tag:theconversation.com,2011:/ca/topics/etats-unis-20443/articlesÉtats-Unis – The Conversation2024-03-29T07:47:45Ztag:theconversation.com,2011:article/2246682024-03-29T07:47:45Z2024-03-29T07:47:45ZAvec son album country, Beyoncé questionne la dimension raciale des genres musicaux aux États-Unis<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/585197/original/file-20240329-18-d517ze.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=392%2C181%2C3319%2C2378&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">A Paris, un affichage sauvage pour annoncer la sortie du nouvel album de Beyoncé, _Act II - Cowboy Carter_, le 29 mars 2024.</span> <span class="attribution"><span class="source">Photo SZ / The Conversation</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Un coup d’État musical. C’est ainsi qu’on pourrait décrire le succès des deux derniers titres de Beyoncé, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=238Z4YaAr1g">« Texas Hold'Em »</a> et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=hhKNjTb6U1Y">« 16 Carriages »</a>, <a href="https://www.npr.org/2024/02/11/1230788187/beyonce-new-music-texas-hold-em#:%7E:text=Hourly%20News-,Beyonc%C3%A9%20releases%20%22Texas%20Hold%20%27Em%22%20and%2216%20carriages,%2C%22%20promising%20more%20in%20March">sortis lors du SuperBowl</a>, en amont d’un <a href="https://pitchfork.com/news/beyonce-announces-act-ii-for-march-29/">nouvel album sorti le 29 mars (<em>Cowboy Carter</em>)</a>, et qui, depuis, caracolent <a href="https://www.officialcharts.com/songs/beyonce-texas-hold-em/">l’un</a> et <a href="https://acharts.co/song/191442">l’autre</a> en tête des <a href="https://www.forbes.com/sites/hughmcintyre/2024/02/13/beyoncs-has-two-new-singles-outand-one-of-them-is-clearly-the-winner/?sh=6f34ce0766af">classements des ventes</a> et des <a href="https://www.billboard.com/pro/beyonce-texas-hold-em-number-1-streaming-songs-chart/">écoutes en streaming</a>.</p>
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<p>Coup d’État, parce que ces premiers extraits de <em>Cowboy Carter</em> et les <a href="https://www.theguardian.com/music/2024/mar/19/beyonce-act-ii-album-cover-country-music">codes visuels qui l’entourent</a> indiquent clairement que le deuxième « acte » de la trilogie entamée en 2022 avec <a href="https://www.nytimes.com/2022/07/30/arts/music/beyonce-renaissance-review.html">l’éponyme <em>Renaissance</em></a> est une <a href="https://time.com/6900295/beyonce-album-cowboy-carter/">réappropriation de la country</a>, genre qu’on associe souvent à une Amérique <a href="https://www.researchgate.net/publication/237775430_Why_Does_Country_Music_Sound_White_Race_and_the_Voice_of_Nostalgia">blanche</a> <a href="https://virginiapolitics.org/online/2021/5/3/the-arranged-marriage-of-republicanism-and-country-music">conservatrice</a> et parfois même <a href="https://www.npr.org/2023/08/01/1191405789/how-racism-became-a-marketing-tool-for-country-music">raciste</a>, <a href="https://www.vox.com/culture/2023/9/19/23880804/maren-morris-country-music">sexiste et identitaire</a>.</p>
<p>Les réactions qui ont entouré cette sortie révèlent à quel point, aux États-Unis, les genres musicaux, unités structurantes de l’industrie musicale, comprennent une dimension raciale, ce qui explique que Beyoncé soit la seule femme noire à s’être hissée à la première place <a href="https://www.billboard.com/music/chart-beat/beyonce-texas-hold-em-number-1-hot-country-songs-chart-1235610582/">du Hot Country 100 du magazine <em>Billboard</em></a>.</p>
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<h2>Résistance de l’industrie musicale</h2>
<p>Il faut dire que l’arrivée de ces singles ne fut pas sans remous. Dès leur sortie, des internautes rapportaient sur Twitter que des <a href="https://www.nytimes.com/2024/02/14/arts/music/beyonce-oklahoma-radio-station.html">stations de radio spécialisées dans la country refusaient de les diffuser</a>, <a href="https://twitter.com/jussatto/status/1757444577416417579">malgré les demandes des auditeurs</a>, et que <a href="https://twitter.com/ChatterboxKeirn/status/1757061941615271944">nombre de plates-formes de streaming</a>, <a href="https://twitter.com/FakeNadine/status/1757421212601372762">blogs et magazines les avaient étiquetés comme « pop »</a>.</p>
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<p>Si le distributeur Sony a rapidement rectifié le tir, en <a href="https://twitter.com/BrianZisook/status/1757065106939084989">remplaçant « pop » par « country » comme genre principal de ces titres</a>, le flottement a suffisamment duré pour raviver de mauvais souvenirs. La première fois où Beyoncé s’était aventurée dans ce genre musical, avec <a href="https://www.youtube.com/watch?v=6Mm9ae_qg9I">« Daddy Lessons »</a> en 2016 (rappelons qu’elle a grandi au Texas, comme son père), le comité des Grammys <a href="https://apnews.com/arts-and-entertainment-music-9770ad054e9d48aeba56cc40e12b3c84">avait refusé que le titre puisse concourir dans la catégorie « country »</a>– <a href="https://www.instagram.com/p/C4s6Zr7rlwA/">Beyoncé a d’ailleurs confirmé que ce rejet initial avait largement motivé la sortie de l’album</a>. Mais c’est surtout le <a href="https://www.theguardian.com/music/2019/apr/27/fight-for-your-right-to-yeehaw-lil-nas-x-and-countrys-race-problem">spectre de l’épisode « Old-Town Road » qui ressurgit</a>.</p>
<h2>Le précédent Lil Nas X</h2>
<p>Rappel des faits : fin mars 2019, ce morceau de Lil Nas X monte à la 19<sup>e</sup> place du classement country de <em>Billboard</em>, <a href="https://www.rollingstone.com/music/music-features/lil-nas-x-old-town-road-810844/">avant d’en être exclu abruptement</a>. Le magazine explique son geste dans un communiqué, arguant que la <a href="https://apnews.com/article/6045fec139204644b616afb63622c2d9">chanson ne « contient pas assez d’éléments de la country d’aujourd’hui » pour rester dans ce classement</a>.</p>
<p>La justification ne passe pas : depuis les années 2000, ce genre est très influencé par le rap, au point <a href="https://www.rollingstone.com/music/music-country-lists/a-history-of-hick-hop-the-27-year-old-story-of-country-rap-22010/blake-sheltons-boys-round-here-video-may-2013-224353/">que le country-rap, ou « hick hop »</a>, s’est glissé en <a href="https://theboot.com/florida-georgia-line-cruise-hot-country-songs-chart-record/">haut des charts</a> et dans les répertoires de stars comme <a href="https://www.youtube.com/watch?v=JXAgv665J14">Blake Shelton</a> ou <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Lb9q1ScC4cg">Jason Aldean</a>.</p>
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<p>Ce ne serait donc pas le rap qui « gênerait » musicalement, et la sortie <a href="https://www.youtube.com/watch?v=w2Ov5jzm3j8">d’une seconde version de « Old Town Road »</a>, dans laquelle Lil Nas X est <a href="https://www.menshealth.com/entertainment/a30736808/lil-nas-x-billy-ray-cyrus-like-family/">accompagné par le chanteur de country (et père de Miley) Billy Ray Cyrus</a>, fait son entrée sans aucun problème dans le classement des titres joués sur les radios country, <a href="https://www.theguardian.com/music/2023/oct/04/country-music-still-resistant-to-diversity">pourtant extrêmement allergiques à l’innovation</a>.</p>
<p>Cela semble suggérer que les rappeurs peuvent accéder aux charts country, à condition qu’ils soient <a href="https://www.nbcnews.com/think/opinion/old-town-road-lil-nas-x-forcing-billboard-country-music-ncna992521">chaperonnés par un chanteur blanc</a>. L’historien Charles Hughes résume alors la situation dans le <em>Los Angeles Times</em> : <a href="https://www.latimes.com/entertainment-arts/music/story/2019-09-04/ken-burns-country-music-lil-nas-x">« Quand les gens se plaignent du fait que la country vire pop, ce qu’ils veulent souvent dire, c’est qu’elle est trop noire »</a>.</p>
<h2>Aux origines de la country</h2>
<p>Vue de France, cette déclaration pourrait paraître exagérée. Pourtant elle reflète tout à fait les mécanismes qui ont présidé à la création de la country comme genre musical <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/C/bo3625068.html">au début du XXᵉ siècle</a>. Ceux-ci sont inséparables de la mise en place d’une <a href="https://www.dukeupress.edu/segregating-sound">ségrégation musicale</a> entre, d’un côté, les « race records » regroupant les musiques « noires » (blues, gospel et jazz, entre autres) et, de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0304422X04000324">l’autre, ce qui deviendra la country</a>, appelée alors « hillbilly music » ou <a href="https://www.jstor.org/stable/538356?seq=2">« old-time tunes »</a> présentée elle comme blanche, <a href="https://www.jstor.org/stable/23131534?seq=2">par opposition</a>.</p>
<p>Il faut bien comprendre <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/L/bo3622356.html">qu’il ne s’agit pas d’un état de fait, mais d’une construction</a>, orchestrée par deux groupes professionnels : les <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-les_inventeurs_de_l_i_american_folk_music_i_1890_1940_camille_moreddu-9782140301650-75541.html">folkloristes</a> et <a href="https://www.jstor.org/stable/j.ctv1675b9g">l’industrie musicale</a>.</p>
<p>Les premiers recherchent, dans des endroits qu’ils estiment reculés, la trace de traditions <a href="https://www.jstor.org/stable/41148022">préservées du monde moderne</a>, <a href="https://www.jstor.org/stable/541085">à l’image de l’Américain John Lomax</a> ou de l’Anglais Cecil Sharp, qui considérait que la musique des Appalaches avait mieux conservé le génie de la race anglo-saxonne (lire : « blanche ») que l’Angleterre industrielle de <a href="https://uncpress.org/book/9780807848623/romancing-the-folk/">la fin du XIXᵉ siècle</a>.</p>
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<p>Les seconds, après le succès financier inattendu du disque de Mamie Smith « Crazy Blues » en 1920, se lancent <a href="https://www.npr.org/2006/11/11/6473116/mamie-smith-and-the-birth-of-the-blues-market">à la conquête du public noir</a>, <a href="https://utpress.utexas.edu/9781477315354/">puis du public rural</a>, jusqu’alors négligés par <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/aujourd-hui-l-histoire/segments/entrevue/95017/tin-pan-alley-musique-populaire-americaine-steve-normandin">Tin Pan Alley</a>, la machine à hits new-yorkaise, entre la <a href="https://www.pearsonhighered.com/assets/samplechapter/0/2/0/5/0205956807.pdf">fin du XIXᵉ siècle et le début du 20ᵉ</a>.</p>
<p>A une époque où les disques servent avant tout à stimuler les ventes de phonographes dans les magasins de meubles, ségrégués, l’industrie musicale pense qu’elle augmentera ses bénéfices en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0304422X04000324">concevant une offre racialement ciblée</a>.</p>
<h2>Les Afro-Américains exclus progressivement de la country</h2>
<p>Cela ne se fera qu’au prix de nombreuses manipulations. Les folkloristes les rêvent comme une population protégée de la modernité et de sa corruption, mais les musiciens ruraux du Sud, quelle que soit la couleur de leur peau, ont un répertoire très large et jouent souvent ensemble, <a href="https://www.jstor.org/stable/41148022">y compris la variété de l’époque</a>.</p>
<p>Qu’à cela ne tienne : comme les folkloristes, le personnel des maisons de disques fait le tri, n’enregistrant que ce qui semble traditionnel et correspond <a href="https://www.jstor.org/stable/j.ctv1675b9g">à l’origine ethnique des artistes</a>. Lorsque le morceau ne colle pas, mais qu’il est trop bon pour être rejeté, on maquille l’origine des artistes <a href="https://www.dukeupress.edu/hidden-in-the-mix">en leur donnant des pseudonymes</a>.</p>
<p>Progressivement, les diverses médiations de la musique – image, textes, pratiques – excluent les Afro-Américains de l’univers de la country, consolidant ainsi une division raciale arbitraire, à laquelle se conforment les musiciens par nécessité économique. Elle se poursuivra <a href="https://www.researchgate.net/publication/222028425_Charting_Race_The_Success_of_Black_Performers_in_the_Mainstream_Recording_Market_1940_to_1990">sous diverses formes</a>, <a href="https://shs.hal.science/halshs-03961617/document">plus discrètes</a>, après la Seconde Guerre mondiale.</p>
<p>C’est donc cette composante raciale du genre que taquine la sortie de <em>Cowboy Carter</em>, en réclamant le droit à la country des artistes afro-américains et, par là-même, leur légitimité à revendiquer une identité sudiste, mouvement associé au <a href="https://www.rollingstone.com/music/music-features/welcome-to-the-yee-yee-club-bitch-805169/">« hee haw agenda »</a> – onomatopée qui imite le hi-han de l’âne et qu’on retrouve dans bon nombre de chansons country – <a href="https://www.highsnobiety.com/p/black-cowboy-culture-yee-haw-agenda/">dont on trouve un écho</a> dans la résurgence de la figure <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/092779-000-A/usa-black-cowboys-la-legende-oubliee/">du cowboy noir</a> et des productions culturelles récentes comme le film <a href="https://www.universalpictures.fr/micro/nope"><em>Nope</em> de Jordan Peele</a>.</p>
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<p>Il est un peu triste de penser qu’il aura suffi d’un coup de baguette magique de Beyoncé pour ouvrir le mainstream aux artistes afro-descendants et <a href="https://www.cnbc.com/2024/03/16/beyoncs-country-songs-are-boosting-streams-for-black-artists.html">surtout afro-descendantes</a> qui, depuis un mois, ont vu les chiffres de leur streaming <a href="https://www.billboard.com/music/chart-beat/beyonce-black-female-country-artists-streams-1235612581/">enfler considérablement</a>, <a href="https://www.nytimes.com/2021/02/17/arts/music/black-women-country-music.html">après des décennies d’efforts</a>.</p>
<p>Les choses avaient commencé à bouger sous l’influence du mouvement <a href="https://medium.com/@Pittelman/another-country-80a05dd7fc15">Black Lives Matter</a>, avec la création du <a href="https://blackbanjoreclamationproject.org/">Black Banjo Reclamation Project</a> par exemple, puis avec les prises de conscience entourant le <a href="https://www.ehess.fr/fr/carnet/apr%C3%A8s-george-floyd/s%C3%A9gr%C3%A9gation-musicale-et-%C3%A9galit%C3%A9-raciale-lapr%C3%A8s-george-floyd-country-music">meurtre de George Floyd en 2020</a> et, la même année, la <a href="https://www.rollingstone.com/music/music-country/charley-pride-dead-obit-192455/">mort de Charley Pride</a>, une des <a href="https://theconversation.com/charley-pride-country-music-has-obscured-and-marginalised-its-black-roots-151937">seules stars noires du genre</a>.</p>
<p>Sous cette impulsion, en 2021, la journaliste musicale et manager afro américaine autoproclamée « perturbatrice de la musique country » Holly G créait le <a href="https://www.rollingstone.com/music/music-country/black-opry-country-music-1301297/">Black Opry</a>, un <a href="https://www.blackopry.com/">site</a> dédié à <a href="https://www.npr.org/sections/pictureshow/2023/06/30/1183756191/photos-meet-the-emerging-americana-stars-of-the-black-opry-revue">augmenter la visibilité de la country noire</a>. Signe qu’une dynamique s’était mise en place, le <a href="https://www.nytimes.com/2023/11/10/t-magazine/black-folk-musicians.html"><em>New York Times</em> consacrait un article</a> à la nouvelle génération d’artistes folk et country noirs en novembre dernier.</p>
<h2>En finir avec le mythe d’une country exclusivement blanche</h2>
<p>Aussi Beyoncé a-t-elle pris soin de s’entourer d’artistes reconnus dans le genre, dont certains militent depuis des années pour que le mythe <a href="https://www.rollingstone.com/music/music-country/country-music-racist-history-1010052/">d’une country exclusivement blanche explose</a>. </p>
<p>En témoigne la présence de Robert Randolph à la <a href="https://www.washingtonpost.com/archive/lifestyle/2002/12/13/robert-randolph-man-of-sacred-steel/6221e370-ebb5-4490-8623-87de2f25c3e0/">guitare hawaïenne</a> sur « 16 Carriages » et de <a href="https://rhiannongiddens.com/">Rhiannon Giddens</a> au banjo et à l’alto sur <a href="https://www.facebook.com/100044403640493/posts/925096898980423/?paipv=0&eav=AfZcMsYTQnpQH2Z8AxcTXVVpofYJCu94NXJInyme1Bvm4Clw56Zzdsu3W_54-iDUOO0&_rdr">« Texas Hold Em »</a>.</p>
