tag:theconversation.com,2011:/ca/topics/colloques-38612/articlescolloques – The Conversation2022-03-29T13:18:59Ztag:theconversation.com,2011:article/1789582022-03-29T13:18:59Z2022-03-29T13:18:59ZMobilité académique post-pandémie : les profs vont-ils recommencer à voyager ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/453982/original/file-20220323-27-yb6umk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C1%2C976%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La quantification de l'émission des gaz à effet de serre dans le cadre d'activités de recherche doit devenir systématique.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Avant la pandémie de Covid-19 et les restrictions à la mobilité, le secteur de l’aviation commerciale était responsable de l’émission de plus d’un <a href="https://ourworldindata.org/co2-emissions-from-aviation">milliard de tonnes de CO₂ par année</a>, soit environ 2,5 % des émissions annuelles mondiales.</p>
<p>Bien que le rôle non négligeable de l’aviation dans les changements climatiques soit <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1361920902000135">étudié</a> et <a href="https://www.ipcc.ch/report/aviation-and-the-global-atmosphere-2/">connu</a> depuis plusieurs années, les chercheurs universitaires étaient, à tout le moins avant la pandémie, de <a href="https://theconversation.com/les-universitaires-sont-de-gros-emetteurs-de-gaz-a-effet-de-serre-voyagent-ils-trop-120156">grands émetteurs de GES</a> (gaz à effet de serre). En effet, les chercheurs parcourent d’ordinaire de nombreux kilomètres en avion en raison de leur hypermobilité internationale pour la recherche et la dissémination du savoir.</p>
<p>En parallèle de nos recherches respectives en sciences de l’environnement, nous nous intéressons depuis quelques années à la <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ab33e6">quantification des émissions</a> de GES liées à cette mobilité et à la <a href="https://recherche-resp-research.github.io/">sensibilisation</a> à ses impacts.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-universitaires-sont-de-gros-emetteurs-de-gaz-a-effet-de-serre-voyagent-ils-trop-120156">Les universitaires sont de gros émetteurs de gaz à effet de serre. Voyagent-ils trop?</a>
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<h2>Une hypermobilité freinée par la pandémie</h2>
<p>Les incitatifs à la mobilité pour les chercheurs sont nombreux. Les conférences, <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ab33e6">principale raison</a> pour voyager, sont souvent perçues comme un incontournable pour <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rsif.2018.0580">mettre en lumière sa recherche</a> et élargir son réseau de contacts. La participation à ces évènements et, plus globalement, l’internationalisation de la recherche sont d’ailleurs des critères d’évaluation importants lors de l’embauche ou pour la progression de carrière des chercheurs, et ce, même si les bénéfices réels de cette hypermobilité <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/ece3.8201">sont contestés</a>. La mobilité est ainsi souvent considérée comme une partie intégrante de la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2210539513000400">culture et des pratiques académiques</a>.</p>
<p>Le monde académique, comme toutes les sphères de la société, a évidemment été grandement chamboulé depuis mars 2020. Les universitaires ont rapidement dû s’adapter à une nouvelle réalité, et tant l’enseignement que la recherche ont pris un virage virtuel. Les conférences se sont aussi adaptées et ont <a href="https://www.science.org/content/article/covid-19-forces-conferences-online-scientists-discover-upsides-virtual-format">basculé pour la plupart</a> vers des formats virtuels ou hybrides.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/454754/original/file-20220328-17419-3pxf6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Conférencier sur scène avec vue arrière du public dans la salle de conférence" src="https://images.theconversation.com/files/454754/original/file-20220328-17419-3pxf6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454754/original/file-20220328-17419-3pxf6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454754/original/file-20220328-17419-3pxf6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454754/original/file-20220328-17419-3pxf6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454754/original/file-20220328-17419-3pxf6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454754/original/file-20220328-17419-3pxf6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454754/original/file-20220328-17419-3pxf6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La pandémie de Covid-19 a chamboulé l’organisation de conférences.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Ces nouveaux formats de conférences semblent faire <a href="https://labos1point5.org/les-enquetes/enquete1-resultat">consensus</a>, même pour ceux qui, avant la pandémie, étaient réticents à utiliser des technologies alternatives aux rencontres en personne. Un <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-021-00513-1">sondage</a> mené par la revue <em>Nature</em> en 2021 montre d’ailleurs qu’une majorité de chercheurs souhaite qu’à l’avenir, toutes les conférences offrent une composante virtuelle plutôt que d’être uniquement en personne, comme c’était la norme avant la pandémie. Ceci permettrait non seulement de <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-021-27251-2">réduire les émissions de CO₂</a> dues aux déplacements, parfois longs et coûteux, mais favoriserait aussi une <a href="https://www.nature.com/articles/s41893-021-00823-2">meilleure accessibilité</a> aux conférences et l’inclusion de chercheurs issus de pays défavorisés.</p>
<h2>Quantifier ses émissions de GES</h2>
<p>Alors que nous sortons lentement de cette pandémie, le moment semble opportun pour réaliser une véritable transition vers des modes de pratique et de diffusion de la recherche plus écologiques. Depuis quelques années, diverses initiatives ont ainsi émergé au Québec et ailleurs pour réduire les impacts environnementaux de la mobilité académique.</p>
<p>Une première étape importante vers cette transition est la <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11625-020-00857-z">quantification des émissions de GES</a>. De nombreuses universités québécoises ont entamé ce processus, mais celui-ci n’est pas systématique. L’<a href="https://reports.aashe.org/institutions/participants-and-reports/">inventaire</a> concerne généralement seulement les émissions directes des universités, comme la consommation de combustibles pour le chauffage ou les émissions dues à l’électricité consommée sur les campus. On ignore souvent les autres sources d’émission, comme les déplacements quotidiens et les déplacements académiques. Il est d’ailleurs difficile de quantifier les émissions liées aux déplacements académiques puisque ceux-ci <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ab33e6/meta">ne sont pas non plus systématiquement documentés</a> par les universités.</p>
<p>Une fois le bilan GES bien établi, il est nécessaire de procéder à une internalisation des coûts environnementaux de la recherche. Par exemple, les coûts en GES pourraient être pris en compte pour permettre le remboursement d’un moyen de transport plus cher, mais plus écologique. En Amérique du Nord, le train serait jusqu’à <a href="https://peterkalmus.net/books/read-by-chapter-being-the-change/read-by-chapter-chapter-9-leaving-fossil-fuel/">5 fois moins polluant</a> par kilomètre parcouru que l’avion, mais bien souvent plus dispendieux. Le choix des pratiques de recherche devrait ainsi pouvoir être guidé en partie par des motivations environnementales.</p>
<p>Les Fonds de recherche du Québec (FRQ) ont établi un <a href="https://frq.gouv.qc.ca/app/uploads/2021/04/plan-action-responsabilite-environnementale_vf.pdf">Plan d’action sur la responsabilité environnementale en recherche</a>, qui requiert que les demandes de subvention soient accompagnées d’une évaluation des impacts environnementaux de la recherche et d’une réflexion sur la réduction de ces impacts. Cependant, pour l’instant, la mobilité n’est pas obligatoirement incluse dans cette évaluation, et l’adoption de mesures de mitigation n’est pas non plus obligatoire.</p>
<h2>La prise de conscience est amorcée</h2>
<p>De nombreuses universités et centres de recherche européens ont mis en place des <a href="https://www.unige.ch/communication/communiques/2019/deplacements-en-avion-politique-ambitieuse-de-lunige/">politiques institutionnelles</a> <a href="https://www.unine.ch/files/live/sites/durable/files/CO2/rapport_co2_final_20210327.pdf">contraignantes</a> sur les voyages au cours des dernières années. Dans la plupart des cas, seuls les transports terrestres sont remboursés si la destination est située à distance raisonnable de l’institution.</p>
<p><a href="https://ethz.ch/content/dam/ethz/associates/services/organisation/Schulleitung/mobilitaetsplattform/Factsheet%20air%20travel%20ETH%20Zurich.pdf">D’autres politiques</a> <a href="https://hal.inria.fr/hal-02340948/document">non contraignantes</a> s’accompagnent d’un <a href="https://tyndall.ac.uk/about/travel-strategy/">arbre d’aide à la décision</a>, qui encourage à considérer les retombées réelles du voyage, la possibilité de déléguer un collaborateur sur place ou encore, de participer virtuellement. Une politique de ce type a d’ailleurs été adoptée par le <a href="https://www.concordia.ca/content/dam/artsci/geography-planning-environment/docs/Flying_Less_Policy_GPE_June1_2019.pdf">département de géographie, d’urbanisme et d’environnement de l’Université Concordia</a>.</p>
<p>L’Université de Colombie-Britannique a de son côté mis à la disposition des chercheurs un <a href="https://greentravel.arts.ubc.ca/climate-aviation/">site web</a> permettant de prendre des décisions éclairées quant aux déplacements académiques. Elle a inscrit la réduction des émissions dues au déplacement académique dans son plan de réduction des émissions de GES. Cependant, à notre connaissance, aucune politique institutionnelle contraignante concernant les déplacements académiques n’existe pour l’instant au pays.</p>
<p>La prise de conscience récente des impacts environnementaux de la mobilité académique a permis d’amorcer une discussion <a href="https://www.science.org/content/article/why-some-climate-scientists-are-saying-no-flying">parmi les chercheurs</a> sur la nécessité de réduire leurs émissions de GES. La pandémie a accéléré la transition vers de nouveaux modes d’internationalisation de la recherche moins gourmands en GES.</p>
<p>Que restera-t-il de ces nouvelles pratiques dans un monde post-pandémie ? En regard du dernier rapport <a href="https://theconversation.com/nouveau-rapport-du-giec-toujours-plus-documente-plus-precis-et-plus-alarmant-178378">particulièrement alarmant</a> du GIEC, la réponse à cette question sera primordiale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178958/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Arsenault a reçu du financement du Conseil de recherche en sciences naturelles et génie du Canada (CRSNG). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Julie Talbot a reçu des financements du Conseil de recherche en sciences naturelles et génie du Canada (CRSNG). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mathilde Jutras est membre du comité intersectoriel étudiant des Fonds de recherche du Québec. Elle a reçu du financement du Conseil national de recherche en sciences naturelles et génie du Canada (CRSNG) et des Fonds de recherche du Québec - Fond nature et technologie (FRQNT).</span></em></p>Depuis la pandémie, les chercheurs universitaires voyagent moins, et émettent donc moins de gaz à effet de serre. Les conférences virtuelles ou hybrides sont-elles là pour rester ?Julien Arsenault, Candidat au doctorat en géographie, Université de MontréalJulie Talbot, Professeure agrégée en géographie / Associate professor in geography, Université de MontréalMathilde Jutras, PhD candidate, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1305892020-02-02T19:04:59Z2020-02-02T19:04:59ZDe la géopolitique des humanités à l’humanité de la géopolitique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/312914/original/file-20200130-41485-10c690y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C12%2C2111%2C1589&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"> Le monde : Possessions coloniales et routes commerciales, 1910</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:World_1910.jpg?uselang=fr">University of Texas</a></span></figcaption></figure><p>Lors d’un récent <a href="https://www.ens.fr/agenda/quelles-humanites-pour-l-europe/2020">colloque</a> à l’École normale supérieure, une soixantaine d’intervenants furent invités à s’interroger sur la « transformation de l’humanité » par les nouveaux enjeux scientifiques et l’« appel aux humanités » qui se laisse entendre par la suite. Comment les humanités peuvent-elles transmettre l’humanité de nos jours ?</p>
<p>La Chaire Géopolitique du Risque a répondu à cet appel en organisant une table-ronde autour de la question <a href="http://geopolitics-of-risk.ens.fr/en/geopolitique-pratique-des-humanites">« Géopolitique : pratique des humanités ? »</a>. La géopolitique est-elle une science ? Y a-t-il une théorie de la géopolitique ? Et si c’est le cas, alors s’agit-il d’une science humaine, c’est-à-dire d’une science dont la vocation est de capter, de documenter, d’analyser et de comprendre l’humanité dans l’être humain ? Ou s’agit-il plutôt d’un rassemblement encyclopédique des comportements tactiques de ceux qui détiennent le pouvoir militaire et politique ?</p>
<h2>Aux origines de la géopolitique</h2>
