tag:theconversation.com,2011:/ca/topics/elevage-industriel-34319/articlesélevage industriel – The Conversation2023-12-05T16:55:01Ztag:theconversation.com,2011:article/2186652023-12-05T16:55:01Z2023-12-05T16:55:01ZPeste porcine africaine : la flambée des cas en Italie questionne la stratégie européenne d’éradication<p>Guerre en Ukraine, au Proche-Orient, événements climatiques extrêmes… Au milieu des conflits en cours et des menaces environnementales latentes, la <a href="https://theconversation.com/retour-sur-grippe-aviaire-peste-porcine-Covid-19-pourquoi-tant-depidemies-dans-les-elevages-155159">peste porcine</a> africaine ne s’impose pas sur le devant de la scène médiatique.</p>
<p>Si elle ne constitue pas une menace directe pour la santé humaine, puisqu’elle n’affecte que les mammifères de la famille des suidés, notamment les cochons et les sangliers, cette maladie a néanmoins des conséquences importantes pour l’humanité, puisqu’on estime qu’au niveau global, la viande de porc constitue <a href="https://www.fao.org/3/cb8267en/cb8267en.pdf">plus de 35 % des apports carnés</a>.</p>
<p>Au-delà de la menace qu’elle fait peser sur les élevages de porc et sur l’économie de cette filière, la peste porcine africaine soulève de nombreuses questions sur la durabilité de ces systèmes et sur le bien-être animal. Elle pourrait catalyser un grand nombre de tensions autour de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/viande-22328">l’alimentation carnée</a> et mettre en question la façon dont les autorités européennes la pensent et tentent de la maîtriser.</p>
<p>Autant d’enjeux qui demeurent pour l’instant sous les radars des opinions publiques européennes, <a href="https://primapavia.it/attualita/peste-suina-in-lombardia-nel-pavese-il-primo-caso-indagini-in-corso/">à l’exception peut-être de l’Italie</a> où, en septembre dernier, un foyer de peste porcine africaine a mené des défenseurs du bien-être animal sous le feu des projecteurs.</p>
<h2>Une maladie connue de longue date</h2>
<p>La peste porcine africaine <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0368174221800314?via%3Dihub">a été détectée pour la première fois au Kenya en 1921</a> par un vétérinaire britannique, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/tbed.14183">Robert Eustace Montgomery</a>. Selon lui, cette maladie devait sa sévérité plus forte que la peste porcine – dite « classique » ou « européenne » – au fait qu’elle se transmettait des phacochères aux cochons dans les élevages coloniaux.</p>
<p>On sait aujourd’hui que cette fièvre hémorragique est due à un virus à ADN qui présente la particularité d’être très résistant : il peut demeurer infectieux pendant plusieurs mois dans les substances animales (excréments, viande – y compris après salaison, salive, sueur…). La contamination se produit soit par contact direct d’un animal à l’autre (notamment par le sang, les seringues ou les matériels dans les élevages), soit par l’intermédiaire de <a href="https://theconversation.com/les-tiques-des-animaux-venimeux-120246">tiques « molles »</a> du genre Ornithodoros.</p>
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<p>Il faut souligner un point important : la peste porcine africaine est une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/epizootie-34153">épizootie</a>, une épidémie qui frappe exclusivement les animaux. Ce n’est pas une zoonose, c’est-à-dire qu’elle ne se transmet pas aux humains. Néanmoins, elle n’est pas sans conséquence pour nos sociétés, car elle a des retentissements économiques majeurs.</p>
<p>En effet, la forme aiguë de la maladie tue en masse les porcs domestiques : <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/Anses-Ft-PestePorcineAfricaine.pdf">100 % d’entre eux décèdent en 4 à 13 jours</a>. La forme subaiguë tue plus lentement et dans des proportions moindres. Enfin, la troisième forme, chronique, est elle aussi problématique, car insidieuse : les animaux présentent des symptômes atténués, mais peuvent néanmoins excréter le virus, et donc contaminer leurs congénères.</p>
<p>En ce qui concerne les suidés sauvages, si les espèces africaines (phacochères et potamochères) peuvent transmettre la peste porcine africaine mais n’en meurent pas, les sangliers qui peuplent nos forêts sont sensibles à la maladie qui les décime eux aussi.</p>
<h2>Circulation hors d’Afrique</h2>
<p>Initialement restreinte au continent africain, la peste porcine africaine a été détectée pour la première fois sur le continent européen en 1957. À l’époque, des cas sont identifiés en Sardaigne, en Espagne, au Portugal et en France. C’est alors le renforcement de la chasse aux sangliers qui permet de contrôler la propagation de l’infection. À la fin des années 1990, la <a href="https://agritrop.cirad.fr/598143/1/Viltrop%20et%20al.,%202021.%20ASF%20Epidemiology.pdf">maladie ne circulait plus qu’en Sardaigne</a>.</p>
<p>Toutefois, en 2007, elle a été à nouveau détectée en Géorgie, probablement suite à l’emploi de viande contaminée provenant <a href="https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/14/12/08-0591_article">d’Afrique de l’Est ou de Madagascar</a>. De là, elle s’est diffusée en Russie, en Pologne, en Ukraine et dans les pays Baltes, via les populations de sangliers.</p>
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<img alt="Photos de panneaux d’avertissement concernant la peste porcine africaine, en Pologne." src="https://images.theconversation.com/files/562659/original/file-20231130-27-aduweo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562659/original/file-20231130-27-aduweo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562659/original/file-20231130-27-aduweo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562659/original/file-20231130-27-aduweo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562659/original/file-20231130-27-aduweo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562659/original/file-20231130-27-aduweo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562659/original/file-20231130-27-aduweo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Panneaux d’avertissement concernant la peste porcine africaine, en Pologne.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Afryka%C5%84ski_pom%C3%B3r_%C5%9Bwi%C5%84_Wiejki_Bielewicze_Gmina_Gr%C3%B3dek.JPG">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>L’épizootie se serait ensuite transmise de l’extrême est de la Russie (région d’Irkoutsk) à la Chine <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/tbed.12989">après des flambées épidémiques non loin de la frontière en 2017</a>. On estime qu’en 2019 la Chine aurait perdu presque la moitié de son élevage de porcs à cause de cette maladie, soit 200 millions d’animaux. Il s’agit de chiffres estimés à partir de l’effet de la crise sanitaire sur l’élévation du prix global du marché du porc, la <a href="https://www.theguardian.com/environment/2020/may/27/unstoppable-african-swine-fever-deaths-to-eclipse-record-2019-toll">Chine ne rapportant officiellement qu’un million de cochons abattus</a>.</p>
<p>Certains analystes ont même avancé l’hypothèse selon laquelle la pandémie de Covid-19, très probablement causée par une zoonose transmise des chauves-souris aux humains, aurait pu être la conséquence indirecte de cette épizootie de peste porcine en Chine. Selon eux, <a href="https://pesquisa.bvsalud.org/global-literature-on-novel-coronavirus-2019-ncov/resource/pt/ppzbmed-10.20944.preprints202102.0590.v2">elle aurait conduit les consommateurs chinois vers d’autres sources de protéines que le porc</a>, ce qui aurait mené à leur contamination – une hypothèse qui reste indémontrable, mais qui est indicatrice des <a href="https://theconversation.com/le-concept-one-health-doit-simposer-pour-permettre-lanticipation-des-pandemies-139549">liens entre les différentes maladies animales dans les sociétés globalisées</a> s.</p>
<p>Si la peste porcine africaine est restée pendant longtemps une maladie peu grave dans le sud de l’Europe, la situation a changé lorsqu’elle a infecté l’est du continent. D’où l’alerte de la Commission européenne lorsque des carcasses de sangliers porteurs du virus de peste porcine africaine furent à nouveau découvertes en 2017 en République Tchèque (à la frontière avec la Slovaquie et la Pologne) et en 2018 en Belgique (à la frontière avec la France et l’Allemagne).</p>
<h2>Une maladie devenue endémique en Italie</h2>
<p>Pour circonscrire la maladie, les autorités européennes ont décidé la mise en place d’une <a href="https://www.pig333.com/3tres3_common/art/pig333/19175/fitxers/CELEX-32023R0594-EN-TXT.pdf">sévère politique de contrôle</a>, de façon à ce que ne se produisent pas sur son territoire des flambées de peste porcine africaine similaires à celles qui sont survenues dans les pays de l’ex-URSS et en Chine : interdiction de l’élevage de porcs en plein air, interdiction de nourrir les porcs en élevage fermé avec de l’herbe ou du foin, interdiction de la circulation des porcs entre les élevages fermés, surveillance des sangliers et politique de zonage dès qu’une carcasse infectée est découverte.</p>
<p>On estime que ces mesures radicales et coûteuses ont permis d’éradiquer la peste porcine africaine en <a href="https://bulletin.woah.org/?panorama=04-2-1-2020-1-czech-fr&lang=fr">République Tchèque</a> et en <a href="https://www.favv-afsca.be/ppa/actualite/belgique/">Belgique</a>. Mais l’arrivée en 2021 de la maladie en Italie du Nord, dans la région de Gênes, a remis en question cette stratégie d’éradication.</p>
<p>Cette année-là, des carcasses de sangliers contaminées ont été découvertes en Ligurie, dans le Piémont et en Lombardie. Les autorités politiques de ces trois régions ont eu des difficultés à s’accorder sur les décisions à prendre, face à des pressions très différentes selon qu’elles venaient des éleveurs de porc ou des chasseurs de sangliers : il y a beaucoup de sangliers et peu de porcs en Ligurie et Piémont, alors qu’il y a beaucoup de porcs et peu de sangliers en Lombardie. Cette situation a ralenti le processus de décision et grevé les chances de parvenir à contenir l’épidémie.</p>
<p>La construction d’une clôture de plusieurs centaines de kilomètres autour des zones où ont été découvertes les carcasses infectées, sur le modèle de ce qui a été fait en République Tchèque, en Belgique ou entre le Danemark et l’Allemagne, a été lancée trop tard pour contenir la circulation du virus. Ce dernier est à présent considéré comme endémique dans toute l’Italie, d’après les carcasses de sangliers infectées découvertes dans la région de Rome et jusqu’au sud de Naples.</p>
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<img alt="Photo d’un cadavre de sanglier retrouvé dans la réserve naturelle de l’Insugherata, non loin de Rome." src="https://images.theconversation.com/files/562658/original/file-20231130-29-119mee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562658/original/file-20231130-29-119mee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562658/original/file-20231130-29-119mee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562658/original/file-20231130-29-119mee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562658/original/file-20231130-29-119mee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562658/original/file-20231130-29-119mee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562658/original/file-20231130-29-119mee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cadavre de sanglier retrouvé dans la réserve naturelle de l’Insugherata, non loin de Rome.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Cinghiale_Sus_scrofa.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Abattages massifs</h2>
<p>La crainte des autorités sanitaires italiennes est désormais que le virus arrive dans les élevages de porcs de la région de Parme, Modène et Bologne, où le jambon « made in Italy » est fabriqué avec une forte valeur ajoutée – parfois avec des cochons qui ont été élevés dans toute l’Europe – et où la filière porcine emploie plusieurs milliers de personnes.</p>
<p>Pour l’éviter, en septembre et octobre 2023, l’abattage de 40 000 porcs a été ordonné dans la région située entre Milan et Pavie. Un « commissaire extraordinaire » a été nommé par le gouvernement Meloni, chargé de mettre en place des mesures d’exception (zonage et abattage).</p>
<p>Si les petits éleveurs de porcs se sentent abandonnés par cette politique sanitaire qui favorise avant tout les grands élevages industriels, les chasseurs sont également très divisés par ces mesures.</p>
<p>Les associations de chasseurs, qui travaillent depuis longtemps avec les paysans pour limiter les dégâts des sangliers dans les champs par des campagnes régulières de « prélèvement », sont en effet contournées par les politiques sanitaires : celles-ci <a href="https://www.ansa.it/liguria/notizie/2023/11/24/peste-suina-1.200-cacciatori-in-meno-in-un-anno-a-genova_77b5c836-0dd9-47ee-a3ac-387fedc08f46.html">s’appuient sur des entreprises de chasse privées utilisant des fusils à caméra thermique</a> pour tuer de nuit le plus grand nombre de sangliers possible.</p>
<p>Si, initialement, ces questions semblaient devoir rester cantonnées à des échelons locaux, réglées entre éleveurs de porcs et chasseurs de sangliers avec le secours des vétérinaires, un événement a attiré l’attention du grand public sur la maladie et ses conséquences.</p>
<h2>L’affaire « Cuori Liberi »</h2>
<p>Tout a commencé dans un refuge géré par une association animaliste nommée « Cuori Liberi », dans la région de Pavie. Ses responsables avaient accueilli 40 porcs issus des élevages industriels de la région, le plus souvent en raison des mauvais traitements dont ils avaient été victimes. En septembre 2020, trente de ces cochons sont morts de la peste porcine africaine, ce qui aurait dû mener à l’abattage de l’ensemble des animaux survivants. Cependant, l’association a souhaité garder en vie les 10 porcs rescapés pour tenter de comprendre comment ils avaient développé une immunité contre la maladie.</p>
<p>Malgré le soutien d’une centaine de militants animalistes venus de France et d’Allemagne, les autorités vétérinaires sont venues dans le refuge le 20 septembre <a href="https://www.repubblica.it/il-gusto/2023/09/21/news/peste_suina_africana_maiali_uccisi_a_rifugio_cuori_liberi_di_sairano_pavia-415291900/">pour tuer les dix porcs restants</a>, après avoir passé en force le barrage des militants.</p>
<p>Suite à cette mesure, le <a href="https://www.animaliliberi.org/site/">réseau des sanctuaires italiens</a> a organisé une manifestation en soutien à Cuori Liberi qui a attiré 10 000 personnes à Milan le 7 octobre, puis une autre le 18 novembre à Rome, à laquelle ont participé 7000 personnes. Ces rassemblements visaient à demander à l’État italien <a href="https://www.lav.it/news/peste-suina-africana-colpisce-rifugio-cuori-liberi-rischio-uccisione">davantage de droits pour les protecteurs des animaux en cas de crise sanitaire</a>.</p>
<p>Un mouvement social est donc lancé en Italie. Il est difficile pour le moment d’en prévoir l’issue, mais on constate d’ores et déjà que la peste porcine africaine mobilise différents regards sur les relations entre humains, sangliers et cochons en fonction des traditions auxquelles se réfèrent les groupes d’acteurs. Selon qu’ils viennent de l’élevage, de la chasse ou de la protection animale, leurs histoires diffèrent, en Italie comme dans le reste de l’Europe, tout comme leurs imaginaires des frontières <a href="https://theconversation.com/peut-on-apprendre-a-vivre-autrement-avec-les-animaux-213574">entre le sauvage et le domestique, ou entre l’animal et l’humain</a>.</p>
<h2>Une stratégie européenne à repenser ?</h2>
<p>À l’heure actuelle, l’Europe met en place une coûteuse politique visant à éradiquer la maladie, non seulement dans les élevages, mais aussi, idéalement, dans les populations de suidés sauvages.</p>
<p>Toutefois, si l’on considère le <a href="https://www.3trois3.com/ppa/">développement de la peste porcine africaine sur tout le continent</a>, il est permis de s’interroger sur la pertinence de cette stratégie, dont le cas italien montre les limites. La grande persistance du virus de la peste porcine africaine dans l’environnement le rend en effet très difficile à contrôler sur un territoire une fois qu’il y est entré.</p>
<p>La Commission européenne observe avec attention les politiques de contrôle mises en place par certains pays asiatiques comme le Vietnam, la Chine et les Philippines. La stratégie de ces états pour contrôler la peste porcine est en effet comparable à ce qui y est pratiqué depuis vingt ans en <a href="https://theconversation.com/poulets-soldats-et-eleveurs-sentinelles-allies-dans-la-vaccination-contre-la-grippe-aviaire-207861">réponse à la grippe aviaire</a> : il ne s’agit pas d’éradiquer la maladie, mais plutôt de la réguler par la vaccination des animaux d’élevage.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/poulets-soldats-et-eleveurs-sentinelles-allies-dans-la-vaccination-contre-la-grippe-aviaire-207861">Poulets soldats et éleveurs sentinelles, alliés dans la vaccination contre la grippe aviaire</a>
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<p>Si, à l’heure actuelle, aucun vaccin n’est disponible en Europe contre la peste porcine africaine (des <a href="https://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/handle/JRC134431">recherches sont en cours</a>), le Vietnam (premier pays à avoir <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC10173882/">autorisé la commercialisation d’un vaccin vivant attenué</a>) et les Philippines viennent quant à eux d’annoncer le lancement officiel d’une campagne de vaccination.</p>
<p>L’<a href="https://www.woah.org/fr/accueil/">Organisation mondiale de la santé animale</a> suit attentivement les écarts de gestion de la maladie entre l’Europe et l’Asie (il n’y a pas de cas de la maladie sur le continent américain en dehors des Antilles). En fonction des résultats obtenus, les États européens devront peut-être remettre en question leur politique de contrôle de la maladie dans ses « réservoirs sauvages », pour explorer les possibilités de vivre avec un virus qui franchit les barrières d’espèces.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218665/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Keck a reçu des financements du Fonds Axa pour la recherche, de l’Agence nationale de la recherche, du DIM One Health et de l’Institut canadien pour la recherche avancée.</span></em></p>Pour protéger les élevages de la peste porcine africaine, les autorités européennes visent à l’éradiquer. Des mesures coûteuses et radicales, dont l’efficacité n’est pas assurée.Frédéric Keck, Anthropologie, EHESS, CNRS, Laboratoire d'anthropologie sociale, Collège de France, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2024662023-03-30T10:36:33Z2023-03-30T10:36:33ZPourquoi les projets d’élevages industriels de poulpes doivent nous interroger<p>Le poulpe constitue un aliment populaire dans de nombreuses cultures, et quelque 42 0000 tonnes de ce mollusque sont capturées dans le monde chaque année. </p>
<p>Sa <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0165783620303374">popularité croissante</a> s’explique notamment par ses avantages nutritionnels, les modes culinaires et le déclin des stocks de poissons pêchés traditionnellement, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/23308249.2019.1680603?role=tab&scroll=top&needAccess=true&journalCode=brfs21">comme le cabillaud</a>. Des atouts qui aiguisent les appétits : l’entreprise de transformation alimentaire Nueva Pescanova a ainsi l’intention de construire à Grande Canarie, en Espagne, la première ferme d’élevage de poulpes au monde, avec un objectif de production de <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/05/30/en-espagne-le-premier-projet-au-monde-d-elevage-de-poulpes-inquiete-les-defenseurs-de-l-environnement-et-des-animaux_6128124_3244.html">3000 tonnes de poulpes par an</a>.</p>
<p>Si les poulpes peuvent accumuler <a href="https://www.nature.com/articles/s43016-022-00687-5">5 % de leur poids corporel en une journée</a>, ce qui les rend particulièrement attrayants pour l’aquaculture, ils sont toutefois notoirement difficiles à élever en captivité.</p>
<p>Une difficulté que l’entreprise Nueva Pescanova dit pouvoir contourner grâce à une percée scientifique importante, lui permettant, affirme-t-elle, d’élever des générations successives d’<em>Octopus vulgaris</em> (également connu sous le nom de « poulpe commun de l’Atlantique »). </p>
<p>L’entreprise affirme d’autre part que l’élevage de poulpes <a href="https://www.pescanovausa.com/sustainability/#from-the-sea-to-the-plate">réduira l’usage des méthodes de pêche peu durables</a>, comme le chalutage des fonds marins, et assurera un approvisionnement en « aliments d’origine marine » tout en « réduisant la pression sur les zones de pêche sauvage ».</p>
<p>Pas évident pour les consommateurs de peser le pour et le contre de la consommation de poissons et d’animaux marins d’élevage. Il est tentant de croire que ces systèmes organisés <a href="https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/00288330.1992.9516500">réduisent le risque de surpêche</a>, mais il est également bien établi que les fermes piscicoles et autres formes d’aquaculture polluent les eaux côtières avec des <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmars.2021.666662/full">produits pharmaceutiques et des matières fécales</a>. </p>
<p>À cela s’ajoute le problème moral d’enfermer des créatures <a href="https://theconversation.com/les-animaux-ces-etres-doues-de-sentience-82777">« sentientes »</a> au profit de <a href="https://issues.org/wp-content/uploads/2019/01/Jacquet-et-al.-The-Case-Against-Octopus-Farming-37-44-Winter-2019.pdf">l’industrie alimentaire</a> [<em>ndlr : La sentience est un terme d’origine anglo-saxonne qui reprend en un seul mot les idées de sensibilité et de conscience animales.</em>]</p>
<p>Des chercheurs ont en effet suggéré que les poulpes, qui sont particulièrement <a href="https://jov.arvojournals.org/article.aspx?articleid=2751123">intelligents</a> et joueurs, ne sont pas adaptés à une vie en captivité et à la production de masse. Sur cette base, des associations de défense des droits des animaux affirment que <a href="https://secure.peta.org.uk/page/97239/action/1?locale=en-GB">ce type d’élevage va entraîner des souffrances inutiles, à une échelle sans précédent</a>. </p>
<h2>Des êtres « sentients » piégés dans des fermes industrielles</h2>
<p>Des scientifiques du <a href="https://sites.dartmouth.edu/peter/octopus-research/">Dartmouth College aux États-Unis</a> ont étudié en laboratoire la façon dont les poulpes perçoivent la réalité. Leurs résultats conduisent par exemple à s’interroger – voire à s’inquiéter – sur la méthode d’abattage proposée par Nueva Pescanova, consistant à placer les poulpes dans une bouillie de glace pour réduire leur température, jusqu’à ce que mort s’ensuive. Les poulpes peuvent en effet traiter de l’information, utiliser des outils rudimentaires ; ils possèdent des capacités de perception visuelle complexes et, bien sûr, <a href="https://jov.arvojournals.org/article.aspx?articleid=2771639">peuvent ressentir la douleur</a>. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ». Au programme, un mini-dossier, une sélection de nos articles les plus récents, des extraits d’ouvrages et des contenus en provenance de notre réseau international. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-environnement-150/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a>.</em></p>
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<p>Des critiques similaires ont été formulées quant à l’abattage d’autres espèces « sentientes », <a href="https://academic.oup.com/edited-volume/44600/chapter-abstract/378042419?redirectedFrom=fulltext">notamment les vaches et les porcs</a> (les mammifères terrestres sont généralement tués dans des chambres à gaz ou par étourdissement électrique). </p>
<p>Il s’agit d’une question controversée, qui a été débattue au parlement britannique et a abouti à la reconnaissance officielle de la « sentience » de nombreuses espèces, dont les crabes, les homards et les poulpes, dans le cadre de la loi de 2022 <a href="https://www.gov.uk/government/news/lobsters-octopus-and-crabs-recognised-as-sentient-beings"><em>Animal Welfare (Sentience) Act</em></a>. </p>
<h2>Manger du poulpe… mais pas du chat</h2>
<p>Certains résultats de recherche suggèrent que les poulpes ont une <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3802027">intelligence équivalente à celle des chats</a> – une espèce que peu de gens pourraient consommer et que la plupart d’entre nous considèrent comme adorable…</p>
<p>Alors pourquoi mangeons-nous des poulpes et pas des chats ? Probablement parce que nous nous identifions mal aux poulpes : une personnalité difficile à cerner, un corps qui ressemble à un monstre marin miniature, avec ses multiples tentacules et ses yeux exorbités. Comme pour beaucoup d’animaux marins, le charisme du poulpe réside plutôt dans son <a href="https://www.nhm.ac.uk/discover/sea-monsters-inspiration-serpents-mermaids-the-kraken.html">caractère extraterrestre</a>, décrit depuis des siècles dans les <a href="https://academic.oup.com/edited-volume/44600/chapter-abstract/378042930?redirectedFrom=fulltext">mythes, les légendes, les chansons et les histoires de pêcheurs</a>.</p>
<p>Malgré les preuves scientifiques accablantes de la richesse de leurs <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3802027">répertoires comportementaux</a>, nous ne considérons pas les céphalopodes comme de possibles compagnons ou amis. Cela rend-il le poulpe – et d’autres créatures aquatiques, comme les calmars et les crustacés – plus facile à manger ? Je pense que oui. </p>
<p>C’est ce que les chercheurs ont appelé le <a href="https://academic.oup.com/edited-volume/44600/chapter-abstract/378042100?redirectedFrom=fulltext.">« spécisme »</a> : le raisonnement qui, de manière un peu arbitraire, justifie la façon dont certains animaux sont perçus comme des animaux de compagnie, voire des collègues, et d’autres simplement comme de la <a href="https://brill.com/display/title/21952">nourriture</a>. </p>
<p>Nos difficultés à établir des liens avec ces êtres d’une altérité troublante pourraient être à l’origine « éthique » de leur consommation – une question que j’ai étudiée pour les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/13505076211044612">mammifères d’élevage</a>.</p>
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<img alt="Un poulpe sauvage" src="https://images.theconversation.com/files/516661/original/file-20230321-1911-lcafsn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516661/original/file-20230321-1911-lcafsn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516661/original/file-20230321-1911-lcafsn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516661/original/file-20230321-1911-lcafsn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516661/original/file-20230321-1911-lcafsn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516661/original/file-20230321-1911-lcafsn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516661/original/file-20230321-1911-lcafsn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une créature qui fascine et intrigue depuis des siècles.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/octopus-water-274092959">Olga Visavi/Shutterstock</a></span>
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<p>Comme pour d’autres débats sur l’alimentation et l’agriculture, il n’existe pas de solution ou de compromis simples. Les tensions entre les exigences des consommateurs et la capacité du marché à les satisfaire se poursuivent. Avec de nombreuses sources potentielles de protéines, il n’est pas certain que tout le monde ait besoin de manger du poulpe, mais nos valeurs culturelles, nos vies sociales et le « bon goût » guident aussi ce que l’on met dans nos assiettes. </p>
<p>Dans ce paysage contrasté, la science peut toutefois nous informer sur les implications de nos habitudes alimentaires. </p>
<p>La production alimentaire est l’un des grands défis moraux auxquels l’humanité est confrontée au XXI<sup>e</sup> siècle. Alors que des entreprises comme Nueva Pescanova promettent des solutions à des problèmes comme la surpêche, il y aura toujours un prix à payer par les nombreuses espèces animales sentientes, prises en étau dans nos systèmes alimentaires industriels.</p>
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<p><em>Traduit de l’anglais par Elsa Couderc (The Conversation France).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202466/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lindsay Hamilton ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’entreprise espagnole Nueva Pescanova a l’intention de construire la première ferme d’élevage de poulpes au monde. Un projet qui pose de nombreuses questions, éthiques notamment.Lindsay Hamilton, Professor of Animal Organization Studies, University of YorkLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1924782022-11-07T19:53:06Z2022-11-07T19:53:06ZL’essor de l’élevage intensif augmente-t-il le risque de pandémies humaines ?<p>La pandémie mondiale de Covid-19 a remis en lumière un débat plus ancien sur le rôle des transformations opérées par notre espèce sur son environnement naturel dans les <a href="https://theconversation.com/retour-sur-comment-expliquer-lemergence-accrue-des-nouvelles-maladies-156525">émergences de maladies infectieuses</a>. L’impact de l’élevage dit intensif est, en particulier, l’objet d’une vive controverse. Celle-ci rejoint une remise en cause plus large de ce mode d’élevage, en raison de son atteinte au bien-être animal et de la <a href="https://theconversation.com/elevage-intensif-entre-militants-animalistes-et-industriels-qui-croire-172227">pollution environnementale qu’il génère</a>.</p>