<p>Titulaire d’un <a href="https://www.pulitzer.org/winners/rhiannon-giddens-and-michael-abels">prix Pulitzer pour l’opéra <em>Omar</em></a> et de la très prestigieuse « Genius Grant » <a href="https://www.macfound.org/fellows/class-of-2017/rhiannon-giddens">de la MacArthur Foundation</a> pour son travail de <a href="https://rhiannongiddens.com/all-resources">vulgarisation historique</a>, cette multi-instrumentaliste <a href="https://www.youtube.com/watch?v=8RtT0obOS80">formée au chant lyrique</a> est devenue en une vingtaine d’années, depuis ses débuts avec les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=bNaK_nBp2Yc">Carolina Chocolate Drops</a>, puis en <a href="https://pitchfork.com/reviews/albums/22912-freedom-highway/">solo</a> et au sein de <a href="https://www.npr.org/2019/02/14/693624881/first-listen-our-native-daughters-songs-of-our-native-daughters">Our Native Daughters</a>, la figure de proue du mouvement de réappropriation de la country noire, et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=RiP8Tfa8bB8">particulièrement du banjo</a>.</p>
<p>Créé dans les Caraïbes par les Africains <a href="https://www.hup.harvard.edu/books/9780674047846">réduits en esclavage</a>, cet instrument, lorsqu’il arrive aux États-Unis, est clairement identifié comme afro-américain et le reste <a href="https://www.youtube.com/watch?v=EcS8swOv0BQ">jusqu’au milieu du XIXᵉ siècle</a>, où les <a href="https://www.courrierinternational.com/article/racisme-le-blackface-outil-de-la-suprematie-blanche-aux-etats-unis">minstrels blancs</a> s’en emparent pour caricaturer les noirs américains <a href="https://nmaahc.si.edu/explore/stories/blackface-birth-american-stereotype">dans leurs spectacles</a>en <a href="https://nmaahc.si.edu/explore/stories/blackface-birth-american-stereotype">blackface</a>.</p>
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<span class="caption">Henry Ossawa Tanner, The Banjo Lesson, 1893.</span>
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<p>A partir de ce moment-là, avant même la country, le banjo devient un signifiant du Sud blanc, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=pDlZLsJJkVA">chargé d’une histoire douloureuse</a>. La réappropriation du banjo par Giddens tient donc de l’exorcisme : elle joue elle-même <a href="https://www.youtube.com/watch?v=N7SWUCpHme8">sur la réplique d’un banjo de minstrel</a>, celui qu’on entend au début de « Texas Hold’Em », et grâce à elle, de nombreux artistes noirs comme <a href="https://indyweek.com/music/archives-music/talking-banjo-player-kaia-kater-director-s-cut/">Kaia Kater</a>, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=wrRfOzhM2AE">Jake Blount</a> et <a href="https://thebluegrasssituation.com/read/a-right-to-be-here-amythyst-kiahs-innovative-place-in-tradition/">Amythyst Kiah</a> ont réinvesti cet instrument, malgré les stéréotypes qui lui sont associés.</p>
<p>Reste à savoir si l’effet Beyoncé aura des répercussions durables sur la popularité des artistes country afro-descendants, en les installant une fois pour toutes dans le mainstream, et s’il débouchera sur des récompenses musicales dans ce genre dont les frontières sont si bien gardées. <a href="https://www.nytimes.com/2024/03/26/arts/music/beyonce-country-music.html">Sachant que « Texas Hold’Em » et « 16 Carriages » ont plus de succès sur les plates-formes de streaming que sur les ondes des radio country</a>, les jeux ne sont pas encore faits, bien que les cartes soient déjà clairement sur la table.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224668/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elsa Grassy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les réactions qui entourent la sortie du nouvel album de Beyoncé révèlent à quel point, aux États-Unis, les genres musicaux comprennent une dimension raciale.Elsa Grassy, Maîtresse de conférences en études états-uniennes, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2266662024-03-26T19:07:57Z2024-03-26T19:07:57ZL’attaque de l’État islamique (EI-K) à Moscou risque d’aggraver la guerre entre la Russie et l’Ukraine<p>Un concert de musique dans la banlieue de Moscou a été le théâtre d’une attaque terroriste sanglante le 22 mars, lorsque des hommes équipés d’armes automatiques et de cocktails Molotov <a href="https://ici.radio-canada.ca/info/videos/1-8913079/attentat-moscou-au-moins-143-morts-et-182-blesses">ont tué plus de 140 personnes</a> et en ont blessé des dizaines d’autres. </p>
<p>Immédiatement après l’attentat, des spéculations sont apparues pour déterminer qui étaient les responsables.</p>
<p>Bien que l’Ukraine ait rapidement <a href="https://www.lesoir.be/576371/article/2024-03-22/une-attaque-moscou-fait-au-moins-40-morts-lukraine-nie-toute-implication">nié toute implication</a>, le président russe <a href="https://www.rfi.fr/fr/europe/20240323-attentat-de-moscou-poutine-%C3%A9voque-l-ukraine-qui-r%C3%A9fute-tout-r%C3%B4le-dans-la-tuerie-revendiqu%C3%A9e-par-l-ei">Vladimir Poutine a fait une brève déclaration télévisée</a> à sa nation pour suggérer, sans preuve, que l’Ukraine était prête à aider les terroristes à s’échapper.</p>
<p>Cependant, l’État islamique et plus particulièrement sa filiale afghane État islamique-Khorasan, EI-K, a par la suite <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Y1kuQ7aK8zY">revendiqué la responsabilité de l’attaque</a>.</p>
<p>La Russie <a href="https://www.rfi.fr/fr/europe/20240325-attentat-de-moscou-poutine-impute-l-attaque-%C3%A0-des-islamistes-radicaux-mais-pointe-toujours-l-ukraine">a fini par reconnaître l’implication d’islamistes radicaux dans l’attentat</a>, mais Vladimir Poutine pointe toujours l’Ukraine comme « commanditaire » du massacre. </p>
<p>Mais indépendamment de l’identité des terroristes, l’attentat de Moscou met en évidence deux problèmes majeurs.</p>
<p>Premièrement, les organisations terroristes — c’est-à-dire celles qui recourent à la violence à des fins politiques sans l’appui spécifique d’un gouvernement — peuvent utiliser des conflits préexistants et l’attention médiatique qui en résulte pour promouvoir leurs intérêts. Deuxièmement, les actions de ces organisations peuvent exacerber les conflits en cours.</p>
<h2>L’utilisation d’entités paramilitaires infra-étatiques</h2>
<p>De nombreux pays jugent utile d’employer des entités infra-étatiques et des paramilitaires pour atteindre leurs objectifs. <a href="https://theconversation.com/paramilitaries-in-the-russia-ukraine-war-could-escalate-and-expand-the-conflict-206441">La Russie et l’Ukraine ont eu recours et continuent d’avoir recours à de tels groupes</a> pour mener des actions que leurs soldats ne sont pas en mesure d’exécuter.</p>
<p>Si l’utilisation de ces forces présente certains <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/mono/10.4324/9781003193227/serbian-paramilitaries-breakup-yugoslavia-iva-vuku%C5%A1i%C4%87">avantages pour un pays</a>, elle est en même temps problématique parce qu’elle conduit à se demander qui sont réellement derrière les actes.</p>
<p>Les attaques menées au début de l’année par des groupes houthis basés au Yémen contre des navires en mer Rouge en sont un exemple. Les Houthis sont <a href="https://www.cfr.org/in-brief/irans-support-houthis-what-know">généralement considérés</a> comme un groupe mandataire de l’Iran. Même s’il existe des liens étroits entre les deux, les Houthis <a href="https://theconversation.com/yemens-houthis-and-why-theyre-not-simply-a-proxy-of-iran-123708">ne sont pas contrôlés par l’Iran</a>. Supposer que l’Iran est directement à l’origine de l’attaque contre les navires de la mer Rouge est au mieux discutable, au pire carrément faux.</p>
<p>S’il est difficile d’évaluer le rôle d’un État dans la <a href="https://www.lawfaremedia.org/article/five-myths-about-sponsor-proxy-relationships">direction de ses proxys et paramilitaires</a>, cela n’est rien en comparaison de la difficulté à établir un lien entre les États et les organisations terroristes internationales. C’est une ambiguïté que les groupes terroristes peuvent exploiter.</p>
<h2>L’attention des médias : de l’oxygène pour les terroristes</h2>
<p>Définir le terrorisme est un exercice périlleux. La <a href="https://www.cambridge.org/core/books/abs/disciplining-terror/terrorism-fever-the-first-war-on-terror-and-the-politicization-of-expertise/12E123D58AA0437750CB882B066E2B6B">politisation du terme</a> depuis la guerre contre le terrorisme qui a suivi le 11 septembre 2001 a donné un nouveau sens à l’expression selon laquelle <a href="https://www.theatlantic.com/politics/archive/2012/05/is-one-mans-terrorist-another-mans-freedom-fighter/257245/">« le terroriste de l’un est le combattant de l’autre »</a>.</p>
<p>En règle générale, cependant, les <a href="https://www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/defining-terrorism">décideurs politiques</a> <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/political-science-research-and-methods/article/is-terrorism-necessarily-violent-public-perceptions-of-nonviolence-and-terrorism-in-conflict-settings/9BA6C161346EEE1563A7DC2639066A02">et les universitaires</a> définissent les groupes terroristes comme des organisations non étatiques qui cherchent à recourir à la violence ou à la menace de violence contre des civils pour atteindre des objectifs politiques, avec une certaine ambiguïté quant aux entités qui peuvent s’en charger.</p>
<p>Au XXI<sup>e</sup> siècle, la diffusion des <a href="https://www.igi-global.com/dictionary/scales-dynamics-outsourcing/14566">technologies de communication</a> et le <a href="https://archive.org/details/whatsnextproblem0000unse/page/82/mode/2up">cycle d’information 24 heures sur 24</a> ont donné aux groupes terroristes de nouveaux moyens d’attirer l’attention de la communauté internationale.</p>
<p>Des vidéos peuvent être téléchargées en temps réel par des groupes terroristes, et l’attention internationale ne tarde pas à suivre. Les médias d’information sont toutefois <a href="https://www.aljazeera.com/opinions/2019/7/9/the-problem-is-not-negative-western-media-coverage-of-africa/">très sélectifs</a> dans ce qu’ils couvrent.</p>
<p>En raison de la sélectivité des médias, les organisations terroristes cherchent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0047272717301214">à maximiser leur audience</a>. L’un des moyens d’y parvenir est de lier leurs activités à des événements en cours. L’attaque de l’EI-K à Moscou illustre cette tendance.</p>
<p>La décision de l’EI-K d’attaquer la salle de concert de Moscou n’était pas purement opportuniste. L’État islamique et ses organisations subsidiaires <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/russie/attaque-terroriste-pres-de-moscou/fusillade-en-russie-l-etat-islamique-et-la-russie-ont-une-dette-de-sang-qui-remonte-a-plusieurs-annees-analyse-un-specialiste-du-jihadisme-apres-la-revendication-de-Daech_6441190.html">reprochent à la Russie</a> son rôle dans la destruction de l’EI en Syrie et en Irak.</p>
<p>L’attaque de l’EI-K contre Moscou correspond donc à son propre agenda, tout en faisant progresser ses objectifs. Le problème est le potentiel d’escalade.</p>
<h2>L’escalade du conflit entre la Russie et l’Ukraine</h2>
<p>Il reste encore beaucoup d’inconnues sur l’attaque. Il est toutefois possible d’en tirer certaines conséquences potentielles.</p>
<p>Les autorités américaines avaient <a href="https://www.youtube.com/watch?v=iDEkly_6P4A">précédemment averti la Russie</a> qu’une attaque était imminente. Les autorités russes n’ont pas tenu compte de cet avertissement.</p>
<p>Poutine a même déclaré avant l’attaque que les <a href="https://www.rtbf.be/article/attentat-a-moscou-washington-avait-averti-poutine-parlait-alors-de-mensonges-11348726">avertissements américains à cet effet</a> étaient une forme de chantage. Ainsi, même un avertissement sincère des États-Unis a été perçu par les autorités russes à la lumière du conflit plus large entre la Russie et l’Ukraine.</p>
<p>Les suites de l’attaque risquent d’amplifier ces inquiétudes. Poutine a affirmé que quatre personnes impliquées dans le conflit avaient été capturées en <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/russie/attaque-terroriste-pres-de-moscou/direct-attentat-terroriste-pres-de-moscou-les-quatre-suspects-ont-ete-places-en-detention-provisoire_6445771.html">tentant de fuir</a> vers l’Ukraine.</p>
<p>Cela semble discutable : la frontière entre la Russie et l’Ukraine est l’un des endroits les plus militarisés du pays en raison de la guerre. Le résultat, cependant, est que la tentative d’évasion présumée a permis aux politiciens russes de <a href="https://www.lapresse.ca/international/europe/2024-03-26/le-fsb-accuse-l-ukraine-et-l-occident-d-avoir-facilite-l-attentat-pres-de-moscou.php">relier l’attaque</a> aux autorités ukrainiennes, malgré les <a href="https://fr.news.yahoo.com/pr%C3%A9sidence-ukrainienne-affirme-navoir-rien-194842346.html">protestations contraires</a> de ces dernières.</p>
<p>Les autorités russes devront agir, comme le ferait n’importe quel État à la suite d’une telle agression. Mais les représailles sont d’autant plus probables que <a href="https://www.nytimes.com/2024/03/23/world/europe/putin-russia-moscow-attack.html">Poutine</a> se présente comme le protecteur du peuple russe.</p>
<p>L’élimination du terrorisme est cependant une tâche <a href="https://www.nytimes.com/2021/09/10/world/europe/war-on-terror-bush-biden-qaeda.html">extrêmement difficile, voire impossible</a>, comme le montre l’expérience américaine. La guerre entre la Russie et l’Ukraine offre toutefois aux autorités russes un terrain propice pour canaliser ailleurs le chagrin et l’indignation suscités par le tragique attentat.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226666/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>James Horncastle ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Ukraine a nié toute implication dans l’attentat terroriste de Moscou. Cela ne signifie pas que la Russie n’essaiera pas d’utiliser cet événement pour intensifier sa guerre avec l’Ukraine.James Horncastle, Assistant Professor and Edward and Emily McWhinney Professor in International Relations, Simon Fraser UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2224232024-03-26T16:42:15Z2024-03-26T16:42:15ZLe skateboard, un atout pour la ville de demain ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/581345/original/file-20240312-30-j3omwl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C10%2C3473%2C2441&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le skateboard bâtit son identité à travers son rapport singulier à l’environnement urbain</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Souvent associé aux premières initiatives scandinaves des années 1990, le « skate urbanisme » est un mouvement activiste qui inscrit la pratique libre du skateboard dans l’aménagement urbain. Aujourd’hui de nombreuses municipalités en France et à travers le monde collaborent avec leurs communautés locales pour créer de nouveaux espaces publics en lien avec ses préceptes. Quels sont les raisons et les bénéfices attendus qui expliquent un tel engouement ?</p>
<h2>« Skateboarding is no longer a crime »</h2>
<p>Dans les années 1950 aux États-Unis, le skateboard trouve sa genèse dans la <a href="https://www.nomadeshop.com/fr/blog/histoire-du-skateboard-et-de-ses-origines-n57">culture californienne</a> à travers la détermination des surfers à vouloir « rider » au-delà de l’océan. Les pratiquants de skateboard se faisaient appeler <a href="https://www.skatedeluxe.com/blog/fr/wiki/skateboarding/histoire-de-skateboarding/">« les surfers de l’asphalte »</a> en référence au fait que les vagues ont été remplacées par une glisse d’un nouveau genre, sur le béton.</p>
