tag:theconversation.com,2011:/ca/topics/budget-21031/articlesbudget – The Conversation2023-10-01T15:44:58Ztag:theconversation.com,2011:article/2144382023-10-01T15:44:58Z2023-10-01T15:44:58ZLes autoroutes françaises, du discours égalitaire aux réalités financières<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/550353/original/file-20230926-17-mv1ovh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C7%2C2560%2C1686&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le prix des péages a augmenté de plus de 20&nbsp;% depuis 2010.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Lionel Allorge / Wikimedia Commons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Lors de son <a href="https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/dans-son-interview-emmanuel-macron-a-leve-le-voile-sur-sa-planification-ecologique-a-horizon-2030_223519.html">passage à la télévision</a> du 24 septembre 2023, le président de la République a pris soin de préciser que les Français étaient « attachés à la bagnole » et même qu’il l’« adore ». Il rejoint ainsi le président <a href="https://www.techno-science.net/definition/10057.html">Georges Pompidou</a> lorsqu’il évoquait l’autoroute en 1970 :</p>
<blockquote>
<p>« Elle a donné à l’homme la possibilité d’échapper aux transports en commun, de partir quand il le veut, et où il le veut. Elle lui a permis de retrouver la géographie de son pays et son histoire. »</p>
</blockquote>
<p>La cause semble entendue : la voiture libère le Français et l’<a href="https://theconversation.com/topics/autoroutes-57374">autoroute</a> lui permet de circuler à son aise. Pour que chacun puisse accéder aux grands axes, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000531809">Loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire</a> de 1995 avait même affirmé un droit à l’autoroute (ou au TGV) : tout point du territoire doit se situer au maximum à 50 km ou à 45 minutes d’un échangeur autoroutier ou d’une gare TGV.</p>
<p>Le monde a changé depuis. L’État a abandonné des prérogatives régaliennes à des entreprises privées. Alors qu’il fabriquait de l’égalité territoriale et sociale, objet de nos <a href="https://www.cairn.info/revue-analyses-de-population-et-avenir-2022-5-page-1.htm">récents travaux</a>, et utilisait l’autoroute comme un outil de l’<a href="https://theconversation.com/topics/amenagement-du-territoire-21730">aménagement du territoire</a>, celle-ci est désormais aux mains des financiers. </p>
<p>L’État semble néanmoins aujourd’hui vouloir reprendre la main, même indirectement car ne pouvant pas modifier les contrats signés. En parallèle de la <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/09/25/l-a69-toulouse-castres-est-elle-justifiee-comprendre-le-debat-sur-ce-projet-d-autoroute_6178231_4355771.html">polémique sur l’A69</a> qui doit (ou non) relier Toulouse à Castres, une <a href="https://www.bfmtv.com/auto/autoroutes-le-ton-se-durcit-entre-les-concessionnaires-et-le-gouvernement_AV-202308250124.html">nouvelle taxe</a> en direction des concessionnaires est ainsi évoquée pour le budget 2024 afin de financer des investissements verts.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1693514740897566753"}"></div></p>
<h2>Qui faire payer ?</h2>
<p>Dans les années 1950-1960, le réseau autoroutier commence par reproduire l’étoile ferroviaire du XIX<sup>e</sup> siècle avec des voies rayonnantes depuis Paris. Ouvert en 1970, le boulevard périphérique parisien devient une sorte de rond-point à l’échelle de la France. On coupe volontiers à travers les villes, quitte à mêler le transit international et la circulation locale ; à Lyon, le maire Louis Pradel pense ainsi attirer les touristes grâce au tunnel de Fourvière.</p>
<p>Vers la fin des Trente Glorieuses, on entame un travail de couture entre les radiales, avec par exemple l’A36 entre Dijon et Mulhouse, et on maille les réseaux dans les grandes régions urbaines. Le schéma directeur de 1990 prévoit de nombreux désenclavements à travers les montagnes, les régions rurales et l’ouest atlantique en particulier, mais ce schéma sera bloqué. En 2008-2010, le Grenelle de l’Environnement estime que l’œuvre autoroutière est accomplie à l’exception des futures pénétrantes-contournantes (comme à Toulouse, Rouen, Dijon, Bordeaux, ou encore Strasbourg).</p>
<p>Pour la construction et l’entretien de ces autoroutes, faut-il néanmoins faire payer le contribuable ou l’usager ? Si c’est le contribuable, il y a une injustice puisque <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4277714?sommaire=4318291">15 % des ménages</a> ne possèdent pas de voiture, une donnée sensible pour les <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Th%C3%A9ma%20-%20Les%20voitures%20des%20m%C3%A9nages%20modeste%20-%20%20moins%20nombreuses%20mais%20plus%20anciennes_0.pdf">ménages les plus modestes</a> en particulier. Si c’est l’usager de l’autoroute qui paye (en moyenne, un peu plus de 10 centimes au km), le coût de son voyage s’alourdit, ce qui déporte les ménages modestes vers les autres routes, plus lentes et plus accidentogènes.</p>
<p>En 1950, la France ne compte que 2,3 millions de voitures ; en 1960, 6,4 millions. La congestion menace. La construction d’un réseau autoroutier s’impose. En 1952, le décret Pinay rend possible la construction d’autoroutes avec éventuellement des péages – prenant le contrepied du décret du 25 août 1792 assurant la gratuité des routes.</p>
<h2>De la logique publique à la privatisation</h2>
<p>La loi Chaban-Delmas de 1955 passe à l’acte : les concessionnaires doivent être majoritairement publics ; le montant des péages est fixé par l’État. Apparaissent les Semca, Sociétés d’économie mixte pour la construction des autoroutes. Usuellement, la Caisse des dépôts et des consignations (CDC) y est majoritaire ; elle s’associe avec des Conseils généraux et des Chambres de commerce et d’industrie (CCI).</p>
<p>C’est en 1969 que l’État autorise les sociétés privées. Les tarifs des péages sont libres les dix premières années puis encadrés (plus ou moins indexés sur l’inflation). En 1983, le ministre des Transports <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/profession-de-foi-pour-l-honneur-de-la-politique-charles-fiterman/9782020614894">Charles Fiterman</a> nationalise les autoroutes avec la société publique Autoroutes de France, effaré par le mode de fonctionnement du système :</p>
<blockquote>
<p>« Si la société concessionnaire était bénéficiaire, elle gardait son argent pour le distribuer à ses actionnaires. Si elle était déficitaire, c’est l’État qui comblait le déficit ».</p>
</blockquote>
<p>En 2002, le gouvernement Jospin réalise la première privatisation lorsque l’État vend ASF (Autoroutes du Sud de la France). Lorsque le gouvernement Raffarin lui succède, le débat atteint un point critique : pourquoi l’État se priverait-il de rentrées alors que la construction des autoroutes est pratiquement amortie ? Tout est finalement <a href="https://www.decitre.fr/livres/les-autoroutes-concedees-en-france-1955-2010-9782850093456.html">vendu</a> en 2005 par le gouvernement Villepin.</p>
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<p>En 2008, le rapport de la Cour des comptes dénonce une politique tarifaire « complexe », « opaque », « incohérente ». Il condamne la technique du « foisonnement » lorsqu’une hausse forte du tarif sur les tronçons les plus rentables, moindre ailleurs, peut faire croire que l’on respecte la hausse permise par l’État ; la Cour demande alors en vain une publicité des tarifs au kilomètre.</p>
<p>Ainsi, le pouvoir a changé de mains. Historiquement, il appartenait aux ingénieurs qui avaient tracé un réseau destiné à développer des « effets structurants » dans les différentes régions françaises. Depuis 2005, les gestionnaires semblent tourner vers la rentabilité. Un symbole ? Les panneaux du Grand Contournement ouest de Strasbourg <a href="https://www.tf1info.fr/regions/video-strasbourg-gco-ces-panneaux-accuses-de-tromper-les-automobilistes-2208722.html">accusés de désinformer les usagers</a> pour les pousser vers la section à péage.</p>
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<h2>Rentabilité ou égalité ?</h2>
<p>Parmi les points de crispations nés de ce système figurent les maillons transversaux car ils peinent à être rentables. Or, ceux-ci semblent essentiels à plusieurs titres : ils permettent d’arrimer la France aux grands flux européens qui ont leur propre géographie ; en tant qu’itinéraires de substitution, ils dédoublent souvent les grands axes et permettent de faire face à leur engorgement effectif ou annoncé ; ils apportent l’équité territoriale aux régions marginales en leur donnant une chance réelle de développement économique et social.</p>
<p>Prenons le cas de l’autoroute A65 Langon-Pau, ouverte en 2010 et concédée à A’liénor, une filiale d’Eiffage et de SANEF. À la demande des élus locaux, les études préliminaires commencent en 1993. Mais en 2003, l’Inspection des finances estime qu’il n’y a pas urgence à réaliser ce projet en raison du faible trafic attendu. A’liénor remporte néanmoins le marché pour 1,2 milliard d’euros et l’État accepte de reprendre la concession d’une durée de 60 ans en cas de faillite du concessionnaire.</p>
<p>Vient le Grenelle de l’Environnement, et il faut encore dépenser 120 millions pour les mesures de compensation des impacts, dont 187 ha d’aires de repos pour le vison et la loutre, 525 ha pour la chauve-souris, 216 ha pour le fadet des laîches (un papillon). Mais le trafic attendu n’est pas au rendez-vous ; A’liénor est déficitaire de 34 millions en 2011.</p>
<p>En 2019, le <a href="https://www.nouvelle-aquitaine.developpement-durable.gouv.fr/l-atlas-2019-des-donnees-de-trafics-routiers-a12342.html">trafic</a> n’y est que de 7145 voitures et 785 poids lourds par jour, des chiffres comparables à la RN 524 parallèle (où les poids lourds en transit sont interdits). Il est vrai que l’idée de départ était de construire une autoroute à travers les Pyrénées pour délester la région de Bayonne, une idée devenue absurde dès lors que la préservation de l’environnement est devenue la priorité.</p>
<p>Inscrite au fronton des bâtiments publics, l’égalité ne résiste pas aux logiques financières. Les péages ont <a href="https://www.quechoisir.org/actualite-peages-d-autoroute-hausse-spectaculaire-des-tarifs-en-2023-n104499/">augmenté de plus de 20 %</a> entre 2011 et 2023, dont 4,75 % pour la seule année 2023. En 2021, le profit par kilomètre d’autoroute concédé a été de <a href="https://www.largus.fr/actualite-automobile/societes-d-autoroutes-des-mega-profits-en-2021-430-000-e-par-km-30024926.html">430 000 euros</a>. Une remise à plat de l’action publique sera toutefois possible entre 2031 et 2036, lorsque la plupart des concessions arriveront à terme…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214438/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raymond Woessner ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La construction d’autoroutes, autrefois motivée par un souci d’inclusion territoriale, se trouve depuis deux décennies animée par des réflexions sur leur rentabilité.Raymond Woessner, Professeur honoraire de géographie, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2113672023-08-20T20:00:41Z2023-08-20T20:00:41ZTaxer plus fortement les alcools en France : une affaire de symbole plus que de recettes<p>Mi-juillet, le gouvernement français laissait entrevoir un projet d’<a href="https://www.lefigaro.fr/conso/le-gouvernement-envisage-d-augmenter-les-taxes-sur-l-alcool-a-la-rentree-20230718">augmentation des taxes sur les alcools</a>, une évolution qui serait discutée à la rentrée dans le cadre de l’examen du budget de la Sécurité sociale. La colère dans la filière <a href="https://theconversation.com/topics/vin-20325">vin</a> et spiritueux a été immédiate. Les 44 députés du <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/taxes-sur-lalcool-le-gouvernement-temporise-face-a-la-fronde-des-deputes-1967928">groupe d’étude « Vignes et Vins »</a>, notamment, dont certains sont membres de la majorité, ont interpellé le ministre de l’Agriculture pour l’exhorter à faire machine arrière.</p>
<p>La réforme envisagée par le gouvernement n’est pas encore précisément connue. Le projet devrait cependant s’inspirer de celle qui a touché le <a href="https://theconversation.com/topics/tabac-21029">tabac</a> au 1<sup>er</sup> janvier 2023 en ne touchant pas à la <a href="https://theconversation.com/topics/taxe-sur-la-valeur-ajoutee-tva-112419">TVA</a> mais à des taxes particulières que l’on appelle les droits d’accise. Ils concernent les biens générant des externalités sociales négatives (tabac, produits pétroliers, alcools) et dont on souhaite limiter la consommation. En économie, on parle aussi de <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ae/2009-v85-n4-ae3958/045070ar/">« biens tutélaires »</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1687092128575373312"}"></div></p>
<p>Quatre arguments peuvent justifier un alourdissement de la <a href="https://theconversation.com/topics/fiscalite-23513">fiscalité</a> sur les <a href="https://theconversation.com/topics/alcool-26411">alcools</a> : générer des recettes fiscales supplémentaires, améliorer la <a href="https://theconversation.com/topics/sante-publique-23257">santé publique</a>, harmoniser la fiscalité au sein de l’Union européenne ou harmoniser la fiscalité des alcools avec celle du tabac. À y regarder de près, il semble que c’est bien le dernier argument qui paraît le plus saillant. L’enjeu derrière cette réforme semble bien symbolique et interroge la façon dont notre société perçoit en particulier les vins et alcools. Faut-il y voir un produit similaire au tabac ou bien un élément de notre <a href="https://theconversation.com/topics/patrimoine-20390">patrimoine</a> qui justifierait des exceptions ?</p>
<h2>Des augmentations de recettes limitées</h2>
<p>Les droits d’accise sur les alcools sont donnés chaque année par les <a href="https://www.douane.gouv.fr/fiche/droits-des-alcools-et-boissons-alcooliques">douanes</a>. Pour les vins tranquilles, ces droits sont aujourd’hui fixés à 3,98 euros par hectolitre, soit environ 3 centimes par bouteille de 75cl. Ils s’élèvent à 9,85€/hl pour les vins mousseux. Pour la bière, ils sont plus élevés : 7,82€/hl/degré d’alcool soit environ 40 centimes pour un litre à 5° d’alcool. Ce sont pour les spiritueux qu’ils sont les plus importants avec 1884,4€/hl d’alcool pur, soit plus de 8,25€ pour un litre à 45° d’alcool. Une exception s’applique aux rhums des territoires d’outre-mer qui sont moitié moins taxés.</p>
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<p>Jusqu’ici, le droit d’accise augmente tous les 1<sup>er</sup> janvier en fonction de l’inflation constatée à l’année N-2. L’augmentation en 2023 s’est ainsi faite proportionnellement à l’inflation observée en 2021. Le plafond d’augmentation reste toutefois fixé à 1,75 %. Pour le tabac, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000046791778">nouvelle formule de calcul</a> a fondé le calcul sur l’année N-1 (quand l’inflation commençait à se faire sentir) et le plafond a été porté à 3 %.</p>
<p>Si l’année de référence était modifiée et le plafond supprimé pour les alcools, la hausse des droits d’accise au 1<sup>er</sup> janvier 2024 s’établirait, selon les <a href="https://publications.banque-france.fr/projections-macroeconomiques-juin-2023">projections d’inflation en 2023 de la Banque de France</a>, à 5,6 % contre 1,75 % sans réforme fiscale.</p>
<p>Il est alors possible de chiffrer l’impact de la réforme sur le prix des alcools et sur le surplus de recettes fiscales. Celui-ci paraît somme toute assez marginal. Si le gain sur les spiritueux n’est pas négligeable, tout en restant très limité au regard des enjeux budgétaires, il apparaît dérisoire sur le vin.</p>
<p>En fonction des <a href="https://fr.statista.com/themes/3787/l-alcool-en-france/#editorsPick">dernières données</a> de consommation d’alcool, les gains pour l’État se répartiraient ainsi : pour le vin, les droits d’accise augmenteraient d’environ 5 millions d’euros. Pour la bière le gain de la réforme se situerait autour de 35 millions d’euros. L’essentiel du gain proviendrait des spiritueux avec un surcroît de recettes attendu de près de 100 millions d’euros.</p>
<p>Ce calcul demande à être affiné en fonction des degrés d’alcool et complété car ne sont concernées que les trois grandes catégories d’alcool dans notre calcul. Il y manque par exemple les cidres et les produits dérivés. Cela donne néanmoins des ordres de grandeur réalistes. Bercy parle d’environ 300 millions d’euros, il sera intéressant de connaître le calcul qui mène à ce montant. Sans doute une hausse de la cotisation de sécurité sociale sur les alcools à plus de 18° doit également être envisagée pour parvenir à ce résultat.</p>
<h2>Santé publique, harmonisation européenne : des arguments peu crédibles</h2>
<p>L’argument de santé publique s’analyse, lui, à partir de l’élasticité-prix de la consommation d’alcool. Cet indicateur mesure de combien diminue la consommation lorsque le prix augmente de 10 %. Elle serait de l’ordre de <a href="https://fiscalite-comportementale.org/leffet-prix-sur-la-consommation-dalcool-est-il-reel/">4 %</a>, un chiffre qui n’est toutefois pas uniforme. C’est une moyenne. Dans le cas de cette réforme, une hausse du prix du vin inférieure à 1 centime peut n’avoir aucun impact sur la consommation.</p>
<p>Les <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/09/26/prix-du-tabac-une-hausse-limitee-quand-on-la-compare-avec-l-inflation_6143295_4355770.html">études sur le tabac</a>, notamment, montrent que les hausses doivent être marquées pour créer un effet psychologique chez le consommateur. Même pour les spiritueux, malgré une hausse nettement plus forte, l’effet risque d’être dilué par une absorption de la fiscalité dans les marges des producteurs et distributeurs. Dire que cet alourdissement de la fiscalité est dicté par un enjeu sanitaire n’est donc pas crédible. En particulier pour le vin, dont la <a href="https://www.bfmtv.com/economie/consommation/face-a-la-chute-continue-de-la-consommation-de-vin-les-vignerons-sonnent-l-alarme_AN-202306290047.html">consommation baisse</a> déjà en tendance séculaire en France.</p>
<p>Un autre argument qui ne peut être invoqué est celui de l’harmonisation européenne. Néanmoins, la législation des 27 ne fixe que des <a href="https://europa.eu/youreurope/business/taxation/excise-duties-eu/paying-excise-duties/index_fr.htm">minimas</a> laissant à chaque pays la liberté de taxer davantage, ce dont la France ne se prive pas. En <a href="https://administracion.gob.es/pag_Home/Tu-espacio-europeo/derechos-obligaciones/empresas/impuestos/especiales/alcohol.html">Espagne</a>, par exemple, les droits sont nuls sur le vin, et près de deux fois moins élevés sur les spiritueux.</p>
<h2>Le vin, patrimoine ou équivalent du tabac ?</h2>
<p>En définitive, l’enjeu de la réforme pourrait surtout être symbolique. Appliquer la même formule d’augmentation des droits d’accise au tabac et au vin, ce serait mettre sur un même plan ces deux produits.</p>
<p>Au regard d’externalités négatives comparables, ce choix semble cohérent. Toutefois, il paraît contradictoire avec la <a href="https://www.larvf.com/,vins-hommes-de-annee-laurent-fabius-oenotourisme,4428234.asp">position</a> énoncée par Laurent Fabius en 2015, alors ministre des Affaires étrangères, qui présentait le vin comme un art de vivre à la française. Le président Macron, élu <a href="https://www.liberation.fr/societe/sante/designe-personnalite-de-lannee-2022-par-la-revue-du-vin-de-france-macron-a-le-rose-aux-joues-20220104_YG3FFOILBJB3BJPQFV3TU3IBRY/">personnalité de l’année 2022 par la Revue du Vin de France</a>, semblait s’inscrire dans cette lignée en s’affichant toujours comme un défenseur du vin comme élément de la culture française.</p>
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<p>La doctrine serait-elle en train de changer ? Difficile à dire, mais ce projet donne un sentiment de confusion là où la doctrine Fabiusienne était claire et suivie par les gouvernements postérieurs. Thomas Cazenave personnalise cet été le malaise suscité par ce projet de réforme. En tant qu’élu, il connait tous les déboires liés au climat traversés par les viticulteurs chaque année. Cet été c’est le mildiou qui est en train de détruire la vigne et qui rend la filière extrêmement nerveuse. Défenseur de la filière vin en tant que député de Gironde, signataire d’un courrier mettant en garde contre l’alourdissement de la fiscalité sur le vin, il pourrait paradoxalement porter ce projet en tant que ministre délégué aux Comptes publics.</p>
<p>Tout le débat semble ainsi de savoir s’il faut aller au bout de la doctrine du vin et des alcools à base de vins (Cognac et Armagnac notamment) en tant que patrimoine culturel français en leur octroyant un statut fiscal spécial, les soustrayant aux droits d’accise comme dans les autres grands pays producteurs européens.</p>
<hr>
<p><em>L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211367/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Marie Cardebat est Président de la European Association of Wine Economists. </span></em></p>Recettes limitées, raisons de santé publique peu crédibles… le projet de hausse de la fiscalité des vins semble surtout interroger notre rapport à ce produit comme élément de notre patrimoine.Jean-Marie Cardebat, Professeur d'économie à l'Université de Bordeaux et Prof. affilié à l'INSEEC Grande Ecole, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2090762023-07-05T17:32:29Z2023-07-05T17:32:29ZPourquoi le retour des politiques d’austérité peut être souhaitable<p>Que le <a href="https://theconversation.com/topics/budget-21031">budget</a> 2024 permette de réaliser « au moins 10 milliards d’euros d’économie » comme l’affirme le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire, la Cour des comptes semble en <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/06/29/finances-publiques-la-cour-des-comptes-sceptique-sur-les-objectifs-du-gouvernement_6179760_823448.html">douter</a>. Hypothèses économiques trop optimistes, <a href="https://theconversation.com/topics/fiscalite-23513">rentrées fiscales</a> qui diminuent, besoin de financer une transition verte, les magistrats financiers estiment les efforts promis insuffisants.</p>
<p>Quand on se penche sur les <a href="https://theconversation.com/topics/finances-publiques-24847">finances publiques</a> de la <a href="https://theconversation.com/topics/economie-francaise-20565">France</a>, le premier constat est l’accroissement spectaculaire du <a href="https://www.insee.fr/fr/outil-interactif/5367857/tableau/10_ECC/15_FIN">poids des dépenses dans le PIB</a>. Celui-ci est passé de 34,7 % en 1960 à 55,4 % en 2019, juste avant la pandémie de Covid-19 et à 59 % en 2021, année de l’après-confinement.</p>
<p>Cette hausse s’est accompagnée d’une détérioration régulière du solde budgétaire. Les périodes fastes des cycles économiques n’ont que partiellement été mises à profit pour apurer la situation. Lors de la récession de 1993, le déficit culminait à -6,3 % du PIB. Le redressement qui suit le ramène à -1,3 % en 2000. Puis la récession de 2009 le fait plonger à -7,2 %. Lors du redressement cyclique postérieur, il n’est ramené qu’à un niveau de -2,3 % en 2018. En 2020, il atteint -9 % du PIB et il reste à – 4,7 % en 2022.</p>
<p><iframe id="yV3dD" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/yV3dD/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cela semble traduire un refus implicite de la population d’accepter la vérité de la facture publique ou tout au moins un refus explicite du gouvernement de la mettre face à la réalité. La conséquence la plus tangible est que la <a href="https://theconversation.com/topics/dette-20647">dette publique</a> ne cesse de s’accroître. Au premier trimestre 2023, elle a dépassé le seuil symbolique des <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7638614">3 000 milliards d’euros</a>, soit 112 % du PIB. Au moment de l’entrée en vigueur de l’euro en 2002, elle était à 936 milliards ; elle a plus que triplé depuis.</p>
<p><iframe id="osvoS" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/osvoS/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Le keynésianisme en échec</h2>
<p>Or cette accumulation de dette n’a pas eu les effets positifs attendus. L’ <a href="https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/politiques-economiques/theories-economiques/multiplicateur-budgetaire/">« effet multiplicateur »</a> mis en avant par les théories keynésiennes qui associent déficit budgétaire et croissance économique ne paraît pas avoir agi. L’idée est, en théorie, la suivante : une augmentation de la dépense publique va stimuler la demande et par voie de conséquence la production ; les producteurs auront alors des revenus supplémentaires qu’ils pourront redistribuer, augmentant la demande et ainsi de suite. Le mécanisme génèrerait des impôts excédant le déficit initial.</p>
<p>Néanmoins, ce n’est pas ce que l’on observe empiriquement. Alors que la dette s’est accrue en moyenne de 5,7 % par an entre 2002 et 2022, la croissance moyenne en valeur du PIB n’a été que 2,5 %.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/535557/original/file-20230704-20-ujvwcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535557/original/file-20230704-20-ujvwcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535557/original/file-20230704-20-ujvwcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535557/original/file-20230704-20-ujvwcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535557/original/file-20230704-20-ujvwcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535557/original/file-20230704-20-ujvwcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535557/original/file-20230704-20-ujvwcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535557/original/file-20230704-20-ujvwcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Sans doute la population a-t-elle compris qu’une hausse des dépenses publiques aujourd’hui devra être financée plus tard. S’en suit un réflexe d’épargne pour affronter cet avenir fiscal rendu incertain : mieux vaut avoir des provisions au moment où un effort sera demandé. Cela conduit à une augmentation du prix des actifs. Les bulles immobilières ou le retour en force de l’or en sont les traductions les plus manifestes. Le <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2830268">taux d’épargne des ménages</a> qui était de 14,5 % en 2003 est désormais de 18,3 %.</p>
<p>Ce mécanisme, appelé « équivalence ricardienne », a été mis en évidence en 1974 par l’économiste américain Robert Barro dans un article intitulé <a href="http://piketty.pse.ens.fr/files/Barro1974.pdf">« Are Government Bonds Net Wealth ? »</a>. Il y énonce le « théorème de Barro-Ricardo » indiquant que « la désépargne publique – c’est-à-dire le déficit budgétaire – engendre un surcroît équivalent d’épargne privée ». Il conduit à anticiper un multiplicateur keynésien égal à 0.</p>
<h2>« Robin des bois à l’envers »</h2>
<p>L’endettement public ne semble ainsi pas avoir l’impact positif que certains lui attribuent. Il n’est pas neutre pour autant et présente deux principaux inconvénients.</p>
<p>Le premier tient à l’égalité entre l’offre et la demande. Toute dépense publique non financée par un prélèvement sur la dépense privée augmente la demande. Si cette augmentation se pérennise, elle entraîne soit un apport d’offre extérieure, c’est-à-dire un creusement du déficit de la balance des paiements courants, soit une possibilité offerte au système productif d’augmenter ses prix, c’est-à-dire une relance de l’inflation.</p>
<p>En pratique, la France a plutôt accumulé les déficits extérieurs. Son <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/tipsii10/default/table?lang=fr">avoir extérieur net</a>, c’est-à-dire la différence entre la valeur de ce que les Français détiennent à l’étranger et celle de ce que les étrangers détiennent en France, est de plus en plus négatif. Il est passé de – 40 milliards d’euros fin 2001 (2,7 % du PIB) à – 800 milliards fin 2021 (32 % du PIB). Cela induit une perte de souveraineté qui, bien que souvent ignorée, présente une menace sur la génération future.</p>
<p><iframe id="3OpQd" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3OpQd/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le second est que la dette publique s’avère un mécanisme anti-redistributif. On qualifie cette situation de « Robin Hood reversed », l’État jouant un rôle inverse de celui de Robin des Bois qui prend aux riches pour donner aux pauvres. Ici, l’ensemble de la population paie des impôts pour que l’État verse des intérêts aux détenteurs de titres publics qui comptent en général parmi les plus fortunés. Avec la hausse en cours des taux d’intérêt, ce mécanisme va s’accentuer.</p>
<p>À ces éléments on pourrait ajouter l’étouffement progressif des marges de manœuvre de l’État obligé de consacrer de plus en plus de moyens à payer des intérêts, la perturbation dans le financement de l’économie due à la ponction sur l’épargne opérée par l’État et la fragilisation de nos rapports avec nos partenaires européens due au non-respect des traités faisant de l’équilibre structurel la règle à respecter.</p>
<h2>Les politiques d’austérité sont-elles légitimes ?</h2>
<p>Faut-il alors en revenir aux politiques de rigueur ? Historiquement, c’est le premier ministre socialiste Pierre Mauroy qui introduit cette expression en mars 1983. Alors qu’il se voit reprocher d’abandonner les promesses de 1981 pour mener une politique identique à celle de Raymond Barre, son prédécesseur plus libéral, il prétend qu’il n’en est rien. Selon lui, « la rigueur, c’est l’austérité, plus l’espoir ».</p>
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<p>Pareilles mesures, autrement appelées d’« austérité » semblent s’imposer dans le contexte actuel. L’enjeu porte plus sur leur contenu que sur leur principe. En 2017, traçant les perspectives dans son document intitulé <a href="https://www.oecd.org/fr/innovation/47747305.pdf#page=16"><em>Des politiques meilleures pour une vie meilleure</em></a>, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) écrivait :</p>
<blockquote>
<p>« L’assainissement budgétaire – le processus indispensable consistant à retrouver la maîtrise des budgets publics – implique des choix politiques difficiles concernant les dépenses et les recettes publiques. Cela signifie passer en revue les systèmes de protection sociale pour éviter les gaspillages et renforcer les incitations à travailler, et réduire les salaires des fonctionnaires. »</p>
</blockquote>
<p>Ayant étudié les redressements budgétaires de 24 pays entre 1978 à 2002 dans ses « <em><a href="https://www.oecd-ilibrary.org/economics/data/perspectives-economiques-de-l-ocde-statistiques-et-projections/perspectives-economiques-de-l-ocde-no-78_data-00088-fr">perspectives économiques</a></em> » de 2005, soit 85 périodes d’assainissement, l’OCDE constatait la chose suivante : si, en général, l’assainissement ralentit la croissance à court terme, elle se redresse assez vite tandis que la croissance de long terme s’améliore. Deux cas sont particulièrement mis en avant dans l’étude : le Danemark entre 1983 et 1986 et l’Irlande en 1987 pour lesquels l’assainissement s’est même accompagné d’emblée d’une accélération de la croissance.</p>
<p>Une des raisons de leur réussite est que l’austérité a été associée à des mesures en faveur de l’investissement privé qui a pris le relais de la dépense publique. Cela fonctionne à trois conditions. D’abord, il faut éviter de pénaliser les entreprises en augmentant leurs impôts. Cela vaut même aujourd’hui au moment de faire de l’outil fiscal un vecteur privilégié de la transition écologique : on doit alléger leur fiscalité tout en la « verdissant ». Ensuite, il faut compter sur les effets ricardiens concernant les ménages dont la volonté de désépargne se manifestera dès qu’ils auront conscience des effets positifs de la politique suivie. Enfin, la volonté de mener une politique d’assainissement budgétaire doit être suffisamment claire pour que la double dynamique de l’investissement des entreprises et de la désépargne des ménages s’affirme pleinement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209076/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Marc Daniel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La dette publique ne semble pas stimuler la croissance alors qu’elle pèse sur les déficits extérieurs de la France et accentue pour partie les inégalités.Jean-Marc Daniel, Emeritus associate Professor, Law Economics & Humanities, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2048572023-05-03T20:48:18Z2023-05-03T20:48:18ZBaisse de l’impôt sur les sociétés : comment les entreprises ont pu doublement en profiter<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/523844/original/file-20230502-26-tiee4b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C1278%2C843&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Anticipant les baisses d’impôts annoncés par le législateur, des entreprises ont su décaler leur déclaration vers les années plus avantageuses.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/calculatrice-calcul-assurance-1044172/">Steve Buissinne / Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans les périodes d’incertitude comme celle que nous vivons actuellement – après la pandémie, la crise énergétique, l’inflation et la guerre en Ukraine – les gouvernements envisagent différentes politiques pour aider les entreprises à poursuivre leurs activités. L’une des mesures couramment envisagées par les gouvernements est la réduction de l’impôt sur le revenu des sociétés, dans le but d’aider les entreprises et, ainsi, de stimuler l’économie.</p>
<p>La loi de finances française pour 2018 a ainsi mis en place des avantages fiscaux pour les entreprises qui ont bénéficié de <a href="https://www2.deloitte.com/content/dam/Deloitte/global/Documents/Tax/dttl-tax-alert-france-28-september-2017.pdf">réductions progressives de l’impôt sur les sociétés</a> afin de stimuler leurs investissements. So taux a évolué de <a href="https://www.legifiscal.fr/actualites-fiscales/1732-2018-is-28-500000-benefices.html">33 % en 2017 à 25 % en 2022</a>. Cette mesure pourrait expliquer une <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5418035">progression des investissements</a> en France, participant d’une reprise de la croissance du PIB de 7 % en 2021 après les confinements. C’est en tout cas souvent de cette façon que se justifient des réformes fiscales : des taux d’imposition plus bas peuvent libérer des ressources qui pourraient être utilisées pour <a href="https://www.jstor.org/stable/1818123">accroître l’investissement</a> des entreprises. Le <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/baisse-dimpots-les-profits-des-entreprises-taxes-a-25-en-2022-1348495">document</a> présenté au conseil des ministres indiquait alors de fait :</p>
<blockquote>
<p>« Cette réforme […] améliore la compétitivité des entreprises en général et bénéficie en particulier aux entreprises de taille intermédiaire du secteur industriel ».</p>
</blockquote>
<p>Des <a href="https://www.nber.org/system/files/working_papers/w4171/w4171.pdf">études antérieures</a> ont cependant montré que les entreprises profitent parfois des réformes fiscales qui réduisent les taux d’imposition des sociétés par le biais d’une pratique connue sous le nom de « transfert intertemporel de revenus ». Cette stratégie vise à transférer le revenu imposable de la période où le taux d’imposition est le plus élevé vers la période où le taux d’imposition est le plus faible, afin de réaliser des économies.</p>
<h2>Une stratégie fiscale effectivement employée</h2>
<p>Voyons cela à l’aide d’un exemple. Imaginons qu’une entreprise française ait un revenu imposable de 400 000 euros en 2017 et le même en 2018. Le taux d’imposition étant de 33 % en 2017 et de 28 % en 2018 pour cette somme, la dette fiscale totale de l’entreprise pour ces deux années serait de 132 000 + 112 000) = 244 000 euros.</p>