<p>Cependant, peu d’arguments scientifiques sont disponibles pour étayer l’hypothèse d’une contribution de l’intensification de l’élevage aux <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rsos.211573">émergences de pandémies</a>.</p>
<h2>Maladies émergentes et zoonoses</h2>
<p>Il convient d’abord de clarifier ce que nous appelons « maladie émergente » et « élevage intensif ». S’il est communément admis que plus de 60 % des maladies dans ce cas de figure depuis le milieu du XX<sup>e</sup> siècle <a href="https://www.nature.com/articles/nature06536">sont d’origine animale</a>, la grande majorité des pathogènes concernés ont pour réservoir naturel une population animale, c’est-à-dire qu’ils se transmettent principalement chez les animaux et engendrent sporadiquement des foyers d’infection chez les humains qui ne donnent pas lieu à une circulation durable dans la population humaine.</p>
<p>Ces maladies sont qualifiées de « zoonoses », terme qui englobe, à la base, toutes les maladies transmises de l’animal à l’Homme. L’influenza aviaire hautement pathogène est probablement l’exemple le plus médiatisé. Cette zoonose émergente s’est établie durablement dans des populations d’animaux d’élevage, en l’occurrence les volailles de plusieurs pays d’Asie et d’Afrique, et menace maintenant l’Europe et l’Amérique du Nord. Ces virus grippaux causent des maladies sévères, mais ne se transmettent pas de façon pérenne chez nous.</p>
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<img alt="Vue d’un élevage de canards avec une densité élevée de volailles" src="https://images.theconversation.com/files/492099/original/file-20221027-19202-1g5d7n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/492099/original/file-20221027-19202-1g5d7n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/492099/original/file-20221027-19202-1g5d7n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/492099/original/file-20221027-19202-1g5d7n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/492099/original/file-20221027-19202-1g5d7n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/492099/original/file-20221027-19202-1g5d7n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/492099/original/file-20221027-19202-1g5d7n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les élevages de volailles d’Asie (ici de canards, au Viet Nam) sont désormais durablement touchés par les épidémies d’influenza aviaire, zoonose émergente particulièrement pathogène pour ces animaux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nguyen Van Bo-Alexis Delabouglise</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>A contrario, l’émergence d’une maladie humaine implique un véritable saut d’espèce : le pathogène doit s’adapter à ce nouvel hôte de telle sorte que sa circulation soit assurée en dehors de son réservoir animal initial. C’est le cas des coronavirus SARS-CoV-1 et SARS-CoV-2, respectivement à l’origine de la pandémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SARS), et du Covid-19, qui ont émergé respectivement en 2002 et 2019 vraisemblablement à partir d’un <a href="https://www.science.org/content/article/evidence-suggests-pandemic-came-nature-not-lab-panel-says">réservoir animal sauvage</a>. C’est également le cas du virus de l’immunodéficience humaine (HIV), initialement une <a href="https://www.pnas.org/doi/pdf/10.1073/pnas.1502022112">zoonose transmise par les grands singes</a>.</p>
<p>Si plusieurs maladies humaines anciennes résultent bien de sauts d’espèce à partir d’un réservoir animal domestique – c’est le cas de la rougeole et de la coqueluche notamment –, ce phénomène reste rarissime si on le replace à l'échelle de la domestication animale, qui s’étale sur des dizaines de milliers d’années.</p>
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<h2>La difficulté de caractériser l’élevage intensif</h2>
<p>La notion d’intensification de l’élevage n’est pas moins complexe. Si aucune définition officielle de l’élevage intensif n’existe, il est communément admis qu’elle renvoie à un ensemble d’évolutions des pratiques d’élevage ayant eu lieu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, d’abord dans les pays industrialisés ensuite dans les pays émergents et à faible revenu, visant à diminuer le coût de production des denrées d’origine animale.</p>
<p>Plus spécifiquement, l’intensification a réduit le besoin en surface agricole et en main-d’œuvre nécessaire pour produire une quantité donnée de produits animaux. Ce gain de productivité a été obtenu de plusieurs façons, notamment grâce à l’amélioration génétique et la mécanisation.</p>
<p>L’intensification s’accompagne généralement d’une augmentation du nombre d’animaux par exploitation, d’une spécialisation des élevages dans une étape donnée de la production (sélection génétique, reproduction, engraissement), et de leur intégration croissante à des circuits commerciaux complexes et globalisés.</p>
<p>L’intensification n’est toutefois pas un processus uniforme et a pris des modalités différentes en fonction des contextes socio-économiques et institutionnels dans lesquels elle s’est développée. La maîtrise des risques sanitaires dans les élevages commerciaux de moyenne à grande échelle semble ainsi très influencée par le degré d’accompagnement des pratiques d’élevage par l’État, l’accès des éleveurs aux crédits et aux services vétérinaires, et par les mesures de transparence mises en place dans les filières animales.</p>
<h2>Le lien complexe entre ces deux notions</h2>
<p>Une fois les définitions posées, reste la question essentielle du lien causal entre l’intensification de l’élevage et l’apparition de nouvelles maladies humaines. On voit bien qu’une démonstration semble impossible, au vu de la rareté des émergences de maladies humaines à partir de réservoirs animaux domestiques et de la relative nouveauté du processus d’intensification de l’élevage.</p>
<p>Deux exemples de zoonoses virales nous éclairent cependant sur la manière dont l’élevage intensif pourrait, à l’avenir, contribuer aux émergences :</p>
<p>● Le premier exemple est celui de l’<a href="https://theconversation.com/grippe-aviaire-quelles-consequences-pour-les-humains-2-53646">influenza aviaire hautement pathogène due à H5N1</a>, identifiée en Chine en 1997 avant sa propagation mondiale à partir de 2003. Les <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fvets.2018.00084/full">zones d’apparition du sous-type H5N1</a> combinent de fortes densités de volailles domestiques et des caractéristiques paysagères (zones humides) propices aux interfaces avec les oiseaux sauvages aquatiques. Les études réalisées dans différents pays d’Asie du Sud-Est montrent le rôle des élevages commerciaux et des réseaux de commerce des volailles comme accélérateurs de la propagation du virus dans les populations animales, à différentes échelles.</p>
<p>● Un autre exemple éloquent est celui de l’<a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rsif.2011.0223">encéphalite à Nipah, transmise par le porc domestique</a>, qui a émergé en Malaisie en 1998. La combinaison d’élevages de porcs et de cultures de mangue à grande échelle a favorisé les contacts entre chauves-souris frugivores, réservoir sauvage du virus, et porcs domestiques, puis la transmission du virus a été favorisée par la concentration des porcs en grand nombre dans les élevages et le transport de porcs vivants via les réseaux commerciaux.</p>
<p>Un lien entre les pratiques liées à l’élevage intensif et l’accroissement de la virulence – c’est-à-dire la dangerosité des infections – de certains pathogène a également été documenté, notamment pour le virus de la maladie de Marek qui touche les poulets et n’est pas zoonotique.</p>
<p>Les mécanismes de cette sélection adverse pour des formes plus virulentes de pathogènes sont complexes. Ils sont liés notamment au regroupement des animaux en grande densité, à leur durée de vie plus courte et à la sélection des reproducteurs sur la base de leur productivité et non de leur résistance aux maladies – contrairement aux mécanismes de sélection à l’œuvre dans les formes d’élevages plus extensives.</p>
<p>Des pathogènes plus virulents chez les animaux seraient, en cas de transmission humaine, plus susceptible de causer des symptômes prononcés chez notre espèce également. C’est une hypothèse proposée pour expliquer la sévérité des infections dues au sous-type H5N1 de l’influenza aviaire hautement pathogène, mais qui n’a pas été étayée à ce jour.</p>
<p>Enfin, les échanges commerciaux d’animaux vivants à large échelle favorisent l’échange de matériel génétique entre souches virales éloignées, favorisant ainsi l’apparition de nouvelles souches capables de transmission à l’homme. Ces phénomènes, appelés « recombinaison virale », sont <a href="https://theconversation.com/de-leurope-a-lasie-le-role-cle-des-elevages-de-porcs-dans-lemergence-des-pandemies-155617">particulièrement fréquents et redoutés dans le cas de l’influenza aviaire et porcine</a>.</p>
<h2>Prévoir pour éviter une catastrophe</h2>
<p>On le voit, l’absence de preuve définitive d’un lien entre intensification de l’élevage et risque pandémique ne nous dispense pas d’anticiper et prévenir les risques potentiels futurs.</p>
<p>Pays industrialisés et pays émergents font cependant face à des situations contrastées. Dans les premiers, les pratiques de l’élevage intensif, implantées depuis longtemps, sont associées à des dispositifs visant à <a href="https://www.ecdc.europa.eu/en/avian-influenza-humans/threats-and-outbreaks/risk-assessments">surveiller de très près les émergences</a> et à <a href="https://www.woah.org/fr/biosecurite-et-prevention-des-maladies/">limiter la diffusion des maladies</a>.</p>
<p>Les deuxièmes font face à une expansion rapide de l’élevage de grande échelle, pour répondre à l’urbanisation accélérée de la population et à une demande croissante en protéines animales. Cette expansion doit faire l’objet d’un accompagnement des services de l’État et de mesures de transparence et de surveillance sanitaire acceptables pour les populations rurales.</p>
<p>Ces efforts garantiront, à terme, que la satisfaction des besoins croissants des populations en protéines animales ne se fasse <a href="https://www.cahiersagricultures.fr/articles/cagri/full_html/2022/01/cagri210105/cagri210105.html">pas aux dépens de la santé publique</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192478/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexis Delabouglise a reçu des financements de l'Union Européenne, de l'Agence Française de Développement et de la fondation Bill and Melinda Gates.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>François Roger, Marisa Peyre et Mathilde Paul ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Élevage intensif et transmission de maladies animales à l’Homme sont souvent associés, mais le lien est-il vraiment établi ? Cas documentés, mécanismes… Les éléments à connaître sur ce sujet complexe.Alexis Delabouglise, Researcher, socio-economist of animal health, CiradFrançois Roger, Directeur régional Asie du Sud-Est, vétérinaire et épidémiologiste, CiradMarisa Peyre, Deputy head of ASTRE research unit, epidemiologist, CiradMathilde Paul, Professeur en épidémiologie, Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1879532022-09-12T22:47:04Z2022-09-12T22:47:04ZBien-être animal… parlons plutôt du bien-être des animaux<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/480923/original/file-20220824-2207-wneb24.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=143%2C44%2C5802%2C3862&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les poules élevées en cage représentaient en 2020 36 % de la production française, contre 47 % en 2019, selon l’Interprofession des oeufs.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/battery-cage-layer-chickens-multilevel-production-1207973161">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Les conditions de production des animaux élevés pour la consommation alimentaire des humains constituent un important <a href="https://theconversation.com/elevage-intensif-entre-militants-animalistes-et-industriels-qui-croire-172227">sujet de controverse dans la société</a>. Certains demandent l’arrêt de tout élevage quand d’autres revendiquent la satisfaction d’aspirations alimentaires qu’ils jugent légitimes.</p>
<p>Ce débat porte principalement sur l’éthique animale, l’économie et l’impact environnemental des productions, trois des préoccupations multiples et parfois antagonistes qu’il s’agit de concilier.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/parlons-nous-trop-du-bien-etre-animal-180166">Le concept de « bien-être »</a> est au cœur des évolutions actuelles : prise en compte du bien-être des animaux, depuis les programmes de sélection génétique et la conception de leurs milieux de vie jusqu’aux conditions de leur mise à mort ; prise en compte du bien-être des éleveurs qui doivent retirer un juste revenu et une satisfaction personnelle de leur travail.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lagriculture-bio-garantit-elle-un-meilleur-bien-etre-des-animaux-delevage-170351">L’agriculture bio garantit-elle un meilleur « bien-être » des animaux d’élevage ?</a>
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<p>Il peut sembler anachronique que l’idée même de bien-être appliquée aux animaux d’élevage soit l’objet d’autant de controverses, alors que les bases en sont établies depuis plus de 50 ans, et revisitées récemment à la lumière des connaissances les plus récentes sur les <a href="https://theconversation.com/les-animaux-ces-etres-doues-de-sentience-82777">capacités psychiques des animaux</a>. Toutes les données scientifiques convergent sur la reconnaissance d’une vie psychique chez les animaux d’élevage, sujets d’une vie et en relation consciente à leur monde.</p>
<p>De ce fait, le bien-être n’est <a href="https://theconversation.com/leffrayant-bien-etre-de-la-chose-animale-69538">pas un concept théorique désincarné</a> (« le bien-être animal »), mais doit être appréhendé comme une réalité vécue par des êtres vivants sensibles et conscients dans leur relation à leur milieu de vie (« le bien-être des animaux »).</p>
<h2>Le rapport Brambell, document pionnier</h2>
<p>Dès 1964, <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/146642406408400637">l’ouvrage de Ruth Harrison</a> dénonce les conditions d’élevage intensif des animaux utilisés à des fins de production.</p>
<p>Pour répondre à ces critiques, le gouvernement britannique met alors en place un premier comité, le comité Brambell, du nom de son président. Il a pour mission de faire des recommandations et de proposer des normes minimales de bien-être qui satisfassent les besoins fondamentaux des animaux dans les conditions de l’élevage intensif.</p>
<p>En 1965, <a href="http://docplayer.net/1260087-Technical-committee-to-enquire-into-the-welfare-of-animals-kept-under.html">il produit un rapport</a> considéré comme fondateur des réflexions et des démarches relatives au bien-être des animaux en élevage en Europe.</p>
<p>La première contribution de ce rapport est une définition bien souvent oubliée (chapitre 4, paragraphe 25) :</p>
<blockquote>
<p>« Le bien-être [welfare] est un terme large qui embrasse à la fois la condition physique et mentale [well-being] de l’animal. Toute tentative d’évaluation du bien-être doit en conséquence prendre en considération les connaissances scientifiques touchant au ressenti des animaux que l’on peut déduire de leur structure et de leur fonctionnement ainsi que de leur comportement. »</p>
</blockquote>
<p>Cette définition faisait déjà référence à l’existence d’états mentaux chez les animaux, point de controverse récurrent entre les parties prenantes. On peut aussi noter qu’elle concerne l’animal en tant qu’individu sensible et conscient. Le rapport analyse également les différents facteurs de risque d’atteinte au bien-être des animaux, de façon générique et par espèce. Il fait ensuite de nombreuses propositions concrètes pour améliorer le bien-être des animaux en élevage.</p>
<h2>La règle des « cinq libertés »</h2>
<p>À la suite de ces recommandations, le gouvernement britannique instaure un second comité d’experts, cette fois-ci permanent, chargé de proposer plus avant des solutions <a href="https://www.gov.uk/government/publications/fawc-report-on-farm-animal-welfare-in-great-britain-past-present-and-future">pour améliorer le bien-être des animaux en élevage</a>.</p>
<p>À la fin des années 1970, ce comité met en avant cinq grands principes (les « cinq libertés »), qui ne définissent pas le bien-être mais déclinent les points d’attention pour assurer aux animaux un bien-être satisfaisant :</p>
<ul>
<li><p>absence de faim, de soif et de malnutrition, </p></li>
<li><p>absence d’inconfort et de douleur, </p></li>
<li><p>absence de lésions et de maladies, </p></li>
<li><p>absence de peur et de détresse, </p></li>
<li><p>liberté d’exprimer un comportement normal de l’espèce.</p></li>
</ul>
<h2>Contribution française à la définition</h2>
<p>Dès 2012, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/SABA2016SA0288.pdf">a intégré le bien-être des animaux</a> dans le champ des compétences du comité d’experts spécialisé « santé animale », renommé en 2015 « santé et bien-être des animaux ».</p>
<p>Elle a publié en 2018 un avis de prise de position sur le thème « Bien-être animal : contexte, définition et évaluation », qui intègre les connaissances les plus récentes, en s’appuyant notamment sur deux rapports d’expertise scientifique collective de l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae) sur les <a href="https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/eca1cfd56e7ebab5c9f7089673179aa4.pdf">douleurs animales</a> et la <a href="https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/esco-conscience-animale-resume-francais-8-pages.doc.pdf">conscience des animaux</a>.</p>
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<p>Selon l’avis de l’Anses (2018), « le bien-être d’un animal est l’état mental et physique positif lié à la satisfaction de ses besoins physiologiques et comportementaux, ainsi que de ses attentes. Cet état varie en fonction de la perception de la situation par l’animal. ». Cette définition renforce l’importance de la dimension mentale du ressenti de l’animal considéré dans son environnement.</p>
<p>Ainsi, une bonne santé et un niveau de production satisfaisant ne suffisent pas. Il faut se soucier de ce que l’animal ressent : ses perceptions subjectives déplaisantes (peur, stress, douleur et souffrance) mais aussi ses émotions positives (satisfaction, plaisir…).</p>
<p>Cette définition est essentiellement une réaffirmation, à la lumière des progrès scientifiques dans la connaissance des émotions et des états mentaux des animaux, de la définition proposée 53 ans plus tôt par le Comité Brambell.</p>
<h2>Validation internationale</h2>
<p>Depuis 2001, à la demande de ses États membres, l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) s’est positionnée comme contributeur mondial unique de la réflexion sur le bien-être animal.</p>
<p>L’OIE <a href="http://www.oie.int/fr/normes-internationales/code-terrestre/acces-en-ligne/">définit le bien-être animal</a> comme <em>« l’état physique et mental d’un animal en relation avec les conditions dans lesquelles il vit et meurt ».</em></p>
<p>La notion d’état mental des animaux est bien validée par cet organisme de référence qui précise <em>« si la notion de bien-être animal se réfère à l’état [physique et mental] de l’animal, le traitement qu’un animal reçoit est couvert par d’autres termes tels que soins, conditions d’élevage et bientraitance ».</em></p>
<h2>« Bien-être des animaux », pour éclairer le débat</h2>
<p>Il y a bien convergence entre ces différents textes de référence pour faire une claire distinction entre le bien-être d’un animal et la bientraitance.</p>
<p>Le bien-être doit être évalué au niveau de l’animal, reconnu tant par la Commission européenne que par la législation française (Code rural et code civil) comme un être vivant doué de sensibilité.</p>
<p>En revanche, la bientraitance fait référence aux modalités de l’action engagée par les humains pour que les animaux tendent vers un état de bien-être, c’est un potentiel de bien-être qui doit être validé par l’animal. Le concept de bien-être n’est pas cependant mobilisable partout. Ainsi, il est évident que parler de bien-être à l’abattoir est un oxymore. On parle plutôt de protection des animaux au cours du transport et à l’abattoir, avec pour objectif la limitation des stress, douleurs et souffrances.</p>
<p>Pour être effectives, les démarches de progrès dans la bientraitance doivent intégrer toutes les dimensions de la santé et du bien-être, des animaux, des éleveurs et de l’environnement, concept connu désormais sous les termes d’une seule santé (<a href="https://theconversation.com/limportance-de-lapproche-une-seule-sante-dans-la-prevention-et-la-preparation-aux-pandemies-173109">« One health »</a>) et d’un seul bien-être (« One welfare »). Elles peuvent s’appuyer sur des bases scientifiques claires et largement partagées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187953/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le bien-être n’est pas un concept théorique désincarné. Il doit être appréhendé comme une réalité vécue par des êtres vivants sensibles et conscients dans leur relation à leur milieu de vie.Pierre Mormede, Vétérinaire, chercheur en stress et bien-être des animaux, InraeAlain Boissy, Biologiste-éthologiste, directeur de recherche Inrae, InraePierre Le Neindre, Chercheur, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1703512021-12-07T21:25:02Z2021-12-07T21:25:02ZL’agriculture bio garantit-elle un meilleur « bien-être » des animaux d’élevage ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/435885/original/file-20211206-17-5roh32.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Avoir accès à l’extérieur, une des composantes essentielles du bien-être animal. </span> <span class="attribution"><span class="source">Caroline Hommet</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Le 30 juin 2021, la Commission européenne a répondu favorablement aux 1,4 million de citoyens ayant signé l’initiative citoyenne européenne (ICE) <a href="https://www.endthecageage.eu/">« End the Cage Age »</a>, en annonçant qu’elle proposerait d’ici à 2023 une proposition législative visant à interdire l’élevage des animaux en cages. Cette nouvelle constitue une avancée considérable pour ces animaux dont la liberté de mouvement et les contacts sociaux sont limités.</p>
<p>À l’échelle de l’Union européenne (UE), où les États doivent tenir compte du bien-être des animaux en tant qu’êtres sensibles, plusieurs textes établissent déjà des normes de protection des animaux d’élevage.</p>
<p>On parle de <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/SABA2016SA0288.pdf">« bien-être »</a> lorsqu’un animal est en bonne santé (physique et mentale) et a la possibilité d’exprimer des comportements naturels qui correspondent à ses besoins et à ses attentes.</p>
<p>Mais ces textes sont encore insuffisants et ne garantissent pas le bien-être des animaux. Par exemple, les éleveurs ne sont pas contraints de fournir un accès à l’extérieur à leurs animaux (ce qui ne les empêche pas toutefois de le faire s’ils le souhaitent).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1052905794432327680"}"></div></p>
<p>Pour l’agriculture biologique, des <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32018R0848">règles spécifiques</a> viennent s’ajouter aux règles minimales de protection – là encore, les éleveurs bio peuvent aller au-delà et adopter proactivement des pratiques vertueuses pour leurs animaux. « Contribuer à des normes élevées en matière de bien-être animal » constitue un des objectifs de l’agriculture bio, la garantie d’un meilleur bien-être des animaux étant d’ailleurs l’une des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1002/cb.210">motivations pour la consommation de produits biologiques</a>.</p>
<p>Pour autant, la réglementation applicable à la production bio permet-elle de garantir un niveau optimal de bien-être animal ?</p>
<p>Sur de nombreux aspects, celle-ci promeut, même si ce n’est pas optimal, un <a href="https://doi.org/10.3390/ani10101786">meilleur bien-être</a> des animaux en comparaison avec le droit applicable aux élevages conventionnels.</p>
<h2>Un environnement plus naturel</h2>
<p>L’accès à l’extérieur représente sans doute l’une des avancées les plus significatives du bio en faveur d’un meilleur bien-être animal. Dans de nombreux élevages, les animaux n’ont en effet plus accès à l’extérieur et passent leur vie dans des bâtiments, les empêchant d’exprimer certains comportements naturels, comme celui de pâturer pour les vaches laitières. Or ces dernières expriment une très nette <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0022030209706861">préférence</a> ainsi qu’une très forte <a href="https://www.nature.com/articles/srep44953">motivation</a> pour accéder au pâturage.</p>
<p>Contrairement aux élevages conventionnels, à qui rien n’est imposé à ce sujet, les élevages bio doivent prévoir un accès à l’extérieur pour leurs animaux dès que les conditions le permettent. Cet espace extérieur doit en outre répondre à certaines conditions qui varient selon les espèces – l’accès à un plan d’eau pour les oiseaux aquatiques, l’accès à un abri ou à un endroit ombragé pour les animaux terrestres.</p>
<h2>Isolement, attache et élevage en cage interdits</h2>
<p>Alors que l’élevage en cage reste autorisé dans l’élevage conventionnel, il est interdit dans les fermes bio européennes. Il s’agit d’une avancée notable pour de nombreux animaux, notamment les volailles. En France, bien que le nombre de poules pondeuses en cages ait fortement diminué ces dernières années, un <a href="https://oeuf-info.fr/infos-filiere/les-chiffres-cles/">tiers</a> d’entre elles sont toujours élevées dans ces conditions.</p>
<p>Les systèmes dits <a href="https://www.theguardian.com/environment/2018/dec/08/its-medieval-why-some-cows-are-still-living-most-of-their-lives-tied-up">« à l’attache »</a> sont courants dans certains États de l’Union, notamment en <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3674972/">Suède et en Allemagne</a>. Cette pratique, qui restreint considérablement la liberté de mouvement des animaux, est interdite en bio.</p>
<p>Des exceptions sont toutefois prévues, mais elles demeurent limitées : dans certains élevages (notamment dans les zones montagneuses), l’attache des animaux reste possible si les animaux ont un accès régulier à l’extérieur.</p>
<p>Une autre exception concerne la liberté de mouvement des truies. Dans les élevages conventionnels, les truies sont généralement maintenues dans des cages dans lesquelles elles peuvent seulement se lever et se coucher pendant de longues périodes (entre huit et dix semaines par cycle de reproduction).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/435909/original/file-20211206-19-17newk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/435909/original/file-20211206-19-17newk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/435909/original/file-20211206-19-17newk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/435909/original/file-20211206-19-17newk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/435909/original/file-20211206-19-17newk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/435909/original/file-20211206-19-17newk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/435909/original/file-20211206-19-17newk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dans les élevages conventionnels, les truies sont en général maintenues dans des cages pendant les quatre premières semaines de gestation, comme sur cette photo, la semaine qui précède la mise bas ainsi que la période d’allaitement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://stock.weanimalsmedia.org/search/?searchQuery=@Area%20of%20focus:Animals%20Used%20For%20Food/">We Animals Media</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En bio, la contention des truies n’est possible que sur une courte période (huit jours autour de la mise bas dans les élevages <a href="https://www.inao.gouv.fr/content/download/1352/13877/version/18/file/GUIDE-de-LECTURE-RCE-BIO%202020-01.pdf">français</a>). C’est une amélioration considérable, même s’il est regrettable que l’utilisation de ces cages ne soit pas simplement interdite.</p>
<p>Isoler les animaux est une autre pratique par principe interdite en bio, mais qui peut être autorisée dans certains cas pour une durée limitée.</p>