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<p>Dans les années 1960, les États des côtes est et ouest des États-Unis sont les témoins de la popularité du skate qui passe de jouet bricolé à un véritable <a href="https://www.skatedeluxe.com/blog/fr/wiki/skateboarding/histoire-de-skateboarding/">accessoire sportif</a>. C’est à ce moment que la pratique se diversifie : freestyle (exécution de figures sur surface plane), downhill (recherche de vitesse dans les pentes) et slalom (parcours entre des cônes). Mais il aura fallu traverser l’Atlantique et attendre la fin des années 1970 pour voir la construction des premiers skateparks, comme à Munich, qui <a href="https://journals.openedition.org/critiquedart/2616">« synthétisent l’espace d’origine du skateboard, l’océan, et son lieu de naissance, la ville moderne »</a>, comme le décrit Raphaël Zarka.</p>
<p>Au même moment, afin de pallier leur manque de structure pour pratiquer, les skateboarders californiens se sont approprié des piscines, vidées pour lutter contre la sécheresse. Des spots qui ressemblent comme « deux gouttes d’eau » aux <em>bowls</em> (cuvettes arrondies souvent en béton) des skateparks actuels.</p>
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<p>Mais au-delà de la perspective sportive, le skateboard devient une subculture <a href="https://books.openedition.org/msha/16322">ritualisée de gestes, de signes, de symboles</a>, avec comme lieu de partage la rue. La maxime <a href="https://www.surfertoday.com/skateboarding/skateboarding-is-not-a-crime-the-origin-of-the-slogan">« Skateboarding is not a crime »</a>, popularisée par la vidéo « Public Domain » de la marque Powell Peralta (1988), symbolise la résilience d’une culture souvent incomprise. Le partage de l’espace public a mis à mal la réputation des skateboarders souvent décrits comme des marginaux, des rebelles, des destructeurs, où l’exploration de l’environnement urbain en skateboard semblait incompatible avec d’autres activités humaines.</p>
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<p>Ainsi les années 1970 sont synonymes de <a href="https://www.skatedeluxe.com/blog/fr/wiki/skateboarding/histoire-de-skateboarding/">répression</a>. Certaines villes de Californie et la <a href="https://olympics.com/fr/series-originales/episode/foul-play-l-interdiction-du-skateboard-en-norvege">Norvège interdisent la pratique libre du skateboard</a> pendant plusieurs années, la déclarant comme trop dangereuse en raison de certains accidents, parfois mortels. <a href="https://www.eurosport.fr/jeux-olympiques/comment-le-skate-a-survecu-a-une-interdiction-de-11-ans-en-norvege_vid1323323/video.shtml">Ce qui n’a pas empêché les plus irréductibles de continuer à “rider” en secret</a>. Inévitablement la ville est restée <a href="https://books.openedition.org/msha/16322">leur espace de jeu</a>.</p>
<p>Ces dernières années, le skateboard s’est popularisé davantage en devenant une <a href="https://www.lequipe.fr/Adrenaline/Tous-sports/Actualites/Jeux-olympiques-le-monde-du-skateboard-divise-en-deux/718760">discipline olympique (Tokyo 2020), une décision qui divise sa communauté</a> mais qui demeure le symbole d’une reconnaissance sociale et économique (tardive…).</p>
<h2>Le skateboard : un caléidoscope urbain</h2>
<p>Face à la popularité actuelle de la pratique <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/a-un-an-des-jeux-olympiques-de-tokyo-2020-l-equipe-de-france-de-skate-avance-pas-a-pas-1565831">(20 millions de skateboarders dans le monde dont 1 million en France)</a>, les skateparks se sont multipliés <a href="https://www.lesechos.fr/pme-regions/hauts-de-france/pourquoi-les-villes-cedent-a-la-mode-des-skateparks-1945695">(3500 en France)</a>.</p>
<p>Les municipalités souhaitent, d’une part, soutenir l’activité sportive et sociale des pratiquants, et, d’autre part, éviter <a href="https://actu.fr/grand-est/strasbourg_67482/sur-cette-place-de-strasbourg-guerre-ouverte-entre-les-skateurs-et-certains-habitants_50777286.html">d’éventuels problèmes de sécurité, de nuisances et de conflits</a> avec les autres usagers. Cet encadrement du skateboard fait écho au <a href="https://journals.openedition.org/echogeo/14634">modèle traditionnel de « la ville fonctionnelle</a> » théorisée par Le Corbusier : se loger, travailler, circuler et se récréer (via les loisirs). Dans cette logique, la construction d’un skatepark est fréquemment accompagnée d’une <a href="https://www.20minutes.fr/magazine/cultures-urbaines-mag/2425467-20131024-a-tokyo-l-option-skatepark-permet-d-eviter-les-sushis">politique publique contre la pratique libre du skateboard</a> (arrêtés municipaux, dispositifs anti-skate, amendes, etc.), occasionnant parfois la <a href="https://www.theguardian.com/cities/gallery/2018/feb/14/love-park-photos-book-skate-philidelphia-jonathan-rentschler">disparition de « spots » historiques</a> et de leur contribution sociale et culturelle à la ville.</p>
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<p>Néanmoins, le <a href="https://www.cairn.info/revue-staps-2010-2-page-61.htm">skateboard a continué de bâtir son identité à travers son rapport singulier à l’environnement urbain</a>. <a href="https://journals.openedition.org/eue/219">Son environnement</a> est composé des formes, des surfaces et des matériaux (courbes, béton, métal, etc.) issus de courants architecturaux souvent sources d’inspiration pour les pratiquants comme le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=SBRckzMW9ZM">brutalisme</a>. Ainsi, l’architecture de chaque ville favorise l’émergence d’un style original de pratique comme les <a href="https://www.newyorker.com/culture/video-dept/the-rush-and-risk-of-skateboarding-san-franciscos-hills">Down Hills de San Francisco</a> ou les <a href="https://bibliotheques.paris.fr/cinema/doc/SYRACUSE/1090854/tokyo-skate-les-paysages-urbains-du-skateboard">rues tokyoïtes</a>.</p>
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<p>Par conséquent, le skatepark reste une reproduction de la rue, un lieu clôturé dédié à une <a href="https://www.cairn.info/revue-panard-2022-2-page-132.htm">pratique plus normée et plus athlétique</a> que créative et artistique. Néanmoins, les décideurs publics ont constaté que substituer le skatepark à la rue était une décision inefficace. Ainsi, la ville demeure le <a href="https://www.persee.fr/doc/diver_1769-8502_2010_num_160_1_3260">lieu de consolidation d’une expérimentation</a> <a href="https://www.persee.fr/doc/diver_1769-8502_2010_num_160_1_3260">spatiale</a> portée aujourd’hui par le mouvement <a href="https://soloskatemag.com/tags/skate-urbanism">skate urbanisme</a> soutenu par de nombreuses municipalités « skate friendly » conscientes de ses potentiels bénéfices pour la collectivité.</p>
<h2>Le skate urbanisme comme levier des transitions urbaines à venir</h2>
<p>Le skate urbanisme est né de la volonté des communautés activistes et des mairies de <a href="https://stud.epsilon.slu.se/10290/1/angner_f_170626.pdf">planifier ensemble l’intégration du skateboard dans l’environnement urbain</a>. Plusieurs villes européennes (comme <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/IJSMS-05-2020-0101/full/html">Malmö</a>, Copenhague et Bordeaux) sont avant-gardistes dans l’application de programmes d’aménagement d’espaces hybrides ouverts au skateboard. Bordeaux <a href="https://www.sudouest.fr/gironde/bordeaux/skate-a-bordeaux-la-ville-est-passee-d-une-politique-repressive-a-une-politique-bienveillante-11636864.php">(recensant 35000 pratiquants)</a> applique depuis 2019 un <a href="https://www.bordeaux.fr/images/ebx/fr/CM/15163/6/acteCM/84253/pieceJointeSpec/176177/file/acte_00083716_D.pdf">schéma directeur</a> dont les grands principes sont <a href="https://www.sudouest.fr/gironde/bordeaux/bordeaux-des-bancs-en-granit-pour-s-asseoir-et-skater-1915024.php">l’installation d’un mobilier urbain spécifique</a>, la distribution d’un <a href="https://www.calameo.com/read/001480121a62fc6648e98">guide du skateboard</a>, une <a href="https://www.francebleu.fr/infos/societe/bordeaux-des-mediateurs-pour-calmer-le-conflit-entre-les-riverains-et-les-skateurs-1525600920">démarche de médiation</a> entre les skateboarders et la population, ou encore la création d’<a href="https://www.bougerabordeaux.com/sinformer/des-structures-pour-le-skate-sur-le-miroir-deau-de-bordeaux/">évènements culturels</a>.</p>
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<p>La popularité naissante du skate urbanisme au sein des équipes municipales s’explique par l’espoir d’en récolter des bénéfices économiques, environnementaux et sociaux. Le skateboard est devenu un marché important <a href="https://www.grandviewresearch.com/industry-analysis/skateboard-market">(740 millions d’euros en Europe)</a> au potentiel de développement territorial non négligeable. Pour exemple, Bordeaux accueille le <a href="http://www.sugarskatemag.com/">premier magazine français</a>, <a href="https://www.sudouest.fr/politique/education/culture-urbaine-bordeaux-une-ville-en-pointe-sur-le-skateboard-8482515.php">l’unique formation diplômante dédiée</a>, quatre sièges de marques mondialement connues, une vingtaine de distributeurs, six associations et plusieurs skateboarders professionnels. Enfin, la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=8r6jD4TW900">production visuelle de sa communauté</a> et la <a href="https://www.bordeaux-tourisme.com/skate-city">communication « skate friendly » de la municipalité</a> développent un <a href="https://journals.openedition.org/teoros/9929">tourisme consacré au skateboard</a>.</p>
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<p>Le skate urbanisme s’inscrit dans la tendance de <a href="https://www.cairn.info/revue-flux-2020-1-page-197.htm">« l’urbanisme circulaire »</a>, un modèle qui répond au défi de la transition écologique en souhaitant créer des villes sobres et durables grâce à la réinterprétation du bâti existant, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/esprit-des-lieux/a-quoi-ressembleront-nos-villes-en-2050-6832830">80 % de la ville de 2050 existerait déjà</a>. Il s’agit non pas de créer ex nihilo de nouveaux espaces mais de capitaliser sur l’actuel. En ce sens, le skate urbanisme prône le recyclage urbain et la frugalité budgétaire en réhabilitant des <a href="https://www.dedication.website/projets/terrasse-gnral-koenig-bordeaux-mriadeck-2020">lieux de pratique en déshérence</a> ou en améliorant des « spots » existants, par exemple via la recommandation d’horaires de pratique afin de <a href="https://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2018-4-page-163.htm">limiter les nuisances sonores</a>. Il permet également de sécuriser et d’intensifier l’utilisation de ces espaces via l’ancrage de la communauté et la fréquentation de nouveaux pratiquants par exemple les femmes qui sont de plus en plus nombreuses dans un environnement traditionnellement masculin. De plus, il propose une solution de mobilité douce, non polluante et physique au même titre que le vélo et la trottinette.</p>
<p>Enfin, ce mouvement contribue à la transition des modes de vie. La ville est désormais pensée selon ses usagers et <a href="https://fr.euronews.com/next/2021/09/17/qu-est-ce-que-la-ville-du-quart-d-heure-et-comment-peut-elle-changer-nos-vies">l’accès facilité à leurs besoins fondamentaux</a> comme le travail, les soins et les loisirs. Dans cette dynamique citoyenne, le skate urbanisme apporte aux mairies des solutions à cette transition en encourageant une <a href="https://www.sudouest.fr/gironde/bordeaux/un-guide-et-de-nouveaux-panneaux-dans-bordeaux-pour-les-skateurs-14528746.php">activité physique de proximité gratuite</a>, en stimulant l’engagement citoyen via des <a href="https://www.sudouest.fr/gironde/mios/mios-les-travaux-pour-la-ligne-de-skate-de-lacanau-de-mios-ont-commence-13164215.php">projets d’aménagement (par exemple portés par les budgets participatifs)</a> ou encore en favorisant le vivre ensemble à travers des <a href="https://www.sudouest.fr/gironde/bordeaux/nouveaux-modules-de-skate-au-miroir-d-eau-a-bordeaux-c-est-une-offrande-aux-skateurs-16336495.php">évènements culturels et sportifs</a> propices à l’expérience artistique et à la mixité des populations.</p>
<p>Par conséquent, les décideurs publics changent progressivement leur appréhension négative du skateboard libre et urbain pour le considérer comme un acteur vertueux de la ville durable et inclusive de demain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222423/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Peut-on penser l’urbanisme à travers la pratique du skate ? A quelles fins ?Jean-Sébastien Lacam, Professeur en Management, ESSCA School of ManagementJuliette Evon, Professeure en Management, ESSCA School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2254352024-03-20T16:01:05Z2024-03-20T16:01:05ZJoe Biden et le défi du vote hispanique<p><a href="https://www.pewresearch.org/short-reads/2024/01/10/key-facts-about-hispanic-eligible-voters-in-2024/">36,2 millions d’électeurs potentiels</a>, soit 4 millions de plus qu’en 2020, et environ 15 % du total de l’électorat américain. Tel est le poids que peut représenter l’électorat hispanique lors de l’élection présidentielle de novembre 2024, qui s’annonce difficile pour le président Biden.</p>
<p>Certes, traditionnellement, ces Américains de plus de 18 ans, <a href="https://www.pewresearch.org/short-reads/2023/09/05/who-is-hispanic/">d’origine hispanique</a>, ne sont pas tous inscrits sur les listes électorales et leur taux de participation demeure plus faible que celui des autres groupes, ce qui minore quelque peu l’impact politique de la première minorité des États-Unis. Cependant, ce « géant », qui ne s’est pas tout à fait réveillé encore, compte de plus en plus. En Californie et au Texas, ces électeurs potentiels représentent un tiers de l’électorat. Ils peuvent également faire pencher le résultat vers un parti ou un autre dans certains États indécis, comme l’Arizona. Aucun candidat ne souhaite « perdre » ces suffrages. <a href="https://naleo.org/COMMS/PRA/2024/NEF_Election_2024_Latino-Vote_Projections_FINAL.pdf">Selon la National Association of Latino Elected and Appointed Officials</a> (NALEO), 17,5 millions d’électeurs hispaniques, soit 6,5 % de plus qu’en 2020, et 11 % du total, devraient voter le 5 novembre prochain.</p>
<h2>Une communauté traditionnellement plutôt acquise aux Démocrates</h2>
<p>Historiquement, la minorité hispanique, très hétérogène, a majoritairement voté pour le Parti démocrate, même s’il existe des exceptions collectives, notamment les groupes originaires de Cuba et, moins nombreux, du Nicaragua et du Venezuela, tr ois pays gouvernés par des dirigeants à orientation marxiste.</p>
<p>Cependant, élection après élection, le Parti républicain peut se prévaloir d’un socle de 20-30 % de l’électorat hispanique, avec de bien meilleurs résultats pour Ronald Reagan en 1984 (37 %), George W. Bush en 2004 (un record de 40 %), ou bien encore 38 % pour Donald Trump en 2020. Les valeurs traditionnelles prônées par les Républicains correspondent à celles auxquelles les Hispaniques adhèrent généralement d’un point de vue culturel. Le terrain récemment gagné par les Républicains au sein de la minorité, visible dans les élections locales ou au Congrès fédéral, ne permet cependant pas de franchir la barre des 50 % au plan national.</p>
<p>Outre les différences d’origine déjà évoquées, il existe des disparités de genre (les hommes latino tendent à voter plus volontiers pour les Républicains que les femmes) et de niveau d’instruction ou social (les électeurs peu qualifiés ou avec un faible niveau d’instruction <a href="https://www.pewresearch.org/politics/2021/06/30/behind-bidens-2020-victory/">ont davantage voté pour Trump en 2020</a>).</p>
<p>Les sondages les plus récents, conduits en novembre 2023 ou janvier 2024, ne révèlent pas de changement majeur dans ce schéma qui demeure favorable aux Démocrates, même si des candidats républicains aux diverses fonctions locales ou au Congrès fédéral peuvent leur ravir des postes.</p>
<p>Selon le <a href="https://unidosus.org/wp-content/uploads/2023/11/unidosus_national_surveyoflatinovoters.pdf">sondage conduit par l’association hispanique UnidosUS en novembre 2023</a>, les priorités des électeurs hispaniques n’ont guère varié par rapport aux autres élections : l’inflation, l’emploi et l’économie, la couverture médicale, la criminalité et les armes à feu, et enfin, chose nouvelle, le coût du logement demeurent leurs priorités absolues. Sur tous ces sujets, ils indiquent majoritairement que le Parti démocrate semble mieux répondre à leurs inquiétudes.</p>
