’une ressource alimentaire, ou encore sur le degré de lumière d’un milieu (forêt, prairie, etc.).</p>
<p>Leur présence est donc conditionnée par de nombreux facteurs environnementaux. En conséquence, les insectes réagissent aux perturbations de leur environnement, qu’elles soient dues aux pratiques humaines ou à des phénomènes naturels – les insectes sont ainsi des « bio-indicateurs de milieu ».</p>
<p>Mais si les insectes nous aident à étudier notre environnement actuel, ils peuvent aussi permettre de comprendre celui de nos ancêtres et les relations que ceux-ci ont entretenu avec leur environnement naturel ou modifié par leurs actions.</p>
<h2>Des vestiges d’insectes archéologiques</h2>
<p>L’archéoentomologie est la discipline qui étudie les vestiges d’insectes issus des sites archéologiques. N’ayant pas subi d’évolution depuis les cent derniers millénaires, les insectes archéologiques sont donc comparables aux insectes actuels. C’est en s’appuyant sur cette observation que les scientifiques sont capables de les identifier. Cela est possible grâce à leur exosquelette, c’est-à-dire leur carapace, notamment celle des coléoptères (scarabées, coccinelles…), plus résistante, pouvant se conserver sur de longues périodes sans pour autant être fossilisée. À l’image des ossements issus de fouilles archéologiques, les insectes seront conservés dans leur état actuel, mais sous forme de fragments plus ou moins dégradés nommés « sclérites ».</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/456888/original/file-20220407-18-mfl6xy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/456888/original/file-20220407-18-mfl6xy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/456888/original/file-20220407-18-mfl6xy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=581&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/456888/original/file-20220407-18-mfl6xy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=581&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/456888/original/file-20220407-18-mfl6xy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=581&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/456888/original/file-20220407-18-mfl6xy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=730&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/456888/original/file-20220407-18-mfl6xy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=730&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/456888/original/file-20220407-18-mfl6xy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=730&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Restes d’insectes archéologiques après extraction du sédiment au site archéologique « Hama » en Nouvelle-Calédonie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">J. Rollin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Leur état de conservation varie selon le milieu d’enfouissement. Il peut s’agir de milieux secs et confinés comme des tombes, ou de structures carbonisées comme les greniers et silos, mais ce sont les environnements humides qui sont les plus propices à leur bonne conservation (puits, douves, tourbières, etc.).</p>
<p>Pour <a href="https://www.archeozoo.org/wp-content/uploads/2016/05/1997_PONEL-YVINEC_Archeoentomologie-en-France.pdf">extraire les restes d’insectes d’une couche archéologique</a>, le sédiment prélevé sur le terrain est désagrégé délicatement dans une bassine sous un jet d’eau, puis tamisé. Les restes organiques sont ensuite imbibés de pétrole désaromatisé – auquel l’exosquelette des insectes adhère, contrairement aux débris végétaux : cette étape permet d’isoler les restes d’insectes.</p>
<p>Une fois les restes d’insectes extraits et triés, on commence par les identifier aux espèces, genres ou familles pour chaque échantillon correspondant chacun à une datation précise. Puis, puis on interprète le rôle écologique de chacun de ces insectes dans ce milieu.</p>
<p>Ainsi, il est possible d’obtenir des informations sur les sociétés passées, les conditions environnementales de l’époque, ou encore sur la façon dont les activités humaines ont modelé les environnements. Mais il est aussi possible d’aborder des questions écologiques sur les premiers insectes invasifs ou les premiers impacts des humains sur la biodiversité.</p>
<h2>Les insectes témoins des paléoclimats et des paléoenvironnements</h2>
<p>En France, il existe <a href="https://www.researchgate.net/profile/Emmanuel-Delfosse/publication/318129839_Le_nombre_d%E2%80%99especes_d%E2%80%99Insectes_connus_en_France_et_dans_le_monde_Arthropoda_Insectes/links/595b722c0f7e9bf415b48558/Le-nombre-despeces-dInsectes-connus-en-France-et-dans-le-monde-Arthropoda-Insectes.pdf">plus de 11 000 espèces de coléoptères adaptées à une diversité d’habitats</a>. Les conditions climatiques contrôlent la répartition géographique de nombreux coléoptères, notamment les prédateurs appelés « carabes » – la présence d’une espèce ou d’une autre dans le sédiment archéologique donne donc des indications sur le climat qui régnait au moment du dépôt.</p>
