tag:theconversation.com,2011:/ca/topics/david-cameron-24900/articlesDavid Cameron – The Conversation2022-11-03T19:45:14Ztag:theconversation.com,2011:article/1935892022-11-03T19:45:14Z2022-11-03T19:45:14ZLe premier ministre britannique est-il légitime ?<p>Plus de six semaines après <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20220905-royaume-uni-le-parti-conservateur-d%C3%A9signe-liz-truss-pour-succ%C3%A9der-%C3%A0-boris-johnson">l’élection de Liz Truss</a> par 57 % des 172 000 adhérents ayant voté pour elle, le <a href="https://fr.euronews.com/2022/10/24/qui-est-rishi-sunak-le-nouveau-premier-ministre-du-Royaume-Uni">nouveau premier ministre Rishi Sunak</a> se retrouve aux commandes après avoir recueilli 197 parrainages auprès des 357 députés conservateurs de la Chambre des Communes.</p>
<p>Seul candidat à avoir franchi le seuil des 100 parrainages requis par la <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/royaume-uni/royaume-uni-comment-devenir-premier-ministre-en-une-semaine-on-vous-explique-les-cles-du-scrutin-8cf5be38-5128-11ed-b0fb-cfd37f4f16f7">procédure exceptionnelle mise en place par le parti</a>, Sunak a donc été élu sans passer par le vote des adhérents.</p>
<p>Vu de France, où le chef de l’État tire directement sa légitimité du suffrage universel, on peut s’étonner de l’arrivée au pouvoir de premiers ministres portés par une infime minorité du corps électoral. Au Royaume-Uni, le leader est un premier ministre en puissance mais interchangeable à loisir puisqu’aux élections législatives, il s’agit pour les Britanniques d’élire un parti politique et non un individu. Les candidats qui se présentent tirent leur légitimité de leur statut de député, condition sine qua non de leur ascension politique. Mais si le jeu de chaises musicales auquel se livrent les premiers ministres conservateurs depuis 2016 offre un spectacle sidérant, c’est que leur procédure d’élection du leader pose problème.</p>
<h2>La longue évolution du processus de désignation du chef du parti</h2>
<p>Jusqu’en 1965, le leader émergeait, selon la formule utilisée en 1963 par l’un des ténors du parti, d’un <a href="https://www.oxforddnb.com/view/10.1093/ref:odnb/9780198614128.001.0001/odnb-9780198614128-e-97004">« cercle magique »</a> de conservateurs influents composant une élite essentiellement issue de l’aristocratie et des prestigieuses « public schools ».</p>
<p>Mais à partir de <a href="https://www.springerprofessional.de/en/the-conservative-party-leadership-election-of-1965/18673606">1965</a>, l’élection du dirigeant conservateur par les députés a permis l’accession au pouvoir d’une élite issue des classes moyennes : Edward Heath (1970-1974), Margaret Thatcher (1979-1990) puis John Major (1990-1997).</p>
<p>En 1997, la <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1997/05/03/le-parti-travailliste-britannique-remporte-une-ecrasante-victoire_3755731_1819218.html">victoire écrasante du New Labour de Tony Blair</a> survient trois ans après une <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2008-1-page-125.htm">refonte des statuts du Parti travailliste</a> qui devient une source d’inspiration pour les conservateurs, convaincus que leur dirigeant est encore en décalage avec l’électorat.</p>
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<p>Un an plus tard, dans l’opposition, le nouveau dirigeant tory, William Hague, se lance donc dans une <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1057/9780230362789_2">série de réformes</a> prévoyant une nouvelle procédure d’élection de leur chef. Résultat : depuis 1998, les candidats au poste de dirigeant sont donc d’abord élus par les députés avant d’être départagés, en dernière phase, par les adhérents du parti.</p>
<h2>La petite révolution de David Cameron</h2>
<p>En 2005, David Cameron, député de 39 ans qui avait pris les rênes de la section de jeunesse des Tories, présente sa candidature à la tête du parti, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1467-923X.2006.00728.x">s’engageant à moderniser son image</a> et à « réparer une société brisée ». Mais sa promesse d’une « Big Society » ne convainc pas les députés de la droite thatcherienne et traditionaliste qui soutiennent, au premier tour du scrutin, son rival David Davis.</p>
<p>Cameron finit par <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2005/12/06/david-cameron-39-ans-prend-la-tete-des-conservateurs-britanniques_717969_3214.html">emporter l’adhésion des adhérents</a> en promettant de mettre un terme, une fois pour toutes, aux guerres fratricides sur l’enjeu européen qui n’ont cessé d’empoisonner le parti. Le référendum du 23 juin 2016 sera l’antidote qu’il préconise – avec l’issue que l’on sait.</p>
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<p>Plus largement, le nouveau dirigeant introduit des dispositifs de démocratie directe qui contrastent audacieusement avec les traditions d’un parti considéré comme le chantre des institutions établies et qui a fait de la souveraineté du parlement de Westminster son obsession.</p>
<p>Cameron, qui <a href="https://www.lefigaro.fr/international/2010/05/11/01003-20100511ARTFIG00585-echec-des-negociations-entre-le-labour-et-les-liberaux.php">deviendra premier ministre en 2010</a>, s’est mis en tête de « redistribuer le pouvoir » de manière radicale vers le peuple en expérimentant brièvement dans certaines circonscriptions des primaires ouvertes pour la sélection des candidats parlementaires et en multipliant la pratique du référendum (<a href="https://www.robert-schuman.eu/fr/oee/1200-referendum-sur-le-mode-de-scrutin-au-royaume-uni-5-mai-2011">sur le mode de scrutin</a> en mai 2011, <a href="https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2015-1-page-145.htm">l’indépendance de l’Écosse en septembre 2014</a> puis sur le <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2017-1-page-65.htm">maintien du pays dans l’Union européenne</a> en juin 2016), ouvrant ainsi la porte, dira-t-on, à un populisme dans lequel d’autres, comme Boris Johnson, s’engouffreront.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-paris-risques-de-david-cameron-61189">Les paris risqués de David Cameron</a>
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<p>Cameron n’aura cependant le temps d’aller jusqu’au bout de sa petite révolution participative. En 2015, le Parti travailliste – qui va encore plus loin que son opposant et ouvre l’élection de son chef non plus seulement aux adhérents mais à des sympathisants s’acquittant d’une contribution de 3 livres sterling – produit un dirigeant, <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2015/09/12/jeremy-corbyn-elu-au-premier-tour-a-la-tete-du-parti-travailliste-britannique_4754376_3214.html">Jeremy Corbyn</a>, dont l’appartenance à la gauche radicale du parti effraie les modérés des deux bords. Un an plus tard, le résultat du référendum sur le Brexit achève de désavouer le gouvernement Cameron, et le premier ministre démissionne le 13 juillet 2016.</p>
<h2>Un parti écartelé entre ses élus et sa base électorale</h2>
<p>Depuis 1998, la procédure d’élection du leader n’est pas toujours allée jusqu’au vote des adhérents.</p>
<p>Seuls Iain Duncan Smith (2001-2003), David Cameron (2005-2016), Boris Johnson (2019-2022) et Liz Truss (6 septembre-20 octobre 2022) sont issus de cette primaire fermée. Les autres (Michael Howard, 2003-2005, Theresa May, 2019-2022 et aujourd’hui Rishi Sunak) n’ont pas eu à affronter le verdict de la base militante, leurs concurrents s’étant retirés de la course pour différentes raisons.</p>
<p>Mais qu’ils soient élus par les seuls députés ou par les adhérents, c’est donc la légitimité des premiers ministres qui est en cause, surtout dans un contexte de crise et de contestation sociale qui place les Travaillistes <a href="https://www.independent.co.uk/news/uk/politics/tory-poll-liz-truss-labour-starmer-b2204553.html">largement en tête des sondages</a>.</p>
<p>Rishi Sunak se retrouve à la tête d’un parti écartelé entre une base parlementaire qui le soutient et une base militante qui se méfie de lui, entre un électorat qui a soutenu Boris Johnson en décembre 2019 pour ses promesses redistributives et des milieux d’affaires qui espèrent un retour de la croissance et la paix des marchés.</p>
<p>Face à cette crise de confiance spectaculaire, les Tories sont aujourd’hui dans une impasse : d’un côté, le maintien de la procédure de primaire fermée qui délégitime un premier ministre élu par une infime minorité du corps électoral ; de l’autre, le retour au vote des seuls députés et l’émergence d’un leader perçu comme déconnecté de la base du parti. Pour autant, les Tories persistent à considérer ce défi comme une affaire privée : le scénario d’élections législatives anticipées ne leur est pas envisageable. Sauf nouvelle crise interne au parti, Sunak devrait donc rester en poste au moins jusqu’aux prochaines législatives, qui auront lieu au plus tard en décembre 2024.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193589/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Agnès Alexandre-Collier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Rishi Sunak a accédé au pouvoir sans se présenter au suffrage universel, ni même à un vote des adhérents du parti conservateur. Sa légitimité est-elle pour autant contestable ?Agnès Alexandre-Collier, Professeur de civilisation britannique, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1544042021-02-02T20:06:16Z2021-02-02T20:06:16ZBrexit : pourquoi les négociations ont-elles été si difficiles ?<p>Les négociations liées au Brexit, qui ont tenu l’Union européenne en haleine pendant plus de quatre ans, n’auront <a href="https://www.theguardian.com/politics/2020/dec/09/quick-and-easy-what-leavers-said-about-uk-eu-brexit-trade-deal">pas été le long fleuve tranquille</a> promis par le premier ministre Boris Johnson et ses équipes pro-<em>Leave</em>. Si le Brexit a été voté le 23 juin 2016, le processus de négociation a formellement débuté le 29 mars 2017, lorsque le Royaume-Uni a activé l’article 50 du traité de Lisbonne.</p>
<p>Deux accords s’ensuivront : l’accord de divorce, approuvé par le parlement britannique le 9 janvier 2020, et l’accord sur les conditions post-divorce, signé in extremis le 24 décembre dernier et effectif au <a href="https://brexit.gouv.fr/sites/brexit/accueil/le-brexit-cest-quoi.html">1er janvier 2021</a>.</p>
<p>Pourquoi le processus a-t-il été si chaotique ? Parmi les théories liées au processus de négociation, le <a href="https://www.cairn.info/revue-negociations-2004-2-page-113.htm">modèle du professeur américain</a> William Zartman, de l’Université Johns-Hopkins, permet d’éclairer les principales difficultés rencontrées. Selon lui, toute négociation suit nécessairement trois étapes :</p>
<ul>
<li><p>Le <strong>diagnostic</strong> : d’abord réalisé individuellement par chacune des parties, puis partagé entre elles.</p></li>
<li><p>La <strong>formule</strong> : les parties construisent ensemble la structure du futur accord (la liste des points à négocier).</p></li>
<li><p>Le <strong>détail</strong> : les parties décident en introduisant dans la formule les éléments concrets de leur accord (qui fait quoi quand, qui paie quoi, etc.).</p></li>
</ul>
<h2>Un diagnostic contraint par les circonstances</h2>
<p>Le diagnostic constitue l’étape la plus importante de la négociation, mais aussi celle qui est le plus souvent négligée, par excès de confiance ou du fait des circonstances, notamment en situation de crise. À titre d’exemple, en France, le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000035607348/">rapport Pénicaud</a> sur les négociations concernant la mise en place du Conseil social et économique (CSE) constatait froidement, en décembre 2018, une « quasi-absence de diagnostic » de la part des partenaires sociaux lors de ces négociations dans les entreprises.</p>
<p>Le premier diagnostic, celui sur lequel aurait dû se baser la décision de quitter l’Union européenne, peu d’électeurs en avaient conscience, au point que, parmi ceux qui ont voté <em>Leave</em>, beaucoup ont ensuite estimé <a href="https://www.lepoint.fr/monde/londres-une-foule-geante-demande-un-second-referendum-sur-le-brexit-20-10-2018-2264458_24.php">qu’ils auraient voté différemment</a> s’ils avaient été mieux renseignés.</p>
<p>Une fois la décision prise (irrévocable du fait de la légitimité populaire), c’est nécessairement dans la précipitation que le diagnostic de l’étendue des négociations s’est fait.</p>
<p>En principe, c’est pourtant bien sur le diagnostic que vont s’appuyer les négociateurs pour définir leurs objectifs et la stratégie qu’ils entendent déployer pour les atteindre. En négociation internationale, il revient à l’administration de réaliser le diagnostic et au pouvoir politique de fixer le cap et de décider des grandes lignes de la stratégie.</p>
<p>Concernant le Brexit, la négociation s’est brutalement imposée : le résultat du référendum a été une surprise (les sondages donnant, jusqu’au dernier moment, plutôt l’avantage au <em>Remain</em>) et a même déstabilisé le pouvoir britannique (démission du gouvernement de David Cameron et constitution d’un nouveau gouvernement, une fois Theresa May élue à la tête du Parti conservateur).</p>
<p>En situation d’urgence, encore plus qu’en situation normale, le dialogue entre une administration solide et un pouvoir politique bien ancré s’avère fondamental. Outre le temps très court pour réaliser le diagnostic des négociations du Brexit (avec des ressources contraintes, rien n’étant prévu pour de telles négociations), l’administration britannique a dû faire face aux atermoiements d’un pouvoir politique malmené de toutes parts, tant par l’opposition travailliste que par les tenants d’un Brexit « hard » ou « soft ». Il s’agit ici du pire scénario pour établir une stratégie viable de négociation.</p>
<p>Tel un bon pilote d’avion, un bon négociateur ne devrait jamais se mettre dans une situation où il a un besoin impérieux d’être un bon négociateur. Cela passe par le diagnostic et, lorsque c’est possible, par l’anticipation.</p>
<p>Pour les Britanniques, le Brexit semble être l’exemple parfait d’une négociation où tant l’objectif que la stratégie ont été définis sans un diagnostic complet de la situation. L’Union européenne semble avoir bien mieux anticipé ces négociations, sans doute car elle est bien équipée et rompue depuis des décennies aux négociations d’annexion et de partenariat. Ces difficultés de diagnostic ont rendu chaotique le processus et expliquent notamment que les points d’achoppement principaux ne semblent pas avoir été prévus.</p>
<h2>Les points bloquants « surprise » de la formule</h2>
<p>À la suite de leur décision de quitter l’Union européenne, les Britanniques ne semblaient pas avoir mesuré les questions qui allaient empoisonner les négociations jusqu’à leur terme. La question irlandaise ne fut pas la seule mais reste particulièrement révélatrice.</p>
