tag:theconversation.com,2011:/ca/topics/conferences-38613/articlesconférences – The Conversation2022-03-29T13:18:59Ztag:theconversation.com,2011:article/1789582022-03-29T13:18:59Z2022-03-29T13:18:59ZMobilité académique post-pandémie : les profs vont-ils recommencer à voyager ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/453982/original/file-20220323-27-yb6umk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C1%2C976%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La quantification de l'émission des gaz à effet de serre dans le cadre d'activités de recherche doit devenir systématique.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Avant la pandémie de Covid-19 et les restrictions à la mobilité, le secteur de l’aviation commerciale était responsable de l’émission de plus d’un <a href="https://ourworldindata.org/co2-emissions-from-aviation">milliard de tonnes de CO₂ par année</a>, soit environ 2,5 % des émissions annuelles mondiales.</p>
<p>Bien que le rôle non négligeable de l’aviation dans les changements climatiques soit <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1361920902000135">étudié</a> et <a href="https://www.ipcc.ch/report/aviation-and-the-global-atmosphere-2/">connu</a> depuis plusieurs années, les chercheurs universitaires étaient, à tout le moins avant la pandémie, de <a href="https://theconversation.com/les-universitaires-sont-de-gros-emetteurs-de-gaz-a-effet-de-serre-voyagent-ils-trop-120156">grands émetteurs de GES</a> (gaz à effet de serre). En effet, les chercheurs parcourent d’ordinaire de nombreux kilomètres en avion en raison de leur hypermobilité internationale pour la recherche et la dissémination du savoir.</p>
<p>En parallèle de nos recherches respectives en sciences de l’environnement, nous nous intéressons depuis quelques années à la <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ab33e6">quantification des émissions</a> de GES liées à cette mobilité et à la <a href="https://recherche-resp-research.github.io/">sensibilisation</a> à ses impacts.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-universitaires-sont-de-gros-emetteurs-de-gaz-a-effet-de-serre-voyagent-ils-trop-120156">Les universitaires sont de gros émetteurs de gaz à effet de serre. Voyagent-ils trop?</a>
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<h2>Une hypermobilité freinée par la pandémie</h2>
<p>Les incitatifs à la mobilité pour les chercheurs sont nombreux. Les conférences, <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ab33e6">principale raison</a> pour voyager, sont souvent perçues comme un incontournable pour <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rsif.2018.0580">mettre en lumière sa recherche</a> et élargir son réseau de contacts. La participation à ces évènements et, plus globalement, l’internationalisation de la recherche sont d’ailleurs des critères d’évaluation importants lors de l’embauche ou pour la progression de carrière des chercheurs, et ce, même si les bénéfices réels de cette hypermobilité <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/ece3.8201">sont contestés</a>. La mobilité est ainsi souvent considérée comme une partie intégrante de la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2210539513000400">culture et des pratiques académiques</a>.</p>
<p>Le monde académique, comme toutes les sphères de la société, a évidemment été grandement chamboulé depuis mars 2020. Les universitaires ont rapidement dû s’adapter à une nouvelle réalité, et tant l’enseignement que la recherche ont pris un virage virtuel. Les conférences se sont aussi adaptées et ont <a href="https://www.science.org/content/article/covid-19-forces-conferences-online-scientists-discover-upsides-virtual-format">basculé pour la plupart</a> vers des formats virtuels ou hybrides.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/454754/original/file-20220328-17419-3pxf6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Conférencier sur scène avec vue arrière du public dans la salle de conférence" src="https://images.theconversation.com/files/454754/original/file-20220328-17419-3pxf6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454754/original/file-20220328-17419-3pxf6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454754/original/file-20220328-17419-3pxf6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454754/original/file-20220328-17419-3pxf6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454754/original/file-20220328-17419-3pxf6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454754/original/file-20220328-17419-3pxf6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454754/original/file-20220328-17419-3pxf6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La pandémie de Covid-19 a chamboulé l’organisation de conférences.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Ces nouveaux formats de conférences semblent faire <a href="https://labos1point5.org/les-enquetes/enquete1-resultat">consensus</a>, même pour ceux qui, avant la pandémie, étaient réticents à utiliser des technologies alternatives aux rencontres en personne. Un <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-021-00513-1">sondage</a> mené par la revue <em>Nature</em> en 2021 montre d’ailleurs qu’une majorité de chercheurs souhaite qu’à l’avenir, toutes les conférences offrent une composante virtuelle plutôt que d’être uniquement en personne, comme c’était la norme avant la pandémie. Ceci permettrait non seulement de <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-021-27251-2">réduire les émissions de CO₂</a> dues aux déplacements, parfois longs et coûteux, mais favoriserait aussi une <a href="https://www.nature.com/articles/s41893-021-00823-2">meilleure accessibilité</a> aux conférences et l’inclusion de chercheurs issus de pays défavorisés.</p>
<h2>Quantifier ses émissions de GES</h2>
<p>Alors que nous sortons lentement de cette pandémie, le moment semble opportun pour réaliser une véritable transition vers des modes de pratique et de diffusion de la recherche plus écologiques. Depuis quelques années, diverses initiatives ont ainsi émergé au Québec et ailleurs pour réduire les impacts environnementaux de la mobilité académique.</p>
<p>Une première étape importante vers cette transition est la <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11625-020-00857-z">quantification des émissions de GES</a>. De nombreuses universités québécoises ont entamé ce processus, mais celui-ci n’est pas systématique. L’<a href="https://reports.aashe.org/institutions/participants-and-reports/">inventaire</a> concerne généralement seulement les émissions directes des universités, comme la consommation de combustibles pour le chauffage ou les émissions dues à l’électricité consommée sur les campus. On ignore souvent les autres sources d’émission, comme les déplacements quotidiens et les déplacements académiques. Il est d’ailleurs difficile de quantifier les émissions liées aux déplacements académiques puisque ceux-ci <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ab33e6/meta">ne sont pas non plus systématiquement documentés</a> par les universités.</p>
<p>Une fois le bilan GES bien établi, il est nécessaire de procéder à une internalisation des coûts environnementaux de la recherche. Par exemple, les coûts en GES pourraient être pris en compte pour permettre le remboursement d’un moyen de transport plus cher, mais plus écologique. En Amérique du Nord, le train serait jusqu’à <a href="https://peterkalmus.net/books/read-by-chapter-being-the-change/read-by-chapter-chapter-9-leaving-fossil-fuel/">5 fois moins polluant</a> par kilomètre parcouru que l’avion, mais bien souvent plus dispendieux. Le choix des pratiques de recherche devrait ainsi pouvoir être guidé en partie par des motivations environnementales.</p>
<p>Les Fonds de recherche du Québec (FRQ) ont établi un <a href="https://frq.gouv.qc.ca/app/uploads/2021/04/plan-action-responsabilite-environnementale_vf.pdf">Plan d’action sur la responsabilité environnementale en recherche</a>, qui requiert que les demandes de subvention soient accompagnées d’une évaluation des impacts environnementaux de la recherche et d’une réflexion sur la réduction de ces impacts. Cependant, pour l’instant, la mobilité n’est pas obligatoirement incluse dans cette évaluation, et l’adoption de mesures de mitigation n’est pas non plus obligatoire.</p>
<h2>La prise de conscience est amorcée</h2>
<p>De nombreuses universités et centres de recherche européens ont mis en place des <a href="https://www.unige.ch/communication/communiques/2019/deplacements-en-avion-politique-ambitieuse-de-lunige/">politiques institutionnelles</a> <a href="https://www.unine.ch/files/live/sites/durable/files/CO2/rapport_co2_final_20210327.pdf">contraignantes</a> sur les voyages au cours des dernières années. Dans la plupart des cas, seuls les transports terrestres sont remboursés si la destination est située à distance raisonnable de l’institution.</p>
<p><a href="https://ethz.ch/content/dam/ethz/associates/services/organisation/Schulleitung/mobilitaetsplattform/Factsheet%20air%20travel%20ETH%20Zurich.pdf">D’autres politiques</a> <a href="https://hal.inria.fr/hal-02340948/document">non contraignantes</a> s’accompagnent d’un <a href="https://tyndall.ac.uk/about/travel-strategy/">arbre d’aide à la décision</a>, qui encourage à considérer les retombées réelles du voyage, la possibilité de déléguer un collaborateur sur place ou encore, de participer virtuellement. Une politique de ce type a d’ailleurs été adoptée par le <a href="https://www.concordia.ca/content/dam/artsci/geography-planning-environment/docs/Flying_Less_Policy_GPE_June1_2019.pdf">département de géographie, d’urbanisme et d’environnement de l’Université Concordia</a>.</p>
<p>L’Université de Colombie-Britannique a de son côté mis à la disposition des chercheurs un <a href="https://greentravel.arts.ubc.ca/climate-aviation/">site web</a> permettant de prendre des décisions éclairées quant aux déplacements académiques. Elle a inscrit la réduction des émissions dues au déplacement académique dans son plan de réduction des émissions de GES. Cependant, à notre connaissance, aucune politique institutionnelle contraignante concernant les déplacements académiques n’existe pour l’instant au pays.</p>
<p>La prise de conscience récente des impacts environnementaux de la mobilité académique a permis d’amorcer une discussion <a href="https://www.science.org/content/article/why-some-climate-scientists-are-saying-no-flying">parmi les chercheurs</a> sur la nécessité de réduire leurs émissions de GES. La pandémie a accéléré la transition vers de nouveaux modes d’internationalisation de la recherche moins gourmands en GES.</p>
<p>Que restera-t-il de ces nouvelles pratiques dans un monde post-pandémie ? En regard du dernier rapport <a href="https://theconversation.com/nouveau-rapport-du-giec-toujours-plus-documente-plus-precis-et-plus-alarmant-178378">particulièrement alarmant</a> du GIEC, la réponse à cette question sera primordiale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178958/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Arsenault a reçu du financement du Conseil de recherche en sciences naturelles et génie du Canada (CRSNG). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Julie Talbot a reçu des financements du Conseil de recherche en sciences naturelles et génie du Canada (CRSNG). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mathilde Jutras est membre du comité intersectoriel étudiant des Fonds de recherche du Québec. Elle a reçu du financement du Conseil national de recherche en sciences naturelles et génie du Canada (CRSNG) et des Fonds de recherche du Québec - Fond nature et technologie (FRQNT).</span></em></p>Depuis la pandémie, les chercheurs universitaires voyagent moins, et émettent donc moins de gaz à effet de serre. Les conférences virtuelles ou hybrides sont-elles là pour rester ?Julien Arsenault, Candidat au doctorat en géographie, Université de MontréalJulie Talbot, Professeure agrégée en géographie / Associate professor in geography, Université de MontréalMathilde Jutras, PhD candidate, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1579372021-04-21T17:24:17Z2021-04-21T17:24:17ZFuites dans les médias : une tactique discutable de gestion du risque en santé publique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/396159/original/file-20210420-19-1o20r5e.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C13%2C3000%2C2281&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le premier ministre du Québec, François Legault (à gauche), le ministre de la Santé du Québec, Christian Dube (à droite) et Horacio Arruda, directeur national de la Santé publique du Québec (au centre) se rendent à la conférence de presse sur la pandémie de Covid-19, le mardi 20 avril 2021 à l'Assemblée nationale du Québec. </span> <span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Jacques Boissinot</span></span></figcaption></figure><p>Avez-vous remarqué que les conférences de presse du gouvernement sont souvent précédées d’un « scoop » dans les médias sur les nouvelles mesures sanitaires qui seront annoncées ? Sans rien enlever au travail d’enquête des journalistes, il est plus probable qu’il s’agisse d’informations divulguées par le gouvernement afin de prendre le pouls de la population.</p>
<p>Au Québec, depuis un an, le phénomène s’est répété tellement de fois qu’il ne surprend plus. L’information à propos d’une nouvelle mesure en place du gouvernement est diffusée par les médias de 24 à 48 h avant d'être annoncée officiellement en conférence de presse.</p>
<p>Ce fut le cas lors de l’imposition d’un couvre-feu en janvier. Les médias en ont parlé pendant plusieurs jours, publiant même des <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/bonjour-la-cote/segments/entrevue/340141/imposition-couvre-feu-sondage-leger-quebecois-cynthia-darisse">sondages</a> sur la question, avant que le premier ministre ne <a href="https://quebec.huffingtonpost.ca/entry/legault-covid-19-confinement_qc_5ff62c5dc5b6ea7351c7a2fd">confirme la nouvelle en conférence de presse</a>.</p>
<p>Je vous partage ma vision de ce phénomène, en tant que chercheuse et professeure adjointe à l’École de santé publique de l’Université de Waterloo, travaillant plus précisément sur la gestion et l’analyse de risque en santé.</p>
<h2>Une tactique de gestion du risque</h2>
<p>La perception de la population est un indicateur clé du succès d’une mesure. Le gouvernement utilise donc cette tactique comme un outil intégré de gestion du risque. Les stratégies de gestion du risque varient légèrement selon les organisations, mais elles consistent généralement à évaluer le contexte, cibler les risques, analyser ces risques par une approche scientifique, évaluer et implanter des mesures de contrôle, surveiller en continue le risque et son contrôle, et communiquer la situation.</p>
<p>Selon l’<a href="https://www.inspq.qc.ca/bise/la-gestion-des-risques-en-sante-publique-cadre-de-reference-quebecois">Institut national de santé publique du Québec</a> : « Le but de ce processus est d’intégrer de manière scientifiquement valable et économiquement efficiente les actions de réduction ou de prévention du risque en considérant les aspects sociaux, culturels, éthiques et légaux ».</p>
<p>Les aspects sociaux sont donc des éléments à prendre en compte dans l’évaluation du contexte avant l’établissement d’une mesure de contrôle en santé en gestion du risque. L’<a href="https://www.who.int/management/general/risk/en/">Organisation mondiale de la santé (OMS)</a> intègre pour sa part l’importance de la consultation à chaque étape de gestion du risque.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/396184/original/file-20210421-17-86ezy2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/396184/original/file-20210421-17-86ezy2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/396184/original/file-20210421-17-86ezy2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/396184/original/file-20210421-17-86ezy2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/396184/original/file-20210421-17-86ezy2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/396184/original/file-20210421-17-86ezy2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/396184/original/file-20210421-17-86ezy2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les étapes de la gestion du risque (Debia et Zayed, 2003).</span>
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<h2>Un effet difficile à mesurer</h2>
<p>À première vue, dans le contexte actuel de crise, il semble que le gouvernement utilise les médias pour valider ses mesures de contrôle et estimer leur acceptabilité par la population, qui serait un prédicateur du succès des mesures implantées. Les avantages de laisser filtrer de l’information préliminaire sur les mesures à venir sont les suivantes :</p>
<p>1) valider la perception de la population, voire l’acceptabilité sociale (si c’est peu accepté, le gouvernement a le temps de s’ajuster avant la conférence de presse officielle). <a href="https://theconversation.com/lacceptabilite-sociale-est-essentielle-pour-realiser-des-projets-ou-instaurer-des-mesures-mais-reste-difficile-a-mesurer-157669">L’acceptabilité sociale est par contre très complexe à évaluer</a> ;</p>
<p>2) estimer l’ampleur de l’effet qu’on peut attendre de cette mesure sanitaire ;</p>
<p>3) si la mesure est très acceptée et que l’attitude des médias et groupes d’intérêts est positive, l’implantation de la mesure est facilitée par la pression sociale.</p>
<p>Or la manière dont l’annonce d’une mesure est accueillie n’est pas garante de l’adhésion. Cela dépend de plusieurs autres facteurs, comme la perception de la maladie ou la confiance en l’efficacité des mesures de contrôle. Des facteurs démographiques entrent aussi en ligne de compte.</p>
<h2>La perception influence le comportement</h2>
<p>Il est <a href="https://bpspsychub.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1348/135910710X485826?casa_token=JOZlbdKGBNYAAAAA%3A_OE5imyitt4bxd53tCGdWcAXTsFRGCYOFFneE9aFbgJ5BJO-GDMDz8GqbeaVXUbQJ8HZJ4fLHeYYw_Q">rapporté</a> que la perception de la gravité de la maladie, ainsi qu’une plus grande croyance en l’efficacité des mesures de contrôle recommandées sont des prédicateurs importants du comportement de la population durant une pandémie.</p>
<p>Un groupe de recherche étudiant les liens entre les connaissances, l’attitude et les comportements face à la Covid-19 a établi une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32563674/">corrélation</a> significative entre l’attitude (et la perception) et les comportements face au risque. Par exemple, être en faveur des mesures généralisées comme le couvre-feu ou la fermeture des écoles était associé à une plus grande adhésion aux mesures individuelles comme le lavage des mains et le port du masque.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lacceptabilite-sociale-est-essentielle-pour-realiser-des-projets-ou-instaurer-des-mesures-mais-reste-difficile-a-mesurer-157669">L’acceptabilité sociale est essentielle pour réaliser des projets ou instaurer des mesures, mais reste difficile à mesurer</a>
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<p><a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2020.559288/full">En Italie</a>, les participants d’une étude se percevant comme plus à risque de contracter la Covid-19 ont respecté davantage les lignes directrices de confinement. Certains <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09603123.2011.650156?casa_token=iaDTUiDLc6AAAAAA%3Afkh7Oxi4fgo19DWDMbmy4H9vTunq31l5FTNeAJqgll985ZoLldaSmR3dHbznjB4nZyftwF-4ozyRew">chercheurs estiment que pour changer efficacement et durablement un comportement sanitaire, les facteurs psychologiques sont essentiels à changer, incluant l’attitude de la population</a>.</p>
<h2>Des facteurs démographiques</h2>
<p>Une <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2020.01821/full?report=reader">étude en Allemagne a rapporté que seulement 25 % de la population déclarait une conformité totale aux mesures, ce qui remet en question l’efficacité de mesures réglementaires strictes</a>.</p>
<p>La recherche montre qu’il existe aussi des <a href="https://bpspsychub.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1348/135910710X485826?casa_token=JOZlbdKGBNYAAAAA%3A_OE5imyitt4bxd53tCGdWcAXTsFRGCYOFFneE9aFbgJ5BJO-GDMDz8GqbeaVXUbQJ8HZJ4fLHeYYw_Q">facteurs démographiques</a> associés à l’adoption de comportements réduisant la transmission de maladies infectieuses.</p>
<p>Une <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2020.559288/full">étude italienne</a> a montré que les personnes se conformant davantage aux ordonnances de confinement, étaient les femmes, les personnes les plus instruites, les résidents du sud de l’Italie, les personnes d’âge moyen (de 50 à 59 ans) et les travailleurs de la santé.</p>
<p>Or le respect des recommandations des autorités de santé publique est la clé pour réussir à endiguer la pandémie de la Covid-19. Il est important d’identifier les éléments les plus associés à la non-conformité au sein de la population afin d’optimiser l’évaluation et la mise en place des mesures de contrôle.</p>
<h2>La pression sociale</h2>
