tag:theconversation.com,2011:/ca/topics/educateurs-31286/articleséducateurs – The Conversation2024-01-16T14:07:19Ztag:theconversation.com,2011:article/2157562024-01-16T14:07:19Z2024-01-16T14:07:19ZComment créer une nouvelle université, au XXIᵉ siècle ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/558123/original/file-20231107-21-ras0om.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C2%2C991%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le lieu nommé « université » peut se définir comme un établissement d’enseignement supérieur formellement autorisé à émettre des diplômes.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Si on créait une université aujourd’hui, comment s’y prendrait-on ?</p>
<p>Il arrive fréquemment que des gestionnaires ou des professeurs d’université peinent à mettre en place un projet au sein de leur institution. Ils expliquent alors cette difficulté par les contraintes imposées par l’administration, les conventions collectives, les règles en place, les traditions ou les usages. </p>
<p>Tel projet serait-il plus facile à réaliser si on repartait de zéro en créant une toute nouvelle université ? Peut-être, mais comment crée-t-on une université au XXI<sup>e</sup> siècle ? </p>
<p>Voici la grande question qui a hanté mes jours (et mes nuits) des quatre dernières années. J’ai récemment complété une <a href="https://depot-e.uqtr.ca/id/eprint/10732/1/eprint10732.pdf">thèse</a> sur les enjeux de communication et de gestion entourant la création d’une université à partir de zéro – un phénomène rare. Nous avons eu la chance d’assister à un tel événement avec la fondation en 2017 de <a href="https://uof.ca/">l’Université de l’Ontario français (UOF)</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/luniversite-de-lontario-francais-voici-ce-quelle-pourrait-devenir-110072">L'Université de l'Ontario français: voici ce qu'elle pourrait devenir</a>
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<p>J’ai ainsi pu décomposer les étapes de création de cette nouvelle institution, et réfléchir à la fois à la mise en place de composantes de l’université idéale, à l’influence des facteurs externes ainsi qu’à la façon dont les différentes communautés discutent d’un tel projet. </p>
<p>Dans un premier temps, j’ai analysé l’expérience vécue par les fondateurs de l’UOF et les publications médiatiques sur l’histoire de cette création. Dans un deuxième temps, j’ai rencontré des experts de l’enseignement supérieur (chercheurs et dirigeants d’universités) pour discuter de la question de la naissance d’une université. J’ai ainsi vite constaté que de me pencher sur ce moment important m’en apprenait beaucoup sur les tensions vécues par l’université au XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
<h2>Qu’est-ce qu’une université ?</h2>
<p>Le lieu nommé « université » peut se définir comme un <a href="https://www.cairn.info/revue-politiques-et-gestion-de-l-enseignement-superieur-2005-2-page-9.htm">établissement d’enseignement supérieur formellement autorisé à émettre des diplômes</a>. </p>
<p>La notion d’université, quant à elle, peut être définie de plusieurs façons. En 1895, le philosophe Hastings Rashdall l’associe à la racine latine « universitas », qui sous-tend l’idée d’une organisation corporative, d’une communauté. </p>
<p>Cet espace d’entraide, de défense d’intérêt commun, réunit, dès son origine, l’ensemble des étudiants et des professeurs ayant la mission commune d’explorer, de partager, de questionner les connaissances humaines. J’ai trouvé instructif d’observer comment l’UOF, université nouvelle, a tenté d’actualiser une telle notion. Pour développer la <a href="https://theconversation.com/luniversite-de-lontario-francais-voici-ce-quelle-pourrait-devenir-110072">signature pédagogique</a> de cette institution, ses fondateurs ont pris en compte les compétences requises par le marché du travail et la société à notre époque, ainsi que les pratiques innovatrices en enseignement supérieur. Cette signature pédagogique s’appuie ainsi sur quatre approches : la transdisciplinarité, l’apprentissage inductif, l’apprentissage expérientiel et les compétences.</p>
<p>La création de l’UOF constitue également l’aboutissement d’une <a href="https://histoireengagee.ca/quelle-universite-pour-quelle-societe-petite-histoire-du-debat-intellectuel-entourant-la-question-universitaire-franco-ontarienne/">revendication de longue date</a> émanant d’une partie de la communauté franco-ontarienne. Une année après sa fondation en 2017, le gouvernement progressiste-conservateur stoppe le financement de l’UOF. Aussitôt, la communauté franco-ontarienne se mobilise pour contester cette décision. Ce mouvement populaire contribue à la volte-face du gouvernement ontarien. En 2020, ce dernier conclut une entente avec le gouvernement fédéral afin de financer les huit premières années d’existence de l’UOF. </p>
<h2>Une page avec peu d’espace de création</h2>
<p>Un constat a rapidement émergé de mes recherches : la création d’une nouvelle université ne se déroule pas sur une page complètement blanche. L’UOF a été créée selon des échéanciers serrés, en négociant avec les différents gouvernements en place et en luttant pour sa survie au sein d’un système d’enseignement supérieur parfois hostile, ainsi que dans un contexte social et historique mouvementé. À toutes les étapes de la création de l’institution, l’équipe fondatrice a dû composer avec la dynamique politique et avec les rapports de force entre les parties prenantes : représentants des collectivités francophones, des établissements d’enseignement supérieur, des ministères, des élus. </p>
<p>L’université rêvée est rapidement rattrapée par la réalité. </p>
<p>Pour les nombreux experts de l’enseignement supérieur rencontrés, la création d’une université passe nécessairement par la mise en place de composantes liées à sa mission soit : l’enseignement, la recherche et les services aux collectivités. </p>
<p>La nouvelle université, comme les universités établies, est soumise à un cadre normatif assez contraignant. L’institution s’inscrit également au sein d’une communauté qui lui soumet de nombreuses attentes (formation, développement économique). Elle évolue, de plus, dans un système d’enseignement supérieur qui lui impose une concurrence féroce. </p>
<p>Les rapports entre les différents groupes d’intérêt, à l’intérieur et à l’extérieur de l’université, façonnent alors ce qu’elle peut devenir. Quelle part de création demeure donc pour l’université ? </p>
<h2>Fortes pressions, faible cohésion</h2>
<p>Pour l’UOF, les attentes des différents acteurs concernés par le projet (communautés francophones de la province, associations franco-ontariennes, gouvernements, organisations issues des milieux politiques et économiques, administrateurs de l’UOF) étaient nombreuses et parfois contradictoires, tant au niveau du lieu de fondation (Toronto ou ailleurs en Ontario) que de l’offre de formation (programmation traditionnelle ou innovante). De plus, ces acteurs n’ont eu que très peu de temps pour discuter ensemble de ce projet. </p>
<p>Un deuxième constat émerge ainsi de l’analyse du discours des experts sur la question : la communauté universitaire à notre époque peine à se rassembler autour d’un projet commun. Ce projet tend à se réduire à un compromis, fragile et insatisfaisant pour la plupart des acteurs. </p>
<p>Dès sa création, et tout au long de son existence, il apparaît donc que la communauté universitaire est fragilisée par les tensions qui l’assaillent. L’institution doit composer avec des tensions inhérentes à la réalité universitaire multiséculaire (son mode de gouvernance par les pairs, l’équilibre à trouver entre recherche et enseignement ou entre recherche fondamentale et appliquée, notamment). Ces tensions s’additionnent à celles, plus nombreuses, que subit l’université à notre époque (mentionnons seulement les attentes du gouvernement en place et celles des milieux socio-économiques sur les types de formation ou de développement de la recherche, notamment). </p>
<p>Ces tensions sont intégrées dans les structures internes et sont alimentées par les universitaires eux-mêmes. Le gouvernement, les partenaires de la communauté externe, les différents types d’étudiants, de professeurs, de cadres et d’employés, les syndicats et les associations : tous ont et expriment des attentes multiples, complexes et souvent contradictoires. Les lieux de rencontre pour discuter d’éventuelles voies de passage ou d’un projet commun, autant aux niveaux institutionnel, communautaire ou public, ne semblent pas toujours efficaces. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/558075/original/file-20231107-20-a16ngw.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C14%2C2389%2C1253&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="façade de l’UOF" src="https://images.theconversation.com/files/558075/original/file-20231107-20-a16ngw.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C14%2C2389%2C1253&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558075/original/file-20231107-20-a16ngw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558075/original/file-20231107-20-a16ngw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558075/original/file-20231107-20-a16ngw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558075/original/file-20231107-20-a16ngw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558075/original/file-20231107-20-a16ngw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558075/original/file-20231107-20-a16ngw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La création de l’Université de l’Ontario français constitue l’aboutissement d’une revendication de longue date émanant d’une partie de la communauté franco-ontarienne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(https://uontario.ca)</span></span>
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<h2>L’utopie de la corporation universitaire</h2>
<p>J’ai pu observer, en rencontrant les fondateurs de l’UOF ainsi que les experts de l’enseignement supérieur, que la corporation universitaire est encore aujourd’hui considérée comme une utopie. <em>Corporari</em>, en latin, signifie « se former en corps ». Cela évoque l’idée d’une organisation idéale constituée de plusieurs acteurs partageant un but commun. </p>
<p>L’université est donc représentée comme un corps, où professeurs, étudiants et artisans, issus de la communauté interne et externe à l’université, partagent une même compréhension de la raison d’être de l’institution. Les turbulences rapides vécues par les universités dans les dernières décennies, couplées aux tensions qu’elles vivent déjà, ont toutefois réduit la capacité de la communauté universitaire à « faire corps ». </p>
<p>À l’évidence, l’université ne se crée ni ne se développe en vase clos. Comme nous l’avons vu dans le cas de l’UOF, l’université est à la fois influencée par la société qui l’accueille (actuellement marquée par la montée de l’individualisme, par la fragmentation des communautés et par la fragilisation du lien social) et contributive au développement de cette dernière. </p>
<p>Elle reste une de ces institutions qui peuvent, selon moi, être précurseures d’une façon nouvelle de concevoir le vivre-ensemble. </p>
<p>Mais cela passe nécessairement par l’apaisement de certaines tensions. Et par une communauté universitaire qui prend le temps nécessaire pour se rassembler en une corporation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215756/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François-René Lord ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment crée-t-on une université au XXIᵉ siècle ? Comment cette expérience se déroule-t-elle ? Et que nous apprend l’analyse de ce phénomène ?François-René Lord, Professeur subsitut en communication , Université TÉLUQ Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1744142022-01-06T20:26:49Z2022-01-06T20:26:49ZColère chez les travailleurs sociaux, vers une crise en profondeur ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/439691/original/file-20220106-17-12j0979.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C9%2C720%2C529&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mobilisation des professionnels du travail sociale: les actions se poursuivent depuis le 7 décembre 2021. Ici en Ile de France. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.facebook.com/887860558003185/photos/a.890940881028486/4494501847339020/">Commission de Mobilisation du Travail Social Ile-de-France/Facebook</a></span></figcaption></figure><p>« Mal-être », « colère » et « désarroi » : c’est en ces termes que les travailleurs sociaux ont exprimé leur ressenti lors <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/12/07/les-travailleurs-sociaux-font-greve-pour-partager-leur-desarroi_6104990_3224.html">d’une grève le 7 décembre dernier</a>, face à des conditions de travail qu’ils jugent dégradées et un manque de reconnaissance.</p>
<p>Les syndicats du secteur dénoncent en effet de longue date la faiblesse des rémunérations et l’absence de revalorisation sérieuse, mise en exergue suite à <a href="https://www.ash.tm.fr/hebdo/3216/levenement/un-an-apres-desaccords-du-segur-pour-le-medico-social-673829.php">l’exclusion</a> d’une partie des travailleurs sociaux du Ségur (1 et 2) de la Santé. Mais il est aussi et surtout question de « <a href="https://snuasfp.fsu.fr/journee-du-7-decembre">redonner du sens</a> » au travail social, selon le mot d’ordre de l’un des syndicats appelant à la grève.</p>
<p>En effet, le surgissement de ce mouvement social n’est pas conjoncturel, quand bien même la crise sanitaire a exacerbé les tensions dans ce champ d’activités. Il s’inscrit dans la continuité d’autres mobilisations (2016, 2018, 2019, 2021), parfois à l’échelle nationale, mais plus souvent à l’échelon local, éventuellement mono-sectorielle (protection de l’enfance, par exemple), mais dont la récurrence interroge.</p>
<p>Comment expliquer ce « désarroi » des travailleurs sociaux, dont les mouvements sociaux en question se font l’écho ? Si les questions salariales ne sont pas à négliger, la répétition de ces mobilisations collectives s’explique surtout par l’envergure et la radicalité des mutations qui touchent ce secteur depuis maintenant une vingtaine d’années.</p>
<h2>Qui sont les professionnels du travail social ?</h2>
<p>Le terme travail social désigne aujourd’hui de manière relativement large <a href="https://www.cairn.info/les-travailleurs-sociaux--9782707146007.htm">l’ensemble des personnels</a> – la plupart du temps salariés ou fonctionnaires territoriaux ou de l’hospitalier – qui concourt à des activités d’aide, d’éducation, d’accompagnement et parfois de soin, auprès de publics considérés comme vulnérables ou fragiles.</p>
<p>Les travailleurs sociaux sont des professionnels qui exercent un métier ou une fonction plus ou moins bien reconnue, selon les spécialités qui sont les leurs. Parmi les professions les mieux instituées, on compte les assistantes de service social, mais aussi les éducateurs spécialisés. Viennent ensuite les animateurs socio-culturels, même si ces derniers ne se reconnaissent pas toujours – ou pas entièrement – dans l’univers du travail social, ainsi que l’ensemble des métiers éducatifs et d’accompagnement qui se sont constitués (ou ont été reconnus) depuis les années 1970 (éducatrice de jeunes enfants, moniteur-éducateur…). S’y ajoutent les <a href="https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/5569">métiers dits du domicile</a> (conseillère en économie sociale et familiale, par exemple).</p>
<p>Enfin, cette mosaïque ne saurait être complète si l’on n’évoquait la myriade de professionnels moins bien établis, parce que leurs fonctions renvoient plus rarement à des métiers bien identifiés, existant depuis les années 1980, d’une part dans le champ de l’insertion professionnelle (conseiller en mission locale, chargé d’insertion et d’accompagnement social, par exemple) et d’autre part dans celui des politiques dédiées aux quartiers dits prioritaires (médiateur social, chargé de développement local…).</p>
<p>Bien qu’exerçant dans des univers parfois fort différents (handicap, vieillissement, protection de l’enfance, insertion professionnelle, etc.) et avec des conditions de travail très variables (statuts, rémunérations, conventions collectives…), l’ensemble de ces acteurs ont la particularité de mener des missions qui sont élaborées, définies et financées dans le cadre des politiques publiques. Celles-ci encadrent donc l’activité des établissements et services dans lesquels les travailleurs sociaux exercent.</p>
<h2>La transformation de l’action publique</h2>
<p>Or, depuis les années 2000, les politiques publiques dédiées au social connaissent de <a href="https://www.cairn.info/trop-de-gestion-tue-le-social--9782707164438.htm">profondes transformations</a>). En cause, l’adoption d’une nouvelle forme d’action publique <a href="https://www.cairn.info/reinventer-l-etat--9782130558132.htm">imprégnée de néolibéralisme</a>, dont il faut dire quelques mots, avant d’en mesurer les conséquences pour le travail social.</p>
<p>Pour les <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/la_nouvelle_raison_du_monde-9782707165022">thèses néolibérales</a>, rappelons-le, l’intérêt général <a href="http://triangle.ens-lyon.fr/spip.php?article661">n’existe pas</a>. Aussi, selon ses promoteurs, l’action de l’État représente un problème en soi, car elle est l’incarnation de cet intérêt général. Elle doit par conséquent être limitée au maximum, sauf s’il s’agit d’organiser la concurrence entre les individus et d’imposer le cadre de référence dans lequel ils peuvent défendre leurs intérêts particuliers, c’est-à-dire le Marché.</p>
<p>Tout cela implique une remise en question de l’ensemble des politiques publiques, qui doivent être repensées selon cette logique. Ceci conduit également à l’adoption par l’État des modes de fonctionnement de la grande entreprise privée lucrative, dans la mesure où seuls ces derniers sont compatibles avec cet <a href="https://www.quae.com/produit/1162/9782759219926/desacraliser-le-chiffre-dans-l-evaluation-du-secteur-public">horizon idéologique</a>. Il s’agit bien d’une rupture avec l’État providence, ses idéaux et <a href="https://journals.openedition.org/lectures/12689">son mode de fonctionnement</a>. Aussi, tous les domaines d’intervention publique qui n’entrent pas dans ce projet néolibéral se retrouvent en déficit de moyens et, concomitamment, à devoir changer pour se conformer aux modèles qui font maintenant référence : ceux de l’entreprise rationnelle, de la performance comptable et de la relation consumériste. Il en va ainsi pour la Santé, la Justice, l’École et donc, l’action sociale.</p>
<h2>Des organisations devenues opératrices de la commande publique</h2>
<p>Dans ce domaine il faut composer avec un changement de la <a href="https://bdsp-ehesp.inist.fr/vibad/index.php?action=getRecordDetail&idt=467832">logique de financement</a>), qui s’articule avec une contraction des moyens alloués. En effet, jusque dans les années 1990, les structures de l’action sociale (publiques ou privées non lucratives) étaient principalement considérées comme des co-constructrices de l’action publique. À ce titre, elles recevaient des subventions pérennes, charge à elles de développer leurs projets en fonction de leur connaissance des problématiques qu’elles avaient à traiter. </p>
<p>Désormais, la logique de marché public gagne du terrain. Les collectivités sont appelées à financer sous forme d’appel à projets, pour organiser la concurrence entre les structures susceptibles d’y répondre. En témoigne par exemple la réorganisation de la protection de l’enfance dans le département du Maine-et-Loire lancé en 2016 par le Conseil départemental, d’ailleurs <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/syndicats/cgt/maine-et-loire-protection-de-l-enfance-la-cgt-reagit-9a9b99b6-3bce-11eb-880e-0340394842e3">épinglée</a> par la chambre régionale des comptes des Pays de la Loire.</p>
<p>Cette nouvelle approche n’est pas seulement technique : elle est un puissant outil de régulation des organisations sociales et médico-sociales, qui deviennent des opératrices de la commande publique. D’une part, celles-ci doivent s’organiser pour devenir compétitives. Ceci implique des mutualisations de moyens, mais aussi des fusions entre elles, et même des absorptions des plus petites structures qui ne sont pas en mesure de suivre la marche imposée. Voilà donc le tissu associatif et de services publics, qui s’était constitué auparavant, entièrement <a href="https://www.fehap.fr/upload/docs/application/pdf/2013-02/synthese-enquete-emploi-2012.pdf">recomposé et en perpétuel mouvement</a>.</p>
<p>D’autre part, les gestionnaires de structures se trouvent contraints d’adopter des modalités d’organisations conformes aux standards de compétitivité qui leur sont désormais imposés. Pour y faire face, l’encadrement devient managérial, en ce sens qu’il se dissocie de la pratique du travail social pour se spécialiser <a href="https://www.cairn.info/revue-le-sociographe-2020-2-page-80.htm">sur les questions gestionnaires</a>. Il s’agit désormais de mettre en œuvre des stratégies pour se développer ou survivre, de rationaliser les coûts et de se mettre en conformité avec tous les outils de la gestion d’entreprise que les pouvoirs publics leur demandent d’adopter.</p>
<h2>Le reformatage des prises en charge et le décalage des travailleurs sociaux</h2>
<p>La lassitude des professionnels au contact des publics grandit face à ce nouveau cadre de travail, mouvant et incertain, qui leur apparaît largement contradictoire avec les besoins des prises en charge. D’autant plus que les travailleurs sociaux sont aussi appelés à se conformer à de nouvelles normes de travail.</p>
<p>Il est désormais question de se comporter en prestataire de services. Ceci implique le développement d’une « offre » (éducative, d’assistance, de soin…) au sein de laquelle les bénéficiaires et où leurs représentants sont censés choisir. Les prises en charge proposées doivent s’avérer en même temps conformes aux cahiers des charges des pouvoirs publics, qui définissent désormais les <a href="https://www.cairn.info/panser-des-jambes-de-bois--9782130635277.htm">« bonnes pratiques » à suivre</a>.</p>
<p>Les travailleurs sociaux apparaissent en profond décalage avec cette approche consumériste et standardisée de l’accompagnement social. Car la conception qu’ils ont de leur métier, ainsi que l’expérience qu’ils ont acquise auprès des publics, les conduisent à estimer que leur travail nécessite de l’innovation et de la créativité pour s’adapter aux situations singulières et souvent inextricables qu’ils rencontrent au quotidien.</p>
<p>De la sorte, les travailleurs sociaux vivent de plus en plus le sentiment que leur activité est <a href="https://www.cairn.info/le-travail-a-coeur--9782707185310.htm">« empêchée »</a>, au sens où non seulement les moyens manquent, mais en plus les normes qui s’appliquent à leur travail ne correspondent plus à la manière dont ils envisagent de bien l’effectuer. Leur fatigue, leur désarroi et leur colère ne sont donc pas seulement liés à la question des rémunérations. Elles s’inscrivent plus largement dans ce changement radical des conditions et des attendus de leurs pratiques professionnelles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174414/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Simon Heichette ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment expliquer le « désarroi » des travailleurs sociaux ?Simon Heichette, Enseignant-chercheur en sociologie, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1588592021-05-13T16:41:43Z2021-05-13T16:41:43ZEnseignement à distance : un succès mitigé et des leçons à tirer<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/398451/original/file-20210503-17-1o35mid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=42%2C25%2C5565%2C3707&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au-delà des cours, tout un écosystème de vie et de soutien entourant l’apprentissage est nécessaire pour permettre aux apprenants de persévérer et de réussir.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Au printemps 2020, le monde de l’éducation a été plongé dans l’enseignement à distance. Depuis ce temps, on aurait pu s’attendre à ce que la qualité de la formation en ligne se soit améliorée. Or si certains enseignants s’en sortent bien, d’autres ont eu moins de succès, et ce, au détriment des étudiants.</p>
<p>Il faut dire que même si, avant la Covid-19, ce type de <a href="https://www.cse.gouv.qc.ca/publications/formation-distance-universites-50-0486/">formation connaissait une évolution rapide et continue</a>, surtout en enseignement supérieur, la majorité des étudiants et enseignants ont été pris au dépourvu.</p>