<p>L’isolement social peut sérieusement compromettre le développement de jeunes animaux comme les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26874423/">veaux</a>, qui sont généralement logés individuellement après la naissance. En bio, ils ne pourront rester qu’une semaine seuls alors que cet isolement peut durer jusqu’à huit semaines dans les élevages conventionnels. La différence est de taille puisque les contacts sociaux sont importants pour ces animaux.</p>
<p>Dans une récente <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2666910221001654">étude</a>, des chercheurs ont montré que des veaux logés individuellement étaient motivés pour rejoindre leurs congénères (leur motivation a été mesurée en comparant le poids maximal et la fréquence à laquelle les veaux poussaient une porte lestée pour accéder soit à une case avec un autre veau soit à une case vide).</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/36NEGndz0Xg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<h2>Vers l’élimination des mutilations physiques ?</h2>
<p>La <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32018R0848">réglementation bio</a> entend également limiter les mutilations physiques.</p>
<p>En dehors de la castration, autorisée « pour assurer la qualité des produits et maintenir les pratiques traditionnelles », les mutilations comme la coupe de queue des ovins, l’épointage du bec des volailles ou encore l’écornage des veaux, ne sont autorisées qu’« à titre exceptionnel », « au cas par cas et uniquement lorsque ces pratiques améliorent la santé, le bien-être ou l’hygiène des animaux ou lorsque la sécurité des travailleurs est compromise ».</p>
<p>Pourtant, certaines de ces mutilations demeurent fréquentes dans les faits. C’est le cas notamment de l’écornage, les vaches ayant conservé leurs cornes étant considérées comme plus dangereuses pour les éleveurs.</p>
<p>Afin de réduire au minimum la souffrance des animaux lors de ces mutilations, il est obligatoire en bio d’anesthésier l’animal et/ou de lui donner des antidouleurs, ce qui va dans le bon sens puisque de telles mutilations sont encore trop souvent réalisées sans aucune prise en charge de la douleur.</p>
<p>Le législateur aurait pu aller plus loin en imposant l’administration d’un anesthésique et d’un antidouleur, comme le recommandent des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0022030218302479?via%3Dihub">études</a> notamment pour l’écornage. Surtout, il aurait pu encadrer davantage le recours à ces pratiques voire les interdire.</p>
<h2>Des contrôles plus fréquents</h2>
<p>Les règles spécifiques prévues pour l’élevage bio contiennent des avancées significatives pour améliorer la vie des animaux d’élevage. Leur respect par les éleveurs s’avère également régulièrement contrôlé, ce qui n’est pas le cas des élevages conventionnels, rarement <a href="https://orca.cardiff.ac.uk/101727/8/M%20Miele%202017%20implementation%20of%20the%20european%20postprint.pdf">inspectés</a>.</p>
<p>La France, comme la <a href="https://link.springer.com/article/10.1186/s40100-020-00171-3/figures/1">plupart</a> des États de l’Union européenne, a confié le contrôle des fermes bio à des organismes privés indépendants. Les élevages bio français doivent en effet être inspectés au moins une fois par an par un des organismes certificateurs agréés par l’Institut national de l’origine et de la qualité (établissement public rattaché au ministère de l’Agriculture) et le Comité français d’accréditation. Cette inspection annuelle peut être complétée par des contrôles inopinés.</p>
<h2>Fin de vie : un manque d’ambition !</h2>
<p>Alors que les règles portant sur les conditions d’élevage des animaux sont nombreuses en bio, celles sur leur fin de vie – c’est-à-dire lorsqu’ils quittent la ferme pour être transportés puis abattus – sont bien plus limitées. Face au transport et à l’abattage, les animaux sont – à quelques exceptions près – confrontées aux mêmes difficultés, qu’ils viennent d’élevages bio ou non.</p>
<p>Une différence – notable – concerne l’étourdissement. Pour qu’un produit d’origine animale puisse porter le logo bio, il faut que l’animal ait été étourdi avant d’être abattu. C’est la Cour de justice de l’UE, sous l’impulsion de l’<a href="https://oaba.fr/bio-halal-abattage-des-animaux-sans-etourdissement-incompatible-avec-le-bio/">association OABA</a>, qui a apporté cette précision début 2019.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1125679004445564928"}"></div></p>
<p>Une telle évolution va dans le sens d’une meilleure protection de l’animal au moment de l’abattage dans la mesure où l’étourdissement vise à provoquer une perte de conscience et de sensibilité avant la mise à mort.</p>
<p>Il est regrettable que rien (ou presque) n’ait été prévu pour le transport. La réglementation encadrant le transport des animaux – qui s’applique donc aussi aux animaux issus d’élevages bio – est insuffisante et fait l’objet de vives critiques, y compris de la part des <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20190207IPR25224/les-etats-membres-doivent-mieux-proteger-les-animaux-durant-le-transport">institutions</a>.</p>
<p>Si, en principe, les animaux ne peuvent être transportés plus de <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32005R0001">huit heures</a>, cette durée peut être prolongée. En réalité, seuls des temps de transport avant une pause ou un déchargement sont prévus, mais les textes ne fixent <a href="http://www.cantal.gouv.fr/IMG/pdf/Document1_cle0637bf.pdf">aucune durée maximale</a> de transport pour l’ensemble du voyage.</p>
<p>Ainsi, un porc peut par exemple passer vingt-quatre heures dans un camion avant d’en sortir, non pas définitivement mais pour une période de « repos » de vingt-quatre heures, avant de repartir (et ainsi de suite).</p>
<p>Parce que le transport – a fortiori de longue durée – met rudement à l’épreuve le bien-être des animaux, on ne peut que déplorer l’insuffisance des règles en la matière, notamment de la réglementation bio qui affiche pourtant sa volonté de limiter au maximum la souffrance des animaux.</p>
<p>On le voit, si la réglementation applicable aux élevages bio n’est pas optimale, elle garantit néanmoins un <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02289635/document">« mieux-être animal »</a> qui pourrait servir d’exemple pour améliorer la condition de tous les animaux d’élevage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170351/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eugénie Duval est adhérente et actionnaire solidaire de l’association Terre de Liens dont les principales missions sont d’aider les agriculteurs à s’installer en participant à l’achat du foncier agricole et de développer l’agriculture biologique et paysanne.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Benjamin Lecorps ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si la réglementation applicable aux élevages bio n’est pas optimale, elle garantit toutefois des conditions de « mieux-être » au regard des pratiques instaurées dans les élevages conventionnels.Eugénie Duval, Docteure en droit public, Visiting Scientist (Animal Welfare Program, University of British Columbia), membre associée au Centre de recherche sur les droits fondamentaux et les évolutions du droit, Université de Caen NormandieBenjamin Lecorps, Docteur en biologie animale appliquée, post-doctorant, University of British ColumbiaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1722272021-11-24T23:20:39Z2021-11-24T23:20:39ZÉlevage intensif : entre militants animalistes et industriels, qui croire ?<p>Le jeudi 18 novembre, le Parlement adoptait la <a href="https://www.natura-sciences.com/non-classe/parlement-loi-maltraitance-animale.html">loi sur la maltraitance animale</a> qui ouvre la voie à la disparition progressive des animaux sauvages dans les cirques et delphinariums, à l’interdiction de vente de chiots et chatons en animalerie, et à un durcissement des sanctions en cas d’abandon ou de sévices.</p>
<p>Dans le débat, certains députés ont regretté que le texte n’aborde pas la question centrale de <a href="https://reporterre.net/Loi-sur-la-maltraitance-animale-des-petites-avancees-de-gros-oublis">l’élevage intensif</a>. En effet, <a href="https://www.woopets.fr/presse/analyse-enquete-ifop-woopets.fr-regard-francais-loi-contre-maltraitance-animale-place-debats-elections-presidentielles-2022.pdf">89 %</a> des Français se disent contre cette pratique, et militants animalistes et éleveurs s’opposent souvent sur la réalité de l’élevage en France.</p>
<p>Les protecteurs des animaux dénoncent ainsi régulièrement un élevage majoritairement intensif au travers de vidéos tournées dans les exploitations françaises attestant des conditions de vie très précaires pour des milliers voire des dizaines de milliers d’animaux entassés sur de petites surfaces. Le jour du vote de la loi, l’association de défense des animaux L214 en publiait ainsi une nouvelle dénonçant une nouvelle fois les conditions d’élevage des poulets dans une exploitation française.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1461359171098472464"}"></div></p>
<p>À chaque nouvelle vidéo, plusieurs voix s’élèvent cependant dans le milieu de l’élevage pour rejeter ces vidéos qui ne seraient pas représentatives du modèle français. La véracité des images diffusées par les associations n’est, elle, jamais remise en cause par la justice.</p>
<p>Alors, qui croire ? L’élevage français concentre-t-il des centaines de millions d’animaux dans des fermes-usines ainsi que l’affirment les associations de défense des animaux qui ont diffusé en quinze ans plus d’une centaine de vidéos d’élevages français ? Ou bien ces fermes-usines constitueraient-elles l’exception et l’élevage français serait-il à taille humaine, composé très majoritairement de petites et moyennes exploitations, comme l’affirment les représentants de la filière ?</p>
<p>Les chiffres officiels montrent qu’il y a là un paradoxe statistique, aisément compréhensible mais source d’erreurs pour le consommateur comme pour le législateur.</p>
<h2>Le paradoxe de l’élevage intensif</h2>
<p>Et si défenseurs des animaux et éleveurs avaient chacun en partie raison ? Essayons d’adopter leur perspective respective.</p>
<p>D’un côté, les associations animalistes s’intéressent à ce que vivent les animaux dans les élevages. En d’autres termes, pour les militants, la réalité de l’élevage « moyen » correspond à ce que vit l’animal « moyen » : si l’on prend au hasard un animal d’élevage en France, est-il plus probable qu’il soit élevé dans un élevage intensif ou familial ?</p>
<p>De l’autre, les éleveurs s’intéressent quant à eux à leur réalité en tant que travailleur ou chef d’exploitation. Pour ces derniers, l’élevage « moyen » est l’élevage tel que le pratique l’exploitant « moyen » : si je prends un élevage au hasard en France, a-t-on plus de chance d’être dans un élevage intensif ou familial ?</p>
<p>C’est de cette différence de perception que naît la confusion : l’élevage français est à la fois intensif, si l’on s’intéresse au sort des animaux, et de petite taille, si l’on s’intéresse au vécu des éleveurs. En France, la très grande majorité des animaux vit en effet dans des élevages intensifs, alors que la grande majorité des éleveurs élèvent leurs animaux dans de petites exploitations.</p>
<p>Pour bien comprendre ce paradoxe, regardons les chiffres du ministère de l’Agriculture de 2019. Pour les porcs, on constate que 46,3 % des éleveurs travaillent dans des petites exploitations (entre 1 et 19 porcs par exploitation) et 18,1 % dans des exploitations moyennes (entre 20 et 499 porcs). En d’autres termes, plus d’un exploitant sur deux s’occupe de moins de 500 porcs, voire même de moins de 20 porcs pour 4 fermiers sur 10.</p>
<p>Mais si on s’intéresse au point de vue de l’animal, on observe que 65 % des porcs sont élevés dans des exploitations que l’on pourrait qualifier de fermes-usines (plus de 2 000 porcs par exploitation). Ainsi, la majorité des éleveurs de porcs travaillent dans de petites et moyennes exploitations, alors que la grande majorité de ces animaux vivent dans des fermes-usines : c’est le paradoxe de l’élevage intensif.</p>
<iframe title="L'élevage français est à la fois intensif si l'on s'intéresse au sort des animaux, et de petite taille du point de vue des éleveurs" aria-label="Barres regroupées" id="datawrapper-chart-cQPYJ" src="https://datawrapper.dwcdn.net/cQPYJ/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="435" width="100%"></iframe>
<iframe title="" aria-label="Barres regroupées" id="datawrapper-chart-astsw" src="https://datawrapper.dwcdn.net/astsw/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="352" width="100%"></iframe>
<iframe title="" aria-label="Barres regroupées" id="datawrapper-chart-Kx9GA" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Kx9GA/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="352" width="100%"></iframe>
<p>On observe également ce paradoxe pour d’autres espèces d’animaux élevés en France. Plus d’un éleveur de poulets sur deux travaille dans une exploitation de moins de 10 000 animaux. Mais pour les animaux, la réalité est différente : 70 % des poulets sont en effet élevés dans des fermes-usines de plus de 20 000 poulets. De même pour les poules pondeuses : 70 % d’entre elles sont élevées dans des structures de 50 000 poules ou plus, alors que 69 % des éleveurs travaillent dans des structures de moins de 10 000 poules. Dans une moindre mesure, on retrouve également ce paradoxe dans l’élevage bovin : plus de la moitié des éleveurs travaillent dans des exploitations de moins de 70 vaches, tandis que près de 60 % des vaches sont élevées dans des exploitations de 70 vaches et plus.</p>
<h2>Éleveur moyen vs animal moyen</h2>
<p>Ce fossé entre le vécu des éleveurs et le vécu des animaux se trouve également renforcé au niveau national par le poids de chaque type d’élevage dans le nombre total d’animaux tués.</p>
<p>Les bovins représentent une part très faible du nombre total d’animaux tués en France pour la production de viande (<a href="https://romainespinosa.com/dataviz-abattage-france/">moins de 0,5 % des animaux tués par an</a>), alors que les élevages bovins concentrent plus de la moitié des exploitations d’élevage (64 %, hors polyélevage). La majorité des élevages sont donc des exploitations bovines, qui ont tendance à être de petite taille. Au contraire, les élevages de volailles et de porcs, où les animaux sont majoritairement élevés dans des méga-structures, représentent seulement 13 % des élevages mais plus de 95 % des animaux tués par an en France.</p>
<p>La définition de l’élevage français dépend ainsi de la perspective adoptée : celle des animaux ou celle des éleveurs. L’éleveur « moyen » (« médian » pour être précis) est un éleveur bovin qui élève moins d’une centaine de vaches dans son exploitation. Au contraire, l’animal « moyen » est un poulet de chair élevé dans une ferme-usine à plus de 20 000 voire 50 000 poulets.</p>
<h2>Les petites exploitations, gagnantes des réformes</h2>
<p>Cet artefact statistique vient renforcer l’ignorance des consommateurs quant aux externalités négatives engendrées par l’élevage.</p>
<p>De précédents travaux ont en effet montré que les consommateurs peuvent être <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03097601/document">demandeurs d’information</a> car ils ne réalisent pas ce qu’implique l’élevage pour les animaux. Cependant, ils ont parfois également tendance à vouloir <a href="https://www.tse-fr.eu/publications/economic-model-meat-paradox">éviter une information</a> qui remettrait en cause leurs habitudes. L’incertitude due aux différences entre les discours des ONG et ceux des représentants de la filière risque de les conforter dans le statu quo défavorable au bien-être animal.</p>
<p>Cette complaisance vis-à-vis de l’information s’ajoute aux autres <a href="https://www.puf.com/content/Comment_sauver_les_animaux">mécanismes cognitifs</a> qui conduisent les Français à consommer des produits issus de l’élevage (intensif) là où ils souhaiteraient l’éviter. Les <a href="http://www.revuetraitsdunion.org/wp-content/uploads/TU-10-Romain-Espinosa_Divis%C3%A9s_dans_lunit%C3%A9-p-42-58-1.pdf">ONG</a> jouent ainsi un rôle central dans <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/ajae.12156">l’information des consommateurs</a> en montrant la réalité statistique de l’élevage du point de vue des animaux.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/432846/original/file-20211119-23-j1kbiv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/432846/original/file-20211119-23-j1kbiv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/432846/original/file-20211119-23-j1kbiv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/432846/original/file-20211119-23-j1kbiv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/432846/original/file-20211119-23-j1kbiv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/432846/original/file-20211119-23-j1kbiv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1148&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/432846/original/file-20211119-23-j1kbiv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1148&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/432846/original/file-20211119-23-j1kbiv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1148&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Bien comprendre cet artefact statistique est également central pour réfléchir aux nécessaires réformes du monde de l’élevage. Les positions du ministère de l’Agriculture ou des représentants syndicaux des éleveurs visent à défendre le travail effectué par la majorité des exploitants. Cependant, cette réalité n’a que peu de sens quand il s’agit de discuter du bien-être animal. Dire que « la majorité des éleveurs prend soin de ses animaux » n’empêche pas le fait que « la très large majorité des animaux sont élevés dans des fermes-usines ».</p>
<p>Les petites et moyennes exploitations seraient ainsi les premières gagnantes de réformes visant à améliorer le bien-être des animaux, parce qu’elles impacteraient principalement les fermes-usines qui concentrent la très large majorité des animaux. Par conséquent, les prises de position des responsables politiques et des représentants des filières visant à limiter toute amélioration du bien-être animal semblent se faire principalement au détriment des petites et moyennes exploitations, et donc de la majorité des éleveurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172227/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Espinosa a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche, de Rennes Métropole et de l'Université Rennes 1. </span></em></p>Dire que « la majorité des éleveurs prend soin de ses animaux » n’empêche pas statistiquement le fait que « la très large majorité des animaux sont élevés dans des fermes-usines ».Romain Espinosa, Chargé de recherche en économie, CNRS, Université de Rennes 1 - Université de RennesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1556172021-03-10T18:19:47Z2021-03-10T18:19:47ZDe l’Europe à l’Asie, le rôle clé des élevages de porcs dans l’émergence des pandémies<p>L’Asie de l’Est et du Sud-Est, région qui regroupe environ 30 % de la population mondiale <a href="https://population.un.org/wpp/Download/Standard/Population/">selon les données 2018 des Nations unies</a>, est confrontée à une double crise sanitaire. Celle, désormais bien connue, de la pandémie de Covid-19 ; mais aussi celle, moins exposée, de la peste porcine africaine (PPA).</p>
<p>Cette maladie, causée par un virus inoffensif pour l’homme (on dira qu’elle est « non zoonotique »), s’avère <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fvets.2020.00215/full">hautement létale pour les porcs domestiques et les sangliers</a>. Rappelons que l’Asie de l’Est et du Sud-Est abrite <a href="http://www.fao.org/faostat/en/#data/QA">56 % des porcs domestiques</a>.</p>
<p>Mais la PPA n’est pas la seule maladie qui pose un risque sanitaire dans les élevages porcins : les <a href="https://sante.lefigaro.fr/sante/maladie/grippe/differents-virus">virus grippaux</a> (influenza) – qu’ils soient humains, aviaires ou porcins – circulent en continu dans les élevages asiatiques et pourraient bien être à l’origine de la prochaine pandémie. Soulignons ici que les élevages de porcs, tout comme <a href="https://theconversation.com/origine-du-virus-de-la-covid-19-la-piste-de-lelevage-des-visons-153219">l’élevage et le trafic de la faune sauvage</a>, constituent de possibles « bons candidats » au rôle de relais entre un coronavirus de chauve-souris et le virus SARS-CoV-2, responsable de la pandémie actuelle.</p>
<h2>Hécatombe du cheptel et flambée des prix</h2>
<p>Originaire d’Afrique, où elle est installée et circule continuellement (on dira qu’elle y est « endémique »), la PPA a été introduite en Chine en 2018. Sa propagation rapide a provoqué une hécatombe sans précédent : le cheptel porcin chinois a quasiment <a href="http://english.moa.gov.cn/,https://www.ceicdata.com/en/china/number-of-livestock-pig-stock">diminué de moitié entre mi-2018 et fin 2019</a> – ce qui a représenté au niveau mondial une perte de <a href="http://www.fao.org/faostat/en/#data/QA">près d’un quart de l’ensemble des porcs</a>.</p>
<p>Cette situation a entraîné une <a href="http://zhujiage.com.cn/">hausse de plus de 120 %</a> du prix du porc sur le marché domestique chinois, avec des <a href="https://www.nature.com/articles/s43016-020-0057-2">répercussions majeures sur les marchés mondiaux de produits agricoles</a>, incluant les produits animaux mais aussi certaines céréales, comme le maïs et le soja. Loin d’être circonscrite à la Chine, la PPA s’est répandue aux pays voisins à partir de janvier 2019, <a href="http://www.fao.org/ag/againfo/programmes/en/empres/ASF/situation_update.html">avec des conséquences désastreuses comparables</a>.</p>
<p>Les achats de viande de porc représentant une part substantielle des dépenses des ménages chinois, ces augmentations de prix ont pénalisé leur pouvoir d’achat. Les impacts socio-économiques ont été également sévères au Vietnam où le porc représente près de <a href="https://cgspace.cgiar.org/handle/10568/53935">80 % de la viande produite et près de 60 % de la viande consommée</a> et fait vivre <a href="https://www.gso.gov.vn/en/data-and-statistics/2019/03/result-of-rural-agricultural-and-fishery-census-2016/">plus de 3 millions de ménages ruraux, soit plus de 20 % de la population rurale du pays</a>.</p>
<p>Cette maladie pourrait aussi avoir des effets sur la biodiversité car elle touche les suidés sauvages (les sangliers par exemple) et fait planer une menace sur plusieurs espèces en voie de disparition d’Asie du Sud-Est insulaire, <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/conl.12784">essentiellement en Indonésie et aux Philippines</a>, telles que les <a href="https://www.iucnredlist.org/species/2461/9441445">babiroussas</a> et le <a href="https://www.iucnredlist.org/species/41773/44141588">sanglier des Célèbes</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/385760/original/file-20210223-16-z14uz6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/385760/original/file-20210223-16-z14uz6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/385760/original/file-20210223-16-z14uz6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/385760/original/file-20210223-16-z14uz6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/385760/original/file-20210223-16-z14uz6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/385760/original/file-20210223-16-z14uz6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/385760/original/file-20210223-16-z14uz6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/385760/original/file-20210223-16-z14uz6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La Chine et le Sud-est asiatique, devant l’Europe et l’Amérique du Nord sont les principales zones d’élevages de porcs dans le monde.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gridded Livestock of the World/FAO</span></span>
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<h2>Une production globalisée et risquée</h2>
<p>On l’a évoqué plus haut : le porc <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fvets.2020.00379/full">fait partie des potentielles espèces</a> qui a pu servir d’hôte intermédiaire dans l’évolution d’un coronavirus de chauves-souris vers le virus responsable de la Covid-19.</p>
<p>Des <a href="https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/27/1/20-3399_article">travaux expérimentaux récents</a> suggèrent que le porc serait réceptif au SARS-CoV-2 ; <a href="https://www.pnas.org/content/118/3/e2022344118">divers coronavirus</a> sont d’autre part présents chez cet animal. En Chine, un nouveau virus de cette famille (SADS-CoV) <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.2001046117">a été isolé dernièrement</a>. Ce rôle d’intermédiaire joué par l’élevage porcin entre la chauve-souris et l’homme avait déjà été décrit pour le <a href="https://www.cirad.fr/actualites/toutes-les-actualites/articles/2020/science/eviter-les-epidemies-pratiques-alimentaires-et-agricoles">virus Nipah en Malaisie</a> lors d’une épidémie en 1998.</p>
<p>Par ailleurs, des auteurs chinois et britanniques ont examiné l’ampleur de l’impact des abattages liés à la PPA sur les prix de la viande. Ils émettent l’hypothèse que cela aurait pu entraîner <a href="https://www.preprints.org/manuscript/202102.0590/v1">l’entrée d’un plus grand nombre d’animaux sauvages dans la chaîne alimentaire humaine</a> et ainsi augmenter le risque d’une exposition plus importante de la population humaine à un coronavirus qui aurait évolué au sein de la faune. Il y a donc un intérêt à <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/tbed.13782">aborder conjointement ces crises par des approches intégrées</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/retour-sur-comment-expliquer-lemergence-accrue-des-nouvelles-maladies-156525">« Retour sur… » : Comment expliquer l’émergence accrue des « nouvelles maladies » ?</a>
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<p>Aujourd’hui, de nouvelles souches de virus grippaux émergent et circulent en Chine et en Asie du Sud-est, avec un <a href="https://www.cirad.fr/actualites/toutes-les-actualites/communiques-de-presse/2012/grippe">risque important à partir des élevages porcins</a>. Cette situation <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1931312820304029#abs0020">concerne également l’Europe</a>, autre bassin important de production porcine dans le monde. Plus généralement, la mondialisation de la <a href="https://www.goodplanet.info/2020/06/03/essor-de-lelevage-intensif-en-asie-comment-contenir-la-cocotte-minute-virale">production porcine</a>, qui se traduit par l’intensité croissante des transports d’animaux entre régions et pays, <a href="https://doi.org/10.1371/journal.ppat.1008259">augmente le risque de pandémie grippale</a>.</p>
<p>Les élevages multiespèces, et tout particulièrement ceux qui associent volailles et porcs, renforcent ce risque d’émergence d’une nouvelle souche grippale pandémique, en raison du <a href="https://www.cirad.fr/actualites/toutes-les-actualites/communiques-de-presse/2012/grippe">risque de recombinaison génétique</a> entre virus humains, porcins et aviaires.</p>
<p>Ce type d’élevage mixte reste cependant largement pratiqué par les éleveurs ; il leur assure une certaine stabilité de revenus, notamment grâce aux effets de substitution entre produits de l’élevage : une chute de revenus issus de l’élevage de porcs peut être compensée par une augmentation des prix des volailles, les consommateurs se rabattant sur cette viande alternative relativement bon marché. En 2012, on estime ainsi que <a href="https://www.gso.gov.vn/en/data-and-statistics/2019/04/data-results-of-the-viet-nam-household-living-standards-survey-2012/">80 % des éleveurs porcins vietnamiens</a> possédaient également des volailles.</p>
<p>En Chine comme au Vietnam, l’industrie porcine est complexe : elle se constitue d’un secteur industriel fortement intégré et contrôlé par quelques grandes entreprises agroalimentaires, mais aussi d’un grand nombre d’élevages familiaux indépendants. Au Vietnam, par exemple, <a href="https://www.gso.gov.vn/en/data-and-statistics/2019/03/result-of-rural-agricultural-and-fishery-census-2016/">plus de 75 % des éleveurs porcins possèdent moins de 10 animaux</a>.</p>
<p>Un grand nombre de ces porcs sont vendus après sevrage à des élevages engraisseurs, très souvent via des marchés de porcelets ; après avoir été engraissés, ils peuvent être abattus directement à la ferme ou vendus à des maquignons ou des abattoirs familiaux, plus rarement à de grands abattoirs. D’autres mouvements concernent l’achat de truies reproductrices ou le prêt de verrats. Autant de transferts d’animaux <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/tbed.12380">susceptibles de disséminer les pathogènes</a> d’un élevage à l’autre.</p>
<h2>Des élevages familiaux en sursis</h2>
<p>Face aux défis sanitaires, anciens et récents, les questions se posent sur l’avenir des élevages porcins familiaux, source essentielle de revenus pour des millions de ménages ruraux pauvres en Asie, particulièrement vulnérables dans un contexte d’épidémies et de risques zoonotiques menant à l’imposition de normes sanitaires toujours plus contraignantes.</p>