<p>Outre le climat, les insectes peuvent apporter de nombreuses informations sur l’environnement et son évolution sous l’influence des pratiques humaines.</p>
<p>À ce titre, les phytophages (végétariens) et xylophages (mangeurs de bois) ont une place de choix. Certaines espèces ne se développent que dans les milieux forestiers, à l’inverse d’autres qui préfèrent les milieux ouverts comme les prairies. Elles permettront ainsi d’obtenir une image du milieu, ainsi que de son couvert végétal, car les phytophages dépendent de la présence de leur plante hôte.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/456894/original/file-20220407-22-jqezo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/456894/original/file-20220407-22-jqezo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/456894/original/file-20220407-22-jqezo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=500&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/456894/original/file-20220407-22-jqezo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=500&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/456894/original/file-20220407-22-jqezo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=500&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/456894/original/file-20220407-22-jqezo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/456894/original/file-20220407-22-jqezo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/456894/original/file-20220407-22-jqezo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Chrysomèle du peuplier actuel (à gauche) et archéologique (à droite). La barre d’échelle représente 2 millimètres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">J. Rollin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Parmi ces insectes spécialisés, la famille des chrysomèles illustre parfaitement cette monophagie. En effet, il existe de très nombreuses espèces, chacune adaptée à une plante ou famille de plante : chrysomèle du bouleau, de l’aulne, de la menthe ou encore altise du chou… Leur présence sur un site archéologique signifie que la plante nourricière était présente, bien que celle-ci ne soit pas conservée dans la majorité des cas.</p>
<h2>Les bousiers témoignent du début de l’amendement du sol à l’âge de Fer</h2>
<p>Les plantes nitrophiles sont celles qui aiment les sols riches en nitrate et en déchets organiques. Ces végétaux, dont le plus célèbre est sans doute la grande ortie, sont souvent typiques de milieux exploités par les humains, avec des animaux en contexte pastoral par exemple.</p>
<p>Entomologiquement, cela se traduit par la présence de ces phytophages spécialisés, mais aussi par la présence des coprophages, les fameux bousiers. Ces insectes se nourrissent des excréments des autres animaux et jouent donc un rôle indispensable, car ils recyclent la matière organique en engrais naturel et évitent par la même occasion la propagation de maladies dans l’environnement naturel et les élevages. Bien que le plus connu soit le scarabée sacré des Égyptiens, il existe en France environ 250 espèces de bousiers avec des mœurs variées. Ces espèces peuvent permettre d’attester la présence d’<a href="https://www.academia.edu/20784585/Fertilisation_des_sols_de_culture_par_les_Fumiers_et_r%C3%B4le_potentiel_des_c%C3%A9r%C3%A9ales_dans_laFFouragement_du_b%C3%A9tail_l%C3%A9clairage_des_analyses_isotopiques_sur_restes_carpologiques_et_arch%C3%A9ozoologiques">élevages en milieu forestier ou en prairie</a> ainsi que des phénomènes historiques importants comme les débuts des pratiques d’amendement du sol par la fumure à l’âge de Fer.</p>
<p>De plus, certaines espèces apprécient une large gamme d’excréments alors que d’autres sont plus strictes. Leurs exigences nous apportent des informations sur les animaux qui pâturaient, même si aucun reste osseux n’est présent.</p>
<p>Si les bousiers et autres décomposeurs sont bénéfiques dans les élevages, d’autres insectes sont plus problématiques pour le milieu agricole. Encore aujourd’hui, nous luttons contre les <a href="https://theconversation.com/deux-nouveaux-insectes-identifies-au-kenya-peuvent-aider-a-lutter-contre-les-ravageurs-du-ma-s-138364">ravageurs qui provoquent des dégâts à nos cultures et nos stocks</a>. L’histoire de ces insectes est étroitement liée aux humains et au début de l’agriculture où ces espèces sont passées du milieu naturel à un milieu anthropisé où l’abondance des ressources alimentaires (monoculture, stocks, etc.) a favorisé leurs pullulations. Pour la recherche archéologique, ces ravageurs peuvent apporter des informations sur la <a href="https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01633516">qualité sanitaire des denrées alimentaires</a> ainsi que sur les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0305440395801561">pratiques répulsives</a>. À ce titre, l’agronome romain Columelle propose des conseils sur la hauteur des tas de grain à conserver dans les greniers, parle des mesures à prendre en cas de présence de charançons dans le blé et des pertes dues aux insectes qui pouvaient dépasser 10 % des récoltes de céréales (Columelle, <em>Res rusticae</em> chapitre 6).</p>