<p>Devant cette situation extraordinaire, le <a href="http://journals.openedition.org/dms/5198">corps enseignant a fait de son mieux, mais avec des résultats mitigés</a>. De même, les étudiants ont eu à apprendre dans un contexte hors du commun.</p>
<p>En tant que spécialistes de la formation à distance, nous nous intéressons au déploiement de ce mode de formation et à l’accompagnement des parties impliquées. Après plus d’un an, nous constatons que la qualité de la formation en ligne est encore inégale.</p>
<h2>De l’enseignement de crise</h2>
<p>D’abord, comme on peut lire dans le livre <em>The Distance Learning Playbook for College and University Instruction</em>, publié en septembre 2020 par un groupe de chercheurs en éducation : <a href="https://ca.corwin.com/en-gb/nam/the-distance-learning-playbook-for-college-and-university-instruction/book276590">« L’enseignement en temps de pandémie n’était pas réellement de l’enseignement à distance. C’était de l’enseignement en situation de crise »</a>.</p>
<p>En présence comme à distance, créer de bons cours <a href="https://www.affairesuniversitaires.ca/conseils-carriere/conseils-carriere-article/etudier-et-enseigner-a-distance-trois-lecons-apprises-utiles-au-temps-de-la-crise/">prend du temps</a>, de la formation et de l’accompagnement. Et, au-delà des cours, tout un écosystème de vie et de soutien entourant l’apprentissage est nécessaire pour permettre aux apprenants de persévérer et de réussir. De fait, <a href="https://theconversation.com/enseigner-a-distance-ca-ne-simprovise-pas-135382">enseigner à distance ne s’improvise pas</a>.</p>
<h2>Le règne de l’exposé</h2>
<p>Certains établissements ont exigé de leurs professeurs que tout le temps de cours prévu en classe soit substitué par les cours en ligne « synchrones », c’est-à-dire des cours offerts à tous au même moment, en direct, par appel vidéo.</p>
<p>Sachant que la durée moyenne de concentration ou d’attention soutenue d’un être humain <a href="https://eric.ed.gov/?id=EJ136799">tourne autour de 15 minutes</a>, on peut comprendre qu’après 30 minutes certains étudiants décrochent et <a href="https://theconversation.com/zoom-fatigue-how-to-make-video-calls-less-tiring-137861">ferment leur caméra</a>. Pour les étudiants qui enchaînent ainsi plusieurs cours, c’est comme leur demander d’écouter un film-fleuve en boucle tout au long de la semaine !</p>
<p>Dans les faits, il serait possible de maintenir l’attention des étudiants en variant le rythme, en sollicitant leur participation et en les amenant à réaliser des activités d’apprentissage engageantes. Or, souvent, le scénario d’un cours en ligne est peu étoffé comme peut l’être celui d’une émission ou d’un film ; l’enseignant expose des contenus. Il n’est donc pas étonnant que la <a href="https://theconversation.com/cours-a-distance-quen-pensent-vraiment-les-etudiants-152265">motivation et la concentration des étudiants dans leurs cours à distance soient à la baisse</a>, ou qu’ils préfèrent réécouter les enregistrements au moment qui leur convient.</p>
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<img alt="Une jeune fille consulte son téléphone cellulaire dans une salle de classe" src="https://images.theconversation.com/files/398457/original/file-20210503-17-10au0av.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/398457/original/file-20210503-17-10au0av.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/398457/original/file-20210503-17-10au0av.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/398457/original/file-20210503-17-10au0av.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/398457/original/file-20210503-17-10au0av.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/398457/original/file-20210503-17-10au0av.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/398457/original/file-20210503-17-10au0av.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans une salle de classe, la capacité de concentration n’est pas meilleure, mais l’enseignant peut user de différentes stratégies pour conserver leur attention.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Dans une salle de classe, la capacité de concentration n’est pas meilleure – les étudiants naviguent sur les réseaux sociaux, consomment ou jouent en ligne – mais l’enseignant peut user de différentes stratégies pour conserver leur attention comme varier le volume ou le ton de sa voix, circuler dans la classe et intervenir pour ramener un étudiant à l’ordre. C’est beaucoup plus difficile d’agir ainsi à distance.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/enseignement-a-distance-source-de-renouveau-pedagogique-151625">Enseignement à distance : source de renouveau pédagogique ?</a>
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<h2>Créer un évènement</h2>
<p>Que faire alors ? On peut d’abord se demander s’il est nécessaire qu’un cours comporte le même nombre de séances synchrones que s’il était offert en présence.</p>
<p>Par exemple, on peut profiter d’une des forces de ce type d’enseignement à distance pour interagir, poser des questions et fournir de la rétroaction immédiate aux étudiants. D’autre part, on peut exploiter les <a href="https://education4-1.sciencesconf.org/217200/document">avantages de la formation « asynchrone »</a>, avec des lectures ou des visionnements de vidéos. Ainsi, l’étudiant peut apprendre à son rythme et prendre le temps de réfléchir en profondeur.</p>
<p>Autrement dit, il faut faire en sorte que les rencontres soient des évènements à ne pas manquer et ne pas uniquement miser sur ces rencontres pour faire faire des apprentissages aux étudiants. De plus, ces rencontres doivent être scénarisées et préparées, comme peuvent l’être vos séries télévisées préférées.</p>
<h2>Le sentiment de présence, un grand absent</h2>
<p>Une étude réalisée par deux professeurs de l’Université Aix-Marseille a montré que <a href="https://theconversation.com/cours-a-distance-quen-pensent-vraiment-les-etudiants-152265">61,2 % des étudiants</a> ont le sentiment que l’enseignement à distance diminue les échanges entre eux et près de 70 % des étudiants disent être beaucoup moins en interaction avec leurs enseignants.</p>
<p>Une étudiante citée l’automne dernier dans un <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1749173/universite-detresse-psychologique-etudes-distance">reportage de Radio-Canada</a> a affirmé que de ses cinq cours, deux étaient donnés intégralement à partir de documents PDF, sans aucune interaction avec ses professeurs. « Je trouve ça cher 1800 $ pour des cours sur PDF », a-t-elle dit.</p>
<p>Ces propos illustrent bien le sentiment d’isolement des étudiants, alors qu’il est reconnu que <a href="https://www.cairn.info/revue-distances-et-savoirs-2008-4-page-491.htm">l’encadrement et le soutien sont des dimensions fondamentales en formation à distance</a>.</p>
<p>Cet encadrement doit être <a href="https://www-cairn-info.tlqprox.teluq.uquebec.ca/le-tutorat-en-formation-a-distance--9782804163426-page-61.htm">proactif et réactif</a> pour créer un <a href="https://www.cairn.info/revue-distances-et-savoirs-2010-2-page-257.htm">sentiment de présence</a> alimenté par l’enseignant, mais aussi par les autres étudiants. Il doit favoriser une plus <a href="https://journals.openedition.org/dms/646">grande proximité</a> entre tous.</p>
<p>L’encadrement des étudiants, ce n’est pas seulement répondre à des courriels, c’est prévoir des interventions pour favoriser la motivation, susciter des interactions par des questions et faire diminuer l’anxiété lors des évaluations, et ce, tout au long d’un cours. Ne pas prendre le temps de considérer cet aspect dans un cours à distance, c’est tomber dans l’un des <a href="https://www.edsurge.com/news/2020-05-01-5-traps-that-will-kill-online-learning-and-strategies-to-avoid-them">principaux pièges qui consiste à seulement transposer à distance un cours en présence</a>.</p>
<h2>Pas plus de tricherie</h2>
<p>Plusieurs intervenants en éducation ont la perception que le plagiat et la tricherie sont plus fréquents à distance qu’en classe. Or les <a href="https://eric.ed.gov/?id=EJ1162422">dernières études sur le sujet montrent que ce n’est pas le cas</a>. En fait, il y en aurait autant, sinon moins, lorsque les évaluations proposées sont adaptées à la formation à distance. Si le nombre de cas semble avoir augmenté avec la pandémie, c’est probablement en raison de tentatives, là aussi, de « simples » transpositions à distance des évaluations en présence (examens, exposés oraux) sans tenter de contrer le plagiat et la tricherie en amont.</p>
<p>Concevoir des évaluations dans un cours à distance est une belle occasion d’innover. Il est possible d’utiliser les outils numériques et permettre aux étudiants de démontrer leurs habiletés, leur savoir-faire et leurs compétences dans des contextes de réflexions, d’échanges, d’analyse et de jugement. Ainsi, il est possible de mettre en œuvre des contextes d’évaluations plus riches et complets que simplement se limiter à des questions à choix multiples ou à développement.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/evaluer-les-etudiants-comme-dans-un-jeu-video-158603">Évaluer les étudiants comme dans un jeu vidéo</a>
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<p>Dans les faits, les évaluations à distance peuvent être segmentées et porter plus facilement sur les processus de réalisation au lieu des résultats. L’enseignement à distance permet d’aller plus loin dans l’évaluation des apprentissages sans augmenter la charge de correction, tout en réduisant à la source les occasions de tricherie et de plagiat.</p>
<h2>Des solutions aux pièges connus</h2>
<p>Heureusement, les moyens d’éviter les pièges liés à l’enseignement à distance sont connus. Il faut former et accompagner les enseignants. Il faut aussi leur donner du temps pour concevoir leur cours à distance. En plus d’accommoder les enseignants et les étudiants, cela permettrait de concevoir du matériel didactique plus pérenne et de grande qualité.</p>
<p>Disposer d’outils technopédagogiques plus performants permettrait aussi aux enseignants d’aller plus loin que la traditionnelle pédagogie axée sur les exposés. La formation à distance, qu’elle soit faite de manière synchrone ou asynchrone, <a href="https://education4-1.sciencesconf.org/217200">a des avantages connus</a>, à condition d’être bien utilisée pour permettre aux enseignants, et surtout aux étudiants, d’en bénéficier.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158859/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Même si certains enseignants s’en sortent bien, plusieurs pièges prévisibles se sont refermés sur d’autres, et ce, au détriment des étudiants.Serge Gérin-Lajoie, Professeur, Université TÉLUQ Cathia Papi, Professeure, CURAPP-ESS, Université TÉLUQ Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1574742021-03-23T19:02:28Z2021-03-23T19:02:28ZLa science économique, mauvaise élève de l’égalité hommes-femmes aux États-Unis<p>Les disciplines académiques où <a href="https://slate.com/technology/2021/02/boys-who-care-girls-who-code.html">sévit le sexisme</a> <a href="https://www.insider.com/male-jobs-women-underrepresented-numbers-2019-8">ne manquent pas</a>. C’est le cas notamment des STEM – science, technologie, ingénierie et mathématiques – qui sont <a href="https://www.wgu.edu/blog/why-are-there-so-few-women-in-stem1907.html">régulièrement critiquées</a> pour leurs <a href="https://medium.com/@elizaaguhar/the-anatomy-of-misogyny-in-stem-8e4b189a971a">cultures misogynes</a>. Certaines études suggèrent également que la <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jep.30.4.221">science économique</a> serait particulièrement concernée par le phénomène.</p>
<p>Les conséquences de cette situation ne sont pas seulement ressenties par les femmes qui travaillent dans ce domaine et doivent supporter un cadre sexiste et des comportements hostiles. En effet, les politiques gouvernementales seraient probablement très différentes si davantage de femmes participaient à leur élaboration.</p>
<h2>Les chiffres ne mentent pas</h2>
<p>Pourtant, si cette sous-représentation des femmes est <a href="https://jcom.sissa.it/archive/19/01/JCOM_1901_2020_A08">connue</a>, il semble que l’on soit peu conscient de la gravité de la situation dans cette discipline et de la lenteur avec laquelle elle évolue.</p>
<p>Le domaine de l’économie reste en effet <a href="https://www.brookings.edu/blog/brown-center-chalkboard/2017/08/25/gender-hostilities-disparities-among-economics-professors-keep-women-from-ascending-ranks/">dominé par les hommes</a>, tant au niveau du corps enseignant que des étudiants, avec un nombre extrêmement faible de femmes et de membres – historiquement sous-représentés – de minorités raciales et ethniques par rapport à la population globale et aux autres disciplines académiques.</p>
<p>Aux États-Unis, les femmes représentent ainsi <a href="https://www.aeaweb.org/content/file?id=13968">moins de 15 % des professeurs titulaires</a> dans les départements d’économie et 31 % des professeurs assistants, selon une enquête menée l’année dernière par l’American Economic Association. Seulement 22 % au total des professeurs titulaires et voie de titularisation dans le domaine de l’économie sont des femmes.</p>
<p>À bien des égards, l’écart entre les sexes en économie apparaît comme le plus important de toutes les disciplines universitaires. Par exemple, les femmes ont <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jep.30.4.221">obtenu environ 30 %</a> des doctorats et des licences en économie en 2014 – soit le même pourcentage qu’en 1995 – contre 45 à 60 % des diplômes en commerce, en sciences humaines et dans les domaines des STEM (il s’agit de la dernière année pour laquelle des chiffres comparables sont disponibles).</p>
<p><iframe id="8xYVA" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/8xYVA/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>À l’échelle américaine, il y a environ <a href="https://scholar.harvard.edu/goldin/UWE">trois hommes pour chaque femme</a> qui se spécialise en économie, et ce ratio n’a pas changé depuis plus de 20 ans. Les femmes restent même <a href="https://www.insidehighered.com/news/2018/01/19/women-are-underrepresented-economics-textbooks-says-new-analysis-implications-fields">sous-représentées</a> dans les manuels d’économie, que ce soit dans des exemples réels ou imaginaires.</p>
<p>Dans le <a href="https://builtin.com/women-tech/women-in-tech-workplace-statistics">secteur technologique</a> et le <a href="https://www.statista.com/statistics/321286/voters-academy-awards-gender/">comité de l’industrie cinématographique</a> qui décerne les Oscars – deux groupes <a href="https://sdtimes.com/softwaredev/theres-a-diversity-problem-in-the-tech-industry-and-its-not-getting-any-better/">critiqués</a> ces dernières années pour leur <a href="http://dailyorange.com/2020/02/oscars-lack-diversity-inclusion-continues-2020/">manque de diversité</a> –, les femmes sont ainsi mieux représentées que le domaine de l’économie.</p>
<h2>Manque de modèles et sexisme</h2>
<p>Il peut sembler étrange que ce domaine présente un tel fossé entre les sexes alors que des femmes comme Janet Yellen, actuellement secrétaire au Trésor américain et ancienne présidente de la <a href="https://www.washingtonpost.com/gdpr-consent/?next_url=https%3a%2f%2fwww.washingtonpost.com%2fnews%2fwonk%2fwp%2f2013%2f07%2f19%2fthe-subtle-sexist-whispering-campaign-against-janet-yellen%2f">Réserve fédérale</a> (Fed) de 2014 à 2018, ou encore Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, font partie des économistes les plus influents dans le monde. Mais il s’agit là d’exceptions.</p>
<p><a href="https://fraser.stlouisfed.org/timeline">Seuls huit</a> des 140 présidents de la Fed et de ses entités locales nommés depuis 1914 sont des femmes, tout <a href="https://www.nber.org/system/files/working_papers/w23953/w23953.pdf">comme à peine un cinquième</a> des membres actuels du National Bureau of Economic Research – l’un des <a href="https://repository.upenn.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1018&context=think_tanks">plus influents</a> think tanks sur la politique économique des États-Unis.</p>
<p>Cela se traduit également par la <a href="https://www.aeaweb.org/about-aea/honors-awards/bates-clark">rareté des prix liés à l’économie</a> décernés aux femmes, dont <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/lists/all-prizes-in-economic-sciences/">seulement deux « Nobel »</a> dans ce domaine depuis 1969. Ce manque de modèles pour les étudiantes <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/app.20180426">apparaît comme l’une des raisons</a> pour lesquelles <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jep.33.1.23">moins de femmes étudient l’économie</a> à l’université.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/390456/original/file-20210318-13-11go51l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/390456/original/file-20210318-13-11go51l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/390456/original/file-20210318-13-11go51l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/390456/original/file-20210318-13-11go51l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/390456/original/file-20210318-13-11go51l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/390456/original/file-20210318-13-11go51l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/390456/original/file-20210318-13-11go51l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La Française Esther Duflo fait partie des deux femmes ayant reçu le prix « Nobel » d’économie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://u.afp.com/Uxva">Jonas Ekstromer/Tt News Agency/AFP</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Cependant, la raison principale de l’écart entre les hommes et les femmes pourrait être le sexisme généralisé dans les départements d’économie qui a été <a href="https://www.jstor.org/stable/41349169">bien documenté</a>. Par exemple, une enquête menée en 2019 par l’American Economic Association, qui a recueilli 9 000 réponses de membres actuels et anciens, a révélé que <a href="https://review.chicagobooth.edu/economics/2019/article/climate-discrimination-economics">près de la moitié des femmes</a> avaient déclaré avoir été victimes de discrimination sexiste, ou ne pas avoir pris la parole lors de conférences et s’être tenues à l’écart des événements sociaux pour éviter un éventuel harcèlement et un traitement irrespectueux.</p>
<p>Une équipe de chercheurs a <a href="https://www.nytimes.com/2021/02/23/business/economy/economics-women-gender-bias.html">récemment tenté de quantifier</a> l’ampleur du sexisme auquel les femmes sont confrontées lorsqu’elles présentent des articles et des données de recherche à leurs pairs. Ils ont constaté que, non seulement les femmes se voient poser plus de questions que les hommes pendant leurs présentations, mais que ces questions étaient plus susceptibles d’être <a href="https://www.nber.org/system/files/working_papers/w28494/w28494.pdf">condescendantes ou hostiles</a>.</p>
<p>De plus, une <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/pandp.20181101">étude de 2018</a> a révélé les nombreuses <a href="https://www.washingtonpost.com/gdpr-consent/?next_url=https%3a%2f%2fwww.washingtonpost.com%2fnews%2fwonk%2fwp%2f2017%2f08%2f22%2fhotter-lesbian-feminazi-how-some-economists-discuss-their-female-colleagues%2f">références sexuelles explicites</a> contenues dans les messages échangés entre économistes masculins lorsqu’ils évoquent leurs collègues féminines. L’étude a également démontré que les messages concernant des femmes contenaient 43 % moins de termes académiques ou professionnels et étaient plus susceptibles de contenir des termes liés à des informations personnelles ou à des attributs physiques.</p>
<p>Malgré ces preuves de sexisme, le nombre d’économistes masculins <a href="https://www.economist.com/finance-and-economics/2019/01/12/how-economics-is-trying-to-fix-its-gender-problem">ne semblent pas penser</a> que l’hostilité sexiste a un effet sur la sous-représentation des femmes dans la profession ou même qu’elle existe. Cela pourrait s’expliquer par un phénomène de <a href="https://www.medicalnewstoday.com/articles/gaslighting">« gaslighting »</a> qui désigne un comportement de remise en cause psychologique de la personne pour la déligitimer. Les économistes masculins auraient ainsi tendance à expliquer aux femmes qu’elles sont trop sensibles, qu’elles réagissent de manière excessive ou qu’elles prennent les choses trop à cœur lorsqu’elles soulèvent un problème.</p>
<h2>Le problème de la diversité en économie</h2>
<p>Atteindre une plus grande diversité de genre et d’autres types de diversité en économie n’est pas seulement une question de politiquement correct. La diversité permet d’obtenir de <a href="https://www.businessinsider.fr/us/new-study-finds-boosting-diverse-management-increases-productivity-2020-6">meilleurs résultats</a> et de <a href="https://ploughshares.org/issues-analysis/article/diversity-makes-better-policy">meilleures politiques</a> en modifiant la dynamique de groupe et la prise de décision.</p>
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<img alt="Les gouverneurs du Fonds monétaire international posent pour une photo lors d’une réunion annuelle." src="https://images.theconversation.com/files/389108/original/file-20210311-19-1tao5mt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/389108/original/file-20210311-19-1tao5mt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/389108/original/file-20210311-19-1tao5mt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/389108/original/file-20210311-19-1tao5mt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/389108/original/file-20210311-19-1tao5mt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/389108/original/file-20210311-19-1tao5mt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/389108/original/file-20210311-19-1tao5mt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Peu de gouverneurs du Fonds monétaire international sont des femmes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/imfphoto/32657075587/">FMI</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Des décennies de recherches menées par des spécialistes de l’organisation, des psychologues, des sociologues, des économistes et des démographes, montrent que le fait de <a href="https://www.scientificamerican.com/article/how-diversity-makes-us-smarter">côtoyer des personnes différentes de soi</a> – et pas seulement par le sexe, mais aussi par la race, la classe, l’origine ethnique et l’orientation sexuelle – rend les gens plus créatifs, plus diligents et plus travailleurs. Et la profession d’économiste n’a pas seulement un problème de genre. Elle a également de terribles antécédents en matière de représentation des <a href="https://www.aeaweb.org/content/file ?id=13728">minorités ethniques</a>.</p>
<p>Ce manque de diversité sexuelle et raciale a des conséquences sur la politique. En termes de genre, par exemple, les femmes économistes semblent <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/coep.12004">beaucoup plus susceptibles de croire</a> que les réglementations aux États-Unis ne sont pas excessives, que la distribution des revenus devrait être plus égale et que les opportunités d’emploi ne sont pas les mêmes pour les hommes et les femmes, alors que les politiques de ces dernières décennies <a href="https://mises.org/wire/yes-inequality-problem-when-caused-government">ont généralement favorisé</a> des objectifs opposés.</p>
<p>Si le but ultime de la recherche économique reste de développer et de communiquer des idées durables, ces preuves suggèrent que la valeur et l’impact de la profession d’économiste ne sont pas seulement un échec pour les femmes en économie, mais pour tout le monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157474/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Veronika Dolar ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Seuls 15 % des professeurs titulaires américains sont aujourd’hui des femmes. Une proportion qui n’a que très peu évolué depuis 20 ans.Veronika Dolar, Assistant Professor of Economics, SUNY Old WestburyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1570112021-03-16T17:38:28Z2021-03-16T17:38:28ZComment la pandémie pourrait changer l'enseignement universitaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/389663/original/file-20210315-13-1har9sa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C46%2C6162%2C4055&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Professeurs et étudiants ont été bousculés par les nouveaux formats d'évaluation et d'enseignements. Le passage des examens en format virtuel a soulevé d'importants enjeux d'intégrité académique.
