tag:theconversation.com,2011:/ca/topics/donald-trump-24458/articlesDonald Trump – The Conversation2024-03-20T16:01:05Ztag:theconversation.com,2011:article/2254352024-03-20T16:01:05Z2024-03-20T16:01:05ZJoe Biden et le défi du vote hispanique<p><a href="https://www.pewresearch.org/short-reads/2024/01/10/key-facts-about-hispanic-eligible-voters-in-2024/">36,2 millions d’électeurs potentiels</a>, soit 4 millions de plus qu’en 2020, et environ 15 % du total de l’électorat américain. Tel est le poids que peut représenter l’électorat hispanique lors de l’élection présidentielle de novembre 2024, qui s’annonce difficile pour le président Biden.</p>
<p>Certes, traditionnellement, ces Américains de plus de 18 ans, <a href="https://www.pewresearch.org/short-reads/2023/09/05/who-is-hispanic/">d’origine hispanique</a>, ne sont pas tous inscrits sur les listes électorales et leur taux de participation demeure plus faible que celui des autres groupes, ce qui minore quelque peu l’impact politique de la première minorité des États-Unis. Cependant, ce « géant », qui ne s’est pas tout à fait réveillé encore, compte de plus en plus. En Californie et au Texas, ces électeurs potentiels représentent un tiers de l’électorat. Ils peuvent également faire pencher le résultat vers un parti ou un autre dans certains États indécis, comme l’Arizona. Aucun candidat ne souhaite « perdre » ces suffrages. <a href="https://naleo.org/COMMS/PRA/2024/NEF_Election_2024_Latino-Vote_Projections_FINAL.pdf">Selon la National Association of Latino Elected and Appointed Officials</a> (NALEO), 17,5 millions d’électeurs hispaniques, soit 6,5 % de plus qu’en 2020, et 11 % du total, devraient voter le 5 novembre prochain.</p>
<h2>Une communauté traditionnellement plutôt acquise aux Démocrates</h2>
<p>Historiquement, la minorité hispanique, très hétérogène, a majoritairement voté pour le Parti démocrate, même s’il existe des exceptions collectives, notamment les groupes originaires de Cuba et, moins nombreux, du Nicaragua et du Venezuela, tr ois pays gouvernés par des dirigeants à orientation marxiste.</p>
<p>Cependant, élection après élection, le Parti républicain peut se prévaloir d’un socle de 20-30 % de l’électorat hispanique, avec de bien meilleurs résultats pour Ronald Reagan en 1984 (37 %), George W. Bush en 2004 (un record de 40 %), ou bien encore 38 % pour Donald Trump en 2020. Les valeurs traditionnelles prônées par les Républicains correspondent à celles auxquelles les Hispaniques adhèrent généralement d’un point de vue culturel. Le terrain récemment gagné par les Républicains au sein de la minorité, visible dans les élections locales ou au Congrès fédéral, ne permet cependant pas de franchir la barre des 50 % au plan national.</p>
<p>Outre les différences d’origine déjà évoquées, il existe des disparités de genre (les hommes latino tendent à voter plus volontiers pour les Républicains que les femmes) et de niveau d’instruction ou social (les électeurs peu qualifiés ou avec un faible niveau d’instruction <a href="https://www.pewresearch.org/politics/2021/06/30/behind-bidens-2020-victory/">ont davantage voté pour Trump en 2020</a>).</p>
<p>Les sondages les plus récents, conduits en novembre 2023 ou janvier 2024, ne révèlent pas de changement majeur dans ce schéma qui demeure favorable aux Démocrates, même si des candidats républicains aux diverses fonctions locales ou au Congrès fédéral peuvent leur ravir des postes.</p>
<p>Selon le <a href="https://unidosus.org/wp-content/uploads/2023/11/unidosus_national_surveyoflatinovoters.pdf">sondage conduit par l’association hispanique UnidosUS en novembre 2023</a>, les priorités des électeurs hispaniques n’ont guère varié par rapport aux autres élections : l’inflation, l’emploi et l’économie, la couverture médicale, la criminalité et les armes à feu, et enfin, chose nouvelle, le coût du logement demeurent leurs priorités absolues. Sur tous ces sujets, ils indiquent majoritairement que le Parti démocrate semble mieux répondre à leurs inquiétudes.</p>
<p>L’administration Biden l’a bien compris qui, dès l’automne 2023, a lancé une vaste campagne de séduction, rappelant les mesures générales prises dans le cadre de sa politique socio-économique (Bidenomics), <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2023/07/11/bidenomics-is-delivering-for-latinos-the-presidents-plan-grows-the-economy-from-the-middle-out-and-bottom-up-not-the-top-down/">dont les Hispaniques ont pu profiter</a>.</p>
<p>La création de 13,5 millions d’emplois – dont 4 millions occupés par des Latinos –, l’aide à l’ouverture de petites entreprises, ainsi que <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2023/09/29/fact-sheet-the-biden-%E2%81%A0harris-administration-advances-equity-and-opportunity-for-latino-communities-across-the-country/">l’augmentation du nombre d’Hispaniques ayant accès à l’assurance santé</a> contribuent toutes à l’amélioration du niveau de vie de la minorité. Le ministre de la Santé, Xavier Becerra, tout comme la secrétaire d’État au petit commerce, Isabella Casillas Guzman, sont d’ailleurs des Hispaniques, témoignant du choix politique de ces nominations.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1449847900926795784"}"></div></p>
<p>Les jeunes – électeurs ou futurs électeurs – ont également bénéficié d’aides à l’éducation, d’investissements dans les établissements qu’ils fréquentent majoritairement, et de bourses. Enfin, les électeurs hispaniques soutiennent massivement le <a href="https://theconversation.com/vers-la-fin-du-droit-a-lavortement-aux-etats-unis-182528">droit à l’avortement</a>, dont le Parti démocrate s’est fait l’ardent défenseur. Toutefois, la bonne santé économique du pays ne se perçoit guère au quotidien : l’inflation et le coût du logement suscitent des critiques et un certain mécontentement à l’égard des Démocrates.</p>
<h2>Un intérêt moins marqué pour la question de l’immigration</h2>
<p>Curieusement, alors que les deux partis se déchirent violemment sur la question migratoire et la gestion des flux à la frontière avec le Mexique, et que le Parti républicain <a href="https://www.liberation.fr/international/amerique/etats-unis-les-republicains-veulent-destituer-le-ministre-de-biden-charge-de-limmigration-20240214_TYHGMYY5OVAY3H7XXN6LR4VHQY/">ne lésine pas sur les moyens</a> pour attaquer ce qu’il juge être l’immobilisme présidentiel face aux <a href="https://www.ledevoir.com/monde/ameriques/803101/i-le-devoir-i-sur-la-route-des-migrants-en-amerique-latine-on-avait-jamais-imagine-vivre-jour">flots d’immigrants à la frontière</a> (recours en justice, transport de migrants dans des municipalités démocrates, campagnes dans les médias et sur les réseaux sociaux…), ce sujet, toujours sensible pour l’électorat hispanique, semble moins important en 2023-2024 que par le passé, éclipsé par les soucis de la vie quotidienne.</p>
<p>Interrogés sur la question migratoire, les sondés d’UnidosUS <a href="https://unidosus.org/wp-content/uploads/2023/11/unidosus_national_surveyoflatinovoters.pdf">accordent largement leur priorité à l’obtention de la nationalité américaine</a>, à terme, pour les immigrants entrés aux États-Unis enfants et illégalement. Il apparaît ainsi que le projet de loi <a href="https://immigrationlawnv.com/fr/blog/the-dream-act/">DREAM Act</a> de 2001, constamment rejeté au Congrès chaque fois qu’il a été présenté, et qu’Obama avait tenté d’imposer par une mesure exécutive temporaire (DACA), demeure la principale priorité des Hispaniques sur ce sujet, avec ce même chemin vers la naturalisation pour les immigrants irréguliers vivant depuis longtemps aux États-Unis.</p>
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<p>Le renforcement de la sécurité à la frontière, ou bien la finalisation du mur, apparaissent comme beaucoup moins importants. Tout programme massif d’expulsions est largement rejeté. En d’autres termes, les violents débats politiciens sur les mesures prises – ou non prises – par l’administration Biden à propos des flux migratoires récents, en forte augmentation depuis l’accession au pouvoir du Démocrate, ne semblent pas avoir d’impact significatif sur la minorité dans son ensemble.</p>
<p>Pour autant, elle ne saurait rester insensible à une question qui fait régulièrement la une de la presse. 28 % des adultes hispaniques (électeurs ou ne possédant pas encore la nationalité américaine) indiquent d’ailleurs suivre régulièrement les informations concernant la frontière, ce qui signifie en creux que, pour une vaste majorité, ce n’est pas une préoccupation quotidienne. Plus indulgents que la population catégorisée comme blanche par le recensement, mais plus sévères que les Afro-Américains, ils estiment <a href="https://www.pewresearch.org/politics/2024/02/15/how-americans-view-the-situation-at-the-u-s-mexico-border-its-causes-and-consequences/">dans un sondage conduit par le Pew Research Center en janvier 2024</a> que le grand nombre de migrants tentant de franchir la frontière mexicano-américaine est une véritable crise (38 %) ; la même proportion répondent qu’il s’agit simplement d’un « problème majeur » ; 74 % trouvent que le gouvernement américain gère mal ou très mal la question ; et 47 % considèrent que la situation migratoire à la frontière génère davantage de criminalité.</p>
<h2>Joe Biden dans l’embarras</h2>
<p>L’administration Biden dispose d’une marge de manœuvre très étroite sur la question migratoire. Alors que le Parti républicain présente aujourd’hui une position peu ou prou unifiée sur le rejet des flux migratoires illégaux, le président se trouve pris en tenaille entre, d’une part, <a href="https://www.nytimes.com/2023/09/22/us/politics/migrant-crisis-democrats-cities.html">l’aile gauche de son parti</a>, les élus latinos démocrates, ainsi que les associations des droits de l’homme et des droits civiques qui <a href="https://apnews.com/article/senate-border-immigration-biden-66531bcefb908d5440a52b54c543b006">prônent une vigoureuse politique d’accueil</a> et un mécanisme permettant, à terme, une naturalisation de certains immigrés irréguliers ; et d’autre part <a href="https://dividedwefall.org/democrats-on-immigration/">ceux qui considèrent que cet afflux massif de migrants a des retentissements négatifs</a> sur les collectivités qui les accueillent, à la frontière ou ailleurs dans le pays.</p>
<p>Tout cela se déroule sur fond de <a href="https://apnews.com/article/immigration-courts-wait-54bb5f7c18c4c37c6ca7f28231ff0edf">manque criant de juges et d’agents fédéraux</a> à la frontière et dans les services de l’immigration. Des recrutements ont eu lieu mais après les coupes opérées par l’administration précédente, le processus prend du temps et nécessite des fonds que le Congrès refuse d’octroyer.</p>
<p>S’y ajoutent des procédures judiciaires incessantes de la part des Républicains, ce qui bloque l’application de nombreuses décisions, le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2024/01/30/aux-etats-unis-la-question-migratoire-entre-urgence-securitaire-et-blocage-politique_6213736_3210.html">blocage du Congrès</a> – et notamment de la Chambre des Représentants – sur la vaste réforme du système migratoire dont George W. Bush comme Barack Obama disaient déjà qu’il ne fonctionnait plus, et les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/12/19/etats-unis-le-gouverneur-du-texas-signe-une-loi-criminalisant-l-entree-illegale-de-migrants_6206639_3210.html">mesures autoritaires prises par certains gouverneurs républicains</a>.</p>
<p>Ainsi, les gouverneurs du Texas ou de Floride notamment expédient les migrants vers les villes du Nord et le Texas, va jusqu’à <a href="https://www.lefigaro.fr/international/aux-etats-unis-la-crise-migratoire-tourne-a-l-affrontement-constitutionnel-20240129">prendre le contrôle d’une partie de la frontière</a>, aux dépens de la Border Patrol qui relève du gouvernement fédéral, dans un bras de fer entre État fédéré et autorités fédérales sans précédent depuis le XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
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<p>En outre, la volonté des Républicains du Congrès de contraindre l’administration à des mesures coercitives à la frontière en <a href="https://www.nytimes.com/2023/12/12/us/politics/republicans-us-mexico-border-ukraine.html">échange d’un accord sur l’aide à l’Ukraine</a> place le président Biden dans une position intenable. Il dispose de très peu d’options, toutes les mesures nécessitant, pour leur mise en œuvre, des moyens financiers et humains que le Congrès ne lui accorde pas, ou bien un accord avec le Mexique pour revenir à la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/06/08/accord-entre-etats-unis-et-mexique-sur-l-immigration-les-tarifs-douaniers-suspendus_5473369_3210.html">politique trumpienne de maintien des migrants de l’autre côté de la frontière</a>, accord que Mexico ne semble pas disposé à renouveler.</p>
<p>Tout juste a-t-il pu augmenter le nombre de réponses favorables aux demandes d’asile et accorder aux immigrés vénézuéliens en situation irrégulière le <a href="https://www.courrierinternational.com/article/le-chiffre-du-jour-pres-de-500-000-migrants-venezueliens-autorises-a-travailler-legalement-aux-etats-unis">droit de travailler temporairement aux États-Unis</a>, en vertu du programme <a href="https://www.cfr.org/backgrounder/what-temporary-protected-status">Temporary Protected Status</a>, mis en place dès 1990 pour les ressortissants de pays ravagés par la violence ou des catastrophes naturelles.</p>
<h2>Un peu probable revirement en faveur de Donald Trump</h2>
<p>C’est justement parce que la question migratoire est devenue un casse-tête insoluble et que les électeurs hispaniques, qui vivent parfois aux États-Unis depuis plusieurs générations, s’intéressent également à d’autres sujets, qui les concernent au quotidien, que le président Biden met l’accent sur sa politique sociale et économique, espérant conserver leurs faveurs lors de l’élection de novembre prochain.</p>
<p>En dépit des annonces tonitruantes de la presse et des think tanks conservateurs, <a href="https://www.latimes.com/opinion/story/2023-12-28/latino-vote-republicans-democrats-biden-trump-election-2024">il n’est pas certain que les électeurs hispaniques, même déçus, rallient majoritairement le camp républicain</a> lors de la prochaine élection présidentielle. Le danger pour Biden, en revanche, serait un faible taux de participation de leur part.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225435/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Vagnoux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Première minorité aux États-Unis, les Hispaniques auront un grand impact sur l’issue de la présidentielle. Voteront-ils, cette fois encore, majoritairement en faveur du candidat démocrate ?Isabelle Vagnoux, Professeure des universités Responsable du programme « Relation à l’Autre, Mémoire, Identité », Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2252182024-03-06T16:13:26Z2024-03-06T16:13:26ZSuper Tuesday 2024 : Trump en route vers la présidentielle<p>Aux États-Unis, le Parti démocrate comme le Parti républicain organisent des élections primaires afin de désigner leur candidat à la présidentielle. Pour le président sortant, il est d’usage que la compétition soit faible. Il n’affronte en général qu’un seul adversaire, qui est le plus souvent un inconnu du grand public. Assuré d’être réinvesti, le sortant rend surtout hommage à un formalisme électoral. C’est encore le cas cette année : Joe Biden « fait face » à Dean Philips, homme d’affaires et représentant du Minnesota. Le président a à ce jour obtenu <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2024/mar/05/dean-phillips-loses-minnesota">1 497 délégués sur les 1 968 nécessaires ; son adversaire, aucun</a>.</p>
<p>En règle générale, la course est nettement plus disputée au sein du parti qui se trouve dans l’opposition. Ce fut par exemple le cas en 2020 au sein du Parti démocrate, quand Joe Biden a dû batailler pour devancer plusieurs concurrents de poids comme Bernie Sanders et Elizabeth Warren.</p>
<p>Cette fois, la donne est différente. Pour le Parti républicain, la compétition aura été quasiment aussi réduite que dans le camp d’en face. Les quelques personnalités ayant brigué l’investiture contre Donald Trump ont toutes jeté l’éponge, la dernière en date étant Nikki Haley, l’ancienne gouverneure de la Caroline du Sud et ambassadrice aux Nations unies, dont on vient d’apprendre le <a href="https://www.reuters.com/world/us/nikki-haley-exit-us-republican-presidential-race-wsj-reports-2024-03-06/">retrait</a> à l’issue du « Super Tuesday ».</p>
<h2>Une fin de match rapide</h2>
<p>Les élections primaires ne se tiennent pas toutes le même jour. Chaque État ou territoire vote selon un calendrier propre, entre les mois de janvier et juin précédant les élections générales qui se tiennent, elles, au mois de novembre.</p>
<p>Ce qu’il est convenu d’appeler depuis 1984 le « Super Tuesday » tombe le premier mardi de mars. Ce jour-là, les primaires sont organisées simultanément dans une quinzaine d’États. Un vote qui, dans chaque État, détermine le nombre de délégués qui participeront à la désignation finale. Durant l’été, une convention investira dans chaque parti le candidat qui portera ses couleurs à la présidentielle. Le 5 mars 2024 a donc été une journée décisive puisque 36 % des délégués républicains (865) ont été élus, pour un seuil de majorité de 1 215 délégués.</p>
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<p>Dans une configuration à deux concurrents, les primaires ne pouvaient que déboucher sur un prompt résultat. La raison ? Le principe du « winner-takes-all » (le gagnant emporte tout), qui accorde au candidat arrivé en tête l’ensemble des sièges, parfois avec une condition de seuil (50 %, 67 % ou 80 % des suffrages exprimés selon les cas). Une règle qui engendre autant de victoires écrasantes que de défaites cinglantes. Dès la première primaire dans le New Hampshire, après le caucus de l’Iowa, Donald Trump avait réalisé une excellente opération politique avec les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2024/01/21/presidentielle-americaine-le-retrait-de-ron-desantis-renforce-encore-un-peu-plus-la-campagne-de-donald-trump_6212143_3210.html">retraits de tous ses opposants aux primaires</a> à l’exception de Nikki Haley. S’ils s’étaient maintenus, ils auraient retardé le franchissement par l’ancien président du seuil fatidique des 50 % des délégués à la convention.</p>
<p>Le nombre de délégués est attribué selon des règles édictées au niveau local. Douze des quinze États concernés par ce « super mardi » appliquent une version de la règle du « winner-takes-all ». Les plus déterminants sont le Texas (161 délégués) et la Californie (169 délégués). Évidemment, cette règle a peu l’occasion de s’appliquer lorsqu’il y a trois ou quatre adversaires. Mais en présence de deux candidats seulement, c’est un couperet.</p>
<p>Pour le Parti républicain, peu de configurations sont comparables à celle de 2024. En 1996, Bob Dole, Pat Buchanan et Steve Forbes étaient les trois principaux concurrents : le sénateur Dole avait réuni suffisamment de délégués dès le 19 mars. En 2000, après deux mandats de Bill Clinton, les Républicains devaient choisir entre George W. Bush, John McCain et quatre petits candidats. Bush Jr. avait obtenu sa majorité de délégués le 14 mars. En 2012, après un mandat d’Obama, se présentaient quatre candidats d’envergure nationale (Mitt Romney, Rick Santorum, Rand Paul et Newt Gingrich), ce qui explique l’atteinte tardive, par Romney, du seuil de délégués nécessaires (29 mai). Enfin, en 2016, quatre têtes d’affiche nationales se disputaient l’investiture : Donald Trump, Ted Cruz, Marco Rubio et John Kasich. Le futur président n’avait franchi la ligne majoritaire que le 26 mai.</p>
<h2>La stratégie prudente de Nikki Haley</h2>
<p>À l’approche du Super Tuesday, elle n’avait gagné que dans le District of Columbia (Washington DC), par 62,8 % des suffrages (1 274 voix). Celui-ci lui était acquis car il abrite l’establishment républicain anti-Trump. Sa tournée de campagne se solde par une déception. Elle avait ciblé les États suivants : Minnesota, Colorado, Utah, Virginie, Caroline du Nord, Massachusetts, Vermont. Mais les tableaux de résultats ne sont pas à la hauteur de ses espoirs.</p>
<p>Si l’on compare les scores obtenus par Donald Trump en valeur relative (pourcentage de voix) et absolue (nombre d’électeurs) depuis 2016, des enseignements se dégagent. Rappelons que n’ont été retenus ici que les États impliqués dans le Super Tuesday. Malgré des scores confortables, Trump aura vu son électorat se démobiliser dans les États ruraux de l’Alabama, de l’Arkansas et de l’Oklahoma (les scores de l’Utah ne sont pas comparables car ce fut un caucus en 2024 et une primaire en 2020).</p>
<p><iframe id="9RvCy" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/9RvCy/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Arrivée en tête dans le Vermont (49,9 %), Nikki Haley a réussi deux fois mieux qu’escompté en Virginie et dans le Minnesota. Il est vrai que ces deux États ont en commun d’avoir des primaires ouvertes (autrement dit, tous les électeurs peuvent y voter, pour autant qu’ils n’aient pas participé à la primaire démocrate). On trouve aussi dans ces États une population urbaine éduquée et d’actifs foyers anti-Trump. Haley a fait de bons chiffres dans le Colorado et le Massachusetts (33,5 % et 36,8 %), mais du fait de la règle du « winner-takes-all », elle n’y a obtenu aucun délégué. Dans l’Utah, la communauté des Mormons, dominante dans cet État, est hostile à Trump. Haley y a récolté plus de 40 % des suffrages, l’un de ses meilleurs scores.</p>
<p><iframe id="mVE1C" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/mVE1C/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le détail des résultats montre également une autre faille du candidat Trump. Partout où les indépendants ou électeurs non affiliés ont pu voter, Nikki Haley a réalisé un meilleur score qu’annoncé par les sondages. Les banlieues, <a href="https://www.nytimes.com/interactive/2023/12/19/us/elections/times-siena-poll-registered-voter-crosstabs.html">plutôt acquises à Trump en 2016, lui sont aujourd’hui plus rétives</a> : deux tiers des électeurs y sont dans le camp de l’alternative à Trump. Or la moitié de l’électorat général vit en banlieue, ce qui n’est pas de bon augure pour l’ancien président.</p>
<p>Enfin, la part des jeunes diminue dans ses soutiens : elle passe de <a href="https://s2.washingtonpost.com/3ce8d01/65e0681c05a4d634fbf88c9f/596ada4aade4e24119a8b9c2/29/50/65e0681c05a4d634fbf88c9f">37 % en 2016 à 29 %</a> aujourd’hui. Haley, quant à elle, a déjà fait savoir qu’elle ne se sentait pas tenue de soutenir le candidat investi.</p>
<h2>Donald Trump, « outsider-in-chief »</h2>
<p>Trump est entré dans le Super Tuesday en ayant marqué des points significatifs. Il avait obtenu le retrait de ses concurrents aux primaires Tim Scott et Vivek Ramaswamy. Quant à Ron DeSantis, il a jeté l’éponge faute de soutien et fonds suffisants. Tous se sont officiellement ralliés à lui. En égrenant une <a href="https://www.cbsnews.com/news/trump-potential-vp-picks/">longue liste de vice-présidents potentiels</a>, il tient les cadres du parti en haleine, notamment Tulsi Gabbard, pro-russe et ancienne Démocrate, Byron Donalds, ancien membre de la coalition conservatrice et antifiscale du Tea Party, ou Kristi Noem, gouverneure du Dakota du Sud aux valeurs rurales et traditionalistes.</p>
<p>Autre enseignement : la réduction du nombre d’adversaires de l’ancien président n’aura pas permis de coaliser un front contre lui au sein du Parti républicain. Nikki Haley elle-même ne s’est pas distinguée par sa prise de risques. Elle a fortement limité ses publicités négatives ou propos hostiles à l’égard de son concurrent. Elle n’est pas allée beaucoup plus loin que le qualifier d’« instable » (« unhinged ») ou de l’associer au « chaos ». En outre, elle n’a su promouvoir aucun slogan de campagne marquant. Son « Make America Normal Again » est resté confiné au cercle de ses aficionados. La veille du Super Tuesday, elle déclarait encore « ne pas être anti-Trump ». Quant à son programme, qu’il s’agisse de l’immigration, de l’avortement ou de l’économie, il ne se démarque pas suffisamment pour être considéré comme une alternative. Elle ménage un électorat qu’elle pourrait conquérir en 2028, lorsque la succession au Parti républicain sera plus ouverte.</p>
<p>Après avoir déployé une stratégie d’outsider en 2016, Trump aura réussi un tour de force : avoir le contrôle du parti sans apparaître comme un représentant de l’establishment. Se présenter comme un outsider tout en étant un président sortant faisait déjà partie de sa stratégie en 2020. Fait notable cette année : il aura placé sa belle-fille, <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/chez-les-trump-lara-entre-en-scene-991999.html">Lara Trump</a>, en position d’obtenir un poste clé à la direction du Parti républicain. Les cadres de cette formation politique se rangent de plus en plus derrière lui. Non par conviction mais parce qu’il est le candidat soutenu par les électeurs. Un signe que le choix populaire, <a href="https://www.reuters.com/world/us/americans-dismayed-by-biden-trump-2024-rematch-reutersipsos-poll-finds-2024-01-25/">même par défaut</a>, prévaut encore dans la démocratie américaine : pour le meilleur et pour le pire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225218/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elisa Chelle a reçu des financements de l'Institut universitaire de France.</span></em></p>À l’issue de la journée décisive du « Super Tuesday », Donald Trump reste le seul candidat en lice côté républicain.Elisa Chelle, Professeure des universités en science politique, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2244402024-03-04T17:46:25Z2024-03-04T17:46:25ZMalgré sa grande popularité, Nikki Haley ne pourra devenir présidente des États-Unis. Voici pourquoi<p>Les résultats de la <a href="https://www.journaldequebec.com/2024/02/24/donald-trump-remporte-la-primaire-republicaine-de-la-caroline-du-sud">primaire républicaine de la Caroline du Sud</a>, le 24 février, sont tombés quelques minutes après la fermeture des bureaux de vote : une nouvelle victoire pour Donald Trump. </p>
<p>Dans un État où Nikki Haley a occupé le poste de gouverneure, l’équivalent de première ministre, c’est une terrible défaite. Elle semble confirmer l’inévitable nomination de Trump comme candidat républicain pour l’élection présidentielle de 2024, surtout après une autre défaite, celle du New Hampshire, <a href="https://www.nytimes.com/2024/01/11/us/politics/chris-christie-nikki-haley-new-hampshire.html">l’État où elle avait le plus de chance de s’imposer selon les sondages</a>.</p>
<p>Même si Haley a réussi <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2054028/nikki-haley-primaire-district-de-columbia">à décrocher une victoire dans le District de Colombia</a>, cela n'a rien changé à la course. Sa campagne s'est terminée après le super mardi (« super tuesday »), alors que 15 États se sont prononcés pour cette course électorale. <a href="https://www.nytimes.com/live/2024/03/04/us/trump-biden-haley-elections?unlocked_article_code=1.aE0.gjTO.iqwXPROMs2Xb&smid=url-share">Statistiquement</a>, les résultats n'officialise pas la nomination de Trump. Mais cela semble n’être qu’une question de temps. <a href="https://www.nytimes.com/live/2024/03/04/us/trump-supreme-court-colorado-ballot">La Cour suprême</a> vient par ailleurs de confirmer l’éligibilité de Trump à se présenter à l’élection présidentielle.</p>
<p>Pourtant, malgré cette défaite annoncée, c’est Nikki Haley qui sort du lot dans les sondages pour la présidentielle à venir. </p>
<p>Comment expliquer un tel décalage ?</p>
<p>Étudiant au doctorat en communication politique à l’Université de Montréal, mes recherches portent principalement sur la politique américaine, notamment sur les élections de grande envergure et la transformation du Parti républicain. </p>
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<a href="https://theconversation.com/atmosphere-politique-aux-etats-unis-voici-ce-quon-peut-apprendre-de-lallemagne-de-lentre-deux-guerres-222140">Atmosphère politique aux États-Unis : voici ce qu’on peut apprendre de l’Allemagne de l’entre-deux-guerres</a>
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<h2>Nikki Haley, en avance sur Trump et Biden !</h2>
<p>Un récent <a href="https://www.realclearpolling.com/polls/president/general/2024/haley-vs-biden">sondage</a> comparant Nikki Haley à Joe Biden dans un hypothétique duel présidentiel révélait un avantage de plus de 15 points de pourcentage pour la candidate républicaine. </p>
<p>Certes, la moyenne des sondages ne permet pas de témoigner d’un écart aussi grand pour Haley face au président Biden. Mais elle récolte tout de même un avantage plus important que son homologue du même parti avec une marge d’environ 4,9 %, contre <a href="https://www.270towin.com/2024-presidential-election-polls/">1,5 % pour Trump</a>. </p>
<p>Ainsi, au sein des candidatures importantes encore en lice, Haley serait fort probablement celle qui récolterait le plus de support lors de la prochaine élection présidentielle. </p>
<p>Mais au sein de son propre parti, Haley traîne en moyenne sur Donald Trump par plus de <a href="https://projects.fivethirtyeight.com/polls/president-primary-r/2024/national/">60 points de pourcentage</a>. </p>
<p>Ce qui fait toute la différence, ce sont les électeurs affiliés à aucun des deux grands partis traditionnels, c’est-à-dire, le vote indépendant. </p>
<p>Les résultats du New Hampshire le confirment : si cet État était considéré comme le plus avantageux pour Haley, c’était notamment par l’importante présence (<a href="https://www.nytimes.com/2024/01/22/us/politics/nh-primary-explainer-how-vote.html">près de 40 %</a>) d’électeurs et d’électrices indépendantes. </p>
<p>Par ses politiques plus modérées, Haley parvient à rejoindre cette partie de l’électorat, expliquant ainsi sa popularité dans les sondages nationaux.</p>
<p>Mais le problème pour l’ancienne gouverneure de la Caroline du Sud est le support, ou plutôt, l’absence de support au sein de l’électorat républicain. Face à Trump, elle cumule seulement le <a href="https://www.nytimes.com/2024/02/24/us/politics/trump-haley-south-carolina-takeaways.html">quart des membres de son propre parti</a> dans les primaires du New Hampshire et de la Caroline du Sud, les deux courses où elle était le mieux positionnée.</p>
<h2>Les Américains ne souhaitent pas un autre duel Trump-Biden</h2>
<p>Malgré tout, Haley a continué de s’accrocher, répétant que la majorité des Américains et Américaines ne souhaitent pas revoir un duel entre Trump et Biden, et se présentant ainsi comme l’alternative.</p>
<p>En effet, un <a href="https://www.nbcnews.com/politics/2024-election/nbc-news-poll-nearly-70-gop-voters-stand-trump-indictment-investigatio-rcna80917?cid=sm_npd_nn_tw_mtp">sondage de 2023</a> permettait de cristalliser cette tendance, alors qu’environ six personnes sur dix indiquaient que Trump ne devrait pas se présenter à la prochaine élection présidentielle. Pour ce qui est de Biden, la proportion montait à sept personnes sur dix. </p>
<p>D’un côté, l’ancien président républicain cumule les procès criminels et perpétue le mensonge que l’élection de 2020 lui aurait été volé. Son rôle dans l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Assaut_du_Capitole_par_des_partisans_de_Donald_Trump">insurrection du 6 janvier 2021</a>, son incivilité politique et sa tendance vers l’autocratique motivent aussi le sentiment négatif face à la réélection du 45<sup>e</sup> président des États-Unis.</p>
<p>De l’autre, l’âge de Joe Biden mine la crédibilité de sa candidature et semble de plus en plus inquiéter l’électorat américain. <a href="https://www.nbcnews.com/politics/2024-election/nbc-news-poll-nearly-70-gop-voters-stand-trump-indictment-investigatio-rcna80917?cid=sm_npd_nn_tw_mtp">La majorité des membres de son parti</a> pense qu’il ne devrait pas se représenter. De récents moments de confusion dans son discours ont contribué à alimenter l’aura de faiblesse autour de l’actuel président. </p>
<p>Même si Biden et Trump sont relativement du même âge, ce facteur se fait beaucoup plus ressentir chez le démocrate, contribuant à ternir l’image de sa potentielle réélection.</p>
<h2>Un système politique au bord de la rupture</h2>
<p>Pourquoi Haley est-elle restée si longtemps dans la course aux primaires malgré sa position désavantageuse ? </p>
<p>Un élément de réponse repose sur ses ressources financières. Alors qu’elle se positionne désormais comme la figure de proue du mouvement anti-Trump, elle attire le soutien de nombreux donateurs et donatrices. Cela lui a permis à la fois de poursuivre sa campagne, mais aussi de la légitimer. </p>
<p>En fait, Nikki Haley apparaît de plus en plus comme le symbole de la défaillance du système politique américaine : une présidente que les États-Unis ne peuvent pas avoir.</p>
<p>L’incapacité de Haley de remporter les primaires républicaines vient du fait que ces élections, de plus faible importance, attirent de faibles taux de participation. Ainsi, une minorité mobilisée, les partisans de Trump dans ce cas-ci, parvient à imposer sa volonté sur ce processus électoral, contribuant ainsi à l’émergence d’une frange plus radicale au sein du parti. La situation particulière de Trump, <a href="https://www.washingtonpost.com/history/2020/12/28/grover-cleveland-trump-non-consecutive-terms/">rare président à se présenter pour un deuxième mandat non consécutif</a>, contribue aussi à sa popularité et au sentiment d’inévitabilité de son élection pour représenter le Parti républicain aux prochaines présidentielles. </p>
<p>Ainsi, Haley ne peut concrétiser sa popularité électorale face à un système politique qui impose un bipartisme presque inéluctable. Il ne lui offre aucune réelle manière de se faire élire. </p>
<p>Marqué par le contexte actuel d’une <a href="https://www.pewresearch.org/short-reads/2022/03/10/the-polarization-in-todays-congress-has-roots-that-go-back-decades/">polarisation de plus en plus importante</a>, le système politique américain apparaît être sur le point de céder. Même la candidature de Biden, malgré son âge, en témoigne. Le président actuel, qui représente une frange plus modérée du Parti démocrate, semble incarner la seule candidature capable de rallier le pays contre Trump. Mais chaque jour, il devient le <a href="https://www.nytimes.com/2023/06/04/us/politics/biden-president-age-2024.html">plus vieux président de l’histoire des États-Unis</a>. </p>
<p>Ultimement, malgré l'impossibilité de l’élection de Nikki Haley comme représentante du Parti républicain pour la présidentielle de 2024, la candidate symbolise avant tout quelque chose qui dépasse les lignes partisanes : un système politique malade. Si les solutions à cette situation apparaissent limitées, osons croire que 2028 laissera place à l’élaboration de nouvelles possibilités.</p>
<p>En raison de leur âge respectif, et de la constitution qui limite à deux les mandats présidentiels, ni Trump ni Biden ne devraient se représenter aux prochaines élections. Les cartes commencent déjà à être brassées pour la suite des choses. Nikki Haley incarne ainsi l’espoir d’un nouvel avenir, mais dont la concrétisation demeure plus qu’incertaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224440/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marin Fortin-Bouthot a été boursier Marc-Bourgie 2022-2023 de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire
Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l’UQAM. Il est membre du Centre d'études et de recherches internationales de l'Université de Montréal (CÉRIUM) et de l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand de l'Université du Québec à Montréal. </span></em></p>La popularité de Nikki Haley a été freinée par le fonctionnement même des primaires et des caucus, et par le bipartisme américain.Marin Fortin-Bouthot, Étudiant au doctorat, chercheur sur les États-Unis, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2246632024-03-03T16:00:36Z2024-03-03T16:00:36ZBiden, Trump et la course aux financements de la campagne électorale américaine<p>Les Américains dépensent des sommes folles pour leurs élections et, tout particulièrement lors des présidentielles. <a href="https://www.fec.gov/">Selon la Commission électorale fédérale</a> (FEC), les candidats avaient dépensé au total 1,6 milliard de dollars lors du cycle électoral présidentiel de 2016. Ce montant avait bondi à 4,1 milliards de dollars pour le cycle 2020. Il sera probablement encore beaucoup plus élevé cette année. Et il apparaît que c’est le président sortant Joe Biden qui en bénéficie au premier chef, plus que son très probable adversaire le 5 novembre prochain, Donald Trump.</p>
<h2>Comment les campagnes sont-elles financées ?</h2>
<p>Les dons aux fonds de financement des campagnes présidentielles proviennent de particuliers, de partis politiques et de <a href="https://www.fec.gov/press/resources-journalists/political-action-committees-pacs/">Comités d’action politique</a> (les fameux Pacs). Ces derniers collectent des fonds pour promouvoir leurs candidats ou pour s’opposer à leurs adversaires. Ils sont juridiquement indépendants des fonds de campagne gérés directement par les candidats et les partis, mais ils agissent de concert avec eux, par exemple en finançant des publicités favorables aux positions prises par les candidats qu’ils soutiennent et aux politiques que ceux-ci promeuvent.</p>
<p>Si les <a href="https://www.brennancenter.org/our-work/research-reports/citizens-united-explained?ref=foreverwars.ghost.io">campagnes politiques aux États-Unis</a> sont si coûteuses, c’est parce qu’elles durent longtemps et nécessitent la diffusion de publicités onéreuses. Dès qu’un nouveau président est élu, les préparatifs commencent pour les élections législatives de mi-mandat, deux ans plus tard, ainsi que pour la prochaine série de primaires présidentielles.</p>
<p>La FEC actualise en permanence les chiffres relatifs aux fonds collectés et dépensés dans le cadre de la campagne pour l’élection présidentielle de 2024. À l’heure où nous écrivons ces lignes, l’ensemble des candidats ont récolté un peu plus de 397 millions de dollars et en ont dépensé un peu moins de 294 millions de dollars depuis janvier 2021. Les Républicains ont collecté 225 millions de dollars et les Démocrates 103 millions.</p>
<p>En ce qui concerne les dépenses pour la campagne électorale de 2024, à ce jour les Républicains ont dépensé 191 millions de dollars et les Démocrates 48 millions. Ces sommes n’incluent pas les fonds collectés par les campagnes menées en vue du renouvellement du Congrès (33 sièges du Sénat sur 100 et la totalité des 435 sièges de la Chambre seront également mis en jeu le 5 novembre prochain) et des élections locales au niveau des États, mais concernent uniquement les candidats à l’élection présidentielle.</p>
<p>L’important écart observé entre les dépenses des deux partis s’explique par le fait que Joe Biden n’a pas de rivaux importants pour l’investiture du Parti démocrate, alors que les Républicains ont commencé avec neuf candidats certifiés par le Comité national de leur parti. Les dépenses de ces candidats s’ajoutent au total des fonds collectés.</p>
<p>Environ 18 % des habitants du pays ont donné de l’argent à un candidat ou à un parti lors de la campagne présidentielle de 2020, <a href="https://electionstudies.org/data-center/2020-time-series-study/">selon l’American National Election Study</a>. Ces petits dons provenant de particuliers soient largement motivés par leur attachement à un parti ou à un candidat.</p>
<p>Il n’en va généralement pas de même en ce qui concerne les dons des entreprises aux Pacs soutenant les candidats. Ces dons relèvent souvent d’une <a href="https://www.washingtonpost.com/archive/politics/1996/06/16/pacs-appear-to-hedge-bets/e303d897-02e1-4baf-a27c-7bf201311af4/">stratégie consistant à « se couvrir »</a> en donnant de l’argent aux deux camps afin de ne pas se retrouver dans la ligne de mire du vainqueur si on a eu le tort de miser exclusivement sur son adversaire vaincu. Par exemple, le site OpenSecrets, consacré à la circulation de l’argent dans la vie politique américaine, <a href="https://www.opensecrets.org/orgs/exxon-mobil/recipients?toprecipscycle=2024&id=d000000129&candscycle=2020">montre</a> qu’en 2020 ExxonMobil a alloué 58 % de ses dons politiques aux Républicains et 42 % aux Démocrates.</p>
<h2>Les difficultés de Donald Trump</h2>
<p>Donald Trump est confronté à un certain nombre de défis en matière de collecte de fonds. À la mi-février, il avait récolté <a href="https://www.ft.com/content/7340c372-2015-4855-aea2-c1d3aa4ac229">moins d’argent que Joe Biden</a>.</p>
<p>Les données de la FEC montrent que, jusqu’à présent, <a href="https://www.fec.gov/data/candidates/president/presidential-map/">Biden a récolté pour sa campagne environ 92 millions de dollars</a>, et Trump un peu moins de 85,3 millions de dollars.</p>
<p>Lors de l’élection de 2020, Trump a, sans surprise, obtenu plus de voix dans les États traditionnellement acquis aux Républicains ; or ces États <a href="https://eu.usatoday.com/story/money/columnist/2018/10/21/midterms-poorest-states-have-republican-legislatures/1694273002/">ont tendance à être plus pauvres</a> que ceux soutenant les Démocrates. Cela signifie qu’il est susceptible de recevoir moins d’argent provenant de dons individuels que Biden. En outre, <a href="https://gppreview.com/2020/02/21/growing-divide-red-states-vs-blue-states/">l’écart entre les revenus des personnes habitant dans les États « rouges » (républicains) et de celles habitant les États « bleus » (démocrates)</a> ne cesse de se creuser, et pourrait encore augmenter d’ici à la tenue de l’élection.</p>
<p>Autre constat déplaisant pour Trump : en 2020, les dons anonymes de personnes très riches via des organisations qualifiées de « super Pacs » ont massivement favorisé les Démocrates plutôt que les Républicains. En 2020, ces dons ont <a href="https://www.opensecrets.org/news/2021/03/one-billion-dark-money-2020-electioncycle/">dépassé le milliard de dollars</a> : leur répartition est donc un enjeu majeur.</p>
<p>Selon <a href="https://www.opensecrets.org/news/2021/03/one-billion-dark-money-2020-electioncycle/">OpenSecrets</a>, lors de la campagne de 2020 Biden a reçu 174 millions de dollars de cet « argent noir » (<em>dark money</em>) et Trump seulement 25 millions. Ce déséquilibre en faveur de Biden pourrait être encore plus important cette année si comme cela semble probable, Trump obtient l’investiture républicaine.</p>
<p>Il est intéressant de noter que Nikki Haley, la dernière rivale de Donald Trump encore en lice pour les primaires républicaines, a reçu des <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2024-02-05/wealthy-donors-continue-to-pour-money-into-haley-s-longshot-bid?leadSource=uverify%20wall">sommes élevées de la part de riches donateurs</a> qui, même si sa candidature est probablement vouée à l’échec, la préfèrent clairement à Trump.</p>