<p>Si cette société, en utilisant des stratégies fiscales, transfère 100.000 euros de revenus de 2017 à 2018, son revenu imposable deviendra 300 000 en 2017 et 500 000 en 2018. Ainsi, l’impôt total à payer par la société pour ces deux années serait de (100 000 + 140 000) = 240 000 euros. On voit comment, en transférant une partie de ses revenus, l’entreprise a réalisé une économie d’impôt de 4 000 euros.</p>
<p>Certes, le montant ne semble pas gigantesque. Les chiffres ont ici été retenus car différentes tranches d’imposition s’appliquaient au-delà de 500 000 euros, rendant le calcul plus complexe. Gardons néanmoins en tête que c’est tout de même près de 2 % d’économie d’impôts réalisée, et que cette stratégie a pu être déployée sur plusieurs années de baisses successives entre 2017 et 2022 par des entreprises aux bénéfices qui se chiffrent en millions.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<hr>
<p>Récemment, nous avons mené une <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3581685">étude</a> visant à déterminer si les entreprises non cotées d’un pays voisin, l’Espagne, qui a connu une réforme fiscale réduisant les taux d’imposition des sociétés, étaient, dans les faits, impliquées dans de telles stratégies. Les résultats empiriques ont confirmé que les entreprises non cotées ont utilisé la réforme fiscale pour mettre en œuvre des transferts intertemporels de revenus afin d’obtenir davantage d’économies d’impôts.</p>
<p>Les sommes correspondent en moyenne à 0,685 % des actifs totaux. Nos résultats indiquent également que les entreprises qui y ont eu recours ont utilisé les économies d’impôt pour augmenter les investissements dans l’emploi. Enfin, nous constatons également que ces investissements supplémentaires ont permis aux entreprises de conserver la main-d’œuvre nécessaire pour soutenir la croissance attendue de l’activité.</p>
<h2>Comment capter le manque à gagner ?</h2>
<p>Même si nos conclusions empiriques suggèrent que, à première vue, l’objectif de la réforme fiscale semble atteint, cela passe aussi par des mécanismes indirects. Les économies d’impôts supplémentaires, ne l’oublions pas, se font au prix d’une baisse supplémentaire de la collecte de recettes par le Trésor.</p>
<p><iframe id="YerGG" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/YerGG/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Récemment, une <a href="https://www.oecd.org/tax/tax-policy/corporate-tax-statistics-fourth-edition.pdf">étude</a> publiée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a montré que la part des recettes de l’impôt sur les sociétés dans les recettes fiscales totales était de 15 % en moyenne dans 115 pays contre à peine 6 % en France. Ces chiffres sont respectivement de 3 % et 2.5 % si l’on rapporte au PIB. Cela indique que, dans l’Hexagone, seule une petite partie des recettes provient de l’impôt sur les sociétés par rapport aux autres pays de l’OCDE.</p>
<p>La France n’est pourtant pas l’un des pays où le taux d’imposition des sociétés est le plus faible. La raison de ces écarts est que le gouvernement français tire davantage de recettes fiscales d’autres types d’impôts (TVA et impôt sur le revenu en tête) que de l’impôt sur les sociétés.</p>
<p>Par conséquent, même si une réduction du taux de l’impôt sur les sociétés peut être utile en période d’incertitude car les entreprises peuvent disposer de plus de liquidités pour des investissements efficaces, les autorités fiscales devraient prévenir les comportements de planification fiscale en accordant, par exemple, des avantages aux entreprises ayant des opportunités d’investissement ou en mettant en place un ensemble de contrôles tels que des audits fiscaux plus aléatoires, pour tenter de tromper le comportement cité. De cette manière, les entreprises seront moins motivées à transférer les revenus dans le temps afin d’accéder à des flux de trésorerie supplémentaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204857/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Non seulement elles ont pu bénéficier d’un taux plus avantageux, mais aussi, elles ont su mettre en place des stratégies de planification pour décaler des déclarations de revenus.Cinthia Valle Ruiz, Assistant Professor of Accounting and Tax, IÉSEG School of ManagementDomenico Campa, Associate Professor of Accounting, International University of MonacoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1989532023-02-10T14:39:58Z2023-02-10T14:39:58ZVoici comment cuire vos pâtes correctement tout en économisant<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/507426/original/file-20230131-4114-mv0hcy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C0%2C5077%2C3397&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lorsque nous faisons cuire des pâtes sèches, deux processus se déroulent généralement en parallèle. Tout d’abord, l’eau pénètre dans les pâtes, les réhydratant et les ramollissant en dix minutes dans l’eau bouillante. Ensuite, les pâtes se réchauffent, ce qui provoque l’expansion des protéines et les rend comestibles.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Les Italiens défendent leur cuisine de manière notoire – et légitime – comme en témoignent les fréquents débats sur les garnitures appropriées pour la pizza ou le choix des pâtes à utiliser avec un <em>ragù bolognese</em>. </p>
<p>Il n’est donc pas surprenant que, lorsqu’un physicien italien, lauréat d’un prix Nobel, <a href="https://www.ft.com/content/a29356f4-096f-4f84-960f-426adc2224a9">a émis des conseils</a> sur la façon de cuire les pâtes à la perfection, ce qui a semblé remettre en question toutes les méthodes utilisées par les cuisiniers du pays depuis des siècles, il a suscité une <a href="https://www.independent.co.uk/life-style/food-and-drink/italy-pasta-cooking-gas-scientist-b2160736.html">vive polémique</a>.</p>
<p>Le professeur Giorgio Parisi – qui a reçu le <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/physics/2021/parisi/facts/">Nobel de physique 2021</a> pour « sa découverte de l’interaction entre désordre et fluctuations dans les systèmes physiques, de l’échelle atomique à l’échelle planétaire » – a suggéré que le fait d’éteindre le feu <a href="https://www.forbes.com/sites/danieladelorenzo/2022/09/15/can-italians-keep-up-their-pasta-intake-when-energy-costs-are-rocketing/amp/">à mi-cuisson des pâtes</a>, puis de couvrir la casserole et d’attendre que la chaleur résiduelle de l’eau termine le travail, peut aider à réduire le coût de la cuisson des pâtes.</p>
<p>À cela, le chef étoilé au guide Michelin <a href="https://medium.com/counterarts/the-debate-on-spaghetti-to-save-gas-95742e35d992">Antonello Colonna a répondu</a> que cette méthode rendait les pâtes caoutchouteuses et qu’elle ne pourrait jamais être servie dans un restaurant gastronomique comme le sien. La controverse s’est rapidement propagée dans les médias, avec la contribution de plusieurs sommités de l’alimentation et de la science.</p>
<p>Mais pour ceux d’entre nous qui, à la maison, tentent d’économiser en cuisinant des pâtes, la méthode de Parisi est-elle vraiment rentable ? Et le goût est-il vraiment si mauvais ? Inspirés par l’idée d’économiser de l’argent, les étudiants Mia et Ross de l’Université de Nottingham Trent se sont mis à la cuisine pour faire cuire des pâtes de différentes manières, contribuant ainsi à débroussailler la question.</p>
<h2>Que se passe-t-il lorsque vous faites cuire des pâtes ?</h2>
<p>Tout d’abord, il faut se demander ce qui se passe réellement lorsque nous faisons cuire des pâtes. Dans le cas des pâtes sèches, deux processus se déroulent généralement en parallèle. Tout d’abord, l’eau pénètre dans les pâtes, les réhydratant et les ramollissant en dix minutes dans l’eau bouillante. Ensuite, les pâtes se réchauffent, ce qui provoque l’expansion des protéines et les rend comestibles.</p>
<p>La méthode de cuisson classique consiste à plonger 100 g de pâtes dans 1 litre d’eau bouillante pendant dix à douze minutes, en fonction de leur épaisseur. La répartition de la consommation d’énergie est représentée dans le graphique suivant, qui peut être converti en coût total au moyen des informations sur le prix de l’énergie et l’efficacité de la cuisinière.</p>
<p>Aux prix d’aujourd’hui, le coût de la cuisson des pâtes sèches sur une plaque vitrocéramique s’élève à 0,21 $ par portion, à 0,17 $ sur une plaque à induction et à 0,11 $ sur une table de cuisson au gaz. Ainsi, étant donné notre passion pour les pâtes (par exemple, chaque habitant du Royaume-Uni en mangeant en moyenne une <a href="https://www.statista.com/statistics/284475/weekly-household-consumption-of-pasta-in-the-united-kingdom-uk/#:%7E:text=In%202019%2F2020%2C%20an%20average,per%20week%20in%20UK%20holds.">portion par semaine</a>), nous dépensons environ 7 625 000 $ par semaine pour cuisiner des pâtes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/508109/original/file-20230203-8929-5qr1dq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique circulaire montrant la répartition de l’énergie utilisée pour cuire une casserole de pâtes" src="https://images.theconversation.com/files/508109/original/file-20230203-8929-5qr1dq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508109/original/file-20230203-8929-5qr1dq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=255&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508109/original/file-20230203-8929-5qr1dq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=255&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508109/original/file-20230203-8929-5qr1dq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=255&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508109/original/file-20230203-8929-5qr1dq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=321&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508109/original/file-20230203-8929-5qr1dq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=321&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508109/original/file-20230203-8929-5qr1dq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=321&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Graphique circulaire montrant la répartition de l’énergie utilisée pour cuire une casserole de pâtes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(David Fairhurst, Mia London et Ross Broadhurst/Université de Nottingham Trent)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le graphique montre clairement qu’environ 60 % de l’énergie est utilisée pour maintenir l’eau en ébullition. Ainsi, tout ce qui peut être fait pour réduire le temps de cuisson aurait un effet considérable sur le coût global. La méthode de Parisi, qui consiste à éteindre la plaque de cuisson à mi-chemin et à laisser les pâtes cuire dans la chaleur résiduelle, permet de réduire de moitié le coût de la cuisson, soit une économie d’environ 0,05 $. Cette méthode sera encore plus efficace sur les plaques vitrocéramiques ; contrairement à celles à gaz et à induction, elles mettent plus de temps à refroidir.</p>
<p>Cependant, en séparant les processus de réhydratation et de chauffage, il est possible de diminuer davantage le coût. Les pâtes sèches peuvent être entièrement réhydratées en les faisant <a href="https://www.exploratorium.edu/food/soaking-pasta">préalablement tremper dans de l’eau froide</a> pendant deux heures. Ce processus ne nécessite aucune énergie et permet d’économiser 0,05 $ supplémentaire. </p>
<p>Il faut ensuite plonger les pâtes dans l’eau bouillante pour les réchauffer ; et là aussi, il y a d’autres économies à faire. Les <a href="https://www.seriouseats.com/how-to-cook-pasta-salt-water-boiling-tips-the-food-lab">chefs</a>, les <a href="https://www.thespruceeats.com/cook-pasta-with-less-water-995917">blogueurs</a> et les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/jsfa.9299">scientifiques</a> rapportent que la qualité des pâtes cuites n’est pas affectée par la réduction considérable de la quantité d’eau. Nous avons constaté qu’en employant la moitié de l’eau, nous obtenions des pâtes parfaites, mais qu’en réduisant notre utilisation à un tiers, nous n’étions pas satisfaits. L’amidon est libéré pendant la cuisson ; s’il n’y a pas assez d’eau, il se concentre, laissant des amas de pâtes cuites de manière inégale. Cependant, le fait de remuer régulièrement la casserole améliore quelque peu le résultat.</p>
<p>Le graphique montre que le deuxième besoin énergétique le plus important est celui nécessaire pour porter l’eau à ébullition. Encore une fois, d’autres économies peuvent être réalisées ici.</p>
<p>Il s’avère que les granules de protéines des pâtes <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/jsfa.11138">se dissolvent au-dessus de 80 °C</a> ; il n’est donc pas nécessaire de porter la casserole à une « ébullition à gros bouillons » à 100 °C, comme cela est souvent conseillé. Un léger mijotage suffit à cuire complètement les pâtes, ce qui permet une économie supplémentaire d’environ 0,01 $.</p>
<p>Nous avons également étudié la possibilité d’utiliser un micro-ondes pour chauffer les pâtes préalablement trempées. Ces appareils sont très efficaces pour chauffer l’eau, mais dans le cadre de nos expériences, ils ont produit les pâtes les plus mauvaises de toutes. À ne pas essayer à la maison !</p>
<h2>Comment s’y prendre… et économiser de l’argent</h2>
<p>La palme pour la <a href="https://www.exploratorium.edu/food/recipes/low-energy-spaghetti">méthode la plus efficace</a> de cuisson des pâtes sèches revient au <a href="https://www.exploratorium.edu/food/soaking-pasta">trempage préalable dans de l’eau froide</a> avant la cuisson dans une casserole d’eau ou de sauce frémissante pendant une à deux minutes. Laisser le couvercle sur la casserole est une autre chose simple que vous pouvez faire. L’ajout de sel, bien que ne faisant qu’une différence minime quant au point d’ébullition, améliore considérablement le goût.</p>
<p>Nous ne sommes pas tous des chefs étoilés ou des physiciens lauréats du prix Nobel, mais nous pouvons tous <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/jsfa.9299">faire une différence</a> dans notre façon de cuisiner pour réduire nos factures d’électricité tout en produisant des aliments savoureux. À vous maintenant d’expérimenter ces méthodes jusqu’à ce que vous trouviez une combinaison qui rende votre cuisine plus économique tout en économisant vos sous !</p>
<hr>
<p><em>L’auteur tient à remercier ses étudiants Mia London et Ross Broadhurst pour leur aide dans la compilation de cette recherche.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198953/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Fairhurst ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Bien que de nombreux Italiens ne partagent pas cet avis, il existe des moyens de cuisiner des pâtes tout en économisant de l’énergie.David Fairhurst, Associate professor, Nottingham Trent UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1918012022-10-05T15:24:25Z2022-10-05T15:24:25ZPourquoi est-il si difficile de réformer les niches fiscales ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/487757/original/file-20221003-26-27lvo0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C152%2C1828%2C1281&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le crédit d'impôt recherche (CIR) est aujourd'hui la dépense fiscale la plus coûteuse avec 7,4 milliards en 2022.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.stockvault.net/photo/234724/500-euro-bills#">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Avec un déficit public attendu à plus de <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/286445-projet-de-loi-de-finances-2023-plf-budget-2023">5 % du PIB l’an prochain</a> et le refus affiché du gouvernement d’augmenter la pression fiscale, la rationalisation des quelque <a href="https://fipeco.fr/pdf/Niches2021.pdf">471 niches fiscales recensées</a> à ce jour devrait constituer, tout comme la lutte contre la fraude, une priorité. En effet, ces exonérations représentent un manque à gagner de l’ordre de 83 milliards par an (hors CICE en voie d’extinction) soit 25 % des recettes budgétaires de 340 milliards, ou encore près de 4 % du PIB.</p>
<p>Or le PLF 2023 ne prévoit qu’un minuscule toilettage de six petites niches, dont cinq sans aucune incidence budgétaire. Pourquoi tant de frilosité à s’attaquer à ce chantier à l’heure où des économistes expliquent qu’elles constituent, pour certaines, un <a href="https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-note069.pdf">facteur de creusement des inégalités</a> ? Il est vrai qu’il s’agit d’une question politiquement toujours sensible, comme l’illustre l’image reprise régulièrement par les politiques : « devant chaque niche (fiscale), il y a un gros chien »…</p>
<h2>Inciter à des comportements vertueux</h2>
<p>Dans notre <a href="https://univ-droit.fr/recherche/actualites-de-la-recherche/parutions/9505-theorie-generale-des-depenses-socio-fiscales">Théorie générale des dépenses socio-fiscales</a>, nous qualifions de niche, ou de dépense socio-fiscale :</p>
<blockquote>
<p>« Toute disposition, législative, réglementaire ou administrative, dont la mise en œuvre entraîne pour les administrations publiques une perte de recettes, qui peut être remplacée par une dépense budgétaire et qui accorde, directement ou indirectement, à une catégorie de contribuables, un allégement de ses prélèvements obligatoires par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme issue des principes généraux du droit et appliqué au segment spécifique de référence considéré. »</p>
</blockquote>
<p>Si les avantages fiscaux ciblés destinés à favoriser tel ou tel groupe social (comme le clergé ou la noblesse sous l’Ancien Régime) sont aussi anciens que l’impôt, les niches fiscales ont officiellement pour objet d’inciter les contribuables à des comportements vertueux (comme le dispositif Pinel pour favoriser le logement neuf ou la réduction d’impôt sur le revenu pour les dons aux œuvres).</p>
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<p>Cependant, la prolifération de ces niches fiscales génère de nombreux effets pervers économiquement (en biaisant la concurrence), socialement (en minant le principe d’égalité devant l’impôt), politiquement (en contribuant à créer un état de clientélisme voire de corruption nuisible à l’État de droit) et même <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-budget-de-letat-en-2021-resultats-et-gestion">environnementalement</a>.</p>
<h2>Quelles niches éliminer ?</h2>
<p>Pour réduire le manque à gagner pour l’État, le ministre de l’Économie Francis Mer avait décidé en 2003 de s’attaquer au maquis des niches. Depuis, le législateur a mis en place diverses stratégies pour contenir leur expansion comme l’éphémère <a href="https://www.fipeco.fr/commentaire/Lacroissanceduco%C3%BBtdesd%C3%A9pensesfiscales">« règle du gage »</a> de 2009 qui n’autorisait leur création ou leur extension qu’en compensation de la suppression d’une niche de même coût.</p>
<p>Pour l’impôt sur le revenu, un autre moyen de réduire le coût des niches de l’impôt sur le revenu a été le <a href="https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/5955-PGP.html/identifiant%3DBOI-IR-RICI-20210517">plafonnement global</a> initié sous la présidence de François Hollande au 1<sup>er</sup> janvier 2013, actuellement de 10 000 euros par foyer (mais qui fait lui-même l’objet de dérogations, par exemple pour les Sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel ou les monuments historiques).</p>
<p>Comment réduire le coût des dépenses fiscales ? Pour tenter de répondre à cette question, nous avons proposé une méthode de gestion des niches fiscales fondée sur une série de <a href="https://www.ericpichet.fr/assets/files/v1/pdf/article-RDF-8septembre2016-fr.pdf">six filtres successifs</a>. Ces six critères évaluent d’abord leur légitimité (ainsi l’ancienneté d’une niche n’est jamais un critère pertinent de conservation et l’effet d’aubaine toujours un critère d’élimination), leur utilité, leur pertinence (le dispositif bénéficie-t-il aux contribuables ou est-il capté par des intermédiaires ?), leur efficacité (en prenant en compte tous les coûts, y compris ceux de sa gestion par le fisc), leur substituabilité (est-il possible de remplacer la mesure par une simple subvention moins coûteuse ?) et enfin l’acceptabilité sociale de sa disparition, une question éminemment politique.</p>
<h2>Frais professionnels pour les retraités</h2>
<p>Cette méthodologie valide par exemple le maintien de la niche fiscale la plus coûteuse, à savoir le crédit d’impôt recherche (CIR, <a href="https://www.economie.gouv.fr/files/2021-09/PLF_2022.PDF">7,4 milliards en 2022</a>) bien qu’elle soit la plus critiquée par la littérature qui estime généralement qu’il serait préférable d’augmenter à due concurrence le budget des organismes de recherche publique et des universités.</p>
<p>Or, s’il ne fait aucun doute que la recherche fondamentale apporte à très long terme des innovations révolutionnaires insoupçonnables à leurs prémices et de très forte valeur ajoutée, il est tout aussi incontestable que les entreprises sont les mieux placées pour orienter un type de recherche appliquée qui leur sera profitable à moyen et long terme.</p>
<p>In fine, ce dispositif unique au monde complète sans s’y opposer la recherche publique et offre un avantage compétitif très fort au pays : il s’avère donc parfaitement légitime.</p>
<p>La deuxième grande niche fiscale, pour un coût de 4,9 milliards d’euros par an en 2022, concerne le crédit d’impôt de 50 % des charges salariales (plafonnées à 12 000 euros par an) pour emploi d’un salarié à domicile. En réalité, il s’agit plutôt d’une simple modalité pratique de calcul de l’impôt, une mesure de simplification qui traite le foyer fiscal comme une micro-entreprise employant un ou plusieurs salariés, et dont les charges salariales doivent logiquement s’imputer sur le revenu global du foyer.</p>
<p>À supposer même qu’on ne la considère pas comme partie intégrante du système fiscal, cette niche fiscale apparaît dans tous les cas légitime au nom de la création d’emploi et de la lutte contre le travail au noir. En revanche, le maintien de la troisième niche par son coût est beaucoup plus discutable. Il s’agit de l’abattement pour frais professionnels (sic) de 10 % dont bénéficient les retraités. Cet abattement, plafonné à 3 912 euros en 2021, coûte 4,2 milliards d’euros par an. Cette niche, par nature régressive puisqu’elle ne profite qu’aux foyers imposables, n’a bien entendu aucune légitimité.</p>
<h2>À rebours de la Constitution</h2>
<p>À défaut de la supprimer – ce qui paraît politiquement suicidaire étant donné le <a href="https://www.bfmtv.com/politique/elections/presidentielle/presidentielle-les-cadres-et-les-retraites-ont-vote-macron-les-ouvriers-et-employes-le-pen_AV-202204100368.html">poids des retraités dans l’électorat</a>, une solution en période de retour de l’inflation pourrait être d’en bloquer le plafond ad vitam aeternam pour en réduire progressivement son coût pour l’État.</p>
<p>Enfin, dans un souci d’équité, il serait juste de transformer la réduction d’impôt des dons aux associations (qui pèse 1,6 milliard d’euros par an) en un véritable crédit d’impôt, qui permettrait ainsi à tous les donateurs, y compris les plus modestes, de bénéficier d’un avantage fiscal actuellement réservé, de manière inique, aux seuls contribuables imposables soit 44 % des foyers fiscaux.</p>
<p>D’une manière générale, il serait souhaitable dans un souci d’équité de poursuivre la tendance initiée depuis deux décennies de privilégier les réductions d’impôt sur le revenu des personnes physiques aux déductions du revenu imposable. Comme le soulignait le <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i0946.asp">rapport</a> de l’Assemblée nationale de 2008 sur les niches :</p>
<blockquote>
<p>« Le propre des mesures d’assiette est de conduire à un avantage en impôt dépendant du taux marginal d’imposition (plus la tranche est élevée, plus il y a de dispositifs d’abattement) à un avantage en impôt croissant, toutes choses étant égales par ailleurs, avec le revenu du contribuable, à rebours du principe à valeur constitutionnelle posé par l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. »</p>
</blockquote>
<p>Notre méthodologie d’identification puis de régulation des dépenses fiscales est fondée sur un solide cadre théorique global et sur une logique rigoureuse et claire. Pour l’appliquer, la principale difficulté restera in fine la capacité de la société et de l’électorat à accepter leur réduction ou leur suppression. C’est sans doute la raison pour laquelle, pour éviter les sujets sensibles, le gouvernement a opté pour le statu quo sur les niches fiscales dans le PLF 2023. Mais cette stratégie attentiste est déjà confrontée à de <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/impots-laide-au-soutien-scolaire-a-domicile-pourrait-etre-plafonnee-1865713">nombreux amendements</a> demandant des suppressions de niches fiscales dans le débat parlementaire actuellement en cours.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191801/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Seules six niches fiscales sur 471 vont être modifiées dans le prochain projet de loi de finances, malgré les problèmes que ces dérogations peuvent causer. Une question plus politique qu’économique.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1916402022-10-05T15:23:05Z2022-10-05T15:23:05ZPLF 2023 : jusqu’à quel point pouvons-nous vivre à crédit ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/487738/original/file-20221003-14-6r6og2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C35%2C1180%2C862&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 10 ans, les dépenses publiques sont passées de 56,3% à 59% du PIB.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/luc/398921997">Luc Legay/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>À la suite de la présentation en conseil des ministres, le 26 septembre, du <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/286445-projet-de-loi-de-finances-2023-plf-budget-2023">projet de loi de finances (PLF) 2023</a> et des projections 2023-27, l’opposition – a priori insoluble – entre les tenants d’une gestion budgétaire saine et le gouvernement a refait surface. Le débat se cristallise une nouvelle fois sur deux chiffres : le déficit budgétaire – 5 % et le niveau d’endettement – 111,2 %, tous deux rapportés au PIB. Au point que désormais, même la sensible réforme des retraites apparaît comme un levier pour réduire le poids de la dette par rapport au PIB.</p>
<p>Pour les premiers, la <a href="https://www.medef.com/fr/communique-de-presse/article/projet-de-loi-de-finances-plf-2023-le-mouvement-des-entreprises-de-france-regrette-le-manque-dambition-en-matiere-de-baisse-des-depenses-publiques-et-appelle-a-une-sobriete-budgetaire">trajectoire n’est pas soutenable</a> et ne peut conduire tôt ou tard, qu’à un manque structurel de ressources de l’État, voire à sa défaillance. Pour le second, il s’agit de souligner la stabilisation des soldes avant le retour à une situation « normale » en 2027 et la capacité à mobiliser des ressources suffisantes pour répondre de manière pertinente aux priorités auxquelles doit faire face le pays.</p>
<p><iframe id="e39wv" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/e39wv/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour y parvenir, l’agence France Trésor prévoit, entre autres, de <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/la-france-va-emprunter-le-montant-record-de-270-milliards-deuros-sur-les-marches-1851744">lever 270 milliards</a>, par un programme d’émission de titres d’État, dont 159 pour financer le déficit. Or, comme l’a montré <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/09/28/au-royaume-uni-la-banque-d-angleterre-agit-en-urgence-pour-enrayer-la-panique-financiere_6143605_3234.html">l’exemple britannique récent</a>, tout émetteur peut se retrouver rapidement confronté à l’impossibilité de lever de nouvelles ressources, indépendamment du taux exigé. Si cela devait arriver, il y aurait un risque majeur pour la stabilité financière du pays.</p>
<h2>Recettes éculées</h2>
<p>Notre propos n’est pas de prédire l’avenir, exercice d’autant plus périlleux que la multiplication des risques a fortement réduit la visibilité. Nous cherchons à reposer un cadre d’analyse, autour des questions des besoins de financement, d’une part, et des ressources durablement mobilisables – donc de la dette – d’autre part, dans un contexte de marché où l’aversion au risque s’est fortement appréciée.</p>
<p>Quels sont les enjeux de ce PLF 2023 ? Encore plus qu’au cours des 10 dernières années, de dégager les moyens de financer : des projets à long terme – tels que l’évolution du mix énergétique ; les déficits courants sachant que sur la dernière décennie les <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/pbrief/2022/OFCEpbrief108.pdf">dépenses publiques sont passées de 56,3 % à 59 % du PIB</a> alors que les recettes sont passées de 51,1 % à 52,6 % du PIB ; à défaut de rembourser la dette publique, préserver a minima la confiance des préteurs dans la qualité de la notation de la France ; enfin, au vu du contexte, pouvoir mettre en œuvre une politique conjoncturelle, nécessaire pour éviter la récession annoncée.</p>
<p>Les principales recettes auxquelles l’État a habituellement recours sont bien connues. Mais qu’en est-il de leur efficacité ?</p>
<p>S’agissant d’une reprise durable de la croissance, cette option constitue le fondement même du modèle dominant depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et fait systématiquement partie des hypothèses prises en compte dans les modèles utilisés dans le cadre de la politique économique. Cependant, une analyse des données macro-économiques démontre la baisse tendancielle de la croissance potentielle de l’économie française (de 1,2 % à 1 % en 2025 sans réforme des retraites et de 1.5 % à 1.3 % avec une réforme, selon l’OFCE), et ce d’autant plus si l’on intègre les changements structurels dans le fonctionnement de notre économie, nés du retour de l’instabilité géopolitique en Europe combinée à une modification durable de la structure des échanges commerciaux.</p>
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<p>S’agissant d’une réduction des dépenses courantes, la combinaison entre l’accroissement de l’amplitude des chocs conjoncturels et la baisse de l’acceptabilité des conséquences de ces chocs par les agents économiques – en particulier les ménages – la rend ce type de décision politique impraticable sur le plan social.</p>
<p>L’exécutif peut alors chercher à récolter les bénéfices de l’inflation – partant du principe simple selon lequel, en gonflant les recettes de l’État, plus rapidement que ses dépenses – y compris le coût de la dette publique – l’inflation permet de dégager des recettes supplémentaires, de financer les dépenses courantes et d’amorcer un remboursement de la dette, sans effort. Toutefois, l’inflation impacte également les dépenses et le coût de la dette (à terme), ne crée malheureusement pas de richesse et confisque une partie de l’épargne.</p>
<h2>Valeur du patrimoine</h2>
<p>Nous arrivons ici au cœur de la polémique : le recours à la dette de manière structurelle semble donc par élimination le levier le plus simple à actionner. Rappelons que notre propos n’est pas ici de prendre parti pour ou contre l’usage de la dette mais d’explorer les voies permettant de financer – sous contrainte – les besoins que nous avons déterminés au début de cet article.</p>
<p>Si nous reprenons le PLF 2023, il est prévu que la dette rapportée au PIB atteigne 111,2 %. Avant de s’en alarmer, deux constats s’imposent. Tout d’abord, un prêteur appréhende son risque sous deux angles : la valeur des actifs financés et les flux de trésorerie (cash-flows) susceptibles d’être affectés au remboursement de la dette. Nous en déduisons aisément que le ratio de la dette est loin d’être un indicateur pertinent. En effet, le niveau de PIB ne présume ni des cash flows (l’excédent primaire) nécessaires au service de la dette, ni de la valeur des actifs (le patrimoine).</p>
<p>Or si à l’évidence le budget de <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2013/09/25/20002-20130925ARTFIG00004-le-dernier-budget-excedentaire-remonte-a8230-1974.php">l’État ne dégage plus d’excédents depuis longtemps</a>, la valeur de son patrimoine est en revanche de nature à conserver la confiance des prêteurs. Sur les 10 dernières années, sa croissance moyenne en valeur a été plus rapide que celle du PIB et le patrimoine net des agents économiques (ménages, entreprises et État) représentait 9,6 fois la valeur du <a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1690">produit intérieur net</a> (PIN) à fin 2020, soit un taux d’endettement net associé relativement bas à hauteur de 16 %.</p>
<p><iframe id="NYrZd" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/NYrZd/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si l’on complète cette analyse avec des éléments relatifs à la qualité des actifs, on peut comprendre le maintien de la confiance des prêteurs, même si évolution de l’écart entre les taux auxquels s’endettent aujourd’hui l’Allemagne et la France (le « spread ») souligne la <a href="https://fr.investing.com/rates-bonds/de-10y-vs-fr-10y">vigilance des investisseurs</a>.</p>
<p>Si elle ne règle pas la question d’un niveau de dette supportable, cette approche semble donc de nature à rassurer quant à la capacité de la France à mobiliser des ressources supplémentaires pour financer les besoins définis au début de cet article. Deux ombres au tableau subsistent néanmoins : d’abord, la valeur du patrimoine national peut diminuer sous l’effet de la résurgence de l’inflation ; d’autres part, et de manière plus problématique, la dette est désormais principalement détenue par l’État – conséquence directe des deux dernières crises (2009 puis 2020) – alors que l’essentiel des actifs est détenu par les ménages.</p>
<h2>Efficience de la dépense</h2>
<p>Dès lors, dans la mesure où les patrimoines ne sont pas fongibles et où il apparait socialement insupportable d’augmenter les prélèvements, deux voies nous semblent devoir être privilégiées :</p>
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<li><p>Un <a href="https://theconversation.com/une-solution-a-la-japonaise-pour-eviter-la-crise-des-dettes-souveraines-137264">scénario à la japonaise</a>, dans lequel l’État incite les ménages à acheter de la dette domestique. Toutefois, il reste à savoir si, à l’heure d’internet, le patriotisme économique sera suffisant pour mobiliser des montants significatifs, et si les conditions financières proposées ne reviendront pas à créer un prélèvement volontaire déguisé.</p></li>
<li><p>Un appel accru au privé pour financer en particulier les infrastructures et les grands projets. Les outils existent et peuvent s’avérer d’autant plus intéressants sur un plan budgétaire qu’ils peuvent permettre de monétiser des actifs « incorporels ». Ces actifs prennent alors la forme de droits à acquérir pour opérer dans un secteur, voire à renouveler périodiquement, comme c’est le cas des fréquences dans la téléphonie mobile.</p></li>
</ul>