</span> <span class="attribution"><span class="source">shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Depuis le début de la pandémie, l’éducation de millions d’étudiants universitaires à travers le monde est perturbée et les universités ont modifié considérablement leur fonctionnement pour respecter les mesures sanitaires adoptées par les gouvernements. Elles ont adapté leurs activités pédagogiques, entre autres en offrant l’enseignement à distance. Mais quels seront les impacts à plus long terme de ces nouvelles pratiques ?</p>
<p>Le <a href="https://sciencessociales.uottawa.ca/gouvernance/">Centre d’études en gouvernance</a>, que je dirige, mène actuellement une recherche sur le sujet avec l’<a href="https://ifgu.auf.org/">Institut de la Francophonie pour la Gouvernance universitaire</a>, un institut spécialisé de l’<a href="https://www.auf.org/">Agence universitaire de la Francophonie</a>. Notre analyse s’appuie sur diverses sources dont des articles, des documents universitaires, des revues, des blogues, des séminaires, des enquêtes et des forums de discussion en ligne. Nous avons aussi recueilli plusieurs <a href="https://ifgu.auf.org/ifgu-covid-19/">témoignages en format vidéo de hauts gestionnaires universitaires</a> dans plusieurs parties du monde, qui présentent leur vécu de la gouvernance universitaire en temps de crise.</p>
<p>Nos résultats seront bientôt publiés sous la forme d’un <a href="https://sciencessociales.uottawa.ca/gouvernance/publications">cahier de recherche du Centre d’études en gouvernance</a> et feront l’objet de webinaires de l’Agence Universitaire de la Francophonie ayant pour thème : <a href="https://www.auf.org/nouvelles/agenda/cycle-de-webinaires-lactualite-reseaux-francophones-focus-1-transformer-luniversite-temps-de-crise/">transformer l’Université en temps de crise</a>.</p>
<h2>Une transition forcée</h2>
<p>Lors de l’éclosion de la pandémie, en l’espace d’une semaine, les universités ont dû se coordonner rapidement avec le personnel administratif, les professeurs, les étudiants et surtout les équipes techniques pour transférer les cours en ligne dans le but de clôturer leur année universitaire. Cela a obligé professeurs et étudiants à maîtriser rapidement l’utilisation des systèmes de gestion de l’apprentissage (tels que Moodle, Blackboard, Brightspace, Google Education et autres) et les logiciels de communication pour l’enseignement à distance (tels que Zoom, Adobe Connect, Skype et Teams) pour n’en citer que quelques-uns.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/389689/original/file-20210315-19-1jgfle8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/389689/original/file-20210315-19-1jgfle8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/389689/original/file-20210315-19-1jgfle8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/389689/original/file-20210315-19-1jgfle8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/389689/original/file-20210315-19-1jgfle8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/389689/original/file-20210315-19-1jgfle8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/389689/original/file-20210315-19-1jgfle8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une note annonce la fermeture temporaire de l’Université Concordia à Montréal, le mardi 17 mars 2020. L’enseignement à distance a donné lieu à un événement inusité dans cette université, alors que des étudiants ont constaté que des cours virtuels étaient donnés par professeur décédé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Paul Chiasson</span></span>
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<p>Les étudiants et le personnel universitaires ont dû procéder à des ajustements importants. Non seulement ont-ils dû apprendre à utiliser les outils d’enseignement en ligne, mais ils ont également dû s’adapter à de nouvelles méthodes de participation, d’interaction, de pratiques d’enseignement virtuelles et de communication entre étudiants et professeurs.</p>
<p>Cette situation a parfois provoqué des situations inusitées par exemple quand des étudiants ont découvert que les <a href="https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/post-mortem-un-professeur-mort-donne-des-cours-virtuels-dans-une-universite">enseignements virtuels étaient offerts par un professeur décédé</a> un an avant la pandémie, et ce, sans préavis. Cet exemple extraordinaire démontre le contexte souvent décousu dans lequel la transition vers le format virtuel s’est matérialisée.</p>
<h2>Un impact sur la valeur des diplômes</h2>
<p>Professeurs et étudiants ont été particulièrement bousculés par les nouveaux formats d’évaluation et d’enseignements. Le passage des évaluations et des examens finaux en format virtuel a sans doute soulevé les plus importants enjeux d’intégrité pédagogique entre les directions, les professeurs et les étudiants.</p>
<p>D’une part, les professeurs avaient très peu d’expérience dans la préparation des examens en ligne. Le format d’examen à livre ouvert et l’absence de contrôle auprès des étudiants pavaient la voie à <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1750101/cours-en-ligne-enseignement-distance-pandemie">d’avantage de tricherie qu’à l’habitude</a>. D’autre part, les étudiants, principalement ceux ayant un accès limité à l’Internet, craignaient d’être désavantagés lors des évaluations en ligne.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-voici-comment-les-profs-peuvent-enseigner-a-distance-133838">Covid-19 : voici comment les profs peuvent enseigner à distance</a>
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<p>La conjugaison de tous ces facteurs de stress a eu un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32377489/">impact inévitable sur la santé mentale des étudiants et du personnel académique</a>. C’est pourquoi plusieurs universités ont tôt fait d’inclure des mesures adaptatives. Cette situation aura vraisemblablement un impact temporaire sur la valeur des diplômes. En revanche, cela aura ouvert la porte aux professeurs et aux institutions afin de <a href="https://journalhosting.ucalgary.ca/index.php/ai/article/view/71644">repenser les modalités d’évaluation et d’intégrité académique</a> à l’avenir.</p>
<h2>La « fatigue Zoom » bien réelle</h2>
<p>Dans la plupart des cas, la transition n’a pas été facile. Les étudiants ont souvent exprimé <a href="https://www.cnbc.com/2020/05/20/post-pandemic-remote-learning-could-be-here-to-stay.html">leur préférence pour les pratiques plus conventionnelles d’apprentissage en classe</a>. Cette aversion générale pour le processus d’apprentissage en ligne a été illustrée par les nombreux étudiants qui ont décidé d’abandonner ou de reporter leur projet d’études universitaires et tout particulièrement les <a href="https://www.policyschool.ca/wp-content/uploads/2021/02/SPT-FEB.pdf">étudiants internationaux</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-la-detresse-des-etudiants-universitaires-est-bien-reelle-148976">Covid-19 : la détresse des étudiants universitaires est bien réelle</a>
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<p>Même si le passage de l’apprentissage en personne à l’apprentissage en ligne a été un défi, les établissements universitaires y ont également trouvé plusieurs avantages. Le passage à l’apprentissage en ligne a démontré la polyvalence et la capacité d’adaptation parfois insoupçonnées du personnel administratif, des professeurs et des administrateurs de bibliothèque.</p>
<p>En outre, il a permis aux universités de sensibiliser les étudiants à l’accès aux divers systèmes de gestion de l’apprentissage en ligne dans l’enseignement universitaire. Le transfert des cours en ligne a montré la commodité de l’apprentissage à distance et a même convaincu certaines catégories d’étudiants (notamment des adultes, des travailleurs, des chômeurs) de réintégrer des programmes d’études universitaires.</p>
<h2>Des réductions de coûts</h2>
<p>Dans ce processus, les universités ont réalisé que l’apprentissage en ligne peut contribuer à la diversification de leur population étudiante. Principalement parce que les cours en ligne permettent à un plus grand nombre d’étudiants d’apprendre à moindre coût.</p>
<p>Les étudiants qui sont capables d’apprendre à distance de manière efficace n’ont pas à supporter les coûts du transport quotidien, du logement et des plans repas. En outre, l’apprentissage en ligne permet aux étudiants qui vivent hors campus de gagner du temps en n’ayant pas à se déplacer.</p>
<p>À court terme, cela favorise également les étudiants qui, auparavant, auraient pu reporter la poursuite de leurs études supérieures dans un établissement éloigné en raison des inconvénients de la distance. Ce mode d’enseignement permet en somme aux universités de réfléchir à la diversité de leurs populations étudiantes et de tenir compte de certains besoins spécifiques.</p>
<p>Au-delà des enjeux pédagogiques, certains y voient une <a href="https://www.city-journal.org/post-pandemic-higher-education">opportunité de réduction des coûts</a>. Cela met une pression supplémentaire sur les universités pour qu’elles fassent de leur transition vers l’apprentissage à distance une réalité permanente, au moins en partie.</p>
<h2>Des changements irréversibles?</h2>
<p>Après avoir expérimenté une telle situation, il sera à peu près inévitable pour les universités de devoir réviser leurs mesures d’urgence en intégrant la formation en ligne et à distance comme mesures de mitigation des crises, faisant en sorte de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/13523260.2020.1761749">normaliser cette option en anticipant les crises futures</a>.</p>
<p>Il faudra aussi maintenir une approche critique face aux pressions soutenues par le secteur privé, dans lequel les <a href="https://www.universityworldnews.com/post.php?story=20210115122001617">sociétés de technologie éducative et autres grandes entreprises technologiques plaident pour un accroissement et une permanence de la transition de l’enseignement en ligne</a>.</p>
<p>En somme, la Covid-19 a changé le monde et le monde universitaire n’y fait pas exception. Elle a modifié la façon dont les gens interagissent les uns avec les autres, la façon dont ils travaillent et aussi la façon dont ils apprennent. Ces changements seront-ils durables? Chose certaine, les universités prennent conscience du fait que les pratiques d’enseignement ne seront peut-être jamais totalement identiques au modèle précédent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157011/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Champagne a reçu des financements du Programme Canadien de Bourses de la Francophonie et de l'Institut de la Francophonie pour la Gouvernance Universitaire. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Aracelly Denise Granja is affiliated with the Canadian Human Rights International Organization (CHRIO). </span></em></p>En quelques jours, les universités ont dû transférer leurs cours en ligne. Cette transition forcée laissera des marques et les pratiques d’enseignement ne reviendront jamais tout à fait comme avant.Eric Champagne, Professeur agrégé, École d'études politique, Directeur, Centre d'études en gouvernance / Associate professor, School of Political Studies, Director, Centre on Governance, L’Université d’Ottawa/University of OttawaAracelly Denise Granja, Research Assistant, L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1443962020-08-18T13:23:36Z2020-08-18T13:23:36ZRentrée : a-t-on (encore) oublié les éducatrices ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/353258/original/file-20200817-14-b5a655.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">shutterstock</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les jeunes Québécois retournent en classe d’ici deux semaines, et on sait désormais dans quel contexte cette rentrée pas comme les autres se déroulera. Lors de sa conférence de presse du 10 août, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1725432/rentree-scolaire-devoilement-plan-education-jean-francois-roberge-covid19">Jean‑François Roberge a annoncé les grandes lignes</a> du plan révisé de la rentrée scolaire. Aux premiers abords, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1725631/coronavirus-rentree-scolaire-ecoles-reaction-plan-covid-pandemie">ce plan semble satisfaire plusieurs associations scolaires</a>.</p>
<p>Rapidement toutefois, les <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/lettres/583996/lettres-le-rattrapage-scolaire-ce-grand-oublie">partis d’opposition ont souligné à grands traits l’absence de mesures de rattrapage scolaire</a> et le flou entourant le soutien pédagogique auprès des élèves vulnérables ou avec des difficultés d’apprentissage. <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1727095/rattrapage-scolaire-reussite-roberge-quebec-ecole-difficultes-pandemie">La stratégie du gouvernement pour aider les enfants à rattraper le retard accumulé en raison du confinement</a> a été présentée une semaine plus tard, soit le 17 août.</p>
<p>En dépit des annonces du ministre, une question critique reste en suspend : alors que près de <a href="https://www.cse.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/2020/06/50-0524-AV-bien-etre-enfant-4.pdf">60 % des élèves inscrits dans une école primaire fréquentent un service de garde en milieu scolaire, ce qui représente un peu plus de 363 000 enfants</a>, comment peut-on assurer la sécurité des enfants en dehors des heures de classe ? Comment justifier l’absence d’explications en lien avec l’offre de services de garde en milieu scolaire ? Qui doit s’occuper des enfants en temps de pandémie après les heures de classe ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/353186/original/file-20200817-14-1xrfy09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/353186/original/file-20200817-14-1xrfy09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/353186/original/file-20200817-14-1xrfy09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/353186/original/file-20200817-14-1xrfy09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/353186/original/file-20200817-14-1xrfy09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/353186/original/file-20200817-14-1xrfy09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/353186/original/file-20200817-14-1xrfy09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le ministre québécois de l’Éducation Jean‑Francois Roberge dévoile le plan de rentrée scolaire actualisé pour l’année scolaire 2020-2021 lors d’une conférence de presse à Montréal, le 10 août.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Ryan Remiorz</span></span>
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<p>Aurait-on, une fois de plus, oublié de parler de la réalité des éducatrices et de leurs conditions de travail ? En tant que chercheuse postdoctorale en sociologie et experte de la politique familiale québécoise, voilà les questions qui m’animent depuis l’annonce du plan de la réouverture des écoles, questions complètement écartées lors des deux conférences de presse du ministre Roberge.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-educatrices-en-services-de-garde-les-anges-oublies-137742">Les éducatrices en services de garde : les anges oubliés ?</a>
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<h2>Les effets genrés de la pandémie et la relance économique</h2>
<p>Plusieurs recherches internationales récentes ont montré l’effet genré de la pandémie sur l’emploi et la conciliation travail-famille dans des pays comme l’<a href="https://covid-19.iza.org/publications/dp13434/">Espagne</a>, les <a href="https://ktla.com/wp-content/uploads/sites/4/2020/06/ZamarroGenderDiffImpactCOVID-19_061820-2.pdf">États-Unis</a>, <a href="https://voxeu.org/article/women-s-work-housework-and-childcare-and-during-covid-19">l’Italie</a> et le <a href="https://www.voced.edu.au/content/ngv%3A86494">Royaume-Uni</a>. <a href="https://www.utpjournals.press/doi/abs/10.3138/cpp.2020-077">Au Canada</a>, pendant que certains travailleurs jonglaient entre les demandes professionnelles, les soins aux personnes dépendantes et les exigences liées à la poursuite des apprentissages à distance, <a href="https://www.utpjournals.press/doi/abs/10.3138/cpp.2020-077">l’écart entre les genres s’est accentué sur le marché du travail chez les parents d’enfants de 6 à 12 ans</a>.</p>
<p>Au Québec, selon des données recueillies par le <a href="https://www.quebecfamille.org/fr/">Réseau pour un Québec Famille</a>, <a href="https://cdn.ca.yapla.com/company/CPYStpVCZIXk8RXwzmI7VVuY/asset/files/Rapport_RPQF_PPT_2020-06-18_vf.pdf">41 % des femmes, mais seulement 34 % des hommes ont dit avoir trouvé leur conciliation travail-famille difficile ou très difficile</a>. C’est presque devenu un truisme que de discuter des effets délétères accrus de la pandémie sur la situation d’emploi des femmes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-un-impact-plus-grand-chez-les-femmes-138287">Covid-19 : un impact plus grand chez les femmes</a>
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<h2>L’école et la garde des enfants</h2>
<p>L’école n’est pas seulement un lieu d’apprentissage, c’est également là où s’effectue de manière sécuritaire la garde des enfants. D’ailleurs, le taux d’activité des mères augmente dans plusieurs pays lorsque les enfants entrent à l’école. Au Québec, les heures de classe pour les enfants qui fréquentent une école primaire sont limitées et elles ne correspondent que rarement aux heures de travail des parents. C’est dans le but de faciliter la conciliation travail-famille que la province s’est dotée dès la fin des années 90, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/cars.12243">d’un réseau de services de garde à la petite enfance (notamment avec les CPE)</a>, ainsi que de services de garde en milieu scolaire.</p>
<p>Les parents peuvent ainsi aller reconduire leurs enfants avant le début des classes et les chercher plusieurs heures après le son de la cloche de l’après-midi. Aussi, en vertu du modèle actuellement en place, les enfants ne sont pas tenus de fréquenter leur service de garde selon un horaire rigide ; si les heures de classe sont préétablies, celles de l’arrivée et du départ des enfants à l’extérieur de ces heures sont beaucoup plus souples.</p>
<p>Qu’adviendra-t-il de ce modèle de services de garde à l’automne ? Le plan de réouverture des écoles prévoit le concept de bulle de groupe-classe, afin de limiter les interactions entre des élèves de différentes classes et de différents niveaux. Le succès de ce plan repose sur le fait que les enfants demeurent ensemble en tout temps. Si les enseignants semblent se voir offrir des règles de conduite de plus en plus claires, notamment avec la possibilité pour les enfants de retirer leur masque dans leur classe, un brouillard épais plane au-dessus de l’organisation des activités des groupes de services de garde.</p>
<p>Comment fera-t-on pour ne pas crever les bulles de classe à l’extérieur des heures d’enseignement ? Est-ce que le gouvernement a prévu l’embauche de nouvelles éducatrices afin que le nombre de groupes en services de garde corresponde au nombre de groupes-classes ? A-t-on oublié qu’il existe une <a href="https://www.lesoleil.com/opinions/point-de-vue/les-services-de-garde-en-milieu-scolaire-lourdement-affectes-par-la-penurie-de-main-duvre-6232c27c384d75201d1603e049b7bb72">pénurie de main-d’œuvre chez les éducatrices en milieu scolaire ?</a> À quel moment les enfants pourront-ils retirer leur masque ? Quelle sera la procédure pour aller reconduire et chercher les enfants au service de garde afin de limiter la présence simultanée de nombreux parents dans l’école ?</p>
<p>Voilà des questions qui restent sans réponse.</p>
<h2>L’importance d’une offre de service de garde sécuritaire en milieu scolaire</h2>
<p>Plusieurs observateurs, dont des <a href="https://brocku.ca/brock-news/2020/04/social-infrastructure-particularly-child-care-will-be-central-to-canadas-economic-recovery-brock-expert/">intellectuels</a>, des <a href="https://www.childcarecanada.org/about/what-we-do">instituts de recherche</a> et des <a href="https://www.nytimes.com/2020/08/06/us/politics/elizabeth-warren-child-care.html">acteurs politiques</a> ont mis en relief l’importance d’offrir aux parents, et surtout aux mères, des services de garde sécuritaires, afin de ne pas les contraindre à choisir entre leurs activités professionnelles et familiales en temps de pandémie. L’accent a toutefois été mis davantage sur la nécessité d’offrir des services de garde pour les enfants d’âge préscolaire que pour les enfants qui fréquentent l’école.</p>
<p>La <a href="http://policyresponse.ca/care-at-the-core/">relance économique n’est possible que dans un contexte où les parents peuvent compter sur un service de garde sécuritaire</a>, ce qui inclut l’école. En omettant de discuter des services de garde, on attaque de manière pernicieuse les femmes sur plusieurs fronts.</p>
<p>D’abord, on néglige de reconnaître la valeur et l’importance de la prise en charge du travail de <a href="https://www.pressegauche.org/Nouvelle-vague-feministe-theorie-de-la-reproduction-sociale-et-consequences">reproduction sociale</a>, qui permet pourtant à l’économie de ne pas s’effondrer, en facilitant l’activité économique d’une partie importante de la main-d’œuvre, soit les mères de jeunes enfants. On oublie également de mettre en relief le rôle absolument essentiel des éducatrices pour assurer la sécurité des enfants, comme « gardiennes » des bulles de groupe.</p>
<p>Enfin, on ferme les yeux sur un fait qui se révèle une fois de plus dans le contexte de la pandémie : au nom du bien-être et de la sécurité de leurs enfants, les mères risquent de prendre des décisions lourdes de conséquences sur l’égalité entre les genres. Mais pourquoi a-t-on oublié de parler du travail des éducatrices en milieu scolaire ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144396/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sophie Mathieu a reçu des financements du CRSH.</span></em></p>La relance économique n’est possible que dans un contexte où les parents peuvent compter sur un service de garde sécuritaire, ce qui inclut l’école.Sophie Mathieu, PhD en sociologie, experte de la politique familiale québécoise, Université TÉLUQ Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1377422020-05-08T14:18:58Z2020-05-08T14:18:58ZLes éducatrices en services de garde : les anges oubliés ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/333517/original/file-20200507-49565-1vhjkwo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un jeune enfant dans un parc, à Hambourg, en Allemagne, le 17 mars. Les éducatrices qui prennent soin des petits durant la pandémie ne bénéficient pas de la reconnaissance des autres travailleurs essentiels.</span> <span class="attribution"><span class="source">Daniel Reinhardt/dpa via AP</span></span></figcaption></figure><p>On fait beaucoup cas depuis le début de la pandémie de Covid-19 du manque criant de personnel dans les établissements de soins de santé. <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1696687/travailleurs-manquants-systeme-public-hopitaux-coronavirus">Il en manquerait quelque 10 000</a>, selon les derniers chiffres : employés malades, ou ne voulant pas mettre leur santé à risque.</p>