<p>Sortir le Royaume-Uni de l’Union européenne impliquait nécessairement de traiter le problème de la frontière entre la République d’Irlande (indépendante et membre de l’UE) et l’Irlande du Nord (province britannique). La question dépasse le seul champ économique (la République d’Irlande restant dans le marché commun), elle est sociétale : une frontière risque de raviver les tensions communautaires et religieuses qui ont longtemps secoué l’île.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/381677/original/file-20210201-23-ic8yx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/381677/original/file-20210201-23-ic8yx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/381677/original/file-20210201-23-ic8yx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/381677/original/file-20210201-23-ic8yx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/381677/original/file-20210201-23-ic8yx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/381677/original/file-20210201-23-ic8yx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/381677/original/file-20210201-23-ic8yx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La question de l’Irlande est révélatrice du manque de diagnostic clair au moment de lancer les négociations sur le Brexit.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/dublin-jul-22-crowds-people-walk-303143519">Shutterstock</a></span>
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<p>La formule, c’est-à-dire la liste des points que l’accord devra traiter, ne pouvait faire l’économie de la situation de l’Irlande. L’une des utilités majeures du diagnostic est d’identifier, pour la formule, ces questions à forts enjeux, où aucune solution acceptable à première vue ne semble exister, et où les positions de repli des parties sont inacceptables. Dans le cas de l’Irlande : un retour à une frontière physique, ou un maintien de facto de tout le Royaume-Uni dans le marché commun – le fameux « <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/quest-ce-que-le-backstop-irlandais-au-coeur-de-limpasse-sur-le-brexit-1125876">backstop</a> » – et donc un Brexit qui n’aurait de Brexit que le nom.</p>
<p>Si la question irlandaise semble avoir échappé au diagnostic avant le vote (à part en Irlande du Nord, ce qui l’a conduit à <a href="https://www.huffingtonpost.fr/2016/06/24/brexit-ecosse-irlande-royaume-uni-referendum_n_10648326.html">voter majoritairement non au référendum</a>), elle s’est rapidement imposée dans la formule et s’est révélée tellement complexe qu’elle a failli jusqu’au bout <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/276127-negociations-post-brexit-ue-et-royaume-uni">faire échouer les négociations</a>.</p>
<h2>Le détail : un accord tout juste satisfaisant</h2>
<p>Ce n’est pas parce que la négociation aboutit à la signature d’un accord que l’accord est nécessairement objectivement bon. Depuis que l’accord post-divorce a été signé, rares sont les parties impactées qui s’en réjouissent : la City londonienne <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/brexit-la-city-perd-la-bataille-du-trading-sur-les-actions-europeennes-1278225">s’estime lésée</a>, les incidents entre pêcheurs se multiplient, l’industrie et les chaînes logistiques souffrent de <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/brexit-les-premiers-couacs-1390086">difficultés de livraisons</a>, etc.</p>
<p>Alors que le Royaume-Uni pensait quitter l’Union européenne sans grever ses finances publiques, il devra finalement s’acquitter d’une <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/le-brexit-a-deja-coute-aux-britanniques-presque-autant-que-leurs-47-annees-dans-lunion-europeenne-1359920">très lourde facture</a>.</p>
<p>Il n’en demeure pas moins que tout accord doit être comparé avec la situation des parties en l’absence d’accord : en l’espèce, par rapport à un divorce sans accord, il semble y avoir consensus, l’accord a le mérite d’exister, de clarifier la situation et d’offrir un chemin pour l’avenir.</p>
<p>Il n’en reste pas moins que, sur la question irlandaise, l’accord n’en est pas vraiment un : si l’hypothèse du maintien du Royaume-Uni dans l’union douanière est écartée, il revient à l’assemblée d’Irlande du Nord de <a href="https://ec.europa.eu/info/relations-united-kingdom/eu-uk-withdrawal-agreement/protocol-ireland-and-northern-ireland_fr">statuer, tous les quatre ans</a>, sur le maintien de la solution trouvée, ou un retour à une frontière physique sur l’île.</p>
<p>Faute de zone d’accord possible, les parties ont ici fait preuve de créativité, mais laissent planer une certaine incertitude sur l’avenir post-Brexit.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154404/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>De juin 2016 au 1ᵉʳ janvier 2021, date d’entrée en vigueur de l’accord commercial entre le Royaume-Uni et l’UE, les négociations du Brexit auront offert le spectacle d’un processus tumultueux.Adrian Borbély, Professeur associé en négociation, EM Lyon Business SchoolBruno André Giraudon, Conférencier en négociation, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1187462019-06-13T23:43:44Z2019-06-13T23:43:44ZLes États-Unis et le Royaume-Uni : « une relation spéciale » sous la menace du Brexit<p>En organisant le référendum de juin 2016, les Britanniques ne s’imaginaient certainement pas qu’ils se condamnaient à une négociation très dure connue sous le nom de « Brexit », pour tenter de régler les détails du retrait de l’Union européenne (UE). Theresa May a ajouté son nom au nombre des <a href="https://www.franceinter.fr/monde/apres-la-demission-de-theresa-may-ce-qui-va-ou-ne-va-pas-se-passer">victimes de ces négociations</a> qui traînent vraiment en longueur, au point que l’on peut douter <a href="https://theconversation.com/le-brexit-aura-t-il-jamais-lieu-114157">que cette sortie se fera un jour</a>.</p>
<p>Aux États-Unis, on se demande comment aborder ce Brexit. Le divorce semble si difficile que les plus enclins à l’encourager sont maintenant beaucoup plus hésitants, en dehors du président américain, qui persiste à y voir un <a href="https://www.nytimes.com/2018/07/13/us/politics/brexit-donald-trump-political-movement-.html">événement anti-<em>establishment</em></a>. Lequel n’est pas sans lui rappeler sa propre élection, quelques mois plus tard, fin 2016. Toutefois, même dans son camp, on commence à craindre que les conséquences n’atteignent également les États-Unis, et pas forcément en bien.</p>
<p>Que se passera-t-il en effet si les Grand-Bretons sortent trop brutalement de l’Union européenne ?</p>
<p>L’idée que les dégâts économiques puissent être ressentis au plan mondial apparaît de plus en plus probable, et les Américains commencent à s’en inquiéter. Donald Trump a bien promis un <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/06/04/a-londres-donald-trump-rencontre-theresa-may-pour-discuter-d-un-accord-commercial-post-brexit_5471315_3210.html">accord « phénoménal » aux cousins britanniques</a> lors de <a href="http://www.rfi.fr/ameriques/20190601-apres-le-japon-trump-route-une-visite-etat-royaume-uni">sa visite d’État de début juin 2019</a>. Mais ce n’est pas un avis partagé par la classe politique américaine, qui reste très en retrait sur ce dossier.</p>
<p>Les enjeux sont multiples, que ce soit la relation entre Londres et Washington, le rôle du Royaume-Uni dans la sécurité européenne ou encore celui des États-Unis aux côtés des puissances européennes et les intérêts de l’Europe aux États-Unis, tout autant que le partenariat qu’il reste à réinventer entre tous ces différents acteurs.</p>
<h2>L’avertissement vain d’Obama</h2>
<p>La frilosité américaine n’est pas nouvelle : en 2016, John Kerry assurait déjà que les États-Unis souhaitaient le <a href="https://www.lexpress.fr/actualites/1/actualite-economique/un-brexit-nouveau-defi-defavorable-pour-l-economie-mondiale-tresor-americain_1806552.html">maintien du Royaume-Uni dans l’UE</a> et exprimait la crainte de son pays que cela ne soit pas le cas. Un mois plus tôt, Barack Obama, en visite au Royaume-Uni, adressait aux électeurs britanniques un message similaire, à travers une tribune dans le <em>Daily Telegraph</em>, dont le <a href="https://www.telegraph.co.uk/news/2016/04/21/as-your-friend-let-me-tell-you-that-the-eu-makes-britain-even-gr/">titre</a> résumait tout :</p>
<blockquote>
<p>« En tant qu’ami, laissez-moi vous dire que l’Union européenne rend le Royaume-Uni encore plus fort. »</p>
</blockquote>
<p>La préoccupation d’alors était la coopération internationale pour lutter contre le terrorisme, et Obama craignait que la division ne complique tout. D’autres dossiers capitaux, tels que la <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/02/26/crise-des-refugies-l-europe-vit-un-moment-historique_4872353_3232.html">crise des réfugiés</a> ou les <a href="https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/07/14/un-accord-sur-le-nucleaire-iranien-a-ete-trouve_4682310_3218.html">négociations nucléaires avec l’Iran</a>, dépendaient déjà également d’une réponse commune.</p>
<p>Son intervention avait déplu au camp du Brexit, et Boris Johnson avait répliqué dans <em>The Sun</em>, avec une <a href="https://www.nouvelobs.com/monde/20160423.OBS9109/brexit-boris-johnson-accuse-un-obama-en-partie-kenyan.html">attaque violente et considérée comme raciste</a>. Il l’accusait aussi d’hypocrisie, assurant que les Américains faisaient facilement la leçon aux autres mais ne céderaient jamais sur leur propre souveraineté. À travers cet échange, on comprenait alors que le Brexit pourrait potentiellement avoir un impact fort sur les relations transatlantiques.</p>
<h2>Le fantasme de la « relation spéciale »</h2>
<p>Le futur des relations entre Américains et Anglais est souvent considéré à travers un lien ancestral qui unirait prétendument les deux pays et qu’on l’appelle <a href="https://www.nouvelobs.com/l-amerique-selon-trump/20190603.OBS13879/trump-et-le-royaume-uni-une-relation-speciale-aux-allures-de-jeu-de-dupes.html">« relation spéciale</a> ». Pourtant, il n’y a pas grand-chose dans l’histoire commune aux deux pays qui justifie un tel titre.</p>
<p>Tout a même commencé entre eux par un conflit lourd, avec la guerre d’indépendance américaine de 1775-83. Puis, tout au long du XIX<sup>e</sup> siècle, les deux pays ont connu de nombreux autres conflits armés. Durant la guerre civile américaine (1861-1865), le premier ministre anglais de l’époque, Lord Palmerston, a même encouragé les rebelles confédérés qui voulaient briser l’Union américaine. Rien de moins. Le XX<sup>e</sup> siècle a été marqué par le déclin de l’Empire britannique et l’expansion constante de la puissance mondiale américaine. Le Royaume-Uni en est sorti épuisé et endetté. Il y a perdu sa position de première puissance militaire et économique mondiale.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/279338/original/file-20190613-32351-9lfwxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/279338/original/file-20190613-32351-9lfwxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/279338/original/file-20190613-32351-9lfwxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/279338/original/file-20190613-32351-9lfwxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/279338/original/file-20190613-32351-9lfwxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/279338/original/file-20190613-32351-9lfwxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/279338/original/file-20190613-32351-9lfwxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">États-Unis et Royaume-Uni : jadis ennemis aujourd’hui meilleurs alliés ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Erika Wittlieb/Pixabay</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>La « relation spéciale » est une création généralement attribuée à <a href="https://www.nouvelobs.com/l-amerique-selon-trump/20190603.OBS13879/trump-et-le-royaume-uni-une-relation-speciale-aux-allures-de-jeu-de-dupes.html">Winston Churchill</a>. Du côté des Anglais, elle semble surtout signifier une volonté de cajoler et manipuler les dirigeants américains, tout en refusant d’accepter que leur propre pays s’enfonçait toujours plus dans une position de faiblesse.</p>
<p>Côté américain, on y voit surtout l’exploitation opportune de l’avantage américain. Donald Trump n’a fait que s’inscrire dans cette lignée en faisant miroiter les contrats fabuleux à venir et en restant suffisamment dans le flou pour que chacun puisse fantasmer à sa guise.</p>
<h2>Le Royaume-Uni, porte d’accès à l’Europe</h2>
<p>Il faut reconnaître que la force du partenariat militaire était telle qu’il s’est poursuivi en temps de paix : on a retrouvé les deux nations sans cesse côte à côte sur différents fronts. Mais la réalité du lien anglo-américain provient quasi exclusivement de l’espace politique et géographique occupé par le Royaume-Uni à l’échelle mondiale, qui a donné à l’Amérique une porte d’entrée pour accéder à l’Europe, tant politiquement qu’économiquement : la Grande-Bretagne était une cliente qui disposait d’un accès à un réseau suffisamment grand pour intéresser un distributeur aussi ambitieux que les États-Unis.</p>
<p>Barack Obama <a href="https://www.lci.fr/international/brexit-a-un-mois-du-scrutin-ou-en-est-on-1511318.html">prévenait d’ailleurs son « meilleur ami »</a> en 2016 :</p>
<blockquote>
<p>« L’Union européenne ne réduit pas le pouvoir du Royaume-Uni, elle le magnifie ».</p>
</blockquote>
<p>Toutefois, il ne lui avait pas fallu bien longtemps avant de <a href="https://www.theguardian.com/politics/2016/apr/22/barack-obama-brexit-uk-back-of-queue-for-trade-talks">tomber le masque</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Peut-être voulez-vous entendre le point de vue du président des États-Unis sur ce sujet ? Peut-être qu’un jour lointain un accord entre les États-Unis et le Royaume-Uni existera, mais ça ne sera pas prochainement. »</p>
</blockquote>
<p>Car les négociations d’un accord de libre-échange avec l’Union européenne étaient alors la priorité américaine, et Barack Obama avait <a href="https://www.theguardian.com/politics/2016/apr/22/barack-obama-brexit-uk-back-of-queue-for-trade-talks">douché ce jour-là tous les espoirs</a> en expliquant que « le Royaume-Uni se retrouverait en queue de la file » pour avoir le droit d’ouvrir des négociations à son tour.</p>
<h2>L’Allemagne et la France, les autres options</h2>
<p>Pour les États-Unis, il est d’abord essentiel de renforcer leurs relations avec les autres pays de l’Union européenne. <a href="https://www.bbc.com/news/world-europe-38019605">L’Allemagne était le premier choix d’Obama</a> pour atteindre cet objectif et Berlin se préparait d’ailleurs à assumer ce rôle de premier plan dans les relations économiques et commerciales transatlantiques, ayant retrouvé une position de puissance économique dominante et de décideur dans l’UE.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/dqk6dWmXbgI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Barack Obama considérait Angela Merkel comme « le partenaire international le plus proche » des États-Unis.</span></figcaption>
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<p>Plus récemment, la France est devenue un <a href="http://www.rfi.fr/emission/20190606-etats-unis-france-quelle-cooperation-militaire-2019">allié privilégié des États-Unis</a> dans le domaine de la coopération militaire, qui sera cruciale pour l’avenir des relations transatlantiques en matière de sécurité et de défense. À l’issue du Brexit, la France se retrouvera dans une position très particulière puisqu’elle sera la seule grande puissance militaire de l’UE dotée d’un arsenal nucléaire, disposant d’un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU et d’une armée expérimentée capable d’intervenir sur les points de crise dans le monde entier.</p>
<h2>L’Europe, envers et malgré tout</h2>
<p>Même s’ils ont indéniablement un intérêt fort pour l’Asie, les États-Unis restent ainsi ancrés dans leur relation avec l’Europe. Comme le rappelait Emmanuel Macron lors des <a href="https://www.lemonde.fr/centenaire-14-18/article/2018/11/11/document-le-discours-d-emmanuel-macron_5382063_3448834.html">commémorations du centenaire</a> de la Première Guerre mondiale ou du <a href="https://www.ouest-france.fr/d-day/75e-anniversaire-du-debarquement-trump-et-macron-livrent-des-discours-emouvants-devant-les-veterans-6385290">75ᵉ anniversaire de la Seconde</a>, c’est un ensemble de valeurs communes faites de démocratie libérale, de capitalisme de marché, de liens politiques, historiques, culturels et ethniques qui ont permis de faire émerger des valeurs et des intérêts économiques convergents.</p>