<p>Le discours de la géopolitique, tel qu’il est mobilisé dans l’analyse de la politique internationale aujourd’hui, puise dans des sources, des concepts et des perspectives bien disparates. Et pourtant, ses affinités institutionnelles et ses parcours professionnels s’alignent surtout avec des intérêts, des questions et des réponses propres aux sciences sociales.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/312916/original/file-20200130-41527-bu9bkf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/312916/original/file-20200130-41527-bu9bkf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/312916/original/file-20200130-41527-bu9bkf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=877&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/312916/original/file-20200130-41527-bu9bkf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=877&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/312916/original/file-20200130-41527-bu9bkf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=877&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/312916/original/file-20200130-41527-bu9bkf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1102&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/312916/original/file-20200130-41527-bu9bkf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1102&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/312916/original/file-20200130-41527-bu9bkf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1102&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Friedrich Ratzel (1844-1904).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Friedrich_Ratzel#/media/Fichier:Bundesarchiv_Bild_183-R35179,_Prof._Friedrich_Ratzel_(cropped).jpg">Bundesarchiv, Bild 183-R35179</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>À la différence marquante d’autres traditions nationales, la géopolitique en France se comprend comme une symbiose historiquement déterminée entre la géographie et la science naturelle. <a href="https://www.jstor.org/stable/27880898?seq=1">Ratzel</a>, parrain de la géopolitique française, pense éternaliser ce lien en affirmant en 1897 qu’« un peuple doit vivre sur le sol qu’il a reçu du sort, il doit y mourir, en subir la loi ».</p>
<p>Et pourtant, à partir du moment où l’on pose la question du « peuple » et de son « sort », du « vivre » et du « mourir », on plonge dans une logique plutôt culturelle relevant de la représentation des valeurs morales, de l’expression des affects et des pouvoirs de l’imaginaire, entre autres.</p>
<p>Autrement dit, la géopolitique n’a-t-elle pas toujours été une science humaine ?</p>
<h2>D’une part : de la discipline vers la géopolitique des humanités</h2>
<p>La question des humanités posée lors du colloque est surtout une question de discipline. Qu’est-ce une discipline ? C’est un ensemble de normes, de présupposés, de valeurs et de pratiques qui assure sa souveraineté, c’est-à-dire la souveraineté de la discipline. Qu’il s’agisse de la biologie moléculaire ou de la littérature comparée, une discipline ne reste elle-même que sous l’œil d’une instance disciplinante.</p>
<p>Chaque discipline académique est contrôlée par une instance, normalement interne, qui gouverne les affirmations, questions et débats sur la portée de sa connaissance et le sens de ses pratiques. Les humanités en tant que disciplines subissent, comme toutes les autres disciplines, cette même discipline. Les humanités, ce n’est pas toute chose. Il y a des limites. Mais la règle de cette limite est extrêmement contestée.</p>
<p>Les humanités sont par conséquent obligées de se protéger contre des « attaques », des « ingérences », des « insurrections » des « révoltes » et des « subversions ». Il s’agit sans doute de la grande politique : de la géopolitique des humanités.</p>
<p>Ce n’est donc pas par hasard que l’on se tourne vers un discours géopolitique pour comprendre la logique des facultés universitaires. Les mécanismes de pouvoir que l’on cherche à comprendre sur le plan global sont actifs sur le plan de la protection des territoires notionnels. Il s’agit de savoir comment le gardien du portail de la discipline détermine quels sont les connaissances admissibles, les objets pertinents, les pratiques convenables et les valeurs légitimes.</p>
<h2>D’autre part : des humanités à l’humanité de la géopolitique</h2>
<p>Peut-on s’interroger sur l’humanité d’une discipline ? Qu’en est-il de l’humanité de la géopolitique ? Quel est le statut de l’humanité dans l’exercice de la géopolitique en tant que discipline, et dans la pratique de la géopolitique dans les États et dans les organisations ? L’exercice de la géopolitique est-il conforme à nos principes d’humanité ? La géopolitique représente-t-elle l’humain ? Peut-on, devrait-on géo-politiser ce que nous sommes (à croire : des humanistes), qui nous sommes, ce que nous devrions être ?</p>
<p>En effet, d’où nous vient cette idée de la géopolitique ? Et où va-t-elle ? Quel est son avenir ?</p>
<h2>Concept classique</h2>
<p>La géopolitique, en tout cas selon la légende, n’est pas un terme classique. Dans l’antiquité on parle de la politique des peuples, de la tactique de la guerre. Chez Aristote, mais aussi Tacite, Bodin, Montesquieu, on retrouve des réflexions sur l’impact du milieu géographique sur la politique des peuples.</p>
<p>Mais, vers la fin du XX<sup>e</sup> siècle, on constate une transformation importante dans la pratique de la géographie elle-même. Chez von Humboldt et Ritter, la géographie transcende la simple description du monde pour devenir une réflexion sur la manière dont les sociétés s’insèrent dans l’espace.</p>
<h2>Un concept pour le XXᵉ siècle ?</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/312919/original/file-20200130-41516-1lipk0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/312919/original/file-20200130-41516-1lipk0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/312919/original/file-20200130-41516-1lipk0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=672&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/312919/original/file-20200130-41516-1lipk0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=672&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/312919/original/file-20200130-41516-1lipk0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=672&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/312919/original/file-20200130-41516-1lipk0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=844&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/312919/original/file-20200130-41516-1lipk0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=844&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/312919/original/file-20200130-41516-1lipk0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=844&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Rudolf Kjellen (1864-1922).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rudolf_Kjell%C3%A9n#/media/Fichier:Rudolfk.jpg">Inconnu/Wikimedia</a></span>
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<p>Le terme <em>géopolitique</em> fut forgé en 1897 par le juriste suédois <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14650045.2014.928697">Rudolf Kjellén</a>. Il le définit de la manière suivante : la science de l’État en tant qu’organisme géographique tel qu’il se manifeste dans l’espace.</p>
<p>Il s’agit, pour Kjellén, de décrire les lois de l’évolution des États dans l’espace, s’inspirant ainsi de Darwin et de Malthus (la nouvelle science des populations). Selon Kjellén, les États entrent en conflit l’un avec l’autre du fait de leur besoin de Lebensraum (espace de vie/espace vitale). Comment on sait, Kjellén aura une influence décisive sur la doctrine géopolitique du Troisième Reich.</p>
<h2>Mort et renaissance du concept de géopolitique</h2>
<p>Mais après la Seconde Guerre mondiale, le concept de géopolitique recule. Morgenthau, grand-père des relations internationales, l’attaque dans son grand ouvrage <a href="http://saldanha.pbworks.com/f/Morgenthau.Politics+Among+Nations.pdf"><em>Politics amongst nations</em></a> (1948). Par accord bilatéral, la géopolitique est <a href="https://www.fayard.fr/sciences-humaines/fronts-et-frontieres-9782213026336">exclue des facultés universitaires en France et en Allemagne</a>. La géopolitique tombe en désuétude.</p>
<p>Le concept renaît en 1979, dans les écrits d’<a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=6xl8AgAAQBAJ&oi=fnd&pg=PT9&dq=yves+lacoste">Yves Lacoste</a>, l’un des co-fondateurs de l’Institut français de géopolitique. Désormais, la géopolitique est associée à la géographie moderne.</p>
<p>Elle étudie les territoires comme enjeux de ressources, bien sûr. Mais aussi comme des lieux symboliques, comme des lieux qui produisent du sens. C’est une nouvelle forme de géographie politique qui s’interroge sur le rapport entre l’humain, l’humanité, l’espace et le temps.</p>
<h2>Géopolitique du questionnement</h2>
<p>On l’a dit, la géopolitique puise dans des sources très variées.
Mais en quoi et comment puise-t-elle dans les ressources des sciences humaines ?</p>
<p>À partir du moment où l’on pose la question de la géopolitique, ne plonge-t-on pas dans une logique de culture, de la représentation, des valeurs morales, de la langue, de l’histoire, de l’expression des affects et des pouvoirs de l’imaginaire ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Créé en 2007 pour contribuer au développement et au partage des connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, l’Axa Research Fund a parrainé près de 650 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs de 55 pays. Pour en savoir davantage, consultez son <a href="https://www.axa-research.org">site</a> ou abonnez-vous au compte Twitter dédié <a href="https://twitter.com/axaresearchfund ?lang=fr">@AXAResearchFund</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130589/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>J. Peter Burgess est bénéficiaire d'un financement du Fonds AXA pour la Recherche.</span></em></p>Depuis la création du terme « géopolitique » en 1897 par le juriste suédois Rudolf Kjellén, les débats font rage sur sa nature : s’agit-il, ou non, d’une science humaine ?J. Peter Burgess, Professeur, philosophe et politologue, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1205452019-08-21T20:07:42Z2019-08-21T20:07:42ZÀ la montagne ou à la mer, en colloque, en conférence ou en rencontre : les pérégrinations des physiciens<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/288540/original/file-20190819-123745-1umo9nk.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C1%2C1171%2C544&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Poster de présentation lors des rencontres de Moriond 2019</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://moriond.in2p3.fr/2019/Gravitation/">Photo par J. P. - Rencontres de Moriond</a></span></figcaption></figure><p>Chaque communauté a ses rois, ses reines et ses manants. Ainsi, celle des physiciens élève au rang d’Altesses Royales les Prix Nobel de la spécialité. Juste en dessous évoluent les princes et les ducs, c’est-à-dire les directeurs des grands laboratoires internationaux. On aura du mal à aborder ces personnages lors d’une assemblée car ils sont entourés à chaque instant par une foule de collaborateurs, éventuellement de journalistes et surtout d’intrigants. Il faut être soi-même un peu de la parenthèse pour pouvoir les approcher</p>
<p>Ainsi va l’étiquette en vigueur dans la communauté, particulièrement visible au moment des conférences qui rythment la vie du physicien. Mais apparaît alors un autre personnage-clé : l’organisateur de la manifestation. Une sorte de « shogun » qui exerce une influence considérable. C’est lui, en effet, qui décide, pour l’essentiel, de qui parlera, ce qui constitue le but ultime de tout chercheur. Réunir des physiciens ne s’improvise pas, cela requiert un maître de cérémonie aux multiples qualités alliant doigté, patience et entregent pour mettre en scène la grand’messe où des intervenants pas toujours accommodants veulent briller de tout leur éclat.</p>
<h2>Des conférences très convoitées</h2>
<p>Le besoin de se rencontrer est dans la nature humaine. On garde en mémoire le salon de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Madame_du_Deffand">marquise du Deffand</a> où se donnaient rendez-vous les notabilités d’alors, notamment Voltaire. Sous la Restauration, celui de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Juliette_R%C3%A9camier">Mme Récamier</a> s’illustra en attirant les cercles politiques et littéraires avec Chateaubriand en vedette américaine.</p>
<p>Les physiciens, eux aussi, raffolent des réunions. Les conférences sont des passages obligés où il faut se montrer pour asseoir sa réputation. L’histoire de ces rencontres est ancienne. On cite encore aujourd’hui les vénérables <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Congr%C3%A8s_Solvay">Congrès Solvay</a>. Sur de vieilles photos en noir et blanc, on y contemple les prestigieux participants d’alors.</p>
<p>Le premier des « Solvay » eut lieu en 1911 à l’hôtel Métropole de Bruxelles. 30 physiciens s’y réunirent, dont Mme Curie, Einstein, Poincaré… Par la suite, en 1930 à Tübingen, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Wolfgang_Pauli">Wolfgang Pauli</a> déclina l’invitation préférant rester à Zürich pour ne pas manquer un bal à son université. Mais il se rappela au bon souvenir de ses collègues par une lettre restée fameuse qui inventait le neutrino. En 1933, à nouveau à Bruxelles, Mme Marie Curie est toujours présente, cette fois accompagnée de sa fille Irène au milieu de 41 hommes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/288542/original/file-20190819-123710-1a9nleo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/288542/original/file-20190819-123710-1a9nleo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/288542/original/file-20190819-123710-1a9nleo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/288542/original/file-20190819-123710-1a9nleo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/288542/original/file-20190819-123710-1a9nleo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=546&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/288542/original/file-20190819-123710-1a9nleo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=546&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/288542/original/file-20190819-123710-1a9nleo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=546&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le Congrès Solvay en 1927. Du derrière au devant, et de gauche à droite : Auguste Piccard, Émile Henriot, Paul Ehrenfest, Édouard Herzen, Théophile de Donder, Erwin Schrödinger, Jules-Émile Verschaffelt, Wolfgang Pauli, Werner Heisenberg, Ralph Howard Fowler, Léon Brillouin, Peter Debye, Martin Knudsen, William Lawrence Bragg, Hendrik Anthony Kramers, Paul Dirac, Arthur Compton, Louis de Broglie, Max Born, Niels Bohr, Irving Langmuir, Max Planck, Marie Skłodowska Curie, Hendrik Lorentz, Albert Einstein, Paul Langevin, Charles-Eugène Guye, Charles Thomson Rees Wilson, Owen Willans Richardson.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://9gag.com/gag/axNKG8Y/imagine-the-collective-iq-and-knowledge-solvay-conference-1927">Wikipedia</a></span>