<p>Enfin, l’ex-président risque 83 millions de dollars d’amende suite à sa condamnation par un jury new-yorkais pour <a href="https://eu.usatoday.com/story/news/politics/2024/01/29/donald-trump-awaits-verdict-fraud-trial/72398435007/">agression sexuelle contre la chroniqueuse E. Jean Carroll</a>. Dans un autre procès, concernant son empire commercial à New York, le juge a décidé que des <a href="https://www.ft.com/content/5d710932-526a-4205-8fc4-f2ba86c5c148?emailId=e5e68cb0-0621-49bb-8798-232992289602&segmentId=3d08be62-315f-7330-5bbd-af33dc531acb">fraudes ont été commises</a> et l’a condamné à une amende totale de 355 millions de dollars.</p>
<p>La FEC surveille de près le financement des campagnes électorales. : Trump doit donc <a href="https://www.investopedia.com/articles/markets/042716/what-happens-campaign-funds-after-elections.asp">résister à la tentation d’utiliser ses fonds de campagne pour payer ces amendes</a>, car cela serait illégal.</p>
<h2>Une plus grande mobilisation des indécis en faveur de Biden ?</h2>
<p>Dans l’ensemble, tout cela signifie que les dépenses de campagne de Joe Biden seront largement supérieures à celles de Donald Trump. Pour autant, dans quelle mesure ce différentiel peut-il peser sur le résultat de l’élection ?</p>
<p>Des recherches récentes démontrent que les dépenses de campagne dans les élections américaines ont un impact significatif sur les votes en faveur des candidats, bien qu’elles tendent avant tout à mobiliser les indécis, plus qu’elles n’incitent les citoyens à <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/708646">changer leur intention de vote</a>.</p>
<p>Il en ressort que plus les dépenses des Démocrates surpasseront celles des Républicains lors de la campagne de 2024, plus il y aura de chances que Joe Biden batte Donald Trump… et vice versa.</p>
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<p><em>Cet article est illustré par <a href="https://www.cartooningforpeace.org/">Cartooning for Peace</a>, un réseau international de dessinateurs et dessinatrices de presse engagés à promouvoir, par le langage universel du dessin de presse, la liberté d’expression et les droits de l’Homme.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224663/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paul Whiteley a reçu des financements de British Academy & Economic et Social Research Council
</span></em></p>Les campagnes électorales sont de plus en plus coûteuses aux États-Unis. Celle de cette année devrait battre tous les records en termes de sommes récoltées par les deux principaux candidats.Paul Whiteley, Professor, Department of Government, University of EssexLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2240152024-02-22T15:47:08Z2024-02-22T15:47:08Z2024 (Taylor’s version) : Taylor Swift et les élections américaines<p>De quoi Taylor Swift n’est-elle pas capable ? Depuis deux ans, on ne compte plus les exploits de cette star devenue phénomène, et sa couverture dans les médias flirte avec l’obsession : les journaux recrutent désormais des <a href="https://www.nytimes.com/2023/11/17/learning/a-newspaper-chain-hired-a-dedicated-taylor-swift-reporter-is-it-ok-if-hes-a-swiftie.html">reporters experts es Taylor</a> et des <a href="https://variety.com/2023/music/news/mtv-vmas-exclusive-camera-feed-taylor-swift-1235721757/">caméramen attitrés la suivent</a> lors des cérémonies auxquelles elle participe, au point que la chanteuse a dû trouver des parades pour échapper à cette surveillance constante, comme lors des Grammy Awards du 4 février dernier, où elle a <a href="https://www.glamour.com/story/taylor-swift-brought-a-fan-to-the-grammys-shield-her-conversations-from-lip-readers">utilisé un éventail pour qu’on ne puisse pas lire sur ses lèvres</a>.</p>
<h2>L’« effet Taylor Swift »</h2>
<p>Il faut dire que chacun de ses faits et gestes est susceptible d’avoir des répercussions inédites, au point qu’on parle désormais d’un « effet Taylor Swift » : élue personnalité de l’année par <em>Time</em> magazine en décembre 2023, elle est capable de booster l’économie des villes où elle se produit (ce qui a donné naissance aux <a href="https://www.wsj.com/arts-culture/taylor-swift-taylornomics-concert-eras-tour-local-economy-9fa1d492">« Taylornomics »</a>), de redresser <a href="https://economictimes.indiatimes.com/magazines/panache/taylor-swifts-the-eras-tour-concert-film-expected-to-uplift-us-theatre-economy-following-hollywood-strike/articleshow/104242843.cms">tout un secteur en crise</a>, de provoquer des <a href="https://www.latimes.com/entertainment-arts/music/story/2022-10-21/taylor-swift-midnights-bonus-tracks-anti-hero-video-spotify">pannes</a> et des <a href="https://edition.cnn.com/2023/07/27/entertainment/taylor-swift-seismic-activity/index.html">tremblements de terre</a>, et même, prouesse hors du commun, de <a href="https://twitter.com/FoxNews/status/1751757687707115758">convaincre Fox News de l’importance du bilan carbone</a>. Mais pourrait-elle faire basculer le résultat de l’élection présidentielle américaine le 5 novembre prochain ?</p>
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<p>C’est du moins ce que semblent craindre les conservateurs américains. Il y a six ans, lorsque la chanteuse était <a href="https://thehill.com/blogs/in-the-know/in-the-know/410338-taylor-swift-breaks-silence-on-politics-supports-democrats-in/">sortie de sa réserve pour la première fois de sa carrière pour soutenir le candidat démocrate au poste de sénateur du Tennessee</a>, la droite américaine s’était amusée de ses prétentions au commentaire politique, et avait ridiculisé le poids électoral de ses fans. Mike Huckabee, ex-gouverneur de l’Alaska et ex-candidat aux primaires républicaines de 2016, s’était fendu d’un <a href="https://twitter.com/GovMikeHuckabee/status/1049280125106343936">tweet moqueur</a> : « Bien sûr, Taylor Swift a absolument le droit de parler politique, mais son impact sur l’élection sera nul, à moins qu’on ne donne le droit de vote aux filles de 13 ans ».</p>
<p>Petit calcul rapide : les filles qui avaient 13 ans en 2018 en ont aujourd’hui 19, et sont donc en âge de voter aux États-Unis. <a href="https://www.forbes.com/sites/marisadellatto/2023/03/14/more-than-half-of-us-adults-say-theyre-taylor-swift-fans-survey-finds/">Et elles ne sont pas les seules à écouter Taylor Swift</a>. Les conservateurs ne s’y sont pas trompés et prennent la menace au sérieux cette année, si l’on en juge par la machinerie médiatique mise en œuvre pour décrédibiliser la star, avant même qu’elle n’annonce un éventuel soutien à la réélection de Joe Biden : les théories du complot vont bon train sur les réseaux sociaux, si bien relayées par <a href="https://www.youtube.com/watch?v=zK-eQswZxMA">Fox News et Newsmax</a> qu’un tiers des conservateurs y <a href="https://www.monmouth.edu/polling-institute/documents/monmouthpoll_us_021424.pdf/">souscrivent selon un sondage publié le 14 février</a>. La chanteuse, aux ordres de « l’État profond » (deep state), serait un <a href="https://www.politico.com/news/2024/01/10/pentagon-taylor-swift-fox-00134866">agent du Pentagone</a> formé aux techniques de manipulation psychologique. L’ancien candidat à la primaire républicaine Vivek Ramaswamy a même suggéré que le <a href="https://www.cbsnews.com/news/taylor-swift-travis-kelce-conspiracy-theories-chiefs-super-bowl/">couple qu’elle forme avec Travis Kelce aurait été créé de toutes pièces</a> pour gagner le vote des fans de football américain : la pop star était même censée déclarer son soutien à Biden lors de la <a href="https://www.wsj.com/us-news/taylor-swift-travis-kelce-super-bowl-false-conspiracy-theories-d3d21321">victoire « arrangée », bien sûr, des Kansas City Chiefs au Super Bowl</a>. La prophétie ne s’est cependant pas réalisée quand <a href="https://www.nytimes.com/2024/02/11/style/taylor-swift-super-bowl.html">l’équipe de Kelce a remporté le tournoi le 11 février</a>.</p>
<p>Ce jour-là en revanche, dans un geste d’une rare mesure, Trump s’est démarqué des élucubrations complotistes de son camp en démontrant par A plus B que Taylor Swift <a href="https://www.rollingstone.com/politics/politics-news/trump-says-taylor-swift-wont-endorse-biden-1234966286/">devrait logiquement lui apporter son soutien</a> puisque, sans lui, le <a href="https://blogs.loc.gov/copyright/2020/04/the-breakdown-what-songwriters-need-to-know-about-the-music-modernization-act-and-royalty-payments/">Music Modernization Act</a> ne serait jamais passé. Certes, Trump a bien signé en 2018 cette loi qui permet aux artistes de récolter plus facilement les revenus générés par leurs œuvres sur les plates-formes de streaming et de téléchargement, mais elle a été adoptée avec un large soutien bipartisan dans un pays, rappelons-le, où existe encore la séparation des pouvoirs et où <a href="https://variety.com/2024/music/news/trump-did-nothing-on-music-modernization-taylor-swift-1235907368/">l’exécutif ne peut s’arroger l’action du législatif</a>.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, on voit mal comment la chanteuse, défenseuse des droits des <a href="https://www.rollingstone.com/music/music-news/taylor-swift-pride-month-eras-tour-chicago-1234746863/">minorités sexuelles</a> et <a href="https://twitter.com/taylorswift13/status/1270432961591205888">ethniques</a>, et attachée au <a href="https://twitter.com/taylorswift13/status/1540382753677627393">droit à l’avortement</a>, pourrait, si elle décidait de s’exprimer sur les élections, ne pas apporter son soutien au ticket Biden-Harris <a href="https://www.nbcnews.com/politics/2020-election/taylor-swift-endorses-joe-biden-president-n1242483">comme elle l’avait fait en 2020</a>. La question reste de savoir si elle a bien, comme le pense la droite américaine, le pouvoir d’apporter la victoire aux Démocrates. Plusieurs études portant sur l’influence des pop stars sur les élections et sur la démographie des « Swifties » permettent d’avancer une réponse.</p>
<h2>Une influence plus quantitative que qualitative</h2>
<p>Tout d’abord, de quel type d’influence parle-t-on ? L’effet Taylor Swift sur les élections pourrait être quantitatif ou qualitatif, c’est-à-dire porter sur la participation ou sur le choix des électeurs. Pour ce qui est du quantitatif, c’est en bonne voie : en septembre dernier, lors du <a href="https://nationalvoterregistrationday.org/">National Voter Registration Day</a> (journée nationale pour promouvoir l’inscription sur les listes électorales, à laquelle <a href="https://www.politico.com/story/2012/11/celebs-get-political-to-spice-up-2012-083309">participent de nombreuses célébrités</a> depuis sa création en 2012), le site vote.org a enregistré une activité record <a href="https://www.npr.org/2023/09/22/1201183160/taylor-swift-instagram-voter-registration">suite à une story Instagram</a> de la chanteuse : <a href="https://www.usatoday.com/story/entertainment/celebrities/2023/09/22/taylor-swift-register-to-vote/70928578007/">35 000 inscriptions de plus qu’en 2022</a>, soit une hausse de 25 % et même de 115 % si on se limite aux personnes de 18 ans. Il faut comprendre qu’aux États-Unis, <a href="https://www.usa.gov/voter-registration-deadlines">on doit se réinscrire sur les listes à chaque élection</a> (à part dans le Dakota du Nord). La présidente de vote.org a précisé sur X que <a href="https://x.com/AndreaEHailey/status/1749475931838640391">80 % des inscriptions sur la plate-forme étaient suivies d’un vote</a>, aussi ces chiffres devraient se répercuter sur la participation en novembre.</p>
<p>Pour ce qui est du qualitatif, la hausse de la participation des Swifties devrait principalement récompenser les Démocrates : c’est l’affiliation politique que revendiquaient 55 % des fans <a href="https://pro.morningconsult.com/instant-intel/taylor-swift-fandom-demographic">dans une étude datant de mars 2023</a>, ce qui n’est pas très surprenant, car la majorité des Swifties sont jeunes (la moitié sont des milléniaux et 10 % appartiennent à la Génération X) – partie de l’électorat qui a tendance à voter à gauche – mais aussi parce que les prises de position de la chanteuse ont <a href="https://fortune.com/2018/10/09/taylor-swift-burn-merchandise-instagram-protests/">déjà fait le tri parmi ses auditeurs</a> depuis 2018. Cependant, si l’on en croit une étude de février 2024 menée par le même institut, <a href="https://pro.morningconsult.com/analysis/taylor-swift-biden-endorsement-2024-polling">64 % de Swifties ont l’intention de voter pour Biden</a>, ce qui suggère que la chanteuse a pu convaincre une partie des 45 % restants de fans qui se répartissaient en 2023 <a href="https://pro.morningconsult.com/instant-intel/taylor-swift-fandom-demographic">équitablement entre Républicains et indépendants</a>. La campagne n’étant pas finie, il est possible que ce nombre augmente, la conversion d’auditeurs non démocrates étant facilitée par le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/15456870.2019.1704758">haut niveau d’attachement parasocial des fans de Taylor Swift</a>, en qui ils tendent à avoir une <a href="https://journal.transformativeworks.org/index.php/twc/article/view/1843">confiance à toute épreuve</a>.</p>
<p>Il n’empêche que, quand bien même Taylor Swift réussirait à mobiliser ses fans démocrates ou à convertir de nouveaux électeurs au vote Biden, elle n’aurait d’impact sur le résultat final des élections que si cette magie opérait dans les <em>swing states</em>, ceux qui ne sont pas déjà acquis à un parti. <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/10/29/quel-est-le-role-des-grands-electeurs-dans-l-election-americaine-comment-sont-ils-designes_6057747_4355770.html">L’élection présidentielle états-unienne</a> est la somme de 50 élections (une par État) où le candidat qui reçoit la majorité simple des suffrages remporte la totalité des grands électeurs de l’État (c’est le système dit <a href="https://ballotpedia.org/Winner-take-all">« winner-take-all »</a>. Une augmentation numérique des votes pour Biden n’aurait aucune répercussion si elle se concentrait dans les États traditionnellement démocrates, comme la Californie ou l’État de New York.</p>
<h2>Manque d’études fiables</h2>
<p>Cependant, peu d’études fiables ont été réalisées sur la répartition géographique des Swifties. <a href="https://www.msn.com/en-us/music/news/ohio-has-most-swifties-in-country-according-to-new-report/ar-AA1dzI9K">Une étude BetOnline sortie en juillet 2023</a> a analysé sur une période de 30 jours tous les tweets géolocalisés contenant un message positif sur Taylor Swift. Ses résultats, limités, ont identifié les États dans lesquels se trouvait la majorité des Swifties actifs sur X. Or, dans le top 10, on ne compte qu’un seul des six <em>swing states</em> susceptibles de déterminer l’élection <a href="https://thehill.com/opinion/campaign/3870203-these-6-states-will-determine-the-2024-presidential-election/">selon le site The Hill</a> : le Michigan. Malgré tout, rien n’exclut que des Swifties moins actifs sur les réseaux sociaux ne se mobilisent dans d’autres États clés où les résultats seraient serrés, comme ce fut le cas en 2020 en Arizona et en Géorgie, où Biden n’avait obtenu que 10 000 voix de plus que Trump.</p>
<p>Si l’influence quantitative de Taylor Swift sur les élections américaines semble d’ores et déjà indéniable, il faudra donc attendre le résultat d’études plus précises, et peut-être même celui des élections elles-mêmes, pour savoir si elle peut peser sur le résultat des votes. Reste que son implication dans la campagne aura eu, quoi qu’il arrive, un impact sur les préoccupations du Congrès : l’offensive conservatrice anti-Swift s’étant traduite par la <a href="https://www.nytimes.com/2024/01/26/arts/music/taylor-swift-ai-fake-images.html">circulation d’images pornographiques de la star générées par l’intelligence artificielle</a> (deepfakes) sur le réseau X (ex-Twitter), un groupe bipartisan de députés américains a présenté un projet de loi visant à criminaliser de telles pratiques dans tout le pays, initiative copiée au niveau des États, dont le Missouri, où le titre de la loi sera le <a href="https://www.kttn.com/taylor-swift-act-will-protect-against-unauthorized-deepfake-images/">« Taylor Swift Act »</a>.</p>
<p>De quoi faire d’ores et déjà de l’élection présidentielle 2024 la <a href="https://www.today.com/popculture/music/taylors-version-meaning-swift-rerecording-albums-rcna98513">« version de Taylor »</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224015/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elsa Grassy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Taylor Swift a-t-elle le pouvoir d’apporter la victoire aux démocrates lors de l'élection présidentielle, comme le pense la droite américaine ?Elsa Grassy, Maîtresse de conférences en études états-uniennes, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2229162024-02-12T16:11:20Z2024-02-12T16:11:20ZPourquoi tant d’Américains croient-ils que la présidentielle a été « volée » à Donald Trump en 2020 ?<p>La campagne présidentielle américaine 2024, qui a débuté avec les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2024/02/04/presidentielle-americaine-2024-joe-biden-remporte-aisement-la-primaire-democrate-de-caroline-du-sud_6214634_3210.html">primaires démocrates</a> et, surtout, <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2024/02/06/dans-le-nevada-primaires-et-caucus-en-ordre-disperse-chez-les-republicains_6215004_3210.html">républicaines</a>, est déjà historique à plus d’un titre.</p>
<p>Pour la première fois de l’histoire des États-Unis, un candidat, Donald Trump, de surcroît ancien président, brigue la Maison Blanche alors même qu’il est visé par de <a href="https://www.ledevoir.com/monde/etats-unis/804860/etats-unis-91-chefs-accusation-dessus-presidentielle-singuliere">multiples inculpations</a> et a été reconnu coupable d’<a href="https://fr.euronews.com/2023/05/10/donald-trump-reconnu-coupable-dagression-sexuelle">agression sexuelle</a> (un <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2023/07/19/trump-carroll-judge-rape/">viol</a> en réalité).</p>
<p>Plus grave encore : après sa défaite de novembre 2020, Trump a tenté d’empêcher le transfert démocratique du pouvoir en <a href="https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20220610-l-assaut-du-capitole-%C3%A9tait-une-tentative-de-coup-d-%C3%A9tat-et-encourag%C3%A9e-par-trump-dit-une-enqu%C3%AAte">encourageant ses partisans à s’opposer par la violence à l’investiture de son successeur</a>, et continue à ce jour <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20220613-d%C3%A9tach%C3%A9-de-la-r%C3%A9alit%C3%A9-donald-trump-s-est-accroch%C3%A9-au-mythe-de-l-%C3%A9lection-vol%C3%A9e">d’affirmer qu’il a, de fait, remporté l’élection</a>.</p>
<p>Il n’y a <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2103619118">aucune preuve</a> de fraudes dont l’existence aurait pu changer le résultat, et tous les recours légaux de l’ancien président ont <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Post-election_lawsuits_related_to_the_2020_U.S._presidential_election">été rejetés, car sans objet, ou perdus, après des audiences sur le fond</a>. Pourtant, <a href="https://www.washingtonpost.com/dc-md-va/2024/01/02/jan-6-poll-post-trump/">près de 3 Américains sur 10 – et deux tiers des sympathisants républicains</a> – continuent de croire que l’élection <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4318153">a bel et bien été volée à Trump</a>. Selon eux, des fraudes massives auraient été mises en œuvre dans certains États (faux électeurs, machines à voter truquées, etc.) avec la bénédiction des fonctionnaires chargés du bon déroulement des élections et de juges peu scrupuleux.</p>
<h2>L’obsession du complot</h2>
<p>Pour ses partisans, Trump est une nouvelle fois <a href="https://www.politico.com/news/2023/03/31/donald-trump-indictment-00090001">victime d’une « chasse aux sorcières »</a> (tout comme lors des <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20210113-en-direct-la-chambre-des-repr%C3%A9sentants-vote-une-proc%C3%A9dure-de-destitution-du-pr%C3%A9sident-donald-trump">deux procédures de destitution</a> auxquelles il a été confronté à la fin de son mandat), parce qu’il s’est attaqué à un système corrompu.</p>
<p>Loin de lui nuire, ses ennuis judiciaires lui ont, en fait, permis de <a href="https://time.com/6555904/donald-trump-gop-primary-2024/">récolter des millions de dollars</a> pour financer sa campagne et <a href="https://www.pbs.org/newshour/politics/trump-political-committee-has-spent-more-than-40-million-on-lawyers-fees-as-his-legal-peril-mounts">payer ses avocats</a>, et de <a href="https://projects.fivethirtyeight.com/polls/president-primary-r/2024/national/">monter dans les sondages</a> dans le cadre des primaires républicaines. Aujourd’hui, il est en passe de devenir le candidat du parti républicain à l’élection de novembre 2024.</p>
<p>Comment expliquer que plusieurs dizaines de millions d’Américains continuent d’adhérer à ce récit de l’élection volée, alors que <a href="https://www.brennancenter.org/sites/default/files/analysis/Briefing_Memo_Debunking_Voter_Fraud_Myth.pdf">toutes les études</a> en ont démontré le caractère mensonger ?</p>
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<p>Il s’agit là d’une croyance de masse de <a href="https://www.researchgate.net/publication/355068117_The_Rise_of_Presidential_Eschatology_Conspiracy_Theories_Religion_and_the_January_6th_Insurrection">type complotiste</a>, à savoir un contre-récit non vérifié qui remet en question l’explication officielle et s’appuie sur l’idée qu’il existe des acteurs puissants et malveillants qui agissent dans l’ombre. Ce qui caractérise les États-Unis n’est pas forcément que leur population croit davantage aux théories du complot que d’autres peuples (on peut le constater <a href="https://www.researchgate.net/publication/352490730_Why_are_conspiracy_theories_more_successful_in_some_countries_than_in_others_An_exploratory_study_on_Internet_users_from_22_Western_and_non-Western_countries">ici</a>, ou <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0032321720972616">ici</a>), mais plutôt qu’une grande partie de leur classe politique et médiatique est prête à accepter, exploiter et organiser la pensée complotiste pour en tirer bénéfice.</p>
<p>En 1964 déjà, l’historien Richard Hofstadter ciblait, dans un <a href="https://harpers.org/archive/1964/11/the-paranoid-style-in-american-politics/">article devenu célèbre</a>, l’obsession de la droite américaine pour le complot communiste pendant le maccarthysme. Le christianisme a alors fusionné avec le nationalisme, devenant un élément central de l’identité américaine par opposition à celle d’un bloc communiste athée. Ce fut l’un des facteurs de l’émergence de la droite chrétienne dans les années 1970. Le récit politique d’une lutte universelle entre le Bien et le Mal devient alors un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1460-2466.2006.00021.x">thème incontournable des discours présidentiels</a>.</p>
<h2>La suspicion au cœur de la guerre culturelle</h2>
<p>Au début des années 1990, avec la fin de la guerre froide, ce récit binaire, <a href="https://www.vox.com/policy-and-politics/2020/7/9/21291493/donald-trump-evangelical-christians-kristin-kobes-du-mez">rappelle l’historienne Kristin Kobes Du Mez</a>, a été adapté à la <a href="https://iasculture.org/research/publications/culture-wars-struggle-define-america">« guerre culturelle »</a> opposant progressistes et fondamentalistes religieux sur les questions morales et sociétales comme l’avortement ou la sexualité.</p>
<p>Il s’agit d'un récit de décadence qui identifie toute opposition politique à un « ennemi » mettant en péril les fondements moraux de la nation. Il a été alimenté par un sentiment d'impuissance et d'humiliation à la suite des attaques du 11 septembre 2001, de la crise financière de 2008 et de 20 ans de « guerre contre la terreur » sans victoire tangible. Le <a href="https://academic.oup.com/socrel/article/81/3/272/5836966">ressentiment racial</a>, lié à l’évolution démographique et illustré par le <a href="https://www.prri.org/spotlight/replacement-theory-is-not-a-fringe-theory/">récit du Grand Remplacement</a>, et la crise du Covid, ont accentué la défiance envers l’État (le <a href="https://theconversation.com/demons-of-the-deep-state-how-evangelicals-and-conspiracy-theories-combine-in-trumps-america-144898"><em>Deep State</em>, perçu comme démoniaque</a>).</p>
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<p>La politisation de la religion a atteint son paroxysme avec Donald Trump, qui a utilisé le langage religieux <a href="https://www.researchgate.net/publication/331071656_The_God_Card_Strategic_Employment_of_Religious_Language_in_US_Presidential_Discourse">davantage que n’importe quel autre président</a>. À la différence de ses prédécesseurs, il a explicitement <a href="https://www.researchgate.net/publication/344337560_Thou_Art_in_a_Deal_The_Evolution_of_Religious_Language_in_the_Public_Communications_of_Donald_Trump">associé l’américanité au christianisme</a>. Il a ainsi décliné des thèmes du nationalisme chrétien, très populaires chez les évangéliques blancs qu’il courtisait. C’est, du reste, dans ce groupe religieux, que l’adhésion au mythe de l’élection volée est la <a href="https://www.prri.org/spotlight/after-three-years-and-many-indictments-the-big-lie-that-led-to-the-january-6th-insurrection-is-still-believed-by-most-republicans/">plus forte</a>.</p>
<h2>Donald Trump : Un sauveur sans foi, ni loi</h2>
<p>L’ironie est que Trump lui-même est loin d’être religieux. Ses moqueries à l’égard d’un journaliste handicapé, ses calomnies xénophobes envers les immigrés, ses appels à la violence contre ses opposants politiques et son <a href="https://edition.cnn.com/2016/10/21/politics/trump-religion-gospel/index.html">manque patent de culture religieuse</a> semblent difficilement compatibles avec l’éthique chrétienne.</p>
<p>Il n’a pas non plus hésité à mettre <a href="https://www.youtube.com/watch?v=qIHhB1ZMV_o">sur le devant de la scène</a> des groupes extrémistes, comme les <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Proud_Boys"><em>Proud Boys</em></a>, et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=GNI553Np__k">complotistes</a>, comme Q-anon. Ce dernier mouvement diffuse notamment un <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/QAnon">récit empreint de tropes évangéliques</a> liés à la fin du monde.</p>
<p>Le lien entre complotisme et nationalisme chrétien blanc est bien documenté (<a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/00027642211046557">ici</a>, <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4318153">ici</a> ou <a href="https://theconversation.com/evangelical-leaders-like-billy-graham-and-jerry-falwell-sr-have-long-talked-of-conspiracies-against-gods-chosen-those-ideas-are-finding-resonance-today-132241">ici</a>), y compris au <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/2378023120977727">sujet des vaccins</a>, ou du <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/0096340215599789">changement climatique</a>. Les évangéliques « rationalisent » tout cela en <a href="https://www.vox.com/identities/2018/3/5/16796892/trump-cyrus-christian-right-bible-cbn-evangelical-propaganda">comparant Trump à Cyrus</a>, un roi perse historique qui, dans l’Ancien Testament, ne vénérait pas le Dieu d’Israël, mais est dépeint dans Isaïe comme un instrument utilisé par Dieu pour délivrer le peuple juif.</p>
<p>Ces croyances sont le fruit d’une vision littéraliste (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mill%C3%A9narisme">« pré-millénariste »</a>) du livre de l’Apocalypse, adoptée par une majorité d’évangéliques (<a href="https://www.pewresearch.org/short-reads/2022/12/08/about-four-in-ten-u-s-adults-believe-humanity-is-living-in-the-end-times/">63 %</a>) qui pensent que l’humanité vit actuellement « la fin des temps ». </p>
<p>Cette vision du monde s’est parfaitement incarnée dans l’attaque du Capitole du 6 janvier 2021. Le leadership républicain avait là une occasion unique de condamner Donald Trump dans un procès en destitution qui aurait mis fin à toutes ses ambitions politiques. Or, malgré l’enjeu, ni le président de la Chambre des Représentants, Kevin McCarthy, ni l’influent chef des Républicains au Sénat, Mitch McConnell, n’ont voté la destitution, tout en <a href="https://www.npr.org/sections/trump-impeachment-trial-live-updates/2021/02/13/">déclarant</a> que Trump était bien <a href="https://www.npr.org/sections/trump-impeachment-effort-live-updates/2021/01/13/956452691/gop-leader-mccarthy-trump-bears-responsibility-for-violence-wont-vote-to-impeach">responsable moralement</a>. Tout comme lors du premier procès en destitution, ou des <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/False_or_misleading_statements_by_Donald_Trump">nombreux mensonges</a> de Donald Trump, y compris pendant la <a href="https://www.vox.com/2020-presidential-conventions/2020/8/25/21400657/trump-rnc-2020-coronavirus-Covid-19-pandemic">crise du Covid</a>, ils ont ainsi sacrifié une nouvelle fois la démocratie sur l’autel de leurs ambitions.</p>
<p>Résultat : le mensonge triomphe au sein du parti et devient un test de loyauté. Une <a href="https://www.nytimes.com/interactive/2022/11/09/us/politics/election-misinformation-midterms-results.html">très large majorité des nouveaux élus au Congrès en 2022</a> mettent en doute les résultats de 2020. Kevin McCarthy a été remplacé par Mike Johnson, un <a href="https://slate.com/news-and-politics/2024/01/january-6-insurrection-mike-johnson-evangelical-christian-apostolic-reformation.html">nationaliste chrétien des plus radicaux</a> et l’un des <a href="https://www.brennancenter.org/our-work/analysis-opinion/mike-johnson-now-most-powerful-election-denier-washington">architectes de la tentative d’annulation de l’élection de 2020</a>.</p>
<h2>Un mensonge généralisé et financé par de puissants intérêts</h2>
<p>Mais ce mensonge n’est pas l’expression démocratique et populiste d’un anti-élitisme de la base. Il est alimenté par des organisations nationales puissantes et bien <a href="https://www.newyorker.com/magazine/2021/08/09/the-big-money-behind-the-big-lie">financées par certains des conservateurs les plus riches du pays</a>. Le <a href="https://www.brennancenter.org/our-work/research-reports/big-donors-working-overturn-2020-election-are-backing-election-denial"><em>Brennan Center for Justice</em></a> de la faculté de droit de l’université de New York a identifié plusieurs de ces groupes tels que l’<a href="https://www.eip-ca.com/"><em>Election Integrity Project California</em></a>, <a href="https://www.freedomworks.org/issue/election-protection/"><em>FreedomWorks</em></a>, ou le <a href="https://www.honestelections.org/"><em>Honest Elections Project</em></a>.</p>
<p>Parmi ces groupes, on peut souligner le poids de la <a href="https://fedsoc.org/commentary/publications/voter-fraud-in-our-republic"><em>Federalist Society</em></a>, qui s’attaque au <a href="https://www.motherjones.com/politics/2023/12/how-leonard-leos-dark-money-network-orchestrated-a-new-attack-on-the-voting-rights-act/"><em>Voting Rights Act</em></a> (une loi de 1965 interdisant les discriminations raciales dans l’exercice du droit de vote) et a favorisé la nomination des membres les plus conservateurs de la Cour suprême.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1744856646659035466"}"></div></p>
<p>On note aussi le rôle de la <a href="https://www.heritage.org/voterfraud"><em>Heritage Foundation</em></a>, l’une des organisations conservatrices les plus puissantes et influentes, dont l’un des buts est d’utiliser le doute et la peur de la fraude électorale comme prétexte pour supprimer des électeurs sur les listes. L’un de ses fondateurs, Paul Weyrich, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=8GBAsFwPglw">déclarait en 1980</a> : ¡ Je ne veux pas que tout le monde vote. En fait, notre influence sur les élections augmente franchement au fur et à mesure que le nombre de votants diminue. »</p>
<p>Il faut ajouter à cela une <a href="https://time.com/6334985/trump-fox-news-lies-brian-stelter-essay/">stratégie médiatique de désinformation</a> utilisée par Trump et ses alliés, parfaitement résumée par Steve Bannon, l’ancien dirigeant de Breitbart News et ancien conseiller de Donald Trump : <a href="https://www.vox.com/policy-and-politics/2020/1/16/20991816/impeachment-trial-trump-bannon-misinformation">« Flood the zone with shit »</a> – littéralement, « inonder la zone de merde ». Il s’agit tout simplement de submerger la presse et le public avec tant de fausses informations et de désinformation que distinguer le vrai du faux devient cognitivement éprouvant, voire impossible.</p>
<p>Tout cela est bien sûr amplifié par l’extrême <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/U/bo27527354.html">polarisation politique, enracinée dans l’identité sociale</a>, qui se manifeste <a href="https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2018/11/why-are-americans-so-geographically-polarized/575881/">géographiquement par des préférences partisanes</a> corrélées à la densité de la population (urbain vs rural pour schématiser).</p>
<p>Impossible pour ces Républicains de croire que Joe Biden a pu être élu par une majorité : personne, autour d’eux, n’a voté démocrate. Cette polarisation physique est renforcée par une <a href="https://www.pewresearch.org/journalism/2020/01/24/u-s-media-polarization-and-the-2020-election-a-nation-divided/">polarisation médiatique</a> qui constitue une véritable bulle informationnelle. Ainsi, une majorité des Républicains ne font confiance qu’à <em>Fox News</em>, et à des journaux télévisés d’extrême droite (comme <a href="https://edition.cnn.com/2023/09/05/media/dominion-exec-oan-lawsuit-settlement/index.html"><em>One American News</em></a>) dont les animateurs sans scrupules, comme <a href="https://abcnews.go.com/Politics/fox-news-hosts-allegedly-privately-versus-air-false/story?id=97662551">Tucker Carlson</a>, ont <a href="https://www.nytimes.com/2023/02/27/business/media/fox-news-dominion-rupert-murdoch.html">cautionné les mensonges sur la fraude électorale</a>, mensonges ensuite <a href="https://www.axios.com/2022/09/19/election-misinformation-social-media-big-lie-report">amplifiés par les réseaux sociaux</a>.</p>
<h2>Bis repetita en novembre prochain ?</h2>
<p>La remise en question des résultats électoraux est une constante chez Donald Trump. Déjà, en 2012, il <a href="https://abcnews.go.com/Politics/donald-trumps-2012-election-tweetstorm-resurfaces-popular-electoral/story?id=43431536">avait qualifié la ré-élection</a> de Barack Obama de <a href="https://twitter.com/realdonaldtrump/status/266035509162303492">« véritable simulacre et parodie_ »</a>, ajoutant que « nous ne sommes pas une démocratie » et qu’il faudrait « marcher sur Washington et mettre fin à cette mascarade. »</p>
<p>Même en 2016, il avait contesté, toujours sans preuve, les résultats du caucus de l’Iowa, puis celui du vote populaire gagné par Hillary Clinton grâce, <a href="https://www.bbc.com/news/world-us-canada-38126438">selon lui</a>, à « des millions de voix illégales ». La différence entre 2020 et aujourd’hui est que Donald Trump est suivi par des millions de citoyens chauffés à blanc par une élite que le pouvoir a corrompue. Ainsi, presque un quart des citoyens (<a href="https://www.prri.org/spotlight/after-three-years-and-many-indictments-the-big-lie-that-led-to-the-january-6th-insurrection-is-still-believed-by-most-republicans/">23 %</a>) est aujourd’hui prêt à recourir à la violence pour « sauver le pays ». Quelle que soit l’issue de l’élection, on peut donc s’inquiéter de ce qui s’ensuivra, sachant que, comme à son habitude, Donald Trump <a href="https://thehill.com/homenews/campaign/3998962-trump-wont-commit-to-accepting-2024-election-results/">refuse de s’engager à reconnaître</a> le résultat de l’élection de novembre 2024 si celui-ci ne lui est pas favorable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222916/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Viala-Gaudefroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>30 % des Américains pensent que Donald Trump a été le vrai vainqueur de la dernière élection ; Ce ratio est doublé chez les électeurs républicains.Jérôme Viala-Gaudefroy, Assistant lecturer, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2216832024-02-05T15:14:07Z2024-02-05T15:14:07ZTrois raisons de ne pas qualifier l’extrême droite de populiste<p>Le terme <em>populisme</em> fait partie des plus entendus et des plus galvaudés de ces dernières années. Employé <a href="https://theconversation.com/le-populisme-un-terme-trompeur-106361">à tort et à travers</a> tant dans la presse politique que dans la littérature académique, il qualifie – le <a href="https://absp.be/article/populisme-voila-lennemi/">plus souvent de façon péjorative</a> – toutes sortes de partis et figures politiques qui n’ont pourtant rien à voir les uns avec les autres. On dit que Donald Trump est populiste alors que c’est Barack Obama qui se <a href="https://time.com/4389939/barack-obama-donald-trump-populism/">revendique</a> de la tradition populiste américaine. On le dit de <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/argentine-le-dangereux-populisme-liberal-de-javier-milei-2030695">Javier Milei</a> alors qu’il a précisément fait campagne contre le populisme argentin incarné par le péronisme. Mais sait-on seulement ce que représente, historiquement, le populisme ?</p>
<h2>Des origines démocrates et anti-oligarchiques</h2>
<p>Le premier mouvement à se revendiquer populiste émergea aux États-Unis à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. Loin des clichés contemporains sur l’anti-pluralisme fondamental du populisme, il s’agissait d’un mouvement <a href="https://www.editionstextuel.com/livre/lantipopulisme_ou_la_nouvelle_haine_de_la_democratie">défendant la démocratie</a> et les garanties constitutionnelles de la liberté contre les dérives oligarchiques du pouvoir en place. Certains de ses membres <a href="https://lavamedia.be/fr/la-longue-histoire-du-populisme/">partageaient les préjugés racistes</a> du Parti républicain et du Parti démocrate d’alors, mais l’orientation générale du mouvement était sociale et démocratique et il comportait – au contraire des autres partis – un nombre significatif d’afro-américains. Le People’s Party (Parti du peuple) qui émergea de ce mouvement essentiellement paysan finit par être absorbé par le Parti socialiste américain et par le Parti démocrate.</p>
<p>Pratiquement au même moment apparurent, en Russie, les <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782070281664-les-intellectuels-le-peuple-et-la-revolution-tome-1-histoire-du-populisme-russe-au-XIXe-si%C3%A8cle-franco-venturi/">narodniki</a>, un mouvement d’intellectuels démocrates et socialistes qui entendaient prêter leur voix à la paysannerie opprimée et s’opposer au Tsar. Dans ce mouvement, comme chez les populistes américains, on ne trouve ni anti-pluralisme, ni leader charismatique, ni opposition aux institutions représentatives. Plutôt une <a href="https://aoc.media/opinion/2022/03/01/en-russie-la-potentialite-emancipatrice-du-peuple/">forme d’anti-oligarchisme au nom du peuple et de la démocratie</a>. Ce mouvement finira par se diviser entre une aile libérale et une aile socialiste qui, après s’être convertie au marxisme, fonda la social-démocratie russe. Les deux ailes restèrent attachées aux libertés démocratiques.</p>
<h2>Les dérives d’un concept</h2>
<p>Alors comment se fait-il que le terme <em>populiste</em>, revendiqué par ces deux mouvements, ait pu dériver au point de qualifier aujourd’hui tout ce qu’ils auraient rejeté – notamment l’autoritarisme oligarchique de Donald Trump et de Vladimir Poutine, ces nouveaux Tsars ?</p>
<p>La distance historique et le manque de documentation ont peut-être joué un rôle dans le cas du populisme russe, mais certainement pas dans le cas du populisme américain, qui est très bien documenté. Nous avons donc développé <a href="https://www.researchgate.net/publication/377001107_Populism_and_democracy_a_reassessment">trois hypothèses explicatives</a>.</p>
<p>Un premier moment de la <a href="http://www.populismus.gr/wp-content/uploads/2016/07/WP3-jaeger-final-upload.pdf">dérive sémantique</a> fut la réinterprétation du populisme américain par plusieurs politistes, dans les années 1950, comme la préfiguration du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Maccarthysme">maccarthysme</a> ou même du fascisme. Ces réinterprétations ont depuis été remises en cause par les historiens, qui soulignent aujourd’hui le <a href="https://www.editionstextuel.com/livre/lantipopulisme_ou_la_nouvelle_haine_de_la_democratie">caractère profondément démocratique du populisme américain</a>, qui visait à renforcer la démocratie représentative et non à l’affaiblir.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>Une deuxième étape, plus décisive, fut l’application du terme <em>populisme</em> à des régimes latino-américains – principalement le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9ronisme">péronisme</a> en Argentine – par des auteurs comme le sociologue <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/mono/10.4324/9780429336072/authoritarianism-fascism-national-populism-gino-germani">Gino Germani</a>. Le terme a été appliqué de l’extérieur, car ces régimes, contrairement aux exemples américain et russe, ne se qualifiaient pas eux-mêmes de populistes. En qualifiant le péronisme de « national-populiste », Germani voulait marquer la différence entre le péronisme et des formes de nationalisme qui n’avaient pas sa dimension sociale-égalitaire (à côté de sa dimension autoritaire). Mais le résultat est que le mot populisme fut associé de ce fait aux autres caractéristiques du péronisme (ses aspects nationaliste et autoritaire) qu’il ne visait pourtant pas à désigner.</p>
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<p>Un troisième moment, d’une plus grande ampleur politique, a été celui des années 1980. En France, en Italie et en Autriche tout d’abord, les partis d’extrême droite ont remporté leurs premiers grands succès électoraux sur le sol européen depuis la Seconde Guerre mondiale et ont donc commencé à rechercher une forme de normalisation et de respectabilité. Ces partis ont stratégiquement adopté un langage démocratique et ont donc renoncé à formuler leur nationalisme xénophobe en termes d’opposition à la démocratie parlementaire. Cela a conduit un grand nombre de commentateurs politiques à parler à leur propos de « populisme », ce qui était à bien des égards une <a href="https://editions-croquant.org/sociologie/823-le-populisme-du-fn-un-dangereux-contresens.html">erreur de dénomination</a>.</p>