<p>Vivre à crédit apparaît donc comme la solution la plus consensuelle : simple à mettre en œuvre y compris sur le plan social. Une condition est néanmoins indispensable pour que l’État puisse continuer à mobiliser cette ressource à bon marché et à hauteur de ses besoins : qu’elle soit potentiellement créatrice de richesse nette. Il n’est alors pas tant question de niveau de déficit que d’efficience des dépenses et des investissements et de la capacité à piloter les politiques budgétaires sur le long terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191640/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le budget prévisionnel pour l’année prochaine affiche un déficit de 5 % et niveau d’endettement de 111,2 % rapporté au PIB. Une situation (pour l’instant) soutenable. Décryptage.Jean Pascal Brivady, Professeur, EM Lyon Business SchoolAbdel Mokhtari, Economiste, Chargé de cours, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1889992022-08-28T18:10:18Z2022-08-28T18:10:18ZBudget pour l’école : une augmentation sans précédent ?<p>L’école va-t-elle bénéficier d’une augmentation de moyens sans précédent ? C’est du moins <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/sur-le-budget-nous-aurons-la-meme-methode-de-compromis-et-les-memes-lignes-rouges-1780860">ce qu’a déclaré Gabriel Attal</a>, le ministre du Budget, dans un entretien paru dans le quotidien <em>Les Echos</em> le 8 août, qualifiant d’historique la hausse de « 3,6 milliards d’euros » : « L’engagement du Président de la République de poursuivre la revalorisation sera tenue et aucun enseignant n’entrera dans la carrière avec moins de 2000 euros ».</p>
<p>Effectivement, on trouve dans le texte de cadrage budgétaire arbitré par Matignon et envoyé par Bercy aux différents ministères et au Parlement la mention qu’il sera attribué à l’enseignement scolaire (au primaire et au secondaire) 60,2 milliards d’euros pour 2023 contre 56,6 milliards d’euros pour 2022. Et il est écrit que « le Gouvernement a fait de l’éducation l’une des priorités du nouveau quinquennat. Dans les premier et second degrés, l’ambition de renforcer l’attractivité du métier d’enseignant conduit à un <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/budget-2023-bercy-remet-a-plus-tard-les-mesures-plus-douloureuses-1781018">rehaussement de 3,6 milliards d’euros</a> des crédits du ministère de l’Éducation nationale, permettant de poursuivre et d’amplifier la revalorisation des rémunérations des personnels enseignants dès la rentrée 2023 et d’engager l’accompagnement du Pacte pour les enseignants ».</p>
<p>Ce type d’augmentation est rare. Cette hausse de 3,6 milliards d’euros est « nominalement » sans précédent. Elle représente en pourcentage une augmentation de 6,4 %.</p>
<p>Il ne faudrait cependant pas oublier que, pour le budget de 2017, il avait été décidé sous le ministère de Najat Vallaud-Belkacem (durant la présidence de François Hollande) une augmentation du budget destiné à l’enseignement scolaire de <a href="https://www.senat.fr/rap/a16-144-3/a16-144-312.html">3 milliards d’euros</a>, alors que l’inflation était seulement de 1 % et qu’elle atteint actuellement environ 6 % en rythme annuel.</p>
<p>Puisqu’il a été question d’« une hausse historique », on peut aussi et surtout invoquer le net précédent survenu au début du second septennat de François Mitterrand, durant les années 1990-1992. <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4238411?sommaire=4238781">La part de la dépense intérieure d’éducation</a> dans le PIB est alors passée en trois ans de 6,6 % à 7,6 % (soit une augmentation de plus de 0,3 % chaque année). Actuellement <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6447881#:%7E:text=Les%20comptes%20de%20la%20Nation%20en%202021Fort%20rebond%20de,pouvoir%20d%E2%80%99achat%20des%20m%C3%A9nages&text=En%202021%2C%20l%E2%80%99activit%C3%A9%20rebondit,7%2C8%20%25%20en%202020.">l’estimation du produit intérieur brut</a> est de l’ordre de 2400 milliards d’euros. L’augmentation de 3,6 milliards d’euros ne représente donc que 0,15 % du PIB actuel et pour une seule année. L’engagement sur une année est deux fois moindre ; et comme l’augmentation a été effective sur trois années consécutives et cumulées, elle a été au début du deuxième septennat de François Mitterrand six fois supérieure à ce qui a été annoncé comme une « hausse historique » pour l’année 2023.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-boom-des-profs-non-titulaires-un-tournant-pour-leducation-nationale-123290">Le boom des profs non titulaires, un tournant pour l’Éducation nationale ?</a>
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<p>La comparaison est d’autant plus opportune qu’il y a eu alors un débat assez proche de ce qui est par ailleurs en jeu actuellement dans la façon de répartir les ressources de cette augmentation des moyens financiers mis à disposition.</p>
<h2>Revalorisation du métier enseignant</h2>
<p>Le ministre actuel de l’Éducation nationale <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-07-juillet-2022-2425688">Pap Ndiaye a rappelé sur France Inter</a> le 7 juillet dernier qu’« il faut penser la hausse des rémunérations en deux parties. Une hausse inconditionnelle […] et une partie qui sera liée à de nouvelles missions dans le cadre de l’école du futur, dans le cadre des projets pédagogiques, offrant plus d’autonomie aux établissements ». Durant la campagne de l’élection présidentielle, Emmnanuel Macron avait déjà dûment évoqué cette hausse des rémunérations en deux parties.</p>
<p>En lançant en 1989 le processus de <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/218282-declarations-de-m-lionel-jospin-ministre-de-leducation-nationale-de-l">revalorisation des enseignants</a>, le ministre de l’Éducation nationale Lionel Jospin avait pris certes le soin de ne pas employer le terme « mérite », mais nombre d’enseignants – notamment du secondaire – l’ont perçu « entre les lignes », même s’il s’en est défendu : « les indemnités sont destinées à rétribuer les tâches qui sont d’ores et déjà assumées, mais gratuitement, par les enseignants. Réparer des injustices, ce n’est pas inventer le mérite ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/salaires-des-profs-un-travail-invisible-a-prendre-en-compte-177034">Salaires des profs : un travail invisible à prendre en compte</a>
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<p>Dans le primaire, selon le journaliste du <em>Monde</em> Philippe Bernard, « en annonçant l’instauration de primes et d’un système de carrière hiérarchisé dans les écoles, alors que la profession attendait des augmentations uniformes et substantielles, le ministre a heurté le corps des instituteurs toujours fier de son unité » (<em>Le Monde</em> du 3 février 1989). Les slogans affichés sont significatifs de tout un état d’esprit : « Nous sommes tous méritants ! Salaire unique ! 1500 francs pour tous ! » Une délégation supporte trois mannequins représentant les trois grades que souhaite instaurer le ministre : « Lionel, je t’aime » assure le mieux noté. Le second porte l’étiquette : « Peut mieux faire », tandis que le maître de base sans promotion implore « Lionel, aime-moi ! »</p>
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<p>Des journées d’action (grèves ou manifestations) ont lieu aussi bien dans le primaire que dans le secondaire, et la mobilisation est forte.</p>
<p>Le 8 mars, le Premier ministre Michel Rocard et le ministre de l’Éducation nationale Lionel Jospin participent en duo à une <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/223508-interviews-de-mm-michel-rocard-premier-ministre-et-lionel-jospin-mini">émission commune</a> sur Antenne 2, FR3 et Radio France. Michel Rocard souligne que l’engagement budgétaire de son gouvernement dépasse d’ores et déjà la promesse électorale de François Mitterrand, mais qu’il est aussi impossible de rattraper d’un seul coup un pouvoir d’achat qui se dégrade depuis trente-cinq ans. Lionel Jospin répète que l’attribution sélective d’indemnités « n’obéit pas à une philosophie », et surtout pas à un quelconque « mérite ». Michel Rocard surenchérit : « Je récuse la référence à une évaluation du mérite individuel, lié à une hiérarchie. Il s’agit de trouver des moyens d’évaluation du service rendu par l’institution scolaire à la société tout entière, non pas d’établir une compétition sauvage entre individus. L’évaluation devra se faire suivant des critères négociés avec les syndicats »</p>
<h2>Précédents historiques</h2>
<p>Finalement, c’est une revalorisation pour l’essentiel sans condition qui a eu lieu. Et elle a été substantielle, « historique » aux dires mêmes des différents protagonistes. Selon Philippe Bernard « pour l’essentiel, Lionel Jospin a maintenu la copie qui avait fait frémir d’espoir le SNI et le SNES (FEN) voici une semaine, en reculant sur la mise en œuvre de certaines indemnités et de l’avancement au mérite (jugés inégalitaires) pour donner un peu à tout le monde : 500 francs en moyenne » (<em>Le Monde</em> du 30 mars 1989).</p>
<p>In fine « l’avancée ‘porteuse d’avenir’ saluée par la secrétaire générale du SNES – Monique Vuaillat – a bel et bien le goût d’une victoire sonnante et trébuchante. On se rappelle que Michel Rocard, voici moins de trois mois, affirmait que la revalorisation se ferait essentiellement par des indemnités et non par des promotions indiciaires pour le ‘stock’ des enseignants et l’on mesure le chemin parcouru depuis lors » (<em>Le Monde</em> du 23 mars 1989)</p>
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<figcaption><span class="caption">Enseignants : la hausse des salaires de 10 % sera « inconditionnelle » – Amélie de Montchalin, ex-ministre de la Fonction publique, en interview sur Public Sénat en avril 2022.</span></figcaption>
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<p>On l’a vu, le projet actuel est une « revalorisation en deux parties ». Le chef de l’État Emmanuel Macron nouvellement réélu y tient, et cela a été réaffirmé aussi bien par le ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye que dans la note explicitant l’effort budgétaire annoncé : « dans les premier et second degrés, l’ambition de renforcer l’attractivité du métier d’enseignant conduit à un rehaussement de 3,6 milliards d’euros des crédits du ministère de l’Éducation nationale, permettant de poursuivre et d’amplifier la revalorisation des rémunérations des personnels enseignants dès la rentrée 2023 et d’engager l’accompagnement du Pacte pour les enseignants ».</p>
<p>Au regard des comparaisons historiques effectuées, on se demande comment il serait possible qu’il y ait la « hausse historique » évoquée sans un effort financier plus élevé chaque année, et répété de façon cumulative durant plusieurs années pour permettre une revalorisation au moins à la hauteur de celle du début du second septennat de François Mitterrand, surtout en pleine inflation et avec l’objectif maintenu d’une « revalorisation en deux parties ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/188999/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Lelièvre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une hausse de 3,6 milliards d’euros des crédits du ministère de l’Éducation nationale a été annoncée. Ce type d’augmentation est rare. Est-il pour autant sans précédent ?Claude Lelièvre, Enseignant-chercheur en histoire de l'éducation, professeur honoraire à Paris-Descartes, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1847062022-06-22T21:05:28Z2022-06-22T21:05:28ZRenaissance militaire allemande : l’augmentation des budgets suffira-t-elle ?<p>L’invasion de l’Ukraine a agi comme un électrochoc dans bon nombre de pays européens : la guerre, la « vraie », est à nos portes et nous ne sommes pas prêts. Les débats portent sur nos capacités matérielles comme sur l’équilibre de nos alliances. La Suède et la Finlande ont soumis, mercredi 18 mai, leur <a href="https://theconversation.com/candidature-de-la-finlande-et-de-la-suede-a-lotan-rester-neutre-nest-plus-possible-en-europe-183147">demande d’adhésion à l’OTAN</a>, et l’Italie annonce qu’elle rejoindra très rapidement les standards OTAN en termes de dépenses de défense. D’ici à 2028, son budget devrait représenter <a href="https://meta-defense.fr/2022/04/04/litalie-va-augmenter-son-budget-defense-de-12-mde-dici-2028/">2 % de son PIB</a>, passant de <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/la-guerre-en-ukraine-bouleverse-le-budget-italien-1396631">25,9 milliards à 36 milliards d’euros</a>, bien que cet objectif suscite un débat passionné dans le pays.</p>
<p>Au milieu de ce concert de remises en cause stratégiques et budgétaires, il est un pays dont la réaction est encore plus surprenante que celle des autres : l’Allemagne. Surprenante d’abord par la brutalité du constat et la liberté de ton de ceux qui l’expriment : le 24 février 2022, le chef d’état-major des armées allemandes <a href="https://www.challenges.fr/monde/allemagne-le-chef-de-l-armee-critique-l-impreparation-militaire-du-pays_802134">reconnaissait, face au début de la guerre en Ukraine</a> :</p>
<blockquote>
<p>« La Bundeswehr, l’armée que j’ai l’honneur de commander, se tient là, plus ou moins les mains vides. Les options que nous pouvons proposer au gouvernement pour soutenir l’alliance sont extrêmement limitées. »</p>
</blockquote>
<p>C’est ensuite la réaction du gouvernement allemand qui a de quoi surprendre. Le 27 février, soit seulement trois jours plus tard, le chancelier Olaf Scholz <a href="https://www.bundesregierung.de/breg-fr/actualites/d%C3%A9claration-gouvernementale-du-chancelier-f%C3%A9d%C3%A9ral-2009510">déclarait</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Face au tournant historique engagé par l’agression de Vladimir Poutine, notre principe est le suivant : tout ce qui est nécessaire pour garantir la paix en Europe sera mis en œuvre. L’Allemagne y apportera sa propre contribution solidaire. […] Nous allons à partir de maintenant, d’année en année, investir plus de 2 % du PIB dans notre défense. […] L’objectif est de disposer à terme d’une Bundeswehr performante, ultramoderne et dotée de technologies de pointe qui nous assure une protection fiable. »</p>
</blockquote>
<p>L’exécutif a aussi annoncé la création d’un <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/06/04/l-allemagne-cree-un-fonds-special-pour-moderniser-la-bundeswehr_6128908_3210.html">fonds spécial d’un montant de 100 milliards d’euros</a> pour combler son retard, notamment en <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/05/27/l-armee-allemande-minee-par-le-sous-equipement_6127893_3210.html">matière d’équipement des forces</a>.</p>
<h2>Sous-investissement chronique</h2>
<p>Pour comprendre la situation budgétaire des forces allemandes, il ne faut pas se fier seulement aux chiffres de ces dernières années. Même si en 2021, la France et l’Allemagne ont consacré des budgets très similaires à leur défense – <a href="https://milex.sipri.org/sipri">environ 53 milliards de dollars</a> – ce niveau de dépense est relativement récent en Allemagne.</p>
<p>Si l’on observe les chiffres allemands et français depuis la chute du mur de Berlin, on constate une forte remontée des dépenses allemandes depuis 2018 seulement. La baisse a été constante de 1991 à 2005 (point bas) suivie d’une lente remontée jusqu’en 2018. Ainsi, l’Allemagne a moins investi dans son armée, avec une divergence très nette des trajectoires budgétaires à partir de 2001. De fait, le montant cumulé des dépenses de défense allemandes entre 2001 et 2021 est d’environ 902 milliards de dollars, là où la France a dépensé environ 1 036 milliards de dollars. La différence est donc significative.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/467778/original/file-20220608-23-wv5o7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/467778/original/file-20220608-23-wv5o7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/467778/original/file-20220608-23-wv5o7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/467778/original/file-20220608-23-wv5o7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/467778/original/file-20220608-23-wv5o7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/467778/original/file-20220608-23-wv5o7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/467778/original/file-20220608-23-wv5o7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Mais cet écart de financement est-il suffisant pour expliquer la situation que nous connaissons aujourd’hui ? Les capacités des forces allemandes sont très réduites, selon leur propre chef d’état-major. Les forces françaises, elles, sont classées par la <a href="https://www.rand.org/pubs/research_reports/RRA231-1.html"><em>Rand Corporation</em></a> parmi les plus efficaces d’Europe, même si elles manquent d’« épaisseur » et donc de capacité à combattre dans la durée. Il nous semble que d’autres facteurs doivent être pris en compte.</p>
<p>En premier lieu, les structures de nos budgets sont différentes. La France dépense de façon constante <a href="https://www.nato.int/nato_static_fl2014/assets/pdf/2021/3/pdf/210316-pr-2020-30-fr.pdf">environ 25 % (26,5 % en 2020) de ses budgets en équipement</a>, l’OTAN demandant à ses membres que ce ratio soit au minimum de 20 %. L’Allemagne a quant à elle dépensé 16,9 % de son budget 2020 en équipement, un montant en nette augmentation depuis 2014 (environ 13 % à l’époque). À l’inverse, les « frais de fonctionnement et de maintenance » pèsent pour <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_fin/l15b4524-tiii-a13_rapport-fond">26,4 % du budget français</a> et pour 37,4 % du budget allemand, ce qui représente un quasi-record au sein des pays de l’OTAN. Il s’agit probablement du symptôme d’une autre faiblesse : les armées allemandes sont des monstres bureaucratiques.</p>
<h2>Une bureaucratie envahissante</h2>
<p>Les forces allemandes souffrent manifestement d’une bureaucratie particulièrement lourde et inefficace. Sur ce point, un document publié début 2020 a eu un retentissement certain dans le pays. Il s’agit du <a href="https://www.bundestag.de/resource/blob/691922/3ebc4bc657d328c1db223f430e63b839/annual_report_2019_61st_report-data.pdf">rapport d’information pour 2019 destiné au Bundestag</a>, rédigé par le commissaire allemand aux forces armées de 2015 à 2020, Hans-Peter Bartels.</p>
<p>Selon ce rapport, l’institution militaire allemande souffre de la multiplication des instances de décision, ce qui conduit à une dilution de la responsabilité et à un allongement déraisonnable des processus décisionnels. Bartels consacre par exemple une page entière à raconter comment ses propres services n’ont pas réussi, malgré trois années d’efforts, à obtenir la création pour eux-mêmes d’une dizaine de comptes d’accès au réseau intranet des forces allemandes.</p>
<p>Dans ce texte, l’état-major de la Deutsche Marine reconnaît qu’au sein de l’armée allemande, le respect des règles est plus important que la capacité à fournir des appareils en état de voler, pilotés par des équipages correctement entraînés. Cet état de fait rejaillit sur la motivation des hommes. La troupe considère que ses chefs n’en font pas assez pour améliorer l’efficacité de l’institution. Mais les cadres se sentent désarmés face à la lourdeur de l’organisation.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1499044395252948999"}"></div></p>
<p>Parmi les faiblesses les plus criantes, le processus d’équipement des forces est particulièrement critiqué. Il est présenté comme dysfonctionnel, inutilement compliqué et trop long. La volonté de réduire les risques industriels en amont est ouvertement présentée comme une cause de risques pour les troupes, obligées d’aller au combat avec des équipements dépassés, voire en l’absence totale de certains matériels.</p>
<p>Hans-Peter Bartels regrette particulièrement le fait que l’« achat sur étagère » – c’est-à-dire l’achat d’équipements déjà existants n’ayant pas été spécifiquement conçus à la demande de la Bundeswehr – soit une pratique rare au sein des forces allemandes. Même des matériels très simples (comme des sacs à dos) sont soumis à des processus d’élaboration et d’évaluation dignes des systèmes d’armes les plus complexes.</p>
<p>C’est donc autant à des problèmes budgétaires qu’à la question de l’efficacité de ses dépenses que le ministère allemand de la Défense doit faire face. Ce qu’Eva Högl, l’actuelle commissaire parlementaire pour les forces armées, a bien compris : elle demande que le fonds de 100 milliards d’euros destiné aux forces allemandes soit <a href="https://de.euronews.com/2022/04/29/wehrbeauftragte-weniger-burokratie-fur-die-100-bundeswehr-milliarden">exploité de façon moins bureaucratique</a>.</p>
<p>Mais une telle évolution sera longue et laborieuse. D’abord parce que cette situation est connue en Allemagne depuis très longtemps sans qu’il n’y ait eu de vrai changement. Dans <a href="http://www.opex360.com/2019/01/31/larmee-allemande-est-un-monstre-bureaucratique-denonce-un-rapport/">son rapport pour 2019</a>, Hans-Peter Bartels relevait que déjà en 1978 le ministre de la Défense alors en poste se préoccupait de la bureaucratie excessive dont était victime son armée. Ensuite parce que cette situation est sans doute, pour partie au moins, la conséquence de l’approche pacifiste dominante en Allemagne.</p>
<h2>Les spécificités de la culture stratégique allemande</h2>
<p>Pour d’évidentes raisons historiques, les forces allemandes ont un statut particulier. Elles sont <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/le-fosse-culturel-entre-les-armees-francaise-et-allemande-trouble-la-cooperation-1140274">fermement soumises au Parlement allemand</a> et tout est mis en œuvre pour qu’elles ne sortent « plus jamais du cadre démocratique ».</p>
<p>Fondamentalement, l’avenir de la Bundeswehr, sa capacité à surmonter ses faiblesses et à tenir sa place au sein de l’Alliance atlantique dépendra donc de la place que la société allemande entendra donner à son armée. Dans un <a href="https://www.bundesregierung.de/breg-de/service/bulletin/rede-von-bundespraesident-horst-koehler-795832">discours qu’il adressait aux généraux des armées allemandes en 2005</a>, Horst Köhler, alors <a href="https://www.lepoint.fr/monde/demission-surprise-du-president-allemand-horst-kohler-31-05-2010-461307_24.php">président du pays</a>, parlait du « désintérêt amical » des Allemands pour leurs armées :</p>
<blockquote>
<p>« Après 1945, les Allemands sont devenus un peuple réellement pacifique et qui aime garder une distance prudente vis-à-vis de tout ce qui est militaire. »</p>
</blockquote>
<p>Seize ans plus tard, l’opinion allemande ne semble pas avoir beaucoup changé. Chaque année, le centre d’histoire militaire et des sciences sociales de la Bundeswehr publie une étude consacrée à l’opinion allemande sur la politique de sécurité et de défense du pays. <a href="https://www.bundeswehr.de/resource/blob/5390492/799467767436050771c8b34fba5d3582/download-bevbefr-2021-zusammenfassung-data.pdf">L’étude pour 2021</a> (donc réalisée avant le début de la guerre en Ukraine) confirme cette approche : les Allemands ont confiance en leurs armées. Mais les moyens d’action auxquels ils sont favorables sont diplomatiques (84 %), basés sur le contrôle des armements (72 %), la coopération au développement (70 %) et les sanctions économiques (61 %). Les opérations militaires menées par la Bundeswehr ou les exportations d’armements ne sont approuvées que par 33 % de la population.</p>
<h2>Une évolution longue et difficile</h2>
<p>La guerre en Ukraine a déjà provoqué une révolution en Allemagne. La célérité et l’ampleur de la réaction politique ont surpris beaucoup d’observateurs des affaires stratégiques européennes.</p>
<p>Berlin a rompu avec une forme de retenue particulière et solitaire en accélérant le déploiement de ses troupes ces derniers temps : envoi de navires en mer Baltique et en Méditerranée, installation de missiles antiaériens Patriot dans plusieurs pays d’Europe centrale, participation à un bataillon au sol en Slovaquie, <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2022/04/LEYMARIE/64548">envoi de chasseurs Eurofighter en Roumanie</a>… Mais il sera long et difficile de renoncer à ce que Tom Enders, ancien PDG d’Airbus, qualifiait en septembre 2020 d’<a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2021-3-page-121.htm">« abstinence de puissance »</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1534918698947039234"}"></div></p>
<p>D’abord parce que, passée la stupeur initiale, le soutien de l’opinion allemande à la politique ukrainienne de son chancelier <a href="https://www.euractiv.com/section/politics/news/public-opinion-crumbles-over-german-war-support-to-ukraine/">s’effrite</a> : des intellectuels allemands soutenus par des responsables politiques de premier plan demandent <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/04/12/en-allemagne-le-gouvernement-lui-meme-se-divise-sur-la-question-des-livraisons-d-armes-a-l-ukraine_6121747_3210.html">que l’Allemagne cesse d’armer l’Ukraine</a> et opte pour une politique visant à obliger Kiev à trouver un compromis avec Vladimir Poutine. Dans le même temps, des représentants syndicaux allemands ont profité de la fête du Travail, le 1<sup>er</sup> mai, pour dire leur désaccord face à la volonté de réarmement massif exprimée par le chancelier Olaf Scholz. Notamment de peur que cela se fasse au détriment de la paix sociale.</p>
<p>Ensuite parce que la situation stratégique du pays est la conséquence d’une culture politico-administrative faisant partie intégrante de la nation allemande post-Seconde Guerre mondiale. Une évolution de cette position, à supposer que l’opinion allemande y consente, sera très longue et ses résultats incertains.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184706/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La guerre en Ukraine a incité l’Allemagne à augmenter nettement ses dépenses de défense. Une véritable révolution, qui devra surmonter des résistances anciennes à un renforcement de la Bundeswehr.Laurent Griot, Professeur assistant en géopolitique., Grenoble École de Management (GEM)Mourad Chabbi, Professeur de RI/Géopolitique, Enseignant chercheur, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1838652022-05-30T18:43:38Z2022-05-30T18:43:38ZPouvoir d’achat : face aux difficultés, les ménages privilégient les produits essentiels… et de luxe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/465676/original/file-20220527-11-q45f9n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1200%2C802&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans le cas du produit de luxe, le consommateur a le sentiment d’un investissement intelligent puisqu’il échange une monnaie dont personne ne connaîtra la valeur demain contre un produit dont tout le monde connaîtra la valeur après-demain.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/portefeuille-vuitton-euro-argent-2302241/">Jackmac34/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’inflation galope dans la plupart du monde comme en France où son taux a récemment bondi de presque un point en rythme annuel pour passer de <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6325575">3,6 % à 4,8 % en à peine deux mois</a>. Cette situation grignote le pouvoir d’achat des ménages, un enjeu qui a constitué l’un des grands thèmes de la dernière campagne présidentielle et qui reste au cœur des préoccupations des Français.</p>
<p>Certes, les dépenses de consommation <a href="https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/finance-perso/revenus/consommation/evolution-consommation_menages/">augmentent régulièrement depuis les années 1970</a>, tout comme leur pouvoir d’achat qui, en 2020 et 2021, a encore enregistré en moyenne des hausses respectivement de 0,4 % et 2,2 %. Cependant, la part des dépenses contraintes (logement, transport, énergie, télécommunications, assurances, etc.) <a href="https://www.letelegramme.fr/economie/les-depenses-contraintes-representent-un-tiers-du-budget-c-est-deux-fois-plus-qu-il-y-a-60-ans-17-12-2021-12890311.php">a en parallèle doublé depuis 60 ans</a> dans les budgets, ce qui peut expliquer les inquiétudes, notamment chez les moins aisés. Ces derniers n’ont en effet pas d’autre choix que d’y faire face pour la simple raison que celles-ci leur sont vitales.</p>
<p><iframe id="2DuWG" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/2DuWG/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Comme nous l’avons montré dans notre <a href="https://www.e-marketing.fr/Marketing-Magazine/Article/Le-comportement-du-consommateur-21393-1.htm">livre</a> <em>Le comportement du consommateur</em> (éditions Gualino, 2007), les consommateurs passent par deux phases pour compenser les pertes que les mécanismes économiques leur imposent. La première phase consiste à <a href="https://www.latribune.fr/supplement/comment-les-modes-de-consommation-ont-evolues-depuis-la-crise-sanitaire-covid-19-848256.html">consommer différemment</a>, ce qui a été prégnant avec la récente crise sanitaire. Autrement dit, avant de renoncer à l’achat, ils essayent de trouver des solutions alternatives. En ce sens, face aux poussées inflationnistes, les ménages deviennent plus attentifs aux prix au kilogramme ou au litre. Plutôt que de ne comparer que le montant de l’achat en valeur absolue, ils développent ainsi une très forte sensibilité aux promotions.</p>
<h2>Taille de guêpe</h2>
<p>Le consommateur peut ainsi trouver des alternatives et séquencer ses dépenses, par exemple en optimisant ses déplacements grâce au covoiturage ou aux transports en commun, en attendant les soldes, en choisissant des marques plus modestes ou en explorant le marché de l’occasion, des comportements que nous avons analysés dans une <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03520026">récente recherche</a>.</p>
<p>Cependant, cette première phase s’avère parfois insuffisante ; le consommateur va alors entamer la seconde phase de sa stratégie de gestion de la diminution de ses ressources : le renoncement. Certes, le consommateur ne renonce pas aux fondamentaux de ses besoins, nous l’avions évoqué là aussi dans un <a href="https://theconversation.com/comment-le-coronavirus-rehabilite-la-pyramide-des-besoins-de-maslow-132779">article précédent</a>. En revanche, si la pression inflationniste persiste, puisque sa gestion de ses besoins est déjà optimisée, il doit alors sacrifier d’autres postes de dépenses car la baisse de son pouvoir d’achat est une forme de perte de revenu.</p>
<p>Il doit donc impérativement faire des choix de consommation car le capital disponible n’est plus à la hauteur de ses besoins et de ses envies. Lorsque la perte de revenu survient, on observe alors la plupart du temps une répartition des dépenses qui adopte la forme d’une taille de guêpe ou d’un sablier, <a href="https://www.grasset.fr/livres/l-effet-sablier-9782246755418">forme que l’on emprunte d’ailleurs souvent pour expliquer des phénomènes sociaux</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-le-coronavirus-rehabilite-la-pyramide-des-besoins-de-maslow-132779">Comment le coronavirus réhabilite la pyramide des besoins de Maslow</a>
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<p>Si l’on imagine cette représentation, on constate la présence de trois grands domaines économiques de possibles dépenses. Le premier concerne les produits essentiels à la vie et au travail, la nourriture, le logement, le chauffage, les assurances, le carburant pour les déplacements, etc. Le deuxième concerne les loisirs, les vacances, les échappées, les moments entre amis, le cinéma, les discothèques, les bars et les restaurants. Et le troisième concerne les produits de luxe, autrement dit les marques dont la valeur traverse le temps en restant stable ou en augmentant. (Précisons qu’il s’agit bien ici de produits de luxe et non pas de services de luxe).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/465675/original/file-20220527-19-kkav4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/465675/original/file-20220527-19-kkav4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/465675/original/file-20220527-19-kkav4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/465675/original/file-20220527-19-kkav4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/465675/original/file-20220527-19-kkav4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/465675/original/file-20220527-19-kkav4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/465675/original/file-20220527-19-kkav4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Lorsque la perte de revenu survient, on observe alors la plupart du temps une répartition des dépenses qui adopte la forme d’un sablier.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/22244945@N00/3278869535">Erik Fitzpatrick/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans le cas de produits de luxe, une montre par exemple, l’objet cristallise en effet un investissement, donc la possibilité d’une revente avec bénéfice. Car le luxe a deux particularités remarquables : l’occasion peut coûter plus cher que le neuf, on le voit avec de <a href="https://www.breitling.com/fr-fr/watches/navitimer/ref-806-1959-re-edition/AB0910371B1/">vieux modèles réhabilités</a> ou lorsque <a href="https://www.41watch.com/fr/blog/le-second-marche-de-lhorlogerie-de-luxe-n58">l’offre ne parvient pas à satisfaire la demande</a> ; et la <a href="https://www.chrono24.fr/magazine/pourquoi-les-montres-rolex-sont-elles-devenues-si-cheres%E2%80%AF-p_84909/">valeur de l’objet reste constante</a> là où celle d’une devise peut fortement fluctuer du jour au lendemain, en témoigne la chute rouble depuis le 24 février 2022 et l’invasion de l’Ukraine par les forces russes.</p>
<p>Déjà lors de la première crise ukrainienne en 2014, la dépréciation du rouble avait provoqué l’achat massif de produits de luxe de la part des <a href="https://www.leparisien.fr/archives/les-russes-depensent-au-lieu-de-paniquer-18-12-2014-4383109.php">Russes</a>. En 2020, la pandémie de Covid-19 avait déclenché l’apparition du phénomène dit d’achat « revanche », notamment en <a href="https://www.lopinion.fr/economie/le-revenge-buying-ne-sauvera-pas-la-consommation-sinistree">Chine</a> où les produits de luxe ont été les premiers à être choisis comme antidote à la frustration de l’enfermement. Aujourd’hui, avec la seconde crise ukrainienne accompagnée de l’interdiction d’exporter des produits de luxe européens en Russie comme l’une des sanctions économiques imposées à Moscou, là encore la demande a fortement augmenté. En effet, l’avenir étant plus qu’incertain pour ces populations, mieux vaut avoir son argent transformé en marque de luxe que déposé en banque.</p>
<h2>Les petits plaisirs sacrifiés en premier</h2>
<p>En situation de crise, les premiers postes sacrifiés sont donc les dépenses intermédiaires que l’on pourrait qualifier d’hédonistes ou de socialisantes car elles sont injustifiables à la fois en termes de besoins et en termes de rationalité.</p>
<p>Cinémas, restaurants, glaces sur la plage ou marrons chauds dans la rue sont ainsi abandonnés car ils ne sont pas des besoins mais des envies. En outre, ils représentent des dépenses « sèches », c’est-à-dire sans contrepartie tangible. A contrario, dans le cas du produit de luxe, le consommateur a le sentiment d’un investissement intelligent et rationnel puisqu’il échange une monnaie dont personne ne connaîtra la valeur demain contre un produit dont tout le monde connaîtra la valeur après-demain.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/465679/original/file-20220527-23-wi9jdd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/465679/original/file-20220527-23-wi9jdd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/465679/original/file-20220527-23-wi9jdd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/465679/original/file-20220527-23-wi9jdd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/465679/original/file-20220527-23-wi9jdd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/465679/original/file-20220527-23-wi9jdd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/465679/original/file-20220527-23-wi9jdd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La glace au bord de la mer pourrait bien être sacrifiée cet été….</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.rawpixel.com/image/447686/free-photo-image-ice-cream-cup-blue">Rawpixel</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans « <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782070758043-les-origines-du-totalitarisme-eichmann-a-jerusalem-hannah-arendt/">Les origines du totalitarisme</a> – Eichmann à Jérusalem » (éditions Quarto Gallimard), la philosophe allemande naturalisée américaine Hannah Arendt l’écrivait en 1951 :</p>