<p>Cela a aidé, bien sûr, à un rapprochement pour mieux lutter contre le fascisme et le communisme. Le programme « Rendre la grandeur à l’Amérique » de Donald Trump n’y change rien. En soulignant la proportion d’investissements américains qui « ont représenté 18 % du nombre total de projets étrangers dans l’hexagone et 21 % des emplois créés ou sauvegardés », <em>Les Echos</em> titraient d’ailleurs en avril 2018 : <a href="https://www.lesechos.fr/2018/04/investissements-etrangers-les-americains-sont-de-retour-en-france-988038">« Les Américains sont de retour en France »</a>.</p>
<p>L’OTAN demeure aussi l’alliance militaire la plus importante au monde, avec des dépenses de défense américano-européennes combinées de 989 milliards de dollars en 2018, et un <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/04/29/les-depenses-mondiales-d-armement-approchent-des-2-000-milliards-de-dollars_5456047_3210.html">record de 656,7 milliards</a> pour les seuls États-Unis. Ces chiffres vont augmenter très fortement dans les années à venir, les États-Unis ayant déjà adopté un nouveau budget record de <a href="https://www.challenges.fr/monde/le-budget-americain-de-la-defense-porte-a-716-milliards-de-dollars_606839">716 milliards pour l’année suivante</a>. Ils ont surtout réussi à imposer une augmentation de la participation européenne et canadienne de <a href="https://www.atlantico.fr/decryptage/3479662/hausse-record-budget-militaire-americain-victoire-lobby-militaro-industriel-ou-decision-geopolitique-jean-sylvestre-mongrenier">89 milliards de dollars d’ici 2020</a>.</p>
<iframe src="https://ourworldindata.org/grapher/military-expenditure-as-share-of-gdp?time=1960..2017&country=USA+RUS+DEU+GBR+FRA+CHN" style="width: 100%; height: 600px; border: 0px none;" width="100%" height="400"></iframe>
<p>Le Royaume-Uni, de son côté, a maintes fois réaffirmé que le Brexit n’affaiblirait pas son engagement résolu dans la sécurité européenne en tant que membre-clé de l’OTAN. Toutefois, après avoir quitté l’UE, le Royaume-Uni ne siégera plus au <a href="https://europa.eu/european-union/about-eu/institutions-bodies/european-council_fr">Conseil européen</a> ni à la <a href="https://europa.eu/european-union/about-eu/institutions-bodies/european-commission_fr">Commission</a>, institutions où les États membres coordonnent leurs politiques nationales dans les domaines des affaires étrangères et de la sécurité. Or le <a href="https://www.robert-schuman.eu/fr/comprendre-le-traite-de-lisbonne">Traité de Lisbonne</a> définit les affaires étrangères et la défense comme étant du domaine de la politique intergouvernementale.</p>
<h2>L’atlantisme a de beaux jours devant lui</h2>
<p>La sortie britannique de l’UE soulève plusieurs questions. Premièrement, les États-Unis et l’UE partagent un certain nombre de positions sur la politique commerciale et économique. Le retrait anglais de l’UE ne modifiera pas sensiblement la réalité économique : les relations commerciales et d’investissement entre les États-Unis et l’Europe sont extrêmement importantes pour les deux parties.</p>
<p>Deuxièmement, l’atlantisme en Europe pourrait conserver de sa force, même sans les Britanniques, au vu des tendances pro-américaines des États d’Europe centrale et orientale. Historiquement, Le Royaume-Uni a toujours été un chef de file dans le camp atlantiste ; mais rien n’empêche un autre grand État tel que la Pologne de jouer ce rôle. Compte tenu de la position de l’Allemagne en tant que puissance européenne prédominante, les relations américano-allemandes resteront également d’une importance vitale.</p>
<p>La France, enfin, a réintégré la structure de <a href="https://www.liberation.fr/france/2009/03/12/le-retour-de-la-france-dans-l-otan-un-choix-ideologique_653173">commandement militaire intégrée de l’OTAN</a>, appliquant un programme économique de plus en plus tourné vers l’extérieur. Elle demeure donc un membre essentiel de cette alliance occidentale.</p>
<p>Il n’y a aucune raison de penser qu’une UE sans la Grande-Bretagne veuille disputer l’hégémonie militaire ou politique américain, et pas davantage qu’elle change de cap dans ses alliances. D’un autre côté, l’OTAN demeurera bien le principal organe militaire en Europe, et il semble peu probable que Brexit ait beaucoup d’effet sur la capacité actuelle de Washington d’influencer davantage les questions militaires européennes.</p>
<h2>Un risque réel de vassalisation</h2>
<p>Les relations des États-Unis avec le Royaume-Uni et le reste de l’Europe resteront très certainement définies par des idées communes, des intérêts économiques et de sécurité profondément enchevêtrés. Le départ britannique de l’UE va compliquer ces relations, sans les mettre en danger.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/279356/original/file-20190613-32342-zv9l8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/279356/original/file-20190613-32342-zv9l8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/279356/original/file-20190613-32342-zv9l8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/279356/original/file-20190613-32342-zv9l8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/279356/original/file-20190613-32342-zv9l8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/279356/original/file-20190613-32342-zv9l8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/279356/original/file-20190613-32342-zv9l8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des manifestants Pro-Brexit : l’illusion d’un retour au passé ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/leolondon/32881870388/in/photolist-S6EbtN-S6EnDJ-Goxtor-S6EgZN-S6Er5w-2eeMUX8-S6ErUY-KruBM2-2d8Jhgf-S6EsFY-KruGyM-2ea8mPG-2d8JjZS-28oPvPf-Kyqj6k-JPhJRD-Kyqftk-2cQVpDx-LkkuEj-KyqqcP-KoZHzL-S6EvrN-KoZEgS-2d8JjFf-2ea8v6m-JPhmXt-28oPJJd-276wqwP-JMaWK3-252ovzi-ZQjhE4-2dWyL7z-2fctvkE-TK3YrR-2ejA2cR-2d49tti-NZK3Q1-QtrY8c-2ea8nHf-QtsbKr-28oPuA3-27nG2fb-276wpkF-PXTyb7-28tcdPK-2cQVmJV-2d8Jw6u-S6EcjW-JPhLVt-JPhBmt">LeoLondon/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le Royaume-Uni, en revanche, a beaucoup à perdre, jusque dans son unité même, qui pourrait être remise en question dans les mois qui viennent. Donald Trump ne sait que trop qu’il est désormais le seul interlocuteur possible pour ce pays qui, ayant tourné le dos à l’Union européenne, ne sait pas comment réinventer sa relation avec ses anciens partenaires.</p>
<p>Les Britanniques se sont lancés dans une course en avant effrénée, qui les ramène dans l’illusion d’une indépendance et de leur grandeur d’antan, alors que les Américains les guident désormais sur le chemin qui leur convient le mieux. Ils leur réclament ainsi des gages : par exemple, un alignement sur leurs positions en Syrie, vis-à-vis de l’Iran ou encore sur le climat.</p>
<p>Peut-être les Britanniques y gagneront-ils une place à la table de l’accord commercial entre le Mexique, les États-Unis et le Canada l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Accord_Canada%E2%80%93%C3%89tats-Unis%E2%80%93Mexique">ACEUM</a>, mais à quel prix ? Dans ce Brexit, les Britanniques risquent de perdre le peu de puissance qui leur reste, leur indépendance d’esprit et leur libre arbitre. Car, pour exister et conserver leur prospérité, il leur faudra se vassaliser encore davantage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118746/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Éric Branaa ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’idée que les dégâts économiques causés par le Brexit puissent être ressentis au plan mondial, donc outre-Atlantique, inquiète de plus en plus les Américains.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines (Paris 2 Panthéon-Assas), Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/670292016-10-25T22:33:46Z2016-10-25T22:33:46ZL’Union européenne, une organisation fiable ?<p>Brexit, gestion des questions migratoires et des demandeurs d’asile et diversité d’appréciation des modalités de sortie de la crise économique se conjuguent pour renvoyer l’image d’une Union européenne (UE) au bord de l’implosion, et difficilement capable de résister aux diverses pressions auxquelles elle doit faire face. <a href="http://high-reliability.org/High-Reliability-Organizations">High-reliability organisations</a> (HRO), forgé dans les études managériales pour décrire des entreprises capables d’anticiper et de gérer au mieux le haut niveau d’incertitude et d’imprévisibilité de l’environnement de leur activité, peut être utile pour penser l’UE d’aujourd’hui.</p>
<p>Confrontées à un haut niveau de risques et d’incertitudes, ces organisations cherchent à demeurer fiables, à être en mesure de résister à des imprévus comme des catastrophes. Adaptabilité, mise en place de processus itératifs et répétitifs d’anticipation des risques, traitement et analyse des erreurs, implication des salariés comme acteurs de la prévention et de la gestion du risque sont parmi les caractéristiques de ces HRO. L’UE répond-elle à ces caractéristiques ? La gestion de l’incertitude Brexit fournit un cas d’étude intéressant, l’organisation « UE » étant à la fois en partie responsable et victime de l’incertitude et du risque observés.</p>
<h2>Création de l’incertitude : de l’impossible à l’impensable</h2>
<p>Le cas de l’UE et du Brexit a ceci de particulier que l’Union en tant qu’organisation, et certaines de ses institutions comme la Commission européenne ont elles-mêmes contribué à l’émergence de l’incertitude et du risque auxquelles elles sont désormais confrontées. Impensé politique jusque dans les années 2000, la possibilité de sortie d’un État membre de l’UE était aussi un impossible juridique, les traités européens ne prévoyant pas de dispositif en la matière. Le Traité de Lisbonne a remédié à cela avec son désormais célèbre article 50, permettant à un État membre de demander à sortir de l’UE. En créant ce dispositif, les gouvernements des États membres (négociateurs et signataires des traités européens), ont rendu juridiquement possible ce scénario.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/143053/original/image-20161025-31507-6g5ryz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/143053/original/image-20161025-31507-6g5ryz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/143053/original/image-20161025-31507-6g5ryz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/143053/original/image-20161025-31507-6g5ryz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/143053/original/image-20161025-31507-6g5ryz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/143053/original/image-20161025-31507-6g5ryz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/143053/original/image-20161025-31507-6g5ryz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Conseil européen, en décembre 2011.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/europeancouncil_meetings/6505365369/in/photolist-aURGtT-54yMXR-dexBGq-d4m9oN-dexGd9-54LqhS-517sYx-9WiJfH-9WnnpH-dexCcP-54JcFR-9yufgB-dexD4u-dexBcA-9WmyJU-dexE9X-dexJfV-9CyR1f-aURGzF-517vWr-dexEbY-54NnEh-9WpNZU-54GaCk-9cRRYn-dexEAh-dexHQY-dexFiC-54N95S-dexKoK-517pJk-dQy8eg-dexCs3-9WnLBD-dexF2j-dexFYb-dexF1R-54CYj9-dexATL-dexFo4-54GcAR-dexGDM-dexGZH-dexDaQ-dexGjg-dexFoN-dexGF1-54Nsxy-9Wqd3f-dexBgv">Conseil européen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Simple porte ouverte théorique et juridique, ce dispositif est devenu un risque potentiel avec le <a href="https://theconversation.com/les-paris-risques-de-david-cameron-61189">pari politique hasardeux de David Cameron</a>, déjà largement analysé par ailleurs, à partir de la campagne pour les élections générales de 2015 au Royaume-Uni. Le choix de David Cameron d’organiser un référendum « in or out » sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE s’apparente, dans le champ européen, à l’apparition d’un risque technologique ou environnemental objectif dans le champ des études en HRO : sans être probable, ce risque est théoriquement trop grave ou disruptif pour l’organisation pour que celle-ci puisse l’ignorer.</p>
<p>Malgré le dispositif juridique de l’article 50 du Traité de Lisbonne, malgré l’annonce du premier ministre de la tenue d’un référendum, la possibilité d’une sortie du Royaume-Uni de l’UE est demeurée impensable pour les institutions et acteurs européens. Profondément convaincus que la construction européenne, dans ses élargissements successifs (de plus en plus de membres), comme dans ses approfondissements (une intégration de plus en plus poussée) ne pouvait qu’aller de l’avant sans se rétracter, ils n’ont mis en place aucune réflexion ni aucun dispositif sérieux pour anticiper les résultats du référendum une fois que celui-ci a été planifié.</p>
<h2>Négation de l’incertitude : la non-scénarisation du Brexit</h2>
<p>Entre la <a href="https://theconversation.com/Brexit-or-brexin-le-perfide-referendum-du-23-juin-2016-60993">promesse de ce référendum par David Cameron</a> en janvier 2013 et le résultat du référendum dans la nuit du 23 au 24 juin 2016, les institutions et gouvernements des États membres ont, avant tout, eu une attitude de négation – plus ou moins volontaire – de la possibilité d’un vote en faveur du Brexit. Bien que certains sondages d’opinion pointaient une telle possibilité, les institutions européennes (Commission, Conseil, Parlement) et les vingt-sept partenaires du Royaume-Uni n’ont mis en place aucun dispositif ou processus qui aurait permis à l’UE de démontrer qu’elle était une organisation fiable à l’aune du Brexit.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/143054/original/image-20161025-31476-18wzhqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/143054/original/image-20161025-31476-18wzhqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=901&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/143054/original/image-20161025-31476-18wzhqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=901&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/143054/original/image-20161025-31476-18wzhqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=901&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/143054/original/image-20161025-31476-18wzhqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1133&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/143054/original/image-20161025-31476-18wzhqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1133&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/143054/original/image-20161025-31476-18wzhqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1133&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’ancien premier ministre britannique, balayé par le Brexit.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/gpaumier/5848117278/in/photolist-9UM8wf-edNFHR-81z8Zp-e6vbPs-dpHWnd-9gDXj9-mCrzJn-apuCeP-kJ4zeR-doRr8A-atkzrg-ehKfLe-kbqH3B-81x4iH-edyMML-8ky73W-e6pw82-murCvx-bq7h8k-gF36w9-cvANHN-9h9eTx-ddDk6K-deVdgo-77cFje-rrnpp5-e6v9nS-dUd8Hz-81Cxjo-awCkPZ-826nLm-7SyDjM-bA6M3i-aTbSv4-9j7Yfv-aveetB-81NTuk-kbiDd6-gtmUNg-81ZuBx-aURGo2-aJuiAc-ddE6gu-9bPDJ9-rnz2pX-bD45vn-bD4cCZ-8yeMHY-a6SUh4-k56TcM">Guillaume Paumier</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Le refus de scénariser, par exemple, les différents types de relations UE-Royaume-Uni post-Brexit s’explique, en partie, par l’incapacité des acteurs européens à penser ce qui est impensable au regard de leur vision d’une construction européenne irrémédiable et irréfragable. Une attitude classique des organisations incapables de se préparer à un évènement ou un risque qu’elles ne connaissent pas parce qu’elles ne l’ont jamais rencontré, notamment parce que cet évènement est sans précédent.</p>