<p>L’extrême droite s’est alors joyeusement emparée du terme pour mieux se légitimer comme démocratique et pour séduire la classe ouvrière. En effet, quel parti à la recherche de succès électoral refuserait d’être présenté comme défenseur du peuple ? À l’heure actuelle, de nombreuses figures de l’extrême droite internationale (Viktor Orban, Steve Bannon, Éric Zemmour) se revendiquent « populistes », entendant ainsi se montrer plus démocratiques que leurs détracteurs qui, en utilisant le terme comme arme de stigmatisation, montrent leur mépris du peuple et leur adhésion à un idéal élitiste ou technocratique incompatible avec la démocratie.</p>
<h2>Éviter le contresens</h2>
<p>On pourrait en conclure que le terme a désormais changé de sens et que c’est l’usage contemporain qui doit prédominer. Nous pensons néanmoins qu’il y a <a href="https://www.researchgate.net/publication/377001107_Populism_and_democracy_a_reassessment">de bonnes raisons</a> d’éviter de s’aligner sur l’usage aujourd’hui dominant.</p>
<p>La première, c’est que quand un concept est trop large, désigne trop de choses différentes, il n’est <a href="https://journals.openedition.org/ress/6797">plus très utile</a>. C’est le cas du concept de populisme tel qu’il est aujourd’hui utilisé. S’il désigne à la fois un mouvement égalitariste et ancré à gauche comme <a href="https://www.cairn.info/revue-du-crieur-2015-2-page-86.htm">Podemos</a> en Espagne et son opposé politique – un autoritarisme xénophobe et favorable aux plus riches, comme Donald Trump –, il n’est plus d’aucune aide. Car le seul point commun entre les deux est un vague appel au peuple qui est en fait un trait commun de la plupart des mouvements qui cherchent un soutien électoral, et un discours anti-establishment que tiennent pratiquement tous les partis d’opposition qui veulent remplacer les partis au pouvoir.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1082260768148594688"}"></div></p>
<p>La seconde, c’est qu’en s’alignant sur l’usage contemporain dominant, on en arrive à des conclusions historiquement absurdes, comme lorsque le politologue <a href="http://www.premierparallele.fr/livre/quest-ce-que-le-populisme">Jan-Werner Müller</a> doit affirmer que le mouvement populiste américain n’était pas populiste, pour préserver la définition qu’il utilise. Ou comme lorsqu’on désigne Donald Trump comme l’héritier du populisme alors que c’est Bernie Sanders (mieux qu’Obama) qui incarne la continuité avec le populisme historique.</p>
<p>La troisième raison c’est qu’on fait le jeu de l’extrême droite en l’affublant d’un terme qui lui offre un pedigree démocratique et une légitimité populaire, dissimulant ce faisant ses tendances profondément autoritaires et sa grande complaisance à l’égard des plus fortunés, à rebours de l’anti-oligarchisme démocratique des populismes historiques.</p>
<h2>Retrouver le populisme sans l’idéaliser</h2>
<p>Contre cet usage dominant, <a href="https://www.researchgate.net/publication/377001107_Populism_and_democracy_a_reassessment">nous suggérons</a> de préserver le terme <em>populiste</em> pour qualifier des mouvements politiques qui ont un agenda égalitaire ou démocratique, entendent défendre les classes les plus défavorisées contre des captations oligarchiques de la démocratie, et qui plutôt que de s’appuyer sur une idéologie bien définie comme le socialisme par exemple, en appellent au sens commun démocratique.</p>
<p>Reposant sur une idéologie très fine, le populisme peut prendre différentes formes. Il n’offre en effet pas une vision claire de ce que serait une société juste ou une démocratie idéale. Selon les contextes dans lesquels ils émergent, les mouvements populistes peuvent donc entretenir différents types de rapports aux institutions politiques. Dans des systèmes politiques sclérosés où les partis politiques sont déconnectés de leurs électeurs, les populistes sont très susceptibles de dénoncer les institutions représentatives existantes, mais plus par attachement à la démocratie populaire que par anti-pluralisme.</p>
<p>Le populisme bien défini n’est donc <a href="https://theconversation.com/le-populisme-est-il-vraiment-un-risque-politique-pour-les-democraties-87013">pas une menace pour la démocratie</a> – mais cela ne veut pas dire non plus que ce soit nécessairement la solution la plus prometteuse ! En particulier, dans le contexte européen contemporain, où la crise de la démocratie représentative se marque dans le déclin des corps intermédiaires (partis et syndicats) qui assuraient le lien continu entre les groupes sociaux et l’État, la difficulté des mouvements populistes à reconstruire ces canaux de médiation de façon durable constitue un écueil fondamental du point de vue démocratique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221683/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Etienne Vandamme a reçu des financements du FWO (Research Foundation - Flanders).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Arthur Borriello et Jean-Yves Pranchère ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Employé avec largesse, le terme « populisme » est associé à des partis et figures politiques n’ayant rien à voir les uns avec les autres. Mais alors, qu’est-ce donc que le populisme ?Pierre-Etienne Vandamme, Chercheur en théorie politique, KU LeuvenArthur Borriello, Professor, Université de NamurJean-Yves Pranchère, Professeur, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2221402024-01-29T16:59:28Z2024-01-29T16:59:28ZAtmosphère politique aux États-Unis : voici ce qu’on peut apprendre de l’Allemagne de l’entre-deux-guerres<p>« Ce sera la fin de la démocratie. » Telle est la réponse cinglante que le sénateur américain Bernie <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2024/jan/13/end-of-democracy-bernie-sanders-on-if-trump-wins-and-how-to-stop-him">a servi au <em>Guardian</em> qui lui demandait ce qui se passerait</a> en cas de victoire électorale de Donald Trump en 2025.</p>
<p><em>Le professeur David Dyzenhaus livrera ses réflexions sur la politique et l’état de droit lors d’un entretien avec Scott White, rédacteur en chef de La Conversation Canada. <a href="https://go.b2b-2go.com/fr/crsh2024/user/nouveau/adresse-courriel/">Cliquez ici</a> pour vous inscrire gratuitement à l’événement.</em></p>
<p>Notre défi, a-t-il expliqué, « sera de démontrer au peuple qu’un gouvernement démocratique peut répondre à leurs besoins essentiels. Si nous y parvenons, nous vaincrons Trump. Si nous échouons, alors ce sera la République de Weimar ».</p>
<p>Bernie Sanders fait allusion aux dernières années de la première expérience démocratique de l’Allemagne qui a vu la montée en puissance du futur dictateur dans un climat d’extrême polarisation politique et de grogne sociale.</p>
<p>Si ce rapprochement est juste pour la plupart des démocraties occidentales, le sénateur se trompe sur un point : les États-Unis sont déjà bien engagés dans ce qui ressemble au crépuscule de la République de Weimar.</p>
<p>En tant <a href="https://www.law.utoronto.ca/faculty-staff/full-time-faculty/david-dyzenhaus">que spécialiste du droit, en particulier de l’État de droit</a>, j’étudie la nature du droit et sa relation avec le politique. <a href="https://academic.oup.com/book/2553?login=false">Auteur d’un ouvrage sur ces questions dans l’Allemagne préhitlérienne</a>, je suis d’avis que cette période éclaire de manière pertinente ce qui se passe aux États-Unis et dans d’autres démocraties occidentales (y compris au <a href="https://www.law.utoronto.ca/news/demise-rule-law-in-canada-professor-david-dyzenhaus-lawyers-daily">Canada</a>).</p>
<h2>Polarisation dans l’entre-deux-guerres</h2>
<p>Naturellement, il y a quelques différences importantes.</p>
<p>En Allemagne, la principale ligne de fracture de la polarisation politique opposait l’extrême droite, dominée par le parti nazi, et une extrême gauche communiste. Or, ces deux partis se sont présentés aux élections dans l’intention expresse de détruire la démocratie.</p>
<p>Aux États-Unis, la principale ligne de faille oppose les démocrates et les groupes d’extrême droite qui dominent le parti républicain de Trump.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/571267/original/file-20240124-17-ghk9c5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une femme et un homme lisent une affiche collée sur un poteau" src="https://images.theconversation.com/files/571267/original/file-20240124-17-ghk9c5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571267/original/file-20240124-17-ghk9c5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=482&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571267/original/file-20240124-17-ghk9c5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=482&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571267/original/file-20240124-17-ghk9c5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=482&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571267/original/file-20240124-17-ghk9c5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571267/original/file-20240124-17-ghk9c5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571267/original/file-20240124-17-ghk9c5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Des Berlinois lisant le décret sur les pouvoirs d’exception de 1932.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Lorsque Hitler arrache tous les leviers du pouvoir, la <a href="https://www.bundestag.de/fr/parlement/histoire/weimar-200700">République de Weimar</a> n’existait que depuis 14 ans. Et un article de sa constitution, le 48<sup>e</sup>, qui permettait au président de contourner le parlement en situation d’urgence, lui a ouvert un véritable boulevard.</p>
<h2>La résilience de la Constitution américaine</h2>
<p>En revanche, la Constitution américaine date de 1789, ce qui en fait la constitution la plus ancienne de la plus vieille démocratie moderne. Elle a montré sa résilience le 6 janvier 2021 lorsque Trump et ses partisans, refusant leur défaite contre Joe Biden aux élections de 2020, ont échoué dans leur tentative de prendre le pouvoir par la force.</p>
<p><a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/BRIE/2018/628309/EPRS_BRI(2018)628309_FR.pdf">Konrad Adenauer</a>, premier président de l’Allemagne de l’Ouest dans l’après-guerre, a dit un jour que le problème de Weimar n’avait pas été sa constitution, mais les rangs éclaircis des véritables partisans de la démocratie parmi les politiciens, les juges, les avocats et d’autres figures d’autorité susceptibles de la défendre.</p>
<p>Et en effet, en 2021, lors de la tentative d’insurrection trumpiste, c’est bien la foi démocratique d’une poignée de personnages qui s’est effectivement interposée et qui a permis l’entrée en fonction de Biden. Les juges nommés par les républicains ont rejeté les tentatives de Trump de contester certaines élections ; les responsables électoraux républicains qui ont résisté aux pressions exercées pour truquer les votes dans leurs circonscriptions ; et le vice-président Mike Pence, même s’il a <a href="https://nymag.com/intelligencer/2021/09/dan-quayle-convinced-mike-pence-to-reject-trumps-coup.html">vacillé jusqu’à la dernière minute</a>, a finalement refusé de jouer le jeu de la sédition.</p>
<p>Mais l’analogie entre la République de Weimar et les États-Unis demeure valide parce que c’est exactement ainsi que les démocrates allemands ont su résister jusqu’à la fin de l’année 1932.</p>
<p>Dans des situations extrêmes, le rôle des avocats et des tribunaux peut donc être crucial.</p>
<h2>Un coup d’État annonciateur</h2>
<p>En 1932, le gouvernement fédéral allemand — dominé par des aristocrates de droite — a utilisé les pouvoirs d’urgence prévus par l’article 48 de la constitution pour remplacer le gouvernement de l’État libre de Prusse, l’un des 39 Länder de la fédération allemande.</p>
<p>Ce faisant, <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/american-political-science-review/article/abs/legal-theory-in-the-collapse-of-weimar-contemporary-lessons/5B0A1534B72EB5BBA186C523F7836412">ce coup d’État légal</a> a effectivement anéanti le principal bastion de résistance démocratique aux forces d’extrême droite de l’époque.</p>
<p>Au lieu de livrer une résistance armée qu’il ne pouvait pas gagner, estimait-on, ce gouvernement prussien de tendance a plutôt opté pour la contestation juridique. Or, la constitution de la République de Weimar avait justement créé une cour spéciale, la Staatsgerichtshof, ayant justement pour vocation de résoudre les litiges constitutionnels entre le niveau fédéral et les 39 Länder fédérés.</p>
<p>Après avoir entendu les arguments oraux entre le 10 et le 17 octobre 1932, le tribunal s’est arrangé pour confirmer le décret dans un jugement rendu le 25 octobre.</p>
<p><a href="https://aeon.co/essays/carl-schmitts-legal-theory-legitimises-the-rule-of-the-strongman">Cette décision juridique est considérée comme un point tournant vers la prise de pouvoir d’Hitler en 1933</a>, qui s’est alors placé au-dessus des lois en s’érigeant lui-même comme l’ultime autorité légale.</p>
<h2>Un juriste nazi toujours admiré</h2>
<p>Parmi les juristes éminents qui se sont opposés dans ce débat, il faut mentionner la figure <a href="https://www.jstor.org/stable/23735189">Carl Schmitt</a>, théoricien fasciste du droit qui représentait le gouvernement fédéral dans l’affaire de la Prusse avant de joindre le parti nazi après 1933.</p>
<p>Tout au long de sa carrière, Schmitt a résolument utilisé l’argumentaire juridique pour saper les bases de la démocratie. De nos jours, à l’instar de plusieurs autres grandes figures conservatrices de la République de Weimar, Schmitt est un <a href="https://www.nybooks.com/online/2020/01/15/william-barr-the-carl-schmitt-of-our-time/">maître à penser</a> parmi la coterie d’avocats d’extrême droite qui ont téléguidé la tentative de coup d’État de Trump en janvier 2021.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/571266/original/file-20240124-29-wxuqg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un homme figure sur la couverture d’une ancienne revue académique" src="https://images.theconversation.com/files/571266/original/file-20240124-29-wxuqg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571266/original/file-20240124-29-wxuqg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=779&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571266/original/file-20240124-29-wxuqg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=779&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571266/original/file-20240124-29-wxuqg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=779&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571266/original/file-20240124-29-wxuqg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=979&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571266/original/file-20240124-29-wxuqg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=979&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571266/original/file-20240124-29-wxuqg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=979&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’avocat Carl Schmitt en une de la revue Der Wirtschafts-Ring (L’Anneau économique) en 1934.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>La Cour suprême des États-Unis doit bientôt se prononcer sur <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20231223-la-cour-supr%C3%AAme-des-%C3%A9tats-unis-refuse-de-trancher-en-urgence-sur-l-immunit%C3%A9-pr%C3%A9sidentielle-de-trump">plusieurs affaires</a> impliquant Donald Trump contre l’état de droit. L’enjeu ne se conjugue pas qu’au passé : l’ex-président a laissé entendre que, s’il était réélu, il pourrait utiliser la <a href="https://www.telos-eu.com/fr/le-crepuscule-de-la-democratie-americaine.html">Loi sur l’insurrection</a> pour réprimer toute manifestation politique.</p>
<p>Les décisions de la Cour suprême sur les affaires impliquant l’autorité légale de Trump pourraient donc avoir des conséquences aussi importantes pour l’avenir de la démocratie américaine que celle de la Staatsgerichtshof en 1932.</p>
<p>Or, la majorité de juges de la Cour suprême est constituée de conservateurs tels Clarence Thomas. Et <a href="https://www.letemps.ch/monde/ameriques/femme-dun-juge-cour-supreme-coeur-dun-scandale-aux-etatsunis">l’épouse de ce dernier a même joué un rôle dans la tentative de Donald Trump pour renverser sa défaite électorale</a>. Un bien mauvais présage pour la démocratie et l’État de droit aux États-Unis.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222140/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Dyzenhaus reçoit un financement du CRSH pour des projets de recherche connexes.</span></em></p>Dans l’Allemagne de l’entre-deux-guerres, la montée au pouvoir d’Adolf Hitler a été facilitée par les tribunaux et les avocats. Une situation similaire existe aujourd’hui aux États-Unis.David Dyzenhaus, Professor of Law and Philosophy, University of TorontoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2204392024-01-08T17:05:52Z2024-01-08T17:05:52ZLa Cour suprême va-t-elle déterminer l’issue de la présidentielle américaine ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568006/original/file-20240105-19-bvrl90.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C1497%2C990&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les neuf membres actuels de la Cour suprême. Au premier rang, de gauche à droite : Sonia Sotomayor, Clarence Thomas, John G. Roberts, Jr, Samuel A. Alito, Jr, et Elena Kagan. Au deuxième rang, de gauche à droite : Amy Coney Barrett, Neil M. Gorsuch, Brett M. Kavanaugh et Ketanji Brown Jackson.</span> <span class="attribution"><span class="source">Fred Schilling, Collection of the Supreme Court of the United States</span></span></figcaption></figure><p>La Cour suprême, composée de neuf juges désignés à vie, a toujours été un pouvoir politique aux États-Unis, en raison du <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/presentation-de-la-cour-supreme-des-etats-unis">mode de nomination des juges</a> et de sa place au sommet de la pyramide judiciaire fédérale. Dans son histoire, et particulièrement au cours des dernières décennies, elle a régulièrement été accusée de rendre des décisions partisanes. Ainsi, par l’arrêt <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/bush-contre-gore-trois-mauvais-coups-portes-a-la-constitution-a-la-cour-et-a-la-democratie"><em>Bush v. Gore</em> en 2000</a>, elle a ordonné la fin du recomptage des voix en Floride, accordant <em>de facto</em> la présidence à George W. Bush alors que l’écart entre les deux candidats dans cet État était de quelques centaines de voix et que la victoire de Gore semblait encore possible.</p>
<p>Depuis que le conservateur John Roberts est devenu président de la Cour en 2006, celle-ci a notamment <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2010/01/21/etats-unis-les-entreprises-peuvent-a-nouveau-financer-les-campagnes-electorales_1295123_3222.html">dérégulé les financements électoraux en 2010</a> et invalidé les <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2013/06/25/la-cour-supreme-invalide-une-partie-de-la-loi-electorale-contre-la-segregation_3436470_3222.html">dispositions anti-discrimination de la loi sur le droit de vote en 2013</a>. Et l’influence des conservateurs pourrait peser sur l’issue de la campagne présidentielle de cette année.</p>
<p>Non seulement la majorité dite conservatrice compte depuis 2020 six juges nommés par des présidents républicains, mais ce ne sont pas les mêmes qu’avant 2006 : à deux centristes modérés – Sandra Day O’ Connor et Anthony Kennedy, qui ont parfois voté avec les progressistes (sur le droit à l’avortement ou les droits des homosexuels) – ont succédé de purs produits de la <a href="https://www.lepoint.fr/monde/l-organisation-secrete-qui-noyaute-la-justice-americaine-09-02-2020-2361856_24.php"><em>Federalist Society</em></a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/etats-unis-limpact-de-loriginalisme-des-juges-conservateurs-a-la-cour-supreme-150328">États-Unis : l’impact de l’originalisme des juges conservateurs à la Cour suprême</a>
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<p>Cette association, devenue puissant lobby doté de ressources financières considérables, a été créée en 1982 afin de mettre fin à ce que les conservateurs appelaient la dérive gauchiste des juridictions fédérales et de la Cour suprême. Depuis les années 2000, les membres de la <em>Federalist Society</em> sont présents dans les facultés de droit, dans l’administration et, de plus en plus, dans les juridictions fédérales. Les trois juges suprêmes nommés par Donald Trump (Neil Gorsuch, Brett Kavanaugh et Amy Coney Barrett) ont été pré-sélectionnés par elle et son dirigeant Leonard Leo.</p>
<h2>Trump intouchable ou inéligible ?</h2>
<p>En cette année électorale, la plus importante des affaires hautement sensibles sur lesquelles la Cour suprême va sans doute devoir se prononcer a trait à l’immunité de l’ancien président Donald Trump, invoquée par ses avocats pour tenter de le faire échapper au procès pénal qui fait suite à sa <a href="https://edition.cnn.com/interactive/2023/08/politics/annotated-text-copy-trump-indictment-dg/">mise en examen le 1<sup>er</sup> août 2023</a> au niveau fédéral par un jury de la capitale fédérale et le procureur spécial Jack Smith.</p>
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<p>Les chefs d’inculpation – obstruction et atteinte au droit de vote de millions d’électeurs – sont liés aux tentatives de Trump visant à inverser le résultat de l’élection de 2020. Mais l’incitation à l’insurrection (du 6 janvier 2021) n’a pas été retenue par le procureur spécial, sans doute parce qu’il n’est pas assuré d’obtenir une condamnation, celle-ci nécessitant qu’un jury unanime se prononce « au-delà d’un doute raisonnable ».</p>
<p>Selon ses avocats, Donald Trump jouirait d’une immunité absolue, car il n’a pas été destitué, et ne peut donc être poursuivi… alors que la clause d’<em>impeachment</em> prévue à l’article I, section 3,7 de la <a href="https://mjp.univ-perp.fr/constit/us1787.htm">Coinstitution</a> prévoit exactement le contraire : « Les condamnations prononcées en cas d’impeachment ne pourront excéder la destitution et l’interdiction d’occuper tout poste de confiance ou d’exercer toute fonction honorifique ou rémunérée des États-Unis ; mais la partie condamnée sera néanmoins responsable et sujette à accusation, procès, jugement et condamnation suivant le droit commun. »</p>
<p>Ses avocats invoquent aussi l’interdiction d’être jugé deux fois pour le même crime (<em>double jeopardy</em>). Selon eux, Trump a déjà été jugé pour les événements du 6 janvier 2021, puisqu’il a été <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20210113-en-direct-la-chambre-des-repr%C3%A9sentants-vote-une-proc%C3%A9dure-de-destitution-du-pr%C3%A9sident-donald-trump">mis en accusation par la Chambre des Représentants en mars 2021 pour incitation à l’insurrection</a>, avant que le Sénat ne décide de <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/procedure-dimpeachment-le-senat-americain-acquitte-encore-donald-trump-1290170">ne pas prononcer sa destitution</a>. Cet argument est, là encore, spécieux : il s’agissait, en l’occurrence, d’un processus politique et non d’une procédure judiciaire, et le principe de <em>double jeopardy</em> n’est donc pas applicable en l’espèce.</p>
<p>L’incitation à l’insurrection est au cœur de plusieurs actions menées dans plus de dix États par des individus ou des groupes de défense des droits et libertés pour obtenir du secrétaire en charge des élections (Maine) ou des juridictions (Minnesota, Colorado) qu’ils concluent à l’inéligibilité de l’ancien président et empêchent son nom de figurer sur les bulletins de vote. Ces affaires ont pour base la <a href="https://www.bbc.com/afrique/articles/cqq1yv2ee52o">section 3 du XIV<sup>e</sup> amendement</a> (adopté et ratifié après la guerre de Sécession) qui interdit à toute personne publique (<em>officer of the United States</em>) ayant suscité une insurrection en violation du serment prêté de participer à une élection. Après la guerre de Sécession, les Républicains avaient voulu cet amendement afin d’éradiquer l’esclavage et ses vestiges, de protéger les anciens esclaves, y compris en cas d’insurrection, et d’empêcher ceux qui avaient participé à la sécession de revenir au pouvoir.</p>
<p>Les juges du <a href="https://edition.cnn.com/2023/11/08/politics/minnesota-14th-amendment-trump/index.html">Minnesota</a> et du <a href="https://edition.cnn.com/2023/11/14/politics/michigan-judge-trump-14th-amendment/index.html">Michigan</a> ont débouté les requérants sans aborder la question de fond. Ils ont conclu que ce n’était pas à eux de décider, car la question relève du Parti républicain de l’État. Au Michigan, ils ont jugé l’affaire non « mûre » (<em>ripe</em>) dans la mesure où il n’existait pas de litige puisque Trump ne figurait pas encore sur le bulletin de vote.</p>
<p>Seule la juge Wallace, au Colorado, a <a href="https://www.lepoint.fr/monde/elections-de-2024-que-signifie-la-decision-du-colorado-pour-donald-trump-21-12-2023-2547873_24.php">conclu</a>, après examen des faits et audition de témoins, que Trump est effectivement coupable d’insurrection. Mais pour elle, la section 3 ne s’applique pas au président, seulement aux « officers » des États-Unis (terme non défini). La Cour suprême du Colorado n’a pas fait preuve de la timidité que déplorent certains élus démocrates et plusieurs constitutionnalistes, tels <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4532751">W. Baude et M.S. Paulsen</a> qui ont étudié le contexte et les documents préparatoires de la Constitution. La Cour suprême du Colorado les a entendus, jugeant que l’expression « officers of the United States » inclut bien le président et le vice-président et qu’en raison de sa participation à l’insurrection, Trump est inéligible – c’est-à-dire, concrètement, qu’il ne peut pas se présenter aux primaires républicaines organisées dans le Colorado.</p>
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<p>Cette décision rendue par quatre voix contre trois souligne que la question est délicate. L’un des juges explique dans son opinion dissidente que Trump n’a été ni inculpé ni condamné pour le crime d’insurrection, ce qui poserait un problème de légalité processuelle (<em>due process</em>). Un autre juge considère qu’une loi du Congrès doit préciser les modalités de mise en œuvre de la section 3.</p>
<p>La Cour du Colorado ne souhaitant pas que sa décision soit le dernier mot sur la question a suspendu son application jusqu’au 4 janvier, date limite pour la finalisation du bulletin de vote pour les primaires dans le Colorado. En d’autres termes, il suffit que Donald Trump fasse appel (ce qu’il a <a href="https://www.cnews.fr/monde/2024-01-04/etats-unis-donald-trump-fait-appel-de-son-ineligibilite-dans-le-colorado-devant-la">déjà fait</a>, ainsi que le Parti républicain du Colorado) et il pourra concourir à la primaire. Il n’y a donc pas de véritable enjeu à court terme.</p>
<h2>La question de la légitimité de la Cour</h2>
<p>Ces deux questions, immunité et inéligibilité, n’ont jamais été tranchées par la Cour suprême. Or, en raison des enjeux, il est important qu’elle se prononce. Mais les effets pervers et les dangers sont nombreux. À court terme, l’avalanche d’affaires alimente la communication victimaire trumpiste de chasse aux sorcières et absorbe l’espace médiatique au détriment des vraies questions, que ce soit le modèle économique, l’immigration ou les attaques contre le droit de vote. En outre, les dangers sont grands pour la Cour suprême. Les sondages révèlent que son taux d’approbation est extrêmement bas, surtout après le revirement de jurisprudence qui a <a href="https://theconversation.com/vers-la-fin-du-droit-a-lavortement-aux-etats-unis-182528">mis fin au droit à l’avortement au plan fédéral</a> dans l’arrêt <em>Dobbs</em>.</p>
<p>La question de la légitimité de la Cour pèsera certainement sur le <em>Chief Justice</em> John Roberts, qui est certes conservateur mais aussi institutionnaliste attaché à la légitimité de la Cour, très contestée de nos jours. Si le <em>Chief Justice</em> parvient à faire prévaloir ses vues, la Cour ne voudra sans doute pas se trouver en première ligne. Une différence avec 2000 est qu’à cette époque la décision <em>Bush v. Gore</em> – même si elle a été très critiquée, y compris par l’un des juges de l’époque qui a rédigé une virulente opinion dissidente – a été acceptée dans l’opinion.</p>
<p>Compte tenu de la polarisation actuelle, il n’est pas certain qu’une décision trop ouvertement partisane serait acceptée sans de gigantesques manifestations ou émeutes, et mise en application. Car, rappelons-le, la Cour n’a pas de troupes à sa disposition pour faire respecter ses décisions.</p>
<p>S’ajoute à cette situation explosive la question du juge <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/un-juge-de-la-cour-supreme-americaine-liste-des-cadeaux-recus-d-un-milliardaire-20230831">Clarence Thomas</a>. Après la révélation qu’il a reçu des cadeaux se chiffrant à plusieurs centaines de milliers de dollars offerts par « ses amis », les milliardaires de la droite radicale, et que son épouse Ginni Thomas a envoyé des SMS pour pousser Donald Trump et ses proches à contester les résultats de l’élection de 2020 et à refuser la défaite, nombreux sont ceux qui <a href="https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20220327-%C3%A9tats-unis-vers-une-d%C3%A9mission-d-un-juge-de-la-cour-supr%C3%AAme-soup%C3%A7onn%C3%A9-de-conflit-d-int%C3%A9r%C3%AAt">lui ont demandé de se déporter</a>.</p>
<h2>Vers une attitude prudente de la Cour</h2>
<p>La Cour sera aussi au centre des débats car elle a déjà accepté de se prononcer sur une autre question : la validité de la loi <a href="https://www.congress.gov/bill/107th-congress/house-bill/5118"><em>Corporate Fraud Accountability Act</em></a> de 2002, adoptée dans le sillage du scandale Enron et qui vise directement la destruction de preuves mais aussi, de façon moins explicite, <a href="https://www.scotusblog.com/case-files/cases/fischer-v-united-states/">toute tentative d’obstruction dans le but d’entraver une procédure officielle</a>.</p>
<p>Utilisée par plusieurs procureurs pour poursuivre 325 (sur près de 1400) individus qui ont participé à l’insurrection du 6 janvier 2021, elle a permis de condamner plusieurs dizaines d’inculpés, et d’autres attendent leur jugement. C’est sur cette loi que se fonde l’un des quatre chefs d’inculpation retenus contre Donald Trump, accusé d’avoir cherché à faire obstruction à la certification de la victoire de Joe Biden.</p>
<p>En outre, la Cour suprême a accepté de traiter deux affaires touchant au droit à l’avortement (sur lequel elle ne s’est pas prononcée depuis la décision <em>Dobbs</em> de 2021), celle de la <a href="https://www.liberation.fr/societe/droits-des-femmes/ivg-quest-ce-que-la-mifepristone-dont-la-cour-supreme-americaine-pourrait-restreindre-lacces-20231214_QELDD7ODKNFCNC6TVIWXDFNLHI/">mifépristone</a>, utilisée pour les avortements médicamenteux.</p>
<p>Dans les différentes affaires, la question du calendrier judiciaire et de l’imbrication avec le calendrier des primaires et de l’élection générale ne peut être évacuée. Sur la question sur l’immunité, le procureur spécial a demandé à la Cour suprême d’examiner l’affaire en procédure d’urgence, sans attendre la décision de la cour d’appel ; une demande que les avocats de Trump ont contestée. Ils ont finalement eu gain de cause sur ce point.</p>
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<p>Jack Smith a eu beau citer plusieurs jurisprudences dans lesquelles la Cour a traité des affaires en procédure d’urgence, dont <a href="https://www.oyez.org/cases/1973/73-1766"><em>U.S. v Nixon</em> en 1974</a>, cette fois, la Cour a refusé. Faut-il y voir un signe que la majorité conservatrice au sein de la Cour veut faciliter les manœuvres dilatoires de l’ancien président ? C’est possible, mais l’absence d’opinion dissidente critiquant le refus peut laisser penser que les neuf juges sont tombés d’accord pour laisser la cour d’appel de D.C. se prononcer, ce qui lui permettrait peut-être de ne pas intervenir.</p>
<p><a href="https://www.lefigaro.fr/international/etats-unis-la-cour-supreme-va-examiner-la-question-de-l-ineligibilite-de-donald-trump-20240105">La Cour suprême a accepté de revoir la question de la section 3</a> – l’éventuelle inéligibilité de Trump –, mais l’on peut penser qu’elle va chercher le moyen de statuer le moins dangereux pour elle et son image. Juger que la section 3 ne s’applique pas à un président est dangereux pour l’avenir ; mais valider la décision du Colorado priverait des millions d’électeurs de leur choix. Et quid des 49 autres États ? La Cour suprême ne peut laisser les États juger chacun de son côté car son rôle est d’harmoniser le droit fédéral – ici, la lecture de la section 3. Il lui faut donc fixer des règles minimales. Idéalement, et quoi que décide la Cour suprême, il serait souhaitable qu’elle parvienne à une décision unanime, comme dans <em>U.S. v. Nixon</em>, de neuf voix à zéro (ou huit voix contre zéro si le juge Thomas se récuse) ; mais il ne faut guère croire à un tel scénario.</p>
<p>Elle pourrait considérer que la section 3 ne s’applique pas automatiquement et nécessite qu’une loi soit votée par le Congrès sur ce point. Une telle loi pourrait définir précisément la notion d’« insurrection » et préciser si la personne visée par la section 3 doit avoir été condamnée, ce que ne stipule pas actuellement le texte, qui parle de « participation » à une insurrection.</p>
<p>La Cour renverrait la balle vers le Congrès, et rien ne serait réglé avant l’élection de 2024 ; la Cour éviterait ainsi d’avoir à décider si Trump a participé ou non à une insurrection. Elle pourrait aussi juger que les propos tenus par Trump avant, pendant et après le 6 janvier 2021 sont protégés par le premier amendement qui garantit la liberté d’expression et ne peuvent donc pas être sanctionnés en tant qu’insurrection. Ce serait dangereux pour l’avenir et un pas de côté par rapport à la jurisprudence <a href="https://www.oyez.org/cases/1968/492"><em>Brandenburg v. Ohio</em></a> de 1969 qui distingue entre le fait de se contenter d’appeler à la violence (ce qui ne peut être sanctionné) et le fait d’inciter à produire des actions illégales imminentes (ce qui est passible de poursuites).</p>
<p>Globalement, il faut s’attendre à des décisions étroites <em>a minima</em> qui ne nuiront pas un peu plus à la crédibilité de la Cour. Celle-ci sait que ses décisions sur l’immunité et la section 3 feront jurisprudence, mais elle tiendra compte de l’impact politique, même si en principe les juridictions ne sont pas censées le faire. Car les partisans de Trump crient déjà à la chasse aux sorcières et à la tentative des Démocrates d’empêcher leur président de faire campagne et de participer à l’élection.</p>
<p>Si la Cour décide que Trump n’est pas disqualifié, les juges seront vilipendés par la gauche ; mais l’élimination de Trump sans qu’il soit condamné implique un double risque – à court terme, celui de violences commises par ses partisans, et à long terme celui de l’instrumentalisation de la section 3 à chaque élection à venir. Qu’est-ce qui pourrait empêcher ensuite un politicien républicain de chercher à disqualifier son opposant démocrate qui aurait participé à une manifestation de Black Lives Matter ? Certes, il n’y a pas d’équivalence morale entre les manifestants et les insurrectionistes, mais l’assimilation abusive est une possibilité à prendre en compte.</p>
<p>Soulignons pour finir que le fait que Donald Trump ait nommé trois des neuf juges actuels de la Cour suprême ne signifie pas nécessairement que la Cour ira dans le sens de l’ancien président. En 2020, elle a rejeté ses demandes d’immunité totale, ce qui avait permis au procureur de New York d’obtenir de la banque Mazars les documents financiers que Trump refusait de communiquer. En 2021, elle a aussi rejeté ses recours et ceux de ses alliés concernant les allégations de fraude électorale, validant ainsi indirectement les résultats dans cinq États remportés par Joe Biden.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220439/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne E. Deysine ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Cour suprême est certes à majorité conservatrice. Cela n’implique pas pour autant qu’elle va systématiquement favoriser Donald Trump.Anne E. Deysine, Professeur émérite juriste et américaniste, spécialiste des États-Unis, questions politiques, sociales et juridiques (Cour suprême), Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2202352024-01-02T16:28:40Z2024-01-02T16:28:40ZTrump-Biden : une année cruciale pour la démocratie américaine et l’ordre mondial<p>À la fin de l’année, les Américains éliront leur « nouveau » président et l’ensemble de leurs députés. Jamais dans l’histoire électorale des États-Unis un scrutin n’aura paru à ce point décisif.</p>
<p>Par les enjeux internationaux qu’il soulève et la configuration atypique qu’il présente, ce rendez-vous pourrait marquer une mutation capitale pour la démocratie américaine elle-même. </p>
<h2>Un Donald Trump radicalisé</h2>
<p>Donald Trump occupe une position inédite : il a échoué à se faire réélire en 2020 mais se relance dans une nouvelle course alors même qu’il est visé par un nombre record de procédures judiciaires. Il vient, d’ailleurs, d’être <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20231229-%C3%A9tats-unis-apr%C3%A8s-le-colorado-le-maine-juge-%C3%A0-son-tour-trump-inapte-%C3%A0-la-pr%C3%A9sidence">déclaré inéligible dans le Colorado et dans le Maine</a> pour s’être « livré à une rébellion » lors de l’invasion du Capitole le 6 janvier 2021.</p>
<p>Pour l’heure, son sort reste suspendu au recours déposé devant la Cour suprême, qui a refusé de le traiter en urgence. Une façon de rendre plus incertain encore le calendrier judiciaire de l’ancien président, et ce alors que la bataille pour l’investiture débute le 15 janvier par le caucus de l’Iowa.</p>
<p><a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/etats-unis-sans-la-candidature-de-donald-trump-je-ne-suis-pas-sur-que-je-me-presenterais-a-l-election-presidentielle-de-2024-concede-joe-biden_6226107.html">« Si Trump n’était pas candidat, je ne suis pas sûr que je me présenterais »</a> : les mots de Joe Biden sont clairs. Le président sortant se veut le garant de la démocratie américaine. Face à la « menace Trump », Biden se positionne en « président normal ». C’est son principal et pour ainsi dire véritable argument.</p>
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<p>Sans Donald Trump, le Parti démocrate aurait bien plus de mal à fédérer son aile gauche. Face à son prédécesseur, Biden continue d’apparaître comme une alternative préférable. Mais en irait-il autant face à un <a href="https://www.europe1.fr/international/etats-unis-plus-jeune-moins-extravagant-ron-desantis-a-t-il-une-chance-de-battre-donald-trump-4185126">Ron DeSantis</a>, plus jeune, ou face à une <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/11/29/les-milliardaires-misent-desormais-sur-nikki-haley-pour-battre-donald-trump_6202930_3210.html">Nikki Haley</a>, femme, plutôt modérée dans le camp républicain et, en outre, issue d’une minorité ethnique ?</p>
<p><a href="https://fr.euronews.com/2023/12/06/donald-trump-je-ne-serai-pas-un-dictateur-sauf-le-premier-jour">« Je ne serai pas un dictateur, sauf le premier jour »</a> : les intentions affichées de Donald Trump font planer une menace grave sur les institutions américaines. De ce fait, le vote s’annonce comme un scrutin doublement contraint. Trump comme Biden sont deux favoris par défaut. Les Américains devront choisir non pas le meilleur mais le moins pire des candidats. Une confrontation toute négative qui suscite un <a href="https://www.politico.com/news/magazine/2023/12/20/biden-trump-2024-presidential-race-no-one-wants-00132791">taux d’insatisfaction record chez les électeurs</a>.</p>
<p>Dans ce contexte, « l’épouvantail Trump » peut se révéler l’arme la plus dissuasive. Habituellement, lorsqu’un président sortant se représente, l’élection prend l’allure d’un référendum pour ou contre lui. En 2024, deux sortants se présenteront. Et le « plébiscite » portera d’abord sur celui qui a déjà perdu en 2020 : c’est la grande nouveauté.</p>
<h2>Des favoris par défaut</h2>
<p>Lors de cette même élection, Joe Biden avait annoncé ne s’engager que pour un seul mandat. Malgré <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/monde/presidentielle-americaine-2024-et-si-l-age-de-joe-biden-n-etait-pas-un-handicap-20230921">son âge avancé</a>, il s’est ravisé suite aux résultats encourageants des <a href="https://theconversation.com/apres-les-elections-de-mi-mandat-quattendre-de-la-presidence-biden-194464"><em>midterms</em></a> et a fait savoir en mai 2023 qu’il serait <a href="https://www.bfmtv.com/international/amerique-nord/etats-unis/etats-unis-joe-biden-annonce-sa-candidature-a-sa-reelection-en-2024_AN-202304250393.html">candidat à sa propre succession</a>.</p>
<p>Sa vice-présidente actuelle et colistière pour 2024 Kamala Harris demeure en retrait. Quant aux prétendants déclarés à l’investiture démocrate, faute de notoriété ou d’appui du parti, ils piétinent, que ce soit <a href="https://marianne2024.com/">Marianne Williamson</a>, 71 ans, auteure d’ouvrages de développement personnel, ou <a href="https://www.dean24.com/">Dean Phillips</a>, entrepreneur millionnaire et député du Minnesota. Enfin, Robert F. Kennedy Jr, surtout médiatisé pour son patronyme et <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2023/06/05/le-candidat-complotiste-robert-f-kennedy-jr-obtient-le-soutien-de-jack-dorsey-et-une-interview-avec-elon-musk_6176228_4408996.html">ses positions complotistes</a>, a finalement décidé de se présenter en tant qu’Indépendant. Aucun de ces rivaux n’est en mesure d’altérer la prime au sortant dont bénéficie Joe Biden. Sauf incident grave de santé, ce dernier sera le candidat démocrate. Avec un seul défi, mais de taille : tenir physiquement et médiatiquement l’épreuve de la campagne, c’est-à-dire éviter les gaffes et les défaillances lors des nombreux déplacements, interviews ou débats.</p>
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<p>Les primaires du Parti républicain sont, elles, plus concurrentielles. Hors Trump, les quatre principaux candidats toujours en lice sont Ron DeSantis, gouverneur de Floride ; Nikki Haley, ancienne ambassadrice aux Nations unies ; Vivek Ramaswamy, jeune entrepreneur pro-Trump ; et Chris Christie, ancien gouverneur du New Jersey. Aucun ne menace réellement Donald Trump. Ce constat déjoue les pronostics car les <a href="https://aoc.media/opinion/2022/11/13/midterms-la-fin-politique-de-biden-et-trump/">partisans de l’ex-président ont essuyé de sévères défaites aux élections de mi-mandat</a>.</p>