<p>Les <a href="http://www.fao.org/3/i1435e/i1435e00.pdf">mesures de biosécurité</a> préconisées pour prévenir la PPA impliquent en effet un changement du mode d’alimentation des animaux et la construction d’enclos ou de bâtiments faciles à désinfecter et permettant le confinement des porcs, la mise en quarantaine des animaux nouvellement introduits et un vide sanitaire entre deux bandes successives d’animaux.</p>
<p>De telles contraintes – imposées par la menace de pertes de production, par les gouvernements ou par la demande des consommateurs pour des produits sains – conduisent immanquablement à la disparition des petits élevages et à la concentration de la production dans de grands élevages industriels, mieux équipés pour réaliser les investissements nécessaires à la maîtrise de ces risques et financièrement plus résilients.</p>
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<p><em>En Chine, les « usines à viande » envahissent le marché du porc. (Francetvinfo/Youtube, 2020)</em><br>
À l’heure actuelle, aucun <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-animal-021419-083741">vaccin fiable contre la PPA</a> n’est disponible, en dépit <a href="https://www.mdpi.com/2076-393X/8/3/531">d’essais conduits en Chine</a> et <a href="https://www.vir.com.vn/vietnam-to-become-first-country-to-produce-vaccine-for-asf-82100.html">au Vietnam</a>.</p>
<p>Faute d’actions préventives abordables et satisfaisantes, les éleveurs adoptent souvent des réponses qui peuvent exacerber la propagation du virus, comme la <a href="https://revues.cirad.fr/index.php/REMVT/article/view/31872">vente en urgence</a> des animaux malades ou l’utilisation de vaccins illégaux.</p>
<p>Ce recours à des produits non autorisés <a href="https://www.reuters.com/article/us-china-swinefever-vaccines-insight-idUSKBN29R00X">pourrait ainsi être à l’origine de l’apparition de nouvelles souches</a> du virus de la PPA, <a href="https://www.pigprogress.net/Health/Articles/2021/3/ASF-China-Mutations-confirmed-by-Chinese-scientists-715566E/">plus difficiles à détecter</a>.</p>
<p>Toujours à propos des vaccins, rien ne dit qu’un éventuel produit efficace contre la PPA soit réellement bénéfique aux éleveurs familiaux : des études réalisées dans différents contextes montrent en effet une <a href="https://elifesciences.org/articles/59212">forte association entre la taille des élevages et la probabilité de vacciner</a> les animaux.</p>
<p>Les « gagnants » de l’épidémie de PPA en Chine semblent donc être les grands groupes industriels agroalimentaires ; ces derniers ont largement bénéficié des prix élevés du porc et de la politique de Pékin visant à dynamiser et restructurer la filière, ce qui s’est traduit par une <a href="https://www.card.iastate.edu/ag_policy_review/article/ ?a=111">intégration de la filière et une concentration de la production</a> dans de <a href="https://www.reuters.com/article/us-china-swinefever-muyuanfoods-change-s-idUSKBN28H0MU">vastes structures produisant plusieurs millions de tête par an</a>. Le nombre de petits élevages s’est, lui, réduit. Reste à savoir quelles seront les conséquences épidémiologiques de cette nouvelle donne.</p>
<h2>Entre science et politiques sanitaires, un dialogue renouvelé</h2>
<p>Les mises en garde de la communauté scientifique sur ces risques doivent davantage être prises en considération. Par exemple, l’émergence de la PPA en Asie <a href="https://news.ilri.org/2020/01/14/african-swine-fever-ten-years-on-the-lessons-learned-and-the-way-forward">avait été anticipée</a> et plusieurs auteurs avaient alerté récemment quant aux <a href="https://journals.plos.org/plospathogens/article?id=10.1371/journal.ppat.1008259">risques de pandémies grippales</a>. On peut espérer que la crise actuelle de la Covid-19 rendra les décideurs plus sensibles à ces alertes.</p>
<p>Ainsi, aux côtés de projets de recherche nécessaires sur les <a href="https://oiebulletin.com/?panorama=03-1-2020-1-asf-vaccines">vaccins et les stratégies vaccinales</a>, sur le <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/tbed.13964">rôle des sangliers</a> ou sur l’importance de la <a href="https://www.cityu.edu.hk/ohrp/research-projects/african-swine-fever-asf-cross-border-risk-assessment-south-east-asia-oiecityu">gestion des risques</a>, des <a href="https://www.goodplanet.info/2020/06/07/elevage-intensif-vers-une-cooperation-internationale-pour-limiter-les-futures-pandemies-2-2/">initiatives se développent</a> pour se concentrer sur les contextes socioéconomiques et les comportements humains impliqués dans la transmission des maladies animales, sans se focaliser uniquement sur les aspects techniques.</p>
<p>Ainsi l’<a href="https://www.france-vet-international.fr/la-demarche-one-health-au-coeur-de-nos-projets-de-cooperation-internationale/">ENSV-FVI</a>, l’<a href="https://www.avsf.org/fr/posts/2434/full/la-peste-porcine-africaine-l-autre-pandemie">AVSF</a>, le <a href="https://www.grease-network.org/">Cirad et leurs partenaires en Asie du Sud-Est</a> préparent, sur la base des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), un projet de renforcement de la biosécurité globale comme rempart contre la maladie.</p>
<p>Ces mesures concernent l’ensemble des acteurs de la filière : les petits producteurs, familiaux, voire semi-commerciaux, qui jouent un rôle central dans de nombreux pays et dont les systèmes d’élevage, qui reposent encore fortement sur la divagation animale, sont <a href="https://ideas4development.org/peste-porcine-africaine-menace-systemes-production/">particulièrement vulnérables</a>.</p>
<p>L’enjeu de cette coopération est bien de permettre de renforcer la biosécurité des petits élevages en Asie du Sud-est pour permettre leur résilience, dans le respect d’une démarche <a href="https://www.avsf.org/fr/posts/2437/full/one-health-une-approche-cle-pour-faire-face-aux-crises-futures">agroécologique</a>, au bénéfice de l’agriculture familiale, des élevages porcins, de la sauvegarde des habitats naturels et du mode de vie traditionnel des populations locales.</p>
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<p><em>Marie-Laure Martial (ENSV-FVI) et Antoine Lury (AVSF) ont contribué à l’élaboration de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155617/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexis Delabouglise a reçu des financements de l'Union Européenne. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Flavie Luce Goutard a reçu des financements France Vétérinaire International.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>François Roger et Marisa Peyre ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Le porc fait partie des potentielles espèces ayant pu servir d’hôte intermédiaire dans l’évolution d’un coronavirus de chauves-souris vers le virus responsable de la Covid-19.Alexis Delabouglise, Researcher, socio-economist of animal health, CiradFlavie Luce Goutard, Epidemiologist, CiradFrançois Roger, Directeur régional Asie du Sud-Est, vétérinaire et épidémiologiste, CiradMarisa Peyre, Deputy head of ASTRE research unit, epidemiologist, CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1565252021-03-05T21:31:30Z2021-03-05T21:31:30Z« Retour sur… » : Comment expliquer l’émergence accrue des « nouvelles maladies » ?<p><em><strong>« Retour sur… »</strong>, un podcast pour décrypter l’actualité avec les expert·e·s.</em></p>
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<p>Encore inconnue il y a quelques mois, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/covid-19-82467">Covid-19</a> polarise depuis l’hiver 2020 toute notre attention. Pas un jour sans que les scientifiques découvrent quelque chose à son sujet ou qu’on se désole de ne pouvoir s’en débarrasser plus vite. Si ses conséquences sur la santé mondiale lui donnent un retentissement inédit, la Covid-19 est toutefois une maladie émergente parmi d’autres.</p>
<p>Ces dernières années, d’autres maladies infectieuses ont en effet suscité la peur – <a href="https://theconversation.com/la-mysterieuse-disparition-du-premier-virus-sras-et-pourquoi-il-nous-faudra-un-vaccin-pour-nous-debarrasser-du-deuxieme-137957">SRAS</a>, <a href="https://theconversation.com/mers-comment-ce-virus-a-emerge-et-ce-que-lon-peut-faire-56374">MERS</a>, <a href="https://theconversation.com/zika-dengue-west-nile-ces-virus-exotiques-qui-nous-menacent-120683">Zika</a>, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ebola-24917">Ebola</a>, etc. Pour mieux comprendre comment apparaissent ces « nouvelles maladies » et ce que l’on sait de leurs causes – notamment en lien avec les perturbations environnementales (changement climatique, atteintes à la biodiversité) –, nous accueillons pour ce nouvel épisode Marisa Peyre, épidémiologiste au Cirad et spécialiste des maladies émergentes.</p>
<iframe src="https://embed.acast.com/601af1d942a1b65a0f451f54/6041f0571e60fa0a6a35516c?cover=true&ga=false" frameborder="0" allow="autoplay" width="100%" height="110"></iframe>
<p><a href="https://soundcloud.com/theconversationfrance/covid-19-comment-expliquer-l"><img src="https://images.theconversation.com/files/359064/original/file-20200921-24-prmcs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=218&fit=crop&dpr=2" alt="Listen on SoundCloud" width="268" height="70"></a></p>
<p><a href="https://open.spotify.com/episode/5wthUs3iFD4KhjcdjRnqX8"><img src="https://images.theconversation.com/files/321535/original/file-20200319-22606-1l4copl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=183&fit=crop&dpr=1" width="268" height="70"></a></p>
<p><a href="https://podcasts.apple.com/us/podcast/covid-19-comment-expliquer-l%C3%A9mergence-accrue-nouvelles/id1552192504?i=1000511685911"><img src="https://images.theconversation.com/files/321534/original/file-20200319-22606-q84y3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=182&fit=crop&dpr=1" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
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<p><em>Conception, Jennifer Gallé. Production, Romain Pollet</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156525/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Entretien avec l’épidémiologiste Marisa Peyre pour mieux comprendre comment apparaissent les nouvelles maladies et en identifier les causes.Jennifer Gallé, Cheffe de rubrique Environnement + Énergie, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1551592021-02-11T20:31:20Z2021-02-11T20:31:20Z« Retour sur… » : Grippe aviaire, peste porcine, Covid-19… Pourquoi tant d’épidémies dans les élevages ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/383802/original/file-20210211-19-oq8dqd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Élevage de canards dans les landes.</span> <span class="attribution"><span class="source">GAIZKA IROZ / AFP</span></span></figcaption></figure><p><em><strong>« Retour sur… »</strong>… un podcast pour décrypter l’actualité avec les expert·e·s.</em></p>
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<p>Porcs, canards ou visons abattus par millions pour éviter la propagation d’épidémies de peste porcine, de grippe aviaire ou plus récemment de Covid-19. Les élevages sont régulièrement touchés et décimés par ces vagues épidémiques. Le sont-ils davantage que par le passé ? Ces épidémies sont-elles liées à un type d’élevage en particulier ?</p>
<p>Le vétérinaire et virologiste Daniel Marc (Inrae/Université de Tours) nous donne des éléments de réponse, en revenant notamment sur la propagation de la peste porcine africaine dans les années 2000 en Europe et en Asie. Il nous explique qu’une épidémie animale, « c’est un peu comme un feu de forêt qu’il faut arrêter au plus vite ».</p>
<p>Pour aller plus loin, retrouvez les références sur les épidémies animales évoquées dans le podcast :</p>
<ul>
<li><a href="http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/64244/AVF_1992_3_339.pdf?sequence=1">La fièvre aphteuse</a> </li>
<li><a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12531346/">La rage en France</a></li>
<li><a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24735092/">La tuberculose bovine en France</a></li>
<li><a href="https://www.mdpi.com/1999-4915/11/7/672">La fièvre catarrhale ovine (blue tongue)</a></li>
<li><a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/tbed.12264">La peste porcine africaine en Sardaigne</a></li>
<li><a href="https://www.fas.usda.gov/data/vietnam-vietnam-african-swine-fever-update-0">La peste porcine africaine au Vietnam</a></li>
<li><a href="https://www.oie.int/fileadmin/Home/eng/Animal_Health_in_the_World/docs/pdf/Disease_cards/ASF/Report_47_Global_situation_ASF.pdf">Rapport de l’OIE sur la situation mondiale de la peste porcine africaine (2016-2020)</a></li>
<li><a href="https://www.oie.int/fr/sante-animale-dans-le-monde/portail-sur-linfluenza-aviaire/">La grippe aviaire</a></li>
<li><a href="http://www.filiere-laitiere.fr/fr/chiffres-cles/filiere-laitiere-francaise-en-chiffres">La filière laitière en France</a></li>
<li><a href="https://science.sciencemag.org/content/371/6525/172">Le SARS-CoV-2 dans les élevages de visons</a></li>
<li><a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/tbed.12650">La maladie hémorragique du lapin</a></li>
</ul>
<iframe src="https://player.acast.com/retour-sur/episodes/grippe-aviaire-peste-porcine-covid-19-pourquoi-tant-depidemi" frameborder="0" width="100%" height="110px" allow="autoplay"></iframe>
<p><a href="https://open.spotify.com/episode/5LOHN7wAyiPejYiT1l3CAl?si=Zk78685vRkyvUbUZyvdqew"><img src="https://images.theconversation.com/files/321535/original/file-20200319-22606-1l4copl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=183&fit=crop&dpr=1" width="268" height="70"></a>
<a href="https://soundcloud.com/theconversationfrance/grippe-aviaire-peste-porcine"><img src="https://images.theconversation.com/files/359064/original/file-20200921-24-prmcs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=218&fit=crop&dpr=2" alt="Listen on SoundCloud" width="268" height="80"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/grippe-aviaire-peste-porcine-covid-19-pourquoi-tant/id1552192504?i=1000508497558"><img src="https://images.theconversation.com/files/321534/original/file-20200319-22606-q84y3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=182&fit=crop&dpr=1" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
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<p><em>Conception, Jennifer Gallé. Production, Romain Pollet.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155159/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Les épidémies touchant les animaux semblent se multiplier, entraînant des abattages massifs. A-t-on affaire à une épidémie d’épidémies dans les élevages ?Jennifer Gallé, Cheffe de rubrique Environnement + Énergie, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1382792020-11-05T20:05:39Z2020-11-05T20:05:39ZDes chauves-souris aux visons : les rôles passés, actuels et futurs des animaux dans la Covid-19<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/367773/original/file-20201105-17-i8eu7k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C4%2C3288%2C2195&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Visons en captivité.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/oikeuttaelaimille/45321211131/in/photolist-RCvuvh-y7aJ93-y7jttH-aawiCG-z3buZj-z1TEEL-PkStow-acUvg4-8tZn5m-8tbkYU-RG5KMV-R7zNcq-qgHAsr-RCvmqE-FnhubH-aatuev-aatusr-cqw74-cqw8p-29hvH1q-2c3T3ha-Fn7fpq-cqw86-cqw7x-cqw6B-2c3T46V-29hvH8j-2c3T4kc-NhJCyR-2bYzBfA-2c3T3JT-NhJCHi-Rswp7f-jArFLG-jApJfv-RCvrTU">Oikeutta eläimille / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>75 % : ce pourcentage est devenu incontournable pour introduire la majorité des articles et publications de synthèse sur les origines de la pandémie actuelle ; il s’agit de la proportion de maladies émergentes humaines qui sont dites « d’origine animale ». Ainsi, près de trois maladies infectieuses sur quatre qui frappent l’humanité seraient liées à des zoonoses, transmissibles de l’animal à l’homme et inversement. Revanche du règne animal sur l’homme ou effet brownien d’une coévolution, quelle est vraiment la dimension zoonotique de ce nouveau virus ?</p>
<p>Si l’origine animale de SARS-CoV-2 semble désormais évidente, l’homme continue à chercher le nom précis des « coupables » dans le code génétique du coronavirus. Le point de départ est <a href="https://theconversation.com/covid-19-origine-naturelle-ou-anthropique-136281">désormais localisé à l’ordre des chiroptères</a> où l’une des 1400 espèces de chauve souris, <em>Rhinolophus affinis</em>, semble être l’hôte d’un virus très proche (>96 % d’identité génétique), mais cependant encore dénué d’aptitudes zoonotiques directes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/367776/original/file-20201105-19-b3o18y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/367776/original/file-20201105-19-b3o18y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/367776/original/file-20201105-19-b3o18y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/367776/original/file-20201105-19-b3o18y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/367776/original/file-20201105-19-b3o18y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/367776/original/file-20201105-19-b3o18y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/367776/original/file-20201105-19-b3o18y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Chauve-souris Rhinolophus smithersi.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rhinolophe#/media/Fichier:Rhinolophus_smithersi.jpg">Taylor, Stoffberg, Monadjem, Schoeman, Bayliss & Cotterill</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’hypothèse de l’hôte intermédiaire reste ouverte, car la piste du pangolin paraît de moins en moins probable. S’il existe un hôte intermédiaire, il est capital de le trouver, non pas pour apporter des solutions à la crise que nous connaissons, mais plutôt pour prévenir la prochaine. Le lieu et le moment sont les deux clés de l’émergence infectieuse et de sa prévention. L’un des scénarios envisagés est celui de l’existence actuelle d’un ou plusieurs pools de virus préadaptés à l’homme, persistant chez une ou plusieurs populations animales, et qui nous restent pour le moment cachée. </p>
<p>Le vison est notamment étudié, alors que pour la première fois en France la présence du virus a été détectée dans un élevage en Eure-et-Loir et qu'il y a quelques semaines le gouvernement danois avait ordonné l'abattage de millions de visons. </p>
<h2>La réceptivité animale ? Différents degrés de lecture…</h2>
<p>En six mois, ce sont désormais plus d’une centaine de publications scientifiques qui s’intéressent à la sensibilité des différentes espèces animales à ce virus. Mais avant que d’évoquer les méthodes et les résultats obtenus, il est très instructif d’en comprendre les objectifs ; en réalité, la première des raisons qu’ont les chercheurs à se pencher sur ce sujet est de trouver un modèle expérimental idéal et fiable. Pour comprendre les mécanismes qu’utilise ce virus si performant chez l’homme, puis pour trouver et éprouver les parades thérapeutiques ou immunologiques, les chercheurs ont besoin de modèles « non humains ». Or, pour une fois, les rongeurs font défaut : rats et souris ne sont pas sensibles au SARS-CoV-2, à moins qu’on ne les « humanise » à renfort de modifications génétiques.</p>
<p>Les primates non humains « habituels » (macaques principalement) y sont sensibles, mais semblent présenter moins de formes graves que l’homme et leur gestion expérimentale est toujours plus délicate. Les primates du nouveau monde comme les ouistitis (à l’élevage plus facile), <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2020.04.22.046565v3">semblent bien moins sensibles</a> que leurs cousins de l’ancien monde. Ainsi, si les chats et les furets ont fait leur apparition dans les publications, ce n’est pas tant pour savoir s’ils jouent un rôle épidémiologique dans la crise actuelle (<a href="https://theconversation.com/covid-19-et-si-mon-animal-etait-contamine-135726">ce qui semble de moins en moins probable</a>), mais c’est avant tout pour trouver un modèle de recherche adapté, choix dicté par les enseignements du SARS-CoV-1, qui avait déjà montré son tropisme préférentiel pour certains carnivores comme la civette palmiste au début des années 2000.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-et-si-mon-animal-etait-contamine-135726">Covid-19 : Et si mon animal était contaminé ?</a>
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<p>De fait, les conclusions que l’on peut lire sur la sensibilité du chat infecté expérimentalement par de très hautes doses de virus déposées directement dans les voies respiratoires sont très peu transposables au même chat dans son écosystème urbain, fut-il entouré d’humains infectés. On comprend alors mieux pourquoi les études expérimentales objectivent une excrétion, voire une transmission entre les animaux, tandis que des analyses de populations urbaines de nos compagnons domestiques peinent à trouver quelques animaux positifs, excrétant apparemment peu de virus et de manière courte dans le temps. Modèle expérimental et réservoir ne riment pas, heureusement pour l’homme.</p>
<h2>Modèles et prédictions : l’ordinateur contre le vivant</h2>
<p>Au-delà des objectifs, intéressons-nous maintenant aux méthodes. Environ la moitié des publications voulant explorer la réceptivité des animaux au nouveau coronavirus le font sous l’angle de l’analyse moléculaire du tristement fameux récepteur membranaire « ACE2 ». « Angiotensin Converter Enzyme 2 » (ACE2) est une protéine présente à la fois sous forme libre, mais aussi fixée à la surface de nombreuses cellules de mammifères. Il s’agit d’un site de fixation du virus SARS-CoV-2, lequel dispose d’une région dite « Region Binding Domain » (RBD) sur l’une de ses glycoprotéines de surface « S » (pour « Spike ») venant coïncider avec l’ACE2 de la cellule à infecter.</p>
<p>L’image « Clé-Serrure » souvent utilisée pour vulgariser cette étape se traduit dans la réalité par un véritable accord tridimensionnel entre certaines séquences d’acides aminés de l’ACE2 de l’hôte et celles de la partie RBD du « S » viral. Cet accord est redoutablement parfait chez l’homme et c’est l’un des facteurs du « succès » de ce virus chez notre espèce. Or, cette enzyme ACE2 existe chez tous les vertébrés. Les chercheurs disposent de bases de données assez exhaustives pour comparer ses séquences à travers tous les taxons.</p>
<p>La grande idée du moment est donc de tenter de prédire l’affinité d’une espèce pour ce coronavirus en fonction de la composition de sa protéine ACE2 : identification acides aminés « clés », reconstruction 3D, compositions atomiques, tout est passé au crible, dans des tamis différents suivant les équipes de recherche. On obtient ainsi des gradients de scores, des listes « d’aptitude », des pyramides et autres spirales d’espèces où, sans surprise, la majorité des primates non humains sont théoriquement très « bien » placés, et où l’on trouve ensuite d’autres espèces potentiellement très sensibles plus inattendues telles certains <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2020.04.16.045302v1">cétacés, le grand fourmilier, les cervidés</a>, etc. pour lesquelles la prédiction moléculaire donne de grandes probabilités d’infection. Ce genre d’étude conforte d’ailleurs la mauvaise affinité des rongeurs de laboratoire, ainsi que des reptiles, amphibiens et oiseaux. Ce qui peut nous sembler réconfortant puisque cela limite d’autant le nombre d’hôtes et donc de réservoirs possibles dans le règne animal.</p>
<p>Ce travail théorique est séduisant, d’autant qu’il est rapide à mettre en œuvre et ne nécessite aucune expérimentation animale, aucune enquête de terrain. Nul besoin de se frotter au virus pour télécharger une base de données. Il est parfois <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2020.04.22.046565v3">complété par une approche <em>in vitro</em></a>, où l’on infecte des cellules animales et non les animaux eux-mêmes. Plus coûteuse, cette approche reste respectueuse de la règle des 3R (réduire, raffiner, remplacer) visant à limiter le recours à l’expérimentation animale directe. Mais lorsqu’on lit en détail les protocoles, on se rend compte des subtilités de méthodes qui font s’écarter l’étude un peu plus encore de la réalité <em>in vivo</em> : au lieu d’infecter la cellule de l’animal X avec des virus SARS-CoV-2 humains, on infecte une cellule chimérique modifiée par un autre virus, la forçant alors à exprimer le récepteur ACE2 de l’animal X. Puis on la bombarde de protéines synthétiques virales « S » (sans virus) pour déterminer le taux d’accrochage…</p>
<p>Certes, mais les enseignements de l’informatique et de la culture cellulaire résistent-t-il à l’épreuve de la nature ? Pas vraiment. Réduire la complexité de l’infection virale au seul moment de son accroche sur la cellule hôte, au motif qu’il s’agit d’une étape obligatoire et limitante, ne fonctionne pas toujours bien.</p>
<p>Dans <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2020.04.16.045302v1">certaines études</a>, on peut lire par exemple que le furet ou le vison ont des probabilités jugées « faibles » ou « très faibles » de connexion sur le récepteur. Plusieurs <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-020-17367-2">études expérimentales</a> sur le furet et les cas des élevages de dizaines de milliers de visons américains en Europe (Espagne, Danemark, Pays Bas) prouvent au contraire qu’une proximité avec un humain positif permet l’infection de l’animal, la survenue de signes cliniques, l’excrétion virale et la transmission à d’autres congénères. De même, la roussette d’Égypte a été infectée expérimentalement alors que les prédictions rendaient peu probable sa réceptivité, comme bon nombre d’autres chauves-souris frugivores.</p>
<p>Parmi les félidés sauvages, on ne compte depuis 10 mois de pandémie que <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2020.07.22.213959v1">quatre tigres, trois lions</a>, un <a href="https://www.oie.int/wahis_2/public/wahid.php/Reviewreport/Review?page_refer=MapFullEventReport&reportid=35399&newlang=fr">puma</a> et récemment un <a href="https://promedmail.org/promed-post/?id=7915683">nouveau tigre</a> positifs (tous guéris) ; tous les cas supposés chez les tigres sauvages ont été infirmés. Les fauves de zoo ont été infectés par des soigneurs positifs en l’absence de mesures barrière, et pourtant ces espèces ont une position “intermédiaire” dans le gradient de probabilité des études <em>in silico</em>, inférieure par exemple aux scores du renne ou des bisons.</p>
<h2>Alors, quelle place pour l’animal ?</h2>
<p>Le problème qui semble se dessiner à travers tous les microscopes braqués sur le récepteur ACE2 des mammifères est le suivant : ça peut marcher. Il semble que le virus puisse théoriquement se lier à cette enzyme dans un très large panel d’espèces de mammifères, y compris celles que l’homme a volontairement multipliées autour de lui, comme les animaux domestiques (carnivores, mais aussi <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/jmv.25817">bovidés</a>). </p>
<p>Une autre catégorie de publication naît depuis quelques mois, celles des scénarios catastrophes sur la création silencieuse de réservoirs animaux : et si le virus mutait et contaminait les bovins, <a href="https://www.thecattlesite.com/news/55880/friedrichloefflerinstitut-tests-susceptibility-of-cattle-to-covid19/">pour le moment très peu sensibles</a> ? Et si la faune aquatique <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2020.08.13.249904v1">se contaminait à force d’exposition à nos eaux de rejets</a> riches en particules virales ?</p>
<p>Jusqu’ici, les infections <em>in natura</em> et expérimentales semblent plutôt rassurantes sur le fait que l’infection chez les animaux ne soit pas aussi immédiate qu’entre humains, avec des signes cliniques bien plus modérés (voire absents) et des excrétions faibles en doses et courtes dans le temps.</p>
<h2>Le cas particulier du vison</h2>
<p>Aujourd’hui, seul le cas des élevages de visons d’Amérique implique une circulation et une persistance importante du virus entre les animaux, ainsi qu’une suspicion de passage <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7403642/">exceptionnelle de l’animal vers l’homme</a>. La réaction humaine n’est alors pas originale : au nom du risque, les animaux sont abattus aux Pays-Bas, en Espagne et aujourd'hui en France… Désormais que plus de 3 millions de ces mustélidés ont été tués en raison du Covid-19.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1324313009485836295"}"></div></p>
<p>Même le Danemark, qui avait prôné cet été une approche moins radicale, se retrouve dépassé et en <a href="https://www.reuters.com/article/us-health-coronavirus-denmark-mink/denmark-to-cull-up-to-one-million-mink-due-to-risk-of-coronavirus-contagion-idUSKBN26N1VF">vient à ces mesures extrêmes</a>. Les visons ne meurent pas du virus (leur mortalité est de l’ordre de 3 pour 1000), mais de la main de l’homme. </p>