<h2>Le charançon du blé témoin des migrations humaines et des routes commerciales</h2>
<p>Le charançon du blé (<em>Sitophilus granarius</em>) est connu depuis l’Antiquité pour causer des dégâts importants dans les stocks de céréales. Il s’agit d’une espèce qui pond et réalise son développement larvaire dans les réserves de grains entreposés (blé, seigle, orge, etc.) et qui n’a donc pas besoin de la plante vivante pour se nourrir. Cet insecte a la particularité d’être aptère, c’est-à-dire dépourvu d’ailes, ce qui le rend dépendant des migrations humaines pour ses déplacements. En accompagnant les transferts de céréales, son handicap lui donne donc le statut privilégié de témoin des transports de grains à longue distance et de leur intensification au cours de l’Histoire.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/458564/original/file-20220419-26-hzx4t2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/458564/original/file-20220419-26-hzx4t2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/458564/original/file-20220419-26-hzx4t2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/458564/original/file-20220419-26-hzx4t2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/458564/original/file-20220419-26-hzx4t2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/458564/original/file-20220419-26-hzx4t2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/458564/original/file-20220419-26-hzx4t2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/458564/original/file-20220419-26-hzx4t2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">A : Courant de diffusion de <em>Sitophilus granarius</em> (le charançon du blé) à travers l’Histoire B : <em>Sitophilus granarius</em> actuel. C : <em>Sitophilus granarius</em> archéologique dans une céréale archéologique site « 12, rue Saint-Genest » de Nevers (IX/Xᵉ siècle).</span>
<span class="attribution"><span class="source">J. Rollin et M. Lemoine, J. Rollin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Originaire d’Asie Mineure, il est possible de voir <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S027737911630542X">sa progression au Proche-Orient du Néolithique (7 000 av. J.-C.) à la Protohistoire (2500 av. J.-C.)</a>. On observe ensuite une invasion très intense de cet insecte à l’époque romaine, à partir du moment où l’urbanisation gallo-romaine devient massive (Ier siècle ap J.-C), pour enfin arriver en Amérique à l’époque moderne (XVIII<sup>e</sup> siècle).</p>
<h2>Des insectes témoins de l’impact des humains sur la biodiversité</h2>
<p>Déforestation pour l’agriculture et l’élevage, amendement des sols ou encore urbanisation : en modifiant localement les écosystèmes naturels, ces pratiques ont eu un impact sur la biodiversité entomologique en favorisant certaines espèces au détriment d’autres. En comparant les mêmes sites à différentes époques, il est possible de voir comment certains insectes ont pu s’adapter aux environnements anthropisés, puis former les premières communautés d’insectes sinanthropes (animaux sauvages vivants proches des humains : mouches, blattes, mites, etc.) ; tandis que d’autres ont dû s’éloigner ou disparaître localement suite à la destruction de leur habitat (<a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2010/08/14/le-pique-prune-scarabee-amateur-de-vieux-arbres-seme-la-discorde-chez-les-hommes_1398986_3244.html">pique-prune</a>).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/456895/original/file-20220407-11-izh5gx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/456895/original/file-20220407-11-izh5gx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/456895/original/file-20220407-11-izh5gx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/456895/original/file-20220407-11-izh5gx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/456895/original/file-20220407-11-izh5gx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/456895/original/file-20220407-11-izh5gx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/456895/original/file-20220407-11-izh5gx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vestige antique (Ier av J.-C) du scarabée pique prune, espèce menacée par la destruction de son habitat à droite et spécimen actuel servant de référence pour identification, à gauche.</span>