<p>Certes, plusieurs procès devraient s’ouvrir au premier semestre 2024 (<a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/etats-unis-on-vous-resume-l-affaire-qui-lie-donald-trump-a-l-actrice-de-films-pornographiques-stormy-daniels_5719274.html">Stormy Daniels</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/07/28/documents-classifies-donald-trump-accuse-d-avoir-voulu-effacer-des-images-de-videosurveillance-utiles-a-l-enquete_6183648_3210.html">documents classifiés</a>, <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/assaut-du-capitole-la-commission-denquete-parlementaire-demande-que-donald-trump-soit-juge-1890711">invasion du Capitole</a>), mais nul ne peut en prédire les effets. Ce qui est sûr, c’est que la tentative de l’équipe Trump de mettre en équivalence ses déboires judiciaires avec l’inculpation du fils de Joe Biden pour fraude fiscale n’a pas porté ses fruits, même si une <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20231213-le-congr%C3%A8s-am%C3%A9ricain-approuve-l-ouverture-formelle-d-une-enqu%C3%AAte-en-destitution-de-joe-biden">enquête pour destitution a été ouverte à l’encontre du président en exercice</a>.</p>
<p>Donald Trump garde ainsi les plus grandes chances d’être désigné comme candidat républicain. Il bénéficie notamment d’un fort ancrage chez les électeurs les plus riches comme chez les moins éduqués ; or 60 % des électeurs républicains ont un niveau d’éducation inférieur ou égal au bac, contre 30 % chez les Démocrates. Cette position lui assure un net avantage au sein de l’état-major du parti, qui continue de se déchirer sur ses chances de l’emporter en novembre prochain. La popularité de Trump continue de le protéger. Mais avec une fragilité : sa fortune se joue désormais hors des bureaux de vote.</p>
<h2>Des électorats désorientés</h2>
<p>La base électorale du Parti démocrate est en revanche moins stable. Si les catégories urbaines éduquées votent traditionnellement en sa faveur, leur influence est plutôt minorée par le mode de scrutin qui accentue le poids des États ruraux et peu peuplés. Cet électorat pose une autre difficulté : il se divise, depuis le 7 octobre dernier, au sujet du <a href="https://thehill.com/homenews/house/4355912-israel-palestine-democratic-divisions/">soutien militaire à Israël</a> ou de <a href="https://www.axios.com/2023/12/14/antisemitism-vote-harvard-mit-house-democrats">l’antisémitisme gagnant les campus universitaires</a>. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-le-conflit-israelo-palestinien-deborde-sur-les-campus-americains-217836">Quand le conflit israélo-palestinien déborde sur les campus américains</a>
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<p>Les Démocrates sauront-ils rebondir sur le thème de l’avortement ? <a href="https://theconversation.com/fin-du-droit-a-lavortement-aux-etats-unis-moins-de-democratie-plus-de-religion-184914">Maladroitement remis en scène par leurs adversaires</a>, cet enjeu facile (<em>easy issue</em>) a valu au parti un <a href="https://www.kff.org/womens-health-policy/press-release/new-kff-survey-finds-abortion-remains-key-issue-for-voters-with-democrats-holding-a-sizeable-edge-over-republicans-a-third-of-women-say-theyll-only-vote-for-someone-who-shares-their-views/">soutien décisif dans l’électorat féminin</a>. </p>
<p>Généralement, la dynamique d’une primaire est de cliver pour motiver sa base. L’année qui s’ouvre sera différente pour les Démocrates. Cherchant à recueillir les voix des Indépendants, ou au moins à démobiliser celles des Républicains modérés, ils ont un impératif : ne pas fragmenter leur socle électoral. L’autre ligne de front est d’accroître la participation des publics qui leur sont proches en luttant contre la législation sur l’identification des électeurs, en favorisant le vote anticipé, en séduisant les jeunes récemment entrés dans l’électorat, d’autant que <a href="https://iop.harvard.edu/youth-poll/46th-edition-fall-2023">leur taux d’approbation de Biden avoisine les 35 %</a>…</p>
<p>S’il possède la stratégie la plus fédératrice, le président Biden voit néanmoins se profiler un danger : son déclin relatif chez les <a href="https://abcnews.go.com/538/biden-losing-support-people-color/story?id=105272263">minorités</a>. Ce vote, généralement déterminant pour son parti, est affaibli par un <a href="https://www.nytimes.com/2023/11/28/business/economy/democrats-biden-economy.html">bilan économique en demi-teinte</a>. Le grand projet de Biden d’investir dans les infrastructures a paradoxalement renforcé l’inflation, au détriment des classes moyennes et modestes qui ont vu leur pouvoir d’achat rogné. Cela pourrait démobiliser cet électorat plutôt modéré.</p>
<p>La bonne nouvelle, c’est un taux de chômage historiquement bas (3,7 % au 19 décembre 2023). Reste que la promesse de relever le salaire minimum n’a pas été tenue. Et si le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/08/16/etats-unis-joe-biden-promulgue-son-vaste-plan-sur-le-climat-et-la-sante_6138203_3210.html">plan climat</a> a séduit les jeunes et les progressistes, ce n’est pas le type de politique publique dont les retombées sont les plus tangibles à court terme. Rien à voir en tout cas avec la hausse des prix des biens de consommation ou des taux d’intérêt obérant l’accès à la propriété. L’enthousiaste « Yes we can » des années Obama appartient bien à l’histoire.</p>
<h2>Un contexte international inflammable</h2>
<p>À l’orée de 2024, la fièvre s’est donc emparée des observateurs, et cela bien au-delà de l’Amérique. Sur quels clivages le scrutin se jouera-t-il ? L’implication des États-Unis en Ukraine ou au Proche-Orient pousse à ouvrir un débat sur l’équilibre budgétaire. Pas sûr toutefois que cette question, ou même l’affaiblissement du rival historique russe par une <em>proxy war</em>, intéresse plus les électeurs que les enjeux liés à l’immigration, notamment la sécurisation de la frontière sud fragilisée par <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-monde-est-a-nous/fin-du-titre-42-aux-etats-unis-la-question-migratoire-une-epine-dans-le-pied-de-joe-biden_5780600.html">l’expiration des mesures de restriction anti-Covid</a>. Le <a href="https://www.cbsnews.com/news/biden-mexico-obrador-migrants-border/">déplacement de Joe Biden au Mexique</a> fin décembre 2023 indique l’importance de cette question pour le candidat démocrate.</p>
<p>Le sujet de préoccupation qui focalise le plus l’attention en matière internationale reste la rivalité avec la Chine sur les plans économique et militaire, concernant notamment <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/06/12/dialogue-tendu-entre-la-chine-et-les-etats-unis-sur-taiwan_6129914_3210.html">l’avenir de Taïwan</a>. On l’aura compris : ce scrutin s’annonce comme celui de tous les dangers. La plus ancienne démocratie est en prise avec une figure dont Tocqueville craignait déjà l’avènement : celle soulevant « d’ardentes sympathies et de dangereuses passions populaires », alors que le pays hésite comme jamais à assumer son rôle de gendarme du monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220235/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elisa Chelle a reçu des financements de l'Institut universitaire de France.</span></em></p>Trump ? Biden ? Ou quelqu’un d’autre ? La course à la présidentielle américaine tiendra l’Amérique et le monde en haleine jusqu’à l’élection du 5 novembre prochain.Elisa Chelle, Professeure des universités en science politique, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2166592023-11-01T17:18:41Z2023-11-01T17:18:41ZConflit israélo-palestinien : quel impact possible sur la présidentielle aux États-Unis ?<p>Le 5 novembre 2024, les Américains se rendront aux urnes pour désigner leur prochain président. Côté démocrate, Joe Biden va probablement se représenter pour un second mandat ; en face, dans le camp républicain, c’est Donald Trump qui apparaît aujourd’hui comme le mieux placé pour remporter les primaires, en dépit de ses nombreux soucis avec la justice.</p>
<p>Traditionnellement, la politique étrangère ne pèse pas beaucoup sur l’issue de la présidentielle américaine. Mais, cette fois, il pourrait en aller différemment, à cause du retour de la violence au Proche-Orient. La guerre entre Israël et le Hamas est, en effet, suivie de très près aux États-Unis. Si le Parti républicain et tous les candidats à ses primaires se sont rangés sans ambages du côté d’Israël, les Démocrates, eux, apparaissent plus divisés. Le président Biden, traditionnellement aligné sur les intérêts de l’État hébreu, joue donc depuis le 7 octobre une partition particulièrement difficile, cherchant à la fois à protéger l’allié stratégique israélien, à faire valoir son soutien face aux attentats du Hamas… et à ne pas apparaître insensible face aux nombreuses victimes palestiniennes causées par la riposte de Tsahal.</p>
<h2>Joe Biden, un « sioniste de cœur » contraint de jouer les équilibristes</h2>
<p>Face à l’ampleur et à la nature du massacre, Joe Biden, qui a tracé un <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/2023-10-18/ty-article/.premium/biden-evokes-holocaust-and-september-11-during-unprecedented-wartime-visit-to-israel/0000018b-4352-d614-abcf-eb7346480000">parallèle entre ces événements et la Shoah et les attaques du 11 Septembre</a>, a immédiatement promis un appui inconditionnel au gouvernement israélien. Cette promesse s’est matérialisée non seulement par sa <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/19/en-visite-eclair-a-tel-aviv-joe-biden-affiche-son-soutien-aux-israeliens-mais-demande-de-la-clarte-sur-les-objectifs-de-la-guerre_6195348_3210.html">visite à l’État hébreu</a> le 18 octobre, malgré les <a href="https://www.nytimes.com/2023/10/16/us/politics/biden-israel-trip.html">risques politiques et sécuritaires</a> que comportait un tel déplacement, mais surtout par un <a href="https://www.leparisien.fr/international/israel/guerre-israel-hamas-militaires-porte-avions-limpressionnant-deploiement-des-etats-unis-en-mediterranee-19-10-2023-G64SXF26HFB3TFXWNI3YLXYYIY.php">renforcement de la présence militaire des États-Unis dans la région</a>, y compris à travers l’envoi d’armes <a href="https://www.axios.com/2023/10/19/us-israel-artillery-shells-ukraine-weapons-gaza">initialement destinées à l’Ukraine</a>.</p>
<p>Le président Biden entretient des <a href="https://www.nytimes.com/2023/10/28/us/politics/biden-israel-netanyahu-gaza.html?smid=nytcore-android-share">liens forts avec Israël</a>, qu’il a toujours <a href="https://www.nytimes.com/2023/10/28/us/politics/biden-israel-netanyahu-gaza.html">soutenu durant sa très longue carrière</a>, malgré des <a href="https://www.nbcnews.com/politics/joe-biden/netanyahu-biden-relationship-explained-us-israel-diplomacy-rcna119510">périodes de friction avec l’actuel premier ministre israélien</a> Benyamin Nétanyahou, qu’il a beaucoup « pratiqué » dès son mandat de vice-président de Barack Obama (2008-2016).</p>
<p>Se définissant lui-même comme « <a href="https://apnews.com/article/joe-biden-israel-gaza-dachau-holocaust-hamas-919058eec36dca4c06cf9fc4355fe302">sioniste de cœur</a> », Joe Biden <a href="https://jewishdems.org/the-biden-administration-and-israel/">a un biais pro-israélien</a> indéniable. Il est d’ailleurs <a href="https://www.timesofisrael.com/us-biden-more-popular-in-israel-than-almost-anywhere-else-poll-shows/">plus populaire en Israël qu’aux États-Unis</a>,et a été largement <a href="https://www.opensecrets.org/industries/summary.php?ind=q05&cycle=All&recipdetail=S&mem=Y">soutenu par des groupes pro-israéliens au cours de sa carrière</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Joe Biden en Israël : discours de fin de visite du président américain. France 24, 18 octobre 2023.</span></figcaption>
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<p>Dans la crise actuelle, cette position est difficile à tenir : le président américain doit en priorité éviter un <a href="https://time.com/6329553/biden-iran-air-strikes-syria-war/">embrasement de la région</a>, tout en faisant l’objet d’attaques tant <a href="https://www.nytimes.com/2023/10/27/us/politics/biden-democrats-israel-2024.html">sur sa gauche</a> que sur sa droite, dans un <a href="https://carnegieendowment.org/2023/09/05/polarization-democracy-and-political-violence-in-united-states-what-research-says-pub-90457">contexte politique intérieur extrêmement tendu</a>. </p>
<p>En effet, il est <a href="https://www.20minutes.fr/monde/4057189-20231010-guerre-hamas-israel-soutien-indefectible-etat-hebreu-divise-gauche-americaine">critiqué par le flanc gauche du camp démocrate</a>, qui lui reproche de ne pas suffisamment tenir compte des civils palestiniens à Gaza, et de se montrer trop complaisant envers le gouvernement Nétanyahou ; dans le même temps, les <a href="https://edition.cnn.com/2023/10/09/politics/republicans-blame-biden-israel-what-matters/index.html">Républicains l’accusent</a> d’être responsable de l’attaque contre Israël en s’étant montré trop complaisant à l’égard de l’Iran, qui soutient le Hamas. </p>
<p>Conscient des enjeux, et pour la deuxième fois seulement de sa présidence, Joe Biden s’est <a href="https://www.youtube.com/watch?v=wTxDZ6D1A1E">adressé à la nation en prime time depuis le Bureau ovale</a> le 21 octobre dernier, dénonçant à la fois <a href="https://theconversation.com/antisemitism-has-moved-from-the-right-to-the-left-in-the-us-and-falls-back-on-long-standing-stereotypes-215760">l’antisémitisme</a> et <a href="https://thehill.com/policy/international/4276355-islamophobic-incidents-spike-since-eruption-of-israel-hamas-conflict/">l’islamophobie</a>, deux phénomènes en hausse depuis le 7 octobre dernier. Lors de ce discours, il a réitéré sa demande aux Israéliens de ne pas se « laisser aveugler par la rage » et de tirer les leçons d’une « Amérique qui a vécu l’enfer du 11 Septembre » et « a commis des erreurs », faisant ainsi référence à l’intervention en Irak lancée en 2003 par l’administration Bush. </p>
<p>S’il a obtenu la mise en place d’une <a href="https://www.bfmtv.com/international/amerique-nord/etats-unis/joe-biden-annonce-que-l-egypte-autorise-l-entree-de-jusqu-a-20-camions-d-aide-humanitaire-a-gaza_AD-202310181025.html">aide humanitaire à la frontière égyptienne</a>, ainsi que la <a href="https://www.aa.com.tr/en/middle-east/biden-thanks-qatar-israel-after-2-american-hostages-freed-by-hamas-/3027794">libération par le Hamas de deux otages américaines</a>, cela pourrait ne pas suffire au regard de la situation en cours.</p>
<h2>Une gauche divisée</h2>
<p>Des manifestations et des débats enflammés se sont multipliés dans le pays, à <a href="https://www.cbsnews.com/newyork/news/flood-wall-street-for-gaza/">New York</a>, sur les <a href="https://www.pbs.org/newshour/show/israel-hamas-war-leads-to-heated-debate-and-protests-on-college-campuses">campus universitaires</a> et même au Capitole où des <a href="https://edition.cnn.com/2023/10/23/us/jewish-palestinian-protest-israel-gaza/index.html">militants juifs pour la paix ont appelé à un cessez-le-feu</a> immédiat et à la justice pour les Palestiniens.</p>
<p>Depuis plusieurs années, les Démocrates sont <a href="https://fivethirtyeight.com/features/democrats-israeli-palestinian-conflict-divide/">divisés sur la question israélienne</a>. L’aile gauche du parti se montre de plus en plus critique du traitement des Palestiniens par Israël et, plus généralement, du <a href="https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/israel-netanyahou-forme-le-gouvernement-le-plus-a-droite-de-lhistoire-du-pays-1891423">gouvernement de droite et d’extrême droite</a> dirigé par Benyamin Nétanyahou.</p>
<p>Cela se traduit non seulement par des <a href="https://www.nbcnews.com/politics/politics-news/left-faces-reckoning-israel-divides-democrats-rcna120076">divisions au sein du parti</a>, mais aussi par un glissement en faveur des Palestiniens <a href="https://time.com/6295703/israel-herzog-visit-washington/">chez les électeurs démocrates et indépendants</a> dans les <a href="https://news.gallup.com/poll/472070/democrats-sympathies-middle-east-shift-palestinians.aspx">sondages d’opinion</a>. Le massacre du 7 octobre pourrait inverser cette tendance, dans un premier temps, mais les différences générationnelles et raciales demeurent profondes : les <a href="https://www.wbur.org/npr/1205627092/american-support-israel-biden-middle-east-hamas-poll">jeunes et les non-Blancs de gauche se montrent nettement plus critiques que les autres catégories</a> à un soutien public et militaire à Israël. </p>
<p>Alors que 72 % des Blancs estiment que les États-Unis devraient adopter une position publique de soutien à Israël, seuls 51 % des non-Blancs sont de cet avis.</p>
<p>La communauté noire a une longue histoire d’identification à la cause palestinienne, surtout depuis la guerre des Six jours en 1967. Cette cause, mise en avant par des organisations radicales comme <em>The Black Panther Party</em> ou <em>The Nation of Islam</em> dont le chef Louis Farrakhan est un <a href="https://www.adl.org/resources/backgrounder/farrakhan-his-own-words">antisémite notoire</a>, a pris de l’ampleur au sein de la gauche américaine avec la <a href="https://www.jstor.org/stable/3012077">campagne présidentielle de Jesse Jackson en 1988</a>. Plus récemment, après la mort de George Floyd en 2020, de nombreux jeunes Américains, <a href="https://www.euppublishing.com/doi/abs/10.3366/hlps.2020.0238">notamment parmi les membres du mouvement Black Lives Matter</a>, ont tracé un parallèle entre les violences structurelles et l’oppression dont font l’objet les Noirs aux États-Unis et celles subies par les Palestiniens en Israël.</p>
<p>Quant aux Juifs américains, traditionnellement <a href="https://www.ajc.org/news/ajc-survey-most-jews-approve-of-biden-leadership">plutôt de gauche</a>, ils apparaissent <a href="https://www.vox.com/23915948/jewish-american-israel-gaza-war-attacks-opposing-beliefs-progressive-movement">très divisés</a> face à cette crise : <a href="https://www.france24.com/en/live-news/20231028-new-york-police-arrest-hundreds-at-jewish-protest-urging-gaza-ceasefire">certains manifestent</a> contre les frappes à Gaza et appellent à un cessez-le-feu, tandis que d’autres mettent en avant les victimes du Hamas et se sentent <a href="https://www.nytimes.com/2023/10/20/us/politics/progressive-jews-united-states.html">abandonnés par leurs alliés de gauche</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1718117920675594644"}"></div></p>
<p>Tenant compte d’une opinion publique de plus en plus sensible à la souffrance de la population de Gaza, Joe Biden a dernièrement <a href="https://www.reuters.com/world/behind-bidens-shift-israel-hamas-war-gaza-deaths-international-pressure-2023-10-27/">fait évoluer sa rhétorique</a>.</p>
<p>Il insiste ainsi de plus en plus sur l’importance de protéger les civils et de fournir une aide humanitaire, promettant même une <a href="https://www.politico.com/news/2023/10/18/biden-humanitarian-aid-gaza-west-bank-00122212">assistance de 100 millions de dollars à Gaza</a>. Cependant, il exclut, <a href="https://www.axios.com/2023/10/23/biden-ceasefire-hostages-isreal-hamas">avant la libération des otages</a>, tout cessez-le-feu – un cessez-le-feu que réclament pourtant <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2023/oct/19/biden-jewish-americans-israel-gaza-call-for-ceasefire">certains intellectuels juifs américains</a> ainsi que de nombreux <a href="https://www.theguardian.com/world/2023/oct/17/letter-biden-israel-ceasefire-legal-scholars">spécialistes du droit international</a>. </p>
<h2>Des Républicains (enfin) unis</h2>
<p>Le Parti républicain, quant à lui, pourtant fracturé sur certaines questions de politique étrangère, notamment <a href="https://theconversation.com/le-poutinisme-a-toute-epreuve-de-donald-trump-et-de-ses-partisans-180622">sur celle de l’Ukraine</a>, est en revanche tout à fait <a href="https://www.npr.org/2023/10/19/1206481356/republicans-israel-gop-middle-east-evangelicals-end-times-rapture-christians">uni dans son soutien à Israël</a>.</p>
<p>La première action du nouveau président républicain à la Chambre, Mike Johnson, a d’ailleurs consisté à <a href="https://www.nytimes.com/2023/10/25/us/politics/house-israel-vote.html">faire voter une résolution de soutien à Israël</a> pour « tout ce dont il a besoin dans sa lutte contre le Hamas » – résolution adoptée à une écrasante majorité, malgré un petit groupe d’opposants démocrates.</p>
<p>Même Donald Trump, <a href="https://projects.fivethirtyeight.com/polls/president-primary-r/2024/national/">toujours grand favori</a> pour porter les couleurs du Parti à la présidentielle de 2024, a fait machine arrière après avoir <a href="https://www.nbcnews.com/politics/2024-election/trump-netanyahu-biden-rcna120078">vilipendé Nétanyahou</a> et fait l’éloge du Hezbollah, qu’il avait qualifié de <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2023/10/27/trump-hezbollah-very-smart/">« très intelligent »</a>, suite <a href="https://www.nbcnews.com/politics/2024-election/trump-netanyahu-biden-rcna120078">aux vives critiques de ses rivaux aux primaires</a>.</p>
<p>À l’image de Johnson, <a href="https://lesjours.fr/obsessions/this-is-america-3/ep19-speaker-mike-johnson/">chrétien nationaliste d’extrême droite</a>, la plupart des évangéliques blancs, qui constituent un important réservoir d’électeurs pour les Républicains, lisent les événements en Israël à travers une <a href="https://www.nytimes.com/2023/10/15/us/american-evangelicals-israel-hamas.html?smid=nytcore-android-share">interprétation littérale des prophéties bibliques</a> sur la fin des temps, et <a href="https://www.washingtonpost.com/news/politics/wp/2018/05/14/half-of-evangelicals-support-israel-because-they-believe-it-is-important-for-fulfilling-end-times-prophecy/">sur la promesse faite par Dieu à Abraham</a> d’une terre pour ses descendants. C’est cette croyance des évangéliques qui <a href="https://www.youtube.com/watch?v=BitosOBeHLs">a notamment motivé la décision de Trump</a> de transférer l’ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem, en 2018. On observe également une <a href="https://slate.com/news-and-politics/2023/10/america-first-republicans-isolationist-ukraine-israel-support.html">proximité idéologique toujours croissante entre le Parti républicain et le Likoud</a> (le parti de Benyamin Nétanhyahou).</p>
<p>Autre élément important : chez de nombreux conservateurs, il existe un sentiment islamophobe que Donald Trump a su nourrir et exploiter. Il a d’ailleurs promis, s’il remporte la présidence, de <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2023/oct/17/trump-muslim-ban-gaza-refugees">renouveler l’interdiction de se rendre aux États-Unis pour les ressortissants de plusieurs pays à majorité musulmane</a> qu’il avait tenté d’instaurer lors de son mandat, et d’étendre cette mesure aux réfugiés de Gaza.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1714204925738025208"}"></div></p>
<h2>Quelle influence possible sur les élections ?</h2>
<p>À quelques exceptions près, les questions de politique étrangère <a href="https://www.nytimes.com/2023/10/21/us/politics/biden-voters-approval-israel.html">ne déterminent pratiquement jamais une présidentielle aux États-Unis</a>. Même la guerre d’Irak en 1991, relativement rapide et perçue comme victorieuse, n’avait pas empêché George H. Bush, pourtant alors <a href="https://news.gallup.com/opinion/gallup/234971/george-bush-retrospective.aspx">au plus haut dans les sondages</a>, de perdre les élections 18 mois plus tard. Ce qui compte, pour l’électeur américain, ce sont avant tout les <a href="https://www.pewresearch.org/politics/2023/06/21/inflation-health-costs-partisan-cooperation-among-the-nations-top-problems/">questions du quotidien</a>, particulièrement <a href="https://www.bloomberg.com/graphics/2024-us-election-key-state-voter-polling/">économiques</a>.</p>
<p>Cependant, le contexte actuel est très particulier. <a href="https://projects.fivethirtyeight.com/polls/president-general/">L’élection s’annonce serrée</a> et pourrait se jouer dans <a href="https://www.270towin.com/">quelques États clés</a>, entre deux candidats particulièrement <a href="https://www.pbs.org/newshour/politics/these-new-poll-numbers-show-why-biden-and-trump-are-stuck-in-a-2024-dead-heat">impopulaires</a>.</p>
<p>Même si la <a href="https://maristpoll.marist.edu/polls/the-war-between-israel-and-hamas/">majorité des électeurs soutiennent largement Israël</a>, l’éventuelle abstention « sanction » <a href="https://www.nytimes.com/2023/10/27/us/politics/biden-democrats-israel-2024.html?smid=nytcore-android-share">d’une partie des minorités et des jeunes de gauche</a> pro-palestiniens pourrait constituer un vrai danger pour Joe Biden, si la situation au Moyen-Orient venait à encore s’aggraver. Par exemple, un État clé comme le Michigan, que <a href="https://www.politico.com/2020-election/results/michigan/">Biden a remporté en 2020</a> avec une <a href="https://www.nbcnews.com/politics/2024-election/muslim-arab-americans-rage-biden-michigan-israel-gaza-rcna121513">faible marge de 150 000 électeurs</a>, a une forte population musulmane, estimée à 240 000 personnes, dont les <a href="https://www.nbcnews.com/politics/2024-election/muslim-arab-americans-rage-biden-michigan-israel-gaza-rcna121513">leaders sont très critiques</a> à l’égard de la politique de l’administration actuelle envers les Palestiniens.</p>
<p>En attendant, face à une <a href="https://www.brookings.edu/articles/one-year-into-the-ukraine-war-what-does-the-public-think-about-american-involvement-in-the-world/">montée de l’isolationnisme</a>, et sans doute face à un adversaire, Donald Trump, <a href="https://newrepublic.com/post/176489/trump-promise-russia-defense-putin-nato">pro-russe</a>, prêt à remettre en question l’OTAN et à <a href="https://www.politico.eu/article/can-europe-survive-trump-ii/">affaiblir l’Europe</a>, le président américain va devoir convaincre que les États-Unis sont bien la « nation indispensable » dans la lutte contre les tyrans et les terroristes qui menacent les peuples et les démocraties. Il devra aussi démontrer, comme il l’a dit dans son discours à la nation, que Poutine est aussi dangereux que le Hamas. Il devra enfin contrer l’image d’une puissance états-unienne affaiblie, incarnée par un président physiquement marqué par son grand âge, à une époque où les électeurs semblent davantage attirés par l’énergie et la force que par l’expérience et la compétence.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216659/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Viala-Gaudefroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En se plaçant du côté d’Israël, Joe Biden s’expose à de vives critiques venant du flanc gauche de son parti, et à la perte d’un certain nombre de voix à la présidentielle qui aura lieu dans un an.Jérôme Viala-Gaudefroy, Assistant lecturer, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2108382023-09-04T18:30:45Z2023-09-04T18:30:45ZThéories du complot : comment les réseaux sociaux les propagent et permettent une escalade vers la violence <figure><img src="https://images.theconversation.com/files/544011/original/file-20230822-29-amc3hz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C9%2C3254%2C2433&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les fausses déclarations répétées de l'ancien président américain Donald Trump selon lesquelles l'élection de 2020 lui aurait été "volée" ont finalement conduit ses partisans à attaquer le Capitole américain le 6 janvier 2021.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:DC_Capitol_Storming_IMG_7961.jpg">TapTheForwardAssist / Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Bien que les <a href="https://theconversation.com/podcast-resister-aux-theories-du-complot-et-aux-faits-alternatifs-77214">théories du complot</a>, et plus largement la désinformation, reposent sur des bases infondées, elles ne sont pas dénuées d’effets nuisibles concrets. Elles déclenchent un éventail de conséquences préjudiciables dans la réalité : propagation de fausses informations, ébranlement de la confiance dans les médias et les institutions gouvernementales, incitation à des comportements violents, voire extrémistes.</p>
<p>Par exemple, certaines théories du complot prétendent que la pandémie de Covid-19 <a href="https://theconversation.com/conspiracy-theorists-are-falsely-claiming-that-the-coronavirus-pandemic-is-an-elaborate-hoax-135985">est un canular</a> ou un complot ourdi par un groupe secret visant à <a href="https://www.forbes.com/sites/saradorn/2023/07/18/rfk-jrs-family-denounces-claim-that-jews-chinese-are-immune-to-Covid-here-are-all-the-other-conspiracies-he-promotes/">contrôler la population mondiale</a>. De telles croyances peuvent conduire au rejet de mesures de santé publique essentielles, telles que le port de masques ou la vaccination, et mettre ainsi la population en danger. Ces théories peuvent même éroder la crédibilité et l’autorité des institutions scientifiques et politiques, telles que l’Organisation mondiale de la santé ou les Nations unies, et favoriser la méfiance et la polarisation des opinions.</p>
<p>Poussées à l’extrême, les théories du complot peuvent également inciter certains individus ou groupes à recourir à la violence. Des récits mensongers selon lesquels l’élection présidentielle américaine de 2020 aurait été « volée » ont été à l’origine de l’<a href="https://www.nytimes.com/2020/11/10/us/politics/voting-fraud.html">attaque du Capitole</a> des États-Unis le 6 janvier 2021. Un autre exemple est l’incident du <a href="https://www.washingtonpost.com/local/pizzagate-from-rumor-to-hashtag-to-gunfire-in-dc/2016/12/06/4c7def50-bbd4-11e6-94ac-3d324840106c_story.html">« Pizzagate »</a> en 2016 : en croyant à tort qu’une pizzeria de Washington était une couverture pour un réseau pédophile impliquant des démocrates de haut rang, un homme de Caroline du Sud s’est rendu en voiture dans la capitale, est entré dans le restaurant avec un fusil d’assaut et a terrifié les employés et les clients en cherchant des preuves inexistantes d’un crime qui n’a jamais eu lieu.</p>
<p>Ces deux exemples montrent que les <a href="https://theconversation.com/theories-du-complot-de-quoi-ne-parle-t-on-pas-162485">théories du complot</a> et la désinformation en ligne ne sont pas des conversations anodines. Au contraire, elles peuvent constituer une menace sérieuse pour la sécurité individuelle et collective, la cohésion sociale et même la stabilité démocratique.</p>
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<figcaption><span class="caption">En dépit des faits, des conspirationnistes ont prétendu que Comet Ping Pong, une pizzeria de Washington, servait de couverture à un réseau pédophile.</span></figcaption>
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<p>Les communautés qui adhèrent à ces théories se développent et se propagent en ligne. Les réseaux sociaux, y compris les forums, permettent à ces groupes de se former, d’avoir un accès continu et répété à des <a href="https://theconversation.com/les-theories-du-complot-a-la-lumiere-de-leur-rhetorique-77811">informations qui renforcent leurs croyances</a> et se forger un sentiment d’identité commune. Face aux preuves qui contredisent leurs croyances, ces groupes ne s’affaiblissent pas : ils choisissent souvent de renforcer leur engagement, ce qui entraîne parfois une radicalisation. Pour beaucoup, l’idée d’abandonner ces illusions est tout simplement impensable – ils sont trop profondément investis.</p>
<p>Cette identification est la raison pour laquelle les stratégies courantes pour lutter contre la désinformation ou les théories du complot (vérification des faits, réfutation détaillée, présentation de points de vue alternatifs…) échouent et peuvent même contribuer à pousser ces communautés à se montrer encore plus déterminées.</p>
<h2>Pourquoi et comment les théories du complot se développent-elles ?</h2>
<p>Dans notre <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/isj.12427">récente étude</a>, nous avons cherché à comprendre <em>pourquoi</em> et <em>comment</em> les théories du complot persistent et persévèrent dans le temps sur les réseaux sociaux.</p>
<p>Nous avons constaté que les médias sociaux peuvent contribuer à forger une identité commune propice à la radicalisation par les théories du complot. En effet, ils agissent comme une chambre d’écho pour de telles croyances – les caractéristiques principales des médias sociaux jouent un rôle crucial dans la construction et le renforcement de chambres d’écho identitaires.</p>
<p>Par exemple, ils facilitent le processus d’adhésion croissante en de telles théories en offrant un accès facile et persistant à du contenu qui alimente les croyances déformées des individus. Ces personnes se voient comme des « enquêteurs de la vie réelle », tout en cherchant sur Internet uniquement des informations qui <a href="https://www.britannica.com/science/confirmation-bias">confirment leurs croyances préexistantes</a>.</p>
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<p>Les réseaux en ligne permettent également aux individus de dupliquer facilement les théories du complot en partageant du contenu ou en le copiant/collant. Ces informations sont donc rapidement visibles pour les abonnés ou les membres d’un forum, puis par le biais de hashtags et d’algorithmes utilisés par certaines plates-formes. Notre étude identifie quatre étapes clés dans l’escalade de ces croyances complotistes.</p>
<ol>
<li><p><strong>Confirmation de l’identité</strong> : Les utilisateurs consultent et visionnent différents types de contenus (via les forums, les médias grand public et les médias sociaux) pour vérifier et confirmer activement leurs propres opinions.</p></li>
<li><p><strong>Affirmation de l’identité</strong> : Les informations provenant des sources susmentionnées sont sélectionnées en fonction des préférences et dissociées de leur contexte par les individus. Dans le cas du « Pizzagate », des personnes enclines aux théories du complot ont pris des photos du travail de la Fondation Clinton en Haïti, ont créé des documents visuels étayant des liens supposés avec un réseau de trafic sexuel, puis les ont publiés sur Reddit et 4chan. Bien que manifestement modifiées et sorties de leur contexte, les images ont été largement partagées pour promouvoir la théorie du complot.</p></li>
<li><p><strong>Protection de l’identité</strong> : Les individus protègent leur « environnement informationnel » en cherchant activement à discréditer les personnes ou les organisations qui présentent des preuves contradictoires, par exemple par des publications ou des commentaires antagonistes ou négatifs.</p></li>
<li><p><strong>Réalisation de l’identité</strong> : Les individus cherchent à obtenir l’approbation sociale d’un public plus large. Cela peut conduire à des efforts pour recruter davantage de personnes et appeler à des actions violentes, en s’appuyant sur la base d’utilisateurs de la communauté.</p></li>
</ol>
<p>Ces étapes constituent une spirale, sorte de cercle vicieux renforçant une identité sociale complotiste partagée et permettant une escalade potentielle vers la radicalisation.</p>
<h2>De la prévention, et non des faits</h2>
<p><a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/isj.12427">Nos résultats</a> soulignent la nécessité de repenser certaines approches actuelles dont la stratégie est de contrer la désinformation par les faits. Non seulement celles-ci se révèlent inefficaces, mais elles alimentent même les croyances conspirationnistes. Nous encourageons donc les organes politiques à se concentrer sur la prévention et à soutenir l’éducation.</p>
<p>Développer la culture médiatique et le discernement critique des citoyens est devenu un impératif majeur pour les aider à évaluer la crédibilité et la validité des sources d’information en ligne. Parmi les compétences à renforcer figurent l’analyse, la synthèse, la confrontation d’éléments de preuves et d’options pour déceler les faiblesses et les incohérences.</p>
<p>Il est également important de s’attaquer aux problèmes sociaux sous-jacents qui peuvent contribuer à la propagation des théories du complot. Les communautés adeptes des théories du complot sont souvent constituées de personnes marginalisées dans notre société – l’existence de ces communautés est rendue possible par l’exclusion sociale. S’attaquer à l’exclusion sociale et promouvoir des valeurs collectives peuvent également contribuer à combattre la propagation des théories du complot.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210838/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christine Abdalla Mikhaeil est membre de l'Association for Information Systems (AIS)</span></em></p>Propagation de fausses informations, ébranlement de la confiance en les médias et les institutions, incitation à des comportements violents : les théories du complot ont des conséquences bien réelles.Christine Abdalla Mikhaeil, Assistant professor in information systems, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2118632023-08-24T14:10:13Z2023-08-24T14:10:13ZComment décrypter « Rich Men North of Richmond », le succès de l’été aux États-Unis, récupéré tant par la droite populiste que par la gauche<p>Cet été, deux chanteurs country américains sortis d’un peu nulle part, Jason Aldean et Oliver Anthony, ont produit des hits inattendus. Dans les deux cas, leurs chansons ont été <a href="https://www.washingtonpost.com/opinions/2023/08/17/rich-men-north-of-richmond-song/">récupérés politiquement</a>. </p>
<p>« Rich Men North of Richmond », de Oliver Anthony, qui est apparu sur YouTube il y a seulement deux semaines, <a href="https://www.nytimes.com/2023/08/21/arts/music/rich-men-north-of-richmond-billboard-chart.html?smtyp=cur&smid=tw-nytimes">est la chanson numéro un aux États-Unis cette semaine</a>, surpassant la très populaire Taylor Swift ! </p>
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<figcaption><span class="caption">« Rich Men North of Richmond » est la chanson numéro un du billboard américain.</span></figcaption>
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<p>Sur le plan sociologique, bien que son contenu soit essentiellement libertarien, elle <a href="https://www.bbc.com/culture/article/20230818-rich-men-north-of-richmond-the-hit-song-that-has-divided-the-us">brouille les cartes</a> entre la gauche et la droite populiste américaines. La chanson est en effet célébrée tant par l’aile trumpiste du Parti républicain que par certains démocrates. De son côté, le chanteur de « Try that in a Small Town », Jason Aldean, est un supporter de Trump avoué. Son hit est clairement à <a href="https://www.theatlantic.com/politics/archive/2023/07/jason-aldean-donald-trump/674842/">droite du spectre politique</a> et encensé par les Républicains.</p>
<p>Anthony se présente plutôt comme « pretty dead center on politics ». Cela ne l’empêche pas de lire des versets des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=X6J9AVlI0ZQ">Psaume évoquant les ennemis de Dieu</a> avant une interprétation récente de son hit. Et son contenu s’inscrit bien dans l’univers libertarien états-unien, comme nous le verrons. </p>
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<figcaption><span class="caption">« Try that in a Small Town » est clairement à droite du spectre politique..</span></figcaption>
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<p>En tant que chercheurs oeuvrant dans le domaine de la sociologie politique, nous nous intéressons aux représentations sociales portées par les acteurs sociaux notamment au sein des mouvements nationalistes et populistes. </p>
<h2>Deux visions du « peuple »</h2>
<p>Avant d’entrer dans l’analyse de la chanson, rappelons ce que les populistes de gauche et de droite ont en commun.</p>
<p>Les deux conçoivent le champ politique comme divisé entre un peuple, considéré comme organique, authentique et moral, et des élites, déconnectées, stratégiques, inauthentiques et surtout immorales. La gauche tend à voir le peuple comme un demos, le socle de la démocratie, et la droite comme un ethnos ou un <em>heartland</em>, gardien de l’authenticité de la nation. </p>
<p>Les populistes de droite conçoivent la communauté comme distincte de l’État. Elle est caractérisée par son capital élevé d’autochtonie, de « gens de la place », opposé à celui des immigrants ou des élites. L’évocation de la <em>small town</em> dans le hit de Aldean est typique de cette représentation.</p>
<h2>Travail valorisé, travail méprisé</h2>
<p>La droite populiste américaine se caractérise par son adhésion au producérisme et au libertarianisme. </p>
<p>Le producérisme est un attachement à une éthique du travail rigoureuse dans les deux sens du terme. Rigoureuse au sens protestant d’une relation disciplinée, vocationnelle et méritoire au travail, et dans la valorisation du travail manuel et physique, ce que le sociologue Everett Hughes qualifiait de <a href="https://psychology.iresearchnet.com/industrial-organizational-psychology/recruitment/dirty-work/">« travail sale »</a>. </p>
<p>La littérature récente sur l’identité sociale des occupations « sales » explique comment ses artisans reconstruisent leur perception de soi afin de s’en créer une <a href="https://www.jstor.org/stable/259134">image positive</a>. Ainsi, l’évocation de la situation des mineurs par Anthony active la solidarité au sein des gens qui font ce genre de travail. Ils reconfigurent ainsi leur identité en répondant au mépris dont leur occupation est l’objet. </p>
<p>Par ailleurs, l’évocation dans « Rich Men » du tourisme sexuel des élites en quête de « mineurs sur une île quelque part » fait écho au cadrage de celles-ci comme nécessairement « immorales », voire aux conspirations entourant la soi-disant <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2020/sep/20/qanon-conspiracy-child-abuse-truth-trump">pédophilie des élites</a> diffusée par les <a href="https://www.tvanouvelles.ca/2023/04/17/la-pedocriminalite-une-realite-deformee-et-instrumentalisee-par-le-complotisme">disciples de Qanon</a>. </p>
<p>Enfin, la pratique religieuse assidue est souvent associée à l’adhésion à une conception populiste du politique. Dans <a href="https://global.oup.com/academic/product/the-flag-and-the-cross-9780197618684?cc=us&lang=en&"><em>The Flag and the Cross</em></a>, les sociologues Philip S. Gorsky et Samuel L. Perry démontrent que parmi les « blancs », ceux qui déclarent avoir une importante pratique chrétienne évangélique sont beaucoup plus susceptibles d’adhérer au nationalisme chrétien et blanc, que les non-croyants. </p>
<h2>Un discours de classe à dimension libertarienne</h2>
<p>Ce qui démarque la chanson de Anthony des discours de droite populiste habituels est qu’elle formule une opposition de classe basée sur le revenu socioéconomique. Ceci va plus loin que l’évocation vague d’une opposition entre un peuple et une élite ou un système. Ceci explique que la chanson ait pu interpeller une partie de la gauche. </p>
<p>La dénonciation morale des riches n’a cependant rien de spécifiquement « de gauche ». Elle a surtout de profondes assises dans la tradition chrétienne. </p>
<p>Inversement, pour la tradition sociale-démocrate, ce n’est pas le fait d’être riche qui est mal en soi, c’est plutôt l’absence d’un droit du travail, d’une liberté d’association et de mécanismes et d’institutions de justices redistributives. </p>
<p>Ainsi, comme le souligne le chanteur Billy Bragg, dans une <a href="https://genius.com/Billy-bragg-rich-men-earning-north-of-a-million-lyrics">chanson en réponse au hit</a> de Anthony, les syndicats brillent par leur absence dans sa vision du monde, comme dans celle des libertariens. </p>