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<p>Le Congrès Solvay se réunit toujours aujourd’hui. Mais la foule préfère se presser dans des cycles de grandes conférences qui chacune attire jusqu’à mille physiciens. Elles se tiennent en plein été, prenant avantage des vacances universitaires en se transportant de ville en ville. L’équilibre souhaité par la communauté se traduit par le choix, à tour de rôle, de tel ou tel continent. Le schéma est bien rodé et le cérémonial est immuable : discours de bienvenue déclamé par le représentant de la ville-hôte aux visiteurs de tous horizons ; discours de clôture où s’exprime la personnalité la plus en vue. Les organisateurs sont des physiciens locaux et leur charge est éphémère.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/288551/original/file-20190819-123749-1vouw4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/288551/original/file-20190819-123749-1vouw4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/288551/original/file-20190819-123749-1vouw4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/288551/original/file-20190819-123749-1vouw4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/288551/original/file-20190819-123749-1vouw4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/288551/original/file-20190819-123749-1vouw4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/288551/original/file-20190819-123749-1vouw4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jean Trân Thanh Vân.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://rencontresduvietnam.org/conferences/2016/search-for-life/committee/">Rencontres du Viêtnam</a></span>
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<p>Dans cet univers, un personnage est particulièrement remarquable. Il a gagné ses titres de noblesse en organisant des conférences. Il s’appelle <a href="https://www.aip.org/aip/awards/tate-medal/jean-tr%C3%A2n-thanh-v%C3%A2n">Jean Trân Thanh Vân</a> mais tout le monde l’appelle Tran ou plus familièrement Van. Cet attachant personnage est devenu plus influent que beaucoup de Prix Nobel ! Il dure depuis plus de 50 ans au sommet de l’empyrée. Les Prix Nobel, eux, sont par construction d’un âge avancé, quand aux directeurs de laboratoires, ils ne restent en fonction qu’un maigre quinquennat. Exemple de longévité, Tran porte durablement l’organisation de une, puis deux, et maintenant trois cycles annuels.</p>
<h2>Physique aux sommets</h2>
<p>Jadis, notre chercheur franco-vietnamien eut l’idée de réunir une vingtaine de jeunes collègues, tous à peine diplômés, dans un gîte des Alpes, pour échanger sur la physique du moment. C’était en janvier 1966 dans la localité de Moriond. Il loua un chalet bon marché, et ce fut le début d’une rencontre digne d’une colonie de vacances. Tous aidaient aux tâches domestiques, certains cuisinaient quand d’autres faisaient la vaisselle. Le ski n’étant qu’une occupation secondaire entre deux expertes discussions puisque la rencontre était labelisée séminaire de travail. Le terme Rencontre était novateur pour l’époque, un vocable dans l’air du temps, il restera une marque de fabrique et les « Rencontres de Moriond » furent pérennisées. Elles prirent la forme d’un rendez-vous annuel en mars, qui devint rapidement l’une des principales occasions d’échanges entre physiciens d’abord des particules, puis astrophysiciens et cosmologistes. Depuis 53 ans, les Rencontres réunissent chaque année de l’ordre de 450 participants. Le lieu a évolué. Tran, négociateur avisé, sélectionne le meilleur rapport qualité/prix de la prestation. Ainsi les Rencontres voyagèrent pour visiter les Arcs, la Plagne, Méribel… et maintenant la Thuile dans le Val d’Aoste.</p>
<h2>Sous les auspices de François 1<sup>er</sup></h2>
<p>Après avoir réussi à métisser la physique et le ski, Tran décida d’allier la science à la culture. Par un heureux hasard, il réussit à greffer une conférence de physique à l’intérieur même du Château Royal de Blois. C’était un cadre prestigieux pour des physiciens parfois mal dégrossis, résidence de 7 rois et de 10 reines de France. Entre deux exposés de cosmologie, on a pu se perdre dans le musée adjacent en empruntant l’escalier Renaissance. Une telle immersion permet de tout apprendre sur la généalogie des Valois, sans trop s’éloigner du boson de Higgs.</p>
<p>La première « Rencontre de Blois » eut lieu en 1989, célébrant les 25 ans de la découverte de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sym%C3%A9trie_CP">violation de symétrie CP</a>, phénomène fondamental qui tente d’expliquer la disparition de l’antimatière. Quatre Prix Nobel y participèrent.</p>
<p>Les <a href="http://blois.in2p3.fr/">« Rencontres de Blois »</a> fêtent cette année leur 31ème épisode sur le thème : « Physique des Particules et Cosmologie ». Les présentations se tiennent dans l’aile Gaston d’Orléans, où Louis XIII tentait de retenir son encombrant frère qui, à Paris, aimait comploter.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/288546/original/file-20190819-123741-121sbu9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/288546/original/file-20190819-123741-121sbu9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=500&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/288546/original/file-20190819-123741-121sbu9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=500&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/288546/original/file-20190819-123741-121sbu9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=500&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/288546/original/file-20190819-123741-121sbu9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/288546/original/file-20190819-123741-121sbu9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/288546/original/file-20190819-123741-121sbu9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’illustration des Rencontres de Blois, 2015.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://blois.in2p3.fr/2015/">Rencontres de Blois</a></span>
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<p>La manifestation est « un don du ciel » selon un ancien maire, et la conférence paye tribut à la ville royale en offrant aux Blésois une conférence grand public très suivie. Le faste de la Renaissance demeure, bien que le banquet, cérémonie obligatoire d’une telle manifestation, n’ait plus lieu comme auparavant dans le Château de Chambord. Là, une sonnerie de cors de chasse annonçait l’heure des agapes, et tous pouvaient alors discuter de l’âge de l’Univers au détour de l’escalier à double hélice, une coupe de champagne à la main.</p>
<h2>Retour aux sources</h2>
<p>Venu en France encore tout jeune pour passer une thèse de physique théorique à l’ENS, Tran s’est bâti un imbattable réseau d’amitiés dans toute la communauté et au-delà. L’âge avançant, il voulut œuvrer pour son pays natal. Avec sa femme Kim toujours à ses côtés, il créa d’abord une fondation en faveur des enfants orphelins de son pays d’origine. Mais bientôt, la physique reprit l’ascendant et il lança les <a href="https://rencontresduvietnam.org/?lang=fr">« Rencontres du Vietnam »</a>. La première édition eut lieu en 1993 à Hanoi. C’était une entreprise risquée mais les relations solides de Tran développées aux quatre coins du monde permirent de convaincre de nombreux physiciens de venir découvrir le Vietnam. Une seconde édition eut lieu à Ho Chi Minh ville à l’occasion d’une éclipse totale de Soleil. La machine était enclenchée, et la Rencontre s’est stabilisée depuis quelques années dans une ville située sur la côte au milieu du pays : Quy Nhon. Tran y a réussi à construire un centre pérenne de Congrès nommé ICISE doté d’une plage privée, qui favorise les contacts avec les chercheurs vietnamiens autrement très isolés. Cette année 21 colloques sont programmés, et cela fait progresser la cause de la physique fondamentale dans un pays qui a d’autres priorités.</p>
<p>Moriond, puis Blois, puis le Vietnam… Quoi d’autre à l’avenir ? Il ne reste plus à Tran qu’à organiser, dans 20 ou 30 ans d’aujourd’hui, un centre de rencontres au Paradis où les physiciens pourront échanger en toute connaissance de cause sur l’âge de l’Univers, et comprendre enfin ce que faisait le temps au moment du big bang.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120545/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Vannucci ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un physicien, ça voyage. Ski, bains de mer… Les colloques, rencontres et conférences servent aussi à travailler. Les exemples sont anciens.François Vannucci, Professeur émérite, chercheur en physique des particules, spécialiste des neutrinos, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1161092019-05-01T23:12:38Z2019-05-01T23:12:38ZJacques Derrida, penseur de l’accélération technologique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/271751/original/file-20190430-136794-l5yoca.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Jacques Derrida</span> <span class="attribution"><span class="source">Wikis</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p><em>Ce texte est publié à l’occasion du colloque <a href="https://esprit.presse.fr/rendez-vous/esprit/derrida-et-la-technologie-42014">« Derrida et la technologie »</a> organisé à Paris les 2, 3, 4 mai 2019 au <a href="https://globalcenters.columbia.edu/paris">Columbia Global Center</a>.</em></p>
<hr>
<p>Dans le paysage philosophique contemporain, Jacques Derrida occupe une place singulière, non seulement par rapport à l’histoire de la philosophie elle-même, mais aussi vis-à-vis de la manière dont il a traité la question de la technique, puis progressivement des technologies. S’il ne peut être considéré comme un philosophe de la technique, la question de la technique est toutefois omniprésente dans son œuvre, essentiellement parce qu’une notion centrale du geste philosophique qu’il a ouvert, à savoir la <a href="https://www.philomag.com/les-idees/grands-auteurs/jacques-derrida-et-la-deconstruction-7922"><em>déconstruction</em></a>, est l’écriture.</p>
<p>Ce que Jacques Derrida a perçu dans la technique de l’écriture, c’est un jeu de différence du sens. Ceci dans la mesure où ce qui est écrit est toujours susceptible de perdurer au-delà de la subjectivité de l’auteur, et d’être interprété différemment selon les contextes historiques et sociétaux. Le texte en tant que produit de l’écriture est une communication à distance, une « télé-communication ». Mais alors, quelle est la spécificité des technologies contemporaines, en particulier à l’ère numérique, vis-à-vis d’une technique (l’écriture) vieille de six millénaires ? Jacques Derrida a répondu à cette question dans <a href="http://www.editions-galilee.fr/f/index.php?sp=liv&livre_id=2783"><em>Echographies de la télévision</em></a> :</p>
<blockquote>
<p>« Le développement des technologies de l’information et de la communication sous leur forme actuelle nous conduit à penser la virtualisation de l’espace et du temps, la possibilité d’événements virtuels dont la vitesse interdit les logiques d’opposition. »</p>
</blockquote>
<h2>Démocratie ou repli sur soi ?</h2>
<p>Ce que vient provoquer le développement accéléré des technologies, du cyberspace, de la nouvelle topologie du virtuel, c’est une <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Echographies_of_Television">déconstruction pratique des concepts traditionnels</a> et dominants de l’État et du citoyen – et donc du « politique » dans leur lien à l’actualité d’un lieu proprement dit, d’un territoire strictement défini. Une dimension éthico-politique apparaît à ce niveau assez indéniable, même si les télé-technologies, à l’instar de l’écriture, agissent comme un <a href="http://arsindustrialis.org/pharmakon"><em>pharmakon</em></a>. Elles peuvent être autant un remède qu’un poison, tout dépend en fait de l’activité critique qu’elles suscitent ou non.</p>
<p>Dans un tel horizon, les technologies doivent s’accompagner de nouvelles formes de résistance. La concentration du pouvoir économique qui détermine en grande partie les médias, les télécommunications, l’informatisation, est dangereux pour la démocratie comme elle est en même temps une chance pour certaines dynamiques de démocratisation. Mais alors, comment répondre au danger sans annuler la chance ? </p>