<p>Avec le déconfinement graduel, une autre crise émerge : celle des éducatrices en garderie. Alors que Québec ouvre dès lundi les services de garde dans l’ensemble des régions — et deux semaines plus tard à Montréal — <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1700319/cpe-coronavirus-deconfinement-garderie-quebec-gouvernement">plus de 6 000 d’entre elles auraient déjà signalé qu’elles ne rentreraient pas travailler</a>, <a href="https://www.tvanouvelles.ca/2020/04/27/des-responsables-des-garderies-en-milieu-familial-hesitent-a-rouvrir-1">ou n’ouvriraient tout simplement pas leur service de garde en milieu familial</a>.</p>
<h2>Mal payées, mal valorisées et aucune prime</h2>
<p>Cette nouvelle crise met en lumière la réalité de ces éducatrices, notamment celles qui œuvrent dans le secteur privé : mal payées, peu valorisées. Fait révélateur : celles qui ont travaillé ces dernières semaines dans les CPE maintenus ouverts, pour permettre aux travailleurs prioritaires d’y faire garder leurs enfants, n’ont eu droit à aucune prime de risque, en dépit des demandes répétées des <a href="https://www.lesoleil.com/actualite/covid-19/travailleuses-des-services-de-garde-durgence-les-grandes-oubliees-de-la-pandemie-denonce-une-educatrice-92230d720bd0c3522a8c9c7b42be206c">syndicats</a> et de <a href="https://www.journaldequebec.com/2020/04/26/qs-reclame-une-prime-covid-pour-les-travailleuses-des-services-de-garde-durgence">l’opposition</a>.</p>
<p>Comment est-il possible que les services de garde soient essentiels au point de demeurer ouverts pendant la pandémie, que le déconfinement progressif soit tributaire de leur disponibilité, mais que les personnes sur la ligne de front avec les enfants ne bénéficient d’aussi peu de reconnaissance ? En tant que chercheuse postdoctorale en sociologie et experte de la politique familiale québécoise, c’est la question que je me pose depuis le début de cette crise.</p>
<p><a href="https://performance.gouv.qc.ca/fileadmin/documents/PS/MFA_PS_2019-2023_VF.pdf">Selon des chiffres datant de mars 2019 du ministère de la Famille</a>, 64 % des enfants de 0 à 4 ans fréquentent un service de garde ou la maternelle 4 ans.</p>
<p>Avec l’éclosion de la pandémie, seuls les milieux offrant des places subventionnées ont été autorisés à offrir des services d’urgence. Les parents travaillant dans les services essentiels dont les enfants fréquentaient une garderie non subventionnée ont dû <a href="https://www.journaldequebec.com/2020/03/28/comme-une-claque-en-plein-visage">opter pour un nouveau service de garde à partir du 3 avril</a>. C’est donc 23 % des places qui se sont évaporées, mais sans doute encore plus, puisque les milieux familiaux subventionnés ont eu la possibilité de continuer à offrir des services, mais <a href="https://www.mfa.gouv.qc.ca/fr/publication/Documents/FAQ_RSG_6avril.pdf">seulement sur une base volontaire</a>.</p>
<h2>Qui doit s’occuper des enfants en temps de crise ?</h2>
<p>En l’espace de quelques jours, la norme sociale qui consiste à envoyer un enfant d’âge préscolaire dans un service de garde a été renversée à 180 degrés, le taux d’<a href="https://www.tvanouvelles.ca/2020/04/27/les-ministres-lacombe-et-roberge-font-le-point">occupation des CPE oscillant autour de 4 %</a>. Évoquant sur les réseaux sociaux la « question de santé et de respect pour nos éducatrices », l’offre de services pour les travailleurs essentiels s’est vue accompagnée d’une <a href="https://www.facebook.com/MathieuLacombeCAQ/videos/891459981304384/">demande formulée sur plusieurs tribunes par le ministre de la famille Mathieu Lacombe</a>, soit celle de leur utilisation en dernier recours.</p>
<p>C’est sans doute dans le même esprit que des travailleurs pourtant jugés essentiels, comme les <a href="https://www.lapresse.ca/covid-19/202004/18/01-5269945-les-employes-de-la-stm-toujours-prives-de-services-de-garderies.php">employés de la société des transports de Montréal (STM)</a> ou les <a href="https://www.journaldequebec.com/2020/04/14/liste-des-emplois-essentiels-pas-de-service-de-garde-durgence-pour-la-construction">travailleurs de la construction</a> à partir du 20 avril, n’ont pas eu accès aux services de garde d’urgence.</p>
<p>Dans un contexte où les enfants sont gardés à la maison pour une période indéterminée, alors que les parents tentent de poursuivre leurs activités professionnelles, à qui la responsabilité du <a href="https://www.pressegauche.org/Nouvelle-vague-feministe-theorie-de-la-reproduction-sociale-et-consequences">travail de reproduction sociale</a> qui consiste à veiller au bien-être, à la sécurité, au développement et à l’épanouissement des enfants incombe-t-elle ? Au gouvernement, au milieu de travail ou aux parents ?</p>
<h2>Le recul de l’égalité des genres</h2>
<p>Au Québec, comme dans l’ensemble des sociétés développées, la participation des femmes au marché du travail est directement liée à la disponibilité des services de garde et à l’acceptabilité sociale de leur utilisation. L’égalité entre les hommes et les femmes dépend, en grande partie, de la <a href="https://academic.oup.com/sp/article/23/4/576/2525290">« dématernalisation » des soins</a>, en dirigeant une partie du travail de reproduction sociale à l’extérieur de la cellule familiale.</p>
<p>Mais qu’arrive-il lorsque ces services ne sont plus disponibles ou lorsque leur utilisation est limitée ? On peut aisément supposer que la période de pause engendre une « maternalisation » accrue du travail de reproduction sociale. Dans les cercles universitaires, un <a href="https://www.thelily.com/women-academics-seem-to-be-submitting-fewer-papers-during-coronavirus-never-seen-anything-like-it-says-one-editor/?fbclid=IwAR3QCE-N9wnkQrjYK_mdDz7VH_e2qMkHoA56aJnTx25CE987piK8R-Gn7zk">article</a>) circule sur la chute dramatique de la proportion de femmes qui soumettent leurs recherches pour publication à des revues savantes… parallèlement à une hausse de la productivité des hommes.</p>
<p>Avec la crise qui risque de durer des mois, le brouillard entourant le processus de réouverture des services de garde, et le fait que <a href="https://www.journaldequebec.com/2020/04/27/des-responsables-des-garderies-en-milieu-familial-hesitent-a-rouvrir">43 % des responsables en services de garde en milieu familial songent à mettre la clé sous la porte</a>, la division non genrée du travail de reproduction sociale risque d’en prendre un coup. Des données de l’Enquête sociale générale sur l’emploi du temps montraient déjà, avant la pandémie, des inégalités <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/89-503-x/2015001/article/54931-fra.htm">importantes entre les hommes et les femmes dans le temps consacré aux tâches ménagères et au soin des enfants</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/333680/original/file-20200508-49565-15yiuqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/333680/original/file-20200508-49565-15yiuqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/333680/original/file-20200508-49565-15yiuqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/333680/original/file-20200508-49565-15yiuqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/333680/original/file-20200508-49565-15yiuqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/333680/original/file-20200508-49565-15yiuqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/333680/original/file-20200508-49565-15yiuqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Avant la pandémie, des enquêtes révélaient des inégalités importantes entre les hommes et les femmes dans le temps consacré aux tâches ménagères et au soin des enfants. La crise a accentué cette situation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<h2>Une opportunité manquée</h2>
<p>La crise de la Covid-19 semblait pourtant propice à une reconnaissance de la valeur du travail de reproduction sociale. Jamais le travail des éducatrices n’aura été aussi important. Jamais ce travail n’aura été aussi risqué et empreint de défis. Jamais, paradoxalement, il n’aura été aussi peu reconnu.</p>
<p>Serions-nous en train d’assister à un retour sournois et pernicieux à des valeurs conservatrices qui identifient la famille — et plus particulièrement la mère — comme étant la mieux placée pour offrir des soins en période de crise ?</p>
<p>À l’instar de la mise en place de primes par le gouvernement pour le personnel déployé contre le virus, plusieurs compagnies privées, en particulier des épiceries, ont rapidement <a href="https://www.lanouvelle.net/2020/04/21/les-services-de-garde-durgence-attendent-toujours-une-reconnaissance-du-gouvernement/">bonifié le salaire de leurs employés pour les compenser</a> pour les risques encourus. Pourquoi ne pas avoir fait ce choix pour les éducatrices, dont la prestation de service est liée à la disponibilité des travailleurs de la santé et au redémarrage de l’économie en permettant aux parents, et plus particulièrement aux mères, un retour au travail ?</p>
<p>Ce manque de valorisation du travail hautement essentiel effectué par les éducatrices n’est pas de bon augure pour la suite, si on se fie aux leçons qui se dessinent avec la crise des CHSLD. <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1700479/places-cpe-garderies-coronavirus-educatrices-gouvernement-reprise">L’absence probable de 6 000 éducatrices</a> dans les services de garde qui s’apprêtent à rouvrir, tout comme le manque de personnel dans les CHSLD, nous aideront peut-être à prendre enfin conscience de l’importance et de la valeur du travail de soins effectués par les femmes, trop souvent gratuitement ou contre un petit salaire.</p>
<p>Dommage que ce soit les plus vulnérables, les enfants et les aînés, qui en paient le prix.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137742/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sophie Mathieu a reçu des financements du Conseil de recherche en sciences humaines.</span></em></p>Les services de garde sont essentiels au point de demeurer ouverts pendant la pandémie, mais les personnes sur la ligne de front ne bénéficient que de très peu de reconnaissance, notamment salariale.Sophie Mathieu, PhD en sociologie, experte de la politique familiale québécoise, Université TÉLUQ Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/956852018-05-01T21:47:12Z2018-05-01T21:47:12ZMai 68 : la deuxième naissance du travail social<p>Les manifestations de ce début d’année 2018 ne laissent aucun doute : le secteur social français semble à bout de souffle. L’épuisement des personnels des EHPAD (établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes), les failles de la protection de l’enfance, le manque d’éducateurs de rue dans des quartiers chauds font régulièrement la une des journaux.</p>
<p>En France, le travail social a connu d’intenses transformations ces dernières décennies, liées aux évolutions de la société, aux problèmes sociaux (précarité économique, chômage, exclusion, handicap et protection de l’enfance, etc.), et à l’émergence de nouvelles problématiques (logement, travailleurs pauvres, souffrance psychique, etc.).</p>
<p>Également marqué par une forte croissance, ce secteur, parmi les plus dynamiques de l’économie française, <a href="http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/er893.pdf">compte plus de 1,7 million de salariés</a>, dont 1,2 million de travailleurs sociaux, 36 000 établissements ou services sociaux et un important tissu associatif assurant la gestion de nombreux établissements.</p>
<p>Mais c’est en 1968 que le travail social a connu un véritable tournant, porté par une série de revendications plus anciennes.</p>
<h2>Un secteur né de la révolte contre les inégalités</h2>
<p>Ce secteur professionnel est né à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle <a href="https://www.presses.ehesp.fr/produit/histoire-du-travail-social/">d’une révolte contre l’injustice</a> face à la pauvreté et à ses répercussions.</p>
<p>Il s’est développé dans le contexte d’une transformation sociale et économique dont la violence des impacts sur les populations a justifié très tôt de multiples formes de solidarité. Parmi celles-ci, émergent au début du XX<sup>e</sup> siècle <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1979_num_20_4_6734">des actions portées pour beaucoup par des femmes</a>, elles-mêmes placées dans le même statut d’incapacité juridique que les mineurs.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/216817/original/file-20180430-135840-1kf4iow.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/216817/original/file-20180430-135840-1kf4iow.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/216817/original/file-20180430-135840-1kf4iow.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=880&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/216817/original/file-20180430-135840-1kf4iow.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=880&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/216817/original/file-20180430-135840-1kf4iow.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=880&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/216817/original/file-20180430-135840-1kf4iow.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1106&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/216817/original/file-20180430-135840-1kf4iow.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1106&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/216817/original/file-20180430-135840-1kf4iow.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1106&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Par <em>Le Petit Parisien</em>, le procès de Mlle Bassot, 3 mars 1909.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Proc%C3%A8s_Bassot_1909.jpg?uselang=fr">BNF/Gallica/Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="http://culture.cnam.fr/octobre/aux-origines-du-travail-social-marie-jeanne-bassot-1878-1935--758842.kjsp">Marie-Jeanne Bassot</a> a été ainsi l’incarnation de ce point de départ, en raison de son implication dans la création de la première « maison pour pauvres ». Celle-ci était une sorte de permanence qui <a href="http://ccfr.bnf.fr/portailccfr/jsp/public/index.jsp?record=bmr%3AUNIMARC%3A4830050&failure=%2Fjsp%2Fpublic%2Ffailure.jsp&action=public_direct_view&success=%2Fjsp%2Fpublic%2Findex.jsp&profile=public">préfigure le centre social</a>, appelée encore <a href="https://www.cairn.info/la-residence-sociale-de-levallois-perret-1896-1936--9782865861422.htm">« résidence sociale »</a> en France, en 1896 et pensée sur le modèle des <em>settlements</em> anglais.</p>
<p>L’action de la jeune femme bénéficia par ailleurs du soutien de la presse et de l’opinion publique. Son propre père (le général Bassot) l’avait enlevée en 1908, convaincu de son irresponsabilité. Il fut condamné, et la philanthropie de Mademoiselle Bassot encensée.</p>
<p>Son action symbolisa ainsi l’engagement citoyen de nombreuses dames de bonne famille qui, dès 1896, se donnaient déjà le titre de travailleuses sociales. L’appellation est d’ailleurs reprise par l’Association des travailleuses sociales, créée en 1922. La même année, la Fédération des centres sociaux se structure à partir d’une vingtaine d’initiatives semblables qui avaient toutes en commun de mobiliser quasi exclusivement des femmes de milieux aisés. Ces dernières, en s’impliquant dans la vie active d’une manière bénévole entendaient bien ne pas se laisser enfermer dans l’espace domestique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/216818/original/file-20180430-135814-1x0e2gj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/216818/original/file-20180430-135814-1x0e2gj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/216818/original/file-20180430-135814-1x0e2gj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/216818/original/file-20180430-135814-1x0e2gj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/216818/original/file-20180430-135814-1x0e2gj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/216818/original/file-20180430-135814-1x0e2gj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/216818/original/file-20180430-135814-1x0e2gj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Photographie de la résidence Toynbee Hall en 1902, l’un des premiers « settlements » anglais (situé dans un district de Londres) qui servit de modèle aux premiers centres sociaux français.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Toynbee_Hall#/media/File:Toynbee_Hall_1902.jpg">World Today magazine, avril 1902/Wikimedia</a></span>
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</figure>
<p>De ces actions militantes, il résultera un double mouvement de professionnalisation et d’institutionnalisation, avec la création de diplômes spécifiques : infirmière-visiteuse de l’enfance et de la tuberculose, surintendante d’usine, puis assistante de service social (terme exact raccourci communément sous la forme « assistante sociale ») dans le prolongement de la création des assurances sociales et des allocations familiales.</p>
<h2>Influence chrétienne</h2>
<p><a href="https://books.google.fr/books/about/Sur_le_chantier_social.html?id=6SrutAEACAAJ&redir_esc=y">Le catholicisme social</a> a également contribué à ce mouvement par la création de plusieurs écoles de travail social. On pense ainsi à l’ouverture par l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Plaquevent">Abbé Plaquevent</a> (à l’origine des éditions du Seuil) de l’Institut « pédotechnique » Saint-Simon à Toulouse, en juin 1941.</p>
<p>Au début des années 50, beaucoup d’éducateurs spécialisés entrent par ailleurs dans le métier après la lecture des romans de l’écrivain catholique Gilbert Cesbron.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/216820/original/file-20180430-135810-1mx3zkq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/216820/original/file-20180430-135810-1mx3zkq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/216820/original/file-20180430-135810-1mx3zkq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/216820/original/file-20180430-135810-1mx3zkq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/216820/original/file-20180430-135810-1mx3zkq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/216820/original/file-20180430-135810-1mx3zkq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/216820/original/file-20180430-135810-1mx3zkq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/216820/original/file-20180430-135810-1mx3zkq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Affiche du film à succès (avec Jean Gabin), issu de l’ouvrage éponyme « Chiens perdus sans collier », de Gilbert Cesbron (1955). Le livre qui raconte les péripéties de deux jeunes délinquants fut tiré à plus de 3 millions d’exemplaires.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.allocine.fr/film/fichefilm-43596/photos/detail/?cmediafile=18455807">AlloCiné</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais les tensions demeurent notamment autour de la question des valeurs et de la laïcité.</p>
<h2>Vers un ordre moral</h2>
<p>Le secteur social et médico-social s’autonomise ensuite progressivement vis-à-vis du monde de la santé. Il donne naissance à des modes d’organisation corporatistes, avec un encadrement par l’État de plus en plus serré.</p>
<p>Une branche professionnelle se met en place, avec des fédérations d’associations telle la puissante <a href="https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/refonder-solidarites-associations-au-coeur-protection-sociale">Union nationale inter-fédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux</a> (UNIOPSS) en 1947. Le monde du travail social doit composer avec des associations de parents d’enfants handicapés qui obtiennent la reconnaissance d’utilité publique de l’Union nationale des associations de parents et amis de personnes inadaptées (UNAPEI) en 1963.</p>
<p>Les syndicats de salariés pour les établissements de l’enfance inadaptée se mobilisent et obtiennent l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichIDCC.do;jsessionid=7AE5F489F02743A279AD5E14701A3466.tpdjo11v_2?idSectionTA=KALISCTA000005754934&cidTexte=KALITEXT000022192697&idConvention=KALICONT000005635407">adoption de la convention collective du 15 mars 1966</a>.</p>
<p>Tout cela conduit à un paysage qui se rigidifie et dont la génération montante, moins marquée par le catholicisme social, plus attirée par une culture libertaire, a de plus en plus de mal de se satisfaire.</p>
<p>Les mises à l’écart des supposés « déviants » <a href="https://www.persee.fr/doc/hedu_0221-6280_1981_num_10_1_1058">dans des institutions fermées</a> (on parle dès les années trente des « bagnes d’enfants ») dérangent de plus en plus, faisant écho aux idéologies développées sous le nazisme encore proche.</p>
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<figcaption><span class="caption">Belle-Île-en-Mer, vestiges des anciens bagnes d’enfants de la fin XIXᵉ siècle, TB Quiberon.</span></figcaption>
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<p>Et ce d’autant plus que les psychiatres prennent la tête de la plupart des écoles d’éducateurs à partir des années 1940 avec des personnages marqués par l’hygiénisme (voire l’eugénisme) avec notamment des personnalités telles que Georges Heuyer et Robert Lafon, <a href="http://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/RAPPORT_cooperationentreetabeetdiplome-2.pdf">alors gardiens du temple du travail social</a>. Georges Heuyer, fondateur de la psychiatrie infantile, a été un des adhérents de la Société française d’eugénisme, créée en 1913. Robert Lafon, fondateur de l’Institut régional du travail social de Montpellier, a eu les mêmes préoccupations. Or ce professeur de psychiatrie – qui a innové en décloisonnant les cultures professionnelles via une méthode dite de « psychopédagogie médico-sociale » – a présidé pendant longtemps le Centre technique national d’études et de recherches sur les handicaps et les inadaptations (CTNERHI).</p>
<h2>Mai 68 : rupture et irruption de la jeunesse</h2>
<p>En Mai 68, la mobilisation des jeunes travailleurs sociaux se dirige ainsi non pas contre les services de l’État, mais contre le CTNERHI, qui symbolise toute une organisation corporatiste figée dans le passé.</p>
<p>Si la brève occupation de ses locaux à Montrouge – où siège désormais l’actuel Institut régional de travail social – a été la seule action nationale significative, elle a néanmoins marqué les mémoires.</p>
<p>Les actions individuelles, marquées par une forme d’auto-organisation spontanée et une nébuleuse de personnalités charismatiques, vont ouvrir de nouveaux champs de pensée pour les travailleurs sociaux, de nouvelles manières d’agir.</p>