<p>Pour contrer les difficultés bien réelles amenées par la transformation du monde du travail, les sociaux-démocrates contemporains suggèrent que d’importants programmes de formation continue et l’investissement dans l’éducation aux adultes peuvent favoriser la reconversion occupationnelle angoissante du « New World » évoquée par Anthony. </p>
<h2>Inflation et « régions périphériques »</h2>
<p>Plusieurs facteurs expliquent le succès à droite de l’hymne de Oliver Anthony.</p>
<p>D’abord, il y a la perception répandue selon laquelle la gauche a abandonné les cols bleus à qui s’adresse, de fait « Rich men ». Une partie de cette composante de la population se sent méprisée par des « élites » qui monopolisent le capital symbolique, éducationnel et culturel. Le fait qu’ils soient considérés comme privilégiés en fonction de leur « race » et de leur « sexe », selon certaines analyses un peu mécaniques, ne permet guère de comprendre les stigmates auxquels ces travailleurs sont réellement confrontés ni les enjeux sociaux auxquels sont confrontées les régions postindustrielles. </p>
<p>Cette première dynamique est amplifiée par ce qui est également perçu comme une incompréhension de la réalité quotidienne des gens éloignés des grands centres urbains. Les habitants des « régions » ont plus souvent <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10371656.2019.1645429?needAccess=true">tendance à ne pas se sentir représentés</a> par les élus et les médias. Même si cette dynamique persiste année après année, il est rare que la gauche se questionne sur l’importance d’inclure le point de vue de ces habitants au sein de la « bonne » diversité. </p>
<p>Par ailleurs, les contextes inflationnistes favorisent la diffusion des « solutions » libertariennes. Lorsque les citoyens voient leur pouvoir d’achat fondre et le prix de leur hypothèque s’envoler, ils sont confrontés à des choix difficiles, sinon à la survie de leur projet de vie. S’ils ne voient pas les retombées positives des taxes qu’ils paient, ils sont susceptibles de voir l’État social et la justice redistributive comme des mécanismes qui ne fonctionnent pas pour eux. </p>
<h2>La polarisation profite aux populistes</h2>
<p>Il n’y a pas de solution miracle contre la montée de la droite populiste. On peut cependant rappeler certaines leçons sociologiques sur les polarisations.</p>
<p>L’identité sociale des groupes se construit en grande partie à travers des cadrages, des rituels et des interactions. Pour désamorcer la polarisation qui nourrit la droite populiste, ses opposants doivent cesser de les interpeller comme des <a href="https://www.washingtonpost.com/lifestyle/2021/08/31/deplorables-basket-hillary-clinton/">« paniers d’êtres déplorables »</a>, pour reprendre l’expression élitiste de Hilary Clinton. Elle doit aussi cesser de les pathologiser, comme c’est souvent le cas dans les approches psychologiques de la radicalisation politique. Plutôt que les désamorcer, ces interpellations renforcent le cadrage et la polarisation qui profitent aux politiciens populistes.</p>
<p>Exclure des groupes de la participation à des interactions politiques légitimes a principalement pour effet de renforcer leur solidarité, tout comme se moquer de ses rituels. Un cadre légal doit empêcher l’incitation à la violence, la diffamation et protéger le droit à la réputation et à la vie privée. Mais les rencontres permettent ultimement des recadrages, ou des changements qui désamorcent ou font évoluer l’identité sociale des personnes qui s’identifient à des groupes. </p>
<p>Celles-ci sont généralement en mesure d’évoquer des raisons, cognitives ou morales, pour justifier leurs actions. Personne n’est obligé de les partager ni de les trouver ‘bonnes’. Il faut cependant chercher à les comprendre et à reconstruire les conceptions de la justice et de l’injustice qu’elles alimentent ou sur lesquelles elles reposent. C’est une avenue aussi impopulaire que difficile, mais les alternatives ne sont pas évidentes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211863/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Bien que son contenu soit essentiellement libertarien, la chanson numéro un de l’été aux États-Unis trouve écho tant chez certains partisans démocrates qu’avec ceux de la droite trumpiste.Frédérick Guillaume Dufour, Professeur en sociologie politique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Alexis Harton, Étudiant à la maîtrise en sociologie, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2116392023-08-17T13:28:34Z2023-08-17T13:28:34ZDes millions d’Américains sont toujours partisans de Trump : comment font-ils ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/542826/original/file-20230814-28-dt4446.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C225%2C5509%2C3475&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Donald Trump salue ses supporters et signe des autographes lors d'un tournoi de golf à Bedminster, au New Jersey, le 13 août 2023. </span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Seth Wenig)</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.newsweek.com/majority-canadians-say-trump-re-election-would-end-us-democracy-poll-1677591">Partout sur la planète</a> — <a href="https://www.cbsnews.com/news/trump-indictment-jan-6-opinion-poll-2023-08-06/">y compris aux États-Unis</a> — de nombreuses personnes s’interrogent : comment de nombreux Américains peuvent-ils continuer de soutenir Donald Trump, <a href="https://www.politico.com/interactives/2023/trump-criminal-investigations-cases-tracker-list/">malgré une liste de plus en plus longue d’accusations portées contre lui</a>, y compris les dernières en Georgie, où il est inculpé de <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2003101/trump-georgie-justice-tentatives-influencer-presidentielle">tentative de manipulation des élections présidentielles de 2020</a>. </p>
<p>Avant l’annonce des dernières inculpations, Donald Trump était <a href="https://www.politico.com/news/2023/08/01/biden-trump-2024-poll-00109161">au coude à coude avec le président Joe Biden dans un hypothétique match retour</a>. Il semble peu probable que les inculpations en Georgie érodent le soutien dont bénéficie l’ancien président.</p>
<p>Cela est choquant pour bien des gens. Un tel soutien à un homme qui <a href="https://www.pbs.org/newshour/politics/trump-support-has-held-steady-despite-legal-troubles-is-that-changing">ment, triche et menace la Constitution des États-Unis</a> n’a pas de précédent dans l’histoire de la politique nationale américaine. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-inconditionnels-de-trump-ignorent-ses-mensonges-146625">Pourquoi les inconditionnels de Trump ignorent ses mensonges</a>
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<h2>Pouvez-vous toujours obtenir ce que vous voulez ?</h2>
<p>Ceux qui soutiennent Trump inconditionnellement <a href="https://thehill.com/homenews/campaign/3978590-why-gop-voters-are-so-loyal-to-trump/">sont à peu près les mêmes depuis la dernière élection</a>. Il s’agit de groupes divers, mais qui partagent la même préoccupation, fondamentale : ils estiment que Trump obtiendra des résultats sur les questions qu’ils jugent les plus importantes pour le pays.</p>
<p>Ainsi, les chrétiens évangéliques qui le soutiennent apprécient le fait qu’il a nommé des juges conservateurs, ce qui a conduit, entre autres, à <a href="https://www.npr.org/2022/06/24/1102305878/supreme-court-abortion-roe-v-wade-decision-overturn">l’annulation de l’arrêt <em>Roe v. Wade</em></a>. Ses aventures extraconjugales ont peu de poids face à cet objectif à long terme de la droite chrétienne.</p>
<p>Certains électeurs démocrates désenchantés se sont ralliés à Trump. Il s’agit notamment de <a href="https://www.bostonglobe.com/2023/04/05/opinion/jeff-jacoby-democratic-party/">cols bleus</a> et de petits entrepreneurs qui voient les emplois être délocalisés à l’étranger, ainsi que de certains <a href="https://www.theatlantic.com/politics/archive/2020/10/trump-latinos-biden-2020/616901/">électeurs latinos</a> qui considèrent que Trump agit en accord avec leur morale catholique en nommant des juges plus conservateurs. Ils apprécient également son opposition à l’immigration clandestine.</p>
<p>Les dizaines de milliers d’immigrants potentiels qui tentent de franchir illégalement la frontière entre les États-Unis et le Mexique effraient ceux qui craignent de perdre les emplois non qualifiés qui subsistent aux États-Unis, ainsi que les habitants des zones rurales <a href="https://www.pewresearch.org/short-reads/2016/08/25/5-facts-about-trump-supporters-views-of-immigration/">qui considèrent menacées les valeurs de ce qu’ils considèrent comme l’Amérique blanche traditionnelle</a>.</p>
<p>Pour tous ces partisans, obtenir ce qu’ils veulent est plus important que de se préoccuper des <a href="https://www.businessinsider.com/trump-melania-stormy-daniels-affairs-marriages-timeline-2018-3">indiscrétions matrimoniales de Trump</a>, des documents gouvernementaux volés, de sa tentative de renverser les résultats de l’élection présidentielle de 2020 ou d’avoir encouragé la prise d’assaut du Capitole le 6 janvier 2021.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un homme en costume bleu monte sur une scène tandis que des personnes sourient et brandissent des pancartes de soutien dans le public" src="https://images.theconversation.com/files/541964/original/file-20230809-27-lmtbkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=300%2C0%2C2200%2C1805&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541964/original/file-20230809-27-lmtbkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541964/original/file-20230809-27-lmtbkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541964/original/file-20230809-27-lmtbkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541964/original/file-20230809-27-lmtbkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541964/original/file-20230809-27-lmtbkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541964/original/file-20230809-27-lmtbkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Donald Trump arrive à un meeting de campagne en juillet 2023 à Erie, en Pennsylvanie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Sue Ogrocki)</span></span>
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</figure>
<h2>Quand les mensonges deviennent la vérité</h2>
<p>Bien sûr, <a href="https://news.berkeley.edu/2022/11/14/loss-fear-and-rage-are-white-men-rebelling-against-democracy">l’attrait de Trump ne se limite pas à sa promesse de rendre à l’Amérique sa grandeur (Make America Great Again)</a>. C’est un véritable démagogue qui répète sans cesse son message simple, avec beaucoup d’emphase. Il rabaisse ses détracteurs de manière répétée et implacable, et ment sur l’élection de 2020.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Une photo en noir et blanc montre un homme mince et brun en uniforme nazi parlant dans un microphone" src="https://images.theconversation.com/files/541959/original/file-20230809-26767-tmneh8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541959/original/file-20230809-26767-tmneh8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541959/original/file-20230809-26767-tmneh8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541959/original/file-20230809-26767-tmneh8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541959/original/file-20230809-26767-tmneh8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=974&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541959/original/file-20230809-26767-tmneh8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=974&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541959/original/file-20230809-26767-tmneh8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=974&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sur cette photo de 1938, Joseph Goebbels, ministre de la propagande nazie, s’adresse aux membres du parti à Berlin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo)</span></span>
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</figure>
<p>Une citation attribuée à Joseph Goebbels, le ministre nazi de la propagande, se traduit à peu près comme suit : <a href="https://www.bbc.com/future/article/20161026-how-liars-create-the-illusion-of-truth">« Répétez un mensonge assez souvent et il devient la vérité »</a>. </p>
<p>Trump utilise cette technique de manière très efficace avec ses partisans, y compris ceux de la frange d’extrême droite, qui réagissent bien à son message implicite de « rendre l’Amérique blanche à nouveau ». Une grande partie du Parti républicain renforce les mensonges de Trump soit en <a href="https://www.cnn.com/2023/08/05/politics/2020-election-predictor-2024/index.html">approuvant ses affirmations de fraude électorale</a>, soit en se gardant bien de les commenter ou de le critiquer.</p>
<p>L’effet des médias sociaux sur l’attrait de Trump ne doit pas être négligé. Vous y trouverez des « preuves » des affirmations de Trump — des complots de <a href="https://apnews.com/article/trump-jan-6-indictment-misinformation-e9d5077300dafa4c774429b7f82d8930">l’« État profond » et de responsables démocrates</a> pour persécuter le vainqueur de l’élection de 2020. Ces allégations sont très efficaces auprès des citoyens qui se sont détournés des médias traditionnels parce qu’ils sont critiques vis-à-vis de l’homme qui travaille pour eux.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="Un homme en costume-cravate fait un geste alors qu’il prononce un discours sur une photo en noir et blanc" src="https://images.theconversation.com/files/541957/original/file-20230809-30-9s7804.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541957/original/file-20230809-30-9s7804.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=476&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541957/original/file-20230809-30-9s7804.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=476&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541957/original/file-20230809-30-9s7804.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=476&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541957/original/file-20230809-30-9s7804.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=598&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541957/original/file-20230809-30-9s7804.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=598&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541957/original/file-20230809-30-9s7804.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=598&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sur cette photo de 1934, le sénateur Huey P. Long s’adresse aux étudiants de l’université d’État de Louisiane à Baton Rouge, un an avant son assassinat.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo)</span></span>
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<p>Bien qu’aucun autre candidat à la présidence n’ait utilisé cette démagogie et cet appel aux préjugés de manière aussi éhontée, <a href="https://www.theatlantic.com/politics/archive/2019/03/huey-long-was-donald-trumps-left-wing-counterpart/583933/">il existe un parallèle partiel avec Huey Long</a>, gouverneur de Louisiane de 1928 à 1932 et sénateur américain de 1932 à 1935. </p>
<p>Défenseur des pauvres, critique sévère des banques et partisan d’un gouvernement autoritaire, il était célèbre pour ses discours enflammés. Personnage controversé, il a fait l’objet d’accusations de corruption politique, mais il était néanmoins apprécié par plusieurs. Il envisageait de se présenter à l’élection présidentielle, mais il a été assassiné en 1935.</p>
<h2>Le sosie brésilien de Trump</h2>
<p>Pour trouver un parallèle contemporain, il faut regarder ailleurs qu’aux États-Unis.</p>
<p>Le plus évident se trouve au Brésil, où Jair Bolsonaro a gouverné de 2018 à 2023. Il a l’admiration de Donald Trump, qui a affirmé qu’il <a href="https://www.theatlantic.com/international/archive/2021/10/donald-trump-jair-bolsonaro/620504/">« se bat durement pour le peuple brésilien et l’aime — tout comme je le fais pour le peuple des États-Unis »</a>.</p>
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<img alt="Un homme brandit un maillot de football jaune avec un numéro 10 tandis qu’un autre homme sourit dans un fauteuil à côté de lui" src="https://images.theconversation.com/files/538159/original/file-20230719-21-drknta.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538159/original/file-20230719-21-drknta.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538159/original/file-20230719-21-drknta.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538159/original/file-20230719-21-drknta.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538159/original/file-20230719-21-drknta.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538159/original/file-20230719-21-drknta.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538159/original/file-20230719-21-drknta.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jair Bolsonaro présente à Donald Trump un maillot de l’équipe nationale brésilienne de football dans le bureau ovale de la Maison-Blanche en mars 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Evan Vucci)</span></span>
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</figure>
<p>Bolsonaro croyait en la réduction des impôts, défendait les « valeurs familiales » et était opposé au contrôle des armes à feu et à l’immigration en provenance d’Haïti et du Moyen-Orient. Considéré comme <a href="http://monitoracism.eu/the-rise-of-bolsorano/">raciste, sexiste et homophobe</a> par certains, ses discours enflammés <a href="https://www.theguardian.com/world/2018/sep/06/jair-bolsonaro-brazil-tropical-trump-who-hankers-for-days-of-dictatorship">ont souvent incité à la violence</a>, en particulier contre les opposants politiques, les criminels et les « rouges ».</p>
<p>Il a qualifié la Covid-19 de pure invention, avec pour résultat que le Brésil a connu <a href="https://theconversation.com/Covid-19-au-bresil-comment-jair-bolsonaro-a-cree-un-enfer-sur-terre-159746">l’un des taux d’infection les plus élevés au monde</a>. Défait en 2022, il n’a pas reconnu sa défaite, mais a déclaré qu’il respecterait la constitution du pays.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/elections-au-bresil-jair-bolsonaro-met-la-democratie-sous-tension-191488">Élections au Brésil : Jair Bolsonaro met la démocratie sous tension</a>
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<p>Il a quitté le Brésil plutôt que de reconnaître sa défaite, mais ses partisans ont pris d’assaut la Cour suprême, le Congrès et le palais présidentiel pour tenter de faire annuler l’élection. Contrairement à Trump, <a href="https://www.bbc.com/news/world-latin-america-66070923">il lui a été interdit de se présenter aux élections jusqu’en 2030</a> en raison de son refus d’accepter sa défaite, et il a été poursuivi pour fraude électorale.</p>
<p>On saura au cours de prochains mois si les accusations portées contre Trump vont éroder son soutien ou au contraire <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2003269/trump-deboires-justice-manne-financiere">encourager ses partisans à continuer à donner des millions de dollars</a> pour soutenir sa candidature à l’élection et ses frais d’avocat. À ce jour, <a href="https://www.pbs.org/newshour/politics/republican-support-for-trump-has-increased-even-as-he-faces-dozens-of-felony-charges">aucun signe</a> ne laisse entrevoir un désengagement de ses partisans.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211639/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ron Stagg ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le soutien inconditionnel des supporters de Donald Trump n’a pas faibli malgré ses déboires judiciaires.Ron Stagg, Professor of History, Toronto Metropolitan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2110052023-08-03T19:05:59Z2023-08-03T19:05:59ZLes États-Unis au bord d'une nouvelle guerre civile, gracieuseté de Donald Trump<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/541083/original/file-20230803-25-5q0v45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C0%2C1920%2C1273&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'ancien président Donald Trump arrive à un meeting de campagne le 29 juillet en Pennsylvanie, quelques jours avant son inculpation pour avoir tenté de renverser les résultats de l'élection présidentielle de 2020. </span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Sue Ogrocki)</span></span></figcaption></figure><p>L’inculpation de l’ex-président des États-Unis, Donald Trump, accusé d’avoir tenté de renverser les résultats de l’élection présidentielle de 2020, constitue le test le plus sérieux dans l’histoire américaine en matière de gouvernement constitutionnel, et ce, depuis décembre 1860. C’est en effet à ce moment que <a href="https://constitutioncenter.org/the-constitution/historic-document-library/detail/south-carolina-declaration-of-secession-1860">l’État de Caroline du Sud a fait sécession</a> de l’Union, ce qui a déclenché les événements qui ont abouti à la guerre de Sécession. </p>
<p>Avant de réfléchir aux enjeux de cette crise, il convient toutefois de s’interroger sur ses racines profondes. </p>
<p>Comment un président battu a-t-il pu refuser d’accepter les résultats d’une élection <a href="https://www.vox.com/2020/11/13/21563825/2020-elections-most-secure-dhs-cisa-krebs">historiquement sûre</a>, provoquer une émeute au Capitole et conserver la loyauté inébranlable d’un tiers des Américains ? </p>
<p>Comment cette même personne pourrait-elle séduire environ un sixième des électeurs, ce qui lui permettrait de revenir au pouvoir en 2024 en tant que candidat républicain ? </p>
<h2>Des gens choisis</h2>
<p>En tant qu’historien qui essaie d’avoir une vision à long terme des événements actuels, je vois une explication sous-jacente qui remonte — aussi étrange que cela puisse paraître — à un simple passage d’un livre publié à Paris il y a 238 ans. </p>
<p>« Ceux qui travaillent le sol sont le peuple élu de Dieu. » C’est <a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Thomas_Jefferson/125819">ce qu’a proclamé Thomas Jefferson en 1785</a> dans ses <a href="https://encyclopediavirginia.org/entries/notes-on-the-state-of-virginia-1785/"><em>Notes sur l’État de Virginie</em></a>, qu’il avait écrit à l’origine sous la forme d’une série de lettres destinées à un visiteur français. </p>
<p>Cette déclaration de Jefferson n’était pas que des paroles en l’air. <a href="https://www.whitehouse.gov/about-the-white-house/presidents/thomas-jefferson/">Après être devenu président en 1801</a>, il a utilisé le pouvoir du gouvernement fédéral pour étendre considérablement le domaine public des États-Unis et pour arpenter, diviser et vendre ce domaine au plus grand nombre possible de fermiers blancs. </p>
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<img alt="Des ouvriers nettoient le visage d’une grande sculpture rocheuse" src="https://images.theconversation.com/files/540891/original/file-20230802-23891-5ett3a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540891/original/file-20230802-23891-5ett3a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540891/original/file-20230802-23891-5ett3a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540891/original/file-20230802-23891-5ett3a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540891/original/file-20230802-23891-5ett3a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540891/original/file-20230802-23891-5ett3a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540891/original/file-20230802-23891-5ett3a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des ouvriers utilisent des nettoyeurs à pression pour nettoyer le visage de Thomas Jefferson au mémorial national du Mont Rushmore dans le Dakota du Sud.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Charlie Riedel)</span></span>
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<p>Selon un historien, les premiers États-Unis étaient un <a href="https://site.pennpress.org/oah-2021/9780812224610/the-settlers-empire/">« empire des colons »</a>, une force politique et militaire dont l’objectif principal était de fournir aux familles d’agriculteurs (et aux spéculateurs) davantage de terres.</p>
<p>Il en a été ainsi pendant des générations. </p>
<p>Avec des changements et des variations mineurs, les partis et les présidents ont flatté et favorisé les majorités rurales des États-Unis. La culture américaine identifiait les fermiers et les petites villes comme les plus authentiques et les plus vertueux de la nation — ou, comme l’a dit le <a href="https://www.presidency.ucsb.edu/documents/farewell-address-0">président Andrew Jackson</a>, « les os et les nerfs du pays ». </p>
<p>Ces personnes, à leur tour, en sont venues à croire que c’était elles, et non la Couronne ou le Congrès, ni le gouvernement ou la Constitution, qui étaient aux commandes. </p>
<p>Cette évolution s’est poursuivie après l’abolition de l’esclavage à la suite de la guerre de Sécession dans les années 1860 et après que l’Amérique soit devenue une société majoritairement urbaine dans les années 1920. Ce n’est qu’avec les révolutions culturelles et sociales des années 1960 et 1970 que les héritiers du « peuple élu » de Jefferson ont perdu leur statut d’Américains les plus américains.</p>
<h2>Blanc, hétéro, chrétien</h2>
<p>Dans le meilleur des cas, la culture plus diversifiée qui a émergé au cours des cinquante dernières années considère que tous les Américains sont également américains. Dans le pire des cas, cette culture méprise les « fly-over states », qu’elle considère comme des gens de l’arrière-pays, rustiques et racistes. </p>
<p>Quoi qu’il en soit, la nouvelle Amérique diversifiée enrage des dizaines de millions de personnes qui vivent principalement dans des petites villes et dans le Sud et qui s’identifient pour la plupart comme des Blancs, des hétérosexuels et des chrétiens. </p>
<p>Tout New-Yorkais qu’il soit, Trump comprend et alimente cette rage. Il joue avec cette sombre énergie. Il dit aux fidèles du « Make American Great Again » qu’ils sont les seuls à avoir fait la grandeur de l’Amérique et qu’il est le seul à pouvoir leur redonner cette grandeur.</p>
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<img alt="Un homme, de dos, fait signe à des partisans brandissant des pancartes Trump 2024" src="https://images.theconversation.com/files/540875/original/file-20230802-29-uf6dw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5839%2C3889&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540875/original/file-20230802-29-uf6dw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540875/original/file-20230802-29-uf6dw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540875/original/file-20230802-29-uf6dw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540875/original/file-20230802-29-uf6dw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540875/original/file-20230802-29-uf6dw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540875/original/file-20230802-29-uf6dw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le candidat républicain à la présidence Donald Trump quitte un meeting de campagne à Erie, en Pennsylvanie, quelques jours avant son inculpation pour avoir comploté en vue de renverser les résultats de l’élection de 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Sue Ogrocki)</span></span>
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<p>Voilà pourquoi Trump exerce une telle emprise sur un grand nombre de mes concitoyens.</p>
<p>Et maintenant qu’il fait l’objet de multiples inculpations, Trump leur demande de rejeter non seulement l’ordre constitutionnel des États-Unis, mais aussi leurs deux piliers — l’État de droit et l’État de fait.</p>
<p><a href="https://www.theguardian.com/us-news/2023/mar/05/i-am-your-retribution-trump-rules-supreme-at-cpac-as-he-relaunches-bid-for-white-house">Comme il l’a dit</a> aux fidèles lors de la réunion annuelle du Comité d’action politique conservateur en mars, « je suis votre guerrier : je suis votre justice. Et pour ceux qui ont été lésés et trahis : je suis votre châtiment ». </p>
<h2>Décision 2024</h2>
<p>Selon les accusations les plus récentes, Donald Trump n’a cessé de répéter — et d’agir sur la base — d’affirmations concernant l’élection que même ses conseillers les plus proches <a href="https://www.cnn.com/interactive/2023/08/politics/annotated-text-copy-trump-indictment-dg/">qualifiaient</a> « de la conspiration téléguidée depuis le vaisseau mère ». </p>
<p>La question de savoir si Trump lui-même savait que ces affirmations étaient fausses n’est pas claire, et l’avocat spécial chargé de l’affaire, Jack Smith, devra le démontrer pour établir la criminalité de l’ancien président.</p>
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<img alt="Une femme tient une banderole sur laquelle on peut lire Trump Indicted Again and Again à l’extérieur d’un bâtiment en pierre" src="https://images.theconversation.com/files/540893/original/file-20230802-8820-uf6dw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540893/original/file-20230802-8820-uf6dw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540893/original/file-20230802-8820-uf6dw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540893/original/file-20230802-8820-uf6dw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540893/original/file-20230802-8820-uf6dw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540893/original/file-20230802-8820-uf6dw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540893/original/file-20230802-8820-uf6dw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un manifestant anti-Trump tient une banderole devant le tribunal fédéral de Washington après que l’ex-président a été inculpé par le ministère américain de la Justice pour ses efforts visant à renverser les résultats de l’élection présidentielle de 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Jose Luis Magana)</span></span>
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<p>Trump a <a href="https://www.newsweek.com/trump-reacts-jan-6-indictment-fake-charges-1816792">déjà qualifié les actes d’accusation de « faux »</a>, tandis que l’une de ses plus ferventes partisanes au Congrès américain, Marjorie Taylor Greene, de la Géorgie rurale, <a href="https://www.newsweek.com/marjorie-taylor-greene-vote-trump-prison-1816957">insiste sur le fait que les accusations sont « une attaque communiste »</a> contre le premier amendement et « le peuple ».</p>
<p>Dans le monde du « Make American Great Again », si une agence fédérale affirme que Trump a violé la loi ou dit un mensonge, cela ne peut que signifier que l’agence fait partie du complot contre le peuple — une cible du châtiment promis par Trump.</p>
<p>Entre sa mise en accusation cette semaine et le jour de l’élection en novembre prochain, l’Amérique devra donc choisir entre la primauté du droit et des faits, d’une part, et la primauté du peuple élu et de son chef, d’autre part.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211005/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jason Opal est financé par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.</span></em></p>L’histoire peut expliquer en partie pourquoi certains Américains croient que seul Donald Trump a leurs intérêts à cœur, et voteront pour lui – et se battront pour lui – malgré ses mises en accusation.Jason Opal, Professor of History, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2109042023-08-02T18:06:45Z2023-08-02T18:06:45ZDonald Trump de nouveau inculpé, mais ses procès pourraient ne pas l’empêcher de faire campagne<p>La plupart des commentateurs qui ont discuté des procès pénaux en cours de Donald Trump à New York, en Floride et désormais du prochain à venir avec avec l’inculpation le 1<sup>re</sup> août 2023 par un grand jury de Washington, DC, pour <a href="https://www.nytimes.com/live/2023/08/01/us/trump-indictment-jan-6">son rôle dans les émeutes du 6 janvier</a>, ont conclu que ces procès nécessiteraient sa présence. Et que cela pourrait compromettre sa capacité à faire vigoureusement campagne pour l’investiture républicaine et la présidence.</p>
<p>La Constitution américaine protège en effet le droit des <a href="https://supreme.justia.com/cases/federal/us/470/522/">accusés</a> à assister à leur procès pénal, en interdisant au gouvernement d’organiser des procès en l’absence de l’accusé. Cette règle différencie les États-Unis des autres démocraties qui autorisent la tenue de procès pénaux sans la présence de l’accusé. Par exemple, <a href="https://www.npr.org/sections/thetwo-way/2013/08/26/215756246/amanda-knox-wont-attend-new-italian-trial-lawyer-says">l’Italie a jugé et condamné l’Américiane Amanda Knox</a> pour le meurtre de sa colocataire Meredith Kercher alors qu’elle n’était pas là. La condamnation a été annulée par la suite.</p>
<p>Dans les poursuites fédérales de surcroit, une <a href="https://www.law.cornell.edu/rules/frcrmp/rule_43">règle fédérale de procédure pénale</a> semble exiger que le plaignant assiste à l’intégralité du procès. Mais, quand on regarde en détail, cela ne signifie pas pour autant que l’accusé se présentera au tribunal jour après jour. Dans le cas de Trump, la question se pose : l’ancien président pourrait-il boycotter ses procès ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/539614/original/file-20230726-19-zw4cjc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un homme en costume parle à un pupitre à l’avant d’une salle de réunion, avec un drapeau américain derrière lui" src="https://images.theconversation.com/files/539614/original/file-20230726-19-zw4cjc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539614/original/file-20230726-19-zw4cjc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539614/original/file-20230726-19-zw4cjc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539614/original/file-20230726-19-zw4cjc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539614/original/file-20230726-19-zw4cjc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539614/original/file-20230726-19-zw4cjc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539614/original/file-20230726-19-zw4cjc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Alvin Bragg, procureur de Manhattan, lors d’une conférence de presse tenue le 4 avril 2023 à la suite de la mise en accusation de l’ancien président des États-Unis Donald Trump.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/manhattan-district-attorney-alvin-bragg-speaks-during-a-news-photo/1250778290?adppopup=true">Kena Betancur/Getty Images</a></span>
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<h2>Poursuites fédérales</h2>
<p>Conformément à la <a href="https://www.law.cornell.edu/rules/frcrmp/rule_43">règle 43 des règles fédérales de procédure pénale</a>, le prévenu « doit être présent » lors de la mise en accusation, au moment du plaidoyer, à chaque étape du procès, y compris la constitution du jury et le prononcé du verdict, ainsi qu’au moment de la condamnation. Cette règle consacre le droit constitutionnel de l’accusé à être présent au procès. Et en vertu des précédents de la Cour suprême des États-Unis qui <a href="https://supreme.justia.com/cases/federal/us/506/255/">interprètent la règle 43</a>, un accusé doit absolument être présent au début d’un procès pénal fédéral.</p>
<p>Mais après le début du procès, de nombreux tribunaux ont reconnu le droit du prévenu de s’absenter volontairement du reste du procès. À tout le moins, plusieurs tribunaux ont reconnu que le juge de première instance avait le pouvoir discrétionnaire d’autoriser l’absence du prévenu. Ces décisions mentionnent de la renonciation consciente de ce dernier à son droit constitutionnel d’être présent à son procès.</p>
<p>De plus, ces textes soulignent une exception à la règle fédérale 43 <a href="https://www.federalrulesofcriminalprocedure.org/title-ix/rule-43-defendants-presence/">qui permet aux défendeurs de renoncer à leur droit</a> d’être présent au procès « lorsque le prévenu est volontairement absent après le début du procès, que le tribunal ait ou non informé le défendeur de son obligation de rester ».</p>
<p>Au moins un tribunal fédéral <a href="https://casetext.com/case/united-states-v-sterling-10?__cf_chl_tk=9S3Qt_Ap17Qy49CSCp1KSLtG8qMTzHrD20dh8LxeTpI-1690483077-0-gaNycGzNDhA">a jugé</a> qu’un procès fédéral commence au plus tard le jour de la sélection du jury.</p>
<p>Ainsi, tant que Trump renonce sciemment à son droit d’être présent à son propre procès pénal, le juge qui préside peut accepter que ses circonstances uniques – sa candidature à la présidence – constituent des motifs suffisants pour reconnaître et approuver ce renoncement.</p>
<h2>Poursuites au niveau de l’État</h2>
<p>De même, lorsque Trump fait l’objet de poursuites au niveau de l’État, à <a href="https://case-law.vlex.com/vid/people-v-epps-894221707">New York</a> et potentiellement en <a href="https://casetext.com/case/pennie-v-state">Géorgie</a>, les deux États autorisent une renonciation volontaire de l’accusé à son droit d’assister à son procès pénal. Les constitutions des États de Géorgie et de New York et les lois de ces deux États protègent le droit du défendeur d’être présent à tous les stades d’un procès pénal. Mais elles permettent également à l’accusé de renoncer à ce droit, à condition que cette renonciation soit volontaire.</p>
<p>Cela signifie que Trump n’aurait pas même besoin d’essayer de retarder un procès pénal en refusant tout simplement d’y assister.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/539636/original/file-20230726-29-44gjjc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Cinq personnes assises d’un côté d’une table avec des documents sur la table devant eux" src="https://images.theconversation.com/files/539636/original/file-20230726-29-44gjjc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539636/original/file-20230726-29-44gjjc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539636/original/file-20230726-29-44gjjc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539636/original/file-20230726-29-44gjjc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539636/original/file-20230726-29-44gjjc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539636/original/file-20230726-29-44gjjc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539636/original/file-20230726-29-44gjjc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’ancien président Donald Trump avec ses avocats à l’intérieur de la salle d’audience lors de sa mise en accusation au tribunal pénal de Manhattan le 4 avril 2023.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/former-us-president-donald-trump-appears-in-court-at-the-news-photo/1250772070?adppopup=true">Seth Wenig/AFP</a></span>
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<h2>Dommages potentiels</h2>
<p>Chaque fois qu’un accusé refuse d’assister à son propre procès pénal, il peut néanmoins y avoir des conséquences.</p>
<p>Par exemple, le juge qui prononce la sentence peut interpréter le refus d’un prévenu d’assister à son procès comme un acte de manque de respect envers le tribunal. Ou, dans le cas d’un procès avec jury, les jurés peuvent être irrités par l’absence volontaire de l’accusé.</p>
<p>En tant que <a href="https://search.asu.edu/profile/3033197">spécialiste du droit constitutionnel</a>, je ne doute pas que les avocats de Donald Trump lui conseilleront d’être présent. Mais aucun de ces facteurs n’a d’importance pour l’ancien président, qui semble se concentrer sur la délégitimation des poursuites qu’il considère comme des <a href="https://apnews.com/article/trump-retribution-indictment-documents-biden-american-democracy-5a8ec37b359fee85d0f0956139d79f51">persécutions à caractère politique</a>.</p>
<p>Trump n’est par ailleurs peut-être pas capable d’assister jour après jour à un procès pénal, étant donné <a href="https://www.axios.com/2017/12/15/report-nato-altering-meeting-to-fit-trump-attention-span-1513302313">ce que l’on sait de sa faible capacité d’attention</a>.</p>
<p>Même s’il est en mesure de s’absenter volontairement d’un ou de plusieurs des procès en cours, Trump pourrait en tout cas faire valoir auprès de l’opinion, et il le fera probablement, qu’il est confronté à un choix difficile : assister au procès et perdre la présidence, ou boycotter le procès et perdre sa liberté.</p>
<p>Nombre de ses partisans rejetteront l’une ou l’autre de ces scénarios.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210904/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stefanie Lindquist ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Donald Trump a été inculpé pour des crimes liés à ses efforts pour renverser l’élection de 2020. Pourra-t-il ou non boycotter ses prochains procès ?Stefanie Lindquist, Foundation Professor of Law and Political Science, Arizona State UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2070542023-06-11T16:19:55Z2023-06-11T16:19:55ZInculpations, scandales… Comment expliquer la popularité de Donald Trump auprès des électeurs républicains ?<p>Après une <a href="https://theconversation.com/donald-trump-mis-en-examen-quelles-consequences-pour-sa-candidature-a-la-presidentielle-de-2024-203071">première inculpation</a>, en mars dernier, par le procureur de Manhattan dans l’affaire Stormy Daniels, Donald Trump vient d’être à nouveau inculpé, cette fois au niveau fédéral, pour des motifs beaucoup plus graves : il est accusé d’avoir <a href="https://www.nytimes.com/2023/06/08/us/politics/trump-indictment-charges.html">violé la loi sur l’espionnage</a> et <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/06/10/comment-donald-trump-a-voulu-dissimuler-la-conservation-illegale-de-documents-classifies_6176977_3210.html">mis en danger la sécurité des États-Unis</a> en conservant illégalement, après son départ de la Maison Blanche, des documents classés secret défense.</p>
<p>Un coup dur pour sa candidature à la présidentielle 2024 ? Pas nécessairement.</p>
<h2>« Une attaque politique des Démocrates »</h2>
<p>Sans surprise, face à cette inculpation fédérale, Trump <a href="https://www.youtube.com/watch?v=IwRLNazAFG8">clame son innocence</a>, accusant l’administration Biden d’« ingérence électorale au plus haut niveau » et d’« instrumentalisation du Département de la Justice et du FBI ». Cette défense, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=XIs78EJqCEQ">reprise par Fox News</a>, est aussi celle adoptée par des <a href="https://www.rollingstone.com/politics/politics-news/trump-second-indictment-republicans-defend-1234767431/">ténors du Parti républicain</a>, y compris Kevin McCarthy, le président de la Chambre des représentants. </p>
<p>Même <a href="https://www.nytimes.com/2023/06/09/us/politics/trump-republicans-polls-2024.html">ses adversaires aux primaires</a>, à commencer par son principal rival, <a href="https://thehill.com/homenews/campaign/4041851-trump-indictment-desantis-blasts-weaponization-of-federal-law-enforcement/">Ron DeSantis</a>, se trouvent forcés d’adhérer à ce récit : une inculpation qui serait une attaque politique de Joe Biden contre l’un des principaux candidats à l’investiture présidentielle du Parti républicain. </p>