<p>Il s’explique aussi par un choix – plus politique et discutable – de ne pas donner d’éléments de rationalité à une action perçue comme irrationnelle et anormale au regard des habitudes et visions dominantes du processus d’intégration européenne. États membres et institutions européennes craignaient que de réfléchir en amont aux différents calendriers et possibilités de rupture (accès au marché intérieur ou non, scénario « norvégien », « turc », ou autre, etc.), et éventuellement de communiquer sur ces hypothèses, ne puisse être performatif, et renforcer la crédibilité d’un Brexit largement perçu à Bruxelles et ailleurs comme étant impossible.</p>
<p>Ce faisant, les institutions européennes ont donc renforcé le niveau de risque et d’incertitude provoqué ensuite par le <a href="https://theconversation.com/un-out-qui-vient-en-echo-au-non-de-2005-61946">résultat du vote du 23 juin</a>.</p>
<h2>Depuis le référendum : une stratégie tardive de réduction de l’incertitude</h2>
<p>Les débats et discussions sur le Brexit demeurent marqués par un <a href="https://theconversation.com/Brexit-vote-cameron-piege-voici-ce-qui-va-arriver-maintenant-61607">très haut niveau d’incertitude</a> depuis le référendum du 23 juin : calendrier et contenu des négociations, conséquences économiques, sociales, juridiques et politiques sont difficiles à prévoir et à anticiper. L’impréparation des partisans du Brexit, comme des institutions européennes, à un éventuel Brexit a frappé les esprits de chacun et restera comme un modèle de contradiction entre l’importance des conséquences d’un acte politique et leur non-anticipation.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/143051/original/image-20161025-31497-cpz9xf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/143051/original/image-20161025-31497-cpz9xf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/143051/original/image-20161025-31497-cpz9xf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/143051/original/image-20161025-31497-cpz9xf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/143051/original/image-20161025-31497-cpz9xf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/143051/original/image-20161025-31497-cpz9xf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/143051/original/image-20161025-31497-cpz9xf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Theresa May, à Bruxelles, le 21 octobre 2016.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/number10gov/29901196913/in/photolist-Mygs6P-NuKcug-NjsKZC-Mx1HRo-NrvpNm-MwPD4Z-MwZpSu-MwNYtn-MwNFa4-Njp31o-N3jSrA-oebM7Z-ovFx4R-A5nBKk-oebTTd-ovDGSj-Nn1fiX-NmZW26-NmZBTx-MwLdnR-NrqFrW-MwUEPd-NmY8MV-Njknou-N3gaoj-N3fGtN-NuBvtZ-Nroobh-NrnP1j-MwGP4H-NrnfMw-NrmvLG-N3cLwy-MwF65V-MwMcau-MwHLP1-MsQSxK-Nficxq-NeW847-NeW7Zj-MsyavC-Nn3nUQ-NhCaCn-Nn3nB5-MoKRd5-MoFuRv-MoKQWo-NiiDWJ-NiiDSf-NdSuZ4">Number 10/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Les acteurs britanniques et européens cherchent malgré tout depuis à réduire le niveau d’incertitude et de risque initié par le référendum du 23 juin. En insistant sur le fait que <a href="https://www.theguardian.com/politics/2016/sep/26/Brexit-means-Brexit-only-change-arithmetic-jonathan-lynn-yes-minister">« Brexit means Brexit »</a>, en poussant pour un enclenchement rapide du processus de sortie par l’activation de l’article 50 du Traité de Lisbonne, en fixant des bornes de négociation comme le non-accès « à la carte » au marché intérieur, l’Union européenne et ses différents acteurs (Commission européenne, Conseil européen, etc.), cherchent aujourd’hui à fixer des bornes tangibles au processus extrêmement complexe et incertain qui s’ouvre.</p>
<p>De leur côté, les acteurs britanniques ont commencé à réduire le niveau d’incertitude du Brexit en annonçant récemment un <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/Brexit/20161003.OBS9167/Brexit-theresa-may-donne-un-calendrier.html">calendrier probable</a> (activation de l’article 50 avant fin mars 2017, sortie possible avant fin mars 2019), et en évoquant la possibilité d’un « hard Brexit », sortie totale du Royaume-Uni de l’UE. Les deux acteurs sont donc dans une stratégie de minimisation de l’incertitude et des conséquences de leur négligence passée.</p>
<p>La capacité de l’UE à surmonter cet épisode, à en tirer des enseignements et à s’adapter à la nouvelle situation qui en découlera pourrait au final en renforcer la résilience. Ce qui renforcerait sa fiabilité organisationnelle mais aussi, dans le cas présent, économique et politique. Mais il y a urgence tant le concept d’Organisation à haute fiabilité sied peu à l’UE aujourd’hui.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/67029/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La gestion de l’incertitude Brexit fournit un cas d’étude intéressant, l’organisation UE étant à la fois en partie responsable et victime de l’incertitude et du risque observés.Bastien Nivet, Docteur en science politique (École de management), Pôle Léonard de VinciMichel DALMAS, Docteur en Sciences de Gestion, Professeur Associé à l'EMLV, Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/622302016-07-15T04:38:13Z2016-07-15T04:38:13ZLa Grande-Bretagne en pleine crise brexistentielle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/130383/original/image-20160713-12389-10lghs5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Où en est la Grande-Bretagne actuellement ? En un mot, dans les limbes.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Westminster_fog_-_London_-_UK.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Le Brexit est une blessure que les Britanniques se sont auto-infligée. Ses conséquences sont véritablement ontologiques, car elles menacent l’existence même de la Grande-Bretagne en tant qu’espace politique et économique unifié. Le plus tragique, c’est que ceux qui ont bouleversé l’ordre britannique en votant en faveur du Brexit, le 23 juin dernier, n’ont certainement pas pris la mesure des conséquences de ce choix. La sortie de l’Union européenne va sans doute précipiter dans la récession une économie britannique déjà fragilisée – ce qui pourrait alors conduire à l’éclatement de la Grande-Bretagne. Pendant ce temps, l’Écosse se prépare à un <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20160625.REU9779/l-ecosse-a-entame-les-preparatifs-d-un-referendum-d-independance.html">second référendum</a> sur son indépendance. En clair, la crise du Brexit est existentielle.</p>
<h2>Comment en sommes-nous arrivés là ?</h2>
<p>Dans un contexte d’austérité, d’incertitude du marché du travail, de fracture sociale, d’inégalité et de fragilité économiques, la propension à tenir les autres pour responsables peut devenir irrésistible. Parmi ces « autres », on trouve les travailleurs immigrés avec qui les nouveaux « précaires » se sentent en compétition face à la pénurie d’emplois, par ailleurs mal rémunérés. Mais aussi les eurocrates de Bruxelles qui n’ont pas su anticiper la crise de la zone euro et ont plongé l’Europe du Sud dans la misère tout en compliquant les mouvements des travailleurs immigrés au sein de l’Union. Enfin, parmi lesdits « responsables » figurent la classe politique et leurs experts qui prétendent savoir ce qui est le mieux pour nous…</p>
<p>La volonté de Brexit, en d’autres termes, était forte. Elle l’a été d’autant plus chez ceux qui rejetaient les discours alarmistes de ces mêmes experts : critiqués pour n’avoir vu les précédentes crises survenir, ces derniers ont tenu à être les premiers, cette fois-ci, à alerter des dangers d’un vote en faveur du Brexit, une perspective qui leur paraissait inéluctable. Hélas, il semble bien que, dans ce cas précis, ils aient vu juste.</p>
<h2>Où en est la Grande-Bretagne ?</h2>
<p>En un mot comme en mille, dans les limbes. Elle semble avoir pénétré dans une sorte de zone transitoire, à l’instar du célèbre <a href="http://www.contretemps.eu/lectures/gramsci-notre-contemporain">« équilibre catastrophique »</a> de Gramsci. C’est le moment – souvenez-vous – où l’ancien est en train de mourir alors que le nouveau n’est pas encore né – période où l’on retrouve « une grande diversité de <a href="http://www.theguardian.com/politics/2016/jun/26/racist-incidents-feared-to-be-linked-to-Brexit-result-reported-in-england-and-wales">symptômes morbides</a> ».</p>
<p>Ce qui surprend le plus, c’est que de nombreux chefs de file du camp du « Leave » – en particulier Boris Johnson – semblent bloqués dans une phase de déni mêlé de stupéfaction depuis le référendum. Les partisans du Brexit commencent à réaliser que leur vote pourrait ne pas tourner à leur avantage. C’est le cas, paradoxalement, de nombreux défenseurs fervents du « Leave », dont Johnson lui-même donc.</p>
<p>Mais revenons aux experts, qui pourraient profiter de ce contexte pour prendre leur revanche. Ils semblent opérer une subtile marche arrière sur les revendications fondamentales liées au Brexit, ainsi que sur la physionomie possible de la sortie de l’UE. Les principaux « brexiteurs » du parti conservateur s’efforcent ainsi de se montrer conciliants afin d’obtenir l’accès au marché unique européen comme base de négociation des futures relations entre la Grande-Bretagne et l’Europe – peu importe les <a href="https://theconversation.com/Brexit-et-dependances-61830">concessions</a> qu’elle devra accepter sur l’immigration.</p>
<p>Il y a, bien sûr, une logique économique à l’œuvre derrière cela – la vengeance des experts, en quelque sorte –, mais aussi un vrai risque politique : en effet, l’UE n’autorisera l’accès privilégié au marché unique qu’à condition que la Grande-Bretagne respecte la <a href="https://theconversation.com/Brexit-vote-cameron-piege-voici-ce-qui-va-arriver-maintenant-61607">liberté de circulation</a> des travailleurs immigrés. Or c’est justement pour rejeter une telle possibilité que la plupart des « brexiteurs » pensaient voter, suivant ce que leur a fait croire la campagne pro-Brexit. Leurs attentes ne seront donc pas faciles à satisfaire.</p>
<p></p>
<p>Car, avouons-le franchement : ils se moquent bien des échanges commerciaux. Ce qui leur importe, <a href="https://theconversation.com/suspicieux-nostalgiques-desorientes-un-portrait-des-brexiteurs-60462">c’est l’immigration</a>. Par conséquent, plus la situation de Brexit ressemblera à celle que connaissait autrefois la Grande-Bretagne membre de l’UE, moins la volonté d’en sortir aura été satisfaite, et moins ceux qui ont voté pour le Brexit auront le sentiment d’avoir été entendus.</p>
<p>Cela ne peut que générer plus de compétition politique, opposant ceux qui affirment exprimer la voix « authentique » du Brexit, et qui tiennent à la faire pleinement respecter, à ceux qui ont été convaincus par la possibilité d’un « Brexit allégé ». Il est facile de deviner de quel côté de la barrière UKIP se positionnera – même sans son ancien leader, Nigel Farage – et comment il saura exploiter à son profit ce nouveau paysage politique.</p>
<h2>Qu’en est-il du traumatisme brexistentiel ?</h2>
<p>La situation est critique. L’Écosse et l’Irlande du Nord ayant clairement voté pour rester dans l’UE, il paraît difficile de concevoir le Brexit sans un éclatement consécutif de la Grande-Bretagne – bien que le résultat d’une telle séparation soit encore plus difficile à imaginer.</p>
<p>Prenons l’Écosse – la situation géographique empêchant de cerner correctement la complexité du scénario post-Brexit pour l’Irlande du Nord. Si le <a href="https://theconversation.com/le-royaume-desuni-ou-le-bateau-ivre-61763">vœu de la majorité de ses habitants</a> est exaucé, alors l’Écosse restera dans l’Union européenne. Or, ce ne sera possible qu’en rompant avec l’union britannique.</p>
<p>Cette rupture pourrait se dérouler de deux façons. Premier scénario, peu probable selon moi, Bruxelles respectera le souhait de l’Écosse – comme certains membres de la Commission européenne l’avaient suggéré avant le vote. Dans ce cas, c’est le vote pro-Brexit lui-même qui produira de facto l’indépendance – puisque l’Écosse restera soumise à la législation européenne, tandis que le reste de la Grande-Bretagne ne le sera pas. Dès lors, la souveraineté sur les domaines de compétences concernés sera transférée de Westminster à Holyrood (siège du Parlement écossais). Dans un tel cas de figure, l’indépendance de l’Écosse se produira sans besoin d’un référendum.</p>
<p>Mais ce qui paraît acceptable au nord de la frontière anglo-écossaise est peu probable au sud. D’ailleurs, les voix favorables à cette option au sein de la Commission européenne se sont tues depuis la publication des résultats du vote. D’où la seconde option, quasi incontournable : un nouveau référendum sur l’indépendance de l’Écosse.</p>
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<figcaption><span class="caption">Alyn Smith, député écossais au Parlement européen, demande à l’UE de ne pas laisser tomber l’Écosse.</span></figcaption>
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<p>Les répercussions de tout cela sont considérables. Une « post-Grande-Bretagne » n’est pas une perspective séduisante ni politiquement, ni économiquement parlant – sans même parler des dommages collatéraux sur le continent européen et au-delà. Par ailleurs, l’Angleterre et le Pays de Galles semblent lancés dans une interminable querelle sur la nature même du Brexit, tandis que leur économie part en lambeaux. Et pendant ce temps, l’Écosse – et vraisemblablement l’Irlande du Nord – font face à un avenir incertain, essayant de s’adapter à un Espace économique européen « post-britannique » qu’ils n’ont pas choisi de leur plein gré.</p>
<p><em>Traduit de l’anglais par Diane Frances.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/62230/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Colin Hay ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Theresa May vient de prendre les rênes du pays qui, depuis le Brexit, est entré dans une zone grise où l’ancien ordre est en train de mourir alors que le nouveau n’a pas encore émergé.Colin Hay, Professeur des Universités, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/620562016-07-13T04:44:39Z2016-07-13T04:44:39ZLa force dissuasive du Brexit<p>Le vote en faveur du Brexit en a surpris plus d’un, et particulièrement ses partisans au Royaume-Uni. Le manque de préparation à une telle éventualité s’est matérialisé par le <a href="http://www.liberation.fr/planete/2016/06/27/politique-economie-le-Brexit-et-ses-consequences_1462355">chaos</a> politique et économique qui s’en est suivi. Les pays membres de l’Union européenne et les journalistes se sont empressés de brandir la menace de la contagion et la disparition éventuelle de l’UE. Mais cette contagion n’aura pas lieu, et restera cantonnée aux discours populistes : la force dissuasive du chaos politique et économique post-Brexit va en effet annihiler un important argument populiste – celui des méfaits de l’Union européenne.</p>