<span class="attribution"><span class="source">J. Rollin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Dans le même ordre d’idée, la croissance des échanges de marchandises, de denrées alimentaires étrangères ou encore de nouveaux animaux à partir de l’âge du Fer aurait pu permettre l’introduction d’insectes et de parasites invasifs dans un nouveau milieu. Ce scénario suivrait la piste de l’<a href="https://www-persee-fr.proxy.scd.univ-tours.fr/doc/pica_0752-5656_1993_num_3_1_1676">arrivée du rat noir</a> en France au I<sup>er</sup> siècle apr. J.-C. ou encore des <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01860354">adventices (mauvaises herbes)</a> comme la nielle des blés et le myagre qui aurait suivi les transports humains à l’âge du Fer.</p>
<p>Au moment où nous commençons à comprendre les mécanismes des invasions biologiques et leurs impacts sur l’environnement, serait-il imaginable que les pratiques du passé aient dû s’adapter à des insectes non identifiés pour le moment ? Seule l’analyse des insectes provenant de nombreux autres sites permettra de mieux appréhender l’évolution des interactions entre les humains et leur environnement tout au long de l’Histoire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180827/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérémy Rollin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quand les restes de bousier ou de charançon des blés nous renseignent sur l’histoire de l’agriculture et des migrations humaines.Jérémy Rollin, Doctorant en archéoentomologie, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1809152022-04-14T18:24:01Z2022-04-14T18:24:01ZLes sciences au chevet de Notre-Dame<p><em>Martine Regert est chargée de mission pour le CNRS du pilotage du chantier scientifique de Notre-Dame de Paris. Trois ans après le terrible incendie, nous lui avons demandé quelles recherches étaient menées en lien avec la cathédrale.</em></p>
<hr>
<h2>The Conversation : Comment la communauté scientifique s’est-elle mobilisée ?</h2>
<p><strong>Martine Regert :</strong> Les scientifiques, comme beaucoup de personnes en France et dans le monde ont été très touchés, certains ont été témoins du drame puisque de nombreux laboratoires de recherche sont proches géographiquement de la cathédrale. On a compris très vite que les connaissances scientifiques allaient être nécessaires pour accompagner le processus de restauration. Il fallait également éviter la perte de la connaissance. Par exemple, tout ce qui était tombé au sol (pierres, bois, métaux…) pouvait être considéré comme des gravats, alors que les scientifiques les voyaient plutôt comme vestiges patrimoniaux et comme des matériaux d’étude. Dès le lendemain, l’Association des scientifiques au service de la restauration de Notre-Dame de Paris a été créée.</p>
<p>À cette époque, j’étais directrice adjointe scientifique à l’institut écologie et environnement du CNRS et le lendemain j’étais au siège de cet organisme. Les téléphones ont énormément sonné avec des collègues qui proposaient déjà des pistes de recherche, par exemple pour modéliser les températures atteintes pendant l’incendie ou pour étudier l’état des charpentes calcinées.</p>
<p>Face à ces nombreuses initiatives, on a mis en place des groupes de travail, avec le ministère de la Culture. Avec Philippe Dillmann, j’ai été nommée chargée de mission pour le CNRS, ainsi qu’avec Pascal Liévaux et Aline Magnien pour le ministère de la Culture, du pilotage du chantier scientifique de Notre-Dame de Paris en mai 2019.</p>
<h2>T.C. : Comment les scientifiques participent-ils à la restauration ?</h2>
<p><strong>M.R. :</strong> Je peux vous donner quelques exemples. Un de nos groupes de travail s’intéresse aux structures et aux forces qui s’y appliquent. Ce groupe a été sollicité par la maîtrise d’œuvre (les architectes en chef des monuments historiques) pour conduire une évaluation structurale post-incendie des voûtes afin d’évaluer leurs conditions de stabilité.</p>
<p>On a également un groupe qui s’intéresse à l’acoustique de l’ouvrage et qui va participer au choix du placement d’un nouvel orgue dans le chœur.</p>
<p>D’autres scientifiques s’intéressent aux vitraux, les véritables miraculés de l’incendie. Ils cherchent à déterminer l’histoire de leur fabrication et des solutions pour les décontaminer (plomb) avant de les replacer.</p>
<h2>T.C. : D’autres études de plus long terme sont en cours…</h2>
<p><strong>M.R. :</strong> Oui, par exemple, des recherches sont menées pour replacer la cathédrale dans son contexte environnemental.</p>
<p>Les charpentes ont certes brûlé, mais pas totalement, le bois contient encore beaucoup d’informations que l’on peut exploiter. On peut les dater, pour certains, à l’année près en étudiant les cernes que forment les arbres au fur et à mesure de leur croissance. On peut aussi parfois préciser la saison d’abattage. D’autre part ces cernes enregistrent les conditions climatiques et environnementales dans lesquelles les bois se sont développés. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est qu’au moment de la construction de la cathédrale on est dans ce que l’on appelle l’optimum climatique médiéval : un réchauffement sensible documenté entre le X<sup>e</sup> et le XIV<sup>e</sup> siècle de notre ère et précédant le petit âge glaciaire.</p>