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<p>Si les Républicains les plus en vue défendent l’ancien président ou restent silencieux, c’est que Donald Trump reste très populaire chez leurs électeurs. Il est en <a href="https://projects.fivethirtyeight.com/polls/president-primary-r/2024/national/">tête des sondages</a> aux primaires avec plus de 50 % des intentions de vote. Surtout, il distance son adversaire principal DeSantis par 30 points, un écart qui continue de se creuser, y compris <a href="https://www.fau.edu/newsdesk/articles/april2023-voter-poll">dans l’État de Floride</a> où DeSantis a pourtant été <a href="https://www.nytimes.com/2022/11/08/us/politics/desantis-wins-florida-governor.html">réélu gouverneur à une très large majorité</a> en 2022.</p>
<p>Cette nouvelle inculpation, comme les affaires et scandales précédents, a peu de chances d’entamer le soutien des électeurs républicains à l’ancien président. Elle pourrait même le renforcer, d’autant que, s’il est reconnu coupable, Trump <a href="https://medium.com/@natroll/archives-de-la-maison-blanche-non-trump-ne-sera-pas-in%C3%A9ligible-1adbe29173de">resterait de toute façon éligible</a>.</p>
<p>En effet, selon la Constitution et le <a href="https://constitution.congress.gov/browse/amendment-14/#:%7E:text=No%20State%20shall%20make%20or,equal%20protection%20of%20the%20laws.">14ᵉ amendement</a>, seule une <a href="https://www.lawfareblog.com/disqualification-office-donald-trump-v-39th-congress">condamnation pour insurrection ou rébellion</a> pourrait le disqualifier. Théoriquement, il pourrait donc faire campagne depuis une prison, comme l’a déjà fait un autre candidat, <a href="https://www.washingtonpost.com/dc-md-va/2019/09/22/socialist-who-ran-president-prison-won-nearly-million-votes/">Eugene Debbs, en 1920</a>. Et s’il venait à être élu, il tenterait sans doute de <a href="https://verdict.justia.com/2023/04/12/can-a-president-serve-from-prison-we-might-find-out#:%7E:text=Yes%2C%20he%20would%20be%20subject,unlikely%20to%20invoke%20those%20processes.">se gracier lui-même</a> de ses crimes fédéraux. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531213/original/file-20230610-63747-wx78ok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531213/original/file-20230610-63747-wx78ok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531213/original/file-20230610-63747-wx78ok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531213/original/file-20230610-63747-wx78ok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531213/original/file-20230610-63747-wx78ok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531213/original/file-20230610-63747-wx78ok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531213/original/file-20230610-63747-wx78ok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tweet de Kevin McCarthy en soutien à Donald Trump.</span>
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<p>Comment Donald Trump, qui <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/01/07/etats-unis-donald-trump-le-president-insurrectionnel_6065424_3210.html">a encouragé une insurrection</a>, subi <a href="https://www.pbs.org/newshour/politics/majority-of-house-members-vote-for-2nd-impeachment-of-trump">deux procédures de destitution</a>, été <a href="https://www.lopinion.fr/international/donald-trump-mis-en-examen-ce-quil-faut-savoir">mis en examen</a> et reconnu <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/05/09/donald-trump-reconnu-responsable-de-l-agression-sexuelle-de-l-ex-journaliste-e-jean-carroll-par-un-tribunal-civil-de-new-york_6172691_3210.html">coupable d’agression sexuelle</a>, qui fait toujours l’objet de <a href="https://www.nytimes.com/article/trump-investigations-civil-criminal.html">nombreuses enquêtes judiciaires</a> – y compris pour <a href="https://www.cnbc.com/2023/03/20/trump-seeks-to-block-georgia-election-interference-criminal-charges.html">interférence dans des élections</a>, et qui continue de <a href="https://www.pbs.org/newshour/politics/trump-continues-insults-of-rape-accuser-pushing-election-lies-during-cnn-town-hall">nier le résultat de la présidentielle de 2020</a>, peut-il encore dominer le camp républicain ?</p>
<p>Sur le papier, il semble pourtant y avoir un espace pour une alternative à Trump au sein du parti. Malgré les apparences, les pro-Trump qui soutiennent l’ancien président de manière indéfectible <a href="https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2022/11/america-has-anti-maga-majority/672047/">sont minoritaires</a> au sein des sympathisants républicains. Selon des calculs effectués en 2022, ils représenteraient environ le <a href="https://theconversation.com/how-a-divided-america-including-the-15-who-are-maga-republicans-splits-on-qanon-racism-and-armed-patrols-at-polling-places-193378">tiers des Républicains (30 à 37 %)</a>, soit à peu près 15 % des électeurs américains, un chiffre confirmé par un <a href="https://www.nbcnews.com/meet-the-press/meetthepressblog/share-republicans-identifying-trump-supporters-ticks-indictment-poll-f-rcna81195">sondage récent de NBC</a>.</p>
<h2>Des Républicains divisés</h2>
<p>Le problème réside dans le fait que, hormis cette base pro-Trump <a href="https://fivethirtyeight.com/features/trump-polls-very-conservative-voters-2016-2024/amp/">très radicalisée</a>, homogène et unie autour de l’ancien président, les <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2023/apr/10/republican-party-2024-divided7">électeurs républicains sont divisés</a>. Ceux qui seraient éventuellement prêts à opter pour un autre candidat que lui le sont pour des raisons variées et à des degrés divers. Et presque un tiers d’entre eux (soit 20 % des électeurs républicains) semblent ne pas avoir trouvé de candidat alternatif et se disent donc prêts à se rallier à Trump. </p>
<p>Le défi de n’importe quel concurrent de l’ancien président consiste non seulement à rassembler un pourcentage suffisamment important d’électeurs républicains sous une même bannière, mais aussi à se placer à la fois comme héritier et rival de Donald Trump. Or ce dernier n’hésite pas à attaquer violemment tout adversaire pouvant constituer une menace sérieuse, comme il le <a href="https://www.reuters.com/world/us/trump-is-attacking-desantis-hard-policy-amid-flurry-insults-2023-05-17/">fait avec DeSantis</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/etats-unis-la-democratie-en-sursis-196524">États-Unis : la démocratie en sursis ?</a>
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<p>En dehors de l’ancien gouverneur du New Jersey <a href="https://edition.cnn.com/2023/06/06/politics/chris-christie-2024-announcement/index.html">Chris Christie</a> et de l’ex-vice-président <a href="https://www.youtube.com/watch?v=0juZRV-u_S4">Mike Pence</a>, déjà perçus comme déloyaux avant même leur entrée en campagne, les candidats aux primaires évitent pourtant de s’en prendre frontalement à Trump, préférant <a href="https://thehill.com/homenews/campaign/4019501-why-gop-candidates-are-piling-on-desantis-not-trump/">réserver leurs coups à DeSantis</a>. Attaquer Trump, c’est aussi laisser entendre que ses électeurs se sont trompés ou qu’ils ont été trompés.</p>
<p>En outre, l’ex-président <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/06/08/donald-trump-voit-d-un-bon-il-la-multiplication-des-candidatures-a-l-investiture-republicaine-pour-2024_6176660_3210.html">bénéficie de la multiplication de candidatures aux primaires</a> et de l’éparpillement des voix qu’elle engendre. Ils sont déjà une <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2023/05/27/top-10-gop-2024-presidential-candidates/">petite dizaine</a> à s’être officiellement déclarés, mais <a href="https://pro.morningconsult.com/trackers/2024-gop-primary-election-tracker">aucun ne semble encore émerger</a>. En effet, le scrutin majoritaire à un tour appliqué pour les primaires et le fait que, dans la plupart des États, le <a href="https://nymag.com/intelligencer/2023/03/2024-delegate-rules-could-give-trump-and-or-desantis-a-boost.html">candidat qui a obtenu le plus grand nombre de voix</a> remporte l’ensemble des délégués profitent à l’ex-locataire de la Maison Blanche. Fort de son socle électoral solide, ce dernier devrait d’autant plus facilement devancer ses poursuivants que ceux-ci seront nombreux et se déchireront entre eux. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1666819489823096832"}"></div></p>
<p>Enfin, il ne faut pas oublier que seule une toute petite minorité d’électeurs votent aux primaires . Il y avait <a href="https://www.pewresearch.org/short-reads/2016/06/10/turnout-was-high-in-the-2016-primary-season-but-just-short-of-2008-record/">moins de 15 % de participation</a> chez les Républicains en 2016, le taux le plus élevé en plus de 30 ans. Il est communément admis que c’est la frange la plus radicalisée qui vote pour ce scrutin, bien que les <a href="https://www.newamerica.org/political-reform/reports/what-we-know-about-congressional-primaries-and-congressional-primary-reform/are-primaries-a-problem/">études à ce sujet soient peu concluantes</a>.</p>
<h2>DeSantis : un rival plus radical mais moins charismatique</h2>
<p>La stratégie adoptée par Ron DeSantis est de faire une campagne à la droite de Trump sur des <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/05/31/etats-unis-l-iowa-terre-privilegiee-de-l-affrontement-entre-donald-trump-et-ron-desantis_6175516_3210.html">thèmes de guerre culturelle</a> : il se positionne comme étant radicalement <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2023/may/24/florida-governor-ron-desantis-history">anti-woke</a>, <a href="https://apnews.com/article/florida-abortion-ban-approved-c9c53311a0b2426adc4b8d0b463edad1">anti-avortement</a>, <a href="https://www.nbcnews.com/nbc-out/out-politics-and-policy/desantis-signs-dont-say-gay-expansion-gender-affirming-care-ban-rcna84698">anti-transgenre et LGBT</a>, mais aussi <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-02-15/desantis-strategy-to-win-voters-with-gun-laws-poses-2024-campaign-risk">pro-armes</a>. Reste que, ce faisant, DeSantis cherche à séduire un segment de l’électorat assez similaire à celui de Trump.</p>
<p>Décrit par le <em>Financial Times</em> comme un <a href="https://www.ft.com/content/3aa3b7a6-8f72-4c37-82dd-d98946198aa7">« Donald Trump avec un cerveau et sans le mélodrame »</a>, il <a href="https://www.washingtonpost.com/opinions/2023/03/14/desantis-charisma-presidency/">n’a pas le charisme</a> de ce dernier. Son style de gouvernance en Floride, basé sur <a href="https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2023/03/ron-desantis-2024-florida-authoritarian/673483/">l’autoritarisme</a> et une <a href="https://www.wsj.com/articles/disney-says-desantis-allies-are-weaponizing-the-power-of-government-eab0e30b">instrumentalisation politique</a> des institutions, y compris les <a href="https://nymag.com/intelligencer/2023/01/ron-desantis-florida-schools-censorship-universities-dont-say-gay-stop-woke.html">établissements d’enseignement</a>, rappelle davantage <a href="https://www.vox.com/policy-and-politics/2022/4/28/23037788/ron-desantis-florida-viktor-orban-hungary-right-authoritarian">celui de Viktor Orban</a> que celui de l’ancien président américain. De plus, après avoir chanté les louanges de Donald Trump, il doit maintenant l’attaquer sans sembler se contredire ou, pis, passer pour un <a href="https://www.politico.com/newsletters/florida-playbook/2022/11/11/trump-rips-desantis-as-disloyal-00066427">traître</a> auprès de la base.</p>
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<figcaption><span class="caption">Spot de campagne de DeSantis en 2018 en vue de l’élection du gouverneur de Floride.</span></figcaption>
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<h2>Le ressentiment racial et une crise identitaire comme facteurs d’unité</h2>
<p>Dès que l’ancien président est mis en difficulté, par exemple au moment de sa première mise en examen, une <a href="https://www.nbcnews.com/politics/2024-election/nbc-news-poll-nearly-70-gop-voters-stand-trump-indictment-investigatio-rcna80917">vaste majorité (70 %) de sympathisants républicains</a> s’est ralliée à lui et a semblé adhérer à l’idée que toute inculpation est <a href="https://www.politico.com/news/2023/03/31/donald-trump-indictment-00090001">motivée par des considérations politiques</a>. De même, et de façon plus inquiétante, une majorité continue de <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2023/03/14/election-deniers-evidence-belief/">croire que l’élection de 2020 leur a été volée</a>, y compris une partie de ceux qui reconnaissent, aujourd’hui, l’absence de preuve.</p>
<p>Cette permanence du soupçon illustre non seulement que la perception compte davantage que la réalité, mais aussi qu’il existe une forme de paranoïa symptomatique d’une crise identitaire dont les racines se situent dans <a href="https://www.washingtonpost.com/news/monkey-cage/wp/2017/12/15/racial-resentment-is-why-41-percent-of-white-millennials-voted-for-trump-in-2016/">l’anxiété économique et le ressentiment racial</a>. La recherche a largement documenté (<a href="https://www.cambridge.org/core/services/aop-cambridge-core/content/view/537A8ABA46783791BFF4E2E36B90C0BE/S1049096518000367a.pdf/explaining_the_trump_vote_the_effect_of_racist_resentment_and_antiimmigrant_sentiments.pdf">ici</a>, <a href="https://academic.oup.com/poq/article-abstract/83/1/91/5494625">ici</a>, <a href="https://centerforpolitics.org/crystalball/articles/the-transformation-of-the-american-electorate/">ici</a> ou <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691174198/identity-crisis">ici</a>) que les électeurs de Donald Trump étaient essentiellement blancs, non diplômés, évangéliques et de classe moyenne. Ces études concluent également que ce sont d’abord les questions d’identité – surtout liées à la race, à l’immigration, à la religion et au genre –, davantage que l’économie, qui ont été les forces motrices de l’élection de Trump en 2016.</p>
<p>Pour une partie de cet électorat américain blanc, il existe en effet ce que la <a href="https://www.goodreads.com/book/show/28695425-strangers-in-their-own-land">sociologue Arlie Hochschild</a> appelle <a href="https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2020/12/deep-story-trumpism/617498/">« une histoire profonde »</a> :celle de Blancs de la classe moyenne qui seraient mis à l’écart par des groupes minoritaires, abandonnés par le gouvernement, <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2021/01/13/new-research-shows-connection-between-political-victimhood-white-support-trump/">victimisés</a> et traités avec mépris par une élite de gauche.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-grand-desarroi-de-la-majorite-blanche-aux-etats-unis-146993">Le grand désarroi de la majorité blanche aux États-Unis</a>
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<p>Le ressentiment de ces Blancs non diplômés qui se jugent délaissés vient en partie de leur affaiblissement démographique : leur part dans l’électorat est passée de <a href="https://centerforpolitics.org/crystalball/articles/the-transformation-of-the-american-electorate/">69 % en 1980 à 39 % en 2020, et devrait tomber à 30 % d’ici à 2032</a>. </p>
<h2>Une stratégie de l’émotion</h2>
<p>Le succès de Donald Trump vient de son charisme et de sa capacité à utiliser une <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2020/sep/02/donald-trump-strategy-republican-national-convention">stratégie de l’émotion</a> basée sur la peur, le sentiment de rancune et d’humiliation. Ceci en s’appuyant sur <a href="https://www.politico.com/magazine/story/2018/11/01/donald-trump-elite-trumpology-221953/">sa propre rancœur envers les élites</a> new-yorkaises, puis envers Barack Obama à travers ses allégations de <a href="https://theconversation.com/birtherism-trump-and-anti-black-racism-conspiracy-theorists-twist-evidence-to-maintain-status-quo-174444"><em>birtherism</em></a>, l’élection d’un président noir ayant contribué à <a href="https://www.washingtonpost.com/business/how-evangelical-voters-swung-from-carter-to-trump/2023/03/01/e43a7112-b833-11ed-b0df-8ca14de679ad_story.html">polariser encore plus la politique américaine autour de la question raciale</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530991/original/file-20230608-16844-qptkll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530991/original/file-20230608-16844-qptkll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530991/original/file-20230608-16844-qptkll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530991/original/file-20230608-16844-qptkll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530991/original/file-20230608-16844-qptkll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530991/original/file-20230608-16844-qptkll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530991/original/file-20230608-16844-qptkll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Manifestation pro-Trump à New York pendant sa comparution devant la justice dans le cadre de l’affaire Stormy Daniels, le 4 avril 2023.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/protrump-supporters-rally-new-york-criminal-2284802573">Lev Radin/Shutterstock</a></span>
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<p>Ce qui est remarquable, et peut-être contre-intuitif, c’est que ce récit de ressentiment racial est parfois même adopté par des minorités qui éprouvent de <a href="https://www.nbcnews.com/think/opinion/trump-vote-rising-among-blacks-hispanics-despite-conventional-wisdom-ncna1245787">l’antipathie à l’égard d’autres groupes minoritaires</a>. Une <a href="http://www.beacon.org/Racial-Innocence-P1822.aspx">étude récente</a> montre, par exemple, la croissance du nombre de Latinos, comme d’autres personnes de couleur, dans le mouvement suprémaciste blanc.</p>
<p>Enfin, Trump a pu s’appuyer sur la peur des chrétiens blancs évangéliques, comme l’a montré <a href="https://wwnorton.com/books/9781631495731">Kristin Kobes Du Mez</a>, en leur offrant un récit du « carnage américain » qui résonne avec leurs croyances eschatologiques de <a href="https://www.vox.com/policy-and-politics/2020/7/9/21291493/donald-trump-evangelical-christians-kristin-kobes-du-mez">déclin et de destruction à la fin des temps</a>.</p>
<h2>Trump, martyr et superhéros</h2>
<p>Donald Trump a construit autour de sa personne un récit où il est une <a href="https://www.theatlantic.com/politics/archive/2017/11/victim-in-chief/544463/">victime</a>, voire un martyr, auquel <a href="https://www.psypost.org/2021/01/egocentric-victimhood-is-linked-to-support-for-trump-study-finds-59172">s’identifie cet électorat</a> et, en même temps, un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=vk_RjS_P_tM">superhéros</a> <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1536504220920189">hypemasculinisé</a> dans lequel ses partisans peuvent se projeter, y compris quand la victime annonce qu’elle se fera bourreau des responsables de leurs malheurs . À la veille des élections de 2016 il se disait ainsi être la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ehvUQrRDyyU">voix des « oubliés »</a> ; avant celles de 2024, il <a href="https://www.youtube.com/watch?v=qG0ko3rMWig">se présente</a> comme leur « guerrier » et leur justicier, promettant d’être la « rétribution » et le « châtiment » pour « ceux qui ont été lésés et trahis ».</p>
<p>Cette vengeance pourrait même s’abattre sur les Républicains qui le trahiraient. N’oublions pas que le leadership à la Chambre de Kevin McCarthy dépend d’une majorité si faible qu’il est <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2023/jan/15/kevin-mccarthy-house-speaker-trump-republican-influence">à la merci de la frange la plus pro-Trump des élus</a> de son parti. De la même façon, le Grand Old Party est pris en otage par <a href="https://www.politico.com/news/magazine/2023/05/18/donald-trump-paradox-gop-00097458">ce mouvement minoritaire mais puissant</a>, dont la seule constance est la loyauté envers son chef, Donald Trump, quitte à affaiblir le parti et faire perdre des élections. </p>
<p>Dans un tel contexte, on peut légitimement se poser la question de ce qui se passerait si Trump devait perdre les primaires républicaines. Il n’est pas impossible qu’il rejette alors les résultats, et affirme qu’elles ont été truquées. S’il se présentait, alors, en tant qu’indépendant, presque <a href="https://www.politico.com/news/2023/02/28/trump-voters-republican-primary-00084652">30 % des électeurs républicains seraient prêts à la suivre</a>, même si des <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2023/03/06/trump-third-party-chances/">études montrent</a> qu’il n’aurait presque aucune chance de l’emporter. Il ferait en tout état de cause exploser le Parti républicain, une possibilité qui ne fait que renforcer sa domination sur un parti déjà très affaibli, <a href="https://theconversation.com/apres-la-defaite-de-donald-trump-que-va-devenir-le-parti-republicain-149772">incapable de se redéfinir sur une ligne idéologique et intellectuelle claire</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207054/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Viala-Gaudefroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Donald Trump demeure le grand favori aux primaires républicaines de 2024, malgré l’entrée en lice de nouveaux candidats. La multiplication des candidatures pourrait même le favoriser.Jérôme Viala-Gaudefroy, Assistant lecturer, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2043312023-05-10T12:47:12Z2023-05-10T12:47:12ZDonald Trump enfin rattrapé par la justice ?<p><a href="https://theconversation.com/donald-trump-cerne-par-les-affaires-151603">De multiples instructions visant Donald Trump</a> sont en cours depuis des années, mais on a assisté, au cours des dernières semaines, à une accélération des rendez-vous judiciaires dans plusieurs affaires – certaines civiles, d’autres pénales – impliquant l’ancien président.</p>
<p>Si l’on en juge par <a href="https://www.20minutes.fr/monde/4036188-20230509-etats-unis-trump-devra-verser-5-millions-dollars-avoir-agresse-sexuellement-diffame-e-jean-carroll">sa condamnation, le 9 mai, à cinq millions de dollars de dommages et intérêts</a> pour une agression sexuelle commise au milieu des années 1990, et par sa mise en examen début avril pour falsification de comptes dans la <a href="https://www.lefigaro.fr/international/inculpe-a-new-york-donald-trump-contre-attaque-20230404">fameuse affaire Stormy Daniels</a>, ce sont peut-être les « petites affaires » qui briseront, si peu que ce soit, l’impunité de l’ancien président.</p>
<h2>Une multiplicité d’affaires</h2>
<p>Certaines affaires civiles, instruites dans l’État de New York, ont trait aux pratiques financières et fiscales de l’empire Trump et ont déjà donné lieu à la <a href="https://www.lepoint.fr/monde/l-ancien-directeur-financier-de-la-trump-organization-condamne-a-5-mois-de-prison-10-01-2023-2504371_24.php">condamnation de son directeur financier</a> ; d’autres volets pourraient aboutir à un <a href="https://abcnews.go.com/US/trump-back-new-york-deposition-attorney-generals-250/story?id=9855642">procès en octobre</a>.</p>
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<p>L’accusation d’agression sexuelle et de diffamation à l’encontre de l’ancienne journaliste E. Jean Carroll, pour laquelle il vient d’être condamné, <a href="https://www.tysonmendes.com/new-yorks-adult-survivors-act-expands-potential-liability-for-perpetrators-and-institutions/#">a également été jugée au civil</a>, les délais de prescription pour un procès pénal ayant été dépassés. <a href="https://www.leparisien.fr/international/ce-verdict-est-une-honte-donald-trump-va-faire-appel-de-sa-condamnation-pour-agression-sexuelle-09-05-2023-PFS6J2WINJGWPEH52KWSWKDRA4.php">Trump va faire appel</a> et, à ce stade, il est difficile d’évaluer l’impact de ce verdict sur ses partisans et sur le Parti républicain.</p>
<p>Le même flou entoure les quatre procédures de nature pénale intentées par divers procureurs, qui représentent pourtant de plus grandes menaces pour l’ex-président.</p>
<p>Ce sont des épées de Damoclès au-dessus de sa tête… mais elles ne l’empêcheront pas de faire campagne et, peut-être, d’être investi par le camp républicain. En effet, <a href="https://www.politico.com/news/2023/03/31/donald-trump-indictment-00090001">sa base inconditionnelle est persuadée qu’il est innocent</a> et victime d’une « chasse aux sorcières » menée par des procureurs Démocrates, même si au niveau fédéral, ce sont des procureurs indépendants qui sont en charge.</p>
<h2>New York : la première mise en examen d’un ancien président</h2>
<p>La première affaire pénale diligentée par le procureur (démocrate) du comté de New York, <a href="https://www.lefigaro.fr/international/qui-est-alvin-bragg-le-procureur-progressiste-de-new-york-qui-a-inculpe-donald-trump-20230331">Alvin Bragg</a>, dite « affaire Stormy Daniels », dure depuis 2016 et concerne des faits qui se sont produits avant l’élection de Trump.</p>
<p>Malgré des <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2023/mar/31/trump-stormy-daniels-affair-hush-money-indictment">rebondissements divers au cours de toutes ces années</a>, ce n’est qu’en avril 2023 que l’ancien président a été <a href="https://theconversation.com/donald-trump-mis-en-examen-quelles-consequences-pour-sa-candidature-a-la-presidentielle-de-2024-203071">mis en examen</a> par le grand jury.</p>
<p>On savait que, pour obtenir le silence de l’ancienne actrice de films pornographiques Stormy Daniels sur une relation sexuelle qu’elle avait eue avec lui en 2006, Donald Trump avait, un mois avant l’élection de 2016, ordonné à son avocat Michael Cohen de verser à celle-ci 130 000 dollars.</p>
<p><a href="https://www.ledevoir.com/monde/etats-unis/787528/qu-est-ce-qui-a-mene-a-l-inculpation-de-donald-trump">Selon l’acte d’accusation dévoilé le 4 avril</a>, Trump aurait ensuite choisi de rembourser cette somme à Cohen en la présentant comme des honoraires pour services juridiques, contrevenant ainsi au droit de l’État de New York qui interdit la falsification de documents commerciaux « avec intention frauduleuse ». Une telle infraction est considérée comme une « felony » (passible d’un an de prison ou plus) si la transaction visait à faciliter ou à dissimuler la commission d’une autre infraction. Ce qui est le cas ici mais le dossier est léger et surtout, si l’ex-président a bien été inculpé, le temps judiciaire est long.</p>
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<p>La prochaine audience à New York est prévue pour le 4 décembre et la défense dispose de quatre mois pour tenter d’obtenir le dessaisissement du juge <a href="https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20230404-qui-est-juan-merchan-le-juge-charg%C3%A9-de-l-inculpation-de-donald-trump">Juan Merchan</a> (qui a présidé les audiences dans deux affaires dont l’issue a été défavorable à la Trump Organization, la compagnie historique du milliardaire), pour invoquer le dépassement du délai de prescription et pour mettre en avant d’autres éléments relevant de la tactique habituelle de Trump : gagner du temps en usant de toutes les manœuvres dilatoires possibles.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, des quatre instructions qui le visent actuellement, celle-ci est sans doute la moins solide, et <a href="https://time.com/6267778/trump-indictment-trial-timeline-2024-election/">si procès il y a, il ne se déroulera pas avant le printemps ou l’été 2024</a>.</p>
<p>Les trois autres affaires pénales concernent les actions de Trump en tant que président. Deux d’entre elles sont instruites au niveau fédéral, la troisième par l’État de Géorgie.</p>
<h2>L’affaire de Géorgie</h2>
<p>En janvier 2022, la procureure du comté de Fulton, Fani T. Willis, a demandé la réunion d’un grand jury « dans le but d’enquêter sur les faits et les circonstances liés à de possibles tentatives visant à perturber l’administration légale des élections 2020 dans l’État de Géorgie ».</p>
<p>Cela inclut les tentatives de la campagne Trump de créer des listes de faux grands électeurs destinées à être envoyées à Washington, et les pressions exercées par celui qui était alors le président sur le secrétaire d’État en charge des élections de Géorgie, Brad Raffensperger.</p>
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<p>La procureure dispose d’éléments de preuve beaucoup plus nombreux que dans l’affaire de New York, car le grand jury a entendu plus de 75 témoins et a en sa possession plusieurs enregistrements démontrant que Trump a cherché à obtenir une modification des résultats de l’élection de novembre 2020. Dans l’un de ces enregistrements, il demande à Raffensperger de lui trouver les 11 780 voix nécessaires pour faire basculer en sa faveur l’élection dans cet État.</p>
<p>Le grand jury, dont le rôle est d’entendre les éléments à charge présentés par les témoins de l’accusation, vient de terminer sa session. Il a conclu à l’absence de fraude durant les élections de 2020 et a annoncé d’éventuelles mises en examen, dont celles de <a href="https://www.salon.com/2022/08/16/legal-expert-giuliani-should-expect-to-be-indicted-after-learning-hes-target-of-georgia-probe_partner/">Rudy Giuliani</a> (alors avocat de Trump) et du sénateur <a href="https://apnews.com/article/donald-trump-georgia-atlanta-88095d01932c62ee4a6dc2db1786ada9">Lindsay Graham</a>, qui ont cherché à faire pression sur les responsables électoraux de l’État. Un autre grand jury qui pourrait se prononcer sur ces mises en examen (et peut-être celle de Donald Trump lui-même) a commencé de siéger début mai. Là aussi, un éventuel procès n’aurait pas lieu avant mi-2024.</p>
<h2>L’affaire du Capitole</h2>
<p>Les deux affaires fédérales sont sérieuses, puisque l’une porte sur le rôle de l’ancien président dans l’incitation à l’insurrection du 6 janvier 2021 et l’autre sur la non-restitution de documents officiels (en violation de la loi sur les documents présidentiels) et de documents classés « confidentiel » et « secret défense ».</p>
<p>Dans le premier cas, le département de la justice (DoJ) a analysé des milliers d’heures de vidéos postées sur les réseaux sociaux pour retrouver les personnes ayant pris d’assaut le Capitole. Sur les quelque 2 000 individus qui ont pénétré dans l’enceinte du Congrès avec des armes, des barres de fer et des drapeaux confédérés, 700 ont été inculpés. 183 ont plaidé coupable (en échange de chefs d’inculpation moins lourds), 78 ont été condamnés, dont 35 à des peines de prison. Pour ceux qui ont plaidé non coupable, les procès ont commencé et les premières peines sont <a href="https://time.com/6133336/jan-6-capitol-riot-arrests-sentences/">lourdes</a>.</p>
<p>Il reste que les <a href="https://theconversation.com/comment-le-discours-populiste-de-donald-trump-a-conduit-a-linsurrection-de-ses-troupes-153002">vrais responsables, à commencer par Donald Trump</a>, n’ont toujours pas été mis en examen malgré de nombreux éléments à charge. Et jusqu’à la nomination le 18 novembre 2022 par le DoJ d’un procureur spécial, Jack Smith, les instructions semblaient avancer à la vitesse de l’escargot. Depuis, les choses se sont accélérées. Le procureur dispose de dépositions à charge et de SMS et de tweets de Trump incitant ses sympathisants à venir manifester à Washington le 6 janvier en annonçant que ce serait « sauvage ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1546986701058367492"}"></div></p>
<p>Est-ce suffisant pour prouver « au-delà du doute raisonnable », dans un éventuel procès qui pourrait avoir lieu au mieux mi-2024, que celui qui était encore président avait alors incité ses troupes à l’insurrection contre le Capitole ?</p>
<h2>Le vol de documents officiels</h2>
<p><a href="https://www.justsecurity.org/83034/tracker-evidence-of-trumps-knowledge-and-involvement-in-retaining-mar-a-lago-documents/">Dans cette affaire aussi</a>, on note une accélération des citations à comparaître et des auditions.</p>
<p>Il apparaît que Trump avait, après son départ de la Maison Blanche, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/trump-a-quitte-la-maison-blanche-avec-des-caisses-de-documents-dont-des-lettres-d-obama-et-kim-jong-un-7626603">conservé par-devers lui des cartons entiers de documents confidentiels</a>, et a refusé de les restituer malgré les nombreuses injonctions judiciaires reçues.</p>
<p>En août dernier, une <a href="https://www.lepoint.fr/monde/trump-annonce-que-sa-residence-en-floride-a-ete-perquisitionnee-par-la-police-federale-09-08-2022-2485779_24.php">perquisition de sa demeure en Floride</a>, autorisée par un juge, a permis de récupérer plusieurs cartons, mais peut-être pas la totalité. Les actes de Trump en la matière peuvent, entre autres, relever de la loi sur l’espionnage ou des règles qui régissent l’obstruction à la justice.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1572821780892454912"}"></div></p>
<p>Dans ces deux affaires, les difficultés tiennent au décalage entre le temps judiciaire et le temps politique aussi bien que médiatique. Surtout, quelles que soient les conclusions du procureur spécial Jack Smith dans les deux affaires, le ministre de la Justice Merrick Garland peut ne pas suivre les recommandations de mise en examen. Il jouit en effet de ce qu’on appelle le pouvoir discrétionnaire du procureur (<a href="https://www.findlaw.com/criminal/criminal-procedure/what-is-prosecutorial-discretion-.html">prosecutorial discretion</a>).</p>
<p>Et même s’il y a inculpation, Trump et ses avocats vont multiplier les refus de se plier aux convocations, les contestations devant les tribunaux et toutes sortes de manœuvres dilatoires. Un procès n’est pas pour demain. Et pendant ce temps se dérouleront les élections primaires et peut-être l’élection présidentielle de novembre 2024. Si un Républicain (Trump ou un autre) était élu, instruction serait évidemment donnée au DoJ de cesser toute enquête. Et si des condamnations étaient prononcées d’ici là, le nouveau locataire de la Maison Blanche aurait sans doute recours au droit de grâce.</p>
<h2>Quid de la primauté du droit ?</h2>
<p>En conséquence, ce sont bien les affaires instruites au niveau des États qui pourraient, un jour, aboutir à une condamnation de l’ancien président et, parce que le droit de grâce du président ne s’applique qu’aux peines prononcées dans le cadre d’affaires fédérales, mettre partiellement fin à son impunité.</p>
<p>Les institutions et juridictions des États auraient le mérite de rappeler l’importance de la primauté du droit (rule of law) et la règle du « Nul n’est au-dessus du droit » affirmée par la Cour suprême dans <a href="https://www.oyez.org/cases/1973/73-1766"><em>U.S. v.Nixon</em> en 1974</a>. Mais la sanction d’inéligibilité ne peut être prononcée qu’au niveau fédéral…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204331/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne E. Deysine ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’ancien président est poursuivi dans plusieurs affaires, mais il n’est pas certain que les procès à venir affectent négativement sa campagne en vue de la présidentielle de 2024…Anne E. Deysine, Professeur émérite juriste et américaniste, spécialiste des États-Unis, questions politiques, sociales et juridiques (Cour suprême), Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2050732023-05-08T18:06:23Z2023-05-08T18:06:23ZAux États-Unis, avec l’affaire Dominion vs Fox News, la désinformation a désormais un prix<p><a href="https://int.nyt.com/data/documenttools/dominion-fox-news/54e33f20f7fb6e8d/full.pdf">Le très attendu procès</a> opposant l’entreprise spécialisée dans la fabrication de machines à voter électroniques Dominion Voting Systems à Fox News Channel, dont la maison mère est Fox Corporation, s’est ouvert le 17 avril 2023… et s’est clos dès le lendemain, le 18 avril, <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2023/apr/18/dominion-wins-but-the-public-loses-fox-settlement-avoids-paying-the-highest-price">par un règlement à l’amiable</a>.</p>
<p>En échange de l’abandon des poursuites, Fox News a accepté de verser la somme de 787,5 millions de dollars à Dominion. Celle-ci avait traîné la chaîne devant les tribunaux pour diffamation, Fox News ayant amplement affirmé, trois ans durant, que les machines de Dominion avaient permis à Joe Biden de « voler » l’élection présidentielle de 2020 à Donald Trump.</p>
<p>Cette séquence juridique aura été amplement commentée. Faut-il y voir une défaite sans appel des tenants des fake news et théories du complot ou bien, au contraire, le signe que, désormais, tout se monnaie, y compris le droit de diffuser des informations mensongères ?</p>
<h2>Quand Fox News accusait Dominion d’avoir truqué l’élection de 2020</h2>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/11/20/qu-est-ce-que-dominion-le-logiciel-electoral-attaque-par-donald-trump_6060562_4408996.html">Dominion Voting Systems</a> est une entreprise qui édite un logiciel électoral et vend des « urnes numériques », ce qui permet de voter à distance. Entreprise canadienne créée en 2003, elle est le deuxième fournisseur de services électoraux aux États-Unis, derrière l’américain <a href="https://www.essvote.com/">Election Systems and Software</a>, créé dès 1979. Et ce, dans un <a href="https://www.reuters.com/graphics/USA-ELECTION/VOTING/mypmnewdlvr/">écosystème bien établi</a> du fait des distances à couvrir pour aller voter, des millions d’électeurs à traiter et de la confiance implicite des Américains dans la technologie. En 2020, <a href="https://www.newsweek.com/dominion-voting-systems-categorically-denies-election-tech-glitches-following-trump-accusations-1547405">28 États ont utilisé Dominion</a>, dont les États-pivots que sont la Georgie, le Michigan, la Pennsylvanie et le Wisconsin.</p>
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<p>La plainte de Dominion concernait les théories du complot propagées par Fox News selon lesquelles les urnes auraient été manipulées pour truquer le résultat des élections 2020 en faveur de Joe Biden, au détriment de Donald Trump.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1648450762295611397"}"></div></p>
<p>Les accusations de fraude électorale furent nombreuses, <a href="https://www.lefigaro.fr/elections-americaines/trump-accuse-les-democrates-lui-voler-l-election-20201106">relayées par Donald Trump</a> sur Twitter dès le 12 novembre (soit une semaine après l’annonce des résultats) et reprises par <a href="https://www.foxnews.com/opinion/tucker-carlson-2020-presidential-election-rigged-big-tech-mainstream-media">Fox News</a>, <a href="https://www.politifact.com/factchecks/2021/jan/12/greg-kelly/newsmax-host-recycles-out-context-clip-call-joe-bi/">Newsmax</a> et un <a href="https://eu.usatoday.com/story/entertainment/tv/2021/01/11/dc-riots-how-newsmax-oan-conservative-outlets-fueled-mob/6589298002/">faisceau de médias pro-Trump</a>. Selon eux, des millions de votes auraient été effacés, des votes Trump auraient été attribués à Joe Biden, des vulnérabilités techniques auraient facilité le piratage, etc.</p>
<p>Suite à une série de <a href="https://abcnews.go.com/Politics/dominion-employees-latest-face-threats-harassment-wake-trump/story?id=74288442">harcèlements et même de menaces de mort</a> visant ses employés, Dominion a contre-attaqué, réclamant 1,6 milliard de dollars de dommages et intérêts pour compenser la perte de nombreux clients et la baisse de son chiffre d’affaires… et pour protéger sa réputation et son avenir dans le milieu très concurrentiel des services électoraux.</p>
<p>Fox News, quant à elle, s’est réclamée du Premier amendement, affirmant qu’elle était dans son droit en rapportant de telles théories, car celles-ci étaient « newsworthy » (dignes d’intérêt). Et d’ajouter que la somme demandée n’était pas réaliste, au vu du coût d’achat de Dominion (80 millions de dollars) en 2018 par ses nouveaux propriétaires, Staple Street Capital, un fonds d’investissement basé à New York.</p>
<p>L’affaire devait être jugée devant la Delaware Superior Court, reconnue pour ses compétences en matière de litiges technologiques et de droit à la concurrence.</p>
<h2>Fox News, machine de propagande pro-Trump</h2>
<p>Selon les preuves fournies par Dominion en préparation de son dossier, les présentateurs de Fox News auraient propagé ces infox pour satisfaire leur auditoire, largement acquis à Trump, lequel refusait de reconnaître sa défaite.</p>
<p>Fait sans précédent, les détails des échanges d’emails internes, des mémos et autres conversations entre les animateurs de talk-shows et la direction, y compris le propriétaire de Fox Corp, Rupert Murdoch, et son fils Lachlan (directeur en titre du réseau), <a href="https://www.businessinsider.com/rupert-murdoch-lachlan-dominion-smartmatic-lawsuit-fox-news-text-email-2021-12?r=US&IR=T">sont désormais publics</a>. Ils démontrent une mauvaise foi manifeste : les responsables de Fox News <a href="https://www.npr.org/2023/02/28/1160157733/rupert-murdoch-knew-fox-news-stars-were-endorsing-2020-election-lies-he-says">avaient conscience que leurs messages étaient mensongers</a> mais ont continué à les diffuser pour ne pas froisser les auditeurs… et surtout pour ne pas perdre les revenus attenants (les taux d’audience élevés de Fox lui permettent de vendre ses programmes aux autres chaînes câblées du pays, aux tarifs les plus forts).</p>
<p>Ce faisant, le personnel de Fox News a délibérément propagé de fausses informations pour complaire à l’extrême droite du Parti républicain, qui voit le média comme son porte-parole.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/524620/original/file-20230505-19-buudsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/524620/original/file-20230505-19-buudsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/524620/original/file-20230505-19-buudsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/524620/original/file-20230505-19-buudsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/524620/original/file-20230505-19-buudsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/524620/original/file-20230505-19-buudsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/524620/original/file-20230505-19-buudsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Manifestation de partisans de Donald Trump le 14 novembre 2020 à Washington, DC.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bob Korn/Shutterstock</span></span>
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<p>C’est la confirmation que Fox News est une machine de propagande en lien direct avec l’aile du parti qui est dominée par Donald Trump. Et cela, dans un contexte marqué par une concurrence croissante au sein de ce camp, où Fox doit se méfier d’autres organes plus radicaux comme NewsMax (de Christopher Rudy, ami proche de Donald Trump), War Room (de Steve Bannon, ancien directeur de campagne de Donald Trump) ou encore One America News Network (de Robert Herring Sr, conservateur pro-Trump).</p>