<p>Dans les jours qui ont suivi le vote, l’élite politique anglaise a été fortement secouée, à commencer par le premier ministre David Cameron. Le référendum pour sortir de l’UE était l’une de ses promesses phares pour renouveler son mandat lors des dernières élections parlementaires. Non seulement il avait <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2016/06/22/01003-20160622ARTFIG00299-mais-au-fait-pourquoi-la-grande-bretagne-vote-t-elle-sur-le-Brexit.php">promis le vote</a>, mais aussi de mettre en œuvre la sortie de l’UE si le vote en faveur du Brexit l’emportait. Mais face à l’impensable, Cameron a finalement décidé de remettre la responsabilité de cette sortie entre les mains des partisans les plus fervents du Brexit, et surtout de l’un d’entre eux, Boris Johnson.</p>
<p>Reste que ce dernier a, lui aussi, quitté le navire après avoir pris plus d’une semaine pour se déclarer sur la marche à suivre pour le Brexit. En lice pour remplacer Cameron, il ne reste plus qu’une seule candidate sérieuse, Theresa May. Mais celle-ci est empêtrée dans sa promesse « pré-Brexit » d’expulser les Européens du Royaume-Uni et sa suggestion « post-Brexit » de négocier leur départ (ou leur maintien) avec l’UE. De son côté, Michael Gove, qui a contribué à la chute de Johnson, n’est plus candidat au poste de premier ministre. Nigel Farage est également aux abonnés absents. L’Écosse, qui avait accepté de demeurer dans le carcan du Royaume-Uni sous réserve que ce dernier reste dans l’UE, est en train de <a href="http://www.liberation.fr/planete/2016/06/29/en-ecosse-une-semaine-apres-le-Brexit-l-impression-d-avoir-ete-trahi-par-l-angleterre_1463008">se rebeller</a> en vain.</p>
<h2>Mensonges populistes</h2>
<p>Dans une interview à <em>Valeurs actuelles</em>, <a href="http://fr.reuters.com/article/topNews/idFRKCN0ZM09Q">Marine Le Pen</a> a déjà mis en place les conditions qui permettraient de ne pas proposer un référendum : des négociations avec l’UE. En catimini, elle déclare ainsi que le « Frexit » sanctionnera « une période de renégociation profonde de la nature de l’UE ». Les piliers du « non-référendum » sont donc posés.</p>
<p>Le déni de l’impact économique du Brexit par les membres du Front national montre très bien qu’ils ont déjà du mal à assumer la responsabilité de leur discours populiste. De la crise financière à la crise immobilière en passant par la pression sur le déficit budgétaire, le Brexit a un impact économique indéniable que tous les acteurs qui le soutenaient ont volontairement caché au Royaume-Uni. La posture sur le Frexit de Marine Le Pen ne résistera pas longtemps aux conséquences économiques du Brexit au Royaume-Uni et en Europe. D’autant plus que ceux qui souffriront le plus des conséquences économiques du Brexit sont ceux-là même qui ont voté massivement pour cette option, car ce sont les plus vulnérables.</p>
<p>Dans un environnement néolibéral, le poids du déficit budgétaire pèse toujours sur les épaules des plus pauvres via la réduction des aides sociales. Le discours populiste du Frexit est aussi destiné aux plus fragiles en France, et cela explique les résultats électoraux favorables au FN dans les circonscriptions de France les plus pauvres économiquement et culturellement. Ces circonscriptions, qui sont sur le papier les plus à même de soutenir le Frexit, seraient aussi les plus touchées par ses conséquences économiques.</p>
<p>La proposition de <a href="http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/06/28/les-allers-retours-de-nicolas-sarkozy-sur-l-opportunite-du-referendum_4959577_4355770.html">Nicolas Sarkozy</a> d’organiser un référendum sur un nouveau Traité européen fait partie de ce jeu qui consiste à se servir de l’Europe comme d’un bouc émissaire à des fins politiques. Pendant la campagne électorale du Brexit, un nombre incroyable de mensonges – petits et gros – a été débité afin de décrédibiliser l’UE. L’un d’entre eux prétendait que « l’Europe » avait interdit aux femmes âgées du Royaume-Uni d’utiliser leur sachet de thé plus d’une fois…</p>
<p>Un autre affirmait que l’Europe défendait les enfants de souffler dans des ballons gonflables. Or, si le Royaume a perdu cette arme populiste, tel n’est pas le cas du reste de l’Europe. Ainsi, Nicolas Sarkozy continue-t-il de se jouer de l’UE, et particulièrement des règles qu’il qualifie de <a href="http://www.liberation.fr/desintox/2016/05/20/concombres-huile-d-olive-et-echelles-le-sketch-de-sarkozy-sur-la-bureaucratie-europeenne_1453938">« tatillonnes »</a> et qui incarnent, selon lui, toute la lourdeur technocratique de Bruxelles, et donc les maux de l’Europe. La réglementation liée à l’utilisation des échelles, des fraises ou encore de l’huile d’olive sont autant d’exemples de manipulations orchestrées autour de l’action de l’UE pour mieux la décrédibiliser.</p>
<h2>Néolibéralisme coupable</h2>
<p>Cet article n’est pas destiné à faire l’éloge des institutions européennes à tout crin, mais à montrer qu’elles sont moins responsables des maux à l’origine du Brexit que l’approche économique néolibérale que toute l’Europe a adoptée. Bien sûr, le projet européen a besoin d’une sérieuse entreprise de rénovation, voire d’explication, mais surtout de lignes de direction plus démocratiques, comme <a href="https://theconversation.com/only-serious-reform-will-avoid-more-exits-from-the-european-union-61630">Philomena Murray</a> le suggère. Mais il ne faut pas oublier que l’action de l’UE n’est que le résultat des actions de ses différents membres. Toutes les politiques menées par l’Union ne sont que le produit de la volonté des leaders des pays adhérents, et non d’une entité indépendante destinée à nuire, comme certains populistes voudraient nous faire croire.</p>
<p>De fait, les problèmes dont le Royaume-Uni souffre sont ceux dont la France souffre : l’origine de l’accroissement de la pauvreté et de l’inégalité est la même. Ces difficultés majeures ne sont pas liées à l’institution européenne en elle-même, mais bien à l’approche macro-économique de l’UE, et donc de ses membres. En d’autres termes, le Royaume-Uni n’aurait pas dû voter le Brexit, mais préférer la fin de l’approche néolibérale instaurée (parfois de force) par <a href="https://blogs.mediapart.fr/salvatore-palidda/blog/270616/Brexit-victoire-du-neo-liberalisme-ou-beaucoup-de-bruit-pour-rien">Margaret Thatcher</a>, et perpétuée par ses successeurs – de Tony Blair à David Cameron – mais aussi européanisée par Jean Monnet et ses héritiers.</p>
<p>Il n’y aura donc ni Frexit, ni Auxit, ni Nexit car les populistes de ces pays préféreront garder la possibilité de pouvoir continuer à se servir de l’Europe comme d’un bouc émissaire dans leurs discours bien rodés. Personne ne prendra le risque politique lié à la conséquence du vote : l’impossibilité d’accéder à des mandats politiques, comme le cas du Royaume-Uni le démontre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/62056/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maryse Helbert ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le chaos qui règne outre-Manche va dissuader les dirigeants politiques des pays européens de s’engager dans un référendum qui risquerait de remettre en cause leur carrière.Maryse Helbert, Lecturer in Political Science, The University of MelbourneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/617632016-06-29T21:27:57Z2016-06-29T21:27:57ZLe Royaume désuni, ou le « bateau ivre »<p>De nombreux Britanniques se sont couchés, le 23 juin, convaincus que le pari de Cameron était gagné et que le camp du « Remain » l’avait emporté. Nigel Farage, le leader de UKIP et l’un des principaux avocats du retrait de l’Union, avait même concédé la défaite. À leur réveil, ils ont découvert avec surprise qu’avec un taux de participation important – 72 %, soit supérieur à celui de toutes les élections législatives depuis 1992 –, 52 % d’entre eux avaient approuvé le « Brexit ».</p>
<p>Comme annoncé par les experts que les électeurs avaient refusé d’écouter et que les partisans du « Leave » avaient rejetés – « Je crois que les gens de ce pays en ont assez des experts ! », avait ainsi affirmé le <a href="http://www.telegraph.co.uk/news/2016/06/03/its-project-lies-michael-gove-takes-on-the-audience--and-the-exp/">ministre de la Justice, Michael Gove</a> –, les marchés financiers ont réagi rapidement à la baisse.</p>
<p>Quelques heures plus tard, <a href="https://theconversation.com/les-paris-risques-de-david-cameron-61189">David Cameron</a> annonçait qu’il renonçait au leadership du parti conservateur et resterait premier ministre jusqu’à l’élection de son successeur en octobre et qu’il reviendrait à celui-ci (ou celle) d’invoquer auprès des partenaires européens l’article 50 du traité de Lisbonne qui lancerait la procédure de retrait du pays de l’Union européenne. Cette démission rapide s’inscrit dans la tradition de prise de responsabilité des hommes politiques britanniques et <a href="http://lemonde.fr/referendum-sur-le-brexit/article/2016/06/29/la-triste-soiree-de-david-cameron-a-bruxelles_4960194_4872498.html">Cameron n’avait guère le choix</a>.</p>
<p>Par ailleurs, Cameron considère que c’est aux partisans du retrait de mener les négociations, d’assumer les <a href="https://theconversation.com/brexit-vote-cameron-piege-voici-ce-qui-va-arriver-maintenant-61607">difficultés prévisibles</a> et de dessiner le cadre des relations futures du Royaume-Uni avec ses anciens partenaires européens. Après une campagne électorale très rude, menée par ses anciens amis, le capitaine Cameron abandonne le navire et la Grande-Bretagne est un « bateau ivre » qui, « plus léger qu’un bouchon [danse] sur les flots » (« Le Bateau ivre », Arthur Rimbaud).</p>
<h2>« Tout sauf Boris ! »</h2>
<p>La crise ouverte vendredi 24 juin est multiforme, ses ramifications globales et son impact encore incertain par son ampleur et son extension.</p>
<p>La crise est tout d’abord économique et financière : la livre sterling chute et chahute l’euro ; les marchés s’effondrent ; la solvabilité de la Grande-Bretagne est rétrogradée par les agences de notation ; les entreprises activent leurs plans B, envisagent leurs stratégies d’investissement, de relocalisation, etc. Les interventions rapides du directeur de la Banque d’Angleterre et du ministre des Finances n’ont guère calmé les inquiétudes liées aux incertitudes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/128547/original/image-20160628-7847-1rwr1gv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/128547/original/image-20160628-7847-1rwr1gv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=782&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/128547/original/image-20160628-7847-1rwr1gv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=782&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/128547/original/image-20160628-7847-1rwr1gv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=782&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/128547/original/image-20160628-7847-1rwr1gv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=983&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/128547/original/image-20160628-7847-1rwr1gv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=983&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/128547/original/image-20160628-7847-1rwr1gv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=983&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Boris Johnson, principal prétendant à la succession de David Cameron.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/53797600@N04/6996040919/in/photolist-bEdxea-e4YasW-cgCDUm-5pbkAL-brj1uw-bEdoeF-brisME-bk53Eh-8HkjiC-6Y6mHu-8g57uJ-bk5bPo-briDMm-briCx5-baSQmP-brish3-bEdhNV-hDfSP2-6Yo92o-5NHpq4-xsijq-brizAU-bk53ty-jxMso6-e4Z7i3-bEdNNp-jxNxZx-jxPxbY-jxQAL3-e4TsXz-bCHbSz-jxPvMA-cCdaLC-bEdzdz-fLyg6c-aaRsj1-22qJSt-4AUUDT-e4SttF-6djunX-fLQJUY-22q9wK-J6Wtnb-jxMoSi-6Ypvrs-58L4Mx-jxPxM7-8jbwne-7PXy5Z-9oTK3U">BackBoris2012 Campaign Team/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>La crise est aussi politique. Le parti conservateur choisira d’ici la fin de l’été un nouveau leader, et Premier ministre. L’ancien maire de Londres, Boris Johnson, qui pensait remplacer Cameron au retrait de celui-ci dans un ou deux ans voit ses ambitions mises en question par les candidats alternatifs. Une campagne « tout sauf Boris » mobilise les députés conservateurs outrés par la conduite de Boris Johnson durant la campagne et depuis l’annonce des résultats.</p>
<p>La tempête n’est pas circonscrite au parti conservateur : <a href="http://www.lejdd.fr/International/UE/Brexit-les-travaillistes-veulent-la-tete-de-Corbyn-792977">Jeremy Corbyn</a> est lui-même sur la sellette. Le leader travailliste, élu il y a peine quelques mois, est impopulaire parmi ses députés malgré ses soutiens à la base du parti, et son entourage est accusé d’avoir délibérément sabordé la campagne en faveur du « Remain ». Après la démission en masse de son équipe du Cabinet fantôme, une motion de défiance a été votée. Mais la procédure pour le déposer n’est pas simple.</p>
<h2>Contrat démocratique</h2>
<p>La crise est aussi constitutionnelle. Comme anticipé par les Cassandre qui considéraient le pari de Cameron trop risqué, la première ministre du gouvernement écossaise, Nicola Sturgeon, examine avec son gouvernement <a href="https://theconversation.com/brexit-un-seisme-politique-qui-leve-les-tabous-europeens-61649">toutes les options</a> qui permettraient à l’Écosse de rester membre de l’Union européenne, y compris la tenue rapide d’un nouveau référendum d’indépendance. Le processus de paix en Irlande du Nord est entré dans une phase critique et la perspective d’une frontière matérielle avec le voisin républicain relance les tensions. Même <a href="http://www.express.co.uk/news/politics/665033/EU-Referendum-2016-What-Brexit-Mean-for-Gibraltar-Rock-British-Territory-Spain">Gibraltar</a> (qui a voté « Remain » à 96 %) réfléchit à son avenir dans le Royaume désormais désuni.</p>
<p>Le référendum était consultatif car la souveraineté appartient au Parlement, en ce sens le premier ministre ne peut amorcer la procédure de retrait que lorsqu’il aura obtenu le soutien de ses députés. On voit mal cependant comment, dans un tel contexte de désaveu des institutions parlementaires, les Communes pourraient passer outre la volonté clairement exprimée par les électeurs. Quoi que rêvent les <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/brexit/20160626.OBS3386/brexit-3-millions-de-signatures-la-folle-histoire-d-une-petition-detournee.html">signataires des pétitions</a> appelant à changer les règles du référendum après coup, ne pas sortir de l’Union serait trahir le contrat démocratique et confirmer aux électeurs qui se sont prononcés contre l’Union et contre leurs élites les raisons de leur vote. La classe politique britannique ne peut guère se le permettre.</p>
<p>Un nouveau leader conservateur (et probablement eurosceptique) aurait besoin d’une légitimité électorale pour négocier. Cependant, des élections générales anticipées pourraient aggraver la crise politique plutôt que contribuer à la résoudre compte tenu du désarroi actuel des principaux partis. En fait c’est le système politique et partisan qui s’effrite : près de 60 % des électeurs conservateurs sont supposés avoir voté « Leave », c’est aussi le cas de 37 % des travaillistes.</p>
<p>L’Écosse, Londres (et des comtés métropolitains et prospères) et l’Irlande du Nord ont voté pour rester. Le fossé se creuse entre les parlementaires des deux partis et leur base militante et électorale. Les Libéraux démocrates ne sont plus audibles depuis qu’ils ont participé au gouvernement de coalition mené par Cameron (2010-2015). Ce sont les <a href="https://theconversation.com/apres-le-brexit-les-nouveaux-habits-du-nationalisme-en-europe-61635">nationalismes qui profitent de la situation</a> : les sociaux-démocrates du SNP en Écosse et les populistes xénophobes de UKIP en Angleterre. Nigel Farage est l’un des rares à triompher. Faisant écho à l’expression de Boris Johnson <a href="https://www.youtube.com/watch?v=emxumavBU3M">lors du dernier débat</a> le 21 juin, il a proclamé le 23 juin <a href="https://www.youtube.com/watch?v=dQNUdjBMBi8">« Independance Day »</a>.</p>