<p>Cette période constitue un point de comparaison intéressant dans le cadre du réchauffement global que nous vivons actuellement en termes de causes, d’amplitude et d’enjeux des phénomènes observés.</p>
<p>Sur un tout autre sujet, nous avons des collègues anthropologues qui travaillent sur l’émotion liée aux catastrophes affectant les biens culturels tels l’incendie du musée d’anthropologie de Rio en 2018 ou celui du château de Shuri au Japon qui a eu lieu peu après celui de Notre-Dame de Paris. Ils essaient de comprendre comment chacun a réagi. Ils documentent également le ressenti de toutes les personnes travaillant de près ou de loin à la restauration.</p>
<h2>T.C. : Comment est-ce que les scientifiques arrivent à travailler sur un lieu en pleine restauration ?</h2>
<p><strong>M.R. :</strong> Cela se passe plutôt bien, mais c’est complexe. Déjà du point de vue des nombreuses disciplines scientifiques présentes qui n’ont pas forcément toutes les mêmes manières de travailler : chimistes, physiciens, historiens, archéologues… Nous n’avons pas les mêmes contraintes temporelles. Puis on travaille sur un monument emblématique. Il y a donc une très forte attente des autorités politiques et du public.</p>
<p>Sur place, les conditions de travail sont ardues : tout le monde doit respecter un emploi du temps très précis, donc il faut être très efficace. De plus, il y a beaucoup de contraintes liées à la sécurité. Comme on le sait bien, cet espace est fortement contaminé au plomb, il faut donc travailler avec des masques, porter des combinaisons de protection, etc.</p>
<p>Heureusement, tout cela est bien coordonné, et on arrive à travailler de façon efficace et enthousiaste tant les enjeux sont passionnants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180915/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Martine Regert ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De très nombreux scientifiques de différentes disciplines travaillent à améliorer nos connaissances de la cathédrale et participent à sa restauration.Martine Regert, Chargée de mission pour le CNRS du pilotage du chantier scientifique de Notre-Dame de Paris, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1769192022-02-13T19:58:22Z2022-02-13T19:58:22ZDécouverte des plus anciens hommes modernes en Europe (et ce que cela change de ce que l'on pensait de ses relations avec Néandertal)<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/446089/original/file-20220213-25052-rrqqsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C19%2C3307%2C3311&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'abri sous roche de la Grotte Mandrin a été utilisé à plusieurs reprises par les Néandertaliens et les humains modernes au cours des millénaires. </span> <span class="attribution"><span class="source">Ludovic Slimak</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Nous venons d’annoncer, dans la revue <a href="https://doi.org/10.1126/sciadv.abj9496">Science Advances</a>, la découverte des premières traces de l’arrivée des hommes modernes en Europe il y a 54 000 ans à la Grotte Mandrin, soit environ 10 millénaires avant ce que l’on pensait jusqu’alors et 1700 km à l’Ouest du site bulgare de Bacho Kiro précédemment considéré comme la plus ancienne occupation humaine moderne d’Europe. </p>
<p>Nous voici désormais loin à l’ouest, dans l’immense vallée du Rhône…</p>
<p>Perché à environ 100 mètres d’altitude à l’ouest des contreforts des Préalpes, un abri-sous-roche fait face au Nord et domine la vallée du Rhône. Ce lieu est stratégique dans le paysage, car le Rhône s’écoule à cet endroit dans un couloir d’environ 1 km entre les Préalpes à l’Est et le Massif central à l’Ouest. Pendant des millénaires, les habitants de cet abri ont pu scruter les hordes d’animaux migrant entre la région méditerranéenne et les plaines d’Europe du Nord. Aujourd’hui, ce sont les TGV et lors des pics estivaux près de 180 000 véhicules par jour qui parcourent la vallée du Rhône sur l’une des autoroutes les plus empruntées du continent.