tag:theconversation.com,2011:/ca/topics/ecole-20603/articlesécole – The Conversation2024-02-14T16:43:20Ztag:theconversation.com,2011:article/2215572024-02-14T16:43:20Z2024-02-14T16:43:20ZPour pallier la pénurie d’enseignants, il faut multiplier les formations plus courtes et mieux adaptées<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/575401/original/file-20240213-20-t0qy3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C10847%2C5358&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des formations accélérées pour la main-d'oeuvre non qualifiée dans les écoles pourraient pallier à la pénurie d'enseignants et enseignantes.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le Québec connaît une pénurie enseignante sans précédent. Afin de pourvoir des postes qui demeurent vacants, les milieux scolaires font massivement appel à des personnes non légalement qualifiées (NLQ) ne détenant pas de brevet d’enseignement. </p>
<p>Plus du quart des enseignants qui ont travaillé au cours de l’année 2020-2021 étaient non légalement qualifiés, selon les plus récentes données du ministère de l’Éducation et du <a href="https://www.vgq.qc.ca/Fichiers/Publications/rapport-annuel/203/03_vgq_ch3_mai2023_web_vf.pdf">Vérificateur général du Québec</a>. Rien n’indique que les choses se sont améliorées depuis, bien au contraire. « Il s’agit de plus de 30 000 enseignants, principalement des suppléants, qui ont travaillé l’équivalent de 8,3 % des jours totaux travaillés par l’ensemble des enseignants. »</p>
<p>La <a href="https://www.ledevoir.com/societe/education/791901/education-les-inscriptions-sont-en-baisse-dans-les-universites-quebecoises?">baisse des admissions dans les programmes de formation des maitres</a> et l’<a href="https://www.journaldequebec.com/2022/09/19/plus-de-40-des-profs-a-la-retraite-dici-2030">accélération des départs à la retraite des enseignants expérimentés d’ici 2030</a> risquent de rendre cette pénurie encore plus critique. </p>
<p>Face à cette situation, le <a href="https://www.cse.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/2023/11/50-0807-SO-acces-profession-enseignante.pdf">Conseil supérieur de l’éducation (CSE)</a> a pris position en novembre 2023, reconnaissant les enseignants non légalement qualifiés comme une ressource essentielle. « Le Québec dispose d’un bassin de personnes susceptibles de changer de carrière ou de régulariser leur situation pour enseigner. »</p>
<p>Toutefois, afin d’assurer la qualité de l’enseignement offert aux élèves, il est essentiel de former adéquatement ces enseignants. <a href="https://r-libre.teluq.ca/2922/">Dans une enquête publiée récemment par deux chercheuses de l’Université TÉLUQ</a>, sur les enseignants non légalement qualifiés au Québec, 84 % des répondants ont indiqué souhaiter suivre une formation qui les conduirait au brevet. </p>
<p>Quel genre de formation est souhaitable et surtout, réaliste ? En tant que professeurs chercheurs en enseignement à l’université TÉLUQ, oeuvrant en formation continue des enseignants, c’est à cette question que nous allons tenter de répondre dans cet article. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/enseignants-non-legalement-qualifies-dans-nos-ecoles-au-dela-des-inquietudes-quelles-solutions-172591">Enseignants non légalement qualifiés dans nos écoles : au-delà des inquiétudes, quelles solutions ?</a>
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<h2>Des formations offertes par des universités</h2>
<p><a href="https://www.lapresse.ca/actualites/education/2024-01-05/programmes-courts-pour-le-brevet-d-enseignement/il-y-a-de-la-resistance-au-changement-dit-le-cabinet-de-drainville.php">Quelques universités</a> ont pris l’initiative de développer des formations adaptées, en réponse à la demande du ministre de l’Éducation d’élaborer des programmes courts menant au brevet d’enseignement. </p>
<p>L’Université de Sherbrooke a mis en place le <a href="https://www.usherbrooke.ca/vfc-education/programmes/parcours-prof">parcours PROF</a> au premier cycle. L’UQAM expérimente quant à elle un diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) dans le cadre d’un <a href="https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/une-nouvelle-formation-en-enseignement-primaire-pour-luniversite-du-quebec-a-montreal-49042">projet pilote pour l’enseignement primaire</a>, tandis que l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) propose une <a href="https://www.uqat.ca/etudes/education/dess-qualifiant-en-enseignement-secondaire/">formation similaire axée sur l’enseignement au secondaire</a>. </p>
<p>De son côté, l’Université TÉLUQ a développé un <a href="https://www.teluq.ca/site/etudes/offre/prog/diplome-d-etudes-superieures-specialisees-en-education-prescolaire-et-en-enseignement-primaire/">DESS en éducation préscolaire et enseignement primaire</a> spécialement conçu pour accélérer la formation de mise à niveau des enseignants NLQ. Ce programme, offert à distance et en collaboration avec les établissements scolaires, est particulièrement adapté aux enseignants sans brevet détenant un baccalauréat dans une discipline pertinente. Le parcours, offert à temps partiel, permet de concilier travail, études et vie personnelle. </p>
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<img alt="Une jeune femme devant un écran d’ordinateur, un livre à la main" src="https://images.theconversation.com/files/575402/original/file-20240213-18-9pyxs8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/575402/original/file-20240213-18-9pyxs8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/575402/original/file-20240213-18-9pyxs8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/575402/original/file-20240213-18-9pyxs8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/575402/original/file-20240213-18-9pyxs8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/575402/original/file-20240213-18-9pyxs8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/575402/original/file-20240213-18-9pyxs8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La plupart des formations destinées aux enseignants non légalement qualifiés se font en ligne, ce qui leur permet de mieux concilier leurs obligations professionnelles et familiales.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Depuis sa mise en œuvre en 2019, ce programme de 30 crédits de deuxième cycle a permis à des centaines d’enseignants d’une cinquantaine de centres de services scolaires de bénéficier d’un accompagnement personnalisé et d’une formation adaptée à leur contexte professionnel. </p>
<h2>Les formations de courte durée sont mieux adaptées</h2>
<p>Ces programmes ont tous en commun d’être d’une durée plus courte que le baccalauréat en enseignement traditionnellement enseigné dans les universités québécoises.</p>
<p>Les diplômés de ces nouveaux programmes pourront ainsi obtenir leur brevet d’enseignement à la suite d’un amendement au projet de loi 23 sur la gouvernance en éducation, adopté en décembre 2023. </p>
<p><a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2046104/programmes-courts-enseignement-quebec-stage">Cette situation en préoccupe plusieurs dans le milieu de l’enseignement</a>, dont l’Association des doyens et directeurs pour l’étude et la recherche en éducation au Québec (ADEREQ). On estime que ces programmes n’ont jamais été évalués avant d’être reconnus officiellement par le gouvernement. Il y a aussi des remous politiques : selon la députée solidaire Ruba Ghazal, on ne peut résoudre la pénurie de main-d’œuvre « en ignorant tous les mécanismes qui existent ».</p>
<p>Nous estimons de notre côté que des arguments majeurs militent en faveur de ces formations de courte durée. </p>
<p>D’une part, elles répondent aux besoins spécifiques des adultes, offrant reconnaissance des acquis, flexibilité et soutien nécessaire à ceux qui jonglent entre diverses responsabilités. Selon le <a href="https://www.cse.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/2023/11/50-0807-RF-acces-profession-enseignante.pdf">CSE</a>, les programmes de baccalauréat et de maîtrise qualifiante ne répondent pas aux besoins de formation d’adultes, « notamment en matière de reconnaissance des acquis et des compétences ainsi que d’accommodements pour la conciliation travail-famille-études ».</p>
<p>D’autre part, les données de recherche sont encourageantes. En effet, des <a href="https://www.researchwithrutgers.com/en/publications/traditional-vs-alternative-teacher-preparation-programs-a-meta-an">chercheurs américains</a> ont comparé, grâce à une méta-analyse de 12 études réalisées entre 1998 et 2015, les résultats des élèves encadrés par des enseignants ayant suivi une formation alternative de courte durée, à ceux d’enseignants ayant complété une formation traditionnelle de plus longue durée.</p>
<p>Les résultats montrent globalement un effet positif et significatif des formations alternatives comparativement aux formations traditionnelles en enseignement. Ces données positives ont été reconfirmées <a href="https://caldercenter.org/sites/default/files/CALDER%20WP%20277-0123.pdf">par une étude américaine publiée en 2023</a> dans laquelle les effets du programme alternatif <a href="https://www.teachforamerica.org">Teach for America (TFA)</a> ont été analysés sur une période de plus de 10 ans. TFA est un organisme à but non lucratif qui offre une formation abrégée à de futurs enseignants qui s’engagent ensuite à œuvrer dans des écoles de milieux défavorisés. </p>
<h2>De meilleurs résultats pour les élèves</h2>
<p>Avec la collaboration du Bureau de statistiques et d’imputabilité du Centre de services scolaire (CSS) Marguerite-Bourgeoys, nous avons analysé les performances des élèves encadrés par des enseignants du DESS en éducation préscolaire et enseignement primaire de l’Université TÉLUQ au cours de l’année 2022-2023. </p>
<p>Avant même d’avoir complété leur formation, une majorité de ces enseignants ont conduit leurs élèves à de meilleurs résultats scolaires par rapport à leurs homologues qualifiés. En effet, près des deux tiers (64 %) de leurs élèves ont obtenu des notes de fin d’année supérieures en français et 57 % en mathématiques, comparativement à celles des élèves de même niveau et du même <a href="https://www.education.gouv.qc.ca/references/indicateurs-et-statistiques/indices-de-defavorisation/#:%7E:text=L%27IMSE%20est%20constitu%C3%A9%20de,r%C3%A9f%C3%A9rence%20du%20recensement%20canadien%20">indice de milieu socioéconomique</a> qui sont suivis par des enseignants détenant un brevet. </p>
<p>Bien que ces données soient préliminaires et issues d’un échantillon limité (14 enseignants étudiants), ces résultats vont dans le même sens que les données probantes obtenues par les études anglo-saxonnes. </p>
<p>Dans le contexte de pénurie qui prévaut actuellement, le Québec ne peut que se réjouir du fait que des personnes souhaitent se réorienter vers l’enseignement. Ceci vient confirmer, comme le soutient le <a href="https://www.cse.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/2023/11/50-0807-RF-acces-profession-enseignante.pdf">CSE</a>, que la diversification des voies d’accès à la profession peut contribuer à soutenir une formation de qualité pour les milliers de personnes sans brevet qui enseignent déjà quotidiennement aux élèves et, de surcroît, à valoriser leur apport et leur expérience.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221557/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marilyn Baillargeon a été sollicitée comme consultante par des centres de services scolaires. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Steve Bissonnette a été sollicité comme consultant par des centres de service scolaires. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mario Richard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le quart des enseignants au Québec sont non légalement qualifiés. Plusieurs souhaitent obtenir une formation et une reconnaissance officielles. Les programmes courts sont mieux adaptés à leur réalité.Mario Richard, Professeur titulaire, Université TÉLUQ Marilyn Baillargeon, Professeure, Université TÉLUQ Steve Bissonnette, Professeur titulaire Département éducation, Université TÉLUQ Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2213242024-01-22T15:19:40Z2024-01-22T15:19:40ZL’enseignement musulman sous contrat dans le viseur des pouvoirs publics français<p>Les affaires récentes concernant l'établissement catholique <a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/dossier/stanislas-et-l-affaire-oudea-castera">Stanislas</a> à Paris et le lycée musulman <a href="https://www.marianne.net/societe/education/rapport-elogieux-manquements-graves-comment-les-autorites-ont-navigue-a-vue-sur-le-lycee-averroes">Averroès</a> de Lille prouvent que l’enseignement confessionnel sous contrat reste un sujet de controverses politiques et médiatiques.</p>
<p>En août 2021, les parlementaires français votent <a href="https://www.seine-maritime.gouv.fr/Actions-de-l-Etat/Securite-et-Defense/Securite-publique/Lutte-contre-la-radicalisation-et-le-terrorisme/Loi-du-24-aout-2021-confortant-le-respect-des-principes-de-la-Republique-loi-CRPR/Loi-n-2021-1109-du-24-aout-2021-confortant-le-respect-des-principes-de-la-Republique-loi-CRPR#:%7E:text=La%20loi%20n%C2%B02021,Mureaux%20le%202%20octobre%202020.">la loi confortant les principes de la République</a>, créant un nouveau délit de séparatisme et instaurant un contrôle renforcé sur les établissements scolaires confessionnels hors contrat et sous contrat, notamment « musulmans ».</p>
<h2>Le cas emblématique du lycée Averroès</h2>
<p>C’est dans ce contexte que le préfet du Nord Georges-François Leclerc a annoncé le 8 décembre dernier <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/12/11/a-lille-le-lycee-averroes-de-l-excellence-a-la-chute_6205111_3224.html">la résiliation du contrat d’association</a> qui lie le lycée Averroès à l’État, invoquant entre autres des dysfonctionnements administratifs majeurs, des financements illicites et des contenus pédagogiques non conformes aux principes républicains, points qui ne figurent pourtant pas dans <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/nord-0/lille/lycee-musulman-averroes-syndicats-politiques-directeur-de-grande-ecole-tour-d-horizon-des-soutiens-affiches-2884994.html">les différents rapports d'inspection</a>.</p>
<p>Ouvert à Lille en 2003, il s’agit du plus ancien des trois lycées musulmans contractualisés par l’État en France métropolitaine. La mobilisation de moyens financiers, humains et administratifs consistants lui a permis de s’imposer rapidement comme un établissement scolaire d’excellence. Classé <a href="https://www.la-croix.com/Urbi-et-Orbi/Actualite/France/Le-lycee-musulman-Averroes-de-Lille-meilleur-lycee-de-France-2013-03-28-926203">meilleur lycée de France</a>, puis <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1309270/article/2023-03-29/lille-averroes-et-faidherbe-dans-le-top-3-des-lycees-de-la-region">de la région</a>, la décision préfectorale prend donc une valeur fortement symbolique et politique.</p>
<p>Depuis sa création, ce lycée a déjà connu plusieurs épisodes intenses de <a href="https://www.liberation.fr/societe/2015/02/05/pourquoi-j-ai-demissionne-du-lycee-averroes_1196424/">controverses</a>. Au niveau local, l’extrême droite puis la droite se sont régulièrement opposées à son financement public, mettant en avant <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1271299/article/2022-12-26/subventions-regionales-le-conseil-d-etat-tranche-en-faveur-du-lycee-averroes">ses liens financiers (avérés et bien légaux) avec le Qatar</a>.</p>
<p>Mais le cas Averroès ne pose pas tant <a href="https://www.cairn.info/revue-les-sciences-de-l-education-pour-l-ere-nouvelle-2020-1-page-11.htm">la question anciennement portée par le camp laïque</a> de la fin du financement de l’enseignement privé. Il interroge fondamentalement la possibilité pour des établissements musulmans — derniers arrivés dans le paysage de l’enseignement confessionnel —, de bénéficier des mêmes <a href="https://www.boutique-dalloz.fr/l-ecole-et-la-republique-p.html">« accommodements »</a> que les autres cultes. Au-delà de cela, il questionne la tolérance par les pouvoirs publics d’organisations islamiques (c’est-à-dire se référant à l’islam) autonomes dans le champ social français.</p>
<h2>Un système d'aides publiques qui n'a cessé de se renforcer</h2>
<p>Le financement public du secteur d’enseignement privé est le point crucial de l’approche de la laïcité qui s’est déployée sous la Vème République. Il scelle le contrat d’association instauré par <a href="https://books.openedition.org/pur/109889?lang=en">la loi Debré (1959)</a> entre l’État et les établissements d’enseignement privé qui le demandent.</p>
<p>Ce contrat permet le versement de fonds publics aux écoles privées moyennant le respect des règles et des programmes de l’enseignement public et l’accueil de tous les élèves sans discrimination. <a href="https://www.boutique-dalloz.fr/l-ecole-et-la-republique-p.html">Ce régime d’accommodement </a> a longtemps suscité l’ire des militants pour le service public unifié et laïque de l’Éducation nationale qui y voient une grave atteinte à l’interdiction du financement public des religions posée par la loi de 1905, dont le point culminant de la mobilisation a été les manifestations de 1984 pour la défense de <a href="https://enseignants.lumni.fr/fiche-media/00000005866/la-mobilisation-des-partisans-de-l-ecole-privee-provoque-l-echec-de-la-loi-savary.html">la version initiale de loi Savary</a>.</p>
<p>Cependant, ce système d’aide n’a cessé de se renforcer. Les financements publics versés par l’État et les collectivités territoriales représentent aujourd’hui <a href="https://www.cafepedagogique.net/2023/06/02/enseignement-prive-8-milliards-de-fonds-publics-et-pas-de-controles/">73 % des dépenses de fonctionnement des établissements sous contrat</a>. Ces subventions atteignent annuellement environ 8 milliards d’euros, <a href="https://www.lgdj.fr/l-ecole-et-la-republique-9782247221158.html">soit 14 % du budget total de l’Éducation nationale</a>. Elles bénéficient d’abord aux établissements catholiques, très majoritaires parmi les établissements privés.</p>
<p>La légitimation du dispositif de la loi Debré s’est complexifiée avec le temps. Argumentée au départ par les besoins scolaires et la liberté d’éducation, l’existence d’un secteur d’enseignement privé financé par l’État est devenue dans les années 2000 un appui à la mise en œuvre d’une <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/2003/05/25/seize-propositions-dans-le-rapport-sur-la-laicite-de-francois-baroin_4262905_1819218.html">« nouvelle laïcité »</a> exigeant des élèves <a href="https://www.senat.fr/seances/s200403/s20040302/s20040302003.html#int996">en établissement public</a> qu’ils et elles n’arborent aucun signe ostensible de leur affiliation religieuse.</p>
<p>Lors du vote de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000417977">la loi du 15 mars 2004</a> interdisant aux élèves, « en application du principe de laïcité », le port de signes et tenues manifestant ostensiblement une religion, la possibilité pour les élèves voilées exclues de rejoindre des établissements privés a été présentée comme <a href="https://esprit.presse.fr/article/patrick-weil/lever-le-voile-7559">un gage de leur liberté de conscience</a>.</p>
<h2>Des contrôles inégaux</h2>
<p>La question du contrôle des établissements sous contrat a été soulevée périodiquement. Dans un <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/lenseignement-prive-sous-contrat">rapport paru en 2023</a>, la Cour des comptes estime que celui prévu par la législation, est au mieux minimaliste (du côté pédagogique), au pire inappliqué (concernant le financier).</p>
<p>Nos recherches nous amènent à nuancer ce constat : <a href="https://www.theses.fr/2021UPSLP080">les modalités de contrôle varient</a> considérablement <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/01416200.2022.2131735">d’un réseau à l’autre</a>. Du côté de l’enseignement catholique, les inspections suivent en gros le rythme de celles qui sont réalisées dans le public <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/lenseignement-prive-sous-contrat">(dans le cadre des trois « rendez-vous de carrière » des enseignants)</a>. En outre, ces établissements peuvent choisir sur des critères scolaires les élèves qu’ils accueillent. Cette sélection sur le niveau correspond peu ou prou à un tri social, ce qui aggrave <a href="https://laviedesidees.fr/Enseignement-prive-et-segregation-scolaire">la structure ségrégative du système scolaire français</a>. </p>
<p>Les collèges sous contrat scolarisent moins de 17 % d’élèves d’origine sociale défavorisés et concentrent 40 % d’élèves très favorisés, proportions qui sont <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/04/13/mixite-sociale-a-l-ecole-pap-ndiaye-face-a-la-delicate-implication-de-l-enseignement-prive_6169320_3224.html">strictement inverses dans le public</a>. En 2022, le ministre de l'Education nationale Pap Ndiaye a <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/education/mixite-sociale-a-l-ecole-l-enseignement-prive-catholique-signe-un-protocole-finalement-peu-contraignant_5829536.html">renoncé à imposer des obligations de mixité sociale</a> à l’enseignement catholique qui y était très hostile.</p>
<p>En raison des réticences des responsables administratifs et communautaires, l’enseignement juif a quant à lui historiquement été peu inspecté, malgré des entorses au contrat <a href="https://www.lgdj.fr/l-ecole-et-la-republique-9782247221158.html">bien documentées</a>. Il n’est pas rare que <a href="https://books.openedition.org/pur/109985?lang=fr">les établissements juifs</a> sélectionnent leurs élèves sur des critères religieux ou communautaires. </p>
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<p>L’enseignement musulman est à l’inverse <a href="https://www.theses.fr/265451752">très contrôlé</a>, qu’il s’agisse <a href="https://doi.org/10.1177/09571558221151001">des établissements hors contrat</a> (on compte environ 70 groupes scolaires musulmans ayant moins de dix ans d’existence), ou des rares établissements contractualisés partiellement (en métropole, aucun ne l’est pour l’ensemble de ses classes). À ce titre, l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche notait <a href="https://static.blast-info.fr/attachments/stories/2023/gS9HjS-QQnumCrLXl7NLOw/attachment-kaCAkdjcQz2hkp2n1H3ixA.pdf">en 2020</a> que treize inspections d’enseignants avaient été menées au sein du lycée Averroès depuis 2015, « ce qui doit en faire l’établissement le plus contrôlé de l’académie, sans que jamais aucune remarque défavorable n’ait été formulée à l’encontre des pratiques enseignantes observées ».</p>
<h2>De la surveillance à la sujétion de l’islam : une tendance lourde</h2>
<p>Si les écoles musulmanes ont initialement été conçues par leurs promoteurs ainsi que par les pouvoirs publics, comme une solution au « problème du voile à l’école », force est de constater qu’elles sont devenues aujourd’hui un nouveau problème public. Les attentats de 2015 ont porté <a href="https://journals.openedition.org/lectures/58369">le soupçon sur ce secteur</a>. </p>
<p>Bien qu’il n’existe aucun lien connu entre ces établissements et le terrorisme islamiste, les gouvernements successifs ont depuis lors cherché à restreindre l’ouverture d’établissements privés musulmans. Trois lois - <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000036798673/">la loi Gatel du 13 avril 2018</a>, <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/269264-loi-ecole-de-la-confiance-du-26-juillet-2019-loi-blanquer">la loi pour une école de la confiance du 26 juillet 2019</a> et <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/277621-loi-separatisme-respect-des-principes-de-la-republique-24-aout-2021">la loi « séparatisme » du 24 août 2021</a> - ont accru leurs contrôles.</p>
<p>La suppression du contrat d’association du lycée Averroès, <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/16/la-decision-de-deconventionner-le-lycee-averroes-a-lille-est-inequitable-et-disproportionnee_6206186_3232.html">dénoncée par certains observateurs comme inéquitable et disproportionnée</a> est à resituer dans l’ensemble plus vaste des dispositions qui tendent aujourd’hui à disperser les collectifs islamiques et à dévitaliser les institutions qu’ils tentent d’édifier.</p>
<p>La dissolution en janvier 2022 <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/09/25/le-conseil-d-etat-valide-la-dissolution-du-ccif-et-de-barakacity_6095981_3224.html">du Collectif contre l’islamophobie en France</a>, structure associative dédiée à la défense juridique des victimes, partenaire de plusieurs organisations internationales de défense des droits humanitaire en est un exemple. Le remplacement du Conseil français du culte musulman établi en 2003 avec une certaine autonomie par des <a href="https://www.prefectures-regions.gouv.fr/ile-de-france/Actualites/Assises-territoriales-de-l-Islam-de-France-lancement-de-la-concertation">Assises départementales de l’islam</a> dont les membres sont choisis par les préfets en est un autre. Autant de décisions qui témoignent d’une politique résolue d’affaiblissement des capacités d’organisation autonome de l’islam en France.</p>
<p>De manière générale, les établissements musulmans qui demandent à s’inscrire dans la continuité du service public par le biais du contrat obtiennent <a href="https://www.millenaire3.com/Interview/2018/les-difficultes-d-ouvrir-une-ecole-confessionnelle">rarement une réponse positive</a>. Au nom de la lutte contre le séparatisme islamiste, on en vient à entraver le développement d’un secteur d’enseignement privé musulman sous contrat qui, outre ses performances scolaires et sa conformité à <a href="https://www.cairn.info/revue-le-telemaque-2013-1-page-35.htm">la rhétorique méritocratique républicaine</a>, est très étroitement contrôlé par les autorités de tutelle tout en envoyant aux musulmans un message de reconnaissance de leur légitimité à exister en France en tant que tels.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221324/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Geisser est membre de organisation. Président du Centre d'information et d'études sur les migrations internationales (CIEMI, Paris)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Carol Ferrara et Françoise Lorcerie ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les écoles musulmanes ont initialement été conçues par leurs promoteurs ainsi que par les pouvoirs publics comme une solution au « problème du voile à l’école .»Françoise Lorcerie, Professeure, Aix-Marseille Université (AMU)Carol Ferrara, Anthropologist & Assistant Professor, Department of Marketing Communication, Emerson CollegeVincent Geisser, Sociologue, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2206452024-01-09T18:36:17Z2024-01-09T18:36:17ZRetour à l’école : le tutorat, une des solutions au rattrapage scolaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568312/original/file-20240108-15-s5ntry.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=49%2C0%2C5490%2C3649&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Après avoir manqué plusieurs jours, voire semaines d'école, le tutorat peut permettre d’aider certains élèves au Québec. Mais sa forme doit être repensée. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Les élèves québécois reviennent à l’école après une grève d’enseignants du secteur public variant de plusieurs jours à plusieurs semaines, selon les cas. Cette interruption n’est pas sans rappeler celle provoquée par la pandémie de Covid-19. À chaque fois, le tutorat a été évoqué comme un recours potentiel pour favoriser une certaine continuité dans les apprentissages ou un rattrapage scolaire. </p>
<p>Sociologue de formation et professeure en éducation, je m’intéresse <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-le_tutorat_de_pairs_dans_l_enseignement_superieur_enjeux_institutionnels_technopedagogiques_psychosociaux_et_communicationnels_cathia_papi-9782343004143-40007.html">au tutorat sous différentes formes depuis plusieurs années</a>. J’ai mené, de 2021 à 2023, une recherche sur quelques mesures mises en œuvre par le ministère de l’Éducation du Québec en 2021, notamment celle concernant le tutorat. En attendant la publication des résultats en avril, je propose dans cet article de revenir sur ce recours au tutorat.</p>
<h2>Des pertes d’apprentissage</h2>
<p>Dès les premiers mois de confinement visant à endiguer la pandémie, les <a href="https://doi.org/10.3102/0013189X20965918">projections internationales</a> prévoyaient des pertes d’apprentissage, concernant tant ceux prévus, mais n’ayant pas pu avoir lieu, que les oublis des apprentissages précédemment réalisés.</p>
<p>De fait, en 2022, il a été possible de constater un <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/fr/education/pisa-2022-results-volume-ii_a97db61c-en">important déclin du niveau des élèves dans la plupart des pays de l’OCDE</a>. Le Québec n’y a pas échappé. En effet, malgré des <a href="https://www.cmec.ca/Publications/Lists/Publications/Attachments/438/PISA-2022_Canadian_Report_EN.pdf">scores toujours parmi les meilleurs aux tests PISA en mathématiques</a>, les résultats aux examens ministériaux de 2022 (français écrit de cinquième secondaire et mathématiques de quatrième secondaire) ont mis en évidence que, dans l’ensemble, les <a href="https://www.journaldequebec.com/2023/01/26/des-eleves-ont-reussi-lexamen-de-math-avec-55">élèves avaient un niveau plus faible que ceux ayant passé ces examens avant la pandémie en 2019</a>. </p>
<p>Par ailleurs, au printemps 2023, les trois quarts des 309 directions d’écoles publiques primaires et secondaires ayant participé à notre enquête nous ont indiqué qu’en dépit d’un retour en classe sans interruption en 2022-2023, davantage de lacunes et de difficultés qu’avant la pandémie étaient toujours constatées chez les élèves. Ces dernières concernaient aussi bien les apprentissages, que la socialisation et le bien-être, et venaient alourdir la charge de travail du personnel scolaire, notamment des enseignants.</p>
<p>Alors que les élèves n’avaient encore pas récupéré de la pandémie, l’interruption scolaire du mois de décembre, suivi des vacances de Noël, ont fait en sorte que certains élèves n’ont pas été en classe pendant une durée pouvant aller jusqu’à un mois et demi. Les recherches existantes sur les <a href="https://doi.org/10.1111/caje.12035">grèves d’enseignants en Ontario</a> ou <a href="https://doi.org/10.4000/ries.9950">à l’étranger</a> font état de pertes d’apprentissage, tout comme les recherches sur les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.3102/0002831220937285">interruptions liées aux vacances estivales</a>. Cette récente interruption scolaire — une des <a href="https://www.journaldemontreal.com/2023/12/16/nos-ecoles-fermees-une-greve-rare-a-lechelle-mondiale#:%7E:text=21%20jours%20%C3%A9tal%C3%A9s%20sur%20cinq,dans%20les%20annales%20du%20Qu%C3%A9bec.">plus longues enregistrées dans le monde</a> — va sans doute exacerber les difficultés déjà rencontrées par plusieurs élèves.</p>
<h2>Le tutorat, une forme d’aide connue et efficace</h2>
<p>Durant la pandémie, le tutorat a constitué une des <a href="https://www.torontomu.ca/diversity/reports/the-evidence-for-tutoring-to-accelerate-learning-and-address-educational-inequities-during-canada-s-pandemic-recovery">solutions privilégiées par plusieurs gouvernements pour aider les élèves</a>, notamment en Australie, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Ontario et au Québec. De plus, bon nombre de parents <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/education/2022-01-04/le-recours-au-tutorat-en-pleine-croissance.php">ont eu recours à des services de tutorat pendant et à la suite de la pandémie</a>, de même que <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2032995/greve-fae-tutorat-parents-popularite">durant de la grève des enseignants</a>.</p>
<p>Existant de longue date, le tutorat est une forme d’aide connue, proposée par diverses organisations (écoles, organismes à but non lucratif, entreprises) et mêlant généralement soutien scolaire et socioaffectif grâce au lien privilégié qui se tisse entre le tuteur et le tutoré. De plus, <a href="https://theconversation.com/le-tutorat-pour-soutenir-les-eleves-une-bonne-idee-196268">comme je l’ai écrit dans un précédent article</a>, le tutorat, surtout <a href="https://annenberg.brown.edu/sites/default/files/EdResearch_for_Recovery_Design_Principles_1.pdf">dans sa formule intensive</a> (assuré par des professionnels de l’éducation ou des intervenants formés et effectué de manière individuelle ou auprès de petits groupes d’au plus trois ou quatre élèves, de manière régulière au moins trois fois par semaine), s’avère être <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.3102/0034654316687036">l’approche de soutien à l’apprentissage la plus efficace selon la littérature scientifique</a>.</p>
<h2>Les limites d’une bonne idée</h2>
<p>Au Québec, depuis 2021, un financement est accordé pour encourager le déploiement du tutorat pour les élèves en difficulté. Dans la mesure où d’autres dispositifs de soutien à l’apprentissage étaient déjà en place dans les écoles (réponse à l’intervention, coenseignement, récupération, etc.) le <a href="https://theconversation.com/le-tutorat-pour-soutenir-les-eleves-une-bonne-idee-196268">financement du tutorat a parfois été utilisé pour développer davantage ces dispositifs</a>, plutôt que pour en ajouter d’autres, propres au tutorat.</p>
<p>Certains parents peuvent ainsi avoir l’impression que leurs enfants n’ont pas bénéficié ou ne bénéficient pas de la mesure tutorale, alors qu’ils en profitent indirectement dans un autre dispositif. Les sommes allouées semblent effectivement avoir été utilisées pour soutenir les élèves, mais dans des dispositifs n’ayant pas toujours l’appellation « tutorat » ni toutes les caractéristiques du tutorat intensif.</p>
<p>Le tutorat intensif est peu connu du milieu scolaire. Les méta-analyses ont donné lieu <a href="https://www.povertyactionlab.org/publication/transformative-potential-tutoring-pre-k-12-learning-outcomes-lessons-randomized">à des publications scientifiques en anglais, pour la plupart récentes</a> et ne semblent pas avoir été diffusées dans les milieux scolaires. </p>
<p>Si des effets positifs de l’accompagnement ainsi offert sont constatés par les directions d’école, ils ne sont pas toujours aussi importants qu’ils pourraient l’être. De plus, alors que le tutorat est le plus souvent exercé par du personnel scolaire, les contraintes en termes de disponibilités et de budget amènent en général à réserver ces services aux élèves les plus en difficulté. </p>
<p>Par ailleurs, le fait que certaines familles recourent à des services de tutorat privé est susceptible d’accentuer les <a href="https://www.quebecscience.qc.ca/societe/ecole-trois-vitesses-egalite/#:%7E:text=Son%20rapport%20de%20recherche%2C%20publi%C3%A9,retrouvent%20ensemble%2C%20en%20petite%20communaut%C3%A9.">inégalités déjà importantes dans un système à trois vitesses</a>.</p>
<p>Bien qu’il offre un soutien incontestable à certains élèves, le tutorat, dans sa forme actuelle, ne permet donc pas forcément d’aider tous les élèves en ayant besoin, ni de réduire les inégalités autant que cela pourrait être souhaité. </p>
<p>Pour accroître sa portée, il semblerait pertinent, non seulement de poursuivre le tutorat déjà en place (et pourquoi pas d’en augmenter le budget), mais aussi de faire enfin connaître les critères du tutorat intensif, de soutenir davantage les organismes à but non lucratif en proposant, voire de créer des aides financières en fonction des revenus pour les familles faisant appel à des services de tutorat privé. </p>
<p>Tous les élèves ne se sont pas encore remis de la pandémie, tant en termes de bien-être que d’apprentissage, et la majorité vient de vivre une nouvelle interruption scolaire. Il parait ainsi important d’accorder à ces élèves tout le soutien nécessaire et d’envisager de se centrer une année de plus sur l’évaluation des savoirs essentiels.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220645/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cathia Papi a reçu des financements du ministère de l'Éducation du Québec pour la réalisation de cette recherche. </span></em></p>Bien qu’il contribue à soutenir certains élèves, le tutorat tel qu’il existe actuellement ne permet pas d’aider tous les élèves en ayant besoin ni de réduire toutes les inégalités.Cathia Papi, Professeure, CURAPP-ESS, Université TÉLUQ Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2146842023-11-16T14:58:29Z2023-11-16T14:58:29ZOpposition massive à la réforme Drainville, qui donne des pouvoirs sans précédent au ministre de l'Éducation<p>L’opposition massive au <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1976853/projet-loi-bernard-drainville-education">projet de loi</a> déposé par le ministre québécois de l’Éducation, Bernard Drainville, offre un contexte inusité dans l’histoire récente de l’éducation.</p>