<p>C’est bien un effort de discernement permanent auquel nous convie Derrida à l’heure où nos sociétés sont de plus en plus dominées par l’incertitude en se montrant simultanément toujours plus avides de créer ce que le sociologue <a href="https://theconversation.com/zygmunt-bauman-1925-2017-penseur-critique-de-la-modernite-liquide-71369">Zygmunt Bauman</a> (qui s’est d’ailleurs souvent référé dans son œuvre à Jacques Derrida) nommait des « zones de confort ». Si les écrans introduisent de l’ailleurs dans le « chez moi », « et le mondial à chaque instant », chacun se trouve « plus isolé, plus privatisé que jamais ». Et la revendication du « chez-soi » est d’autant plus puissante qu’est « violente l’expropriation technologique ». Ce sont de tels jeux d’ambivalence que nous avons à penser aujourd’hui, en sortant des schémas binaires auxquels nous sommes le plus souvent accoutumés. <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Echographies_of_Television">Une certaine inventivité interprétative doit en ce sens être résolument assumée</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/271753/original/file-20190430-136784-1fh5he7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/271753/original/file-20190430-136784-1fh5he7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/271753/original/file-20190430-136784-1fh5he7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/271753/original/file-20190430-136784-1fh5he7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/271753/original/file-20190430-136784-1fh5he7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/271753/original/file-20190430-136784-1fh5he7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/271753/original/file-20190430-136784-1fh5he7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Mur Derrida.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thierry Ehrmann/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Fragilisation d’un droit au secret</h2>
<p>Penseur de la différence, Derrida s’est toujours montré attaché aux écarts qui sont susceptibles d’intervenir dans notre relation aux technologies de l’information. Par exemple, même au niveau de celles et ceux qui ont accès simultanément, ou quasi simultanément, à la même séquence d’information et qui subissent, par conséquent, un certain type de programmation, se laisse percevoir des stratégies de réception qui sont toujours différentes : « cela se fait depuis des lieux différents, avec des stratégies différentes, des langages différents ». La relation aux technologies n’est jamais totalement neutre mais s’avère orientée par des contextes culturels et historiques, par un héritage qui <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Echographies_of_Television">« suppose des marques singulières »</a>.</p>
<p>Mais de telles observations n’empêchaient pas Derrida de s’inquiéter du caractère possiblement intrusif des technologies de la communication. Dans une logique de l’intrusion toujours possible dans la sphère subjective, on assiste à la fragilisation d’un droit au secret. Un tel droit – considérablement fragilisé aujourd’hui avec les moyens technologiques que nous connaissons et qui rendent possible une traçabilité quasi-absolue de nos vies quotidiennes – doit pourtant rester l’enjeu d’une attention particulière. Car si l’État doit se faire le garant d’une certaine idée du Bien, il est aussi susceptible de générer un <a href="https://www.liberation.fr/debats/2019/04/24/l-empire-du-signal-ou-les-dangers-d-un-controle-social-par-les-corps_1723156">contrôle social</a> quasi-total.</p>
<p>Au sein même des États dits démocratiques, nous assistons au développement massif de technologies qui assurent aux pouvoirs politiques une ubiquité quasi absolue, en saturant l’espace public et privé, « poussant à sa limite la <a href="https://www.idixa.net/Pixa/pagixa-0802280810.html">co-extensivité du politique et du policier</a> ». Or face au risque de rationalisation à l’extrême de l’existence, Jacques Derrida n’avait de cesse de nous rappeler les vertus de l’indétermination, en nous invitant à penser que l’<a href="https://theconversation.com/les-defis-ethiques-de-lidentite-numerique-111881">identité</a> se construit et se déconstruit sans cesse, par le fait même de ne pas tout garder en mémoire.</p>
<h2>Interpréter l’ère des écrans</h2>
<p>Là où la pensée de Jacques Derrida s’actualise également aujourd’hui, c’est parce qu’elle nous apprend à voir dans tout support, qu’il soit écrit ou audiovisuel, non pas une médiation où tout pourrait se dire (de l’autre et des événements), mais un lieu qui doit rester pleinement ouvert à un effort d’interprétation. Or c’est une culture de la mise en question de la représentation qui fait cruellement défaut dans nos sociétés médiatiques alors même que les canaux d’informations sont toujours l’enjeu d’un montage et d’une sélection ; c’est ce qui a faisait dire à Jacques Derrida au cours de ses échanges avec <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Safaa_Fathy">Safaa Fathy</a> <a href="https://www.editionsmontparnasse.fr/p1041/D-Ailleurs-Derrida">« qu’il y a toujours du texte dans l’image »</a>. Il y a à ce niveau un enjeu primordial en termes d’éducation et de formation. Le destin des images aujourd’hui, leur prévalence, leur autorité, nous imposent même d’inventer de nouveaux gestes critiques et interprétatifs. Il y a là un défi éthique et démocratique majeur à l’ère de l’accélération technologique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116109/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Antoine Chardel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La pensée de Jacques Derrida reste actuelle : elle nous apprend à voir dans tout support, écrit ou audiovisuel, un lieu qui doit rester pleinement ouvert à un effort d’interprétation.Pierre-Antoine Chardel, Professeur de sciences sociales et d'éthique, Institut Mines-Télécom Business School Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/872902017-11-13T20:14:31Z2017-11-13T20:14:31ZRéfléchir aux démarches qualité dans l’enseignement supérieur : partage d’expériences<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/194335/original/file-20171113-27607-olxk0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour améliorer leur qualité, institutions de recherche, écoles et laboratoires sont encouragés à se faire accréditer par des experts indépendants.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/en/lab-laboratory-research-scientific-385348/">felixioncool/Pixabay</a></span></figcaption></figure><p><em>À l’occasion du colloque annuel de l’Agence Universitaire de la Francophonie, tenu à Beyrouth les 7 et 8 novembre autour du thème <a href="https://theconversation.com/quand-les-forces-francophones-se-rapprochent-face-au-defi-de-la-qualite-87313">« la Francophonie universitaire face au défi de la qualité : pour un rapprochement des forces »</a>, plusieurs participants francophones réagissent sur la question de la démarche-qualité. Vue de l’Université de Genève, membre du G3.</em></p>
<hr>
<p>Partout dans le monde, l’assurance qualité des institutions de l’enseignement supérieur, et notamment des programmes d’études universitaires, est largement reconnue comme une composante essentielle du système d’éducation. En Europe tout comme en Amérique du Nord, il existe des lieux d’échange dans ce domaine. Toutefois, la très grande majorité des activités se tient généralement en langue anglaise.</p>
<p>Or, l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) avait déjà, en 2013, exprimé le besoin de développer des dispositifs qualité dans le monde de la francophonie (<a href="https://ag2013.auf.org/media/uploads/d%C3%A9claration_finale_16e_ag_auf-1.pdf">Déclaration AUF 2013 de Sao Paulo</a>).</p>
<p>Dès 2012, de part leur communauté d’esprit et d’intérêts sur ces questions d’assurance qualité les universités du G3, Université de Genève, Université de Montréal et l’Université libre de Bruxelles, s’étaient lancées dans des réflexions sur cette thématique, menées notamment par leurs trois responsables qualité – Claude Mailhot (UdM,) Laurence Rosier (ULB) et Stéphane Berthet (UNIGE).</p>
<p>Ces universités sont unies par une communauté d’intérêts et d’objectifs dans les domaines de l’enseignement, de la recherche et des services à la société. Elles entretiennent entre elles des liens particulièrement féconds, et sont soucieuses de leur positionnement international. Ce partenariat donne lieu au développement d’actions conjointes dans plusieurs domaines comme l’archéologie, la chimie, la biologie, le droit, les études internationales, la médecine, la santé publique, les neurosciences, les sciences de l’éducation, les sciences politiques, etc.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’importance des collaborations internationales francophones.</span></figcaption>
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<p>Le G3 s’est ainsi engagé dans l’organisation de colloques sur les démarches qualité avec l’objectif de créer un espace de réflexion et d’échanges au sein du monde francophile sur la qualité dans les institutions d’enseignement supérieur, en traitant notamment les évaluations des programmes d’études et les démarches d’amélioration des services. Le G3 cherche également à promouvoir le développement de politiques et pratiques qualité innovantes, et de les partager grâce à une collaboration renforcée entre les différents acteurs tels que les enseignants, les étudiants, les directions d’université, les spécialistes « qualité » des universités ou les agences d’assurance qualité.</p>
<p>Avec le premier colloque du G3 sur <a href="http://colloquequalite2014.g3univ.org/wp-content/uploads/sites/5/2014/10/programme-col-qual-g3.pdf"><em>La qualité dans tous ses états</em></a>, qui s’est déroulé à Bruxelles en octobre 2014, quatre thématiques ont été particulièrement traitées : perception et représentation de la qualité, appropriation des démarches qualité, méthodes, mesures et mise en œuvre d’une politique ou d’une culture qualité au sein d’une institution et enfin, gestion et organisation de la qualité.</p>
<h2>S’approprier la démarche qualité</h2>
<p>Il est ainsi apparu que tous les « systèmes qualité » sont des systèmes en tension entre les objectifs de contrôle (« redevabilité », reddition de compte) et ceux d’amélioration continue des programmes et des apprentissages qui s’inscrivent plutôt dans une démarche d’évaluation formative.</p>
<p>Les participants ont également débattu de l’intérêt, pour une institution d’enseignement supérieur, de disposer d’une politique qualité clairement définie et pleinement portée par la direction, afin qu’elle puisse s’améliorer en permanence dans ses missions de formation, de recherche et de service à la collectivité, mais également dans sa gestion.</p>
<p>Pour qu’une politique qualité soit efficace, il est important que les résultats acquis notamment par les procédures d’évaluation soient valorisés par une communication auprès de la communauté universitaire.</p>
<h2>Utiliser les bonnes techniques</h2>
<p>En 2016, le G3 a souhaité aller plus loin dans la réflexion, et dans un colloque à Genève, nous avons abordé la thématique centrale des outils de la démarche qualité, à savoir les outils mis en œuvre au sein des institutions de l’enseignement supérieur et leur intégration dans différentes approches qualité.</p>
<p>Parmi ces dernières on compte : l’accréditation d’institution, de systèmes qualité ou encore de programmes de formation (incluant la formation continue) ; l’accréditation de laboratoires de recherche ou de services administratifs ; l’audit de système qualité ; l’évaluation d’enseignement, de programmes de formation de base ou continue, d’entités académiques ou administratives, ou encore d’institutions.</p>
<p>Les outils (procédures pour l’accréditation, l’audit ou l’évaluation) peuvent être utilisés et définis par des experts externes aux institutions (agences, cabinets d’audit) ou par des experts internes (personnel dédié aux questions d’assurance qualité). Parmi les outils on trouve les documents explicitant au sein de chaque institution les démarches d’évaluation, les critères d’évaluation pris en compte qui peuvent varier selon le type d’évaluation, les tableaux de bord qui permettent de suivre l’état des évaluations ou encore les documents qui précisent les responsabilités des différents acteurs du processus qualité activé.</p>
<h2>Vu de Genève</h2>
<p>Ainsi, à l’Université de Genève, nous développons nos propres procédures et outils d’évaluation et ce que nous essayons de faire c’est de simplifier au maximum la procédure d’évaluation de programme afin d’alléger le travail d’auto-évaluation parfois assez lourd pour le directeur ou la directrice de programme. Cela nous a permis de faire adhérer plus facilement les professeurs soumis à cet exercice d’évaluation de programme systématique.</p>
<p>C’est une expérience que nous partageons lors des colloques. L’objectif poursuivi dans l’évaluation de programmes est généralement d’analyser le positionnement du programme dans le paysage régional, national et international, d’identifier les forces, faiblesses, opportunités et menaces du programme, de dégager des éléments permettant de soutenir le développement et l’amélioration continus du programme et par conséquent de l’institution.</p>
<p>Ces outils sont évolutifs, ils sont amenés à être enrichis constamment par l’évolution de l’environnement de l’enseignement supérieur, par les nouvelles tendances de l’assurance qualité et par le retour des personnes engagées dans les démarches qualité.</p>
<h2>Indicateurs de qualité</h2>
<p>Ces outils s’appuient le plus souvent sur des valeurs, des critères et des indicateurs de qualité. Ils permettent de traduire une vision de la qualité et une démarche propre à chaque établissement, mais aussi d’améliorer l’organisation et la gestion de l’institution et de mieux répartir le partage des responsabilités dans le cadre d’une démarche qualité.</p>
<p>Les nombreux participants <a href="https://g3-qualite2016.sciencesconf.org/data/pages/G3_2016_Resumes_2016_10_04.pdf">au colloque de Genève</a> ont ainsi pu comparer différentes approches et des différents contextes dans lesquels se déploient ces outils d’évaluation, faire une collecte d’idées ou de méthodologies à mettre en pratique et acquérir des pistes de développements d’outils ou même des outils pour leur propre environnement.</p>
<p>En organisant ces colloques, c’est plus de 180 personnes en provenance de tout le monde francophile, y compris des participants du Brésil, de l’Ukraine et du Vietnam qui sont venues échanger sur ces questions d’assurance qualité. Soutenu par l’AUF, dans l’organisation de ses événements, le G3 a pu montré, grâce à ces colloques, le dynamisme et la richesse des expertises et des mécanismes disponibles au sein de la francophonie pour développer et faire évoluer les démarches qualité dans l’enseignement supérieur.</p>