<p>Selon la recherche, il y aurait une <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2020.01821/full?report=reader">association entre la stigmatisation du public et la conformité aux recommandations sanitaires</a>. La pression sociale pourrait donc jouer un rôle dans l’adhérence aux mesures sanitaires.</p>
<p>C’est un peu ce qui se passe pour le port du masque : l’adhésion à cette mesure est le résultat à la fois d’une obligation légale, d’une décision éthique et d’une pression sociale. Les <a href="https://www.ahajournals.org/doi/full/10.1161/CIRCULATIONAHA.112.101816">influences sociales affectent la dynamique collective des comportements de santé</a>, et donc peuvent guider la conception des stratégies d’intervention en santé.</p>
<p>Couler l’annonce d’une nouvelle mesure de contrôle sur la place publique lui donne une visibilité qui peut faciliter son implantation, dans le cas où la majorité de la population y semblerait favorable. La pression sociale et la stigmatisation des contrevenants pourraient alors renforcer la nouvelle mesure gouvernementale ; la population est utilisée comme élément régulateur.</p>
<h2>Manœuvre maladroite</h2>
<p>Il y a une reconnaissance dans le milieu de la recherche de cet élément clé qu’est la perception, pas seulement du risque, mais également de sa mesure de contrôle, dans son succès. Le travail fait en sciences sociales est utile pour comprendre comment une population va accepter une mesure de contrôle, changer son comportement et donc estimer l’efficacité de cette mesure.</p>
<p>Selon l’OMS, les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK143063/">actions recommandées en temps de pandémie sont de bien planifier et coordonner les actions, de suivre la situation (traçage et enquêtes épidémiologiques), d’utiliser des mesures d’atténuation de transmission (masque, distanciation sociale), d’offrir des soins de santé, et de communiquer efficacement</a>.</p>
<p>L’évaluation de la perception de la population par le gouvernement semble, dans certain cas, avoir été réalisée très maladroitement – pensons à la <a href="https://www.lapresse.ca/covid-19/2021-04-15/port-du-masque-a-l-exterieur/servons-nous-du-gros-bon-sens.php">confusion</a> entourant l’imposition du masque à l’extérieur – alors qu’on sait qu’elle est un déterminant important des comportements. Plus d’attention à cet élément aurait pu faciliter la gestion du risque.</p>
<p>Quoi que l’on pense des mesures de contrôle actuelles, il est intéressant de se pencher sur la stratégie de nos gouvernements pour choisir et implanter les mesures de contrôle, afin de tirer des leçons de cette crise.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157937/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mylène Ratelle est Professeure Adjointe et Chercheuse Associée à l'Université de Waterloo en Ontario (Canada). Elle travaille également comme cadre pour le système de santé publique de Montréal (DRSP). Elle écrit cette publication sous son affiliation académique. Elle déclare qu'elle n'a pas de conflit d'intérêt pour cette publication.</span></em></p>Le gouvernement souhaite valider la perception sociale avant d’annoncer de nouvelles mesures en divulguant la nouvelle dans les médias. Cette tactique peut aider, mais elle ne garantit pas le succès.Mylène Ratelle, Adjunct Professor, School of Public Health and Health Systems, University of WaterlooLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1399102020-06-02T17:35:54Z2020-06-02T17:35:54ZVidéo : Conférence en ligne, « la science face à l’urgence »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/339225/original/file-20200602-133860-xswt77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C0%2C5725%2C3837&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pipette faisant tomber un échantillon dans un tube à essai.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/pipette-dropping-sample-into-test-tube-571093666">Africa Studio / Shutterstock</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Face à une pandémie de Covid-19 qui a déjà causé plus de 350 000 morts et nécessité des mesures inédites de confinement pour plus de 40 % de la population mondiale, les scientifiques doivent s’adapter pour trouver médicaments et vaccins le plus rapidement possible.</p>
<p>Mais que veut dire <em>vite</em> pour la science ? Depuis l’apparition du SARS-CoV-2 fin 2019, aucun traitement vraiment efficace n’a encore été validé et aucun vaccin n’est attendu avant de nombreux mois. Quels sont les facteurs limitant la recherche et la production rapide de solutions ? Peut-on s’affranchir de certaines pratiques en temps de pandémie ?</p>
<p>Pour essayer de répondre à ces questions, The Conversation France et l’AUF (l'Agence Universitaire de la Francophonie) ont organisé le 20 mai 2020 une conférence en ligne sur le thème : « La science face à l’urgence. »</p>
<p>Cette conférence était animée par Benoît Tonson, journaliste scientifique. Eric Muraille, biologiste et immunologiste à l’Université Libre de Bruxelles (Belgique), et Alexandre Hocquet, historien des sciences à l’Université de Lorraine (France) répondaient à ses questions.</p>
<p>Si vous n’avez pas eu la possibilité d’assister à la conférence en direct, voilà la séance de rattrapage :</p>
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<figcaption><span class="caption">Conférence en ligne « La science face à l’urgence ».</span></figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/139910/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Comment les scientifiques du monde entier ont pu travailler dans cette période de crise ? Une conférence à voir et revoir.Eric Muraille, Biologiste, Immunologiste. Maître de recherches au FNRS, Université Libre de Bruxelles (ULB)Alexandre Hocquet, Professeur des Universités en Histoire des Sciences, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1234732019-10-22T18:43:40Z2019-10-22T18:43:40ZAcademic All-Star Game, épisode VIII : Innovation financière et recherche en finance<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/292209/original/file-20190912-190021-istvr1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=26%2C393%2C776%2C440&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Laurent Deville et Fabrice Riva.</span> <span class="attribution"><span class="source">Capture d'écran.</span></span></figcaption></figure><p><em>Ce texte de Marine Stampfli et Louis Choisnet (élèves normaliens de l’ENS Paris-Saclay et étudiants en <a href="https://www.universite-paris-saclay.fr/fr/formation/master/management-strategique#mention">master Management stratégique de l’Université Paris-Saclay</a>) est publié dans le cadre d’un partenariat entre The Conversation France et l’Academic All-Star Game, cycle de conférences débats organisés par les étudiants de licence économie-gestion de l’<a href="http://ens-paris-saclay.fr">ENS Paris-Saclay</a> et de la <a href="http://www.jm.u-psud.fr/fr/index.html">faculté Jean‑Monnet</a> (droit, économie, gestion) de l’<a href="http://www.u-psud.fr/fr/index.html">Université Paris-Sud</a>. Ce cycle est soutenu par la <a href="http://msh-paris-saclay.fr">MSH Paris-Saclay</a>.</em></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Programme complet de l’Academic All-Star Game.</span>
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<p>La huitième conférence de l’Academic All-Star Game a pris place le jeudi 11 avril. À peine cet épisode clos que déjà nous voyons apparaître un brin de nostalgie à la sortie d’une salle à l’ambiance intacte.</p>
<p>Cet acte 8 du cycle de conférences a engagé un tournant radical dans les sujets traités. En effet, ce nouvel épisode a été porté par Laurent Deville et Fabrice Riva, tous deux chercheurs en finance. Jusque-là, aucun des invités n’avait traité de cette thématique.</p>
<p>Laurent Deville est professeur à l’EDHEC et chercheur au CNRS. Il est spécialiste de finance et des marchés financiers. Fabrice Riva est professeur à l’Université Paris-Dauphine et dirige actuellement le Master « Finance d’Entreprise et Ingénierie Financière ». Il est spécialiste des marchés financiers et de la modélisation financière.</p>
<p>Prenant notamment appui sur <a href="https://www.cairn.info/revue-finance-2019-1-page-53.htm">leurs travaux communs</a>, Laurent Deville et Fabrice Riva ont donc décidé de nous éclairer sur les innovations financières et les enjeux liés à ces dernières. Mission difficile pour les deux chercheurs car à peine la conférence commencée qu’une question un brin « politique » était posée : « finalement, les marchés financiers sont-ils efficients ? ».</p>
<h2>L’innovation financière : l’exemple des ETF</h2>
<p>Le fil rouge de cette conférence fût les ETF : des raisons de leur apparition à leurs conséquences en passant par la recherche qui y est associée. En effet, ces derniers mettent en lumière bon nombre d’interrogations que les marchés financiers ont soulevé ces dernières décennies auprès du grand public, des régulateurs mais aussi dans une moindre mesure des chercheurs.</p>
<p>N’étant pas tous des aficionados de la finance, revenir sur ce que sont les ETF est une nécessité. Le terme d’abord : ETF, comprendre <em>Exchange Traded Fund</em>, qui se traduit en français par fond indiciel coté. Leur principe est simple, à comprendre tout du moins, puisqu’il s’agit de construire un fond d’investissement dont la valeur va tenter de répliquer celle d’un indice boursier préalablement choisi. Pour cela, le fond indiciel va en reproduire la composition. Fabrice Riva prend l’exemple d’un ETF qui voulant répliquer l’indice CAC 40 va acheter des titres de l’ensemble de 40 entreprises qui constituent cet indice. La grande différence avec un fond classique réside dans le fait qu’un ETF est lui-même coté.</p>
<p>Comme toute innovation, qu’elle soit financière ou non, les ETF sont une réponse à un besoin, issu des imperfections du marché : friction, manque de liquidité, incomplétude des instruments financiers… Ainsi la promesse des ETF est-elle, au-delà d’offrir aux investisseurs un placement liquide, de permettre d’acheter une part d’un fond relativement diversifié, et donc de détenir un titre dont le risque est plus ou moins égal au risque de marché. Reprenant l’exemple de CAC 40, Fabrice Riva résume : « en une seule action vous avez une exposition au risque égale à celle de CAC 40 ». Et ce à moindre frais, d’autant plus qu’il s’agit d’une gestion de portefeuille passive. Il faut par ailleurs noter que les frais de gestion des ETF sont relativement faibles puisque les gestionnaires de ces fonds se rémunèrent principalement via le prêt des titres qui constituent leurs fonds.</p>
<p>Les ETF sont le reflet, d’une certaine manière, de la complexification des instruments financiers. Apparus outre-Atlantique dans les années 1990 et introduit en Europe au début des années 2000, les ETF se sont davantage complexifiés avec le développement des ETF synthétiques. Cette fois pour répliquer un indice, le fond indiciel ne va pas chercher à en reproduire la constitution, mais va par un jeu d’assurance se couvrir sur l’écart, positif ou négatif, entre le rendement du fond réel et celui de l’indice.</p>
<p>Laurent Deville a fortement insisté sur l’absence de compréhension, de maîtrise des conséquences dues à l’introduction d’une innovation, notamment financière. Car si l’on sait pourquoi on introduit un changement, il reste difficile d’en prévoit pleinement la portée. Ainsi, prenant l’exemple des stratégies d’assurance de portefeuille développées dans les années 1980, il rappelle que celles-ci sont soupçonnées d’être en partie responsable de la crise de 1987.</p>
<p>Pour ce qui est des ETF, Fabrice Riva et Laurent Deville ont observé que les ETF, s’ils ont bien permis un gain d’efficience et une diminution des frictions pour leurs détenteurs, ont aussi provoqué une dégradation de la qualité de l’information des titres qui leurs sont sous-jacents, ainsi qu’une baisse de leur liquidité.</p>
<p>Se pose donc la question du rôle des régulateurs face aux innovations financières. Face aux risques qu’ils font planer, à tort ou à raison, les ETF synthétiques ont été interdits aux États-Unis en 2011, mais toujours pas en Europe. De manière globale, les régulateurs semblent être toujours à la traîne en ce qui concerne les innovations financières et leurs actions régulièrement contournées par de nouveaux instruments… Alors, à quoi bon ?</p>
<h2>Publication… et manipulation ?</h2>
<p>Après avoir présenté l’innovation financière via l’exemple des ETF, Laurent Deville et Fabrice Riva ont décidé de porter notre attention sur ce qu’est la recherche en finance.</p>
<p>Tout d’abord, Laurent Deville rappelle que faire de la recherche, notamment en finance, bien au-delà de l’objet d’étude, c’est faire porter l’attention sur les conséquences d’un phénomène. Toute la difficulté de la recherche s’inscrit donc dans l’étude de ces conséquences et plus exactement dans l’anticipation de ces dernières. Et en effet, il apparaît extrêmement compliqué de prévoir tous les effets et toutes les dérives émanant des innovations financières.</p>
<p>Le second point présenté par le chercheur, et que l’on a très souvent retrouvé tout au long de l’Academic All-Star Game, est celui de la transdisciplinarité. L’idée est toujours la même : faire de la recherche en gestion suppose d’opter pour un regard transdisciplinaire afin de tirer profit des apports d’autres sciences. Toutefois, cette fois-ci les chercheurs vont plus loin dans leur démarche.</p>
<p>En effet, au-delà de la pétition de principe selon laquelle il est important d’adopter une approche transdisciplinaire, Laurent Deville et Fabrice Riva ont par exemple mis en pratique ces recommandations en utilisant une méthode issue de la biologie : l’<a href="https://academic.oup.com/rof/article-abstract/11/3/497/1597929">« accelerated failure time »</a>. Laurent Deville a par ailleurs étudié les ETF d’un <a href="https://www.cairn.info/revue-gerer-et-comprendre-2015-1-page-22.htm">point de vue sociologique</a> avec Mohamed Oubenal.</p>
<p>Enfin, les chercheurs ont souhaité nous indiquer que la recherche concernant les ETF n’avait rien d’évidente dans la communauté des chercheurs en finance. En effet, pour certains il ne s’agit pas d’une innovation financière : les ETF n’impliquent pas un changement de paradigme. Cela induit de fortes difficultés en ce qui concerne la publication d’articles sur les ETF.</p>
<p>Néanmoins, Laurent Deville et Fabrice Riva insistent sur le fait que l’étude des ETF engendre l’émergence de nouvelles approches et méthodologies ; nous pouvons alors nous demander si l’objectif de publication (induisant nécessairement la notion de création) inhérent au métier de chercheur ne peut pas conduire parfois à des formes de manipulation des objets de recherche afin d’en faire des sujets d’étude pertinents. Nous retrouvons donc ici une forme de performativité de la recherche en finance, telle qu’elle a pu être étudiée lors d’une <a href="https://theconversation.com/academic-all-star-game-episode-vii-la-geopolitique-nouvelle-frontiere-des-sciences-de-gestion-123471">précédente conférence</a>…</p>
<h2>Redorer le blason de la finance</h2>
<p>Après la logistique, l’idéologie néoclassique, les discours de stratégie ou encore l’intelligence économique, place a donc été donnée à la finance, un pan des sciences de gestion quasiment absent de ces conférences jusqu’alors. Un point intéressant y a été soulevé : l’éthique des innovations financières, dont les ETF. Ce qui ne manque pas d’être un enjeu majeur dans l’acceptation du système financier par le grand public et les questions posées aux intervenant s’en sont faites l’écho.</p>
<p>Cette question semble parfois se résumer à un simple calcul coûts/avantages pour le système financier : est éthique, en finance, ce qui permet globalement d’améliorer l’allocation des ressources. En toute naïveté peut-être, on peut alors se demander si l’éthique ne serait pas justement une invitation à sortir des modèles de maximisation purement économique puisque, par essence, elle n’est pas mathématisable, ni même quantifiable…</p>
<p>« L’éthique » ce n’est pas « le mieux », ni même « le bien », c’est finalement définir une grille de lecture pour analyser une action. Introduire l’éthique en finance conduirait alors à s’interroger moins sur les stricts bénéfices en termes d’allocation des ressources que sur une meilleure compréhension du rôle de la finance. Cela reviendrait potentiellement à redéfinir son rôle et donc à changer de modèle mental, comme diraient peut-être certains autres intervenants de cet Academic-All Star Game…</p>
<p>Le débat est donc ouvert… Qu’il aurait été passionnant qu’il se poursuive avec une rencontre, en direct, de l’ensemble des intervenants !</p>
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<p><strong>À visionner, l’intégralité de l’épisode 8 de l’Academic All-Star Game avec Laurent Deville et Fabrice Riva.</strong></p>
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<p><strong>À voir également, l’interview de Laurent Deville et Fabrice Riva.</strong></p>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/123473/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Le cycle de conférences Academic All-Star Game est soutenu par la MSH Paris-Saclay.</span></em></p>Les conséquences de la recherche en finance et de l’innovation financière, un sujet essentiel à l’affiche de ce nouvel épisode du cycle de conférences-débats.Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1234712019-09-27T02:20:05Z2019-09-27T02:20:05ZAcademic All-Star Game, épisode VII : la géopolitique, nouvelle frontière des sciences de gestion<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/294077/original/file-20190925-51414-lnrpyg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=24%2C15%2C1253%2C703&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Laurent Livolsi et Stéphanie Dameron.</span> </figcaption></figure><p><em>Ce texte de Marine Stampfli et Louis Choisnet (élèves normaliens de l’ENS Paris-Saclay et étudiants en <a href="https://www.universite-paris-saclay.fr/fr/formation/master/management-strategique#mention">Master Management stratégique de l’Université Paris-Saclay</a>) est publié dans le cadre d’un partenariat entre The Conversation France et l’Academic All-Star Game, cycle de conférences débats organisés par les étudiants de licence économie-gestion de l’<a href="http://ens-paris-saclay.fr">ENS Paris-Saclay</a> et de la <a href="http://www.jm.u-psud.fr/fr/index.html">faculté Jean‑Monnet</a> (droit, économie, gestion) de l’<a href="http://www.u-psud.fr/fr/index.html">Université Paris-Sud</a>. Ce cycle est soutenu par la <a href="http://msh-paris-saclay.fr">MSH Paris-Saclay</a>.</em></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Programme complet de l’Academic All-Star Game.</span>
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<p>Jeudi 28 mars, Faculté Jean‑Monnet de l’Université Paris-Sud : c’est toujours dans la même salle Georges Vedel, aux fauteuils noirs, que prend place la septième conférence de l’Academic All-Star Game. L’enjeu, faut-il le rappeler, est de s’interroger sur l’avenir des sciences de gestion… Vaste sujet !</p>
<p>Le thème de cette septième conférence : La place des sciences gestion, non plus de manière générale et un peu abstraite, mais dans le cas concret de la géopolitique. Quels apports en termes d’analyse, d’anticipation pour les organisations, en particulier pour les États ? Ainsi, au-delà des modifications de l’économie mondiale, des différences de conception de l’intelligence économique entre les nations ou du rôle des États, deux chercheurs ont tenté de montrer que les sciences de gestion ont un avenir sur le terrain de la géopolitique. Finalement, en filigrane, ils parlent de leurs attentes, de leurs espoirs pour les sciences de gestion et bien évidemment des chercheurs de demain.</p>
<h2>Présentation des intervenants</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/294079/original/file-20190925-51457-1smvuyv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/294079/original/file-20190925-51457-1smvuyv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/294079/original/file-20190925-51457-1smvuyv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/294079/original/file-20190925-51457-1smvuyv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/294079/original/file-20190925-51457-1smvuyv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/294079/original/file-20190925-51457-1smvuyv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1069&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/294079/original/file-20190925-51457-1smvuyv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1069&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/294079/original/file-20190925-51457-1smvuyv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1069&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Professeure à l’Université Paris-Dauphine, docteure en sciences de gestion, membre du conseil scientifique permanent de l’<a href="http://www.euram-online.org">European Academy of Management</a>, ancienne présidente de la <a href="https://sfmwebsite.jimdo.com">Société Française du Management</a> et auditrice du Cycle des Hautes études pour le développement économique (CHEDE), Stéphanie Dameron travaille notamment sur les problématiques de coopération, inter et intra-organisationnelles, leurs impacts sur les <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2012-4-page-27.htm">processus de décision stratégique</a>, ainsi que sur les systèmes d’enseignement supérieur en management. Elle a été nommée <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/somme/amiens/nouvelle-rectrice-academie-amiens-1705942.html">rectrice de l’Académie d’Amiens</a> en Conseil des Ministres, le 24 juillet 2019.</p>