<blockquote>
<p>« La richesse sans fonction apparente est beaucoup plus intolérable parce que personne ne comprend pourquoi on devrait la tolérer. »</p>
</blockquote>
<p>Dans le cas d’une perte de revenu, la richesse a incontestablement une fonction, celle de permettre un investissement de protection économique.</p>
<p>Quant aux ménages plus modestes, pour peu que leurs membres aient la culture de la valeur dans le luxe, ils adopteront le même comportement en choisissant l’investissement dans le haut de gamme tout en conservant les dépenses pour leurs besoins de vie. Mais ils renonceront à « tout le reste », quitte à limiter leurs interactions sociales et les « petits plaisirs de tous les jours » donnant ainsi du sens à leur taille de guêpe dans toutes ses acceptions à renoncer à une partie de leur consommation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183865/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Mouillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En période de tensions économiques, la consommation prend une forme de « sablier » dans laquelle les dépenses intermédiaires sont sacrifiées.Philippe Mouillot, Maître de Conférences HDR en Sciences de Gestion, IAE de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1818712022-04-27T10:21:57Z2022-04-27T10:21:57ZLes marges de manœuvre budgétaires particulièrement limitées du second quinquennat Macron<p>Au lendemain de la réélection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République, la presse s’accorde à dire que son second mandat devra viser à relever de « grands défis » dans une France fracturée.</p>
<p>Réduction des inégalités, transition énergétique, réindustrialisation… La tâche apparaît aujourd’hui plus compliquée à relever qu’il y a cinq ans en raison d’une trajectoire des finances publiques nettement moins favorable. En cause, le bilan du premier quinquennat et la conjoncture économique avec la remontée des taux d’intérêt des banques centrales qui réduisent considérablement les marges de manœuvre fiscales et budgétaires.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1518453171655434240"}"></div></p>
<p>Les politiques fiscale et budgétaire du quinquennat qui s’achève ont connu chacune un tempo très différent. La première a fait preuve d’une grande continuité en baissant les prélèvements obligatoires des ménages comme des entreprises conformément à la doctrine annoncée par le candidat Emmanuel Macron au cours de sa campagne électorale de 2017.</p>
<p>La seconde, qui avait débuté dans l’ambition d’une maîtrise des finances publiques, fut au contraire marquée par une hausse des dépenses dès 2019, pour calmer la colère des « gilets jaunes », puis par le spectaculaire « quoi qu’il en coûte » de mars 2020 pour éviter que la récession causée par la pandémie ne se transforme en dépression.</p>
<h2>Une pression fiscale globalement en baisse</h2>
<p>Le bilan du quinquennat s’avère très favorable aux foyers fiscaux, la baisse des impôts atteignant 28 milliards d’euros : 17,5 milliards pour la taxe d’habitation, 5,4 milliards pour l’impôt sur le revenu (IR) centrés sur la classe moyenne avec notamment la défiscalisation des heures supplémentaires, 3,2 milliards pour le remplacement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et environ <em>1 milliard pour la _flat tax</em> (nettement moins <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2017/10/25/la-flat-tax-est-une-bombe-a-retardement-pour-les-finances-publiques_5205612_3232.html">qu’initialement anticipé</a>)_.</p>
<p>En conséquence, le pouvoir d’achat des ménages aura progressé sur le quinquennat de 24 milliards d’euros, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) relevant que le revenu disponible net réel par unité de consommation moyen a progressé de <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/pbrief/2022/OFCEpbrief104.pdf">5,4 % de 2017 à 2021</a>, les classes populaire et moyenne (du second au septième décile) ayant même gagné plus de 7 %.</p>
<p>Pour les entreprises, le bilan est également très positif et dans le prolongement de celui de François Hollande, qui avait été marqué par une baisse surprise des prélèvements de l’ordre de <a href="https://www.ericpichet.fr/assets/files/v1/pdf/Bilan-fiscal-budgetaire-du-quinquennat-12janvier2017.pdf">40 milliards d’euros en trois ans</a> via le Pacte de responsabilité et le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).</p>
<p>Au final, sous le premier quinquennat du président Emmanuel Macron, la baisse annoncée de 8,2 milliards d’euros de l’impôt sur les sociétés (IS) a bien été mise en œuvre. Une baisse – inattendue bien que réclamée de longues dates par les entreprises – de 10 milliards d’euros des impôts de production a même été décidée en 2020 pour améliorer la compétitivité des entreprises industrielles et réindustrialiser le pays. Au total, les entreprises ont bénéficié de 18,2 milliards d’euros de baisse de leurs prélèvements obligatoires.</p>
<p>Sur l’ensemble du premier quinquennat Macron, les baisses d’impôt se seront élevées à près de 50 milliards euros. Cependant, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), le taux des prélèvements obligatoires que le candidat ambitionnait de <a href="https://www.nossenateurs.fr/seance/16897">réduire d’un point sur le quinquennat</a> est resté stable entre 2018 et 2021 <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6324844">passant de 44,7 % à 44,5 %</a>.</p>
<p><iframe id="hOQLj" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/hOQLj/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La première année du quinquennat, les dépenses publiques ont évolué à un rythme inférieur à la croissance du PIB, même si face à des dépenses étatiques sous contrôle et des dépenses locales sous contraintes, les dépenses sociales continuaient à croître plus vite que le PIB.</p>
<p>Les mesures destinées à éteindre la colère des « gilets jaunes » ont marqué le premier point d’<a href="https://www.lejdd.fr/Politique/exclusif-edouard-philippe-je-prends-des-coups-je-peux-en-donner-aussi-jaime-ca-3826445">inflexion budgétaire du quinquennat</a> fin décembre 2018. Si l’annonce du 6 décembre abandonnant définitivement toute hausse des taxes sur le carburant représentait un manque à gagner sur les recettes publiques de 4,9 milliards d’euros dès 2019, celles du 10 et 20 décembre 2018 ont eu un impact direct et durable sur les dépenses publiques d’environ <a href="https://www.ericpichet.fr/news/2019/la-doctrine-fiscale-et-budgetaire-du-quinquennat-a-l-epreuve-des-realites-sociales.html">15 milliards d’euros en 2020</a> sous forme de primes, de revalorisations et de baisses d’impôts.</p>
<h2>Un déficit structurel historiquement haut</h2>
<p>Face à l’irruption de la pandémie en mars 2020, le président Macron a annoncé un plan de soutien massif à l’économie avec le fameux « quoi qu’il coûte » qui s’est traduit par une augmentation des dépenses publiques de 140 milliards d’euros entre mars 2020 et juin 2022.</p>
<p>Conséquence de cette envolée des dépenses, la France a atteint un déficit nominal de 8,9 % du PIB en 2020 et de 6,5 % en 2021. Mais la dérive du déficit structurel, c’est-à-dire l’estimation du déficit qui écarte les effets de la conjoncture économique, apparaît beaucoup plus préoccupante.</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-a-quoi-aurait-ressemble-leconomie-francaise-sans-les-mesures-de-soutien-175088">Covid-19 : à quoi aurait ressemblé l’économie française sans les mesures de soutien ?</a>
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</p>
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<p>Le <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b4482_projet-loi.pdf">projet de loi de finances pour 2022</a> offre un bel exemple de l’évaluation particulièrement erratique de ce solde structurel par le gouvernement : en son article liminaire, il l’estimait à – 1,3 % en 2020 (contre -9,1 % pour le déficit nominal), pour une prévision d’exécution de – 5,8 % en 2021 (pour un déficit nominal de – 8,4 %) et une anticipation de – 3,7 % en 2022 (pour une prévision de déficit nominal de – 4,8 %, un chiffre qui pourrait d’ailleurs être revu en raison de la guerre en Ukraine).</p>
<p><iframe id="CQKlC" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/CQKlC/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pourtant, ce solde structurel est précisément celui qui devrait être le moins volatil puisque par nature insensible aux variations conjoncturelles…</p>
<p>Le ministère de l’Économie et des Finances a d’ailleurs fini par s’aligner in extremis dans le projet de loi de finances rectificatives de novembre 2021 sur les estimations de la Commission européenne pour admettre que le solde structurel se situe en réalité <a href="https://www.ericpichet.fr/assets/files/pdf/actualites/2021/Etude-PICHET-RDF-18-fevrier-2021.pdf">à 5 % du PIB</a>.</p>
<p>L’accumulation des déficits et la récession sanitaire de 2020 (avec un recul de 7,9 % du PIB) ont logiquement déclenché une hausse spectaculaire de la dette publique à 112,9 % du PIB, ce qui situe la France dans le groupe des 4 pays les plus éloignés des critères de Maastricht.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/459437/original/file-20220425-12-1yd2jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/459437/original/file-20220425-12-1yd2jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/459437/original/file-20220425-12-1yd2jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/459437/original/file-20220425-12-1yd2jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/459437/original/file-20220425-12-1yd2jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/459437/original/file-20220425-12-1yd2jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/459437/original/file-20220425-12-1yd2jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/459437/original/file-20220425-12-1yd2jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Dette publique et déficit structurel des huit principaux pays de la zone euro en 2022 (en % du PIB).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2022">Cour des comptes (2022)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On sait qu’à la différence des particuliers et des entreprises, le niveau de la dette n’est pas l’indicateur clé de la solvabilité d’un État. Le véritable indicateur est bien la charge des intérêts de la charge rapportée au PIB, qui est actuellement très faible de l’ordre de 1,4 % du PIB.</p>
<p>Or, la hausse des taux qui <a href="https://www.ladepeche.fr/2021/12/16/les-taux-poursuivent-leur-legere-hausse-en-cette-fin-2021-9995619.php">s’est matérialisée en 2021</a> s’est accélérée en 2022. L’Obligation assimilable du Trésor (OAT) à 10 ans est ainsi passée d’un taux négatif <a href="https://www.banque-france.fr/statistiques/taux-et-cours/taux-indicatifs-des-bons-du-tresor-et-oat">à 1,4 % fin avril 2022</a>, marquant le début d’une normalisation de la courbe des taux avec la fin annoncée de la générosité des banques centrales.</p>
<h2>L’inflation, un répit de court terme</h2>
<p>L’Agence France Trésor (AFT), en charge de la dette et de la trésorerie de l’État, estime ainsi qu’une hausse d’un point des taux d’intérêt renchérirait la charge d’intérêts de 2,5 milliards d’euros la première année, 6,1 milliards d’euros la deuxième année et <a href="https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2022-02/20220223-gestion-dette-publique-et-efficience-financement-%C3%89tat-par-AFT.pdf">29,5 milliards d’euros à l’horizon de 10 ans</a>.</p>
<p>L’impact de ce choc à un horizon de 10 ans est aujourd’hui nettement plus élevé que l’estimation réalisée fin 2019 (+ 21,2 milliards d’euros). En effet, la dette de l’État à moyen et long terme qui arrivera à échéance entre 2021 et 2030 a augmenté de près de 180 milliards d’euros par rapport au niveau calculé initialement.</p>
<p><iframe id="288uS" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/288uS/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Il est toutefois indéniable que l’inflation allégera temporairement le coût de la hausse des taux. Au cours des prochaines années, avec un taux nominal moyen du coût de la dette publique de 1,5 %, une croissance théorique de 1 %, et une inflation de 4,5 %, le déficit primaire stabilisant la dette serait de 4 %, ce qui accordera un répit – temporaire – aux finances publiques – au moins au début du prochain quinquennat.</p>
<p>Dans ces conditions, les grands perdants seront les épargnants en obligations à taux fixe (assurance-vie en euros) et les contribuables dont les revenus ne sont pas correctement indexés sur l’inflation (les retraités et les inactifs principalement).</p>
<p>Devant la dégradation de leurs comptes publics les pays les plus laxistes emmenés par la France et l’Italie ont entamé une campagne de dénigrement du Traité de Maastricht et demandé une <a href="https://www.ft.com/content/ecbdd1ad-fcb0-4908-a29a-5a3e14185966">refonte du pacte</a> en allégeant les contraintes sur le déficit et la dette publics qui nécessité l’unanimité des pays européens.</p>
<p>Cette initiative n’a pourtant que très peu de chances d’aboutir face au refus des pays dits « frugaux », constitués initialement d’un petit club autour de l’Allemagne, des Pays-Bas, de l’Autriche de la Finlande dans la zone euro, accompagnés par la Suède et le Danemark rejoints par la Lettonie, la Slovaquie et la République tchèque. Ces pays « vertueux » ont d’ailleurs publié une <a href="https://www.politico.eu/article/eight-countries-led-by-austria-slam-calls-to-loosen-eu-fiscal-rules/">lettre</a> en septembre 2021 exigeant le respect pur et simple du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance.</p>
<p>Dans ces conditions il est évident que les marges budgétaires du prochain quinquennat seront les plus limitées depuis 1945.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181871/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’allègement de la fiscalité durant le premier mandat, le « quoi qu’il en coûte » face au Covid ou encore la remontée des taux fragilise aujourd’hui la situation financière de l’État français.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1801552022-04-03T16:14:11Z2022-04-03T16:14:11ZLa redevance, rempart pour le service public ou totem idéologique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/455014/original/file-20220329-19-kdpmws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=91%2C60%2C1825%2C1215&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">black gdd b</span> </figcaption></figure><p>Le 7 mars 2022 lors de sa réunion à Poissy, le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2022/03/08/presidentielle-2022-la-suppression-de-la-redevance-promise-par-emmanuel-macron-suscite-une-levee-de-boucliers_6116669_6059010.html">son intention</a> de supprimer la redevance audiovisuelle <a href="https://www.liberation.fr/politique/elections/comment-supprimer-la-redevance-tele-la-question-pour-macron-20220308_LNX6X7IUEFCNBASCF6ROTLDPHE/">s’il était réélu</a>. </p>
<p>Cette annonce a été suivie d'un appel à la grève et journée de mobilisation inter-entreprises <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/histoires-economiques/histoires-economiques-du-lundi-27-juin-2022-1081620">mardi 28 juin</a>.</p>
<p>La redevance est une taxe impopulaire et, à quelques semaines des élections, une telle déclaration a suscité nombre de commentaires défavorables de la part de ses opposants, mais aussi de <a href="http://snj.fr/article/suppression-de-la-redevance-%C3%A7a-suffit-l%E2%80%99audiovisuel-public-n%E2%80%99est-pas-un-punching-ball-%C3%A9lectoral-1939635021">la part de syndicats de journalistes</a>, de sociétés d’auteurs (la <a href="https://www.sacd.fr/suppression-de-la-redevance-audiovisuelle-la-demagogie-en-marche-0">SACD</a>, la <a href="https://www.scam.fr/actualites-ressources/audiovisuel-public-le-bug-macron/">SCAM</a>) et de chercheurs. Il semble légitime de s’interroger sur cette déclaration et sur les risques que la suppression de la redevance peut faire courir à l’audiovisuel public.</p>
<p>Au départ, les critiques mettaient sur le même plan la volonté d’Emmanuel Macron et les propositions de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour de supprimer la redevance. Cependant, ces derniers cherchent avant tout à privatiser tout ou partie de l’audiovisuel public. On peut estimer que la suppression de la redevance serait un premier pas vers la privatisation progressive de l’audiovisuel public.</p>
<p>Cependant, des soutiens du président ont essayé d’éteindre l’incendie : ainsi, dès le lendemain, le porte-parole du gouvernement, <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/medias/suppression-de-la-redevance-audiovisuelle-evidemment-qu-on-va-continuer-a-financer-l-audiovisuel-public-assure-gabriel-attal_4997883.html">Gabriel Attal affirmait sur France-Inter</a> : « Évidemment qu’on va continuer à financer l’audiovisuel public ». De même, Jean-Marc Dumontet, référent culture d’En marche et ami du président déclarait sur Arte : « ne nous faisons pas peur pour rien », en expliquant la nécessité de la suppression de la redevance à cause de la disparition de la taxe d’habitation à laquelle la redevance est adossée. Il ajoutait qu’à l’heure de la lutte accrue contre la désinformation et de la défense de la souveraineté nationale, un <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/103958-136-A/28-minutes/">service public fort et indépendant était nécessaire</a>. Les options avancées pour la garantie et la pérennisation du financement, même si ce financement était inclus dans le budget du ministère de la Culture, sont une concertation en amont avec l’ARCOM et une loi de programmation de cinq ans.</p>
<p>Les critiques, de leur côté, <a href="https://www.franceculture.fr/medias/suppression-de-la-redevance-envisagee-la-question-de-lexistence-meme-de-laudiovisuel-public-est">ont insisté sur la menace</a> de la <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/03/16/la-suppression-de-la-redevance-tv-pose-la-question-de-l-independance-des-medias-publics_6117701_3232.html">perte d’indépendance</a> de l’audiovisuel public à l’égard du politique, qui ne serait <a href="https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/suppression-de-la-redevance-tele-la-honte-de-la-republique-20220309_LA356LVHZZEFTD6UHQLXVVCIIQ/">plus garantie par une taxe dédiée</a>.</p>
<p>Ils parlent aussi de la nécessité d’un financement pérenne sur plusieurs années, dans la mesure où, notamment en télévision, les projets mettent deux à trois années avant d’éclore et que l’on ne peut pas les envisager dans le cadre de budgets annuels. D’autres rappellent que « les gouvernements sont toujours impécunieux » (Jean-Noël Jeanneney dans l’émission d’Arte précitée) et que de ce fait ils raboteraient les crédits et augmenteraient les plages de publicité pour compenser le manque à gagner. Enfin, des acteurs du monde culturel <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/03/16/suppression-de-la-redevance-prive-d-un-financement-autonome-et-perenne-l-audiovisuel-public-n-aura-d-independance-que-le-nom_6117780_3232.html">s’inquiètent</a> du tarissement des financements de leurs productions ou de <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/03/16/suppression-de-la-redevance-pour-le-service-public-c-est-l-occasion-de-renverser-la-table-face-aux-defis-qui-lui-sont-poses_6117669_3232.html">la place croissante</a> des corporatismes et des lobbies que ne manquerait pas d’entraîner cette réforme[7].</p>
<p>Tous redoutent une forme d’ingérence ou des pressions de l’État si le financement de l’audiovisuel public devait entièrement en dépendre. D’autant plus dans un contexte de droitisation du paysage politique, avec des courants populistes qui rencontrent un certain succès.</p>
<h2>La redevance et ses limites</h2>
<p>La redevance a été instaurée en France pour la radio en 1933, sur le modèle qui finançait déjà la BBC au Royaume-Uni. En Europe, contrairement aux États-Unis, le choix d’un double secteur privé/public a été fait dans le désordre entre les années 1930 et 1950, mais il s’est imposé partout. Au départ, la redevance semblait juste, puisqu’il s’agissait de faire payer une taxe uniquement aux ménages qui possédaient un poste de radio, puis de télévision. Mais depuis près de cent ans, le paysage médiatique et les techniques de diffusion ont considérablement évolué.</p>
<p>Par ailleurs, la redevance n’a pas été adoptée ou maintenue partout : dans l’Union européenne, à laquelle on peut ajouter le Royaume-Uni et la Suisse, 15 États ont maintenu la redevance, 7 l’ont abandonnée plus ou moins récemment et 7 autres financent leur audiovisuel public par l’impôt général. Enfin, le <a href="https://www.rts.ch/info/suisse/9369452-linitiative-no-billag-est-rejetee-par-716-des-votants-et-tous-les-cantons.html">montant de la redevance varie fortement, de 36€ au Portugal à 340€ en Suisse</a> ; elle est indexée sur l’inflation en Allemagne et en Italie. Au Royaume-Uni, où elle était également indexée, le gouvernement de Boris Johnson l’a gelée pour deux années – la ministre de la Culture britannique, Nadine Dorries a annoncé que la redevance, que la BBC voulait augmenter à 180 livres, serait gelée à 159 livres (190 euros) jusqu’en 2024 – et surtout a cessé de compenser les exonérations (pour les handicapés, les très faibles revenus, etc.), soit environ 800 millions de £, qui sont maintenant à la charge de la BBC. En France aussi, l’État compense les exonérations à hauteur de 600 millions d’euros par an.</p>
<h2>La redevance, un totem idéologique</h2>
<p>Ainsi, on voit bien qu’une taxe affectée, pas plus qu’une ligne budgétaire banalisée ne garantit l’indépendance ou un financement pérenne du service public audiovisuel. La redevance est en effet une ligne budgétaire parmi des milliers d’autres du budget général de la France, voté chaque année par le Parlement à l’automne. Or, toute ligne budgétaire peut chaque année être augmentée, diminuée ou rayée par le Parlement, sur recommandation du gouvernement ou non. Et tout changement de majorité peut modifier ou inverser la tendance de la majorité précédente. Ainsi, les recettes de France Télévisions ont été amputées de 146,5 millions d’euros sur les années 2018-2021 ; ainsi encore, lorsque Nicolas Sarkozy a décidé d’interdire la publicité entre 20 heures et 6 heures, il avait promis une compensation « à l’euro près », qui n’a pas été tenue. En définitive, c’est le Parlement qui vote le budget…</p>
<p>L’historien peut ajouter que la redevance n’a pas protégé l’indépendance du service public des pressions des ministres de l’Information de la IV<sup>e</sup> et des quinze premières années de la V<sup>e</sup> République. Quand Georges Pompidou a introduit la publicité à l’ORTF, c’était pour éviter d’augmenter la redevance. En Grèce, la redevance n’a pas protégé l’indépendance du service public lors de la dictature des colonels entre 1967 et 1974. Et lorsque Jacques Chirac a décidé de privatiser TF1, la redevance n’a pas plus protégé la chaîne.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/debat-laudiovisuel-public-est-il-vraiment-public-156794">Débat : L’audiovisuel public est-il vraiment public ?</a>
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<h2>De l’importance du pacte démocratique</h2>
<p>Il faut donc sereinement imaginer des modes de financement du service public audiovisuel en se passant de la redevance ou en modifiant son mode de perception. Ainsi, au Portugal, ce sont les opérateurs téléphoniques qui la perçoivent. Il est possible d’opter pour cette solution en France, ce qui permettrait d’élargir l’assiette en taxant toutes les box, voire tous les portables, et donc permettrait de diminuer le prix à payer par chaque citoyen. On peut aussi imaginer d’adosser la redevance à la taxe foncière, avec répercussion ou non sur les locataires, ce qui permettrait également d’élargir l’assiette et de taxer les multipropriétaires.</p>
<p>Enfin, le plus simple est de créer une ligne budgétaire supplémentaire dans le budget du ministère de la Culture, à l’image de celle qui finance la moitié des recettes de l’Agence France Presse (qui ne semble pas soumise au pouvoir pour autant) ou celles qui alimentent le Fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité ou le Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale. Il suffira alors que les parlementaires veillent, <a href="http://www.senat.fr/rap/l21-163-319/l21-163-3191.html">comme ils le font déjà chaque année</a>, et après concertation avec les entreprises de service public et de l’ARCOM, à un financement équitable, pérenne et suffisant pour que le service public assume sa mission définie par Jean d’Arcy en 1953 : « informer, cultiver, distraire ».</p>
<p>Plutôt que de soutenir une redevance qui doit disparaître avec la taxe d’habitation, il vaut mieux réfléchir à ce qui fonde le pacte démocratique, dont fait partie un financement fort de l’audiovisuel public, qui <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/19401612211060255">conforte à son tour la démocratie</a>. Oui, les <a href="https://www.meta-media.fr/2022/03/11/les-pays-ou-les-medias-publics-sont-mieux-finances-ont-ils-aussi-des-democraties-plus-saines.html">pays qui ont un meilleur financement des médias publics ont une démocratie en meilleure santé</a>. Cependant le lien de cause a effet n’est pas simple à déterminer : est-ce une démocratie en bonne santé, comme dans les pays scandinaves, en Suisse ou en Allemagne, qui finance plus fortement ses médias publics ? Ou est-ce parce que les médias publics sont mieux financés que la démocratie est en meilleure santé ? Évidemment, cela marche dans les deux sens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180155/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrick Eveno ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plus que la redevance, c’est sans doute la qualité du pacte démocratique qui garantit l’indépendance de l’audiovisuel public.Patrick Eveno, Professeur émérite en histoire des médias, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1748172022-01-17T19:32:17Z2022-01-17T19:32:17ZLes territoires oubliés de l’élection présidentielle<p>Le 3 juin 2014, le président de la République française François Hollande annonçait le lancement d’une réforme dont l’objectif était de <a href="https://theconversation.com/la-decentralisation-une-histoire-longue-minee-par-les-incoherences-130802">changer l’architecture territoriale de la République</a> : la fameuse loi NOTRe (loi portant nouvelle organisation territoriale de la République). L’ambition du Président était de <a href="https://theconversation.com/la-nouvelle-carte-des-regions-des-effets-de-transformation-inattendus-158997">simplifier et de clarifier l’organisation territoriale</a> de la France avec cette réforme, pour que chacun sache qui est en charge, qui finance et à partir de quelles ressources, en somme un vrai <a href="https://www.researchgate.net/publication/286732395_Big_Bang_Territorial_La_reforme_des_Regions_en_debat">big bang territorial !</a>. Six ans plus tard, où en est-on ? Quelle considération de la place des territoires dans le quinquennat d’Emmanuel Macron qui défend la <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/01/16/reindustrialisation-macron-veut-celebrer-l-attractivite-dans-les-territoires_6109731_823448.html">ré-industrialisation et l’attractivité</a> de ces territoires ?</p>
<h2>Une rationalisation des dépenses budgétaires, vraiment ?</h2>
<p>L’argument le plus souvent avancé, et probablement le plus discuté aussi, porte sur la rationalisation des dépenses budgétaires publiques en passant de 22 à 13 régions. Le gouvernement justifie alors les économies budgétaires sur les collectivités locales en promettant de contenir la hausse de la fiscalité locale et de libérer des capacités d’investissement public.</p>
<p>Lors de la présentation du projet de loi le <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/195347-declarations-de-m-andre-vallini-secretaire-detat-la-reforme-territo">14 juin 2015 devant le Sénat</a>, des chiffres ont été avancés par André Vallini, le secrétaire d’État à la Réforme territoriale, qui annonçait des économies d’environ 25 milliards d’euros, <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/431686/reforme-territoriale-la-fin-du-mythe-des-10-milliards-deuros-deconomies/">bientôt réduites à 15</a>.</p>
<p>Aujourd’hui, de nombreuses régions françaises ont vu leur budget de fonctionnement augmenter. Selon une <a href="https://www.ifrap.org/etat-et-collectivites/regions-le-bilan-2015-2018-des-fusions">étude menée par l’Institut français pour la recherche sur les administrations publiques et les politiques</a> (Ifrap), les dépenses des treize nouvelles grandes régions ont augmenté de 2,6 milliards d’euros entre janvier 2016, date de leur création, et 2017. Par exemple, les dépenses de la région Grand Est ont augmenté de 14 %, ce qui représente 444 euros par habitant. Plusieurs facteurs expliquent ces hausses.</p>
<p>La fusion des régions a nécessité l’alignement des salaires des fonctionnaires des anciennes régions sur le salaire le plus favorable. Par exemple, le nivellement a coûté 10 millions euros à la région Normandie.</p>
<p>L’agrandissement des régions a aussi généré des coûts supplémentaires qui n’avaient pas été nécessairement anticipés. C’est le <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/occitanie-les-gaspillages-de-la-nouvelle-region-1345116">cas de la région Occitanie</a> : aucun des deux hémicycles ne peut accueillir les 150 élus du conseil régional : si celui situé à Toulouse pouvait faire l’objet de travaux d’aménagement à cette fin, pour un montant estimé à 7 millions d’euros par la collectivité, la configuration de celui de Montpellier exclut toute possibilité de redimensionnement substantiel.</p>
<p>La collectivité fait donc <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-09/20190924-rapport-Finances-publiques-locales-2019-fascicule2_0.pdf">appel à un prestataire</a> pour organiser ces sessions au parc des expositions de Montpellier, pour un coût unitaire initial de 140 000 euros, ramené à 98 000 euros.</p>
<h2>Les effets pervers de la fusion des régions et de la métropolisation</h2>
<p>La fusion des régions a agrandi leur taille. Il est évident que cette augmentation implique qu’une partie plus importante de la population est éloignée des centres de décision, notamment de la capitale régionale.</p>
<p>Cette distance pourrait conduire au sentiment d’un nouvel éloignement de l’État des territoires ruraux ou périphériques, considérés comme abandonnés. On peut ainsi s’attendre à une baisse de la qualité, voire à une absence ou une suppression des services de proximité, dans un contexte de réduction des coûts. Ce phénomène, déjà observé dans de nombreuses zones rurales, inquiète les élus, <a href="https://www.courrierdesmaires.fr/36697/lappel-du-18-juin-des-maires-ruraux-contre-la-reforme-territoriale/">qui se sont plusieurs fois mobilisés</a> contre les effets néfastes de la nouvelle loi. Du fait des réformes, certains ont notamment souligné l’affaiblissement considérable du rôle du maire et des élus du conseil municipal, avec un assèchement des ressources de la commune et un transfert des compétences à l’échelle intercommunale.</p>
<p>Par ailleurs, on a assisté à une véritable <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/loi-mapam-la-nouvelle-carte-des-competences-en-matiere-denvironnement-et-de-transports">métropolisation de la France</a> avec la mise en œuvre de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPAM » ou « loi MAPTAM ». Le « tout métropole » inquiète aujourd’hui toute une partie de la population qui se sent exclue des bénéfices potentiels qu’elle pourrait tirer des métropoles. Le <a href="https://blogs.univ-poitiers.fr/o-bouba-olga/2017/12/08/les-metropoles-ruissellent-moyen/">ruissellement des métropoles vers les territoires ruraux</a> est loin d’être une évidence.</p>
<h2>Le déclin de l’offre de services publics</h2>
<p>Le <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/lacces-aux-services-publics-dans-les-territoires-ruraux">déclin de l’offre de services publics dans de nombreux territoires périphériques</a>, qui entraîne un sentiment de frustration et d’abandon de la part de l’État, est devenu une réalité. Un certain nombre de petites et moyennes villes rurales déclinent à mesure que le secteur agricole perd de son importance et que peu d’alternatives sont disponibles. Il est difficile pour ces territoires, qui souffrent d’un manque de connexions avec les grands centres productifs, de se réinventer et de réactiver une dynamique économique.</p>
<p>On peut rappeler que dans d’autres pays européens, comme le Royaume-Uni ou l’Espagne, ces décisions de laisser de côté certains territoires ont pu conduire à la création d’une géographie du mécontentement posant des problèmes en termes de <a href="https://theconversation.com/les-mobilisations-contemporaines-contre-les-injustices-rehabilitent-la-radicalite-politique-168414">montée du populisme</a> et de <a href="https://theconversation.com/elections-presidentielles-labstention-revelatrice-de-territoires-negliges-par-les-politiques-publiques-163520">désintérêt croissant des citoyens vis-à-vis de la politique</a>.</p>
<p>En France, la crise des « gilets jaunes » a montré que les territoires oubliés comptent et que cette question doit être abordée. De manière générale dans les pays développés, la <a href="https://theconversation.com/le-gouvernement-macron-en-marche-vers-le-management-ou-vers-linnovation-publique-78117">recherche de performance des politiques publiques</a> a généré une diminution des services publics dans les territoires qui étaient déjà en difficulté. Il n’est donc pas étonnant de constater qu’une partie de la population, qui ne bénéficie plus de ces services – ou dont la qualité s’est dégradée – ne croit plus au gouvernement et fait valoir ses revendications en manifestant ou en votant pour des partis des extrêmes.</p>
<h2>Quel salut pour les territoires oubliés ?</h2>
<p>La réforme semble bénéficier à certains types de territoires (les plus urbanisés) et en défavoriser d’autres (les zones rurales), et le <a href="http://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/2017-01-23-rapport_complet-metropoles-final.pdf">ruissellement territorial</a> annoncé n’est pas systématiquement au rendez-vous. Les outils comme la mise en place de <a href="https://www.economie.gouv.fr/entreprises/zone-revitalisation-rurale-zrr-avantages-impots">zones de revitalisation rurale</a> (ZRR), pourtant intéressants pour les territoires bénéficiaires, restent trop rares. Selon un <a href="https://www.senat.fr/questions/base/2010/qSEQ10060951S.html">rapport du Sénat</a>, par exemple, en Lozère, les exonérations fiscales et sociales accordées ont ainsi permis de créer ou de maintenir de nombreux emplois – par exemple 222 ETP dans le secteur médico-social – et de réaliser un certain nombre d’investissements dans les établissements. Néanmoins, par manque de lisibilité, seules <a href="https://www.lemoniteur.fr/article/les-zones-de-revitalisation-rurale-sur-la-sellette.2138869">2,3 % des communes en profitent</a>, alors que plus de 50 % d’entre elles pourraient y prétendre.</p>
<p>Par ailleurs les possibilité d’expérimentation des collectivités territoriales apparaissent également largement sous-utilisées, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/01900692.2021.2018456">comme nous le montrons dans un article récent</a>, alors qu’elles pourraient donner naissance à des <a href="https://www.lemonde.fr/le-monde-evenements/article/2022/01/15/cynthia-fleury-concentrons-nous-sur-le-droit-d-experimentation-democratique_6109582_4333359.html">dynamiques locales intéressantes</a></p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/f6LlI2DWC-s?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les épiceries solidaires (Andes, septembre 2021).</span></figcaption>