<p>L’administration Biden l’a bien compris qui, dès l’automne 2023, a lancé une vaste campagne de séduction, rappelant les mesures générales prises dans le cadre de sa politique socio-économique (Bidenomics), <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2023/07/11/bidenomics-is-delivering-for-latinos-the-presidents-plan-grows-the-economy-from-the-middle-out-and-bottom-up-not-the-top-down/">dont les Hispaniques ont pu profiter</a>.</p>
<p>La création de 13,5 millions d’emplois – dont 4 millions occupés par des Latinos –, l’aide à l’ouverture de petites entreprises, ainsi que <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2023/09/29/fact-sheet-the-biden-%E2%81%A0harris-administration-advances-equity-and-opportunity-for-latino-communities-across-the-country/">l’augmentation du nombre d’Hispaniques ayant accès à l’assurance santé</a> contribuent toutes à l’amélioration du niveau de vie de la minorité. Le ministre de la Santé, Xavier Becerra, tout comme la secrétaire d’État au petit commerce, Isabella Casillas Guzman, sont d’ailleurs des Hispaniques, témoignant du choix politique de ces nominations.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1449847900926795784"}"></div></p>
<p>Les jeunes – électeurs ou futurs électeurs – ont également bénéficié d’aides à l’éducation, d’investissements dans les établissements qu’ils fréquentent majoritairement, et de bourses. Enfin, les électeurs hispaniques soutiennent massivement le <a href="https://theconversation.com/vers-la-fin-du-droit-a-lavortement-aux-etats-unis-182528">droit à l’avortement</a>, dont le Parti démocrate s’est fait l’ardent défenseur. Toutefois, la bonne santé économique du pays ne se perçoit guère au quotidien : l’inflation et le coût du logement suscitent des critiques et un certain mécontentement à l’égard des Démocrates.</p>
<h2>Un intérêt moins marqué pour la question de l’immigration</h2>
<p>Curieusement, alors que les deux partis se déchirent violemment sur la question migratoire et la gestion des flux à la frontière avec le Mexique, et que le Parti républicain <a href="https://www.liberation.fr/international/amerique/etats-unis-les-republicains-veulent-destituer-le-ministre-de-biden-charge-de-limmigration-20240214_TYHGMYY5OVAY3H7XXN6LR4VHQY/">ne lésine pas sur les moyens</a> pour attaquer ce qu’il juge être l’immobilisme présidentiel face aux <a href="https://www.ledevoir.com/monde/ameriques/803101/i-le-devoir-i-sur-la-route-des-migrants-en-amerique-latine-on-avait-jamais-imagine-vivre-jour">flots d’immigrants à la frontière</a> (recours en justice, transport de migrants dans des municipalités démocrates, campagnes dans les médias et sur les réseaux sociaux…), ce sujet, toujours sensible pour l’électorat hispanique, semble moins important en 2023-2024 que par le passé, éclipsé par les soucis de la vie quotidienne.</p>
<p>Interrogés sur la question migratoire, les sondés d’UnidosUS <a href="https://unidosus.org/wp-content/uploads/2023/11/unidosus_national_surveyoflatinovoters.pdf">accordent largement leur priorité à l’obtention de la nationalité américaine</a>, à terme, pour les immigrants entrés aux États-Unis enfants et illégalement. Il apparaît ainsi que le projet de loi <a href="https://immigrationlawnv.com/fr/blog/the-dream-act/">DREAM Act</a> de 2001, constamment rejeté au Congrès chaque fois qu’il a été présenté, et qu’Obama avait tenté d’imposer par une mesure exécutive temporaire (DACA), demeure la principale priorité des Hispaniques sur ce sujet, avec ce même chemin vers la naturalisation pour les immigrants irréguliers vivant depuis longtemps aux États-Unis.</p>
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<p>Le renforcement de la sécurité à la frontière, ou bien la finalisation du mur, apparaissent comme beaucoup moins importants. Tout programme massif d’expulsions est largement rejeté. En d’autres termes, les violents débats politiciens sur les mesures prises – ou non prises – par l’administration Biden à propos des flux migratoires récents, en forte augmentation depuis l’accession au pouvoir du Démocrate, ne semblent pas avoir d’impact significatif sur la minorité dans son ensemble.</p>
<p>Pour autant, elle ne saurait rester insensible à une question qui fait régulièrement la une de la presse. 28 % des adultes hispaniques (électeurs ou ne possédant pas encore la nationalité américaine) indiquent d’ailleurs suivre régulièrement les informations concernant la frontière, ce qui signifie en creux que, pour une vaste majorité, ce n’est pas une préoccupation quotidienne. Plus indulgents que la population catégorisée comme blanche par le recensement, mais plus sévères que les Afro-Américains, ils estiment <a href="https://www.pewresearch.org/politics/2024/02/15/how-americans-view-the-situation-at-the-u-s-mexico-border-its-causes-and-consequences/">dans un sondage conduit par le Pew Research Center en janvier 2024</a> que le grand nombre de migrants tentant de franchir la frontière mexicano-américaine est une véritable crise (38 %) ; la même proportion répondent qu’il s’agit simplement d’un « problème majeur » ; 74 % trouvent que le gouvernement américain gère mal ou très mal la question ; et 47 % considèrent que la situation migratoire à la frontière génère davantage de criminalité.</p>
<h2>Joe Biden dans l’embarras</h2>
<p>L’administration Biden dispose d’une marge de manœuvre très étroite sur la question migratoire. Alors que le Parti républicain présente aujourd’hui une position peu ou prou unifiée sur le rejet des flux migratoires illégaux, le président se trouve pris en tenaille entre, d’une part, <a href="https://www.nytimes.com/2023/09/22/us/politics/migrant-crisis-democrats-cities.html">l’aile gauche de son parti</a>, les élus latinos démocrates, ainsi que les associations des droits de l’homme et des droits civiques qui <a href="https://apnews.com/article/senate-border-immigration-biden-66531bcefb908d5440a52b54c543b006">prônent une vigoureuse politique d’accueil</a> et un mécanisme permettant, à terme, une naturalisation de certains immigrés irréguliers ; et d’autre part <a href="https://dividedwefall.org/democrats-on-immigration/">ceux qui considèrent que cet afflux massif de migrants a des retentissements négatifs</a> sur les collectivités qui les accueillent, à la frontière ou ailleurs dans le pays.</p>
<p>Tout cela se déroule sur fond de <a href="https://apnews.com/article/immigration-courts-wait-54bb5f7c18c4c37c6ca7f28231ff0edf">manque criant de juges et d’agents fédéraux</a> à la frontière et dans les services de l’immigration. Des recrutements ont eu lieu mais après les coupes opérées par l’administration précédente, le processus prend du temps et nécessite des fonds que le Congrès refuse d’octroyer.</p>
<p>S’y ajoutent des procédures judiciaires incessantes de la part des Républicains, ce qui bloque l’application de nombreuses décisions, le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2024/01/30/aux-etats-unis-la-question-migratoire-entre-urgence-securitaire-et-blocage-politique_6213736_3210.html">blocage du Congrès</a> – et notamment de la Chambre des Représentants – sur la vaste réforme du système migratoire dont George W. Bush comme Barack Obama disaient déjà qu’il ne fonctionnait plus, et les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/12/19/etats-unis-le-gouverneur-du-texas-signe-une-loi-criminalisant-l-entree-illegale-de-migrants_6206639_3210.html">mesures autoritaires prises par certains gouverneurs républicains</a>.</p>
<p>Ainsi, les gouverneurs du Texas ou de Floride notamment expédient les migrants vers les villes du Nord et le Texas, va jusqu’à <a href="https://www.lefigaro.fr/international/aux-etats-unis-la-crise-migratoire-tourne-a-l-affrontement-constitutionnel-20240129">prendre le contrôle d’une partie de la frontière</a>, aux dépens de la Border Patrol qui relève du gouvernement fédéral, dans un bras de fer entre État fédéré et autorités fédérales sans précédent depuis le XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1752461718436077736"}"></div></p>
<p>En outre, la volonté des Républicains du Congrès de contraindre l’administration à des mesures coercitives à la frontière en <a href="https://www.nytimes.com/2023/12/12/us/politics/republicans-us-mexico-border-ukraine.html">échange d’un accord sur l’aide à l’Ukraine</a> place le président Biden dans une position intenable. Il dispose de très peu d’options, toutes les mesures nécessitant, pour leur mise en œuvre, des moyens financiers et humains que le Congrès ne lui accorde pas, ou bien un accord avec le Mexique pour revenir à la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/06/08/accord-entre-etats-unis-et-mexique-sur-l-immigration-les-tarifs-douaniers-suspendus_5473369_3210.html">politique trumpienne de maintien des migrants de l’autre côté de la frontière</a>, accord que Mexico ne semble pas disposé à renouveler.</p>
<p>Tout juste a-t-il pu augmenter le nombre de réponses favorables aux demandes d’asile et accorder aux immigrés vénézuéliens en situation irrégulière le <a href="https://www.courrierinternational.com/article/le-chiffre-du-jour-pres-de-500-000-migrants-venezueliens-autorises-a-travailler-legalement-aux-etats-unis">droit de travailler temporairement aux États-Unis</a>, en vertu du programme <a href="https://www.cfr.org/backgrounder/what-temporary-protected-status">Temporary Protected Status</a>, mis en place dès 1990 pour les ressortissants de pays ravagés par la violence ou des catastrophes naturelles.</p>
<h2>Un peu probable revirement en faveur de Donald Trump</h2>
<p>C’est justement parce que la question migratoire est devenue un casse-tête insoluble et que les électeurs hispaniques, qui vivent parfois aux États-Unis depuis plusieurs générations, s’intéressent également à d’autres sujets, qui les concernent au quotidien, que le président Biden met l’accent sur sa politique sociale et économique, espérant conserver leurs faveurs lors de l’élection de novembre prochain.</p>
<p>En dépit des annonces tonitruantes de la presse et des think tanks conservateurs, <a href="https://www.latimes.com/opinion/story/2023-12-28/latino-vote-republicans-democrats-biden-trump-election-2024">il n’est pas certain que les électeurs hispaniques, même déçus, rallient majoritairement le camp républicain</a> lors de la prochaine élection présidentielle. Le danger pour Biden, en revanche, serait un faible taux de participation de leur part.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225435/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Vagnoux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Première minorité aux États-Unis, les Hispaniques auront un grand impact sur l’issue de la présidentielle. Voteront-ils, cette fois encore, majoritairement en faveur du candidat démocrate ?Isabelle Vagnoux, Professeure des universités Responsable du programme « Relation à l’Autre, Mémoire, Identité », Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2260932024-03-20T13:26:40Z2024-03-20T13:26:40ZTikTok représente-t-il une menace pour la sécurité des Canadiens ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/582615/original/file-20240315-30-xv5fae.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C65%2C5472%2C3571&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">TikTok ne représente pas plus une menace pour la démocratie que les autres plateformes de médias sociaux.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Alors que la Chambre des représentants a adopté le 13 mars une proposition de loi qui prévoit <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/point-du-jour/segments/entrevue/485186/tiktok-application-mobile-renseignement-informations-privees-risque">l’interdiction de TikTok aux États-Unis</a>, les inquiétudes concernant les menaces que TikTok fait peser sur la vie privée et la liberté des personnes ont de nouveau été soulevées. </p>
<p>De son côté, le gouvernement fédéral du Canada a révélé qu’il avait commencé à enquêter il y a plusieurs mois pour déterminer si le contrôle étranger de l’application <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2057224/ottawa-canada-tiktok-securite-nationale">constituait une menace pour la sécurité nationale</a>. </p>
<p>Les représentants du gouvernement canadien considèrent que TikTok représente une menace pour les Canadiens de deux manières : en violant leur vie privée par la collecte d’un grand nombre de données ; en sabotant la démocratie par le biais de la désinformation et de la manipulation.</p>
<p>Ces menaces sont-elles théoriques ou réelles ? Existe-t-il des preuves étayant les craintes que le gouvernement chinois exerce un contrôle sur <a href="https://www.bloomberg.com/profile/company/1774397D:CH">ByteDance Ltd</a>, l’entreprise basée à Pékin qui possède TikTok ?</p>
<p>Il y a de bonnes raisons de penser que TikTok peut constituer une menace pour notre vie privée, mais pas pour notre démocratie. La plate-forme collecte peut-être trop de données, mais les craintes que la Chine utilise TikTok pour nous désinformer ou nous manipuler à des fins politiques sont injustifiées. </p>
<p>La Chine n’a pas besoin de contrôler TikTok pour influencer nos élections. Elle peut le faire assez facilement sans cette application. Les efforts actuels du Canada pour minimiser la menace que TikTok représente pour la sécurité nationale ne neutraliseront pas la menace que les médias sociaux font peser sur la démocratie.</p>
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<figcaption><span class="caption">Radio-Canada se penche sur l’interdiction potentielle de TikTok.</span></figcaption>
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<h2>Les préoccupations en matière de protection de la vie privée sont bien réelles</h2>
<p>Mais TikTok représente une menace pour notre vie privée. Les régulateurs européens ont notamment <a href="https://www.priv.gc.ca/fr/protection-de-la-vie-privee-et-transparence-au-commissariat/divulgation-proactive/cpvp-parl-bp/ethi_20231025/fe_20231025/">infligé des amendes à TikTok pour avoir collecté des données</a> auprès d’utilisateurs trop jeunes pour donner un consentement valable. Ils ont aussi condamné l’application pour avoir utilisé les données privées à mauvais escient et pour avoir « incité » les utilisateurs, par le biais de leurs paramètres par défaut, à adopter un comportement portant atteinte à la vie privée des personnes. </p>
<p>Des recours collectifs au Canada et aux États-Unis ont présenté un <a href="https://www.priv.gc.ca/fr/protection-de-la-vie-privee-et-transparence-au-commissariat/divulgation-proactive/cpvp-parl-bp/ethi_20231025/fe_20231025/">argumentaire similaire</a>.</p>
<p>Les experts en cybersécurité ont <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/canada-tiktok-western-scrutiny-1.6760037">mis en garde contre le caractère invasif de l’application</a>, car elle suit la localisation de l’utilisateur, les messages qu’il reçoit et les réseaux auxquels il accède. Les autorisations sont enfouies dans les paramètres de l’application, mais la <a href="https://www.forbes.com/sites/emilsayegh/2022/11/09/tiktok-users-are-bleeding-data/">plupart des utilisateurs ne sont pas au courant de leur existence</a> ou ne prennent pas la peine de les vérifier.</p>
<p>Fin mars, le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada et ses trois homologues provinciaux devraient <a href="https://www.priv.gc.ca/fr/nouvelles-du-commissariat/nouvelles-et-annonces/2023/an_230223/">présenter un rapport d’enquête</a> sur la manière dont TikTok recueille et utilise nos données. La Commission recommandera très probablement de suivre l’exemple de l’Europe en adoptant une législation exigeant une plus grande transparence des données collectées par TikTok et des restrictions supplémentaires quant à leur utilisation.</p>
<h2>Craintes d’ingérence de la Chine</h2>