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<p>Laurent Livolsi est directeur-adjoint du Centre de recherche sur le transport et la logistique (CRET-LOG). Ses travaux se focalisent sur les enjeux de la logistique et la supply chain (châine logistique) pour les organisations mais aussi sur le rôle qui en découle pour les institutions en termes de politiques publiques. Il a publié récemment avec Christelle Camman l’ouvrage : « La logistique, une affaire d’État ? ». Il a coordonné avec Nathalie Fabbe-Costes (Aix-Marseille Université) et Sabine Sépari (ENS Paris-Saclay) le numéro spécial de fin d’année 2018 de la Revue française de gestion sur le thème du <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2018-8.htm">Supply Chain Management</a>.</p>
<h2>Géopolitique : allô Maman, bobo…</h2>
<p>Quelle place de l’entreprise dans la société ? Quelle articulation avec les enjeux de puissance nationale ? Si beaucoup de travaux se sont penchés sur ces questions, Stéphanie Dameron relève qu’ils s’inscrivent dans ce contexte économique si particulier et plus vraiment d’actualité qu’est celui de la guerre froide. Nouvelle bipolarisation États-Unis/Chine, ruptures technologiques, coopétition, hyper-concurrence… Tous ces changements, opérés pour beaucoup depuis plusieurs décennies, appellent à repenser les modèles d’analyse stratégique. Car dans un monde ou la domination n’est pas tant militaire qu’économique, les affrontements entre les nations sur l’échiquier mondial passent par leurs entreprises. Charge donc aux États de soutenir leurs entreprises et leurs tissus économiques, via l’intelligence économique notamment.</p>
<p>Or, force est de constater qu’en la matière les nations ont des positions et des capacités bien différentes. Là où les États-Unis maintiennent leur compétitivité par une incitation et un soutien constant à l’innovation, là où l’Allemagne met au profit de ses entreprises des informations économiques collectées via son réseau diplomatique, la France, elle, adopte une posture centrée sur la protection des actifs stratégiques de son territoire. La question, ici, n’est pas de se demander laquelle d’une conception offensive ou défensive est la meilleure, mais bien de ne pas oublier qu’il n’y pas une seule et unique forme d’intelligence économique et surtout de constater, comme l’a rappelé Laurent Livolsi, que l’État a un rôle majeur dans la création, le développement et le maintien d’écosystèmes favorables aux entreprises, et ce en particulier en matière de logistique.</p>
<p>Cependant, différents exemples d’échecs d’entreprises françaises face aux enjeux géopolitiques, poussent les deux chercheurs à s’interroger sur la capacité actuelle de l’État français à avoir une compréhension pleine des stratégies d’influence des nations. Récemment, l’entrée surprise de l’État néerlandais au <a href="https://theconversation.com/podcast-air-france-sur-la-mauvaise-pente-115005">capital d’Air-France KLM</a>, semble avoir mis la France en défaut. De même, les ambitions géopolitiques de la Chine, que cela soit en Afrique ou son grand projet de nouvelle route de la soie, relèvent d’enjeux extrêmement important pour les nations : faut-il, à l’image de l’Italie, soutenir ce projet ? À quelles conditions, et pour quels gains ? Il y a un besoin crucial d’outils d’analyse pour guider les décideurs politiques, outils que les sciences économiques ou politiques ne sont pas pleinement capables de fournir. Ainsi, pour paraphraser Machiavel : qui pour conseiller le prince ?</p>
<h2>Le gestionnaire, indispensable conseiller</h2>
<p>S’il apparaît que la géopolitique dans sa dimension économique semble être difficilement appréciée par les États, et ici plus particulièrement par l’État français, mais aussi par les entreprises, une solution existe pour pallier cette situation : la gestion. Et en effet, Stéphanie Dameron rappelle que les sciences de gestion sont nécessaires pour acquérir une pleine compréhension des stratégies d’influence des nations et des États. Il est alors possible de présenter plusieurs remèdes à ce mal.</p>
<p>Tout d’abord, Laurent Livolsi rappelle qu’il faut intégrer davantage d’agilité dans les entreprises françaises pour intégrer la question géopolitique et faire face, voire anticiper des situations inattendues (cf. cas Air France-KLM). L’agilité, pourtant nécessaire, n’en demeure pas moins difficile à mettre en place. Pour la faciliter, Laurent Livolsi rappelle qu’il est nécessaire d’avoir en tête qu’une organisation est une construction, fruit notamment d’une culture. Cet historique ne doit donc pas être occulté, mais il ne doit pas non plus constituer un obstacle. L’agilité doit intégrer les spécificités de l’organisation sans chercher à les figer.</p>
<p>Par la suite, Stéphanie Dameron a rappelé que la gestion disposait d’outils permettant d’intégrer cette dimension géopolitique. Mais comme nous l’avons déjà vu dans une conférence précédente (voir la chronique sur l’épisode n°5 de l’Academic All-Star game), les chercheurs souffrent parfois d’amnésie…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/academic-all-star-game-episode-v-la-renaissance-des-sciences-de-gestion-122387">Academic All-Star Game, épisode V : la renaissance des sciences de gestion</a>
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<p>Il convient alors de redécouvrir et de se réapproprier ces outils en les adaptant au contexte actuel. À titre d’exemple, Stéphanie Dameron cite Igor Ansoff, professeur russo-américain en stratégie réputé du XX<sup>e</sup> siècle, et sa <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/igor-ansoff-de-planification-management-strategique/00036788">théorisation de la planification</a> intégrant pleinement la « surprise ». La pensée systémique d’Ansoff inclut la notion des <em>issues</em> (problématiques) et la capacité de l’entreprise ou de l’État à rebondir, nécessitant, entre autres, une réflexion sur les vulnérabilités de son plan stratégique. Pour faire face à ces surprises il faut également porter son attention sur ce que la chercheuse nomme l’<em>antestratégie</em>. L’<em>antestratégie</em>, c’est penser la stratégie au-delà de sa simple dimension économique. Il s’agit de repérer les pratiques sociales, politiques qui vont influencer une décision. En avoir pleinement conscience permet alors de s’adapter à des ruptures, des bifurcations de marché.</p>
<p>Ainsi, il existerait des solutions pour faire face à la problématique géopolitique, la gestion détenant les outils nécessaires à l’appréhension et à la compréhension des phénomènes.</p>
<h2>À l’assaut !</h2>
<p>Cette septième conférence a donc adopté un ton irrémédiablement positif. Mais au-delà du fait que la gestion produirait des solutions aux écueils géopolitiques, les chercheurs ont présenté l’avenir de la gestion sous un profil favorable. En fondant notamment sa force sur la transdisciplinarité, en (re)prenant connaissance des théories déjà existantes mais également en ne sous-estimant pas la valeur de la gestion dans la sphère politique (les gestionnaires sont de plus en plus sollicités dans les think tanks), tout laisse à penser que le futur de la gestion est éminemment radieux, à condition de repenser et d’élargir les points d’impact de la recherche en gestion. Les chercheurs actuels sont en train de reconstruire la base des sciences de gestion et il appartiendra à la jeune génération de tirer profit de cette réflexion.</p>
<p>De plus, lors de cette septième conférence nous avons ressenti une réelle cohérence émanant de l’ensemble des interventions de l’Academic All-Star Game. En effet, les chercheurs ont parlé ce jeudi de la redécouverte de certaines théories gestionnaires, d’impact de la gestion dans la sphère politique, ou encore de performativité. Ces idées avaient déjà été présentées lors de conférences précédentes. Il convient donc visiblement de conclure que l’union fera la force de la gestion dans un futur (très) proche…</p>
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<p><strong>À visionner, l’intégralité de l’épisode 7 de l’Academic All-Star Game avec Stéphanie Dameron et Laurent Livolsi.</strong></p>
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<p><strong>À voir également, l’interview de Stéphanie Dameron et Laurent Livolsi.</strong></p>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/123471/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Le cycle de conférences Academic-All Star Game est soutenu par la MSH Paris-Saclay.</span></em></p>La recherche en management peut éclairer les stratégies d’influence des nations et des États. Un nouveau champ d’action s’ouvre ainsi pour les chercheurs de demain.Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1234692019-09-24T08:48:11Z2019-09-24T08:48:11ZAcademic All-Star Game, épisode VI : la recherche, entre performance et performativité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/293010/original/file-20190918-187962-1ktp2m8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C7%2C1017%2C678&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Aude Deville et Hervé Dumez à la Faculté Jean-Monnet de l'Université Paris-Sud, pour l'épisode VI de l'Academic All-Star Game. </span> </figcaption></figure><p><em>Ce texte de Marine Stampfli et Louis Choisnet (élèves normaliens de l’ENS Paris-Saclay et étudiants en <a href="https://www.universite-paris-saclay.fr/fr/formation/master/management-strategique#mention">Master Management stratégique de l’Université Paris-Saclay</a>) est publié dans le cadre d’un partenariat entre The Conversation France et l’Academic All-Star Game, cycle de conférences débats organisés par les étudiants de licence économie-gestion de l’<a href="http://ens-paris-saclay.fr">ENS Paris-Saclay</a> et de la <a href="http://www.jm.u-psud.fr/fr/index.html">Faculté Jean‑Monnet</a> (droit, économie, gestion) de l’<a href="http://www.u-psud.fr/fr/index.html">Université Paris-Sud</a>. Ce cycle est soutenu par la <a href="http://msh-paris-saclay.fr">MSH Paris-Saclay</a>.</em></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Programme complet de l’Academic All-Star Game.</span>
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<p>Le jeudi 21 mars s’est déroulée la sixième conférence de l’Academic All-Star Game. Cet événement organisé par les étudiants de la Faculté Jean‑Monnet et de l’ENS Paris-Saclay, a pour objectif, rappelons-le, de traiter la problématique suivante : « recherche en stratégie et management : mort clinique ou renaissance ? ». Aux deux tiers de ce cycle de conférences, nous avons toujours autant d’entrain à venir assister aux interventions des chercheurs en gestion ayant répondu présents à l’invitation.</p>
<p>Lors de cette sixième conférence, Aude Deville et Hervé Dumez sont tous deux venus nous faire part de leur réflexion sur la problématique posée par l’Academic All-Star Game.</p>
<h2>Présentation des intervenants</h2>
<p>Aude Deville est professeur des universités à l’IAE de Nice, Université Côte d’Azur. Elle est spécialiste en contrôle de gestion. Son domaine de prédilection est la <a href="https://www.cairn.info/revue-comptabilite-controle-audit-2010-2-page-97.htm">performance</a>. Elle a été corédactrice en chef de la revue <a href="https://www.cairn.info/revue-comptabilite-controle-audit.htm">« Comptabilité-Contrôle-Audit »</a> et elle a coordonné récemment un dossier spécial de la Revue française de gestion sur le thème du <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2018-7.htm">management des coopératives</a>.</p>
<p>Hervé Dumez est professeur à l’École Polytechnique et directeur de recherche au CNRS. Il dirige le Centre de Recherche en Gestion (<a href="https://portail.polytechnique.edu/i3_crg/fr">CRG</a>) de Polytechnique ainsi que l’Institut interdisciplinaire de l’innovation (<a href="http://i3.cnrs.fr">i3</a>). Il a été visiting professor au MIT. Hervé Dumez est chevalier de l’Ordre du mérite. Le <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2013-8-page-171.htm">chercheur</a> travaille notamment sur les méta-organisations, la performativité ou encore la responsabilité sociale des entreprises. Il dirige une revue électronique bien connue des chercheurs en gestion : « le <a href="http://i3.cnrs.fr/evenement/parution-du-libellio-de-lete-2019/">Libellio d’AEGIS</a> ».</p>
<h2>Un dur labeur</h2>
<p>Aude Deville a décidé lors de cette conférence, puisqu’il s’agit finalement de parler de la recherche en management, de présenter ce qu’est le métier de chercheur en sciences de gestion. La chercheuse a tout d’abord rappelé que la recherche c’est participer à une conversation, contribuer aux savoirs d’un domaine : il faut donc prouver qu’on apporte quelque chose à la littérature existante.</p>
<p>Aude Deville a par la suite insisté sur les trois messages qu’elle souhaitait véhiculer concernant ce qu’est la recherche en sciences de gestion :</p>
<ul>
<li><p>Premièrement, du fait de son objet d’analyse la gestion est une science de l’action. La recherche en sciences de gestion est donc quelque chose qui se pratique, il convient de s’approprier le contexte d’analyse, les données et surtout avoir une connaissance pointue de la littérature.</p></li>
<li><p>Deuxièmement, il faut avoir en tête que ce n’est pas une approche qui définit un chercheur mais ses préoccupations. Aude Deville a d’ailleurs abordé la performance à travers diverses méthodes : normative, explicative ou encore exploratoire. Elle note que la posture normative est difficilement acceptée par la communauté de chercheurs, mais qu’elle apprécie pour sa part d’aborder le thème de la performance sous différents prismes.</p></li>
<li><p>Enfin, faire de la recherche n’est ni régulier, ni linéaire. L’unique chose régulière est le travail fourni au quotidien. En effet, le travail de chercheur est un travail de fourmi et nécessité une rigueur importante. La publication des articles constitue donc l’aboutissement de ce travail de longue haleine, et bien plus encore, elle est l’une des uniques (si ce n’est l’unique) formes de reconnaissance de ce dur labeur. C’est d’ailleurs pour affronter ces écueils que le chercheur en gestion doit absolument aimer son sujet et se battre pour celui-ci.</p></li>
</ul>
<p>Pour conclure, Aude Deville a indiqué que le chercheur devait être ouvert d’esprit et donc à même d’accepter ce qu’elle nomme le « fait surprenant », c’est-à-dire le résultat auquel on ne s’attendait pas, celui qui peut être en contradiction avec la littérature, ou encore celui qui peut remettre en question l’intuition sur laquelle reposait par exemple un projet d’article.</p>
<h2>La recherche en stratégie et la question du langage</h2>
<p>Hervé Dumez a, pour sa part, davantage traité de la notion de stratégie, et plus exactement de la stratégie vue comme discours et action. Sa présentation s’est donc focalisée sur l’analyse de la stratégie. Son propos a moins porté sur la stratégie en elle-même, son élaboration, ses tenants ou ses aboutissants que sur la manière pour un chercheur d’observer celle-ci.</p>
<p>Dans le cas de Hervé Dumez, il s’agit donc d’étudier d’abord le lien entre discours et action. Ainsi est-il question d’analyser, dans un premier temps, la stratégie comme discours. Via des logiciels le chercheur et ses collègues ont tenté de relever les mots, les expressions et donc les thèmes qui reviennent le plus dans les discours des PDG d’entreprises. Se pose cependant une question cruciale : y-a-t-il un lien entre discours et actions ? En effet, le discours managérial a aussi une vocation communicationnelle, dont l’enjeu en termes d’image et de motivation des acteurs n’est pas à négliger.</p>
<p>L’idée n’est donc pas de réduire la stratégie qu’à des mots, ni à l’opposé qu’à une réalité économique à savoir la structure des marchés. Au contraire, il y a interaction entre les deux, entre discours et action. Le discours ne fait pas que rendre compte d’une réalité, il peut l’influencer, la transformer : c’est ce que l’on nomme la performativité.</p>
<p>Un discours est dit performatif quand, par sa simple énonciation, il conduit la réalité à s’accorder à son énoncé.</p>
<p>Pour clarifier ce concept un exemple « canonique » s’impose : le « je vous déclare mari et femme » prononcé par l’officier d’état civil lors d’un mariage. Par cette phrase, les époux sont considérés comme mariés (ce n’était pas le cas avant, cela le devient après). Le discours, par sa simple énonciation, modifie donc le réel. Appliqué au discours managérial, et ce n’est pas sans rappeler le concept de <em>sensemaking</em> cher à <a href="http://www.sietmanagement.fr/decision-contextuelle-rationalite-de-la-construction-de-sens-enaction-gestion-de-crise-k-weick/">Karl Weick</a>, cela conduit à s’interroger sur la traduction en actes des discours des PDG.</p>
<p>Hervé Dumez énonce d’autres éléments d’interrogation quant aux liens entre discours et action. Le premier est temporel : le discours précède-t-il l’action, ou bien est-ce l’inverse ? Bien évidemment la réponse est complexe, la relation est toujours récursive.</p>
<p>La seconde interrogation porte sur l’analyse de la métaphore. Comme le rappelle Hervé Dumez, le langage est métaphorique et par les analogies qu’il crée, les champs lexicaux auxquels il renvoie, il rend compte de la vision de celui qui l’émet : « la métaphore est un programme », disait <a href="https://journals.openedition.org/apliut/4302">Schön</a>.</p>
<p>Enfin, et parce que l’objet de la recherche en gestion est mouvant, le chercheur a développé l’usage d’un nouveau support pour l’analyse du discours : le PowerPoint. En effet, peut-on aujourd’hui imaginer une présentation sans PowerPoint ? Il ne semble guère péremptoire d’affirmer que non. Cependant, étudier ce type de support est compliqué. Tout d’abord, il n’est ni un texte écrit, ni un texte oral, et dans le cadre d’une analyse qualitative, du propre aveu du chercheur, son codage est impossible. Ainsi n’analyse-t-on pas les éléments d’un PowerPoint un à un mais l’on se concentre sur le tout, sur la forme. Aux critiques récurrentes, pour lesquelles les diaporamas sont très pauvres en termes d’analyse on objectera que ces présentations sont du discours visant l’action, et qu’ils s’inscrivent à ce titre parfaitement dans l’étude du lien discours-action, même si ce discours ne se suffit pas à lui-même.</p>
<h2>Une dose de Prozac pour la gestion ?</h2>
<p>Cette conférence, bien loin de l’optimisme sans faille de la précédente, s’est achevée sur une note en demi-teinte. On peut déplorer, tout comme Aude Deville, qu’avoir une approche différente, comme peut l’être l’approche normative, est tout sauf encouragé par les pairs. Or, au risque de paraître naïf, la recherche en gestion n’aurait-elle pas tout à gagner à multiplier les visions et les approches ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/academic-all-star-game-episode-v-la-renaissance-des-sciences-de-gestion-122387">Academic All-Star Game, épisode V : la renaissance des sciences de gestion</a>
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<p>De plus, à la fin de cette conférence, Hervé Dumez a semblé des plus pessimistes quant à la place de la gestion par rapport aux autres sciences humaines. Sur le plan médiatique un économiste ou un sociologue semblent bien plus légitimes (oserions-nous dire « scientifiques » ?) qu’un chercheur en gestion. Il en va de même pour l’opinion publique. Ainsi, les chercheurs en gestion, et leurs discours, sont-ils bien souvent inaudibles. Or, une science qui ne participe pas, ou peu, au débat public, a-t-elle de l’avenir ? C’est toute la question posée aujourd’hui à la communauté même des chercheurs en gestion…</p>
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<p><strong>À visionner, l’intégralité de l’épisode 6 de l’Academic All-Star Game avec Aude Deville et Hervé Dumez.</strong></p>
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<p><strong>À voir également, l’interview d’Aude Deville et Hervé Dumez.</strong></p>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/123469/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Le cycle de conférences Academic All-Star Game est soutenu par la MSH Paris-Saclay.</span></em></p>La recherche et les chercheurs, la performance et la performativité. Découvrez le sixième épisode de l’Academic All-Star Game, avec Aude Deville et Hervé Dumez.Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1223872019-08-27T15:13:45Z2019-08-27T15:13:45ZAcademic All-Star Game, épisode V : la renaissance des sciences de gestion<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/289448/original/file-20190826-8889-qgurl3.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C3%2C1286%2C771&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Albert David et Armand Hatchuel (de gauche à droite).</span> <span class="attribution"><span class="source">Capture d'écran.</span></span></figcaption></figure><p><em>Ce texte de Marine Stampfli et Louis Choisnet (élèves normaliens de l’ENS Paris-Saclay et étudiants en <a href="https://www.universite-paris-saclay.fr/fr/formation/master/management-strategique#mention">Master Management stratégique de l’Université Paris-Saclay</a>) est publié dans le cadre d’un partenariat entre The Conversation France et l’Academic All-Star Game, cycle de conférences débats organisés par les étudiants de licence économie-gestion de l’<a href="http://ens-paris-saclay.fr">ENS Paris-Saclay</a> et de la <a href="http://www.jm.u-psud.fr/fr/index.html">faculté Jean‑Monnet</a> (droit, économie, gestion) de l’<a href="http://www.u-psud.fr/fr/index.html">Université Paris-Sud</a>. Ce cycle est soutenu par la <a href="http://msh-paris-saclay.fr">MSH Paris-Saclay</a>.</em></p>