<p>En 2018, il organisera, toujours avec le soutien de l’AUF, un 3<sup>e</sup> colloque qui se déroulera du <a href="https://g3-qualite2018.sciencesconf.org/">24 au 26 octobre à Montréal</a> sur le thème : « Les démarches qualité en enseignement supérieur : quels en sont les effets ? »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/87290/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Berthet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le G3, groupement d’universités francophones, s’est particulièrement investi dans la manière démarche qualité afin de promouvoir des expériences et pratiques innovantes.Stéphane Berthet, Secrétaire général, Université de GenèveLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/873132017-11-12T20:07:12Z2017-11-12T20:07:12ZQuand les forces francophones se rapprochent face au défi de la qualité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/194219/original/file-20171111-29352-wci1dq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C5176%2C3142&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Agences signataires de la 'Déclaration de Beyrouth' le 8 novembre 2017.</span> <span class="attribution"><span class="source">AUF</span></span></figcaption></figure><p><em>À l’occasion de son colloque annuel les 7 et 8 novembre, à Beyrouth (Liban) autour de la thématique <a href="https://www.auf.org/nouvelles/agenda/colloque-annuel-de-lauf-qualite-lenseignement-superieur/">« la Francophonie universitaire face au défi de la qualité : pour un rapprochement des forces »</a>, l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) a réuni plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, représentants des agences nationales, experts de l’assurance qualité. Jean‑Paul de Gaudemar, recteur de l’AUF, décrypte les enjeux de cette rencontre pour The Conversation France.</em></p>
<hr>
<p>Le monde universitaire francophone a connu d’importantes transformations et un essor sans précédent depuis une vingtaine d’années. À l’exception de la France qui connaît une démographie estudiantine en hausse, cette dernière est plutôt stable dans la <a href="http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Tertiary_education_statistics/fr">plupart des pays européens</a> ou d’Amérique du Nord.</p>
<p>En revanche, dans la plupart des pays dits « du Sud » cette démographie a crû de manière exponentielle. Il y a ainsi <a href="https://www.contrepoints.org/2015/02/28/199541-il-y-a-deux-fois-plus-detudiants-dans-le-monde-quen-2000">aujourd’hui deux fois plus d’étudiants dans le monde qu’en 2000</a>.</p>
<p>Loin de rester confiné à une élite, l’enseignement supérieur s’est démocratisé dans de nombreux pays illustrant de nouvelles aspirations au sein des sociétés, la montée des classes moyennes, ou le besoin de qualifications plus élevées pour le développement.</p>
<p>En revanche, cette croissance a souvent été accompagnée de politiques publiques insuffisantes et nous faisons aujourd’hui face <a href="https://www.timeshighereducation.com/news/expansion-in-global-higher-education-has-increased-inequality">à une offre universitaire démultipliée, globale mais très inégale</a>.</p>
<p>Les conséquences peuvent être catastrophiques avec des jeunes diplômés mal préparés à la réalité de marchés de l’emploi peu capables de les absorber. Beaucoup <a href="https://www.theguardian.com/global-development/poverty-matters/2011/aug/31/consequences-increasing-access-to-education">se retrouvent alors vite marginalisés</a>.</p>
<h2>« Il faut éviter que la quantité n’étouffe la qualité »</h2>
<p>La prise de conscience et la réponse des gouvernements sont souvent trop lentes. Pourtant il est nécessaire aujourd’hui d’éviter que la quantité n’étouffe la qualité. Pour cela, il faut que les gouvernements investissent davantage dans ce domaine essentiel et que les institutions d’enseignement supérieur et de recherche acceptent de véritables processus d’évaluation sur la qualité de leur offre éducative, basés sur des référentiels exigeants et permettant de souligner les changements nécessaires : <a href="https://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2009-2-page-79.htm">c’est l’assurance-qualité</a>.</p>
<p>En France cette question a été longtemps débattue avant que les autorités n’installent, il y a 10 ans, une <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid20566/installation-de-l-agence-d-evaluation-de-la-recherche-et-de-l-enseignement-superieur-aeres.html">agence d’évaluation de l’enseignement supérieur</a> (AERES) devenue depuis le <a href="http://www.hceres.fr/PRESENTATION/Missions">Haut Conseil d’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur</a> (HCERES).</p>
<p>Beaucoup d’autres pays du monde francophone se sont engagés sur ce chemin et peu à peu, sont nées différentes agences d’assurance-qualité. À l’AUF cette question est au cœur de notre <a href="https://www.auf.org/wp-content/uploads/2017/04/Strat%C3%A9gie-2017-2021.pdf">stratégie</a> car la promotion de la francophonie universitaire ne peut passer que par une qualité démontrée. Au Liban et notamment à l’<a href="https://www.usj.edu.lb/qualite/files/objectif.html">Université Saint-Joseph</a> on est ainsi très attaché au dynamisme de la démarche d’assurance-qualité. Ce sont d’ailleurs des échanges tenus à Beyrouth l’an dernier tant avec nos membres qu’avec leur ministère de tutelle qui ont inspiré la tenue de ce colloque.</p>
<p>On nous a souvent posé la question : pourquoi l’AUF ne jouerait-elle pas ce rôle d’agence d’assurance-qualité auprès de ses membres ?</p>
<p>Mais ce n’est ni notre vocation ni notre domaine d’expertise. L’assurance-qualité ne s’improvise pas. Nous préférons nous concentrer sur l’accompagnement de nos membres dans cette direction et nous appuyer sur les acteurs spécialisés que sont notamment les agences pour porter les opérations d’évaluation, d’accréditation et plus généralement d’assurance-qualité.</p>
<h2>Répondre aux besoins spécifiques des membres</h2>
<p><a href="https://www.auf.org/les_membres/nos-membres">L’AUF compte plus de 800 d’établissements</a> d’enseignement supérieur répartis dans une centaine de pays. Leurs situations sont très disparates. Certes, de nombreuses agences existent, surtout anglo-saxonnes. Elles ont été les premières à <a href="http://www.tandfonline.com/doi/full/10.1016/j.polsoc.2014.09.005">s’engager sur ce terrain</a>, créant un véritable marché aujourd’hui tourné vers les <a href="https://www.elsevier.com/books/the-rise-of-quality-assurance-in-asian-higher-education/shah/978-0-08-100553-8">économies émergentes</a>. Dans ce contexte, il est souhaitable que les opérateurs d’assurance-qualité francophones ou installés dans des pays où se trouvent des établissements de l’AUF, soient plus visibles, plus disponibles aussi pour répondre à une demande croissante et fournir ainsi une vraie alternative francophone.</p>
<p>Le rapprochement des forces francophones en ce domaine et les mutualisations correspondantes sont des éléments essentiels de réponse. C’est tout l’intérêt de la <a href="https://www.auf.org/maghreb/nouvelles/actualites/a-beyrouth-forces-francophones-se-rapprochent-faveur-de-qualite-lenseignement-superieur-recherche/">déclaration adoptée à Beyrouth</a> par huit de ces agences que d’opérer ce rapprochement au sein du réseau dénommé FRAQ-Sup (<a href="https://www.fraq-sup.fr/">Réseau francophone d’Assurance-Qualité pour l’enseignement supérieur)</a>. Il appartient à l’AUF de le soutenir pour lui permettre de constituer cette alternative francophone souhaitée par tant de nos membres.</p>
<h2>Former, sensibiliser, préparer</h2>
<p>Adopter une démarche vers l’assurance-qualité ne se fait pas du jour au lendemain. C’est ici que l’AUF a un rôle de facilitateur : il faut expliquer, afin de sensibiliser et proposer à nos membres de former leurs cadres à l’importance et à la culture de l’assurance- qualité, leur faire connaître le réseau d’agences d’évaluation dont ils ne connaissent pas forcément l’étendue du fonctionnement ni de leur impact possible.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/194243/original/file-20171112-29389-8z036a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/194243/original/file-20171112-29389-8z036a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/194243/original/file-20171112-29389-8z036a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/194243/original/file-20171112-29389-8z036a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/194243/original/file-20171112-29389-8z036a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/194243/original/file-20171112-29389-8z036a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/194243/original/file-20171112-29389-8z036a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les 7 et 8 novembre 2017, le colloque de l’AUF a réuni des experts, chercheurs et institutions du monde entier autour de la démarche-qualité au sein du monde académique francophone.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AUF</span></span>
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<p>C’est ainsi que nous avons lancé ces dernières années un exercice d’<a href="https://www.auf.org/nouvelles/actualites/temps-fort-pour-le-projet-auto-evaluation-des-univ/">auto-évaluation au Maghreb</a> suivi par près d’une centaine de nos membres. De même dans quelques pays d’Afrique subsaharienne avec le <a href="http://www.lecames.org/">concours du Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur</a> (CAMES). Cela a permis aux acteurs locaux de mieux s’approprier des notions et des processus qu’ils ne maîtrisaient pas forcément voire qu’ils redoutaient parfois.</p>
<p>Il est important en effet de faire comprendre qu’évaluation ou assurance-qualité ne signifient pas contrôle administratif normatif mais désignent un processus d’amélioration continue adaptée à son contexte. On ne doit pas imposer « par le haut » l’assurance-qualité mais faire en sorte qu’elle soit appropriée par ceux qui en seront les bénéficiaires.</p>
<p>Les décisions gouvernementales sont essentielles car elles donnent une légitimité institutionnelle aux démarches d’assurance-qualité et aux acteurs qui y opèrent. Elles donnent aussi des contreparties positives aux progrès effectués. Mais elles ne trouvent leur pleine efficacité que si les établissements s’emparent de la démarche. Un de nos outils pour aider à cette compréhension est l’<a href="http://ifgu.auf.org/">Institut de la Francophonie pour la Gouvernance Universitaire</a> (IFGU) basé à Yaoundé.</p>
<p>Cet institut a pour mission de contribuer à la qualité de la gouvernance universitaire notamment en formant ses cadres : nous allons élargir son périmètre d’action en nous appuyant sur notre <a href="http://esfam.auf.org/">école de management de Sofia en Bulgarie</a> mais aussi sur l’expertise de nos membres. Ainsi sur l’<a href="http://www.usenghor-francophonie.org/">Université Senghor à Alexandrie</a> (Égypte) ou encore sur le <a href="http://g3univ.org">réseau G3</a> – qui regroupe l’Université Libre de Bruxelles, l’Université de Montréal et l’Université de Genève – prêts à apporter son concours.</p>
<h2>Redonner le goût à la langue française par une éducation de qualité</h2>
<p>Dans quel but oeuvrons-nous à améliorer la qualité des institutions d’enseignement francophones ? Pour nos enseignants, pour faire rayonner nos établissements, et à travers eux la francophonie universitaire, mais avant tout pour l’étudiant. C’est pour cela que sa place est cruciale au sein des processus d’évaluation. Cette tendance ne fait pas toujours l’unanimité au sein des établissements. En France, pays longtemps frileux en ce domaine les <a href="https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2008-5-page-46.htm">choses bougent doucement</a> et c’est heureux.</p>
<p>Le soutien que nous voulons accorder au réseau FRAQ-Sup ne cherche pas à imposer un seul type de réseau d’agences ou d’expertise mais sa constitution peut contribuer à ce que la francophonie soit à nouveau synonyme d’excellence. Les jeunes générations francophones cherchent d’abord une formation qui leur assure un avenir. Nous devons leur apporter des réponses pour redonner goût à la langue française dans le futur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/87313/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Paul de Gaudemar ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour accompagner les grandes transformations du monde universitaire francophone, les acteurs de la francophonie s’engagent durablement dans la démarche-qualité dans l’enseignement supérieur.Jean-Paul de Gaudemar, Professeur, Recteur de l'Agence Universitaire pour la Francophonie, Agence Universitaire de la Francophonie (AUF)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/812782017-09-03T20:35:58Z2017-09-03T20:35:58ZChercheurs, soyez collaboratifs !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/184172/original/file-20170831-22617-qs79kb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/eduhk_gradsch/35886125522/in/album-72157686448522106/">Graduate School EdUHK / Flickr</a></span></figcaption></figure><p><em>Depuis 2010, l’<a href="https://www.eduhk.hk/gradsch/">École Doctorale de l’Université d’éducation de Hong Kong</a> (classée seconde dans son domaine en Asie) organise une Université d’été. Cette année, quatre chercheurs de l’Université de Lorraine ont été invités à participer à cet événement au rayonnement international.</em></p>
<hr>
<p>L’histoire commence par la rencontre entre Dominique Macaire et Lisa Jeanson, Jérémy Filet et Laura Déléant dans le cadre de l’organisation de la <a href="https://jijc2017.event.univ-lorraine.fr/">Journée Internationale des Jeunes Chercheurs 2017</a>. La professeure, à l’origine des échanges entre ces deux universités, propose alors aux jeunes chercheurs de co-construire un atelier destiné aux étudiants de master et aux doctorants.</p>
<p><strong>Première étape : l’accueil de la délégation hongkongaise à l’Université de Lorraine</strong></p>
<p>Pendant deux jours, l’<a href="http://factuel.univ-lorraine.fr/node/6528">équipe entraîne douze doctorants de l’EduHK à l’exercice de « Ma thèse en 180 secondes »</a> : un choc culturel. Concision, simplicité et engagement : un mode de communication bien loin des conventions de présentation dans ce pays. Pourtant, la délégation est conquise et adopte l’équipe et ses pratiques à l’unanimité.</p>