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<p>Pourtant tout n’est pas perdu, et de nombreuses initiatives provenant des territoires laissent à penser qu’un développement endogène, soutenu par les actions et initiatives des populations locales, est possible et peut conduire à la création et au succès de systèmes économiques locaux. Un nombre croissant d’exemples attestent d’une large capacité d’innovation et de créativité, y compris dans des territoires ruraux ou considérés comme périphériques, pas nécessairement liées à un haut niveau d’industrialisation ou de spécialisation productive. Ils révèlent la vitalité des territoires, qui démontrent leur dynamisme et leur capacité de renouvellement en mobilisant les forces locales.</p>
<p>Les <a href="https://theconversation.com/alimentaire-circuits-courts-une-durabilite-sous-conditions-146709">circuits courts</a> de proximité, en plein développement, en particulier depuis la crise du Covid, permettent de rapprocher les producteurs (souvent des agriculteurs) et les consommateurs, d’identifier l’origine des produits et d’éviter les intermédiaires industriels jugés trop coûteux ou dangereux pour la santé. S’y ajoute une dimension sociale inclusive, par la familiarité avec le producteur, les relations de collaboration dans la production, ou l’intégration et la recréation de liens sociaux, comme les sociétés coopératives, la création d’épiceries solidaires ou les lieux de distribution et de vente de produits.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/des-tiers-lieux-pour-aider-les-neo-paysans-a-se-lancer-132207">Des tiers-lieux pour aider les néo-paysans à se lancer</a>
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<h2>D’autres modes de collaboration</h2>
<p>Les tiers lieux, un phénomène constaté dans tous les territoires, se multiplient dans les zones rurales. Ces espaces de rencontre favorisent la mise en commun des connaissances et des savoir-faire, au bénéfice de la production de biens ou de l’invention de services locaux. La collaboration entre professionnels et amateurs ou profanes éclairés permet de mobiliser les énergies, de créer des chaînes de valeurs et de compétences, et de mettre en place de nouvelles idées, comme l’agroécologie par exemple. Elle est soutenue depuis mars 2021 par la politique des <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/sappuyer-sur-les-poles-territoriaux-de-cooperation-economique-pour-une-relance-durable">Pôles territoriaux de coopération économique</a> (PTCE).</p>
<p>L’<a href="https://theconversation.com/economie-circulaire-gare-aux-solutions-trop-faciles-165495">économie circulaire</a>, promue de manière très volontariste par l’ADEME, contribue à la création de richesse dans les territoires. À l’opposé de l’économie linéaire, qui conduit à la production de produits et de déchets non recyclables, elle permet de créer une boucle vertueuse au niveau local. En particulier les déchets sont réutilisés dans la production ou transformés en énergie qui sert à la fabrication de nouveaux biens ou aux besoins des populations. La <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-territoires-doivent-semparer-de-la-bioeconomie-76243">méthanisation</a>, en croissance très forte ces dernières années en France, en est le meilleur exemple.</p>
<p>Alors, ces innovations seraient-elles finalement une opportunité pour les territoires perdus aux frontières des macro-régions et loin des pouvoirs publics ? Voire une opportunité à saisir pour les politiques ? Ou alors, est-ce qu’elles restent trop particulières ou modestes pour entraîner de véritables dynamiques territoriales ? Une chose est sûre, les candidats à l’élection présidentielle ne pourront pas faire sans ces territoires oubliés, qui ont su bien souvent se rappeler à leur attention, dans les urnes ou dans la rue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174817/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Réindustrialiser, rendre attractifs les territoires : ces promesses de campagne peuvent-elles résister à l’analyse poussée des différentes mesures de décentralisation ?Sebastien Bourdin, Enseignant-chercheur en géographie-économie, Laboratoire Métis, EM NormandieAndré Torre, Directeur de recherche en économie à INRAE, AgroParisTech – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1700812021-10-18T18:51:31Z2021-10-18T18:51:31ZPhilharmonie à Paris, Confluences à Lyon… plus de transparence pour des renégociations qui peuvent coûter cher<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/426782/original/file-20211016-7324-rqluu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C7%2C1588%2C1188&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au fil des renégociations, la facture pour la réalisation de la Philharmonie de Paris a plus que doublé.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Jean-Pierre Dalbéra / FlickR</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans un <a href="https://www.cae-eco.fr/Renforcer-l-efficacite-de-la-commande-publique">rapport</a> pour le Conseil d’analyse économique (CAE) daté d’avril 2015, nous nous interrogions, avec le prix « Nobel » d’économie Jean Tirole, sur les moyens de renforcer l’efficacité de la commande publique. Il nous semblait que la grande marge de manœuvre laissée aux parties contractantes pour renégocier leurs contrats et faire face aux événements imprévus devait s’accompagner d’une transparence accrue. Il s’agit par-là d’assurer un meilleur contrôle des dépenses de la commande publique en France, évaluées à <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/un-nouveau-guide-pour-eclairer-et-relancer-la-commande-publique">8 % du PIB</a> en mai dernier par la ministre déléguée à l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher.</p>
<p>La commande publique peut être définie comme l’ensemble des contrats passés par les personnes publiques afin de satisfaire leurs besoins. Les contrats peuvent prendre différentes formes (des marchés publics ou des concessions essentiellement) et concernent la fourniture de biens, de services et/ou d’infrastructures.</p>
<p>Les directives qui s’appliquent en Europe depuis 2016 (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000030590222?init=true&page=1&query=2014%2F23%2FUE&searchField=ALL&tab_selection=all">2014/23/UE</a>, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000030616160">2014/24/UE</a>, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000030616263?init=true&page=1&query=2014%2F25%2FUE&searchField=ALL&tab_selection=all">2014/25/UE</a>) vont bien dans le sens de davantage de transparence. En instaurant une obligation de publication d’information sur les modifications de contrats publics pendant leur exécution, ces directives permettent l’accès à de nouvelles données.</p>
<p>Elles ouvrent la voie à de nouvelles recherches, notamment sur l’influence de la crise du Covid-19 sur l’exécution des contrats. Une étude a été lancée il y a quelques semaines sur ces questions à l’Institut d’administration des entreprises Paris Sorbonne. Les tout premiers résultats sont présentés ici.</p>
<h2>Dérapages réguliers</h2>
<p>Depuis de nombreuses années, l’analyse économique insiste sur l’incomplétude de ces contrats. Cette approche, développée en particulier par deux prix « Nobel », l’Américain <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/economic-sciences/2009/williamson/facts/">Oliver E. Williamson</a> en 2009 et le Britannique <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/economic-sciences/2016/hart/facts/">Oliver D. Hart</a> en 2016, permet d’expliquer la fréquence des renégociations de contrats publics. Incomplets, ils doivent souvent être adaptés au cours de leur exécution.</p>
<p>Différentes raisons peuvent être invoquées lors des discussions : ici des contrats mal conçus, là des événements imprévus, ailleurs des comportements opportunistes, de la corruption, ou encore un phénomène de malédiction du vainqueur (s’il a emporté la mise, c’est peut-être car il a surestimé les retombées qu’ils pouvaient obtenir). Elles entraînent souvent des surcoûts importants pour la partie publique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/426783/original/file-20211016-17-1w5j0ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/426783/original/file-20211016-17-1w5j0ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/426783/original/file-20211016-17-1w5j0ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/426783/original/file-20211016-17-1w5j0ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/426783/original/file-20211016-17-1w5j0ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/426783/original/file-20211016-17-1w5j0ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/426783/original/file-20211016-17-1w5j0ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/426783/original/file-20211016-17-1w5j0ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">61 millions d’euros devaient être engagés, les dépenses publiques pour le musée Confluences à Lyon ont finalement été de 330 millions d’euros.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://yab.be/2019/10/11/musee-des-confluences-in-lyon-8-september-2019/">Yab.be</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Quelques exemples de « dérapages » impressionnants paraissent régulièrement dans la presse. Parmi les cas d’écoles, on retrouve celui de La <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/la-philharmonie-de-paris-reclame-des-millions-a-larchitecte-jean-nouvel-1397879">Philharmonie de Paris</a> dont les travaux, chiffrés à 173 millions d’euros au lancement du projet en 2006, ont atteint un montant final de 386 millions d’euros. La construction du <a href="https://www.20minutes.fr/lyon/1496835-20141208-lyon-musee-confluences-scandale-financier">Musée des Confluences</a> à Lyon reposait sur un programme de 61 millions d’euros, qui a ensuite frôlé les 330 millions d’euros.</p>
<p>Comme le notait un <a href="http://www.lemoniteur.fr/article/marches-publics-des-avenants-plus-transparents-32883780">consultant en marchés publics en 2015</a> :</p>
<blockquote>
<p>« On en est arrivé à un point tel que plus personne ne prend au sérieux l’estimation initiale des grands chantiers. »</p>
</blockquote>
<h2>Écarts significatifs entre pays européens</h2>
<p>Pour la première fois, les directives européennes votées en 2014 et appliquées depuis 2016 s’intéressaient à la phase d’exécution des contrats et non plus seulement à leur passation.</p>
<p>Si une modification des contrats est autorisée, et ce dans une large mesure, ces textes obligent aussi les contractants publics à publier de l’information sur les évolutions décidées par les parties. En France, la transposition du droit européen oblige l’acheteur à publier un avis de modification du marché ou du contrat de concession au Journal officiel de l’Union européenne (JOUE), lorsque les contrats sont passés selon une procédure formalisée.</p>
<p>Le graphique ci-dessous reporte les modifications de contrats publics que l’on peut recenser dans la <a href="http://www.marche-public.fr/Marches-publics/Definitions/Entrees/TED.htm">base Tenders electronic daily (TED)</a>, construite à partir du JOUE. Il fait état d’écarts importants entre pays de l’Union européenne.</p>
<iframe title="Des écarts significatifs apparaissent dans l'Union quant au nombre de renégociations, y compris entre des pays qui semblent bien transmettre l’information" aria-label="Graphique en colonnes" id="datawrapper-chart-tHYE2" src="https://datawrapper.dwcdn.net/tHYE2/3/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100% !important; border: none;" height="400" width="100%"></iframe>
<p>Les chiffres suggèrent que certains pays seraient immuns aux renégociations contractuelles. Il semble cependant plus probable que ces pays ne jouent pas le jeu de la transmission d’informations sur ces dernières. Reste que des écarts significatifs apparaissent également entre les pays qui semblent bien transmettre l’information, par exemple entre la France et l’Allemagne.</p>
<p>Ces écarts peuvent s’expliquer par le nombre de contrats passés, par une surtransposition des directives européennes dans certains pays (avec des règles nationales qui imposeraient par exemple de publier de l’information sur toutes les renégociations contractuelles, même celles n’ayant aucun impact financier sur les contrats), par des caractéristiques conjoncturelles propres à certains pays, ou encore par des traditions différentes de rédaction et de renégociation des contrats.</p>
<h2>Un effet déstabilisateur du Covid ?</h2>
<p>Bien qu’imparfaites, ces données permettent de mener de premières analyses des modifications de contrats et de leurs conséquences financières en France, pays pour lequel la base semble bien renseignée. Depuis 2016, les modifications de contrats publics semblent de plus en plus nombreuses. Le faible nombre de renégociations enregistrées en 2016 et 2017 s’explique toutefois sans doute par une remontée d’information encore imparfaite.</p>
<iframe title="En France, les modifications de contrats publics semblent de plus en plus nombreuses" aria-label="Interactive line chart" id="datawrapper-chart-tYvvy" src="https://datawrapper.dwcdn.net/tYvvy/2/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="400" width="100%"></iframe>
<p>Il est important de noter que la très grande majorité des modifications de contrats a entraîné des augmentations de la dépense publique. Elles restent pour la plupart contenues à des augmentations de moins de 20 % du montant des marchés. Néanmoins, certaines entraînent des hausses substantielles du montant des marchés, de plus de 50 %.</p>
<iframe title="La très grande majorité des modifications de contrats a entraîné une augmentation de la dépense publique" aria-label="Graphique en colonnes" id="datawrapper-chart-1LkyZ" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1LkyZ/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="350" width="100%"></iframe>
<p>Les données TED permettent aussi de comprendre plus en détail les raisons des renégociations. En effet, l’autorité publique doit fournir une justification, en quelques lignes, pour chaque modification.</p>
<p>Une analyse textuelle permet ainsi de mettre en évidence l’effet déstabilisateur de la crise du Covid-19. En France, plus de 25 % des contrats renégociés depuis décembre 2019 l’ont été à cause de la crise sanitaire, mais ce pourcentage monte à plus de 70 % pour le Royaume-Uni et reste a contrario très faible en Allemagne.</p>
<iframe title="Le Covid 19 n'a pas eu partout le même effet déstabilisateur sur les contrats de commande publique" aria-label="Graphique en colonnes" id="datawrapper-chart-phYTB" src="https://datawrapper.dwcdn.net/phYTB/4/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100% !important; border: none;" height="400" width="100%"></iframe>
<p>De nouveau, ces écarts entre pays questionnent. Si l’on peut suspecter des erreurs méthodologiques, on peut également s’interroger sur les caractéristiques des contrats, sur la nature des relations contractuelles et sur le statut des renégociations dans ces différents pays.</p>
<h2>Recherches à venir</h2>
<p>Cette première étape vers plus de transparence est louable. Cependant, les données TED ne permettent pas d’avoir une vision claire du caractère conflictuel ou coopératif des modifications de contrats. Or, cette question est essentielle. Les modifications de contrats, même coûteuses, reflètent-elles la bonne relation de la relation contractuelle et la volonté des acteurs d’aller vers plus d’efficacité en adaptant le contrat à des situations nouvelles ? Ou les modifications sont-elles subies, résultant d’un manque de préparation du contrat ou de comportements opportunistes des acteurs ?</p>
<p>Afin d’en savoir plus sur le sujet, l’IAE de Paris-Sorbonne vient de lancer une étude par questionnaire auprès des acheteurs publics en Europe. Nous pensons que la crise du Covid-19 peut agir comme un révélateur de la qualité de la relation contractuelle qui lie les parties.</p>
<p>Ce type de choc exogène pousse, en outre, à s’interroger sur le caractère plus ou moins rigide et/ou flexible des contrats qui peut influencer leur capacité à s’adapter à des contingences non prévues au moment de leur signature.</p>
<p>Nous nous saisirons de ces questions, et nos travaux viseront à compléter ces toutes premières statistiques grâce à des données plus fines. Elles permettront de mieux comprendre les caractéristiques des renégociations contractuelles, facette primordiale de la commande publique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170081/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Saussier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les évolutions du droit exigent de publier davantage d’informations sur l’exécution des contrats de commande publique, dont le coût dérape régulièrement.Stéphane Saussier, Chair professor, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1332862020-09-04T13:37:16Z2020-09-04T13:37:16ZLes Canadiens sont-ils prêts à laisser tomber le PIB comme principal indicateur de prospérité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/319983/original/file-20200311-116232-1o895qp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des études révèlent que les Canadiens souhaitent laisser tomber le PIB comme mesure du progrès, de la prospérité et du bonheur, et qu’ils considèrent que la protection de l’environnement est plus importante que la croissance. On voit ici un randonneur en Colombie-Britannique.</span> <span class="attribution"><span class="source">Alex Shutin, Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>En 1968, Robert F. Kennedy, alors candidat à la présidence des États-Unis, a déclaré dans un <a href="https://www.jfklibrary.org/learn/about-jfk/the-kennedy-family/robert-f-kennedy/robert-f-kennedy-speeches/remarks-at-the-university-of-kansas-march-18-1968">discours célèbre</a> que le produit intérieur brut (PIB) « mesure tout… sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. »</p>
<p>Plus de 50 ans sont passés depuis ce discours, et même si plusieurs experts <a href="https://hbr.org/2019/10/gdp-is-not-a-measure-of-human-well-being">ont souligné les limites du PIB</a> en tant qu’indicateur du bien-être humain, la plupart des pays et des politiciens considèrent toujours la croissance du PIB comme le principal indicateur du progrès.</p>
<p>Les choses sont <a href="https://images.theconversation.com/files/318100/original/file-20200302-18262-180m1s1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip">peut-être en train de changer</a>.</p>
<p><a href="https://nationalpost.com/news/politics/liberal-budget-could-focus-more-on-personal-happiness-less-on-countrys-financial-condition">Selon des informations récentes</a>, le gouvernement canadien réfléchirait à l’idée de présenter un budget centré sur de nouveaux indicateurs de progrès comme le bonheur et le bien-être.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/357695/original/file-20200911-20-1oayco4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/357695/original/file-20200911-20-1oayco4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/357695/original/file-20200911-20-1oayco4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/357695/original/file-20200911-20-1oayco4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/357695/original/file-20200911-20-1oayco4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/357695/original/file-20200911-20-1oayco4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/357695/original/file-20200911-20-1oayco4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La vice-première ministre Chrystia Freeland s'exprime lors d'une conférence de presse à Toronto, le lundi 31 août 2020. Son prochain budget remettra-t-il en question la notion de PIB?</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Cole Burston</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si les libéraux fédéraux se tournent effectivement vers ces nouveaux indicateurs, cela constituerait un changement de cap par rapport aux budgets précédents qui mettaient fortement l’accent sur les mesures économiques traditionnelles, telles que la croissance du PIB, pour calculer le progrès du Canada.</p>
<h2>Le PIB, utilisé depuis 1940</h2>
<p>La croissance économique est l’augmentation de la valeur du marché rajustée en fonction de l’inflation des biens et des services produits dans une économie, et on la mesure par le pourcentage d’augmentation du PIB. Le PIB, dont on se sert comme indicateur depuis les années 1940, reflète la taille de l’économie.</p>
<p>Pour la plupart des pays, la croissance du PIB est le principal objectif politique, car elle est souvent associée au progrès social et au bien-être. Mais certains experts critiquent depuis longtemps l’obsession de la croissance économique et proposent l’utilisation <a href="https://www.bu.edu/pardee/files/documents/PP-004-GDP.pdf">d’autres indicateurs</a> pour mieux représenter l’amélioration de la société. La plupart des pays se montrent réticents à utiliser de nouveaux indicateurs, en partie parce qu’ils sont perçus comme subjectifs et difficiles à mesurer.</p>
<p>Mettre l’accent sur le bonheur et le bien-être constituerait un changement dans le contexte canadien, mais de nouveaux indicateurs de progrès ont déjà été proposés dans d’autres pays, tels que la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/05/30/le-budget-bien-etre-de-la-nouvelle-zelande-promet-des-milliards-de-dollars-pour-les-plus-demunis_5469483_3210.html">Nouvelle-Zélande</a>, la <a href="https://www.euroipse.org/leconomie-du-bien-etre-au-centre-de-la-presidence-finlandaise-de-lue/">Finlande</a> et le <a href="https://www.idrc.ca/fr/recherche-en-action/bonheur-et-progres-mesurer-le-bien-etre-au-bhoutan-et-au-canada">Bhoutan</a>. Même l’initiative <a href="https://ec.europa.eu/regional_policy/fr/newsroom/news/2016/02/16-02-2016-moving-beyond-gdp-new-regional-social-progress-index">« Au-delà du PIB »</a> de la Commission européenne explore des indicateurs qui rendent mieux compte des données environnementales et sociales.</p>
<p>Le gouvernement canadien semble vouloir aller dans cette direction. Mais les Canadiens sont-ils favorables à un tel changement ?</p>
<h2>Ce qu’on en pense au Canada</h2>
<p>Une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0921800918311807?via%3Dihub">étude évaluée par des pairs</a> et dirigée par la principale auteure de cet article examine la perception des Canadiens de ce sujet. L’étude a cherché à déterminer si les Canadiens pensent que la croissance économique mesurée par le PIB est le meilleur indicateur du progrès et de la prospérité.</p>
<p>Les résultats montrent que près de 43 pour cent des Canadiens interrogés sont disposés à appuyer un politicien qui ne ferait pas de la croissance économique son principal objectif politique.</p>
<p>Le soutien varie d’une province à l’autre : il est de 38 pour cent en Alberta, de 41 pour cent en Ontario, de 46 pour cent en Colombie-Britannique et de 48 pour cent au Québec.</p>
<p>En outre, la moitié des participants considèrent qu’on peut avoir une bonne vie sans une croissance économique continue, tandis que 26 pour cent des répondants sont indécis et que 21 pour cent se disent en désaccord avec cette idée.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/318099/original/file-20200302-18279-uu9an.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/318099/original/file-20200302-18279-uu9an.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/318099/original/file-20200302-18279-uu9an.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/318099/original/file-20200302-18279-uu9an.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/318099/original/file-20200302-18279-uu9an.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/318099/original/file-20200302-18279-uu9an.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/318099/original/file-20200302-18279-uu9an.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des conteneurs au terminal de Fairview Cove, à Halifax, en août 2017. Les Canadiens estiment que le progrès est possible sans une croissance économique continue.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Andrew Vaughan</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces résultats révèlent que de nombreux Canadiens sont ouverts à ce qu’on utilise des indicateurs de progrès autres que la croissance du PIB, ce qui appuierait le plan du gouvernement fédéral d’axer ses politiques davantage sur le bonheur et le bien-être.</p>
<p>De plus, 56 pour cent des personnes interrogées ont déclaré que le Canada ne devrait pas chercher à faire croître son économie si cela entraînait des conséquences négatives importantes, telles que la dégradation de l’environnement. L’étude a été réalisée au moyen d’un sondage en ligne auprès d’un échantillon de plus de 1000 Canadiens de différents groupes d’âge, catégories de revenus et affiliations politiques.</p>
<h2>Les Canadiens veulent qu’on protège l’environnement</h2>
<p>Les résultats de l’étude sont conformes à ceux <a href="https://www.environicsinstitute.org/docs/default-source/project-documents/the-common-good-who-decides-2012-trudeau-foundation-annual-survey/backgrounder---english.pdf?sfvrsn=6d64e0fa_2">d’autres sondages</a> qui ont montré que de 60 pour cent à 88 pour cent des gens donnent priorité à la protection de l’environnement même si cela devait ralentir la croissance, ce qui illustre l’importance que les Canadiens accordent à des objectifs non économiques.</p>
<p>Les participants à cette étude évaluée par les pairs ont indiqué un niveau potentiellement élevé de soutien à des idées post-croissance. Ainsi, la majorité des répondants appuie l’abandon d’un modèle économique axé sur la consommation.</p>
<p>Pas moins de 65 pour cent des personnes interrogées sont d’accord avec l’idée d’évoluer vers un système économique prônant une consommation réduite, et plus de 80 % d’entre elles sont d’accord pour dire que, compte tenu des ressources naturelles limitées, les gens devraient trouver des moyens d’améliorer leur qualité de vie tout en réduisant leur consommation globale.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/318106/original/file-20200302-18295-42sk09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/318106/original/file-20200302-18295-42sk09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/318106/original/file-20200302-18295-42sk09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/318106/original/file-20200302-18295-42sk09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/318106/original/file-20200302-18295-42sk09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/318106/original/file-20200302-18295-42sk09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/318106/original/file-20200302-18295-42sk09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les Canadiens considèrent qu’on peut améliorer sa qualité de vie tout en diminuant sa consommation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Austin Schmid/Unsplash)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Bien que certains critiquent le recours à de nouveaux indicateurs de progrès en raison des difficultés à les mesurer, l’étude recommande que les gouvernements répondent aux demandes de leurs citoyens en utilisant des indicateurs du bien-être économique plus complets.</p>
<h2>Mesurer le bien-être et le bonheur</h2>
<p>Ces résultats remettent en question le supposé consensus sur la nécessité de la croissance du PIB en montrant que les Canadiens ont des opinions diverses sur le sujet.</p>
<p>Une proportion importante des gens semble ouverte à ce qu’on évalue des indicateurs de progrès qui tiennent davantage compte du bien-être et du bonheur que de l’augmentation de la consommation.</p>
<p>Avec une crise climatique qui s’aggrave, un <a href="https://www.sciencepresse.qc.ca/actualite/2019/05/07/million-especes-menacees-nous">appauvrissement sans précédent de la biodiversité</a> et des inégalités généralisées, il est bon de se rappeler les paroles de Robert F. Kennedy et de se demander si une croissance indéfinie du PIB apportera une prospérité véritable et durable.</p>
<p>Le moment est peut-être venu de viser des objectifs plus louables puisque de nombreux Canadiens sont prêts à appuyer un tel changement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133286/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Avec une crise climatique qui s'aggrave, une perte de biodiversité et des inégalités généralisées, il est pertinent de se demander si une croissance indéfinie du PIB apportera une prospérité réelle.Fernanda Tomaselli, Lecturer, Forestry and Climate Change Communication, University of British ColumbiaSandeep Pai, Ph.D. Student & Public Scholar, Institute for Resources, Environment and Sustainability, University of British ColumbiaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1444502020-08-18T17:56:37Z2020-08-18T17:56:37ZLe « lean management », une voie à suivre pour les hôpitaux ?<p>L’hospitalisation de nombreux malades du Covid-19 a mis en lumière un phénomène récent dans le secteur de la santé en France : le développement d’un système d’organisation du travail, le « lean management », originellement implantée dans le secteur automobile.</p>
<p>Le lean management est en effet présenté comme un maillon essentiel du plan d’économies, au sein du système hospitalier français, qui s’est traduit par une <a href="https://www.lemonde.fr/sante/article/2020/06/05/des-restructurations-au-covid-19-l-apport-controverse-des-cabinets-de-consulting-a-l-hopital_6041831_1651302.html">réduction drastique du nombre de lits disponibles</a>.</p>
<p>Le lean management a commencé à s’implanter dans des hôpitaux français au début des années 2000. Les centres hospitaliers universitaires (CHU) de Lyon, de Toulouse ou de Grenoble ou l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris font partie des établissements qui l’utilisent.</p>
<p>Le recours au lean dans le secteur de la santé est justifié, par les directions d’hôpitaux, par la nécessité de mieux utiliser les ressources (rares) disponibles pour répondre à des besoins en évolution permanente. En même temps, ce secteur affirme sa spécificité par rapport aux organisations de production et aux modalités de gestion venues du monde de l’entreprise.</p>
<p>Bien que ce système permette une prise en charge des patients plus efficace, il est également à l’origine d’effets pervers notamment en ce qui concerne la dégradation de la qualité des soins et une mauvaise prise en compte des spécificités médicales des patients.</p>
<h2>De l’industrie automobile à la santé</h2>
<p>Le terme lean appliqué à la gestion de production a été adopté par une équipe de chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) à partir d’une analyse du système de production Toyota, analyse poursuivie dans le cadre du programme de recherche <a href="https://www.lean.org/Bookstore/ProductDetails.cfm?SelectedProductID=160">International Motor Vehicle Program</a> (IMVP). Le lean management est dérivé des <a href="https://www.lean.org/bookstore/ProductDetails.cfm?SelectedProductId=55">principes du toyotisme</a> comme le juste à temps ou le zéro défaut.</p>
<p>La manière de définir la lean management <a href="https://www.cairn.info/revue-de-gestion-des-ressources-humaines-2019-4-page-3.html">fait débat</a> dans la littérature, mais il existe un certain nombre d’invariants identifiés dans les travaux pionniers.</p>
<p>Parmi ces pratiques organisationnelles on trouve : le travail en équipe, la polyvalence, l’autonomie d’initiative (concernant la résolution de problèmes imprévus), la forte standardisation des procédés de travail, le management de la qualité avec les techniques de gestion de production qui lui sont associées (cercle de qualité, Kaizen), le développement de responsabilités (et ses corollaires : délégation de responsabilités, décentralisation de l’autorité et des responsabilités) auquel est associé un système incitatif par le biais, par exemple, des primes de performance collective pour les équipes de travail.</p>
<p>Le déploiement du lean management dans les hôpitaux et plus généralement, dans les services publics, est concourant à celui du nouveau management public (new public management) qui s’est traduit par l’implantation d’outils de gestion issus du secteur privé dans le secteur public.</p>
<p>Tout comme le nouveau management public, le lean management est considéré comme un moyen de rationaliser l’organisation des hôpitaux en <a href="https://www.deepdyve.com/lp/emerald-publishing/trends-and-approaches-in-lean-healthcare-QKnPKvIIo9">éliminant les pertes et les gaspillages</a> (par exemple, les interruptions, les retards, les erreurs…) afin d’améliorer le flux des patients, de l’information et des biens.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1288438537847791617"}"></div></p>
<p>Un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21414703/">groupe de chercheurs</a> a identifié trois activités propres au lean management appliqué au secteur de la santé ou « lean healthcare » : l’évaluation, l’amélioration et le contrôle de la performance.</p>
<p>Les activités d’évaluation consistent à diagnostiquer la performance des processus de l’organisation existante en matière de gaspillage, de flux ou de capacité à ajouter de la valeur, ceci en analysant la chaîne de valeur.</p>
<p>Les activités d’amélioration reposent sur la méthode des événements d’amélioration rapide (parfois appelée kaizen blitz, kailaku) qui consiste à développer en 3 à 5 jours une évaluation de l’équipe et à améliorer les processus de travail via la méthode des 5S ou des « 5 pourquoi ».</p>
<p>Enfin, les activités de contrôle de la performance consistent à mesurer les améliorations effectuées par le biais notamment d’outils visuels (graphiques, tableaux…) et l’utilisation du benchmarking (technique de gestion de la qualité qui consiste à étudier et analyser le fonctionnement des autres entreprises afin de s’en inspirer et d’en tirer le meilleur).</p>
<h2>De nombreux effets pervers</h2>
<p>Plusieurs études ont évalué les résultats procurés par l’implantation du lean management(https://www.cairn.info/performance-et-innovation-dans-les-etablissements – 9782100710973-page-253.htm). <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21035904/">Un travail</a> regroupant dix-huit recherches publié dans une revue de littérature portant sur l’évaluation de l’efficacité du lean management dans les services d’urgence montre que la majorité d’entre elles concluent à une amélioration de l’efficacité des processus de prise en charge des patients :</p>
<ul>
<li><p>diminution du temps d’attente des patients ;</p></li>
<li><p>augmentation du nombre de consultations de patients ;</p></li>
<li><p>augmentation de la satisfaction autodéclarée des patients.</p></li>
</ul>
<p>Toutefois, la majorité de ces recherches ne mesurent pas les effets du lean management sur le personnel soignant (médecins, infirmiers, aides-soignants).</p>
<p>Une <a href="https://www.cairn.info/l-hopital-sous-pression--9782707164285.htm">enquête</a> s’est intéressée aux conséquences de l’implantation d’une méthode dans différents services d’urgence d’hôpitaux français visant principalement la réduction du temps d’attente des patients en fluidifiant les entrées et les sorties des patients – ce qui s’approche, selon nous, du lean management.</p>