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<span class="caption">Programme complet de l’Academic All-Star Game.</span>
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<p>Le cinquième épisode du cycle de conférences de l’Academic All-Star Game 2018-2019, a pris place au sein de la faculté Jean‑Monnet le jeudi 14 mars 2019. L’enjeu initial, rappelons-le, est de s’interroger sur l’avenir de la recherche en stratégie et en management, sur son rôle mais aussi ses apports pour les praticiens, car une recherche fonctionnant en cycle fermé ne peut être que sclérosée. Les interventions de Albert David et Armand Hatchuel, marquées par un ton optimiste, ont recontextualisé les sciences de gestion et surtout montré ce qu’elles peuvent apporter par rapport aux autres disciplines scientifiques.</p>
<p>En premier lieu, il convient de présenter les deux intervenants.</p>
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<span class="caption">Les nouvelles fondations des sciences de gestion.</span>
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<p>Albert David détient un doctorat en méthode scientifique de gestion et il est professeur à l’université Paris-Dauphine. Il a été le rédacteur en chef de la revue scientifique <em>Finance, Contrôle, Stratégie</em> et a fondé le Cercle de l’innovation en 2013. Ses recherches portent notamment sur la décision (voir David A., Damart S., <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2011-5-page-15.htm">« Bernard Roy et l’aide multicritère à la décision »</a>, <em>Revue française de gestion</em>, 2011/5 N°214), l’innovation et l’étude de la recherche en sciences de gestion. (voir David A., <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2002-3-page-173.htm">« Décision, conception et recherche en sciences de gestion »</a>, <em>Revue française de gestion</em>, 2002/3-4 N° 139).</p>
<p>Armand Hatchuel est professeur à MINES ParisTech. Véritable figure de la recherche en gestion francophone, il a pris part à de nombreux comités et conseils scientifiques et a été très impliqué dans l’élaboration de la loi Pacte en liaison avec le Collège des Bernardins. Ses publications portent sur la théorie de l’action collective ou théorie C-K (<em>concept-knowledge</em>), mais aussi sur les finalités de l’entreprise (Levillain K., Segrestin B., Hatchuel A., <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2014-8-page-179.htm">« Repenser les finalités de l’entreprise. La contribution des sciences de gestion dans un monde post-hégélien »</a>, <em>Revue française de gestion</em>, 2014/8 N°245). Il a publié l’un des 19 articles les plus influents de l’histoire de la <em>Revue française de gestion</em> : Hatchuel, A. (2015), <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2015-8-page-121.htm?contenu=article">« Apprentissages collectifs et activités de conception »</a>, <em>Revue française de gestion</em>, 253(8), 121-137.</p>
<p>Voici maintenant, en substance, ce que l’on pouvait retenir de cette cinquième conférence.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/academic-all-star-game-episode-iv-dieselgate-et-affaire-carlos-ghosn-116907">Academic All-Star Game, épisode IV : « Dieselgate » et affaire Carlos Ghosn</a>
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<h2>Redécouvrir la gestion</h2>
<p>Albert David et Armand Hatchuel nous ont d’abord invités à nous interroger sur la place de la gestion, en tant que discipline scientifique, et surtout à en redécouvrir certains pans. En effet, pour paraphraser les deux professeurs, il y a une forme « d’amnésie » concernant les penseurs d’après-guerre.</p>
<p>Armand Hatchuel note qu’en cette période tout tourne autour des « tayloriens » : chaque théorie, chaque pensée est étudiée, débattue, affirmée ou infirmée, mais toujours par rapport au canon taylorien. Cela se ressent encore aujourd’hui puisque les Henri Fayol et autre Mary Parker Follett, s’ils sont certes étudiés, le sont toujours en parallèle du taylorisme. Là où le phénomène est devenu préjudiciable, c’est qu’il a eu tendance à occulter certains grands apports de ces auteurs, apports que l’on redécouvre seulement aujourd’hui.</p>
<p>Par ailleurs, deux dualités ont longtemps concouru à limiter l’analyse des sciences de gestion. La première a amené à séparer responsabilité et rationalité. Or, l’une ne peut être analysée sans l’autre. La seconde est la séparation entre management et gouvernance, séparation qui aujourd’hui n’est plus d’actualité. C’est en dépassant ces éléments que la gestion est revenue en force.</p>
<h2>La gestion, une science de premier plan</h2>
<p>S’il y a un élément qui ressort dans les discours de Albert David et Armand Hatchuel, c’est bien la conviction que la gestion, loin d’être une science de second plan et dépérissante, est devenue une discipline dynamique, dont le prisme analytique n’a rien à envier aux sciences fondamentales.</p>
<p>La première raison est que celle-ci, via le développement des théories de l’action collective, a enfin pu définir clairement son objet : non plus juste une théorie du faire ou de l’agir, mais l’étude des actions collectives. Par ailleurs, dans sa démarche scientifique, la gestion bénéfice de trois atouts. Le premier est un grain d’analyse beaucoup plus fin que les autres sciences. Le second est sa grande variété d’objets d’analyse, la théorie de l’action collective se présentant comme universelle. Enfin, elle bénéficie de la longitudinalité de ses observations : son analyse pouvant s’inscrire dans une échelle de temps relativement longue (étude d’une entreprise sur plusieurs décennies par exemple).</p>
<p>La place importante qu’occupe aujourd’hui la gestion est due à l’émergence de théories fortes telle que la théorie C.K (<em>concept-knowledge</em>), dont l’usage a largement dépassé les frontières de la gestion. Dans un de leurs domaines de prédilections, l’innovation, les deux chercheurs ont développé cette théorie à la force de frappe importante. D’après celle-ci, la propriété d’un bon concept innovant est d’explorer l’inconnu en relisant le connu, en d’autres termes « innover, c’est créer de l’inconnu avec du connu ».</p>
<p>Après la discipline, passons on chercheurs. Les deux ont insisté sur l’importance de la culture pour un chercheur en gestion. Armand Hatchuel rappelle que l’aspect longitudinal de la discipline implique une connaissance historique de celle-ci. La gestion n’est pas une accumulation d’outils. Il est nécessaire de contextualiser ces derniers, pour en saisir les tenants et les aboutissants, mais aussi de savoir rechercher dans le passé des solutions à des problèmes contemporains. Albert David, au-delà de ce bagage historique, insiste, quant à lui, sur le besoin pour un chercheur d’avoir une culture littéraire. En effet, la gestion est caractérisée par des variations terminologiques où de nouveaux termes apparaissent et d’autres disparaissent continuellement. Une culture littéraire est ainsi nécessaire non seulement pour apporter précision et clarté à la pensée, mais aussi pour forger de nouveaux concepts.</p>
<h2>Reconnaissance publique</h2>
<p>Ce que nous pouvons appeler le renouveau des sciences de gestion se matérialise plus spécifiquement par la reconnaissance de la recherche en gestion. La discipline occupe en effet une place de plus en plus importante dans les politiques publiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/au-chevet-de-la-recherche-en-management-academic-all-star-game-episode-3-115973">Au chevet de la recherche en management : Academic All-Star Game, épisode 3</a>
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<p>Pour illustrer cela, les deux chercheurs, et plus particulièrement Armand Hatchuel, ont insisté sur ce qu’ils nomment la « nouvelle entreprise », naissant grâce au projet de loi pour le Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises (loi Pacte). Cette nouvelle entreprise vient bouleverser, bien au-delà des seules sciences de gestion, notre société tout entière.</p>
<p>Cette volonté de changement peut être expliquée par plusieurs points. Premièrement, la crise de 2008 constitue le paroxysme des déviances de comportements des dirigeants, surtout dans les sphères bancaires et financières. Deuxièmement, la logique actionnariale prédominante a conduit à 30 ans « d’appauvrissement », de découplage entre profits et investissements (les profits augmentent et les investissements stagnent). Enfin, l’idée selon laquelle seuls les investisseurs prendraient des risques est dorénavant largement contestée. En effet, n’est-il pas complètement absurde d’avancer que les salariés ne sont pas exposés aux risques ? Et d’ailleurs lorsqu’une entreprise fait face à des difficultés les salariés ne sont-ils pas les premiers à être interviewés ? Il existerait un décalage excessivement important entre ce qu’a longtemps été l’entreprise pour les dirigeants et les actionnaires et ce qu’est l’entreprise d’un point de vue sociétal. Ainsi, il existait un réel vide intellectuel sur la définition de l’entreprise, d’après Armand Hatchuel.</p>
<p>Mais alors quels sont les contours de cette nouvelle entreprise ? À noter tout d’abord que ce sont les gestionnaires (ainsi que leurs collègues en droit) qui ont largement inspiré cette nouvelle loi. Les principaux points relatifs à la définition de l’entreprise qu’ils ont retenus sont les suivants. Premièrement, percevoir l’entreprise comme processus de création collective où toutes les parties engagées prennent des risques. Deuxièmement, reconnaître qu’une entreprise a des responsabilités sociales et environnementales. Troisièmement, une entreprise, pour exister, devrait définir une raison d’être. Quatrièmement, créer un cadre de loi apparaît être absolument nécessaire.</p>
<p>À la question « faut-il une loi pour donner une définition à l’entreprise ? », Armand Hatchuel répond que la loi permet d’acter les doctrines, et que certaines théories doivent parfois passer par la loi pour vivre.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/au-chevet-de-la-recherche-en-management-academic-all-star-game-episode-2-114149">Au chevet de la recherche en management : Academic All-Star Game, épisode 2</a>
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<p>Le chercheur a clos cette conférence par une phrase particulièrement marquante : « aujourd’hui les sciences de gestion sont les sciences de la critique contemporaine, car elles posent les questions fondamentales de ce que veut dire agir ensemble ». Difficile de demeurer indifférent·e…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/au-chevet-de-la-recherche-en-gestion-aasg2019-episode-1-112494">Au chevet de la recherche en gestion : #AASG2019, episode 1</a>
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<p>En conclusion, cette cinquième conférence a mis en exergue des avancées majeures, tant en gestion que sur l’importance prise par la gestion. En effet, celle-ci occupe aujourd’hui une place majeure notamment dans la sphère publique, mais, qui plus est, d’autres disciplines s’inspirent dorénavant des avancées dans la recherche en gestion.</p>
<p>À la question qui justifiait ce cycle de conférences « recherche en stratégie et management : mort clinique ou renaissance ? », la réponse apparaît sans aucun doute : c’est renaissance.</p>
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<p><strong>À visionner, l’intégralité de l’épisode 5 de l’Academic All-Star Game avec Albert David et Armand Hatchuel.</strong></p>
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<p><strong>À voir également, l’interview d’Albert David et Armand Hatchuel par les élèves de l’ENS Paris-Saclay.</strong></p>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/122387/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Le cycle de conférences Academic All-Star Game est soutenu par la MSH Paris-Saclay.</span></em></p>Dans ce nouvel épisode, Albert David (Paris-Dauphine) et Armand Hatchuel (Mines ParisTech) interviennent sur les thèmes des rationalités créatrices et de la nouvelle entreprise.Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1169072019-05-12T20:30:54Z2019-05-12T20:30:54ZAcademic All-Star Game, épisode IV : « Dieselgate » et affaire Carlos Ghosn<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/273899/original/file-20190511-183083-4nyjuz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=36%2C411%2C1340%2C883&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Jean‑Michel Saussois et Franck Aggeri (de gauche à droite). </span> </figcaption></figure><p><em>Ce texte de Marine Stampfli, Baptiste Brossillon et Louis Choisnet (élèves normaliens de l’ENS Paris-Saclay et étudiants en <a href="https://www.universite-paris-saclay.fr/fr/formation/master/management-strategique#mention">Master Management stratégique de l’Université Paris-Saclay</a>) est publié dans le cadre d’un partenariat entre The Conversation France et l’Academic All-Star Game, cycle de conférences débats organisés par les étudiants de licence économie-gestion de l’<a href="http://ens-paris-saclay.fr">ENS Paris-Saclay</a> et de la <a href="http://www.jm.u-psud.fr/fr/index.html">faculté Jean Monnet</a> (droit, économie, gestion) de l’<a href="http://www.u-psud.fr/fr/index.html">Université Paris-Sud</a>. Ce cycle est soutenu par la <a href="http://msh-paris-saclay.fr">MSH Paris-Saclay</a>.</em></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Programme complet de l’Academic All-Star Game.</span>
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<p>Le quatrième épisode du cycle de neuf conférences de l’Academic All-Star Game 2018-2019, organisé par la faculté Jean‑Monnet, a eu lieu ce jeudi 21 février 2019. Rappelons l’enjeu de ce cycle de conférences : s’interroger sur l’avenir de la recherche en stratégie et en management, une mort clinique ou une renaissance (pour paraphraser l’intitulé de ce cycle). Quel est son rôle ? Quels sont ses apports pour les praticiens ? En effet, l’idée sous-jacente serait qu’en s’éloignant du terrain, du concret, du réel diront certains, les sciences de gestion ont perdu de leur consistance.</p>
<p>Ce quatrième épisode, avec <a href="https://theconversation.com/profiles/franck-aggeri-265317/articles">Franck Aggeri</a> et <a href="https://theconversation.com/profiles/jean-michel-saussois-203233/articles">Jean‑Michel Saussois</a>, ne fait pas exemption à la règle, et tente de comprendre par le biais de l’introduction de l’idéologie néo-classique en sciences de gestion cet éloignement du terrain ainsi que ses conséquences sur les pratiques.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/273790/original/file-20190510-183086-vd7fim.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/273790/original/file-20190510-183086-vd7fim.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/273790/original/file-20190510-183086-vd7fim.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=273&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/273790/original/file-20190510-183086-vd7fim.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=273&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/273790/original/file-20190510-183086-vd7fim.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=273&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/273790/original/file-20190510-183086-vd7fim.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=343&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/273790/original/file-20190510-183086-vd7fim.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=343&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/273790/original/file-20190510-183086-vd7fim.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=343&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’épisode IV de l’Academic All-Star Game, avec Franck Aggeri (Mines ParisTech) et Jean‑Michel Saussois (ESCP Europe).</span>
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<p>Avant toute chose un rapide retour sur le profil de ces deux professeurs s’impose. <a href="https://theconversation.com/profiles/franck-aggeri-265317/articles">Franck Aggeri</a> est docteur en management et enseigne aux Mines Paris Tech. Il dirige également le centre de gestion scientifique et publie régulièrement dans le magazine <a href="https://www.alternatives-economiques.fr">Alternatives économiques</a> et sur le site The Conversation. Il s’intéresse à la responsabilité sociale des entreprises, à la question climatique, aux instruments de gestion mais aussi à l’interférence des économistes en sciences de gestion.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/profiles/jean-michel-saussois-203233/articles">Jean‑Michel Saussois</a>, docteur en sociologie, est professeur émérite à l’ESCP Europe. En 1990, il crée l’Agence nationale pour la valorisation interdisciplinaire des sciences de l’Homme et de la société auprès des entreprises (<a href="https://anvie.fr">Anvie</a>). Il est également consultant à l’OCDE. Ses thèmes de prédilection sont le changement, la sérendipité et les politiques publiques.</p>
<p>Passons maintenant au contenu de cette conférence.</p>
<h2>Faites demi-tour dès que possible !</h2>
<p>Franck Aggeri et Jean‑Michel Saussois ont tout d’abord évoqué un problème que l’on a d’ailleurs retrouvé pour l’instant dans chacune des conférences du Academic All-Star Game : celui du manque d’empirisme actuel de la recherche en sciences de gestion. Cela apparaît d’autant plus préoccupant compte tenu de l’impact de la recherche en gestion sur la pratique managériale.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/au-chevet-de-la-recherche-en-gestion-aasg2019-episode-1-112494">Au chevet de la recherche en gestion : #AASG2019, episode 1</a>
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<p>D’après Franck Aggeri, cette lacune peut être la conséquence de deux phénomènes liés tous deux à l’impact croissant de la théorique néoclassique sur le monde de la gestion. Cette importance grandissante peut tout d’abord être liée au besoin de légitimité ressenti par les chercheurs en gestion. En effet, la modélisation, notamment mathématique, occupe une place prépondérante dans les articles de recherche (ce qui peut être présenté comme désolant dans un domaine de recherche centré, en grande partie, sur l’étude des comportements humains). Celle-ci permettrait de rendre plus consistants et généralisables les résultats obtenus (nous pouvons d’ailleurs nous demander si la généralité doit être un objectif poursuivi compte tenu de l’hétérogénéité même des objets étudiés en sciences de gestion). L’idéologie néoclassique s’impose donc de plus en plus, impliquant par là même une abstraction croissante.</p>
<p>La seconde raison pouvant expliquer l’importance croissante de la théorie néoclassique dans les sciences de gestion est celle liée au fait que les économistes, eux-mêmes, s’emparent des objets d’étude de la gestion. Ils traitent ainsi de phénomènes gestionnaires ou encore des entreprises, à l’image de Jean Tirole (voir Aggeri F., <a href="https://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=RFG_250_0065">« Les phénomènes gestionnaires à l’épreuve de la théorie économique standard. Une mise en perspective de travaux de Jean Tirole »</a>, Revue française de gestion, 2015/5 N° 250). Or, comme le souligne, Franck Aggeri, si les phénomènes étudiés sont les mêmes, les objectifs visés sont très différents. Néanmoins, ces recherches influencent et modèlent la recherche des sciences de gestion. Il s’agit donc pour les gestionnaires de reconquérir la recherche en sciences de gestion en s’émancipant, en partie tout du moins, de l’idéologie néo-classique.</p>
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<p>Jean‑Michel Saussois présente ce qu’il nomme être un « plaidoyer pour comment faire de la recherche en gestion ». Ce dernier insiste également sur un problème, lié à la réalité de terrain, pouvant apparaître. Il ne s’agit pas ici à proprement dit, d’un manque d’empirisme, mais davantage de lacunes d’interprétation des données récoltées sur le terrain par les chercheurs en gestion. En effet, lorsque les chercheurs se positionnent en tant qu’observateurs dans les organisations ils se doivent d’analyser les faits et comportements avec un regard distant. Il s’agit d’adopter une démarche d’observation critique et d’améliorer la capacité à prendre du recul face aux données récoltées. Les organisations étant composées de femmes et hommes, il est important d’aller au-delà des présupposés et de prendre de la distance par rapport aux discours tenus. Le chercheur en sciences de gestion doit en fait être capable de dégager des « non dits » afin d’avoir accès aux données tacites. La richesse d’une observation de terrain réside effectivement dans l’articulation entre savoirs explicites et savoirs tacites (au sens de <a href="https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/la-connaissance-creatrice-9782744500343/">Nonaka</a>).</p>