<h2>Des divisions exacerbées</h2>
<p>La crise est juridique et administrative : depuis des mois, les hauts fonctionnaires sont en <a href="http://researchbriefings.parliament.uk/ResearchBriefing/Summary/SN05262"><em>purdah</em></a> – ils ne peuvent plus engager toute activité susceptible d’influencer les résultats de la consultation
et ne peuvent donc préparer les conditions pratiques de la sortie de l’Union. Désormais, <a href="https://theconversation.com/brexit-ou-les-cinq-pieges-de-lassociation-61618">toute leur énergie</a>va être consacrée à trouver des solutions pratiques au détricotage des liens institutionnels, législatifs, administratifs, commerciaux, juridiques…</p>
<p>La crise est déjà existentielle et morale : les ressortissants des pays européens s’inquiètent de leur avenir professionnel, les expatriés (principalement, mais pas seulement, les retraités) angoissent sur leurs droits futurs et notamment l’accès aux soins. Par ailleurs, les minorités visibles font état d’une dégradation des relations communautaires : les actes d’agression racistes ont augmenté depuis vendredi 24 juin.</p>
<p>Le Royaume est divisé en classes sociales, et en classes d’âge : plus on est éduqué, dans une situation professionnelle confortable et stable ou plus on est jeune, plus on a voté pour rester. Il est enfin divisé géographiquement entre les nations, entre le Nord et le Sud, les centres urbains et les zones rurales, les régions économiquement dynamiques ou ouvertes sur l’international et celles en repli économique et industriel.</p>
<h2>Boîte de Pandore</h2>
<p>En faisant un pari sur l’avenir de son pays pour sauvegarder l’unité de son parti en 2013, Cameron a vraiment ouvert la boîte de Pandore. Les mensonges et les approximations des partisans du « Leave », contraints à présent de faire face à la réalité, ne peuvent qu’augmenter la frustration et la colère des électeurs qui croyaient que voter avec eux signifierait qu’ils retrouveraient en une nuit, ou en quelques jours, leur fierté et leur autonomie, que les frontières seraient immédiatement fermées, que les immigrés africains, caribéens, asiatiques disparaîtraient du paysage, <a href="http://www.rtbf.be/info/dossier/brexit-or-not-brexit/detail_nigel-farage-reconnait-avoir-menti-durant-sa-campagne-en-faveur-du-brexit?id=9336843">que des millions seraient investis dans la santé et la protection sociale</a>, que des emplois leur seraient offerts et que le niveau des salaires serait amélioré, que le monde se presserait à leur porte pour signer des accords commerciaux…</p>
<p>La situation politique évolue d’heure en heure en Grande-Bretagne, mais dans les négociations de retrait les Britanniques doivent aussi compter sur leurs anciens partenaires. S’il n’est dans l’intérêt de personne d’humilier le Royaume-Uni ou de le punir, il est aussi important pour les Européens de réfléchir à la définition, peut être au cas par cas, de nouvelles relations avec les composantes actuelles du Royaume. Donald Tusk a donné la ligne dès vendredi matin : <a href="http://www.politico.eu/article/donald-tusk-what-doesnt-kill-you-makes-you-stronger-eu-leave-brexit/">« What does not kill you makes you stronger. »</a> (« Ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort »). Pour le Royaume-Uni tel que nous le connaissons, le pire n’est pas certain, mais il n’est pas inenvisageable non plus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/61763/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florence Faucher a reçu des financements de des financements de LIEPP, Sciences Po. Elle est membre d'associations professionnelles de science politique.</span></em></p>Crise économique, financière, politique et, plus grave encore, crise morale : le Royaume-Uni est en pleine tourmente depuis le vote du 23 juin. Et doit maintenant se consacrer à sa sortie de l’UE.Florence Faucher, Professeure de sciences politiques (Centre d’études européennes), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/615952016-06-24T09:09:29Z2016-06-24T09:09:29ZRoyaume-Uni, année zéro<p>La croissance européenne risque de subir un contre-coup, et les relations entre Londres et l’UE vont se dégrader. Premières leçons de la victoire du « out » et esquisse d’une possible relance.</p>
<p>Le résultat du référendum britannique est sans appel : une majorité de votants a décidé de sortir de l’Union européenne. Ce qu’il va advenir du Royaume-Uni et de l’Union européenne dans les prochaines années reste particulièrement incertain. Selon les prévisions économiques de l’<a href="http://www.oecd.org/economy/the-economic-consequences-of-brexit-a-taxing-decision.htm">OCDE</a> et du <a href="http://www.imf.org/external/pubs/ft/survey/so/2016/CAR061716A.htm">FMI</a>, la croissance européenne va subir un contrecoup malheureux à un moment où elle était déjà bien fragile. Au-delà de la croissance, ce sont toutes les relations entre l’île et le continent qui vont se dégrader.</p>
<p>Il y a d’ores et déjà quelques leçons à tirer et quelques félicitations à décerner après ce vote.</p>
<h2>Bravo, Mister Cameron !</h2>
<p>Bravo à <a href="https://theconversation.com/les-paris-risques-de-david-cameron-61189">David Cameron</a> pour commencer, quel champion ! Il n’a pas trouvé mieux, pour unir le camp conservateur lors d’une élection nationale, de promettre un référendum qui concerne tous les Européens, et pas seulement les Britanniques. Cette manœuvre politicienne en dit long sur le respect de Cameron pour l’Union européenne. Sa défaite – il a soutenu, mollement, le camp du maintien – en dit long sur le respect des Anglais à son égard. <a href="https://theconversation.com/brexit-or-brexin-le-perfide-referendum-du-23-juin-2016-60993">Quant aux Irlandais et aux Écossais</a> qui semblent avoir massivement voté en faveur du camp du maintien, leur vote fait désormais craindre un éclatement du Royaume-Uni, alors oui, vraiment, bravo Monsieur Cameron !</p>
<p><strong>Leçon numéro 1</strong> : le destin d’un continent vaut mieux qu’un calcul politicien.</p>
<p><strong>Leçon numéro 2</strong> : la dimension territoriale est cruciale ; la rupture entre les élites de la grande métropole de Londres et le reste de l’Angleterre est consommée. Il est vraisemblable qu’elle est tout autant présente en France. Le projet européen, s’il se poursuit, doit s’adresser à tous, et clairement.</p>
<p>Bravo aux instituts de sondage britanniques ! La victoire du camp du maintien était donnée pour quasi-certaine jeudi 23 mai et – patatras ! – le contraire se produit. Les instituts savent-ils que les électeurs britanniques peuvent voter par courrier, bien avant le jour de l’élection, et que ceux qui le font ne sont plus sensibles aux arguments de la campagne électorale, ou à ses tragédies ?</p>
<p>Bravo aux marchés financiers et à leur clairvoyance ! Optimistes un jour, pessimistes le lendemain. Faut-il rappeler que la séparation avec le Royaume-Uni prendra certainement plusieurs années ? Que les bourses chutent, soit, quoique les opérateurs devraient avoir la décence se s’être prémunis contre un choc anticipé !</p>
<p>Bravo aux dirigeants européens, enfin, pour <a href="https://theconversation.com/le-bruxit-de-david-cameron-55115">leur compromission envers le Royaume-Uni en février dernier</a>. Pour les inciter à rester dans une Union, de moins en moins étroite, ils ont accepté de la rendre encore plus à la carte. Non content de ne pas participer à l’espace Schengen ou à l’euro (la monnaie, pas le championnat de foot !), le Royaume-Uni allait pouvoir discriminer l’accès aux prestations sociales au détriment des ressortissants européens non britanniques. Compromission inutile : caramba, encore raté !</p>
<h2>Le mot de la fin à Churchill</h2>
<p><strong>Leçon numéro 3</strong> : plutôt que de se compromettre avec un <a href="https://theconversation.com/brexit-shocking-isnt-it-54877">État qui n’a jamais joué le jeu</a> de la coopération européenne, il vaut sans doute mieux approfondir l’intégration européenne en y mettant les moyens. Il y faut donc des moyens financiers à la fois pour relancer l’économie, atténuer les divergences économiques et sociales, accélérer la transition écologique mais aussi pour assurer la sécurité.</p>
<p>Il faut aussi de nouveaux dispositifs institutionnels en imposant, par exemple, à la Banque centrale européenne qu’elle assure un rôle de prêteur en dernier ressort qui éviterait les épisodes spéculatifs sur les dettes publiques, ou en libérant les investissements publics européens du carcan des règles budgétaires. Pas sûr qu’une réunion, prévue samedi 25 juin 2016, entre les chefs d’État et de gouvernement des six États fondateurs de l’Union européenne aille dans la bonne direction : après avoir perdu un membre, ont-ils décidé d’en écarter 21 de plus ? Étrange façon d’envisager la coopération autour d’un projet commun.</p>
<p>Le mot de la fin pour Winston Churchill. Il avait vu juste : il était pour les États-Unis d’Europe, mais sans le Royaume-Uni. Cette fois, c’est fait !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/61595/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Creel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La croissance européenne risque de subir un contre-coup, et les relations entre Londres et l’UE vont se dégrader. Premières leçons de la victoire du « out » et esquisse d’une possible relance.Jérôme Creel, Economiste, Directeur |Département des Etudes, OFCE, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/611892016-06-23T04:43:16Z2016-06-23T04:43:16ZLes paris risqués de David Cameron<p>Les Britanniques votent ce jeudi 23 juin dans un référendum portant sur le maintien de leur pays dans l’Union européenne. Ce vote leur avait été promis en 2013 par le premier ministre conservateur, David Cameron. Il s’agissait alors pour le leader faible d’un parti divisé d’une promesse dont les coûts paraissaient bien éloignés et la réalisation improbable. Alors qu’il visait surtout à conforter sa position contestée comme leader du Parti conservateur et unioniste (pour le Royaume-Uni), il est possible qu’il reste dans l’Histoire comme l’homme politique responsable de l’éclatement du pays, d’une crise peut-être fatale de l’Union européenne (UE) et, enfin, d’une crise économique.</p>
<h2>Comment en est-on arrivé là ?</h2>
<p>Élu leader de son parti en 2005, David Cameron s’est très vite trouvé affaibli par l’émergence d’un parti souverainiste, Ukip (UK Independence Party) dont les bons résultats aux <a href="http://news.bbc.co.uk/2/shared/bsp/hi/elections/euro/09/html/ukregion_999999.stm">élections européennes de 2009</a> avaient provoqué un malaise dans l’aile eurosceptique du parti conservateur. Une première concession avait conduit Cameron à retirer ses parlementaires à Strasbourg du Parti populaire européen (PPE) pour fonder un groupe souverainiste et anti-fédéraliste avec le parti polonais Droit et justice.</p>
<p>En 2010, il avait également mené son parti à une victoire très étroite sur les travaillistes qui l’avait contraint à former le seul gouvernement de coalition de l’après-guerre avec les <a href="http://www.politicsresources.net/area/uk/ge10/man/parties/libdem_manifesto_2010.pdf">très pro-européens Libéraux démocrates</a>. Si cette alliance avait permis à Cameron de devenir premier ministre, elle l’avait affaibli en contribuant à radicaliser son aile droite, frustrée de la modération apportée par le parti centriste en matière de politiques économiques et sociales ou vis-à-vis de l’Europe.</p>
<p>En 2013, Cameron craignait des résultats catastrophiques aux élections européennes de l’année suivante. Son gouvernement restait faible dans un contexte de crise économique prolongée et une victoire aux élections générales de 2015 paraissait très incertaine. La promesse faite pour calmer les divisions internes à son parti était facile. La justification était qu’un tel référendum pourrait régler une bonne fois pour toutes la question européenne, dans le pays et dans le parti.</p>
<h2>Le discrédit profond de la classe politique</h2>
<p>Réélu presque <a href="http://www.lesechos.fr/07/05/2015/lesechos.fr/02155179987_elections-britanniques---le-triomphe-inattendu-de-david-cameron.htm">par surprise</a> en 2015 – on se souvient que l’ancien leader libéral démocrate avait annoncé durant la soirée électorale qu’il mangerait son chapeau si les conservateurs l’emportaient –, Cameron avait obtenu une majorité absolue grâce à un mode de scrutin uninominal majoritaire à un seul tour aux effets très disproportionnés et à une campagne extrêmement ciblée dans les quelques circonscriptions susceptibles de changer de main. Il s’est alors trouvé contraint d’honorer sa promesse de 2013, réitérée durant la campagne.</p>
<p>Cameron est un pragmatique plus qu’un idéologue. Il aime les risques et a une confiance en sa bonne étoile et en ses talents de négociateur. Leader faible, il a concédé – avec une légèreté remarquable pour le premier ministre d’un système institutionnel dans lequel la souveraineté parlementaire, et non pas populaire, est la clef – l’organisation de plusieurs référendums.</p>
<p>De telles décisions ne peuvent être comprises que si l’on considère le discrédit croissant et profond de la classe politique. La crise des institutions représentatives n’a pas été enrayée par les gouvernements travaillistes – pas plus que le très pro-européen Tony Blair n’a su convaincre ses concitoyens. Elle s’est aggravée pour des raisons qui ne sont pas dissimilaires de celles qui président aux succès des populistes en Europe et <a href="https://theconversation.com/donald-trump-les-raisons-de-son-ascension-55349">aux États-Unis</a>.</p>
<p>La Grande-Bretagne n’est plus, dans les urnes, un pays bipartite : les conservateurs et les travaillistes sont désormais devancés par le parti des abstentionnistes. Les adhérents ont déserté, les enquêtes d’opinion montrent un rejet profond du politique. Le mode de scrutin permet de maintenir la domination d’un gouvernement unicolore majoritaire aux Communes mais appuyé sur environ un quart de l’électorat.</p>
<h2>Concessions trop limitées</h2>
<p>Mis en confiance par la victoire de son camp pour le référendum sur la réforme du mode de scrutin en 2011, Cameron a accordé aux nationalistes écossais l’organisation d’un référendum sur l’indépendance. <a href="http://www.academia.edu/23432630/%C3%89cosse_une_d%C3%A9faite_aux_allures_de_victoire_pour_le_mouvement_nationaliste">Leur défaite</a> avait été obtenue in extremis en 2014 grâce à la mobilisation des travaillistes. Cameron y avait gagné l’effondrement du travaillisme écossais, l’affaiblissement du travaillisme britannique et peu de gloire, compte tenu de sa désinvolture durant la campagne comme après.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/127139/original/image-20160617-11135-17nxdfv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/127139/original/image-20160617-11135-17nxdfv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/127139/original/image-20160617-11135-17nxdfv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/127139/original/image-20160617-11135-17nxdfv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/127139/original/image-20160617-11135-17nxdfv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/127139/original/image-20160617-11135-17nxdfv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/127139/original/image-20160617-11135-17nxdfv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le nationalisme écossais en expansion.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/the_justified_sinner/2914360163/in/photolist-5rwRK2-fcwKW6-8k25P-cwbsxS-cwbtXJ-cwbt5G-84o63F-6dNs6d-6mWGS9-cwbrcA-f3tyAp-cwbtBh-ncozdz-6qpr7C-6dNiQo-dUicmD-dUicUn-dUoPg1-dUoNLN-cwbwrj-dUoQ7Q-dUidg4-dUoNwh-dUicuk-dUic88-dUoPXU-dUiepp-dUoPC5-dUoQsm-8gC9mt-caqZC9-7fU7RR-cwbrHs-6dJb7p-EED13-6dJ1WT-cwbsaj-6dNdc5-6mSyT4-dUibQZ-dUoQAY-dUoQK7-a3Vzyd-dzTJ4R-a3SHLt-a3Vs5U-a3VufL-a3SynM-a3SHfP-a3SFWV">the justified sinner/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Réélu, Cameron a négocié avec ses partenaires européens des concessions trop limitées pour satisfaire les anti-européens. Après avoir martelé pendant des mois qu’il demeurait agnostique tant que les négociations n’étaient pas closes, il est apparu peu crédible en proclamant brutalement <a href="https://theconversation.com/le-bruxit-de-david-cameron-55115">son enthousiasme europhile</a> quelques mois avant le vote.</p>