<p>Le 1<sup>er</sup> mars, le gouvernement fédéral a publié une nouvelle <a href="https://www.canada.ca/fr/innovation-sciences-developpement-economique/nouvelles/2024/03/le-canada-resserre-les-lignes-directrices-sur-les-investissements-etrangers-dans-le-secteur-des-medias-numeriques-interactifs.html">politique selon laquelle les plates-formes étrangères</a>, comme TikTok, feraient l’objet d’un « examen approfondi » en vertu des pouvoirs conférés par la <a href="https://laws-lois.justice.gc.ca/eng/acts/I-21.8/index.html">loi sur l’investissement au Canada</a>. En vertu de cette loi, le gouvernement peut imposer des conditions aux investisseurs ou entreprises étrangers lorsqu’il existe des « motifs raisonnables de croire » que leur présence au Canada « pourrait porter atteinte à la sécurité nationale ».</p>
<p>Les ministres ont été <a href="https://www.canadianlawyermag.com/practice-areas/crossborder/federal-government-issues-additional-directions-for-interactive-digital-media/384566">clairs et directs quant à leurs préoccupations</a> : « des acteurs hostiles soutenus ou influencés par l’État pourraient tenter de tirer parti des investissements étrangers dans le secteur des médias numériques interactifs pour diffuser de la désinformation et manipuler l’information ».</p>
<p><a href="https://www.cbc.ca/news/canada/canada-tiktok-western-scrutiny-1.6760037">Vingt-six pour cent des Canadiens utilisent désormais TikTok</a>. La filiale canadienne de TikTok pourrait-elle prendre des mesures pour empêcher le gouvernement chinois de se livrer à la désinformation ou à la manipulation ?</p>
<h2>Pourquoi les inquiétudes sont injustifiées</h2>
<p>En février, la direction du renseignement national des États-Unis a publié une <a href="https://www.dni.gov/files/ODNI/documents/assessments/ATA-2024-Unclassified-Report.pdf">évaluation des menaces</a>, révélant que des comptes TikTok gérés par un « organe de propagande » du gouvernement chinois « ont ciblé des candidats des deux partis politiques pendant le cycle électoral américain de mi-mandat en 2022 ».</p>
<p>Cependant, comme l’a fait remarquer un commentateur dans le <em>New York Times</em>, le rapport du renseignement national ne dit pas <a href="https://www.nytimes.com/2024/03/14/opinion/tiktok-ban-house-vote.html">si les algorithmes de TikTok ont favorisé ces comptes malveillants</a>. La Chine a peut-être utilisé TikTok pour désinformer et manipuler, mais elle n’avait pas besoin de le faire en dirigeant ByteDance.</p>
<p>Une étude réalisée en 2021 par le Citizen Lab de l’université de Toronto a examiné en profondeur le code de TikTok et ses capacités de collecte de données. Ses conclusions confirment que <a href="https://citizenlab.ca/2021/03/tiktok-vs-douyin-security-privacy-analysis/">TikTok n’est pas plus invasif</a> que Facebook, Instagram ou d’autres plates-formes de médias sociaux. </p>
<p>L’étude a révélé que TikTok et sa version chinoise, Douyin, « ne semblent pas présenter de comportements ouvertement malveillants similaires à ceux que l’on trouve dans les logiciels malveillants ». Bien que Douyin contienne « des caractéristiques qui posent des problèmes de confidentialité et de sécurité, telles que le chargement de code dynamique et la censure des recherches côté serveur », l’étude révèle que « TikTok ne contient pas ces caractéristiques ».</p>
<p>Cela ne signifie pas que la Chine n’est pas en mesure d’ordonner à ByteDance de faire des choses qui pourraient nuire aux Canadiens. Mais cela confirme l’idée que la Chine n’a pas besoin de mobiliser ByteDance pour le faire ; un agent du gouvernement chinois (ou toute autre personne) peut facilement le faire en se faisant passer pour un utilisateur ordinaire.</p>
<p>En bref, les craintes d’ingérence de la Chine dans les élections canadiennes et américaines peuvent être justifiées. Mais tout comme la Russie a pu utiliser de faux comptes sur Facebook pour interférer dans <a href="https://www.intelligence.senate.gov/sites/default/files/documents/Report_Volume2.pdf">l’élection présidentielle américaine de 2016</a>, la Chine peut nous désinformer et nous manipuler en utilisant n’importe quel autre des médias sociaux, contre nous. </p>
<p>Cela met en évidence la véritable menace qui pèse sur notre démocratie : les médias sociaux que nous ne pouvons pas contrôler.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226093/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Robert Diab ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Environ le quart des Canadiens utilisent TikTok. Réglementer l’application au Canada est-il la meilleure approche pour éviter toute influence politique extérieure ?Robert Diab, Professor, Faculty of Law, Thompson Rivers UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2252182024-03-06T16:13:26Z2024-03-06T16:13:26ZSuper Tuesday 2024 : Trump en route vers la présidentielle<p>Aux États-Unis, le Parti démocrate comme le Parti républicain organisent des élections primaires afin de désigner leur candidat à la présidentielle. Pour le président sortant, il est d’usage que la compétition soit faible. Il n’affronte en général qu’un seul adversaire, qui est le plus souvent un inconnu du grand public. Assuré d’être réinvesti, le sortant rend surtout hommage à un formalisme électoral. C’est encore le cas cette année : Joe Biden « fait face » à Dean Philips, homme d’affaires et représentant du Minnesota. Le président a à ce jour obtenu <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2024/mar/05/dean-phillips-loses-minnesota">1 497 délégués sur les 1 968 nécessaires ; son adversaire, aucun</a>.</p>
<p>En règle générale, la course est nettement plus disputée au sein du parti qui se trouve dans l’opposition. Ce fut par exemple le cas en 2020 au sein du Parti démocrate, quand Joe Biden a dû batailler pour devancer plusieurs concurrents de poids comme Bernie Sanders et Elizabeth Warren.</p>
<p>Cette fois, la donne est différente. Pour le Parti républicain, la compétition aura été quasiment aussi réduite que dans le camp d’en face. Les quelques personnalités ayant brigué l’investiture contre Donald Trump ont toutes jeté l’éponge, la dernière en date étant Nikki Haley, l’ancienne gouverneure de la Caroline du Sud et ambassadrice aux Nations unies, dont on vient d’apprendre le <a href="https://www.reuters.com/world/us/nikki-haley-exit-us-republican-presidential-race-wsj-reports-2024-03-06/">retrait</a> à l’issue du « Super Tuesday ».</p>
<h2>Une fin de match rapide</h2>
<p>Les élections primaires ne se tiennent pas toutes le même jour. Chaque État ou territoire vote selon un calendrier propre, entre les mois de janvier et juin précédant les élections générales qui se tiennent, elles, au mois de novembre.</p>
<p>Ce qu’il est convenu d’appeler depuis 1984 le « Super Tuesday » tombe le premier mardi de mars. Ce jour-là, les primaires sont organisées simultanément dans une quinzaine d’États. Un vote qui, dans chaque État, détermine le nombre de délégués qui participeront à la désignation finale. Durant l’été, une convention investira dans chaque parti le candidat qui portera ses couleurs à la présidentielle. Le 5 mars 2024 a donc été une journée décisive puisque 36 % des délégués républicains (865) ont été élus, pour un seuil de majorité de 1 215 délégués.</p>
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<p>Dans une configuration à deux concurrents, les primaires ne pouvaient que déboucher sur un prompt résultat. La raison ? Le principe du « winner-takes-all » (le gagnant emporte tout), qui accorde au candidat arrivé en tête l’ensemble des sièges, parfois avec une condition de seuil (50 %, 67 % ou 80 % des suffrages exprimés selon les cas). Une règle qui engendre autant de victoires écrasantes que de défaites cinglantes. Dès la première primaire dans le New Hampshire, après le caucus de l’Iowa, Donald Trump avait réalisé une excellente opération politique avec les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2024/01/21/presidentielle-americaine-le-retrait-de-ron-desantis-renforce-encore-un-peu-plus-la-campagne-de-donald-trump_6212143_3210.html">retraits de tous ses opposants aux primaires</a> à l’exception de Nikki Haley. S’ils s’étaient maintenus, ils auraient retardé le franchissement par l’ancien président du seuil fatidique des 50 % des délégués à la convention.</p>
<p>Le nombre de délégués est attribué selon des règles édictées au niveau local. Douze des quinze États concernés par ce « super mardi » appliquent une version de la règle du « winner-takes-all ». Les plus déterminants sont le Texas (161 délégués) et la Californie (169 délégués). Évidemment, cette règle a peu l’occasion de s’appliquer lorsqu’il y a trois ou quatre adversaires. Mais en présence de deux candidats seulement, c’est un couperet.</p>
<p>Pour le Parti républicain, peu de configurations sont comparables à celle de 2024. En 1996, Bob Dole, Pat Buchanan et Steve Forbes étaient les trois principaux concurrents : le sénateur Dole avait réuni suffisamment de délégués dès le 19 mars. En 2000, après deux mandats de Bill Clinton, les Républicains devaient choisir entre George W. Bush, John McCain et quatre petits candidats. Bush Jr. avait obtenu sa majorité de délégués le 14 mars. En 2012, après un mandat d’Obama, se présentaient quatre candidats d’envergure nationale (Mitt Romney, Rick Santorum, Rand Paul et Newt Gingrich), ce qui explique l’atteinte tardive, par Romney, du seuil de délégués nécessaires (29 mai). Enfin, en 2016, quatre têtes d’affiche nationales se disputaient l’investiture : Donald Trump, Ted Cruz, Marco Rubio et John Kasich. Le futur président n’avait franchi la ligne majoritaire que le 26 mai.</p>
<h2>La stratégie prudente de Nikki Haley</h2>
<p>À l’approche du Super Tuesday, elle n’avait gagné que dans le District of Columbia (Washington DC), par 62,8 % des suffrages (1 274 voix). Celui-ci lui était acquis car il abrite l’establishment républicain anti-Trump. Sa tournée de campagne se solde par une déception. Elle avait ciblé les États suivants : Minnesota, Colorado, Utah, Virginie, Caroline du Nord, Massachusetts, Vermont. Mais les tableaux de résultats ne sont pas à la hauteur de ses espoirs.</p>
<p>Si l’on compare les scores obtenus par Donald Trump en valeur relative (pourcentage de voix) et absolue (nombre d’électeurs) depuis 2016, des enseignements se dégagent. Rappelons que n’ont été retenus ici que les États impliqués dans le Super Tuesday. Malgré des scores confortables, Trump aura vu son électorat se démobiliser dans les États ruraux de l’Alabama, de l’Arkansas et de l’Oklahoma (les scores de l’Utah ne sont pas comparables car ce fut un caucus en 2024 et une primaire en 2020).</p>
<p><iframe id="9RvCy" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/9RvCy/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Arrivée en tête dans le Vermont (49,9 %), Nikki Haley a réussi deux fois mieux qu’escompté en Virginie et dans le Minnesota. Il est vrai que ces deux États ont en commun d’avoir des primaires ouvertes (autrement dit, tous les électeurs peuvent y voter, pour autant qu’ils n’aient pas participé à la primaire démocrate). On trouve aussi dans ces États une population urbaine éduquée et d’actifs foyers anti-Trump. Haley a fait de bons chiffres dans le Colorado et le Massachusetts (33,5 % et 36,8 %), mais du fait de la règle du « winner-takes-all », elle n’y a obtenu aucun délégué. Dans l’Utah, la communauté des Mormons, dominante dans cet État, est hostile à Trump. Haley y a récolté plus de 40 % des suffrages, l’un de ses meilleurs scores.</p>
<p><iframe id="mVE1C" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/mVE1C/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le détail des résultats montre également une autre faille du candidat Trump. Partout où les indépendants ou électeurs non affiliés ont pu voter, Nikki Haley a réalisé un meilleur score qu’annoncé par les sondages. Les banlieues, <a href="https://www.nytimes.com/interactive/2023/12/19/us/elections/times-siena-poll-registered-voter-crosstabs.html">plutôt acquises à Trump en 2016, lui sont aujourd’hui plus rétives</a> : deux tiers des électeurs y sont dans le camp de l’alternative à Trump. Or la moitié de l’électorat général vit en banlieue, ce qui n’est pas de bon augure pour l’ancien président.</p>
<p>Enfin, la part des jeunes diminue dans ses soutiens : elle passe de <a href="https://s2.washingtonpost.com/3ce8d01/65e0681c05a4d634fbf88c9f/596ada4aade4e24119a8b9c2/29/50/65e0681c05a4d634fbf88c9f">37 % en 2016 à 29 %</a> aujourd’hui. Haley, quant à elle, a déjà fait savoir qu’elle ne se sentait pas tenue de soutenir le candidat investi.</p>
<h2>Donald Trump, « outsider-in-chief »</h2>
<p>Trump est entré dans le Super Tuesday en ayant marqué des points significatifs. Il avait obtenu le retrait de ses concurrents aux primaires Tim Scott et Vivek Ramaswamy. Quant à Ron DeSantis, il a jeté l’éponge faute de soutien et fonds suffisants. Tous se sont officiellement ralliés à lui. En égrenant une <a href="https://www.cbsnews.com/news/trump-potential-vp-picks/">longue liste de vice-présidents potentiels</a>, il tient les cadres du parti en haleine, notamment Tulsi Gabbard, pro-russe et ancienne Démocrate, Byron Donalds, ancien membre de la coalition conservatrice et antifiscale du Tea Party, ou Kristi Noem, gouverneure du Dakota du Sud aux valeurs rurales et traditionalistes.</p>
<p>Autre enseignement : la réduction du nombre d’adversaires de l’ancien président n’aura pas permis de coaliser un front contre lui au sein du Parti républicain. Nikki Haley elle-même ne s’est pas distinguée par sa prise de risques. Elle a fortement limité ses publicités négatives ou propos hostiles à l’égard de son concurrent. Elle n’est pas allée beaucoup plus loin que le qualifier d’« instable » (« unhinged ») ou de l’associer au « chaos ». En outre, elle n’a su promouvoir aucun slogan de campagne marquant. Son « Make America Normal Again » est resté confiné au cercle de ses aficionados. La veille du Super Tuesday, elle déclarait encore « ne pas être anti-Trump ». Quant à son programme, qu’il s’agisse de l’immigration, de l’avortement ou de l’économie, il ne se démarque pas suffisamment pour être considéré comme une alternative. Elle ménage un électorat qu’elle pourrait conquérir en 2028, lorsque la succession au Parti républicain sera plus ouverte.</p>
<p>Après avoir déployé une stratégie d’outsider en 2016, Trump aura réussi un tour de force : avoir le contrôle du parti sans apparaître comme un représentant de l’establishment. Se présenter comme un outsider tout en étant un président sortant faisait déjà partie de sa stratégie en 2020. Fait notable cette année : il aura placé sa belle-fille, <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/chez-les-trump-lara-entre-en-scene-991999.html">Lara Trump</a>, en position d’obtenir un poste clé à la direction du Parti républicain. Les cadres de cette formation politique se rangent de plus en plus derrière lui. Non par conviction mais parce qu’il est le candidat soutenu par les électeurs. Un signe que le choix populaire, <a href="https://www.reuters.com/world/us/americans-dismayed-by-biden-trump-2024-rematch-reutersipsos-poll-finds-2024-01-25/">même par défaut</a>, prévaut encore dans la démocratie américaine : pour le meilleur et pour le pire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225218/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elisa Chelle a reçu des financements de l'Institut universitaire de France.</span></em></p>À l’issue de la journée décisive du « Super Tuesday », Donald Trump reste le seul candidat en lice côté républicain.Elisa Chelle, Professeure des universités en science politique, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2244402024-03-04T17:46:25Z2024-03-04T17:46:25ZMalgré sa grande popularité, Nikki Haley ne pourra devenir présidente des États-Unis. Voici pourquoi<p>Les résultats de la <a href="https://www.journaldequebec.com/2024/02/24/donald-trump-remporte-la-primaire-republicaine-de-la-caroline-du-sud">primaire républicaine de la Caroline du Sud</a>, le 24 février, sont tombés quelques minutes après la fermeture des bureaux de vote : une nouvelle victoire pour Donald Trump. </p>