<p>Un ancien élève éducateur que j’ai connu se rappelle qu’il avait fallu déposer une demande auprès du directeur de son école d’éducateurs de la région parisienne pour aller à Paris voir ce qui se passait. À l’époque, les élèves vivaient en internat obligatoire, et dépendaient de leurs parents et de leur l’institution…</p>
<p>De ce point vue, Mai 68 aura été un <a href="https://theconversation.com/debat-entre-daniel-cohn-bendit-et-alain-geismar-mai-68-lentree-dans-la-modernite-de-la-societe-francaise-92897">choc considérable</a> dans une ambiance ludique, juvénile, y compris dans les temps d’apprentissage de la violence. La libération de la parole avait alors à la fois impacté les pratiques (approches plus individualisées, plus ouvertes) et ouvert à des délires que <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/le-jour-ou-mon-pere-s-est-tu-virginie-linhart/9782020913676">certains ont payé cher</a> (suicides, poursuites pénales, décompensations menant à la psychiatrie, déclassement professionnel…).</p>
<h2>Retour aux valeurs originelles</h2>
<p>Le mouvement a aussi décuplé l’intérêt pour les enjeux internationaux notamment avec le soutien aux mouvements de libération (Vietnam, Amérique latine…) et la découverte de mouvements alternatifs : nouvelles écoles anglaises, antipsychiatrie, <a href="https://journals.openedition.org/chrhc/1327">psychiatrie démocratique italienne…</a></p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/entretien-avec-alain-touraine-mai-68-lentree-du-monde-dans-une-ere-dominee-par-des-enjeux-culturels-93043">Entretien avec Alain Touraine : « Mai 68, l’entrée du monde dans une ère dominée par des enjeux culturels »</a>
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<p>Le contexte est alors propice à un retour aux valeurs d’origine du travail social, en particulier la proximité avec les publics exclus : on héberge chez soi des personnes en errance, des jeunes fugueurs. L’esprit critique, de plus en plus affûté, génère en même temps une forte demande de reconnaissance sociale, marquée par la prolifération d’ouvrages – plus ou moins critiques – consacrés au travail social.</p>
<p>Dans <a href="http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k48060633.texteImage"><em>Mauvaises pensées d’un travailleur social</em></a> (1977) le jeune sociologue devenu ensuite écrivain, Jean‑Marie Geng, décrivait alors le travailleur social comme :</p>
<blockquote>
<p>« le bien-pensant par excellence, celui qui, pour leur bien, fait aux autres ce qu’il ·ne voudrait (pas) qu’on lui fît, sans mettre en cause les mécanismes sociaux qui produisent la misère individuelle, sans questionner sa propre misère, dont son altruisme est symptôme. »</p>
</blockquote>
<p>Les débats sur les rapports entre travail social et contrôle social témoignent par ailleurs de réflexions sur les préoccupations personnelles. La montée d’un certain nombrilisme ou de formes d’hédonisme propres aux discours de militants dans les années 68 justifiaient aussi l’idée de se sacrifier, de donner la priorité au collectif, à la communauté, voire au chef.</p>
<h2>Solutions alternatives et angéliques</h2>
<p>Autre caractéristique du « moment 68 », le droit suscite la plus grande défiance. La loi est perçue comme lointaine, illisible et injuste. On estime que le travail relationnel perdrait ses vertus spontanées s’il fallait l’accompagner d’une quelconque formalisation.</p>
<p>L’éducateur laisserait place à un « fonctionnaire de l’altruisme », à un « socio-clerc » ou à un « éducastreur », pour reprendre le <a href="http://www.ecologielibidinale.org/fr/biblio/miel-Celma-educastreur-fr.htm">mauvais jeu de mots de Jules Celma</a>.</p>
<p>La critique de <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tel/Surveiller-et-punir">toutes les formes d’enfermement</a> dans les années soixante et soixante-dix a ainsi donné naissance à de multiples initiatives pour trouver des alternatives concrètes aux institutions existantes. Les lieux de vie, installés dans leur grande majorité à la campagne, reposent alors sur la valorisation de la vie communautaire, du partage du quotidien, de la liberté.</p>
<p>Ces lieux d’expériences existentielles, influencés par exemple par les travaux du pédagogue <a href="http://next.liberation.fr/culture/1996/09/19/mort-de-l-educateur-fernand-deligny-chercheur-et-pionnier-il-s-est-consacre-dans-les-cevennes-aux-en_181912">Fernand Deligny</a> (1913-1996) se présentent parfois comme des « territoires du désir ». Ils impliquaient un engagement total des « permanents » et un refus des clivages : vie privée-vie professionnelle, enfants-adultes…</p>
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<figcaption><span class="caption"><em>Ce gamin, là</em> (Fernand Deligny et Renaud Victor, 1975).</span></figcaption>
</figure>
<p>Il aura fallu un certain nombre de déboires judiciaires, en particulier l’affaire du Coral en 1982, pour que certains éducateurs prennent conscience des inconvénients de leur angélisme et de leur méconnaissance du droit. Cette affaire avait mis en cause des personnalités connues à propos <a href="http://www.histoiredesmedias.com/Un-siecle-de-pedophilie-dans-la.html">d’abus sexuels sur mineurs</a> dans le lieu de vie du Coral, dans le Gard, et du décès de l’un d’eux. Elle avait conduit à un recadrage juridique des lieux de vie au moment de l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand.</p>
<p>Cela étant, un grand nombre d’institutions, notamment des centres d’hébergement, conservent des fonctionnements aux antipodes de ce que Mai 68 avait laissé espérer.</p>
<h2>Vers une approche plus humaniste</h2>
<p>Si Mai 68 a transformé l’ensemble de la société sous l’angle du rapport à l’autorité, cela a été d’autant plus fort chez les travailleurs sociaux, marqués désormais par une approche humaniste et démocratique de la prise en charge des personnes les plus vulnérables.</p>
<p>« Le travailleur social de cette fin de siècle, c’est quelqu’un qui, ne sachant pas où il va, ni comment y aller, ni d’ailleurs pourquoi, y va quand même » <a href="https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2013-5-page-58.html">disait alors Guy Wattier</a>, ancien élu de Meurthe-et-Moselle. Cette phrase témoigne bien de la perception qu’on avait dans les années post-68 des travailleurs sociaux et de la perplexité et l’admiration dont ils faisaient l’objet.</p>
<p>L’émiettement croissant des institutions, de la diversité des publics concernés et des catégories d’acteurs fragilise toujours le secteur. Le seul <a href="https://www.dunod.com/collection/guides-sante-social">diplôme d’État d’éducateur spécialisé avait été créé en 1967</a>. Tous les autres diplômes sont postérieurs à 1970 et participeront assez tardivement à l’explosion de la formation professionnelle en général, à partir de la loi du 16 juillet 1971.</p>
<p>Le regard reste critique vis-à-vis des institutions, des logiques de marché, du <em>new public management</em> (généralisation d’une conception managériale qui donne priorité à la performance aux dépens des valeurs du service public). Cependant les professionnels ont désormais renforcé leurs compétences, voire leur expertise.</p>
<p>Ils se repositionnent peu à peu face à une série de changements assez radicaux inscrits dans différentes réformes législatives.</p>
<p>Ainsi, ils ont dû faire face à la <a href="http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=41923">décentralisation des formations sociales</a> et, pratiquement dans le même temps, à la <a href="https://www.hesge.ch/hets/sites/default/files/editions/compte_rendu/cries20_diversite_ndeg_177_2014.pdf">réforme de tous les diplômes du travail social</a> avec, à partir de 2004, une <a href="http://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/RAPPORT_cooperationentreetabeetdiplome-2.pdf">nouveauté</a> : l’institution de référentiels (de compétences, de formation, de certification…).</p>
<h2>Quel devenir pour le travail social ?</h2>
<p>En 2018, les questions posées par le travail social sont pour l’essentiel les mêmes depuis son origine : quel sens donner à l’action sociale ? Comment favoriser l’autonomie en vue d’un exercice effectif de la citoyenneté tout en protéger les personnes lorsqu’elles se trouvent démunies ?</p>
<p>Une nouvelle étape a été marquée par la publication du <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2017/5/6/AFSA1710020D/jo">décret du 6 mai 2017</a> qui, pour la première fois de son histoire, donne une définition officielle du travail social et lui reconnaît une place dans le code de l’action sociale et des familles.</p>
<p>D’autre part, de <a href="http://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_participation.pdf">nouveaux chantiers sont ouverts</a> dans le cadre du Haut conseil du travail social à propos de l’usage croissant du numérique, des radicalisations, du développement du pouvoir d’agir et de la participation des personnes accompagnées…</p>
<p>Verra-t-on une troisième naissance du travail social ?</p>
<hr>
<p><em>L’auteur a récemment publié <a href="https://www.dunod.com/collection/guides-sante-social">Guides Santé Social, Dunod</a>, 2017.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/95685/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marcel Jaeger ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le secteur professionnel du travail social a été profondément marqué par les idées et les envies nées lors des événements de Mai 68.Marcel Jaeger, Professeur titulaire de la chaire de Travail social et d'intervention sociale, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/732502017-02-28T00:04:19Z2017-02-28T00:04:19ZLes jeux traditionnels, plus ludiques et plus subtils que bien des sports<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/158156/original/image-20170223-32698-1m1p8kq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans la cour de récréation.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Massy_cour_de_r%C3%A9cr%C3%A9ation_Jules_Ferry.JPG">JPS68/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Il règne autour des sports mondialisés une atmosphère de compétition qui écraserait presque la beauté du jeu. D’ailleurs : de quels jeux s’agit-il ? Après tout, cela consiste souvent à passer une balle, courir ou nager vite, sauter haut, taper fort. Faut-il prendre tout cela si au sérieux ? Faut-il organiser autour de ces disciplines un tel déferlement médiatique et financier ?</p>
<p>Par contraste, on est surpris du dédain qui entache des milliers de jeux traditionnels : épervier, balle au prisonnier, quatre coins, gendarmes et voleurs, chandelle, renards-poules-vipères, béret, etc. Certes, on ne décerne pas de médaille d’or après une partie de cache-cache, et personne n’a encore été décrété champion(ne) officiel(le) au jeu de la marelle. Pourtant, ces jeux traditionnels sont aussi subtils que bien des sports reconnus. Ils ont aussi la saveur des souvenirs d’enfance et le charme de la convivialité gratuite.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/158148/original/image-20170223-32695-1lal2n6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/158148/original/image-20170223-32695-1lal2n6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/158148/original/image-20170223-32695-1lal2n6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/158148/original/image-20170223-32695-1lal2n6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/158148/original/image-20170223-32695-1lal2n6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/158148/original/image-20170223-32695-1lal2n6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/158148/original/image-20170223-32695-1lal2n6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La Marelle et le cerf volant.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/7/7e/Stella_-_Jeux_d%27enfants_17_-_La_Marelle_et_le_cerf-volant%2C_F17BOU005395.jpg">Wikimédia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Le sport n’est pas tout le ludique</h2>
<p>Le sport n’est pas tout, sauf à considérer que l’amour, la guerre, la politique ou l’économie sont des sports. Le sport n’est même pas tout le ludique. Dans l’univers des jeux, on trouve de multiples activités. Un classement établi par le sociologue du sport <a href="http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=50754&razSqlClone=1">Pierre Parlebas</a> permet d’y voir plus clair :</p>
<ul>
<li><p>Il y a des jeux qui ne sont pas moteurs comme les jeux de cartes ou de dés.</p></li>
<li><p>Il y a des activités motrices sans règle, comme faire un jogging ou du roller.</p></li>
<li><p>Il y a des activités motrices avec règles mais sans compétition comme des rondes chantées ou des danses.</p></li>
<li><p>Enfin viennent les activités motrices avec règles et avec une idée de compétition. Quelques-unes deviendront des sports : football, judo, natation, lancers, courses, sauts. Dans leur immense majorité, les autres resteront des jeux traditionnels : balle au chasseur, marelle, etc.</p></li>
</ul>
<h2>Abus des duels collectifs</h2>
<p>Dans ce spectre d’une centaine de sports et de milliers de jeux traditionnels, les sports ont pris une place prépondérante. Ils deviennent disciplines olympiques, matières enseignées en éducation physique et sportive, organisés en fédérations, retransmis par les médias.</p>
<p>Au sein des disciplines sportives, un nouveau déséquilibre se fait jour. Les sports qui schématisent à l’extrême opposition entre adversaires fixes et coopération entre partenaires fixes sont les plus connus. En bref, on abuse des duels collectifs. Dans ce palmarès, on retrouve en premier le football.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/158150/original/image-20170223-32726-m0yt75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/158150/original/image-20170223-32726-m0yt75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/158150/original/image-20170223-32726-m0yt75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/158150/original/image-20170223-32726-m0yt75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/158150/original/image-20170223-32726-m0yt75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/158150/original/image-20170223-32726-m0yt75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/158150/original/image-20170223-32726-m0yt75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le football, ou la popularité du duel collectif.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/stade-de-football-stade-football-254435/">Pixabay</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>A contrario, dès qu’un sport se déroule dans un environnement incertain ou que les rôles des adversaires ou partenaires sont moins fixés, il est moins regardé, voire moins pratiqué. Cela se comprend. Pour les organisateurs, il est plus difficile d’attribuer une médaille à un(e) championne ou de mettre une note à un(e) élève quand une météo défavorable ou des alliances flottantes sont de la partie. Quant aux spectateurs, il faut croire qu’ils apprécient surtout les deux critères du western classique : « Où sont les méchants ? » et son corollaire « Qui gagne ? ». Dans ce contexte, le football écrase à plates coutures la régate de voile ou le relais quatre fois cent mètres.</p>
<p>Alors, ne rêvons pas de glisser un jeu traditionnel comme la balle au prisonnier au milieu de compétitions sportives de volley-ball. Pourtant, Parlebas montre que les interactions d’une partie de volley-ball sont incluses dans celles d’une partie de balle au prisonnier. Les jeux traditionnels ne sont donc pas si simplistes ou enfantins. Ils sont même d’une grande subtilité.</p>
<h2>Subtilité des jeux traditionnels</h2>
<p>Dans les sports de « duels collectifs », deux équipes s’affrontent en se faisant des passes internes entre rôles fixes. Cela donne un spectacle clair, mais parfois peu convivial à jouer.</p>
<p>Les jeux traditionnels combinent aussi partenaires et adversaires, mais offrent un spectacle plus confus mais plus convivial pour les joueurs. Les rôles fluctuent (dans la balle assise), ils permutent (dans les quatre coins), ou ils convergent :
lors d’une partie d’épervier, le joueur touché par le chasseur devient partenaire lié à celui-ci. Il est désormais adversaire des autres joueurs qui étaient ses compagnons auparavant. Ultime retournement, le dernier non touché deviendra le chasseur à la partie suivante.</p>
<p>Dans l’exemple de poule-renard-vipère, on devine que les renards mangent les poules, tandis que les poules mangent les vipères et que les vipères piquent les renards. À première vue, il semble suffisant d’être un bon prédateur : ainsi, un bon renard mange toutes les poules. Sauf qu’il va alors réaliser que sa proie était la prédatrice de son prédateur. S’il n’y a plus de poule, les vipères prolifèrent et sont d’autant plus menaçantes pour les renards.</p>
<h2>Jouer pour éduquer et partager</h2>
<p>On réalise mieux l’équilibre écologique en jouant à poule-renard-vipère qu’en courant obstinément dans un couloir de stade ou de piscine. On perçoit mieux les renversements d’alliance en jouant à l’épervier et les aléas de la vie dans une partie de cache-cache qu’en tapant dans une balle avec toujours les mêmes partenaires et contre d’autres qui appartiennent à un camp adverse fixé depuis le début.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/158149/original/image-20170223-32718-1ftdlo5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/158149/original/image-20170223-32718-1ftdlo5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=878&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/158149/original/image-20170223-32718-1ftdlo5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=878&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/158149/original/image-20170223-32718-1ftdlo5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=878&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/158149/original/image-20170223-32718-1ftdlo5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1104&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/158149/original/image-20170223-32718-1ftdlo5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1104&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/158149/original/image-20170223-32718-1ftdlo5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1104&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Jan Verhas, « À cache-cache ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/d9/Jan_Verhas_-_%C3%80_cache-cache.jpg">Wikimédia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il ne s’agit pas ici de dénigrer les sports, d’ailleurs si bien installés dans le paysage social qu’ils peuvent supporter la critique. Il s’agit de réhabiliter les jeux traditionnels, en voie de disparition, parce qu’on les croit infantiles et pas assez subtils. Or, c’est tout le contraire. Ils sont, dans leur diversité, comme une myriade d’interactions potentielles, reflet des liens et des interactions entre humains. On change plus souvent de patron – comme à l’épervier – qu’on ne reste avec le même capitaine – comme au foot. On change plus de coin – comme aux quatre coins – qu’on ne reste dans le même secteur de jeu à la même place de défenseur ou d’attaquant. On peut être fier d’avoir neutralisé une proie, comme dans poule-renard-vipère, avant de réaliser qu’elle peut nous protéger contre des prédateurs.</p>
<p>La richesse en interactions des jeux traditionnels permet d’intérioriser des valeurs qui seront souvent de solidarité ou au moins de partage. Une éducation axée sur les seuls sports véhicule trop souvent des valeurs d’exclusion ou au moins de compétition exacerbée. Plutôt que de chercher toujours le vainqueur, n’est-il pas temps d’encourager aussi le partageur ?</p>
<p>Dans cette optique, il est heureux que certains programmes scolaires refassent une place aux jeux traditionnels, comme dans ce <a href="http://ac-nice.fr/ia06/iengrasse/rer/file/EPS/Les_jeux_du_patrimoine.pdf">document pédagogique par fiches de jeux</a>, ou avec ce classement qui valorise les <a href="http://usep42.fr/IMG/pdf/MEP_FICHES.pdf">compétences développées</a> (moi, autrui, collectif, espace, temps, équilibre).</p>
<h2>Une sagesse populaire à transmettre</h2>
<p>Dans notre monde, trop de choses sont vécues sous forme de concours ou de duels : du radio-crochet pour décider des plus belles voix de nouveaux chanteurs jusqu’aux primaires des partis politiques pour déterminer les futurs candidats aux élections présidentielles.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/158157/original/image-20170223-32718-lvq2xc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/158157/original/image-20170223-32718-lvq2xc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/158157/original/image-20170223-32718-lvq2xc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/158157/original/image-20170223-32718-lvq2xc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/158157/original/image-20170223-32718-lvq2xc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/158157/original/image-20170223-32718-lvq2xc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/158157/original/image-20170223-32718-lvq2xc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/158157/original/image-20170223-32718-lvq2xc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un télé-crochet qui tourne mal, dans la série de science-fiction « Black Mirror ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.tv.com/shows/black-mirror/community/post/black-mirror-15-million-merits-review-138498157166/">tv.com</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le philosophe Michel Serres espère que nous passerons bientôt de l’[ère de « Darwin-Napoléon » à celle du « Samaritain » <a href="http://editions-lepommier.fr/ouvrage.asp?IDLivre=799"></a>. Il souligne ainsi le fait que nous pourrions passer, après des millénaires de prédations et de conflits, à un avenir empreint d’entraide et de partage. Dans ce basculement, il prévoit un passage des sports de force et de conflit vers des activités motrices plus sereines et coopératives. En attendant cet avenir radieux, essayons déjà au quotidien de promouvoir les jeux traditionnels. Ils font partie de notre patrimoine et ils portent en eux une sagesse populaire, loin des spectacles de masse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/73250/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Michel Morin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En explorant les règles des jeux traditionnels, on perçoit leurs vertus éducatives et ludiques, par opposition aux sports de compétition, qui privilégient trop souvent le duel spectaculaire.Jean-Michel Morin, Maître de conférences en sociologie, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/729262017-02-15T22:47:20Z2017-02-15T22:47:20ZComment la fiction influence les enfants<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/156994/original/image-20170215-27396-16ksw2w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des histoires sans stéréotypes peuvent faire toute la différence.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/aidanmorgan/3537327425/in/photolist-6ozJcT-xWrxX-6JMMkb-tG4gRL-b5Lc92-9RX1o9-4x5S6R-8C14Qr-Bm4Np2-6TyShB-8hCzTj-4YDEcH-6vBxcw-4ZieiN-6FNVhp-5KghNz-hPLd6-dxyTt1-5wwMRG-bW6YMc-5z1gzy-nCTwnd-hy4VGu-cdEEG-85NwPp-56VbgT-nQDWFR-dpCzDh-5Jepfz-6gRciG-jM4E3-azjwr-jDoHiC-e6Wb1U-7oFEPR-83T1Le-roCJtM-65FZkH-pgXs4K-bi1o4M-nw2r65-6JAzcW-q9Kgqx-ysCqk-5rX1XM-5XDBLZ-fLnSt4-5XHYi7-8frxSf-Ej3H">John Morgan</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Pourquoi les petites filles sont-elles attirées par telles couleurs, tels jouets ou telles histoires ? Comment se fait-il qu’elles préfèrent souvent s’habiller en rose et jouer les princesses, tandis que les garçons s’identifient plutôt à Dark Vador, à de farouches guerriers ou à des astronautes ?</p>