<p><strong>Deuxième étape : exportation du « Made in France »</strong></p>
<p>Quelques mois plus tard, l’équipe des quatre chercheurs lorrains traverse les continents et passe à la vitesse supérieure. Le pari : intégrer l’atelier à la française à l’<a href="https://www.eduhk.hk/gradsch/iprrfss2017/">_International Postgraduate Roundtable and Research Forum cum Summer School 2017 _</a> dont le thème est « Whole person development, student as academic leader ».</p>
<p>La formule comprend deux volets. Pour commencer, Dominique Macaire, professeure en didactique des langues, introduit les principes généraux de la présentation orale lors d’un cours magistral en comparant les cultures universitaires dans le monde.</p>
<p>Ensuite, les doctorants de tous horizons disciplinaires et culturels participent à l’atelier proposé par Jérémy Filet, doctorant en Civilisation britannique du XVIII<sup>e</sup> siècle, Lisa Jeanson et Laura Déléant, toutes deux doctorantes en Ergonomie cognitive.</p>
<h2>Présenter ses recherches à un niveau international</h2>
<p>Aborder la présentation orale de ses recherches ne relève pas d’une simple organisation du propos scientifique, ce que souvent du reste l’auditoire ne saisit pas. Il faut aussi créer sa marque de fabrique, <a href="https://theconversation.com/chacun-sa-route-chacun-son-personal-branding-un-incontournable-pour-les-etudiants-79719">son <em>brand</em></a> pour être convaincant. Et savoir qu’à l’international, les codes sont différents.</p>
<p>Premièrement, il faut apprendre à soigner sa présentation orale. Voix, gestes, posture : une communication ne se résume pas qu’au contenu. Deuxièmement, créer un bon support. Design, informations et ergonomie : un visuel efficace ne distrait pas l’auditoire, mais soutient l’orateur. Et ce n’est pas tout, voilà l’originalité de l’atelier : le public a la possibilité d’appliquer ces conseils en direct.</p>
<p>« Ma thèse en 180 secondes » est proposée comme exercice pour améliorer sa prestation. Les participants sont ainsi invités à présenter leurs travaux face au public. Jiyun Bae (Japon) et Michael Dannhauer (Allemagne) se prêtent au jeu et exposent leur sujet de recherche en trois minutes. La session se poursuit par un <em>brainstorming</em> ouvrant les échanges.</p>
<p>Chacun reçoit un retour et des recommandations personnalisées, pouvant aussi servir aux autres doctorants présents. Rien n’est figé, les interactions nourrissent également l’atelier. En effet, les formateurs prennent en compte les nombreux <em>feedbacks</em> reçus afin d’améliorer sans cesse leur méthode. La proposition de la délégation française s’intègre parfaitement dans le thème de la <em>summer school</em> de l’EduHK.</p>
<h2>La <em>Summer School</em> de l’EduHK : un événement international par et pour les doctorants</h2>
<p>Du 3 au 7 juillet 2017, cet évènement a accueilli 1 200 participants dont 300 chercheurs et 600 communicants de 14 pays et régions différentes (Asie du Sud-Est, Europe de l’Est, Amérique du Nord). Six conférenciers invités, d’horizons disciplinaires et culturels variés, y ont abordé la question du <em>leadership</em>, du développement personnel et des compétences de recherche des doctorants.</p>
<p>Les 600 présentations orales de 10 minutes ont été réparties dans 5 sessions parallèles. Ces panels ont été modérés par le comité d’organisation, exclusivement composé de doctorants venus d’universités du monde entier.</p>
<p>La <a href="https://www.Flickr.com/photos/152933962@N04/sets/72157686448522106/"><em>summer school</em></a> comptait aussi une table ronde sur le thème « Whole person development, bulding students as academic leaders » avec deux membres de chaque délégation des universités présentes. À la fin de celle-ci, Professeur LO, directeur de l’école doctorale de l’EduHk a proposé de créer un groupe international de jeunes chercheurs de toutes disciplines. Tous ces évènements s’inscrivent dans le système de la recherche, devenu complexe.</p>
<h2>L’intégration des doctorants dans un système complexe</h2>
<p>Le monde scientifique ne s’inscrit plus dans une logique binaire, locale ou globale. Le doctorant ne peut plus rester dans son bureau dans le simple but de rédiger sa thèse, il doit développer des compétences et construire son temps de doctorat.</p>
<p>La <a href="https://theconversation.com/un-an-apres-quoi-de-neuf-docteur-la-valorisation-du-doctorat-un-levier-pour-lavenir-55785">valorisation de la recherche</a>, quant à elle, va au-delà d’une simple présentation orale ou écrite. La participation à de tels événements permet de nourrir à la fois le doctorant d’un point de vue individuel, mais aussi les différentes communautés scientifiques.</p>
<p>De plus, les chercheurs se doivent d’apprendre à travailler au sein d’équipes interdisciplinaires et interculturelles. Ces manifestations aident les jeunes chercheurs à étendre leur réseau universitaire et à poser les bases de futures coopérations. C’est grâce à la transmission et au partage que les doctorants peuvent s’adapter à ce système complexe.</p>
<p>En plaçant les doctorants au centre d’évènements internationaux, les écoles doctorales leur donnent l’occasion d’acquérir des compétences d’organisation, d’assumer de nouvelles responsabilités afin d’asseoir <a href="https://theconversation.com/quand-je-serai-grand-je-voudrais-etre-chercheur-75640">leur statut de jeunes chercheurs</a>, leur évitant ainsi de <a href="https://theconversation.com/massive-expansion-of-universities-in-asia-raises-tough-questions-on-social-mobility-54680">rester sur le carreau</a>.</p>
<p>Délestés de leurs frontières, ces nouveaux <a href="https://theconversation.com/le-doctorat-une-tradition-a-laube-de-sa-potentielle-transformation-77637">systèmes complexes collaboratifs</a> sont alors une aubaine pour les plus téméraires prêts à aller voir ailleurs…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/81278/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans un système complexe, les universitaires donc les doctorants doivent s'inscrire dans des démarches collaboratives pour réussir leurs projets. Retour d'expérience après un séminaire à Hong Kong.Lisa Jeanson, Doctorante en Ergonomie Cognitive, Groupe PSA/laboratoire PErSEUs, Université de LorraineDominique Macaire, Professeure des universités à l'école supérieure du professorat et de l'éducation, Université de LorraineJérémy Filet, Doctorant en civilisation Britannique du XVIIIème siècle, Université de LorraineLaura Déléant, Doctorante en Ergonomie Cognitive, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/764782017-05-12T10:00:20Z2017-05-12T10:00:20ZLet’s conf’… exploration d’un écosystème académique en pleine saison des conférences (2)<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/168965/original/file-20170511-32610-1obskrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C120%2C1908%2C1313&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le colloque annuel …</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/public-discours-haut-parleur-1677028/">Pixabay</a></span></figcaption></figure><p>Cette seconde partie est consacrée à la dimension institutionnelle de l’éco-système et en particulier aux rôles de à la Fnege et des associations académiques – ou sociétés savantes – qu’elle fédère depuis 50 années.</p>
<h2>Approche institutionnelle (ministère, Fnege)</h2>
<p>Sous l’angle institutionnel, le <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/">ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche</a> et la <a href="http://www.fnege.org/">Fnege</a> sont parmi les grands acteurs de cet écosystème. Ils en assurent concrètement la gouvernance et en partie la pérennité. Nous pouvons illustrer ci-dessous les acteurs de cet écosystème, ainsi que certaines de leurs relations, positionnées en fonction du couplage académique/institutionnel.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/169009/original/file-20170511-32624-1tgtij4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/169009/original/file-20170511-32624-1tgtij4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/169009/original/file-20170511-32624-1tgtij4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/169009/original/file-20170511-32624-1tgtij4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/169009/original/file-20170511-32624-1tgtij4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/169009/original/file-20170511-32624-1tgtij4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/169009/original/file-20170511-32624-1tgtij4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/169009/original/file-20170511-32624-1tgtij4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">EcoSystFnege.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marc_Bidan</span></span>
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<p><strong>1. Le ministère et sa galaxie</strong></p>
<p>Le ministère – et ses fameux bras armés technologiques que sont <a href="http://wwwfnege.org/">galaxie</a> et tous ses exotiques satellites : electra, antares, helios, etc. – a en charge l’organisation opérationnelle et administrative du recrutement puis de la gestion des carrières des enseignants-chercheurs en poste à l’université. Il est assez peu présent concernant les programmes et les maquettes des diplômes qui, historiquement, sont de la responsabilité des universités. Elles sont parfois accompagnées par les associations académiques ou sociétés savantes via par exemple un processus de labellisation de leur master (<a href="https://www.myrhline.com/actualite-rh/labellisation-reference-rh-pour-le-master-2eme-annee-gecorh-gestion-des-competences-et-des-ressources-humaines.html">AGRH</a>, AIM…). Notons toutefois, à propos du processus de validation des diplômes, deux exceptions. Il s’agit des <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid20192/diplome-universitaire-technologie.html">diplômes universitaires de technologies</a> (DUT) au sein des IUT et les diplomes comptables supérieurs <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid74649/diplomes-comptables-superieurs-d-d.html">(DCG, DSCG et DEC)</a> qui demeure pilotés et validés au niveau national par les services du ministère.</p>
<p><strong>2. Le ministère et le Cnu</strong></p>
<p>Le ministère peut donc s’appuyer sur les sessions plénières régulières du CNU ayant lieu en général en février, en mai et en septembre pour délibérer sur les qualifications préalables qui donneront alors le « top départ » aux concours de recrutement des EC qui seront ensuite organisés par les universités elles-mêmes. Pour ceux qui seront qualifiés, commence alors la course aux fameux <a href="https://www.galaxie.enseignementsup-recherche.gouv.fr/ensup/pdf/comite_selection/guideCOMSEC2015.pdf">comités de sélection</a> (CS) eux-mêmes à l’origine, pour ceux qui seront auditionnés, des épiques « tour de France » des candidats et/ou des examinateurs que les uns raconteront plus tard et que les autres mélangeront…</p>
<p>Les uns – les candidats – raconteront leur épopée avec un entretien brillamment réussi (motivé !) tôt le matin à Lille et passablement raté (fatigué !) tard dans la même journée à Nantes – et s’en souviendront. Cette romanesque épopée en métropole et outre-mer détermine souvent – si tout se passe bien – le premier poste, la première affectation, la première université, les premiers <em>amphis</em> du matin assurés fébrilement après avoir pourtant triomphalement trouvé l’incontournable appariteur maître des clés… Ce tour de France signifie aussi concrètement pour une ou un jeune enseignant-chercheur sa titularisation après l’expérience d’un <a href="http://act.hypotheses.org/2029">post-doc</a> ou d’un poste <a href="http://www.education.gouv.fr/cid1217/les-attaches-temporaires.html">d’ATER</a> par exemple !</p>
<p>Les autres – les examinateurs – se souviendront plus ou moins clairement du <a href="http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/L_alcool_sur_les_lieux_de_travail.pdf">plateau-repas sans alcool</a> – car c’est contraire à la ferme position du nouveau président de l’université qui s’est d’ailleurs fendu d’une magnifique et explicite directive affichée <em>salle du conseil</em> – à la pause de midi, des bons candidats qu’ils auraient bien voulu voir candidater chez eux et du train qu’ils ont raté le soir après avoir flâné en ville avec un sympathique collègue ex-camarade de promotion <a href="http://www.fnege.org/nos-programmes/cefag">Cefag</a> ou ex-compétiteur à l’<a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid22721/les-concours-nationaux-d-agregation.html">agrégation</a> et bien sur… bêtement perdu de vue dans un monde pourtant devenu <a href="https://www.amazon.fr/tout-petit-monde-David-Lodge/dp/2869305583">tout petit depuis 2004</a>. D’ailleurs, ils se recroiseront peut-être durant l’autre tour de France – celui des jurys de thèse – de l’automne suivant…</p>
<p><strong>3. Le ministère et l’agrégation</strong></p>
<p>Justement, parlons de l’agrégation… Le ministère peut donc littéralement <em>court-circuiter</em> le CNU. Il lui faut pour cela ouvrir, tous les deux ans, le controversé mais romanesque concours national d’agrégation <em>externe</em> en sciences de gestion dont il fournit même les <a href="https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Personnels_enseignants_chercheurs/21/9/Bibliographie_ccs_2016-2017_720219.pdf">24 pages de bibliographie indicative</a>. L’agrégation interne est actuellement remisée aux oubliettes de l’histoire. Elle est peu ou prou remplacée par la procédure de qualification au titre de l’article 46.1 pilotée par le CNU (puis passage en CS). Notons également la procédure de qualification au titre de l’article 46.3 (qui n’exige pas la HDR) qui est inversée car elle est pilotée par les CS avant que les résultats des auditions ne soient validés (ou pas !) par le CNU.</p>