<p>L’élevage industriel de vison est donc le seul cas actuel avéré, anthropogène, où l’on suspecte une circulation inter-animale active et rapide. Depuis novembre, c’est aussi le seul cas où l’on a détecté que cette survie prolongée du virus pourrait avoir conduit à l’apparition de mutations (sur la fameuse protéine « S »). Ce qui fait craindre à certain que ce type de mutations n’ait des conséquences sur l’efficacité vaccins en cours de développement. La Première Ministre Danoise <a href="https://www.facebook.com/mettefrederiksen.dk/posts/10158624245052719">Mette Frederiksen</a> l’a annoncé au cours d’une conférence de presse : pour limiter le risque, l’entièreté des visons du Danemark seront sacrifiés <a href="https://medicalxpress.com/news/2020-11-denmark-cull-millions-minks-mutated.html">ce mois-ci</a>. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1324095151984312324"}"></div></p>
<p>Un principe de précaution qui fera grimper la funeste facture pour ces mustélidés à 20 millions d’euthanasies. Le chiffre est fort et, au passage, fait subitement prendre conscience au citoyen européen que 63 % de la production mondiale de fourrure de cette espèce vient de l’Union européenne.</p>
<h2>Zoonose ou « retro-zoonose » ?</h2>
<p>En dehors des cas des visons en élevage, le concept de zoonose est désormais mis à mal par l’absence de preuve de passage régulier de l’animal vers l’homme, et se précise alors plutôt en celui de « rétro-zoonose », scénario où l’homme devient le réservoir infectant pour l’animal. Il pourrait alors devenir un risque supplémentaire pesant sur les populations animales menacées qu’il tentait justement de sauvegarder comme les gorilles, les orangs-outangs, ou encore les furets à pied noir. </p>
<p>Les rôles s’inversent et l’homme ajoute le risque infectieux à l’arsenal déjà bien fourni qu’il détenait pour nuire à la biodiversité animale. Ce n’est d’ailleurs par la première fois que l’homme transmet l’un de ses coronavirus : en 2016, l’écotourisme autour des chimpanzés du parc national de Taï en Côte d’Ivoire, fut à l’origine de la transmission de HCoV-OC43, coronavirus très courant dans le syndrome du rhume, à une population de chimpanzés, chez lesquels les signes cliniques restèrent heureusement aussi léger que pour leurs cousins humains.</p>
<p>Malgré le poids de ces risques croisés, l’animal parvient encore à quitter le seul cercle épidémiologique pour seconder l’être humain dans sa bataille contre cette pandémie et il continue à pouvoir l’aider :</p>
<ul>
<li><p>Le chien apprend ainsi à détecter les malades du Covid-19 comme il le fait avec la tuberculose, la malade de Parkinson ou certains cancers. Une équipe de l’<a href="https://www.vet.upenn.edu/about/press-room/press-releases/article/penn-vet-launches-covid-19-canine-scent-detection-study">université vétérinaire de Pennsylvanie</a> et une autre de <a href="https://www.europe1.fr/societe/des-chiens-entraines-a-reconnaitre-une-eventuelle-odeur-du-covid-19-3965964">l’école nationale vétérinaire de Maisons-Alfort</a> forment en ce moment des chiens à cette détection, <a href="https://www.theguardian.com/world/2020/sep/24/close-to-100-accuracy-airport-enlists-sniffer-dogs-to-test-for-covid-19">l’aéroport d’Helsinki</a> les utilise déjà dans les aérogares. Reste à savoir comment éviter la contamination du chien lui-même lors de ces investigations olfactives.</p></li>
<li><p>Les chauves-souris révèlent des mécanismes de modulation inflammatoire inédits. Avec les mêmes armes que notre système immunitaire (interféron, anticorps..), elles parviennent à ne garder que quelques exemplaires viraux sans être malades, en évitant l’invasion et la mort cellulaire. Leur immunité contourne bien soigneusement le piège de l’orage cytokinique, souvent mortel à l’espèce humaine.</p></li>
<li><p>Après « humanisation », l’homme fait en sorte que la souris recalibre son système immunitaire pour produire des anticorps contre ce virus qui ne l’affecte normalement pas. Parmi plus de 200 anticorps différents produits, un candidat qui se bloque sur la cible a été retenu pour intégrer un cocktail thérapeutique, en raison de son efficacité à bloquer la région « RBD » du virus, l’empêchant de lier à la cellule hôte. L’un des hôtes célèbres qui bénéficie déjà de cette aide murine n’est autre <a href="https://www.sciencemag.org/news/2020/10/heres-what-known-about-president-donald-trump-s-covid-19-treatment">que l’actuel locataire de la Maison-Blanche</a>.</p></li>
<li><p>Encore plus inattendu, un camélidé (le Lama) démontre les capacités de son système immunitaire humoral à fabriquer de redoutables anticorps contre cette fameuse glycoprotéine « S » virale. Déjà objectivé lors d’essais vaccinaux sur le SARS-Cov-1 et le MERS, cette production d’anticorps (dits « VHH ») capte l’attention des chercheurs, car ils semblent capables de vraiment neutraliser les betacoronavirus, et leur petite taille moléculaire en fait de bons candidats pour des applications locales au plus près des voies d’entrée virales (ex : spray nasal).</p></li>
</ul>
<p>Si cette pandémie est souvent l’occasion de remettre en question les schémas d’interaction entre l’homme et l’animal, pointant du doigt la surexploitation et l’envahissement de l’habitat du premier par le deuxième, il semble aussi être temps de sortir de notre vision purement épidémiologique de l’animal où il n’est que vecteur, réservoir, hôte.. Il peut aussi être une inspiration, un auxiliaire, ou juste un support. Et le vétérinaire de se demander : si c’était au tour des animaux de se soucier de l’homme au nom de la biodiversité animale, feraient-il tant de cas des 0.00015 % de mortalité chez notre espèce ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138279/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexis Lécu ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que la présence du virus été détectée dans un élevage de visons en France, faisons le bilan de ce que l’on sait des liens entre humains et animaux pendant cette pandémie.Alexis Lécu, Docteur Vétérinaire, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1408692020-06-23T20:50:23Z2020-06-23T20:50:23ZLes aliments « ultratransformés » sont aussi très mauvais pour la planète<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/343520/original/file-20200623-188882-1ph5wks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La malbouffe s’accompagne d’une gigantesque production de déchets. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le concept d’aliments ultratransformés, devenu familier depuis son introduction par Carlos Monteiro (chercheur en nutrition et santé publique à l’université de Sao Paulo) en 2009-2010, a depuis fait l’objet de nombreux articles montrant <a href="http://www.fao.org/3/ca5644en/ca5644en.pdf">leur impact négatif sur la santé des consommateurs</a>. En bref, les aliments ultratransformés sont caractérisés par la <a href="https://theconversation.com/aliments-ultratransformes-de-quoi-parle-t-on-117065">présence d’ingrédients et/ou additifs « cosmétiques »</a> (purifiés et/ou de synthèse) pour modifier – souvent exacerber – goût, couleur, arôme et texture].</p>
<p>Mais il faut aussi souligner l’impact plus global de la production et de la consommation de ces produits. Si la durabilité des systèmes alimentaires est menacée aujourd’hui par un <a href="http://www.fao.org/3/ca6640en/ca6640en.pdf">excès de calories d’origine animale</a>, elle l’est également, et c’est bien moins connu, par les calories ultratransformées. C’est déjà le cas dans les pays occidentaux et, de plus en plus, dans les pays émergents où les aliments d’origine animale et ultratransformées sont en constante augmentation.</p>
<p>Comparée aux pays en développement ou émergents, la consommation d’aliments ultratransformés (AUT) est plus élevée dans les pays occidentaux <a href="https://iris.paho.org/bitstream/handle/10665.2/7699/9789275118641_eng.pdf">(respectivement <100kg contre 200-300kg/an)</a> ; mais le taux de croissance des ventes dans les pays émergents s’avère élevé : <a href="https://iris.paho.org/bitstream/handle/10665.2/7699/9789275118641_eng.pdf">70-100 %</a> quand la croissance mondiale est de 44 % pour la période 2000-2013. Avec 29,2 %, les pays d’Asie et du Pacifique possèdent la part de marché la plus élevée pour les AUT. En France, la consommation quotidienne de calories ultratransformées <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/public-health-nutrition/article/contribution-of-ultraprocessed-foods-in-the-diet-of-adults-from-the-french-nutrinetsante-study/DAD2E5364AEC9B6424644403258F9A1A">s’approche des 40 %</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le professeur Carlos Monteiro sur l’évolution de l’offre alimentaire. (FAO, 2019).</span></figcaption>
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<p>Rappelons ici que la dernière transition nutritionnelle a commencé dans les années 1950, après la Seconde Guerre mondiale pour culminer dans les années 1980 avec l’avènement du marketing, des grandes multinationales agroalimentaires et de l’hypertechnologie appliquée à nos aliments. Cette transition, largement ignorée, est cependant cruciale : elle marque le passage des « vrais » aux « faux » aliments, ces AUT aux matrices artificialisées ; l’avènement des AUT est concomitant de <a href="https://academic.oup.com/advances/article/9/6/655/5094771">l’explosion mondiale des maladies chroniques</a> – qui se sont progressivement substituées aux maladies infectieuses et de carence – et de la baisse puis la stagnation de l’espérance de vie en bonne santé.</p>
<p>La substitution progressive des aliments traditionnels par les AUT a été accompagnée d’une prévalence croissante de surpoids, d’obésité, de diabète de type 2 et de stéatose hépatique (ou « maladie des sodas »). Aujourd’hui, près de <a href="https://www.researchgate.net/publication/335924650_Ultra-processed_foods_A_new_holistic_paradigm">35 études épidémiologiques</a>, réalisées depuis 2010, confirment et complètent ces observations.</p>
<h2>Faibles coûts, élévages intensifs, pollutions</h2>
<p>Pour assurer un faible coût et cibler une consommation massive et standardisée à l’échelle mondiale – on pense aux hamburgers et nuggets des fast foods –, les calories animales des AUT conduisent à des élevages intensifs ; les animaux y sont élevés dans des conditions extrêmes, non respectueuses de leurs besoins et bien-être fondamentaux. En France, par exemple, <a href="https://www.boell.de/sites/default/files/latlasdelavivande_2.pdf">82 % des animaux sont élevés de manière intensive</a>, notamment les poulets, les lapins et les porcs (plus de 90 %).</p>
<p>La consommation et la production excessive d’AUT (dont les ingrédients sont majoritairement issus de monocultures intensives) ainsi que le suremballage associé à ces produits représentent une autre menace pour l’environnement avec la pollution (plastique, pesticides…), la déforestation (pour fournir le soja à l’alimentation animale) et les émissions de gaz à effet de serre qu’ils engendrent.</p>
<p>Il est intéressant à ce titre de reprendre les <a href="https://www.paho.org/hq/dmdocuments/2015/dietary-guides-brazil-eng.pdf">recommandations alimentaires brésiliennes de 2014</a> évoquant les AUT :</p>
<blockquote>
<p>« Des huiles, du sucre et d’autres matières premières bon marché pour les AUT créent des monocultures et des exploitations agricoles qui produisent pour l’exportation et non pour la consommation locale. L’agriculture intensive des matières premières dépend des pesticides et de l’utilisation intensive d’engrais et d’eau. La fabrication et la distribution de la plupart des AUT impliquent de longs trajets de transport, et donc une utilisation excessive d’énergie non renouvelable et d’eau, et l’émission de polluants. Tout cela se traduit par une dégradation et une pollution de l’environnement, une perte de biodiversité et un drainage et une perte d’eau, d’énergie et d’autres ressources naturelles. La production et la consommation entraînent également la création de grandes quantités de déchets et d’ordures, déversées dans des décharges dégoûtantes et dangereuses. Dans l’ensemble, les AUT constituent une menace sérieuse pour la survie durable de la planète. »</p>
</blockquote>
<p>Enfin, le procédé du « cracking » est extrêmement énergivore : il s’agit d’isoler certains ingrédients (sirop de glucose-fructose, huiles raffinées, isolats de protéines…) à partir des aliments bruts – soja, pois, blé, maïs, riz, pommes de terre, lait, œufs et viandes en tête –, de les distribuer ensuite à l’échelle planétaire pour qu’ils puissent être recombinés en AUT, se substituant à la nourriture locale, elle, peu transformée.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le cracking alimentaire. (Science & Vie, 2020).</span></figcaption>
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<h2>Une concurrence déloyale</h2>
<p>En raison de leur prix très bas, de leur palatabilité exacerbée et de leur forte attractivité – grâce à une démarche commerciale ciblée, notamment vers les plus jeunes –, les aliments ultra-transformés se substituent aux aliments locaux et traditionnels, tout particulièrement dans les pays émergents et en développement.</p>
<p>Une situation qui met en danger les petits agriculteurs, souvent contraints de « mettre la clé sous la porte » et de se déplacer vers les zones urbaines, <a href="https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2005-3-page-487.htm">alimentant les bidonvilles</a> : ce fut le cas pour les <a href="https://www.euractiv.fr/section/agriculture-alimentation/news/comment-lue-exporte-sa-crise-du-lait-vers-lafrique/">petits producteurs laitiers d’Afrique subsaharienne</a>, concurrencés de façon déloyale par les poudres de lait dégraissées excédentaires de l’Europe, vendues à des coûts dérisoires ; ou encore, les snacks sucrés, salés ou gras (chips, sodas, barres chocolatées) qui remplacent la « street food », plus traditionnelle et produite localement.</p>
<p>Comme l’a souligné la chercheuse Jessica L. Johnston dans une <a href="https://academic.oup.com/advances/article/5/4/418/4568624">analyse publiée en 2014</a>, cette situation est imputable aux subventions gouvernementales aux agriculteurs actuellement en vigueur aux États-Unis et dans certaines parties de l’Europe ; celles-ci « permettent aux pays développés de produire de grandes quantités d’aliments de base et ultra-transformés bon marché ». L’offre de ces aliments moins sains <a href="https://www.thechicagocouncil.org/publication/bringing-agriculture-table-how-agriculture-and-food-policy-can-play-role-preventing">faussent les marchés locaux</a> et dépriment la demande d’options alimentaires locales, plus chères, et souvent plus saines.</p>
<p>Évoquons enfin la dimension sociale, car ce sont les plus pauvres et les moins instruits qui consomment le plus d’AUT. Aux États-Unis, les aliments ultra-transformés sont près de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6558394/pdf/fnut-06-00070.pdf">62 % moins chers</a> que les aliments frais, non ou peu transformés. Par ailleurs, comme indiqué dans le guide brésilien alimentaire évoqué plus haut, la praticité, caractéristique des AUT, favorise la prise de repas dans des <a href="https://www.paho.org/hq/dmdocuments/2015/dietary-guides-brazil-eng.pdf">conditions plutôt isolées</a>, affectant les interactions sociales traditionnellement liées au partage des repas à base de vrais aliments.</p>
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<figcaption><span class="caption">La moitié de la population mondiale sera obèse dans 10 ans (Brut, 2020).</span></figcaption>
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<h2>Les alternatives existent !</h2>
<p>En plus de la praticité des AUT, il faut revenir sur la stratégie de commercialisation conduite par les grandes entreprises agro-alimentaires : celle-ci aboutit à une identité propre et mondialisée, comme pour les sodas ou les hamburgers, s’appuyant sur des promotions et slogans « agressifs » se déclinant en fonction des pays visés.</p>
<p>Cette identité créée repose sur une standardisation, fidélisant les consommateurs d’un même pays ou voyageant d’un pays à un autre, en leur assurant la constance des propriétés organoleptiques, les écartant ainsi potentiellement d’autres aliments traditionnels aux goûts moins standardisés. Avec, comme résultat, un éloignement de la culture et des traditions culinaires constaté notamment chez les plus jeunes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/alimentation-protegez-votre-sante-et-la-planete-grace-a-la-regle-des-3v-117033">Alimentation : protégez votre santé (et la planète) grâce à la règle des « 3V »</a>
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<p>N’oublions cependant pas un aspect positif de la normalisation des aliments introduite par les industries agro-alimentaires : elle permet un nécessaire et strict contrôle toxicologique et hygiénique, et une sécurité sanitaire permettant l’accès au marché mondial… mais qui s’est trop souvent faite au détriment du potentiel santé des aliments.</p>
<p>S’affranchissant de l’approche actuelle trop réductionniste sur les nutriments, nous avons développé la <a href="https://theconversation.com/alimentation-protegez-votre-sante-et-la-planete-grace-a-la-regle-des-3v-117033">règle des « 3V-BLS »</a> – végétal, vrai, varié, si possible bio, local et de saison – pour fournir des leviers d’action simples et holistiques afin de prévenir la dégradation des systèmes alimentaires due à l’excès de calories animales et ultra-transformées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140869/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anthony Fardet a reçu des financements de MOM en 2018. Il est membre du comité scientifique de Siga et expert pour Wuji & Co. Il est aussi membre des associations GREFFE, MiamNutrition et Holistic Care.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Edmond Rock ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si la durabilité des systèmes alimentaires est menacée aujourd’hui par un excès de calories d’origine animale, elle l’est également, et c’est bien moins connu, par les calories ultratransformées.Anthony Fardet, Chargé de recherche, UMR 1019 - Unité de Nutrition humaine, Université de Clermont-Auvergne, InraeEdmond Rock, Directeur de recherche, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1290342019-12-20T20:10:13Z2019-12-20T20:10:13ZPodcast : Foie gras et chapons, le parcours industriel de tous les risques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/307466/original/file-20191217-58315-zfflni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C491%2C3988%2C4017&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En cas d'épizootie comme la grippe aviaire, les éleveurs peuvent perdre leur production.</span> <span class="attribution"><span class="source">Hagen Simon / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Que seraient les repas de fêtes sans les produits typiques comme le foie gras ou encore les volailles dodues ? Ces produits, aujourd'hui accessibles à tous les prix, ont toutes les chances d'être sur vos tables fin décembre sans que vous ne vous soyez émus du sort des éleveurs, nombreux à produire la même chose pour un petit nombre d'entreprises de transformation et de distribution. Une configuration de marché que les économistes désignent par le terme barbare d'oligopsone et dans laquelle les producteurs ont de sérieuses chances d'y laisser des plumes…</p>
<h2>Pour aller plus loin</h2>
<p><strong>(Re)lisez l'article de François Lévêque « Saumon, foie gras et chapon » publié en décembre 2016</strong></p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"811112687077851136"}"></div></p>
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<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Sapin de Noël, saumon fumé et volailles : trois produits phares des fêtes de fin d'année sur lesquels les consommateurs devraient une nouvelle fois se ruer pour le réveillon 2019. Mais aussi trois produits particulièrement révélateurs des dynamiques de l'industrie et du commerce mondial de ces dernières décennies, comme vous l'explique François Lévêque, professeur d'économie à Mines ParisTech-PSL, dans cette série exceptionnelle de podcasts signés The Conversation France… Interviews menées par Thibault Lieurade, chef de rubrique Économie + Entreprise.</em></p>
<hr>
<p><em>Un grand merci à toute l'équipe du <a href="https://www.scandleparis.com">Scandle</a>, 68 rue Blanche dans le IX<sup>e</sup> arrondissement de Paris, pour l'accueil dans son studio, et à Julian Octz pour le visuel du podcast.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129034/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Lévêque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans ce secteur, le rapport de force face aux distributeurs reste très défavorable aux éleveurs, déjà exposés aux risques d'épizooties et aux frondes des défenseurs du bien-être animal.François Lévêque, Professeur d’économie, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1290302019-12-20T16:26:15Z2019-12-20T16:26:15ZPodcast : Le saumon, dans les remous de l’industrialisation et de la mondialisation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/307451/original/file-20191217-58329-1abrtys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C790%2C3744%2C2914&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les ventes des fines tranches roses qui se dégustent sur canapé triplent à l’occasion des fêtes de fin d’année.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Image Point Fr / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La coutume du saumon fumé sur les tables du réveillon reste relativement récente. Elle s’est imposée avec la domestication du saumon de l’Atlantique (<em>Salmo Solar</em>), il y a à peine un demi-siècle. Depuis, élevé en cage en Norvège ou en Écosse, le saumon ne remonte plus les rivières. En revanche, il franchit des milliers de kilomètres en camion avant d’être salé et fumé ou frais consommé…</p>
<h2>Pour aller plus loin</h2>
<p><strong>(Re)lisez l’article de François Lévêque « Mon beau saumon, roi des poissons » publié en décembre 2018</strong></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Sapin de Noël, saumon fumé et volailles : trois produits phares des fêtes de fin d’année sur lesquels les consommateurs devraient une nouvelle fois se ruer pour le réveillon 2019. Mais aussi trois produits particulièrement révélateurs des dynamiques de l’industrie et du commerce mondial de ces dernières décennies, comme vous l’explique François Lévêque, professeur d’économie à Mines ParisTech-PSL, dans cette série exceptionnelle de podcasts signés The Conversation France… Interviews menées par Thibault Lieurade, chef de rubrique Économie + Entreprise.</em></p>
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<p><em>Un grand merci à toute l’équipe du <a href="https://www.scandleparis.com">Scandle</a>, 68 rue Blanche dans le IX<sup>e</sup> arrondissement de Paris, pour l’accueil dans son studio, et à Julian Octz pour le visuel du podcast.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129030/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Lévêque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’industrie et le commerce et de ce poisson au cycle de vie si particulier s’inscrivent pleinement dans les grandes tendances de l’économie contemporaine.François Lévêque, Professeur d’économie, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1114422019-02-21T23:05:43Z2019-02-21T23:05:43ZL’intelligence artificielle va-t-elle mener l’élevage à la baguette ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/259552/original/file-20190218-56243-s9yw8r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">A l'étable.</span> <span class="attribution"><span class="source">Pexels</span></span></figcaption></figure><p>L’IA est le nouvel eldorado des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9ants_du_Web">GAFAM</a> dans l’objectif d’alimenter leurs modèles économiques aux dépens des usagers (voir par exemple le <a href="https://youtu.be/zHTBqFU-tfw">« 10 years challenge » de Facebook</a>). Lesquels perdent du même coup le contrôle de leurs données. Comment alors garantir que les données de l’agriculture de précision profitent à ceux qui les génèrent ? Les éleveurs 3.0 doivent être vigilants sur le partage de leurs données agricoles.</p>
<h2>Qu’est-ce que l’agriculture de précision ?</h2>
<p>L’agriculture de précision (<em>smart farming</em>) se développe avec plusieurs finalités : surveillance, protection et prévention en santé. Par exemple, prévenir la propagation des maladies en surveillant la toux des porcs, gérer plus tôt les périodes de quarantaine en cas d’épidémie, identifier plus précisément et plus rapidement un éventuel foyer d’infection. L’analyse en temps réel des données de comportement alimentaire et d’abreuvement permet de prédire si l’animal nécessite un suivi particulier. Dans le cadre d’une ferme autonome, les conditions de température et d’humidité de l’élevage sont analysées et la croissance des animaux observées pour déterminer à quel moment les expédier aux abattoirs.</p>
<p>Les technologies utilisées sont notamment la vision artificielle (par ordinateurs via caméras), la reconnaissance vocale (détection des cris pour lutter contre la mortalité des porcelets écrasés par leurs mères), les capteurs de température infrarouges puis le recoupement de ces données avec celles relatives aux déplacements issus de GPS. D’autres données sont générées par des drones et des machines autonomes équipées de multiples capteurs.</p>
<p>L’Asie est pionnière dans ce secteur. La Chine surveille ses <a href="https://www.futura-sciences.com/tech/actualites/intelligence-artificielle-intelligence-artificielle-secours-eleveurs-cochons-chinois-70226/">cochons</a> et la Corée ses <a href="http://koreajoongangdaily.joins.com/news/article/article.aspx?aid=3048442">poules</a> grâce aux nouvelles technologies. On se souvient qu’en 2016, la Corée avait dû éliminer 33 millions de poulets suite à une <a href="https://www.eurosurveillance.org/content/10.2807/1560-7917.ES.2018.23.7.18-00045">épidémie du virus H5N6</a>.</p>
<h2>Une explosion de données agricoles</h2>
<p>Les données ainsi collectées sont de nature très diverse : les stocks vivants, le terrain, les données agronomiques, ou sur le climat, les machines, les données financières et de conformité. Certaines sont des données à caractère personnel, d’autres sont dites sensibles, mais beaucoup sont d’ordre confidentiel pour le prestataire de services et le fournisseur des équipements agricoles. Ces données ont donc une importance économique pour les agriculteurs, les éleveurs et pour toute la chaîne de valeur.</p>
<p>Or, ces échanges croissants de données posent des challenges majeurs pour le secteur agro-alimentaire européen. Il pose des questions sur la protection des données, la propriété intellectuelle, l’attribution des données (souvent appelée à tort « propriété »), les relations de confiance et de pouvoir, le stockage, la durée de conservation, l’utilisation des données et leur sécurité. Les risques sont nombreux du point de vue de celui qui génère ces données : mésusage, pratiques commerciales déloyales, violation de droit de propriété intellectuelle… C’est bien pour cela que les agriculteurs et les éleveurs doivent être vigilants sur le partage de leurs données.</p>
<p>L’Internet des objets et le développement de l’intelligence artificielle se heurtent jusqu’à présent aux réglementations nationales visant à localiser les données dans une zone géographique ou un territoire précis à des fins de traitement des données ; ou à des exigences d’utiliser des moyens techniques qui sont certifiés ou agréés par un État membre en particulier. En même temps, la mobilité des données est freinée par des pratiques de fournisseurs qui rendent les utilisateurs captifs sur le plan technologique ou économique ce qui les dissuade de changer de prestataire.</p>
<h2>Un marché unique numérique des données non personnelles</h2>
<p>Les données à caractère non personnel incluent par exemple les données générées par des machines ou les données commerciales. Il peut par exemple s’agir d’ensembles de données agrégées utilisées pour l’analyse des méga-données, de données sur l’agriculture de précision qui peuvent aider à contrôler et à optimiser l’utilisation des pesticides et de l’eau, ou encore de données sur les besoins d’entretien des machines industrielles.</p>
<p>Ces données sont régies par le nouveau <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32018R1807&from=EN">règlement européen adopté en novembre 2018</a> visant justement à éliminer les obstacles à la libre circulation de ces données.</p>
<p>Entré en vigueur en décembre dernier, ce texte permet de dynamiser l’économie des données et le développement de technologies émergentes telles que l’intelligence artificielle, les produits et les services en lien avec l’Internet des objets et les systèmes autonomes et la 5G soulevant de nouvelles questions juridiques quant à l’accès aux données et à leur réutilisation, à la responsabilité, à l’éthique et à la solidarité.</p>
<p>Le règlement s’applique aux « ensembles de données agrégées et anonymisées utilisées pour l’analyse des mégadonnées, les données sur l’agriculture de précision qui peuvent aider à contrôler et à optimiser l’utilisation des pesticides et de l’eau, ou encore les données sur les besoins d’entretien des machines industrielles ». Il concerne aussi les données relatives aux personnes morales (financières ou d’exploitation), ou encore celles relatives à des produits.</p>