<h2>Pourquoi Dominion a accepté de transiger</h2>
<p>Si Dominion a, au dernier moment, accepté la transaction proposée par Fox News – 787,5 millions de dollars, ce qui correspond à la moitié de la somme réclamée –, c’est parce que l’entreprise n’avait pas la garantie qu’elle remporterait son procès pour diffamation.</p>
<p>Si le tribunal avait donné tort à Fox News, cette dernière aurait sans doute invoqué le <a href="https://mjp.univ-perp.fr/constit/us1787a.htm">Premier amendement de la Constitution</a> et fait appel devant la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cour-supreme-etats-unis-120273">Cour suprême</a>. Celle-ci défend traditionnellement la liberté d’expression et de la presse, et, dans sa configuration actuelle, est favorable à Trump (et donc, on peut imaginer, à Murdoch). Dominion a jugé que le risque n’en valait pas la chandelle et que ses révélations avaient suffi à rétablir sa réputation.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/politisation-de-la-cour-supreme-la-democratie-americaine-en-peril-173281">Politisation de la Cour suprême : la démocratie américaine en péril ?</a>
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<p>La compagnie n’a même pas demandé d’excuses officielles à Fox. Justin Nelson, l’avocat de Dominion, a pourtant <a href="https://transcripts.cnn.com/show/cg/date/2023-04-18/segment/01">commenté l’accord</a> en des termes non pas commerciaux mais politiques : « Les mensonges ont des conséquences. […] Ce jour représente un soutien retentissant à la vérité et à la démocratie. »</p>
<p>De son côté, <a href="https://www.nytimes.com/live/2023/04/18/business/fox-news-dominion-trial-settlement">Fox a émis un communiqué</a> ne reconnaissant pas sa culpabilité sur le fond de l’affaire :</p>
<blockquote>
<p>« Ce règlement reflète l’engagement continu de Fox à respecter les normes journalistiques les plus élevées. Nous espérons que notre décision de résoudre ce litige avec Dominion à l’amiable, au lieu de l’acrimonie d’un procès qui divise, permettra au pays d’aller de l’avant sur ces questions. »</p>
</blockquote>
<h2>Les retombées pour Fox et les autres diffuseurs de « fake news »</h2>
<p>En creux, cet épisode montre que la désinformation est désormais un business comme un autre, normalisé dans le contexte américain, qui peut se régler comme du droit commercial.</p>
<p>Certains considèrent que <a href="https://time.com/6272910/dominion-settlement-fox-news-nightmare/">Fox a essuyé une lourde défaite</a>. Verser cette somme faramineuse revient à reconnaître ses torts. La résolution hors procès est venue tard, avec des révélations sordides pour l’entreprise, montrant notamment son mépris envers le public, malgré la course à l’audience. Cette affaire peut mettre une limite à la propagande abusive et à la création malveillante de <a href="https://www.la-croix.com/Debats/faits-alternatifs-torpille-Kellyanne-2021-01-25-1201136896">« faits alternatifs »</a> pour reprendre l’expression de KellyAnne Conway. Elle peut obliger les diffuseurs des théories du complot à prendre davantage de précautions ou à se cacher dans des médias plus obscurs. <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20230425-tucker-carlson-et-fox-news-un-divorce-avec-pertes-et-fracas-pour-tous">Le renvoi rapide et sans appel de Tucker Carlson</a>, animateur vedette dont les <a href="https://www.vanityfair.com/news/2023/03/tucker-carlson-continues-stolen-election-lies">propos ont contribué à diffuser la fake news sur le trucage de l’élection de 2020</a> (malgré son antipathie révélée pour Trump), montre que la firme procède à un nettoyage interne, pour marquer son retour au business as usual.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1650527705723543553"}"></div></p>
<p>D’autres estiment que <a href="https://www.npr.org/2023/04/18/1170339114/fox-news-settles-blockbuster-defamation-lawsuit-with-dominion-voting-systems">Fox a gagné</a>. Les 787,5 millions versés à Dominion n’entament qu’à peine le trésor de guerre accumulé par la firme de Murdoch, qui s’évite l’humiliation d’un procès prolongé et la présentation d’excuses publiques.</p>
<p>C’est l’essentiel, somme toute : cette absence d’humiliation n’a pas de prix ! Elle ouvre la porte à tous les abus car cela confirme l’impunité politique, voire économique, de la désinformation – quand on a les moyens financiers – et l’absence de conséquences légales liées à sa propagation et à ses effets dans la vie réelle, y compris quand la diffusion de fake news mène à <a href="https://www.tdg.ch/sur-fox-news-une-realite-parallele-317720323812">l’insurrection</a>.</p>
<h2>Une victoire à la Pyrrhus pour l’information</h2>
<p>Les révélations faites sur le fonctionnement interne de Fox News ont éclairé et confirmé bien des mécanismes à l’œuvre dans la désinformation comme norme des relations d’un média avec son audience. Le choix de la désinformation comme stratégie commerciale par une entreprise de communication ayant pignon sur rue et faisant concurrence frontale à CNN et autres médias de référence est révélateur du risque qui pèse sur l’intégrité de l’information.</p>
<p>Paradoxalement, le journalisme de référence et de vérification, aux États-Unis et ailleurs, ressort affaibli de cet épisode, qui entérine l’avènement d’une nouvelle ère, avec le passage d’un journalisme de l’offre à celui d’un <a href="https://carism.u-paris2.fr/fr/axe-1-le-journalisme-en-reconfiguration">journalisme de la demande</a>. Celui-ci touche toutes les formes de journalisme. Le journalisme basé sur les faits repose déjà sur des pratiques très imprégnées de la veille en ligne et des recommandations faites par les algorithmes. Le journalisme d’opinion plie son agenda en réponse aux attentes de certains publics cibles, au détriment des autres et de l’attention aux faits avérés.</p>
<p>Il ressort de cette affaire que les institutions et le système judiciaire américains ne sont pas vraiment prêts à faire face aux défis de la désinformation. En outre, les fake news diffusées par Fox News sur Dominion peuvent affaiblir la confiance de nombreux citoyens dans le vote électronique. L’affaire est close, mais ses effets n’ont pas fini de se faire ressentir…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 28 et 29 septembre 2023 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205073/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Divina Frau-Meigs ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le « procès en diffamation du siècle » n’aura pas eu lieu : la Fox a versé une somme colossale à l’entreprise qui la traînait en justice, mettant ainsi fin à la procédure judiciaire.Divina Frau-Meigs, Professeur des sciences de l'information et de la communication, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2033722023-04-06T13:46:06Z2023-04-06T13:46:06ZOubliez Stormy Daniels et Michael Cohen – ce sont les comptables qui auront la tête de Donald Trump<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/519689/original/file-20230405-16-35dlbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1920%2C1281&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’ex-président Donald Trump avec ses avocats dans un tribunal de Manhattan. Premier président américain inculpé au criminel, il est accusé d’avoir falsifié des registres d’entreprise dans le cadre d’une enquête sur des pots-de-vin. </span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Seth Wenig)</span></span></figcaption></figure><p>Donald Trump est formellement <a href="https://www.ledevoir.com/depeches/787950/donald-trump-s-est-rendu-aux-autorites-a-new-york-pour-sa-mise-en-accusation">inculpé de 34 chefs d’accusation pour falsification de registres d’entreprises</a> à la suite d’une enquête sur des paiements occultes à trois personnes, dont une actrice porno.</p>
<p>L’ancien président américain a <a href="https://ici.radio-canada.ca/info/en-direct/1009620/donald-trump-accusation-inculpation-new-york">plaidé non coupable</a>.</p>
<p>Les <a href="https://thehill.com/homenews/3933605-read-trump-indictment-and-statement-of-facts/">procureurs allèguent</a> que Donald Trump « a falsifié à plusieurs reprises et frauduleusement des registres d’entreprise de New York pour dissimuler une conduite criminelle qui contenait des informations préjudiciables aux électeurs lors de l’élection présidentielle de 2016 ».</p>
<p>Il s’agit notamment d’informations sur les paiements effectués à la star de films pornos Stephanie Clifford alias Stormy Daniels, à la mannequin de Playboy Karen McDougal et à un ex-portier affirmant que son ancien patron de la Trump Tower avait eu un enfant hors mariage avec une femme de ménage.</p>
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<img alt="L’arrière de la tête d’un homme aux cheveux blonds est vue à l’entrée d’un tribunal" src="https://images.theconversation.com/files/519381/original/file-20230404-20-tpbne3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519381/original/file-20230404-20-tpbne3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519381/original/file-20230404-20-tpbne3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519381/original/file-20230404-20-tpbne3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519381/original/file-20230404-20-tpbne3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519381/original/file-20230404-20-tpbne3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519381/original/file-20230404-20-tpbne3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Donald Trump arrivant au bureau du procureur de Manhattan.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/John Minchillo)</span></span>
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<p>Donald Trump est par ailleurs menacé pour d’autres affaires — pour avoir prétendument caché des documents gouvernementaux classifiés dans sa propriété en Floride, pour avoir tenté de manipuler le vote en Géorgie après l’élection présidentielle de 2020 et pour avoir encouragé l’insurrection du 6 janvier 2021.</p>
<p>Mais maintenant que des accusations formelles ont été déposées à New York, les procureurs suivent la piste comptable du paiement effectué à Stormy Daniels par l’homme de confiance de l’ex-président, Michael Cohen, l’ex-avocat déjà condamné pour crime et témoin clé de l’accusation.</p>
<p>Depuis 2016, ce paiement — effectué juste avant l’élection présidentielle — soulève des questions juridiques et éthiques. Y a-t-il eu violation des lois fédérales sur le financement des campagnes électorales, soit parce qu’il n’a pas été divulgué en tant que contribution à la campagne, soit parce que des fonds de la campagne auraient été utilisés pour régler une affaire privée ?</p>
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<img alt="Un homme en costume sombre marche le soir dans une rue" src="https://images.theconversation.com/files/519136/original/file-20230403-24-5kqu35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519136/original/file-20230403-24-5kqu35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519136/original/file-20230403-24-5kqu35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519136/original/file-20230403-24-5kqu35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519136/original/file-20230403-24-5kqu35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519136/original/file-20230403-24-5kqu35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519136/original/file-20230403-24-5kqu35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Michael Cohen quittant le bureau du procureur de New York après son témoignage devant un grand jury en mars 2023. (AP Photo/Yuki Iwamura).</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Yuki Iwamura)</span></span>
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<p>En 2018, Michael Cohen <a href="https://www.justice.gov/usao-sdny/pr/michael-cohen-pleads-guilty-manhattan-federal-court-eight-counts-including-criminal-tax">a finalement plaidé coupable sur huit chefs d’accusation</a> pour lesquelles il a <a href="https://www.lapresse.ca/international/etats-unis/201812/12/01-5207769-lex-avocat-de-trump-michael-cohen-condamne-a-trois-ans-de-prison.php">écopé de trois ans de prison</a>.</p>
<p>Mais compte tenu de son dossier criminel, sa parole ne constitue pas le témoignage le plus solide. Les avocats de Donald Trump se feront un malin plaisir à attaquer la crédibilité d’un parjure, radié du barreau et qui sort de prison.</p>
<p>Cela signifie-t-il que Trump n’a rien à craindre ? Pas vraiment. Parce que cette fois, au vu de la nature des charges qui pèsent sur lui, il devra désormais composer avec des témoins autrement plus redoutables :les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/01900692.2021.2009855">comptables</a>.</p>
<h2>La piste de l’argent</h2>
<p>Dans les années 1920, <a href="https://www.thedailybeast.com/the-bean-counter-who-put-al-capone-in-the-slammer">c’est un comptable tenace qui a provoqué la chute du gangster Al Capone</a>. Et dans les années 1970, c’est aussi en <a href="https://www.lefigaro.fr/elections-americaines-2008/2008/06/13/01017-20080613ARTFIG00331-suivez-l-argent.php">« suivant l’argent »</a> que les journalistes ont révélé le scandale du Watergate.</p>
<p>Comment les comptables peuvent-ils <a href="https://www.thenation.com/article/archive/could-an-army-of-accountants-bring-down-trump/">décider du destin de Donald Trump</a> ?</p>
<p>D’abord, grâce à un fait démontrable : l’ancien président est réputé ne pas payer ses factures. En 2016, <em>USA Today</em> rapportait que Donald Trump <a href="https://www.usatoday.com/story/news/politics/elections/2016/06/09/donald-trump-unpaid-bills-republican-president-laswuits/85297274/">« a été impliqué dans plus de 3 500 procès » concernant des allégations de factures impayées</a> sur trois décennies.</p>
<p>Selon le quotidien, ces accusations impressionnent par leur variété : une entreprise verrière, un marchand de tapis, des agents immobiliers, 48 serveurs, des barmans à la dizaine, des petits entrepreneurs et du personnel de ses hôtels.</p>
<p>Plus grave : Donald Trump aurait escroqué « plusieurs cabinets d’avocats l’ayant représenté dans ses procès », selon <em>USA Today</em>.</p>
<p>En outre, le journal indique que toutes ces allégations et ces affaires judiciaires suggèrent que « soit ses entreprises ont de mauvais antécédents en matière d’embauche de travailleurs et d’évaluation des entrepreneurs, soit elles ne respectent pas leurs contrats ».</p>
<p>Aujourd’hui encore, de nombreuses factures demeurent impayées — et continuent de s’accumuler.</p>
<p>Par exemple, <a href="https://www.ctvnews.ca/world/cities-angry-with-trump-over-millions-in-unpaid-rally-expenses-1.5269495">certaines villes américaines — dont la ville de Wildwood, au New Jersey — affirment que Donald Trump leur doit toujours près de 2 millions de dollars pour des rassemblements remontant à 2016</a>. Selon <a href="https://www.foxbusiness.com/features/trump-social-media-app-facing-financial-fallout"><em>Fox Business</em></a>, sa plate-forme de médias sociaux, Truth Social, aurait également <a href="https://www.salon.com/2022/08/26/trump-never-pays-his-bills-truth-social-reportedly-stiffs-contractor-amid-financial-disarray/">arnaqué un entrepreneur</a>, ce qui constitue un nouveau signe du désarroi financier de ce réseau censé rivaliser avec Twitter.</p>
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<img alt="Un homme corpulent aux bras levés s’exprime dans un micro sur un podium portant le sceau présidentiel" src="https://images.theconversation.com/files/519135/original/file-20230403-1441-zmvvtn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519135/original/file-20230403-1441-zmvvtn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519135/original/file-20230403-1441-zmvvtn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519135/original/file-20230403-1441-zmvvtn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519135/original/file-20230403-1441-zmvvtn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519135/original/file-20230403-1441-zmvvtn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519135/original/file-20230403-1441-zmvvtn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Donald Trump en campagne dans le New Jersey en janvier 2020. La ville de Wildwood attend toujours le remboursement des dizaines de milliers de dollars en heures supplémentaires pour les services de police et de sécurité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Evan Vucci)</span></span>
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<h2>Le chèque à Michael Cohen</h2>
<p>Lors du procès de Donald Trump à New York, les comptables n’auront qu’à poser la question qui tue. Étant donné que l’accusé refuse constamment d’acquitter ses factures et qu’il arnaque systématiquement ceux avec qui il fait affaire, comment se fait-il qu’il ait immédiatement envoyé un chèque de 130 000 dollars à Cohen sans même demander une facture détaillée ?</p>
<p>Dans ses premiers commentaires publics sur le scandale en 2018, Trump avait <a href="https://www.cbsnews.com/news/trump-says-he-was-unaware-of-stormy-daniels-payment/">nié avoir eu connaissance du paiement à Stormy Daniels</a>. Peu de temps après, il changeait son fusil d’épaule en admettant en avoir été informé, invoquant un accord de confidentialité pour mettre fin aux « accusations mensongères » visant à « l’extorquer ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"991992302267785216"}"></div></p>
<p>Ce qui importe ici, ce n’est ni ces louvoiements, ni même le témoignage de Michael Cohen sur l’objet du versement de 130 000 dollars. Ce qui sera déterminant pour l’affaire, c’est le fait que Donald Trump n’ait demandé ni preuve ni justificatif pour ce versement.</p>
<p>Pour accumuler 130 000 dollars d’honoraires facturables, Michael Cohen aurait dû travailler des centaines d’heures. Il est difficile de croire qu’un grippe-sou aussi notoire que Donald Trump n’ait posé aucune question, ni exigé aucun détail, ni ventilation et ni justificatif concernant une facture d’honoraire de 130 000 dollars et d’autres paiements onéreux.</p>
<p>Au cours des procédures judiciaires à venir, les comptables soulèveront cette question potentiellement accablante : pourquoi Donald Trump a-t-il acquitté une facture de 130 000 dollars si rapidement pour être ensuite la déclarée, dans les termes les plus vagues possibles, comme de simples honoraires d’avocat ?</p>
<p>Oubliez Stormy Daniels. Oubliez Michael Cohen. Voilà la question à laquelle Donald Trump ne veut pas répondre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203372/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jerry Paul Sheppard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les comptables ont provoqué la chute d’Al Capone et le scandale du Watergate a été révélé lorsque les journalistes ont « suivi l’argent ». Vont-ils aussi faire tomber Donald Trump ?Jerry Paul Sheppard, Associate Professor of Business Administration, Simon Fraser UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2030712023-03-31T11:25:44Z2023-03-31T11:25:44ZDonald Trump mis en examen : quelles conséquences pour sa candidature à la présidentielle de 2024 ?<p>Un grand jury de Manhattan vient de <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/etats-unis/donald-trump/etats-unis-un-grand-jury-a-new-york-a-vote-pour-inculper-au-penal-donald-trump-26f935ba-5f7d-45a6-a284-b21529a07a2a">mettre en examen l’ancien président Donald Trump</a>. Les chefs d’inculpation exacts n’ont pas été rendus publics, mais ils sont liés à <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/etats-unis-on-vous-resume-l-affaire-qui-lie-donald-trump-a-l-actrice-de-films-pornographiques-stormy-daniels_5719274.html">l’enquête</a> ouverte par le procureur de Manhattan Alvin Bragg sur le versement d’une importante somme d’argent à une <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/etats-unis/donald-trump/etats-unis-stormy-daniels-lactrice-de-films-x-qui-fait-trembler-donald-trump-1309d542-1f46-4ba5-85b2-588b73c09ee1">actrice de films pornographiques</a> juste avant l’élection présidentielle de 2016.</p>
<p>C’est la première fois dans toute l’histoire du pays qu’un président ou ancien président des États-Unis est inculpé.</p>
<p>Pour autant, Trump ne va sans doute pas renoncer à sa <a href="https://www.donaldjtrump.com/">campagne présidentielle</a> qui doit, espère-t-il, lui permettre de retrouver en 2024 le poste qu’il a perdu en 2020 face à Joe Biden.</p>
<p>Quelles conséquences cette mise en examen et le procès sur lequel elle pourrait déboucher auront-ils sur la campagne et, si cette dernière est couronnée de succès, sur le mandat 2024-2028 de Donald Trump ?</p>
<h2>Que dit la Constitution ?</h2>
<p><a href="https://constitution.congress.gov/browse/article-2/section-1/clause-5/#:%7E:text=No%20Person%20except%20a%20natural,been%20fourteen%20Years%20a%20Resident">L’article II de la Constitution américaine</a> énonce des conditions très explicites pour <a href="https://theconversation.com/no-an-indictment-wouldnt-end-trumps-run-for-the-presidency-he-could-even-campaign-or-serve-from-a-jail-cell-194425">l’exercice de la présidence</a> : le président doit être âgé d’au moins 35 ans, résider aux États-Unis depuis au moins 14 ans et en être un citoyen de naissance.</p>
<p>Par le passé, dans des affaires comparables ayant trait à des membres du Congrès, la <a href="https://www.oyez.org/cases/1968/138">Cour suprême a statué</a> que les conditions indiquées dans la Constitution pour accéder aux postes électifs représentaient un « plafond constitutionnel » et qu’aucune condition supplémentaire ne pouvait y être ajoutée d’aucune façon que ce soit.</p>
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<p>Ainsi, puisque la Constitution n’exige pas que le président ne soit pas inculpé, condamné ou emprisonné, il s’ensuit qu’une personne inculpée ou emprisonnée peut se présenter à ce poste et peut même exercer la fonction présidentielle.</p>
<p>C’est la norme juridique qui s’applique à Donald Trump : selon la Constitution, son inculpation et son éventuel procès ne l’empêcheraient pas de se porter candidat et, le cas échéant, d’exercer la fonction suprême.</p>
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<p>Il n’en demeure pas moins qu’une inculpation et, à plus forte raison, une condamnation, sans même parler d’une peine d’emprisonnement, compromettraient considérablement la capacité d’un président à exercer ses fonctions. Et la Constitution ne fournit pas de réponse facile au problème que poserait l’exercice du pouvoir par un chef de l’exécutif aussi affaibli.</p>
<h2>Que dit le ministère de la Justice ?</h2>
<p>Un candidat à la présidence peut être inculpé, poursuivi et condamné par les autorités d’un des 50 États du pays ou par les autorités fédérales. L’inculpation pour un délit au niveau d’un État (ce qui est le cas dans l’affaire Trump/Daniels, le procureur de Manhattan relevant de l’État de New York) peut sembler moins importante que des accusations fédérales portées par le ministère de la Justice. Mais en fin de compte, le spectacle d’un procès pénal, qu’il se tienne dans un tribunal d’État ou dans un tribunal fédéral, aura nécessairement un impact majeur sur la campagne présidentielle d’un candidat et sur sa crédibilité de président s’il venait tout de même à être élu.</p>
<p>Tous les accusés sont présumés innocents jusqu’à ce que leur culpabilité soit prouvée. Mais en cas de condamnation, une incarcération – que ce soit dans une prison d’État ou dans une prison fédérale – impliquerait évidemment des restrictions de liberté qui compromettraient considérablement la capacité du président à diriger le pays.</p>
<p>Le fait qu’il serait difficile à un président d’exercer ses fonctions s’il était mis en examen ou condamné a été souligné dans une <a href="https://www.justice.gov/sites/default/files/olc/opinions/2000/10/31/op-olc-v024-p0222_0.pdf">note de service rédigée par le ministère de la Justice en 2000</a>. Cette note s’inspirait d’une <a href="https://s3.documentcloud.org/documents/4517361/092473.pdf">note antérieure</a> intitulée « Possibilité pour le président, le vice-président et d’autres fonctionnaires de faire l’objet de poursuites pénales fédérales pendant qu’ils sont en fonction ». Cette dernière avait été rédigée en 1973, pendant le Watergate, quand le <a href="https://www.britannica.com/event/Watergate-Scandal">président Richard Nixon faisait l’objet d’une enquête</a> pour son rôle dans ce scandale tandis que le <a href="https://archive.nytimes.com/www.nytimes.com/learning/general/onthisday/big/1010.html">vice-président Spiro Agnew faisait pour sa part l’objet d’une enquête du grand jury pour fraude fiscale</a>.</p>
<p>Ces deux notes portaient sur la question de savoir si, en vertu de la Constitution, un président en exercice pouvait être inculpé pendant qu’il était en fonction. Les deux textes ont conclu que ce n’était pas le cas.</p>
<p>Mais qu’en serait-il d’un président inculpé, condamné, ou les deux… <em>avant</em> son entrée en fonctions, comme cela pourrait être le cas pour Trump ?</p>
<p>Les notes de 1973 et de 2000 mettent en évidence les conséquences d’une inculpation sur l’exercice de ses fonctions par le président, la note de 1973 employant des termes particulièrement forts : « Le spectacle d’un président inculpé essayant encore d’exercer ses fonctions de chef de l’exécutif dépasse l’imagination. »</p>
<p>De façon plus précise, les deux notes observent que des poursuites pénales à l’encontre d’un président en exercice pourraient entraîner « une interférence physique avec l’exercice par le président de ses fonctions officielles qui équivaudrait à une incapacité », ne serait-ce que parce qu’un procès pénal réduirait considérablement le temps que le président pourrait consacrer à ses lourdes fonctions… et parce que, naturellement, un tel procès pourrait aboutir à un emprisonnement du chef de l’État.</p>
<h2>Un président emprisonné pourrait-il s’acquitter de ses fonctions essentielles ?</h2>
<p>Selon la note de 1973, « le président joue un rôle à nul autre pareil dans l’exécution des lois, la conduite des relations extérieures et la défense de la nation ».</p>
<p>Ces fonctions essentielles nécessitent des réunions, des communications ou des consultations avec l’armée, les dirigeants étrangers et les représentants du gouvernement aux États-Unis et à l’étranger. Très difficilement envisageable pour un président se trouvant derrière les barreaux. C’est pourquoi le spécialiste du droit constitutionnel <a href="https://www.universitypressscholarship.com/view/10.12987/yale/9780300123517.001.0001/upso-9780300123517-chapter-2">Alexander Bickel a fait remarquer en 1973</a> que « de toute évidence, la présidence ne peut pas être exercée depuis la prison ».</p>
<p>En outre, de nos jours, les présidents voyagent constamment dans leur pays et dans le monde pour rencontrer d’autres responsables locaux et internationaux, <a href="https://georgewbush-whitehouse.archives.gov/infocus/katrina/">inspecter les conséquences des catastrophes naturelles</a> sur le territoire national, <a href="https://www.reaganlibrary.gov/archives/speech/remarks-announcing-intention-nominate-sandra-day-oconnor-be-associate-justice">célébrer les succès historiques du pays et les événements d’importance nationale</a> ou <a href="https://obamawhitehouse.archives.gov/the-press-office/2016/10/13/remarks-president-opening-remarks-and-panel-discussion-white-house">échanger en personne avec des citoyens et leurs groupes représentatifs à propos de diverses questions d’actualité</a>. Il est évident que tout cela serait impossible pour un président ne pouvant pas sortir de sa prison.</p>
<p>En outre, les présidents doivent pouvoir accéder à des informations classifiées et prendre part à des réunions d’information. Un emprisonnement rendrait cela particulièrement difficile, voire impossible, de telles informations devant souvent être <a href="https://www.nbcnews.com/politics/politics-news/what-scif-who-uses-it-n743991">stockées et consultées dans une pièce sécurisée</a>, protégée contre toute forme d’espionnage par diverses mesures, y compris le blocage des ondes radio – ce qui n’est pas le cas des prisons.</p>
<p>En raison des diverses fonctions et obligations du président, les notes de 1973 et 2000 concluaient que « l’enfermement physique du chef de l’exécutif à la suite d’une condamnation empêcherait incontestablement le pouvoir exécutif d’exercer les fonctions qui lui sont assignées par la Constitution ».</p>
<p>Traduction : le président ne pourrait pas faire son travail.</p>
<h2>Diriger le pays depuis une prison</h2>
<p>Et si, malgré tout, les citoyens venaient à élire un président inculpé ou incarcéré ? Une telle perspective n’est pas une simple vue de l’esprit. Lors de l’élection de 1920, un candidat incarcéré, Eugene Debs, a recueilli <a href="https://www.270towin.com/1920_Election/">près d’un million de voix sur un total de 26,2 millions de suffrages exprimés</a>.</p>
<p>L’une des réponses possibles à une telle situation est contenue dans le 25<sup>e</sup> amendement, qui permet au cabinet du président de déclarer ce dernier « incapable de s’acquitter des pouvoirs et des devoirs de sa charge ».</p>
<p>Les deux notes du ministère de la Justice notent toutefois que les auteurs du 25<sup>e</sup> amendement n’ont jamais envisagé ou mentionné l’incarcération comme motif d’incapacité à s’acquitter des pouvoirs et des devoirs de la fonction présidentielle, et que remplacer le président en vertu du 25<sup>e</sup> amendement « ne donnerait pas suffisamment de poids au choix réfléchi du peuple quant à la personne qu’il souhaite voir occuper le poste de chef de l’exécutif ».</p>
<p>Tout cela rappelle la <a href="https://lawliberty.org/holmes-if-my-fellow-citizens-want-to-go-to-hell-i-will-help-them-its-my-job-and-he-meant-it/">fameuse formule</a> du juge Oliver Wendell Holmes (1841-1935), qui siégea à la Cour suprême des États-Unis de 1902 à 1932, sur le rôle de la Cour suprême : « Si mes concitoyens veulent aller en enfer, je les aiderai. C’est mon travail. »</p>
<p>Cette réflexion provient d’une lettre dans laquelle Holmes faisait part de son opinion sur le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sherman_Antitrust_Act">Sherman Antitrust Act</a>. Tout en soulignant que, à titre personnel, il jugeait cette loi insensée, le juge indiquait qu’il était prêt à faire le nécessaire pour qu’elle soit mise en œuvre car elle traduisait la volonté populaire exprimée démocratiquement et relevant de l’autodétermination du peuple. Une réflexion similaire s’impose peut-être dans le cas de figure présent : si le peuple élit un président entravé par des sanctions pénales, il s’agira, là aussi, d’une manifestation de l’autodétermination des citoyens des États-Unis. Ce qui engendrerait une situation problématique à laquelle la Constitution ne propose pas de solution prête à emploi…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203071/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stefanie Lindquist ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment Donald Trump fera-t-il campagne à présent qu’il a été inculpé ? Et comment gouvernerait-il s’il était de nouveau élu président… alors qu’il se trouverait en prison ?Stefanie Lindquist, Foundation Professor of Law and Political Science, Arizona State UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1998052023-02-15T23:08:39Z2023-02-15T23:08:39ZJoe Biden : un discours populiste de gauche sur l’état d’une Union divisée<p>Moment phare de la vie politique américaine, le discours sur l’état de l’Union du président des États-Unis a eu lieu le 7 février dernier : une des rares occasions où les trois branches du gouvernement sont réunies. Le président y fait le bilan de son action et présente son programme à venir en direct, devant des dizaines de millions de téléspectateurs et quelques invités triés sur le volet.</p>
<p>Cet événement, instauré en 1790, est devenu, au fil du temps, un véritable spectacle politique fait de faste et de formalisme cérémoniel, ponctué d’applaudissements et de « standing ovations », plus particulièrement depuis que Ronald Reagan a instauré la tradition d’inviter des personnes à la tribune. Il s’agit souvent de <a href="https://rowman.com/ISBN/9781442205604/Honored-Guests-Citizen-Heroes-and-the-State-of-the-Union">citoyens ordinaires, honorés dans le discours pour leur héroïsme</a>, ou parce qu’ils incarnent les valeurs exceptionnelles de l’Amérique… ou encore, plus pragmatiquement, un aspect de la politique du président. Le jeu consiste à <a href="https://www.cnbctv18.com/world/us-state-of-the-union-address-how-clapping-has-become-integral-part-of-the-spectacle-15880301.htm">faire applaudir</a>, voire ovationner, par les membres du Congrès, y compris ceux du parti adverse, ces héros et la politique qu’ils illustrent.</p>
<p>La présence particulièrement émouvante de la mère de <a href="https://theconversation.com/les-policiers-noirs-ont-les-memes-prejuges-anti-noirs-que-la-police-et-la-societe-americaines-198955">Tyre Nichols</a>, ce jeune Noir battu à mort par des policiers le 7 janvier dernier, auquel l’ensemble des élus ont rendu hommage, a ainsi été l’occasion pour Joe Biden de demander au Congrès d’adopter sa <a href="https://abcnews.go.com/Politics/biden-america-finish-job-police-reform-state-union/story?id=96848754">proposition de loi sur la réforme de la police</a>.</p>
<h2>Une Union divisée</h2>
<p>À travers ce discours, qui découle d’un devoir constitutionnel du président d’informer le Congrès de « l’état de l’Union » (<a href="https://constitution.congress.gov/browse/article-2/section-3/">Article II, Section 3</a>), il s’agit aussi de démontrer au peuple que la nation est unie. Joe Biden conclut son intervention en réaffirmant sa croyance dans <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-americaine-2005-1-page-37.htm">l’exceptionnalisme américain</a>, et en proclamant que l’union de la nation est forte « parce que le peuple est fort ». Pourtant, le spectacle qui a été donné ce 7 février a plutôt été celui de la division.</p>
<p>Le président avait bien commencé son discours sur une note unitaire, en félicitant ses adversaires élus au Congrès, y compris le nouveau président républicain de la Chambre, <a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2023/01/15/kevin-mccarthy-elu-speaker-de-la-chambre-des-representants-c-est-peut-etre-un-detail-pour-vous_6157936_4500055.html">Kevin McCarthy</a>, et en insistant sur le fait que les législateurs démocrates et républicains devaient travailler ensemble à l’élaboration des textes de loi.</p>
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<p>Mais la question du relèvement du <a href="https://home.treasury.gov/policy-issues/financial-markets-financial-institutions-and-fiscal-service/debt-limit">plafond de la dette fédérale</a>, qui doit être voté par le Congrès d’ici juin afin de pouvoir payer la dette sur les marchés financiers, a déclenché les hostilités. Les Républicains les plus radicaux ont en effet conditionné leur vote à des baisses massives de dépenses publiques, y compris sociales.</p>
<p>Joe Biden a accusé cette frange du parti républicain de procéder à une forme de chantage et même de vouloir signer l’arrêt de mort des très populaires programmes de santé des seniors (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Medicare">Medicare</a>) et d’assurance-retraite (Social Security). Le président était manifestement prêt à une réaction de l’opposition. Celle-ci ne s’est pas fait attendre. Les plus radicaux des élus républicains n’ont pas hésité à invectiver et à huer le chef de l’État, l’élue extrémiste de Géorgie Marjorie Taylor Greene se signalant particulièrement en criant <a href="https://abcnews.go.com/Politics/gop-leaders-defend-members-calling-biden-liar-state/story?id=96980039">« Vous mentez, vous êtes un menteur ! »</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1623151626826522626"}"></div></p>
<p>Improvisant, le président note alors ironiquement que puisque Greene affirme qu’il ment lorsqu’il dit que les Républicains veulent enterrer les programmes sociaux… c’est donc que ces derniers ne souhaitent pas les remettre en cause ! « On a l’air d’accord, on n’y touche pas ? On a l’unanimité alors ! », dit-il malicieusement, invitant l’assemblée à se lever pour les seniors, forçant ainsi de nombreux élus républicains à se joindre aux applaudissements.</p>
<h2>Nationalisme économique et populisme de gauche</h2>
<p>Au-delà de cette joute inhabituelle entre un président et le parti adverse, le discours de Joe Biden marque aussi la consécration d’une véritable rupture idéologique avec l’enthousiasme pour le libre-échange et la mondialisation que les deux partis ont eu en commun au cours des quarante dernières années. Prônant un véritable nationalisme économique, le président démocrate reprend le slogan de son administration, <a href="https://news.yahoo.com/biden-touts-buy-american-plan-024952452.html">« Buy American »</a>, qui fait écho au « America First » de Donald Trump en 2016.</p>
<p>Rien de surprenant pour un président qui a maintenu certaines des <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-12-10/biden-cements-trump-era-steel-aluminum-tariffs-in-wto-snub">barrières douanières</a> mises en place par son prédécesseur. Et signé des lois mettant fin à l’externalisation, relancé la fabrication industrielle intérieure et de nouvelles dépenses d’infrastructure et officialisé une concurrence franche avec la Chine, à travers notamment la <a href="https://www.forbes.com/sites/greatspeculations/2022/08/15/what-is-the-semiconductor-chips-act-and-why-does-the-us-need-it/?sh=3caf15674c9c">loi CHIPS sur les semi-conducteurs</a> ou celle sur la réduction de l’inflation, perçues d’ailleurs en <a href="https://www.brookings.edu/techstream/bringing-economics-back-into-the-politics-of-the-eu-and-u-s-chips-acts-china-semiconductor-competition/">Europe comme du protectionnisme</a>.</p>
<p>Autre similitude avec Trump : Biden <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/02/08/discours-sur-l-etat-de-l-union-joe-biden-se-pose-en-bienfaiteur-des-oublies-des-etats-unis_6160983_3210.html">se veut le défenseur des oubliés</a> qu’il oppose à une élite, non pas culturelle comme le font les Républicains, mais économique.</p>
<p>Il dénonce ainsi les entreprises qui « facturent trop cher » et qui « arnaquent » les petites gens, du « Big Pharma » au « Big Tech » en passant par les sociétés de cartes de crédit et les compagnies aériennes, sans oublier les milliardaires qui ne paient pas leur juste part d’impôts. Il demande alors au Congrès de voter davantage de lois de réglementation (<a href="https://www.cnbc.com/2023/02/08/president-biden-calls-on-congress-to-crack-down-on-junk-fees.html"><em>Junk Fee Prevention Act</em></a>) et de réformer les impôts, autant de mesures que ne votera jamais la majorité républicaine, qui défend la déréglementation et les baisses d’impôts. Comme l’a bien résumé un chroniqueur du <em>New York Times</em>, le message de Biden est finalement de dire : <a href="https://www.nytimes.com/2023/02/07/opinion/biden-state-of-the-union-speech.html">« Ce que Trump a promis, moi, je le fais »</a>.</p>
<h2>Un discours de campagne ?</h2>
<p>Les dossiers de politique étrangère, comme l’Ukraine ou la Chine, qui occupent pourtant une bonne partie de l’agenda du président, ont été très rapidement survolés, Joe Biden choisissant de se concentrer sur les questions intérieures et économiques du quotidien, qui préoccupent davantage les électeurs. Son objectif semble être la reconquête des classes moyennes populaires blanches et des <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2021/feb/27/republicans-trump-blue-collar-comeback-working-people">cols bleus</a>, dont une bonne partie <a href="https://journals.openedition.org/lisa/9795?lang=en">a délaissé les démocrates pour Donald Trump</a>.</p>
<p>Dans un contexte inflationniste peu favorable, le président souligne qu’il est en train de « reconstruire la classe moyenne », qui <a href="https://www.pewresearch.org/fact-tank/2022/04/20/how-the-american-middle-class-has-changed-in-the-past-five-decades/">n’est plus majoritaire dans le pays</a>.</p>
<p>Il met également en avant un <a href="https://www.rfi.fr/fr/%C3%A9conomie/20230204-%C3%A9tats-unis-le-taux-de-ch%C3%B4mage-au-plus-bas-depuis-1969">taux de chômage au plus bas depuis 50 ans</a>, y compris pour les travailleurs noirs et hispaniques, ainsi que des créations d’emplois dans l’industrie manufacturière « dans tout le pays », « pas seulement sur la côte mais aussi au milieu du pays ». Au-delà des chiffres, il souligne la nécessité de « retrouver la fierté de ce que l’on fait. »</p>
<p>C’est, par exemple, la fierté du travail d’une monteuse de charpentes métalliques, qu’il fait applaudir. Le retour de la fierté résonne comme une réponse au slogan de Trump de redonner sa grandeur à l’Amérique. L’un des leitmotivs du discours est qu’il faut « finir le travail », une expression répétée une douzaine de fois.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1622712990838521879"}"></div></p>
<p>Quant aux sujets de société comme l’avortement ou le contrôle des armes, ils sont brièvement mentionnés mais le président ne s’étend pas.</p>
<h2>Un avant-goût de 2024 ?</h2>
<p>Côté républicain, la réponse officielle a été donnée par <a href="https://www.youtube.com/watch?v=h_PK1ZaT_po">l’ancienne porte-parole de Donald Trump à la Maison Blanche, Sarah Sanders</a>. Elle a renchéri sur les thèmes de la guerre culturelle, comme le wokisme ou la trans-identité, que les Démocrates et l’administration Biden voudraient soi-disant imposer. Selon elle, la confrontation n’a plus lieu entre la gauche et la droite, mais entre « la normalité et la folie. »</p>
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<p>Cela pourrait faire sourire venant d’un parti dont une majorité d’élus ont fait campagne en <a href="https://www.washingtonpost.com/nation/2022/10/06/elections-deniers-midterm-elections-2022/">relayant la théorie du « Grand Mensonge »</a> et dont le visage le plus médiatisé lors du discours sur l’état de l’Union a été celui de la <a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2023/01/21/marjorie-taylor-greene-une-donald-trump-sans-filtre_6158730_4500055.html">conspirationniste notoire</a> Marjorie Taylor Greene. C’est un positionnement qui peut plaire à la base la plus radicalisée mais qui aura du mal à convaincre l’ensemble de la population dans une élection générale, car les <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/american-political-science-review/article/what-happens-when-extremists-win-primaries/ECAC69648AE0DF91D93103E18342B9D2">primaires se jouent aux extrêmes</a>, les élections générales, elles, se décident souvent au centre, comme on l’a <a href="https://theconversation.com/etats-unis-la-democratie-en-sursis-196524">vu aux midterms de 2022</a>.</p>