<p>L’agrégation externe permet donc de recruter un certain nombre de professeurs des universités en sciences de gestion – <a href="http://www.fnege.org/assets/backend/javascripts/kcfinder/upload/files/PV_ADMIS.2017_744526.pdf">7 lauréats cette année</a> – après trois épreuves. Il est certes toujours utile et opportun de bien lire le <a href="https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Personnels_enseignants_chercheurs/58/8/Rapport_Agreg_Sup_Sc_Gestion2015_443588.pdf">rapport du jury</a>. Sommairement, nous pouvons rappeler les trois épreuves, une première épreuve basée sur les travaux et le background du candidat, une seconde épreuve basée sur ses connaissances en sciences de gestion en général et une dernière basée sur ses connaissances sur une spécialité de son choix. En général, à l’issue de chacune des trois épreuves, une partie des candidats est éliminée. Puis, les heureux lauréats se voient proposer une affectation en tant que professeurs des universités titulaires (cette <a href="https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/statistiques/13/5/bilan_recrutement_2014_v2_405135.pdf">titularisation</a> sans passer par la case « stage » est rare dans la fonction publique) en cohérence avec son classement. Cette quatrième épreuve est la moins académique – et parfois cruelle – avec des projets de vie qui basculent au gré du tour de table piloté par la ou le président(e) du jury et ce, par rang décroissant de classement.</p>
<p>En règle général, soyons clair, plus le tour de table avance plus le <em>choix numéro 1</em> un instant envisagé s’éloigne… mais là encore notre écosystème a tout prévu. En pratique, cette quatrième épreuve a lieu à Paris. Elle est placée sous la responsabilité du major du concours (félicitations) qui a pour mission que <em>tout se passe bien _lors du tour de table. Celui-ci fait l’<a href="https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Personnels_enseignants_chercheurs/90/3/Note_relative_a_la_reunion_de_choix_des_affectations_743903.pdf">objet d’une note</a> et a lieu en présence des lauréats, de la présidente ou du président du jury et de la représentante officielle des RH du MESR collectant les signatures des lauréats actant leur entrée dans le corps de professeurs des universités. Ce tour de table précède le _verre de l’amitié</em> offert par la Fnege et qui marque la fin du concours et le début d’une autre aventure !</p>
<p>*<em>4. La Fnege et ses 25 associations partenaires… *</em></p>
<p>La Fnege depuis son siège parisien a également ses bras armés que sont les 25 associations académiques affiliées à la fondation. Elles ont pour mission d’impulser, d’accompagner et de diffuser les travaux scientifiques des collègues au sein des institutions qui les accueillent.</p>
<p>À ce propos, le délégué général (M. Thevenet, successeur de PL. Dubois) et ses équipes sont justement en charge de ce travail d’information, de coordination, de proposition (nouvelle formule des prix de thèses, labellisation des ouvrages…) et parfois d’arbitrage. Il s’agit souvent de rassembler les troupes autour de projets communs afin d’assurer une certaine visibilité. Nous pouvons citer les deux contributions suivantes : (1) le <a href="http://www.fnege.org/publications/classement-des-revus">classement des revues</a> (gestion) qui se différencie de la liste de la section 37 du CNRS (économie et gestion) et (2) encore le <a href="http://www.fnege.org/tests/tests-tage-post-bac">test TAGE Post Bac</a> mis à disposition des écoles de management pour la sélection des candidats.</p>
<p>Nous abordons donc ces fameuses associations académiques qui regroupent les collègues EC de toute provenance géographique et/ou institutionnelle. Elles sont non exclusives. Elles se positionnement par infradisciplines historiques comme, par exemple, les spécialités proposée à l’agrégation, (le marketing, la stratégie, la finance, la comptabilité, les ressources humaines, la gestion des systèmes d’information et de communication, la production et la logistique, la gestion juridique…) ou encore par infradisciplines transverses (le management du tourisme, l’histoire du management, le management international, la <a href="https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Personnels_enseignants_chercheurs/58/8/Rapport_Agreg_Sup_Sc_Gestion2015_443588.pdf">société française de management</a>, etc.)</p>
<p>Pour des raisons diverses et variées dont certaines sont dues à l’attractivité de l’infradiscipline et à l’ouverture de nouveaux champs de recherche, ces associations académiques sont de plus en plus nombreuses. Outre l’évident intérêt romanesque (scission, trahison, recomposition, défrichage, peu (ou pas encore) de fusion/absorption…), cette fragmentation pose à chacune d’elle le problème de sa représentativité (et parfois même de son existence) et à la maison mère – la Fnege – le défi d’une juste coordination.</p>
<h2>Les associations académiques partenaires via le cas de l’AIM</h2>
<p>Toutefois, ces associations dont les plus massives en termes d’effectifs sont l’AGRH, l’AIMS, l’AFM ou l’AFFI montrent des caractéristiques communes et se standardisent. Elles proposent, pilotent ou détiennent selon les cas une ou plusieurs revues de références (RAM et DM pour l’AFM, SIM pour l’AIM, m@n@gement pour l’AIMS…), elles sont structurées en association loi 1901 avec un conseil d’administration et un bureau, leur président est membre de droit du conseil scientifique de la Fnege, elles existent et infusent sur les réseaux sociaux et sur le net, elles sont souvent le chapter français ou francophone d’associations ou de fédérations internationales.</p>
<p>Nous avons reproduit ci-dessous l’écosystème particulier de l’<a href="https://Twitter.com/AssoAim">AIM</a>. Cette jeune association, crée notamment à l’initiative de F. Rowe, P. Eyrignoux et <a href="http://www.vuibert.fr/ouvrage/9782311012354-systemes-d-information-et-management">R. Reix</a> est le chapter français de l’AIS. Elle regroupe les collègues francophones (France, Canada, Suisse, Afrique…) travaillant sur la gestion des systèmes d’information et de communication selon le libellé qualifiant l’épreuve de spécialité (3<sup>e</sup> leçon en loge) à l’agrégation</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/169011/original/file-20170511-32588-x2z5o6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/169011/original/file-20170511-32588-x2z5o6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/169011/original/file-20170511-32588-x2z5o6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/169011/original/file-20170511-32588-x2z5o6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/169011/original/file-20170511-32588-x2z5o6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/169011/original/file-20170511-32588-x2z5o6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/169011/original/file-20170511-32588-x2z5o6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/169011/original/file-20170511-32588-x2z5o6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">EcoSystAim.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marc_Bidan</span></span>
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<p>Enfin, elles ont pour mission d’assurer le « vivre ensemble » des collègues – du doctorant facétieux au président d’université surbooké (ou l’inverse) – au sein de leur communauté de rattachement. Le CA de l’association a la responsabilité de choisir l’équipe et de suivre l’organisation de la rituelle conférence (ou congres ou conférence ou symposium peu importe le flacon, pourvu…) annuelle.</p>
<h2>Le rituel de la conférence annuelle</h2>
<p>À ce propos, les réjouissances ont lieu au printemps c’est-à-dire en ce moment c’est au en ce moment même. L’institution – mais que diable allait elle faire dans cette galère ? – qui organisera ce rendez-vous annuel, sous le regard anxieux du trésorier de l’association, aura à proposer et à déployer un comité d’organisation et un comité scientifique (souvent étoffé d’un comité de lecture qu’il ne faudra pas oublier de remercier lors du gala !).</p>
<p>Le premier se battra avec le traiteur, le second avec les relecteurs. Le premier aura peur qu’il pleuve sur le pont supérieur du fameux trois mats loué pour le social event du jeudi soir (ou que la houle soit forte si une aventureuse sortie en mer est envisagée !) et le second aura peur que le <em>guest speaker</em> contacté et invité de haute lutte se perde entre Roissy et Orly.</p>
<p>Le premier aura peur d’une grève des trains, alors que le second craindra une grève des princes.</p>
<p>Le colloque annuel est le rendez-vous que le jeune doctorant en quête de futur poste ou que le rédacteur en chef en quête du futur <a href="https://secure.palgrave-journals.com/ejis/index.html"><em>best paper</em></a> ne doivent pas rater. Le colloque annuel est aussi en général le lieu où sont distribués – ou annoncés si la Fnege assure la cérémonie de remise comme dans le cas de prix de thèses – les différents prix tel justement le <a href="http://www.fnege.org/nos-prix/prix-de-these">prix de la meilleure thèse</a> ou du meilleur article de l’année.</p>
<p>Le colloque annuel est aussi le lieu du dernier CA de la mandature, le lieu de l’assemblée générale – avec le rituel dernier mel à 22H45 la veille de l’<em>opening reception</em> « merci de penser à nous réserver un amphi le vendredi matin svp » –, le lieu de l’élection du nouveau CA et de son bureau. Et du débat sur les statuts de l’association autour du « pas plus de “une procuration” par électeur à jour de cotisation ! »</p>
<p>Ainsi, tout le monde sera présent, et les absents auront le tort qu’ont en général les absents… À côté des colloques de spécialité organisés par leurs associations de rattachement, certains colloques sont transversaux et ciblent toutes les sous-disciplines. Citons bien sûr, en France, les états généraux du management (EGM) ou la semaine du management (SdM) pilotés par la Fnege, en Europe les colloques généralistes <a href="http://www.euram-online.org/">EURAM</a> en juin (Glasgow 2017) ou <a href="https://www.egosnet.org/jart/prj3/egos/main.jart?content-id=1302696945087">EGOS</a> en juillet (Copenhagen 2017) et enfin un colloque comme <a href="http://aom.org/">AOM</a> de l’autre côté de l’atlantique (Atlanta 2017).</p>
<h2>Et de nombreuses institutions satellites</h2>
<p>Il existe aussi diverses institutions connexes qui ont des responsabilités dans l’accompagnement de notre communauté, de ses acteurs et de ses projets. Nous pouvons citer le conseil supérieur de l’ordre des experts comptables (CSOEC) qui organisent en partenariat avec la division des concours et examens du ministère et un jury national d’enseignants-chercheurs présidé par Pr E. Lande (Poitiers) l’importante et tubulaire filière de l’expertise comptable et des métiers de la comptabilité, du contrôle et de l’audit <a href="http://intec.cnam.fr/diplome-superieur-de-comptabilite-et-de-gestion-dscg-et-diplome-superieur-de-gestion-et-de-comptabilite-dsgc--297189.kjsp">(DCG, DSCG et DEC)</a>.</p>
<p>Nous pouvons citer également la commission des titres d’ingénieurs <a href="https://www.cti-commission.fr/">(CTI)</a> qui organise la diplomation des ingénieurs en France avec toutes les disciplines scientifiques et techniques. Toutefois, elle impacte de plus en plus les sciences humaines et sociales en général et les sciences de gestion en particulier au sein des désormais fameuses « humanités » à l’image des 20 % d’heures orientées SHS au sein des 13 polytech du <a href="http://www.polytech-reseau.org/accueil/">réseau des écoles universitaires d’ingénieurs</a>.</p>
<p>Enfin, nous citerons les ministères de l’agriculture (vétérinaire, oniris…) ou de l’industrie <a href="https://www.imt.fr/">(institut mines télécom</a>) qui emploie de plus en plus d’enseignants chercheurs orientés management et bien sur la conférence des grandes écoles <a href="http://www.cge.asso.fr/">(CGE)</a> qui pilotent notamment les business school accueillant bon nombre de nos collègues doctorants, docteurs, professeurs habilités (ou non) à diriger des recherches en sciences de gestion</p>
<p>Les besoins en formation et en recherche en sciences de gestion sont importants et divers, cet écosystème doit veiller à y répondre !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76478/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Bidan est membre du Conseil National des Universités (section 06), membre de l'Association for Information Systems (AIS), ancien vice président et président (2009-2011 et 2011-2015) de l'Association Information et Management (AIM) et ancien membre du conseil scientifique de la Fondation nationale pour l'enseignement de la gestion des entreprises (2013-2015)</span></em></p>Exploration de la dimension institutionnelle de ce jeune écosystème centré sur les sciences de gestion, avec ses acteurs et leurs missions mis en scène autour de la rituelle conférence annuelle.Marc Bidan, Professeur des universités en management des systèmes d’information, Université de NantesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/774192017-05-11T22:42:07Z2017-05-11T22:42:07ZLet’s conf'… exploration d'un écosystème académique en pleine saison des conférences (1)<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/168918/original/file-20170511-32607-dh9ycs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/%C3%A9v%C3%A9nement-salle-conf%C3%A9rence-1597531/">Pixabay</a></span></figcaption></figure><p>L’idée à l’origine de cette contribution est de présenter, assez simplement et sans (trop) jargonner, l’écosystème institutionnel et académique d’une des plus jeunes disciplines de l’enseignement supérieur connue sous la dénomination de « sciences de gestion ».</p>
<h2>Un préambule sur l’intitulé sciences de gestion/management</h2>
<p>Nous soulignons, en préambule, qu’un débat sur le libellé de la discipline lui-même existe avec, face au standard de jure (les « sciences de gestion » renvoyant à une allocation acceptable des ressources), un standard de facto qui semble peu à peu s’imposer dans les publications (le « management » renvoyant au pilotage des activités). Ce débat n’est pas tranché mais tend à médiatiser les termes génériques de <em>management</em> et de <em>sciences du management</em> notamment pour ce qui concerne les <a href="http://formations.univ-amu.fr/ME5TSM.html">mentions de master</a> les plus diffusées.</p>