<p>Dans un État où Nikki Haley a occupé le poste de gouverneure, l’équivalent de première ministre, c’est une terrible défaite. Elle semble confirmer l’inévitable nomination de Trump comme candidat républicain pour l’élection présidentielle de 2024, surtout après une autre défaite, celle du New Hampshire, <a href="https://www.nytimes.com/2024/01/11/us/politics/chris-christie-nikki-haley-new-hampshire.html">l’État où elle avait le plus de chance de s’imposer selon les sondages</a>.</p>
<p>Même si Haley a réussi <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2054028/nikki-haley-primaire-district-de-columbia">à décrocher une victoire dans le District de Colombia</a>, cela n'a rien changé à la course. Sa campagne s'est terminée après le super mardi (« super tuesday »), alors que 15 États se sont prononcés pour cette course électorale. <a href="https://www.nytimes.com/live/2024/03/04/us/trump-biden-haley-elections?unlocked_article_code=1.aE0.gjTO.iqwXPROMs2Xb&smid=url-share">Statistiquement</a>, les résultats n'officialise pas la nomination de Trump. Mais cela semble n’être qu’une question de temps. <a href="https://www.nytimes.com/live/2024/03/04/us/trump-supreme-court-colorado-ballot">La Cour suprême</a> vient par ailleurs de confirmer l’éligibilité de Trump à se présenter à l’élection présidentielle.</p>
<p>Pourtant, malgré cette défaite annoncée, c’est Nikki Haley qui sort du lot dans les sondages pour la présidentielle à venir. </p>
<p>Comment expliquer un tel décalage ?</p>
<p>Étudiant au doctorat en communication politique à l’Université de Montréal, mes recherches portent principalement sur la politique américaine, notamment sur les élections de grande envergure et la transformation du Parti républicain. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/atmosphere-politique-aux-etats-unis-voici-ce-quon-peut-apprendre-de-lallemagne-de-lentre-deux-guerres-222140">Atmosphère politique aux États-Unis : voici ce qu’on peut apprendre de l’Allemagne de l’entre-deux-guerres</a>
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<h2>Nikki Haley, en avance sur Trump et Biden !</h2>
<p>Un récent <a href="https://www.realclearpolling.com/polls/president/general/2024/haley-vs-biden">sondage</a> comparant Nikki Haley à Joe Biden dans un hypothétique duel présidentiel révélait un avantage de plus de 15 points de pourcentage pour la candidate républicaine. </p>
<p>Certes, la moyenne des sondages ne permet pas de témoigner d’un écart aussi grand pour Haley face au président Biden. Mais elle récolte tout de même un avantage plus important que son homologue du même parti avec une marge d’environ 4,9 %, contre <a href="https://www.270towin.com/2024-presidential-election-polls/">1,5 % pour Trump</a>. </p>
<p>Ainsi, au sein des candidatures importantes encore en lice, Haley serait fort probablement celle qui récolterait le plus de support lors de la prochaine élection présidentielle. </p>
<p>Mais au sein de son propre parti, Haley traîne en moyenne sur Donald Trump par plus de <a href="https://projects.fivethirtyeight.com/polls/president-primary-r/2024/national/">60 points de pourcentage</a>. </p>
<p>Ce qui fait toute la différence, ce sont les électeurs affiliés à aucun des deux grands partis traditionnels, c’est-à-dire, le vote indépendant. </p>
<p>Les résultats du New Hampshire le confirment : si cet État était considéré comme le plus avantageux pour Haley, c’était notamment par l’importante présence (<a href="https://www.nytimes.com/2024/01/22/us/politics/nh-primary-explainer-how-vote.html">près de 40 %</a>) d’électeurs et d’électrices indépendantes. </p>
<p>Par ses politiques plus modérées, Haley parvient à rejoindre cette partie de l’électorat, expliquant ainsi sa popularité dans les sondages nationaux.</p>
<p>Mais le problème pour l’ancienne gouverneure de la Caroline du Sud est le support, ou plutôt, l’absence de support au sein de l’électorat républicain. Face à Trump, elle cumule seulement le <a href="https://www.nytimes.com/2024/02/24/us/politics/trump-haley-south-carolina-takeaways.html">quart des membres de son propre parti</a> dans les primaires du New Hampshire et de la Caroline du Sud, les deux courses où elle était le mieux positionnée.</p>
<h2>Les Américains ne souhaitent pas un autre duel Trump-Biden</h2>
<p>Malgré tout, Haley a continué de s’accrocher, répétant que la majorité des Américains et Américaines ne souhaitent pas revoir un duel entre Trump et Biden, et se présentant ainsi comme l’alternative.</p>
<p>En effet, un <a href="https://www.nbcnews.com/politics/2024-election/nbc-news-poll-nearly-70-gop-voters-stand-trump-indictment-investigatio-rcna80917?cid=sm_npd_nn_tw_mtp">sondage de 2023</a> permettait de cristalliser cette tendance, alors qu’environ six personnes sur dix indiquaient que Trump ne devrait pas se présenter à la prochaine élection présidentielle. Pour ce qui est de Biden, la proportion montait à sept personnes sur dix. </p>
<p>D’un côté, l’ancien président républicain cumule les procès criminels et perpétue le mensonge que l’élection de 2020 lui aurait été volé. Son rôle dans l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Assaut_du_Capitole_par_des_partisans_de_Donald_Trump">insurrection du 6 janvier 2021</a>, son incivilité politique et sa tendance vers l’autocratique motivent aussi le sentiment négatif face à la réélection du 45<sup>e</sup> président des États-Unis.</p>
<p>De l’autre, l’âge de Joe Biden mine la crédibilité de sa candidature et semble de plus en plus inquiéter l’électorat américain. <a href="https://www.nbcnews.com/politics/2024-election/nbc-news-poll-nearly-70-gop-voters-stand-trump-indictment-investigatio-rcna80917?cid=sm_npd_nn_tw_mtp">La majorité des membres de son parti</a> pense qu’il ne devrait pas se représenter. De récents moments de confusion dans son discours ont contribué à alimenter l’aura de faiblesse autour de l’actuel président. </p>
<p>Même si Biden et Trump sont relativement du même âge, ce facteur se fait beaucoup plus ressentir chez le démocrate, contribuant à ternir l’image de sa potentielle réélection.</p>
<h2>Un système politique au bord de la rupture</h2>
<p>Pourquoi Haley est-elle restée si longtemps dans la course aux primaires malgré sa position désavantageuse ? </p>
<p>Un élément de réponse repose sur ses ressources financières. Alors qu’elle se positionne désormais comme la figure de proue du mouvement anti-Trump, elle attire le soutien de nombreux donateurs et donatrices. Cela lui a permis à la fois de poursuivre sa campagne, mais aussi de la légitimer. </p>
<p>En fait, Nikki Haley apparaît de plus en plus comme le symbole de la défaillance du système politique américaine : une présidente que les États-Unis ne peuvent pas avoir.</p>
<p>L’incapacité de Haley de remporter les primaires républicaines vient du fait que ces élections, de plus faible importance, attirent de faibles taux de participation. Ainsi, une minorité mobilisée, les partisans de Trump dans ce cas-ci, parvient à imposer sa volonté sur ce processus électoral, contribuant ainsi à l’émergence d’une frange plus radicale au sein du parti. La situation particulière de Trump, <a href="https://www.washingtonpost.com/history/2020/12/28/grover-cleveland-trump-non-consecutive-terms/">rare président à se présenter pour un deuxième mandat non consécutif</a>, contribue aussi à sa popularité et au sentiment d’inévitabilité de son élection pour représenter le Parti républicain aux prochaines présidentielles. </p>
<p>Ainsi, Haley ne peut concrétiser sa popularité électorale face à un système politique qui impose un bipartisme presque inéluctable. Il ne lui offre aucune réelle manière de se faire élire. </p>
<p>Marqué par le contexte actuel d’une <a href="https://www.pewresearch.org/short-reads/2022/03/10/the-polarization-in-todays-congress-has-roots-that-go-back-decades/">polarisation de plus en plus importante</a>, le système politique américain apparaît être sur le point de céder. Même la candidature de Biden, malgré son âge, en témoigne. Le président actuel, qui représente une frange plus modérée du Parti démocrate, semble incarner la seule candidature capable de rallier le pays contre Trump. Mais chaque jour, il devient le <a href="https://www.nytimes.com/2023/06/04/us/politics/biden-president-age-2024.html">plus vieux président de l’histoire des États-Unis</a>. </p>
<p>Ultimement, malgré l'impossibilité de l’élection de Nikki Haley comme représentante du Parti républicain pour la présidentielle de 2024, la candidate symbolise avant tout quelque chose qui dépasse les lignes partisanes : un système politique malade. Si les solutions à cette situation apparaissent limitées, osons croire que 2028 laissera place à l’élaboration de nouvelles possibilités.</p>
<p>En raison de leur âge respectif, et de la constitution qui limite à deux les mandats présidentiels, ni Trump ni Biden ne devraient se représenter aux prochaines élections. Les cartes commencent déjà à être brassées pour la suite des choses. Nikki Haley incarne ainsi l’espoir d’un nouvel avenir, mais dont la concrétisation demeure plus qu’incertaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224440/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marin Fortin-Bouthot a été boursier Marc-Bourgie 2022-2023 de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire
Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l’UQAM. Il est membre du Centre d'études et de recherches internationales de l'Université de Montréal (CÉRIUM) et de l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand de l'Université du Québec à Montréal. </span></em></p>La popularité de Nikki Haley a été freinée par le fonctionnement même des primaires et des caucus, et par le bipartisme américain.Marin Fortin-Bouthot, Étudiant au doctorat, chercheur sur les États-Unis, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2246632024-03-03T16:00:36Z2024-03-03T16:00:36ZBiden, Trump et la course aux financements de la campagne électorale américaine<p>Les Américains dépensent des sommes folles pour leurs élections et, tout particulièrement lors des présidentielles. <a href="https://www.fec.gov/">Selon la Commission électorale fédérale</a> (FEC), les candidats avaient dépensé au total 1,6 milliard de dollars lors du cycle électoral présidentiel de 2016. Ce montant avait bondi à 4,1 milliards de dollars pour le cycle 2020. Il sera probablement encore beaucoup plus élevé cette année. Et il apparaît que c’est le président sortant Joe Biden qui en bénéficie au premier chef, plus que son très probable adversaire le 5 novembre prochain, Donald Trump.</p>
<h2>Comment les campagnes sont-elles financées ?</h2>
<p>Les dons aux fonds de financement des campagnes présidentielles proviennent de particuliers, de partis politiques et de <a href="https://www.fec.gov/press/resources-journalists/political-action-committees-pacs/">Comités d’action politique</a> (les fameux Pacs). Ces derniers collectent des fonds pour promouvoir leurs candidats ou pour s’opposer à leurs adversaires. Ils sont juridiquement indépendants des fonds de campagne gérés directement par les candidats et les partis, mais ils agissent de concert avec eux, par exemple en finançant des publicités favorables aux positions prises par les candidats qu’ils soutiennent et aux politiques que ceux-ci promeuvent.</p>
<p>Si les <a href="https://www.brennancenter.org/our-work/research-reports/citizens-united-explained?ref=foreverwars.ghost.io">campagnes politiques aux États-Unis</a> sont si coûteuses, c’est parce qu’elles durent longtemps et nécessitent la diffusion de publicités onéreuses. Dès qu’un nouveau président est élu, les préparatifs commencent pour les élections législatives de mi-mandat, deux ans plus tard, ainsi que pour la prochaine série de primaires présidentielles.</p>
<p>La FEC actualise en permanence les chiffres relatifs aux fonds collectés et dépensés dans le cadre de la campagne pour l’élection présidentielle de 2024. À l’heure où nous écrivons ces lignes, l’ensemble des candidats ont récolté un peu plus de 397 millions de dollars et en ont dépensé un peu moins de 294 millions de dollars depuis janvier 2021. Les Républicains ont collecté 225 millions de dollars et les Démocrates 103 millions.</p>
<p>En ce qui concerne les dépenses pour la campagne électorale de 2024, à ce jour les Républicains ont dépensé 191 millions de dollars et les Démocrates 48 millions. Ces sommes n’incluent pas les fonds collectés par les campagnes menées en vue du renouvellement du Congrès (33 sièges du Sénat sur 100 et la totalité des 435 sièges de la Chambre seront également mis en jeu le 5 novembre prochain) et des élections locales au niveau des États, mais concernent uniquement les candidats à l’élection présidentielle.</p>
<p>L’important écart observé entre les dépenses des deux partis s’explique par le fait que Joe Biden n’a pas de rivaux importants pour l’investiture du Parti démocrate, alors que les Républicains ont commencé avec neuf candidats certifiés par le Comité national de leur parti. Les dépenses de ces candidats s’ajoutent au total des fonds collectés.</p>
<p>Environ 18 % des habitants du pays ont donné de l’argent à un candidat ou à un parti lors de la campagne présidentielle de 2020, <a href="https://electionstudies.org/data-center/2020-time-series-study/">selon l’American National Election Study</a>. Ces petits dons provenant de particuliers soient largement motivés par leur attachement à un parti ou à un candidat.</p>
<p>Il n’en va généralement pas de même en ce qui concerne les dons des entreprises aux Pacs soutenant les candidats. Ces dons relèvent souvent d’une <a href="https://www.washingtonpost.com/archive/politics/1996/06/16/pacs-appear-to-hedge-bets/e303d897-02e1-4baf-a27c-7bf201311af4/">stratégie consistant à « se couvrir »</a> en donnant de l’argent aux deux camps afin de ne pas se retrouver dans la ligne de mire du vainqueur si on a eu le tort de miser exclusivement sur son adversaire vaincu. Par exemple, le site OpenSecrets, consacré à la circulation de l’argent dans la vie politique américaine, <a href="https://www.opensecrets.org/orgs/exxon-mobil/recipients?toprecipscycle=2024&id=d000000129&candscycle=2020">montre</a> qu’en 2020 ExxonMobil a alloué 58 % de ses dons politiques aux Républicains et 42 % aux Démocrates.</p>
<h2>Les difficultés de Donald Trump</h2>
<p>Donald Trump est confronté à un certain nombre de défis en matière de collecte de fonds. À la mi-février, il avait récolté <a href="https://www.ft.com/content/7340c372-2015-4855-aea2-c1d3aa4ac229">moins d’argent que Joe Biden</a>.</p>
<p>Les données de la FEC montrent que, jusqu’à présent, <a href="https://www.fec.gov/data/candidates/president/presidential-map/">Biden a récolté pour sa campagne environ 92 millions de dollars</a>, et Trump un peu moins de 85,3 millions de dollars.</p>
<p>Lors de l’élection de 2020, Trump a, sans surprise, obtenu plus de voix dans les États traditionnellement acquis aux Républicains ; or ces États <a href="https://eu.usatoday.com/story/money/columnist/2018/10/21/midterms-poorest-states-have-republican-legislatures/1694273002/">ont tendance à être plus pauvres</a> que ceux soutenant les Démocrates. Cela signifie qu’il est susceptible de recevoir moins d’argent provenant de dons individuels que Biden. En outre, <a href="https://gppreview.com/2020/02/21/growing-divide-red-states-vs-blue-states/">l’écart entre les revenus des personnes habitant dans les États « rouges » (républicains) et de celles habitant les États « bleus » (démocrates)</a> ne cesse de se creuser, et pourrait encore augmenter d’ici à la tenue de l’élection.</p>
<p>Autre constat déplaisant pour Trump : en 2020, les dons anonymes de personnes très riches via des organisations qualifiées de « super Pacs » ont massivement favorisé les Démocrates plutôt que les Républicains. En 2020, ces dons ont <a href="https://www.opensecrets.org/news/2021/03/one-billion-dark-money-2020-electioncycle/">dépassé le milliard de dollars</a> : leur répartition est donc un enjeu majeur.</p>
<p>Selon <a href="https://www.opensecrets.org/news/2021/03/one-billion-dark-money-2020-electioncycle/">OpenSecrets</a>, lors de la campagne de 2020 Biden a reçu 174 millions de dollars de cet « argent noir » (<em>dark money</em>) et Trump seulement 25 millions. Ce déséquilibre en faveur de Biden pourrait être encore plus important cette année si comme cela semble probable, Trump obtient l’investiture républicaine.</p>