<p>Quant à Joe Biden, qui ne s’est pas encore officiellement déclaré candidat pour 2024, il a l’une des <a href="https://projects.fivethirtyeight.com/biden-approval-rating/">cotes de popularité les plus basses</a> de l’histoire récente (42 %). Même dans son camp, <a href="https://www.nytimes.com/2022/07/11/us/politics/biden-approval-polling-2024.html">75 % des électeurs démocrates ne souhaitent pas qu’il se présente à nouveau</a>, notamment en raison de son âge. Sa chance, c’est que Donald Trump - qui, lui, a déjà officialisé sa candidature - est <a href="https://projects.fivethirtyeight.com/polls/favorability/donald-trump/">encore plus impopulaire</a>. Sa seule voie vers la réélection est d’apparaître comme une figure rassurante face à une radicalité inquiétante, mais c’est une longue route pleine d’embûches.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199805/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Viala-Gaudefroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Rompant avec 40 ans de consensus démocrate sur les bienfaits du libre-échange, Joe Biden, dans son discours sur l’état de l’Union, a résolument plaidé pour la relocalisation et le protectionnisme.Jérôme Viala-Gaudefroy, Assistant lecturer, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1965242023-01-01T16:24:49Z2023-01-01T16:24:49ZÉtats-Unis : la démocratie en sursis ?<p>L’année 2022 a été marquée par des résultats d’élections de mi-mandat historiques aux États-Unis. La <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/12/07/etats-unis-le-senateur-democrate-de-georgie-reelu-une-victoire-pour-joe-biden_6153269_3210.html">victoire du Démocrate Raphael Warnock</a> à l’élection sénatoriale de Géorgie a clos un cycle électoral dont l’un des enjeux principaux était <a href="https://theconversation.com/etats-unis-la-survie-de-la-democratie-est-elle-en-jeu-dans-les-elections-de-mi-mandat-191751">l’avenir de la démocratie</a>. Il s’agissait, en effet, du premier scrutin après l’insurrection du 6 janvier 2021, <a href="https://www.lalibre.be/international/amerique/2022/06/10/assaut-de-capitole-donald-trump-a-manigance-un-veritable-coup-detat-YDHHF6KS6ZA4DFRKWMPWENDWGA/">fomentée par un président</a> que les élus de son parti ont <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/12/07/etats-unis-le-senateur-democrate-de-georgie-reelu-une-victoire-pour-joe-biden_6153269_3210.html">refusé de désavouer</a>.</p>
<p>Pour la première fois également, de <a href="https://www.washingtonpost.com/nation/2022/10/06/elections-deniers-midterm-elections-2022/">nombreux candidats</a> de ce même Parti républicain faisaient campagne en relayant la <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/06/03/avec-trump-le-grand-mensonge-est-devenu-la-verite-du-parti-republicain_6082621_3232.html">théorie du Grand Mensonge</a> selon laquelle l’élection présidentielle de 2020 aurait été volée à Donald Trump.</p>
<p>C’était aussi la première fois que les électeurs pouvaient s’exprimer après la décision controversée et impopulaire d’une Cour suprême très politisée qui a <a href="https://www.actu-juridique.fr/administratif/libertes-publiques-ddh/la-fin-de-roe-v-wade/">mis fin au droit constitutionnel à l’avortement</a>.</p>
<p>Enfin, jamais un ancien président des États-Unis, largement <a href="https://projects.fivethirtyeight.com/polls/favorability/donald-trump/">impopulaire</a>, n’avait tenté de transformer les élections qui suivent sa défaite en un « match retour » contre un président au pouvoir presque aussi <a href="https://projects.fivethirtyeight.com/biden-approval-rating/">impopulaire</a> que lui, dont il nie la légitimité.</p>
<h2>Des midterms décevantes pour Donald Trump</h2>
<p>Les résultats montrent que si les <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/american-political-science-review/article/what-happens-when-extremists-win-primaries/ECAC69648AE0DF91D93103E18342B9D2">primaires se sont jouées aux extrêmes</a>, les élections générales, elles, se sont, comme souvent, décidées au centre.</p>
<p>Dans les États dits « pivots », où les Républicains avaient une chance de gagner, les candidats républicains « négateurs » (<em>deniers</em> en anglais), c’est-à-dire ceux qui remettaient en cause le résultat de la présidentielle de 2020, <a href="https://www.americanprogress.org/article/election-deniers-lost-key-races-for-federal-and-state-offices-in-the-2022-midterm-elections/">ont ainsi perdu les élections à des postes clés</a> (gouverneurs ou secrétaires d’État) comme en Arizona ou au Nevada. À l’image d’Herschel Walker en Géorgie, ils ont <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2022/11/09/election-deniers-midterms-democracy/">presque tous concédé leur défaite</a>, alors même que la remise en cause du processus électoral était au cœur de leur campagne. Et il n’y a eu ni violence, ni insurrection, comme <a href="https://www.npr.org/2022/11/02/1132822805/election-violence-concerns-voting-threats">on pouvait le craindre</a>. Le <a href="https://19thnews.org/2022/11/abortion-rights-ballot-initiatives-election-2022/">droit à l’avortement a également gagné</a>, là où la question était posée aux électeurs, y compris dans des États conservateurs, comme le Kentucky ou le Montana, venant confirmer le résultat enregistré au <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20220803-%C3%A9tats-unis-le-kansas-maintient-la-garantie-constitutionnelle-sur-le-droit-%C3%A0-l-avortement">Kansas cet été</a>.</p>
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<p>À la Chambre des Représentants, les Républicains ont certes gagné la majorité des sièges (et du <a href="https://www.cookpolitical.com/charts/house-charts/national-house-vote-tracker/2022">vote populaire</a>), mais avec une marge historiquement faible. Les Démocrates n’ont perdu <a href="https://www.270towin.com/2022-election-results-live/house/">que 9 sièges</a>, alors que <a href="https://www.presidency.ucsb.edu/analyses/the-2022-midterm-elections-what-the-historical-data-suggest">depuis 1934, le parti du président au pouvoir perd, en moyenne, une trentaine de sièges</a> aux élections de mi-mandat, et jamais moins d’une dizaine, surtout avec une cote de popularité équivalente à celle de Joe Biden (entre 40 et 45 %). La seule anomalie était 2002, mais le parti de George W. Bush avait alors bénéficié du ralliement du pays au président, à la suite des attentats du 11 septembre 2001.</p>
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<p>Au Sénat, les Démocrates ont, avec les indépendants, renforcé leur contrôle, en gagnant un siège après avoir fait <a href="https://ballotpedia.org/United_States_Senate_election_in_Pennsylvania,_2022">basculer la Pennsylvanie</a>. Cette victoire, tout comme celle de Warnock, est un nouveau coup porté à l’ancien président Donald Trump dont les candidats qu’il soutenait ont <a href="https://www.nytimes.com/2022/12/06/us/politics/trump-candidate-endorsement-georgia.html">presque tous perdu</a> dans les États où il y avait des enjeux.</p>
<h2>Une décision majeure de la Cour suprême à venir</h2>
<p>Il convient toutefois de nuancer. Les résultats ont été souvent serrés, même là où il y avait des candidats extrémistes comme <a href="https://www.nytimes.com/interactive/2022/12/06/us/elections/results-georgia-us-senate-runoff.html">Walker en Géorgie</a>, ou <a href="https://www.nbcnews.com/politics/2022-elections/arizona-governor-results">Kari Lake en Arizona</a>. De plus, les élections locales, elles, ont donné un <a href="https://apnews.com/article/2022-midterm-elections-donald-trump-race-and-ethnicity-only-on-ap-congress-a15f6d6ebd6f629c6e92531a0c7172e6">patchwork de résultats divers</a>, parfois très favorables aux Républicains : au final, une majorité de leurs candidats extrémistes et négateurs ont été élus.</p>
<p>Les Républicains ont <a href="https://www.cookpolitical.com/analysis/national/national-politics/gop-won-votes-not-seats">amélioré leurs scores</a> principalement dans les États qui leur sont déjà acquis, mais ils ont subi des défaites majeures dans ceux où les sièges étaient potentiellement en jeu. Or, aux États-Unis, les élections se décident dans un petit nombre d’États pivots qui représentent <a href="https://ballotpedia.org/U.S._House_battlegrounds,_2022">moins de 10 % des sièges</a> à la Chambre. Pour les quelque 90 % autres, les électeurs n’ont qu’une très faible chance d’élire un représentant du parti adverse.</p>
<p>Ce scrutin, comme les précédents, pose plus généralement la question de la représentativité démocratique du système électoral des États-Unis. Le choix restreint pour les électeurs est dû à plusieurs facteurs, comme la <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10708-018-9955-3">polarisation géographique</a>, mais c’est aussi le résultat du redécoupage électoral partisan (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Gerrymandering"><em>gerrymandering</em></a> en anglais), pratiqué par les deux partis dans les États qu’ils contrôlent, dont une <a href="https://ballotpedia.org/Partisan_composition_of_state_legislatures">majorité est aux mains des Républicains</a>. Seules des <a href="https://ballotpedia.org/Redistricting_commissions">commissions bipartisanes</a>, ou les <a href="https://www.brennancenter.org/issues/gerrymandering-fair-representation/redistricting/redistricting-courts">Cours suprêmes des États</a>, peuvent, comme c’est parfois le cas, garantir ou imposer un redécoupage des circonscriptions juste et représentatif.</p>
<p>Or la Cour suprême fédérale, elle-même très <a href="https://theconversation.com/politisation-de-la-cour-supreme-la-democratie-americaine-en-peril-173281">politisée</a>, devra décider (<a href="https://www.oyez.org/cases/2022/21-1271"><em>Moore v. Harper</em></a>) si les Chambres des États sont seules habilitées par la Constitution à réglementer les élections fédérales et sans contrôle des tribunaux des États. Ce sont les procédures de contrôle et de contrepoids au pouvoir de la branche législative des États qui sont en jeu, ainsi que la possibilité légale des législateurs des États d’adopter des lois restrictives de votes, sans aucun contrôle ni remise en cause de la part des tribunaux des États (ou même du veto du gouverneur). Selon un <a href="https://apnews.com/article/us-supreme-court-north-carolina-legislature-50f99679939b5d69d321858066a94639">ancien juge fédéral conservateur éminent</a>, il s’agira de la décision « la plus importante pour la démocratie américaine de toute l’histoire du pays ».</p>
<h2>Le trumpisme, même sans Trump ?</h2>
<p>Par ailleurs, la démocratie pourrait à nouveau être un enjeu central des élections de 2024. Même si Donald Trump sort affaibli de ces dernières élections, il a déjà <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/11/16/etats-unis-donald-trump-annonce-sa-candidature-a-la-presidentielle-de-2024_6150035_3210.html">annoncé sa candidature</a> à la prochaine présidentielle, <a href="https://edition.cnn.com/2022/12/05/politics/donald-trump-constitution-analysis/index.html">se radicalisant</a> toujours plus. Ce ne sont pas ses attaques contre la démocratie qui entament le soutien de certains Républicains, mais plutôt la prise de conscience qu’il est une <a href="https://www.nytimes.com/2022/11/16/upshot/trump-effect-midterm-election.html">machine à perdre</a> pour le parti, comme en <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2022/11/16/trump-underperform-elections-2024/">2018 et 2020</a>. Sa victoire à la présidentielle de 2016 ne doit d’ailleurs pas faire oublier qu’il avait alors perdu le vote populaire <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_United_States_presidential_elections_by_popular_vote_margin">plus qu’aucun autre président élu</a>.</p>
<p>Il est également le premier président, depuis la Grande Dépression, à <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2021/01/06/trump-set-be-first-president-since-1932-lose-reelection-house-senate/">avoir perdu la Chambre, le Sénat et la présidence en un seul mandat</a>. Le résultat en Géorgie est emblématique : le gouverneur républicain, qui avait résisté aux pressions de Trump pour annuler l’élection, a été confortablement réélu. Ceci alors que le candidat extrémiste négateur aux sénatoriales, soutenu par l’ancien président a, lui, nous l’avons dit, perdu. Comme l’a montré la question de l’avortement, la radicalité reste minoritaire mais mobilise fortement ceux qui y adhèrent.</p>
<p>Or, malgré un léger effritement, Donald Trump demeure encore <a href="https://poll.qu.edu/poll-release ?releaseid=3863">très populaire au sein de sa base</a> et pourrait bien gagner les primaires pour 2024. Et, même si Trump disparaissait, le <a href="https://nymag.com/intelligencer/article/ron-desantis-trumpism.html">trumpisme</a> pourrait lui survivre. Son <a href="https://apnews.com/article/2022-midterm-elections-ron-desantis-donald-trump-c8a3a7e58d35061f8662ead819861005">rival le plus sérieux</a> à ce stade, le gouverneur Ron DeSantis, bien que plus stratège, est tout aussi radical, avec un style de gouvernance basé sur l’autoritarisme, le <a href="https://americasvoice.org/press_releases/reminder-that-nativist-politics-of-ron-desantis-and-gop-relies-on-falsehoods-and-stereotypes/">nativisme</a> et le <a href="https://www.businessinsider.com/florida-miami-herald-warns-of-gov-desantis-christian-nationalism-2022-9 ?r=US&IR=T">nationalisme populiste chrétien</a>, pour lequel il a été <a href="https://www.vox.com/policy-and-politics/2022/4/28/23037788/ron-desantis-florida-viktor-orban-hungary-right-authoritarian">comparé à Viktor Orban</a>.</p>
<p>Il a gagné en popularité en menant la bataille contre les protocoles de santé publique pendant la crise du Covid et a été <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2022/nov/09/ron-desantis-trump-2024-florida-midterms">très confortablement réélu</a> (59 %), avec, pour la première fois, une <a href="https://www.nbcnews.com/news/latino/florida-latinos-turned-favor-republicans-rcna57167">majorité de votes latinos</a>. Il est à l’avant-garde du combat dans la <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2022/nov/09/ron-desantis-trump-2024-florida-midterms">guerre culturelle</a>, multipliant les projets de loi visant à éliminer les discours sur les identités minoritaires <a href="https://tetu.com/2022/03/29/le-gouverneur-de-floride-enterine-la-loi-homophobe-dont-say-gay/">sexuelles</a> ou <a href="https://www.nytimes.com/2022/09/28/opinion/ron-desantiss-racism.html">raciales</a>, au détriment même de la liberté d’expression. Il a également imposé un <a href="https://fivethirtyeight.com/videos/ron-desantis-drew-florida-an-extreme-gerrymander/">redécoupage électoral extrêmement partisan</a>.</p>
<h2>La campagne de 2024 est déjà lancée</h2>
<p>Les prochains mois risquent ainsi d’être violents : une <a href="https://www.axios.com/2022/11/15/republican-civil-war-trump-mcconnell-scott">guerre interne</a> pour le contrôle du Parti républicain, une autre intense avec les Démocrates et l’administration Biden, sans compter les <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/12/09/complotistes-homophobes-neonazis-dix-comptes-emblematiques-de-la-derive-de-twitter-sous-elon-musk_6153754_4355770.html">effets des dérives de Twitter</a>.</p>
<p>Les Républicains de la Chambre ont déjà annoncé vouloir utiliser les pouvoirs d’investigation de la Chambre pour enquêter sur tout le monde : du <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2022/12/09/meet-congressman-planning-house-republicans-hunter-biden-investigation/">fils du président</a> au FBI du <a href="https://www.npr.org/2022/11/04/1134449665/republicans-investigation-fbi-doj-midterms">département de la Justice</a> à la <a href="https://edition.cnn.com/2022/07/15/politics/house-republicans-investigation-plans-trump/index.html">Commission chargée de faire la lumière sur l’assaut lancé contre le Capitole le 6 janvier 2021</a>, et même jusqu’à l’immunologue <a href="https://abcnews.go.com/Politics/republicans-vow-investigate-fauci-steps-december/story ?id=88741486">Anthony Fauci</a>, jugé responsable d’une gestion prétendument trop stricte de la pandémie de Covid-19.</p>
<p>Se profile également une confrontation sur deux autres questions très sensibles : <a href="https://www.lexpress.fr/monde/amerique/apres-une-decision-de-la-cour-supreme-les-etats-unis-se-dechirent-sur-la-politique-migratoire-GZHKO2OZTVCWJHQQD3TCBSI4JM/">l’immigration</a> – avec, là encore, une décision très attendue de la Cour suprême ; et le <a href="https://edition.cnn.com/2022/12/05/economy/debt-ceiling-fight-goldman-sachs/index.html">plafond de la dette</a>, car le GOP pourrait utiliser la menace d’un défaut de paiement sur la dette du gouvernement américain afin de forcer des réductions de dépenses, ce qui aurait de <a href="https://www.cbpp.org/blog/debt-limit-threats-would-put-the-global-economy-at-risk">lourdes conséquences pour l’économie mondiale</a>, dans un contexte déjà très volatil.</p>
<p>On l’aura compris : le résultat mitigé enregistré aux midterms par Donald Trump et ses affidés ne signifie nullement que les craintes relatives à l’avenir de la démocratie américaine ont été dissipées…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196524/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Viala-Gaudefroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quel que soit son candidat en 2024, le Parti républicain fera sans doute campagne sur une ligne ultra-radicale, à même d’ébranler les fondements mêmes de la démocratie américaine.Jérôme Viala-Gaudefroy, Assistant lecturer, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1954762022-11-29T18:56:51Z2022-11-29T18:56:51ZTwitter 2.0 : le populisme assumé d’Elon Musk<p>Dès l’annonce de son intention de devenir le seul propriétaire de Twitter, il y a six mois, Elon Musk avait <a href="https://theconversation.com/les-projets-delon-musk-pour-twitter-un-populisme-de-plate-forme-182006">laissé entrevoir</a> que sa gestion future de la plate-forme serait fortement marquée par une approche populiste. Les derniers développements en date le confirment clairement.</p>
<p>Plusieurs signes avant-coureurs permettaient déjà de discerner la présence, dans ses actes et ses paroles, des trois critères qui, <a href="https://academic.oup.com/book/866/chapter-abstract/135467344?redirectedFrom=fulltext">selon l’expert Cas Mudde</a>, sont constitutifs du populisme : concevoir le « peuple » comme boussole, une supposée « élite » comme ennemi et l’accomplissement de la « volonté générale » comme aspiration.</p>
<p>Depuis que l’acquisition est devenue effective, ces indices sont devenus de plus en plus nombreux et explicites, au point que le nouveau dirigeant semble s’inspirer délibérément des recettes éprouvées par ceux qui adoptent ce discours et ces pratiques dans le domaine politique : alors que ces concepts pouvaient auparavant être lus entre les lignes, Musk invoque à présent ouvertement le <a href="https://twitter.com/elonmusk/status/1592451233826340872">peuple</a> et dénonce les <a href="https://twitter.com/elonmusk/status/1591121142961799168">élites</a>.</p>
<h2>Un populisme ouvertement assumé, voire revendiqué</h2>
<p>L’épisode des « comptes vérifiés » s’est révélé particulièrement illustratif de cette tendance. Jusque récemment, certains comptes étaient pourvus d’un badge bleu dès lors qu’étaient remplies <a href="https://help.twitter.com/en/managing-your-account/legacy-verification-policy">certaines conditions</a>, liées à la vérification de l’identité et de la notoriété de l’utilisateur. Même imparfait, ce système présentait une utilité objective, puisqu’il permettait d’établir l’authenticité des comptes les plus en vue.</p>
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<p>Pourtant, Musk a décidé de modifier en profondeur le sens de ce symbole en le rendant également disponible à <a href="https://help.twitter.com/en/managing-your-account/about-twitter-verified-accounts">tout souscripteur de la version payante de la plate-forme</a>. Lors de l’annonce officielle de cette nouvelle politique, il a en une poignée de caractères justifié ce changement par son intention de donner « le pouvoir au peuple ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1587498907336118274"}"></div></p>
<p>Selon ce narratif, la distinction antérieure entre comptes vérifiés et ceux qui ne l’étaient pas relevait d’une logique élitiste qu’il était urgent d’abolir. Ce privilège avait vécu : le « peuple » et la supposée « élite » de la plate-forme se retrouveraient donc désormais logés à la même enseigne.</p>
<p>Conçue dans la précipitation, cette nouvelle façon de procéder a permis que plusieurs comptes, estampillés du fameux badge, <a href="https://mashable.com/article/fake-news-blue-check-tweets-verification">se fassent passer</a> pour des célébrités ou des entreprises, voire <a href="https://www.theguardian.com/technology/2022/nov/11/twitter-blue-check-verification-impostor-accounts">pour Musk lui-même</a>. La confusion qui en a résulté, parfois non sans conséquences pour l’image des personnes ou des organisations dont l’identité avait été usurpée, a par contraste souligné le bien-fondé de la règle précédente. Face à la débâcle, l’application de cette politique a été suspendue.</p>
<p>Le sort de Donald Trump sur la plate-forme fournit un autre exemple de logique populiste. Musk avait d’abord <a href="https://arstechnica.com/tech-policy/2022/05/elon-musk-would-let-trump-back-on-twitter-says-ban-was-morally-wrong/">exprimé</a> son intention de revenir sur la suspension du compte de l’ex-président, <a href="https://blog.twitter.com/en_us/topics/company/2020/suspension">décidée</a> au lendemain de l’attaque contre le Capitole. Il avait semblé faire preuve de prudence en <a href="https://twitter.com/elonmusk/status/1586059953311137792">annonçant</a> que les décisions de cet ordre seraient prises par un « conseil de modération des contenus », au sein duquel serait représentée une « large diversité de points de vue ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/donald-trump-banni-des-grands-reseaux-sociaux-et-maintenant-152950">Donald Trump banni des grands réseaux sociaux : et maintenant ?</a>
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<p>En lieu et place de cette méthode, il a lancé le 18 novembre un <a href="https://twitter.com/elonmusk/status/1593767953706921985">sondage en ligne</a> soumettant au vote des internautes la proposition de rétablir le compte de l’ancien président. 24 heures et 15 millions de « votes » plus tard, le verdict tombe : comme 52 % des participants ont répondu affirmativement, Trump pourra de nouveau faire usage de son mégaphone numérique. Du moins potentiellement, car l’intéressé a <a href="https://www.reuters.com/technology/musks-twitter-poll-showing-narrow-majority-want-trump-reinstated-2022-11-20/">publiquement exprimé</a> son intention de ne pas retourner sur ce réseau social.</p>
<p>Pleinement en phase avec les préceptes populistes, la décision a donc été remise entre les mains de la majorité, au détriment de tout corps intermédiaire – y compris de celui que Musk avait un temps annoncé vouloir créer pour examiner ce genre de cas. Les institutions et les règles ne font pas le poids face à la « volonté générale » : là encore, le « peuple » est directement invoqué, et plutôt deux fois qu’une, pour justifier cette prise de décision.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1594131768298315777"}"></div></p>
<p>Moins d’une semaine plus tard, il a recouru à la même <a href="https://twitter.com/elonmusk/status/1595473875847942146">méthode</a> pour décider d’une <a href="https://www.leparisien.fr/high-tech/comptes-suspendus-sur-twitter-5-minutes-pour-comprendre-lamnistie-generale-decretee-par-elon-musk-25-11-2022-VHH7QC4YWBDHFFEWB4ZPXMXQTU.php">« amnistie générale pour tous les comptes suspendus »</a>, effective à partir de la semaine du 28 novembre, confirmant par la même occasion que rien ne saurait résister à la « voix populaire ».</p>
<h2>Une manière douteuse de donner la parole au « peuple »</h2>
<p>L’importance que les leaders populistes attribuent au pouvoir du « peuple » contraste avec les limites des procédures mises en place pour permettre à ce même peuple de s’exprimer. D’ordinaire, les résultats des référendums sont ainsi tenus pour vérité absolue, en tout cas lorsqu’ils vont dans la direction désirée.</p>
<p>En l’occurrence, Musk a mis de côté ses préoccupations, pourtant récurrentes à un moment donné, au sujet des comptes automatisés, ou <em>bots</em>. Estimés à 5 % des utilisateurs par l’équipe précédente, et à un <a href="https://edition.cnn.com/2022/10/10/tech/elon-musk-twitter-bot-analysis-cyabra/index.html">pourcentage bien plus élevé</a> par Musk lui-même, leur nombre est suffisant pour <a href="https://twitter.com/profgalloway/status/1594450858439237634?">jeter le doute</a> sur les résultats de ce sondage.</p>
<p>Ces consultations souffrent également d’un <a href="https://fr.surveymonkey.com/mp/dont-let-opinions-sneak-survey-4-ways-avoid-researcher-bias/">biais de sélection</a>, puisqu’elles ont été lancées par l’intermédiaire du compte personnel de Musk et donc diffusées bien plus massivement auprès des utilisateurs qui le « suivent », parmi lesquels ses soutiens sont sur-représentés. Par conséquent, les personnes les plus susceptibles de prendre position sont aussi celles qui ont la plus forte propension à aller dans le sens de celui qui a posé la question.</p>
<p>Techniquement parlant, il était parfaitement possible pour Musk de présenter ces deux options à <em>l’ensemble</em> des usagers de la plate-forme, mais il a préféré procéder par l’intermédiaire de son propre compte. Ce choix souligne que Twitter en tant qu’institution a désormais cédé la place à Twitter, instrument à usage personnel de son propriétaire. Une confusion des genres fréquente dans tout système régi par une logique populiste.</p>
<p>En général comme dans ce cas précis, l’objectif du leader populiste n’est pas tant de permettre à une supposée « volonté générale » de se former et de s’exprimer mais bien davantage de pouvoir brandir la réponse qui, bien souvent sans guère de surprises, sera ressortie de cette consultation.</p>
<h2>Pourquoi Musk adopte-t-il les codes et les techniques du populisme ?</h2>
<p>Il n’est pas surprenant que Musk ait recours à ces pratiques. D’abord, il a depuis longtemps fait étalage d’une personnalité avide de jouer les premiers rôles en communiquant directement avec une large audience, au sujet de ses entreprises comme sur bien d’autres thèmes.</p>
<p>Cette tendance s’est notamment déployée sur Twitter, où il avait déjà démontré son appétence pour les <a href="https://twitter.com/elonmusk/status/1457064697782489088">sondages</a> comme mode de prise de décision.</p>
<p>Il n’a échappé à personne que sa prise en mains de l’entreprise est synonyme non seulement de refonte en profondeur de son fonctionnement, mais aussi de remise en cause de la culture et des valeurs qui y prévalaient jusque-là, dont la reconnaissance de <a href="https://digiday.com/media/twitters-company-culture-used-to-have-an-amazing-culture-unsure-of-future/">l’importance du bien-être des employés</a> ou la <a href="https://www.theguardian.com/technology/2022/nov/19/elon-musk-management-style-twitter-tesla-spacex">liberté de parole au sein de l’entreprise</a>, y compris pour critiquer les décisions prises au plus haut niveau. Pour mener à bien cette transformation, Musk a besoin de s’adosser à une source de pouvoir et de légitimité, en complément de son statut légal de propriétaire. Il a donc naturellement recours à cette base « populaire », représentée par ses <em>followers</em> dont une bonne partie est acquise à sa cause, à qui il peut s’adresser directement grâce à la plate-forme elle-même.</p>
<p>Fort de ce soutien, réel ou suffisamment apparent, le multimilliardaire peut déclencher une confrontation ouverte contre ceux qui sont considérés comme autant d’obstacles à ses projets, et qui sont collectivement désignés comme une élite affairée à ses privilèges hérités de la situation antérieure. Dans cette vaste catégorie entrent tout aussi bien l’ancienne équipe dirigeante, les employés accusés de ne pas travailler suffisamment ou les ONG qui rappellent la plate-forme à ses responsabilités.</p>
<h2>Un Twitter « populiste » peut-il continuer à s’autoréguler ?</h2>
<p>Jusqu’alors, l’évolution des plates-formes de réseaux sociaux allait dans le sens d’un épaississement notable de leurs capacités afin de faire face à leurs responsabilités vis-à-vis des sociétés où elles opèrent. Cette tendance s’est traduite par une augmentation des moyens et personnels consacrés à la définition et l’application de politiques, en particulier contre la diffusion de contenus considérés comme néfastes à la cohésion sociale et au bon fonctionnement des démocraties, comme les discours de haine, le cyber harcèlement ou la désinformation.</p>
<p>En conséquence, les plates-formes ont mis en place des <a href="https://www.vanityfair.com/news/2019/02/men-are-scum-inside-facebook-war-on-hate-speech/">équipes spécialisées</a> pour définir des règles d’utilisation de plus en plus détaillées, les mettre à jour et les appliquer. Bien que cette forme d’autorégulation ait produit des résultats imparfaits, cibles de critiques méritées, elle permet la constitution progressive d’un ordre normatif propre à chaque plate-forme. Dans ce cadre, les attentes en termes de cohérence, transparence et respect des droits fondamentaux se font de plus en plus pressantes de la part des gouvernements, comme des annonceurs, des ONGs ou des utilisateurs.</p>
<p>À rebours de cette évolution, Musk démantèle ces moyens et ces principes, pour les remplacer par l’arbitraire de ses propres décisions, sous couvert d’une volonté générale qu’il dit suivre et servir. Alors qu’elles sont censées être toujours en vigueur, les règles existantes se retrouvent finalement reléguées à un rang secondaire et leur application peut être remise en cause à tout moment.</p>
<p>Si elle se confirme sur la durée, cette façon de procéder heurtera frontalement les <a href="https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/europe-fit-digital-age/digital-services-act-ensuring-safe-and-accountable-online-environment_en">obligations</a> que le <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/285115-dsa-le-reglement-sur-les-services-numeriques-ou-digital-services-act">« Digital Services Act »</a> fera reposer sur les plates-formes dans le marché européen à court terme. Du côté des États-Unis, elle démontrera les graves limites de l’autorégulation et pourrait bien représenter, pour le Congrès américain, le facteur qui jusque-là lui avait fait défaut pour parvenir à adopter une législation fédérale encadrant le fonctionnement des plates-formes numériques.</p>
<p>Comme son pendant politique, le populisme de plate-forme se confrontera tôt ou tard au principe de réalité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195476/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Barthélémy Michalon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Elon Musk a rétabli les comptes des utilisateurs, dont Donald Trump, qui avaient été suspendus pour violation grave des règles de la plate-forme. En se prévalant de « la volonté du peuple »…Barthélémy Michalon, Professeur au Tec de Monterrey (Mexique) - Doctorant en Sciences Politiques, mention RI, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1947642022-11-16T17:08:05Z2022-11-16T17:08:05ZTrump 2024 : une candidature vouée à l’échec ?<p>C’est donc à Mar-a-Lago, dans un environnement qui convient à l’ancien président, avec ses dorures, ses volumes impressionnants, son luxe, et devant quelques invités triés sur le volet et tout acquis à sa cause, que <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/trump-a-depose-sa-candidature-formelle-a-l-election-presidentielle-de-2024-20221116">Donald Trump a annoncé sa candidature</a> à l’élection présidentielle américaine de 2024.</p>
<p>Cette annonce, présentée par l’intéressé comme <a href="https://www.france24.com/en/live-news/20221114-trump-set-to-officially-launch-2024-comeback-bid">« le plus grand discours de toute l’histoire des États-Unis »</a>, a pourtant le goût d’amertume de certains produits périmés.</p>
<p>Le 45<sup>e</sup> POTUS a eu beau affirmer qu’il allait rendre l’Amérique de nouveau grande et glorieuse, lançant à cette occasion le <a href="https://www.huffingtonpost.fr/international/article/trump-et-son-nouveau-slogan-magaga-pour-2024-ont-inspire-les-internautes_210309.html">curieux slogan MAGAGA</a> (Make America Great and Glorious Again), et affirmer que sa victoire « sera construite sur de grandes idées, des ambitions audacieuses et des rêves audacieux pour l’avenir de l’Amérique », il semblait le savoir lui-même : tout cela ne le mènera nulle part. Pour plusieurs raisons, qui ont trait à la fois au timing de cette déclaration, à son âge, à son isolement au sein du Parti républicain ou encore à l’émergence d’adversaires qui paraissent bien placés pour le devancer.</p>
<h2>Le timing désastreux de l’annonce d’un candidat âgé et isolé</h2>
<p>Comment aurait-il pu choisir un pire moment pour faire son annonce ? La bonne stratégie est de se présenter le dernier au départ de la course, en laissant les adversaires s’épuiser et en se posant en recours, après avoir bien observé les autres et relevé toutes leurs faiblesses. C’est <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-2016-11-page-7.htm">ce qu’il avait fait en 2015</a>, avec le succès que l’on sait.</p>
<p>Cette fois-ci, en se décidant deux ans avant le scrutin, Donald Trump a donné l’avantage à ses adversaires pour les primaires républicaines, qui ne vont pas manquer de prendre leur temps et de lui compliquer la tâche, l’air de rien. L’entrée en lice des uns et des autres diminuera d’autant, chaque fois, l’impact de la candidature Trump, qui cédera un point par-ci, trois points par-là, jusqu’à ce qu’un de ses concurrents apparaisse comme plus crédible pour la victoire.</p>
<p>En outre, le Trump de 2022, et ce sera encore plus vrai pour celui de 2024, n’est plus « The Donald » de 2015. Le <a href="https://tyt.com/reports/7015be31e708f973a/7b852d7f677784d59">discours moribond</a>, prononcé d’une voix monocorde à la lecture pénible d’un prompteur a fait bondir cette évidence au premier plan : Donald Trump a vieilli. Il est même aussi vieux que l’était Joe Biden lorsqu’il avait annoncé sa candidature pour 2020. Trump l’avait alors <a href="https://www.businessinsider.com/trump-joke-joe-biden-age-young-vibrant-man-2019-4?r=US&IR=T">moqué pour son âge</a>, une idée largement reprise par ses supporters à coups de « Sleepy Joe », qui s’est décliné en « sénile » depuis la défaite de 2020.</p>
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<figcaption><span class="caption">Donald Trump : « J’annonce ma candidature à l’élection présidentielle », Les Échos, 16 juin 2022.</span></figcaption>
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<p>Enfin, Trump ne peut aujourd’hui guère compter sur l’appui de la machinerie nationale du Parti républicain. C’est un point que l’on pourrait penser sans importance, puisqu’il n’était soutenu par personne en 2015, ce qui ne l’avait pas empêché de triompher.</p>
<p>Pourtant, il se présente cette fois-ci comme un ancien président et l’absence de soutien n’est plus synonyme d’une défiance face à un inconnu : elle révèle qu’il a été incapable de créer un réseau solide derrière lui, qui croit en sa victoire au point de faire campagne à ses côtés. Or c’est bien ce dont il a besoin pour vaincre le camp démocrate, qui a repris les rênes.</p>
<p>Même problème avec ses supporters : on avait déjà remarqué que les <a href="https://www.telegraph.co.uk/world-news/2021/12/12/donald-trumps-florida-roadshow-greeted-rows-empty-seats/">rangs s’étaient clairsemés</a>. Bien entendu, les fans « MAGA », les plus impliqués, les plus engagés, sont toujours là. Mais ce n’est pas suffisant pour faire un gagnant. La force de Trump avait été de faire revenir devant les urnes une <a href="https://www.propublica.org/article/revenge-of-the-forgotten-class">population qui ne votait plus</a>. Ceux-là rêvaient d’un champion capable de renverser la table et doté d’une poigne de fer pour faire face à leurs « ennemis » – car ils imputent au camp d’en face toutes les difficultés qu’ils traversent, au point de finir par croire qu’ils sont effectivement dans une guerre totale.</p>
<p>Mais les meetings de Donald Trump se sont vidés : de 30 000 il y a deux ans, l’ancien président ne pouvait guère plus réunir plus de 2 000 à 3 000 personnes ces derniers mois.</p>
<p>Pis encore : les sondages ne cessent d’indiquer qu’ils ne sont plus que 30 à 34 % au sein de parti républicain à souhaiter son retour et la <a href="https://www.nytimes.com/2022/07/12/us/politics/trump-approval-polling-2024.html">moitié d’entre eux ne le souhaite pas</a>. Cela ne veut pas dire qu’ils ne l’aiment plus ; juste qu’ils attendent autre chose.</p>
<h2>Un bilan, pas de programme</h2>
<p>C’est une difficulté majeure pour le candidat Trump : il a cette fois un bilan. Bon ou mauvais, on trouvera les deux avis et la discussion tournera en rond.</p>
<p>Mais ce qui est indubitable, c’est que ce bilan l’emprisonne. En 2016, il était un homme totalement neuf et rien ne pouvait lui être opposé, car il répondait invariablement qu’il allait réussir. Les fantasmes et les projections ont donc fait leur œuvre : ses futurs électeurs y croyaient. Et ils en rajoutaient même par rapport à ce qu’il disait, annonçait ou promettait.</p>
<p>Et s’il a un bilan, dans lequel ses concurrents ne manqueront pas de piocher pour le mettre en difficulté, il n’a en revanche pas de programme. C’est bien un des points qui pose un problème réel et de fond. Au cours des deux dernières années, Donald Trump n’a eu qu’un seul élément de programme : « Je suis le meilleur, réélisez-moi. »</p>
<p>Or la <a href="https://www.ladepeche.fr/2022/11/10/entretien-midterms-2022-aux-etats-unis-pourquoi-le-raz-de-maree-republicain-tant-annonce-na-t-il-pas-eu-lieu-10791819.php">contreperformance du camp républicain aux midterms</a> est principalement due à cette absence de perspective concrète : en ancrant cette stratégie dans l’esprit de ses sympathisants, Trumps les a coupés de ceux qui attendent des politiciens qu’ils apportent des réponses à leurs problèmes. Fort de ce constat, le programme a semble-t-il été rajouté au dernier moment à sa déclaration de candidature : c’est un copié-collé de celui de 2016. Mais on n’est plus en 2016.</p>
<h2>L’épée de Damoclès de la justice</h2>
<p>Il a beau tenter de faire l’impasse sur cette maudite journée du 6 janvier 2021, Donald Trump sera <a href="https://theconversation.com/lenquete-sur-lemeute-du-capitole-le-watergate-de-donald-trump-191025">rattrapé par elle sans arrêt</a>. Il est déjà dans les livres d’histoire pour une tentative d’insurrection, après avoir affronté <a href="https://www.cairn.info/revue-civitas-europa-2021-1-page-413.htm">deux procédures d’impeachment</a>. Ces taches sont indélébiles et vont teinter sa campagne, qu’il le veuille ou non. Il sera donc contraint de se poser encore et encore en victime et ne pourra jamais décoller.</p>
<p>Il est évident aussi que <a href="https://www.levif.be/international/usa-les-liens-entre-trump-et-lextreme-droite-au-coeur-dune-enquete-parlementaire/">ses liens avec les groupes d’extrême droite</a> – les Proud Boys, les Oath Keepers, le Ku Klux Klan et d’autres encore – vont hanter les prochains mois. Sa <a href="https://www.ledevoir.com/monde/etats-unis/757562/sous-pression-donald-trump-ressuscite-le-complotisme-qanon">proximité avec le groupe QAnon</a>, dont il ne peut plus désormais se passer, clouera son positionnement dans la droite la plus dure et la plus dangereuse, repoussant les indépendants à l’opposé de lui.</p>
<p>Tout le monde, enfin, a compris que la raison de sa déclaration de candidature très prématurée est d’hystériser le débat et d’allumer un contre-feu puissant lorsque le glaive de la justice s’abattra sur lui. <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20220921-donald-trump-et-ses-enfants-poursuivis-%C3%A0-new-york-pour-fraude-fiscale">Poursuites</a> à New York pour fraude fiscale, <a href="https://www.lepoint.fr/monde/une-enquete-dans-l-etat-de-georgie-pourrait-etre-fatale-a-trump-30-08-2022-2487738_24.php">enquêtes</a> pour ingérence électorale en Georgie, <a href="https://confluencedesdroits-larevue.com/?p=1892">menaces d’inculpation</a> au niveau fédéral pour l’émeute du Capitole, les ennuis judiciaires de Donald Trump sont colossaux et on voit mal comment il pourrait désormais échapper à une sanction, qui n’exclut pas une peine de prison.</p>
<p>Son évident est de fédérer ses plus fidèles pour qu’ils descendent dans les rues lorsque le pire arrivera. Rien ne dit que cette stratégie fonctionnera, car les électeurs ont déjà rejeté son jusqu’au-boutisme lors des midterms 2022 en <a href="https://www.marianne.net/monde/ameriques/midterms-aux-etats-unis-le-gros-flop-des-candidats-trumpistes">se détournant largement des candidats qu’il avait ouvertement soutenus</a>.</p>
<h2>Des adversaires dangereux</h2>
<p>La donnée nouvelle, à laquelle Donald Trump ne s’attendait pas, c’est que le désamour à son égard se traduit par la recherche de remplaçants : la brusque mise sous les projecteurs de <a href="https://www.lepoint.fr/monde/ron-desantis-l-homme-qui-menace-donald-trump-16-11-2022-2497967_24.php">Ron DeSantis</a>, dès le lendemain des midterms, a fait éclater la bulle Trump.</p>
<p>Aussitôt, ils ont été nombreux à chercher à prendre la lumière à leur tour : <a href="https://www.politico.com/news/2022/09/20/ted-cruz-campaign-2024-00057668">Ted Cruz</a>, <a href="https://www.politico.com/news/2022/11/14/pence-2024-run-prayerful-consideration-00066877">Mike Pence</a>, <a href="https://slate.com/news-and-politics/2022/09/lindsey-graham-abortion-ban-2022-midterm-2024-election.html">Lindsey Graham</a>, <a href="https://edition.cnn.com/2022/04/06/politics/kristi-noem-biden-ukraine-russia/index.html">Kristi Noem</a>, <a href="https://thehill.com/homenews/sunday-talk-shows/3679988-youngkin-declines-to-say-if-he-will-run-for-president-2024-is-a-long-way-away/">Glenn Youngkin</a>, <a href="https://eu.desmoinesregister.com/story/news/politics/2022/06/30/iowa-caucus-2024-nikki-haley-will-run-president-if-theres-place-me/7747121001/">Nikki Haley</a>, <a href="https://thehill.com/homenews/campaign/3596528-tim-scott-dodges-questions-about-whether-he-wants-trump-to-run-in-2024/">Tim Scott</a>, pour ne citer que les plus en vue, qui ne veulent pas laisser le champ libre aux autres et qui se cherchent encore une stratégie et un chemin pour se lancer.</p>
<p>En 2016, lors des primaires républicaines, Donald Trump était le chasseur. En 2024, en sa qualité d’ancien président, il sera le puissant à abattre. Difficile de parier un dollar sur sa victoire…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194764/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Éric Branaa ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Donald Trump vient d’annoncer sa candidature à l’élection présidentielle de 2024. De nombreux aspects indiquent qu’elle ne sera sans doute pas couronnée de succès.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines (Paris 2 Panthéon-Assas), Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.