<p>Le <a href="https://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/commissions/cce/mandats/Mandat-49733/index.html">Projet de loi nº 23</a> vise essentiellement à renforcer le pouvoir du ministre vis-à-vis des centres de services scolaires (CSS), via l’implantation de diverses mesures.</p>
<p>Cet article proposer de dresser un portrait – le plus objectif possible – de la position de divers acteurs du milieu scolaire et universitaire à l’égard des changements proposés par cette réforme. </p>
<p>Pour ce faire, nous proposons une analyse qualitative et quantitative des mémoires déposés par plusieurs acteurs au printemps 2023 dans le cadre des consultations particulières de la Commission de la culture et de l’éducation de l’Assemblée nationale du Québec (ANQ), chargée de faire l’étude de ce projet de loi.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-reforme-drainville-renforce-lautorite-du-ministre-et-elimine-les-contre-pouvoirs-205550">La réforme Drainville renforce l’autorité du ministre et élimine les contre-pouvoirs</a>
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<h2>Contexte de la recherche</h2>
<p>Au total, <a href="https://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/commissions/CCE/mandats/Mandat-49309/memoires-deposes.html">41 acteurs ont déposé des mémoires lors de ces consultations</a>. Par « acteurs », nous entendons des organismes, groupes ou individus. Il s’agit en majorité d’acteurs scolaires ou universitaires, c’est-à-dire des acteurs touchés par l’activité éducative. </p>
<p>Parmi ces derniers, 40 prennent position à l’égard des <a href="https://theconversation.com/la-reforme-drainville-renforce-lautorite-du-ministre-et-elimine-les-contre-pouvoirs-205550">cinq changements proposés par le projet de loi nº 23</a> que nous considérons comme les plus importants, soit :</p>
<ul>
<li><p>le pouvoir du ministre d’orienter la formation continue du personnel enseignant ; </p></li>
<li><p>le pouvoir du ministre de nommer des directeurs généraux des CSS ;</p></li>
<li><p>l’abolition du Comité d’agrément des programmes de formation à l’enseignement (CAPFE) ;</p></li>
<li><p>le démantèlement du Conseil supérieur de l’éducation (CSE) ;</p></li>
<li><p>la création de l’Institut national d’excellence en éducation (INEE). </p></li>
</ul>
<h2>Résultats de notre analyse</h2>
<p><strong>1. Formation continue du personnel enseignant</strong></p>
<p>Une première analyse nous permet d’observer que les appuis en ce qui concerne le pouvoir accru du ministre à l’égard de la formation continue du personnel enseignant sont rares :</p>
<p>Près de la moitié des acteurs rejettent en bloc ce changement proposé par le Projet de loi nº 23, alors que l’autre moitié ne l’aborde pas. Un seul acteur appuie le changement, mais avec des réserves, soit l’Association des directions générales du Québec (ADGSQ), laquelle représente les directeurs généraux des CSS et des commissions scolaires du Québec. L’ADGSQ se montre en faveur d’un encadrement privilégiant des stratégies reconnues comme efficaces par la recherche.</p>
<p>Les acteurs opposés à ce changement (syndicats, universitaires, organismes publics – dont le protecteur du citoyen) défendent pour leur part l’importance de respecter l’autonomie professionnelle du personnel enseignant. </p>
<p><strong>2. Directeurs généraux des centres de services scolaires (CSS)</strong></p>
<p>La position des acteurs à l’égard du pouvoir du ministre de nommer les directeurs généraux des CSS est plus contrastée :</p>
<p>Parmi les acteurs abordant ce thème, 12 se montrent opposés et 4 l’appuient avec des réserves. Les groupes qui souscrivent à ce changement sont des associations représentant des cadres scolaires, alors que ceux qui s’y opposent représentent souvent des acteurs qui siègent actuellement sur un conseil d’administration de CSS, soit l’instance détenant ce pouvoir.</p>
<p><strong>3. Abolition du CAPFE</strong></p>
<p>Depuis sa création en 1992, le <a href="https://www.quebec.ca/gouvernement/ministere/education/organismes-lies/comite-dagrement-des-programmes-de-formation-a-lenseignement-capfe">CAPFE a comme mission</a> d’examiner et d’agréer les programmes de formation à l’enseignement, de recommander au ministre les programmes de formation à l’enseignement aux fins de l’obtention d’une autorisation d’enseigner et de donner son avis au ministre sur la définition des compétences attendues du personnel enseignant des ordres d’enseignement primaire et secondaire. </p>
<p>Le projet de loi n° 23 propose de rapatrier ces pouvoirs autour du ministre, lequel pourrait au passage consulter l’INEE pour prendre ses décisions.</p>
<p>L’analyse statistique nous permet de constater que l’abolition du CAPFE reçoit peu d’appuis :</p>
<p>En fait, un seul mémoire soutient cette abolition, soit celui de Maltais, professeur en financement et politiques d’éducation (UQAR), et Bendwell, enseignant de philosophie au Cégep de Saint-Laurent, et ce, sans réserve. Les acteurs s’y opposant souhaitent le maintien du CAPFE au nom des principes mêmes d’une bonne gouvernance.</p>
<p><strong>4. Abolition du CSE</strong></p>
<p>Le CSE est né au même moment que le ministère de l’Éducation, en 1964, dans le contexte de la Révolution tranquille. Il a pour fonction de conseiller les ministres de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur sur toute question relative à l’éducation ou à l’enseignement supérieur en répondant à leurs demandes d’avis, mais aussi en effectuant de sa propre initiative des travaux portant sur tout thème qu’il juge pertinent. </p>
<p>Le projet de loi nº 23 propose de démanteler le CSE en confiant sa mission relative aux ordres préscolaire, primaire et secondaire à l’INEE, lequel est toutefois dépourvu du pouvoir d’initiative et des instances délibératives que possède le CSE.</p>
<p>Les appuis à l’égard de l’abolition du CSE sont clairsemés, eux aussi :</p>
<p>En fait, il s’agit de l’élément le plus contesté du projet de loi. Pour les défenseurs de l’organisme, l’intégrité du CSE est vitale, en raison de son rôle hautement démocratique et apolitique, de même que de ses travaux rigoureux, originaux, accessibles et éclairants. </p>
<p><strong>5. Création d’un INEE</strong></p>
<p>Le projet de création d’un INEE calqué sur le modèle de l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESS) est discuté au Québec depuis près d’une décennie. Les principales missions de ce nouvel organisme seraient d’identifier les meilleures pratiques en enseignement et de favoriser leur mise en application dans les milieux.</p>
<p>L’analyse permet d’observer que la création d’un INEE est le changement le plus discuté dans les mémoires :</p>
<p>Un seul des 40 mémoires analysés ne traite pas de ce thème, soit celui de l’Union des municipalités du Québec, qui aborde surtout des changements législatifs apportés par le gouvernement à l’intérieur d’une législation précédente. Ce changement est aussi le seul – de tous ceux retenus ici – à rassembler plus d’appuis (n=30) que de rejets (n=9). </p>
<p>Il demeure que seuls deux acteurs adhèrent inconditionnellement au projet d’INEE contenu dans le Projet de loi nº 23. Les réserves les plus courantes concernent l’importance d’affirmer davantage l’indépendance de l’INEE à l’égard du ministre ou de revoir la composition de son conseil d’administration pour inclure des représentants d’autres groupes. </p>
<p>Enfin, neuf acteurs font pièce à ce changement en raison notamment du brassage de structures qui détourne des véritables enjeux du milieu scolaire. Ces opposants sont plutôt d’avis que le ministre gagnerait à réinvestir dans les structures en place. </p>
<p>Certains voient également dans cette entreprise une <a href="https://qesba.qc.ca/wp-content/uploads/2023/06/Memoire-ACSAQ-PL23.pdf">« centralisation accrue de l’autorité »</a>, voire une réponse « <a href="https://www.lafae.qc.ca/public/upload/memoire_pl23-2023.pdf">aux besoins (de contrôle) du ministre, pas [aux besoins] des élèves ainsi que des enseignantes et enseignants</a> ».</p>
<h2>Que faut-il retenir ?</h2>
<p>L’analyse des mémoires déposés à la Commission de la culture et de l’éducation de l’ANQ permet de constater le très peu d’appétit des acteurs du milieu scolaire et universitaire à l’égard des changements proposés par le Projet de loi nº 23. </p>
<p>En fait, seul le projet de création de l’INEE suscite plus d’appuis que de refus, mais avec d’importantes réserves et résistances. </p>
<p>Il importera donc d’observer au cours des prochaines semaines et des prochains mois si le ministre saura tenir compte de ces avis discordants et s’il modifiera de façon substantielle son projet de loi.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214684/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Lemieux a reçu des financements du FRQSC et du CRSH pour des projets de recherche n'ayant pas de lien avec cette publication. Il a travaillé au Conseil supérieur de l'éducation en 2019. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>David Lefrançois a reçu des financements du CRSH et du FRQSC sans lien avec cette contribution. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Geneviève Sirois a reçu des financements du CRSH et du FRQSC pour des projets de recherche portant sur les pénuries d'enseignants et la formation des enseignants non-légalement qualifiés. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>ETHIER, Marc-André a reçu des financements du FRQSC, du FCI et du CRSH, mais cela ne concerne pas cet article.</span></em></p>Les acteurs des milieux scolaire et universitaire démontrent très peu d’appétit à l’égard des changements proposés par le projet de loi du ministre québécois de l’Éducation, Bernard Drainville.Olivier Lemieux, Professeur en administration et politiques de l'éducation, Université du Québec à Rimouski (UQAR)David Lefrançois, professeur en fondements de l'éducation, Université du Québec en Outaouais (UQO)Geneviève Sirois, Professeure en gestion scolaire, Université TÉLUQ Marc-André Éthier, Professeur en didactique de l'histoire, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2166542023-11-02T20:53:12Z2023-11-02T20:53:12Z« Controverses » : Pourquoi la notion de laïcité perturbe le débat public ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/556591/original/file-20231030-25-e6ck5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C23%2C5184%2C3422&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le terme laïcité recouvre un certain nombre d'usages et de polémiques dans le débat public, en France mais aussi à ses frontières.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/persone-che-camminano-sul-pavimento-di-cemento-grigio-durante-il-giorno-ABGaVhJxwDQ">Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://theconversation.com/fr/topics/controverses-133629">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em><a href="https://theconversation.com/fr/topics/controverses-133629">« Controverses »</a> est un nouveau format de The Conversation France. Nous avons choisi d’y aborder des sujets complexes qui entraînent des prises de positions souvent opposées, voire extrêmes. Afin de réfléchir dans un climat plus apaisé et de faire progresser le débat public, nous vous proposons des analyses qui sollicitent différentes disciplines de recherche et croisent les approches</em>.</p>
<p><em>Dans cette série consacrée à la laïcité, nous nous attachons à décrypter les possibles incompréhensions, les polémiques mais aussi les usages de ce terme et de ce qu’il recouvre au sein du débat public. Retrouvez dans ce dossier nos différents articles.</em></p>
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<h2><a href="https://theconversation.com/la-la-cite-a-langlaise-autre-pays-autres-moeurs-215952">La laïcité à l’anglaise : autre pays, autres mœurs ?</a></h2>
<p>Le Royaume-Uni est devenu une société séculière, mais sans avoir adopté le principe français de la laïcité. Qu'est-ce qui le distingue ?</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/signes-religieux-a-lecole-une-longue-histoire-deja-212646">Signes religieux à l’école : une longue histoire déjà</a></h2>
<p>De l’affaire du foulard à Creil en 1989 à l’interdiction des abayas à l’école annoncée par le ministre de l’Éducation, retour sur les débats concernant les signes religieux dans l’espace scolaire.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/la-cite-lexception-nest-pas-la-ou-les-francais-la-voient-128338">Laïcité : l’exception n’est pas là où les Français la voient</a></h2>
<p>La comparaison européenne fait apparaître que la singularité française autour de la laïcité ne réside pas dans des fondements historiques.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/556586/original/file-20231030-19-y574ul.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/556586/original/file-20231030-19-y574ul.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/556586/original/file-20231030-19-y574ul.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/556586/original/file-20231030-19-y574ul.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/556586/original/file-20231030-19-y574ul.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/556586/original/file-20231030-19-y574ul.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/556586/original/file-20231030-19-y574ul.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les différentes acceptions de laïcité et de neutralité, dans l’espace belge ou français, rendent parfois les discours politiques confus.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mike Chzi/Pexels</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2><a href="https://theconversation.com/la-cite-ou-islamophobie-de-la-belgique-a-la-france-le-brouillage-des-categories-racistes-214280">Laïcité ou islamophobie, de la Belgique à la France, le brouillage des catégories racistes</a></h2>
<p>Dans les débats, le concept d’islamophobie vient régulièrement en charrier d’autres tel que celui de laïcité en France ou de neutralité en Belgique.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/la-la-cite-vertu-ou-principe-192262">Laïcité : vertu ou principe ?</a></h2>
<p>La laïcité, mode d’organisation de l’État, est parfois interprétée comme valeur morale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216654/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Dans cette série consacrée à la laïcité, nous nous attachons à décrypter les possibles incompréhensions, les polémiques mais aussi usages de ce terme et de ce qu’il recouvre au sein du débat public.Fabrice Rousselot, Directeur de la rédaction, The Conversation FranceClea Chakraverty, Cheffe de rubrique Politique + Société, The Conversation FranceJulien Talbot, Responsable de la stratégie digitaleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2125842023-10-03T14:55:03Z2023-10-03T14:55:03ZLe cours Culture et citoyenneté québécoise répond davantage à une commande politique qu'éducative<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/550988/original/file-20230928-19-aqazmz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=60%2C0%2C6720%2C4466&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un programme d'enseignement constitue un bien public et devrait être élaboré sur la base d’analyses rigoureuses. Ce n'est pas ce qui s'est passé avec le nouveau cours Culture et citoyenneté québécoise.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>L’instauration d’un programme éducatif représente le bien commun d’une nation et concerne tous les citoyens. Il est donc particulièrement important de suivre un processus démocratique et transparent pour décider de ses orientations et de ses contenus. </p>
<p>Ainsi, dans le cadre de changements à apporter à un programme d’enseignement, il est nécessaire de s’appuyer sur des avis d’experts reconnus de cette discipline, afin de comprendre les éventuels dysfonctionnements et les améliorations à y apporter, et ce, à partir d’une démonstration scientifique rigoureuse. Or, la transition du programme d’éthique et culture religieuse (ECR) vers le <a href="http://www.education.gouv.qc.ca/parents-et-tuteurs/references/refonte-programme-ethique-culture-religieuse/">cours Culture et citoyenneté québécoise (CCQ)</a> constitue un intéressant contre-modèle de ces principes, d’autant plus surprenant qu’il se présente comme un modèle d’éducation à la citoyenneté. </p>
<p>Professeure en éducation à l’Université de Montréal et spécialiste du programme d’éthique et culture religieuse, je souhaite partager ici quelques réflexions sur la façon dont celui-ci, au Québec, a récemment été supprimé et remplacé par le cours Culture et citoyenneté québécoise. Certaines écoles ont déjà fait le choix d’offrir ce programme depuis septembre 2023, mais ce n’est qu’en 2024 qu’il sera enseigné de façon obligatoire dans toutes les écoles.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/voici-pourquoi-le-cours-deducation-a-la-citoyennete-est-une-bonne-idee-et-ce-quil-doit-enseigner-171349">Voici pourquoi le cours d’éducation à la citoyenneté est une bonne idée... et ce qu'il doit enseigner</a>
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<h2>Une absence de délibération politique et citoyenne transparente</h2>
<p>En janvier 2020, le ministre de l’Éducation du Québec d’alors, Jean-François Roberge, déclare sa volonté de réformer le cours ECR et, en particulier de réduire la culture religieuse <a href="https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/ethique-et-culture-religieuse-le-ministre-jean-francois-roberge-annonce-le-debut-des-consultations-en-vue-dune-refonte-du-programme">qui occupe à ses yeux une place trop importante</a>. Il souhaite la remplacer par l’éducation à la sexualité de même que par un ensemble de nouvelles thématiques. </p>
<p>Il annonce mettre aussitôt en place un processus de consultation citoyenne par la diffusion d’un questionnaire en ligne et la possibilité pour toute personne de déposer un mémoire. Or, tout ce processus est marqué à chaque étape par une grande opacité de la part du ministère de l’Éducation. Il refuse non seulement de communiquer les résultats du questionnaire, mais aussi de rendre public les mémoires déposés par les citoyens et les associations et de diffuser les conclusions du bilan qu’il a lui-même réalisé sur l’enseignement du programme ECR dans les écoles. </p>
<p>De plus, contrairement à ce qui avait été fait pour l’instauration du programme ECR, aucune commission parlementaire avec des auditions publiques n’est organisée, ni aucune délibération politique et citoyenne transparente n’est engagée pour discuter des contenus du nouveau programme CCQ. </p>
<p>Cette façon de procéder, plutôt inhabituelle, témoigne d’une volonté du ministre d’imposer ses propres choix sans les soumettre à la discussion. Elle tend à accréditer l’idée que les résultats et les analyses qui ne vont pas dans le sens de ce que le gouvernement souhaite sont mis de côté. Le témoignage de la première responsable de la révision du programme au ministère de l’Éducation, <a href="https://www.ledevoir.com/societe/education/642852/education-malaise-autour-du-nouveau-cours-de-citoyennete?#">qui a choisi de démissionner suite aux interventions répétées du cabinet ministériel</a>, le montre clairement.</p>
<h2>La délégitimation des experts</h2>
<p>Lors de l’annonce de sa volonté de réviser le programme ECR et d’en supprimer la culture religieuse, le ministre Roberge affirme s’appuyer sur des avis d’experts. </p>
<p>Cependant, il ne révèlera jamais qui sont ces spécialistes, sur quoi repose leur expertise et en quoi consistent précisément leurs analyses critiques. <a href="https://www.pum.umontreal.ca/catalogue/la_fin_de_la_culture_religieuse">L’ouvrage que je viens de publier à ce sujet</a> analyse le contexte de ces critiques, tout particulièrement les différentes conceptions de la laïcité et des libertés de conscience et de religion, ainsi que les nombreux défis éducatifs que représente l’implantation d’un nouveau programme scolaire. </p>
<p>Il montre que bon nombre d’études critiques du cours ECR, s’affranchissant aisément des critères qui guident la recherche scientifique, relèvent du discours militant et du registre de la dénonciation : le programme est tour à tour accusé d’inviter au relativisme religieux, mais aussi d’être un outil de propagande confessionnelle. Il est vu comme une imposition du multiculturalisme et une promotion des accommodements raisonnables, et est jugé comme portant atteinte aux libertés de conscience et de religion. </p>
<p>Malgré leurs faiblesses, en particulier méthodologiques, ces discours ont tellement saturé l’espace médiatique qu’ils en sont venus à s’imposer comme une parole de vérité. Au même moment, dans les décisions ministérielles de modifier le programme ECR, on assiste à une mise à l’écart délibérée des spécialistes qui possèdent une réelle expertise, tant les universitaires experts de ce domaine que les enseignants, en particulier du secondaire. Ce sont pourtant eux <a href="https://presence-info.ca/article/societe/cours-ecr-perplexite-et-deception-chez-les-enseignants/">qui mettent en œuvre au quotidien le programme dans les écoles</a>. Ils ne sont ni consultés ni même informés en amont des décisions du ministre de l’Éducation. </p>
<p>Même un avis d’une institution aussi importante que le <a href="https://www.cse.gouv.qc.ca/publications/revision-ethique-et-culture-religieuse-50-0539/">Conseil supérieur de l’éducation</a>, qui a pris le temps de mener une consultation sérieuse, est ignoré. Or, un programme d’enseignement devrait être élaboré sur la base d’analyses rigoureuses et bien informées. Ce n’est clairement pas le cas ici. Pour quelles raisons alors ignorer l’avis des experts et refuser la délibération scientifique et démocratique ? </p>
<h2>Un projet éducatif politique</h2>
<p>Le but de cette réforme du programme ECR est à la fois d’exclure la culture religieuse du champ des connaissances scolaires et de réaffirmer un certain type de laïcité. </p>
<p>Cette décision s’appuie sur les discours des associations militantes que sont le <a href="http://www.mlq.qc.ca">Mouvement laïque québécois</a> et le groupe féministe <a href="https://site.pdfquebec.org/fr">Pour le droit des femmes</a>, qui portent sur les religions un regard fort négatif, les considérant comme irrationnelles, archaïques, inégalitaires, sexistes. Ces groupes <a href="https://h8d3m7z9.rocketcdn.me/wp-content/uploads/2020/12/Analyse-ECR.pdf">considèrent qu’il est préférable de ne plus en parler à l’école</a>. </p>
<p>De plus, ces associations jugent que la Loi 21, votée en 2019, qui proclame que l’État du Québec est laïque, est incompatible avec le cours ECR, comme si le respect de la laïcité exigeait l’invisibilisation du religieux, y compris dans le champ des connaissances scolaires. Pourtant, historiquement, l’étude des faits religieux comme objets de culture s’inscrit dans une perspective scientifique, voire laïque, qui la détache de ses ancrages confessionnels.</p>
<p>Par ailleurs le cours Culture et citoyenneté québécoise cherche à répondre à un grand nombre de problématiques sociales qui se trouvent dans l’air du temps : écocitoyenneté, citoyenneté numérique, prévention de la violence sexuelle, engagement politique, etc. Il s’inscrit dans une perspective où l’école est vue comme devant remédier à des problèmes de société jugés prioritaires à un moment donné. Il s’agit alors de promouvoir le développement chez les élèves de compétences comportementales et sociales, plutôt que cognitives, dans le but de favoriser des conduites considérées comme acceptables. </p>
<p>Ce modèle relève davantage de la mission de socialisation de l’école que de celle de l’instruction. Le principe même de transmission aux élèves d’un noyau significatif de connaissances dans l’élaboration d’une culture humaniste, par exemple sur les religions, semble alors dépassé au profit du développement des compétences des jeunes, afin qu’ils deviennent des citoyens efficaces dans leur siècle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212584/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mireille Estivalèzes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Absence de transparence, manque d’expertises sérieuses et d’analyses rigoureuses : le nouveau cours Culture et citoyenneté québécoise semble davantage répondre à une commande politique qu’éducative.Mireille Estivalèzes, Professeure en éducation, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2132982023-09-14T17:29:02Z2023-09-14T17:29:02ZL’uniforme à l’école, reflet du clivage entre la droite et la gauche ?<p><a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/09/06/interdiction-de-l-abaya-a-l-ecole-dans-le-debat-public-des-qu-on-lie-laicite-islam-et-droit-des-femmes-toute-rationalite-est-perdue_6188099_3224.html">Le débat sur l’abaya</a>, qui vient d’être interdite dans l’école publique, a relancé une nouvelle fois à la rentrée 2023 les tensions autour de la laïcité scolaire et des signes religieux ostentatoires, la définition de ce qui est ostentatoire étant sujet à de multiples interprétations depuis leur interdiction en 2004.</p>
<p>Certains hommes politiques voient dans l’instauration d’un uniforme ou d’une tenue unique des élèves une solution commode au serpent de mer du port des « signes religieux ostentatoires ». L’interdiction de ces signes s’ajoute à la demande d’une « tenue correcte », principe auquel il est très largement fait référence, mais encore plus imprécis.</p>
<p>Contrairement à ce qu’on croit souvent, <a href="https://theconversation.com/uniforme-a-lecole-leternel-debat-147126">l’uniforme n’a jamais été en France une règle générale</a>. Il était pourtant tombé en désuétude après mai 1968 mais renaît périodiquement depuis le début des années 2000.</p>
<h2>Des hommes politiques très divisés</h2>
<p>Les ministres de l’Éducation nationale ont été conduits régulièrement à se prononcer sur le sujet. En 2003, Xavier Darcos <a href="https://www.liberation.fr/evenement/2003/09/18/et-voila-qu-on-reparle-de-l-uniforme_445259">s’y déclarait favorable</a>, pour lutter contre les communautarismes et pour supprimer les différences visibles de <a href="https://actualitte.com/article/90628/numerique/darcos-et-l-uniforme-scolaire-facteur-d-integration-comme-en-italie">niveau social entre élèves</a>. François Fillon et certains parlementaires UMP défendaient une <a href="https://www.lepoint.fr/politique/fillon-une-tenue-uniforme-pour-les-eleves-symbolisant-l-egalite-20-04-2017-2121071_20.php">« tenue uniforme » en 2017</a>. Marine Le Pen y était aussi favorable dans <a href="https://www.lexpress.fr/societe/education/ecole-l-uniforme-une-mesure-entre-nostalgie-et-respect-de-l-autorite_1895579.html">son programme électoral</a>.</p>
<p>En 2018, Jean-Michel Blanquer se déclare en faveur du port d’un uniforme décidé au niveau local, ce qui aurait du sens pour signifier l’égalité des élèves <a href="https://www.ouest-france.fr/education/jean-michel-blanquer-favorable-a-l-uniforme-a-l-ecole-pour-lutter-contre-certains-phenomenes-b316cf4c-15f8-11ec-b71b-565657b89003">dans une école républicaine</a>. Beaucoup plus récemment Pap Ndiaye s’y déclarait au contraire opposé, refusant « une loi qui viendrait plaquer et imposer des tenues scolaires ». Gabriel Attal est assez réservé même s’il propose des <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/09/05/uniforme-ou-tenue-unique-a-l-ecole-des-elus-de-droite-et-d-extreme-droite-tentes-les-modalites-d-experimentation-fixees-a-l-automne_6187837_3224.html">expérimentations</a> de la mesure.</p>
<p>En janvier 2023, à l’initiative du Rassemblement national, une proposition de loi qui prévoyait d’instaurer une tenue uniforme, aux couleurs de l’établissement, dans les écoles et les collèges publics avait été rejetée par l’Assemblée nationale, votée seulement par le RN et les Républicains. Mais, dans le contexte de ce débat parlementaire, la première dame, Brigitte Macron, <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/01/12/brigitte-macron-favorable-au-port-de-l-uniforme-a-l-ecole_6157560_3224.html">avait déclaré au Parisien</a> qu’elle était « pour le port de l’uniforme à l’école ». Le sujet divise et suit largement le clivage entre droite et gauche.</p>
<h2>Des valeurs contradictoires</h2>
<p>Selon un <a href="https://www.epochtimes.fr/sondage-59-francais-favorables-retablissement-de-luniforme-a-lecole-2202716.html">sondage CSA (janvier 2023)</a> 59 % des Français semblent y être favorables mais le plus intéressant est l’écart entre les personnes de 65 ans et plus, pour à 66 % et les 18-24 ans, seulement à 35 %. L’écart générationnel est énorme, probablement lié aux <a href="https://www.cairn.info/revue-futuribles-2021-2-page-51.htm">valeurs de chaque génération</a>, les jeunes privilégiant les libres choix des individus alors que les personnes âgées valorisent davantage le sens du devoir, comme le montre très bien <a href="https://link.springer.com/article/10.1057/s41253-020-00139-">l’enquête sur les valeurs des Français</a>.</p>
<p>Les positions sur le sujet sont donc largement dépendantes des systèmes de valeurs des individus. La mesure met en jeu des valeurs contradictoires comme d’un côté l’égalité entre les élèves, le sens de l’appartenance collective à leur groupe scolaire et plus largement à la nation, le respect dû aux enseignants et aux autorités. De l’autre, on trouve le rejet des règles imposées, la reconnaissance de la liberté d’expression des élèves – principe reconnu par la loi d’orientation sur l’école de 1989, initiée par <a href="https://www.cap-concours.fr/donnees/enseignement/systeme-educatif/grands-principes-acteurs-reformes-organisation/les-droits-et-les-obligations-des-eleves-de-l-enseignement-secondaire-ficpra07004">Lionel Jospin</a> –, et l’acceptation de l’autonomie des jeunes qui doivent pouvoir choisir leur manière de s’habiller et manifester leur identité en construction.</p>
<h2>Une mesure complètement opposée à l’évolution des valeurs</h2>
<p>Dans ce conflit de valeurs, certains peuvent hésiter mais beaucoup ont néanmoins une orientation qui recoupe d’ailleurs aussi assez largement leurs orientations politiques. Droite et extrême droite sont généralement favorables à l’uniforme alors que la gauche le refuse le plus souvent.</p>
<p>Les positions sont plus nuancées sur l’interdiction de l’abaya qui n’est pas seulement considérée comme une tenue vestimentaire, mais comme un signe religieux ostentatoire qu’une partie de la gauche <a href="https://www.fr/politique/interdiction-de-l-abaya-melenchon-y-voit-une-nouvelle-absurde-guerre-de-religion-28-08-2023-2533033_20.ph">condamne au nom de la laïcité</a>. Au sein de la Nupes, les leaders du PS et du PCF sont plutôt pour l’interdiction, alors que ceux de LFI et des Verts y sont plutôt opposés.</p>
<p>Sur l’uniforme, le centre cherche souvent un entre-deux, comme l’a suggéré Emmanuel Macron. Instaurer un uniforme serait pour le président de la République une solution trop stricte alors qu’une tenue unique, décidée localement, instaurerait simplement un code vestimentaire : « Sans avoir un uniforme, on peut dire : “vous vous mettez en jeans, T-shirt et veste” » (interview sur la chaîne YouTube de HugoDécrypte, 4 septembre 2023).</p>
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<figcaption><span class="caption">Emmanuel Macron, HugoDécrypte, 4 septembre 2023.</span></figcaption>
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<p>L’instauration d’un uniforme serait une mesure complètement opposée à l’évolution des valeurs depuis une cinquantaine d’années. Les jeunes veulent expérimenter ce qui fait sens pour eux, ils ne veulent pas reproduire mécaniquement ce que faisaient leurs aînés.</p>
<p>Une telle mesure aurait toute chance d’être mal vécue par une majorité de jeunes et de leurs parents, comme une expérience menée en 2018 à Provins l’avait montré. Décidée par le conseil municipal à majorité LR après une consultation des parents, qui y étaient plutôt favorables, la mesure n’avait pas été rendue obligatoire par l’Éducation nationale. De fait la tenue a été de moins en moins portée par les élèves et la <a href="https://www.ouest-france.fr/education/ecole/uniforme-a-lecole-ce-maire-a-essaye-il-raconte-pourquoi-ca-na-pas-marche-7eb9055e-4bd8-11ee-baa4-3ed981c2f823">mesure a été abandonnée</a>.</p>
<p>Si la tenue unique à l’école revient régulièrement dans le débat public français ces dernières années, il n’en est pas de même dans les pays où l’uniforme fait partie intégrante de la culture nationale, <a href="https://movaway.fr/blog-londres/luniforme-anglais/">comme c’est le cas au Royaume-Uni</a>.</p>
<p>Les Britanniques partagent assez largement la volonté d’individualisation et d’autonomie individuelle de beaucoup d’Européens de l’Ouest, mais ils sont aussi très respectueux des traditions et moins prompts à politiser la vie quotidienne que les Français. La tradition de l’uniforme est très largement respectée et les élèves vivent leurs expériences d’autonomie dans d’autres sphères de leur existence.</p>
<p>Contrairement à ce que pensent beaucoup de conservateurs français, on peut douter que la mesure donne le sens du collectif, aide à respecter l’autorité et gomme les inégalités. Si une telle mesure fonctionnait en France comme au Royaume-Uni, on peut penser que l’autonomie individuelle trouverait aussi à s’exprimer d’une autre manière, soit dans les interstices de l’uniforme, soit hors du cadre scolaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213298/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Bréchon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le sujet du port de l’uniforme divise et suit largement le clivage entre droite et gauche.Pierre Bréchon, Professeur émérite de science politique, Sciences Po Grenoble, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2093822023-08-31T17:57:35Z2023-08-31T17:57:35ZÉcole inclusive : quelles solutions peut-elle apporter à la souffrance psychique des enfants ?<p>Née dans le courant des années 2000, l’inclusion vise l’inscription des enfants, et plus généralement des personnes les plus vulnérables, dans le lien social. L’inclusion s’inscrit dans la logique de démarches préexistantes : les termes d’insertion, d’intégration, d’inclusion désignent les variations des politiques publiques et des pratiques favorisant l’accès des personnes en situation de handicap aux différentes sphères du vivre ensemble.</p>
<p>Il n’est pas anodin de rappeler que ce paradigme a émergé tandis que d’autres dispositifs relatifs au soutien des enfants en difficulté ont disparu ou sont en péril – à l’instar des <a href="https://www.education.gouv.fr/les-reseaux-d-aides-specialisees-aux-eleves-en-difficulte-rased-11312">réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED)</a>.</p>
<p>En France, la scolarisation est un droit. À la suite de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République de 2013 a introduit le principe d’inclusion scolaire. Le code de l’éducation notifie d’une part que « le service public de l’éducation […] veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction » (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043982767#:%7E:text=L%E2%80%99%C3%A9cole%20garantit%20%C3%A0%20tous,origine%20sociale%2C%20culturelle%20ou%20g%C3%A9ographique.">Art. L 111-1 du Code de l’Éducation</a>). Et que « dans ses domaines de compétences, l’État met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes handicapés » (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038902196#:%7E:text=Tout%20enfant%2C%20tout%20adolescent%20pr%C3%A9sentant,constitue%20son%20%C3%A9tablissement%20de%20r%C3%A9f%C3%A9rence.">article 112-1 du Code de l’Éducation</a>).</p>
<p>Plusieurs textes sont venus renforcer ces principes, dont la ratification par la France de la <a href="https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/convention_relative_aux_droits_des_personnes_handicapees.pdf">Convention des Nations Unies pour le Droit des Personnes Handicapées (CIDPH)</a>, qui précise que nul ne peut être exclu, sur le fondement du handicap, de l’enseignement général (art. 24).</p>
<p>Alors que la souffrance psychique des enfants et des adolescents est désormais documentée par plusieurs rapports, dont celui publié au printemps dernier par le <a href="https://www.hcfea.fr/">Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Âge (HCFEA)</a>, l’inclusion peut-elle apporter des solutions ? Le rapport ne manque pas de revenir sur les parcours, les dynamiques et les pratiques d’inclusion, <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/mono/10.4324/9780429401923/really-works-special-inclusive-education-david-mitchell-dean-sutherland">largement étudiées dans la recherche à l’international</a>.