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/445214/original/file-20220208-36884-116o8hb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="woodsy landscape with rock outcropping against blue sky" src="https://images.theconversation.com/files/445214/original/file-20220208-36884-116o8hb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445214/original/file-20220208-36884-116o8hb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=164&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445214/original/file-20220208-36884-116o8hb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=164&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445214/original/file-20220208-36884-116o8hb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=164&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445214/original/file-20220208-36884-116o8hb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=206&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445214/original/file-20220208-36884-116o8hb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=206&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445214/original/file-20220208-36884-116o8hb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=206&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La Grotte Mandrin est quelque peu camouflée en un affleurement rocheux lorsqu’elle est vue de loin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ludovic Slimak</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le site, reconnu depuis les années 1960 et nommé Mandrin d’après le brigand Louis Mandrin, a été un lieu de vie privilégié depuis plus de 100 000 ans.</p>
<p>Les outils en pierre taillée et les ossements d’animaux laissés par les chasseurs-cueilleurs par le passé ont été rapidement recouverts par les loess, ces poussières déposées par le vent glacial venu du Nord, le Mistral, préservant ainsi ces éléments. Les couches de sédiments supérieures <a href="https://www.britannica.com/event/Paleolithic-Period">contiennent du matériel</a> datant de l’Âge du Bronze et du Néolithique il y a 4 à 5 millénaires.</p>
<p>Depuis 32 ans, notre équipe de chercheurs menée par Ludovic Slimak (CNRS) a fouillé près de 3 mètres de dépôts sédimentaires qui fossilisent sur 80 millénaires les passages de chasseurs du Paléolithique entre le 100<sup>e</sup> et le 40<sup>e</sup> millénaire. Les hommes modernes avaient alors vraisemblablement commencé leur conquête de l’Europe <a href="https://doi.org/10.1016/j.quascirev.2014.08.011">il y a 43 000 à 45 000 ans</a>, les Néandertaliens et les autres populations fossiles d’Eurasie disparaissant quelques millénaires plus tard. Ce scénario sur l’évolution humaine en Europe est établi depuis des décennies.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/445223/original/file-20220208-13-1ea5wyf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="personnes agenouillées sur le sol, travaillant dans la poussière" src="https://images.theconversation.com/files/445223/original/file-20220208-13-1ea5wyf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445223/original/file-20220208-13-1ea5wyf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=785&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445223/original/file-20220208-13-1ea5wyf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=785&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445223/original/file-20220208-13-1ea5wyf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=785&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445223/original/file-20220208-13-1ea5wyf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=986&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445223/original/file-20220208-13-1ea5wyf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=986&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445223/original/file-20220208-13-1ea5wyf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=986&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vue des fouilles à l’entrée de la Grotte Mandrin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ludovic Slimak</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>Mais en plein milieu de ces enregistrements archéologiques, intercalée entre 11 autres niveaux contenant des milliers d’outils de silex et des fossiles néandertaliens, une couche de la Grotte Mandrin fossilise une incursion très ancienne d’un groupe d’hommes modernes au cœur même des territoires néandertaliens.</p>
<h2>Des indices provenant de petites pointes de pierre et d’une dent</h2>
<p>Durant la première décennie de fouilles du site, le premier signal intrigant fut la découverte de 1500 petites pointes triangulaires en silex, ressemblant à des pointes de flèches, dont certaines mesuraient moins d’un centimètre de longueur, et inconnues ailleurs, tant dans les riches enregistrements archéologiques de la Grotte Mandrin que dans les autres sites néandertaliens recensés à travers l’Eurasie.</p>