<p>Cette enquête montre que ces nouvelles techniques de gestion de production heurtent l’ethos professionnel – c’est-à-dire les valeurs et les normes qui structurent une profession – des personnels soignants pour lesquels la réduction du temps de passage est perçue comme pouvant dégrader la qualité de la prise en charge.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/352778/original/file-20200813-18-1h1n0ni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/352778/original/file-20200813-18-1h1n0ni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/352778/original/file-20200813-18-1h1n0ni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/352778/original/file-20200813-18-1h1n0ni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/352778/original/file-20200813-18-1h1n0ni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/352778/original/file-20200813-18-1h1n0ni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/352778/original/file-20200813-18-1h1n0ni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des soignants réclament de meilleures conditions de travail au sein de l’hôpital public lors d’un mouvement national de manifestations le 30 juin dernier.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://c4.mediaforum.afp.com/CacheServer/Cache.svc/g?hid=DDCDFB3A00D18988A4E42514B3BB3AD2A4E99B275404EBDB4C6B3CB3B05931FC">Clément Mahoudeau/AFP</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par ailleurs, une <a href="https://www.cairn.info/journal-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2011-4-page-16.htm">analyse statistique</a> menée aux urgences d’un hôpital montre que plus le temps de passage des patients se réduit, plus le taux de retour augmente.</p>
<p>Les variations du temps de passage expliquent 20 % de celles du taux de retour. Par exemple, une réduction du temps de passage d’une heure correspond à une hausse marginale de 3,25 % du taux retour. Autrement dit, la diminution des temps de passage des patients a pour principal effet pervers de dégrader la qualité des soins administrés et, in fine, augmente le taux de retour des patients.</p>
<h2>Patient ou client ?</h2>
<p>Dans une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20702013/">autre recherche</a> menée dans un bloc opératoire d’un hôpital anglais ayant déployé le lean management (par le biais de pratiques organisationnelles telles que les cercles de qualité et des techniques de gestion de production telles que le 5S), les chercheurs montrent que le personnel soignant perçoit le déploiement du lean comme une source de dégradation de la qualité des soins.</p>
<p>Par ailleurs, les praticiens hospitaliers sont très critiques vis-à-vis de la sur-standardisation qu’engendre le lean management qui limite fortement leur capacité à s’adapter à des changements non anticipés.</p>
<p>Enfin, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21414703/">quatre études de cas</a> dans des hôpitaux anglais ayant déployé le lean management montrent qu’en pratique, bien qu’il produise des gains de productivité (quoique localisés et de faible ampleur), le lean management « devient une constellation d’activités disjointes et peu connectées entre elles ». Finalement, la logique générale de cette méthode n’est pas comprise par le personnel soignant.</p>
<p>Ces différentes recherches soulignent la difficulté à implanter, dans des hôpitaux, une organisation du travail très standardisée, initialement pensée pour l’industrie automobile. Elle limite en effet la capacité du personnel soignant à prendre en compte l’hétérogénéité des pathologies et des patients à laquelle il est confronté.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1270835839610880001"}"></div></p>
<p>Enfin, la transplantation du lean management dans le secteur de la santé peut conduire à <a href="https://www.deepdyve.com/lp/emerald-publishing/measuring-lean-initiatives-in-health-care-services-issues-and-findings-RIZFXLr9yr">assimiler le patient à un client</a> dont il faudrait satisfaire à tout prix les besoins et ce, parfois, au détriment d’autres aspects de la performance comme la préservation des conditions de travail des soignants, l’efficience ou la qualité des soins délivrés.</p>
<p>Bien que l’implantation du lean à l’hôpital soit fortement encouragée par <a href="https://www.capgemini.com/consulting-fr/wp-content/uploads/sites/31/2017/08/le_lean_management_est--il_applicable_a_lhopital_et_pour_quels_resultats_-_capgemini_consulting.pdf">certains cabinets de conseil</a>, le Ségur de la santé – consultation des acteurs du système de soin français qui s’est déroulée du 25 mai 2020 au 10 juillet 2020 – augure, selon nous, d’une <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/dossiers-de-presse/article/dossier-de-presse-conclusions-du-segur-de-la-sante">remise en question de principes et de pratiques liés au lean</a> via, par exemple, la simplification des procédures de certification qualité ou la réduction du nombre d’outils de reporting.</p>
<p>Mais ces mesures permettront-elles de préparer à temps le système hospitalier, déjà à bout de souffle, à une très probable <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/08/04/covid-19-le-conseil-scientifique-appelle-a-se-preparer-a-une-deuxieme-vague-a-l-automne_6048101_3244.html">deuxième vague de Covid-19</a> à l’automne ? Cela reste à voir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144450/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gregor Bouville ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ce système est considéré comme un moyen de rationaliser l’organisation des hôpitaux en éliminant les pertes et les gaspillages. Mais il provoque in fine une dégradation de la qualité des soins.Gregor Bouville, Maître de Conférences Habilité à Diriger des Recherches, Sciences de Gestion, Dauphine Recherche Management-Equipe Management & Organisation, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1418972020-07-08T21:48:01Z2020-07-08T21:48:01ZDroits d’inscription en fac : ce que change la décision du Conseil d’État<p>En refusant début juillet d’annuler l’arrêté relatif aux droits d’inscription dans les établissements d’enseignement supérieur, le <a href="https://www.conseil-etat.fr/ressources/decisions-contentieuses/dernieres-decisions-importantes/conseil-d-etat-1er-juillet-2020-arrete-fixant-les-frais-d-inscription-dans-l-enseignement-superieur">Conseil d’État</a> a validé un axe fort de la politique universitaire initiée par le gouvernement en 2018.</p>
<p>La grille plus élevée de frais demandés aux étudiants non européens est ainsi définitivement jugée conforme à notre cadre légal. Elle correspond à des tarifs de 2 770 euros en licence et 3 770 euros en master, contre respectivement 170 et 243 euros dans le cas des étudiants français et européens.</p>
<p>Par cette <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/07/01/universites-le-conseil-d-etat-valide-des-frais-d-inscription-plus-eleves-pour-les-etudiants-etrangers_6044872_3224.html">décision</a>, le Conseil d’État marque un tournant dans une série qui n’est certainement pas encore achevée. Contrairement à ce qu’annonce la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche dans son <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid152889/strategie-d-attractivite-internationale-bienvenue-en-france.html">communiqué de presse</a>, beaucoup d’universités françaises ont en effet joué jusqu’à maintenant sur les dérogations autorisées pour neutraliser la mise en œuvre de l’arrêté controversé.</p>
<h2>Nouvelle stratégie d’accueil</h2>
<p>Afin de mieux comprendre les enjeux du contentieux, revenons d’abord sur le contexte d’adoption de l’arrêté litigieux. Tout commence à l’automne 2018, quand le gouvernement lance le plan <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid136251/-bienvenue-en-france-la-strategie-d-attractivite-pour-les-etudiants-internationaux.html">« Bienvenue en France »</a>. Objectif affiché : redynamiser le rayonnement international des universités françaises, notamment auprès des étudiants étrangers non francophones.</p>
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<a href="https://theconversation.com/attirer-les-meilleurs-etudiants-etrangers-genese-dune-politique-selective-108010">Attirer les « meilleurs » étudiants étrangers : genèse d’une politique sélective</a>
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<p>Partant du constat que l’attractivité de la France progresse nettement moins vite que celle d’autres pays, (comme l’Allemagne qui a dépassé la France en nombre d’étudiants étrangers accueillis en 2019), le plan vise l’accueil de 500 000 étudiants étrangers en 2027, contre 250 000 aujourd’hui.</p>
<p>Essentiellement axée sur une redéfinition des politiques d’accueil, sa stratégie d’action comprend plusieurs mesures telles que la création du <a href="https://www.campusfrance.org/en/node/302290">label d’accueil</a> « Bienvenue en France », l’augmentation des formations en français langue étrangère (FLE) et des enseignements dispensés en anglais, le soutien à l’exportation des formations françaises à l’étranger, mais également l’application de frais d’inscription différenciés pour les étudiants non européens.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1065865050857058305"}"></div></p>
<p>Si cette dernière mesure est présentée comme un vecteur d’équité et comme une ressource nécessaire à la mise en œuvre du plan « Bienvenue en France », elle se caractérise d’emblée par son ambivalence. Un certain nombre de dispositions modèrent son ampleur et font douter de son efficacité économique. Surtout, elle touche à des principes cardinaux de l’enseignement universitaire français : la gratuité et l’universalité. Politiquement risquée, elle déclenche sans surprises de vives critiques.</p>
<h2>Contestations</h2>
<p>Dès la parution de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000038396885&categorieLien=id">l’arrêté litigieux</a> le 19 avril 2019, des associations étudiantes ont saisi le Conseil d’État pour contester la légalité de la hausse des frais d’inscription à l’université. Ils ont notamment soulevé une question prioritaire de constitutionnalité en invoquant, entre autres, la méconnaissance des principes d’égal accès à l’instruction et de gratuité inscrits dans le Préambule de la Constitution de 1946.</p>
<p>Le Conseil d’État a alors accepté de transmettre cette question au Conseil constitutionnel. Or, la décision de ce dernier rendue le <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2019/2019809QPC.htm">11 octobre 2019</a> ne permettait toujours pas d’avoir une idée claire sur le devenir de la mesure phare du plan gouvernemental.</p>
<p>Si le Conseil constitutionnel a déduit de l’alinéa 13 du Préambule de la Constitution de 1946 que l’exigence constitutionnelle de gratuité s’applique bien à l’enseignement supérieur public, il ajoutait aussi que</p>
<blockquote>
<p>« cette exigence ne [faisait] pas obstacle, pour ce degré d’enseignement, à ce que des droits d’inscription modiques soient perçus en tenant compte, le cas échéant, des capacités financières des étudiants ».</p>
</blockquote>
<p>Que devait-on donc entendre par « droits d’inscription modiques » ? Modiques par rapport au coût réel des formations ? Modiques par rapport aux ressources des étudiants ? Modiques par rapport aux frais d’inscription payés par les étudiants étrangers dans d’autres universités étrangères ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/mobilites-internationales-ce-qui-incite-les-etudiants-a-choisir-la-france-114343">Mobilités internationales : ce qui incite les étudiants à choisir la France</a>
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<p>Ces questionnements demeuraient entiers lorsque l’affaire est revenue devant le Conseil d’État. Ce dernier a finalement tranché et considéré que l’arrêté fixant la hausse différenciée des frais d’inscription pour les étudiants non européens était bien légal.</p>
<p>Appréciant le caractère « modique » des frais d’inscription par rapport au coût réel des formations, il a jugé que faire payer les étudiants étrangers l’équivalent de 30 à 40 % du coût réel des formations n’était pas excessif. Si le concept de « coûts modiques » pouvait déjà paraître contraire en lui-même au principe de gratuité, aller jusqu’à exiger plus d’un tiers du prix réel de la formation est encore plus déroutant.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1095165814230212610"}"></div></p>
<p>Précisons toutefois que le Conseil État est arrivé à cette conclusion après avoir relevé que de nombreuses exonérations étaient prévues, laissant penser que, sans ces dernières, la hausse différenciée des frais d’inscription serait illégale. Ajoutons qu’il a en outre balayé d’un revers de la main l’idée qu’exiger des frais différenciés serait contraire au principe d’égal accès à l’instruction, sans argument aucun.</p>
<p>Il a également considéré qu’il n’y avait aucune rupture du principe d’égalité entre les étudiants, s’appuyant sur une jurisprudence constante selon laquelle il est possible de traiter différemment des situations différentes, les étudiants en mobilité internationale étant venus se former en France sans être durablement établis sur le territoire national contrairement aux étudiants nationaux ou européens.</p>
<h2>Débat politique</h2>
<p>Si le débat est donc a priori juridiquement clos, il est loin d’être terminé sur le plan politique et les questions demeurent nombreuses. Pour que la stratégie d’attractivité des universités françaises se mette en place, encore faut-il que ces mêmes universités, autonomes, appliquent concrètement la hausse des frais différenciés pour les étudiants non européens.</p>
<p>Or, dans leur écrasante majorité, elles l’ont neutralisée en activant toutes les clauses réglementaires prévues par le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000038396848&categorieLien=id">décret du 21 avril 2019</a> pour dispenser partiellement ou totalement les étudiants non européens des frais demandés.</p>
<p>Entre la clause permettant d’exonérer jusqu’à 10 % du total des étudiants inscrits (sachant que les étudiants étrangers représentent en moyenne 13 % des étudiants en France), et celle permettant d’exclure les réfugiés et les boursiers – auxquelles s’ajoute la possibilité offerte aux universités d’exonérer pour d’autres motifs stratégiques – seule une infime minorité d’étudiants non européens ont concrètement payé des frais d’inscription majorés.</p>
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<figcaption><span class="caption">Grenoble veut exonérer massivement les étudiants extra-européens (France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, 2019).</span></figcaption>
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<p>Au final, on peut s’interroger sur la plus-value de l’opération menée. Si la hausse des frais d’inscription pour les étudiants non européens, neutralisée dans son application concrète, se révèle économiquement inefficace pour financer le plan « Bienvenue en France », qu’était-elle en définitive ? Une opération politique ? Une brèche ouverte vers une hausse généralisée des frais d’inscription à l’université comme le redoutent tant d’observateurs ?</p>
<p>A minima, la mesure reste incomprise de la communauté universitaire et a été un signal pour le moins ambigu pour les étudiants non européens, dont le nombre était en chute libre cette dernière rentrée universitaire. Si on ajoute à cela la crise sanitaire et la frilosité des universités pour accueillir en présentiel les étudiants étrangers à la rentrée 2021, l’attractivité des universités françaises risque de ne pas s’améliorer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141897/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Projet de recherche financé par le DETS de l'université de Bordeaux. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>
Projet financé par le DETS de l'université de Bordeaux
</span></em></p>Quand le gouvernement a décidé d’augmenter les frais d’inscription à l’université des étudiants non européens, des associations ont saisi le Conseil d’État, qui vient de rendre son verdict.Marion Tissier-Raffin, Maîtresse de conférences en droit public, Université de BordeauxCatherine Gauthier, Maîtresse de conférences en droit public - HDR, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1417162020-06-30T18:53:43Z2020-06-30T18:53:43ZLa dangereuse utopie de l’annulation des dettes publiques par la BCE<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/344770/original/file-20200630-103649-12prl1h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C1000%2C742&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le bilan de la banque centrale européenne atteint désormais 50&nbsp;% du PIB de la zone euro.</span> <span class="attribution"><span class="source">Lurchimbach / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Depuis la <a href="https://www.economist.com/finance-and-economics/2007/08/16/what-would-bagehot-do">doctrine</a> exposée par le journaliste britannique Walter Bagehot en 1873 dans son livre <em>Lombard Street</em>, la principale mission des banques centrales dans les crises financières est d’assurer la liquidité de l’économie. Pour cela, elles jouent le rôle de prêteur en dernier ressort aux banques solvables en contrepartie de collatéraux incontestables comme les emprunts d’État.</p>
<p>Instruites par l’expérience de la crise de 1929, les grandes banques centrales, confrontées aux insuffisances de cette politique conventionnelle malgré des taux d’intérêt abaissés à un niveau historiquement nul, ont initié en 2009 des politiques dites « non conventionnelles ».</p>
<p>Ces dernières sont fondées sur des achats massifs et durables de titres obligataires, principalement publics sur le marché secondaire (où les titres déjà émis s’échangent), pour maintenir les taux longs très bas et permettre ainsi aux entreprises et aux ménages d’emprunter pour soutenir l’activité et éviter le pire : la <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2226831">déflation</a>, c’est-à-dire une baisse continue des prix qui entraîne un ralentissement de l’économie car les agents préfèrent attendre avant de dépenser, anticipant de futures baisses des prix.</p>
<h2>Les achats de titres démultipliés</h2>
<p>La Banque centrale européenne (BCE) a décliné cette nouvelle doctrine en mai 2010 via son Securities Markets Programme (SMP) consistant à racheter sur le marché secondaire les obligations souveraines des États de la zone euro victimes de la défiance des investisseurs. Ces derniers exigeaient alors des taux trop élevés pour acquérir ces titres (à savoir la Grèce, mais aussi le Portugal, l’Irlande, l’Italie et l’Espagne) pour un montant total d’<a href="https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2010/html/pr100510.en.html">environ 220 milliards d’euros</a>, mais sans création monétaire.</p>
<p>Ce programme a pris fin en septembre 2012, remplacé par l’Outright Monetary Transactions, validé par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 16 juin 2015.</p>
<p>Le 22 janvier 2015, la BCE va plus loin et met en œuvre, en imitant la Federal reserve (Fed) américaine, son assouplissement quantitatif (« quantitative easing », ou QE). Elle achète, toujours sur le marché secondaire, des titres obligataires publics et privés d’un montant de plus de <a href="https://www.lepoint.fr/economie/la-bce-va-racheter-60-milliards-d-euros-par-mois-de-dette-22-01-2015-1898736_28.php">1 100 milliards d’euros</a> échelonnés entre mars 2015 et septembre 2016, mais cette fois avec création monétaire.</p>
<p>Cette politique devait cesser une fois la situation économique stabilisée, mais la crise sanitaire du Covid-19 et <a href="https://www.imf.org/external/mmedia/view.aspx?vid=6166772518001">l’effondrement de la croissance</a> prévue en 2020 dans la zone euro (-10,2 % selon les prévisions du FMI de juin 2020) en a décidé autrement.</p>
<p>La BCE a au contraire démultiplié ses achats de titres, ajoutant aux 350 milliards d’euros du Purchase Sector Public, programme <a href="https://www.ecb.europa.eu/mopo/implement/omt/html/pspp.en.html">déjà en cours</a>, un nouveau programme nettement plus ambitieux. Le montant de ce dernier, dit Pandemic Emergency Public Purchase, de <a href="https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2020/html/ecb.pr200318_1%7E3949d6f266.en.html">750 milliards d’euros</a> le 18 mars 2020 a été encore renforcé de <a href="https://www.ecb.europa.eu/mopo/implement/pepp/html/index.en.html">600 milliards</a> le 4 juin 2020.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/344773/original/file-20200630-103640-1uw3z7f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/344773/original/file-20200630-103640-1uw3z7f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/344773/original/file-20200630-103640-1uw3z7f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/344773/original/file-20200630-103640-1uw3z7f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/344773/original/file-20200630-103640-1uw3z7f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/344773/original/file-20200630-103640-1uw3z7f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/344773/original/file-20200630-103640-1uw3z7f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les politiques non conventionnelles visent à soutenir l’activité en facilitant l’accès des entreprises et des ménages à l’emprunt.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nito/Shutterstock</span></span>
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<p>Conséquence logique de ces politiques, la BCE détient désormais plus de 20 % de la dette publique de l’eurozone et son bilan atteint <a href="https://www.contrepoints.org/2020/06/04/372889-la-bce-le-sauveur-en-dernier-ressort">50 % du PIB</a> de la zone euro (soit nettement <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/le-bilan-de-la-fed-depasse-7-000-milliards-de-dollars-1370902">plus que celui de la Fed</a> à 33 %). Qui plus est, la qualité de ses actifs est nettement moindre qu’aux États-Unis puisque la Grèce, Chypre et le Portugal sont classés à risque et que les notes de l’Espagne et l’Italie ont été <a href="https://www.agefi.fr/financements-marches/actualites/quotidien/20200422/dettes-souveraines-sont-surveillance-agences-297811">dégradées</a> ces dernières semaines.</p>
<h2>Monétisation ou annulation ?</h2>
<p>Considérant toujours que ses achats sont exceptionnels et temporaires, la BCE réfute l’accusation de monétisation de la dette des États, à savoir « l’utilisation de la création monétaire comme source permanente de financement des dépenses publiques », pour reprendre la <a href="https://www.stlouisfed.org/publications/central-banker/spring-2013/is-the-fed-monetizing-government-debt">définition</a> que retient la Fed.</p>
<p>La BCE a d’ailleurs beau jeu de préciser que son bilan est toujours équilibré puisque l’émission monétaire à son passif a comme contrepartie des obligations d’État à son actif. En outre, elle ne pratique pas la « <a href="https://www.veblen-institute.org/La-monnaie-helicoptere-contre-la-depression-dans-le-sillage-de-la-crise.html">monnaie hélicoptère</a> », expression imaginée en 1969 par l’économiste américain Milton Friedman pour qualifier le versement direct et sans contrepartie de monnaie centrale aux ménages (ou aux entreprises) pour soutenir l’activité.</p>
<p>Elle laisse donc aux États membres et à la Commission européenne le soin d’effectuer ces transferts pour financer leurs pertes de recettes fiscales et leurs plans de relance.</p>
<p>Faut-il alors, comme le suggèrent différentes voix en France, des libéraux à l’extrême gauche, <a href="https://www.oblis.be/fr/news/2020/06/17/peut-effacer-dette-dun-coup-baguette-magique-550968">annuler la dette des États</a> détenue par la banque centrale elle-même détenue in fine par les États ? Après tout, si la Fed ou la BCE décidait d’annuler la dette étatique, il ne se passerait rien à court terme si ce n’est sur le plan comptable une banque centrale moins crédible avec des fonds propres négatifs (pour le Système européen de banques centrales, le SEBC, ce serait de l’ordre de 2 200 milliards d’euros, soit 20 % du PIB de la zone euro).</p>
<h2>Risques économiques</h2>
<p>L’annulation de ces dettes inciterait inévitablement les États dépensiers à mener des politiques budgétaires encore plus laxistes (hausse des dépenses publiques ou baisses des impôts) en les dispensant des réformes nécessaires à la soutenabilité de leur dette publique, et comporterait deux risques économiques à moyen et long terme :</p>
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<li><p>Le premier est une reprise de l’inflation, actuellement inexistante sous l’effet de puissantes forces déflationnistes. C’est du moins le cas pour ce qui est des prix à la consommation car le QE a bel et bien généré une <a href="https://www.contrepoints.org/2016/01/31/236995-la-folie-des-banques-centrales-de-patrick-artus-et-marie-paule-virard">inflation des actifs</a> que sont les actions, l’immobilier, mais aussi les obligations dont les cours évoluent en sens inverse des taux très bas voire négatifs.</p></li>
<li><p>Le second est la baisse de la devise, mais comme tous les pays disposant de devises fortes pratiquent une même politique monétaire agressive leurs taux de change respectifs restent globalement stables. L’indicateur le plus fiable de la dévaluation des devises reste sans doute le cours de l’or. Celui-ci a progressé de +13 % au premier semestre 2020 passant de 1 500 dollars l’once à <a href="https://fr.cryptonews.com/news/le-prix-du-bitcoin-a-surperforme-l-or-de-100-cette-annee-6863.htm">plus de 1 700 dollars</a>.</p></li>
</ul>
<h2>Interdit par les traités</h2>
<p>En l’état actuel du droit communautaire, la monétisation de la dette publique (et donc a fortiori son annulation) est <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:12012E/TXT">proscrite</a> par l’article 123 du Traité de l’UE. D’ailleurs lors du QE de 2015, la BCE avait expliqué qu’elle n’effectuait aucune monétisation de la dette car ses interventions respectaient la clé de répartition établie pour la souscription à son capital, et qu’elle s’interdisait de détenir plus du tiers de la dette d’un État membre.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/344776/original/file-20200630-103673-19bncgl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/344776/original/file-20200630-103673-19bncgl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/344776/original/file-20200630-103673-19bncgl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/344776/original/file-20200630-103673-19bncgl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/344776/original/file-20200630-103673-19bncgl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/344776/original/file-20200630-103673-19bncgl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/344776/original/file-20200630-103673-19bncgl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les mouvements du cours de l’or donnent actuellement une bonne indication de la perte de valeur des devises.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Itti ratanakiranaworn/Shutterstock</span></span>
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<p>C’est la raison pour laquelle la CJUE avait <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/bce-la-justice-europeenne-valide-la-legalite-du-bazooka-monetaire-238013">validé</a>, le 10 décembre 2018, ce programme au nom du principe de proportionnalité en réponse à une question préjudicielle de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe.</p>
<p>La jurisprudence de cette dernière s’est toutefois durcie le 5 mai dernier puisqu’elle a demandé à la BCE de prouver <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/quantitative-easing-la-justice-allemande-demande-a-la-bce-de-justifier-son-programme-anti-crise-20200505">dans un délai de trois mois</a> l’absence d’effets secondaires néfastes du programme de 2015. Faute de quoi la Bundesbank, la banque centrale allemande, ne pourrait plus participer à un tel programme, ce qui resserre un peu plus l’étau juridique sur la BCE.</p>
<h2>Les détenteurs d’obligations en première ligne</h2>
<p>L’annulation des dettes étant juridiquement impossible, le plus vraisemblable est que perdurera pendant quelques années une situation au cours de laquelle la BCE, après avoir achevé son programme d’achat de dettes publiques, se contentera sans doute de conserver et de rouler sa position en rachetant de nouvelles obligations à l’échéance des anciennes pour permettre aux États de l’eurozone de continuer à se financer à coût nul.</p>
<p>Si cette situation devait se pérenniser, le résultat serait financièrement le même qu’une annulation des dettes, et la valeur nominale des créances achetées toujours inscrites à l’actif de la BCE, le seul risque étant alors un défaut d’un des États.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/344775/original/file-20200630-103645-21u14q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/344775/original/file-20200630-103645-21u14q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/344775/original/file-20200630-103645-21u14q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/344775/original/file-20200630-103645-21u14q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/344775/original/file-20200630-103645-21u14q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/344775/original/file-20200630-103645-21u14q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/344775/original/file-20200630-103645-21u14q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Depuis 2015, la cour constitutionnelle de Karlsruhe s’inquiète d’une possible monétisation de la dette publique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Unununius photo/Shutterstock</span></span>
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</figure>
<p>Dans tous les cas, les détenteurs d’obligations (en direct ou via l’assurance-vie en euros) seront les premières victimes de cette situation qui se traduit par un rendement nul de leurs obligations en raison de la prolongation d’une situation de taux historiquement bas.</p>
<p>En cas de défaut d’un ou de plusieurs États membres, les obligataires mais aussi les contribuables de l’ensemble des États –actionnaires indirects de la BCE– seraient alors les dindons de la farce. Le pire n’étant jamais sûr, une issue favorable donnerait une fois de plus raison au père fondateur Jean Monnet qui affirmait que « l’Europe se ferait dans les crises et qu’elle serait la somme des solutions qu’on y apporterait ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141716/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une telle décision, juridiquement impossible avec les textes actuels, inciterait notamment les États à adopter des politiques budgétaires laxistes.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1410342020-06-18T19:04:34Z2020-06-18T19:04:34ZFinances publiques en déroute, plus d’inégalités en vue<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/342809/original/file-20200618-41238-1gai9oq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le dépôt du budget, en des temps meilleurs. Le ministre des Finances Éric Girard, est applaudi par les membres de son parti, dont le premier ministre Francois Legault, le 10 mars 2020, à l'Assemblée nationale. La crise de la Covid-19 provoque le dépôt d'une mise à jour économique.</span> <span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Jacques Boissinot</span></span></figcaption></figure><p>La crise de la Covid-19 a eu un effet significatif sur les finances publiques des provinces et d’Ottawa.</p>
<p>Le ralentissement de l’activité économique diminue les revenus fiscaux, alors que les programmes d’aide sont particulièrement coûteux. À Ottawa, on anticipe un déficit d’au moins <a href="https://lactualite.com/actualites/un-deficit-denviron-260-milliards-selon-le-directeur-parlementaire-du-budget/">260 milliards de dollars cette année</a>, 10 fois plus <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/economie/2019-12-16/ottawa-accumulera-un-deficit-plus-costaud-que-prevu">que prévu en 2019-2020</a>. On en saura plus demain sur la situation budgétaire du Québec, alors que le ministre des Finances du Québec, Éric Girard, proposera un énoncé budgétaire.</p>
<p>Plusieurs pays risquent de traverser une période de consolidation budgétaire, pendant laquelle les gouvernements augmentent leurs impôts et/ou diminuent leurs dépenses pour résorber les déficits budgétaires encourus à la suite de la crise de la Covid-19. On appelle communément ces périodes de consolidation budgétaire « austérité ».</p>
<p>Elles font l’objet de mes recherches, dans le cadre de mon doctorat en science politique qui j’achève à l’Université McGill sur l’économie politique des finances publiques, et qui ont fait l’objet de publications notamment dans le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13501763.2020.1737957?journalCode=rjpp20"><em>Journal of European Public Policy</em></a> et le <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0958928717700564"><em>Journal of European Social Policy</em></a>.</p>
<h2>Des compressions dans des secteurs moins visibles</h2>
<p>À Québec, le gouvernement Legault <a href="https://www.lesaffaires.com/secteurs-d-activite/gouvernement/pas-de-hausse-d-impots-ou-de-tvq-en-vue-dit-eric-girard/617989">a déjà exclu une hausse d’impôts</a> pour résorber le déficit.</p>
<p>On risque donc d’assister à une diminution du rythme de croissance des dépenses publiques ou même à des compressions budgétaires, à moins que le gouvernement ne reporte de plusieurs années ses objectifs de réduction de la dette publique.</p>
<p>Alors que la crise de la Covid-19 a révélé les <a href="https://policyoptions.irpp.org/fr/magazines/june-2020/covid-19-and-support-for-the-unemployed/">faiblesses des services publics</a> au Canada et au Québec, la pression sera forte pour répondre à des besoins criants, notamment dans le réseau de la santé et dans la sécurité du revenu.</p>
<p>Si le gouvernement décide de réduire ses dépenses tout en répondant à ces demandes, des compressions importantes se feront sentir dans plusieurs domaines d’intervention publique, souvent moins visibles, mais tout aussi importants à long terme. En effet, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13501763.2020.1737957">mes recherches démontrent</a> que les périodes de consolidations budgétaires s’accompagnent généralement d’une diminution de l’investissement public en infrastructure particulièrement dans l’entretien et le maintien des actifs publics. On peut d’ailleurs associer la <a href="https://lactualite.com/lactualite-affaires/les-infrastructures-ca-urge/">baisse des investissements</a> en infrastructures qui caractérise le Québec depuis plusieurs décennies aux exercices de réduction de déficit budgétaire.</p>
<p>Autres investissements publics peu visibles : la recherche et développement. Bien qu’ils soient à l’origine <a href="https://marianamazzucato.com/entrepreneurial-state/">d’innovations technologiques</a> permettant d’assurer la croissance économique future, ces investissements demeurent une cible facile lors d’exercice de consolidations budgétaires.</p>
<p>Certes, la stratégie de relance économique du gouvernement du Québec comprend des <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1708886/coronavirus-economie-quebec-plan-relance-maisons-aines-infrastructures">investissements supplémentaires</a> en infrastructures, mais ces efforts seront vains si la relance est suivie d’une période d’austérité.</p>
<p>Les dépenses populaires, visibles et qui proposent des bénéfices à court terme aux citoyens tendent à être préservées lors des exercices de consolidation budgétaires. Par exemple, les dépenses de <a href="https://policyoptions.irpp.org/fr/magazines/december-2017/surplus-et-baisses-dimpot-au-quebec/">santé n’ont pas diminué</a> lors de la dernière période d’austérité imposée par le gouvernement Couillard. Leur taux de croissance a certes ralenti, mais leur proportion relative par rapport au reste du budget a augmenté, alors que ce sont les autres dépenses, notamment en éducation ou dans <a href="https://ede776cd-c718-494d-b549-cc87f6bf1256.filesusr.com/ugd/7b0169_f32742a37cce42d8b978774eb31658f4.pdf">l’administration publique</a>, qui ont subi les plus lourdes compressions.</p>
<p>Bref, lorsqu’un gouvernement est forcé de faire des compressions, il préserve les politiques les plus populaires, en <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3486227">vue de minimiser les conséquences électorales</a>. Ces politiques populaires offrent généralement des bénéfices nets à court terme aux électeurs.</p>
<h2>Austérité, croissance et inégalités</h2>