L’inclusion ne va toutefois pas sans paradoxe ni difficulté.</p>
<h2>Le poids des injonctions contradictoires</h2>
<p>D’une part, le droit à la scolarité se conjugue souvent avec des impératifs comme le droit au soin. La santé de l’enfant nécessite parfois qu’il soit hospitalisé ou accueilli en institution spécialisée et l’arbitrage entre ces différents droits peut poser des difficultés.</p>
<p>De plus, la question de l’école inclusive ne peut être abordée sans tenir compte des tensions qui traversent le système éducatif. Historiquement conçue pour sélectionner les élites, mais aussi pour assurer un socle commun de compétences à tous les élèves, l’école fait peu de place à la différenciation et se trouve confrontée à des exigences contradictoires. Comment s’étonner alors que la scolarisation des élèves en situation de handicap apparaisse en tête des sources de mal-être des enseignants, <a href="https://theconversation.com/quel-regard-les-enseignants-portent-ils-sur-lecole-inclusive-170418">même s’ils souscrivent majoritairement à son principe</a> ?</p>
<p>Si ces injonctions ne sont pas contradictoires par essence, leur mise en œuvre conjointe engage des moyens et des modalités de travail qui ne sont pas toujours réunis.</p>
<p>Par ailleurs, la forme scolaire, l’ordonnancement de l’espace et du temps, la normativité des travaux écrits produisent également de l’exclusion et de la souffrance psychique : évaluation, concurrence, normalisation, violence symbolique… Certains troubles de l’enfant peuvent en fait s’entendre comme une non-conformité au regard de la norme. L’inclusion pourrait être un creuset pour faire évoluer les pratiques, en lien avec le champ médico-social.</p>
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<p>Ces paradoxes sont accentués par l’inadéquation des moyens alloués : en effet, la Fédération des parents d’élèves (FCPE) recense aujourd’hui 900 médecins scolaires pour 12 millions d’élèves – soit <a href="https://14.fcpe-asso.fr/actualite/sante-scolaire-900-medecins-scolaires-pour-environ-12-millions-deleves-en-france#:%7E:text=Sant%C3%A9%20scolaire%20%3A%20900%20m%C3%A9decins%20scolaires,millions%20d%E2%80%99%C3%A9l%C3%A8ves%20en%20France">un médecin pour 13333 élèves</a>. En septembre 2021, le Sénat comptait <a href="https://www.senat.fr/questions/base/2021/qSEQ21091997G.html#:%7E:text=Il%20y%20a%20en%20r%C3%A9alit%C3%A9,%C3%A0%20peu%20pr%C3%A8s%20le%20m%C3%AAme">8024 infirmières scolaires pour 62000 établissements</a> – soit une infirmière pour sept ou huit établissements, avec des fonctions partagées entre des missions de soin et de prévention. La Fédération des PsyEN (psychologues de l’Éducation nationale) compte 3500 professionnels sur le territoire, avec <a href="http://apsyen.org/">une couverture moyenne d’un psychologue pour 1500 enfants</a>.</p>
<p>Comment, dans ces conditions, mener à bien une politique inclusive ambitieuse ? </p>
<p>Au-delà des prescriptions institutionnelles et des discours, praticiens et chercheurs ont travaillé pour soutenir sur le terrain une inclusion en acte. C’est dans cette perspective qu’ont émergé les notions de parcours inclusifs et de dynamiques inclusives.</p>
<h2>Les parcours inclusifs</h2>
<p>Cette notion s’intéresse au jalonnement fait de <a href="https://www.cairn.info/parcours-d-inclusion-en-maternelle--9791034600120.htm">variations, de transitions et d’aléas</a>. Il n’y a donc pas un mais des parcours, selon les caractéristiques individuelles, les interactions sociales et le contexte dans lesquels chaque enfant est inscrit.</p>
<p>● <strong>Collaboration avec le médico-social</strong></p>
<p>Les parcours inclusifs des enfants en situation de handicap sont souvent marqués par des allers-retours entre milieux ordinaire et spécialisé. L’éducation inclusive invite à renforcer la collaboration entre professionnels de l’école et du secteur médico-social, historiquement conçus comme disjoints. Elle implique le partage de compétences et de savoir-faire de l’éducation spécialisée vers l’ordinaire et réciproquement, <a href="https://hal.science/hal-01123480">au sein d’un espace d’« inter-métier »</a>.</p>
<p>● <strong>Penser le bien-être de l’enfant</strong></p>
<p>L’éducation inclusive vise à singulariser les parcours pour répondre aux besoins de chacun. Pour autant, elle n’est pas toujours synonyme de bien-être en milieu ordinaire et peut engendrer des difficultés pour les enseignants, les élèves et leurs familles – le milieu spécialisé se révélant, dans certains cas, protecteur et rassurant.</p>
<p>● <strong>S’adapter aux différents modes de fonctionnement</strong></p>
<p>Les parcours inclusifs sont <a href="https://www.editions-eyrolles.com/Livre/9782708130937/le-management">dépendants des institutions dans lesquels ils s’inscrivent</a>.</p>
<p>La souplesse organisationnelle et fonctionnelle des structures de la petite enfance et du médico-social apparaît plus favorable à l’inclusion. Du fait de la prégnance du travail d’équipe, les personnels sont susceptibles de modifier leurs missions habituelles pour trouver des réponses adaptées à un projet spécifique, tout en veillant à garder une cohérence interne.</p>
<p>Au sein de l’institution scolaire, la politique d’inclusion déstabilise davantage, en altérant certains repères des enseignants en écoles maternelles et élémentaires. Ceux-ci continuent de faire référence aux programmes scolaires, d’autant plus que les enfants grandissent. Le décloisonnement est toutefois perçu comme facilitant la présence d’enfants en situation de handicap, car il permet de rompre avec les attentes scolaires normées, chacun progressant à son rythme.</p>
<p>● <strong>Valoriser les adaptations pédagogiques</strong></p>
<p>Les études montrent que les enseignants, comme les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), ne valorisent pas les adaptations dont ils font pourtant preuve. Si elles relèvent souvent de bricolages ou de tâtonnements, ces pratiques pédagogiques demeurent intéressantes et gagneraient à être diffusées, ce qui est rarement le cas, <a href="https://www.cairn.info/peut-on-reformer-l-ecole--9782804190460.htm">faute de temps disponible pour l’analyse, la formalisation et l’institutionnalisation</a>.</p>
<p>S’inspirer de <a href="https://theconversation.com/education-specialisee-permettre-a-lenfant-en-souffrance-psychique-dexprimer-lindicible-208145">différents courants pédagogiques</a> est souvent évoqué, la diversité des publics accueillis rendant caduque l’idée d’une approche unique. Les enseignants s’inspirent ainsi régulièrement des <a href="https://theconversation.com/pratiques-pedagogiques-des-alliees-sous-estimees-pour-lutter-contre-les-souffrances-psychiques-de-lenfant-207645">pédagogues de l’éducation nouvelle</a>. Si ces références sont déjà éprouvées, les professionnels les mobilisent et les réactualisent de manière innovante.</p>
<p>Il apparaît possible de faire mieux à partir de l’analyse des enjeux éducatifs. Ces réflexions nourrissent l’idée d’une « <a href="https://www.jstor.org/stable/j.ctv1n35dsz">pédagogie de l’inclusion</a> » qui alimente les dynamiques inclusives.</p>
<h2>Les dynamiques inclusives</h2>
<p>Penser l’inclusion en termes de dynamiques permet de rapprocher les prescriptions institutionnelles et la réalité des situations vécues par les enfants, les familles et les professionnels, afin d’inventer « <a href="https://www.livres-medicaux.com/gestion-hospitaliere-sante-publique-economie/22880-de-la-pedagogie-universitaire-inclusive-l-universite-et-le-handicap.html">un quotidien inclusif</a> ».</p>
<p>Les situations d’inclusion sont en effet souvent saturées de représentations et de croyances, alimentées par le vécu des personnes concernées, leurs doutes et leurs difficultés, leurs peurs parfois. Ce qui influe notamment sur les postures personnelles et professionnelles des enseignants, enjeu majeur dans un environnement aussi relationnel.</p>
<p>● <strong>La formation pour se distancier</strong></p>
<p>La formation initiale des enseignants sensibilise, certes, au handicap et à l’inclusion, mais en se basant souvent sur des études de cas génériques. Les mises en situation accompagnées sur le terrain sont rares. D’où un sentiment d’<a href="https://theconversation.com/pratiques-pedagogiques-des-alliees-sous-estimees-pour-lutter-contre-les-souffrances-psychiques-de-lenfant-207645">écarts importants entre théorie et pratique</a>.</p>
<p>Plus consistants, les dispositifs de formation continue fonctionnent toutefois à rebours : les éléments ne sont (r)apportés que dans l’après-coup des situations, plaçant les intervenants dans une position plus réactive que prospective.</p>
<p>Les praticiens investis sont <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-essais/L-invention-du-quotidien">le plus souvent amenés à inventer</a>. Ils se documentent par eux-mêmes, formalisent parfois leurs pratiques – <a href="https://journals.openedition.org/edso/20244">au risque de tomber dans la modélisation à outrance</a> et l’illusion des bonnes pratiques immédiatement reproductibles.</p>
<p>● <strong>La reconnaissance du temps long et de l’adaptabilité</strong></p>
<p>Les pratiques inclusives relèvent du cas par cas et de l’artisanat. Leur mise en œuvre réelle doit tenir compte des manières d’être et de faire en situation, et privilégier la continuité : dans les environnements et les temps de vie de l’enfant en termes psychoaffectifs, d’une part, et socio-éducatifs, d’autre part.</p>
<p>Cela implique que les institutions acceptent que les modèles préétablis ne soient pas toujours fonctionnels, et que les acquis soient souvent remaniés…
De plus, les dynamiques inclusives s’appréhendent sur le temps long, celui des allers-retours entre professionnels et jeunes. Elles s’appuient sur l’intelligence collective en situation, ce qui postule une volonté de co-élaboration et de collaboration, et nécessite de penser les temps, les espaces, mais aussi les ouvertures du monde sur l’école et la classe, et de la classe et de l’école sur le monde, afin d’impliquer des professionnels d’horizons différents.</p>
<p>● <strong>Une triple circulation</strong></p>
<p>Les dynamiques inclusives se nourrissent d’une circulation des jeunes entre différents environnements : classe ordinaire, <a href="https://www.education.gouv.fr/bo/15/Hebdo31/MENE1504950C.htm#:%7E:text=Les%20Ulis%20constituent%20un%20dispositif,leurs%20projets%20personnalis%C3%A9s%20de%20scolarisation.">unité localisée pour l’inclusion scolaire (Ulis)</a>, institution médico-sociale, milieu familial, associatif, de loisirs… Et au contact de différents acteurs : enseignants, éducateurs, spécialisés et non spécialisés, professionnels des sphères sanitaire et sociale, familles, pairs, aidants…</p>
<p>Elles reposent aussi sur la circulation des savoirs les concernant.</p>
<p>Elles impliquent enfin une circulation entre les acteurs sur les problématiques/pathologies, les adaptations et ajustements pédagogiques, éducatifs, organisationnels. Ces savoirs élaborés en situation, « <a href="https://www.cairn.info/savoirs-theoriques-et-savoirs-d-action--9782130589990-page-201.htm">cachés dans l’agir professionnel</a> », s’échangent à propos de ce qui s’essaie et se tâtonne en classe, afin d’identifier les pratiques vertueuses, les obstacles, les impasses… Ils peuvent être reformulés dans un second temps, lors d’échanges informels, en réunion, et/ou formalisés avec des chercheurs qui aident à interroger les situations, les choix, les gains, les régressions, les appuis, les leviers.</p>
<p>Parce que les dynamiques inclusives concernent des situations complexes et se déploient au sein de collectifs et de configurations de savoirs interdépendants, elles impliquent des médiations régulières entre des acteurs multiples, donc des rencontres et un approfondissement de l’interconnaissance des pratiques. Il existe des outils de coordination, mais ils sont surchargés et semblent peu efficients. Une coordination incarnée par un professionnel formé devient une condition décisive pour animer des échanges intermétiers et développer des capacités de diagnostic partagé et rendre compte des avancées.</p>
<p>Ces dynamiques autorisent des configurations inclusives fondées sur l’interdépendance des acteurs, l’articulation de leurs pratiques dans des environnements d’accueil, de relation et de travail distincts. Des dispositifs de formation accompagnés par la recherche peuvent y contribuer en aidant à l’analyse des actions et des expériences dans le cadre d’un processus d’amélioration continue des pratiques. </p>
<h2>Les enjeux de l’inclusion</h2>
<p>Des leviers sont susceptibles de contribuer à l’accueil des enfants en situation de handicap et de souffrance psychique à l’école.</p>
<p>On note que l’alliance familles-professionnels ainsi que l’articulation éducative, thérapeutique et sociale sont toujours favorables à l’inclusion de l’enfant. À titre d’exemple, cela renvoie à la présence des éducateurs à l’école, d’enseignants en institution spécialisée ou en <a href="https://www.monparcourshandicap.gouv.fr/glossaire/cmpp">centres médico-psychopédagogiques (CMPP)</a> pour qu’ils puissent se former.</p>
<p>L’accompagnement de l’enfant dans ses lieux de vie, de soin et d’apprentissage implique sans doute d’aller plus loin dans le décloisonnement des politiques publiques, pour éviter les effets négatifs des segmentations des pratiques et des accompagnements. Ce qui implique la création d’espaces de rencontres réels.</p>
<p>Les expériences d’inclusion réussies semblent toujours l’œuvre d’inventions <em>in situ</em>. D’où la nécessité de privilégier la créativité des professionnels et des équipes plutôt que d’abonder les recommandations standardisées. D’autant que les savoirs et savoir-faire sur l’accueil des enfants se diffusent de manière transversale, et non hiérarchique et procédurale.</p>
<p>L’inclusion n’est pas synonyme de banalisation ni de normalisation. L’accueil de l’enfant implique la reconnaissance de sa différence en identifiant les difficultés et les points d’appui.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209382/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Ponnou est personnalité qualifiée au sein du Conseil de l'Enfance et de l'Adolescence du HCFEA. Il dirige plusieurs recherches pour lesquelles les universités Paris 8 (CIRCEFT) et Rouen Normandie (CIRNEF) ont perçu des financements d'organismes publics et de fondations mutualistes : Institut de Recherche Interdisciplinaire Homme et Société (IRIHS), Fondation EOVI - Fondation de l'Avenir, FEDER - Région Normandie.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laurent Lescouarch est membre de l'ICEM Pédagogie Freinet et des Centres d'entrainement aux méthodes d'éducation active (CEMEA).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Xavier Briffault est, en tant que sociologue et épistémologue de la santé mentale, personnalité qualifiée au sein du Conseil de l'Enfance et de l'Adolescence du HCFEA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Diane Bedoin, Dominique Méloni et Maryan Lemoine ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Formation des enseignants, implication des familles… Comment faire pour que l’école conjugue au mieux droit à la scolarité et droit au soin, au bénéfice des enfants ?Sébastien Ponnou, Psychanalyste, professeur des universités en sciences de l'éducation - CIRCEFT-CLEF, EA 4384, Université Paris 8 – Vincennes Saint-DenisDiane Bedoin, Professeure des Universités en Sciences du langage, Laboratoire DYLIS, Université de Rouen NormandieDominique Méloni, Maîtresse de conférences en sciences de l’éducation, spécialité psychologie de l’éducation. Psychologue clinicienne, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Laurent Lescouarch, Professeur des Universités en Sciences de l'Education, Université de Caen NormandieMaryan Lemoine, Maitre de conférences en sciences de l'éducation et de la formation, Université de LimogesXavier Briffault, Chercheur en sciences sociales et épistémologie de la santé mentale au Centre de recherche médecine, sciences, santé, santé mentale, société (CERMES3), Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2115672023-08-31T13:26:20Z2023-08-31T13:26:20ZChatGPT, allié ou adversaire pour l’enseignement des sciences et des mathématiques ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/543844/original/file-20230822-29-42nl8v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C6%2C2038%2C2038&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les enseignants et professeurs de sciences et de mathématiques ne sont pas à l'abri des enjeux pédagogiques qui découlent du déferlement de la récente vague d'IA.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Patrick Charland), Image générée sur leonardo.ai</span></span></figcaption></figure><p>L’arrivée de ChatGPT a causé bien des remous dans le milieu de l’enseignement. Des <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1983789/robot-intelligence-artificielle-cegep-plagiat">cas de fraudes académiques et de plagiat ont été rapportés</a>, notamment dans certains départements de littérature et de communication. Ce type d’outil permet en effet de générer, en quelques mots, des essais et des dissertations.</p>
<p>Mais ce n’est pas tout.</p>
<p>Les robots conversationnels ont obtenu des résultats impressionnants à différents tests standardisés, tels que l’<a href="https://journals.plos.org/digitalhealth/article?id=10.1371/journal.pdig.0000198">examen de licence médicale des États-Unis</a> ou celui du <a href="https://www.forbes.com/sites/johnkoetsier/2023/03/14/gpt-4-beats-90-of-lawyers-trying-to-pass-the-bar/?sh=40103ae83027">Barreau</a>.</p>
<p>Du côté des disciplines nécessitant l’utilisation des mathématiques, leurs performances étaient initialement perçues comme assez <a href="https://arxiv.org/pdf/2302.03494.pdf">faibles</a>.</p>
<p>Toutefois, avec la récente mise à jour permettant l’accès à l’extension <a href="https://research.aimultiple.com/chatgpt-code-interpreter/"><em>Code interpreter</em></a>, renommée cette semaine <em>Advanced data Analysis</em>, ChaptGPT Plus (version payante offerte par <a href="https://openai.com/blog/chatgpt-plugins">OpenAI</a>) est soudainement devenu très puissant dans le domaine du calcul, du raisonnement et de la résolution de problèmes. Disponible depuis juillet 2023, cette extension donne à l’IA la capacité de formuler et d’exécuter du code informatique. En d’autres termes, cette extension lui permet d’effectuer différentes opérations mathématiques, de traiter des données et de transformer des fichiers.</p>
<p>En cette rentrée scolaire 2023, les enseignants et professeurs de sciences et de mathématiques ne sont donc pas à l’abri des enjeux pédagogiques qui découlent du déferlement de la récente vague d’IA. </p>
<p>Combinant nos expertises en éducation et en technologies de l’information, nous discuterons des avantages et des défis de l’utilisation de ChatGPT pour la résolution de problèmes dans le milieu de l’enseignement. </p>
<h2>Un puissant outil pour la résolution de problèmes</h2>
<p>Pour mieux en saisir les impacts potentiels en salle de classe, nous avons testé les capacités de l’extension <em>Code interpreter/Advanced data analysis</em> de ChatGPT en matière de résolution de problèmes. </p>
<p>Ainsi, nous avons choisi des problèmes relativement complexes de 5<sup>e</sup> secondaire en physique, en chimie et en mathématiques. Pour réaliser ce test, nous avons comparé les solutions élaborées par ChatGPT à celles proposées par <a href="https://www.alloprof.qc.ca/"><em>AlloProf</em></a>, une référence incontournable en matière de soutien aux élèves. Nous avons essentiellement copié-collé les énoncés de divers problèmes et avons laissé l’algorithme faire le travail.</p>
<p><em>Résultats ?</em> La capacité de résolution de problème de la nouvelle version de ChatGPT Plus est… impressionnante. Systématiquement, le robot reformule sa compréhension du problème, et explique ensuite la démarche qu’il compte utiliser, en séparant souvent le problème en diverses étapes. Il résout ensuite le problème en effectuant les divers calculs associés aux données initiales qui lui ont été soumises. Dans les tests effectués, sur des problèmes somme toute classiques, nous n’avons décelé absolument aucune erreur du robot dans sa résolution des problèmes proposés sur le site <em>Alloprof</em> ! </p>
<h2>Des exemples pour le moins impressionnants !</h2>
<p>En physique, nous avons commencé nos tests avec un <a href="https://www.alloprof.qc.ca/fr/eleves/bv/physique/les-forces-centripete-et-centrifuge-p1020">problème simple de calcul de la force centripète</a>, qui implique tout de même d’effectuer des changements d’unités dans les données initiales. <a href="https://chat.openai.com/share/c32fbd19-9da2-424a-8b88-50b087b50f6d">ChatGPT comprend bien le problème</a>, explique clairement sa démarche et procède aux divers calculs nécessaires. </p>
<p>Nous avons également testé ses capacités dans un <a href="https://chat.openai.com/share/9538b188-459a-4dbd-8897-5132bd3a4bba">problème sur la Loi de Hooke</a> (équation du ressort), ou <a href="https://chat.openai.com/share/b1d08c16-3715-4eef-b66a-95a3431116ee">sur les lois de Kirchhoff</a> qui régissent la conservation de l’énergie dans un circuit électrique. Mêmes résultats.</p>
<p>Pour aller encore plus loin après avoir résolu un <a href="https://www.alloprof.qc.ca/fr/eleves/bv/physique/le-mouvement-de-projectile-p1012">problème de calcul de trajectoire oblique d’une balle de golf</a>, nous avons demandé à ChatGPT de réaliser un environnement virtuel interactif permettant de mieux visualiser le problème. Le robot nous a d’abord guidés dans l’installation de diverses bibliothèques de code informatique préconstruites. Puis, nous amenant dans l’environnement « Jupyter Notebook », il a <a href="https://chat.openai.com/share/18d08eca-6a8c-4d60-9d80-359c08bbb669">programmé un script</a> permettant de créer un simulateur interactif où des curseurs aident à mieux comprendre l’effet de la variation de divers paramètres (comme l’angle ou la vitesse initiale) sur la trajectoire du projectile.</p>
<p>En chimie, ChatGPT performe également très bien, que ce soit dans des problèmes de <a href="https://chat.openai.com/share/8297e09a-a7f0-46e4-85a5-ee9bc2cad54d">chaleur molaire de dissolution</a>, de <a href="https://chat.openai.com/share/c3b51730-5797-4206-8f7f-5cdfcd179896">constante de basicité</a>, <a href="https://chat.openai.com/share/0e38638c-81e9-4bcf-aeb7-dfe1a7f542a7">d’énergie de combustion</a> et même de <a href="https://chat.openai.com/share/63a732e1-b183-4976-bab8-c26a1b01e8cf">balancement d’équations</a>. Encore une fois, les explications permettent de bien comprendre toutes les étapes de la résolution de chacun des problèmes. </p>
<p>En mathématiques, que ce soit avec le « Code interpreter/Advanced data analysis » ou même avec le puissant <em>plugin</em> <a href="https://www.wolfram.com/wolfram-plugin-chatgpt/">« Wolfram »</a>, le robot semble pouvoir résoudre à peu près n’importe quel calcul. Il dispose également de capacités graphiques, affichant les solutions, par exemple le sommet et les zéros d’une équation quadratique. </p>
<h2>ChatGPT et l’apprentissage des mathématiques et des sciences</h2>
<p>Devant les développements fulgurants des algorithmes d’IA, une réflexion pédagogique doit certainement s’effectuer sur les manières de les utiliser, ou non, en salle de classe. </p>
<p>Un <a href="https://www.unesco.org/gem-report/en">rapport récent de l’Unesco</a> en appelle d’ailleurs à utiliser l’IA avec précaution et à mener diverses études pour déterminer si ces outils peuvent avoir des impacts réellement positifs dans l’apprentissage. À l’heure actuelle, on ne dispose que de très peu de données quant à l’effet des robots conversationnels sur les apprentissages à long terme. </p>
<p>En même temps, il ne faut pas se leurrer : qu’on le veuille ou non, les étudiants finiront par l’utiliser. </p>
<p>Ainsi, nous estimons que les acteurs des systèmes scolaires doivent absolument en explorer les capacités pour, notamment, réfléchir à leurs pratiques évaluatives. Cette exploration nécessite cependant des moyens : offrir des formations diverses en littératie de l’IA et rendre disponibles certaines licences d’accès à ces algorithmes.</p>
<h2>L’IA comme tuteur dans la résolution de problème ?</h2>
<p>Au-delà des réserves exprimées, plusieurs voient aussi dans ces technologies diverses opportunités pour soutenir les élèves et le personnel enseignant. C’est d’ailleurs la perspective empruntée par la Khan Academy, une organisation à but non lucratif qui a produit des milliers de courtes leçons sous forme de vidéos, et qui vient de développer son propre robot conversationnel, <a href="https://www.khanacademy.org/khan-labs">« Khanmigo »</a>, spécifiquement dédié au secteur de l’éducation. Plutôt que de préconiser une approche superficielle visant à essentiellement à se servir de l’IA pour obtenir la solution à un problème, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=rnIgnS8Susg">Khanmigo inverse les rôles</a> et se place dans le rôle d’un tuteur visant le meilleur apprentissage pour l’élève. </p>
<p>Dans la même perspective, nous avons demandé à ChatGPT de jouer le rôle d’un tuteur pour nous accompagner dans la résolution de certains problèmes présentés précédemment. Une <a href="https://chat.openai.com/share/9252875c-7300-4159-88fb-7115334a8268">conversation pédagogique</a> s’est alors engagée avec ce le robot-tuteur, qui nous a soutenus par diverses questions jusqu’à la fin du problème. On lui a également demandé de nous donner des problèmes semblables pour qu’il puisse valider notre apprentissage.</p>
<p>Par ailleurs, ChatGPT peut également servir de ressource aux parents pouvant se sentir démunis face à des devoirs devenant de plus en plus complexes au secondaire. Considérant que (les <a href="https://openai.com/policies/terms-of-use">conditions d’utilisation de ChatGPT-4 impliquent l’encadrement d’un parent)</a>, c’est le parent qui peut utiliser ChatGPT pour soutenir son enfant. Cette utilisation de l’IA étend donc son rôle au-delà de la salle de classe, offrant un soutien supplémentaire aux acteurs entourant l’élève, et renforçant son potentiel en tant qu’allié dans l’apprentissage. </p>
<p>Nos travaux de recherche et ceux de nos collègues permettront, dans le futur, de mieux comprendre les avantages, les inconvénients, les opportunités et les défis de l’IA à l’école. </p>
<p>De notre pointe de vue, l’intégration de l’IA en éducation doit s’accompagner d’une conversation ouverte, transparente et bienveillante avec les élèves.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211567/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrick Charland est financé par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH), IVADO, le Fonds de recherche du Québec - Société culture (FRQSC) et le Bureau International d'Éducation de l'UNESCO (IBE-UNESCO).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Hugo G. Lapierre a reçu des financements du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, du Fonds de recherche du Québec - Société culture.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre-Majorique Léger est financé par IVADO, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, Prompt et Fonds de recherche du Québec. Alloprof est un partenaire de recherche de la Chaire en expérience utilisateur dont il est le titulaire.</span></em></p>L’utilisation de ChatGPT en milieu scolaire ne représente pas uniquement un enjeu pour l’enseignement du français. Les enseignants de sciences et de mathématiques doivent également s’y adapter.Patrick Charland, Professeur titulaire / Full professor, Département de didactique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Hugo G. Lapierre, Chargé d'enseignement à l'Université de Montréal, Université de MontréalPierre-Majorique Léger, NSERC-Prompt Industrial Research Chair in User Experience and Full Professor of IT, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2090542023-07-10T15:44:07Z2023-07-10T15:44:07ZDébat : L’éducation est-elle en cause dans les émeutes ?<p>La mort de Nahel M., adolescent de 17 ans <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/06/29/le-drame-de-nanterre-heure-par-heure-du-controle-routier-de-nahel-m-a-la-marche-blanche-pour-l-adolescent-tue_6179840_3224.html">tué par un policier lors d’un contrôle routier le mardi 27 juin 2023</a> à Nanterre, a entraîné des émeutes dont l’ampleur et la gravité (incendies, pillages, destructions, attaques de bâtiments publics et privés) ont plongé la France dans une forte sidération. La question de savoir comment on a pu en arriver là devient essentielle, car la recherche de remédiations est suspendue à la connaissance des causes.</p>
<p>Parmi celles-ci, de nombreux acteurs sociaux ont évoqué les problèmes éducatifs. Le Président de la République a appelé en ce sens <a href="https://www.lemonde.fr/societe/live/2023/07/05/emeutes-apres-la-mort-de-nahel-m-en-direct-le-bilan-chiffre-du-ministre-de-l-interieur-apres-une-semaine-de-violences-2-508-batiments-degrades-60-des-interpelles-n-ont-pas-de-casier-judiciaire_6179556_3224.html">« tous les parents à la responsabilité »</a>. Le ministre de la Justice a diffusé une circulaire invitant à engager des poursuites à l’égard des parents pour lesquels de « graves manquements à leurs obligations légales pourraient être constatés ». <a href="https://www.20minutes.fr/societe/4043693-20230701-mort-nahel-syndicat-france-police-conteste-dissolution-voulue-gerald-darmanin">L’organisation France Police</a> est allée jusqu’à stigmatiser les parents de Nahel, « incapables d’éduquer leur fils ».</p>
<h2>Une fracture d’ordre scolaire</h2>
<p>La première fracture se manifeste en termes d’inégalités, de résultats scolaires et universitaires. C’est un fait bien établi, et qui a fait l’objet d’innombrables recherches et analyses : la France est l’un des pays où l’origine sociale pèse le plus sur les performances et les trajectoires scolaires, puis sociales. C’est ce dont témoignent, par exemple, les <a href="https://www.oecd.org/pisa/publications/PISA2018_CN_FRA_FRE.pdf">résultats de l’enquête PISA conduite par l’OCDE</a>. L’intolérable gâchis de l’insuccès scolaire touche en priorité les enfants issus de milieux défavorisés. Et, au fil des années, les inégalités liées à l’origine sociale ne paraissent pas connaître de changement significatif.</p>
<p>Cela s’est traduit dans la géographie scolaire, avec des phénomènes de ségrégation entre établissements. Selon le public dominant (favorisés vs défavorisés), de véritables fossés se sont creusés, entre établissements d’excellence, et établissements ghettos. Et c’est dans les « quartiers » que se trouvent les établissements le plus en difficulté. La nécessité d’augmenter la mixité scolaire est donc indéniable.</p>
<p>Selon une <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/05/11/une-plus-grande-mixite-sociale-au-college-a-des-effets-positifs-sur-le-bien-etre-de-tous-les-eleves_6172929_3224.html">note de recherche parue en avril 2023</a>, les programmes de mixité sociale testés depuis huit ans ont des effets positifs pour tous les collégiens, quel que soit leur statut social, en termes de perception de l’environnement social, de relations avec leurs amis, et d’attitude vis-à-vis du travail en groupe pour les uns(défavorisés) ; d’estime de soi scolaire, de qualité des relations, et de solidarité pour les autres. Mais les effets constatés sont beaucoup moins d’ordre scolaire (apprentissages), que « non scolaires » (bien-être et intégration).</p>
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<figcaption><span class="caption">Comment réduire les inégalités à l’école ? (France Culture, 2022).</span></figcaption>
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<p>Il faut reconnaître que les responsables successifs du système éducatif ont tenté de s’y employer, mais avec des fortunes diverses. Le combat est passé par la création en 1981 de zones prioritaires (ZP), qui deviendront dans les années 90 zones d’éducation prioritaire (ZEP), dont la carte a été revue en 2014 avec la création de <a href="https://www.lemonde.fr/education/article/2014/11/15/des-zep-aux-rep-la-future-carte-de-l-education-prioritaire-inquiete_4524117_1473685.html">réseaux d’éducation prioritaire</a> et devrait être à nouveau révisée en 2023.</p>
<p>Le combat est passé aussi par la lutte contre les stratégies de contournement de carte. Et, récemment, par la réforme de l’affectation des élèves (plate-forme Affelnet), ou la prise en compte de <a href="https://www.education.gouv.fr/indice-de-position-sociale-ips-actualisation-2022-377726">l’indice de position sociale</a> (IPS).) des élèves et, surtout, des établissements. Cet outil, mis en place en 2016 par l’éducation nationale, permet de déterminer un profil social, évalué en fonction de critères d’ordre social, culturel, et économique. On peut ainsi agir sur l’affectation des élèves en tenant compte tant de leur IPS personnel que de l’IPS moyen de l’établissement d’accueil.</p>
<p>Cependant, dans la mesure même où les inégalités scolaires ne sont, pour une partie significative, qu’un reflet des inégalités sociales, il faudrait pouvoir lutter directement contre celles-ci. On ne peut demander au système éducatif ce qu’il n’a pas la capacité de faire. Il est illusoire d’espérer agir sur les inégalités de réussite sans agir en amont, et fortement, sur les inégalités sociales.</p>
<h2>Une fracture d’ordre éducatif</h2>
<p>Si les émeutes interrogent le système éducatif, elles mettent en cause de façon sans doute plus forte l’éducation familiale. Sont en jeu des valeurs et des principes transmis dans l’enfance, et auxquels, peut-être, certains <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/07/04/jeunes-et-incontrolables-le-profil-complexe-des-emeutiers_6180409_3224.html">jeunes émeutiers</a> n’avaient pas eu accès.</p>
<p>Comment, en effet, comprendre que des adolescents et adolescentes puissent se sentir autorisés à terroriser la population ; à s’en prendre aux biens et aux personnes. À détruire, à voler, à brûler, à saccager. En s’attaquant en priorité aux <a href="https://theconversation.com/fr/topics/communs-37347">« communs »</a>, à tout ce qui rend la vie plus facile, voire plus agréable, au quotidien, et permet de vivre ensemble et de grandir : mairies, maisons de quartier, locaux d’associations, transports en commun, bibliothèques, gymnases.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-parole-des-professeurs-fait-elle-encore-autorite-149023">La parole des professeurs fait-elle encore autorité ?</a>
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<p>Il semble s’être produit, chez certains, une rupture dans la transmission des priorités. À travers le (mauvais) sort fait au commun, c’est l’articulation entre éducation familiale et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/citoyennete-23094">citoyenneté</a> qui est interrogée. Les facteurs à prendre en compte nécessiteraient de longues analyses, d’ordre sociologique, mais aussi économique, et culturel. C’est pourquoi nous nous bornerons ici au point de vue de l’agir éducatif, et de ses conditions de possibilité.</p>
<p>La participation aux émeutes pourrait témoigner d’une certaine faillite éducative. Il n’est pas question d’accabler les mères qui, dans des familles monoparentales, s’épuisent à créer les conditions d’une vie digne pour elles et leurs enfants. Mais ne faut-il pas prendre acte de l’importance capitale de ce que Pierre Bourdieu a nommé <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-La_Reproduction-1952-1-1-0-1.html">l’habitus</a>, « système de schèmes de perception, de pensée, d’appréciation et d’action », que chacun construit, au sein de sa famille, dans sa toute première enfance ? Et reconnaître que certains enfants souffrent malheureusement, de ce point de vue, d’une double carence ?</p>
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<p>La première résulte d’une défaillance dans l’incarnation de l’autorité parentale. Pôle dont chacun doit intégrer les principes pour pouvoir autoréguler son comportement (<a href="https://www.cairn.info/l-esprit-de-corps-democratie-et-espace-public--9782130546597-page-119.htm">« Un homme, ça s’empêche »</a>, a écrit Albert Camus), sans devenir le jouet de ses fantasmes et de ses emportements. Une société « sans pères », c’est-à-dire sans personne qui prenne résolument en charge le pôle de l’autorité, capable d’interdire, à bon escient (à savoir quand est en jeu le respect des autres), ne peut que sombrer dans la folie destructrice. Ivre de ce que Hegel appelait la <a href="https://theconversation.com/dejouer-les-pieges-de-leducation-positive-avec-la-philosophie-de-hegel-194869">liberté du vide</a>. La seconde carence est alors constituée par l’absence, qui en découle, d’un cadre gravant dans le marbre ce que le devoir de respect des autres, quelles que soient les circonstances, nous impose (aider), ou nous interdit (faire souffrir, spolier, détruire gratuitement).</p>
<p>La participation, ou non, aux émeutes, nous semble indiquer clairement qu’une fracture s’est établie entre ceux qui ont bénéficié de repères dans le cadre familial, et d’autres qui semblent sans horizons. Entre ceux à qui leur éducation familiale a permis d’intégrer la nécessité de « se retenir » ; et ceux qui n’ont pas eu cette chance. Réduire cette fracture exige un immense travail. Le témoignage de tant de personnes élevées par des mères admirables montre que cela n’est pas impossible.</p>
<h2>Une fracture d’ordre culturel</h2>
<p>La troisième fracture est sans doute la plus difficile à cerner avec sang-froid. Toute éducation implique un horizon culturel. On éduque et on forme pour préparer à vivre dans un ensemble régi par des valeurs communes, et acceptées par tous, faute de quoi il n’y a pas de vie commune possible. Ce socle de valeurs correspond à un imaginaire commun, celui d’une société où il sera possible de vivre ensemble d’une façon apaisée, voire heureuse. Dans le respect des différences mais aussi des valeurs fondatrices de la société, et qui en marquent l’identité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apprendre-a-etre-citoyen-ce-que-les-jeunes-pensent-de-leducation-civique-196908">Apprendre à être citoyen : ce que les jeunes pensent de l'éducation civique</a>
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<p>Or on peut se demander si nous disposons toujours d’un horizon culturel commun, qui fonderait à la fois la possibilité d’une éducation « nationale », et d’un « vivre ensemble » apaisé. Certes, il y a sans doute toujours une pluralité d’horizons culturels, selon les appartenances idéologiques, ou religieuses. Mais les <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/07/05/fabien-jobard-politiste-le-legislateur-a-consacre-l-ascendant-de-la-police-sur-la-jeunesse-postcoloniale_6180576_3232.html">émeutes</a> font naître une interrogation sur la persistance, et la force véritable, de ce qui a constitué, depuis la fin du Second Empire, l’imaginaire républicain.</p>
<p>Cet imaginaire se cristallise dans la représentation d’une société régie par des valeurs telles que <a href="https://theconversation.com/fr/topics/valeurs-republicaines-32960">« liberté, égalité, et fraternité »</a>. Un tel ensemble de valeurs rendant possible, par-delà toutes les particularités, et la diversité des opinions, des religions, et des comportements, la vie en commun.</p>
<p>Ne pourrait-on aller jusqu’à se demander si cet idéal républicain n’est pas concurrencé par un nouvel imaginaire, émergent : un imaginaire, en quelque sorte postcolonial, de la rédemption ou de la revanche, exigeant de façon aussi brutale que presque impossible à satisfaire, une réparation, qui commencerait par la destruction de tous les symboles de l’État naguère colonial. Au sein, pourtant, duquel on vit.</p>