<p>Ce nouveau règlement permet de créer un marché unique numérique en interdisant les restrictions de localisation de données et en fixant le principe de libre accessibilité des données par les autorités nationales. Il prévoit la mise en place d’une politique de portage de ces données par la Commission européenne grâce à des codes de conduite en déterminant ses modalités : procédures, exigences techniques, délais et coûts, formats et supports de données disponibles, configurations informatiques requises et bande passante minimale du réseau, délai à prévoir avant le lancement de la procédure, durée pendant laquelle les données resteront accessibles, et les garanties d’accès aux données en cas de faillite du prestataire.</p>
<p>Ce texte entrera en application le 18 juin 2019. Toutes les organisations doivent donc l’intégrer rapidement et l’appliquer avec le RGPD lorsque des données mixtes (à caractère personnel ou non) sont utilisées. Encore une nouvelle mission pour le délégué à la protection des données ! L’articulation de ce texte avec le RGPD fera l’objet de « Lignes directrices » publiées par la Commission européenne.</p>
<h2>Un cadre juridique basé sur la liberté contractuelle</h2>
<p>Puisque les données ne font pas l’objet d’un titre de propriété, les droits d’accès et d’usage sur celles-ci sont fixés par contrat entre les parties : l’initiateur des données (celui qui les génère lui-même ou demande à un prestataire de le faire), le prestataire de services, le ou les utilisateurs et les tierces parties. Les conditions de collecte, traitement et partage de ces données doivent y être clarifiées en fonction des besoins des parties.</p>
<p>Une compensation doit être prévue pour l’initiateur des données au titre de l’usage ou de l’exploitation qui en est faite. Ces contrats devraient comprendre un glossaire (termes et définitions), l’identification des finalités de collecte, traitement et partage des données, les droits et obligations des parties (y compris l’effacement et la sécurité des données et l’obligation pour le prestataire de notifier une faille de sécurité), l’identification du logiciel ou application utilisé, le stockage et les mécanismes de transparence pour de nouveaux usages des données. Il s’agit donc d’un contrat complexe où les questions relatives aux données sont stratégiques : quels accès ? Quels contrôles ? Faut-il les anonymiser ou les pseudonymiser ? Quid du portage ?</p>
<p>Les responsabilités engagées y seront clairement identifiées du point de vue de l’initiateur des données ainsi que la protection des secrets commerciaux, et les droits de propriété intellectuelle (conditions de licence) des différentes parties prenantes dans la chaîne de valeur sans oublier l’assurance.</p>
<p>Pour ce marché qui, d’après <a href="https://www.businesswire.com/news/home/20171221005505/en/AI-Agriculture-Market-2017-2025---Focus-Precision"><em>Research and Markets</em></a>, atteindra 2,6 milliards d’ici 2025, les éleveurs <em>3.0</em> devront veiller à ne pas devenir des « vaches à lait » numériques et garantir la protection de leurs actifs.</p>
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<p><em>Nous en avons débattu mi-février à l’occasion du colloque <a href="http://idele.fr/no_cache/recherche/publication/idelesolr/recommends/colloque-lintelligence-artificielle-au-coeur-de-lelevage.html">« L’IA au cœur de l’élevage »</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/111442/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Les données agricoles sont un nouvel or vert. Attention à ne pas s’en faire déposséder.Nathalie Devillier, Professeur de droit, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1088572018-12-30T17:37:00Z2018-12-30T17:37:00ZEt l’os de poulet devint le symbole de l’anthropocène<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/250703/original/file-20181214-185252-w1shk7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=287%2C71%2C5703%2C3799&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Avec plus de 20 milliards d’individus, le poulet constitue l’espèce la plus importante parmi les vertébrés.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Nous habitons une planète de poulets. Ces animaux élevés pour leur viande pèsent à eux seuls trois fois plus que l’ensemble des oiseaux sauvages réunis. Et, au-delà même des oiseaux, il s’agit de l’espèce vertébrée la plus répandue sur Terre : elle compte 23 milliards d’individus vivants et constitue la viande la plus consommée dans le monde. </p>
<p>Elle est ainsi devenue un symbole frappant de l’<a href="https://theconversation.com/dawn-of-the-anthropocene-five-ways-we-know-humans-have-triggered-a-new-geological-epoch-52867">anthropocène</a> – cette nouvelle ère géologique caractérisée par l’impact écrasant des humains sur les processus géologiques terrestres. Le poulet tel que nous le connaissons a tellement évolué au regard de ses ancêtres, que ses os deviendront sans doute des fossiles de ce temps où les humains régnaient sur la planète.</p>
<p>Dans une récente étude publiée dans <a href="http://rsos.royalsocietypublishing.org/lookup/doi/10.1098/rsos.180325"><em>Royal Society Open Science</em></a>, nous avons comparé les os des poulets contemporains à ceux de leurs ancêtres de l’époque pré-romaine. Nos poulets actuels apparaissent radicalement différents : ils sont dotés d’un squelette surdimensionné, leur chimie cérébrale reflète l’homogénéité de leur régime alimentaire et la diversité génétique de l’espèce a significativement diminué. Le poulet actuel apparaît ainsi deux fois plus grand que le poulet médiéval. Le but de son élevage n’est autre qu’une prise de poids rapide.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/250010/original/file-20181211-76956-gjy7yh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/250010/original/file-20181211-76956-gjy7yh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/250010/original/file-20181211-76956-gjy7yh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1258&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/250010/original/file-20181211-76956-gjy7yh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1258&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/250010/original/file-20181211-76956-gjy7yh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1258&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/250010/original/file-20181211-76956-gjy7yh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1581&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/250010/original/file-20181211-76956-gjy7yh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1581&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/250010/original/file-20181211-76956-gjy7yh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1581&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un poulet âgé de cinq semaines, à côté de son ancêtre (la poule rouge « de jungle ») âgée de six semaines.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://rsos.royalsocietypublishing.org/lookup/doi/10.1098/rsos.180325">Bennett et al / Royal Society</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La vitesse de sa croissance s’est accélérée durant la seconde moitié du XXᵉ siècle : aujourd’hui, le poulet dit de chair grossit <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/14601725">cinq fois plus vite</a> que les poulets des années 1950. Ils sont par conséquent mûrs pour l’abattage à seulement cinq ou six semaines. La preuve de cette croissance extraordinaire est inscrite dans leurs os, qui apparaissent moins denses et souvent déformés. Il est poignant de constater que ces oiseaux ne survivraient pas s’ils sortaient de l’élevage industriel. Du fait de leur corps énorme, <a href="https://academic.oup.com/jas/article-abstract/90/6/2003/4764698">beaucoup d’oiseaux</a> meurent de problèmes cardiaques ou respiratoires lorsqu’ils vivent un mois de plus.</p>
<p>Le poulet moderne n’existe sous sa forme actuelle que par l’intervention humaine. Nous avons altéré leurs gènes pour faire muter le récepteur qui <a href="https://www.nature.com/articles/nature08832">régule leur métabolisme</a> : ces oiseaux ont ainsi faim en permanence, mangeant et grossissant plus rapidement. Leur cycle de vie est d’autre part entièrement contrôlé par la technologie humaine. Les poulets voient le jour dans des élevages à l’humidité et la température commandés par ordinateur.</p>
<p>Parmi les différents élevages – vaches, cochons, moutons – les poulets restent l’exemple le plus frappant de la biosphère moderne. Leurs os sont éparpillés dans les décharges et fermes dans le monde entier : il y a donc de grandes chances qu’ils témoignent de la façon dont notre planète et sa biosphère ont évolué, depuis l’ère pré-humaine à celle dominée par les humains et leurs <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1728-4457.2011.00450.x">animaux domestiqués</a>.</p>
<p>Si les humains ont élevé des poulets de manière sélective depuis leur domestication en Asie du Sud-Est il y a <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S027737911630107X">près de 6000 ans</a>, la vitesse et l’échelle du changement survenu au XXᵉ siècle vont bien au-delà de tout ce qui avait été observé dans le passé. Depuis les années 1950, la population de poulets a augmenté parallèlement à la croissance démographique, tout comme notre utilisation de carburants fossiles, plastiques et autres ressources : désormais, cet animal affaibli et à la vie brève compte plus de congénères qu’aucune autre espèce d’oiseaux dans l’histoire de la planète.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/249977/original/file-20181211-76971-1ib0tj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/249977/original/file-20181211-76971-1ib0tj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/249977/original/file-20181211-76971-1ib0tj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/249977/original/file-20181211-76971-1ib0tj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/249977/original/file-20181211-76971-1ib0tj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/249977/original/file-20181211-76971-1ib0tj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/249977/original/file-20181211-76971-1ib0tj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/249977/original/file-20181211-76971-1ib0tj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Contrôlés par les humains et leurs ordinateurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">David Tadevosian / shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Que nous réserve l’avenir dans de telles conditions ? Actuellement, la consommation de poulet ne cesse de croître : cette viande est en effet peu coûteuse, et beaucoup de personnes se détournent aussi du bœuf et du porc dans le but de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Il nous faut faire face à une hausse démographique dans un monde affecté par le changement climatique. Certains grands producteurs de poulet – comme Tyson Foods et Perdue Farms – ont surpris en investissant dans des <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2018-09-05/perdue-explores-non-meat-options-as-plant-protein-appetite-grows">protéines à base de plantes</a> pour nourrir leurs volailles. </p>
<p>Mais quelles que soient les orientations que nous prendront dans les décennies à venir, la trace de ce poulet conçu par l’homme demeurera gravé dans l’histoire. Les espèces intelligentes qui surgiront dans un lointain futur – des rats ou des méduses hyper-évolués, qui sait ? – auront entre les mains (ou les tentacules) un puzzle à reconstruire pour tenter de comprendre comment et pourquoi des millions de squelettes à croissance rapide reposent au milieu des débris technofossiles, issus des immenses décharges pétrifiées que nous auront laissé derrière nous… </p>
<p><br>
<em>Traduit de l’anglais par <a href="https://theconversation.com/profiles/nolwenn-jaumouille-578077">Nolwenn Jaumouillé</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108857/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Richard Thomas a reçu des financements du Arts and humanities research Council et de l’Archaeological Trust de la ville de Londres.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Carys Bennett, Jan Zalasiewicz et Mark Williams ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Dans quelques millions d’années, les os des poulets témoigneront de l’époque où les humains dominaient le monde.Carys Bennett, Honorary Fellow in Geology, University of LeicesterJan Zalasiewicz, Senior Lecturer in Palaeobiology, University of LeicesterMark Williams, Professor of Palaeobiology, University of LeicesterRichard Thomas, Reader in Archaeology, University of LeicesterLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1045242018-11-08T21:09:34Z2018-11-08T21:09:34ZPeut-on justifier éthiquement le régime carné ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/244823/original/file-20181109-116853-8kussl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">_La Boucherie_, du peintre italien Annibale Carracci (vers 1580). </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/ec/Annibale_Carracci_-_Butcher%27s_Shop_-_WGA04409.jpg">Wikipedia</a></span></figcaption></figure><p>Est-il possible de justifier éthiquement le choix de l’alimentation carnée ? Rude tâche que celle-ci, dans une société où, si presque toutes les formes de régime alimentaire sont permises, la cause végane – à savoir celle du végétarisme strict, n’acceptant la consommation d’aucun aliment animal ni de ses dérivés – se fait aujourd’hui fortement entendre, et exprime ses revendications <a href="http://www.francesoir.fr/societe-faits-divers/l214-des-actions-reussies-grace-des-militants-qui-infiltrent-les-abattoirs">tant par le verbe que par l’action</a>.</p>
<p>Manger de la viande dans une société certes démocratique, mais également en pleine transformation du point de vue de ses pratiques alimentaires et des valeurs qui les fondent, est-il encore éthiquement justifiable ?</p>
<h2>Argumentation éthique et goûts personnels</h2>
<p>Il est d’abord nécessaire de distinguer mon point de vue personnel – adepte de l’alimentation carnée – de celui que j’ai en tant que philosophe ; c’est-à-dire quelqu’un examinant les arguments qui sous-tendent les diverses opinions et prises de position, engagé dans un questionnement éthique inspiré par le rationalisme sceptique – cette pensée « inquiète » visant à trouver une « manière de nous rendre responsables de nos croyances et des actions qui en découlent », comme le <a href="https://www.cairn.info/revue-de-metaphysique-et-de-morale-2010-1-page-93.htm">souligne justement la philosophe Céline Denat</a>, spécialiste de David Hume.</p>
<p>Ces deux points de vue sont évidemment liés : si j’essaie de savoir s’il est éthiquement défendable de manger de la viande, c’est parce j’en mange. Toutefois, au moins sur le principe, je pourrais me livrer au même exercice même si tel n’était pas le cas – et il n’est d’ailleurs en rien certain que mon régime alimentaire soit immuable.</p>
<p>Je confesse de plus avoir entrepris de réfléchir à cette question justement parce que, en discutant avec des personnes végétariennes de diverses obédiences, j’ai commencé à soupçonner que mes goûts pouvaient être le fruit d’une mauvaise habitude ; et même à me demander s’il n’y avait pas comme une forme de barbarie inscrite dans ce dont j’ai hérité, en termes biologiques, sociologiques ou historiques.</p>
<p>À l’instar de la plupart des gens qui en consomment, je mange de la chair animale à la fois parce j’en ai le goût et l’habitude ; cela recouvre dans l’expérience courante, plusieurs choses distinctes.</p>
<p>J’observe, par exemple, que mon appétit et mes goûts culinaires sont accoutumés à ce type d’alimentation ; que je supporte et que mon estomac digère correctement la chair animale ; que sur le plan gustatif je trouve agréables certains aliments carnés, tandis que d’autres m’intéressent, du point de vue culturel ; que certains me font saliver lorsque je pense à eux ; et enfin que j’éprouve une forme de manque lorsque je n’en ai pas consommé depuis longtemps.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"776099257241645056"}"></div></p>
<h2>Un socle condamnable, neutre ou vertueux ?</h2>
<p>Ces éléments correspondent à quelque chose de subjectivement ou d’intimement vécu ; et même en réfléchissant attentivement, il n’est pas aisé de déterminer ce qui dans les préférences personnelles relève de la nature ou de l’éducation.</p>
<p>Indéniablement, les goûts alimentaires s’inscrivent dans la continuité quotidienne de l’expérience vécue et, à ce titre, ils représentent ce que Bergson dans <a href="https://www.puf.com/content/La_pens%C3%A9e_et_le_mouvant"><em>La Pensée et le mouvant</em></a> (1934) identifiait comme l’expression de la « conscience obscurcie » ou de la « volonté endormie ».</p>
<p>Il est également possible que le choix personnel d’un régime alimentaire dépende de déterminations naturelles qui précèdent les habitudes, et qu’il s’effectue par exemple en fonction du patrimoine génétique ou du type de groupe sanguin.</p>
<p>Toujours est-il que ces éléments ne constituent nullement une base solide pour une défense cohérente et argumentée de l’alimentation carnée du point de vue éthique. En tant qu’humain, on peut en effet être accoutumé à de très mauvaises habitudes, on peut également être tenté de les défendre parce qu’on y est attaché depuis longtemps ou bien parce qu’elles nous avantagent. Il est également possible que nous soyons poussés par notre nature à des penchants éthiquement condamnables.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1040272655180615680"}"></div></p>
<p>La distinction de départ apparaît tout de même importante car la question n’est pas ici de savoir si mes goûts alimentaires me conviennent personnellement ou me disposent à adopter un régime convenable pour ma santé – car ce qui n’est bon que pour moi ne revêt nullement une dimension éthique, du moins au sens fort de ce terme.</p>
<p>La question revient plutôt de décider s’ils reposent sur quelque chose qui est condamnable, neutre, ou vertueux du point de vue de mes relations au monde. Cela signifie, pour dire les choses simplement, dans le premier cas, que mes goûts sont susceptibles de causer un préjudice à quelqu’un ou qu’ils violent une règle ou une valeur sacrée ; dans le deuxième, qu’ils ne le font pas ; dans le troisième, que leur expression est profitable à la dignité ou au bien-être d’un autre que moi.</p>
<p>Pour décider de cela, et puisque le régime carné se trouve aujourd’hui attaqué, il est commode d’écouter la critique, de se tourner vers les arguments de ceux qui le dénoncent afin d’examiner s’il existe des raisons solides pour maintenir le régime carné.</p>
<p>Ces arguments se résument à deux classes : celle qui évoque la cause animale et celle qui renvoie à la dimension environnementale.</p>
<h2>Au nom de l’éthique environnementale</h2>
<p>Les arguments relatifs à la dimension environnementale s’appuient sur la science écologique ; celle-ci établit que l’impact sur l’environnement de l’alimentation carnée et de ses développements récents et prochains <a href="http://science.sciencemag.org/content/361/6399/eaam5324">peut engendrer des catastrophes</a>, tout particulièrement dans le contexte du changement climatique.</p>
<p>Cette première approche débouche un double constat : c’est sur le plan de l’éthique environnementale que le régime carné peut être éthiquement évalué, et sur ce plan il se trouve nettement critiquable.</p>
<p>Ce qui n’est que peu perceptible au niveau individuel du mangeur de viande correspond pourtant à un travers éthique, conformément au principe des actions agrégées. Si, du point de vue strictement individuel, le choix de manger de la viande paraît éthiquement peu coupable sur le plan environnemental, le fait que nous sommes des millions de personnes à goûter la chair animale est, lui, dommageable.</p>
<p>L’agrégation des actions individuelles conduit en outre la production de viande à prendre des formes et des proportions industrielles, suspectes pour des raisons de volonté de haut rendement d’être peu respectueuses à l’égard des ressources naturelles, comme à l’encontre des animaux élevés pour être consommés.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’impact de la viande sur l’environnement expliqué en 4 minutes. (<em>Le Monde</em>/YouTube, 2015).</span></figcaption>
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<p>Adopter un régime carné (surtout s’il n’est pas proportionné aux besoins personnels pour demeurer en bonne santé) s’avère donc éthiquement critiquable : cela conduit directement à appauvrir la nature et, indirectement, c’est se montrer indifférent à l’environnement.</p>
<p>Dans le même temps, cette conclusion se voit tempérée par le fait que ce qui se trouve mis en question, ce sont certaines formes de production et de consommation de viande animale plutôt que le régime carné en tant que tel : certains animaux sont, si je peux dire, environnementalement plus coûteux à élever que d’autres (par exemple le bœuf par rapport à la volaille).</p>
<p>Ce qui est également mis en question ici, c’est la production industrielle et ses artifices géants, qui, sous l’effet du principe des actions agrégées, amplifient au-delà du raisonnable le désir de consommation de viande. Une production respectueuse des capacités et des ressources de la nature et un régime alimentaire raisonnable rendraient probablement le régime carné compatible avec l’éthique de l’environnement ; la recherche de nourriture protéinée à base d’insectes paraît à ce titre une piste ici envisageable.</p>
<p>Nous devons ainsi conclure que, sur le principe au moins et à condition de respecter certaines conditions de production et de consommation, une défense du régime carné est possible sur le plan environnemental.</p>
<p>Les questions qui surgissent au terme de cet examen concernent plutôt la triple difficulté qu’il y a à modifier les habitudes alimentaires individuelles, à transformer le système industriel et à agir sur les pratiques collectives de consommation.</p>
<h2>Au nom de la cause animale</h2>
<p>Bien plus difficile à affronter paraît l’autre classe d’arguments déployés contre le régime carné, exprimés par les promoteurs de la cause animale.</p>
<p>Non seulement leurs arguments semblent éthiquement pertinents, mais encore la distinction établie plus haut semble plus que jamais difficile à maintenir : en considérant les arguments de la cause animale, le point de vue personnel, parce qu’il est émotionnellement déterminé, peut contaminer l’examen des raisons et des valeurs.</p>
<p>Les arguments qui concernent la souffrance animale sont évidemment les plus susceptibles de créer une telle confusion. Élevés dans des conditions parfois sordides, les animaux destinés à être mangés sont mis à mort de manière souvent brutale et cruelle, ce qui s’apparente à des assassinats, si ce n’est à de la torture.</p>
<p>Qui peut être insensible à cette barbarie organisée ?</p>
<p>L’empathie à l’égard des animaux paraît à cet égard, de la part des animaux humains, une attitude tellement normale qu’elle semble donner raison à Rousseau, lorsqu’il considérait dans son <em>Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes</em>, la pitié comme un sentiment naturel et inné :</p>
<blockquote>
<p>« C’est elle qui, dans l’état de Nature, tient lieu de Loi, de mœurs et de vertu, avec cet avantage que nul n’est tenté de désobéir à sa douce voix. »</p>
</blockquote>
<p>Certes, comme le <a href="https://www.cairn.info/revue-dix-huitieme-siecle-2006-1-page-463.htm">souligne le philosophe Paul Audi</a>, le caractère spontané de la pitié, véritable cri du cœur de l’homme naturel (non socialisé) ne peut valoir, pour l’humain tel qu’il est élevé dans le cadre des pratiques culturelles millénaires et complexes, comme une éthique rationnellement construite basée sur des valeurs justifiées.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1060097052607008768"}"></div></p>
<p>On peut constater, si l’on admet le postulat rousseauiste, que la présence en l’homme de la pitié naturelle rend très mystérieux le déni de la souffrance animale, tant en ce qui concerne l’élevage industriel que les modes traditionnels que sont la chasse et la pêche.</p>
<p>Ce déni, que l’on constate fréquemment de la part des mangeurs de chair animale, s’apparente du point de vue rousseauiste à une mise entre parenthèses de leur propre sensibilité, et elle interroge sur l’espèce humaine. Celle-ci apparaît comme profondément ambiguë dans son positionnement : à la fois carnassière et dotée de conscience, donc de scrupules, et de ce fait engagée dans la recherche du meilleur système possible (idéologique, industriel) pour faire taire ces derniers.</p>
<p>On reconnaît une position éthique à ceci que, tout en donnant du sens à l’action humaine, elle soucieuse de repérer et de proscrire les actes humains susceptibles de causer des préjudices à autrui. À cet égard, au-delà même de la souffrance que nous causons aux animaux que nous élevons, le fait de les tuer pour les manger paraît moralement injustifiable.</p>
<p>Défendre l’alimentation carnée revient à adopter un point de vue qui introduit une différenciation entre l’humain et l’animal au profit du premier, et il est difficile de ne pas reconnaître ici une attitude ouvertement spéciste. Le spécisme, selon Peter Singer, auteur en 1975 de <em>La Libération animale</em>, est l’équivalent pour les animaux du racisme envers les humains : ce terme désigne l’attitude qui consiste à privilégier la communauté dont on est membre (son genre, sa communauté ethnique ou religieuse) par principe, sans raison, parce que c’est la sienne.</p>
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<figcaption><span class="caption">Interview de Peter Singer, auteur de « La Libération animale ». (Université Rennes 2/YouTube, 2016).</span></figcaption>
</figure>
<p>Il s’agit d’une sorte d’égoïsme collectif, qui s’exprime sous la forme d’une indifférence à autrui, indifférence éthiquement injustifiable (indifférence des blancs à l’égard de la condition des noirs, à celle des animaux non humains de la part des humains, à celle des femmes pour les hommes), ce qui représente comme l’élément de base pour une justification de la domination.</p>
<p>À cet égard, il est courant aujourd’hui d’assimiler les combats en faveur des droits des animaux à ceux qui sont menés contre le racisme et le sexisme ; tout se passe comme si l’on assistait à un <a href="https://www.cairn.info/revue-nouvelles-questions-feministes-2015-1-p-51.htm?1=1&DocId=91714&hits=2292+2291+2290">élargissement progressif de la catégorie d’égalité</a> entre les êtres vivants, qui rend légitime et possible les combats contre la discrimination et la domination.</p>
<p>On pourrait également émettre l’hypothèse que c’est en fonction de cette capacité à l’indifférence que l’éthique du <em>care</em> animal, qui devrait normalement s’imposer en vertu de notre disposition naturelle à la pitié, peine mystérieusement à le faire. On entend par <em>care</em> le soin ou la sollicitude qui servent à la fois de fondement et d’horizon pour la relation à autrui, d’après la terminologie morale adoptée aujourd’hui.</p>
<p>La théorie du <em>care</em> pour notre sujet apparaît d’autant plus importante qu’elle s’appuie sur la vulnérabilité des êtres, et que les animaux dont nous faisons nos délices sont soumis à nos conditions d’élevage et d’abattage. Le « changement de regard sur la vulnérabilité » qu’implique l’éthique du <em>care</em>, <a href="https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe1-2010-2-page-51.htm">souligne la sociologue Patricia Paperman</a> n’a manifestement pas, ou pas encore, touché la majorité des mangeurs de viande. On dirait que l’empathie du <em>care</em> ne vaut de manière éthiquement décisive qu’à l’égard des animaux de compagnie, ou domestiques, et non à l’égard des animaux élevés pour être mangés.</p>
<p>Du point de vue de la classe d’arguments exposés par les promoteurs de la cause animale, il y a donc de bonnes, et même d’excellentes raisons éthiques pour se résoudre à suspendre le régime carné. Pour autant, il est possible de le maintenir, à certaines conditions.</p>
<h2>À quelles conditions peut-on justifier éthiquement le régime carné ?</h2>
<p>Le maintien du régime carné est susceptible de s’effectuer, me semble-t-il, sous deux modalités distinctes et contradictoires l’une avec l’autre : soit dans le cadre d’un rapport industriel et inconscient à la nourriture, soit dans le cadre d’un rapport conscient et compatible avec l’éthique.</p>
<p>La première attitude concerne les conditions ordinaires de la vie moderne : faire ses courses en hypermarché met l’acheteur en relation avec de la viande pour ainsi dire désanimalisée, puisque le corps de l’animal que l’on achète pour le consommer a été préalablement mis en pièces sur une chaîne de production, bien avant d’être présenté dans le rayon de la grande surface, et qu’il y est exposé de manière anonyme.</p>