<p>De plus, concernant la terminologie, nous nous sommes inspirés à la fois du titre et du vocabulaire d’un original essai paru en 2008, rédigé par notre collègue Dov Te’Eni et relatant son expérience lors des massives et incontournables <a href="https://www.amazon.com/Lets-Congress-Dov-Teeni/dp/9659134800">conférences ICIS</a> et de quelques <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-00701224/document">communications et publications</a> sur des sujets connexes. Notons enfin à titre anecdotique, mais complémentaire, la pépite qu’est le récit très personnel du quotidien hors normes de <a href="http://images.math.cnrs.fr/Theoreme-vivant.html">Cédric Villani</a></p>
<p>Nous emploierons souvent, dans les lignes qui suivent, le « nous » car, bien évidemment, nous sommes <em>partie prenante</em> de cet écosystème accompagnant les <a href="http://www.pressesdesmines.com/economie-et-gestion/les-nouvelles-fondations-des-sciences-de-gestion.html">nouvelles fondations des sciences de gestion</a> !</p>
<h2>Un fil rouge et une double question</h2>
<p>Le fil rouge de cette contribution peut donc être introduit au travers de la double question suivante ciblant d’une part la biocénose « Qui sont les enseignants chercheurs en sciences de gestion ? » et d’autre part leur biotope « Où sont les enseignants chercheurs en sciences de gestion ? ».</p>
<p>Cette double question, probablement saugrenue, appelle des éléments de réponse qui sont destinés à la fois aux nouveaux arrivants (les <a href="http://www.letudiant.fr/educpros/actualite/a-la-recherche-des-docteurs-en-gestion.html">doctorants</a> ou futurs doctorants en management par exemple) mais aussi aux déjà anciens arrivants (les professeurs dont la visibilité hors de leur zone de confort reste modeste et, en tous cas, <a href="https://www.contrepoints.org/2016/06/08/255888-sciences-de-gestion-managers-chercheurs-deux">très en deçà de la diversité de la production scientifique</a> de la communauté !)</p>
<p>Nous présenterons cet écosystème dans les quelques lignes qui suivent…</p>
<h2>Une démarche et une opportunité</h2>
<p>Nous utiliserons pour cela une approche descriptive et cartographique largement mobilisée dans les publications des collègues <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/pid24530/les-enseignants-chercheurs.html">enseignants-chercheurs</a> en sciences de gestion – notamment dans des approches qualitatives type études de cas concernant les groupes, conglomérats, clusters et autres écosystèmes d’activité ou d’innovation – mais assez rarement centrée sur leur propre entité institutionnelle et académique. Certes ce type de démarche auto centrée peut paraître inopportune par certains égards mais elle reste efficace et aisément transposable.</p>
<p>Il peut sembler cocasse que les chercheurs en charge de réfléchir, de documenter et de produire des connaissances autour des sciences de l’action collective que sont les sciences de gestion et du management sont finalement assez peu prolixes – exceptées certaines <a href="https://rfg.revuesonline.com/articles/lvrfg/abs/2017/01/rfg00123/rfg00123.html">approches ethnographiques</a> consacrées aux consultants – s’agissant de leur propre biotope et de son organisation. Cela doit relever du syndrome du cordonnier ! Ce jeune écosystème apparu dans les années 1970 montre la cohabitation d’acteurs aux parcours très variés, la plupart étant toutefois recrutés <a href="http://blog.educpros.fr/isabelle-barth/2013/06/10/ne-dites-pas-a-mes-parents-que-je-suis-doctorant-en-management-ils-croient-que-je-cherche-un-emploi/">pendant ou à l’issue d’un doctorat en sciences de gestion</a>, et qui interagissent au sein d’entités elles-mêmes très hétérogènes.</p>
<p>À ce propos, la saison qui approche – celles des grandes migrations pour rejoindre les conférences annuelles des associations académiques référencées par la Fnege (Fondation nationale pour l’enseignement de la gestion des entreprises) qui justement <a href="http://www.fnege.org/actualites/1113/semaine-du-management-2018-50-ans-de-la-fnege">fêtera ses 50 ans</a> l’an prochain – semble tout à fait opportune pour faire le point sur une discipline quinquagénaire et sur ses mécanismes de coordinations opérationnels.</p>
<p>En effet, juste avant les grands rendez-vous annuels de l’<a href="http://www.fnege.org/le-reseau/partenaires?page=1&search%5Btype%5D=3">AFM à Tours, de l’AIMS à Lyon, de l’AIM à Paris, de l’AFC à Poitiers, de l’AFFI à Grenoble, de l’ACFAS à Montréal, de Prolog à La Rochelle, de l’ADERSE à Bordeaux, de l’AGRH à Aix, etc.</a>… une question demeure. Comment s’organise cette jeune discipline pour survivre et essaimer dans la jungle des <em>pré carrés</em> scientifiques et de leur zone d’influence ?</p>
<h2>Un écosystème et une double approche</h2>
<p>En France, où elle a une existence propre, nous pouvons notamment aborder l’écosystème de cette discipline sous les angles académique et institutionnel.</p>
<p>Le premier angle d’attaque renvoie à ce qu’est la discipline, à son corpus théorique, à ses positionnements et débats – notamment consacrés à <a href="https://www.puf.com/content/Les_%c3%a9pist%c3%a9mologies_constructivistes">certaines épistémologies</a> – ainsi qu’à ses outils et approches méthodologiques. L’académisme s’appuie ainsi sur des standards afin d’asseoir la légitimité scientifique et la zone de confort de la discipline. Il peut néanmoins parfois <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00648447">remettre en cause</a> et questionner… notamment sur le dilemme rigueur/pertinence via le provocateur mais pertinent : <a href="http://www.management-aims.com/">« À quoi sert la recherche en management ? »</a>. </p>
<p>Il s’agit aussi de pouvoir faire le point à l’occasion de dates anniversaires clés comme dans le cas des <a href="https://www.cairn.info/revue-systemes-d-information-et-management-2016-2-page-3.htm">20 ans de SIM</a> ou des <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2017-1-page-5.htm">50 ans de la RFG</a>. Finalement, comme pour toutes espèces, l’objectif est avant tout de survivre. Il faut ainsi assurer la pérennité des sciences de gestion notamment face aux disciplines connexes avec lesquelles nous cohabitons sur un territoire mouvant et avec lesquelles nous partageons à la fois des inputs (champs, terrains, budgets, data, plates-formes et technologies, temps de travail, projet…) et output (conférences, revues, livrables…). Notons simplement les plus immédiates comme le droit, l’économie, la sociologie, la psychologie, les sciences politiques, l’informatique, la recherche opérationnelle, le génie industriel, etc.</p>
<p>Le second angle d’attaque renvoie aux diverses institutions (ministère, universités , <a href="http://orientation.blog.lemonde.fr/2015/04/30/les-business-schools-francaises-toujours-plus-internationales/">business schools</a>, Écoles d’Ingénieurs, etc.) et autres entités organisationnelles (<a href="http://www.fnege.org">Fnege</a>, Sociétés savantes, ANR, etc.) gravitant autour de la discipline et ayant peu ou prou pour objectif de la faire vivre, d’en améliorer la visibilité, la gouvernance voire d’en assurer la promotion. Il s’agit aussi pour ces institutions de l’accompagner face aux opportunités et menaces de son environnement et de réfléchir à son avenir. Quid des sciences de gestion en <a href="https://business.lesechos.fr/directions-ressources-humaines/metier-et-carriere/profils/en-2050-l-entreprise-traditionnelle-aura-vecu-201083.php">2050 ?</a></p>
<h2>La thèse de doctorat en sciences de gestion comme ticket d’entrée</h2>
<p>Dans les deux cas, il s’agit ici de proposer un guide de lecture à double entrée afin que cet écosystème soit plus lisible et plus intelligible notamment pour les étudiants en fin de second cycle désirant s’engager dans le véritable parcours initiatique <a href="https://fr.thesignal.info/2016/08/cest-quoi-concretement-doctoratune-these.osc">qu’est une thèse de doctorat.</a></p>
<p>Paradoxalement ce cheminement vers la thèse – en sciences de gestion comme partout (excepté en médecine) – est beaucoup plus qu’une simple production de 350 pages impeccablement documentées, correctement écrites et joliment argumentées avec, dans la plupart des cas, le triptyque « une question bien formulée, un support théorique pertinent, une méthodologie alignée » et agrémentée (pourquoi pas ?) de résultats, de contributions et d’apports !</p>
<p>Ce parcours est <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000032587086">depuis 2016 étoffé de nouvelles modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat</a> dont, bien sûr, la production et la soutenance d’un mémoire de thèse devant un jury idoine. Il faudra également être à l’origine de productions scientifiques variées (communications, articles, cas, <em>book chapter</em>, blog, MOOC, Spoc…) et afficher quelques jalons institutionnels (école doctorale, mandat électif, administrateurs de sociétés savantes…) et académiques (consortium doctoraux, workshop, colloques…) qui apparaissent bienvenus pour intégrer la famille ou plus prosaïquement le réseau afin d’y être <a href="http://www.theses.fr/">identifié</a> et coopté.</p>
<p>Cette double béquille – réseautage et essaimage – est devenue essentielle pour aborder sereinement la carrière d’enseignant chercheur en sciences de gestion. En effet, les carrières isolées et non connectées sont en effet difficilement (mais <a href="http://www.liberation.fr/sciences/2015/06/17/les-gribouillis-d-alexandre-grothendieck-enfin-sauvegardes_1331465">pas impossiblement</a>) concevables en 2017.</p>
<p>Nous allons les <em>mettre en scène</em> sous l’angle académique puis institutionnel dans les deux parties ci-après !</p>
<h2>Une approche sous l’angle académique (CNU)…</h2>
<p>Sous l’angle académique, nous aborderons à la fois les académiques – c’est-à-dire les membres composant l’académie et respectant peu ou prou l’<a href="http://www.grandpalais.fr/fr/article/lacademisme">académisme</a> – et les lieux, places ou territoires – c’est-à-dire là où se réunissent physiquement ou virtuellement les membres ou leur représentants dits « académiciens ».</p>
<p>À ce propos, la discipline des SG est relativement jeune. Elle apparaît en 1968 avec la création de la Fnege. Elle est historiquement issue de partitions – ou scissions selon les écoles et perceptions – au sein des sciences juridiques (actuel groupe 1 du CNU) puis, ouvrant la <em>black box</em> de l’organisation, au sein des sciences économiques. Les sciences de gestion (06) demeurent cependant proches des sciences économiques (05) avec lesquelles elles composent le groupe 2 du CNU. Ainsi, les sciences de gestion sont listées dans le haut du tableau qui présente les différentes sections du <a href="http://www.cpcnu.fr/web/section-06">Conseil national des universités (CNU)</a>.</p>
<p>Les missions principales des <a href="http://www.cpcnu.fr/web/portail/listes-des-sections-cnu">87 sections</a> du CNU sont de qualifier (ou non) aux fonctions de Maître de Conférences (MCF) et de Professeur des Universités (PU) mais également de récompenser (ou non) et/ou de promouvoir (ou non) les collègues candidats. Les <a href="http://www.cpcnu.fr/web/section-06/membres-de-la-section">36 membres</a> du CNU 06 sont également un relais entre le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et l’ensemble des quelques 1 900 collègues de la section 06 exerçant comme titulaires dans les universités françaises (environ un quart de professeurs et trois quarts de maîtres de conférences). Cette dimension académico-politique explique les candidatures portées par des listes syndicales (<a href="http://prod1-pow-autonomesup.integra.fr/">Supautonome FO</a>, <a href="http://www.snesup.fr/">Snesup-FSU</a> et autres collectifs spécifiques à la section comme <a href="http://www.variance-cnu06.org/">variance</a>.</p>
<p>Le CNU est de facto la seule entité académique exclusivement disciplinaire exerçant au niveau national. À ce titre, il se doit de travailler (participation aux missions) et d’avancer de concert avec les entités transversales impactant les SG. Citons par exemple l’<a href="http://www.hceres.fr/">HCERES</a> sur les évaluations des laboratoires et/ou des formations.</p>
<p>Citons aussi le <a href="http://www.cnrs.fr/">CNRS</a> et en particulier sa section 37 composée de <a href="http://www.cnrs.fr/comitenational/contact/annuaire.php?inst=37">21 membres (en majorité économistes)</a> abordant l’évaluation et la catégorisation des revues scientifiques sous le double ancrage <a href="https://sites.google.com/site/section37cnrs/Home/revues37">« économie et gestion »</a> et cohabitant avec celle de la Fnege sous l’ancrage plus spécifiquement <a href="http://www.fnege.org/publications/classement-des-revus">“gestion”</a>.</p>
<h2>Fin de chantier(s) ?</h2>
<p>Vastes sont les chantiers et les défis ! De fait, la Fnege et les (ses) associations académiques ont, outre un <a href="https://www.management2018.fr/semaine-management-2018">impératif événementiel et communicationnel,</a> une double mission opérationnelle et stratégique dans la performance de l’écosystème. Ce sera l’objet de la seconde partie de cet article !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77419/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Bidan est membre du Conseil National des Universités (section 06), membre de l'Association for Information Systems (AIS), ancien vice président et président (2009-2011 et 2011-2015) de l'Association Information et Management (AIM) et ancien membre du conseil scientifique de la Fondation nationale pour l'enseignement de la gestion des entreprises (2013-2015)</span></em></p>Présentation et décryptage de l’écosystème original d’une jeune discipline de l’enseignement supérieur dénommée « sciences de gestion ». Que fait donc cette quinquagénaire pour assurer sa pérennité ?Marc Bidan, Professeur des universités en management des systèmes d’information, Université de NantesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.