<p>Il n’y a là, bien sûr, qu’une hypothèse. Imaginaire postcolonial contre imaginaire républicain ? Radicalité destructrice de ceux qui ont soif de vengeance et de réparation, contre imaginaire républicain de ceux qui ne veulent que vivre en paix ? L’hypothèse a de quoi faire peur, et exigerait en tout cas de nombreux travaux pour être validée. Mais ne faut-il pas oser l’affronter ? Car ce qui est en jeu est la contribution possible du travail éducatif à la construction et à la reconnaissance par tous d’un horizon commun.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209054/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les émeutes de juin 2023 sont-elles le résultat d’une fracture éducative ? Elles interrogent dans tous les cas les promesses de l’école républicaine, l’autorité parentale et l’imaginaire commun.Charles Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2076452023-06-20T17:38:49Z2023-06-20T17:38:49ZSouffrances psychiques de l’enfant : pourquoi il faut miser sur les pratiques pédagogiques<p>Comment faire lorsqu’un enfant ou un adolescent est en souffrance psychique ? Si l’alerte a notamment été donnée en début d’année sur ce sujet délicat et en plein essor dans un rapport du <a href="https://www.hcfea.fr/">Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA)</a>, la question des traitements et des options thérapeutiques divise les spécialistes.</p>
<p>Paradoxalement, l’importance des pratiques éducatives reste peu connue, alors que les experts et les pouvoirs publics les mettent régulièrement en avant, <a href="https://www.hcfea.fr/">au côté des approches psychothérapeutiques, sociales et du soutien des familles</a>.</p>
<p>Elles font ainsi rarement l’objet d’une présentation détaillée dans les « guides de bonnes pratiques » et les recommandations des agences de santé, ou sont souvent réduites à des conseils sommaires qui ne rendent pas compte de la complexité ou de l’ingéniosité des techniques, concepts et dispositifs éducatifs favorables au développement ou à l’épanouissement de l’enfant. </p>
<p>Nous avons ici pour objectif de synthétiser certaines de ces approches, dont la mise en pratique serait pertinente pour des enfants et des adolescents en situation de souffrance psychique.</p>
<h2>La pédagogie au service de la santé mentale des enfants vulnérables</h2>
<p>Ces lacunes sont d’autant plus surprenantes que, durant ces deux derniers siècles, de nombreux pédagogues ont dédié leurs travaux à l’accompagnement spécifique des enfants les plus vulnérables. Leurs pratiques et modèles éducatifs ont même souvent été pensés en regard de ces besoins particuliers. Ils ont progressivement essaimé dans l’ensemble du champ pédagogique, pour intégrer les pratiques quotidiennes des enseignants et des éducateurs.</p>
<p>Penser des dispositifs éducatifs pour les enfants en situation de souffrance psychique ou de handicap implique d’envisager la pédagogie et les institutions pédagogiques dans leur ensemble. Leur déploiement engage à adapter les outils, les pratiques et les enjeux relatifs au savoir et à sa transmission, ainsi que le fonctionnement des groupes et des institutions éducatives au bénéfice de tous les enfants.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/et-si-lecole-tenait-grace-aux-pedagogies-differentes-155499">Et si l’école « tenait » grâce aux pédagogies différentes ?</a>
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<p>La pédagogie se définit comme théorie et pratique de l’action éducative. Elle concerne l’école et toutes les situations d’apprentissage, de transmission et de vivre ensemble. La question du bien-être, de la souffrance et du soin psychiques est au cœur de ses préoccupations.</p>
<p>Plusieurs figures de la discipline ont réfléchi à la construction d’environnements répondant aux difficultés de l’enfant, en partant de ses besoins. Ces recherches ont mis en évidence des invariants pédagogiques à un environnement et à une posture éducative propices à son développement.</p>
<p>On peut noter que ces pratiques se sont construites « dans les marges », avec des enfants en difficulté ou qui mettent les équipes en difficulté. Elles se caractérisent par un pragmatisme dont il pourrait être intéressant de s’inspirer.</p>
<h2>Des environnements adaptés pour répondre aux difficultés de l’enfant</h2>
<p>Enseignants, éducateurs et pédagogues peuvent puiser dans la tradition de l’éducabilité initiée par des médecins pédagogues, à l’instar de <a href="https://www.cairn.info/les-grands-penseurs-de-l-education--9782361064655-page-43.htm">Jean Itard</a>, d’Édouard Seguin (dont les <a href="https://www.fabert.com/editions-fabert/quinze-pedagogues-idees-principales-et-textes-choisis.3130.produit.html">apports respectifs seront repris par Maria Montessori</a>), ou encore d’Alfred Binet qui insiste sur la nécessité d’<a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-les_idees_modernes_sur_les_enfants_alfred_binet-9782296097209-30589.html">adapter la pédagogie au potentiel des enfants</a>. Tous ont cherché à appréhender l’enfant dans sa complexité psychologique et affective.</p>
<p>Cette perspective est également bien illustrée par le <a href="https://www.fabert.com/editions-fabert/pedagogues-contemporains-idees-principales-et-textes-choisis.3131.produit.html">travail de Fernand Deligny, référence de l’éducation spécialisée</a>, sur les conditions nécessaires à un environnement accompagnant, non pathologique et potentiellement réparateur à destination de l’enfant. <strong>Les différentes caractéristiques de ces environnements sont centrales :</strong></p>
<ul>
<li><strong>Sécurisant et prévisible</strong></li>
</ul>
<p>Une dimension fondamentale de l’éducation est de proposer un environnement structurant, prévisible, respectueux, où l’enfant est considéré comme une personne à part entière. Cela suppose d’être attentif à sa sécurité physique, matérielle et affective. Cette approche passe également par le fait d’ajuster le mobilier à leurs besoins – dans la tradition initiée par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pauline_Kergomard">Pauline Kergomard</a> ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Marie_Pape-Carpantier">Marie Pape-Carpantier</a> à l’école maternelle. L’aménagement de l’espace ou des règles de vie n’est pas anecdotique.</p>
<ul>
<li><strong>Respectueux de ses besoins physiologiques et psychologiques</strong></li>
</ul>
<p>Le <a href="https://www.cairn.info/revue-carrefours-de-l-education-2017-1-page-122.htm">pédagogue Ovide Decroly a construit tout un modèle</a> prenant en compte les centres d’intérêt et les besoins fondamentaux de l’enfant : ses questionnements se retrouvent dans les réflexions sur les rythmes de ce dernier, l’organisation des journées dans les espaces scolaires et périscolaires.</p>
<p>Dans cette perspective, les temps calmes et les récréations peuvent être des moments pédagogiques liés au jeu, <a href="http://tmtdm.free.fr/media/textes/Courants-pedagogiques-dans-l-Education-Nouvelle-Francine-Best.pdf">tel que pensé dans les mouvements d’Éducation populaire</a>. Un autre exemple concerne les projets de flexibilisation des espaces d’apprentissage, à l’école et dans la sphère familiale, le besoin de vivre dans un espace ritualisé avec des rythmes structurés laissant une place au besoin de jouer et d’expérimenter.</p>
<ul>
<li><strong>Reconnaissant l’intérêt de sa parole</strong></li>
</ul>
<p>L’importance des sentiments d’appartenance et d’attachement au groupe passe par le fait d’y être intégré, de se faire des amis et de prendre part aux processus décisionnels.</p>
<p>En développant des conseils d’enfants et en cherchant à prendre en compte leur parole, le pédiatre <a href="https://www.enseignants.hachette-education.com/livres/janusz-korczak-lamour-droits-lenfant-9782011706133">Janus Korczak</a> a permis d’éclairer ces enjeux, tout comme le pédagogue <a href="https://www.fabert.com/editions-fabert/pedagogues-contemporains-idees-principales-et-textes-choisis.3131.produit.html">Paulo Freire</a> dont les dispositifs dialogiques individuel/collectif intégraient la singularité d’un sujet.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-enseignements-de-paulo-freire-un-pedagogue-toujours-actuel-73079">Les enseignements de Paulo Freire : un pédagogue toujours actuel…</a>
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<p><a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Maud_Mannoni">Maud Mannoni</a> et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7oise_Dolto">Françoise Dolto</a> ont, quant à elles, expérimenté des dispositifs pour favoriser le déploiement de l’expression des enfants et promu la prise en compte de leur parole – y compris quand ils n’ont pas encore acquis les compétences langagières ou sont en difficulté.</p>
<ul>
<li><strong>Où il est responsabilisé</strong></li>
</ul>
<p>La responsabilisation aide également à mieux s’inscrire dans le collectif. Des éducateurs comme <a href="https://www.cairn.info/revue-reliance-2005-3-page-144.htm">Anton Makarenko</a>, Janus Korzack, <a href="https://excerpts.numilog.com/books/9782402579247.pdf">Célestin</a> <a href="https://www.icem-pedagogie-freinet.org/les-invariants-pedagogiques">Freinet</a>, <a href="https://www.cairn.info/revue-reliance-2008-2-page-113.htm">Fernand Oury</a> et les tenants de la pédagogie institutionnelle ont, en ce sens, pensé les environnements éducatifs comme des institutions comprenant des conseils d’enfants ou des espaces de régulation du vivre ensemble, où les enfants ont un peu de pouvoir sur ce qui les concerne. Les échanges autour des retours sur expérience concourent à apprendre comment devenir responsable.</p>
<p>Il ne s’agit pas de céder sur la responsabilité de l’adulte, mais de créer un espace d’exercice de la citoyenneté avec une « montée en responsabilité » – concernant la participation à l’aménagement des lieux, les ajustements collectifs, scolaires et sociaux pour accueillir la diversité, etc.</p>
<ul>
<li><strong>De découverte et d’exercice de son pouvoir sur le monde</strong></li>
</ul>
<p>Les enfants ont besoin de ne pas toujours être soumis aux décisions des adultes et de pouvoir se mobiliser sur des activités choisies, ou de <a href="http://cirnef.normandie-univ.fr/?page_id=1412">proposer eux-mêmes des activités</a>, afin de pouvoir agir sur eux-mêmes ou sur le monde, et d’avoir prise sur ce qui les concerne. Ces principes apparaissaient en creux chez de nombreux spécialistes comme <a href="https://www.icem-pedagogie-freinet.org/book/export/html/29334">Maria Montessori avec sa théorie de la pédagogie du choix</a>.</p>
<ul>
<li><strong>Avec des adultes attentifs</strong></li>
</ul>
<p>Pour être en confiance, les enfants ont besoin d’être soutenus par des adultes qui veillent à la qualité de leur relation. La mise en perspective de l’importance de l’empathie et d’une <a href="https://www.cairn.info/revue-approche-centree-sur-la-personne-2008-2-page-5.htm">attitude positive inconditionnelle par Carl Rogers</a> peut être un point de repère utile. Par ailleurs, les adultes doivent pouvoir assumer une fonction de médiation et d’étayage <a href="https://www.cairn.info/le-developpement-de-l-enfant--9782130589686.htm">entre directivité et semi-directivité, constate le psychopédagogue Jérôme Bruner</a>.</p>
<p>Faire l’expérience de la réussite et avoir un sentiment de compétences sont également essentiels comme le montrent les <a href="https://www.cairn.info/revue-savoirs-2004-5-page-9.htm">travaux d’Albert Bandura</a>. Par exemple <a href="https://journals.openedition.org/rfp/886">Célestin Freinet a repensé les questions d’évaluation pour les remplacer par des brevets de compétences</a> quand d’autres ont développé une <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782367174211-du-chef-d-oeuvre-pedagogique-a-la-pedagogie-du-chef-d-oeuvre-introniser-en-humanite-leonard-guillaume-jean-francois-manil-charles-pepinster/">« pédagogie du chef-d’œuvre »</a>.</p>
<p>Cela suppose de proposer des projets créatifs permettant d’exprimer ses affects (dans la lignée de l’<a href="https://www.cairn.info/jeu-et-education--9782130369783.htm">éducation nouvelle portée notamment par Germaine Tortel</a>), en association avec la pratique des jeux symboliques ou les pratiques de médiation culturelle dans les œuvres littéraires – comme le propose le psychopédagogue Serge Boimare dans une perspective de soutien et de réparation psychologique pour des enfants <a href="https://www.cairn.info/ces-enfants-empeches-de-penser--9782100521654.htm">« empêchés de penser »</a>.</p>
<ul>
<li><strong>Où les adultes sont eux-mêmes accompagnés</strong></li>
</ul>
<p>Dans le cadre ordinaire de l’école, nombreux sont les enseignants et les personnels éducatifs à dire leur difficulté à ne pas pouvoir ou ne plus savoir comment faire. Les formations sont de fait lacunaire et ne font pas suffisamment place aux expressions croisées et à l’analyse des situations et des savoirs d’expérience. Ce point constitue un enjeu majeur du bon accueil des enfants en situation de souffrance psychique à l’école.</p>
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<h2>Quelles perspectives en termes de santé mentale de l’enfant ?</h2>
<p>Ce patrimoine permet de penser des actions éducatives concrètes en faveur du soin, de l’éducation, de l’accompagnement et de la santé mentale de l’enfant. La plupart de ces propositions a fait l’objet de pratiques au long cours, de formalisations et de théorisations reconnues au niveau international, au point qu’elles ont progressivement intégré les pratiques ordinaires d’enseignement ou d’éducation spécialisée.</p>
<p>Ces propositions « très françaises » peuvent paraître datées dans un contexte national où la prévention universelle, l’éducation pour tous, les pédagogies nouvelles, le soin singulier apporté à la personne par des équipes pluridisciplinaires, l’ancrage dans le lieu de vie et la communauté ont longtemps dominé… Elles sont toutefois critiquées depuis plusieurs années par les promoteurs d’une standardisation des pratiques et de thérapies protocolisées, simples, courtes et symptomatiques.</p>
<p>Elles sont pourtant en ligne avec la littérature scientifique internationale, qui plaide pour une <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanchi/article/PIIS2352-4642(20)3 0316-3/fulltext">« école promotrice de santé »</a> et une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/wps.20869">« psychiatrie préventive »</a> intégrée dans des modifications des environnements de vie et dans des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/wps.20773">initiatives de promotion de la santé mentale et physique des jeunes</a>. Des points qui peuvent être mis en œuvre dans le cadre scolaire.</p>
<p>La conclusion de ces travaux est que prendre en compte de multiples facteurs liés au mode de vie des jeunes constitue une approche prometteuse pour lutter contre les troubles mentaux.</p>
<blockquote>
<p>« Au-delà de la simple mise en œuvre de programmes prêts à l’emploi, des ressources et des pratiques sont nécessaires pour faire progresser les résultats académiques et de santé. […] Dans les écoles, les professionnels de santé peuvent se positionner comme catalyseurs du changement structurel car ils ont des occasions de défendre et de participer à la mise en œuvre intersectorielle des réformes et innovations dans les systèmes scolaires pour promouvoir la santé de tous les élèves. » (<a href="https://www.thelancet.com/journals/lanchi/article/PIIS2352-4642(20)3 0316-3/fulltext">Supporting every school to become a foundation for healthy lives</a>, <em>The Lancet</em>, 2021)</p>
</blockquote>
<p>Concevoir des pratiques pédagogiques adaptées aux singularités de l’enfant, intégrées à son contexte d’apprentissage et de vie, et qui lui permettent de développer sa santé générale, sa créativité, son adaptabilité, ses capacités émotionnelles, relationnelles et à agir, est essentiel à sa bonne santé mentale. Les recommandations du HCFEA, dans la lignée de la recherche internationale, vont en ce sens.</p>
<p>Au moment où la <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2023/sante-mentale-premiers-resultats-de-l-etude-enabee-chez-les-enfants-de-6-a-11-ans-scolarises-du-cp-au-cm2">santé mentale et la souffrance psychique des plus jeunes font l’objet de vives préoccupations</a>, et où l’embolie du système de soin pédopsychiatrique ne permet plus de les recevoir dans des délais satisfaisants, ces réflexions ont pour objectif de rouvrir des pistes, de retrouver des leviers et des gestes éducatifs susceptibles de contribuer à leur accompagnement et de leur apporter des aides.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207645/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Ponnou est personnalité qualifiée au sein du Conseil de l'Enfance et de l'Adolescence du HCFEA. Il dirige plusieurs recherches pour lesquelles le CIRNEF et l'Université de Rouen Normandie ont perçu des financements d'organismes publics et de fondations mutualistes : Institut de Recherche Interdisciplinaire Homme et Société (IRIHS), Fondation EOVI - Fondation de l'Avenir, FEDER - Région Normandie.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laurent Lescouarch est membre de l'ICEM Pédagogie Freinet et des Centres d'entrainement aux méthodes d'éducation active (CEMEA).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Xavier Briffault est, en tant que sociologue et épistémologue de la santé mentale, personnalité qualifiée au sein du Conseil de l'Enfance et de l'Adolescence du HCFEA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Diane Bedoin, Dominique Méloni et Maryan Lemoine ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>En amont de toute prise en charge thérapeutique, la pédagogie recèle déjà de nombreux dispositifs prometteurs pour lutter contre la souffrance psychique des enfants. Comment et pourquoi ?Sébastien Ponnou, Psychanalyste, professeur des universités en sciences de l'éducation - CIRCEFT-CLEF, EA 4384, Université Paris 8 – Vincennes Saint-DenisDiane Bedoin, Professeure des Universités en Sciences du langage, Laboratoire DYLIS, Université de Rouen NormandieDominique Méloni, Maîtresse de conférences en sciences de l’éducation, spécialité psychologie de l’éducation. Psychologue clinicienne, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Laurent Lescouarch, Professeur des Universités en Sciences de l'Education, Université de Caen NormandieMaryan Lemoine, Maitre de conférences en sciences de l'éducation et de la formation, Université de LimogesXavier Briffault, Chercheur en sciences sociales et épistémologie de la santé mentale au Centre de recherche médecine, sciences, santé, santé mentale, société (CERMES3), Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2042322023-05-29T13:39:47Z2023-05-29T13:39:47ZL’école québécoise n’offre pas la même égalité des chances et cela est inquiétant<p>Malgré certaines avancées, l’égalité des chances dans le système éducatif québécois est encore bien loin d’être atteinte. C’est ce qu’on apprend dans le premier <a href="https://www.observatoiredesinegalites.com/fr/detail-publication/bulletin-de-l-egalite-des-chances-en-education">Bulletin de l’égalité des chances en éducation</a> produit par l’<a href="https://www.observatoiredesinegalites.com/fr/">Observatoire québécois des inégalités</a>. </p>
<p>Un des problèmes soulevés est celui de l’école à trois vitesses, soit la segmentation des élèves entre les secteurs privé (subventionné par l’État), public enrichi (programmes spéciaux) et public régulier. C’est là où se creuse le fossé entre les groupes sociaux inégalement dotés sur les plans économique et culturel. </p>
<p>Nous vous proposons ainsi, dans cet article, un survol des constats soulevés par le Bulletin de l’égalité des chances en éducation, auxquels nous avons participé à l’élaboration, en tant que chercheurs et experts de l’accès et la réussite aux études, du préscolaire à l’Université.</p>
<h2>Du rapport Parent à une scolarité scindée</h2>
<p>Comme l’a illustré récemment le documentaire <a href="https://www.telequebec.tv/documentaire/l-ecole-autrement">« L’école autrement »</a>, réalisé par Erik Cimon des Productions du Rapide-Blanc, le système éducatif québécois s’est considérablement éloigné des visées de démocratisation formulées par la <a href="https://www.bibliotheque.assnat.qc.ca/guides/fr/les-commissions-d-enquete-au-quebec-depuis-1867/7548-commission-parent-1963-66">commission Parent</a> dans les années soixante. Ses objectifs étaient de favoriser l’accès à une éducation adaptée à chacun, tout en préparant à la vie en société. Le <a href="https://actualites.uqam.ca/2013/le-rapport-parent-un-document-fondateur/">rapport qui s’en est suivi</a>, véritable symbole de la <a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/revolution-tranquille">Révolution tranquille</a>, recommandait notamment de rendre l’école publique gratuite et obligatoire jusqu’à 16 ans, de favoriser un cheminement commun au secondaire et de démocratiser l’accès aux études universitaires.</p>
<p>Malgré ces bonnes intentions, entre 1968 et 2014, la part de l’école privée au Québec est passée de 4 % à 21 %. Cela tient, entre autres, à son bas coût pour les familles, comparé au reste du Canada et aux États-Unis, dûs aux importantes subventions gouvernementales. </p>
<h2>Des taux de réussite différents</h2>
<p>Aux examens obligatoires du ministère de l’Éducation, passés au printemps 2022, l’écart de réussite entre les élèves du public et du privé, qui s’était réduit pendant la pandémie, <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/education/2022-10-27/examens-ministeriels-du-secondaire/le-fosse-se-creuse-entre-le-public-et-le-prive.php">atteignait un sommet depuis cinq ans</a>. </p>
<p>Les dernières données disponibles montrent de grands écarts entre les taux d’accès au collégial selon que l’enfant ait fréquenté le public, le privé ou des programmes enrichis au secondaire. En comparaison avec les classes publiques régulières, les écoles privées du Québec enregistrent un taux beaucoup plus élevé d’admission aux études collégiales, soit 76,9 % contre 37,3 %. Entre les deux extrêmes, soit le public ordinaire et le privé ou le programme d’études internationales (PEI), on note une différence de 56,9 points de pourcentage. </p>
<p>Cela a un impact sur les admissions à l’université : <a href="https://www.cairn.info/publications-de-Pierre%20Canisius-Kamanzi--39554.htm">selon une étude</a>, 60 % des jeunes qui fréquentent un établissement d’enseignement privé vont à l’université, 51 % pour ceux issus des écoles publiques de type enrichi et seulement 15 % pour ceux en provenance des écoles publiques régulières. </p>
<p>Un tel constat est alarmant, puisque la réussite dans la vie est fortement liée à un bon bagage éducatif. Dans les <a href="https://www.oecd.org/fr/sti/la-croissance-par-le-savoir.htm">sociétés régies par l’innovation constante et l’économie du savoir</a>, un niveau d’éducation élevé permet aux individus scolarisés de bien s’intégrer dans la société et de participer à son développement économique, politique et culturel. La sous-scolarisation exclut et marginalise les individus ainsi démunis face à un monde toujours plus exigeant, mobile et changeant.</p>
<h2>Des parcours difficiles au primaire et au secondaire</h2>
<p>Dès l’entrée au préscolaire, on constate qu’il existe des différences marquées sur le plan de la réussite éducative. Entre 2012 et 2017, la proportion d’enfants vulnérables, c’est-à-dire vivant des retards dans leur développement, a augmenté. Cette problématique touche davantage les garçons (un sur trois) que les filles (une sur cinq). </p>
<p>Les enfants les plus défavorisés sont aussi les plus touchés, 33,7 % d’entre eux présentant une vulnérabilité contre 23,2 % chez les plus favorisés. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/523451/original/file-20230428-28-16sfvl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523451/original/file-20230428-28-16sfvl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523451/original/file-20230428-28-16sfvl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523451/original/file-20230428-28-16sfvl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523451/original/file-20230428-28-16sfvl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523451/original/file-20230428-28-16sfvl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523451/original/file-20230428-28-16sfvl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523451/original/file-20230428-28-16sfvl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Proportion d’enfants vulnérables selon l’indice de défavorisation matérielle entre 2012 et 2017.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bulletin de l’égalité des chances en éducation, Observatoire québécois des inégalités</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le cheminement au secondaire comporte aussi ses défis. Malgré une augmentation du taux de diplomation depuis 1998, plusieurs disparités existent toujours entre les différents groupes d’élèves. Soulevons notamment que les différences entre filles et garçons se poursuivent à cet ordre d’enseignement. Le Bulletin montre aussi que le statut d’élève handicapé ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage a un grand effet sur les chances de réussite, avec un taux de diplomation au secondaire moyen de 53,7 % en 2010 comparativement à 80,9 % pour l’ensemble des élèves québécois. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/523452/original/file-20230428-20-llqi5x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523452/original/file-20230428-20-llqi5x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523452/original/file-20230428-20-llqi5x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523452/original/file-20230428-20-llqi5x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523452/original/file-20230428-20-llqi5x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523452/original/file-20230428-20-llqi5x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523452/original/file-20230428-20-llqi5x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523452/original/file-20230428-20-llqi5x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Taux de diplomation et de qualification 7 ans après l’entrée au secondaire selon le genre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bulletin de l’égalité des chances en éducation, Observatoire québécois des inégalités</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des inégalités persistantes au collégial et à l’université</h2>
<p>Les ordres d’enseignement collégial et universitaire affichent un portrait plus positif, avec une certaine hausse des taux d’accès et de diplomation. </p>
<p>Au collégial toutefois, les données historiques montrent que la proportion d’étudiants et étudiantes à la formation continue est en déclin depuis 1990, coïncidant avec l’augmentation des frais de scolarité sous le gouvernement Bourassa. </p>
<p>Les différences se maintiennent à ce niveau aussi entre les hommes et les femmes, avec des écarts en faveur des femmes en 2012 de 17 points de pourcentage dans l’accès au collégial et de 15,8 points à l’Université. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523453/original/file-20230428-26-h3kiwz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523453/original/file-20230428-26-h3kiwz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523453/original/file-20230428-26-h3kiwz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523453/original/file-20230428-26-h3kiwz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523453/original/file-20230428-26-h3kiwz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523453/original/file-20230428-26-h3kiwz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523453/original/file-20230428-26-h3kiwz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Taux d’accès aux études collégiales en 2002-2003 selon la filière d’études au secondaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bulletin de l’égalité des chances en éducation, Observatoire québécois des inégalités, tiré de Laplante et coll. (2018)</span></span>
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</figure>
<h2>L’école à trois vitesses, une source d’inquiétude majeure ?</h2>
<p>La population québécoise demeure ambivalente à l’égard du régime scolaire québécois à trois vitesses. </p>
<p>Un sondage réalisé par la firme Léger dans le cadre de l’édition 2023 du Bulletin montre que les personnes interrogées en ont une opinion mitigée. </p>
<p>En effet, une majorité y voit à la fois des avantages et des inconvénients. Plusieurs considèrent que l’école à trois vitesses creuse les écarts entre les riches et les pauvres, mais apprécient la diversité de choix que celle-ci offre. Si 47 % des répondants se disent insatisfaits du modèle actuel, le fait de rendre les projets particuliers accessibles à tous est considéré comme une solution intéressante par 80 % d’entre eux. </p>
<p>Cette ambivalence se répercute au sein du système politique québécois peu enclin, et ce depuis longtemps, à agir en ce domaine. </p>
<h2>Des freins à l’établissement d’un portrait global</h2>
<p>Le Bulletin de l’égalité des chances en éducation constitue, et constituera dans les années à venir, un outil précieux pour décrire et analyser l’évolution des inégalités dans le système scolaire québécois. </p>
<p>Cependant, bien du travail reste à faire pour mieux documenter les inégalités en éducation. Il y a un manque d’accessibilité des données pour les chercheurs, particulièrement des données récentes. Il n’y a pas de portrait exhaustif de l’école à trois vitesses, de l’enseignement privé et de ses populations d’élèves, des projets particuliers qui se sont développés dans les deux réseaux, de leurs pratiques de sélection, des frais réels assumés par les familles, ni de données concernant le milieu socio-économique au-delà du secondaire. </p>
<p>Pour le moment, nous ne possédons que des données partielles et incomplètes, ce qui empêche de mieux suivre l’impact des politiques éducatives sur la réussite scolaire des jeunes et des adultes.</p>
<p>Il y a bientôt 30 ans, la <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/rs/1997-v38-n2-rs1600/057127ar/">Commission des États généraux de l’éducation</a>, dont le premier chantier fixait l’égalité des chances en éducation comme priorité écrivait notamment : « il nous paraît urgent de mettre un frein à la stratification des écoles primaires et secondaires en s’assurant que la priorité soit accordée à la relance des écoles publiques et que celles-ci demeurent ouvertes à tous les élèves ».</p>
<p>Ce qui a été clairement énoncé il y a plus de 25 ans conserve toute sa pertinence aujourd’hui.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204232/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maude Roy-Vallières a été stagiaire de recherche à l'Observatoire québécois des inégalités et a notamment participé à la rédaction du Bulletin de l'égalité des chances en éducation. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Claude Lessard est membre des mouvements citoyens l'École Ensemble, Debout pour l'école et parlons d'Éducation. il a présidé le Conseil supérieur de l'éducation de 2011 à 2015. Sociologue de l'éducation, il est professeur émérite de l'Université de Montréal.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre Doray est président du conseil d'administration de l'Institut de Coopération en Education des adultes. </span></em></p>Malgré certaines avancées, l’égalité des chances dans le système éducatif québécois est encore bien loin d’être atteinte. Un des problèmes : le système à trois vitesses.Maude Roy-Vallières, Docteure en Éducation, Université du Québec à Montréal (UQAM)Claude Lessard, professeur émérite, Université de MontréalPierre Doray, professeur, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2055502023-05-16T14:17:43Z2023-05-16T14:17:43ZLa réforme Drainville renforce l’autorité du ministre et élimine les contre-pouvoirs<p>Le ministre québécois de l’Éducation, Bernard Drainville, a déposé le 4 mai un <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1976853/projet-loi-bernard-drainville-education">projet de loi</a> qui renforce ses pouvoirs vis-à-vis des centres de services scolaires (CSS) et crée un <a href="http://www.education.gouv.qc.ca/organismes-relevant-du-ministre/rapport-du-groupe-de-travail-sur-la-creation-dun-institut-national-dexcellence-en-education/">Institut national d’excellence en éducation</a>. Les principales missions de ce nouvel organisme sont d’identifier les meilleures pratiques en enseignement et de favoriser leur mise en application. </p>
<p>Ce projet, qui modifierait ainsi la <a href="https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/i-13.3">Loi sur l’instruction publique</a>, <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/education/2023-05-04/la-reforme-drainville-accueillie-froidement.php">a été accueilli avec froideur</a>, voire hostilité. </p>
<p>Qu’annonce concrètement le projet de loi 23 pour l’administration des écoles et de son personnel ? Nous souhaitons en offrir un éclairage scientifique à partir de nos spécialités en <a href="https://www.puq.ca/catalogue/livres/gouvernance-scolaire-quebec-4147.html">gouvernance scolaire</a> et en <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/crs/2020-n68-crs06764/">organisation du travail en milieu scolaire</a>.</p>
<h2>Petit retour en arrière</h2>
<p>Les premières instances consacrées au déploiement d’un réseau scolaire public au Québec ont été instituées au XIX<sup>e</sup> siècle. Dirigées par des commissaires élus, les commissions scolaires sont alors chargées d’assurer l’accès à l’éducation sur leur territoire en créant, finançant et entretenant les écoles. </p>
<p>Il faut toutefois attendre 1964 pour que soient créés le ministère de l’Éducation du Québec et le Conseil supérieur de l’éducation (CSE). Ce dernier reçoit la mission de conseiller le ministre sur toute question relative à l’éducation. Depuis 1992, le ministre est aussi assisté par le <a href="https://www.quebec.ca/gouvernement/ministere/education/organismes-lies/comite-dagrement-des-programmes-de-formation-a-lenseignement-capfe">Comité d’agrément des programmes de formation à l’enseignement</a> (CAPFE) qui a comme mandat d’analyser et d’agréer les programmes de formation conduisant à un brevet d’enseignement.</p>
<p>En 2020, le ministre Jean-François Roberge <a href="https://www.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/fileadmin/Fichiers_client/lois_et_reglements/LoisAnnuelles/fr/2020/2020C1F.PDF">a fait adopter la loi 40</a> qui a modifié de façon substantielle la gouvernance scolaire au Québec. Au nom d’une décentralisation devant renforcer l’autonomie professionnelle des enseignants et <a href="https://coalitionavenirquebec.org/wp-content/uploads/2018/08/plan-de-gouvernance-scolaire-remettre-l-ecole-entre-les-mains-de-sa-communaute.pdf">« remettre l’école entre les mains de sa communauté »</a>, cette loi mettait fin à deux siècles de démocratie scolaire représentative en éliminant les <a href="https://www.cse.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/2019/11/50-0522-ME-gouvernance-pl40.pdf">élections scolaires et les commissaires élus</a>. À noter que les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/692104/resultats-elections-scolaires">taux de participation à ces élections scolaires étaient très faibles</a>, particulièrement chez les francophones (ex. : 4,28 % pour la CSDM en 2014).</p>
<p>Les conseils des commissaires — principale instance décisionnelle des commissions scolaires — étaient remplacés par des conseils d’administration (CA) formés de parents, de membres du personnel œuvrant dans les écoles et de représentants de la communauté.</p>
<h2>La réforme Drainville</h2>
<p>La réforme Drainville vise à renforcer le lien d’autorité qui relie les CSS au ministre. </p>
<p>Elle dote le ministre d’outils permettant d’intervenir dans les classes, les écoles et les CSS par des mécanismes de contrôle et de surveillance. Ce renforcement du lien d’autorité s’articule principalement autour de l’octroi de plusieurs pouvoirs au ministre, présentement accordés aux CA des CSS, par exemple :</p>
<ul>
<li><p>nommer et destituer les directeurs généraux des CSS, soit les principaux gestionnaires ;</p></li>
<li><p>annuler une décision des CSS et <a href="https://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-23-43-1.html">« prendre celle qui, à son avis, aurait dû être prise »</a> ;</p></li>
<li><p>pourvoir un poste vacant au sein du CA d’un CSS. </p></li>
</ul>
<p>Avec l’introduction d’ententes annuelles de gestion et d’imputabilité, le projet de loi raffermit aussi la relation contractuelle qui lie les CSS au ministre. Cette entente s’ajoute aux instruments de gestion (indicateurs nationaux, Plan d’engagement vers la réussite, planification stratégique, cibles et orientations ministérielles, etc.) et les enchâsse dans un mécanisme de reddition de compte (moyens à prendre et état des résultats) qui ouvre la voie à des interventions plus musclées. </p>
<p>La réforme Drainville conduit aussi à l’élimination de contre-pouvoirs agissant comme « chiens de garde » du système scolaire. Cela prend forme à travers la disparition du CAPFE (aboli) et du CSE (démantelé).</p>
<h2>Un renversement des tendances</h2>
<p>La réforme Drainville renverse des tendances au cœur de la gouvernance scolaire au Québec depuis les dernières décennies.</p>
<p>Dans l’histoire du Québec, une seule réforme s’est montrée autant centralisatrice, soit celle des années 1960 qui a suivi la <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/bhp/2004-v12-n2-bhp04656/1060694ar/">Commission Parent</a>. À l’époque, l’état du réseau était extrêmement préoccupant en raison des inégalités d’accès à une éducation de qualité et du retard de scolarité des Québécois francophones. </p>
<p>Depuis, la centralisation de la gouvernance est associée à une plus grande égalité de l’offre des services, mais aussi à la bureaucratisation, à la rigidité et à l’inefficacité. En fait, c’est la décentralisation qui est d’ordinaire présentée comme le meilleur moyen d’assurer une efficacité, et ce, en vertu du « principe de subsidiarité ». </p>
<p>Le principe de subsidiarité veut que les pouvoirs et les responsabilités doivent être délégués au niveau approprié d’autorité, soit le plus près possible des élèves. L’augmentation de l’autonomie des écoles devient ainsi un levier permettant de favoriser la réussite éducative en donnant <a href="https://www.cairn.info/la-gouvernance-en-education--9782804107574-page-109.htm">« la capacité, pour chaque école, d’adapter ses services aux besoins et aux caractéristiques de la population qu’elle dessert »</a>. </p>
<p>Le projet de loi 23 va donc à contre-courant en suggérant que ce serait le ministre qui incarnerait le niveau d’autorité le plus approprié pour juger en définitive des besoins des élèves. Il subordonne l’ensemble des instances du réseau à ses décisions et pousse un cran plus loin les principes de <a href="https://www.pulaval.com/livres/l-ecole-quebecoise-a-l-epreuve-de-la-gestion-axee-sur-les-resultats-sociologie-de-la-mise-en-oeuvre-d-une-politique-neo-liberale">gestion axée sur les résultats</a>, une composante de la <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2004-2-page-177.htm">nouvelle gestion publique (NGP)</a>. Elle a comme caractéristique d’utiliser dans l’administration publique les principes et les modalités de l’administration des affaires.</p>
<h2>Un important recul démocratique</h2>
<p>L’autre tendance renversée par la réforme Drainville a trait à la démocratisation. </p>
<p>La réforme Roberge a mis un terme à la démocratie scolaire représentative, qui se veut portée par des personnes élues représentant les intérêts de la population. Le nouveau modèle proposé s’appuyait sur les principes d’une démocratie scolaire participative, soit un processus par lequel des citoyens prennent directement part à la prise de décision, et ce, sans l’intermédiaire de représentants élus. </p>
<p>Les conseils d’administration hérités de la réforme Roberge — tout comme le conseil d’établissement des écoles ou le grand nombre de lieux de consultation et de participation — répondaient à ces principes de démocratie participative. Le CSE et le CAPFE aussi. </p>
<p>Ainsi, en dépouillant ces conseils d’administration — formés de parents, d’acteurs scolaires et de représentants de la communauté — de ses principales fonctions et en abolissant le CSE et le CAPFE, la réforme Drainville représente un important recul démocratique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205550/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Lemieux est membre du CRIFPE, du Réseau Périscope et du GRIDE.