<p>Il se trouve également à conduire une campagne au côté de ses opposants politiques traditionnels (travaillistes, verts, nationalistes, libéraux-démocrates) contre des membres de son parti et de son gouvernement, dont les populaires Michael Gove (ministre de la Justice) et Boris Johnson (ancien maire de Londres).</p>
<h2>L’UE, un sujet clivant… et ignoré</h2>
<p>L’appartenance à l’Union européenne est un sujet clivant au Royaume-Uni. Elle divise les conservateurs depuis l’ère Thatcher. Il ne s’agit pourtant pas d’une priorité de l’électorat. Les Britanniques sont préoccupés par l’état de l’économie, l’immigration, la sécurité, les services publics de la santé et de l’éducation, les politiques d’austérité. Ils sont appelés à se prononcer sur un sujet sur lequel ils sont particulièrement ignorants : ce sont les citoyens de l’Union dont le niveau de connaissance sur ce que fait l’UE est le plus bas.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/127142/original/image-20160617-11130-59yp6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/127142/original/image-20160617-11130-59yp6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/127142/original/image-20160617-11130-59yp6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/127142/original/image-20160617-11130-59yp6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/127142/original/image-20160617-11130-59yp6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=973&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/127142/original/image-20160617-11130-59yp6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=973&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/127142/original/image-20160617-11130-59yp6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=973&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans les années 80, Jacques Delors était alors la bête noire des eurosceptiques britanniques.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/dullhunk/437565574/in/photolist-EED13-6dJ1WT-cwbsaj-6dNdc5-6mSyT4-dUibQZ-dUoQAY-dUoQK7-a3Vzyd-dzTJ4R-a3SHLt-a3Vs5U-a3VufL-a3SynM-a3SHfP-a3SFWV-GbvsAN-a3VuFu-4DfV1h-a3SEig-cwbuto-c4kPcN-cwbx63-c4kUp5-cwbviy-c4kH71-6dNii1-c4kNkL-8Bnuox-5TnHyz-9qTwMp-6dJ78k-9FXV8i-c4kKGb-6dNLKd-6dJ2zM-3Q18ZN-nV7ZuE-f3HMcy-7WrqAC-6wuEwm-2dSEYf-a3Vwef-9fFdVG-c4kRjb-6dNhXy-c4kGG7-c4kRKq-f3tycM-6dJiZK">Duncan Hull/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Ceci n’est guère surprenant. Ils ont, depuis quarante ans, entendu leurs gouvernements successifs accuser « Bruxelles » dès qu’une décision impopulaire devait être prise. Ils sont gros consommateurs d’une presse populaire qui fait ses choux gras de mythes eurosceptiques plus ou moins incroyables mais rarement combattus par les élites politiques, y compris europhiles.</p>
<p>La campagne menée a, par ailleurs, peu contribué à améliorer leur niveau d’information. Les deux camps ont tellement usé de demi-vérités et de mensonges que les universitaires ont publié une <a href="http://www.telegraph.co.uk/opinion/2016/06/13/letters-both-remain-and-leave-are-propagating-falsehoods-/">lettre dans le quotidien conservateur <em>The Telegraph</em></a>, rappelant qu’un référendum ne peut être considéré comme démocratique que si la campagne informe plutôt que désinforme. Les <a href="https://theconversation.com/referendum-sur-le-brexit-comme-un-air-de-deja-vu-60931">campagnes référendaires</a> conduisent souvent les électorats à se prononcer sur une question qui n’est pas celle qui est posée. Elles sont susceptibles d’être détournées à des fins populistes.</p>
<p>Alors que le « Remain » a surtout mobilisé des arguments rationnels et des rapports d’experts, notamment économiques, sans convaincre un public qui se méfie des élites, le camp du « Leave » mobilise un registre émotionnel en promettant de <a href="https://theconversation.com/suspicieux-nostalgiques-desorientes-un-portrait-des-brexiteurs-60462">rendre au pays sa grandeur passée</a> (« to make Britain Great again »), de défendre les intérêts de la population (contre les élites, l’eurocratie, et les migrations). En l’occurrence, les enquêtes montrent que de nombreux électeurs risquent de se prononcer sur l’immigration, qui est devenue le <a href="https://theconversation.com/la-question-migratoire-au-c-ur-du-referendum-sur-le-brexit-61101">thème central</a> de la campagne des partisans du Leave à l’instigation du parti Ukip.</p>
<h2>Un leadership déjà condamné</h2>
<p>Dans ce contexte, les enquêtes d’opinion montrent depuis des mois les deux camps au coude à coude et une forte proportion d’indécis. À l’approche du jour J, la <a href="http://lemonde.fr/r%C3%A9f%C3%A9rendum-sur-le-brexit/article/2016/06/15/panique-a-brexit-city_4950569_4872498.html">panique gagne le camp pro-EU</a>, les marchés financiers, les environnementalistes, les syndicalistes, les investisseurs, la communauté internationale. Le « Brexit » a cessé d’être improbable malgré la tendance des électorats à choisir le statu quo dans des situations d’incertitude.</p>
<p>L’<a href="https://theconversation.com/the-horror-of-jo-coxs-death-has-forced-a-nation-to-pause-for-thought-now-the-media-must-sober-up-61236">assassinat d’une députée travailliste</a> faisant campagne pour le maintien par un homme ayant des sympathies d’extrême-droite et anti-européenne illustre le tour émotionnel et dramatique pris par un débat complexe d’autant plus confus qu’il engage l’avenir de la nation. Le résultat dépendra de la mobilisation différentielle des électorats. Les eurosceptiques, très mobilisés, bénéficient en outre d’un <a href="https://theconversation.com/suspicieux-nostalgiques-desorientes-un-portrait-des-brexiteurs-60462">électorat plus âgé</a> dont les taux de participation sont généralement plus élevés. Les jeunes, plus européens, se déplaceront-ils ?</p>
<p>David Cameron a fait un pari de courte vue : il a préservé son autorité en 2013 et en 2015 contre les frondes internes au parti conservateur, mais son leadership est condamné, quels que soient les résultats et il pourrait rester dans les mémoires comme le premier ministre qui a présidé à la sortie de son pays de l’Union européenne, au démantèlement de l’Union de 1715, à une période d’incertitude politique et économique sans précédent pour son pays comme pour ses partenaires.</p>
<p>Dans ces conditions, faut-il vraiment s’étonner que les Britanniques n’aient plus confiance dans la capacité de leurs hommes politiques à se mobiliser pour le bien commun ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/61189/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florence Faucher a reçu des financements de LIEPP, Sciences Po. Elle est membre d'associations professionnelles de science politique. </span></em></p>Le Premier ministre britannique avait promis un référendum en 2013 pour mieux consolider son assise politique. Il risque finalement de provoquer une crise sans précédent dans l’UE et dans son pays.Florence Faucher, Professeure de sciences politiques (Centre d’études européennes), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/551152016-02-21T23:15:33Z2016-02-21T23:15:33ZLe « Bruxit » de David Cameron<p>Le « Bruxit » se définit comme le retour du premier ministre britannique David Cameron de Bruxelles à Londres. Il invite à se demander si ce qu’il rapporte du Conseil européen des 18-19 février 2016 au Royaume-Uni est suffisant pour éviter un « Brexit » ? En dépit de profondes divergences entre États membres, le premier ministre britannique pourra au moins se prévaloir de presque trente heures de négociations d’affilée pour parvenir à arracher un accord. Selon ses propres termes, David Cameron s’estime crédible et assez fort pour pouvoir persuader le peuple britannique de voter en faveur du maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne.</p>
<p>Cet accord, obtenu vers 22 heures vendredi 19 février, est relativement complexe. Les <a>conclusions du Conseil européen des 18-19 février</a> fournissent la liste de l’ensemble des dispositions « pleinement compatibles avec les traités », regroupées dans sept annexes et qui ont pour but de répondre aux préoccupations du Royaume-Uni. Dans la perspective d’un accord lors du Conseil européen, <a href="http://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2016/02/02-letter-tusk-proposal-new-settlement-uk/">son Président</a>, Donald Tusk, avait précisé les quatre questions à propos desquelles un accord devait être trouvé : la gouvernance économique, la compétitivité, la souveraineté, les prestations sociales et la libre circulation.</p>
<p>Si les Chefs d’État ou de gouvernement réunis au sein du Conseil européen sont parvenus à adopter un « nouvel arrangement pour le Royaume-Uni dans l’Union européenne », que complètent un projet de décision sur l’intégration de la zone euro et un ensemble de déclarations du Conseil européen et de la Commission, la procédure utilisée est discutable. Elle a permis l’obtention d’un compromis régressif favorable aux seuls intérêts du Royaume-Uni et, plus grave, lui accorde sans vraiment le dire un statut particulier – ce qui constitue un saut dans l’inconnu pour l’Union.</p>
<h2>Une procédure discutable</h2>
<p>La procédure utilisée pour parvenir au nouvel arrangement avec le Royaume-Uni est très critiquable. Même si un certain formalisme semble avoir été respecté, il est possible de considérer que les négociations ne se sont pas déroulées sur la bonne base, c’est-à-dire l’<a href="http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:12008M048:fr:HTML">article 48 du TUE</a> qui est relatif à la révision des traités. Eu égard à l’importance des questions soulevées par le Royaume-Uni, la procédure de révision ordinaire était la bonne. Or, elle prévoit notamment la notification d’un projet de révision aux Parlements nationaux, la consultation de la Banque centrale européenne pour « les modifications institutionnelles dans le domaine monétaire », ou encore la convocation d’une Convention, comme celle qui avait précédé l’adoption du traité établissant une <a href="http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank_mm/dossiers_thematiques/referendum_2005/3tce.pdf">Constitution pour l’Europe</a>. On en est loin !</p>
<p>Le Conseil européen des 18-19 février 2016 vient en effet de modifier les traités par une procédure qu’ils ne prévoient pas, ce qui incline à penser que 27 États membres ont cédé face au Royaume-Uni, dans l’espoir qu’il puisse demeurer membre de l’Union. Une telle révision est <em>contra legem</em> disent les constitutionnalistes et il semble bien que le Conseil européen, soucieux avant tout de parvenir à un accord politique, ait statué <em>ultra petita</em> ! C’était certainement le seul moyen de parvenir à un compromis acceptable par le Royaume-Uni, mais c’est tout de même capituler face à son chantage.</p>
<h2>Un compromis régressif</h2>
<p>Très soucieux de limiter les prestations sociales accordées aux travailleurs migrants, le Royaume-Uni a obtenu gain de cause sur ce point hypersensible, sans susciter trop de réactions de la part des États membres de l’Est, directement concernés par les risques de discrimination introduits. Le principe d’un mécanisme de sauvegarde (<em>emergency brake</em>), qui pourra être appliqué pendant une période de sept ans, est entériné pour « faire face aux situations caractérisées par l’afflux d’une ampleur exceptionnelle et pendant une période prolongée de travailleurs en provenance d’autres États membres ». Une déclaration de la Commission européenne estime que le Royaume-Uni « connaît aujourd’hui le type de situation exceptionnelle auquel le mécanisme de sauvegarde (…) devrait s’appliquer ».</p>
<p>Le Royaume-Uni se voit reconnaître le droit de ne pas accorder pour une durée de quatre ans certaines prestations sociales (prime pour l’emploi ou allocation logement), ainsi que celui d’indexer les allocations familiales « sur les conditions qui prévalent dans l’État membre où l’enfant réside ». Elles vont par conséquent pouvoir être réduites et concerner ainsi jusqu’à 100 000 enfants polonais restés en Pologne.</p>
<p>Une autre déclaration de la Commission précise qu’elle entend modifier la <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32004L0038">directive 2004/38/CE</a> relative à la liberté de circulation des citoyens, afin de la limiter et prendre – sans le dire – le contre-pied de l’<a href="http://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?language=fr&num=C-127/08">arrêt Metock de la Cour de justice</a>. Cet arrêt a admis que le conjoint non européen d’un citoyen de l’Union pouvait séjourner avec ce citoyen et circuler librement dans l’Union, bien qu’il n’ait pas vécu légalement dans un État membre.</p>
<p>La vision britannique de la construction européenne est entérinée. Tant dans l’arrangement que dans la Déclaration du Conseil européen sur la compétitivité, le caractère primordial du marché intérieur, la simplification et l’allègement de la législation – basé sur le programme pour une réglementation affûtée et performante, <a href="http://ec.europa.eu/smart-regulation/refit/index_fr.htm">REFIT</a> – sont mis en avant. Un nouveau mécanisme de « carton rouge » permettant à des Parlements nationaux représentant plus de 55 % des voix de bloquer une législation européenne en cours d’adoption renforce la portée du principe de subsidiarité.</p>
<p>Un des rares points où le Royaume-Uni n’a pas totalement obtenu gain de cause est la gouvernance économique, car il ne pourra pas freiner une intégration plus poussée de la zone euro en y opposant un veto. Il a tout de même réussi à réintroduire la philosophie du <a href="http://eur-lex.europa.eu/summary/glossary/ioannina_compromise.html?locale=fr">compromis d’Ioannina de 1994</a>, permettant de prolonger les débats afin de parvenir à un accord. Il ne participera pas non plus aux fonds de secours de l’euro.</p>
<p>Cet ensemble de dispositions traduit incontestablement un retour en arrière par rapport aux traités existants. Mais, plus grave, <a href="http://www.liberation.fr/planete/2016/02/19/brexit-un-accord-trouve-pour-tenter-de-garder-le-royaume-uni-dans-l-ue_1434458">David Cameron s’est félicité</a> que le Royaume-Uni obtienne un « statut spécial » au sein de l’Union européenne, et que son pays ne soit jamais membre d’un « super-État européen ».</p>
<h2>Un statut particulier</h2>