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<p>Jean‑Michel Saussois et Franck Aggeri ont donc insisté dans la première partie de cet acte 4 de l’Academic All-Star Game sur la nécessité, d’une part de repenser la manière de faire de la recherche en gestion en adoptant systématiquement une position critique face aux données observées et d’autre part de s’émanciper de l’idéologie néoclassique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/au-chevet-de-la-recherche-en-management-academic-all-star-game-episode-2-114149">Au chevet de la recherche en management : Academic All-Star Game, épisode 2</a>
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<h2>Retrait de permis pour Ghosn et Volkswagen</h2>
<p>La dominance du modèle actionnarial, imposée par les penseurs néoclassiques, a conduit à des déviances, notamment en termes de gouvernance. À titre d’exemple, ce modèle légitime la forte hausse en termes de rémunération pour les dirigeants des grands groupes.</p>
<p>La seconde partie de cette conférence était donc consacrée à deux scandales issus de l’industrie automobile, illustrant la crise contemporaine que traverse le management : l’affaire C. Ghosn et le « dieselgate » (Aggeri et Saussois, <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2017-8-page-83.htm?contenu=resume"><em>La puissance des grandes entreprises mondialisées à l’épreuve du judiciaire : de l’affaire Volkswagen au dieselgate</em></a>, Revue française de gestion, 2017/8 N° 269 | pages 83 à 100).</p>
<p>Commençons par l’affaire Ghosn. Jean‑Michel Saussois et Franck Aggeri ont reconstitué la chronologie de l’affaire portant sur l’augmentation de salaire de Carlos Ghosn en 2016. Bref récapitulatif : cette année-là, Carlos Ghosn, PDG de Renault, propose une augmentation de son salaire pour porter celui-ci à 8 millions d’euros, proposition refusée, à 54 %, par l’assemblée générale des actionnaires. Cependant, une heure après, le conseil d’administration, réuni en urgence, court-circuite cette décision et valide l’augmentation de rémunération. « Le conseil d’administration est décisionnaire », voilà en substance la défense de Carlos Ghosn face au mécontentement qui émerge dans l’opinion publique. Cela porte à s’interroger sur deux points : la défiance des actionnaires et les enjeux de gouvernance dans les grands groupes internationaux.</p>
<p>Pour Franck Aggeri, cette défiance n’est que la résultante de plusieurs années de contestation de la politique de Carlos Ghosn, due notamment à un manque de transparence sur la double rémunération du PDG (via Renault et Nissan), et la concentration des pouvoirs entre les mains de ce dernier (ce que le scandale de 2016 n’a fait que confirmer). Cela met en exergue les enjeux de gouvernance actuels. Celle-ci est remise en cause par l’entre-soi des conseils d’administration mais aussi par l’instrumentalisation du modèle actionnarial par les dirigeants, et ce notamment afin d’accroître leurs rémunérations. De plus, et nous l’avons vu précédemment, dans la recherche en gestion, le terrain est bien souvent délaissé. Ainsi, le modèle de la gouvernance d’entreprise est-il décorrélé des pratiques managériales. Cela amène les deux chercheurs à qualifier celle-ci de « fiction ».</p>
<p>Certains enjeux autour de la gouvernance se retrouvent également dans le scandale dit du <a href="https://theconversation.com/us/topics/dieselgate-20795">« dieselgate »</a>. Pour rappel, en 2015, le constructeur automobile allemand Volkswagen est poursuivi aux États-Unis pour une fraude concernant les émissions de particules de ces véhicules, et plus précisément une triche relativement grossière lors des tests d’émissions. Mais comment un groupe international tel que Volkswagen a-t-il pu tomber dans de tels travers ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/au-chevet-de-la-recherche-en-management-academic-all-star-game-episode-3-115973">Au chevet de la recherche en management : Academic All-Star Game, épisode 3</a>
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<p>Jean‑Michel Saussois et Franck Aggeri énoncent plusieurs hypothèses pour expliquer ce comportement. Reprenant le concept « d’<a href="https://www.universalis.fr/dictionnaire/illegalisme/">illégalisme</a> » de Foucault, ils rappellent que dans toute organisation des petites fraudes sans réelle gravité sont régulièrement commises sans que cela n’inquiète personne. Mais si la frontière de la légalité à cette fois-ci allègrement été franchie c’est tout d’abord à cause de ce qu’il nomme une arrogance organisationnelle qui fait que l’entreprise autoproduit son jugement et ne reconnaît pas celui des autres. Cela a conduit à une inversion du contrôle où les constructeurs automobiles (les régulés) influencent les normes produites par les régulateurs. De plus dans un contexte de peur managériale, les normes juridiques sont passées au second plan face aux attentes des dirigeants auxquelles il faut répondre, quitte à frauder et ce d’autant plus que le système de réduction de pollution n’est pas valorisé par les clients.</p>
<p>Enfin, et ce n’est pas spécifique au constructeur allemand, on a observé une normalisation de la déviance : puisque les autres constructeurs le font, il faut tricher pour ne pas mettre l’entreprise en danger dans un marché très concurrentiel.</p>
<p>Jean‑Michel Saussois et Franck Aggeri, par ces deux exemples, invitent donc à repenser le partage du pouvoir et les rapports de force dans les organisations, en d’autres termes : la gouvernance.</p>
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<h2>Une hausse des scandales à prévoir</h2>
<p>Ainsi, durant cet acte IV du All-Star Game, Jean‑Michel Saussois et Franck Aggeri ont mis en exergue les limites de la recherche en gestion. Les deux chercheurs ont en effet critiqué le poids croissant de l’idéologie néoclassique dans le monde gestionnaire. Cette imprégnation du néoclassicisme sur le management a conduit à des dérives sur le plan pratique. En effet, les grandes firmes mondialisées, et leurs dirigeants, se trouvent de plus en plus au cœur de grands scandales. D’après Franck Aggeri et Jean‑Michel Saussois, nous pouvons donc nous attendre à une hausse significative de tels scandales dans les années à venir.</p>
<p>En proposant une nouvelle manière de faire de la recherche en gestion, les deux chercheurs nous conduisent à l’issue de cette conférence à tendre vers la renaissance de la recherche en gestion plutôt que vers la mort clinique.</p>
<p>Cette conférence permet donc de comprendre comment la dominance de l’idéologie néo-classique dans la recherche en sciences de gestion mène à des failles tant théoriques que pratiques. Nous pouvons dresser commentaire principal à cette approche : nous sommes accoutumés depuis plusieurs décennies aux critiques réciproques entre gestionnaires et économistes. Légitimer la recherche en gestion en remettant en cause les principes néo-classiques semble donc être une approche limitée. Légitimer la recherche en management suppose sans doute de mettre davantage encore en avant les forces de la gestion plutôt que les seules faiblesses de l’économie, car sinon le risque n’est-il pas de décrédibiliser in fine les deux disciplines ?</p>
<p><strong>À voir, l’interview de Franck Aggeri et Jean‑Michel Saussois par Thomas Bartelt et Hugo Val, élèves de l’ENS Paris-Saclay.</strong></p>
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<p><strong>À visionner également, l’intégralité de l’épisode IV de l’Academic All-Star Game avec Franck Aggeri et Jean‑Michel Saussois.</strong></p>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/116907/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Le cycle de conférences "Academic All-Star Game" est soutenu par la MSH Paris-Saclay. </span></em></p>Les tensions entre perspectives économiques et gestionnaires sont au menu de l’épisode IV de l’Academic All-Star Game. Avec application concrète au « dieselgate » et à l’affaire Carlos Ghosn.Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1124942019-03-03T20:03:17Z2019-03-03T20:03:17ZAu chevet de la recherche en gestion : #AASG2019, episode 1<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/260853/original/file-20190225-26152-ug234u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=136%2C48%2C814%2C645&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">#AASG2019, Episode 1.</span> </figcaption></figure><p><em>Ce texte de Marine Stampfli et Louis Choisnet (élèves Normaliens de l’ENS Paris-Saclay et étudiants en <a href="https://www.universite-paris-saclay.fr/fr/formation/master/management-strategique#mention">Master Management Stratégique de l’Université Paris-Saclay</a>) est publié dans le cadre d’un partenariat entre The Conversation France et l’Academic All-Star Game, cycle de conférences débats organisé par les étudiants de licence économie-gestion de l’<a href="http://ens-paris-saclay.fr">ENS Paris-Saclay</a> et de la <a href="http://www.jm.u-psud.fr/fr/index.html">faculté Jean Monnet</a> (droit-économie-gestion) de l’<a href="http://www.u-psud.fr/fr/index.html">Université Paris-Sud</a>. Ce cycle est soutenu par la <a href="http://msh-paris-saclay.fr">MSH Paris-Saclay</a>.</em></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Programs, Academic All-Star Game.</span>
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<p>Ce lundi 21 janvier, la faculté Jean Monnet a accueilli le premier épisode de l’Academic All-Star Game 2018-2019 : « Recherche en stratégie et management : mort clinique ou renaissance ? ». L’objectif ? Rendre compte sur un cycle de 9 conférences de l’état actuel de la recherche en stratégie et management. En effet, le monde académique est en pleine introspection : la recherche en management a-t-elle pour vocation unique et principale à répondre aux besoins, aux attentes, du terrain ?</p>
<p>Pour les praticiens, il est certain qu’une recherche en management qui ne serait plus au service du terrain serait stérile. Dans le monde de la recherche, un véritable schisme s’opère. Pour certains, il est nécessaire que la recherche en gestion serve la pratique afin d’apparaître légitime. Pour d’autres, sans souhaiter une totale déconnexion avec la réalité de terrain, la recherche en management ne doit pas être asservie à la pratique pour être légitime.</p>
<p>Afin de débattre sur cette question, deux docteurs en sciences de gestion ont été convié à cet acte 1 de l’Academic All-Star Game qui s’est déroulé à guichet fermé. Philippe Lorino est professeur émérite à l’ESSEC. Il s’intéresse notamment aux situations de changement stratégique et au rôle des méthodes et outils de gestion durant ces dernières. Hervé Laroche est, quant à lui, professeur au département stratégie, Hommes et organisation à l’ESCP Europe. Ses travaux portent également sur les décisions stratégiques dans les entreprises mais aussi sur le rôle de la recherche en gestion.</p>
<h2>Alors, c’est grave docteur ?</h2>
<p>Si Philippe Lorino et Hervé Laroche ne partagent pas un même avis sur plusieurs questions propres à la recherche en management, un constat commun apparaît : la recherche en management a trop longtemps été guidée par une vision homogène. Cette approche dominante trouve ses fondements dans le rationalisme propre à la philosophie européenne dite cartésienne : la recherche se doit d’être rationnelle en s’émancipant de toutes impressions et expériences de terrain. La connaissance doit être fondée sur des vérités sûres issues de représentations mathématisables et en grande partie linéaires. La pensée est alors déconnectée de l’action.</p>
<p>D’après Hervé Laroche, qui n’est pas pour autant rationaliste, cette approche rationaliste a été adoptée dans la recherche en gestion afin notamment de trouver sa légitimité dans le caractère scientifique de sa démarche. L’importance donnée aux mathématiques dans la recherche en gestion a d’ailleurs été remise en question par Lorino dans l’article <a href="https://www.cairn.info/revue-entreprises-et-histoire-2015-2-page-174.htm?contenu=resume">« À propos de l’emprise du chiffre »</a>. D’après lui, les pratiques de chiffrage peuvent « faire perdre la connexion avec le réel ».</p>
<p>Le problème de la perte de connexion de la recherche en management avec le réel apparaît alors. Cette perte de connexion pourrait faire perdre sa légitimité à la recherche en management. De plus, le management étant l’étude des organisations, il est tentant d’illustrer les effets néfastes que peut avoir cette déconnexion avec le cas d’une organisation spécifique : l’État. Philippe Lorino a montré que la démarche cartésienne adoptée par le président Emmanuel Macron, qui prend la forme d’un refus catégorique de remettre en question ses décisions, peut, en partie, expliquer la crise des « gilets jaunes ».</p>
<p>Toutefois, s’il apparaît que la déconnexion entre la recherche en gestion et les pratiques de gestion soit issue de la dominance de l’approche rationaliste dans le monde académique, dévier de cette dernière pourrait permettre de lutter contre ce phénomène.</p>
<h2>Un nouvel espoir</h2>
<p>Par leurs deux interventions, ces chercheurs mettent en lumière des approches dissidentes et ce qu’elles peuvent apporter aux sciences de gestion compte tenu des enjeux actuels. Philippe Lorino nous parle du pragmatisme, opposé au rationalisme, et Hervé Laroche, quant à lui, de l’approche processuelle, en opposition à l’approche par la variance.</p>
<p>Le retour au pragmatisme, qui s’est opéré dans les années 1980, n’a touché que très tardivement les sciences de gestion, s’étonne Philippe Lorino. La principale caractéristique du pragmatisme est qu’il renoue la pensée et l’action, et replace l’activité située (c’est-à-dire inscrite dans un espace physique et social) au centre de la recherche en gestion.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/260855/original/file-20190225-26168-q2xrad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/260855/original/file-20190225-26168-q2xrad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/260855/original/file-20190225-26168-q2xrad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/260855/original/file-20190225-26168-q2xrad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/260855/original/file-20190225-26168-q2xrad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/260855/original/file-20190225-26168-q2xrad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/260855/original/file-20190225-26168-q2xrad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/260855/original/file-20190225-26168-q2xrad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Pragmatism and Organization Studies, de Philippe Lorino.</span>
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<p>Ce rejet de la maîtrise de la pensée sur l’action est aussi défendu par Hervé Laroche. Ce changement de vision, que l’on retrouve dans l’approche processuelle, concerne également les organisations qui y sont vues comme des processus et des assemblages plutôt que comme des entités. Par ailleurs en rompant avec l’approche systémique, la théorie processuelle considère les événements partant du postulat que pour comprendre toute l’histoire, il faut en reconstituer le récit.</p>
<p>De plus, cette approche s’oppose à l’idée de réponse universelle. Là où la théorie variance part du principe que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets, la théorie processus considère que les choses n’arrivent qu’une fois. La contingence est ainsi poussée à son extrême.</p>
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<span class="caption">Moi, manager.</span>
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<p>Cette critique de l’universalisme de certaines réponses apportées par les sciences de gestion est aussi soutenue par Philippe Lorino qui souligne les défauts de formation dans les grandes écoles et universités. Selon lui, les futurs dirigeants sont amenés à croire que l’activité se résume à une expertise purement technique et externe à l’entreprise. Ainsi, le pragmatisme et la théorie processuelle invitent à enrichir l’analyse des actions dans les organisations.</p>
<p>Se pose toutefois la question de l’accueil de ces approches par les managers. Sont-elles mieux perçues ? Bien que très proches de leur expérience de leur pratique réelle, elles s’opposent à leur idéologie, qui impose de penser avant d’agir, de tout parfaitement planifier. Ce paradoxe s’explique par les attentes des actionnaires et de la société en général qui souhaitent des individus qui maîtrisent, contrôlent les choses. Ainsi, le dirigeant doit donner une impression de maîtrise totale, il doit tout savoir, ce qui empêche tout processus de décision itératif.</p>
<p>Lors de ce premier épisode de l’Academic All-Star Game 2018-2019, la réponse à la question « Recherche en stratégie et management : mort clinique ou renaissance ? » semble être, et fort heureusement, la renaissance. En effet, si l’existence d’une démarche rationnelle dans le monde de la recherche en management met en péril sa légitimité, l’émergence ou la réapparition de nouvelles approches permettent d’insuffler un renouveau et surtout de réintégrer l’humanité (et non pas seulement l’humain) trop souvent oubliée dans l’étude des organisations.</p>
<p>Il faut toutefois relever, que si, Philippe Lorino et Hervé Laroche s’entendent sur le fait de repenser la recherche en gestion afin de se rapprocher de la réalité, une différence apparaît quant au degré de servitude de la recherche à la réalité. En effet, Hervé Laroche insiste sur le fait que si la recherche ne peut s’éloigner trop excessivement de la pratique, cette dernière ne doit pas <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2007-9-page-55.htm">« sculpter »</a> la recherche en management.</p>
<p><strong>L’interview d’Hervé Laroche et de Philippe Lorino par Zoé Allard et Léo Denis, élèves normaliens de l’ENS Paris-Saclay. La conférence est aussi disponible dans <a href="https://youtu.be/rwu4SI1Poz0">dans son intégralité</a>.</strong></p>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/112494/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>L'Academic All-Star Game est organisé avec l'appui financier de la MSH Paris-Saclay. </span></em></p>Première session de l'Academic All-Star Game, cycle de conférences débats organisé par les étudiants d'économie-gestion de l'ENS Paris-Saclay.Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1106132019-01-30T20:45:58Z2019-01-30T20:45:58ZChercheurs, donnez l’exemple, prenez moins l’avion !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/255854/original/file-20190128-108370-73nd2x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/rFKBUwLg_WQ">Anete Lusina/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Le climat se réchauffe et les écosystèmes se dégradent. Pour éviter de foncer dans le mur, une <a href="http://www.ipcc.ch/report/sr15/">réduction massive</a> des émissions de CO<sub>2</sub> s’impose dans tous les secteurs. L’effort à accomplir est colossal, puisqu’il ne s’agit rien moins que d’atteindre le <a href="https://www.nature.com/news/three-years-to-safeguard-our-climate-1.22201">zéro-net émission avant 2050</a>. Cela implique un changement <a href="https://www.ipcc.ch/sr15/">sans précédent</a> et <a href="https://public.wmo.int/fr/medias/communiqu%C3%A9s-de-presse/changement-climatique-signaux-et-cons%C3%A9quences-se-confirment-en-2018">sans tarder</a> de nos modes de vie.</p>
<p>Le monde de la recherche est ici interpellé à double titre. D’abord parce c’est de lui qu’émanent les <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article/67/12/1026/4605229">alertes</a> sur le climat et la biodiversité ; il serait donc <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2017/dec/11/climate-scientists-emit-30000-tonnes-c02">désastreux pour sa crédibilité</a> de ne pas donner l’exemple.</p>
<p>Ensuite, parce que les chercheurs – et même ceux qui ne sont pas spécialistes de ces sujets – possèdent des outils leur permettant de porter un regard critique sur les messages de leurs collègues. Ils sont donc bien placés pour interpréter la gravité de la situation, comprendre l’urgence, et agir en conséquence.</p>
<p>Agir signifiant, ici, réduire leurs propres émissions de CO<sub>2</sub>.</p>
<h2>Le poids carbone de l’aviation</h2>
<p>Le trafic aérien représente actuellement environ <a href="https://www.icao.int/environmental-protection/Pages/env2016.aspx">3 % des émissions mondiales</a>, c’est <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/EN.ATM.CO2E.KT">trois fois plus</a> que les émissions d’un pays comme la France. Ce trafic s’accroît de <a href="https://www.airbus.com/aircraft/market/global-market-forecast.html">4 % par an</a> et va doubler d’ici 2030.</p>
<p>Une telle situation est en complète contradiction avec les objectifs de l’accord de Paris qui voudrait que l’on réduise les émissions de gaz à effet de serre de <a href="https://www.nature.com/news/three-years-to-safeguard-our-climate-1.22201">moitié d’ici 2030</a>.</p>