Ses projets de recherche sont financés par le FRQSC et le CRSH et il a aussi agi comme consultant auprès du ministère de l'Éducation et du Conseil supérieur de l'éducation au cours des dernières années.
Il a travaillé en 2019 pour le Conseil supérieur de l'éducation à titre d'agent de recherche et de transfert.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean Bernatchez a reçu des financements des organismes subventionnaires (CRSH et FQRSC) pour faire des recherches en lien avec la gestion et la gouvernance scolaires. Il a été membre du Conseil supérieur de l'éducation et du Comité d'agrément des programmes de formation à l'enseignement. Il est membre de plusieurs regroupements de recherche universitaire.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Simon Viviers a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada pour réaliser une recherche en partenariat avec la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) sur le thème «Santé mentale et organisation du travail enseignant: quel pouvoir d'agir collectif?». Il dirige actuellement un projet de recherche-intervention portant sur la santé mentale du personnel enseignant financé par une entente négociée entre le Comité patronal de négociation des centres de services scolaires francophones (CPNCF) et la FAE. Le projet a pour objectif principal de développer et d’expérimenter un dispositif organisationnel de prévention des problèmes de santé mentale au travail des enseignantes et enseignants dans les établissements scolaires. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Wilfried Cordeau a été enseignant au secondaire et conseiller au sein d'une fédération syndicale représentant des enseignantes et enseignants du Québec.</span></em></p>La réforme Drainville renforce le lien d’autorité du ministre et conduit à l’élimination de contre-pouvoirs agissant comme « chiens de garde » du système scolaire.Olivier Lemieux, Professeur en administration et politiques de l'éducation, Université du Québec à Rimouski (UQAR)Jean Bernatchez, Professeur, Université du Québec à Rimouski (UQAR)Simon Viviers, Professeur titulaire, Université LavalWilfried Cordeau, Candidat à la maîtrise en fondements de l'éducation et éducation comparée, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2014902023-04-10T19:24:09Z2023-04-10T19:24:09ZAu Bénin, ces enfants qui quittent l’école pour apprendre un métier<p>Au Bénin, les ménages populaires en milieu rural éprouvent de grandes difficultés à maintenir leurs enfants à l’école. Une partie des enfants de ces zones sont amenés à quitter le système scolaire avant la fin de l’école primaire ou dès les premières années du collège, même lorsque leurs résultats scolaires sont bons.</p>
<p>Malgré <a href="https://journals.openedition.org/ree/7368?lang=en">diverses mesures politiques prises depuis les années 1990</a> par les gouvernements successifs pour améliorer la qualité de l’offre scolaire et l’accès universel à l’enseignement de base, le pays a vu la proportion des élèves allant jusqu’au bout de l’école primaire passer de <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicator/SE.PRM.CMPT.MA.ZS?end=2021&locations=BJ&most_recent_year_desc=true&start=1971&view=chart&year=2017">85 % en 2016 à 68 % en 2019, avant de remonter à 77 % en 2021</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lafrique-est-forte-de-sa-jeunesse-mais-doit-investir-dans-leducation-79213">L’Afrique est forte de sa jeunesse mais doit investir dans l’éducation</a>
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<p>L’obligation scolaire pour tous les enfants entre cinq et onze ans, décrétée en 2006, n’a jamais été pleinement mise en œuvre. Par ailleurs, en 2015, 35,17 % des élèves ayant achevé le cycle primaire ont <a href="https://knoema.fr/atlas/B%c3%a9nin/topics/%c3%89ducation/%c3%89ducation-secondaire/Taux-dabandon-scolaire-pour-les-enfants-%c3%a0-l%c3%a2ge-dentr%c3%a9e-au-premier-cycle-de-lenseignement-secondaire">abandonné l’école à ce moment-là</a>.</p>
<p>En milieu rural, ce phénomène est encore plus marqué, car pour les ménages pauvres, il est souvent très compliqué de soutenir le coût d’une longue scolarisation, et les enfants apparaissent comme une potentielle force de travail : il peut sembler plus rationnel de leur apprendre au plus vite un métier manuel plutôt que les envoyer poursuivre leur scolarité. Certes, les classes populaires rurales ne sont pas homogènes : certains parents souhaitent voir leurs enfants poursuivre une bonne scolarité jusqu’à l’université et font leur possible pour cela. C’est toutefois au sein des ménages ruraux pauvres que le décrochage scolaire est le plus marqué.</p>
<p>Dans cet article, j’examine les conditions dans lesquelles les enfants quittent l’école avant la fin du cycle primaire ou dès les premières années du collège dans l’arrondissement rural de Tanvè (dans le sud du Bénin) où je mène des enquêtes de terrain depuis maintenant cinq ans. Comment expliquer que des enfants qui ont régulièrement de bonnes notes à l’école arrêtent leur scolarité pour apprendre un métier ? De quels métiers s’agit-il, comment se passe la formation et quelles sont les perspectives des enfants concernés ?</p>
<h2>Maintenir les enfants à l’école est une décision difficile</h2>
<p><a href="https://books.google.be/books?hl=en&lr=&id=YmkmDwAAQBAJ">Indépendamment du fait qu’ils proviennent d’un milieu très pauvre</a>, certains enfants progressent bien durant leur cursus à l’école primaire, occupant régulièrement un bon rang dans le classement scolaire. Néanmoins, il arrive qu’ils échouent à l’examen national du certificat d’études primaires (CEP), passé à la fin du cycle d’études primaires. Aussi banal qu’il puisse paraître, cet échec peut avoir des répercussions majeures sur la suite de la scolarité.</p>
<p>En effet, dans un contexte de précarité économique, où la finalité de la scolarisation n’est pas nécessairement d’accumuler des diplômes alors <a href="https://www.afrobarometer.org/wp-content/uploads/2022/02/ab_r7_policypaperno59_emploi_au_benin.pdf">qu’ils ne garantissent plus l’accès à un travail salarié</a>, le moindre accroc au parcours scolaire devient un argument pour arrêter l’école.</p>
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<p>On l’observe au sein de ménages vivant de travaux agricoles, dont les revenus sont saisonniers, et donc précaires. Ce contexte ajoute une difficulté au maintien des enfants à l’école, surtout lorsque le nombre d’enfants à charge est élevé. C’est le cas de Sylvain, âgé de 19 ans en 2021 au moment de notre rencontre, deuxième enfant d’une fratrie de neuf et ayant vécu avec ses deux parents agriculteurs au cours de sa scolarisation. Son père se souvient avec fierté des excellents résultats scolaires de son fils, qui a même été le meilleur élève de sa classe de CM2 :</p>
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<p>« On était aux champs, et la nouvelle est arrivée. Ses camarades disaient : c’est Sylvain ! C’est Sylvain le premier de la classe ! Nous, nous n’en savions rien à ce moment-là ; s’ils n’étaient pas venus annoncer cela, on n’aurait pas su que les résultats étaient arrivés. »</p>
</blockquote>
<p>Malgré sa progression tout au long de l’année scolaire, il échoue à l’examen national du CEP. Les redoublements ne sont pas bien accueillis par certains parents, car cela implique un investissement infructueux pour des ménages déjà caractérisés par une certaine précarité. En effet, la mesure de <a href="https://www.rfi.fr/fr/emission/20110225-gratuite-ecole-benin">gratuité de l’école primaire mise en place dès 2006</a> n’évite pas aux parents l’ensemble des charges liées à la vie scolaire.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-numerique-peut-il-reinventer-leducation-de-base-en-afrique-76871">Le numérique peut-il réinventer l’éducation de base en Afrique ?</a>
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<p>C’est ainsi qu’après cette expérience, Sylvain – alors âgé de 13 ans – décide de concert avec son père d’aller en apprentissage de maçonnerie. Cette formation, tout comme de nombreuses autres formations à des métiers manuels, présente l’avantage de permettre aux jeunes de s’émanciper rapidement. En effet, ils reçoivent une rémunération au cours des contrats de construction pour subvenir à leurs besoins quotidiens tandis que, durant les week-ends, ils font des petits boulots de réparation ici et là, grâce aux compétences qu’ils ont acquises, afin de gagner de l’argent pour leur propre compte.</p>
<p>Au moment où je rencontre Sylvain en 2021, il a terminé ses quatre années d’apprentissage et est en attente de son diplôme. La durée relativement courte des formations – entre trois ans et six ans selon le domaine choisi – est l’autre facteur qui motive les décisions liées à l’apprentissage d’un métier manuel. L’investissement est donc moins onéreux et l’entrée sur le marché du travail plus rapide.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="école primaire au Bénin" src="https://images.theconversation.com/files/514435/original/file-20230309-20-t3glwf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C2%2C1381%2C1035&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514435/original/file-20230309-20-t3glwf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514435/original/file-20230309-20-t3glwf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514435/original/file-20230309-20-t3glwf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514435/original/file-20230309-20-t3glwf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514435/original/file-20230309-20-t3glwf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514435/original/file-20230309-20-t3glwf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">École primaire publique de Dékanmey, située dans l’arrondissement rural de Tanvè au Bénin en 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tonaï Guedou</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>S’il est difficile pour les ménages où les deux parents sont présents de maintenir leurs enfants à l’école, cela l’est encore davantage pour les ménages dirigés par une femme seule, car des <a href="https://www.cairn.info/revue-mondes-en-developpement-2004-4-page-41.html">travaux menés sur la pauvreté au Bénin</a> ont montré que le faible niveau d’éducation, le secteur d’activité (informel) et la taille du ménage accroissent le risque de pauvreté des femmes cheffes de ménages en milieu rural.</p>
<p>La mère de Judi se retrouve dans cette situation. C’est une femme d’une quarantaine d’années, qui n’a jamais été scolarisée. Elle est veuve d’un premier mariage. Judi est l’un des enfants de ce premier mariage. Sa mère s’est remariée et a eu trois autres enfants, mais est désormais séparée de son mari. Quatre enfants, dont Judi, vivent avec elle à plein temps, et c’est sur elle que repose leur charge. Elle a une petite activité de fabrication artisanale de fromage de soja, mais peine à joindre les deux bouts.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/KWaHVwOBQQE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Malgré ces difficultés familiales, Judi réussit brillamment son CEP à l’âge de 13 ans. Il entame ensuite son année de sixième au collège et obtient à l’issue de cette année une moyenne générale de 14/20. Cependant, il arrête l’école peu après (en 2021) et entame un apprentissage de maçonnerie, comme Sylvain. Pour sa mère, le coût d’une longue scolarisation est insoutenable, d’autant qu’elle n’est pas assurée que son fils trouvera du travail plus tard. La question du financement d’une scolarisation qui se prolonge est un problème crucial pour les femmes cheffes de ménage, dont les ressources ne sont pas conséquentes, et qui ne peuvent pas planifier une telle prise en charge sur une longue durée avec leurs maigres revenus.</p>
<p>L’analyse de ces deux cas montre d’une part que dans ces milieux précarisés, un redoublement peut avoir des conséquences radicales sur la scolarité et, d’autre part, que les longues études sont parfois incompatibles avec les revenus des ménages, alors que la durée relativement courte des apprentissages de métiers manuels les rend plus attractifs. Par ailleurs pour certains jeunes, l’apprentissage est la meilleure option car les connaissances dispensées à l’école sont trop théoriques à leurs yeux.</p>
<h2>À l’école, des connaissances trop théoriques</h2>
<p>L’avantage de l’apprentissage pour les jeunes est qu’il s’agit d’une activité pratique, qui permet de créer et de toucher du doigt ce que l’on fait. Durant l’apprentissage, les jeunes développent une représentation de la réussite sociale qui s’appuie sur une forme de <a href="https://www.persee.fr/docAsPDF/arss_0335-5322_1978_num_24_1_2615.pdf">culture anti-école</a>. Une jeune couturière m’a présenté ainsi les raisons pour lesquelles elle a opté pour l’apprentissage :</p>
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<p>« Quand tu vas à l’école, tu ne sais pas concrètement ce que tu apprends, ni ce que tu vas en faire. Or, quand tu apprends un métier, tu sais où tu en es, et ce que tu es capable de faire. »</p>
</blockquote>
<p>Ce besoin d’acquérir un savoir pratique afin de pouvoir en faire quelque chose immédiatement est largement partagé par les jeunes de ces milieux. Certains sont rapidement invités à travailler avec des équipes de construction d’infrastructures dans le village. Par exemple, plusieurs jeunes maçons et menuisiers locaux ont participé à la construction récente de la deuxième école publique du village. Voir leurs enfants travailler pour le village est un motif de fierté pour les parents, et la source d’un sentiment de réussite et d’accomplissement pour ces jeunes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quelles-perspectives-pour-leconomie-africaine-en-2023-198047">Quelles perspectives pour l’économie africaine en 2023 ?</a>
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<p>En somme, les difficultés liées au financement d’une scolarité qui se prolonge, la difficulté à s’approprier des connaissances trop théoriques à l’école et la crainte de reporter le début de l’autonomie produisent une distance par rapport aux <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2001-2-page-5.htm">figures classiques de réussite</a>, au profit d’un apprentissage de métier manuel qui garantit une insertion professionnelle rapide et une autonomie personnelle.</p>
<h2>Avoir un capital scolaire pour apprendre un métier</h2>
<p>Avant d’aller en apprentissage de métier manuel, les jeunes évoqués ci-dessus sont passés par l’école. En effet, l’obligation et la gratuité de l’école primaire, même imparfaitement mise en œuvre, ont largement contribué à augmenter le taux de scolarisation, et même à maintenir les enfants à l’école un peu plus longtemps en fonction des moyens du ménage.</p>
<p>En outre, même si de nombreuses carrières scolaires en milieu rural restent relativement courtes, l’acquisition de quelques notions scolaires est malgré tout valorisée, voire indispensable pour faciliter l’assimilation des connaissances en apprentissage. Il est ainsi devenu important pour les populations rurales de <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-africaine-1999-4-page-153.htm">posséder des rudiments scolaires</a> pour, une fois cet apprentissage terminé, pouvoir intégrer un marché du travail très mouvant et ne pas subir un déclassement social et professionnel dans leurs nouvelles professions, où une connaissance élémenentaire du français et des notions de mathématiques peuvent s’avérer bien utiles. In fine, les gains – même maigres – de l’éducation engendrent, pour ceux qui sont dans des professions indépendantes ou informelles, une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S014759670800070X">distinction et une plus-value</a> précieuses.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201490/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tonaï Maryse Guédou a reçu des financements ULB, AUF et ARES </span></em></p>Entre une scolarisation qui se prolonge et l'apprentissage d'un métier, le choix de certains ménages ruraux au Sud du Bénin pour l'avenir de leurs enfants se porte souvent sur la seconde option.Tonaï Maryse Guédou, Doctorante en Sciences Politiques et Sociales, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1991402023-02-15T23:10:23Z2023-02-15T23:10:23ZL’uniforme peut-il vraiment favoriser l’égalité entre les élèves ?<p>Début 2023, les députés se sont récemment penchés sur la question de savoir s’il fallait <a href="https://theconversation.com/uniforme-a-lecole-leternel-debat-147126">rendre l’uniforme obligatoire à l’école</a>. Si la proposition de loi <a href="https://lcp.fr/actualites/uniforme-ecole-rassemblement-national-echoue-rendre-obligatoire-160476">a été rejetée par les représentants français</a>, la <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/01/12/brigitte-macron-favorable-au-port-de-l-uniforme-a-l-ecole_6157560_3224.html">première dame Brigitte Macron</a> avait apporté son soutien à l'idée. « Cela gomme les différences, on gagne du temps », avait-elle déclaré. </p>
<p>Ces perceptions des avantages de l’uniforme sont largement répandues – mais sont-elles vraiment fondées ? Expliquant être « partagé sur la question de l'uniforme et pas encore convaincu que c'est une solution qui permettrait de tout régler », le ministre de l'Éducation nationale Gabriel Attal a néanmoins annoncé <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/8h30-fauvelle-dely/uniforme-a-l-ecole-groupes-de-niveau-au-college-stigmatisation-des-eleves-en-difficulte-le-8h30-franceinfo-de-gabriel-attal_6198180.html">« une expérimentation de grande ampleur »</a> pour évaluer l'impact de l'uniforme sur le climat scolaire et le travail des élèves.</p>
<p>Par rapport à la France, le Royaume-Uni a une <a href="https://www.exeterpress.co.uk/products/a-cultural-history-of-school-uniform">longue histoire</a> de l'uniforme scolaire, qui précède l’enseignement primaire universel. Cette tradition est renforcée par les représentations de l’école dans les médias populaires britanniques, à travers des films comme <em>St Trinian’s</em> et <em>Harry Potter</em>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/uniforme-a-lecole-leternel-debat-147126">Uniforme à l’école, l’éternel débat ?</a>
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<p>Pour comprendre si l’uniforme scolaire a des bénéfices, nous devons avant tout nous arrêter sur les objectifs qu’ils sont censés atteindre. C’est ainsi qu’avec des étudiants de l’université d’Aberdeen, j’ai mené une <a href="https://blog.eera-ecer.de/author/dr-rachel-shanks/">recherche sur l’uniforme scolaire</a> dans les 357 écoles secondaires publiques d’Écosse. Dans 96 % de ces établissements secondaires, l’uniforme est obligatoire et l’analyse de leurs politiques montre que diverses raisons sont invoquées pour le justifier, l’accent étant porté sur <a href="https://doi.org/10.1080/01596306.2021.1931813">l’intérêt des élèves</a>.</p>
<p>La raison la plus fréquemment mise en avant est que l’uniforme favorise une éthique, une identité, une fierté et un sentiment d’appartenance. Citons ensuite le renforcement de la sécurité et la réduction de l’absentéisme scolaire, ainsi que la réduction de la concurrence et des discriminations entre élèves ou l’amélioration de l’employabilité. Les écoles ont également déclaré que l’uniforme profiterait à la réputation de l’école et améliorerait les conditions de travail des élèves.</p>
<p>Le <a href="https://www.gov.scot/publications/school-uniform-guidance-consultation/">gouvernement écossais</a> a récemment déclaré : « Il est reconnu que l’uniforme scolaire joue un rôle important dans l’implication des élèves à l’école, dans la promotion d’un sentiment d’identité et d’appartenance. » Toutefois, il n’est pas possible de déterminer si l’uniforme à lui seul a de tels effets dans la mesure où son introduction coïncide souvent avec d’autres changements tels que l’arrivée d’un nouveau chef d’établissement ou d’une nouvelle équipe de direction au sein d’un établissement.</p>
<h2>Gommer les différences ?</h2>
<p>Passant en revue les travaux sur la question, l’<a href="https://educationendowmentfoundation.org.uk/education-evidence/teaching-learning-toolkit/school-uniform">Education Endowment Foundation</a> n’a pas trouvé de lien entre port de l’uniforme et progrès dans les apprentissages. Selon une autre <a href="https://doi.org/10.3389/phrs.2021.1604212">étude d’ensemble de ces recherches</a>, aucun lien n’a été établi non plus entre uniforme et résultats scolaires.</p>
<p>Invoquée par les écoles écossaises, la sécurité est un argument qui avait déjà été mobilisé aux États-Unis où, dans les années 1990, il s’agissait de réduire la présence des gangs et la violence dans les écoles. En faisant porter à tous les mêmes vêtements, personne ne pourrait savoir qui appartenait à quel groupe ni qui soutenait telle ou telle équipe, pensait-on alors.</p>
<p>Aucune donnée britannique ne permet néanmoins de confirmer que le port de l’uniforme réduirait les tensions. Et les recherches menées aux États-Unis ont montré que, si les <a href="https://doi.org/10.1177/0013124503255002">enseignants percevaient les écoles</a> comme plus sûres, cela n’avait pas d’incidence sur le ressenti des élèves au quotidien.</p>
<p>Dans plus de 50 des écoles que nous avons étudiées, les élèves s’entendaient dire que le port de l’uniforme les préparait à leur future vie professionnelle dans la mesure où il <a href="https://doi.org/10.1177/09075682221108838">reproduirait l’environnement de travail</a>. Cependant, les emplois où l’on porte un uniforme ne sont pas les plus nombreux et, sur de plus en plus de lieux de travail, les codes vestimentaires se sont également assouplis aujourd’hui.</p>
<p>Par ailleurs, <a href="https://www.ssph-journal.org/articles/10.3389/phrs.2021.1604212/full">l’uniforme aurait un impact négatif sur les filles</a>, les jeunes issus d’une minorité ethnique ou religieuse et les jeunes de sexe différent. Les tenues qu’on leur impose vont à l’encontre de leurs besoins, les filles se sentant moins à l’aise pour bouger en jupe, par exemple.</p>
<h2>Le coût de l’uniforme</h2>
<p>Selon une idée assez répandue, l’uniforme mettrait tous les élèves sur un pied d’égalité, empêchant la concurrence et la discrimination <a href="https://doi.org/10.1177/0907568203010001003">vestimentaire entre les élèves</a>, tout en améliorant la discipline de manière plus globale et en réduisant potentiellement les brimades.</p>
<p>Cependant, au lieu de créer des situations d’équité, <a href="https://doi.org/10.1163/27730840-54010003">certaines réglementations en matière d’uniformes font le contraire</a>. Les tenues peuvent <a href="https://www.childrenssociety.org.uk/information/professionals/resources/the-wrong-blazer">coûter plus cher</a> que les <a href="https://abdn.pure.elsevier.com/files/219977936/Shanks_2022_School_Clothing_Grant_in_Scotland_Policy_Briefing.pdf">aides financières</a> accordées aux familles pour leur permettre de faire face à cet achat.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>En Écosse, dans le secondaire, il existe une subvention nationale minimale de 150 £ par an, mais la <a href="https://www.childrenssociety.org.uk/information/professionals/resources/the-wrong-blazer">Children’s Society</a> a estimé que l’uniforme coûterait 337 £ par an en 2020. Le port de vêtements d’occasion peut être stigmatisé, c’est pourquoi les <a href="https://edinburghuniform.org/">banques scolaires</a> distribuent plutôt des uniformes neufs.</p>
<p>De nombreuses écoles ont conclu des accords exclusifs avec des fournisseurs, ce qui peut <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/468358/School_uniform_open_letter.pdf">rehausser le prix de l’uniforme</a>. Parmi les écoles de notre étude, près de 20 % avaient ce type d’<a href="https://doi.org/10.1163/27730840-54010003">accord exclusif</a>. Certaines fournissent aussi une liste d’articles recommandés pour la classe et les cours de sport, en parallèle d’une série d’interdictions. L’interdiction de ces articles courants rend l’uniforme plus coûteux et oblige à constituer des banques d’uniformes.</p>
<p>Le <a href="https://cpag.org.uk/scotland/CoSD/toolkit">Cost of the School Day</a> de l’organisation caritative Child Poverty Action Group aide par exemple les écoles à mettre en place des politiques d’uniformes accessibles à toutes les familles. Et, en effet, quand un uniforme est demandé, il importe qu’une aide financière suffisante soit accordée aux familles pour les aider à couvrir ce coût. Toutefois, il n’existe pas de base de recherche solide sur laquelle s’appuyer pour justifier l’intérêt d’un uniforme obligatoire à l’école.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199140/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rachel Shanks ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Faut-il imposer un uniforme aux élèves ? Si la question fait débat en France, la tradition est bien ancrée dans les écoles outre-Manche et leur expérience permet d’en évaluer les bénéfices supposés.Rachel Shanks, Senior Lecturer in Education, University of AberdeenLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1913922023-01-17T17:52:22Z2023-01-17T17:52:22ZQuand les marques de l’agroalimentaire s’invitent dans les écoles<p>Si, dès la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, toute forme de communication marchande a été exclue du périmètre des écoles françaises, certaines <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/petit_breviaire_des_idees_recues_en_management-9782707160140">pratiques de marketing scolaire</a> se sont multipliées au fil du XX<sup>e</sup> siècle, jusqu’à être légalisées au début du XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Le Bulletin officiel de l’Éducation nationale du 5 avril 2001 a en effet établi un <a href="https://www.education.gouv.fr/botexte/bo010405/MENG0100585C.htm"><em>Code de bonnes conduites des interventions des entreprises en milieu scolaire</em></a>, constatant que « les établissements scolaires du second degré, mais aussi du premier degré, nouent de plus en plus fréquemment des contacts et des échanges avec leur environnement économique, culturel et social ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apprendre-la-cuisine-aux-collegiens-pour-quils-se-nourrissent-mieux-77914">Apprendre la cuisine aux collégiens pour qu'ils se nourrissent mieux</a>
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<p>Les campagnes publicitaires dans les établissements scolaires sont aujourd’hui toujours interdites. Néanmoins, le texte ministériel autorise certaines formes de <a href="https://www.education.gouv.fr/botexte/bo010405/MENG0100585C.htm">collaboration entre les entreprises et les écoles</a> à condition qu’elles soient au service d’objectifs pédagogiques. Elles doivent :</p>
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<p>« soit s’inscrire dans le cadre des programmes scolaires soit être liées à l’éducation (culture, civisme, santé…), soit favoriser un apport technique (notamment pour la réalisation de produits multimédias), soit enfin correspondre à une action spécifique (commémoration, action locale) ».</p>
</blockquote>
<p>Sous ces conditions, les « partenariats » avec les entreprises – c’est-à-dire les actions « mises en œuvre sous la forme de soutien, de parrainage, d’actions de sensibilisation, de promotion, d’aides diverses ou de fourniture de “kits” pédagogiques » – sont donc admis.</p>
<p>Cependant, si les entreprises utilisent ce biais pour valoriser leur image, les enseignants et les élèves ne peuvent-ils pas aussi prendre appui sur ces kits sponsorisés pour déconstruire et comprendre les logiques marchandes sous-jacentes ?</p>
<h2>Des supports attractifs</h2>
<p>Prêts à l’emploi, gratuits et facilement accessibles, les kits pédagogiques réalisés pour le compte de marques et filières de l’agroalimentaire affichent comme objectif d’<a href="https://www.bloomsbury.com/us/food-information-communication-and-education-9781350162501/">éduquer à l’alimentation</a> et à la nutrition à travers des matériaux variés : diaporamas, jeux, livrets, coloriages, fiches…</p>
<p>Le recours à ces outils a été favorisé, au cours des dernières décennies, par l’introduction des « éducations à ». Celles-ci attribuent aux écoles non seulement l’enseignement de contenus disciplinaires traditionnels (mathématiques, anglais, histoire…), mais aussi la transmission de connaissances et compétences transversales nécessaires à des attitudes responsables et réflexives concernant, entre autres, le <a href="https://www.education.gouv.fr/l-education-au-developpement-durable-7136">développement durable</a>, la <a href="https://www.education.gouv.fr/l-education-la-sante-dans-les-etablissements-du-second-degre-10796">santé</a>, les <a href="https://www.education.gouv.fr/l-education-artistique-et-culturelle-7496">arts</a> ou encore <a href="https://www.education.gouv.fr/education-l-alimentation-et-au-gout-7616">l’alimentation</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-peut-on-repenser-leducation-a-lalimentation-157375">Comment peut-on repenser l’éducation à l’alimentation ?</a>
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<p>La prolifération de kits pédagogiques sponsorisés par des acteurs économiques se produit donc dans un contexte où l’école est poussée à s’ouvrir davantage au monde qui l’entoure.</p>
<p>Ces kits misent sur des activités divertissantes : dessins animés, lecture d’un conte, devinettes, puzzles, jeux de société… Parallèlement, dans leur présentation, des discours d’autorité tentent de rassurer les adultes, parents et enseignants sur la fiabilité des savoirs disséminés, en faisant référence à des acquis scientifiques ou à l’avis d’experts en nutrition ou aux programmes ministériels.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/504412/original/file-20230113-24-nb0k6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/504412/original/file-20230113-24-nb0k6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/504412/original/file-20230113-24-nb0k6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/504412/original/file-20230113-24-nb0k6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/504412/original/file-20230113-24-nb0k6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/504412/original/file-20230113-24-nb0k6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/504412/original/file-20230113-24-nb0k6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pyramide alimentaire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:La_pyramide_alimentaire_02.jpg">Serge Rumeaux, via Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Par ailleurs, certains kits mettent en avant la légitimation d’instances gouvernementales par l’apposition de labels ou de logos publics. Ainsi, le discours des marques et des <a href="https://www.telerama.fr/debats-reportages/des-lobbies-et-des-lardons-comment-la-filiere-de-la-viande-s-invite-dans-les-ecoles-7011207.php">filières de l’agroalimentaire</a> semble gommer controverses et désaccords autour de l’alimentation des enfants et de la publicité alimentaire et harmoniser les intérêts des différents acteurs impliqués.</p>
<p>Rappelons en particulier que la mise en place de <a href="http://www.histoiredesmedias.com/Publicite-et-obesite-Naissance-d.html">mesures contraignantes en matière de publicité alimentaire</a> a fait l’objet d’une longue controverse entre l’Association nationale des industries agroalimentaires (Ania), le ministère de la Santé, le ministère de la Culture et de la Communication, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), les professionnels des chaînes de télévision, les agences de publicité, les associations de consommateurs, des sociétés savantes. Cette controverse avait abouti en 2016 à la promulgation d’une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/jo/2016/12/21/0296">loi interdisant la publicité commerciale</a> dans les programmes des services nationaux de télévision destinés prioritairement aux enfants de moins de douze ans.</p>
<h2>Le choix des enseignants</h2>
<p>L’État reconnaît aux enseignants une liberté absolue dans le choix de l’utilisation ou non des kits proposés par des entreprises privées. Ce sont eux qui doivent en vérifier la qualité pédagogique. Le ministère de l’Éducation nationale a notamment <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/circulaire/id/1633">confié aux professeurs des écoles</a> et aux responsables des établissements la mission de « veiller aux messages non apparents en première lecture, susceptibles d’être contenus dans ces documents pédagogiques, qui représentent pour l’entreprise un vecteur publicitaire ».</p>
<p>Le « Code de bonnes conduites des interventions des entreprises en milieu scolaire » autorise l’emploi de ressources pédagogiques produites par des acteurs économiques seulement si le parrainage et l’investissement des entreprises sont dictés par des finalités philanthropiques. Cependant, le ministère n’impose pas que ces actions soient anonymes.</p>
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<p>Les entreprises sont donc autorisées à afficher leur statut de partenaire sur les outils mis à disposition. Imprimés discrètement, les logos aident ainsi à identifier les marques, instituts, fondations adossées aux multinationales de l’agroalimentaire qui ont produit le kit. Ainsi s’imbriquent de manière subtile le discours éducatif explicitement arboré et le discours publicitaire implicite.</p>
<h2>Des réactions contrastées</h2>
<p>Dans un contexte de restriction budgétaire chronique, ces kits pédagogiques constituent un « don apprécié » par des enseignants constamment à la recherche de nouveaux supports pour animer leurs séances.</p>
<p>Les enseignants interviewés dans le cadre d’une <a href="https://hal.science/hal-02425587">enquête sur l’éducation à l’alimentation dans des quartiers défavorisés de la ville de Naples</a> ne semblent pas accorder beaucoup d’importance aux buts marchands des supports, plutôt vus comme des « instruments pédagogiques utiles » car « attrayants et particulièrement efficaces ».</p>
<p>Depuis la fin des années 1990, plusieurs mouvements sociaux mettent en cause les diverses formes de médiation marchande dans l’enceinte scolaire. Des associations ont accusé les <a href="https://www.cairn.info/revue-questions-de-communication-2015-1-page-105.htm">actions de marketing menées par l’industrie agroalimentaire</a> au sein des écoles d’aggraver des problèmes de différente nature : habitudes alimentaires malsaines, surpoids et de l’obésité, dégradation des valeurs démocratiques et citoyennes…</p>
<p>Les collectifs associatifs anti-publicitaires ont ainsi mis en place un vaste répertoire d’actions de dénonciation et d’opposition. Leurs mobilisations ont visé notamment à responsabiliser les divers acteurs impliqués dans l’alimentation scolaire, en l’occurrence les parents d’élèves et les enseignants, afin qu’ils prennent conscience du rôle qu’ils peuvent jouer non seulement dans la circulation de savoirs et les normes alimentaires à l’école, mais aussi dans la lutte contre les désordres marchands.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/maman-achete-la-bouteille-jaune-vos-enfants-sont-plus-sensibles-que-vous-a-la-couleur-des-emballages-162016">« Maman, achète la bouteille jaune ! » Vos enfants sont plus sensibles que vous à la couleur des emballages</a>
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<p>Mais la relation entre les stratégies commerciales et les objectifs de l’école est toujours potentiellement complexe et dialectique. En clair, la présence dans les écoles primaires des contenus éducatifs promotionnels ne fonctionne pas forcément comme un cheval de Troie de la culture marchande.</p>
<p>C’est justement dans l’espace de négociation de sens entre visées promotionnelles et décodage interprétatif qu’il y a des marges pour une intervention éducative. Cela veut dire que même là où les logiques marchandes s’insèrent dans l’environnement scolaire, les conditions pour mettre en place une éducation critique à la publicité ne disparaissent pas. Des recherches conduites aux États-Unis, pays où le système scolaire apparaît largement dominé par des entreprises privées, montrent que la <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/edit/10.4324/9781410611642/schools-markets-deron-boyles">philanthropie stratégique des marques</a>, les retombées du matériel didactique sponsorisé ainsi que les raisons qui poussent les entreprises à produire des kits pédagogiques peuvent être questionnées dans les salles de classe.</p>
<p>S’il est donc vrai que « la marchandisation et les partenariats économiques avec l’école promeuvent le matérialisme de la consommation, entravent l’activité critique et altèrent de manière négative ce que veut dire être citoyen », il est vrai aussi que <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/edit/10.4324/9781410611642/schools-markets-deron-boyles">« les écoles peuvent tirer bénéfice des partenariats avec les acteurs économiques en les exploitant comme objet d’analyse pour une consommation et une citoyenneté critiques »</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191392/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Simona De Iulio ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les campagnes de publicité sont interdites dans l’espace scolaire, des kits pédagogiques sur l’alimentation notamment peuvent y être diffusés par des entreprises, à certaines conditions.Simona De Iulio, Professeure des universités en sciences de l'information, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1881902022-11-29T14:55:39Z2022-11-29T14:55:39ZLire à l’écran et lire sur papier, mêmes stratégies ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/480142/original/file-20220819-2804-emmjiq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C7%2C994%2C625&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les stratégies de lecture sont-elles les mêmes à l’écran et sur papier? Les a-t-on adoptées ou transférées à l’écran?</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Écrans d’ordinateur, tablettes, téléphones intelligents… La lecture à l’écran fait partie intégrante de notre quotidien. C’est donc sans surprise que les chercheurs s’y intéressent vivement depuis quelques décennies.</p>