<p>Qui les a produites ? L’étude d’assemblages d’outils en pierre de quelques autres gisements de la moyenne vallée du Rhône montre que ces pointes sont attestées dans 4 autres sites sur la rive opposée du fleuve. Cependant, ces gisements ont été fouillés il y a longtemps, à la pioche, et les informations qu’ils fournissent s’avèrent très limitées, notamment pour comprendre si ces pointes sont présentes sur une longue période de temps, ou si elles apparaissent là aussi de manière abrupte, et donc si les Néandertaliens avaient développé ces étonnantes technologies. Cette culture fut alors individualisée dès 2004 et dénommée <a href="https://doi.org/10.1016/j.jas.2008.02.005">« Néronien »</a>, d’après la Grotte de Néron où de petites pointes similaires avaient été découvertes dès 1870.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/445229/original/file-20220208-21-1y943e2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Pointes de pierre triangulaires sur fond noir." src="https://images.theconversation.com/files/445229/original/file-20220208-21-1y943e2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445229/original/file-20220208-21-1y943e2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=563&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445229/original/file-20220208-21-1y943e2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=563&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445229/original/file-20220208-21-1y943e2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=563&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445229/original/file-20220208-21-1y943e2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=708&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445229/original/file-20220208-21-1y943e2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=708&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445229/original/file-20220208-21-1y943e2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=708&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Ces pointes néroniennes n’ont pas de technologie équivalente chez les groupes néandertaliens qui ont vécu avant et après l’arrivée des premiers hommes modernes à la Grotte Mandrin..</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laure Metz and Ludovic Slimak</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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</figure>
<p>En l’absence d’autres sites locaux comparables, Laure Metz et Ludovic Slimak partirent en 2016 étudier certains gisements archéologiques de l’Est de la Méditerranée. L’un des plus importants, le site de <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1501529112">Ksar Akil</a> près de Beyrouth, allait nous révéler des collections archéologiques en tout point identiques aux étonnantes collections du Néronien.</p>
<p>Les petites pointes de la vallée du Rhône n’étaient plus isolées, mais pouvaient désormais se rattacher très directement à ces collections levantines où les mêmes catégories de pointes étaient réalisées très précisément suivant les mêmes traditions techniques que celles de la Grotte Mandrin. Cette étonnante constatation allait permettre de proposer dès 2017, alors à titre d’hypothèse, que le Néronien n’était probablement pas le produit d’artisanats Néandertaliens, mais bien de populations modernes issues du Levant méditerranéen et arrivées en Europe bien plus tôt qu’on ne le pensait.</p>
<p>À cette époque l’analyse directe des collections de Ksar Akil et leur comparaison avec celles de la Grotte Mandrin nous permettait déjà de dire qu’elles “…<em>illustrent une stricte réplication des systèmes ; les systèmes techniques du Néronien à l’ouest de la Méditerranée sont semblables à ceux documentés au début de ce que l’on reconnaît sous l’appellation d’Initial Upper Paleolithic dans l’Est de la Méditerranée</em>” permettant de proposer, il y a 5 ans déjà, leur attribution à l’homme moderne.</p>
<p>La pièce finale de ce vaste puzzle anthropologique et culturel n’arriva que plus tard, en 2018, lorsque les 9 dents retrouvées en 32 ans de recherche <a href="https://doi.org/10.1126/sciadv.abj9496">furent analysées</a> par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Microtomographie_aux_rayons_X">microtomographie à rayons X</a>, permettant la caractérisation détaillée de la structure externe et interne de cette dent. L’analyse du seul reste humain du niveau étudié de Mandrin, une dent de lait d’un enfant âgé entre 2 et 6 ans, permit de démontrer, sans aucun doute possible, qu’elle appartenait à un homme moderne du Pléistocène et non à un Néandertalien.</p>
<p>La démonstration de notre étude s’est construite sur ce croisement de connaissances issues de domaines scientifiques très différents et qui aboutissent tous, de manière indépendante, aux mêmes conclusions.</p>