<p>En réalité, les histoires que nous leur racontons peuvent faire toute la différence.</p>
<p>Selon <a href="http://www.readwritethink.org/files/resources/lesson_images/lesson1140/VM0103What.pdf">certaines études</a>, les histoires ont une <a href="https://www.researchgate.net/publication/272890739_Reading_difference_Picture_book_retellings_as_contexts_for_exploring_personal_meanings_of_race_and_culture">influence très importante</a> sur la façon dont les enfants perçoivent les genres et les rôles culturels qui leur sont traditionnellement assignés. Les histoires ne sont pas uniquement un outil d’alphabétisation ; elles charrient <a href="http://global.wisc.edu/multiracial/docs/quintana1998.pdf">des valeurs</a>, des croyances, des attitudes et des normes sociales qui jouent sur la façon dont les enfants perçoivent la réalité.</p>
<p>Au cours de <a href="https://www.researchgate.net/publication/249744249_Features_of_gender_An_analysis_of_the_visual_texts_of_third_grade_children">mes propres recherches</a>, j’ai découvert que les enfants apprennent comment se conduire et comment réfléchir à travers les personnages qu’ils rencontrent dans les histoires qu’on leur raconte.</p>
<p>Mais de quelle façon les histoires modèlent-elles la perception des enfants ?</p>
<h2>Pourquoi les histoires comptent tellement</h2>
<p>Les histoires – qu’elles soient racontées à partir de livres illustrés, de contes (sans support écrit), de danse, d’images ou d’équations mathématiques – sont l’un de nos principaux moyens de communiquer.</p>
<p>Il y a presque 80 ans de cela, <a href="http://www.education.miami.edu/ep/rosenblatt/">Louise Rosenblatt</a>, éminente spécialiste de la littérature, a développé l’idée selon laquelle nous comprenons notre propre fonctionnement à travers la vie des personnages des histoires que nous entendons ou que nous lisons. <a href="https://scholar.lib.vt.edu/ejournals/ALAN/v32n3/karolides.pdf">Selon elle</a>, les histoires aident les lecteurs à comprendre comment pensent les personnages – et comment pensent ceux qui les ont imaginés – mais aussi pourquoi ils se comportent de telle ou telle façon.</p>
<p>De même, les recherches menées par <a href="https://www.coe.arizona.edu/faculty_profile/142/">Kathy Short</a>, spécialiste de la littérature jeunesse, montrent que les enfants apprennent à <a href="https://www.coe.arizona.edu/sites/default/files/children_taking_action_within_global_inquiries.pdf">développer leur pensée critique</a> et à socialiser grâce aux histoires.</p>
<p>Les histoires aident les enfants à développer leur empathie et à cultiver leur imagination et leurs capacités à former une pensée divergente – autrement dit, à faire émerger toute une série d’idées ou de solutions à partir des événements racontés dans l’histoire, plutôt que de chercher une réponse unique ou peu imaginative.</p>
<h2>L’impact des histoires</h2>
<p>Mais à quel âge et de quelle façon les enfants développent-ils leur vision du monde, et comment les histoires influencent-elles cette vision ?</p>
<p><a href="https://www.researchgate.net/publication/249744249_Features_of_gender_An_analysis_of_the_visual_texts_of_third_grade_children">Certaines études</a> démontrent que les enfants ont déjà une opinion quant à certains aspects ayant trait à l’identité (genre, race) avant l’âge de cinq ans.</p>
<p>Le romancier John Berger a produit un travail essentiel, dans lequel il indique que les très jeunes enfants sont <a href="http://waysofseeingwaysofseeing.com/ways-of-seeing-john-berger-5.7.pdf">capables de reconnaître</a> des structures récurrentes et de décrypter le monde de façon visuelle bien avant de parler, d’écrire ou d’être capables de lire. Les histoires lues ou visionnées peuvent ainsi avoir une énorme influence sur leur façon de penser et de se comporter.</p>
<p>Par exemple,
l’<a href="http://hwcdn.libsyn.com/p/2/3/d/23dfb9f090fa07f9/LanguageArts_2014_Research.pdf?c_id=7718947&expiration=1450746537&hwt=840a5a2c4352f3392e7d28728bc9a7e6">étude</a> menée par <a href="http://www.american.edu/cas/faculty/vvasque.cfm">Vivian Vasquez</a> montre que les enfants aiment jouer ou construire des histoires dans lesquelles ils s’intègrent volontiers. Ainsi, <a href="http://hwcdn.libsyn.com/p/2/3/d/23dfb9f090fa07f9/LanguageArts_2014_Research.pdf?c_id=7718947&expiration=1450746537&hwt=840a5a2c4352f3392e7d28728bc9a7e6">elle démontre</a> comment la petite Hannah mêle la réalité et la fiction dans ses dessins de Rudolph le renne. Hannah ajoute en effet une personne au milieu du dessin, à côté du renne, affublée d’un X au-dessus de la tête.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/106938/original/image-20151222-27894-608nee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/106938/original/image-20151222-27894-608nee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/106938/original/image-20151222-27894-608nee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/106938/original/image-20151222-27894-608nee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/106938/original/image-20151222-27894-608nee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/106938/original/image-20151222-27894-608nee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/106938/original/image-20151222-27894-608nee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les enfants savent mêler réalité et fiction.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nutmegdesigns/6549246967/in/photolist-aYJAXa-5JPkze-5LG86F-48qKZU-kgdnc-dD2i6m-94gADY-7q6QJ8-7q6PNx-5LE9iP-7riwJA-4y8ZXY-sFyUM-qih7PF-typUf-4m7UoQ-5GcwGi-dC9N2M-qayCXB-5HNA1M-qb2n7g-7qaSzE-5JwBd7-4Mz7jB-4yjbVC-96VSt1-i8vUSo-7CpAeX-4jqwok-4ehjaC-qeGMfr-5Kp9jB-4zwJs9-sCGDa-4f4UzW-b1D2dR-8YgM3u-8YgMoo-8SCxRE-aFDEBZ-aBruDR-49gvqj-93T25k-7qaRvS-2HDLtN-8SztGZ-7Jn4i-w8mKL-aBruCr-6SN63u">Margaret Almon</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Vasquez explique qu’Hannah a été victime de harcèlement à l’école (par des garçons) et qu’elle n’a pas apprécié du tout que Rudolph le renne se fasse insulter et harceler par les autres rennes. Selon la chercheuse, le dessin d’Hannah démontre son désir que les garçons n’embêtent plus Rudolph, et surtout, qu’ils la laissent tranquille, elle.</p>
<p>Au cours de <a href="https://www.researchgate.net/publication/249744249_Features_of_gender_An_analysis_of_the_visual_texts_of_third_grade_children">mes propres recherches</a>, j’ai fait des découvertes similaires. J’ai constaté que les enfants intègrent les rôles culturels et genrés des personnages des histoires qu’on leur raconte ou qu’ils lisent.</p>
<p>Ainsi, dans une étude menée sur une période de 6 semaines, des enfants de CE2 lisaient un certain nombre d’histoires et discutaient ensuite des rôles assignés aux personnages masculins et féminins de ces histoires.</p>
<p>Ensuite, les enfants reconstituaient les scènes de l’histoire en jouant les rôles des personnages (par exemple, des héroïnes passives, ou de méchantes belles-sœurs). Plus tard, je leur ai demandé de réécrire ces histoires sous forme de « contes de fée déformés ». Autrement dit, les enfants devaient redéfinir les contours des personnages selon une grille de lecture contemporaine des rôles genrés. Ainsi, les rôles féminins furent réécrits pour montrer que les filles et les femmes travaillaient ou jouaient à l’extérieur, et n’étaient pas cantonnées à la maison.</p>
<p>Enfin, nous avons demandé aux filles de dessiner ce qui selon elles intéressait les garçons, et vice et versa.</p>
<p>Nous avons été surpris de constater que presque tous les enfants avaient dessiné des symboles, des histoires et des décors qui reflétaient une vision traditionnelle des rôles genrés. En effet, les garçons ont représenté les filles en princesses enfermées dans un château cerné de dragons, délivrées par des hommes. Leurs dessins étaient ornés d’arcs-en-ciel, de fleurs et de cœurs. Les filles, de leur côté, ont représenté les garçons en athlètes et en aventuriers, toujours à l’extérieur.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/106936/original/image-20151222-27887-8dnqpn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/106936/original/image-20151222-27887-8dnqpn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=825&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/106936/original/image-20151222-27887-8dnqpn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=825&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/106936/original/image-20151222-27887-8dnqpn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=825&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/106936/original/image-20151222-27887-8dnqpn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1037&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/106936/original/image-20151222-27887-8dnqpn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1037&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/106936/original/image-20151222-27887-8dnqpn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1037&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le dessin d’un garçon de huit ans.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Observons par exemple ce dessin, réalisé par un enfant de 8 ans. Il illustre deux choses : d’abord, le garçon recrée une histoire classique à partir de ses lectures (une princesse qui doit être sauvée par un prince). Ensuite, il « remixe » sa lecture des contes de fée en fonction de son intérêt personnel pour les voyages dans l’espace.</p>
<p>Bien qu’il ait participé à des débats sur le genre, et qu’il sache que les clichés véhiculés par certaines histoires ne devraient pas déterminer les rôles que jouent les hommes et les femmes dans la société (par exemple, les stéréotypes qui veulent que les femmes soient faites pour prendre soin des autres pendant que les hommes gagnent leur vie), son dessin tend à prouver que la lecture d’histoires « classiques » comme celles des contes de fée contribue à sa vision des rôles genrés.</p>
<p>Nos recherches ont été corroborées par le travail de <a href="https://www.researchgate.net/publication/37611942_Damsels_in_Discourse_Girls_Consuming_and_Producing_Identity_Texts_Through_Disney_Princess_Play">Karen Wohlwend</a>, qui a découvert l’influence importante que jouent les histoires signées Disney sur les jeunes enfants. Elle a en effet prouvé que les très petites filles, sous l’influence de ces histoires, sont promptes à jouer les demoiselles en détresse.</p>
<p>Cependant, les enfants ne sont pas seulement influencés par les histoires des livres. Bien avant de savoir lire, les petits s’appuient <a href="https://www.researchgate.net/publication/274407707_A_Kindergartner%27s_Emergent_Strategy_Use_During_Wordless_Picture_Book_Reading">sur des images</a> pour « lire » et comprendre les fictions. <a href="http://hilaryjanks.co.za/">Hilary Janks</a> a ainsi démontré que les enfants interprètent et intègrent certaines visions du monde à travers leur fréquentation des images – qui ne sont jamais qu’une autre forme de narration.</p>
<h2>Des histoires pour changer le monde</h2>
<p>Les chercheurs ont également montré que les histoires pouvaient changer la façon dont les enfants voient les pays étrangers. Mais les histoires peuvent aussi influencer la façon dont les enfants se comportent.</p>
<p>Par exemple, <a href="http://files.eric.ed.gov/fulltext/EJ847267.pdf">Hilary Janks</a> travaille avec les enfants et les enseignants sur la façon dont les images des histoires qui évoquent les réfugiés influencent la façon dont les enfants perçoivent les réfugiés.</p>
<p><a href="https://www.coe.arizona.edu/faculty_profile/142">Kathy Short</a> <a href="http://wowlit.org/Documents/LangandCultureKitDocs/22CriticallyReadingtheWorld.pdf">étudie</a> quant à elle le rapport des enfants aux histoires qui évoquent les droits de l’homme. Après avoir mené une étude dans une école maternelle de 200 enfants, dont beaucoup sont d’origine étrangère, elle a constaté que ce type d’histoire motive même les très jeunes enfants à devenir acteurs du changement dans leur propre communauté locale et à l’école.</p>
<p>Ces enfants ont été influencés par des histoires d’enfants militants comme <a href="http://worldschildrensprize.org/iqbal-masih">Iqbal</a>, qui raconte l’histoire – réelle – d’Iqbal Masih, un enfant pakistanais qui a fait campagne pour les lois contre le travail des enfants (Iqbal a été assassiné à l’âge de 12 ans, victime de son activisme). Quand les enfants lisent ce genre d’histoire, ils apprennent du même coup que le quotidien d’autres enfants de par le monde est fait de violations des droits de l’homme et de misère. Dans cette école, suite à cette lecture, les enfants ont souhaité créer un jardin communautaire pour soutenir une banque alimentaire locale.</p>
<h2>Construire des visions du monde interculturelles</h2>
<p>Les classes d’aujourd’hui sont le reflet de la diversité de la société. À Atlanta, où j’enseigne et où je vis, il existe un groupement scolaire rassemblant des enfants issus de 65 pays différents, qui parlent pas moins de 75 langues différentes.</p>
<p>Quand les enfants lisent des histoires qui racontent la vie d’autres enfants, ailleurs dans le monde, comme celle d’<em>Iqbal</em>, ils apprennent à élargir leur horizon de pensée et à se connecter mentalement à des contextes différents du leur.</p>
<p>À une époque où – à travers les propos de Donald Trump, entre autres – les enfants sont de plus en plus exposés à des histoires « négatives » qui dénigrent toute une partie de la population, ils ont plus que jamais besoin de lire, de voir et d’entendre des histoires qui contrebalancent et remettent en cause ces théories pleines de stéréotypes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/72926/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Peggy Albers ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les histoires que les enfants lisent – ou voient sous forme de livres d’images, de dessins animés ou de films – façonnent fortement leur vision du monde.Peggy Albers, Professor of Language and Literacy Education, Georgia State UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/716862017-02-05T22:09:27Z2017-02-05T22:09:27ZPleine conscience, éducation et responsabilité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/155481/original/image-20170203-14012-6dykej.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un enseignement en pleine conscience pour des étudiants épanouis</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/117994717@N06/28021626492">Ecole Polytechnique/flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Pour avancer vers une société plus apaisée, il semble nécessaire de repenser entièrement le rôle de notre système d’éducation.</p>
<p>J’apprécie au plus haut point la philosophie de l’« <em>Education act</em> » mis en place par la <a href="https://www.democratisation-scolaire.fr/spip.php?article68">Finlande</a> qui cherche à former des enfants épanouis pour qu’ils deviennent des adultes épanouis et responsables.</p>
<p>Il y a dans notre système éducatif énormément de belles initiatives et de professeurs totalement dédiés à leur mission. Mais le grand public le sait-il seulement ?</p>
<p>En outre, il existe tellement de dysfonctionnements profonds dans la sélection, la formation, la possibilité d’accompagnement, et parfois de sanction vis-à-vis de l’éducateur/professeur, que les efforts isolés ne peuvent aboutir. Le pouvoir et les peurs de quelques-uns peuvent détruire les efforts du plus grand nombre.</p>
<p>J’aime l’école, l’éducation et l’enseignement. C’est la voie la plus importante vers notre liberté et vers la paix. Il convient cependant de s’éveiller et de réagir face aux difficultés que les deux exemples ci-dessous (parmi tant d’autres) soulèvent.</p>
<p>Le premier provient de discussions répétées avec des conseillers et conseillères d’éducation de l’éducation nationale que je vais résumer en une citation : « Je prends beaucoup de temps à expliquer aux élèves en difficultés qu’ils doivent “jouer un peu plus finement” et s’adapter un peu plus au fonctionnement du professeur ». Je la combinerai avec des mots d’élèves, du secondaire comme du supérieur que je vais résumer de la manière suivante : « de toute façon, je sais très bien manipuler les profs. Si tu leur donnes un peu de regards, un peu d’excuses et un peu d’attention alors ils te foutent la paix ».</p>
<p>N’y a-t-il pas là, au-delà de l’aspect anecdotique, un dysfonctionnement réel ? Est-ce vraiment à l’élève d’apprendre à se plier aux errances de l’enseignant ? Qu’on lui demande respect des personnes et des règles, cela me semble une évidence, qu’on attende de lui effort et discipline, cela me semble fondamental, mais c’est bien ensuite à l’enseignant de savoir repérer et adapter son éducation aux difficultés de l’élève et de lui donner la sécurité et la liberté nécessaire afin de susciter l’envie d’apprendre ou d’accéder encore au plaisir de l’effort.</p>
<h2>Paix économique et éducation</h2>
<p>La <a href="https://theconversation.com/paix-economique-pleine-conscience-une-autre-vision-de-lentreprise-71129">paix économique</a>et la réflexion sur le rôle de l’entreprise et du leader dans la société nous questionnent en amont sur le rôle de l’éducation et de l’enseignement dans la formation de futurs citoyens qui, s’ils deviennent employés ou managers, devront néanmoins développer un discernement nécessaire à leur pleine et entière responsabilité.</p>
<p>Que notre système éducatif s’intéresse à l’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=5_6fQ6wi7pc">employabilité</a> c’est une bonne chose, mais quand il ne fait plus que cela, il manque une grande part de sa mission : apprentissage de la citoyenneté, développement des connaissances, de la culture générale ou encore intégration culturelle.</p>
<p>L’une des voies possibles consiste à inciter les professeurs à aborder la connaissance de soi, le développement personnel, l’authenticité ou la gentillesse, d’une manière qui n’empêche pas la fermeté. Trop souvent, quand ces thèmes sont évoqués, une ancienne crainte jaillit : celle d’un enseignant trop laxiste qui se ferait « déborder » par des étudiants abusant de sa position de faiblesse.</p>
<p>Nous retrouvons ici le débat stérile opposant le professeur « qui sait s’imposer » et le professeur « laisser-faire ». Loin d’être un abandon d’autorité ou de responsabilité, le processus de la pleine conscience développe un plus grand discernement chez l’enseignant, qui l’aidera à faire respecter de manière bienveillante, simple et ferme, les valeurs et les règles utiles au bon fonctionnement collectif et à une envie renouvelée d’apprendre.</p>
<p>Si l’enseignant se laisse prendre dans la difficulté d’une situation, submergé par ses propres émotions et enfermé dans ses projections, il risque fort de glisser vers le comportement auquel il a recours d’habitude : être autoritaire ou au contraire fermer les yeux, surtout s’il est évalué ensuite par ses élèves. Prenons un exemple.</p>
<p>Imaginons un enseignant qui donne en début de cours la consigne de ne pas utiliser d’ordinateur. Après un certain temps, un ou plusieurs étudiants ouvrent leur ordinateur. Cette situation se répète plusieurs fois et l’enseignant est peu à peu enfermé, sans en avoir pleinement conscience, dans ses schémas habituels. Il réagit alors, plus ou moins fortement par des mécanismes de protection inconscients, soit de manière autoritaire, soit de manière évitante. Dans les deux cas, à la fin du cours, il prend le risque d’une insatisfaction : celle d’un manque d’efficacité, d’une dégradation possible de la qualité de la relation avec les autres élèves et d’un sentiment d’échec personnel.</p>
<h2>La pleine conscience au service de l’enseignant</h2>
<p>Développé par un ensemble d’exercices spécifique et une pratique régulière qui n’est pas l’objet dans cet article, le processus de pleine conscience tout comme la pratique d’une <a href="http://www.editions-homme.fr/cessez-etre-gentil-soyez-vrai-/thomas-ansembourg/livre/9782761936316">communication en conscience</a> peuvent permettre à l’enseignant d’enrichir sa perception de la situation : depuis le contexte et les faits jusqu’à ses émotions et ses projections. En améliorant l’observation, la reconnaissance et le non-jugement de ce qui se déroule en lui et en dehors de lui, la pleine conscience augmente son espace de liberté.</p>
<p>Ainsi, par un meilleur discernement, plutôt que de le pousser à réagir en évitant la difficulté de la situation – par l’autoritarisme ou la fuite – la pleine conscience ancre l’enseignant dans la réalité et l’oblige à une plus grande responsabilité. Simplement parce qu’une fois qu’elles sont vues, les « choses » ne peuvent plus être ignorées.</p>
<p>Imaginons le même enseignant ayant suivi une formation à la pleine conscience. À la répétition de l’ouverture des ordinateurs, il perçoit les émotions qu’il vit, colère ou peur de ne pas être respecté, ainsi que les suppositions et projections qu’il fait : « Comme toujours, les étudiants de première année sont indisciplinés », ou « Zut, je n’arrive pas à les intéresser ». Plus conscient de ses mécanismes habituels, il peut prendre du recul et choisir de manière plus responsable un comportement et ses conséquences : prendre une décision d’autorité en préservant le respect et les conditions d’exigence et de bienveillance, sans y inclure de jeux de pouvoir, ou comprendre qu’il a encore les moyens de transformer son approche pour permettre aux étudiants non respectueux de la consigne de revenir au contact du cours.</p>
<p>Cette approche facilite l’expression des contradictions, des tensions et des difficultés de l’<a href="http://probo.free.fr/textes_amis/un_nouvel_art_d_apprendre_meirieu.pdf">aventure éducative</a> que représente le métier d’enseignant : observer, reconnaître et partager nos difficiles oscillations entre, d’une part, la considération d’un étudiant que l’on souhaite « libre » et capable de comprendre les enjeux de son implication et, d’autre part, le constat frustrant qu’il n’a pas toujours les moyens d’exercer cette liberté et doit parfois être « cadré ».</p>