<p>Mais quelles sont les stratégies de lecture qui sont mobilisées sur les supports numériques ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/des-modeles-masculins-pour-developper-lenvie-de-lire-chez-les-garcons-182987">Des modèles masculins pour développer l’envie de lire chez les garçons</a>
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<p>Nous sommes trois chercheures intéressées notamment par la littératie médiatique et nos recherches sont en lien direct avec le milieu scolaire. En éducation, la littératie médiatique correspond à l’enseignement des compétences à lire, à écrire et à s’exprimer oralement au moyen des médias (médias sociaux, vidéos en ligne, journaux, etc.).</p>
<h2>Papier, écran, même mode de fonctionnement ?</h2>
<p>Dans cet article, nous optons pour le terme plus englobant de « lecture à l’écran », et non de « lecture numérique » ou de « lecture en ligne ». En effet, une personne peut consulter un document en format PDF ou dans un logiciel de traitement de texte sans avoir accès à Internet. Elle peut également lire un livre électronique sur une liseuse dans laquelle il n’y a pas d’hyperliens à activer. Enfin, elle peut choisir de lire à l’écran au moyen de navigateurs Web et de faire une recherche par mots-clés pour avoir accès à une information.</p>
<p>Lorsqu’on parle de lecture à l’écran, il peut s’agir de la lecture sur différents supports électroniques (ordinateur, tablette, téléphone, liseuse), de documents numériques ayant une structure linéaire (traitement de texte, PDF) ou de contenus Web de toute nature (textes, hyperliens, vidéos, images fixes, images animées, publicités).</p>
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<img alt="Bel adolescent lisant les nouvelles histoires tendance en ligne sur une tablette avec sa maman" src="https://images.theconversation.com/files/480145/original/file-20220819-22-vf6pat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/480145/original/file-20220819-22-vf6pat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/480145/original/file-20220819-22-vf6pat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/480145/original/file-20220819-22-vf6pat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/480145/original/file-20220819-22-vf6pat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/480145/original/file-20220819-22-vf6pat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/480145/original/file-20220819-22-vf6pat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Lorsqu’on parle de lecture à l’écran, il peut s’agir de la lecture sur différents supports électroniques (ordinateur, tablette, téléphone, liseuse), de documents numériques ayant une structure linéaire ou de contenus Web de toute nature.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>La <a href="https://theconversation.com/lire-sur-papier-lire-sur-ecran-en-quoi-est-ce-different-112493">lecture à l’écran est à la fois similaire et différente de la lecture sur papier</a>. Des <a href="https://r-libre.teluq.ca/831/">stratégies de lecture en version papier sont mobilisées en contexte de lecture à l’écran</a>. Par contre, alors que la lecture traditionnelle sur papier est plus linéaire, celle à l’écran l’est moins. Souvent, la lecture à l’écran se fait par survol (comme la lecture des sous-titres ou en diagonale).</p>
<p>Contrairement à la lecture traditionnelle sur papier, il est plus facile pour le lecteur de dévier de son intention de lecture initiale, en cliquant, par exemple, sur l’<a href="https://books.google.ca/books?hl=en&lr=&id=JnCjwXBNJX4C">hyperlien</a> d’une vidéo ou d’une photo qui ne concerne pas nécessairement son intention de lecture.</p>
<p>La lecture à l’écran implique également l’emploi de compétences informationnelles. Celles-ci sont des savoir-faire permettant de cibler un objet de recherche, de le trouver, d’évaluer l’information trouvée et de la réutiliser au besoin. Par exemple, lorsqu’on lit à l’écran, il est souvent nécessaire de faire une recherche par mots-clés sur un moteur de recherche avec une intention de lecture précise. L’écran du téléphone intelligent ou de la tablette est à portée de main et est souvent plus rapide. C’est ce qui explique que les recherches par mots-clés soient plus fréquentes lorsqu’on lit à l’écran. Par contre, il arrive aussi parfois que l’on doive, par exemple, chercher la définition d’un mot sur notre téléphone cellulaire lorsqu’on lit en version papier.</p>
<p>Cette recherche d’information mobilise alors des stratégies de lecture à l’écran ainsi que des compétences informationnelles qui sont utilisées en constante interaction.</p>
<h2>Confusion entre les stratégies de lecture à l’écran et les compétences informationnelles</h2>
<p>Dans les <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/qf/2010-n159-qf1504492/61599ac.pdf"><strong>recherches</strong></a>, nous notons parfois une confusion entre les stratégies de lecture à l’écran et les compétences informationnelles.</p>
<p>Les <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ncre/2009-v12-n2-ncre0744/1017465ar.pdf"><strong>stratégies de lecture à l’écran</strong></a> permettent de comprendre les informations contenues dans les textes, que ce soit à l’intérieur des phrases, entre les phrases, de façon globale, en interprétant et aussi en rétablissant la compréhension s’il y a eu un problème de compréhension. Le fait de survoler un texte, d’identifier les idées les plus importantes et de prédire la suite d’un texte à l’écran sont des stratégies de lecture, mais elles peuvent aussi l’être en version papier.</p>
<p>Les <a href="https://www.erudit.org/en/journals/fp/1900-v1-n1-fp06343/1081276ar/"><strong>compétences informationnelles</strong></a> font plutôt référence au fait d’effectuer une recherche par mots-clés en raison d’un besoin d’information, et ensuite de localiser, d’évaluer et d’utiliser ces informations en fonction de l’intention de cette recherche d’information. Les compétences informationnelles permettent de vérifier la fiabilité d’une source pour éviter de propager de fausses informations, par exemple. Toutes ces compétences informationnelles sont utilisées en contexte de lecture à l’écran, en interaction avec les stratégies de lecture.</p>
<p>Les interactions constantes entre les stratégies de lecture à l’écran et les <a href="https://www.competencesinformationnelles.ca/"><strong>compétences informationnelles</strong></a> sont représentées dans la figure ci-dessous. Quant aux habiletés techniques (comme utiliser la barre de défilement, les flèches, les fonctions comme CTRL + F), qui permettent de bien fonctionner à l’écran et de maitriser les outils technologiques, elles permettent un va-et-vient entre les stratégies de lecture à l’écran et les compétences informationnelles. Elles ne mobilisent cependant pas la compréhension de texte.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/478096/original/file-20220808-3028-1jr95m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma présentant les interactions entre les stratégies de lecture à l’écran et les compétences informationnelles" src="https://images.theconversation.com/files/478096/original/file-20220808-3028-1jr95m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478096/original/file-20220808-3028-1jr95m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=260&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478096/original/file-20220808-3028-1jr95m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=260&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478096/original/file-20220808-3028-1jr95m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=260&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478096/original/file-20220808-3028-1jr95m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=326&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478096/original/file-20220808-3028-1jr95m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=326&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478096/original/file-20220808-3028-1jr95m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=326&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Il y a des interactions constantes entre les stratégies de lecture à l’écran, les habiletés techniques et les compétences informationnelles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Isabelle Carignan)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<h2>Quelques constats et irritants du milieu scolaire</h2>
<p>Les <a href="https://view.genial.ly/618bf8a74ea7430d73e5ed49"><strong>ressources pédagogiques</strong></a> portant sur les stratégies de lecture applicables à l’écran étant très limitées, les enseignants vont souvent enseigner des stratégies de lecture applicables sur papier issues de différents modèles. Dans certains cas, ne se sentant pas suffisamment outillés, ils préfèrent en enseigner quelques-unes à l’écran ou simplement ne pas les enseigner. De même, ce ne sont pas tous les enseignants qui connaissent les compétences informationnelles ou encore qui les montrent à leurs élèves. Enfin, les stratégies et les compétences sont nombreuses et le vocabulaire utilisé diffère parfois d’un enseignant à l’autre : de quoi ajouter à la confusion que nous constatons parfois quand on parle de lecture à l’écran.</p>
<p>Par ailleurs, au secondaire, cet enseignement de stratégies et de compétences se retrouve souvent dans la cour des enseignants de français. Les enseignants des autres disciplines (mathématique, science) ne sont pas outillés et n’outillent pas nécessairement les élèves avec des stratégies de lecture à l’écran, par exemple. Au primaire, bien que les titulaires enseignent toutes les disciplines, l’enseignement des stratégies de lecture à l’écran n’est pas nécessairement réalisé non plus.</p>
<p>Les stratégies de lecture à l’écran et les compétences informationnelles sont importantes à mobiliser, et ce, <a href="http://www.litmedmod.ca/sites/default/files/pdf/r2-lmm_vol15_legault-et-al.pdf">dans toutes les matières</a>. Dès un très jeune âge, le numérique est omniprésent autant en salle de classe que dans la vie personnelle des élèves. Afin d’outiller adéquatement ces derniers, il apparait nécessaire de sensibiliser les enseignants à l’importance de les montrer à leurs élèves.</p>
<p>D’autant qu’être – ou devenir – des citoyens numériques critiques et éclairés est crucial pour éviter de croire de fausses informations ou de les propager.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/188190/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rien à déclarer</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>France Legault et Isabelle Carignan, Ph.D. ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Contrairement à la lecture sur papier, il est facile pour le lecteur de dévier de son intention de lecture initiale, en cliquant par exemple sur un hyperlien.Isabelle Carignan, Ph.D., Professeure titulaire, Université TÉLUQ France Legault, conseillère pédagogique RÉCIT- responsable d'équipe, Université TÉLUQ Marie-Christine Beaudry, Professeure en didactique du français, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1911152022-11-20T15:59:12Z2022-11-20T15:59:12Z« L’envers des mots » : Dégenrer<p><em>À mesure que des questions de société émergent et que de nouveaux défis s’imposent aux sciences et technologies, notre vocabulaire s’étoffe, s’adapte. Des termes qu’on croyait déjà bien connaître s’enrichissent de significations inédites, des mots récemment créés entrent dans le dictionnaire. D’où viennent-ils ? En quoi nous permettent-ils de bien saisir les nuances d’un monde qui se transforme ? De « validisme » à « silencier », de « bifurquer » à « dégenrer », les chercheurs de The Conversation s’arrêtent deux fois par mois sur l’un de ces néologismes pour nous aider à mieux les comprendre, et donc mieux participer au débat public.</em></p>
<hr>
<p>« La langue comme les mots ont une histoire. Une langue qui n’évolue plus, qui se fige, est une langue morte », disait l’écrivaine Thérèse Moreau. L’entrée du verbe <a href="https://dictionnaire.lerobert.com/definition/degenrer">« dégenrer »</a> dans le <em>Petit Robert</em> en 2022 symbolise ainsi une avancée de la langue française vers une société plus inclusive puisque, selon la définition didactique, il s’agit de « supprimer toute distinction en fonction du genre pour favoriser la mixité et l’égalité ».</p>
<p>Pour rompre avec ce cercle vicieux, il s’agirait donc d’« ôter le genre ou toute notion de genre de quelque chose », pour tendre vers une société « dégenrée », reflet de l’époque. Cette démarche est motivée par le poids persistant des stéréotypes sexistes, qui favorise toujours des processus de construction des inégalités, alors même que nous sommes dans une société de droit.</p>
<p>Dans son rapport en 2014 relatif à la lutte contre les stéréotypes, le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes définit les <a href="https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/stereotypes-et-roles-sociaux/travaux-du-hce/article/rapport-relatif-a-la-lutte-contre-935">stéréotypes de genre</a> comme étant « des représentations schématiques et globalisantes sur ce que sont et ne sont pas les filles et les garçons, les femmes et les hommes […] qui outillent les discriminations et servent à légitimer à priori les inégalités », tout en sachant qu’elles ne sont pas la source des inégalités.</p>
<p>Subvertir les différenciations sexuées, ce n’est pas abolir les différences anatomiques ni le corps érotique, comme l’explique la psychologue Pascale Molinier dans <a href="https://www.scienceshumaines.com/l-enigme-de-la-femme-active-egoisme-sexe-et-compassion_fr_3367.html"><em>L’énigme de la femme active</em></a>. C’est supprimer la valence différentielle des attributs féminins et masculins, et donc les libérer des obstacles sociaux qui neutralisent le pouvoir d’agir, réduisant chacun à une catégorie. Aussi parle-t-on de dégenrer les cours d’école, les jeux ou encore la mode, avec l’apparition par exemple de vêtements unisexes ou de « dress codes » éclatés.</p>
<p>Comment expliquer aux garçons comme aux filles qu’ils et elles peuvent jouer au ballon, et que peu importe qu’il soit rose ou bleu ? Comment sortir des assignations du type « les hommes doivent » ou « les femmes ne peuvent pas » ? Des actions de formation, de sensibilisation sont attendues pour renverser ce système de normes. Les <a href="https://www.education.gouv.fr/bo/13/Hebdo6/MENE1300072X.htm?cid_bo=67018">enjeux d’éducation</a> sont au cœur de cette dynamique, et les livres, les jouets, les jeux vidéo, les cours de récréation deviennent un enjeu de lutte contre les discriminations sexistes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/mixite-scolaire-que-peuvent-apporter-les-cours-de-recreation-non-genrees-183502">Mixité scolaire : que peuvent apporter les cours de récréation « non genrées » ?</a>
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<p>« Dégenrons le monde pour plus d’égalité » nous dit Alison Allard, professeur des écoles et créatrice du podcast <a href="https://podcasts.apple.com/mr/podcast/maternelled%C3%A9genr%C3%A9e/id1547411163"><em>Maternelle dégenrée</em></a>, qui veut « remettre en question les stéréotypes de genre dès l’école maternelle ». L’objectif est de questionner les pratiques, les regards sur l’égalité, de « dégenrer nos interactions en classe », en s’attardant à la manière dont on parle aux élèves, à la place qu’on donne aux filles et aux garçons dans les activités. Il s’agit aussi de « dégenrer » les cours de récréation, monopolisées par les garçons, leurs rapports virilistes et leurs jeux de ballon transformant le centre de la cour en terrain de foot, alors que les filles sont reléguées aux espaces plus périphériques, avec des jeux plus discrets.</p>
<p>D’envergure universelle, ce « dégenrement » a également pour but l’inclusion des nouveaux genres. « No gender », « non binaire », « gender fluid », des personnes remettent en cause la dimension fixe et binaire du genre : soit elles sont nomades dans le genre, soit elles préfèrent ne pas dire leur genre. La non-binarité se traduit au quotidien pour certains, de « ne pas faire de choix en fonction de son genre » et de changer d’apparence en fonction de ses envies : porter un jogging ; un autre jour, des talons. Faire fi du genre exige quelques innovations linguistiques, de prénoms unisexes à l’usage du <a href="https://theconversation.com/iel-itineraire-dune-polemique-172338">pronom « iel »</a>. Aujourd’hui, le « no gender » n’est pas une revendication, c’est l’histoire d’une génération, celle des millennials (15-25 ans), qui a grandi avec Internet et le mariage gay et pour qui le X ou le Y n’est pas un curseur, ni une problématique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191115/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christine Gautier Chovelon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’entrée en 2022 du verbe « dégenrer » dans le Petit Robert symbolise une avancée de la langue française vers une société plus inclusive.Christine Gautier Chovelon, Enseignante chercheure en sciences de l'éducation et de la formation - Affiliée au laboratoire de recherche LINE, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1933342022-11-07T19:52:10Z2022-11-07T19:52:10ZÉcole à la maison : les familles face à de nouvelles règles<p>L’instruction est obligatoire en France depuis par la loi Ferry du 28 mars 1882. Si le principe est le droit à l’instruction assuré par l’État, dans des établissements publics, ou privés, un droit à l’instruction est adapté par exception aux parents, issu du principe de liberté d’enseignement, corollaire du droit à l’instruction en famille.</p>
<p>Depuis plusieurs décennies, plusieurs restrictions à ce recours à l’instruction en famille se sont succédé, jusqu’à la plus récente en 2022, avec le passage d’un régime de déclaration par la famille à une <a href="https://www.education.gouv.fr/l-instruction-dans-la-famille-340514">autorisation préalable</a> délivrée par les services académiques, qui constitue une restriction sans précédent à ce mode d’instruction.</p>
<p>En France, la quasi-totalité des enfants et des adolescents d’« âge scolaire », suivent leurs études dans un établissement, public pour 82,7 % d’entre eux, privé sous contrat avec l’État pour 16,5 % ou bien privé hors contrat (0,5 %), selon le <a href="https://www.education.gouv.fr/reperes-et-references-statistiques-2022-326939">ministère de l’Éducation</a>. Cependant, une population, certes minoritaire, de l’ordre de 0,3 % des élèves, décide de suivre une instruction en famille.</p>
<p>Selon les <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-pedagogie-2018-4-page-5.htm">chercheurs Philippe Bongrand et Dominique Glasman</a>, on compterait 30 139 enfants en instruction à domicile, ce à quoi il faut ajouter les très nombreux enfants pauvres privés d’école, évalués par des associations à 100 000 personnes. Sur ces 30 000 jeunes officiellement recensés, 16 000 relèvent de contraintes telles des impératifs de santé, le suivi d’un sport de haut niveau, le fait d’être enfants de parents itinérants. Pour 14 000 autres, il s’agit d’un <a href="https://journals.openedition.org/rfp/8581">choix éducatif de la famille</a>.</p>
<p>Malgré les très faibles effectifs concernés, depuis une dizaine d’années, il semble que le phénomène soit croissant et de plus en plus médiatisé, notamment avec la diffusion du « homeschooling » en Amérique du Nord.</p>
<h2>Contrôles renforcés</h2>
<p>Dans <a href="https://sphinxdeclic.com/d/s/3wrd5q">notre enquête menée à l’été 2022</a> auprès des familles, nous repérons que les cadres et professions intellectuelles et les sans profession sont surreprésentées parmi les familles faisant ce choix de l’instruction à domicile, hors contraintes liées à la santé ou des circonstances particulières. Ces parents ont plus fréquemment que la moyenne vécu en tant qu’enfants le homeschooling et l’ont en ce cas bien vécu. Dans notre échantillon, recueilli par les associations – soit les familles les plus engagées –, leurs motivations se classent en trois catégories :</p>
<ul>
<li><p>la recherche d’une alternative à la forme scolaire incarnant la flexibilité des rythmes d’apprentissages et le souci de l’épanouissement du bien-être ;</p></li>
<li><p>un vécu de <a href="https://www.cairn.info/revue-adolescence-2011-3-page-637.htm">souffrances ou de malaise scolaires</a> et les répondants citent harcèlement, phobie scolaire¸ cauchemar, eczéma, etc. ;</p></li>
<li><p>Une inclusion jugée insuffisante pour des enfants à besoins particuliers ou avec troubles de l’apprentissage.</p></li>
</ul>
<p>Les différents études et rapports suggèrent que les <a href="https://eduscol.education.fr/document/3366/download">cas d’instruction en famille</a> induits par des formes de radicalismes demeurent exceptionnels</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/kciTdJmRx0I?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Nantes : ces familles qui militent pour défendre l’école à la maison (France 3 Pays de la Loire, 2020).</span></figcaption>
</figure>
<p>Avant le passage du régime de déclaration préalable à l’autorisation académique, des sénateurs avaient déjà proposé, e décembre 2013, de <a href="https://www.senat.fr/leg/ppl13-245.html">limiter le recours à l’instruction à domicile</a> au motif que</p>
<blockquote>
<p>« l’un des buts de la scolarisation de l’enfant est sa socialisation. Celle-ci nécessite une éducation qui ait une dimension collective[…]. Dans cet esprit, l’éducation à domicile par la famille ne peut être qu’une situation exceptionnelle, liée à l’état de santé ou à l’incapacité permanente ou temporaire de l’enfant. Elle ne peut être le prétexte d’une désocialisation volontaire, destinée à soumettre l’enfant, particulièrement vulnérable, à un conditionnement psychique, idéologique ou religieux. »</p>
</blockquote>
<p>Plus récemment, les questions de « radicalisation » et de « dérives sectaires » ont renforcé ces velléités de contrôle. En janvier 2015, la mesure 9 pour une grande <a href="https://sbssa.discip.ac-caen.fr/IMG/pdf/11mesures_laicite-jan2015_416043.pdf">mobilisation de l’école pour les valeurs de la République</a> renforce le contrôle de l’instruction dans la famille. Selon la <a href="https://www.gouvernement.fr/actualite/grande-mobilisation-de-l-ecole-pour-les-valeurs-de-la-republique">circulaire du 14 avril 2017</a>,</p>
<blockquote>
<p>« la vérification de l’acquisition de l’ensemble des connaissances et des compétences du socle commun est un des moyens qui peut permettre d’apprécier si l’enfant est soumis à une emprise contraire à son intérêt, notamment une emprise sectaire, ou s’il se trouve dans un contexte de risque de radicalisation. »</p>
</blockquote>
<p>La loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance consacre son Chapitre III au « renforcement du contrôle de l’instruction ».</p>
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<p>Depuis la fin des années 1990, la tendance est donc celle d’un encadrement croissant et de renforcements successifs du contrôle, avec comme point d’orgue le nouveau régime de l’autorisation préalable avec la <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/277621-loi-separatisme-respect-des-principes-de-la-republique-24-ao%C3%BBt-2021">loi n° 2021-1109 du 24 août 2021</a>, qui durcit l’accès à ce mode d’apprentissage dès la rentrée 2022 :</p>
<blockquote>
<p>« La scolarisation de tous les enfants dans un établissement scolaire devient obligatoire à la rentrée 2022 et l’instruction d’un enfant en famille dérogatoire. L’école à la maison sera soumise à autorisation (et non plus seulement à déclaration). »</p>
</blockquote>
<p>Le <a href="https://www.conseil-etat.fr/publications-colloques/rapports-d-activite/2020/l-instruction-a-domicile-poser-un-cadre-sans-interdire">premier projet de loi confortant le respect des principes de la République</a> avait été censuré par le Conseil d’État, notamment en ce que les dérives et carences des familles pratiquant l’instruction en famille étaient anecdotiques et que les difficultés liées à ce régime ne constituaient pas un motif d’interdiction valable.</p>
<h2>Recours judiciaires</h2>
<p>À la rentrée 2022, pour une première année d’instruction en famille, les familles devaient soumettre une demande d’autorisation au directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN) du département, assortie d’un projet éducatif. En cas de refus, la famille peut contester la décision par un recours administratif préalable obligatoire. En cas de rejet, la saisine du juge administratif est possible, certaines familles ayant même initié un référé-suspension visant à suspendre la décision rectorale en attente du jugement de fond du tribunal administratif.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/I7V9ewA-5-w?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Durcissement des critères pour l’école à la maison (France 3 Midi-Pyrénées, octobre 2022).</span></figcaption>
</figure>
<p>Pour la rentrée 2022,les <a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/030922/ecole-la-maison-des-familles-se-heurtent-aux-refus-en-serie-des-rectorats">refus des rectorats</a> ont été nombreux. Interrogé à ce sujet le 2 août 2022, en Commission des affaires culturelles et de l’éducation au sein de l’Assemblée nationale, le ministre Pap Ndiaye indiquait que 53 % des demandes d’autorisation en instruction en famille avaient été acceptées pour le motif « situation propre à l’enfant », précisant que des contrastes très forts existe selon les académies : « Dans certains départements, c’est un non très massif, dans d’autres c’est plus ouvert »… d’où la question de l’harmonisation nationale. <a href="https://www.village-justice.com/articles/ecole-maison-quels-recours-cas-refus-autorisation-instruction-famille,43909.html">Des recours face aux refus</a> se sont multipliés.</p>
<hr>
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<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/instruction-a-domicile-de-quoi-parle-t-on-147479">Instruction à domicile : de quoi parle-t-on ?</a>
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<hr>
<p>Dans les recours contre un refus d’instruction en famille, l’urgence à statuer a été retenue par le juge par décision du tribunal administratif de Lille du 11 juillet 2022 ou par celle du tribunal administratif de Rouen, du 15 juillet 2022. Le 3 août 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse définit de qu’il faut entendre par « l’intérêt propre à l’enfant », considérant que</p>
<blockquote>
<p>« les deux seuls critères sur lesquels l’administration doit se fonder pour apprécier l’existence d’un intérêt propre à l’enfant sont la capacité des parents à assurer l’instruction en famille, d’une part, et d’autre part la transmission d’un projet pédagogique adapté à l’enfant. Le juge des référés écarte ainsi toute possibilité pour le rectorat d’obliger les parents à démontrer l’impossibilité de scolariser l’enfant. »</p>
</blockquote>
<p>Le tribunal de Rennes, qui est le premier à statuer sur le fond, le <a href="https://www.ouest-france.fr/bretagne/bretagne-instruction-en-famille-selon-la-justice-le-rectorat-a-commis-une-erreur-de-droit-693c2fbc-4981-11ed-8da3-410856ccb182">10 octobre 2022</a>, relève que la loi ne conditionnait pas la délivrance de l’autorisation à une impossibilité de scolarisation ; cette condition a bien existé mais uniquement dans les intentions du pouvoir exécutif. Elle ne peut être regardée comme une norme légale.</p>
<blockquote>
<p>« En estimant que le projet pédagogique proposé par les requérants n’était pas suffisamment articulé avec les rythmes de leurs enfants, ni adapté à leurs acquis, en l’absence d’objectifs et de progressions qui leur seraient propres, la commission pédagogique a fondé sa décision sur des exigences excédant les seuls critères d’appréciation fixés par les dispositions précitées des articles L. 131-5 et R. 131-11-5 du code de l’éducation et a donc commis une erreur de droit. »</p>
</blockquote>
<p>Le passage d’un régime de déclaration préalable à un régime soumis à autorisation est inédit en France et, dans sa note de synthèse sur <a href="https://mje.mcgill.ca/article/view/9675/7591">l’apprentissage en famille dans les pays occidentaux</a>, la chercheuse Marine Dumond montre que si, dans la majorité des pays occidentaux, les parents ont le droit de pratiquer l’apprentissage en famille, des différences s’observent d’un pays ou d’un état à l’autre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193334/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Beatrice Mabilon-Bonfils ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis 2022, la donne a changé pour l’éducation à domicile : les familles qui souhaitent la pratiquer doivent au préalable demander une autorisation aux services académiques.Beatrice Mabilon-Bonfils, Sociologue, Directrice du laboratoire BONHEURS, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1901982022-10-04T13:20:13Z2022-10-04T13:20:13ZL’ergothérapie au bénéfice de la santé mentale des élèves<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/484114/original/file-20220912-22-lvfozc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C2%2C992%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les ergothérapeutes en milieu scolaire peuvent favoriser le bien-être des élèves par le biais d’activités importantes et porteuses de sens (jouer, pratiquer une activité physique, créer une oeuvre).</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>La pandémie de Covid-19 a mis en évidence le <a href="https://doi.org/10.1007/s00787-021-01744-3">rôle important des activités et des routines pour la santé mentale des enfants et des jeunes</a>. Mais cet <a href="https://www.cse.gouv.qc.ca/publications/sante-mentale-enfants-ado-50-0512/">enjeu important de santé publique</a> ne date pas d’hier. Malheureusement, <a href="https://commissionsantementale.ca/ce-que-nous-faisons/enfants-et-jeunes/">peu d’enfants bénéficient des services requis à cet égard</a>.</p>
<hr>
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<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/changements-climatiques-repenser-nos-actions-aujourdhui-pour-assurer-le-bien-etre-des-generations-futures-170690">Changements climatiques : repenser nos actions aujourd’hui pour assurer le bien-être des générations futures</a>
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</em>
</p>
<hr>
<p>Afin de contrer les diverses <a href="https://doi.org/10.1007/s00787-019-01469-4">barrières à l’accès aux services de santé mentale</a>, il est recommandé <a href="https://myaota.aota.org/shop_aota/product/900470U">d’intervenir directement dans les milieux de vie des jeunes, dont l’école</a>. <a href="https://myaota.aota.org/shop_aota/product/900470U">Les ergothérapeutes en milieu scolaire peuvent jouer un rôle important en ce sens</a>, notamment en favorisant leur participation et leur bien-être par le biais d’activités importantes et porteuses de sens (jouer, pratiquer une activité physique, créer une œuvre). Cependant, ces professionnels seraient peu appelés à agir en matière de santé mentale au <a href="https://cje-rce.ca/wp-content/uploads/sites/2/2019/03/RCE%CC%81_42-1_Jasmin-1.pdf">Québec</a> et <a href="https://www.caot.ca/document/3978/may_AEmai14.pdf">ailleurs au Canada</a>, ce qui peut s’expliquer par une méconnaissance de leur rôle dans ce domaine.</p>
<p>Je suis professeure en ergothérapie à l’Université de Sherbrooke et je m’intéresse aux services et interventions en ergothérapie destinés aux enfants et aux jeunes, spécialement dans le domaine de la santé mentale et dans les milieux scolaires et défavorisés. Des étudiantes et moi avons réalisé une recension des écrits, afin de relever les interventions efficaces et prometteuses que peuvent réaliser les ergothérapeutes en milieu scolaire en matière de santé mentale.</p>
<h2>Favoriser la participation dans la vie de tous les jours</h2>
<p>L’ergothérapie est une profession qui aide des personnes de tout âge à participer aux activités qu’elles souhaitent ou ont besoin de faire dans leur vie de tous les jours. Ces activités peuvent inclure manger, s’habiller, s’amuser, étudier, travailler, prendre soin, se reposer, etc. Les ergothérapeutes prennent en compte des facteurs à la fois personnels, environnementaux et <a href="https://www.caot.ca/document/4210/L%20-%20Les%20occupations%20et%20la%20sant%C3%A9%20(2008).pdf">occupationnels</a> pour analyser et améliorer la participation des personnes. En soutenant leur participation dans des activités valorisées et signifiantes, ces professionnels contribuent à favoriser leur santé mentale.</p>
<p>Aux États-Unis, des ergothérapeutes s’appuient sur l’approche <a href="https://www.rfre.org/index.php/RFRE/article/view/162/159">« Every Moment Counts »</a> pour promouvoir le bien-être mental des jeunes à l’école. Cette approche ergothérapique met l’accent sur la possibilité de vivre des expériences et des émotions positives en ciblant les habiletés des jeunes, mais aussi, et surtout, leur contexte environnemental ainsi que leurs activités. Every Moment Counts propose des interventions universelles, de groupe et individualisées.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/484108/original/file-20220912-24-jf2ba0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="élèves mangent dans une cafétéria à l’école" src="https://images.theconversation.com/files/484108/original/file-20220912-24-jf2ba0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484108/original/file-20220912-24-jf2ba0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484108/original/file-20220912-24-jf2ba0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484108/original/file-20220912-24-jf2ba0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484108/original/file-20220912-24-jf2ba0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484108/original/file-20220912-24-jf2ba0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484108/original/file-20220912-24-jf2ba0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un climat positif et convivial lors des repas favorise la participation et la socialisation des élèves.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Dans le cadre de l’approche Every Moment Counts, des ergothérapeutes proposent le programme <a href="https://research.aota.org/ajot/article-abstract/72/3/7203205050p1/6436/The-Comfortable-Cafeteria-Program-for-Promoting?redirectedFrom=fulltext">« Comfortable Cafeteria »</a>, afin de créer un climat positif et convivial lors des repas, qui favorise la participation et la socialisation des élèves. Pour ce faire, de la formation et de l’accompagnement hebdomadaire sont offerts au personnel surveillant à la cafétéria. Selon une <a href="https://research.aota.org/ajot/article-abstract/72/3/7203205050p1/6436/The-Comfortable-Cafeteria-Program-for-Promoting?redirectedFrom=fulltext">étude</a>, ce programme est efficace pour améliorer les connaissances et les compétences du personnel surveillant à la cafétéria, ainsi que pour favoriser le plaisir et la convivialité chez les élèves lors des repas.</p>
<p>Les ergothérapeutes peuvent aussi utiliser et recommander des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32204773/">interventions axées sur l’activité</a>. Les plus probantes pour améliorer la santé mentale, les comportements et la participation sociale des jeunes incluraient l’utilisation du yoga, du sport, du jeu ou des arts créatifs.</p>
<h2>Répondre aux besoins sensoriels des élèves</h2>
<p>Les ergothérapeutes en milieu scolaire proposent fréquemment des interventions pour répondre aux besoins sensoriels des élèves, dans le but de soutenir leur bien-être, leur <a href="https://www.ontario.ca/fr/document/programme-de-la-maternelle-et-du-jardin-denfants-2016/reflexion-sur-lautoregulation-et-le-bien-etre">autorégulation</a> (ajustement du degré d’éveil selon l’activité ou la situation) et leur participation. Le <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0308022616639989?journalCode=bjod">« Sensory activity schedule »</a> en est un bon exemple. Il s’agit d’un programme d’activités et de modifications de l’environnement (s’asseoir sur un coussin d’air, être massé à l’aide d’un ballon thérapeutique), élaboré et appliqué en collaboration avec le personnel enseignant, et intégré dans la routine scolaire. Ce programme peut être recommandé auprès des élèves présentant des particularités sensorielles, dont les <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/AIA-05-2019-0015/full/html">élèves autistes</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/484110/original/file-20220912-6429-8hk6qh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un kinésithérapeute aide un petit garçon assis sur un ballon de gymnastique pendant une rééducation dans un hôpital pour enfants" src="https://images.theconversation.com/files/484110/original/file-20220912-6429-8hk6qh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484110/original/file-20220912-6429-8hk6qh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484110/original/file-20220912-6429-8hk6qh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484110/original/file-20220912-6429-8hk6qh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484110/original/file-20220912-6429-8hk6qh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484110/original/file-20220912-6429-8hk6qh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484110/original/file-20220912-6429-8hk6qh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Certaines activités et modifications de l’environnement peuvent améliorer l’autorégulation des élèves.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Des ergothérapeutes utilisent également le <a href="https://www.alertprogram.com/">« Alert Program »</a> pour aider des enfants d’âge scolaire à s’autoréguler. À travers ce programme, les élèves apprennent à reconnaître leur degré d’éveil et à utiliser des stratégies sensorimotrices (changer de position, manipuler une balle, faire des étirements) pour les aider à s’autoréguler, de manière socialement appropriée. Le personnel enseignant peut aussi être formé et accompagné pour implanter ce programme.</p>