<p>Arc-bouté sur la souveraineté de l’État britannique, David Cameron a fait clairement admettre qu’un approfondissement de l’UEM était « facultatif pour les États membres dont la monnaie n’est pas l’euro », afin de préserver la livre et la City. Il a obtenu que « les références à une union sans cesse plus étroite ne s’appliquent pas au Royaume-Uni » – ce qui le dispense de progresser dans cette direction avec les autres États membres, cette expression étant pourtant un des fondements de l’idée européenne inscrits dans les traités depuis 1957.</p>
<p>Tout aussi important, si ce n’est plus, l’arrangement précise encore que « les références à une union sans cesse plus étroite entre les peuples sont donc compatibles avec la possibilité pour les différents États membres, d’emprunter différentes voies d’intégration, et elles n’obligent pas l’ensemble des États membres à aspirer à un destin commun ». David Cameron peut se montrer satisfait, car l’Europe à la carte n’est plus virtuelle mais une réalité tangible. Un État membre, le Royaume-Uni, est parvenu à ses fins : il peut choisir les dispositions qu’il ne veut pas appliquer, avec le consentement plus ou moins réel des 27 autres États membres.</p>
<p>Il ne s’agit donc pas de dispositions dérogatoires <a href="http://ec.europa.eu/dorie/fileDownload.do;jsessionid=2v3yJmdMhQWnjGxwzw8j2Q2cZ261QYbwTnSkSQMzy7s2FbMfPdrB!469751194?docId=208041&cardId=208041">comme le Danemark en avait obtenu</a> lors du Conseil européen d’Édimbourg des 11-12 décembre 1992, afin de faciliter sa ratification référendaire et permettre l’entrée en vigueur du traité de Maastricht. Le Danemark avait alors pu émettre des réserves de nature interprétative que le Conseil européen avait acceptées. Le Royaume-Uni a obtenu beaucoup mieux : des concessions juridiques bien plus importantes que des réserves à un traité, précisant ses conditions spécifiques d’appartenance à l’Union, ce qui équivaut à une renégociation de ses conditions d’adhésion.</p>
<p>La construction européenne va pouvoir se poursuivre, le Royaume-Uni – bientôt rejoint par d’autres États membres ? – restant en retrait. Le démantèlement de l’Union n’est pas loin. Malgré des sondages serrés, il reste à espérer que le peuple britannique refuse le Brexit lors du référendum du 23 juin 2016. Si ce n’est pas le cas, David Cameron devra sans doute en affronter un deuxième, car l’Écosse souhaite demeurer dans l’Union européenne. Bon courage Monsieur Cameron !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/55115/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves Petit ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Grâce à l’accord du 19 février, la construction européenne va se poursuivre, avec un Royaume-Uni en retrait. Mais le démantèlement de l’Union n’est pas loin.Yves Petit, Professeur de droit public, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/548772016-02-18T05:45:57Z2016-02-18T05:45:57Z« Brexit » : shocking, isn’t it ?<p>Sans exagération, il est exact d’affirmer que le Royaume-Uni a toujours été « l’enfant terrible » de la construction européenne ! Il s’est retiré de manière spectaculaire des négociations relatives au traité de Paris du 18 avril 1951 ayant donné naissance à la CECA, ainsi que de celles ayant porté sur les fonts baptismaux les traités de Rome du 21 mars 1957 relatifs à la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA ou Euratom) et à la Communauté économique européenne (CEE).</p>
<p>Certes, l’opposition du général de Gaulle à son entrée dans la Communauté n’arrangeait rien. Le <a href="http://www.cvce.eu/education/unit-content/-/unit/7b137b71-6010-4621-83b4-b0ca06a6b2cb/4b311dc0-cbe6-421d-9f9a-3bc8b1b155f6">discours de Winston Churchill au Congrès fédéraliste de La Haye du 7 mai 1948</a>, favorable à la création d’États-Unis d’Europe, n’incluant toutefois pas le Royaume-Uni, avait pourtant suscité de l’espoir.</p>
<p>Entré dans la CEE le 1er janvier 1973, sa participation a toujours fait de lui un État membre pas comme les autres car, pour le Royaume-Uni, la construction européenne se réduit à un projet économique. Elle n’est absolument pas un projet politique, et encore moins géopolitique, comme peut en attester le <a href="http://www.cvce.eu/obj/discours_de_margaret_thatcher_bruges_20_septembre_1988-fr-5ef06e79-081e-4eab-8e80-d449f314cae5.html">discours de Bruges</a> de Margaret Thatcher du 20 septembre 1988.</p>
<p>À peine devenu membre, en 1975, le temps de la renégociation était déjà là et il n’est guère surprenant qu’aujourd’hui le premier ministre britannique, David Cameron, demande à son tour, notamment sous la pression croissante des eurosceptiques de son parti, une <a href="https://www.contexte.com/article/referendum-britannique-sur-lue/brexit-lettre-et-discours-de-david-cameron-document_47577.html">renégociation</a> lui permettant de renforcer son statut particulier, avec l’appui du peuple britannique. Quatre demandes officielles, en opposition frontale avec les principes fondateurs de la construction européenne, sont exigées pour refonder sa relation toujours plus particulière avec l’Union européenne.</p>
<h2>Un État membre pas comme les autres</h2>
<p>N’est-on pas en droit d’affirmer que le Royaume-Uni n’est pas un État membre à part entière et qu’il a un pied dans l’Union européenne et un pied en dehors ? Le <a href="http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-4-2016-INIT/fr/pdf">projet de décision des chefs d’État et de gouvernement</a>, réunis au sein du Conseil européen, concernant un nouvel arrangement pour le Royaume-Uni dans l’Union européenne du 2 février 2016 est édifiant à cet égard. Qu’on en juge !</p>
<p>Le projet de décision rappelle que « le Royaume-Uni a déjà été autorisé par les traités » à multiplier les <em>opting out</em> et les mécanismes dérogatoires : ne pas adopter l’euro et conserver la livre comme monnaie ; ne pas participer à l’acquis de Schengen et à l’espace Schengen en ce qui concerne les frontières intérieures et extérieures ; choisir de participer ou non à des mesures dans le cadre de l’espace de liberté, de sécurité et de justice ; se retirer partiellement de la coopération policière et judiciaire en matière pénale après l’entrée en vigueur du <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A12012E%2FTXT">traité de Lisbonne</a>. Il réitère également que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne n’a pas étendu la faculté des juridictions du Royaume-Uni de se prononcer sur la compatibilité de ses lois et pratiques avec les droits fondamentaux qu’elle réaffirme (voir le Protocole n° 30).</p>
<p>Sans être exhaustif, le Royaume-Uni a rejeté également le Mécanisme européen de stabilité et le <a href="http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank_mm/decisions/2012653dc/traite.pdf">Traité sur la stabilité, la coopération et la gouvernance</a> (TSCG). Il est fort utile de se remémorer les aphorismes célèbres de certains premiers ministres de sa Majesté pour comprendre que le Royaume-Uni se distingue des autres États membres. Il bénéficie depuis 1984 d’un <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=OJ%3AL%3A2014%3A168%3ATOC">« mécanisme de correction »</a> en sa faveur, incarnation de la théorie du « juste retour » qu’illustre à merveille le <a href="http://www.lemonde.fr/europe/article/2005/05/11/30-novembre-1979-margaret-thatcher-i-want-my-money-back_648386_3214.html">« I want my money back »</a> de Margaret Thatcher, ainsi que les attaques en règle et incessantes contre la Politique agricole commune (PAC).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/111777/original/image-20160217-20129-9nyu4f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/111777/original/image-20160217-20129-9nyu4f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/111777/original/image-20160217-20129-9nyu4f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/111777/original/image-20160217-20129-9nyu4f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/111777/original/image-20160217-20129-9nyu4f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/111777/original/image-20160217-20129-9nyu4f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/111777/original/image-20160217-20129-9nyu4f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Margaret Thatcher en 1990 : « I want my money back ! ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/rahul3/2873745549/in/photolist-5nWGr4-aJPRzP-eaokuG-dW4iuD-4UB8My-ec6x5h-ocuFBt-ebomRy-eeXCDP-e9UGYs-6PZWfK-ec6vSS-5EtPnw-8jbAQr-fsYWrr-8aMM2H-eauLcy-pmQVNi-kmDUw2-ecF8Z-4EBFMS-jvdYic-ggC4wR-ebZSYF-mCdUn-bQKsSn-eb8Zui-4PNxV1-b4KD9R-easUfS-ec6wsu-ebTQXW-ec6C9Y-9WFsKS-eadhsn-4FfW9j-6Dzo9E-edCsBc-4RHnev-eaj5MC-9Vh58C-ef4nL9-eadrEV-g444EX-7S82dR-eauL7d-8vBjRE-aowsAV-dVnKNg-6aFzu8">R. Barraez D’Lucca/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Tout aussi célèbre est le <a href="http://www.telegraph.co.uk/news/newstopics/eureferendum/12053062/Sir-John-Major-isnt-alone-in-wanting-Britain-to-stay-in-the-EU-no-matter-what.html">« Game, set and match for Britain » de John Major</a> en 1991 lors de la négociation du traité de Maastricht. Incontestablement, le Royaume-Uni est un partenaire européen difficile ; il cherche systématiquement à préserver ses intérêts nationaux et à limiter au maximum sa participation à la construction européenne, qui est par conséquent à géométrie variable.</p>
<h2>Une nouvelle valse à deux temps</h2>
<p>Insatisfait de ce costume taillé sur mesure, après le précédent de 1974-1975, Le Royaume-Uni entend à nouveau imposer à l’Union et aux 27 autres États membres une nouvelle valse à deux temps : une renégociation suivie d’un référendum. En effet, en 1975, après un changement de majorité, James Callaghan, Secrétaire au Foreign Office du gouvernement travailliste dirigé par Harold Wilson, avait demandé de façon excessive et peu appropriée « une renégociation fondamentale du traité d’adhésion ». Soumis au référendum le 5 juin 1975, le résultat de cette renégociation s’est révélé être un premier avertissement sans frais avec 67 % de oui en faveur du maintien dans la CEE, mais l’hypothèse d’une sortie avait été évoquée.</p>
<p>Quarante ans plus tard, le gouvernement britannique actuel estime qu’il « est parfaitement légitime de rendre la parole aux électeurs et de procéder à une nouvelle consultation référendaire pour refonder le lien du Royaume-Uni avec l’Union sur des bases plus démocratiques, plus saines et plus efficaces » (voir, à ce sujet, le <a href="http://www.senat.fr/notice-rapport/2015/r15-347-notice.html">rapport du Sénat de Fabienne Keller du 28 janvier 2016</a> ). Le Royaume-Uni entend dénoncer l’évolution fédéraliste de la construction européenne et, partant, réaménager les conditions de son appartenance à l’Union. Les Britanniques avaient déjà pris le maximum de précautions lors de l’élaboration du <a href="http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank_mm/dossiers_thematiques/referendum_2005/3tce.pdf">traité établissant une Constitution pour l’Europe</a>, en exigeant que le mot « fédéral » n’y figure pas, agitant alors l’épouvantail du « F word ».</p>
<p>L’irréductible spécificité britannique doit donc trouver une place nouvelle et conforme à ses vues au sein de l’Union européenne, ce qui nécessite un « paquet » de réformes que le Royaume-Uni entend négocier avec le Conseil européen (et son Président), et la Commission européenne, afin de faire évoluer ses relations avec l’Union européenne. La refondation de son appartenance fera ensuite l’objet d’un référendum (prévu a priori le 23 juin 2016) sur son maintien au sein de l’UE qui, s’il n’est pas positif, entraînera son retrait.</p>
<p>La position britannique s’appuie sur le traité de Lisbonne, qui est le premier traité à contenir une « procédure de divorce » ou une « porte de sortie ». L’<a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=OJ:C:2012:326:TOC">article 50-1 TUE</a> prévoit désormais que « Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union ». Le retrait apparaît ainsi à la fois comme le droit d’un État membre, mais également comme le droit d’un peuple. Cela confirme la double nature de l’Union – union d’États et union de citoyens – ou sa qualification de Fédération d’États et de peuples, alors que les Britanniques souhaitent qu’elle devienne seulement une « loose confederation », dans le but de l’affaiblir.</p>
<h2>Quatre demandes pour rester, pas moins !</h2>
<p>Les demandes britanniques, <a href="http://www.consilium.europa.eu/press-releases-pdf/2016/2/40802208284_fr_635901135000000000.pdf">dont le Président du Conseil européen a pris acte</a>, portent sur quatre sujets précis : la gouvernance économique et l’intégration de la zone euro ; la compétitivité ; la souveraineté ; les prestations sociales des travailleurs migrants et la libre circulation.</p>
<p>Il s’agit de permettre la poursuite de l’intégration de la zone euro, tout en étant assuré que les règles de régulation bancaire n’auront pas d’effet dans les États non membres de la zone euro, dont le Royaume-Uni. Les mesures d’urgence et de crise destinées à maintenir la stabilité financière ne doivent pas non plus grever les finances des États non membres de la zone euro. Les engagements en matière de compétitivité font clairement ressortir que la priorité du Royaume-Uni est le marché intérieur européen, ainsi qu’une politique commerciale « active et ambitieuse ».</p>
<p>En ce qui concerne la souveraineté et la subsidiarité, la mention d’une « union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe » (<a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A12012M%2FTXT">lire l’article 1 du traité</a> ), présente dans les traités depuis celui de 1957, voit sa signification précisée, mais ne disparaît heureusement pas. Dans le but de préserver la souveraineté du Parlement britannique, les parlements nationaux se voient accorder un « carton rouge » leur permettant de bloquer une législation européenne en cours d’adoption.</p>
<p>Le point le plus sensible porte sur l’immigration intra-européenne et l’octroi des prestations sociales aux travailleurs migrants au Royaume-Uni, qui considère qu’elles deviennent une trop lourde charge pour son système de sécurité sociale. La liberté de circulation des personnes est en jeu mais, malgré tout, le projet d’accord propose un mécanisme de sauvegarde (<em>emergency brake</em>) permettant à tout État membre de supprimer temporairement – pour une durée allant jusqu’à 4 ans – les prestations en cas de situations exceptionnelles, ce qui serait d’ores et déjà le cas au Royaume-Uni.</p>
<p>Finalement, le projet d’accord laisse une impression plus que mitigée. L’Union renégocie les traités sans passer par une procédure de révision, mais sous le chantage du Royaume-Uni, qui ne semble plus vouloir adhérer à ses valeurs, alors qu’elle est à l’heure actuelle déjà largement en phase avec les idées britanniques ! Les concessions faites au Royaume-Uni pour éviter un « Brexit » (british exit) peuvent paraître exorbitantes, car elles portent atteinte aux fondements mêmes de la construction européenne et risquent d’avoir un effet d’entraînement pour d’autres États membres. Le mal-être du Royaume-Uni au sein de l’Union n’autorise aucunement David Cameron à stopper la poursuite de l’intégration, voire à engager la déconstruction de l’Union. Shocking !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/54877/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves Petit ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au menu du Conseil européen des 18-19 février, une question cruciale : le maintien du Royaume-Uni dans l’UE et, au-delà son avenir, voire sa survie. Mais comment en est-on arrivé là ?Yves Petit, Professeur de droit public, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.