<p>Avec une telle trajectoire, le secteur aérien pourrait à lui seul consommer le <a href="https://www.carbonbrief.org/aviation-consume-quarter-carbon-budget">quart du budget carbone</a> correspondant à l’objectif +1,5 °C, c’est-à-dire du total des émissions à ne pas dépasser pour rester sous ce seuil de réchauffement global moyen.</p>
<p>Les progrès techniques vers des avions moins gourmands et des aéroports mieux organisés <a href="https://www.icao.int/environmental-protection/Pages/env2016.aspx">ne tempérerons qu’à la marge</a> cette nuisance, que seules pourraient éviter une transition massive vers les biocarburants ou une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301421508004217">diminution spectaculaire de la demande</a>.</p>
<p>La première solution se ferait au détriment de la sécurité alimentaire et de la biodiversité. Reste donc la deuxième option : voler moins.</p>
<h2>Chercheurs voyageurs</h2>
<p>Depuis longtemps, les chercheurs prennent l’avion. Pour le meilleur et pour le pire.</p>
<p>Le meilleur, ce sont les échanges scientifiques et humains, la constitution de réseaux capables de réaliser des études « de plus en plus larges » avec des résultats « de plus en plus solides ». Le pire, c’est la <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2017/dec/11/climate-scientists-emit-30000-tonnes-c02">« réunionite » internationale</a>, qui consomme du temps, de l’énergie et de l’argent et <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00304103/document">dont l’empreinte carbone est désastreuse</a>.</p>
<p>« Un chercheur isolé est un chercheur perdu », dit l’adage. Aujourd’hui, sauf s’il est bien avancé dans sa carrière, un scientifique qui renonce à prendre l’avion se marginalise. Il transgresse les règles d’un milieu qui <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(18)30171-2/fulltext">valorise les échanges et l’hyperactivité</a>. Ce faisant, il rate des opportunités de contacts multilatéraux fondateurs, et court le risque de n’être plus « dans le coup ».</p>
<p>Ce constat n’est d’ailleurs pas propre à la recherche : il concerne tous les milieux compétitifs – c’est-à-dire, dans notre monde globalisé, un très grand nombre de métiers. Émettre moins de CO<sub>2</sub> c’est réduire ses activités, et réduire ses activités, quand on est seul à le faire, c’est s’exclure de la compétition.</p>
<p>Si le premier qui lève le pied a perdu, comment s’étonner que les engagements pris dans les COP ne soient pas tenus ?</p>
<p>En s’accordant de façon consensuelle à réduire ses émissions, le milieu scientifique pourrait être exemplaire à double titre. D’une part, il montrerait que les mots et les chiffres ont un sens, et qu’il faut prendre au sérieux les avertissements des climatologues. D’autre part, il prouverait qu’un secteur professionnel peut dépasser la fatalité du « premier qui est sobre a perdu » et changer collectivement ses pratiques polluantes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"940129799606906882"}"></div></p>
<h2>Le chantier des conférences</h2>
<p>Le premier chantier pour faire évoluer la situation pourrait être celui des conférences scientifiques.</p>
<p>Historiquement, les conférences avaient pour objectif de partager rapidement des résultats importants, à une époque où les échanges avec les revues se faisaient par la poste. Publier un article prenait un temps long et incompressible ; les journaux n’existaient qu’en version papier, ce qui en freinait la diffusion. Aujourd’hui, il est possible de publier en un temps record, et les articles se retrouvent instantanément en ligne.</p>
<p>Les conférences sont donc essentiellement devenues des espaces de remue-méninges collectif et de rencontres multilatérales à géométrie variable, où un mélange de programme officiel (« In ») et de rencontres de couloir (« Off ») produit des échanges fructueux.</p>
<p>Il y aurait trois manières d’en limiter les nuisances.</p>
<ul>
<li><p>Premièrement, en en faisant moins. Les grands rendez-vous scientifiques mondiaux émettent des dizaines de milliers de tonnes de CO<sub>2</sub>. Or, sous prétexte de convivialité mais aussi de communication (voire de « buzz »), on les multiplie sans réelle justification. Il n’est ainsi pas rare de se retrouver avec trois ou quatre (voire plus) conférences d’importance mondiale par an sur un même thème, chacune ayant des organisateurs distincts.</p></li>
<li><p>Deuxièmement, on pourrait organiser des événements qui préservent la convivialité tout en limitant les déplacements, donc les émissions de CO<sub>2</sub>. C’est le concept de « conférence multipôles », dans lequel des sites régionaux sont <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0736585311000773">reliés entre eux numériquement</a>. Pour ces sites, plutôt que des lieux agréables mais souvent reculés, privilégier des localisations centrales (relativement au public attendu) permettrait de réduire les distances à parcourir. C’est l’occasion de rappeler que le train produit beaucoup <a href="https://www.dw.com/en/trains-vs-planes-whats-the-real-cost-of-travel/a-45209552">moins de CO₂</a> par passager et kilomètre que l’avion, dans les pays où il fonctionne sur la base d’une électricité décarbonée.</p></li>
<li><p>Troisièmement, en virtualisant intégralement les rencontres. C’est le concept de « no-fly conference » à laquelle chacun peut se connecter à partir de chez soi. Des <a href="https://ehc.english.ucsb.edu/?page_id=12687">expériences pilotes</a> sont encourageantes, et la technologie permettra des formats de plus en plus sophistiqués incluant les programmes « in » (faciles à virtualiser, y compris pour les questions/réponses) et des sessions « off » programmées ou improvisées – moins faciles à organiser mais qu’il faudra préserver parce qu’elles participent pleinement à l’intérêt de ces événements.</p></li>
</ul>
<h2>Le chantier des réunions</h2>
<p>Le second chantier concerne les réunions. Alors qu’on pourrait espérer que les « téléconférences » remplacent progressivement les « réunions présentielles », les deux se multiplient en parallèle. Elles imitent en cela la consommation des « énergies renouvelables » qui s’additionne à celle des « énergies carbonées » <a href="https://www.bp.com/en/global/corporate/energy-economics/statistical-review-of-world-energy.html">sans freiner leur progression</a>.</p>
<p>L’importance des contacts humains, facteurs de convivialité mais aussi d’efficacité – on travaille mieux quand on se connaît – est une bonne raison pour voyager. Mais pas au point d’ignorer les chiffres. Le « budget carbone » au-delà duquel on risque de basculer dans une situation climatique incontrôlable est maintenant estimé à environ <a href="https://www.ipcc.ch/sr15/">800 milliards de tonnes de CO₂</a>, soit un peu plus 100 tonnes pour chacun des 7,5 milliards d’habitants de la planète.</p>
<p>Étalé sur 30 ans, cela donne une moyenne de 3 tonnes par an et par personne. <a href="http://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/aa7541">Deux allers/retours transatlantiques</a> en classe économique suffisent à consommer ce « budget », que par ailleurs nous dépassons déjà largement puisqu’un Européen émet en moyenne <a href="http://piketty.pse.ens.fr/files/ChancelPiketty2015.pdf">9 tonnes de CO₂ par an</a>.</p>
<p>La question n’est donc plus seulement de savoir s’il faut voyager moins : elle est de chiffrer le bilan carbone des déplacements, de se doter d’objectifs de réduction et de vérifier qu’ils sont tenus.</p>
<h2>Une charte de réduction des vols</h2>
<p>L’expression « sobriété énergétique » n’est pas trop forte pour désigner le monde qui nous attend et les voyages en avion n’en sont qu’un aspect (le <a href="https://www.deepdyve.com/lp/elsevier/assessing-ict-global-emissions-footprint-trends-to-2040-UKSwWW4vGb">numérique</a> en étant un autre).</p>
<p>Cette sobriété doit être organisée et assumée, au risque de se la voir imposer. Rencontrer physiquement des collègues qui habitent à des milliers de kilomètres n’est pas un droit inaliénable. Ignorer la physique et les menaces que font peser les gaz à effet de serre sur l’humanité serait irresponsable.</p>
<p>Continuer à émettre du CO<sub>2</sub> que nos enfants <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-018-02184-x?fbclid=IwAR2b5Ei1_wkzNCtFmjUNJB371na9U2bYelJR10JJaBmxbkhLqc9Fu87CEME">devront ensuite aller capter dans l’atmosphère</a> pour garantir leur survie serait inexcusable. Beaucoup d’institutions de recherche affichent déjà des politiques visant à inciter leurs membres à adopter des bonnes pratiques en matière de prévention des risques professionnels, de protection des données personnelles, de déontologie ou d’éthique. Des chartes de <a href="https://tyndall.ac.uk/travel-strategy">réduction des vols</a> ou de <a href="http://science.sciencemag.org/content/363/6424/240.2?rss=1">sobriété énergétique</a> seraient maintenant les bienvenues.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110613/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Que ce soit pour assister à des conférences ou succomber à la réunionite, la communauté mondiale des chercheurs est très friande de déplacements aériens. Une habitude qui doit changer.Xavier Anglaret, Directeur de l’équipe « Maladies infectieuses en pays à ressources limitées » du Centre Inserm 1219, Université de BordeauxChris Wymant, Senior Researcher in Statistical Genetics and Pathogen Dynamics, University of OxfordKévin Jean, Maître de conférences en épidémiologie, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1038102018-09-27T21:34:26Z2018-09-27T21:34:26ZBonnes feuilles : La tyrannie des questions<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/237923/original/file-20180925-149964-1tk7ghv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C3%2C1043%2C691&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Poser des questions, tout un art.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/_w8m-1jbCVs">Unsplash/ William Stitt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Comment et en quoi l’acte de poser une question serait-il à condamner ? Questionner, selon les Romains, n’est-ce pas rechercher, s’informer, enquêter ?</p>
<p>Autant de verbes à consonance positive. <em>In quaestione alicui sum esse</em>, littéralement « être en question pour quelqu’un », signifie en latin classique être recherché par quelqu’un. <em>Quaerere</em>, c’est chercher à savoir, en ne s’épargnant par ailleurs aucun moyen, dont la torture. L’exercice universitaire de la quaestio, au Moyen Âge, est la mise en cause d’un texte, qui de passif devient actif. Pour Jacques Le Goff, « la <em>quaestio</em>, au XIII<sup>e</sup> siècle, se détache même de tout texte. Elle existe en elle-même. Avec la participation active des maîtres et des étudiants, elle fait l’objet d’une discussion, elle est devenue la <em>disputatio</em> ».</p>
<h2>Une imparable légitimité</h2>
<p>L’acte même de questionner passe, en philosophie, pour une légitime volonté de savoir. Pour le pédagogue genevois Olivier Maulini – l’un des rares théoriciens de notre sujet – « la question monte la garde, en permanence. Elle anticipe, elle prévoit, elle surveille. » Ne serait-elle pas le propre de l’homme ? Un individu peut se questionner lui-même. Dans un dialogue, poser une question à l’autre fait partie d’un processus de mutuelle connaissance. Dans le cadre d’un groupe, quand un individu pose une question au groupe dans son ensemble ou à l’un de ses membres, il signe et prouve dans ce geste même son appartenance au groupe. En conséquence, prendre la parole à la suite de toute forme de discours (qu’il s’agisse d’une conférence, d’une communication dans un colloque ou un congrès ou d’une réunion ouvrant à débat) non seulement est souhaité, mais exigé. Cette nécessité proviendrait-elle d’une vive curiosité intellectuelle partant d’un aveu d’ignorance, d’une inextinguible soif du savoir d’autrui, du désir de débattre ? Sous ces motivations a priori innocentes et spontanées, se cachent en réalité de profonds enjeux de pouvoir et de compétence.</p>
<p>Poser une question est une modalité d’engagement de la personne. Corps et esprit s’y voient mêlés ! C’est d’abord un acte vocal : la voix est nue ou amplifiée (un microphone est relié à des haut-parleurs). Cela peut être aussi (faut-il le regretter ? Nous en reparlerons) un acte écrit : sur un papier, sur un <em>smartphone</em>, sur un fil de live Tweet… C’est un acte corporel. Le questionneur adopte une posture précise : il est assis, debout, penché, etc. Il est sobre dans son comportement ou gesticule. Ce faisant, il répond à un discours d’autorité (le conférencier est généralement sur une estrade, possède un micro, etc.). De manière plus générale, poser une question est un acte mental fondamental, acquis (ou non) dès la toute petite enfance. C’est aussi – et d’abord – un geste profondément culturel. Il fait partie de l’<em>habitus</em> humain, notion chère à Pierre Bourdieu (et avant lui à Émile Durkheim et Norbert Elias), décrivant un ensemble d’habitudes et de dispositions, propre à une culture ou à un milieu social, inculqué à l’individu au cours de la socialisation.</p>
<p>Peu importe la souffrance qu’elle entraîne souvent, la prise de parole est devenue exigence de parole. L’expression orale est devenue une injonction. La majorité des discours oraux publics appellent, ou mieux provoquent, les questions – sans possibilité d’opposition ni de recours. Une conférence donnée sans la possibilité pour le public de poser des questions est jugée par toutes et tous comme une conférence ratée, comme un monologue totalitaire, un mépris ouvert pour le public présent. Cela est même impensable. Qu’importe si le public ne souhaite pas poser de questions. L’essentiel aura été de les proposer (« La parole est à la salle ! »).</p>
<p>C’est que poser une question en public entraîne l’adhésion, sinon aux propos du locuteur dominant, tout au moins au système qui permet précisément d’intervenir. On donne alors à l’auditeur l’impression de pouvoir prendre des décisions (je pose ma question), alors que les choix qui s’offrent à lui sont strictement encadrés – une seule question, pas de dialogue, etc. La question se fait alors soumission car elle met l’intervenant en position de force, même si la question est violente et se fait revendicative. La parole est de fait asymétrique ; derrière une apparence d’égalité – chacun parle –, seule la parole de l’intervenant l’emporte puisque celle des auditeurs n’est sollicitée qu’après, et n’est finalement qu’accessoire. D’ailleurs, quand les actes d’un colloque sont publiés, les débats suivant les interventions ne sont quasiment jamais transcrits.</p>
<p>Assister à une conférence comprend de subir les questions qui y seront posées. Subir ? Allons donc. Il est en effet rare de voir le public se sauver à toutes jambes avant la séance rituelle des questions – ou alors c’est qu’il se fait tard, ou que les conférenciers ont dépassé le temps qui leur était imparti. Il y a consentement. Le public n’est pas contraint physiquement de rester. N’est-ce pas là un exemple accompli de ce que le philosophe italien Antonio Gramsci appelait l’hégémonie culturelle ? Car la contrainte sociale est forte. Dans le cadre d’une conférence, vos voisins vous jugeront pleutre ou timoré si vous ne posez pas de questions. Lors d’un colloque ou d’un congrès, le questionneur s’exhibe devant ses pairs. Sa prestation lui vaut bonne réputation ou mépris, elle est pourvoyeuse de statut. Le poseur de question forcera l’admiration par sa science, son tact, sa vivacité d’esprit. Ou il ennuiera et suscitera malaise ou impatience. Posée à point dans un colloque, une « bonne question » est la promesse d’une promotion, ou à tout le moins d’une certaine notoriété dans le cercle des présents (universitaires, clients ou autres pairs). La dictature des questions existe donc bel et bien. D’où cette question : le devoir de l’homme et de la femme n’est-il pas de se révolter ?</p>
<h2>Une nécessaire révolte ?</h2>
<p>Devant l’empire de la question, que faire ? Se replier et se taire ? Continuer à poser des questions ? Dans ce dernier cas, il faut savoir que toutes et tous ne sont pas égaux devant l’impératif questionneur. Certaines ou certains sont timides et réservés, d’autres rêvent pendant l’exposé. D’aucunes et d’aucuns, comblés, se contentent de ce qu’ils ont entendu, ou en sont pleinement satisfaits. D’autres pensent qu’interroger le conférencier est incongru, et serait – comme jadis en Orient – une impolitesse. L’aspect clos d’une conférence, icône parfaite, objet rond et singulier, en séduit beaucoup, sans que soit imposé l’appendice des questions. Certaines et certains sont angoissés (parfois c’est peu dire) à la perspective de devoir poser une question dont ils n’ont nulle idée. D’autres même passent l’entière conférence à chercher, dans une grande anxiété, la question qu’ils pourront poser… au point finalement de ne plus écouter l’intervenant. Un cauchemar qui vire vite à l’obsession.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/237920/original/file-20180925-149976-lfglsi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/237920/original/file-20180925-149976-lfglsi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/237920/original/file-20180925-149976-lfglsi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=896&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/237920/original/file-20180925-149976-lfglsi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=896&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/237920/original/file-20180925-149976-lfglsi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=896&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/237920/original/file-20180925-149976-lfglsi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1126&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/237920/original/file-20180925-149976-lfglsi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1126&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/237920/original/file-20180925-149976-lfglsi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1126&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’ouvrage de Jacques Berlioz est paru aux éditions Arkhê.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.arkhe-editions.com/portfolio/lart-de-poser-les-bonnes-questions/">Editions Arkhê</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il est donc temps de prendre au sérieux la question, qui renvoie tant au savoir qu’à autrui (pertinente, ma question ?), tant au désir d’apprendre qu’à la compétence (ou comment poser une bonne question), tant à l’apprentissage (comment maîtriser l’interrogation, tant sa forme et son contenu ?) qu’à l’ambition individuelle (que va m’apporter de poser des questions ?). Dans un monde occidental où un discours – en général scientifique – débité devant un public, étroit ou large, est interrogé en retour, il est socialement primordial de posséder l’art de poser de bonnes questions. Toute question suppose un rapport de pouvoir, car qu’est-ce que poser une question sinon se soumettre au locuteur dominant – le conférencier par exemple – et par là assumer sa sujétion ? Aussi peut-il s’avérer utile de connaître les tenants et les aboutissants de ce rituel. Bref, poser habilement, voire avec perversité, des questions, ne serait-ce pas déjà s’indigner et se révolter ? Entrer dans le système pour mieux le détruire. L’air est connu. Le siffler sera-t-il un acte révolutionnaire ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103810/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jacques Berlioz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les questions sont partout. Sans elles, pas de dialogue possible et difficile de sonder les profondeurs d’un discours.Jacques Berlioz, Enseignant et historien, Paris Sciences et Lettres Research University (PSL)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/812782017-09-03T20:35:58Z2017-09-03T20:35:58ZChercheurs, soyez collaboratifs !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/184172/original/file-20170831-22617-qs79kb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/eduhk_gradsch/35886125522/in/album-72157686448522106/">Graduate School EdUHK / Flickr</a></span></figcaption></figure><p><em>Depuis 2010, l’<a href="https://www.eduhk.hk/gradsch/">École Doctorale de l’Université d’éducation de Hong Kong</a> (classée seconde dans son domaine en Asie) organise une Université d’été. Cette année, quatre chercheurs de l’Université de Lorraine ont été invités à participer à cet événement au rayonnement international.</em></p>
<hr>
<p>L’histoire commence par la rencontre entre Dominique Macaire et Lisa Jeanson, Jérémy Filet et Laura Déléant dans le cadre de l’organisation de la <a href="https://jijc2017.event.univ-lorraine.fr/">Journée Internationale des Jeunes Chercheurs 2017</a>. La professeure, à l’origine des échanges entre ces deux universités, propose alors aux jeunes chercheurs de co-construire un atelier destiné aux étudiants de master et aux doctorants.</p>
<p><strong>Première étape : l’accueil de la délégation hongkongaise à l’Université de Lorraine</strong></p>