<p>Il est intéressant de noter que Nikki Haley, la dernière rivale de Donald Trump encore en lice pour les primaires républicaines, a reçu des <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2024-02-05/wealthy-donors-continue-to-pour-money-into-haley-s-longshot-bid?leadSource=uverify%20wall">sommes élevées de la part de riches donateurs</a> qui, même si sa candidature est probablement vouée à l’échec, la préfèrent clairement à Trump.</p>
<p>Enfin, l’ex-président risque 83 millions de dollars d’amende suite à sa condamnation par un jury new-yorkais pour <a href="https://eu.usatoday.com/story/news/politics/2024/01/29/donald-trump-awaits-verdict-fraud-trial/72398435007/">agression sexuelle contre la chroniqueuse E. Jean Carroll</a>. Dans un autre procès, concernant son empire commercial à New York, le juge a décidé que des <a href="https://www.ft.com/content/5d710932-526a-4205-8fc4-f2ba86c5c148?emailId=e5e68cb0-0621-49bb-8798-232992289602&segmentId=3d08be62-315f-7330-5bbd-af33dc531acb">fraudes ont été commises</a> et l’a condamné à une amende totale de 355 millions de dollars.</p>
<p>La FEC surveille de près le financement des campagnes électorales. : Trump doit donc <a href="https://www.investopedia.com/articles/markets/042716/what-happens-campaign-funds-after-elections.asp">résister à la tentation d’utiliser ses fonds de campagne pour payer ces amendes</a>, car cela serait illégal.</p>
<h2>Une plus grande mobilisation des indécis en faveur de Biden ?</h2>
<p>Dans l’ensemble, tout cela signifie que les dépenses de campagne de Joe Biden seront largement supérieures à celles de Donald Trump. Pour autant, dans quelle mesure ce différentiel peut-il peser sur le résultat de l’élection ?</p>
<p>Des recherches récentes démontrent que les dépenses de campagne dans les élections américaines ont un impact significatif sur les votes en faveur des candidats, bien qu’elles tendent avant tout à mobiliser les indécis, plus qu’elles n’incitent les citoyens à <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/708646">changer leur intention de vote</a>.</p>
<p>Il en ressort que plus les dépenses des Démocrates surpasseront celles des Républicains lors de la campagne de 2024, plus il y aura de chances que Joe Biden batte Donald Trump… et vice versa.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est illustré par <a href="https://www.cartooningforpeace.org/">Cartooning for Peace</a>, un réseau international de dessinateurs et dessinatrices de presse engagés à promouvoir, par le langage universel du dessin de presse, la liberté d’expression et les droits de l’Homme.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224663/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paul Whiteley a reçu des financements de British Academy & Economic et Social Research Council
</span></em></p>Les campagnes électorales sont de plus en plus coûteuses aux États-Unis. Celle de cette année devrait battre tous les records en termes de sommes récoltées par les deux principaux candidats.Paul Whiteley, Professor, Department of Government, University of EssexLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2249192024-03-03T15:34:49Z2024-03-03T15:34:49ZBrian Mulroney, champion du libre-échange, a rapproché le Canada des États-Unis<p>Brian Mulroney — le 18<sup>e</sup> premier ministre du Canada, <a href="https://twitter.com/C_Mulroney/status/1763337379165934039">décédé le 29 février 2024 à l’âge de 84 ans</a> — restera dans les mémoires pour plusieurs raisons. Mais la décision la plus importante qu’il a prise au cours de ses deux mandats a été d’unir l’avenir du Canada à celui des États-Unis.</p>
<p>Contrairement au premier ministre libéral Pierre Trudeau, <a href="https://www.snopes.com/fact-check/did-trudeau-say-worse-things-better-men/">qui a entretenu des relations difficiles avec plusieurs présidents américains</a> dans les années 1960, 1970 et 1980, Brian Mulroney était un américanophile inconditionnel.</p>
<p>Après tout, il avait grandi à <a href="https://www.tourismebaiecomeau.com/histoire?lang=en">Baie-Comeau</a>, au Québec, une ville fondée par un riche industriel américain — Robert Rutherford McCormick — pour produire du papier journal bon marché pour les journaux de New York et de Chicago. Mulroney se souvient qu’enfant, il chantait parfois pour McCormick afin d’obtenir de petites récompenses monétaires.</p>
<p>## Négociation de l’accord de libre-échange </p>
<p>L’admiration de Mulroney pour le capitalisme américain était évidente à travers sa politique. Un an après avoir été <a href="https://www.cbc.ca/archives/brian-mulroney-wins-stunning-landslide-victory-in-1984-1.4675926">élu avec une large majorité en 1984</a>, Mulroney a déclaré qu’il voulait négocier un accord de libre-échange avec les États-Unis. </p>
<p>Peu après, Mulroney a accueilli le président américain de l’époque, Ronald Reagan, pour ce qui a été appelé le <a href="https://www.tvanouvelles.ca/2015/03/17/il-y-a-30-ans-a-quebec-le-sommet-des-irlandais">« Sommet des Irlandais »</a> ou « Shamrock Summit » (Sommet du trèfle) dans la ville de Québec. Les deux dirigeants, tous deux fiers de leur héritage irlandais, étaient montés sur scène et s’étaient lancés dans une interprétation de la célèbre chanson <em>When Irish Eyes Are Smiling</em>.</p>
<p>Bien que certains Canadiens aient pu grimacer à la vue des deux hommes chantant ensemble, la relation étroite entre Mulroney et Reagan a été un atout politique pour le leader progressiste-conservateur.</p>
<h2>Une deuxième majorité</h2>
<p>Mulroney et Reagan signent l’accord de libre-échange entre les États-Unis et le Canada le 2 janvier 1988. Brian Mulroney fera campagne sur cet accord lors des élections générales canadiennes du mois de novembre de la même année et remportera une deuxième majorité consécutive.</p>
<p>Certains médias internationaux ont surnommé Mulroney <a href="https://www.tvanouvelles.ca/2015/03/17/il-y-a-30-ans-a-quebec-le-sommet-des-irlandais">« le père du libre-échange nord-américain »</a> dans les articles consacrés à son décès.</p>
<p>Les années Mulroney ont marqué la fin d’un règne de deux décennies des libéraux sous Lester Pearson, Pierre Trudeau et John Turner. Mulroney oriente désormais la politique canadienne vers la droite en négociant l’accord de libre-échange. D’autres politiques controversées — la <a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/societe-detat">privatisation des sociétés d’État</a> comme Air Canada et Petro-Canada, et l’introduction de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Taxe_sur_les_produits_et_services">la taxe sur les produits et services (TPS)</a> — n’ont pas été annulées lorsque les libéraux sont revenus au pouvoir sous Jean Chrétien en 1993 et allaient perdurer.</p>
<p>Mulroney, plus que tout autre premier ministre moderne, a cherché à réparer les actions de son prédécesseur Trudeau en matière de réforme constitutionnelle.</p>
<p>Investissant un énorme capital politique dans l’<a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/accord-du-lac-meech#:%7E:text=Il%20en%20r%C3%A9sulte%20l%27accord,accord%20s%27effondre%20en%201990.">Accord du lac Meech</a>, puis dans l’<a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/accord-de-charlottetown">Accord de Charlottetown</a>, Mulroney a tenté d’accroître les compétences des provinces, de réformer le Sénat et de reconnaître le Québec en tant que société distincte. Il a voulu modifier en profondeur la Constitution et corriger ce qui n’a pas été fait, ou mal fait selon lui, lors du rapatriement de la Constitution en 1982 et de l’introduction de la Charte des droits et libertés.</p>
<h2>Échec des réformes constitutionnelles</h2>
<p>Après des batailles acharnées dans tout le pays, les deux accords n’ont pas atteint le seuil d’appui nécessaire à la ratification de la Constitution. Leurs échecs — qui avaient suscité des attentes au Québec — a plutôt ravivé le séparatisme québécois et <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1721810/bloc-quebecois-histoire-parti-politique-federal-archives">conduit à la création et la montée du Bloc Québécois</a>.</p>
<p>L’échec des accords est une leçon que les premiers ministres suivants — Jean Chrétien, Stephen Harper et Justin Trudeau — n’ont jamais oubliée. Aucun d’eux n’a osé ne serait-ce que faire allusion à une quelconque réforme constitutionnelle.</p>
<p>Lorsqu’il était au pouvoir, Mulroney dirigeait le Parti progressiste-conservateur. Après son retrait de la vie politique, Mulroney ne s’est jamais senti à l’aise au sein du Parti conservateur du Canada rebaptisé, né de la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1138376/alliance-canadienne-parti-progressiste-conservateur-mackay-harper-archives">fusion du Parti progressiste-conservateur et de l’Alliance canadienne</a> en 2003.</p>
<p>Lors de l’un de ses derniers grands événements publics en juin 2023, Brian Mulroney s’est assis sur la scène avec Justin Trudeau à l’Université St. Francis Xavier, l’institution de Nouvelle-Écosse dont M. Mulroney est diplômé. Mulroney <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/brian-mulroney-defends-trudeau-parliament-gossip-trash-1.6882315">a fait l’éloge du premier ministre actuel</a>, à tel point que Trudeau a déclaré : « C’est… embarrassant quand vous parlez de moi en des termes aussi élogieux ».</p>
<p>L’héritage de Mulroney laisse néanmoins perplexe. Il a été un homme politique charismatique qui a mené son parti à deux gouvernements majoritaires. Il a aussi été un premier ministre qui a apporté des changements majeurs et durables à l’économie canadienne ainsi qu’un chef d’entreprise prospère avant et après ses années de politique.</p>
<p>Mais il a aussi été un premier ministre qui n’a pas réussi à mettre en place les réformes constitutionnelles qui semblaient à sa portée et un dirigeant qui a déclenché des perturbations politiques dans sa province d’origine. Ces bouleversements ont d’ailleurs encore un impact sur le paysage politique canadien des décennies après son départ.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224919/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Klassen ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le décès de l’ancien premier ministre canadien Brian Mulroney donnera lieu à un vaste examen de son héritage. Une de ses politiques durables est le libre-échange avec les États-Unis.Thomas Klassen, Professor, School of Public Policy and Administration, York University, CanadaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2243422024-02-27T16:13:33Z2024-02-27T16:13:33ZL’interview de Poutine par Tucker Carlson et sa réception par l’extrême droite occidentale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/578015/original/file-20240226-28-fli2ug.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=19%2C0%2C1857%2C1156&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’interview accordée par le président russe à l’éditorialiste superstar de la galaxie trumpiste, le 8&nbsp;février au Kremlin, a donné lieu à de très longs développements de Vladimir Poutine sur l’histoire de la Russie et de l’Ukraine, au grand désarroi de son interlocuteur.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.kremlin.ru/events/president/news/73411/photos/74852">Kremlin.ru</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.marianne.net/monde/ameriques/pro-trump-ex-fox-news-qui-est-tucker-carlson-lamericain-qui-a-interviewe-poutine">Tucker Carlson</a>, l’ancien présentateur star de la chaîne conservatrice Fox, est une figure bien connue au sein de l’univers « MAGA » (<em>Make America Great Again</em>, l’éternel slogan de campagne de Donald Trump). Avec son ton « politiquement incorrect », il est depuis des années l’un des grands représentants du trumpisme et, au-delà, de la rhétorique provocatrice de l’extrême droite occidentale – un style qualifié par Ruth Wodak et al. de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0957926520977217">« normalisation éhontée de l’impolitesse »</a>.</p>
<p>Sur les questions de politique étrangère, Carlson a <a href="https://eu.usatoday.com/story/news/world/2023/05/01/tucker-carlson-fox-news-russia/11757930002/">largement épousé la présentation russe de la guerre russo-ukrainienne</a>, se montrant très critique à l’égard de Kiev et tout à fait favorable à Moscou, si bien qu’il est <a href="https://www.motherjones.com/politics/2022/03/exclusive-kremlin-putin-russia-ukraine-war-memo-tucker-carlson-fox/">considéré depuis longtemps par le Kremlin</a> comme un moyen privilégié de toucher l’opinion publique américaine.</p>
<p>Mais le coup de maître de Carlson a été, de toute évidence, <a href="https://tuckercarlson.com/the-vladimir-putin-interview/">son interview de deux heures avec Vladimir Poutine</a>, à Moscou, le 8 février dernier. Au vu du déroulement de l’entretien, il semble que les questions n’avaient pas été discutées à l’avance et que les deux parties avaient des attentes divergentes sur les propos qui y seraient tenus : Carlson espérait que Poutine approuverait la vision trumpiste du monde et ses griefs contre le libéralisme, tandis que Poutine, pour sa part, espérait convaincre le grand public américain que les États-Unis et la Russie finiront par se réconcilier d’une manière ou d’une autre et trouver une issue à la guerre qui soit favorable à Moscou.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/kVJByqRQVag?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>« L’interview la plus suivie de toute l’histoire »</h2>
<p>Les médias occidentaux ont réagi à cette interview controversée de deux manières opposées. Certains ont décidé de ne pas l’évoquer du tout, une décision contestable dans la mesure où l’entrevue entre le journaliste américain et le président russe a suscité un très large écho : avec plus de 200 millions de vues, X (anciennement Twitter) a notamment affirmé que cet événement aurait été le <a href="https://eu.statesman.com/story/news/2024/02/09/tucker-carlson-putin-interview-video-twitter-most-watched-video-russia-ukraine-war/72536955007/">plus suivi sur sa plate-forme depuis la création de celle-ci</a>.</p>
<p>Sachant qu’une « vue » est comptabilisée à partir de deux secondes de connexion, ce chiffre de 200 millions est gonflé et correspond non pas au nombre de visionnages de la vidéo mais au nombre de clics sur des posts la contenant. YouTube considère qu’une vidéo a été vue à partir du moment où la connexion a duré au moins 30 secondes : la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=fOCWBhuDdDo">vidéo</a> y affiche 18 millions de vues au moment où ces lignes sont écrites. Ce chiffre est probablement plus proche de la vérité. Cela en fait malgré tout un succès médiatique colossal.</p>
<p>D’autres médias ont parlé de l’interview, qualifiant comme d’habitude Carlson d’<a href="https://www.politico.eu/article/tucker-carlson-joins-long-line-useful-idiot-journalists-helping-tyrants/">idiot utile de Poutine</a> et affirmant que leur discussion démontrait une fois de plus que la coalition MAGA était <a href="https://www.washingtonpost.com/world/2024/02/07/tucker-carlson-putin-russia-ukraine/">à la solde du Kremlin</a>.</p>
<p>Ces deux postures – ne pas parler de l’interview, ou la dénoncer – passent toutes deux à côté de l’essentiel : une figure clé de la galaxie MAGA et le chef de l’État russe ont tenté de dialoguer, et cette tentative a donné lieu à un résultat pour le moins mitigé.</p>
<p>L’entreprise a été un relatif succès, car elle a permis à Poutine de s’adresser au grand public américain et de tenter de saper le soutien de celui-ci à la politique pro-ukrainienne conduite par l’administration Biden, dans un contexte où les dirigeants russes sont privés d’accès aux grands médias occidentaux. Le président russe s’est donc vu offrir la possibilité d’exposer longuement sa vision géopolitique du monde – quoi qu’on pense de celle-ci. En outre, les <a href="https://theconversation.com/how-you-can-tell-propaganda-from-journalism-lets-look-at-tucker-carlsons-visit-to-russia-223829">vidéos ultérieures tournées par Carlson en Russie</a> et publiées sur ses réseaux sociaux ont montré qu’à Moscou la vie continuait comme si de rien n’était, ce qui n’est que rarement mis en avant par les grands médias occidentaux.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1760616703287853139"}"></div></p>