<p>C’est sur la base à la fois de l’analyse des structures techniques de ces artisanats, d’approches comparatives transméditerranéennes très précises, et de la détermination de morphologies dentaires singulières que la toute première migration des hommes modernes sur le continent européen a pu être démontrée.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/445450/original/file-20220209-23-39hgqu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="map of Mediterranean region with sketches of stone points superimposed" src="https://images.theconversation.com/files/445450/original/file-20220209-23-39hgqu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445450/original/file-20220209-23-39hgqu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445450/original/file-20220209-23-39hgqu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445450/original/file-20220209-23-39hgqu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445450/original/file-20220209-23-39hgqu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445450/original/file-20220209-23-39hgqu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445450/original/file-20220209-23-39hgqu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">On opposite sides of the Mediterranean, similar stone points were made by <em>Homo sapiens</em> around the same time.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laure Metz and Ludovic Slimak</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<h2>Lire dans le passé avec des traces de feu</h2>
<p>Mais les découvertes à Mandrin ne s’arrêtent pas là. En 2006 Ludovic Slimak repère d’étonnants dépôts grisés sur des fragments de paroi tombés dans l’ensemble des couches archéologiques. Une nouvelle enquête commence. À travers le temps la paroi de la grotte s’est lentement effritée, produisant des épandages de cailloutis progressivement ensevelis avec les milliers d’objets archéologiques abandonnés par les préhistoriques. <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01610057/document">Il nous aura donc fallu 16 ans</a> pour prendre conscience que ces cailloutis avaient préservé la trace des dépôts de suie des anciennes parois de la grotte. À chaque campement dans la cavité les parois se noircissaient de suies. Et ces suies se recouvraient rapidement de calcite au départ des hommes, générant des successions de dépôts noirâtres (suies) et blanchâtres (calcite) créant un véritable code-barres sur la paroi de la grotte et un témoignage unique de la succession des installations humaines dans la cavité. L’un des membres de l’équipe, Ségolène Vandevelde, mettra alors en place les outils permettant de déterminer la fréquence et le rythme des feux fossilisés dans ces témoins pariétaux et dans lesquels se profilent l’organisation de ces sociétés à travers le temps. L’analyse de ces dépôts successifs allait aussi permettre de déterminer qu’une seule année s’était écoulée entre le dernier feu Néandertalien et le premier feu des hommes modernes, il y a 54 000 ans. Et ce n’est qu’après avoir occupé le site pendant une quarantaine d’années, une vie humaine, que les hommes modernes allaient abandonner soudainement la Grotte Mandrin, disparaissant aussi rapidement et aussi mystérieusement qu’ils y étaient arrivés. Par la suite, et durant 12 millénaires, ne reviendront plus à Mandrin que des chasseurs Néandertaliens.</p>
<p>Ces découvertes fascinantes nous interrogent profondément.</p>
<p>Comment ces populations modernes sont-elles arrivées si précocement dans l’Ouest de l’Europe ? Les données archéologiques montrent que les humains sont arrivés en Australie il y a <a href="https://doi.org/10.1038/nature22968">au moins 65 000 ans</a> et ont nécessairement dû utiliser des moyens de navigation pour traverser l’océan. Les hommes de Mandrin se seraient-ils eux aussi déplacés par voie maritime il y a 54 000 ans ?</p>
<p>Et par la suite, comment ces populations ont-elles acquises en si peu de temps une connaissance aussi précise de l’ensemble des ressources naturelles, silex et roches rares, du vaste territoire qu’elles ont exploité autour de la cavité pendant 40 années ? Étaient-elles en contact avec des populations aborigènes néandertaliennes avec qui elles auraient échangé des informations ou qui auraient pu les guider, partageant leurs connaissances millénaires du territoire ? Ces populations se sont-elles évitées ? Ou ont-elles essayé de se métisser aux populations locales ?</p>
<p>Les découvertes à venir de la Grotte Mandrin pourraient apporter des réponses à certaines de ces questions et pourraient bien nous éclairer, un peu, sur ce que représenta réellement cette colonisation de l’Europe et la remarquable incidence de ce fait historique majeur sur le destin des populations néandertaliennes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176919/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Des artefacts en pierre et une dent fossile indiquent qu’Homo sapiens vivait à la Grotte Mandrin il y a 54 000 ans, à une époque où les Néandertaliens vivaient encore en Europe.Ludovic Slimak, CNRS Permanent Member, Université Toulouse – Jean JaurèsClément Zanolli, Paleoanthropologist, Université de BordeauxJason E. Lewis, Lecturer of Anthropology and Assistant Director of the Turkana Basin Institute, Stony Brook University (The State University of New York)Laure Metz, Archaeologist at Aix-Marseille Université and Affiliated Researcher in Anthropology, University of ConnecticutLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.