<p>Pendant deux jours, l’<a href="http://factuel.univ-lorraine.fr/node/6528">équipe entraîne douze doctorants de l’EduHK à l’exercice de « Ma thèse en 180 secondes »</a> : un choc culturel. Concision, simplicité et engagement : un mode de communication bien loin des conventions de présentation dans ce pays. Pourtant, la délégation est conquise et adopte l’équipe et ses pratiques à l’unanimité.</p>
<p><strong>Deuxième étape : exportation du « Made in France »</strong></p>
<p>Quelques mois plus tard, l’équipe des quatre chercheurs lorrains traverse les continents et passe à la vitesse supérieure. Le pari : intégrer l’atelier à la française à l’<a href="https://www.eduhk.hk/gradsch/iprrfss2017/">_International Postgraduate Roundtable and Research Forum cum Summer School 2017 _</a> dont le thème est « Whole person development, student as academic leader ».</p>
<p>La formule comprend deux volets. Pour commencer, Dominique Macaire, professeure en didactique des langues, introduit les principes généraux de la présentation orale lors d’un cours magistral en comparant les cultures universitaires dans le monde.</p>
<p>Ensuite, les doctorants de tous horizons disciplinaires et culturels participent à l’atelier proposé par Jérémy Filet, doctorant en Civilisation britannique du XVIII<sup>e</sup> siècle, Lisa Jeanson et Laura Déléant, toutes deux doctorantes en Ergonomie cognitive.</p>
<h2>Présenter ses recherches à un niveau international</h2>
<p>Aborder la présentation orale de ses recherches ne relève pas d’une simple organisation du propos scientifique, ce que souvent du reste l’auditoire ne saisit pas. Il faut aussi créer sa marque de fabrique, <a href="https://theconversation.com/chacun-sa-route-chacun-son-personal-branding-un-incontournable-pour-les-etudiants-79719">son <em>brand</em></a> pour être convaincant. Et savoir qu’à l’international, les codes sont différents.</p>
<p>Premièrement, il faut apprendre à soigner sa présentation orale. Voix, gestes, posture : une communication ne se résume pas qu’au contenu. Deuxièmement, créer un bon support. Design, informations et ergonomie : un visuel efficace ne distrait pas l’auditoire, mais soutient l’orateur. Et ce n’est pas tout, voilà l’originalité de l’atelier : le public a la possibilité d’appliquer ces conseils en direct.</p>
<p>« Ma thèse en 180 secondes » est proposée comme exercice pour améliorer sa prestation. Les participants sont ainsi invités à présenter leurs travaux face au public. Jiyun Bae (Japon) et Michael Dannhauer (Allemagne) se prêtent au jeu et exposent leur sujet de recherche en trois minutes. La session se poursuit par un <em>brainstorming</em> ouvrant les échanges.</p>
<p>Chacun reçoit un retour et des recommandations personnalisées, pouvant aussi servir aux autres doctorants présents. Rien n’est figé, les interactions nourrissent également l’atelier. En effet, les formateurs prennent en compte les nombreux <em>feedbacks</em> reçus afin d’améliorer sans cesse leur méthode. La proposition de la délégation française s’intègre parfaitement dans le thème de la <em>summer school</em> de l’EduHK.</p>
<h2>La <em>Summer School</em> de l’EduHK : un événement international par et pour les doctorants</h2>
<p>Du 3 au 7 juillet 2017, cet évènement a accueilli 1 200 participants dont 300 chercheurs et 600 communicants de 14 pays et régions différentes (Asie du Sud-Est, Europe de l’Est, Amérique du Nord). Six conférenciers invités, d’horizons disciplinaires et culturels variés, y ont abordé la question du <em>leadership</em>, du développement personnel et des compétences de recherche des doctorants.</p>
<p>Les 600 présentations orales de 10 minutes ont été réparties dans 5 sessions parallèles. Ces panels ont été modérés par le comité d’organisation, exclusivement composé de doctorants venus d’universités du monde entier.</p>
<p>La <a href="https://www.Flickr.com/photos/152933962@N04/sets/72157686448522106/"><em>summer school</em></a> comptait aussi une table ronde sur le thème « Whole person development, bulding students as academic leaders » avec deux membres de chaque délégation des universités présentes. À la fin de celle-ci, Professeur LO, directeur de l’école doctorale de l’EduHk a proposé de créer un groupe international de jeunes chercheurs de toutes disciplines. Tous ces évènements s’inscrivent dans le système de la recherche, devenu complexe.</p>
<h2>L’intégration des doctorants dans un système complexe</h2>
<p>Le monde scientifique ne s’inscrit plus dans une logique binaire, locale ou globale. Le doctorant ne peut plus rester dans son bureau dans le simple but de rédiger sa thèse, il doit développer des compétences et construire son temps de doctorat.</p>
<p>La <a href="https://theconversation.com/un-an-apres-quoi-de-neuf-docteur-la-valorisation-du-doctorat-un-levier-pour-lavenir-55785">valorisation de la recherche</a>, quant à elle, va au-delà d’une simple présentation orale ou écrite. La participation à de tels événements permet de nourrir à la fois le doctorant d’un point de vue individuel, mais aussi les différentes communautés scientifiques.</p>
<p>De plus, les chercheurs se doivent d’apprendre à travailler au sein d’équipes interdisciplinaires et interculturelles. Ces manifestations aident les jeunes chercheurs à étendre leur réseau universitaire et à poser les bases de futures coopérations. C’est grâce à la transmission et au partage que les doctorants peuvent s’adapter à ce système complexe.</p>
<p>En plaçant les doctorants au centre d’évènements internationaux, les écoles doctorales leur donnent l’occasion d’acquérir des compétences d’organisation, d’assumer de nouvelles responsabilités afin d’asseoir <a href="https://theconversation.com/quand-je-serai-grand-je-voudrais-etre-chercheur-75640">leur statut de jeunes chercheurs</a>, leur évitant ainsi de <a href="https://theconversation.com/massive-expansion-of-universities-in-asia-raises-tough-questions-on-social-mobility-54680">rester sur le carreau</a>.</p>
<p>Délestés de leurs frontières, ces nouveaux <a href="https://theconversation.com/le-doctorat-une-tradition-a-laube-de-sa-potentielle-transformation-77637">systèmes complexes collaboratifs</a> sont alors une aubaine pour les plus téméraires prêts à aller voir ailleurs…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/81278/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans un système complexe, les universitaires donc les doctorants doivent s'inscrire dans des démarches collaboratives pour réussir leurs projets. Retour d'expérience après un séminaire à Hong Kong.Lisa Jeanson, Doctorante en Ergonomie Cognitive, Groupe PSA/laboratoire PErSEUs, Université de LorraineDominique Macaire, Professeure des universités à l'école supérieure du professorat et de l'éducation, Université de LorraineJérémy Filet, Doctorant en civilisation Britannique du XVIIIème siècle, Université de LorraineLaura Déléant, Doctorante en Ergonomie Cognitive, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/764782017-05-12T10:00:20Z2017-05-12T10:00:20ZLet’s conf’… exploration d’un écosystème académique en pleine saison des conférences (2)<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/168965/original/file-20170511-32610-1obskrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C120%2C1908%2C1313&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le colloque annuel …</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/public-discours-haut-parleur-1677028/">Pixabay</a></span></figcaption></figure><p>Cette seconde partie est consacrée à la dimension institutionnelle de l’éco-système et en particulier aux rôles de à la Fnege et des associations académiques – ou sociétés savantes – qu’elle fédère depuis 50 années.</p>
<h2>Approche institutionnelle (ministère, Fnege)</h2>
<p>Sous l’angle institutionnel, le <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/">ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche</a> et la <a href="http://www.fnege.org/">Fnege</a> sont parmi les grands acteurs de cet écosystème. Ils en assurent concrètement la gouvernance et en partie la pérennité. Nous pouvons illustrer ci-dessous les acteurs de cet écosystème, ainsi que certaines de leurs relations, positionnées en fonction du couplage académique/institutionnel.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/169009/original/file-20170511-32624-1tgtij4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/169009/original/file-20170511-32624-1tgtij4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/169009/original/file-20170511-32624-1tgtij4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/169009/original/file-20170511-32624-1tgtij4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/169009/original/file-20170511-32624-1tgtij4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/169009/original/file-20170511-32624-1tgtij4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/169009/original/file-20170511-32624-1tgtij4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/169009/original/file-20170511-32624-1tgtij4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">EcoSystFnege.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marc_Bidan</span></span>
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<p><strong>1. Le ministère et sa galaxie</strong></p>
<p>Le ministère – et ses fameux bras armés technologiques que sont <a href="http://wwwfnege.org/">galaxie</a> et tous ses exotiques satellites : electra, antares, helios, etc. – a en charge l’organisation opérationnelle et administrative du recrutement puis de la gestion des carrières des enseignants-chercheurs en poste à l’université. Il est assez peu présent concernant les programmes et les maquettes des diplômes qui, historiquement, sont de la responsabilité des universités. Elles sont parfois accompagnées par les associations académiques ou sociétés savantes via par exemple un processus de labellisation de leur master (<a href="https://www.myrhline.com/actualite-rh/labellisation-reference-rh-pour-le-master-2eme-annee-gecorh-gestion-des-competences-et-des-ressources-humaines.html">AGRH</a>, AIM…). Notons toutefois, à propos du processus de validation des diplômes, deux exceptions. Il s’agit des <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid20192/diplome-universitaire-technologie.html">diplômes universitaires de technologies</a> (DUT) au sein des IUT et les diplomes comptables supérieurs <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid74649/diplomes-comptables-superieurs-d-d.html">(DCG, DSCG et DEC)</a> qui demeure pilotés et validés au niveau national par les services du ministère.</p>
<p><strong>2. Le ministère et le Cnu</strong></p>
<p>Le ministère peut donc s’appuyer sur les sessions plénières régulières du CNU ayant lieu en général en février, en mai et en septembre pour délibérer sur les qualifications préalables qui donneront alors le « top départ » aux concours de recrutement des EC qui seront ensuite organisés par les universités elles-mêmes. Pour ceux qui seront qualifiés, commence alors la course aux fameux <a href="https://www.galaxie.enseignementsup-recherche.gouv.fr/ensup/pdf/comite_selection/guideCOMSEC2015.pdf">comités de sélection</a> (CS) eux-mêmes à l’origine, pour ceux qui seront auditionnés, des épiques « tour de France » des candidats et/ou des examinateurs que les uns raconteront plus tard et que les autres mélangeront…</p>
<p>Les uns – les candidats – raconteront leur épopée avec un entretien brillamment réussi (motivé !) tôt le matin à Lille et passablement raté (fatigué !) tard dans la même journée à Nantes – et s’en souviendront. Cette romanesque épopée en métropole et outre-mer détermine souvent – si tout se passe bien – le premier poste, la première affectation, la première université, les premiers <em>amphis</em> du matin assurés fébrilement après avoir pourtant triomphalement trouvé l’incontournable appariteur maître des clés… Ce tour de France signifie aussi concrètement pour une ou un jeune enseignant-chercheur sa titularisation après l’expérience d’un <a href="http://act.hypotheses.org/2029">post-doc</a> ou d’un poste <a href="http://www.education.gouv.fr/cid1217/les-attaches-temporaires.html">d’ATER</a> par exemple !</p>
<p>Les autres – les examinateurs – se souviendront plus ou moins clairement du <a href="http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/L_alcool_sur_les_lieux_de_travail.pdf">plateau-repas sans alcool</a> – car c’est contraire à la ferme position du nouveau président de l’université qui s’est d’ailleurs fendu d’une magnifique et explicite directive affichée <em>salle du conseil</em> – à la pause de midi, des bons candidats qu’ils auraient bien voulu voir candidater chez eux et du train qu’ils ont raté le soir après avoir flâné en ville avec un sympathique collègue ex-camarade de promotion <a href="http://www.fnege.org/nos-programmes/cefag">Cefag</a> ou ex-compétiteur à l’<a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid22721/les-concours-nationaux-d-agregation.html">agrégation</a> et bien sur… bêtement perdu de vue dans un monde pourtant devenu <a href="https://www.amazon.fr/tout-petit-monde-David-Lodge/dp/2869305583">tout petit depuis 2004</a>. D’ailleurs, ils se recroiseront peut-être durant l’autre tour de France – celui des jurys de thèse – de l’automne suivant…</p>
<p><strong>3. Le ministère et l’agrégation</strong></p>
<p>Justement, parlons de l’agrégation… Le ministère peut donc littéralement <em>court-circuiter</em> le CNU. Il lui faut pour cela ouvrir, tous les deux ans, le controversé mais romanesque concours national d’agrégation <em>externe</em> en sciences de gestion dont il fournit même les <a href="https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Personnels_enseignants_chercheurs/21/9/Bibliographie_ccs_2016-2017_720219.pdf">24 pages de bibliographie indicative</a>. L’agrégation interne est actuellement remisée aux oubliettes de l’histoire. Elle est peu ou prou remplacée par la procédure de qualification au titre de l’article 46.1 pilotée par le CNU (puis passage en CS). Notons également la procédure de qualification au titre de l’article 46.3 (qui n’exige pas la HDR) qui est inversée car elle est pilotée par les CS avant que les résultats des auditions ne soient validés (ou pas !) par le CNU.</p>
<p>L’agrégation externe permet donc de recruter un certain nombre de professeurs des universités en sciences de gestion – <a href="http://www.fnege.org/assets/backend/javascripts/kcfinder/upload/files/PV_ADMIS.2017_744526.pdf">7 lauréats cette année</a> – après trois épreuves. Il est certes toujours utile et opportun de bien lire le <a href="https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Personnels_enseignants_chercheurs/58/8/Rapport_Agreg_Sup_Sc_Gestion2015_443588.pdf">rapport du jury</a>. Sommairement, nous pouvons rappeler les trois épreuves, une première épreuve basée sur les travaux et le background du candidat, une seconde épreuve basée sur ses connaissances en sciences de gestion en général et une dernière basée sur ses connaissances sur une spécialité de son choix. En général, à l’issue de chacune des trois épreuves, une partie des candidats est éliminée. Puis, les heureux lauréats se voient proposer une affectation en tant que professeurs des universités titulaires (cette <a href="https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/statistiques/13/5/bilan_recrutement_2014_v2_405135.pdf">titularisation</a> sans passer par la case « stage » est rare dans la fonction publique) en cohérence avec son classement. Cette quatrième épreuve est la moins académique – et parfois cruelle – avec des projets de vie qui basculent au gré du tour de table piloté par la ou le président(e) du jury et ce, par rang décroissant de classement.</p>
<p>En règle général, soyons clair, plus le tour de table avance plus le <em>choix numéro 1</em> un instant envisagé s’éloigne… mais là encore notre écosystème a tout prévu. En pratique, cette quatrième épreuve a lieu à Paris. Elle est placée sous la responsabilité du major du concours (félicitations) qui a pour mission que <em>tout se passe bien _lors du tour de table. Celui-ci fait l’<a href="https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Personnels_enseignants_chercheurs/90/3/Note_relative_a_la_reunion_de_choix_des_affectations_743903.pdf">objet d’une note</a> et a lieu en présence des lauréats, de la présidente ou du président du jury et de la représentante officielle des RH du MESR collectant les signatures des lauréats actant leur entrée dans le corps de professeurs des universités. Ce tour de table précède le _verre de l’amitié</em> offert par la Fnege et qui marque la fin du concours et le début d’une autre aventure !</p>
<p>*<em>4. La Fnege et ses 25 associations partenaires… *</em></p>
<p>La Fnege depuis son siège parisien a également ses bras armés que sont les 25 associations académiques affiliées à la fondation. Elles ont pour mission d’impulser, d’accompagner et de diffuser les travaux scientifiques des collègues au sein des institutions qui les accueillent.</p>
<p>À ce propos, le délégué général (M. Thevenet, successeur de PL. Dubois) et ses équipes sont justement en charge de ce travail d’information, de coordination, de proposition (nouvelle formule des prix de thèses, labellisation des ouvrages…) et parfois d’arbitrage. Il s’agit souvent de rassembler les troupes autour de projets communs afin d’assurer une certaine visibilité. Nous pouvons citer les deux contributions suivantes : (1) le <a href="http://www.fnege.org/publications/classement-des-revus">classement des revues</a> (gestion) qui se différencie de la liste de la section 37 du CNRS (économie et gestion) et (2) encore le <a href="http://www.fnege.org/tests/tests-tage-post-bac">test TAGE Post Bac</a> mis à disposition des écoles de management pour la sélection des candidats.</p>
<p>Nous abordons donc ces fameuses associations académiques qui regroupent les collègues EC de toute provenance géographique et/ou institutionnelle. Elles sont non exclusives. Elles se positionnement par infradisciplines historiques comme, par exemple, les spécialités proposée à l’agrégation, (le marketing, la stratégie, la finance, la comptabilité, les ressources humaines, la gestion des systèmes d’information et de communication, la production et la logistique, la gestion juridique…) ou encore par infradisciplines transverses (le management du tourisme, l’histoire du management, le management international, la <a href="https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Personnels_enseignants_chercheurs/58/8/Rapport_Agreg_Sup_Sc_Gestion2015_443588.pdf">société française de management</a>, etc.)</p>
<p>Pour des raisons diverses et variées dont certaines sont dues à l’attractivité de l’infradiscipline et à l’ouverture de nouveaux champs de recherche, ces associations académiques sont de plus en plus nombreuses. Outre l’évident intérêt romanesque (scission, trahison, recomposition, défrichage, peu (ou pas encore) de fusion/absorption…), cette fragmentation pose à chacune d’elle le problème de sa représentativité (et parfois même de son existence) et à la maison mère – la Fnege – le défi d’une juste coordination.</p>
<h2>Les associations académiques partenaires via le cas de l’AIM</h2>
<p>Toutefois, ces associations dont les plus massives en termes d’effectifs sont l’AGRH, l’AIMS, l’AFM ou l’AFFI montrent des caractéristiques communes et se standardisent. Elles proposent, pilotent ou détiennent selon les cas une ou plusieurs revues de références (RAM et DM pour l’AFM, SIM pour l’AIM, m@n@gement pour l’AIMS…), elles sont structurées en association loi 1901 avec un conseil d’administration et un bureau, leur président est membre de droit du conseil scientifique de la Fnege, elles existent et infusent sur les réseaux sociaux et sur le net, elles sont souvent le chapter français ou francophone d’associations ou de fédérations internationales.</p>
<p>Nous avons reproduit ci-dessous l’écosystème particulier de l’<a href="https://Twitter.com/AssoAim">AIM</a>. Cette jeune association, crée notamment à l’initiative de F. Rowe, P. Eyrignoux et <a href="http://www.vuibert.fr/ouvrage/9782311012354-systemes-d-information-et-management">R. Reix</a> est le chapter français de l’AIS. Elle regroupe les collègues francophones (France, Canada, Suisse, Afrique…) travaillant sur la gestion des systèmes d’information et de communication selon le libellé qualifiant l’épreuve de spécialité (3<sup>e</sup> leçon en loge) à l’agrégation</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/169011/original/file-20170511-32588-x2z5o6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/169011/original/file-20170511-32588-x2z5o6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/169011/original/file-20170511-32588-x2z5o6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/169011/original/file-20170511-32588-x2z5o6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/169011/original/file-20170511-32588-x2z5o6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/169011/original/file-20170511-32588-x2z5o6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/169011/original/file-20170511-32588-x2z5o6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/169011/original/file-20170511-32588-x2z5o6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">EcoSystAim.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marc_Bidan</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Enfin, elles ont pour mission d’assurer le « vivre ensemble » des collègues – du doctorant facétieux au président d’université surbooké (ou l’inverse) – au sein de leur communauté de rattachement. Le CA de l’association a la responsabilité de choisir l’équipe et de suivre l’organisation de la rituelle conférence (ou congres ou conférence ou symposium peu importe le flacon, pourvu…) annuelle.</p>