<p>Cet anonymat est générique, ou exponentiel : personne ne sait quel animal il mange ; dans les lots vendus, il y a le plus souvent des morceaux de plusieurs individus différents ; et, l’ignorance aidant, beaucoup de gens ne savent pas à quelle partie du corps de l’animal se rattache exactement telle ou telle pièce consommée.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/244325/original/file-20181107-74769-by6w8v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/244325/original/file-20181107-74769-by6w8v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/244325/original/file-20181107-74769-by6w8v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/244325/original/file-20181107-74769-by6w8v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/244325/original/file-20181107-74769-by6w8v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/244325/original/file-20181107-74769-by6w8v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/244325/original/file-20181107-74769-by6w8v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Étal de viande dans un supermarché.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/en/supermarket-shopping-food-market-109863/">Karamo/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Comme une amplification démesurée du rôle traditionnellement dévolu à l’art culinaire, mais qui irait jusqu’au dévoiement, le travail de l’industrie œuvre à un processus d’invisibilisation de l’animal.</p>
<p>La transformation du sujet animal en produit carné apparaît comme la condition matérielle de possibilité de l’insensibilité morale du consommateur. Par suite, lorsque l’industrie se mue en doctrine industrialiste, rigoureusement parlant celui-ci ne mange plus de la viande mais se nourrit de protéines animales, au sein d’un système qui, de l’élevage et de l’abattage jusqu’au conditionnement marketing, est agencé pour produire l’oubli de la condition des bêtes. C’est ce qu’a très bien <a href="https://theconversation.com/regards-croises-sur-lhumanite-carnivore-92526">souligné Florence Burgat</a> dans son dernier livre, <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/l-humanite-carnivore-florence-burgat/9782021332902"><em>L’Humanité carnivore</em></a>, qui constitue une véritable analytique du régime carnivore dans son contexte industriel.</p>
<p>Tout se passe comme si l’industrialisme visait à gommer la honte d’être mangeur de viande, dans une stratégie fallacieuse de recherche du confort moral à n’importe quel prix, d’ailleurs vouée à l’échec car aucun carnivore humain n’est à l’abri d’une prise de conscience, d’autant plus violente qu’elle a été différée.</p>
<p>Tout au contraire, la seconde attitude fait paradoxalement droit à la présence pleine et entière de l’animal dans la consommation de viande. Elle repose sur la reconnaissance des vertus de l’animal tué pour être incorporé et peut même engendrer une forme morale de reconnaissance, un respect qui se fait ressentir comme empathie à l’égard de celui envers lequel nous sommes redevables.</p>
<p>Ainsi que l’<a href="https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2002-2-page-245.htm?1=1&DocId=353726&hits=2267+2266+2227+2226+2131">avance la sociologue Jocelyne Porcher</a>, dans cette manière d’envisager le régime carné, consciente et assumée, il s’agit au contraire de s’associer à une communauté d’échanges, qui englobe l’élevage, l’abattage, la transformation et la préparation de la viande. Dans la conscience que chaque humain est redevable aux animaux consommés.</p>
<p>Cette attitude implique un travail de compréhension de l’humain, cet héritier contemporain d’une lignée omnivore, à partir de sa différence avec l’animal non humain, différence qui n’apparaît pas comme la négation de ce dernier, mais comme le contraire de sa négation.</p>
<p>Car il s’agit bien de souligner la présence de l’animal dans l’alimentation, ce qui peut prendre plusieurs formes.</p>
<p>D’une part, elle peut impliquer une ritualisation – faut-il aller jusqu’à parler d’une sacralisation ? – de plusieurs phases du processus, de l’élevage à la consommation en passant par la mise à mort de la bête. On parle ici d’une série d’actes spécifiquement humains, particuliers à notre espèce : si toutes les espèces animales en mangent d’autres, très rares sont les espèces qui en élèvent d’autres pour les consommer. L’espèce humaine, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%A9t%C3%A9rotrophie">hétérotrophique</a>, est à la fois omnivore-carnivore et socialement organisée dans ses modes de production de l’alimentation carnée. Cette spécificité engendre une forme de gravité, qui a des effets en termes de responsabilisation. Manger de la viande en conscience implique ainsi certaines formes d’obligation, par exemple celle de demander pardon à l’animal tué avant de le consommer, et de le remercier parce qu’il nous nourrit ; ou celle de considérer la viande comme un met impossible à banaliser en produit d’alimentation courante.</p>
<p>Sur ces aspects, la pédagogie dès l’enfance doit sans aucun doute jouer un rôle considérable, et l’on pourrait souligner le rôle des cantines scolaires comme lieu d’apprentissage de la civilité à l’égard des animaux consommés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"936220947023089664"}"></div></p>
<p>De l’autre, elle souligne le rôle de la culture, ou mieux encore celui des cultures dans la transformation de l’animal en viande. Et de ce fait elle implique l’effort d’assumer la mise à mort d’êtres vivants par la compréhension anthropologique de l’acte de consommer – cette attitude serait donc incomplète sans la curiosité, l’intérêt, voire le scrupule portés à la connaissance des opérations successives d’élevage, d’abattage, de cuisine et d’art de la table.</p>
<p>Les conditions infamantes d’incarcération et d’alimentation, les formes cruelles d’abattage, la cuisine non respectueuse des aliments, la présentation inélégante ou irrespectueuse des pièces de viande sur l’étal ou à table, toutes ces choses sont en effet éthiquement condamnables, elles doivent être dénoncées et combattues. C’est là un type d’engagement qui fait partie intégrante de la responsabilité de l’humain carnivore.</p>
<p>La première attitude, consubstantielle à la vie industrialisée et érigeant en règle l’indifférence au monde (car il est transformé en produit consommable), se voit aujourd’hui heureusement mise à mal par le travail de conscience qui est en train de s’opérer sous l’effet de l’action des défenseurs de la cause animale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1058482199601823744"}"></div></p>
<p>La seconde, parce qu’elle s’érige contre les formes industrialistes d’oubli organisé de la condition animale et humaine, se félicite de cette prise de conscience, et invite à une relation raisonnée et respectueuse à l’alimentation.</p>
<p>Nous pouvons donc répondre à notre question initiale : une éthique du régime carné apparaît possible. Elle peut se fonder sur cette seconde attitude, et, en tant que telle elle ne peut jamais se figer dans une position de principe qui serait acquise une fois pour toutes ; elle se confond plutôt avec la tâche, continue et difficile, qui vise à donner un sens humain à l’action et à la relation au monde.</p>
<hr>
<p><em>L’auteur tient à remercier Laurent Bègue, Bertrand Favier, Fabienne Martin-Juchat et Christophe Ribuot pour leurs remarques qui ont fait progresser sa réflexion</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104524/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Ménissier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une réflexion à la fois personnelle et philosophique sur le fait de manger de la viande au XXIᵉ siècle.Thierry Ménissier, Professeur de philosophie politique, Grenoble IAE Graduate School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1047232018-10-15T21:38:11Z2018-10-15T21:38:11ZPorcelet, bactéries et antibiorésistance : un trio dangereux pour la santé humaine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/240451/original/file-20181012-109219-1fp9hfa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=151%2C11%2C1335%2C824&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les bactéries résistantes aux antibiotiques présentes dans les élevages animaux peuvent contaminer l'Homme.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/5rHeT4s5gYs">Greg Ortega / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Chaque année en Europe, 25 000 personnes meurent des suites d’infections dues à des bactéries pathogènes multirésistantes aux antibiotiques.</p>
<p>La communication des pouvoirs publics, et notamment le célèbre slogan <a href="https://eurekasante.vidal.fr/medicaments/antibiotiques/antibiotiques-pas-automatique.html">« Les antibiotiques c’est pas automatique »</a>, a permis de modifier les comportements : entre 2000 et 2015, la consommation humaine d’antibiotiques <a href="https://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/188a6b5cf9cde90848ae9e3419bc3d3f.pdf#page=4">aurait baissé de 11,4 %</a>, limitant ainsi le <a href="https://www.ansm.sante.fr/content/download/98417/1249747/version/3/file/Resistance+Antibiotiques-nov2016.pdf">risque d’apparition de souches bactériennes résistantes</a>.</p>
<p>On oublie toutefois souvent que 80 % des antibiotiques produits dans le monde ne sont pas utilisés en santé humaine, mais sont destinés aux animaux. Or leur utilisation a beaucoup moins diminué, et les résistances qui émergent dans les élevages peuvent se propager à l’Homme… Exemple avec le cas du cochon.</p>
<h2>Le porcelet, un exemple emblématique</h2>
<p>Selon Benoît Quéro, vétérinaire et maire de la commune bretonne de Pluméliau, dans le canton de Pontivy, le porcelet est un très bon exemple pour comprendre les enjeux de l’antibiorésistance chez l’animal. Pourquoi s’intéresser au porcelet ? Parce que la viande porcine représente 46 % de la viande consommée en France, et parce que l’industrie porcine <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/ANMV-Ra-Antibiotiques2016.pdf#page=15">est la plus grande consommatrice d’antibiotiques</a>.</p>
<p>Chez les porcelets, les pathologies digestives infectieuses sont responsables de forts taux de mortalité, ce qui justifie l’emploi d’antibiotiques dans les élevages. Mais les jeunes porcs sont aussi les premières victimes de l’antibiorésistance.</p>
<p>En effet, comme tout jeune mammifère, le porcelet possède, durant les premiers temps de sa vie, un système immunitaire encore immature. Étant donné qu’il hérite de la flore vaginale de sa mère et consomme son lait, si celle-ci est contaminée par des bactéries résistantes, elles infectent aussi le nouveau-né. Résultat : souvent, les porcelets sont atteints de pathologies digestives résistantes, véritable casse-tête pour les vétérinaires.</p>
<p>Cette antibiorésistance est un enjeu majeur non seulement pour la santé animale, mais aussi pour la santé humaine. En effet, de nombreuses bactéries pathogènes sont communes à l'Homme et à l'animal, et les mêmes familles d'antibiotiques sont donc
utilisées <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/330/synthese-ecoantibio-bd.pdf?1539673169#page=10">en médecine vétérinaire et en médecine humaine</a>…</p>
<h2>Une course contre la montre</h2>
<p>Lorsqu’un excès de mortalité lié à des affections digestives est constaté dans un élevage, la procédure habituelle est de recourir à une autopsie et une analyse microbiologique. Dans ce genre de situation, les éleveurs veulent des traitements rapides et efficaces, or ce processus prend en moyenne 72 heures, un laps de temps durant lequel la situation peut sérieusement empirer. Il est difficile, en attendant l’arrivée des résultats, de laisser les éleveurs sans aucune prescription pour leurs bêtes malades.</p>
<p>Pour les aider, les vétérinaires disposent d’un arsenal d’antibiotiques. Leur utilisation est méthodique et graduelle, d’autant plus que l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) conseille de <a href="https://www.anses.fr/fr/content/lantibior%C3%A9sistance">diminuer la prescription d’antibiotiques</a>, pour limiter l’émergence de résistances.</p>
<p>Souvent, le premier antibiotique prescrit pour soigner les pathologies digestives chez les porcelets est l’<a href="https://www.vidal.fr/substances/310/amoxicilline/">amoxicilline</a>. Cet antibiotique peu cher et facile à administrer est efficace contre plusieurs sortes de bactéries pathogènes, telles que les <a href="http://www.health.gov.on.ca/fr/public/publications/disease/ecoli.aspx">colibacilles (<em>Escherichia coli</em>)</a> ou les bactéries du genre <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/biosecurite-biosurete-laboratoire/fiches-techniques-sante-securite-agents-pathogenes-evaluation-risques/clostridium.html"><em>Clostridium</em></a>. Il permet dans de nombreux cas de résoudre le problème sans fragiliser outre mesure les animaux. Toutefois les bactéries <em>E. coli</em> présentent un fort taux de résistance à l’amoxicilline (59 %). Cet antibiotique continue néanmoins à être régulièrement utilisé en raison de son faible coût et son efficacité globale.</p>
<p>La résistance à la <a href="http://apps.who.int/medicinedocs/fr/d/Jh2919f/23.7.html">tétracycline</a> est également une source de préoccupation. Cet antibiotique n’est en général pas utilisé pour lutter contre les pathologies digestives, mais plutôt pour soigner les pathologies respiratoires. Son emploi entraîne toutefois des dommages collatéraux : le traitement par la tétracycline des pathologies respiratoires du porcelet provoque le développement, dans son système digestif, de souches d’<em>E. coli</em> résistantes (66 % de taux de résistance).</p>
<h2>L’importance du réseau de surveillance</h2>
<p>La résistance bactérienne ne se trouve pas forcément là où on l’attend. La résistance se transmet en effet facilement entre bactéries : les bactéries sensibles aux antibiotiques qui rencontrent des bactéries résistantes peuvent récupérer les gènes impliqués dans la résistance, et devenir elles aussi réfractaires aux antibiotiques.</p>
<p><iframe id="tc-infographic-302" class="tc-infographic" height="400px" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/302/08ee52544ed6946b9e0fbe14eae8ed585f1a73a2/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>À ce titre, les souches résistantes qui émergent dans le système digestif des animaux se retrouvent très facilement dans l’environnement, via les selles, où elles peuvent contaminer d’autres animaux ou transmettre leurs gènes de résistance à d’autres bactéries.</p>
<p>On comprend donc la nécessité de mettre en place un réseau de surveillance poussé et continu de l’antibiorésistance. En France ce réseau est appelé le réseau <a href="https://www.resapath.anses.fr/">Resapath</a>. Il est constitué de plus de 70 laboratoires, lesquels effectuent chaque année plus de 50 000 <a href="http://acces.ens-lyon.fr/acces/thematiques/immunite-et-vaccination/ressources-logicielles/college/point-scientifique-antibiotiques-et-antibiogrammes">antibiogrammes</a>.</p>
<h2>Légiférer pour contenir l’antibiorésistance</h2>
<p>La puissance de certains antibiotiques comme ceux appartenant à la famille des <a href="https://www.msdmanuals.com/fr/professional/maladies-infectieuses/bact%C3%A9ries-et-m%C3%A9dicaments-antibact%C3%A9riens/c%C3%A9phalosporines">céphalosporines</a> ou des <a href="http://www.em-consulte.com/en/article/277393">carbapénèmes</a>, et leur impact sur le microbiote (ensemble des espèces microbiennes présentes dans un environnement donné) est bien supérieur à celui de l’amoxicilline.</p>
<p>La prescription de certains d’entre eux, considérés comme des substances <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=34F461A0EA59A4FE7E47B2996214EB47.tplgfr27s_3?cidTexte=JORFTEXT000032291325&dateTexte=29990101">antibiotiques critiques (AIC)</a>, est restreinte par la loi. Elle devient de ce fait très difficile, le vétérinaire devant par exemple prouver qu'il s'agit du seul antibiotique auquel la bactérie est sensible…</p>
<p>L’antibiorésistance semble se stabiliser ces dernières années grâce à une prise de décision gouvernementale (vente d’antibiotiques uniquement sous prescription vétérinaire) et au respect de bonnes pratiques de la part de l’industrie pharmaceutique, de la profession vétérinaire et des exploitants agricoles.</p>
<p>Toutefois, si la stratégie pour <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/synthese_feuille_de_route_gouvernementale_antibioresistance_17112016.pdf">combattre l’antibiorésistance</a> en France (<a href="http://agriculture.gouv.fr/le-plan-ecoantibio-2-2017-2021">plan Ecoantibio 2</a>) et en Europe est vertueuse, le problème est loin d’être réglé. D’autant moins que les bactéries ne reconnaissent pas les limites administratives…</p>
<h2>Antibiorésistance sans frontière</h2>
<p>Dans les pays extra-européens, la démarche qui conduit au traitement antibiotique n’est pas toujours aussi vertueuse qu’en Europe.</p>
<p>Alors que la pression commerciale pousse à toujours produire moins cher, il n’existe souvent pas de structures législatives pour contenir l’antibiorésistance. Par ailleurs les traitements antibiotiques peuvent parfois s’obtenir sans prescription vétérinaire. Se met alors en place une logique commerciale qui aggrave l’antibiorésistance sur le long terme : lorsque les animaux tombent malades, les éleveurs ont tendance, pour limiter ses coûts de traitements, à utiliser directement les antibiotiques les plus puissants.</p>
<p>Cette situation conduit à un niveau de résistance élevé à des antibiotiques de haut niveau, classés critiques par l’OMS, dont l’usage est interdit ou fortement contraint en France. La situation est particulièrement préoccupante, puisque les résistances développées chez l’animal peuvent rendre inefficaces les antibiotiques destinés à l’être humain.</p>
<p>Dans ces pays plus laxistes, l’absence ou l’aléatoire des prescriptions vétérinaires expose en premier lieu les ouvriers agricoles, la population locale. Mais la menace concerne potentiellement toute la planète. Le monde est un vase clos, et les bactéries ne connaissent pas les frontières. L’antibiorésistance se propage avec les flux de personnes, d’animaux et de marchandises.</p>
<p>Malgré d’importants contrôles sanitaires, en février 2017 des bactéries résistantes aux <a href="https://www.msdmanuals.com/fr/professional/maladies-infectieuses/bact%C3%A9ries-et-m%C3%A9dicaments-antibact%C3%A9riens/les-carbap%C3%A9n%C3%A8mes">carbapénèmes</a> (famille d’antibiotiques interdite depuis 2016 pour les animaux de rente) ont été retrouvées en Belgique, dans des échantillons de viande de porc vendue au détail.</p>
<p>Par ailleurs, au-delà de ces mauvaises pratiques d’élevage et de ce manque de cadre administratif, notre propre comportement de consommation a un impact direct sur l’antibiorésistance. La demande en viande à faible coût, pour les plats transformés et les cantines scolaires par exemple, favorise ces mauvaises pratiques. Elle incite les exploitants extra-européens à perpétuer l’utilisation massive d’antibiotiques et à augmenter leurs dosages pour combattre l’antibiorésistance, laquelle, de ce fait, progresse toujours plus.</p>
<p>La prévention et la sensibilisation sont essentielles pour espérer briser le cercle vicieux de l’antibiorésistance.</p>
<h2>Sensibiliser grâce à la réalité virtuelle</h2>
<p>À l’occasion de l’édition 2018 de la <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fête de la Science</a>, l’équipe scientifique étudiante iGEM Paris-Bettencourt a présenté son expérience de réalité virtuelle « Maksim le Porcelet », développée en partenariat avec le Gamelab du CRI.</p>
<p>Cette expérience pédagogique présente l’histoire d’un petit porcelet atteint de diarrhée. Afin de le sauver, le public est miniaturisé, armé d’un pistolet-pipette à antibiotiques puis projeté dans colon de Maksim pour aller combattre les bactéries pathogènes, à l’échelle microscopique.</p>
<p><iframe id="tc-infographic-301" class="tc-infographic" height="400px" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/301/6a2613e731a73cec8bb09bffa28628c1e184d173/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le jeu est suivi d’une discussion sur les enjeux de l’antibiorésistance tels qu’expérimentés pendant l’expérience. La rencontre se termine par une petite explication sur projet de recherche fondamentale en biologie synthétique sur les <a href="http://docnum.univ-lorraine.fr/public/SCDPHA_T_2010_MICHEL_ANNE-SOPHIE.pdf">peptides antimicrobiens</a>, une famille de molécule alternative et prometteuse pour combattre l’antibiorésistance.</p>
<p>Un questionnaire avant/après a également été conçu, afin de récolter des données concernant l’opinion du public à propos de l’antibiorésistance, ainsi que pour améliorer l’expérience de réalité virtuelle.</p>
<hr>
<p><em>Sous la direction de leur professeur Edwin Wintermute, les étudiants de l'équipe iGEM Paris Bettencourt 2018 évoquent ici une expérience de réalité virtuelle sur l'antibiorésistance, « Maksim le Porcelet ». Ces travaux ont été retenus à l’occasion de la <a href="http://2018.igem.org/Giant_Jamboree">iGEM Giant Jamboree 2018</a>.</em></p>
<p><em>Ont également participé à ce travail Ariel Lindner (co-fondateur du CRI), Gayetri Ramachandran (post-doctorante) ainsi que Alexis Casas, Antoine Levrier, Santino Nanini, Camille Lambert, Elisa Sia, Juliette de Lahaye, Naina Goel, Maksim Bakovich, Annissa Amezziane et Darshak Bhaat (membres d'iGEM Paris-Bettencourt).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104723/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Edwin Wintermute ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En abusant des antibiotiques dans les élevages, l’Homme menace sa propre santé.. L’antibiorésistance qui se développe chez l’animal peut en effet se propager à l’être humain. Explications.Edwin Wintermute, Chercheur associé, biologie des systèmes, Learning Planet Institute (LPI)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/736502017-02-28T00:03:34Z2017-02-28T00:03:34ZLes canards ne meurent pas qu’une fois…<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/158424/original/image-20170226-22983-a6zanc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/imamon/1435329728/in/photolist-3bQrwh-4APCvt-cvH7Z-cvHeS-dENqH-asdDwW-8xBFRy-7WNAZt-bRZeSv-7Z3CR9-ashokc-7cWNio-cvHkx-oHCAkM-cUUxc9-7WNAPH-kCwmHa-bxtRKS-edEiXM-asb1R8-oKdDys-e72SEj-67T83J-728sWE-jxnU-bLoxKT-6iv4Pt-cvHEM-8fFHSy-5E2THd-4HT9k2-cvHJs-9MS3cy-e6WeVp-KaT5A-bx4EfN-5sbAbU-4MGBKZ-6yvvFt-5cFZ4n-6udhwz-eccFfk-cvHKX-4yxRAe-2RxGMK-9Nxxge-6wqZbJ-bTDCnF-dmZyL2-aTUk3v">Imamon/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Le Sud-Ouest est de nouveau frappé depuis l’automne par une « crise » de grippe aviaire qui s’est accompagnée de l’<a href="http://bit.ly/2lYuuoY">abattage de centaines de milliers</a> de canards.</p>
<p>Au-delà du formidable gâchis pour l’ensemble d’une profession, du gaspillage alimentaire associé et surtout du caractère répugnant/révulsant d’un tel massacre d’animaux, cette « crise » nous invite à une relecture de type « chronique d’une mort annoncée » à la lumière des sciences de gestion.</p>
<p>Il ne nous semble pas inutile de décrypter la situation (comment en est-on arrivé là ?), en tirer quelques enseignements (pourquoi cela pourrait-il se reproduire ?) et de formuler, pour éviter de recommencer, certaines recommandations qui nous concernent tous !</p>
<h2>Comment en est-on arrivé là ?</h2>
<p>Que nous « rappelle » <a href="http://bit.ly/2lbQrgY">ce cas navrant</a>, pour ne pas dire scandaleux ?</p>
<ul>
<li><p>Tant qu’il y aura des consommateurs pour acheter un produit, il y aura des entrepreneurs pour satisfaire cette demande. Dans une logique de « pilotage par l’aval » (et donc in fine par le consommateur), l’ensemble de la chaîne (ou de la filière) répond donc aux « demandes » des consommateurs ou à l’expression de cette demande via les achats qu’ils réalisent.</p></li>
<li><p>Tant que le consommateur ne sera pas plus exigeant sur les conditions de production de certains produits, sur leur(s) origine(s) et sur la production <a href="http://bit.ly/2mBLCOj">d’informations de traçabilité</a> du processus de production, tant qu’il recherchera d’abord le prix « bas », et qu’il ne s’interrogera pas plus sur les conséquences de son comportement de consommateur, il n’y a pas de raison de remettre en question l’organisation de la chaîne, voire, il peut être légitime, dans cette logique, de rechercher une organisation qui produise à encore plus bas coût.</p></li>
<li><p>Dans un tel environnement, il n’est pas irrationnel que les acteurs fassent des choix stratégiques comme : se spécialiser sur leur cœur de métier, sous-traiter certaines opérations à des partenaires eux aussi spécialisés, aller rechercher des partenaires plus compétents et moins coûteux là où ils se trouvent, tout en « respectant » les réglementations en vigueur et les « bonnes pratiques » de la profession (qui ne sont pas nécessairement ni les « meilleures » pratiques, ni les pratiques les plus vertueuses).</p></li>
<li><p>Cette désintégration de la chaîne de production (au sens large) et sa répartition sur un espace élargi s’accompagnent inévitablement de séquences de <a href="http://bit.ly/2mjFtKg">transport et de manutention</a>, voire de stockage, pour relier les opérations de production proprement dites. Si la chaîne logistique ainsi constituée peut se révéler plus efficace et efficiente qu’une chaîne intégrée, elle n’en comporte pas moins plus de risques, qui sont malheureusement souvent négligés, voire oblitérés, lorsque seule prévaut la logique du moindre coût (du moins à court terme).</p></li>
<li><p>Cette myopie, voire aveuglement, par rapport aux risques encourus, est par ailleurs aggravée par la multiplication des acteurs au sein des chaînes logistiques qui conduit à une forme de dilution des responsabilités et qui ouvre aussi la porte à de possibles fraudes, la multiplication des audits et contrôles représentant des coûts que les acteurs évitent quand ils ne sont pas indispensables ni imposés.</p></li>
<li><p>Ces risques, qui peuvent être considérés comme maîtrisables et supportables lorsqu’ils portent sur des faibles volumes et des activités dispersées, deviennent inéluctables et désastreux dès lors qu’ils concernent des flux massifiés (ce qui entre dans la logique d’optimisation logistique) et regroupés sur un territoire particulier (ce qui renvoie à des logiques bien connues de <a href="http://bit.ly/2lMgWup">clusterisation</a>, de système localisé de production ou <a href="http://bit.ly/2lfA8yA">d’écosystème</a>). Les risques de contamination croisée et d’effets systémiques deviennent plus probables dans un tel contexte.</p></li>
</ul>
<h2>Pourquoi cela pourrait-il se reproduire ?</h2>
<p>La « crise » (qui n’en est pas une, on l’aura compris) met en lumière la <a href="http://bit.ly/2lTZ5DW">faillite d’un système</a>, que de nombreux observateurs dénoncent aujourd’hui.</p>
<p>Faut-il en vouloir aux éleveurs qui ont désintégré leur production ? Faut-il en vouloir aux transporteurs ou prestataires de services logistiques dont les activités augmentent les risques de contamination ? Que peut faire le régulateur, que peut proposer le normalisateur pour limiter les risques dans des chaînes qui apparaissent de plus en plus comme <a href="http://bit.ly/2mlyAII">« virtuelles »</a> ?</p>
<p>Et si le consommateur arrêtait de manger du canard ou acceptait de le payer à un prix qui couvre les coûts d’une production « durable » ? Et si on cherchait un moyen pour détourner les « migrateurs » qui, en toute légalité, contaminent les canards d’élevage ?</p>
<p>Ce qui est dénoncé aujourd’hui n’est cependant pas « nouveau ». L’émergence d’un système de production comme celui qui est en cause ne se fait pas en un jour. Les logiques à l’œuvre le sont depuis plusieurs années et tout le monde y a trouvé son compte !</p>
<p>Les « rationalités » des uns et des autres ne sont pas condamnables, tant qu’il n’y a pas fraude, malveillance ou négligence volontaire. Certains trouvent d’ailleurs aujourd’hui leur compte dans la gestion de la crise (dans la gestion de ce qu’on pourrait appeler une <a href="http://bit.ly/2m1soEZ">reverse logistics</a> du canard que ce soit par abattage préventif ou curatif).</p>
<p>Crise qui finalement, soyons cyniques jusqu’au bout, n’est pas si dramatique puisque l’État, donc le contribuable, <a href="http://bit.ly/2lJ4Q70">indemnisera la « filière professionnelle »</a> (ce qui représentera quelques dizaines de millions d’euros). Toutes les conditions semblent donc réunies pour que l’histoire se répète…</p>
<h2>Que faire, maintenant ?</h2>
<p>Si la crise de cette année attire l’attention, c’est à cause de son ampleur. Elle n’est cependant pas nouvelle. Pour que la mort « pour rien » des canards du Sud-Ouest ne soit pas vaine et que l’industrie ne se retrouve pas dans la même situation l’année prochaine, et plutôt que de chercher des boucs émissaires (comme les transporteurs cette année), peut-être faut-il revisiter les logiques à l’œuvre et voir si, collectivement, il faut radicalement les remettre en question, ou pas, au risque de revoir la situation se reproduire.</p>
<p>Il est clair, au regard de l’analyse faite, que la solution ne viendra pas d’une approche fractionnée du « problème », ni de solutions (comme le confinement des animaux) qui n’en sont pas, ni de l’amélioration de tous les <em>process</em> de la chaîne logistique, notamment pour ce qui concerne les <a href="http://bit.ly/2l2AVb2">protocoles d’hygiène</a>, qui, bien qu’indispensable, ne résoudra pas tout.</p>