<p>Si le gouvernement décide de ne pas augmenter ses revenus, deux options s’offrent à lui : augmenter la dette publique ou diminuer les dépenses publiques. La deuxième option risque de se traduire par une diminution des investissements bénéfiques à long terme, alors que la première option implique que les générations futures doivent financer les décisions prises pour résorber la crise de la Covid-19.</p>
<p>Ainsi, la décision de ne pas augmenter les impôts est lourde de conséquences d’un point de vue d’équité intergénérationnelle. Au moins, les taux d’intérêts sur la dette publique sont particulièrement bas, ce qui limite les effets néfastes de cette option.</p>
<p>Les conséquences de l’austérité budgétaire vont au-delà de l’équité entre les générations. Les économistes se sont longtemps interrogés sur l’effet de l’austérité sur la croissance économique et sur les inégalités. Après la crise de 2008, la thèse de <a href="https://www.nber.org/chapters/c11970.pdf">l’austérité expansionniste</a> était en vogue : une diminution des dépenses publiques pourrait avoir un effet positif sur la croissance économique.</p>
<p>Cette thèse a été largement discréditée, alors que les pays européens qui ont suivi cette recette se sont empêtrés dans une récession interminable. Toutefois, il est <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691172217/austerity">généralement admis</a> qu’une consolidation budgétaire basée sur une diminution des dépenses publiques a des effets moins nuisibles sur la croissance économique que si le gouvernement décidait d’augmenter les taxes et les impôts pour résorber les déficits publics.</p>
<p>Cela dit, il <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/roiw.12004">est démontré</a> qu’une consolidation budgétaire basée sur une diminution des dépenses publiques contribue à augmenter les inégalités, alors qu’une hausse de taxes et d’impôts peut les diminuer.</p>
<p>La raison est simple. Presque partout, les dépenses publiques et les impôts sont progressifs : les riches paient considérablement plus d’impôts que les plus pauvres, alors que ces derniers bénéficient davantage des dépenses publiques. Une hausse d’impôt a donc un effet négatif plus important pour les riches, alors qu’une diminution des dépenses touche davantage les plus pauvres. Du point de vue de la lutte aux inégalités, même une hausse des taxes à la consommation, qui sont payées autant par les riches que par les pauvres, est préférable à une diminution des dépenses publiques.</p>
<p>En refusant d’augmenter les impôts pour résorber les déficits encourus par la crise de la Covid-19, le gouvernement Legault mise sur la croissance économique, au détriment des inégalités entre les individus et entre les générations.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141034/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Jacques ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Québec et Ottawa risquent de devoir choisir entre augmenter leurs impôts ou diminuer leurs dépenses pour résorber les déficits encourus par la crise de la Covid-19. Une période d’austérité s’annonce.Olivier Jacques, Candidat au doctorat, département de science politique, spécialiste en politiques publiques, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1398982020-06-15T20:28:38Z2020-06-15T20:28:38ZCovid-19 : une redistribution des cartes dans l’enseignement supérieur mondial ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/341281/original/file-20200611-80770-1vd7jo9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C998%2C702&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’apparition de nouveaux critères peut à terme modifier les équilibres du panorama mondial de l’enseignement supérieur.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Gérée comme une crise sanitaire, la pandémie de Covid-19 bouleverse presque tous les aspects de la vie et de l’organisation de nos sociétés, y compris l’enseignement supérieur. L’une des premières mesures destinées à enrayer la diffusion d’une épidémie considérée comme hautement contagieuse a été le confinement, en Italie d’abord puis ailleurs.</p>
<p>Même dans les pays qui n’ont pas pris de mesures de confinement obligatoire au niveau fédéral ou national, comme les États-Unis, l’Australie et la Russie, la plupart des universités ont été contraintes de fermer leur campus au public et de suspendre l’enseignement en face à face pendant plusieurs semaines.</p>
<p>L’<a href="https://en.unesco.org/covid19/educationresponse">Unesco</a> a suivi au jour le jour la situation et montre que cette fermeture des espaces d’accueil physique des étudiants a été l’une des mesures de prévention les plus répandues. Le 12 avril 2020, on comptait 195 pays ayant fermé au public l’intégralité de leurs établissements.</p>
<p>Ainsi, en dépit des différences nationales, tous les établissements d’enseignement supérieur ont été confrontés, subitement, à l’impossibilité d’assurer l’une des leurs missions constitutives, dans sa modalité la plus ancienne et la plus traditionnelle : le face-à-face entre l’enseignant et l’étudiant. En France, comme dans beaucoup d’autres pays, les pouvoirs publics ont demandé aux établissements d’assurer une « continuité pédagogique » pour reprendre les mots de la <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid150297/covid-19-mesures-prises-par-le-gouvernement-pour-les-etablissements-d-enseignement-superieur-et-de-recherche.html">ministre de l’Enseignement supérieur</a> le 13 mars.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1257119191649394689"}"></div></p>
<p>On leur demandait en réalité tout l’inverse, car l’enjeu était d’assurer la continuité de leur mission précisément par une rupture pédagogique. Il s’agissait d’accélérer radicalement la transition d’un enseignement « en présentiel » à un enseignement « en distanciel ». L’incertitude généralisée actuelle – sanitaire, économique et sociale – bouscule les habitudes et les points de repère de tous les acteurs : enseignants, étudiants, administrateurs et dirigeants. Les conditions dans lesquelles s’effectuera la prochaine rentrée universitaire demeurent imprécises.</p>
<p>Si certains établissements – comme <a href="https://www.bbc.com/news/education-52732814">Cambridge</a> University en Angleterre ou <a href="https://www.nytimes.com/2020/05/12/us/cal-state-online-classes.html">California State University</a>, la plus grande université publique des États-Unis – ont pris des décisions drastiques annonçant un enseignement entièrement à distance jusqu’à l’été 2021, il ne s’agit là que d’une minorité. À ce jour, <a href="https://www.chronicle.com/article/Here-s-a-List-of-Colleges-/248626">67 % des universités américaines</a> envisagent une année en présentiel, 16 % hésitent ou n’ont pas encore pris de décision, tandis que 17 % ont opté pour l’« online » ou l’hybride.</p>
<h2>Nouvelles lignes de force</h2>
<p>L’enseignement à distance n’est certes pas une nouveauté en soi. Depuis les années 1960, et bien avant l’engouement récent pour les MOOC, les modalités de formation se sont adaptées aux apprenants qui, pour des raisons géographiques, professionnelles ou familiales étaient incapables de venir en classe. <a href="http://www.openuniversity.edu/">L’Open University</a> en est un exemple.</p>
<p>C’est donc le passage brusque et contraint à un enseignement entièrement à distance qui génère stress et désorientation, notamment chez les <a href="https://www.mediterranee-infection.com/wp-content/uploads/2020/04/Note-n2-impact-sante-mentale.pdf">jeunes adultes</a>. Ces considérations sont exacerbées par un sentiment d’imprévisibilité plus général, lié aux perspectives de récession économique mondiale et de contraction du marché de l’emploi annoncées par le <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/14/coronavirus-le-fmi-predit-une-recession-mondiale-historique-avec-un-recul-de-la-croissance-estime-a-3-en-2020_6036559_3234.html">Fonds monétaire international</a> (FMI).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/vuvTmkK2F_A?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Mars 2020, passage à l’enseignement à distance à Harvard (WCVB Channel 5 Boston).</span></figcaption>
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<p>Rappelons que les flux migratoires pour des raisons d’études n’ont fait qu’augmenter dans le monde depuis les années 1990, passant de 2,1 millions d’étudiants en 2001 à <a href="https://data.oecd.org/fr/students/etudiants-en-mobilite-internationale.htm">4,6 millions en 2015</a>. En moins de trente ans, la mobilité essentiellement destinée à combler une offre insuffisante ou insatisfaisante dans le pays d’origine a laissé place à une mobilité beaucoup plus hétérogène et généralisée, avec une progression de la mobilité intra-régionale (<a href="https://journals.openedition.org/lectures/36000">Whitol de Wenden</a>, 2019).</p>
<p>Parallèlement à la valorisation croissante de l’expérience internationale, le désengagement progressif et généralisé des États du financement de l’université a entraîné une transformation profonde de son modèle économique. Des logiques de marché et de concurrence entre établissements sont apparues pour attirer les talents à l’échelle mondiale. Depuis les années 1990, la <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2008-2-page-67.htm">compétitivité internationale</a> de l’enseignement supérieur est inscrite au cœur des stratégies de développement économique de quasiment tous les pays. Les « global rankings » qui apparaissent dès 2003 sont liés à ces mutations et les accélèrent.</p>
<p>Les nombreuses initiatives de certains pays et établissements pour devancer leurs concurrents dans la compétition au recrutement commencent pourtant à se heurter à de nouveaux freins à la mobilité : les attentats terroristes dans le pays du Nord, les évènements climatiques extrêmes, les tensions aux frontières, l’infléchissement des politiques migratoires. En dépit des alertes et prévisions de <a href="https://www.who.int/news-room/feature-stories/ten-threats-to-global-health-in-2019">l’OMS qui, déjà, en 2019</a> avait classé la pandémie grippale parmi les trois premières menaces à la santé mondiale, la <a href="https://www.timeshighereducation.com/blog/global-he-we-know-it-has-forever-changed">nouvelle perception</a> du risque sanitaire par les étudiants entre soudain en compte dans leurs choix.</p>
<p>Les candidats et leurs familles comparent désormais la réputation des pays en matière d’assistance d’urgence et de soins, leur qualité et leur coût. L’apparition de nouveaux critères peut à terme modifier les équilibres du panorama mondial de l’enseignement supérieur.</p>
<p>Historiquement dominé par l’hégémonie des pays occidentaux de langue anglaise (États-Unis, Royaume-Uni, Australie, Canada et Nouvelle-Zélande accueillent <a href="https://www.iie.org/en/Research-and-Insights/Project-Atlas/Explore-Data/Infographics/2017-Project-Atlas-Infographics">plus de 50 % de la mobilité internationale</a>), le marché des études supérieures est aujourd’hui organisé autour du modèle de l’université de recherche dont l’illustration la plus emblématique est l’Ivy League américaine.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1151738587047743489"}"></div></p>
<p>La situation n’est pourtant pas stable. Le curseur se déplace progressivement vers les pays d’Asie qui, portés par leur développement économique et leur poids géopolitique, attirent de plus en plus d’étudiants étrangers, alors qu’ils étaient (notamment la Chine et la Corée du sud) des pourvoyeurs de mobilité sortante.</p>
<p>Depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump et l’adoption de mesures restrictives en direction des ressortissants de certains pays, les États-Unis enregistrent un fléchissement discret mais constant des candidatures venant de Chine, d’Inde, du Moyen-Orient, trois pays qui alimentent aujourd’hui une grande partie de ses universités. Les jeunes de ces pays se tournent aujourd’hui davantage vers le Canada et surtout vers l’offre régionale qui se renforce et gagne en prestige et visibilité, notamment en Asie et dans le pays du Golfe.</p>
<p>L’annonce récente d’une possible suppression du programme Formation pratique facultative (OPT), permettant aux jeunes diplômés de travailler légalement aux États-Unis dans l’année qui suit la fin des études supérieures, risque d’amplifier le phénomène.</p>
<h2>Retour de la pédagogie</h2>
<p>La crise du Covid-19 ne fait qu’accentuer des tendances déjà observées. Elle lève quelques-uns des obstacles qui ont empêché jusque-là les universités des pays émergents de concurrencer les grandes universités du monde anglo-américain. Le nerf de la guerre est essentiellement le corps professoral, qui pour diverses raisons d’ordre économique, statutaire, politique – ou tout simplement de style de vie – n’est pas près de renoncer aux conditions de travail et de recherche qu’offrent de lieux comme la côte est américaine ou la Silicon Valley.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-la-globalisation-bouleverse-luniversite-97017">Comment la globalisation bouleverse l’université</a>
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<p>L’expérimentation pédagogique qui a été menée pendant le confinement, dans des conditions extrêmes, mais généralement avec succès, peut être le prélude d’un retour de la pédagogie au centre de la formation. La crise a montré que la qualité de l’enseignement et la satisfaction des étudiants tient en grande partie à la conception du cours et à sa structuration, peut-être plus qu’à la liste des publications scientifiques de l’enseignant.</p>
<p>Ce n’est pas un hasard si le <a href="https://www.universityworldnews.com/post.php?story=20200604152303587">métier d’ingénieur pédagogique</a> a fait son apparition pour devenir, en l’espace de quelques semaines, un personnage-clef dans la vie des universités. Ni que les grandes universités américaines comme Harvard augmentent le nombre de formations en ligne à l’ingénierie et au design pédagogique.</p>
<p>Comme l’ont déclaré plusieurs présidents d’université et experts du monde arabe et d’Asie du sud, cette crise redistribue les cartes. Elle peut inciter des établissements situés en périphérie des grands flux à mutualiser leurs ressources avec des partenaires étrangers, ce qui accroît leur visibilité et la compétitivité des formations.</p>
<p>Les établissements situés dans des contextes instables et fragiles, comme la Palestine ou certains pays des continents africain et sud-américain, peuvent, par le développement d’un enseignement à distance de qualité, former des <a href="https://www.al-fanarmedia.org/2020/06/will-the-coronavirus-pandemic-help-reform-arab-higher-education/">publics traditionnellement exclus</a> ou éloignés des campus universitaires.</p>
<p>La réponse à ces tendances et à ces rééquilibrages variera selon la nature des enjeux liés à l’enseignement supérieur. Dans les pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie qui ont fait de leur enseignement universitaire une industrie de poids dans la croissance économique nationale, tous les moyens seront déployés pour reconquérir les étudiants, par des techniques de marketing adaptées et une politique de bourses et d’aide sociale volontariste.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1113274877329518592"}"></div></p>
<p>Il faudra aussi se prémunir contre le risque d’un désistement massif des candidats admis, d’une demande de remboursement de frais des étudiants mécontents ou d’un contentieux sur la qualité des cours. Certaines des universités les plus prestigieuses (telles la London School of Economics) dépendent en effet largement des frais de scolarités des étudiants étrangers.</p>
<p>Dans d’autres pays, comme la Chine, l’enjeu sera la capacité à s’appuyer sur les entraves à la mobilité internationale dans ce temps de crise pour encourager le retour des talents dans ses propres structures de recherche, et poursuivre ainsi son <a href="https://www.larecherche.fr/dossier/lenseignement-sup%C3%A9rieur-va-t-il-r%C3%A9ussir-le-pari-de-la-modernisation">ambition de développement économique par l’innovation scientifique</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139898/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alessia Lefébure ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La mobilité des étudiants à travers le monde augmente depuis les années 1990 et, avec elle, la concurrence entre les établissements. La crise du coronavirus change-t-elle les lignes de force ?Alessia Lefébure, Directrice adjointe, directrice des études, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1400972020-06-09T18:05:43Z2020-06-09T18:05:43ZRelance économique : sommes-nous vraiment tous devenus keynésiens ?<p>Si la crise du Covid-19 a fait de nombreuses victimes, elle a aussi ressuscité le plus célèbre économiste du siècle dernier : John Maynard Keynes.</p>
<p>La doctrine du « <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/quoi-qu-il-en-coute-emmanuel-macron-lance-un-appel-general-a-la-mobilisation-contre-le-coronavirus_3863731.html">quoi qu’il en coûte</a> » énoncée par le président de la République Emmanuel Macron pour faire face à une crise sans précédent est révélatrice de ce moment keynésien : l’endettement massif de l’État pour relancer la machine économique constitue désormais la <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/coronavirus-l-economiste-esther-duflo-encourage-la-depense-publique-843910.html">solution ultime privilégiée</a>, y compris <a href="https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/nicolas-bouzou-nous-sommes-tous-des-keynesiens_2126182.html">chez les économistes favorables à l’austérité budgétaire</a> avant mars 2020.</p>
<p>Une lecture attentive de ces réactions diverses nous invite cependant à faire preuve de circonspection quant à cette prétendue « <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/coronavirus-un-appel-a-nous-renouveler-1193149">revanche de Keynes</a> ».</p>
<h2>Une solution budgétaire qui s’impose</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/339830/original/file-20200604-67364-10r4d3i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/339830/original/file-20200604-67364-10r4d3i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=720&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/339830/original/file-20200604-67364-10r4d3i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=720&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/339830/original/file-20200604-67364-10r4d3i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=720&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/339830/original/file-20200604-67364-10r4d3i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=905&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/339830/original/file-20200604-67364-10r4d3i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=905&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/339830/original/file-20200604-67364-10r4d3i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=905&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’économiste anglais John Maynard Keynes en 1946.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:John_Maynard_Keynes.jpg">IMF/Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Tout d’abord, ce n’est pas la première fois que l’on nous fait le coup du moment keynésien. La dernière fois, c’était en 2009-2010 dans le sillage de la <a href="https://krugman.blogs.nytimes.com/2008/11/29/the-keynesian-moment/">crise financière globale</a>. Mais son effet a été très limité. Les éphémères politiques de relance ont vite cédé le pas aux politiques de « consolidation budgétaire » et Keynes est retourné dans les rayons de l’histoire de la pensée économique.</p>
<p>Ensuite, il faut se méfier du retour soudain et exalté à des penseurs défunts en période de crise. L’histoire des crises ne manque pas de « moment X » réhabilitant des auteurs du passé sans pour autant déboucher sur de véritables transformations, tant au niveau de l’action publique qu’au niveau de la recherche académique.</p>
<p>Le fameux « <a href="https://www.marianne.net/debattons/billets/banques-il-est-prudent-de-connaitre-le-moment-minsky">moment Minsky</a> », lors de la crise financière de 2008 a mis sur le devant de la scène cet économiste hétérodoxe oublié, car son analyse montrait parfaitement comment les cycles financiers pouvaient générer de l’instabilité et des crises financières. Dans les faits, aucune leçon n’en a été tirée pour mettre fin aux excès de la finance dérégulée.</p>
<p>Le retour du consensus keynésien révèle par ailleurs des postures bien distinctes. Certains économistes de la pensée économique dominante préconisent le retour de la politique budgétaire depuis la crise financière globale.</p>
<p>L’appel à une refonte de la macroéconomie par des économistes comme Oliver Blanchard, ancien chef économiste et directeur des études au Fonds monétaire international, ou encore par les prix « Nobel » Paul Krugman et Joseph Stiglitz, a permis de réhabiliter la théorie du <a href="https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/politiques-economiques/theories-economiques/multiplicateur-budgetaire/">multiplicateur budgétaire</a>, selon laquelle l’argent public investi va générer des retombées supérieures aux sommes injectées. Rien d’incohérent donc à ce que ces économistes « pragmatiques » préconisent l’option budgétaire aujourd’hui. D’autres s’y rallient, car ils réalisent que la politique monétaire est insuffisante ou même <a href="https://theconversation.com/les-banques-centrales-prennent-le-risque-dune-zombification-de-leconomie-134594">inefficace</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Xavier Timbeau (OFCE) explique le multiplicateur budgétaire (La finance pour tous IEFP, 2017).</span></figcaption>
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<p>En revanche, le retour à Keynes est plus surprenant chez les « gardiens du temple » des politiques économiques de ces dernières années qui expliquent désormais qu’« <a href="https://www.tse-fr.eu/fr/leconomie-du-coronavirus-quelques-eclairages">il faut savoir être keynésien quand la situation l’impose</a> ».</p>
<p>Il s’agit là d’un keynésianisme de circonstances et réducteur, justifié par le fait que « <a href="https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/nicolas-bouzou-nous-sommes-tous-des-keynesiens_2126182.html">nous n’avons pas d’autres choix</a> ». Le registre de ce keynésianisme-là se rapproche plutôt de simples modalités de gestion de crise, pas d’une politique structurelle et de <a href="https://www.ecoactu.ma/deficit-redouane-taouil-inflation/">régulation de la demande</a>.</p>
<p>La référence à Keynes est donc lointaine et ne renvoie aucunement aux travaux de l’<a href="https://www.seuil.com/ouvrage/l-economie-post-keynesienne-collectif/9782021377880">école post-keynésienne</a> pourtant féconde, y compris en France, qui a su perpétuer et actualiser le message du maître de Cambridge. Pour Keynes et les post-keynésiens, la politique budgétaire ne peut être réduite à une politique de dernier recours. Surtout, l’œuvre de Keynes ne pourrait être réduite aux seuls déficits budgétaires.</p>
<h2>Combattre l’instabilité économique</h2>
<p>Puisque la référence à Keynes est abondamment mobilisée actuellement, demandons-nous comment les travaux de cet économiste de la première partie du XX<sup>e</sup> siècle peuvent nous être utiles aujourd’hui.</p>
<p>Quels sont les apports mobilisables pour poser les fondements d’un fonctionnement économique qui réponde aux grands enjeux contemporains, plein-emploi et transition écologique ? En d’autres termes, Keynes n’est-il utile que par sa justification d’une politique macroéconomique de soutien à la demande via la dépense publique et l’accroissement du déficit ?</p>
<p>Dans la pensée keynésienne, il y a la volonté d’identifier les sources de l’instabilité économique comme la volonté de les tarir. Keynes réfléchit au cadre institutionnel qui permettrait d’atteindre les objectifs retenus, notamment le plein-emploi.</p>
<p>Pour cela, il faut selon Keynes dompter la finance afin de stabiliser le financement de l’économie. C’est ainsi qu’il établit un plan pour construire le système monétaire international d’après-guerre, plan qui repose sur la création d’une monnaie supranationale.</p>
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<figcaption><span class="caption">Jean‑François Ponsot : comprendre le projet d’ordre monétaire international de Keynes (Xerfi canal, 2019).</span></figcaption>
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<p>Si elle avait été retenue, cette proposition aurait permis non seulement de financer la reconstruction des pays détruits par la guerre, mais aussi de favoriser le développement économique des pays nouvellement indépendants.</p>
<p>La création de cette monnaie supranationale, et donc d’une banque centrale supranationale, rendrait pérenne l’accès au financement à l’échelle mondiale et permettrait de cloisonner les marchés financiers nationaux pour éviter les effets de contagion.</p>
<h2>S’attaquer à toutes les dimensions de la crise</h2>
<p>À l’ère de la globalisation financière et du risque systémique planétaire, une relecture de Keynes pour justifier les contrôles sur les flux de capitaux internationaux s’impose.</p>
<p>De plus, si on admet que la nécessaire transition écologique requiert des investissements massifs à l’échelle planétaire notamment pour permettre le découplage énergétique (par le développement des transports collectifs, la relocalisation de la production à proximité des lieux de consommation, l’isolation du bâti, la production énergétique décarbonée, etc.), il est nécessaire de penser les modalités de financement dans une perspective globale et de penser l’articulation des financements domestiques. C’est cette articulation à laquelle pensait Keynes à Bretton Woods.</p>
<p>Bien sûr, la pensée de Keynes s’attache à identifier des politiques économiques susceptibles de garantir le plein-emploi. Mais c’est Keynes aussi qui, dans son essai « <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-bibliotheque-ideale-de-leco/la-bibliotheque-ideale-de-leco-du-vendredi-07-septembre-2018">Lettre à nos petits-enfants</a> », prédit que la période historique d’accumulation intensive du capital sera inévitablement suivie d’une période de liberté, arrachée à l’impératif économique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/339819/original/file-20200604-67368-1vt46h2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/339819/original/file-20200604-67368-1vt46h2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/339819/original/file-20200604-67368-1vt46h2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/339819/original/file-20200604-67368-1vt46h2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/339819/original/file-20200604-67368-1vt46h2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/339819/original/file-20200604-67368-1vt46h2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/339819/original/file-20200604-67368-1vt46h2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Lettre à nos petits-enfants, John Maynard Keynes (1930).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Les Liens Qui Liberent</span></span>
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<p>Optimiste, il estimait qu’« accumuler des richesses n’aura plus grande importance pour la société » ou que la semaine de travail hebdomadaire sera de 15 heures. Écrit en 1930, cet essai concernait la situation anticipée pour… 2030. Sur cette épineuse question du temps de travail, force est de constater que le message de Keynes <a href="https://www.institutmontaigne.org/publications/rebondir-face-au-covid-19-lenjeu-du-temps-de-travail">ne fait pas consensus</a> chez les économistes aujourd’hui.</p>
<p>C’est la leçon keynésienne pour 2020 : il reste nécessaire d’intégrer dans notre cadre de réflexion la répartition équitable des richesses, le plein-emploi, mais aussi la contrainte écologique et les effets dévastateurs sur le climat et l’environnement de notre mode de vie.</p>
<p>L’actualité de Keynes, ce n’est pas que le déficit dans l’urgence. C’est avant tout penser et organiser une société respectueuse des équilibres économiques, sociaux et environnementaux. Et là, nous ne sommes pas tous keynésiens…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140097/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jonathan Marie est membre du collectif d'animation de l'association des Économistes atterrés. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-François Ponsot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans les travaux de l’économiste anglais, la politique budgétaire ne se réduit pas à un outil de dernier recours en période de crise.Jean-François Ponsot, Professeur des universités, Université Grenoble Alpes (UGA)Jonathan Marie, Maître de conférences en économie, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1399932020-06-04T17:56:49Z2020-06-04T17:56:49ZLe jeu dangereux des annonceurs autour du succès de Koh-Lanta<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/339477/original/file-20200603-130934-38mnlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C181%2C1524%2C899&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les téléspectateurs, à défaut des annonceurs, ont répondu à l'appel lors de la diffusion de la mythique émission de téléréalité Koh-Lanta.</span> <span class="attribution"><span class="source">TF1 / ALP</span></span></figcaption></figure><p>La période de confinement qu’a connue la France a permis à certains programmes historiques de tirer leur épingle du jeu en matière d’audience. Mais, à l’image des participants à Koh-Lanta, son jeu de survie emblématique, dont la finale est diffusée ce vendredi 5 juin, TF1 et les autres chaînes privées ont dû faire face à une disette en matière de recettes publicitaires.</p>
<p>En effet, pendant les deux mois de confinement, nous avons observé une évolution des pratiques des annonceurs. Si une grande partie d’entre eux a tout simplement déserté l’écran de télévision, d’autres ont profité de l’occasion pour mettre en avant leur communication institutionnelle et l’utilité de leurs produits en écho aux enjeux de la crise sanitaire.</p>
<h2>Les téléspectateurs présents en masse</h2>
<p>Koh-Lanta retrouve une seconde jeunesse depuis le confinement. Ses audiences ont atteint des sommets qu’elle n’avait plus tutoyés depuis des années et elle est devenue le sujet tendance et incontournable des vendredis soirs. Ce constat souligne une évidence : confinés chez eux, les Français se sont tournés vers la télévision pour occuper leurs soirées.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/339457/original/file-20200603-130912-15a5bjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/339457/original/file-20200603-130912-15a5bjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/339457/original/file-20200603-130912-15a5bjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/339457/original/file-20200603-130912-15a5bjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/339457/original/file-20200603-130912-15a5bjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/339457/original/file-20200603-130912-15a5bjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/339457/original/file-20200603-130912-15a5bjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Audiences de la chaîne TF1 tous les vendredis soirs en prime time avant (en noir), pendant (en rouge) et après le confinement (en vert) et en comparaison avec 2019.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.mediametrie.fr/fr/mediamat">Données Mediamétrie</a></span>
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</figure>
<p>Cependant, alors que le nombre de spectateurs devant l’émission n’a cessé d’augmenter pour se stabiliser entre 6 et 7 millions, les annonceurs ont procédé à des coupes dans leurs budgets publicitaires. À l’instar de nombreuses autres chaînes de télévision, TF1 passait régulièrement un message de remerciements aux marques ayant décidé de ne pas annuler leurs campagnes.</p>
<p>Ce message, somme toute anecdotique pour les spectateurs, est loin de l’être pour les chaînes privées dont les revenus viennent des recettes publicitaires.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1243569820400041984"}"></div></p>
<p>Ces entreprises ont craint de se trouver en grandes difficultés financières. Ainsi, si les contrats de sponsoring d’émissions étaient maintenus (dans le cas de Koh-Lanta, il s’agit de Deliveroo, lelynx.fr, mesdépenneurs.com et Expédia), les plages furent pour le moins désertées.</p>
<p>Cette désertion ne doit pas demeurer sous silence car, bien qu’elle soit le résultat de l’anticipation d’une crise économique de grande ampleur – les dépenses publicitaires constituant une <a href="https://www.liberation.fr/france/2020/03/21/le-secteur-de-la-publicite-deja-guette-par-une-violente-crise_1782528">variable d’ajustement</a> –, elle reflète également les valeurs de certaines marques.</p>
<p>Une comparaison entre les secteurs présents avant et après le confinement sur le créneau de l’émission Koh-Lanta nous permet de comprendre les phénomènes à l’œuvre.</p>
<h2>Une nouvelle mission pour les marques</h2>
<p>Alors que certains secteurs se sont fait plus discrets qu’à l’accoutumée, des opportunités de communication ont été saisies pour atteindre deux types d’objectifs liés au contexte de pandémie.</p>
<p>Le premier objectif consiste à développer son chiffre d’affaires en s’appuyant sur les nouvelles pratiques observées dans ce contexte. Les entreprises de livraison de repas à domicile ou de divertissements à la maison (jeux ou plates-formes de streaming) ont vu dans le confinement une opportunité en or, d’où leur forte présence sur les écrans de télévision.</p>
<p>Le second vise à faire passer des messages pour l’avenir, notamment en lien avec le respect de l’environnement : mise en avant de produits innovants comme les véhicules électriques ou prise de parole institutionnelle à l’instar du secteur de la distribution. Certains annonceurs ont donc fait le choix de continuer à communiquer en essayant de construire leurs messages en lien avec les défis posés par l’actualité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/339460/original/file-20200603-130907-1wpwgp8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/339460/original/file-20200603-130907-1wpwgp8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=248&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/339460/original/file-20200603-130907-1wpwgp8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=248&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/339460/original/file-20200603-130907-1wpwgp8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=248&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/339460/original/file-20200603-130907-1wpwgp8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/339460/original/file-20200603-130907-1wpwgp8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/339460/original/file-20200603-130907-1wpwgp8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Secteurs ayant maintenu la diffusion de spots publicitaires en période de confinement lors de la diffusion de Koh-Lanta (nombre de spots lors de l’émission du 11 avril).</span>
<span class="attribution"><span class="source">donées auteur</span></span>
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</figure>
<p>D’un point de vue sémantique, nous pouvons nous demander si nous ne sommes pas à un point de bascule concernant le discours des marques. En reprenant les <a href="https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/le-marketing-de-la-marque-approche-semiotique-9782878800579/">travaux</a> du sociologue Andrea Semprini, ces dernières années, les marques tenaient souvent des propos en lien avec la notion de « projet » : la marque devient un outil de rêverie, d’exploration, d’évasion. Elle a pour objet la réalisation de soi.</p>