<h2>Le rituel de la conférence annuelle</h2>
<p>À ce propos, les réjouissances ont lieu au printemps c’est-à-dire en ce moment c’est au en ce moment même. L’institution – mais que diable allait elle faire dans cette galère ? – qui organisera ce rendez-vous annuel, sous le regard anxieux du trésorier de l’association, aura à proposer et à déployer un comité d’organisation et un comité scientifique (souvent étoffé d’un comité de lecture qu’il ne faudra pas oublier de remercier lors du gala !).</p>
<p>Le premier se battra avec le traiteur, le second avec les relecteurs. Le premier aura peur qu’il pleuve sur le pont supérieur du fameux trois mats loué pour le social event du jeudi soir (ou que la houle soit forte si une aventureuse sortie en mer est envisagée !) et le second aura peur que le <em>guest speaker</em> contacté et invité de haute lutte se perde entre Roissy et Orly.</p>
<p>Le premier aura peur d’une grève des trains, alors que le second craindra une grève des princes.</p>
<p>Le colloque annuel est le rendez-vous que le jeune doctorant en quête de futur poste ou que le rédacteur en chef en quête du futur <a href="https://secure.palgrave-journals.com/ejis/index.html"><em>best paper</em></a> ne doivent pas rater. Le colloque annuel est aussi en général le lieu où sont distribués – ou annoncés si la Fnege assure la cérémonie de remise comme dans le cas de prix de thèses – les différents prix tel justement le <a href="http://www.fnege.org/nos-prix/prix-de-these">prix de la meilleure thèse</a> ou du meilleur article de l’année.</p>
<p>Le colloque annuel est aussi le lieu du dernier CA de la mandature, le lieu de l’assemblée générale – avec le rituel dernier mel à 22H45 la veille de l’<em>opening reception</em> « merci de penser à nous réserver un amphi le vendredi matin svp » –, le lieu de l’élection du nouveau CA et de son bureau. Et du débat sur les statuts de l’association autour du « pas plus de “une procuration” par électeur à jour de cotisation ! »</p>
<p>Ainsi, tout le monde sera présent, et les absents auront le tort qu’ont en général les absents… À côté des colloques de spécialité organisés par leurs associations de rattachement, certains colloques sont transversaux et ciblent toutes les sous-disciplines. Citons bien sûr, en France, les états généraux du management (EGM) ou la semaine du management (SdM) pilotés par la Fnege, en Europe les colloques généralistes <a href="http://www.euram-online.org/">EURAM</a> en juin (Glasgow 2017) ou <a href="https://www.egosnet.org/jart/prj3/egos/main.jart?content-id=1302696945087">EGOS</a> en juillet (Copenhagen 2017) et enfin un colloque comme <a href="http://aom.org/">AOM</a> de l’autre côté de l’atlantique (Atlanta 2017).</p>
<h2>Et de nombreuses institutions satellites</h2>
<p>Il existe aussi diverses institutions connexes qui ont des responsabilités dans l’accompagnement de notre communauté, de ses acteurs et de ses projets. Nous pouvons citer le conseil supérieur de l’ordre des experts comptables (CSOEC) qui organisent en partenariat avec la division des concours et examens du ministère et un jury national d’enseignants-chercheurs présidé par Pr E. Lande (Poitiers) l’importante et tubulaire filière de l’expertise comptable et des métiers de la comptabilité, du contrôle et de l’audit <a href="http://intec.cnam.fr/diplome-superieur-de-comptabilite-et-de-gestion-dscg-et-diplome-superieur-de-gestion-et-de-comptabilite-dsgc--297189.kjsp">(DCG, DSCG et DEC)</a>.</p>
<p>Nous pouvons citer également la commission des titres d’ingénieurs <a href="https://www.cti-commission.fr/">(CTI)</a> qui organise la diplomation des ingénieurs en France avec toutes les disciplines scientifiques et techniques. Toutefois, elle impacte de plus en plus les sciences humaines et sociales en général et les sciences de gestion en particulier au sein des désormais fameuses « humanités » à l’image des 20 % d’heures orientées SHS au sein des 13 polytech du <a href="http://www.polytech-reseau.org/accueil/">réseau des écoles universitaires d’ingénieurs</a>.</p>
<p>Enfin, nous citerons les ministères de l’agriculture (vétérinaire, oniris…) ou de l’industrie <a href="https://www.imt.fr/">(institut mines télécom</a>) qui emploie de plus en plus d’enseignants chercheurs orientés management et bien sur la conférence des grandes écoles <a href="http://www.cge.asso.fr/">(CGE)</a> qui pilotent notamment les business school accueillant bon nombre de nos collègues doctorants, docteurs, professeurs habilités (ou non) à diriger des recherches en sciences de gestion</p>
<p>Les besoins en formation et en recherche en sciences de gestion sont importants et divers, cet écosystème doit veiller à y répondre !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76478/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Bidan est membre du Conseil National des Universités (section 06), membre de l'Association for Information Systems (AIS), ancien vice président et président (2009-2011 et 2011-2015) de l'Association Information et Management (AIM) et ancien membre du conseil scientifique de la Fondation nationale pour l'enseignement de la gestion des entreprises (2013-2015)</span></em></p>Exploration de la dimension institutionnelle de ce jeune écosystème centré sur les sciences de gestion, avec ses acteurs et leurs missions mis en scène autour de la rituelle conférence annuelle.Marc Bidan, Professeur des universités en management des systèmes d’information, Université de NantesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/774192017-05-11T22:42:07Z2017-05-11T22:42:07ZLet’s conf'… exploration d'un écosystème académique en pleine saison des conférences (1)<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/168918/original/file-20170511-32607-dh9ycs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/%C3%A9v%C3%A9nement-salle-conf%C3%A9rence-1597531/">Pixabay</a></span></figcaption></figure><p>L’idée à l’origine de cette contribution est de présenter, assez simplement et sans (trop) jargonner, l’écosystème institutionnel et académique d’une des plus jeunes disciplines de l’enseignement supérieur connue sous la dénomination de « sciences de gestion ».</p>
<h2>Un préambule sur l’intitulé sciences de gestion/management</h2>
<p>Nous soulignons, en préambule, qu’un débat sur le libellé de la discipline lui-même existe avec, face au standard de jure (les « sciences de gestion » renvoyant à une allocation acceptable des ressources), un standard de facto qui semble peu à peu s’imposer dans les publications (le « management » renvoyant au pilotage des activités). Ce débat n’est pas tranché mais tend à médiatiser les termes génériques de <em>management</em> et de <em>sciences du management</em> notamment pour ce qui concerne les <a href="http://formations.univ-amu.fr/ME5TSM.html">mentions de master</a> les plus diffusées.</p>
<p>De plus, concernant la terminologie, nous nous sommes inspirés à la fois du titre et du vocabulaire d’un original essai paru en 2008, rédigé par notre collègue Dov Te’Eni et relatant son expérience lors des massives et incontournables <a href="https://www.amazon.com/Lets-Congress-Dov-Teeni/dp/9659134800">conférences ICIS</a> et de quelques <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-00701224/document">communications et publications</a> sur des sujets connexes. Notons enfin à titre anecdotique, mais complémentaire, la pépite qu’est le récit très personnel du quotidien hors normes de <a href="http://images.math.cnrs.fr/Theoreme-vivant.html">Cédric Villani</a></p>
<p>Nous emploierons souvent, dans les lignes qui suivent, le « nous » car, bien évidemment, nous sommes <em>partie prenante</em> de cet écosystème accompagnant les <a href="http://www.pressesdesmines.com/economie-et-gestion/les-nouvelles-fondations-des-sciences-de-gestion.html">nouvelles fondations des sciences de gestion</a> !</p>
<h2>Un fil rouge et une double question</h2>
<p>Le fil rouge de cette contribution peut donc être introduit au travers de la double question suivante ciblant d’une part la biocénose « Qui sont les enseignants chercheurs en sciences de gestion ? » et d’autre part leur biotope « Où sont les enseignants chercheurs en sciences de gestion ? ».</p>
<p>Cette double question, probablement saugrenue, appelle des éléments de réponse qui sont destinés à la fois aux nouveaux arrivants (les <a href="http://www.letudiant.fr/educpros/actualite/a-la-recherche-des-docteurs-en-gestion.html">doctorants</a> ou futurs doctorants en management par exemple) mais aussi aux déjà anciens arrivants (les professeurs dont la visibilité hors de leur zone de confort reste modeste et, en tous cas, <a href="https://www.contrepoints.org/2016/06/08/255888-sciences-de-gestion-managers-chercheurs-deux">très en deçà de la diversité de la production scientifique</a> de la communauté !)</p>
<p>Nous présenterons cet écosystème dans les quelques lignes qui suivent…</p>
<h2>Une démarche et une opportunité</h2>
<p>Nous utiliserons pour cela une approche descriptive et cartographique largement mobilisée dans les publications des collègues <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/pid24530/les-enseignants-chercheurs.html">enseignants-chercheurs</a> en sciences de gestion – notamment dans des approches qualitatives type études de cas concernant les groupes, conglomérats, clusters et autres écosystèmes d’activité ou d’innovation – mais assez rarement centrée sur leur propre entité institutionnelle et académique. Certes ce type de démarche auto centrée peut paraître inopportune par certains égards mais elle reste efficace et aisément transposable.</p>
<p>Il peut sembler cocasse que les chercheurs en charge de réfléchir, de documenter et de produire des connaissances autour des sciences de l’action collective que sont les sciences de gestion et du management sont finalement assez peu prolixes – exceptées certaines <a href="https://rfg.revuesonline.com/articles/lvrfg/abs/2017/01/rfg00123/rfg00123.html">approches ethnographiques</a> consacrées aux consultants – s’agissant de leur propre biotope et de son organisation. Cela doit relever du syndrome du cordonnier ! Ce jeune écosystème apparu dans les années 1970 montre la cohabitation d’acteurs aux parcours très variés, la plupart étant toutefois recrutés <a href="http://blog.educpros.fr/isabelle-barth/2013/06/10/ne-dites-pas-a-mes-parents-que-je-suis-doctorant-en-management-ils-croient-que-je-cherche-un-emploi/">pendant ou à l’issue d’un doctorat en sciences de gestion</a>, et qui interagissent au sein d’entités elles-mêmes très hétérogènes.</p>
<p>À ce propos, la saison qui approche – celles des grandes migrations pour rejoindre les conférences annuelles des associations académiques référencées par la Fnege (Fondation nationale pour l’enseignement de la gestion des entreprises) qui justement <a href="http://www.fnege.org/actualites/1113/semaine-du-management-2018-50-ans-de-la-fnege">fêtera ses 50 ans</a> l’an prochain – semble tout à fait opportune pour faire le point sur une discipline quinquagénaire et sur ses mécanismes de coordinations opérationnels.</p>
<p>En effet, juste avant les grands rendez-vous annuels de l’<a href="http://www.fnege.org/le-reseau/partenaires?page=1&search%5Btype%5D=3">AFM à Tours, de l’AIMS à Lyon, de l’AIM à Paris, de l’AFC à Poitiers, de l’AFFI à Grenoble, de l’ACFAS à Montréal, de Prolog à La Rochelle, de l’ADERSE à Bordeaux, de l’AGRH à Aix, etc.</a>… une question demeure. Comment s’organise cette jeune discipline pour survivre et essaimer dans la jungle des <em>pré carrés</em> scientifiques et de leur zone d’influence ?</p>
<h2>Un écosystème et une double approche</h2>
<p>En France, où elle a une existence propre, nous pouvons notamment aborder l’écosystème de cette discipline sous les angles académique et institutionnel.</p>
<p>Le premier angle d’attaque renvoie à ce qu’est la discipline, à son corpus théorique, à ses positionnements et débats – notamment consacrés à <a href="https://www.puf.com/content/Les_%c3%a9pist%c3%a9mologies_constructivistes">certaines épistémologies</a> – ainsi qu’à ses outils et approches méthodologiques. L’académisme s’appuie ainsi sur des standards afin d’asseoir la légitimité scientifique et la zone de confort de la discipline. Il peut néanmoins parfois <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00648447">remettre en cause</a> et questionner… notamment sur le dilemme rigueur/pertinence via le provocateur mais pertinent : <a href="http://www.management-aims.com/">« À quoi sert la recherche en management ? »</a>. </p>
<p>Il s’agit aussi de pouvoir faire le point à l’occasion de dates anniversaires clés comme dans le cas des <a href="https://www.cairn.info/revue-systemes-d-information-et-management-2016-2-page-3.htm">20 ans de SIM</a> ou des <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2017-1-page-5.htm">50 ans de la RFG</a>. Finalement, comme pour toutes espèces, l’objectif est avant tout de survivre. Il faut ainsi assurer la pérennité des sciences de gestion notamment face aux disciplines connexes avec lesquelles nous cohabitons sur un territoire mouvant et avec lesquelles nous partageons à la fois des inputs (champs, terrains, budgets, data, plates-formes et technologies, temps de travail, projet…) et output (conférences, revues, livrables…). Notons simplement les plus immédiates comme le droit, l’économie, la sociologie, la psychologie, les sciences politiques, l’informatique, la recherche opérationnelle, le génie industriel, etc.</p>
<p>Le second angle d’attaque renvoie aux diverses institutions (ministère, universités , <a href="http://orientation.blog.lemonde.fr/2015/04/30/les-business-schools-francaises-toujours-plus-internationales/">business schools</a>, Écoles d’Ingénieurs, etc.) et autres entités organisationnelles (<a href="http://www.fnege.org">Fnege</a>, Sociétés savantes, ANR, etc.) gravitant autour de la discipline et ayant peu ou prou pour objectif de la faire vivre, d’en améliorer la visibilité, la gouvernance voire d’en assurer la promotion. Il s’agit aussi pour ces institutions de l’accompagner face aux opportunités et menaces de son environnement et de réfléchir à son avenir. Quid des sciences de gestion en <a href="https://business.lesechos.fr/directions-ressources-humaines/metier-et-carriere/profils/en-2050-l-entreprise-traditionnelle-aura-vecu-201083.php">2050 ?</a></p>
<h2>La thèse de doctorat en sciences de gestion comme ticket d’entrée</h2>
<p>Dans les deux cas, il s’agit ici de proposer un guide de lecture à double entrée afin que cet écosystème soit plus lisible et plus intelligible notamment pour les étudiants en fin de second cycle désirant s’engager dans le véritable parcours initiatique <a href="https://fr.thesignal.info/2016/08/cest-quoi-concretement-doctoratune-these.osc">qu’est une thèse de doctorat.</a></p>
<p>Paradoxalement ce cheminement vers la thèse – en sciences de gestion comme partout (excepté en médecine) – est beaucoup plus qu’une simple production de 350 pages impeccablement documentées, correctement écrites et joliment argumentées avec, dans la plupart des cas, le triptyque « une question bien formulée, un support théorique pertinent, une méthodologie alignée » et agrémentée (pourquoi pas ?) de résultats, de contributions et d’apports !</p>
<p>Ce parcours est <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000032587086">depuis 2016 étoffé de nouvelles modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat</a> dont, bien sûr, la production et la soutenance d’un mémoire de thèse devant un jury idoine. Il faudra également être à l’origine de productions scientifiques variées (communications, articles, cas, <em>book chapter</em>, blog, MOOC, Spoc…) et afficher quelques jalons institutionnels (école doctorale, mandat électif, administrateurs de sociétés savantes…) et académiques (consortium doctoraux, workshop, colloques…) qui apparaissent bienvenus pour intégrer la famille ou plus prosaïquement le réseau afin d’y être <a href="http://www.theses.fr/">identifié</a> et coopté.</p>
<p>Cette double béquille – réseautage et essaimage – est devenue essentielle pour aborder sereinement la carrière d’enseignant chercheur en sciences de gestion. En effet, les carrières isolées et non connectées sont en effet difficilement (mais <a href="http://www.liberation.fr/sciences/2015/06/17/les-gribouillis-d-alexandre-grothendieck-enfin-sauvegardes_1331465">pas impossiblement</a>) concevables en 2017.</p>
<p>Nous allons les <em>mettre en scène</em> sous l’angle académique puis institutionnel dans les deux parties ci-après !</p>
<h2>Une approche sous l’angle académique (CNU)…</h2>
<p>Sous l’angle académique, nous aborderons à la fois les académiques – c’est-à-dire les membres composant l’académie et respectant peu ou prou l’<a href="http://www.grandpalais.fr/fr/article/lacademisme">académisme</a> – et les lieux, places ou territoires – c’est-à-dire là où se réunissent physiquement ou virtuellement les membres ou leur représentants dits « académiciens ».</p>
<p>À ce propos, la discipline des SG est relativement jeune. Elle apparaît en 1968 avec la création de la Fnege. Elle est historiquement issue de partitions – ou scissions selon les écoles et perceptions – au sein des sciences juridiques (actuel groupe 1 du CNU) puis, ouvrant la <em>black box</em> de l’organisation, au sein des sciences économiques. Les sciences de gestion (06) demeurent cependant proches des sciences économiques (05) avec lesquelles elles composent le groupe 2 du CNU. Ainsi, les sciences de gestion sont listées dans le haut du tableau qui présente les différentes sections du <a href="http://www.cpcnu.fr/web/section-06">Conseil national des universités (CNU)</a>.</p>
<p>Les missions principales des <a href="http://www.cpcnu.fr/web/portail/listes-des-sections-cnu">87 sections</a> du CNU sont de qualifier (ou non) aux fonctions de Maître de Conférences (MCF) et de Professeur des Universités (PU) mais également de récompenser (ou non) et/ou de promouvoir (ou non) les collègues candidats. Les <a href="http://www.cpcnu.fr/web/section-06/membres-de-la-section">36 membres</a> du CNU 06 sont également un relais entre le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et l’ensemble des quelques 1 900 collègues de la section 06 exerçant comme titulaires dans les universités françaises (environ un quart de professeurs et trois quarts de maîtres de conférences). Cette dimension académico-politique explique les candidatures portées par des listes syndicales (<a href="http://prod1-pow-autonomesup.integra.fr/">Supautonome FO</a>, <a href="http://www.snesup.fr/">Snesup-FSU</a> et autres collectifs spécifiques à la section comme <a href="http://www.variance-cnu06.org/">variance</a>.</p>
<p>Le CNU est de facto la seule entité académique exclusivement disciplinaire exerçant au niveau national. À ce titre, il se doit de travailler (participation aux missions) et d’avancer de concert avec les entités transversales impactant les SG. Citons par exemple l’<a href="http://www.hceres.fr/">HCERES</a> sur les évaluations des laboratoires et/ou des formations.</p>
<p>Citons aussi le <a href="http://www.cnrs.fr/">CNRS</a> et en particulier sa section 37 composée de <a href="http://www.cnrs.fr/comitenational/contact/annuaire.php?inst=37">21 membres (en majorité économistes)</a> abordant l’évaluation et la catégorisation des revues scientifiques sous le double ancrage <a href="https://sites.google.com/site/section37cnrs/Home/revues37">« économie et gestion »</a> et cohabitant avec celle de la Fnege sous l’ancrage plus spécifiquement <a href="http://www.fnege.org/publications/classement-des-revus">“gestion”</a>.</p>
<h2>Fin de chantier(s) ?</h2>
<p>Vastes sont les chantiers et les défis ! De fait, la Fnege et les (ses) associations académiques ont, outre un <a href="https://www.management2018.fr/semaine-management-2018">impératif événementiel et communicationnel,</a> une double mission opérationnelle et stratégique dans la performance de l’écosystème. Ce sera l’objet de la seconde partie de cet article !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77419/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Bidan est membre du Conseil National des Universités (section 06), membre de l'Association for Information Systems (AIS), ancien vice président et président (2009-2011 et 2011-2015) de l'Association Information et Management (AIM) et ancien membre du conseil scientifique de la Fondation nationale pour l'enseignement de la gestion des entreprises (2013-2015)</span></em></p>Présentation et décryptage de l’écosystème original d’une jeune discipline de l’enseignement supérieur dénommée « sciences de gestion ». Que fait donc cette quinquagénaire pour assurer sa pérennité ?Marc Bidan, Professeur des universités en management des systèmes d’information, Université de NantesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.