<p>Ce travail de réflexivité, de conscience nécessaire, permet de refuser un positionnement caricatural et conduit à imaginer des moyens ou des dispositifs capables d’articuler ces exigences apparemment contradictoires vers un but fondamental : que l’étudiant quitte sa peur des sanctions et soit convaincu que l’enseignant est là pour l’accompagner dans son parcours, dans l’ouverture et le rappel des limites, afin de donner toutes les chances à son apprentissage technique et humain vers plus de liberté et de responsabilité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71686/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominique Steiler ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La pleine conscience offre la possibilité de sortir du débat stérile opposant le professeur « qui sait s’imposer » et le professeur « laisser-faire ».Dominique Steiler, Titualire de la chaire Mindfulness, Bien-être au travail et paix économique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/646862016-09-23T04:43:52Z2016-09-23T04:43:52ZComment apprendre aux enfants à s’excuser ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/138662/original/image-20160921-21711-1sdz9pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C10%2C1021%2C618&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sophie, l'héroïne de la Comtesse de Ségur, apprend peu à peu à se faire pardonner... et à pardonner. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.lesfilmspelleas.com/img/pelleas_photos/hd362.jpg">J.L. Fernandez</a></span></figcaption></figure><p>Vous est-il déjà arrivé de vous dire que vous méritiez des excuses ou de vous sentir contrarié de ne pas en recevoir ? Les mots « Je suis désolé(e) ? » vous ont-ils déjà semblé difficiles à prononcer ?</p>
<p>Il y a des chances que ce soit le cas, ce qui prouve l’importance de savoir faire des excuses et d’en recevoir, que l’on retrouve dans de nombreuses cultures. D’ailleurs, la plupart des communautés ont un rapport similaire aux excuses et à la façon de les exprimer.</p>
<p>Quand les adultes ses sentent floués, les excuses sont souvent salutaires : elles peuvent éviter de <a href="http://psycnet.apa.org/psycinfo/1989-17924-001">subir des représailles</a>, amener à <a href="http://www.psy.miami.edu/faculty/mmccullough/Papers/Interpers%20Forgiving_II.pdf">pardonner</a> le fauteur de troubles, voire à éprouver de l’empathie pour lui ; et elles peuvent aussi mener à restaurer la <a href="http://psycnet.apa.org/psycinfo/2004-10572-008">confiance qui a été mise en péril</a>. Mieux, les excuses sincères ont un effet physiologique : elles font <a href="http://link.springer.com/article/10.1007%2Fs10865-006-9062-7">baisser la tension artérielle</a>, en particulier chez ceux qui n’arrivent pas à contenir leur colère.</p>
<p>Mais quel est le rapport des enfants aux excuses ? Et quand les parents croient-ils devoir inciter leurs enfants à s’excuser ?</p>
<h2>Comment les enfants voient les excuses</h2>
<p>La recherche prouve que dès l’âge de 4 ans, les enfants saisissent les <a href="http://sites.lsa.umich.edu/craigsmith/wp-content/uploads/sites/180/2014/10/smith_chen_harris_2010.pdf">implications émotionnelles</a> des excuses.</p>
<p>Par exemple, ils comprennent très bien que les excuses peuvent aider une personne contrariée à se sentir mieux. Les tout-petits estiment aussi que les fauteurs de troubles qui s’excusent <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1348/026151009X479475/abstract">sont plus aimables</a> et font de <a href="http://www.eva.mpg.de/psycho/staff/carpenter/pdf/Vaish_et_al_2011_childrens_responses_to_guilt_displays.pdf">meilleurs compagnons de jeux</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/129718/original/image-20160707-30713-1pmtn8e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/129718/original/image-20160707-30713-1pmtn8e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=709&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/129718/original/image-20160707-30713-1pmtn8e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=709&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/129718/original/image-20160707-30713-1pmtn8e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=709&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/129718/original/image-20160707-30713-1pmtn8e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=891&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/129718/original/image-20160707-30713-1pmtn8e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=891&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/129718/original/image-20160707-30713-1pmtn8e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=891&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dès l’âge de 4 ans, un enfant comprend le sens des excuses.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/funkyah/310572934/in/photolist-trLvL-8BQW3S-HWMWZY-e7MGgV-jF9d6d-ej83FX-4KXnD5-7AVGYZ-81qmKN-7j3p1L-p5pRjp-7UCGu-5Axiq4-dB6Gyh-dkP8cV-QrLgW-tEsAP-9RJVJ9-3UN759-5T6reM-hs5tWT-3M1Xq-4ry9bg-dzXGsu-4KXnBb-3cmqiR-KyKQv-hAsNxS-6ydwzx-o16EEM-nQM9mU-9aX3Bg-6ghgCx-n1HZSC-eMfnrb-fv4q6H-7Rm1Yp-73vAmP-5Mvu6s-3bLiRf-bVqDQm-6TCWcv-5cPtNV-8UHSZB-Rewsz-swuwxS-5vDSaf-7qeFYE-bBUant-hAtkB3">Funkyah</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Des études récentes ont étudié l’impact réel des excuses sur les enfants. Dans l’une d’entre elles, un groupe de bambins âgés de 4 à 7 ans reçoit les excuses d’un enfant qui n’a pas voulu partager, tandis qu’un autre groupe n’y a pas droit. Ceux qui ont reçu des excuses se sentent mieux et considèrent l’<a href="http://sites.lsa.umich.edu/craigsmith/wp-content/uploads/sites/180/2014/10/smith_harris_2011.pdf">enfant incriminé</a> comme plus gentil et plein de regrets.</p>
<p>Dans une autre expérience, les enfants sont soumis à un événement plus stressant : quelqu’un vient donner un coup de pied dans la tour qu’ils construisent. Certains enfants reçoivent des excuses, d’autres pas. Dans ce cas précis, les excuses spontanées ne réduisent pas la contrariété des enfants. Pourtant, les excuses ont quand même un impact : les enfants qui ont reçu des excuses sont <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/sode.12168/abstract">plus prompts à partager</a> leurs jolis autocollants avec la personne qui a renversé leur tour que les enfants auprès de qui on ne s’est pas excusé.</p>
<p>Cette découverte laisse présager que les excuses mènent les enfants à pardonner, même si la tristesse associée à l’incident vécu reste présente. Les enfants se sentent vraiment mieux quand la personne « coupable » leur propose de les aider à reconstruire la tour. Autrement dit, ce qui compte aux yeux des enfants, c’est à la fois l’expression des remords et l’action réparatrice.</p>
<h2>Le rôle des excuses dans l’éducation</h2>
<p>Bien que les excuses aient du sens aux yeux des enfants, les points de vue sur le rôle à accorder aux excuses dans l’éducation divergent. Certains <a href="http://www.huffingtonpost.co.uk/sarah-ockwellsmith/we-shouldnt-make-young-children-say-sorry_b_9538472.html/">s’opposent à inciter les enfants à s’excuser</a> en se fondant sur une notion erronée, qui voudrait que les petits soient limités dans leur compréhension des mécanismes sociaux. En réalité, ils sont déjà doués <a href="http://chgd.umich.edu/making-minds-how-theory-of-mind-developes-by-henry-m-wellman/">d’une grande empathie</a>.</p>
<p>On ne sait pas bien quand ni pourquoi les parents incitent leurs enfants à s’excuser : en la matière, les études sont encore peu nombreuses. Pour mieux comprendre, j’ai conduit <a href="http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13229400.2016.1176588">récemment une enquête</a> avec mes collègues <a href="http://www.education.umd.edu/HDQM/Killen-lab/people.php">Jee Young Noh and Michael Rizzo</a> de l’Université du Maryland et <a href="http://www.paul-lansley-harris.com/">Paul Harris</a> de Harvard.</p>
<p>Nous avons interrogé 483 parents d’enfants âgés de 3 à 10 ans. La plupart des participants étaient des mères, mais il y avait aussi des pères. Les parents ont été recrutés via des forums Internet sur l’éducation, et venaient des quatre coins des États-Unis. Sur ces forums, on retrouvait toutes les opinions possibles sur l’éducation.</p>
<p>Afin de prendre en compte l’éventualité que les parents puissent avoir envie de se montrer sous leur meilleur jour, nous avons mesuré le <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/9781444316568.wiem02057/full">« biais de désirabilité sociale »</a> propre à chaque parent. Les résultats exposés ici tiennent compte de ce biais et sont donc corrigés en fonction de son influence.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/129716/original/image-20160707-30690-12eabxj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/129716/original/image-20160707-30690-12eabxj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/129716/original/image-20160707-30690-12eabxj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/129716/original/image-20160707-30690-12eabxj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/129716/original/image-20160707-30690-12eabxj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=389&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/129716/original/image-20160707-30690-12eabxj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=389&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/129716/original/image-20160707-30690-12eabxj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=389&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le mot d’excuses d’une petite fille à sa mère.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/eklektikos/289352627/">Todd Ehlers</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>Nous avons demandé aux parents d’imaginer que leurs enfants transgressaient des règles importantes à leurs yeux. Puis nous avons cherché à savoir s’ils les inciteraient à s’excuser, en fonction de chaque scénario. Nous avons également demandé aux parents d’évaluer à quel point il leur importe que leurs enfants apprennent à s’excuser, dans différentes situations sociales. Enfin, nous avons demandé aux parents de donner leur vision globale de l’éducation.</p>
<p>La plupart des parents (96 %) pensent qu’il est important que leurs enfants apprennent à s’excuser après un incident au cours duquel ils ont contrarié quelqu’un en le faisant exprès. Par ailleurs, 88 % des parents considèrent qu’il est important que leur enfant apprenne à s’excuser après avoir contrarié quelqu’un sans le faire exprès.</p>
<p>Pour moins de 5 % des parents, les excuses ne sont que de vains mots. Mais même ces parents réticents restent sensibles au contexte dans lequel s’est produit l’incident.</p>
<p>Les parents déclarent être particulièrement enclins à inciter leurs enfants à s’excuser quand ces derniers se sont rendus coupables de « transgressions morales », qu’elles soient intentionnelles ou pas. Ces transgressions regroupent des enjeux de justice, de droit et de bien-être, comme lorsqu’un enfant vole quelque chose ou qu’il blesse quelqu’un.</p>
<p>Quand il s’agit de transgressions ayant trait à des conventions sociales (par exemple tricher au jeu ou interrompre une conversation), les parents considèrent que les excuses sont moins importantes.</p>
<h2>Des excuses pour se réconcilier</h2>
<p>Il est intéressant que les parents soient enclins à inciter leurs enfants à s’excuser, aussi bien quand ils ont contrarié les autres à dessein que lorsqu’ils ne l’ont pas fait exprès.</p>
<p>Cela prouve que pour beaucoup de parents, ce qui compte quand ils demandent à leurs enfants de s’excuser, ce sont les éventuelles conséquences des faux pas de leur progéniture. D’après les données que nous avons collectées, les parents apprennent aux enfants à s’excuser pour les aider à gérer des situations sociales compliquées, quelles que soient les intentions de départ.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/129723/original/image-20160707-30710-dc5er8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/129723/original/image-20160707-30710-dc5er8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/129723/original/image-20160707-30710-dc5er8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/129723/original/image-20160707-30710-dc5er8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/129723/original/image-20160707-30710-dc5er8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/129723/original/image-20160707-30710-dc5er8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/129723/original/image-20160707-30710-dc5er8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les parents peuvent inciter l’enfant à s’excuser pour favoriser la réconciliation.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.shutterstock.com/cat.mhtml?lang=en&language=en&ref_site=photo&search_source=search_form&version=llv1&anyorall=all&safesearch=1&use_local_boost=1&autocomplete_id=&search_tracking_id=-lScFLusqrxhV4kRmsdcWg&searchterm=sorry%20child&show_color_wheel=1&orient=&commercial_ok=&media_type=images&search_cat=&searchtermx=&photographer_name=&people_gender=&people_age=&people_ethnicity=&people_number=&color=&page=1&inline=286254398">Shutterstock</a></span>
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<p>Par exemple, 88 % des parents indiquent qu’ils demanderaient à l’enfant de s’excuser s’il cassait le jouet d’un autre par erreur (dans l’hypothèse où l’enfant ne s’excuse pas spontanément).</p>
<p>De fait, les parents encouragent particulièrement leur enfant à s’excuser après un faux pas accidentel qui fait du tort à un autre enfant (et non à un adulte).
Quand l’enfant s’en prend à l’un de ses pairs, les parents savent que s’il s’excuse, il pourra se réconcilier avec son camarade plutôt que de laisser le ressentiment s’installer.</p>
<p>Nous avons aussi demandé aux parents pourquoi il était si important d’inciter leurs enfants à s’excuser. Dans le cas des transgressions morales, les parents voient ces incitations comme des outils pour apprendre aux enfants à prendre leurs responsabilités. En outre, cela les aide à comprendre l’empathie, les notions de bien et de mal, et à savoir comment aider les autres à se sentir mieux, et à éclaircir des situations confuses.</p>
<p>Cependant, tous les parents n’ont pas la même vision des choses. Un petit groupe de parents nous est apparu <a href="https://www.jstor.org/stable/585170?seq=1#page_scan_tab_contents">assez permissif</a> : ils sont affectueux et attentionnés mais pas spécialement enclins à inculquer de la discipline à leurs enfants, ni à attendre d’eux un comportement responsable.</p>
<p>Ces parents ne méprisent pas les excuses pour autant, mais ils sont beaucoup moins enclins à inciter leurs enfants à en présenter que les autres parents enquêtés.</p>
<h2>Quand faut-il inciter les enfants à s’excuser ?</h2>
<p>Globalement, les parents de notre étude considèrent que les excuses sont importantes pour les enfants, et les recherches menées sur la question prouvent que les enfants partagent ce point de vue.</p>
<p>Mais y a-t-il des façons plus ou moins efficaces d’encourager un enfant à s’excuser ? Selon moi, les parents devraient se demander si l’enfant présente des excuses sincères, et s’il le fait volontairement. Une étude récente nous montre pourquoi.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/129724/original/image-20160707-30680-lheyo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/129724/original/image-20160707-30680-lheyo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=897&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/129724/original/image-20160707-30680-lheyo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=897&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/129724/original/image-20160707-30680-lheyo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=897&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/129724/original/image-20160707-30680-lheyo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1128&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/129724/original/image-20160707-30680-lheyo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1128&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/129724/original/image-20160707-30680-lheyo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1128&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Quand faut-il demander à l’enfant de s’excuser ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/konszvi/1385747452/in/photolist-37sjrs-6RLWve-771RiR-rNgtxq-bXnLqD-qZtP7-47LZyG-5CwBUK-e73s7g-5tKZ33-ahq7MN-REa5p-fUDF3V-ftqE1w-g791Ps-agwNgC-k2fv8-t1QSe-FsxKC6-8TJBua-ggm66V-83mVVT-8xqhEa-8TJBqn-5Z8LKt-afrtAs-4mRaRN-bN71Li-62CcMU-86he4a-HARj2-6j7NFT-e2WBmk-fHux9-9AZtJ9-5wFf1R-oTycGZ-zL1AS-7g7X59-dB9FFf-5irCdM-2NwAvo-oRC9Cu-2aRW9n-c4FFy-3JELrU-4gyZFW-g159iG-6mnb33-bnGefq">Zvi Kons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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</figure>
<p>Dans cette étude nous avons demandé à des enfants âgés de 4 à 9 ans d’évaluer deux types d’excuses suggérées par un adulte. La première était délivrée volontairement à la victime, après simple incitation parentale : la seconde était délivrée sous la contrainte (« Il faut que tu lui dises que tu es désolé(e) ! »).</p>
<p>Nous avons découvert que 90 % des enfants considèrent que celui qui reçoit des excuses « volontaires » se sent mieux tandis que seuls 22 % des enfants pensent que des excuses forcées peuvent aider la victime à se sentir mieux.</p>
<p>Quand les parents se demandent s’il faut encourager leurs enfants à présenter des excuses, ils doivent se rappeler qu’il ne vaut mieux pas pousser un enfant à s’excuser s’il n’est pas prêt à le faire, ou simplement s’il ne ressent pas de remords. La plupart des enfants considèrent en effet que les excuses forcées sont inefficaces.</p>
<p>Dans ce genre de situations, rétablir le calme, chercher à augmenter le degré d’empathie et inciter l’enfant à faire amende honorable peut se révéler plus constructif que de forcer un petit qui n’en a pas envie à s’excuser. Même si, bien sûr, l’enfant peut aussi présenter des excuses volontaires tout en essayant de réparer ses torts (l’un n’empêche pas l’autre).</p>
<p>Les excuses ne sont pas que des mots que les enfants <a href="http://www.huffingtonpost.co.uk/sarah-ockwellsmith/we-shouldnt-make-young-children-say-sorry_b_9538472.html">répètent comme des perroquets</a> : n’oublions pas que les adultes usent aussi de rituels qui impliquent des échanges verbaux très codifiés, comme quand deux personnes qui s’aiment se disent « Oui, je le veux » lors d’un mariage.</p>
<p>De même que ces échanges codifiés peuvent revêtir un sens culturel et personnel profond, les mots qui servent à s’excuser jouent un rôle culturel de premier ordre. Apprendre avec conscience aux jeunes enfants à s’excuser est une façon de leur apprendre à prendre soin des autres et à être estimés au sein de leur communauté.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/64686/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Craig Smith ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La recherche prouve que dès l'âge de 4 ans, les enfants se sentent mieux après s'être excusés et considèrent que ceux qui s'excusent sont plus gentils que les autres.Craig Smith, Research Investigator, University of MichiganLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/656572016-09-21T04:44:30Z2016-09-21T04:44:30ZÉducation des jeunes délinquants : un retour en arrière ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/138510/original/image-20160920-12472-16x3tz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le film « La tête haute », d’Emmanuelle Bercot, a fait l'ouverture du festival de Cannes en 2015. On y découvre le travail des professionnels de l’éducation en milieu judiciaire.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.filmsdukiosque.fr/longs-metrages/la-tete-haute">Les Films du Kiosque</a></span></figcaption></figure><p>Des <a href="http://www.ina.fr/video/CAB98001672">« sauvageons »</a> de Jean-Pierre Chevènement aux <a href="http://www.ina.fr/video/I09166721">« racailles »</a> de Nicolas Sarkozy, les jeunes des quartiers populaires périurbains sont présentés, dans un nombre croissant de discours politiques et de mises en scène médiatique, comme l’une des menaces les plus tenaces de l’ordre social. À cela répond la volonté, sans cesse réaffirmée, de durcir les réponses pénales à l’encontre de déviances qui concerneraient des jeunes décrits comme toujours plus jeunes, plus nombreux et plus violents, ce que contestent pourtant les <a href="http://www.laviedesidees.fr/Dechiffrer-la-violence.html#quest2">enquêtes les plus sérieuses menées sur la question</a>.</p>
<p>On peut se demander, dans ce contexte, ce qu’il advient de la philosophie éducative qui animait les premières législations pour mineurs, <a href="http://www.justice.gouv.fr/justice-des-mineurs-10042/presentation-10043/chronologies-comparees-de-la-justice-des-mineurs-18668.html">adoptées dans la première moitié du XXᵉ siècle</a>. Sans disparaître, cette philosophie se restructure profondément : l’ouverture de nouvelles prisons centrées sur un objectif de resocialisation, ainsi que le renforcement du contrôle des jeunes suivis à l’extérieur, en foyer ou dans leur milieu habituel de vie, deviennent les outils d’un nouveau modèle d’<em>éducation sous contrainte</em>. Or, ce modèle heurte l’identité fondatrice de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et de sa profession d’éducateur. Leur création conjointe, <a href="http://www.lien-social.com/Une-breve-histoire-de-la-justice-des-mineurs">au lendemain de la Seconde Guerre mondiale</a>, visait en effet à rompre avec le passé pénitentiaire de la justice des mineurs.</p>
<h2>Liquider l’héritage des bagnes d’enfants</h2>
<p>Lors de sa création au sein du ministère de la Justice, l’<a href="https://rhei.revues.org/3028">Éducation surveillée</a> – devenue PJJ en 1990 – était conçue comme le miroir judiciaire de l’Éducation nationale. Elle était censée prolonger, à destination des délinquants, la mission de l’institution scolaire : socialiser l’individu-citoyen. Cette proximité revendiquée avec l’Éducation nationale était aussi une manière, pour ce jeune organisme, de marquer ses distances avec l’administration pénitentiaire, qui par l’intermédiaire de ses colonies correctionnelles rebaptisées « bagnes d’enfants » dès le début du 20<sup>e</sup> siècle, était avant 1945 l’un des principaux acteurs du traitement de la jeunesse déviante. Comme le montrent ces <a href="http://www.ina.fr/video/AFE86003383">archives</a> de l’Institut national de l’audiovisuel, l’Éducation surveillée se donnait pour objectif général de rééduquer les « enfants égarés ».</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/138495/original/image-20160920-12468-1o4kbhu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/138495/original/image-20160920-12468-1o4kbhu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/138495/original/image-20160920-12468-1o4kbhu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/138495/original/image-20160920-12468-1o4kbhu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/138495/original/image-20160920-12468-1o4kbhu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=394&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/138495/original/image-20160920-12468-1o4kbhu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=394&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/138495/original/image-20160920-12468-1o4kbhu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=394&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Image du film « La Révolte des enfants » de Gérard Poitou-Weber, 1992.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.dorianefilms.com/doriane_fiche.php/revolte_des_enfants.html">Doriane Films</a></span>