<p>Des études soutiennent que le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/19411243.2018.1432445">Alert Program peut améliorer l’autorégulation des élèves</a>. Il leur <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13632752.2014.903593">permet de mieux comprendre leur comportement, ainsi que d’appliquer des stratégies d’autorégulation</a>. Cela peut d’ailleurs <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0008417415627665">faciliter la gestion de classe</a>.</p>
<h2>Soutenir et accompagner le personnel scolaire, les parents et les pairs</h2>
<p>En ergothérapie, offrir de la <a href="https://research.aota.org/ajot/article-abstract/74/2/7402180050p1/6679/Interventions-Supporting-Mental-Health-and?redirectedFrom=fulltext">formation au personnel enseignant et aux parents</a> ainsi que des <a href="https://research.aota.org/ajot/article/74/2/7402180030p1/6676/Interventions-Within-the-Scope-of-Occupational">interventions auprès des élèves avec le soutien des parents et des pairs</a> fait partie des pratiques probantes pour favoriser la santé mentale, les comportements positifs et la participation sociale des enfants et des jeunes.</p>
<p>De l’accompagnement au personnel scolaire peut également être offert, notamment selon le <a href="https://www.google.ca/books/edition/Occupational_Performance_Coaching/8AfpDwAAQBAJ?hl=fr&gbpv=0">« Occupational Performance Coaching »</a>. Dans le cadre de cette intervention, l’ergothérapeute guide la personne dans l’analyse des buts fixés, ainsi que dans la recherche et l’implantation de solutions pour les atteindre. En combinaison avec un atelier sur l’autorégulation, un projet pilote a révélé le potentiel de cette intervention pour <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0008417415627665">aider le personnel enseignant avec l’utilisation de stratégies d’autorégulation et la gestion de classe</a>.</p>
<h2>Encourager les enfants à jouer</h2>
<p>Les ergothérapeutes peuvent porter une attention spéciale au jeu des enfants, une <a href="http://www.portailenfance.ca/wp/modules/readaptation-a-bases-communautaires/jeux/">activité essentielle pour leur développement et leur bien-être</a>. Le programme <a href="https://www.learntoplayevents.com/">« Learn to play »</a> s’adresse aux enfants présentant des problèmes de développement et cible l’amélioration de leur jeu symbolique (« faire semblant ») et des habiletés associées. Ce programme serait efficace pour <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1440-1630.2012.01018.x">développer les habiletés sociales et langagières des élèves autistes</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/484111/original/file-20220912-22-26b15b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="enfants jouent à la marelle dans la cour d’école" src="https://images.theconversation.com/files/484111/original/file-20220912-22-26b15b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484111/original/file-20220912-22-26b15b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484111/original/file-20220912-22-26b15b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484111/original/file-20220912-22-26b15b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484111/original/file-20220912-22-26b15b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484111/original/file-20220912-22-26b15b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484111/original/file-20220912-22-26b15b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le jeu dans la cour de récréation améliore les interactions sociales et les habiletés de jeu des élèves.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>De plus, le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/19411243.2017.1325818">jeu dans la cour de récréation</a> peut être une intervention en ergothérapie. Il s’agit d’un contexte riche sur le plan sensorimoteur pour améliorer, entre autres, l’autorégulation, les interactions sociales et les habiletés de jeu des élèves. De l’équipement de jeu peut également être recommandé par l’ergothérapeute, favorisant ainsi l’inclusion et la participation de tous.</p>
<h2>Aider les jeunes présentant de l’anxiété</h2>
<p>Des ergothérapeutes offrent des interventions de groupe à des jeunes présentant de l’anxiété, dont les programmes <a href="https://nmcdn.io/e186d21f8c7946a19faed23c3da2f0da/5ef2e685c81348acbb22d12524a5a4be/files/59E1-A-McCarthy.pdf">« Group Mindfulness Therapy »</a> et <a href="https://acamh.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/camh.12270">« Kia Piki te Hauora »</a> (nom maori qui peut se traduire par « Accroître notre santé et notre bien-être »).</p>
<p>Group Mindfulness Therapy, un programme de pleine conscience, vise à renforcer les habiletés de pleine conscience, comme l’attention au moment présent, l’acceptation de soi et la compassion. Selon une étude, ce programme <a href="https://acamh.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/camh.12214">peut améliorer l’attention ainsi que réduire le stress et l’anxiété</a>.</p>
<p>Kia Piki te Haoura a pour but de promouvoir le bien-être psychologique par le biais d’activités quotidiennes et signifiantes (sommeil, activité physique, communication). Ce programme a démontré des <a href="https://acamh.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/camh.12270">effets positifs sur la satisfaction des jeunes concernant leur participation et leur niveau d’anxiété selon le point de vue du personnel enseignant</a>.</p>
<p>En somme, les ergothérapeutes peuvent favoriser la santé mentale des élèves en milieu scolaire en proposant des interventions qui améliorent leur participation, leur bien-être et leurs habiletés, de même que leurs expériences, leur routine et leur contexte scolaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190198/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuelle Jasmin est professeure titulaire et directrice du programme d'ergothérapie de l'Université de Sherbrooke, ainsi que membre de l'Ordre des ergothérapeutes du Québec et de l'Association canadienne des ergothérapeutes. Elle a reçu, à titre de cochercheuse, des financements du Réseau de recherche en santé des populations du Québec et de l'Agence de santé publique du Canada. </span></em></p>En soutenant la participation des élèves dans des activités valorisées et signifiantes, les ergothérapeutes contribuent à favoriser leur santé mentale.Emmanuelle Jasmin, Professeure titulaire en ergothérapie, Université de Sherbrooke, Université de Sherbrooke Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1899292022-09-23T15:18:29Z2022-09-23T15:18:29ZDiscutez avec votre ado, il sera plus motivé à l'école !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/484887/original/file-20220915-16-vd84hy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C4%2C995%2C661&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En initiant des discussions avec leurs adolescents et en s'intéressant à leur vécu avec empathie, les parents peuvent jouer un rôle important dans le parcours scolaire.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>En ce début d’année scolaire, de nombreux parents se questionnent sur les meilleures stratégies pour favoriser la motivation des adolescents. De l’école primaire au secondaire, la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/01443410.2015.1113236">motivation scolaire tend à diminuer chez les jeunes</a>. Or, les parents peuvent jouer un rôle protecteur en s’impliquant dans leur vie.</p>
<p>Nous avons mené une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10212-022-00633-w">étude</a> qui démontre que la supervision parentale est liée à la motivation scolaire durant les études secondaires.</p>
<h2>L’importance des discussions entre parents et adolescents</h2>
<p>Durant l’adolescence, la supervision parentale se transforme puisque les jeunes deviennent plus indépendants. Ainsi, les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/17405629.2018.1476233">parents utilisent différents comportements</a> afin d’obtenir des informations sur leurs amitiés, leur parcours scolaire et leurs activités. Parmi ces stratégies, la sollicitation parentale semble être la clé pour favoriser la motivation scolaire.</p>
<p>La <a href="https://psycnet.apa.org/fulltext/2000-03210-007.html">sollicitation parentale</a> consiste à prendre le temps de discuter avec son adolescent sur une base régulière. Plusieurs parents initient une conversation en proposant à leur jeune de s’asseoir et de leur raconter comment s’est déroulée leur journée à l’école.</p>
<p>En donnant aux adolescents l’occasion de s’exprimer, les parents initient des échanges qui permettent d’augmenter leur <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0361476X20300254?via%3Dihub">motivation scolaire autonome</a>. Ce type de motivation se développe lorsque les adolescents vont à l’école par intérêt personnel ou parce qu’ils endossent de manière autonome son importance. Autrement dit, la sollicitation parentale favorise la volonté des adolescents de s’engager personnellement et sans pression dans leurs études. Nos résultats révèlent qu’au-delà de ce qui est dit lors des diverses conversations, c’est le fait de prendre le temps de discuter avec les adolescents qui augmente leur motivation autonome.</p>
<p>De plus, notre étude démontre que la sollicitation parentale n’est pas associée significativement à la motivation scolaire contrôlée. La <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0361476X20300254">motivation contrôlée</a> fait référence à diverses pressions d’aller à l’école, tels l’obtention d’une récompense ou l’évitement d’une punition. La sollicitation parentale ne génère donc pas de pressions supplémentaires pour les adolescents de s’engager dans leurs études.</p>
<p><a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10212-022-00633-w">Notre étude</a> a également montré que la sollicitation parentale permet de diminuer l’amotivation, qui est définie par une absence de motivation. Dans ce cas, les élèves sentent qu’ils perdent leur temps à l’école et n’y voient pas d’intérêt. L’amotivation constitue un précurseur du décrochage scolaire.</p>
<h2>Stratégies pour favoriser des discussions harmonieuses</h2>
<p>En plus d’initier des conversations sur une base régulière, il existe différentes stratégies pour <a href="https://doi.org/10.1037/a0039325">répondre au besoin d’autonomie des adolescents</a> et ainsi, favoriser des discussions harmonieuses.</p>
<p>Voici <a href="https://doi.org/10.1037/0012-1649.43.3.633">quelques stratégies</a> :</p>
<ul>
<li><p>Prendre la perspective de l’adolescent et démontrer de l’empathie ;</p></li>
<li><p>Permettre à l’adolescent de faire ses propres choix, dans les limites établies</p></li>
<li><p>Être sensible à ses besoins ;</p></li>
<li><p>Être ouvert aux pensées et aux sentiments de l’adolescent, même s’ils sont différents des nôtres ;</p></li>
<li><p>Expliquer à l’adolescent pourquoi on lui fait certaines demandes ou pourquoi les limites sont établies.</p></li>
</ul>
<h2>Les adolescents peuvent influencer leurs parents</h2>
<p>Les scientifiques étudient fréquemment les différents effets que peuvent avoir les comportements parentaux sur le développement de leurs adolescents. Pourtant, les parents adaptent leurs comportements en fonction des caractéristiques de leurs jeunes. Il est donc important de tenir compte de la nature dynamique de la relation parent-enfant.</p>
<p>En ce sens, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10212-022-00633-w">dans notre étude</a>, nous souhaitions aussi examiner les influences potentielles de la motivation scolaire des jeunes sur la sollicitation parentale. Ainsi, nous avons constaté que plus les adolescents ont une motivation autonome en troisième ou quatrième année du secondaire, plus les parents augmentent leur sollicitation parentale l’année suivante. Ceci met en évidence le fait que les relations entre parent et enfant sont réciproques, c’est-à-dire que les deux personnes s’influencent mutuellement. En discutant avec leurs adolescents très motivés par l’école, les parents peuvent se sentir compétents dans leur rôle parental et ressentir une connexion avec leur adolescent.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/485368/original/file-20220919-29-deaukn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Adolescent faisant ses devoirs à la maison avec un ordinateur portable et écrivant des notes" src="https://images.theconversation.com/files/485368/original/file-20220919-29-deaukn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485368/original/file-20220919-29-deaukn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485368/original/file-20220919-29-deaukn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485368/original/file-20220919-29-deaukn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485368/original/file-20220919-29-deaukn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485368/original/file-20220919-29-deaukn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485368/original/file-20220919-29-deaukn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">En donnant aux adolescents l’occasion de s’exprimer, les parents initient des échanges qui permettent d’augmenter leur motivation scolaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au contraire, nos résultats n’indiquent pas de réaction des parents lorsque leurs adolescents vivent un faible niveau de motivation. Il est probable que les discussions avec les adolescents peu motivés par l’école soient plus difficiles et conflictuelles, ce qui n’encourage pas les parents à initier plus de conversations.</p>
<h2>Les besoins psychologiques, une piste à explorer</h2>
<p>Chaque être humain a <a href="https://doi.org/10.1521/978.14625/28806">trois besoins psychologiques de base</a> : le besoin d’autonomie, le besoin de compétence et le besoin d’appartenance. Discuter ensemble pourrait permettre aux adolescents et aux parents de répondre à ces besoins.</p>
<p>Alors que les adolescents passent de plus en plus de temps hors de la maison, débuter une conversation avec eux peut leur montrer que leurs parents se préoccupent d’eux et qu’ils ont envie d’en connaître plus sur leur vécu. De plus, les discussions fréquentes peuvent refléter que la relation entretenue entre le parent et l’adolescent est chaleureuse et généralement positive. Dans ce cas, ces conversations peuvent permettre à la fois aux parents et aux adolescents de se sentir en connexion, autonomes et compétents dans leur relation.</p>
<p>Enfin, il est important de souligner qu’en initiant des discussions avec leurs adolescents et en s’intéressant à leur vécu avec empathie, les parents peuvent jouer un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10964-019-01151-7">rôle important</a> dans le parcours scolaire, mais aussi favoriser le bien-être des adolescents.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189929/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Cimon-Paquet a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et des Fonds de recherche du Québec - Société et culture.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jérémie Verner-Filion a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et des Fonds de recherche du Québec - Société et culture. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marie-Hélène Véronneau a reçu des financements du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, des Fonds de recherche du Québec – Santé, des Fonds de recherche du Québec – Société et culture, du ministère de l'Éducation du Québec et des National Institutes of Health (États-Unis). </span></em></p>En discutant avec leurs adolescents, les parents peuvent jouer un rôle important dans leur motivation scolaire et dans leur bien-être.Catherine Cimon-Paquet, Candidate au doctorat en psychologie (PhD), Université du Québec à Montréal (UQAM)Jérémie Verner-Filion, Professeur, Université du Québec en Outaouais (UQO)Marie-Hélène Véronneau, Professeure, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1900232022-09-13T19:22:17Z2022-09-13T19:22:17ZFournitures scolaires : le grand flou des substances chimiques et leurs dangers<p>Septembre est traditionnellement un mois de retour en classe, qui se traduit dans les commerces par un rayon papeterie et autres fournitures plus dense qu’à l’ordinaire. Or, depuis quelques années, la rentrée s’est accompagnée de plusieurs études conduites par le <a href="https://eng.mst.dk/chemicals/chemicals-in-products/consumers-consumer-products/danish-surveys-on-consumer-products/">Danish Environmental Protection Agency</a>, l’<a href="https://librairie.ademe.fr/air-et-bruit/845-choisir-des-fournitures-scolaires-sans-risque-pour-la-sante-9791029713385.html">Ademe</a>, l’<a href="https://kiosque.quechoisir.org/magazine-mensuel-quechoisir-616-septembre-2022/">UFC Que choisir</a> ou encore <a href="https://www.60millions-mag.com/2017/08/29/fournitures-scolaires-chassez-les-toxiques-11320">60 Millions de Consommateurs</a> qui ont mis en évidence la présence ou l’émission de substances chimiques (notamment des <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/SUBCHIM2009sa0331Ra-106.pdf">phtalates</a>, du <a href="https://www.anses.fr/fr/content/formald%C3%A9hyde-vers-la-recherche-d%E2%80%99alternatives">formaldéhyde</a>, des substances allergisantes, etc.) dans les fournitures scolaires ou de bureau.</p>
<p>Des signaux qui ont poussé l’Anses à s’autosaisir sur le sujet.</p>
<p>Inhalées, ingérées ou en contact avec la peau, ces substances chimiques peuvent pour certaines entraîner des effets sur la santé : certains phtalates (utilisés comme plastifiants) peuvent être toxiques pour la reproduction ou des perturbateurs endocriniens, etc. ; le formaldéhyde (utilisé comme biocide, dans les résines ou encore comme conservateur) est sensibilisant cutané et cancérogène…</p>
<p>Ces effets pourraient être observés notamment chez les enfants, qui ont tendance à mettre à la bouche certains objets. Ces produits étant utilisés au quotidien, l’Agence a ainsi décidé d’<a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/CONSO2020AUTO0157.pdf">identifier les substances qui y sont spécifiquement présentes</a>.</p>
<p>Aucune catégorisation officielle des fournitures scolaires et de bureau n’existe aujourd’hui que ce soit en France, en Europe ou dans le monde. Ainsi, dans le cadre de cette étude, l’Anses a réalisé des recherches des différentes catégorisations proposées et combinées ensemble afin de proposer sa propre classification. Il est rappelé que les nouvelles technologies (ex. tablette) ne sont pas considérées dans cette étude.</p>
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<h2>Une réglementation et des données lacunaires</h2>
<p>En France et en Europe, les fournitures scolaires ne relèvent d’aucune réglementation spécifique que ce soit pour leur composition, leur fabrication ou leur utilisation.</p>
<p>Il faut cependant noter que les réglementations européennes <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/reglementation-reach">REACh</a> (qui sécurise la fabrication et l’utilisation des substances chimiques dans l’industrie en Europe) et <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/produits-chimiques-classification-etiquette-et-emballage">CLP</a> (destiné à la communication sur les dangers des substances chimiques et mélanges au niveau européen) s’appliquent, ainsi que la directive de sécurité générale des produits n°2010/95/CE. Certains jouets (stylos pailletés, peintures au doigt, etc.) peuvent également être utilisés comme fournitures scolaires, mais eux entrent dans un <a href="https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:170:0001:0037:FR:PDF">cadre réglementaire plus restrictif conformément à la directive n° 2009/48/CE</a>.</p>
<p>L’Anses a donc réalisé une synthèse de la littérature disponible concernant les substances chimiques présentes ou émises par les fournitures scolaires et de bureau. Elle a fait le constat que cette <strong>thématique est très peu documentée</strong>. Les études portant sur les fournitures scolaires ou de bureau portent principalement sur l’émission de substances chimiques, et minoritairement sur le transfert par contact cutané (sujet pour lequel il y a des données issues de modélisation).</p>
<p>Dans la littérature scientifique, peu d’études spécifiques à la composition chimique des fournitures scolaires ont ainsi pu être identifiées. Néanmoins, quelques institutions se sont focalisées sur certaines d’entre elles, en particulier le Danish EPA. En 2007, l’agence danoise a par exemple identifié la présence de phtalates dans des gommes par des essais de composition.</p>
<h2>Quelques exemples malgré tout</h2>
<p>Le Danish EPA a réalisé une évaluation des risques en s’intéressant aux expositions orales ou cutanées aux phtalates. S’il n’a pas mis en évidence de risque général, il a toutefois estimé pour l’un des phtalates que l’ingestion quotidienne d’un morceau de gomme, ou le fait d’en sucer ou mâchouiller une petite quantité sur une longue période, pouvait présenter un risque pour la santé des enfants.</p>
<p>Cependant, pour les quelques évaluations de risques disponibles/existantes, relativement anciennes (à l’exception de celle concernant les phtalates dans les gommes), aucun risque n’avait été mis en évidence.</p>
<p>Des associations de consommateurs telles qu’UFC Que choisir ou 60 millions de consommateurs se sont également intéressées à la problématique. Elles ont réalisé des analyses chimiques sur différentes fournitures scolaires telles que les stylos billes ou les surligneurs. L’UFC Que choisir a publié récemment de nouveaux essais de composition mettant en évidence que 40 % des fournitures testées contenaient des substances chimiques.</p>
<p>Ainsi, malgré une littérature scientifique et « grise » (non soumise à des comités de lecture ou issue d’instituts tels que l’Anses ou ses homologues dans le monde) relativement faible, l’Anses constate que les familles de substances chimiques les plus régulièrement étudiées, ou le plus souvent identifiées lors des analyses, sont :</p>
<ul>
<li><p>les <strong>phtalates</strong> (dont l’Anses note qu’ils ne sont recherchés que dans des articles contenant du PVC). Certains ont été trouvés dans des <strong>gommes</strong> et de la <strong>pâte à modeler</strong>.</p></li>
<li><p>les <a href="https://expertises.ademe.fr/professionnels/entreprises/reduire-impacts/reduire-emissions-polluants/dossier/composes-organiques-volatils-cov/definition-sources-demission-impacts"><strong>composés organiques volatils</strong></a> (COV), dont le formaldéhyde, le chloroforme ou le toluène souvent utilisés comme solvants. Potentiellement toxiques, cancérigènes et mutagènes, plusieurs ont été retrouvés dans des <strong>surligneurs</strong>, <strong>marqueurs</strong>, <strong>gommes</strong>, <strong>stylos parfumés</strong>, <strong>crayons de bois</strong>, <strong>colles</strong>, <strong>rubans adhésifs</strong>…</p></li>
<li><p>le <strong>benzène</strong>, parfois retrouvé dans les <strong>colles</strong>.</p></li>
<li><p>des <strong>métaux (tels que le chrome hexavalent, le cadmium, le nickel, le plomb)</strong>, ponctuellement retrouvés dans la <strong>peinture à doigt</strong> ou les marqueurs pour tableau blanc.</p></li>
<li><p>des <a href="https://www.anses.fr/fr/content/pfas-des-substances-chimiques-dans-le-collimateur"><strong>PFAS</strong></a> (per et polyfluoroalkyls) émis par des feuilles de papier.</p></li>
<li><p>des <strong>colorants</strong>, retrouvés pour certains dans des <strong>stylos-feutres</strong>.</p></li>
<li><p>des <strong>conservateurs</strong> (isothiazolinones…),</p></li>
<li><p>des <strong>substances parfumantes</strong>, utilisées dans certains <strong>feutres</strong> et <strong>crayons de couleur</strong>.</p></li>
<li><p>des résines, qui ont quant à elles, été trouvées dans des <strong>colles</strong> ou des <strong>encres</strong>.</p></li>
</ul>
<p>Plusieurs de ces substances sont classées au niveau européen comme sensibilisantes cutanées, cancérigènes… et sont déjà interdites ou restreintes, dans les jouets notamment.</p>
<p>Certaines de ces substances font l’objet d’alertes <a href="https://ec.europa.eu/safety-gate-alerts/screen/webReport">Safety Gate</a> (ex Rapex) régulières. Safety Gate est le système européen d’alerte rapide pour les produits dangereux non alimentaires qui facilite les échanges d’informations entre 31 pays et la Commission européenne sur les produits présentant un risque pour la santé, la sécurité des consommateurs et les mesures prises.</p>
<h2>Les conclusions et recommandations de l’Anses</h2>
<p>En conclusion, l’étude de l’Anses, malgré une littérature ancienne et peu abondante, a mis en évidence l’émission ou la présence de nombreuses substances chimiques dans les fournitures scolaires et de bureau qui, pour certaines d’entre elles, présentent des propriétés de sensibilisation cutanée, de perturbation endocrinienne ou de cancérogénicité. L’Anses a mis en évidence le fait que les fournitures scolaires et de bureau ne relevaient d’aucune réglementation spécifique que ce soit pour leur composition, leur fabrication ou leur utilisation.</p>
<p>L’<strong>exposition à</strong> <strong>certaines de ces substances</strong> peut être facilement limitée, comme nous le détaillons ci-dessous. Par conséquent, l’Anses conseille aux consommateurs de privilégier les fournitures ne contenant ni substances parfumantes, ni paillettes ou autre artifice qui pourraient inciter les enfants à les « mâchouiller », voire à les avaler.</p>
<p><strong>Pour protéger la santé des consommateurs, celle des enseignants ou du personnel travaillant en bureau et plus particulièrement celle des enfants, l’Agence appelle à revoir la réglementation actuelle.</strong></p>
<p>L’Anses recommande d’appliquer à l’ensemble des fournitures scolaires la réglementation relative à la sécurité des jouets, où le volet chimique interdit ou limite la présence d’un grand nombre de substances telles que les <a href="https://www.substitution-cmr.fr/index.php?id=22">CMR, ou agents chimiques cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction</a>), des substances allergisantes, le chrome, le plomb, etc.</p>
<p>Ainsi en intégrant les fournitures scolaires et de bureau dans la directive sur la sécurité des jouets, un grand nombre de substances chimiques déjà identifiées seraient interdites ou restreintes à de faibles concentrations.</p>
<p>Enfin, l’Anses recommande aux fabricants et distributeurs de supprimer certaines substances dangereuses telles que des substances parfumantes, les substances volatiles… sans attendre les évolutions réglementaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190023/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Céline Dubois ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La question de la sécurité des fournitures scolaires a fait l’actualité cette rentrée. Dispose-t-on des données et outils permettant un bon suivi des produits chimiques concernés ? L’Anses a enquêté.Céline Dubois, Ingénieur Chimiste - Chef de projets scientifiques, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1863462022-07-14T21:04:38Z2022-07-14T21:04:38ZComment le niveau de diplôme influence la crise démocratique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/473590/original/file-20220712-30704-gdmqiu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C9%2C2047%2C1351&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'ignorance mène toujours à la servitude, expo de C215 "Douce France", Mairie de Paris 13, 2015.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/16283652180/in/album-72157640392708995/">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Plusieurs indices attestent qu’il existe une profonde insatisfaction à l’égard de la démocratie en France : hausse de l’abstention, défiance envers les élites, renforcement des partis dits populistes, hausse de l’engagement protestataire, succès du complotisme.</p>
<p>Signe supplémentaire : depuis quelques années, des appels sont lancés en faveur d’une démocratie plus directe, que ce soit sous la forme de <a href="https://www.larevuecadres.fr/articles/les-conferences-de-citoyens/4549">conférences de citoyens</a> ou sous la forme de <a href="https://www.europe1.fr/politique/le-referendum-dinitiative-citoyenne-obsession-des-gilets-jaunes-3822806">référendums d’initiative populaire</a>, deux dispositifs pourtant très différents.</p>
<p>Comment expliquer cette situation ? Sans prétendre résoudre une question complexe, nous voudrions insister sur un facteur à la fois important et sous-estimé : le niveau d’éducation.</p>
<h2>L’école, temple moderne</h2>
<p>Le niveau d’éducation en France, comme dans beaucoup de pays, a fortement augmenté depuis 1945. Alors que seulement 5 % d’une classe d’âge obtenait le baccalauréat en 1950, on est aujourd’hui <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/8/EESR8_ES_08-les_evolutions_de_l_enseignement_superieur_depuis_50_ans_croissance_et_diversification.php">aux alentours de 80 %, dont la moitié pour le bac général</a>.</p>
<p>Une mutation d’une telle ampleur, que des observateurs comme <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/trente-glorieuses#">Jean Fourastié</a> ou <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1996_num_37_3_5722">Ronald Inglehart</a> ont qualifié de « révolution silencieuse », est généralement perçue comme positive – et elle l’est dans une large mesure car une société éduquée est une <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/media/5b9b87f340f0b67896977bae/K4D_HDR_The_Contribution_of_Education_to_Economic_Growth_Final.pdf">société plus prospère</a>.</p>
<p>De plus, l’éducation fait l’objet d’une forte valorisation, surtout en France où elle est considérée comme un legs glorieux de la Révolution et de la République.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/une-jeunesse-des-jeunesses-comment-les-jeunes-reinventent-ils-lengagement-politique-171899">« Une jeunesse, des jeunesses » : Comment les jeunes réinventent-ils l’engagement politique ?</a>
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<h2>L’éducation, source de clivages</h2>
<p>L’éducation n’a-t-elle cependant que des effets positifs ? Se pourrait-il que la massification des études et la diversification des niveaux scolaires soient aussi un facteur de fracturation ?</p>
<p>Il faut rendre hommage à la sociologie de Pierre Bourdieu qui a bien vu que le niveau d’éducation redessinait la nature des classes sociales sous l’influence du <a href="https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1979_num_30_1_2654">capital culturel</a>.</p>
<p>Par la suite, de nombreuses études sont venues confirmer que le niveau d’éducation exerce un fort impact sur la <a href="https://www.cairn.info/le-cens-cache--9782020049412.htm">politisation</a>, les <a href="https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-03458580/document">connaissances politiques</a> ou le <a href="https://spire.sciencespo.fr/hdl:/2441/7306/resources/2004-tiberj-competence-et-reperage-politiques.pdf">sentiment de compétence politique</a>. La participation électorale est également très influencée par le <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2017-6-page-1023.htm">niveau d’éducation</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/jeunes-de-quartier-la-politique-elle-se-fait-a-cote-179811">« Jeunes de quartier » : « La politique elle se fait à côté »</a>
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<h2>Ce que montrent les résultats de l’enquête européenne sur les valeurs</h2>
<p>Les données de l’<a href="https://www.pacte-grenoble.fr/programmes/european-values-study-evs">enquête européenne sur les valeurs</a> (EVS) permettent de corroborer et d’approfondir ces constats sur l’impact politique de l’éducation.</p>
<p>Elles montrent en effet que l’attachement aux principes démocratiques augmente très sensiblement avec le niveau de diplôme (graphique 1). Moins on est diplômé, plus on accepte l’idée que le pays soit dirigé par un homme fort ou par l’armée (graphique 1). On note aussi que les droits individuels, qui ont pris beaucoup d’importance dans la définition de la démocratie, trouvent davantage de supporters dans les milieux diplômés que dans les milieux moins diplômés.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/473005/original/file-20220707-26-33op0h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique 1. Démocratie et autorité en fonction du niveau d’études (EVS France 2017)" src="https://images.theconversation.com/files/473005/original/file-20220707-26-33op0h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/473005/original/file-20220707-26-33op0h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/473005/original/file-20220707-26-33op0h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/473005/original/file-20220707-26-33op0h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/473005/original/file-20220707-26-33op0h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/473005/original/file-20220707-26-33op0h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/473005/original/file-20220707-26-33op0h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Graphique 1. Démocratie et autorité en fonction du niveau d’études (EVS France 2017). Lecture : moins de 40 % du niveau primaire dit que c’est « absolument important » d’avoir un système démocratique contre 73 % au niveau master.</span>
<span class="attribution"><span class="source">V.Tournier</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si l’enquête ne fournit pas d’indicateurs directs sur la démocratie participative, elle inclut plusieurs questions sur l’engagement associatif ou sur la mobilisation protestataire qui renseignent par défaut sur le potentiel participatif des Français (graphique 2).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/473006/original/file-20220707-26-ot43gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique 2. Politisation et engagement politique en fonction du niveau d’études (EVS 2017)" src="https://images.theconversation.com/files/473006/original/file-20220707-26-ot43gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/473006/original/file-20220707-26-ot43gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/473006/original/file-20220707-26-ot43gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/473006/original/file-20220707-26-ot43gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/473006/original/file-20220707-26-ot43gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=374&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/473006/original/file-20220707-26-ot43gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=374&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/473006/original/file-20220707-26-ot43gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=374&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Graphique 2. Politisation et engagement politique en fonction du niveau d’études (EVS 2017).</span>
<span class="attribution"><span class="source">V. Tournier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Là encore, le niveau d’éducation apparaît comme un facteur très discriminant, y compris pour la mobilisation protestataire dont on pouvait penser qu’elle serait plus élevée là où les besoins matériels sont plus importants.</p>
<p>Précisons que cet impact du niveau d’éducation se maintient lorsqu’on contrôle le diplôme par d’autres variables (sexe, âge, revenus ou échelle gauche-droite). De surcroît, les corrélations avec le niveau d’études ont tendance à augmenter au cours du temps, signe que le clivage s’accentue.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/legalite-scolaire-un-enjeu-de-survie-pour-la-democratie-150254">L’égalité scolaire, un enjeu de survie pour la démocratie</a>
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<h2>Les diplômés, « gagnants » du système ?</h2>
<p>Comment expliquer de telles différences ? On peut faire une hypothèse : si les diplômés soutiennent la démocratie, c’est tout simplement parce qu’ils y trouvent leur compte.</p>
<p>Les diplômés présentent en effet des intérêts particuliers. La réussite scolaire favorise une bonne estime de soi et le sentiment de maîtriser sa vie. <a href="https://www.20minutes.fr/societe/2338491-20180919-reussite-scolaire-comment-origine-sociale-pese-choix-orientation-eleves">Ayant confiance dans leurs capacités</a>, les diplômés sont portés à revendiquer davantage de libertés dans leur choix de vie. Ils portent donc un regard positif sur les droits individuels, surtout lorsque ceux-ci leur permettent de renforcer leur autonomie. Ils voient la mobilité comme un idéal de vie, comme le montrent les <a href="https://etudiant.lefigaro.fr/les-news/actu/detail/article/78-des-etudiants-francais-envisagent-de-s-expatrier-pour-travailler-6202/">études auprès des étudiants</a>, tout en étant préoccupés par la qualité de leur cadre de vie.</p>