<p>En période de confinement, nous avons observé le basculement de certains discours vers la « mission » : remise en question de nos modes de consommation et de production, discussion sur une nouvelle société.</p>
<p>Les propos développés par l’entreprise Renault et sa <a href="https://www.youtube.com/watch?v=DF1jNvEauwA">voiture électrique Zoé</a> s’inscrivent dans cette démarche en prônant l’électrique au détriment des énergies fossiles. Face aux questionnements des Français en matière de chaîne d’approvisionnement, de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/06/02/relocalisation-l-eternel-retour-du-made-in-france_6041485_3234.html">délocalisations</a> et d’<a href="https://business.lesechos.fr/directions-marketing/communication/e-reputation/0603305615362-reputation-des-entreprises-l-ere-du-bulletin-de-notes-337866.php">écologie</a>, le distributeur Lidl évoque la part grandissante donnée aux <a href="https://www.lidl.fr/agriculteurs">productions locales</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1264786980245815296"}"></div></p>
<p>Ces annonceurs historiques n’ont pas uniquement saisi l’occasion de parler de leurs produits mais ont décidé de parler du lendemain, de cette nouvelle société tant évoquée <a href="https://theconversation.com/lapres-coronavirus-vers-une-societe-inclusive-ou-excluante-137129">dans les médias</a>.</p>
<h2>Une crise de réputation à prévoir ?</h2>
<p>Toutefois, autour du 11 mai, avec la perspective du déconfinement et d’une reprise progressive de l’économie, l’opportunité saisie intelligemment par certains s’est changée en opportunisme pour d’autres. Ici, il ne convient pas de pointer du doigt les bons ou mauvais élèves : il s’agit de se poser la question de leur réputation future.</p>
<p>Certains annonceurs, revenus « comme par magie » sur les écrans post-confinement, ont tenté de prendre la balle au bond. Cependant, ils ont oublié une valeur clé de cette période unique dans notre histoire : la solidarité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/339461/original/file-20200603-130912-1deljoj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/339461/original/file-20200603-130912-1deljoj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=252&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/339461/original/file-20200603-130912-1deljoj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=252&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/339461/original/file-20200603-130912-1deljoj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=252&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/339461/original/file-20200603-130912-1deljoj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=317&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/339461/original/file-20200603-130912-1deljoj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=317&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/339461/original/file-20200603-130912-1deljoj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=317&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Présence des annonceurs sur TF1 post-confinement à partir du 11 mai lors de la diffusion de Koh-Lanta (moyenne nombre de spots des émissions du 15 mai et du 22 mai).</span>
<span class="attribution"><span class="source">données auteur</span></span>
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</figure>
<p>Chaque soir, à 20h, depuis leurs balcons, des millions de Français encourageaient le personnel soignant luttant pour juguler l’épidémie. Combien se sont également déplacés pour leur donner des vivres en gage de soutien ? Combien faisaient leurs courses en demandant à leurs voisins s’ils n’avaient pas besoin de quelque chose ? Beaucoup d’annonceurs l’ont perdu de vue. Les consommateurs certainement pas.</p>
<p>En marketing, il est une notion qui devient plus stratégique que l’image de marque : la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1470785317750817?journalCode=mrea">réputation</a> de celle-ci. Considérée comme une représentation ou une agrégation d’images collectives associées à la marque au fil du temps, elle est le fruit de plusieurs parties prenantes et se construit au travers d’avis externes et souvent de ceux des leaders d’opinion. La clairvoyance de ces derniers peut donc avoir un impact sur les consommateurs lorsque ceux-ci devront faire un choix entre deux marques.</p>
<p>Tout comme les finalistes de Koh-Lanta, les annonceurs n’ayant pas soutenu les chaînes privées dans ce contexte de pandémie mettent en jeu la survie de leur réputation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139993/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Xavier Menaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pendant le confinement, de nombreux annonceurs ont déserté les écrans malgré des audiences records. Leur retour à partir du 11 mai révèle des stratégies qui pourraient mettre en péril leur réputation.Xavier Menaud, Enseignant en Marketing et Communication, PSB Paris School of BusinessLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1380692020-05-17T18:09:47Z2020-05-17T18:09:47ZRéduire les coûts visibles : le mauvais réflexe des PME en temps de crise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/334655/original/file-20200513-156633-150mvtx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1257%2C26%2C4606%2C3050&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’absentéisme, les accidents du travail ou les défauts de qualité sont autant de coûts difficiles à prendre en compte pour les dirigeants des PME.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/woman-using-calculator-doing-finance-home-585387518">wutzkohphoto / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Face aux impacts économiques de la crise sanitaire, les petites et moyennes entreprises (PME) semblent particulièrement exposées. Une <a href="https://www.cpme.fr/espace-presse/communiques-de-presse/enquete-cpme-limpact-devastateur-du-coronavirus-sur-les-tpe-pme">enquête</a> d’avril 2020 de la Confédération des petites et moyennes entreprises, révèle que 55 % des dirigeants de ce type de structure redoutent la faillite.</p>
<p>Dans le cadre de nos différentes recherches-interventions actuelles au sein de PME en difficultés, nous observons un même phénomène : la réduction drastique des coûts tous azimuts pour essayer d’améliorer la survie de l’entreprise.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1259014805341511680"}"></div></p>
<p>Certaines entreprises de taille intermédiaire et certains grands groupes usent des mêmes pratiques (réduction des coûts) mais leur dimension et la mobilisation de leurs ressources plus conséquentes leur permettent d’éviter le pire.</p>
<p>En adoptant ce réflexe, les gérants de PME risquent d’entraîner leur entreprise dans un cycle négatif infernal. Nous allons tenter d’expliquer ce phénomène.</p>
<h2>Les coûts cachés, danger pour l’entreprise</h2>
<p>Les modèles usuels dominants de décisions économiques au sein des PME observées prennent en compte dans la plupart des cas des informations et des indicateurs que les modèles comptables budgétaires et financiers traditionnels ont construits au fil du temps.</p>
<p>Ces modèles simplistes ne détectent pas ou cachent des signaux pertinents indispensables pour prendre des décisions de meilleure qualité, c’est-à-dire durablement efficaces et efficientes permettant à l’entreprise d’améliorer sa survie à court terme et son développement à moyen et long terme.</p>
<p>Si l’on prend la route comme analogie à l’itinéraire de la PME, on perçoit les dangers parfois mortels (disparition d’entreprise, destruction d’emplois fermes) que font courir certains des outils tels que les tableaux de bord comptables, budgétaires et financiers constitués des seuls coûts et performances visibles.</p>
<p>Ces derniers masquent les dangers sur « la route de la performance durable » que font courir les coûts cachés non calculés et non surveillés tels que des surcroîts d’absentéisme, d’accidents du travail, de maladies professionnelles, de rotation du personnel, de défaut de qualité et de productivité directe.</p>
<p>Ces outils de pilotage imprudent constituent des déformations importantes de ce qui se passe réellement dans l’organisation et entraînent des décisions destructrices de valeur pour l’entreprise. Le dirigeant de la PME est ainsi condamné à conduire en état d’insuffisance de visibilité. Il en résulte de nombreuses erreurs de conduite et des accidents plus ou moins graves sur le parcours de la performance durable. </p>
<p>Lorsqu’une PME se trouve en difficulté financière grave ou chronique, les « experts », les consultants, les conseillers, les contrôleurs se penchent au chevet de la PME souffrante. Les prescriptions sont classiques et datent de plusieurs siècles : couper les ressources visibles c’est-à-dire les flux financiers. À l’imprudence d’une gestion accidentée succède la mutilation de certaines parties de la PME entraînant la restriction du précieux afflux sanguin : le financement.</p>
<h2>Un réflexe : couper les coûts visibles</h2>
<p>Nous avons observé au cours de nos travaux ce que ces remèdes provoquent au sein de la PME. On réduit les charges, les dépenses, désormais déclarées inutiles, et l’on choisit ainsi le scénario de l’amputation de l’entreprise.</p>
<p>La conséquence est bien connue : la productivité diminue du fait des freinages plus ou moins conscients, plus ou moins organisés, ainsi que la qualité des produits, les délais de livraison et de réponse aux attentes des clients ou des usagers s’allongent.</p>
<p>Les clients risquent de se détourner de l’entreprise en s’orientant vers la concurrence. Alors le découragement s’installe. Les personnels les plus dynamiques et compétents regardent les offres d’emploi. Les moins compétents ou moins combatifs se replient sur eux-mêmes.</p>
<p>Une nouvelle vague de baisse de productivité, de reconnaissance, d’absentéisme, de climat social délétère, de stress enclenche une nouvelle spirale régressive de dégradation des performances économiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/arrets-de-travail-et-ras-le-bol-managerial-106106">Arrêts de travail et « ras-le-bol » managérial</a>
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<p>Bref, en comprimant trop tard et trop brutalement les coûts visibles, seuls reconnus par les plans comptables normés, les procédures budgétaires et des modèles d’analyse financière, les agents de la soi-disant rationalisation des charges et des coûts de revient ont provoqué une énorme dilatation des coûts cachés.</p>
<p>En effet, ces coûts de dysfonctionnements ignorés par le système d’information et de pilotage économique de l’entreprise ne sont ni mesurés, ni surveillés, ni analysés, ni interprétés.</p>
<p>C’est par ces fuites et lacunes du système de contrôle de gestion des ressources de l’entreprise que s’échappe une large partie de la valeur ajoutée.</p>
<p>Rappelons le niveau élevé de ces <a href="https://www.cairn.info/revue-accra-2018-2-page-71.htm">coûts cachés</a> : entre 20 000 euros à 70 000 euros par personne et par an sur un vaste échantillon de près de 2 000 entreprises diagnostiquées par l’Institut de socio-économique des entreprises et des organisations (Iséor).</p>
<p>C’est également ce niveau de montants de coûts cachés que nous retrouvons dans notre champ de recherche, c’est-à-dire les PME en difficultés. Cette précieuse substance économique manque à l’irrigation sanguine de l’entreprise qui risque ou finit par disparaître.</p>
<h2>D’autres modèles de décision sont possibles</h2>
<p>Pourtant, d’autres schémas sont envisageables et ont été expérimentés dans le cadre de nos recherches-interventions sur des PME en difficultés.</p>
<p>Le dirigeant de la PME doit surveiller simultanément ses coûts-performance visibles avec sa comptabilité, son suivi budgétaire et ses tableaux de bord financiers ainsi que ses coûts-performances cachés.</p>
<p>Ce type de management permet de convertir les ressources cachées sous forme de coûts cachés (non maîtrisés, non surveillés) en coûts visibles d’investissement incorporel.</p>
<p>Par exemple, on peut imaginer que coûts tels que des heures perdues liées à l’absentéisme, des heures et de la surconsommation de matières premières liées à des défauts de qualité de produits, des réunions inutiles, des pertes de clients liées à un manque de vigilance, des non-créations de chiffres d’affaires rentables par manque de nouveaux produits ou services, etc. soient en partie recyclés pour former le personnel à la qualité, afin d’accélérer la création de nouveaux produits attendus par le marché.</p>
<p>Cela permettra de redresser le niveau de chiffre d’affaires et par conséquent de la valeur ajoutée.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1171537351560105985"}"></div></p>
<p>Le résultat de ce scénario stratégique est que la structure du coût intégral (coût visible + coût caché) des activités et des produits se transforme. Les coûts cachés diminuent, ce qui permet d’autofinancer l’investissement incorporel profitable (développement des compétences, nouveaux produits qui permettent d’augmenter de manière significative la valeur ajoutée crée par la PME et assurer son redressement financier).</p>
<p>En conclusion, nos travaux de recherche sur des PME en difficultés nous montrent qu’il faut se méfier de l’effet pervers de la lutte contre certains coûts qui dilatent le coût réel par une extension des coûts cachés.</p>
<p>Beaucoup de mesures classiques prises au titre du redressement de la PME ont cet effet. Un autre scénario semble plus rationnel : on laisse augmenter les coûts visibles, à condition que cet accroissement s’accompagne d’une récupération de coûts cachés, jusqu’à ce que la nouvelle structure des coûts, mieux connue, favorise l’amélioration de l’efficacité, de la productivité et de l’autofinancement, facteurs de survie de la PME.</p>
<p>Vouloir obtenir une baisse brutale de certains coûts provoque souvent l’effet inverse de celui recherché.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138069/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Combaudon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les modèles de gestion dominants font l’impasse sur les coûts cachés et provoquent une destruction de valeur significative pour les entreprises.Christophe Combaudon, Associate professor, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1381602020-05-08T17:25:46Z2020-05-08T17:25:46ZMême si le déficit canadien explose, voici pourquoi vos impôts ne vont pas augmenter<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/333714/original/file-20200508-49589-ozlskg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le déficit fédéral du Canada est monté en flèche depuis le début de la pandémie de coronavirus. Comment Ottawa va-t-il rembourser l'argent qu'il a emprunté ?</span> <span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Sean Kilpatrick</span></span></figcaption></figure><p>Le Directeur parlementaire du budget (DPB) <a href="https://www.pbo-dpb.gc.ca/fr/blog/news/RP-2021-005-S--scenario-analysis-update-covid-19-pandemic-oil-price-shocks--mise-jour-analyse-scenario-chocs-dus-pandemie-covid-19-chute-prix-petrole">a récemment publié une analyse</a> qui met à jour l’impact de la pandémie de Covid-19 sur l’économie canadienne. Le DPB prévoit que le déficit budgétaire fédéral sera de 252 milliards de dollars en 2020-2021, contre 25 milliards de dollars en 2019-2020.</p>
<p>Un tel déficit représenterait 12,7 % du produit intérieur brut (PIB) canadien. En comparaison, le DPB prévoit un déficit de 1,1 % pour l’année fiscale qui s’est terminée à la fin mars.</p>
<p>L’augmentation du déficit est principalement causée par la baisse des recettes fiscales résultant de la récession induite par les mesures de confinement et les dépenses extraordinaires adoptées par le gouvernement fédéral pour soutenir l’économie et gérer la pandémie.</p>
<p>Alors, d’où vient l’argent pour toutes ces dépenses supplémentaires ?</p>
<p>Avec les recettes fiscales en baisse, la seule option à l’heure actuelle est l’emprunt. Mais qui peut prêter au gouvernement des sommes aussi importantes ? À quel prix ? De plus, le gouvernement fédéral va-t-il devoir augmenter les impôts et réduire les dépenses régulières une fois la crise de la Covid-19 terminée pour rembourser les sommes empruntées ?</p>
<h2>Le coût pour les contribuables devrait être minime</h2>
<p>La bonne nouvelle est que le coût pour les contribuables et les bénéficiaires des services gouvernementaux devrait être minime. Les Canadiens n’ont pas à craindre des années d’austérité de la part de leur gouvernement fédéral une fois la pandémie passée.</p>
<p>Les institutions financières nationales et étrangères (banques, compagnies d’assurances, régimes de retraite et autres fonds d’investissement) et les grandes entreprises sont les principaux prêteurs du gouvernement fédéral. Elles le font en achetant des obligations (essentiellement des titres de créance ) <a href="https://www.desjardins.com/coopmoi/plans-action-conseils/epargne-placements/obligations-comment-ca-fonctionne/index.jsp">où l’emprunteur paie aux prêteurs ou aux investisseurs un taux d’intérêt sur une période de temps</a> auprès du gouvernement fédéral.</p>
<p>La demande et l’offre déterminent les taux d’intérêt que le gouvernement paie aux investisseurs sur les obligations qu’il émet. S’il y a une forte demande par rapport à l’offre, les taux d’intérêt sont bas. Si la demande est faible, les taux d’intérêt sont élevés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/332909/original/file-20200505-83779-u2qgam.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/332909/original/file-20200505-83779-u2qgam.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/332909/original/file-20200505-83779-u2qgam.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/332909/original/file-20200505-83779-u2qgam.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/332909/original/file-20200505-83779-u2qgam.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/332909/original/file-20200505-83779-u2qgam.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/332909/original/file-20200505-83779-u2qgam.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le ministre des Finances, Bill Morneau, regarde le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, répondre à une question lors d’une conférence de presse à Ottawa pendant la pandémie de coronavirus.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Adrian Wyld</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans le contexte actuel, nous nous attendrions à ce que la demande d’obligations du gouvernement du Canada soit faible et l’offre élevée. Comme l’économie est en récession à cause de la pandémie, les institutions financières et la plupart des grandes entreprises subissent des pertes importantes. Elles n’ont donc pas beaucoup de liquidités disponibles pour acheter l’énorme quantité d’obligations que le gouvernement fédéral va émettre pour financer tous les programmes d’urgence prévus pour gérer la crise de la Covid-19. En conséquence, le gouvernement devrait payer des taux d’intérêt élevés pour attirer les investisseurs.</p>
<h2>Les taux d’intérêt ont baissé</h2>
<p>La réalité est cependant le contraire. Les taux d’intérêt sur les obligations du gouvernement du Canada ont considérablement baissé au cours des deux derniers mois. Les Canadiens peuvent remercier la Banque du Canada pour cette heureuse tournure des événements. Les mesures sans précédent adoptées par la banque centrale pour soutenir l’économie et les marchés financiers pendant la crise de la Covid-19 <a href="https://www.banqueducanada.ca/taux/taux-dinteret/obligations-canadiennes/?_ga=2.253614217.1476738830.1588803563-1159336138.1347420964">ont fait baisser le coût de l’emprunt</a>.</p>
<p>L’une de ces mesures est le <a href="https://www.banqueducanada.ca/2020/03/modalites-des-operations-dachat-de-titres-du-gouvernement-du-canada-sur-le-marche-secondaire/?_ga=2.20762808.1476738830.1588803563-1159336138.1347420964">programme d’achat de titres du gouvernement du Canada</a>, par lequel la Banque du Canada achète au moins 5 milliards de dollars d’obligations du gouvernement fédéral par semaine sur le marché secondaire (auprès d’institutions financières et de sociétés), par opposition à l’achat direct auprès du gouvernement (le marché primaire).</p>
<p>Ce faisant, la Banque du Canada a indirectement fait augmenter la demande d’obligations émises par le gouvernement fédéral. Mais, en fait, c’est tout comme si elle prêtait directement au gouvernement à des taux d’intérêt très bas.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/332910/original/file-20200505-83745-1d5dddt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/332910/original/file-20200505-83745-1d5dddt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/332910/original/file-20200505-83745-1d5dddt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/332910/original/file-20200505-83745-1d5dddt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/332910/original/file-20200505-83745-1d5dddt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/332910/original/file-20200505-83745-1d5dddt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/332910/original/file-20200505-83745-1d5dddt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Ce graphique montre le rendement moyen des obligations négociables du Gouvernement du Canada sur trois à cinq ans. Les coûts d’emprunt pour le gouvernement fédéral ont diminué depuis le début de la pandémie du coronavirus.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Banque du Canada</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En conséquence, le coût d’emprunt du gouvernement fédéral est maintenant inférieur à ce qu’il était il y a quelques mois. Par exemple, il en coûte actuellement 0,35 cent au gouvernement pour chaque dollar qu’il emprunte pendant trois à cinq ans. En février, il payait entre 1,25 et 1,75 cent par dollar emprunté pour la même période.</p>
<p>Cela signifie que le coût annuel d’emprunt du déficit prévu pour l’an prochain ne serait que de 882 millions de dollars, contre les 3,8 milliards de dollars qu’il en aurait coûté sans les interventions de la Banque du Canada. Une telle somme n’ajouterait que 0,04 % du PIB aux futurs déficits annuels du gouvernement fédéral, ce qui peut être facilement absorbé sans augmenter les impôts ou réduire les dépenses de programmes à l’avenir.</p>
<p>Mais qu’en est-il du remboursement des 252 milliards de dollars en endettement supplémentaire ? Est-ce que cela nécessitera d’augmenter les impôts et de réduire les dépenses dans un avenir prévisible ? Pas nécessairement.</p>
<h2>La dette sera reconduite</h2>
<p>En supposant que les revenus et les dépenses du gouvernement fédéral et l’économie canadienne reviennent à la normale lorsque la pandémie sera terminée, Ottawa devrait être en mesure de rembourser sa dette future en émettant de nouvelles obligations à des taux d’intérêt raisonnables.</p>
<p>En d’autres termes, tant que les investisseurs sont disposés à acheter les obligations du gouvernement, ce dernier peut alors en émettre de nouvelles pour rembourser les anciennes qui arrivent à échéance. La dette est ainsi reconduite à son échéance et, ainsi, jamais effectivement remboursée. De plus, si l’économie croît plus vite que le déficit, le ratio de la dette par rapport au PIB diminue, comme il l’a fait au cours de la dernière décennie.</p>
<p>Les Canadiens ne devraient donc pas avoir à souffrir deux fois de la pandémie : d’abord en étant confinés et puis en payant des impôts plus élevés et/ou en subissant des compressions dans les programmes du gouvernement fédéral.</p>
<p>Au lieu de cela, ils devraient remercier le gouvernement fédéral d’avoir, à peu de frais pour les finances publiques futures du pays, réduit tant que possible les dommages économiques et sociaux causés par le confinement. Ils devraient également remercier la Banque du Canada <a href="https://www.banqueducanada.ca/2020/05/nomination-tiff-macklem-poste-gouverneur-banque-canada/?_ga=2.73850642.1476738830.1588803563-1159336138.1347420964">et son gouverneur sortant, Stephen Poloz, d’avoir rendu cela possible</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138160/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrick Leblond est affilié au Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale.</span></em></p>Le déficit fédéral du Canada a explosé alors qu'Ottawa dépense des milliards en réponse à la crise du coronavirus. Un économiste explique pourquoi ces dépenses massives ne nuiront pas aux Canadiens.Patrick Leblond, CN-Paul M. Tellier Chair in Business and Public Policy, L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1368052020-05-05T20:05:44Z2020-05-05T20:05:44ZLe débat monétaire sera-t-il déconfiné ?<p>Une formule militaire rappelle que « pour soutenir la guerre, trois choses sont nécessaires : de l’argent, de l’argent, et encore de l’argent ». Mais qu’en est-il lorsque c’est « l’argent » qui constitue l’objet même de la guerre ? La crise sanitaire actuelle fait en effet resurgir comme jamais auparavant un conflit qui précédait, et qui survivra au virus : celui qui met aux prises gouvernements, institutions européennes et marchés financiers pour le financement des économies – en d’autres termes, la guerre de l’argent.</p>
<h2>Ce dont le public est privé</h2>
<p>À trop souligner le caractère inédit de la crise, on risque de négliger combien elle ramène aux coordonnées fondamentales de l’époque, c’est-à-dire à la centralité du capital privé dans le financement des politiques publiques.</p>
<p>À partir du milieu des années 1980, le démantèlement de ce que l’on appelait le <a href="https://www.franceinter.fr/economie/l-histoire-secrete-de-la-dette">« circuit du Trésor »</a>, qui garantissait à l’État un haut niveau d’autofinancement, le déploiement d’un secteur bancaire privatisé et <a href="https://journals.openedition.org/sdt/699">l’invention d’une dette contractée sur les marchés</a> ont ouvert une configuration où tant la croissance de l’économie que le financement de l’État ont été <em>de facto</em> confiés aux marchés financiers. Parce que le niveau d’endettement conditionne tendanciellement le prix auquel les investisseurs souscrivent les obligations publiques, les gouvernants sont voués à comprimer d’autant le périmètre de leurs dépenses.</p>
<p>De ce point de vue, et en dépit de son caractère jurisprudentiel, la suspension des règles budgétaires par la <a href="https://ue.delegfrance.org/covid-19-suspension-des-regles">Commission européenne</a> le 23 mars dernier, qui autorise les États à dépasser le seuil des 3 % de déficit autorisé, n’enraye pas la double détente qui structure désormais toute rationalité gouvernementale : ce qui est bon aujourd’hui (préserver la société d’une spirale à pauvreté) peut être mauvais demain (un renchérissement violent du coût de la dette).</p>
<p>Cette décision se heurte en outre à la contradiction névralgique de l’Union européenne, en tant qu’assemblage plus ou moins réglé d’économies concurrentes : la préoccupation pour les écarts comparatifs qui se creusent entre ces économies conduit les gouvernants à un arbitrage de fait entre les <a href="https://journals.openedition.org/sdt/699">risques du déconfinement et le creusement du déficit</a>. Enfin, les propositions actuelles visant à mutualiser les dettes nationales ou à émettre de la dette perpétuelle achoppent sur l’incompatibilité d’intérêts entre pays du Nord et du Sud, qui rapatrie comme jamais auparavant l’hypothèse d’une implosion de la zone euro.</p>
<p>Entre 2010 et 2012, la « crise des dettes souveraines » (en fait, « une épreuve des dettes marchandisées », c’est-à-dire un seuil critique inscrit <a href="https://www.cairn.info/revue-savoir-agir-2016-1-page-13.htm?contenu=resume">dans la logique même</a> du financement privé de la puissance publique) avait dévoilé toute la contradiction de l’État néo-libéral – à la fois assureur en dernier ressort et cible vulnérable de l’investissement privé.</p>
<p>À l’époque, cette contradiction s’était traduite par un renforcement des prérogatives de la Banque centrale européenne (BCE). Pour préserver la liquidité du système financier et doucher la flambée des taux d’intérêt, la BCE s’était engagée en 2012 à racheter massivement, sur le marché dit « secondaire », les titres de dette publique détenus par les banques. Quoique de façon indirecte, on avait alors pu entrapercevoir ce que l’institutionnalisation de l’union monétaire avait enseveli : une banque centrale peut jouer un rôle dans le financement de la dépense publique.</p>
<h2>La tentation du fiscalisme</h2>
<p>Ce bref rappel permet de remettre en perspective les deux pentes principales que suit l’actuel débat sur les moyens de sortir de la crise économique. La première correspond au grand retour des controverses fiscales. <a href="https://www.capital.fr/votre-argent/cet-impot-sur-la-fortune-europeen-que-veulent-instaurer-trois-economistes-francais-vedettes-1367927">Camille Landais, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman</a> proposent par exemple un ISF d’envergure européenne, quand <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/08/coronavirus-il-est-temps-de-rebatir-un-contrat-social-et-fiscal-plus-juste_6035905_3232.html">Thomas Piketty et d’autres collègues</a> proposent un barème d’imposition permettant de lever d’importantes recettes.</p>
<p>En posant la question du « qui paiera quoi », ces propositions réinstallent du conflit au milieu de l’unanimisme de « guerre », et de la verticalité dans le monde lisse de la rhétorique néo-libérale.</p>
<p>Même si elle s’annonce indispensable, il n’est pas certain que, demain, la réorientation des politiques fiscales permette de solder l’augmentation abyssale de la dette (on parle provisoirement de 700 milliards supplémentaires), ni de parer au retournement des marchés. Si ces propositions risquent de manquer l’enjeu de la sortie de crise, c’est que le volontarisme fiscal emporte avec lui les effets de la <em>doxa</em> dominante, qui a placé hors de son périmètre la possibilité de monétiser le déficit.</p>
<p>Les crises agissent souvent comme de puissants révélateurs des structures sociales existantes ; en l’espèce, celle-ci révèle combien l’impôt officie désormais souvent comme l’<em>ultima ratio</em> des alternatives discutées dans l’espace public.</p>
<p>Le renoncement d’une large part de la gauche à intervenir sur la <em>formation</em> des revenus primaires (donc sur la production des inégalités) a rehaussé d’autant les débats sur la <em>redistribution</em> des richesses.</p>
<p>Parce que l’instrument fiscal constitue l’un des derniers leviers à la disposition des États pour agir sur les écarts de revenus ou de patrimoines, il demeure ajusté au cadre national de la compétition politique. Depuis bientôt dix ans, le débat intellectuel s’est enfin beaucoup polarisé autour des analyses de Thomas Piketty, qui ramènent assez largement « le capital » au patrimoine, et donc sa régulation à l’impôt.</p>
<p>Une critique de moindre portée du capital, des effets de sa libre circulation et du rôle de la monnaie dans son accumulation ont ainsi contribué à invisibiliser la possibilité de penser le circuit public de l’argent de façon <em>intégrée</em>, c’est-à-dire à la fois dans ses dimensions budgétaire et monétaire.</p>
<h2>Politiser le pouvoir monétaire</h2>
<p>Cet enfouissement des questions posées par les conditions contemporaines de production de l’argent public renvoie précisément au deuxième enjeu soulevé par les controverses actuelles, soit la possibilité – ou non – de remettre en jeu le pouvoir monétaire. L’institution BCE, son mandat et son indépendance (qui s’impose au fait que la présidence soit désignée par les chefs de gouvernement) ont été édifiés sur le rejet de la possibilité de prêter directement aux États (clause de <em>no bail-out</em>) – la BCE refuse ainsi <a href="https://www.ecb.europa.eu/explainers/tell-me-more/html/ecb_independent.fr.html">explicitement</a></p>
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<p>« d’utiliser la monnaie de banque centrale pour financer des mesures populaires ».</p>
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<p>À moins d’un improbable revirement (à la manière de la Banque d’Angleterre, qui finance désormais directement les <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/coronavirus-la-banque-d-angleterre-va-financer-directement-les-depenses-du-royaume-uni-844793.html">dépenses britanniques</a>), la décision de la BCE de se cantonner au rachat massif de titres de dette publique pourrait vite approfondir l’impasse des politiques conduites après 2008, qui avaient consisté à solder une crise des dettes privées et publiques… par un <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/lettre/2020/let407.pdf">surplus de dettes privées et publiques</a>.</p>
<p>Les théoriciens de son « indépendance » n’avaient pas prévu que, sur les ruines de l’impéritie financière et des contradictions de l’orthodoxie budgétaire, la BCE s’arroge son pouvoir actuel. Alors que son mandat initial – la stabilité des prix – est sans objet depuis 2013, elle est désormais la garante en dernier ressort de l’économie européenne tout entière. Partant, elle a pu <a href="https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2014-2-page-91.htm?contenu=article">« monnayer » son assistance financière</a> à certains pays de l’Eurozone contre des mesures d’ajustement structurel. Rappelons que cette immixtion dans les réformes nationales (qui concernaient notamment… les <a href="https://journals.openedition.org/humanitaire/2904">systèmes de santé</a>) s’est largement jouée en dehors des règles du jeu démocratique.</p>
<p>Ces prérogatives exorbitantes sont pourtant assorties d’une relative d’immunité symbolique : non seulement les controverses dont elle est l’objet demeurent confinées à une fraction réduite de l’espace public, mais sa réactivité dans les crises tend à lui conférer une présomption d’efficience. Cette position privilégiée à l’intérieur du champ du pouvoir européen la protège d’une question dont l’actualité aiguise encore l’acuité : selon quels critères démocratiques, et <a href="https://demos.hypotheses.org/585">au nom de quels intérêts</a> (les marchés ou les populations ?) la BCE doit-elle conduire sa politique monétaire ?</p>
<p>De ce point de vue, les propositions récemment formulées par certaines économistes hétérodoxes autour de la <a href="https://www.nouvelobs.com/economie/20200330.OBS26781/tribune-la-monnaie-helicoptere-ou-le-desastre.html">« monnaie hélicoptère »</a> (qui consiste à acheminer directement de la monnaie centrale sur le compte des ménages, voire des États), ou visant à <a href="http://tnova.fr/notes/des-annulations-de-dette-publique-par-la-bce-lancons-le-debat">annuler une partie des dettes publiques</a> portent sans doute certaines limites endogènes – leurs effets à moyen terme – qui n’en garantissent pas la portée. Elles présentent néanmoins l’intérêt symbolique de réveiller un débat enfoui : le débat sur le pouvoir monétaire, en tant que pouvoir <em>de</em> et <em>sur</em> la monnaie.</p>
<p>Sous ce rapport, le défi véritable n’est donc pas de facture économique, mais bien de nature politique : comment réencastrer la question monétaire dans le débat public ? Alors que tout concourt aujourd’hui à ce que le régime de « crise » (financière, écologique, sanitaire…) continue de scander l’époque, la refondation d’un circuit public de l’argent est ainsi suspendue à la possibilité de <em>politiser</em> l’action de la BCE, qu’il s’agisse d’en remettre en cause le mandat, ou bien d’en défaire la tutelle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136805/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rafaël Cos ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À trop souligner le caractère inédit de la crise, on risque de négliger combien elle ramène à la centralité du capital privé dans le financement des politiques publiques.Rafaël Cos, Chercheur en sciences politiques, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.