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</figure>
<p>Cette mise à distance de l’administration pénitentiaire s’est peu à peu traduite par l’affirmation d’une critique de l’enfermement et de toute forme de « discipline », qui a trouvé dans les mouvements de mai-juin 1968 une occasion de se propager et de se diffuser. Dans la rhétorique du syndicat national des personnels de l’Éducation surveillée, très ancré à gauche et largement majoritaire au sein du corps éducatif, les jeunes délinquants sont alors considérés comme victimes d’un ordre social inégalitaire et de ses conséquences sur les conditions d’existence des familles de classes populaires. Si responsabilité il doit y avoir, celle-ci doit être collective avant d’être individuelle : la société doit donc se donner les moyens d’éduquer les jeunes, avant de les punir.</p>
<p>En 1978, avec l’accord de leur direction, les éducateurs obtiennent de quitter les prisons au sein desquelles ils interviennent encore. Une circulaire de la direction de l’Éducation surveillée, publiée en 1980, le rappelle en ces termes : </p>
<blockquote>
<p>« C’est à l’administration pénitentiaire que revient la responsabilité de répondre à ces demandes répressives. La confusion des registres éducatif et répressif n’apporte aucune solution satisfaisante. Elle rend aléatoire l’éducation et multiplie l’atteinte aux libertés ». </p>
</blockquote>
<p>L’incarcération des mineurs ne disparaît pas, mais elle est reléguée hors du champ légitime de l’action éducative, qui se recentre autour d’une référence dominante au « milieu ouvert ».</p>
<h2>Un modèle d’éducation sous contrainte</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/138430/original/image-20160920-11120-1jo1xms.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/138430/original/image-20160920-11120-1jo1xms.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1000&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/138430/original/image-20160920-11120-1jo1xms.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1000&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/138430/original/image-20160920-11120-1jo1xms.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1000&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/138430/original/image-20160920-11120-1jo1xms.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1257&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/138430/original/image-20160920-11120-1jo1xms.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1257&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/138430/original/image-20160920-11120-1jo1xms.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1257&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Éduquer sous contrainte », l’ouvrage de Nicolas Sallée est paru en septembre 2016, aux éditions de l’EHESS.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://editions.ehess.fr/ouvrages/ouvrage/eduquer-sous-contrainte/">N.Sallée</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Dans les années 1970 et 1980, cette conception de l’action éducative s’appuie sur le recours à une diversité de savoirs en sciences humaines et sociales, aujourd’hui d’autant plus fragilisés qu’ils sont accusés de cultiver une « culture de l’excuse ». Déjà mobilisée en 1997 par Lionel Jospin, ressortie du chapeau par <a href="http://www.liberation.fr/debats/2016/01/12/culture-de-l-excuse-les-sociologues-repondent-a-valls_1425855">Manuel Valls</a> à la suite des attentats de novembre 2015, cette rhétorique de « l’excuse », souvent dite « sociologique », ne fait pas que reproduire la regrettable confusion entre effort de compréhension et justification morale. Elle légitime également un principe de responsabilité individuelle, que la loi dite <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000775140">Perben I</a> du 9 septembre 2002 a précisément replacé au cœur du dispositif pénal destiné aux mineurs.</p>
<p>Ces transformations législatives ont-elles pour autant eu raison de toute logique éducative ? La loi Perben I semble au contraire en avoir étendu le périmètre, en exigeant notamment des éducateurs qu’ils réinvestissent les prisons pour y travailler en binôme avec les surveillants pénitentiaires. En provoquant l’extension – hautement controversée – de l’éducatif dans des espaces qui lui sont longtemps restés étrangers, elle en a cependant profondément bouleversé le sens : l’incarcération elle-même est désormais constitutive de ce modèle d’éducation sous contrainte.</p>
<p>Quand un jeune est incarcéré, les éducateurs se donnent pour tâche principale d’assurer la continuité du parcours éducatif, notamment en travaillant avec lui les raisons de son passage en prison et les conditions de sa sortie. Autrefois assurée par des services éducatifs externes aux établissements carcéraux, cette tâche est désormais internalisée. Dès lors, dans des lieux où les préoccupations sécuritaires dictent l’organisation générale de la détention, les éducateurs ont désormais la possibilité de s’appuyer sur les contraintes pénitentiaires et le système de sanctions auquel elles s’adossent, pour rappeler un jeune à ses fautes et l’engager sur le chemin de la « responsabilisation ».</p>
<p>Loin de se cantonner à la prison, ce modèle s’étend à l’ensemble des pratiques éducatives. Un nombre croissant de mineurs est ainsi suivi, à l’extérieur, dans le cadre de mesures – dites « probatoires » – assorties d’une menace d’incarcération que les éducateurs peuvent toujours brandir s’ils constatent qu’une obligation n’a pas été remplie, ou s’ils estiment, plus subjectivement, qu’un engagement n’a pas été tenu. En confrontant les jeunes à leurs obligations pénales, parfois au risque de fragiliser le lien de confiance qu’ils ont bâti avec eux, ils participeraient alors à leur responsabilisation.</p>
<h2>Une résurgence de la discipline</h2>
<p>Cette référence omniprésente à la responsabilisation du jeune s’inscrit dans une dynamique générale de transformation de l’État social, depuis le milieu des années 1980, marquée par un transfert de la gestion des risques sociaux vers l’individu : celui-ci est de plus en plus tenu d’endosser la responsabilité de tout ce qui lui arrive.</p>
<p>Dans un contexte de fragilisation croissante du marché du travail, qui réduit les possibilités objectives de réinsertion des populations les plus précarisées, la justice pénale s’impose comme un outil privilégié de leur contrôle – et par ricochet, de leur responsabilisation. Ces transformations conduisent à de nouvelles modalités d’inculcation des normes sociales : l’individu lui-même est désormais chargé de s’adapter, se prendre en main, travailler sur soi. Cette valorisation de l’individu peut conduire, dans le quotidien des prises en charge, à la création d’espaces éducatifs où les jeunes, par différents médias (qu’ils soient artistiques, scolaires ou professionnels), sont placés dans des situations d’apprentissage et d’autonomie, voire d’apprentissage de leur autonomie.
Cependant cette responsabilisation s’accompagne, dans le même temps, d’une vieille conception de l’éducation selon laquelle seul le rappel de règles non discutables, dans un cadre pénal contraignant, permettrait la resocialisation de ces jeunes supposément « déstructurés ».</p>
<p>Cette résurgence de la discipline, pouvant aller jusque-là légitimation, en prison, du bien-fondé de l’ordre carcéral, devrait nous interroger sur le sens final que l’on veut donner à l’éducation des jeunes les plus fragilisés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/65657/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Sallée ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’éducation des jeunes délinquants, présentés comme l’une des menaces les plus tenaces de l’ordre social, subit aujourd’hui de profondes mutations vers plus de répression.Nicolas Sallée, Professeur en sociologie, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/626362016-08-04T19:26:24Z2016-08-04T19:26:24ZÀ quoi ressemblaient les JO des Grecs ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/131764/original/image-20160725-31178-cztzk0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Combat de lutteurs en Grèce antique vers 510 av. J.-C.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:07Athletengrab.jpg">Fingalo/wikipédia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les Jeux olympiques sont la manifestation sportive la <a href="https://www.amazon.fr/sport-dans-lAntiquit%C3%A9-Egypte-Gr%C3%A8ce/dp/2708405969">plus connue de l’Antiquité</a> : c’est si vrai qu’on considère parfois que le sport même est né à Olympie, dans ce grand sanctuaire situé au nord-ouest du Péloponnèse, en 776 avant notre ère, date traditionnelle de la fondation des jeux.</p>
<p>Et l’on oublie ainsi que nous avons déjà des images sportives remontant au IIIe millénaire, dans la civilisation égyptienne et dans la civilisation sumérienne : les sports de combat, et surtout la lutte, étaient dès cette époque particulièrement en vogue.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/131859/original/image-20160725-30081-m5i0rp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/131859/original/image-20160725-30081-m5i0rp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/131859/original/image-20160725-30081-m5i0rp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/131859/original/image-20160725-30081-m5i0rp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/131859/original/image-20160725-30081-m5i0rp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/131859/original/image-20160725-30081-m5i0rp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=753&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/131859/original/image-20160725-30081-m5i0rp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=753&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/131859/original/image-20160725-30081-m5i0rp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=753&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">À Olympie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">J.Gallé/TheConversation</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette prédominance du sport grec dans la pensée générale est en grande partie liée au fait que ceux-ci ont été restaurés à l’époque moderne, en 1896, à l’instigation du baron <a href="http://franceolympique.com/art/267-pierre_de_coubertin.html">Pierre de Coubertin</a>. Mais, si nous avons bien conservé la périodicité des Jeux olympiques qui revenaient tous les quatre ans, les différences entre la manifestation antique et la compétition moderne, déjà sensibles à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, n’ont fait que s’accentuer depuis cette période.</p>
<h2>Des jeux en constante évolution</h2>
<p>Le nombre des compétitions et des participants s’est accru de façon incroyable dans les dernières décennies – on annonce près de 400 athlètes français à Rio ; et le fait que le football, ce sport professionnel entre tous, soit devenu une discipline olympique permet de relever d’emblée un trait inconnu des Anciens. Les Grecs, qui pratiquaient assidûment comme les Romains les exercices avec la balle, n’avaient cependant jamais inscrit les sports collectifs de ballon dans leurs concours officiels.</p>
<p>Le programme olympique, qui se déroulait sur quatre ou cinq jours – et encore une partie de ce temps était-il consacré à des rites religieux – ne comprenait que des compétitions hippiques et athlétiques, ces dernières étant souvent qualifiées de « gymniques » : ce qui a le mérite de rappeler, d’après l’étymologie de ce terme, que les athlètes étaient alors nus (mais on peut supposer, comme le montre parfois l’iconographie, qu’ils portaient une sorte de « suspensoir »).</p>
<h2>Le privilège de l’aristocratie</h2>
<p>Les épreuves hippiques, qui se déroulaient dans l’hippodrome, comprenaient des courses attelées et des courses montées. C’était la course de quadriges, chars attelés à quatre chevaux, qui apportait la principale gloire sportive, mais il faut tenir compte du fait que c’étaient les propriétaires du char et des chevaux qui recevaient la couronne de feuillage, prix de la victoire, et non pas le jockey ou le cocher. Cette épreuve était réservée à l’aristocratie qui avait seule les moyens d’élever des chevaux… et de les transporter jusqu’à Olympie.</p>
<p>Dans ces conditions, une femme pouvait être victorieuse en tant que propriétaire : chose exceptionnelle à Olympie et dans les autres grands concours de l’Antiquité puisque seuls les hommes pouvaient concourir sur la piste du stade ! Et c’est évidemment une autre différence essentielle avec les JO actuels – mais on sait que Coubertin ne voyait pas d’un œil favorable la création de compétitions féminines…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/131855/original/image-20160725-26512-1fnfmhu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/131855/original/image-20160725-26512-1fnfmhu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=661&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/131855/original/image-20160725-26512-1fnfmhu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=661&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/131855/original/image-20160725-26512-1fnfmhu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=661&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/131855/original/image-20160725-26512-1fnfmhu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=831&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/131855/original/image-20160725-26512-1fnfmhu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=831&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/131855/original/image-20160725-26512-1fnfmhu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=831&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’Aurige de Delphes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">J.Gallé/TheConversation</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>En tout cas, en voyant cette magnifique statue de bronze qu’est l’<a href="https://revueexsitu.com/2009/11/01/laurige-de-delphes/#">Aurige de Delphes</a>, on doit se souvenir que ce n’était pas le vainqueur, mais le simple cocher du vainqueur, en l’occurrence Polyzalos, un tyran de Gela en Sicile, qui l’avait emporté au début du Ve siècle avant notre ère.</p>
<h2>Dans les stades</h2>
<p>Les épreuves athlétiques comprenaient des courses à pied, des sports de combat et le pentathlon, première compétition à épreuves multiples de l’histoire du sport. Il y avait trois courses, deux de sprint, celle dite du stade sur 180 mètres environ – ce qui correspondait à la longueur de la piste – celle du double stade (le <em>diaulos</em>) qui fait donc un peu moins de 400 mètres, et une course de fond appelée le _dolichos _sur 20 stades, autrement dit un petit 4 000 mètres.</p>
<p>Mais il faut leur adjoindre la course armée lors de laquelle les athlètes portaient un casque et un bouclier : c’était la dernière épreuve des jeux, et elle symbolisait la fin de la trêve olympique sacrée (laquelle n’avait jamais entraîné la suspension de toutes les guerres, mais seulement la possibilité pour les athlètes et les spectateurs de se rendre à Olympie sans risquer d’être tués au cours du voyage par l’ennemi de leur cité).</p>
<h2>Lutte, pugilat, pancrace</h2>
<p>Les trois sports de combat – lutte, pugilat et pancrace – ne comportaient pas de catégories de poids, et seuls les athlètes lourds avaient des chances de l’emporter. La lutte antique, appelée <em>palè</em>, qui a donné le mot palestre, n’avait rien à voir avec notre épreuve dite pourtant « gréco-romaine » : les prises étaient autorisées au-dessous de la ceinture et le vainqueur était celui qui avait projeté trois fois son adversaire au sol.</p>
<p>Le lutteur <a href="http://next.liberation.fr/livres/2016/05/25/milon-de-crotone-le-fort-ideal_1455145">Milon de Crotone</a>, six fois vainqueur à Olympie, est sans doute l’athlète le plus célèbre de l’Antiquité grecque. En revanche, au pugilat, c’est-à-dire à la boxe, et au pancrace, le combat se poursuivait sans qu’il y ait de rounds jusqu’à ce qu’un des deux adversaires soit K.O. ou abandonne.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/131857/original/image-20160725-26566-1loo3ij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/131857/original/image-20160725-26566-1loo3ij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/131857/original/image-20160725-26566-1loo3ij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/131857/original/image-20160725-26566-1loo3ij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/131857/original/image-20160725-26566-1loo3ij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/131857/original/image-20160725-26566-1loo3ij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=942&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/131857/original/image-20160725-26566-1loo3ij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=942&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/131857/original/image-20160725-26566-1loo3ij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=942&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Pancrace.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeux_olympiques#/media/File:Pankration_panathenaic_amphora_BM_VaseB610.jpg">Marie-Lan Nguyen/Wikimédia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Le pugilat était le sport le plus violent, le plus sanglant : les mains étaient renforcées par des lanières de cuir qui deviendront de plus en plus épaisses, et il semble que les coups n’aient été portés qu’à la tête. C’est pourquoi un auteur grec a pu prétendre que le ventre rebondi était un atout pour un boxeur : il était ainsi plus difficile pour son adversaire de le toucher à la tête, sauf à avoir une allonge remarquable…</p>
<p>Le pancrace était un mélange de boxe et de lutte, mais il était finalement moins dangereux que le pugilat, dans la mesure où les athlètes ne portaient pas de « gants » pour pouvoir assurer leurs prises, et là le combat se poursuivait au sol. Il était simplement interdit de mordre l’adversaire ou de lui enfoncer les doigts dans les yeux : la « fourchette » n’était donc pas le seul fait des rugbymen modernes…</p>
<h2>Facteur 5</h2>
<p>Le pentathlon comportait donc cinq épreuves, dont la course du stade et la lutte qui étaient aussi au programme en tant qu’épreuves individuelles. Ce qui n’était pas le cas des deux lancers du disque et du javelot, ni du saut en longueur disputés dans le seul cadre du pentathlon.</p>
<p>Quand lors des JO d’Athènes en 2004 on a voulu organiser une épreuve à Olympie même pour être encore plus proche des origines antiques, c’est le lancer du poids qui a été choisi : une bien mauvaise décision, puisque ce lancer n’a jamais figuré officiellement dans le programme antique !</p>
<p>Le saut en longueur devait être en réalité un quintuple saut sans élan – on sait que des sauts sans élan ont aussi figuré au programme des premiers JO modernes. La désignation du vainqueur au pentathlon devait répondre à des critères un peu compliqués, sauf en cas de domination écrasante d’un concurrent.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/131858/original/image-20160725-30081-2kvxa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/131858/original/image-20160725-30081-2kvxa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/131858/original/image-20160725-30081-2kvxa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/131858/original/image-20160725-30081-2kvxa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/131858/original/image-20160725-30081-2kvxa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/131858/original/image-20160725-30081-2kvxa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/131858/original/image-20160725-30081-2kvxa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/131858/original/image-20160725-30081-2kvxa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une couronne d’olivier pour récompenser le vainqueur.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Palaestra_scene_Louvre_G7.jpg">Jastrow/Wikimédia</a></span>
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<h2>Les seniors aussi</h2>
<p>Il y a un seul point sur lequel les jeux antiques qui excluaient les femmes, les non-Grecs, les non-libres, montrent une plus grande ouverture que les JO actuels : c’est que les compétitions étaient organisées pour deux catégories d’âge, les <em>andres</em> (seniors) et les <em>paides</em> (juniors).</p>
<p>C’est lors du mois précédant les épreuves que les athlètes étaient répartis entre ces deux classes d’âge. En revanche, on ne se laissera pas trop abuser par l’« amateurisme » des athlètes grecs, car, si la récompense aux JO était bien une simple couronne d’olivier, les vainqueurs pouvaient obtenir de leur cité des avantages matériels importants, et il existait aussi, à côté des jeux panhelléniques sacrés, toute une série de concours sportifs qui étaient dotés de récompenses en argent.</p>
<p>Mais il est vrai que les sommes étaient sans commune mesure avec ce que nous connaissons aujourd’hui. Pour trouver un exemple antique de sport-business, c’est <a href="https://www.amazon.fr/sport-dans-Rome-antique/dp/2877721140">du côté de Rome</a> qu’il faut se tourner.</p>
<p>Les courses de chars du <em>Circus Maximus</em> de Rome, entre Palatin et Aventin, n’avaient rien à envier à notre football : même passion planétaire dans tout l’Empire romain, un édifice sportif accueillant 150 000 spectateurs, une organisation en quatre factions, quatre clubs que distinguait leur couleur (les Blancs, les Verts, les Rouges et les Bleus) et qui étaient dotés d’un personnel nombreux et de moyens financiers considérables. Enfin, des vedettes superstars, les cochers de quadriges qui gagnaient des sommes stupéfiantes, souvent jugées scandaleuses, et étaient souvent transférés d’un club à un autre…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/62636/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Paul Thuillier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Courses à pied, sports de combat et pentathlon figuraient au programme des compétitions sportives célébrées dans la Grèce antique à Olympie. Des Jeux bien différents de ceux d'aujourd'hui.Jean-Paul Thuillier, Directeur du département des sciences de l’Antiquité, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.