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<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/crise-ecologique-ces-eleves-ingenieurs-qui-veulent-transformer-leur-metier-184339">Crise écologique : ces élèves ingénieurs qui veulent transformer leur métier</a>
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<hr>
<p>Ils ont aussi tendance à cultiver les valeurs que Ronald Inglehart <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1997_num_47_5_395208">qualifie de post-matérialistes</a> : le féminisme, le multiculturalisme, l’environnementalisme, l’antiracisme ou le post-nationalisme.</p>
<p>Le contexte post-Guerre froide a amplifié les choses. La mondialisation et la technologie ont offert des possibilités inédites de circuler et d’échanger. Le développement de l’enseignement supérieur, poussé par la compétition entre les États, a permis aux idéaux post-modernes de mieux se réaliser, amplifiant la polarisation entre les <a href="https://cadmus.eui.eu/handle/1814/41524"><em>winners</em> et les <em>losers</em> de la globalisation</a> ou entre les <a href="https://www.cairn.info/revue-constructif-2019-1-page-35.htm"><em>everywhere</em> et les <em>somewhere</em></a>.</p>
<h2>Niveau de diplôme et valeurs post-modernes</h2>
<p>Tous ces éléments sont confirmés par l’enquête sur les valeurs. Plus le diplôme augmente, plus on est favorable à l’égalité entre les sexes, à l’homosexualité, aux drogues douces, à une politique pénale moins sévère et à la préservation de l’environnement (graphique 3).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/473007/original/file-20220707-16-b07u84.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Diverses opinions sociétales en fonction du niveau d’études (EVS 2017)" src="https://images.theconversation.com/files/473007/original/file-20220707-16-b07u84.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/473007/original/file-20220707-16-b07u84.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/473007/original/file-20220707-16-b07u84.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/473007/original/file-20220707-16-b07u84.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/473007/original/file-20220707-16-b07u84.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/473007/original/file-20220707-16-b07u84.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/473007/original/file-20220707-16-b07u84.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Diverses opinions sociétales en fonction du niveau d’études (EVS 2017). Par exemple, 20 % des diplômés de primaires disent que « l’avortement est toujours justifié » contre 60 % des diplomés de master.</span>
<span class="attribution"><span class="source">V. Tournier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>De même, les diplômés sont nettement plus réticents à l’idée de se dire fiers d’être Français (graphique 4). Ils sont plus facilement concernés par le sort des Européens et des immigrés, et ils critiquent plus souvent la conception généalogique de la nation (avoir des ancêtres français), ce qui explique le discrédit qui frappe l’expression <a href="https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2015-2-page-3.htm">« Français de souche »</a>.</p>
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<img alt="Rapport à la nation et à l’immigration en fonction du niveau d’études (EVS 2017)" src="https://images.theconversation.com/files/473008/original/file-20220707-26-tdft9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/473008/original/file-20220707-26-tdft9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/473008/original/file-20220707-26-tdft9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/473008/original/file-20220707-26-tdft9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/473008/original/file-20220707-26-tdft9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/473008/original/file-20220707-26-tdft9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/473008/original/file-20220707-26-tdft9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Graphique 4. Rapport à la nation et à l’immigration en fonction du niveau d’études (EVS 2017).</span>
<span class="attribution"><span class="source">V. Tournier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Crise démocratique… ou séparatisme politique ?</h2>
<p>Or, avec la massification de l’enseignement supérieur, couplée à la place croissante du diplôme dans la stratification sociale, les diplômés se retrouvent en position de force pour défendre leurs intérêts. Ils parviennent d’autant mieux à faire valoir leurs préférences qu’ils sont bien représentés <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/un-quinquagenaire-blanc-et-diplome-le-depute-type-de-la-ve-republique-4509142">parmi les élites politiques</a>), notamment dans le cas des élèves des <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/06/26/les-diplomes-de-grandes-ecoles-surrepresentes-a-l-assemblee-nationale_5151066_4355770.html">grandes écoles</a>.</p>
<p>Forts de leur capacité de mobilisation, les diplômés approuvent les dispositifs de type démocratie participative dans lesquels ils savent pouvoir se faire entendre, tout en étant plus réticents à l’égard des référendums qui ont l’inconvénient de niveler les électeurs.</p>
<p>On observe ainsi que les référendums comme celui de 2005 sur l’Europe ou celui de 2016 sur le Brexit ont suscité des critiques de type élitiste. Du reste, aucun des trois derniers présidents de la République n’a eu recours au référendum. Le référendum d’initiative citoyenne (RIC) a même été explicitement rejeté par le <a href="https://www.marianne.net/politique/pour-le-patron-de-lrem-le-referendum-d-initiative-citoyenne-est-forcement-dangereux">parti présidentiel</a>.</p>
<p>Inversement, les milieux peu diplômés souffrent d’un déficit de relais et de ressources politiques. Ayant l’impression que la <a href="https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/2020-07/9782111455160.pdf">démocratie leur échappe au profit d’une oligarchie</a>, ils éprouvent un sentiment d’impuissance et de dépossession qui les fait douter du suffrage universel : à quoi bon voter si les élites parviennent de toute façon à imposer leurs vues et leurs intérêts ?</p>
<p>Contrairement aux diplômés, ils sont nettement moins présents dans les dispositifs de démocratie participative, dont ils ne maîtrisent pas les codes. Plus portés à préférer les référendums, ils attendent surtout du pouvoir qu’il soit efficace. L’appel à un pouvoir fort de <a href="https://www.grandpalais.fr/fr/article/le-bonapartisme-une-tentation-francaise">type bonapartiste</a>, qui saura court-circuiter les pratiques oligarchiques et confiscatoires des élites, est une option acceptable, <a href="http://www.odoxa.fr/sondage/faire-face-terrorisme-francais-plebiscitent-larmee-appellent-a-mesures-dexception/">surtout en période d’insécurité</a>.</p>
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<h2>La démocratie : cycles et équilibre</h2>
<p>Comme l’ont souligné les philosophes depuis l’antiquité, un régime politique court toujours le risque de voir une élite aristocratique confisquer le pouvoir au profit de ses seuls intérêts, ce qui génère un mécontentement populaire.</p>
<p>Ne sommes-nous pas actuellement dans un cycle de ce type ? Le phénomène Trump peut être vu comme un cas d’école, avec d’un côté l’attitude hautaine d’Hillary Clinton, qui voit les électeurs de Trump comme un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=PCHJVE9trSM">« panier des déplorables »</a> et les rejette en tant que « racistes, sexistes, homophobes, islamophobes » ; et de l’autre le refus de l’alternance électorale avec une tentative de déstabilisation des institutions en janvier 2021, à laquelle vient s’ajouter le revirement récent de la Cour suprême sur l’avortement.</p>
<p>En France, les élections du printemps 2022 ont confirmé qu’il existe un important clivage sociologique entre le parti présidentiel, très soutenu par les diplômés, et le Rassemblement national, bien implanté dans les milieux populaires, la Nupes étant dans une position intermédiaire en raison d’un socle électoral bâti <a href="https://theconversation.com/le-vote-metropolitain-et-ses-fractures-lexemple-de-montpellier-181188">conjointement</a> sur les centres-villes et les banlieues.</p>
<p>L’erreur serait d’opposer une élite éclairée, porteuse de l’idéal démocratique, à un peuple arriéré n’aspirant qu’à la tyrannie. D’une part la démocratie participative peut être vue comme une forme d’anti-parlementarisme savant ; d’autre part les milieux populaires peuvent avoir de bonnes raisons de ne pas souscrire aux grands principes prônés par les élites.</p>
<p>Par exemple, toujours d’après l’EVS, 54 % des personnes peu diplômées disent qu’elles ne peuvent pas faire davantage pour l’environnement, contre 22 % pour les plus diplômées. De même, 35 % des peu diplômées considèrent que les immigrés prennent les emplois des nationaux, contre 10 % pour les diplômés, ce qui rappelle que les opinions dépendent en grande partie de <a href="https://theconversation.com/why-higher-levels-of-education-dont-necessarily-mean-higher-levels-of-tolerance-69686">la situation sociale</a>.</p>
<h2>Gouverner une société fragmentée</h2>
<p>Dans une société fragmentée, la difficulté est évidemment de trouver des réponses satisfaisantes pour tout le monde, en luttant tout particulièrement contre une possible <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/societe/2018/09/21/31003-20180921ARTFIG00044-yascha-mounk-nous-vivons-dans-un-systeme-o-beaucoup-ont-le-sentiment-que-leur-voix-ne-compte-plus.php">dé-consolidation démocratique</a>.</p>
<p>Un contre-exemple est sans doute la Conférence citoyenne sur le climat lancée par Emmanuel Macron. Cette opération peut être vue comme une tentative pour répondre aux attentes des élites diplômées, à la fois sur le fond (l’environnement) et sur la forme (la démocratie participative). Mais la plupart des propositions finales <a href="https://reporterre.net/Convention-pour-le-climat-seules-10-des-propositions-ont-ete-reprises-par-le-gouvernement">ont été abandonnées</a> souvent par crainte d'impopularité.</p>
<p>Finalement, le défi actuel n’est pas très différent de celui qui a été identifié par les philosophes classiques, à savoir trouver un équilibre entre la plèbe et l’aristocratie, seule manière d’éviter les dérives aussi bien populistes qu’élitistes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186346/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Tournier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La massification des études et les inégalités de niveau scolaire peuvent aussi expliquer les fractures politiques et démocratiques en France.Vincent Tournier, Maître de conférence de science politique, Sciences Po Grenoble, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1835022022-06-07T18:18:46Z2022-06-07T18:18:46ZMixité scolaire : que peuvent apporter les cours de récréation « non genrées » ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/466663/original/file-20220601-49081-uv38xp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C0%2C997%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La cour de récréation en tant qu'espace libre non régulé par les adultes (même s'ils le surveillent), pourrait constituer le lieu idéal pour apprendre à vivre ensemble de façon égalitaire.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/group-school-children-backpacks-run-out-2027011169">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Si la mixité scolaire représente un énorme progrès par rapport à une situation antérieure de ségrégation des sexes qui aboutissait à de plus grandes inégalités qu’aujourd’hui, son instauration n’a pas suffi seule à donner les mêmes chances aux filles et aux garçons. De nombreux <a href="https://www.cairn.info/journal-travail-genre-et-societes-2004-1-page-165.htm">travaux</a> ont montré qu’il ne suffit pas de décréter la mixité (même si cela est nécessaire) pour que disparaisse la division sexuée des savoirs, des compétences et de l’orientation.</p>
<p>Bousculant les rapports sociaux de sexe, la mixité doit amener à construire un nouveau rapport de force entre les groupes en donnant une place à la coopération entre les filles et les garçons. De cette façon, une rupture avec la dissymétrie des statuts pourrait s’instaurer. Or, on constate aujourd’hui que la mixité scolaire conforte le concept social de domination masculine.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/numerique-et-mixite-ces-etudiantes-qui-montrent-lexemple-126876">Numérique et mixité : ces étudiantes qui montrent l’exemple</a>
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<p>Les filles doivent être discrètes, ne parler qu’à bon escient, demander la parole sans chercher à briller aux dépens des autres ; alors que les garçons se mettent en avant, prennent la parole spontanément, cherchent à attirer l’attention et à « s’affirmer ». </p>
<p>Cela renvoie les filles à une contrainte de féminité qu’implique une position d’infériorité, tout comme les garçons sont renvoyés à une contrainte de virilité et à une position de supériorité et de dominance, pas toujours compatibles avec un rapport positif à l’école, d’où les échecs scolaires. On retrouve dans les travaux publiés, deux portraits stéréotypés des garçons et des filles largement influencés par la socialisation de la famille et par l’école.</p>
<h2>Réinventer les dynamiques</h2>
<p>« Il y a donc une <a href="https://www.cairn.info/journal-travail-genre-et-societes-2004-1-page-165.htm">illusion de croire</a> que les femmes pourront changer leur condition sociale et professionnelle par un simple changement d’orientation scolaire », note Nicole Mosconi, professeure en sciences de l’éducation. C’est l’ensemble des rapports sociaux entre les sexes qu’il faudrait transformer, tant dans le domaine professionnel (avec une réelle mixité des emplois) que dans le domaine familial. On pourrait dire que la mixité socialise également les deux sexes à un égal apprentissage de leurs positions sociales inégales et à travers la transmission des savoirs, s’opère une socialisation différenciée.</p>
<p>Dans son dernier rapport 2022 portant sur les perceptions et vécus de l’égalité chez les jeunes générations, le <a href="https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/">Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes</a> souligne une conscience plus aiguë des stéréotypes, des inégalités persistantes et confirme le fait que l’école renforce le plus les comportements sexués en favorisant l’internalisation des normes, à travers notamment les manuels scolaires et les supports pédagogiques qui échouent à fournir une représentation réaliste : seuls 9,8 % des textes présentés ont été rédigés par des femmes.</p>
<p>L’adoption d’un plan national d’orientation professionnelle s’avère nécessaire pour orienter les jeunes filles vers les métiers techniques, du numérique, et d’avenir. Face à ces inégalités, il en résulte que cette génération est en manque d’éducation à la vie relationnelle et se sent désarmée face à différentes violences sexistes et sexuelles. Comment faire ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/376693/original/file-20201228-13-18orst0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C8%2C1796%2C1264&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/376693/original/file-20201228-13-18orst0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/376693/original/file-20201228-13-18orst0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/376693/original/file-20201228-13-18orst0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/376693/original/file-20201228-13-18orst0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/376693/original/file-20201228-13-18orst0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/376693/original/file-20201228-13-18orst0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Plus nombreuses que les hommes dans l’enseignement supérieur, les femmes sont moins nombreuses à choisir les sciences.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/illustrations/doctor-research-chemical-observes-3822863/">Image by mohamed Hassan /Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-legalite-entre-les-sexes-nefface-t-elle-pas-les-segregations-dans-les-filieres-scientifiques-152272">Pourquoi l’égalité entre les sexes n’efface-t-elle pas les ségrégations dans les filières scientifiques ?</a>
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<p>L’enjeu social de la mixité se trouve dans la capacité des institutions à se réinventer et dans la capacité des individus à porter un regard neuf. On pourrait inscrire la mixité dans un mouvement permanent et la qualifier de processus innovant dans la mesure où elle détruit les règles sociales de la domination masculine et amène l’école à développer la posture d’adulte émancipateur favorisant la promotion d’interactions sociales constructives, le respect et la considération de la parole de chacun.</p>
<p>En donnant une place à la coopération entre les femmes et les hommes, la mixité ouvre et enrichit les modes de sociabilité, elle défait les positions acquises pour donner un autre sens au monde. La mixité pourrait constituer un espace-temps particulier où peut se jouer, malgré l’asymétrie des statuts, une réciprocité formatrice entre les filles et les garçons. Pour cela, il nous faut mettre en place un travail pédagogique et réorganiser les espaces, notamment celui de la cour de récréation permettant de regarder de quelle façon la mixité peut encourager la création de ce <a href="https://journals.openedition.org/edso/3024?lang=en">nouvel espace social relationnel</a> dans une dimension d’ouverture et de décloisonnement dans la relation entre les filles et les garçons.</p>
<h2>Transformer les pratiques</h2>
<p><a href="https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01212355">La cour de récréation</a> en tant qu’espace libre non régulé par les adultes (même s’ils le surveillent), pourrait constituer le lieu idéal pour apprendre à vivre ensemble de façon égalitaire. Mais dans les faits, c’est aussi le lieu où s’exerce la domination masculine. Les <a href="https://r.search.yahoo.com/_ylt=AwrLFMfYdZdihFUA6AAk24lQ;_ylu=Y29sbwNpcjIEcG9zAzEEdnRpZAMEc2VjA3Ny/RV=2/RE=1654122073/RO=10/RU=https%3a%2f%2fwww.cairn.info%2frevue-l-ecole-des-parents-2019-2-page-50.htm/RK=2/RS=YrEo4pPy4m0z83rO8gkB5lCQv5g-">jeux</a> bon enfant de maternelle, où fille et garçon s’amusent à se poursuivre, se muent souvent en primaire en jeux de domination physique. Embêter les filles, les bousculer « pour rire » se pratique depuis des décennies. Mais parfois, l’agression à connotation sexuelle n’est pas loin : jupes des filles soulevées, puis au collège, remarques désobligeantes à propos d’un tee-shirt trop court. Le manque de respect vis-à-vis des filles et de leur intimité devient une habitude ; y compris chez les lycéens.</p>
<p><a href="http://www.genre-et-ville.org/comprendre-les-inegalites-dans-la-cour-decole-par-edith-maruejouls/">Édith Maruéjoulos</a>, géographe du genre, a observé que bien que la cour de récréation d’une école primaire soit mixte, les relations l’étaient peu. « En général, les garçons ont l’espace central avec le terrain de football, le terrain de basket, ou des jeux qui demandent de l’expression, c’est-à-dire de courir, de prendre de la place… et les filles, sans s’en rendre compte, vont se mettre sur les espaces qu’on leur laisse ».</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/RDGb42cbpMo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La récré : mixité dans la cour de récréation (Le blob, l’extra-média, 2018).</span></figcaption>
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<p>Avoir moins de place pour jouer, ne pas pouvoir jouer à ce que l’on veut parce qu’on est une fille, ou un garçon pas assez conforme, c’est l’expérience de l’injustice et l’installation d’inégalités durables. Cette inégale répartition de l’espace crée des conflits entre les garçons eux-mêmes. C’est l’espace où il faut être alors quand vous ne pouvez pas y entrer… La cour de récréation est donc un espace hiérarchisé.</p>
<p>Les études de <a href="https://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2016-3-page-127.htm">Marie Monnart</a> ont montré ô combien il était important de prendre en compte la dimension géographique des placements et des stratégies de déplacement pour éclairer les implications sociales. Dans cet espace récréatif se joue une occupation hiérarchisée à partir de quelques places choisies. Comprendre le rôle joué par la ressource spatiale dans les processus d’intégration et d’exclusion au sein des groupes de pairs permet d’apprendre aux enfants à partager l’espace dès l’école, à commencer par ce micro-espace public qu’est la cour de récréation et à le considérer comme un <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/phro/2018-v7-n1-phro03552/1044257ar.pdf">espace mixte coopératif</a>.</p>
<p>Suite en 2014, au <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/rapport-dactivite-2014-eclairer-lavenir">rapport du commissariat à la prospective</a> et en 2017 à l’étude du Haut conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes, des collectivités locales ont mené des expérimentations sur les cours d’école non genrées. Le travail sur l’égalité filles-garçons dans les cours de récré bénéficie en premier lieu aux filles mais, au-delà, à tous les enfants qui aimeraient jouer aux billes ou lire…</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/nU5FtQo3Zcg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Agen : la géographie du genre, qu’est-ce que c’est ?</span></figcaption>
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<p>En 2018, la ville de Trappes dans les Yvelines <a href="https://www.lemonde.fr/education/article/2018/09/16/a-trappes-une-cour-de-recreation-reamenagee-pour-favoriser-la-mixite-filles-garcons_5355858_1473685.html">a rénové ses 36 cours</a> en tenant compte des questions liées au genre. En 2020, il semblerait que les choses se soient accélérées, tant la presse s’est fait l’écho d’<a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2020/08/28/adieu-terrains-de-foot-bonjour-espaces-de-jeux-collectifs-la-cour-de-recre-non-genree-fait-sa-rentree_6050205_4500055.html">initiatives pour « dégenrer » les cours</a>, selon le terme utilisé par le maire de Grenoble. Le bitume qui couvrait 5 000 mètres carrés a été partiellement cassé, pour laisser la place à des pelouses, de la prairie, du sable, des graviers, des copeaux de bois, un potager… Il s’est agi de varier la qualité des espaces pour créer des ambiances différentes ; favoriser les pratiques culturelles (des « murs d’expression ») ; prévoir des sièges pour les lecteurs… En mettant sans cesse la mixité en valeur, des idées ont été proposées telles que des récréations sans ballons avec des jeux de société, coopératifs (kapla, yo-yo) et aussi des jeux sans technicité.</p>
<p>Travailler sur l’égalité nécessite d’accompagner la transformation des pratiques en s’intégrant dans une réflexion plus globale sur la mixité. Cela passe par une démarche collective associant élèves et adultes, que cela soit en classe par le travail de l’équipe enseignante sur l’égalité filles-garçons (littérature jeunesse, débats…) mais aussi dans les cours de récréation. Il est incohérent de laisser les garçons faire ce qu’ils veulent dans la cour, et une fois qu’ils sont en classe, de leur imposer des règles. L’implication de tous les acteurs autour du projet d’école est indispensable ainsi que la restructuration de l’espace et un accompagnement formatif sur les stéréotypes sexistes et les représentations partagées de l’égalité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183502/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christine Gautier Chovelon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les garçons et les filles ne se comportent pas de la même façon dans la cour de récréation. Pour les mettre sur un pied d’égalité, il s’agit donc de repenser les espaces.Christine Gautier Chovelon, Enseignante chercheure en sciences de l'éducation et de la formation - Affiliée au laboratoire de recherche LINE, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1829872022-05-25T13:35:45Z2022-05-25T13:35:45ZDes modèles masculins pour développer l’envie de lire chez les garçons<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/463437/original/file-20220516-12-4dwr4k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C1%2C994%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">«Lire avec fiston» est un projet de littératie familiale simple et efficace qui pourrait être reproduit dans différents pays et différentes langues.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Nous entendons souvent que les garçons ne lisent pas ou n’aiment pas lire. Or, les garçons lisent, mais pas nécessairement ce que le milieu scolaire leur propose ; les garçons vont préférer lire des documentaires, des bandes dessinées ou des magazines, par exemple. De là l’importance qu’ils puissent choisir les livres qu’ils désirent lire et de varier les choix proposés.</p>
<p>Nous sommes un groupe de chercheures multidisciplinaires, intéressées notamment par la littératie, les difficultés d’apprentissage, la relation famille-école-communauté et la psychologie. La littératie dans son ensemble inclut la lecture, l’écriture, la compétence orale et plusieurs autres variables comme les valeurs et la culture.</p>
<h2>Importance d’un modèle de lecteur masculin pour les fistons</h2>
<p>L’absence d’un modèle masculin « positif » de lecture peut expliquer pourquoi les garçons sont moins portés à lire et peuvent avoir une perception négative de la lecture. Le fait d’intégrer la famille à l’intérieur d’un projet de littératie, dans un contexte non scolaire, peut influencer la perception que les élèves ont de la lecture et développer leur envie de lire.</p>
<p><a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/10888691.2013.836034">Certaines études scientifiques</a> démontrent qu’en intégrant le père dans les programmes de littératie familiale, une influence positive émerge sur le développement de la littératie des enfants, et plus particulièrement des garçons. La <a href="https://depot.erudit.org/bitstream/003789dd/1/Beauregard_Carignan_MELS_litteratie_familiale.pdf">littératie familiale</a> est notamment le fait de développer la compétence à lire dans le milieu familial. C’est dans cette visée que nous avons créé le projet <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/grands-lacs-cafe/segments/entrevue/66821/acfas-carignan-lire-fiston"><em>Lire avec fiston</em></a> en 2008. Depuis, 30 trios masculins ont vu le jour, mais, avec la pandémie, ce mode de fonctionnement n’était plus possible.</p>
<p>Ce projet de littératie familiale favorise la création de trios masculins (papa, fiston et étudiant en enseignement) qui partagent un temps de lecture à la maison.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/463434/original/file-20220516-26-ee4gja.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="3 hommes d’âge différent tiennent un certificat" src="https://images.theconversation.com/files/463434/original/file-20220516-26-ee4gja.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463434/original/file-20220516-26-ee4gja.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463434/original/file-20220516-26-ee4gja.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463434/original/file-20220516-26-ee4gja.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463434/original/file-20220516-26-ee4gja.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463434/original/file-20220516-26-ee4gja.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463434/original/file-20220516-26-ee4gja.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le but du projet « Lire avec fiston » était de partir des intérêts de lecture des garçons en difficulté de lecture (ou non motivés à lire) pour développer leur envie de lire par l’entremise de trios masculins (papa, fiston et futur enseignant).</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Isabelle Carignan)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le but du projet est de partir des intérêts de lecture du fiston en difficulté de lecture, ou en manque de motivation (8-9 ans), pour développer son envie de lire. Pourquoi à cet âge ? Parce que c’est le moment où le fossé se creuse entre les bons lecteurs et les lecteurs en difficulté.</p>
<p>Le futur enseignant se déplace dans le milieu familial de façon bénévole avec son sac de livres jeunesse, de genres littéraires différents, liés aux intérêts du fiston. Le fiston est le chef : en maitre d’œuvre du trio, il décide ce qui sera lu lors des rencontres. Avec <em>Lire avec fiston</em>, les <a href="https://lewebpedagogique.com/alireetaecrire/les-dix-droits-du-lecteur/">10 droits du lecteur de l’auteur Daniel Pennac</a>, qui sont tirés de son œuvre « Comme un roman », sont respectés. Ces droits vont à l’encontre de ce qui est généralement prôné dans le milieu scolaire :</p>
<ol>
<li><p>Le droit de ne pas lire</p></li>
<li><p>Le droit de sauter des pages</p></li>
<li><p>Le droit de ne pas finir un livre</p></li>
<li><p>Le droit de relire</p></li>
<li><p>Le droit de lire n’importe quoi</p></li>
<li><p>Le droit au bovarysme (de rêver !)</p></li>
<li><p>Le droit de lire n’importe où</p></li>
<li><p>Le droit de grappiller</p></li>
<li><p>Le droit de lire à haute voix</p></li>
<li><p>Le droit de nous taire</p></li>
</ol>
<p>À l’âge adulte, nous nous autorisons tous ces droits.</p>
<p>À l’école, les élèves doivent souvent lire des œuvres qui ne les intéressent pas. Ils doivent les finir et ne doivent surtout pas sauter des pages. Quand ils sont plus grands, vers le milieu du primaire, on leur dit souvent que la vraie lecture est la lecture de <a href="https://chezlefilrouge.co/2018/08/16/la-lecture-de-bandes-dessinees-est-elle-moins-valorisante-que-la-lecture-de-romans/">romans</a>, alors que c’est complètement faux. Par exemple, lire une <a href="https://litmedmod.ca/sites/default/files/r2lmm/r2-lmm_vol1_boutin-vmartel.pdf">bande dessinée</a> est extrêmement riche et complexe. Un vrai lecteur de BD lit le texte et l’illustration de chaque case, en interaction, pour en saisir toutes les subtilités. Il en va de même pour l’album (livre d’images) : le texte et les illustrations forment un tout riche et indissociable pour tous les âges. Et souvent, les illustrations « parlent » plus que le texte.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/463721/original/file-20220517-14-dfyj4l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="tintin sur un fauteuil avec Milou à ses pieds" src="https://images.theconversation.com/files/463721/original/file-20220517-14-dfyj4l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463721/original/file-20220517-14-dfyj4l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463721/original/file-20220517-14-dfyj4l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463721/original/file-20220517-14-dfyj4l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463721/original/file-20220517-14-dfyj4l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463721/original/file-20220517-14-dfyj4l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463721/original/file-20220517-14-dfyj4l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les garçons vont préférer lire des documentaires, des bandes dessinées ou des magazines, par exemple.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Déroulement du projet</h2>
<p><strong>Première rencontre entre tous les participants</strong></p>
<p>Cette rencontre a normalement lieu à l’école avec la direction d’école, l’orthopédagogue (le cas échéant), l’enseignant, les parents masculins, les futurs enseignants, les fistons et les chercheures. C’est à ce moment que les questions sont posées, que les rôles de chacun sont déterminés et que les trios sont formés. Les trios masculins échangent leurs coordonnées et s’entendent de l’heure et de l’endroit (maison ou ailleurs) pour une première rencontre en trio, selon les disponibilités de chacun.</p>
<p>Il est à noter que les fistons ont comme information qu’ils ont été « choisis » pour vivre un projet de lecture avec leur papa (ou toute autre figure masculine significative).</p>
<p><strong>Rencontres des trios masculins</strong></p>
<p>Le mode de fonctionnement est libre et aucune préparation de la part du parent ni de l’enfant n’est nécessaire avant ou après les rencontres. La durée de chaque rencontre varie entre 45 minutes et deux heures.</p>
<p>Au début du projet, les trios masculins se rencontraient dans le milieu familial, toutes les deux semaines, pendant une heure ou deux, sur une période de quatre mois. Nous recommandons maintenant de réaliser le projet pendant toute l’année scolaire pour permettre une plus grande flexibilité. De plus, au départ, un minimum de trois rencontres était prévu ; nous conseillons maintenant entre 6 et 8 rencontres pour favoriser la création d’une dynamique positive et d’une relation de confiance à l’intérieur des trios.</p>
<p>Dans cette relation égalitaire, chaque membre du trio a un rôle déterminé :</p>
<ul>
<li><p>le fiston choisit ce qui sera lu – ou non – et décide comment se déroulera chacune des rencontres ;</p></li>
<li><p>le futur enseignant, en personne-ressource, apporte des œuvres jeunesse diversifiées liées aux intérêts du fiston et suit l’enfant dans ses choix de lecture ;</p></li>
<li><p>le père (ou toute autre figure masculine significative) participe à la lecture des œuvres choisies par le fiston et guide le futur enseignant pour qu’il saisisse bien les intérêts de lecture de son enfant.</p></li>
</ul>
<p><strong>Dernière rencontre entre tous les participants</strong></p>
<p>Tous les participants se retrouvent dans un restaurant, par exemple, pour ne pas que le projet soit associé au scolaire. Malheureusement, les garçons ont souvent une mauvaise perception de la lecture à cause de l’école, car ils l’associent directement à l’évaluation.</p>
<p>Pendant cette rencontre amicale, les impressions de chacun sur le projet sont recueillies. Le but est également de documenter les changements constatés chez les fistons et les améliorations possibles du projet. À ce moment, les futurs enseignants remettent aux fistons, en cadeau, des œuvres jeunesse qui font partie de leurs préférences. L’équipe de recherche remet également une attestation valorisant la participation au projet aux fistons, aux pères (ou autres figures masculines) et aux futurs enseignants.</p>
<h2>Retombées positives du projet <em>Lire avec fiston</em></h2>
<p>Le projet a été vécu au <a href="https://extranet.puq.ca/media/produits/documents/1781_9782760525467.pdf">Québec</a>, en <a href="https://journals.library.brocku.ca/brocked/index.php/home/article/view/829">Pennsylvanie</a> et en <a href="https://l-express.ca/lire-avec-fiston/">Ontario</a>. Selon les entrevues de groupe, les retombées ont été positives pour tous les membres des trios masculins.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1017030318312906752"}"></div></p>
<p>Dans un premier temps, les fistons semblent avoir développé un plus grand intérêt à lire, car ils peuvent lire ce qui les intéresse réellement. Les fistons ressentent aussi un plus grand sentiment de compétence en lecture après le projet.</p>
<p>Dans un deuxième temps, les relations père-enfant et famille-école évoluent de façon positive. Les papas (ou autre figure masculine) semblent avoir compris à quel point leur rôle de modèle de lecteur masculin pour fiston est important, qu’ils peuvent avoir une influence sur la réussite scolaire de leur enfant et qu’il est gratifiant de lire et d’interagir avec leur fiston.</p>
<p>Dans un troisième temps, les futurs enseignants ont appris à travailler avec des situations familiales diversifiées et l’importance d’établir un bon lien avec le parent. Enfin, ils ont compris la pertinence de permettre aux garçons de faire leurs propres choix en matière de lecture et l’impact d’un modèle de lecteur masculin.</p>
<p><em>Lire avec fiston</em> est donc un projet de littératie familiale simple et efficace qui pourrait être reproduit dans différents pays et différentes langues pour développer l’envie de lire chez les garçons.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182987/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Carignan a reçu du financement du CRSH Développement Savoir pour ce projet. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Annie Roy-Charland, France Beauregard, Joanie Viau et Marie-Christine Beaudry ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Lire avec fiston est un projet de littératie familiale simple et efficace qui pourrait être reproduit dans différents pays et différentes langues pour développer l’envie de lire chez les garçons.Isabelle Carignan, Ph.D., Professeure titulaire, Université TÉLUQ Annie Roy-Charland, Professeure titulaire en psychologie, Université de MonctonFrance Beauregard, Professeure associée en relation famille-école-communauté, Université de Sherbrooke Joanie Viau, Chargée d'encadrement, Université TÉLUQ Marie-Christine Beaudry, Professeure en didactique du français, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.