<p>Ne comptons malheureusement pas trop, et surtout pas seulement, sur les entreprises, quelle que soit leur place dans la chaîne qui vient d’être évoquée, pour trouver l’issue. Bien qu’authentiquement engagées dans des démarches de développement durable ou de RSE (responsabilité sociétale des entreprises) pour certaines d’entre elles, elles ne font que « gérer au mieux » dans l’environnement qui est le leur et qui s’inscrit dans un contexte mondial, ne l’oublions pas.</p>
<p>Elles n’ont pas toutes les clés de la résolution du problème qui repose plus sûrement sur l’évolution du comportement du consommateur (celui qui « tire » la chaîne logistique) ou sur l’intervention du législateur (celui qui l’autorise et l’encadre).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/73650/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Fabbe-Costes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Analyse économique – et logistique – de la crise du canard du Sud-ouest. Comment en est-on arrivé là ? Comme éviter de telles catastrophes ?Nathalie Fabbe-Costes, Professeur des Universités en sciences de gestion - Aix-Marseille Université - Directrice du CRET-LOG, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/707922017-01-02T20:56:30Z2017-01-02T20:56:30ZCinq scénarios pour imaginer le futur des relations entre l’homme et l’animal<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/151489/original/image-20161230-29216-1l5x7uw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/wilber/416668511/in/photolist-CPx2R-cvMc1-HAdHe-4EHiwB-weHoY-2XuqZT-b3JhSM-aGANnX-aGANiz-aH4dRp-aGAJb8-aGANJn-41bDmS-2QX4t-aGAN1g-K3Ghd-aGANxt-aGANzr-aGAL3K-5QdGt-8rGRyp-twrkR-aGAKzP-T1B9-aGAJqX-8zHi-aGAJ9k-aGAHRX-aH4dva-aGAND8-cajfrw-aGANXa-41bNRJ-doTqtL-aGAMsZ-aGAHMB-2QX4Y-aGANrp-7ecdWn-8Yq1f8-7Jztgs-aGAMx8-aGAMp6-4tdRtL-mS5aSb-6fFHBT-6fGi7B-9JAPGs-biwxeD-82JwNp">Dávid Kótai/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Au sein de la <a href="http://dictionnaire.cordial-enligne.fr/definition/technosph%C3%A8re">technosphère</a> contemporaine, l’impact des activités humaines sur la nature intensifie et complexifie les rapports que l’humain entretient avec la nature et les animaux ; l’existence de ces derniers est ainsi économiquement, écologiquement et techniquement assujettie au traitement que leur réservent les êtres humains.</p>
<p>Dans ce contexte toujours plus mécanisé, les maltraitances et les violences commises principalement sur les animaux de rente ont récemment fait l’objet d’un écho inédit avec la mobilisation d’associations comme <a href="http://www.l214.com/">L214</a> ou <a href="http://www.petafrance.com/">Peta</a>.</p>
<p>En fait, qu’il s’agisse d’animaux sauvages, de rente ou de compagnie, la question de la frontière entre les espèces et de la valeur de l’animal – « outil » ou « être à part entière » – mobilise de plus en plus l’opinion.</p>
<p>En décembre dernier, un <a href="http://agriculture.gouv.fr/le-rapport-homme-animal-cinq-scenarios-lhorizon-2030-analyse-ndeg-95">rapport ministériel de prospective</a> paraissait, proposant cinq scénarios au sujet de l’évolution du rapport entre humains et animaux à l’horizon 2030. Au sujet de l’animal, ce rapport spécifie que « son devenir est incertain car les sources d’inflexion sont nombreuses ».</p>
<p>Ces trois principaux facteurs d’inflexion concernent le contexte économique, la situation écologique et l’évolution des représentations humaines à l’égard des animaux. Trois questions parcourent ainsi l’ensemble du rapport : le rapport homme-animal deviendra-t-il l’un des enjeux structurants de la société française, de son système alimentaire, et des évolutions du monde agricole et rural ? Sera-t-il au contraire un thème marginal, subordonné à d’autres facteurs plus déterminants ? Sa mise en débat et sa gestion seront-elles pacifiées ou conflictuelles ?</p>
<h2>Scénario 1 : la sobriété forcée</h2>
<blockquote>
<p>« Dans un contexte de sobriété forcée et de tensions sur les ressources, le sort des animaux évolue, sous contrainte économique, par une meilleure reconnaissance de leurs utilités sociales. »</p>
</blockquote>
<p>Dans ce premier scénario, les animaux subissent moins de mauvais traitements dans le but d’optimiser leur exploitation. L’animal est ainsi toujours conçu comme outil, déterminé par l’usage humain et est envisagé comme « solution écologique, pratique, et surtout peu onéreuse ».</p>
<p>Dans ce contexte économique contraint où les microfilières se développent, « les mouvements les plus radicaux, positionnés sur la dénonciation de toute forme d’exploitation animale, perdent en audience ». Les microfilières assurent auprès du public de « garantir le respect animal en abattoir » et promeuvent la pratique de la « ferme ouverte ». En outre, la contrainte économique alliée à la nécessité du maintien de la biodiversité réduisent la préoccupation vis-à-vis des animaux à quelques « animaux-symboles ».</p>
<p>Dans ce scénario de « sobriété forcée », l’animal demeure une ressource, c’est-à-dire un outil pour l’être humain : il est une source d’alimentation, une variable d’optimisation dans la gestion de l’environnement et un compagnon au statut fonctionnel.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/151490/original/image-20161230-29237-pmtrhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/151490/original/image-20161230-29237-pmtrhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/151490/original/image-20161230-29237-pmtrhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/151490/original/image-20161230-29237-pmtrhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/151490/original/image-20161230-29237-pmtrhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/151490/original/image-20161230-29237-pmtrhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/151490/original/image-20161230-29237-pmtrhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Visite à la ferme.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/bert_m_b/2460803400/in/photolist-98wMJ9-JjLVe4-oT1D1G-6QwjQ7-5DCdnb-aq4LCv-7pVDzR-dMqYRL-bKq56r-5t8aW9-5ChwLL-6ZZvZs-6ZVvyP-cKe8T3-ZHjH-3avDmb-2rrB9e-bKpSyn-4KnYdn-awedGU-ZHkz-3U8jiq-5DxSge-patrUL-3BcCZL-fdxh7N-oT29fR-dMkqAi-29qVbm-6z6U24-8zpDmQ-4f81Fk-5DxUTD-bKqbRV-bfnFFV-5wx5vx-fts1c-7MiMys-98wMkG-N9WRD-5DC96S-4nx85-4Ksg7Q-PHKSV-5HPB-bKpWw2-46NN4q-eNSViU-2j54GJ-98wLVj">Brian Boucheron/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Scénario 2 : la sobriété environnementale choisie</h2>
<blockquote>
<p>« Dans un contexte économique très favorable, […] les animaux sont très présents, visibles et intégrés aux collectifs humains, avec une utilité sociale et une reconnaissance élevées. »</p>
</blockquote>
<p>Dans ce second scénario, l’<a href="http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/Rapport_One_Health.pdf">approche de « la santé globale »</a> (<em>one health</em>) qui inclue le respect de l’environnement, prévaut dans la société française. Autour des années 2020, l’opinion publique s’entend autour de l’idée que la mise à mort fait partie de « l’ordre des choses ». Suite à la correction des abus de traitements infligés aux animaux de rente, l’émotion suscitée dans le milieu des années 2010 par les thèses <a href="https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2009-1-page-117.htm">antispécistes</a> s’essouffle, laissant place à une « une relégitimation de l’abattage des animaux ».</p>
<p>Dans ce contexte économique favorable, le consommateur a une plus grande incidence sur l’offre des produits de consommation. Les Français réduisent leur consommation de viande animale et souhaitent favoriser « l’agrobiodiversite ».</p>
<p>En outre, du point de vue écologique « la non-soutenabilité de la trajectoire actuelle, amène(nt) progressivement un changement du regard dominant sur la place de l’humain dans la nature ». La cohabitation entre les hommes et les animaux, mêmes sauvages à l’image du loup, est renforcée par le développement de « centres d’expérimentation de nouvelles cohabitations entre hommes et animaux sauvages », ainsi que par la diversification du compagnonnage animal (les cochons, chèvres, poules sont aussi des animaux de compagnie).</p>
<p>Dans ce scénario, bien que les animaux soient davantage intégrés à la société, ils n’ont toujours pas de droits fondamentaux et demeurent, pour certains, des ressources : « Sans acquérir le statut juridique de personne morale, les animaux voient leurs “droits” […] augmenter, quelles que soient leurs “fonctions” ».</p>
<h2>Scénario 3 : l’hypermécanisation des rapports</h2>
<blockquote>
<p>« Dans ce troisième scénario, la situation est économiquement dégradée, socialement sensible […]. On assiste à une massification et une automatisation des rapports sociaux, comme des rapports à l’animal. »</p>
</blockquote>
<p>La crainte d’attaques biologiques terroristes, l’intensification de l’élevage industriel et la dégradation écologique générale, portent l’attention sur les <a href="http://www.inra.fr/Grand-public/Sante-des-animaux/Toutes-les-actualites/zoonoses">risques zoonotiques</a>, et font passer la santé publique avant « les préoccupations éthiques et même économiques liées aux soins animaux ».</p>
<p>L’intensification de l’automatisation généralisée conduit à intégrer la filière agricole à des filières « bioéconomiques » plus vastes. La demande en produits agricoles poursuit sa forte hausse, bien que l’offre française soit concurrencée par des pays produisant à moindre coût. La production est réduite à quelques races d’animaux de rente dans un souci d’« d’écologie industrielle ».</p>
<p>Par ailleurs, les innovations en matière de protéine animale participent à menacer le statut des animaux de rente, qui deviennent moins intéressants économiquement et écologiquement parlant. Dans le même temps, la distinction entre les animaux de rente et les animaux de compagnie s’épaissit. Ces derniers sont en concurrence avec les robots de compagnie, dont l’usage se répand petit à petit après les années 2020. De sorte que, « les statuts juridiques accompagnent cette évolution, avec une différenciation normative fondée sur la fonction sociétale et la “destination” de l’animal ».</p>
<p>Dans ce contexte général particulièrement dégradé, les animaux sont souvent identifiés aux nuisances qu’ils peuvent occasionner. Ainsi, ils sont réduits à des « variables d’ajustement ». Pourtant, la contestation du traitement infligé aux animaux continue à revenir par vague : « À l’Assemblée nationale, le club parlementaire antispéciste, créé en 2027, parvient à mettre en débat l’abolition de la mort utilitaire, mesure qui semble pour beaucoup irréaliste mais qui témoigne d’une contestation croissante et de plus en plus agissante ».</p>
<h2>Scénario 4 : éthique et durabilité</h2>
<blockquote>
<p>« Dans une économie prospère, dominée par les enjeux et visions des urbains, la question animale devient centrale à mesure que les interactions hommes-animaux se réduisent. »</p>
</blockquote>
<p>La prospérité économique permet une meilleure action écologique et une prise en compte éthique intrinsèque de l’animal. Ainsi, « les défenseurs du statu quo sont mal perçus. Le respect des animaux devient un sujet très politisé, partout où ces derniers sont “exploités” et menacés ». Globalement, l’éthique, la durabilité et la santé globale deviennent des enjeux majeurs.</p>
<p>La production est centrée sur les produits végétaux, notamment par le soutien de la Silicon Valley qui investit « dans la recherche et le développement de produits de substitution » ; et 55 % des moins de 30 ans s’orientent vers une alimentation limitant les produits d’origine animale.</p>
<p>Du point de vue écologique, « à compter de la loi biodiversité de 2023, un véritable quadrillage environnemental, limitant parfois fortement les activités humaines. […] il ravive les débats sur la place de l’homme, de la nature et de l’animal sauvage ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/151492/original/image-20161230-29233-1dp7t4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/151492/original/image-20161230-29233-1dp7t4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/151492/original/image-20161230-29233-1dp7t4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/151492/original/image-20161230-29233-1dp7t4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/151492/original/image-20161230-29233-1dp7t4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/151492/original/image-20161230-29233-1dp7t4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/151492/original/image-20161230-29233-1dp7t4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le régime végétarien fera-t-il de plus en plus d’adeptes ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/shazbot/19154164/in/photolist-2GaSd-d1GKC7-2EhHdX-maMywJ-9Ndjiw-aQDAiX-aQDA3B-ctDc6s-6DUmjK-HuHwPj-7qYh21-oQd1KF-2xtdc1-84bzQ3-KFCaM-AWfG4-7mzT3G-9Naynv-a6C18k-6RdBC-71WQvP-9a1vMb-a5GXgJ-6ah4tf-d1GJJ7-23n4us-89s4Ub-5EUTdX-99Xzae-chUNqC-bf1yuK-6eDpuX-99XbTk-9a1vMs-99XxQH-9a1vLY-ajmU6X-99XiYv-Cbe12-9a1vM7-5SjsDo-99Xs5B-9a1CN3-9a1vLN-99XxQP-99XiYg-7tm69S-99XxQn-9a1vMd-99XbTg">Shawn Allen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En termes juridiques, le statut de l’animal évolue significativement. Celui de l’animal de compagnie devient proche du statut d’une personne dépendante ; celui des animaux d’élevage et des animaux sauvages suit la même dynamique ; l’expérimentation animale est abolie au profit du développement d’alternatives telle l’expérimentation sur tissus in vitro (ce qui délocalise certains domaines de la recherche pour lesquels le modèle animal ne peut pas encore être remplacé).</p>
<p>Dans ce contexte favorable à une modification du modèle économique agricole en faveur de la production massive de produits végétaux (bien que certains rares animaux – en races et en nombre – continuent à être élevés pour être consommés), l’animal d’élevage est « exfiltré » de la société. Paradoxalement, cette configuration donne l’opportunité de penser des droits pour les animaux, en dehors de toute fonction préconçue.</p>
<h2>Scénario 5 : prospérité et indifférence</h2>
<blockquote>
<p>« Dans une société prospère, individualiste, largement dépolitisée malgré des inégalités marquées, la question animale se dilue en une pluralité de logiques sectorielles. »</p>
</blockquote>
<p>Dans ce dernier scénario favorable économiquement, l’individualisme et les choix utilitaristes priment sur toute considération éthique et ce dans tous les domaines : « Les logiques sectorielles (économiques, sanitaires, écologiques, etc.) s’autonomisent, dans une réelle indifférence du public ». Courant 2030, la question alimentaire est sortie du débat public.</p>
<p>Économiquement parlant, dans cette logique individualiste et sectorielle cohabitent différentes communautés alimentaires basées sur les protéines végétales, les insectes et la viande in vitro. La consommation de viande animale persiste, via des élevages intensifs ou des circuits courts.</p>
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<figcaption><span class="caption">«La viande in vitro, bientôt dans nos assiettes ?», un documentaire de Véronique Préault diffusé par Arte (Locavore de Bretagne, 2015).</span></figcaption>
</figure>
<p>Des « zones d’intérêt écologique prioritaire » sont circonscrites afin de maintenir la biodiversité. La place des animaux sauvages y est secondaire et utilitaire :</p>
<blockquote>
<p>« Progressivement, la notion de protection des animaux sauvages s’efface et intègre une logique de gestion écosystémique paysagère jugée plus pertinente. »</p>
</blockquote>
<p>Dans le même ordre d’idée, la logique du soin globale (<em>one health</em>) implique un soin envers les animaux, uniquement dans la mesure où cela dépend de la sécurité sanitaire humaine ou que des impératifs économiques l’imposent.</p>
<p>Dans ce contexte centré sur l’individu : « Des innovations en robotique concurrencent puis limitent les interactions directes homme-animal ». L’indifférence généralisée implique un statu quo par rapport aux droits des animaux : « Pour la plupart des Français, l’attachement à leur animal de compagnie coexiste avec une certaine indifférence à l’égard des autres animaux ».</p>
<h2>Un choix de société</h2>
<p>Dans ces cinq scénarios de « futurs possibles » se dessine en filigrane une alternative : les animaux devraient-ils être conçus comme de purs outils et ressources exploitables ou bien pensés dans leur valeur intrinsèque ?</p>
<p>Dans un contexte d’hypermécanisation où les animaux d’élevage sont principalement traités comme des outils – et leurs besoins physiologiques primaires non respectés –, la question de la valeur intrinsèque de la vie des animaux s’impose plus clairement encore. Ce qui serait peut-être moins le cas dans une configuration économique d’élevage traditionnel, pour laquelle les conditions de vie élémentaire sont davantage respectées et permettent de laisser au second plan la question de la valeur intrinsèque de la vie animale.</p>
<p>La production intensive de produits d’origine animale polarise donc le questionnement contemporain sur la condition animale autour de l’alternative entre les « animaux outils » et les « animaux conçus pour leur valeur intrinsèque ».</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/151493/original/image-20161230-29231-1oys2uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/151493/original/image-20161230-29231-1oys2uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=549&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/151493/original/image-20161230-29231-1oys2uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=549&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/151493/original/image-20161230-29231-1oys2uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=549&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/151493/original/image-20161230-29231-1oys2uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=690&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/151493/original/image-20161230-29231-1oys2uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=690&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/151493/original/image-20161230-29231-1oys2uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=690&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Au zoo.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/pardee/7994298378/in/photolist-dbqSoE-73dR5b-73dP6h-5NdTJ2-5Ne9nB-acYupu-9sWW6-5Nie7s-5NihHu-89khBk-acYph7-5NdQZv-dvdzu9-739Mca-5Nida1-739S5i-4JGApV-6WSRi4-84woEJ-5Ni9eh-fwteAA-739MNR-73dLwL-89kxEF-aictnq-8Nb5Jx-73dLJC-fwdS7X-4JGA5a-73dQrW-9sWW5-oRqeh4-dbqTDP-739R1k-dbqQfD-739RXn-89oJfd-73dL77-8Nb5sK-739N4i-pK8cRW-puPowC-8qy9Nx-dbqVsw-8qy8DH-dHVUMG-8qBfgw-fACdkD-89ozUS-8NebVw">Pardee Ave/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette polarisation met la société en face d’un choix qui n’est plus seulement utilitaire, à savoir bien traiter les animaux destinés à la consommation humaine, ou poursuivre des mauvais traitements qui peuvent avoir un impact sur la santé humaine et sur l’environnement. La question animale prend une dimension éthique également centrée sur la valeur de la vie animale. En effet, est-il soutenable éthiquement et écologiquement de maintenir des processus et des pratiques violentes au regard du respect des êtres vivants ? Et si le respect des animaux est une question légitime, comment ne pas envisager des droits empêchant toute forme de violence subie par les animaux ? Par extension, si l’évolution des droits pour les animaux est légitime, condamner toute forme de maltraitance et de violence envers les animaux, ne passe-t-il pas par la promulgation de droits fondamentaux ?</p>
<p>C’est bien souvent la configuration économique et, dorénavant, écologique qui permet de statuer sur ces questions de représentation du vivant en général. Cela dit, le statut de l’animal et sa valeur intrinsèque sont des sujets qui intéressent de plus en plus l’opinion publique. Et si cet intérêt semble moins mesurable, il peut cependant jouer un rôle significatif et fondamental dans l’évolution de la société, des mœurs, dans la gestion économique et écologique, relatifs à la question animale, et plus généralement dans le rapport entre les humains et les animaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/70792/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne-Laure Thessard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Décryptage d’un récent rapport ministériel qui se propose d’imaginer les rapports entre les êtres humains et les animaux à l’horizon 2030.Anne-Laure Thessard, Doctorante en sémiotique, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/695382016-12-15T19:48:03Z2016-12-15T19:48:03ZL’effrayant « bien-être » de la chose animale<p>Les vidéos d’une cruauté inouïe qui ont été filmées dans les abattoirs et rendues publiques par l’<a href="http://www.l214.com/">association L214</a> questionnent nos rapports avec les animaux d’élevage ; la <a href="https://theconversation.com/souffrance-animale-dans-les-abattoirs-le-poids-des-mots-et-des-non-dits-58194">question du « bien-être »</a> de ces animaux est ici centrale. Or cette notion est en soi problématique, car elle dépend de la manière dont on appréhende le comportement animal et qui détermine, et comment, les critères de ce bien-être.</p>
<p>Schématiquement, les sciences du comportement animal s’organisent autour de deux courants de pensée : l’une héritée de la zoologie et fortement inspirée par l’éthologie, l’autre issue de la psychologie expérimentale et recentrée sur la psychobiologie ou la neurobiologie des comportements.</p>
<p>Du point de vue de l’éthologie, le comportement participe à l’adaptation comme n’importe quelle caractéristique anatomique ou organique. Tout comportement doit pouvoir être décrit en termes de fonctions adaptatives. Du point de vue de la psychobiologie ou de la neurobiologie, les structures et les actions du cerveau génèrent l’intelligence et le comportement, le comportement modifiant, en retour, les structures et les activités du cerveau.</p>
<p>D’ailleurs, pour l’éthologie cognitive très en vogue aujourd’hui, la vie psychique se ramène aux activités d’une machine à « neurocalculer » et l’esprit à un « système de traitement de l’information ».</p>
<p>Si ces méthodes, qui veulent circonscrire empiriquement leur objet, peuvent paraître séduisantes, l’atomisation et la réduction du comportement en éléments isolées (les mécanismes physiologiques, les opérations cognitives, les évolutions génétiques, etc.) négligent les rapports complexes d’un organisme, qui est aussi et surtout un « individu », avec son monde environnant.</p>
<p>Ces sciences du comportement ne nient pas toujours l’existence des états mentaux telles que « l’intention » ou la subjectivité de l’animal, mais elles les considèrent comme inutiles, voire nuisibles à l’étude des comportements. L’une des tâches de l’approche objectiviste consiste justement à défendre son cadre théorique contre la notion d’expérience subjective.</p>
<p>N’y a-t-il pas là une inadéquation fondamentale entre de telles approches et leurs « objets » d’étude, qui sont avant tout des êtres vivants ?</p>
<h2>L’objectivité à tous crins</h2>
<p>Cet objectivisme qui domine aujourd’hui l’ensemble des savoirs n’est pas anodin lorsqu’il s’inscrit dans le champ d’une économie industrialisée. La mise hors jeu de la notion de « comportement vécu » et de « subjectivité », basée sur la segmentation du comportement des animaux en abstractions par définition désincarnées, valide la logique des élevages intensifs.</p>
<p>Cette logique repose en effet sur l’hyper-technicisation du contrôle du corps, la modulation des paramètres biochimiques vitaux, et l’atomisation de l’éventail des comportements des animaux.</p>
<p>On voit dans les élevages industriels, une réduction drastique de l’espace et l’élimination des principaux objets nécessaires à l’expression des comportements essentiels de l’espèce. Ces animaux, qui ne peuvent plus se comporter « naturellement », perdent en quelque sorte leur statut d’être vivant pour devenir des objets de spéculation économique.</p>
<p>Et les comportementalistes, quand ils tentent d’améliorer les conditions de vie des animaux en élevage intensif, travaillent en réalité sur des postures et des attitudes plutôt que sur de véritables comportements ; les améliorations qu’ils peuvent apporter sont donc très limitées.</p>
<h2>Une vision technicienne du vivant</h2>
<p>Dans leur logique productiviste, les élevages intensifs traitent la naissance, la vie, la reproduction et la mort des animaux de façon industrielle et technicienne. L’objectif est de produire le maximum de viande dans un laps de temps le plus court possible et avec un minimum de frais.</p>
<p>Le processus d’industrialisation induit aussi une <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/terre-terre/homeopathie-veterinaire">rupture des liens sociaux</a> entre les congénères. Cette logique s’actualise en premier lieu par la rupture des liens entre les mères et les jeunes. Par exemple, on sépare immédiatement le veau de sa mère ; les porcelets de différentes portées sont regroupés par poids pour constituer des lots homogènes afin qu’on puisse les mener en même temps à l’abattage.</p>
<p>L’élevage signifie ici la disparition de la notion de « société animale » en même temps que celle d’individu.</p>
<p>La pauvreté de l’environnement et l’absence de stimulations entraînent régulièrement des anomalies comportementales comme les stéréotypies qui sont souvent des exagérations des activités exécutées sans finalité et répétées en continu, par exemple les truies à l’attache qui rongent les barreaux de leur case.</p>
<p>Les conditions de vie induisent également de nombreux comportements de caudophagie, de piquetage et de cannibalisme. Pour pallier ces anomalies comportementales, les éleveurs opèrent ce qu’ils appellent des « actions correctrices sur les animaux » : des calmants leur sont administrés pour réduire le stress ; le débecquetage et le désonglage sont pratiqués dans le but de limiter les conséquences des combats. Inutile de poursuivre plus avant l’énumération de ces faits.</p>
<p><audio preload="metadata" controls="controls" data-duration="3156" data-image="" data-title="Émission « Répliques » sur la littérature et la condition animale (France Culture 5/11/2016)." data-size="50764580" data-source="France Culture" data-source-url="" data-license="" data-license-url="">
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<div class="audio-player-caption">
Émission « Répliques » sur la littérature et la condition animale (France Culture 5/11/2016).
<span class="attribution"><span class="source">France Culture</span><span class="download"><span>48,4 Mo</span> <a target="_blank" href="https://cdn.theconversation.com/audio/609/la-litte-rature-et-la-condition-animale.mp3">(download)</a></span></span>
</div></p>
<h2>L’obsession quantitativiste</h2>
<p>La <a href="http://www.usinenouvelle.com/article/180-jours-le-roman-d-une-crise-morale-qui-guette-l-elevage-industriel.N227513">« production de l’animal »</a> est ici une réalité économique soutenue et déterminée par les techniques réificatrices. Ces techniques sont portées et entretenues par des dispositifs théoriques et scientifiques inadaptés à la définition même du vivant.</p>
<p>Il s’avère que l’accélération frénétique de la production suscite, pour des raisons économiques, l’invention et la prolifération de nouveaux moyens de « fabrication » qui, dans une course en avant sans fin augmente la production et réclame de nouveaux moyens techniques. Dans ce processus, l’animal est une réalité objective « gérée » dans des élevages hors sol concentrationnaires remplis de machines ultramodernes.</p>
<p>L’animal disparaît en tant que tel au profit d’un ensemble de paramètres physio-mathématiques : il est compris comme une courbe de performance mesurée par un « gain quotidien moyen » <a href="http://dico-sciences-animales.cirad.fr/liste-mots.php?fiche=12662">(GQM)</a>, un indice de consommation, une courbe de lactation ou bien une quantité d’œufs pondus par an et par poule.</p>
<p>Dans cette même logique, le bien-être animal est évalué en fonction d’analyses sanguines, ou encore la surface des cases est calculée selon l’unité du poids métabolique. Peut-on dès lors parler de bien-être ? Dans cette obsession quantitativiste, « la raison ne reconnaît comme existence et occurrence que ce qui peut être réduit à une unité de [mesure] ; son idéal étant le système dont tout peut être déduit », soulignaient Max Horkheimer et Théodor W. Adorno, dans <em>La Dialectique de la raison</em>.</p>
<p>Cette perception réificatrice du vivant repose sur l’appréhension quantitative et l’instrumentalisation de l’altérité animale, appréhension qui n’est possible qu’en l’absence totale d’empathie par laquelle j’accède à l’autre ; <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/les-discussions-du-soir/un-secretariat-detat-aux-animaux">cet autre</a> qui est, in fine, un possible moi-même…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/69538/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Autran ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans les élevages industriels, où la logique productiviste et l’hyper-technicisation dominent, se dessine une conception désincarnée du « bien-être animal ».Isabelle Autran, Docteur en sociologie, adjointe à la direction de la recherche et des études doctorales, responsable d’édition des Presses universitaires de Paris Nanterre, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.