<p>Mais l’entretien a également mis en évidence les limites du partenariat supposé entre les conservateurs américains et la Russie. Contrairement aux attentes des observateurs, Poutine n’a pas profité de l’occasion pour mener une offensive de charme auprès de l’électorat républicain et de l’opinion conservatrice mondiale. Il ne s’est pas non plus étendu sur « l’Occident libéral décadent » et ses « valeurs perverties ». Interrogé sur Dieu, il n’a pas parlé de spiritualité et de valeurs traditionnelles, alors que la religion est au cœur de tout discours conservateur américain.</p>
<p>Il a préféré faire à son hôte un <a href="https://www.independent.co.uk/news/world/europe/putin-history-tucker-carlson-russia-b2499837.html">long exposé sur l’histoire commune de la Russie et de l’Ukraine</a>, ce à quoi Carlson ne semblait manifestement pas préparé. Comme l’a <a href="https://landmarksmag.substack.com/p/a-symposium-on-tucker-carlsons-controversial">joliment formulé</a> Paul Greiner, Carlson « aurait été ravi d’entendre un “discours d’ascenseur” sur l’histoire russe qui aurait duré trente secondes, puis une longue liste de griefs » à l’encontre de l’OTAN. Il a eu droit aux deux, mais le passage sur l’Occident a été plutôt court, celui sur l’histoire très long.</p>
<p>Cela nous donne un aperçu de l’écart de perception entre, d’une part, les conservateurs américains, pour qui l’exaltation des « racines historiques » n’implique pas une connaissance approfondie de l’histoire mondiale, et d’autre part l’establishment politique russe, qui voit l’histoire <a href="https://www.lexpress.fr/monde/europe/l-histoire-de-l-ukraine-selon-poutine-contredit-tous-les-faits-etablis_2170236.html">comme un élément essentiel de légitimation de sa politique actuelle</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-reactions-ukrainiennes-a-la-reecriture-de-lhistoire-par-vladimir-poutine-168136">Les réactions ukrainiennes à la réécriture de l’histoire par Vladimir Poutine</a>
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<p>À plusieurs reprises, Poutine s’est montré irrité par les questions de Carlson relatives à l’expansion de l’OTAN et à la légitimité du récit de « dénazification » de l’Ukraine propagé par la Russie. Les deux hommes se sont également opposés sur leur vision de la Chine : le présentateur américain a répété le discours républicain habituel selon lequel la Chine est le nouvel ennemi global aussi bien des États-Unis que de la Russie, tandis que le chef de l’État russe a non seulement défendu une vision positive du partenariat entre Moscou et Pékin, mais a aussi <a href="https://tass.com/politics/1744037">replacé la montée en puissance de la Chine et le déclin de l’Occident dans un contexte mondial plus large</a>. Là encore, les deux visions du monde sont loin d’être convergentes.</p>
<h2>Les réactions de l’extrême droite européenne</h2>
<p>Les difficultés de l’extrême droite occidentale et de l’establishment russe à trouver un langage commun se sont également manifestées dans les réactions à l’interview. Même l’extrême droite allemande, la plus ouvertement pro-russe, ne s’est pas spécialement attardée sur le contenu de l’entretien. Certains responsables de l’AfD en ont fait l’éloge ; ainsi, Steffen Kotré a souligné l’offre de Poutine de reprendre l’approvisionnement en gaz de l’Allemagne – mais ce fut le seul communiqué de presse sur le sujet publié sur le site officiel de l’AfD au Bundestag. Björn Höcke, chef officieux de la mouvance la plus radicale de l’AfD, a également salué la vidéo, la qualifiant de <a href="https://t.me/BjoernHoeckeAfD/2016">« tour de force journalistique »</a>.</p>
<p>Dans le reste de l’Europe, l’événement a été largement passé sous silence, soit parce que les dirigeants d’extrême droite ne souhaitent pas être perçus comme chantant les louages de Poutine, soit parce qu’ils ne partagent pas les orientations géopolitiques de la Russie. Nigel Farage, l’ex-chef du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni, connu pour avoir à titre personnel noué des liens étroits avec l’extrême droite américaine, a par exemple <a href="https://www.gbnews.com/politics/us/putin-manipulating-debate-usa-ukraine-tucker-carlson">commenté</a> l’interview, mais s’est montré largement critique, la qualifiant de tentative de « propagande » pour atteindre le public américain. Il a également déclaré que Carlson aurait dû se montrer plus incisif et <a href="https://www.nationalreview.com/corner/what-tucker-carlson-didnt-ask-putin/">interroger Poutine sur Alexeï Navalny</a> (qui était encore en vie au moment de l’entretien).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1758523710707810726"}"></div></p>
<p>En France, où <a href="https://theconversation.com/entre-le-rassemblement-national-et-la-russie-une-longue-lune-de-miel-181633">l’extrême droite penche nettement du côté de Moscou</a>, la stratégie a consisté à atténuer les appréciations positives pour éviter de prêter le flanc à des critiques publiques. Ainsi, ni les comptes officiels sur les réseaux sociaux du Rassemblement national, ni ceux de Reconquête n’ont publié quoi que ce soit sur l’interview. Seules quelques voix l’ont commentée individuellement, comme <a href="https://twitter.com/ChagnonPatricia/status/1756307189755470134">Patricia Chagnon-Clevers</a>, députée RN au Parlement européen, ou <a href="https://twitter.com/NicolasDumasLR/status/1755950436413059170">Nicolas Dumas</a>, élu régional de Reconquête.</p>
<p>En Espagne, la couverture de l’interview a été faible. Plusieurs articles <a href="https://www.publico.es/internacional/putin-despacha-periodista-ultra-amigo-abascal-paz-depende-washington.html">ont souligné que Carlson est un « ami » du leader de Vox, Santiago Abascal</a>, l’a récemment interviewé et a assisté à un meeting à ses côtés en novembre dernier, mais ils se sont davantage intéressés à Carlson qu’à Poutine. L’extrême droite italienne n’a pas non plus beaucoup évoqué l’interview elle-même, puisque Georgia Meloni est de toute façon très atlantiste et pro-ukrainienne.</p>
<p>Cela contraste avec la visibilité médiatique, du côté russe, de la visite de Carlson à Moscou, qui a été largement suivie et commentée par les médias nationaux. À cette occasion, l’idéologue ultra-radical Alexandre Douguine a notamment publié un billet exalté consacré au « <a href="https://www.arktosjournal.com/p/tucker-carlson-and-maga-communism">communisme MAGA</a> », réunissant Trump et Marx, et a déclaré que les patriotes américains et les forces de gauche pouvaient œuvrer ensemble pour saper l’hégémonie libérale des États-Unis dans le monde.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1757015299268727146"}"></div></p>
<h2>Les réactions des conservateurs et de l’extrême droite aux États-Unis</h2>
<p>Même aux États-Unis, la réaction de la droite à l’interview a été très faible. Certains commentateurs conservateurs « mainstream », comme Ben Shapiro, Richard Hannia et Matt Walsh, se sont montrés favorables à Carlson, mais ont estimé que l’interview n’était pas efficace. Hannia a jugé que l’interview montrait que Poutine, dans son obsession de l’histoire, était <a href="https://twitter.com/RichardHanania/status/1755750991964913902">« déconnecté »</a> et Shapiro est allé encore plus loin, <a href="https://twitter.com/benshapiro/status/1755950137803722820">qualifiant</a> la longue diatribe de Poutine sur l’histoire russe de mauvaise justification pour ce qui était en fin de compte « une invasion barbare d’un pays souverain ».</p>
<p>D’autres ont semblé acquiescer aux commentaires de Poutine. Charlie Kirk, fondateur de « Turning Point USA », a choisi de publier des extraits de l’entretien sans commentaire, concluant seulement que Carlson avait livré avec cette interview une « masterclass ». Candice Owens, personnalité médiatique de droite radicale et contributrice régulière du Daily Wire, a soutenu l’affirmation de Poutine selon laquelle les États-Unis (y compris le président) étaient contrôlés par les services de renseignement américains et a <a href="https://youtu.be/5BdtMv-vyn0?si=OgpjyFAYDhoNXHR2">loué</a> la version de l’histoire russe donnée par Poutine.</p>
<p>Les personnalités de la droite la plus radicale se sont montrées nettement plus réceptives à l’interview. L’activiste politique d’extrême droite Jack Posobiec a <a href="https://twitter.com/HumanEvents/status/1756054087425040484">déclaré</a> que, bien qu’il ne soit pas d’accord avec une grande partie des propos de Poutine, il était intéressant de noter que celui-ci était prêt à faire la paix malgré les griefs historiques qu’il a rappelés. Il a également <a href="https://twitter.com/HumanEvents/status/1756046152519020611">considéré</a> que Poutine était impressionnant dans sa capacité à parler longuement de l’histoire de la Russie, tandis les États-Unis sont, selon lui, dirigés par un président qui est « pratiquement un légume ». Jackson Hinkle, apologiste de la Russie et commentateur d’extrême droite bien connu, a livré une <a href="https://twitter.com/ElijahSchaffer/status/1755795057284927808">analyse chaotique</a> de l’interview dans sa conversation avec le podcasteur Elijah Schaffer. Les deux hommes ont soutenu Poutine et ont déploré que Zelensky soit traité avec trop de complaisance par les journalistes occidentaux.</p>
<p>Cette opinion est partagée par d’autres commentateurs d’extrême droite, comme Tim Pool, qui s’est <a href="https://twitter.com/Timcast/status/1755595593982886043">plaint</a> que les médias avaient fait un moins bon travail en interviewant Zelensky, ou <a href="https://rumble.com/v4c905i-putin-x-tucker-interview.html">Nick Fuentes</a>, qui a exprimé à plusieurs reprises son admiration à l’égard de Poutine, même s’il a estimé que sa leçon d’histoire ne trouverait pas d’écho auprès du public américain et que l’ensemble de l’entretien n’avait « pas été révolutionnaire » puisqu’il n’avait apporté aucune nouvelle information ou révélation.</p>
<p>Quant aux élus républicains, ils sont pour la plupart restés critiques à l’égard de Poutine et ont <a href="https://www.politico.com/news/2022/02/01/gop-tucker-carlson-ukraine-00004370">rejeté</a> les efforts de Carlson visant à saper le soutien américain à l’Ukraine. Toutefois, cette position n’est pas partagée par tous. Quand Carlson a annoncé que l’entretien aurait lieu, l’élue de Géorgie Marjorie Taylor Greene a <a href="https://www.businessinsider.com/taylor-greene-defends-prospect-tucker-carlson-interviewing-putin-in-moscow-2024-2">défendu</a> cette initiative. Matt Gaetz (élu de Floride) a également salué l’interview et, après sa diffusion, <a href="https://twitter.com/mattgaetz/status/1755991276476924208">a fait remarquer</a> à quel point il trouvait impressionnante la capacité de Poutine à parler longuement d’histoire, alors que Joe Biden semble avoir des problèmes de mémoire. Le sénateur de l’Ohio JD Vance a <a href="https://twitter.com/JDVance1/status/1756031269517902297">critiqué</a> le fait que Carlson n’ait pas interpellé Poutine sur l’emprisonnement des journalistes, mais a <a href="https://twitter.com/JDVance1/status/1756091114732269846">souligné</a> l’importance de la longue diatribe de Poutine sur l’histoire.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1758200227217932653"}"></div></p>
<p>Aussi divisée que soit la droite américaine dans son interprétation de l’interview, une chose est certaine : celle-ci n’a pas été au cœur de ses préoccupations. L’entretien a été éclipsé par deux autres événements qui ont eu lieu le 8 février. D’abord, <a href="https://www.politico.com/news/2024/02/08/trump-supreme-court-oral-arguments-transcript-00140499">l’audition par la Cour suprême</a> des arguments des parties dans l’affaire en cours <a href="https://www.oyez.org/cases/2023/23-719">Trump v. Anderson</a> sur la question de savoir si Donald Trump peut être empêché de se présenter à la prochaine présidentielle en raison de son implication dans l’insurrection du 6 janvier 2021. Les juges de la Cour suprême se sont montrés uniformément sceptiques à l’égard de l’argument selon lequel les États peuvent choisir de disqualifier des candidats en vertu du 14<sup>e</sup> amendement, un point de vue qui a été largement salué par la droite.</p>
<p>Le deuxième événement qui a éclipsé l’interview de Poutine est la conférence de presse surprise du président Joe Biden sur le <a href="https://www.npr.org/2024/02/08/1229805332/special-counsel-report-biden-classified-documents">rapport</a> du ministère de la Justice concernant sa gestion de documents classifiés. Prenant la parole à peu près au moment où l’interview de Tucker Carlson était diffusée, Joe Biden s’est montré à cette occasion vif d’esprit, mais a commis une <a href="https://www.theguardian.com/us-news/video/2024/feb/09/israeli-offensive-on-gaza-over-the-top-says-biden-video">gaffe malencontreuse</a> : parlant du refus égyptien d’ouvrir le point de passage de Rafah entre l’Égypte et la bande de Gaza, il a déclaré que ce refus était dû au « président du Mexique, Sissi ». La droite américaine n’a évidemment pas manqué l’occasion de se moquer du président Biden et de marteler qu’il était inapte à exercer ses fonctions.</p>
<h2>Les droites dures occidentales et la Russie : accords et dissonances</h2>
<p>Il existe une véritable affinité idéologique <a href="https://www.cairn.info/revue-cites-2023-1-page-113.htm">entre l’extrême droite occidentale et la Russie</a> : une ontologie conservatrice commune de l’humanité qui croit à des identités collectives héritées du passé, dont les individus ne devraient pas chercher à se libérer ; une dénonciation de la démocratie et du libéralisme, ainsi que de la mondialisation, aussi bien économique que normative et culturelle ; une vision de l’État-nation comme entité suprême sur la scène internationale ; et une certaine admiration mutuelle et des emprunts ou idéologiques réciproques.</p>
<p>Cependant, cet ensemble de valeurs partagées ne suffit pas à donner lieu à une coopération politique et stratégique explicite. Le fait que Poutine ait décidé de se concentrer sur l’histoire nationale comme argument central pour justifier sa guerre en Ukraine, c’est-à-dire d’insister sur ce qui rend la Russie unique et non sur ce qu’elle partage avec l’Occident conservateur, est révélateur. Le fait que Carlson soit arrivé sans préparation et apparemment sans connaître la vision russe de la guerre, et qu’il ait tenté d’introduire dans la discussion les paradigmes habituels de la culture américaine en matière de politique étrangère sans se rendre compte qu’ils n’ont pas de sens pour les Russes, est également parlant.</p>
<p>Si le Kremlin croit sincèrement en l’existence d’un « bon » Occident, conservateur, prêt à se réconcilier avec lui au nom d’intérêts nationaux bien compris, cela ne fait pas pour autant de Trump un partenaire naturel et facile pour la Russie. Cela ne signifie évidemment pas que le trumpisme et la Russie ne peuvent pas prendre ensemble des décisions qui auraient un impact sur l’ordre mondial – mais il serait erroné de croire que ces deux parties sont capables de conduire une attaque coordonnée contre la démocratie libérale sur la base d’arguments idéologiques parfaitement ciselés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224342/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La réaction des extrêmes droites européennes et américaine à l’entretien Carlson-Poutine a mis en lumière les divergences existant entre cette mouvance et le Kremlin plus que leurs points d’accord.Marlene Laruelle, Research Professor of International Affairs and Political Science, George Washington UniversityJohn Chrobak, Research Program Coordinator for the Illiberalism Studies Program, George Washington UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2240152024-02-22T15:47:08Z2024-02-22T15:47:08Z2024 (Taylor’s version) : Taylor Swift et les élections américaines<p>De quoi Taylor Swift n’est-elle pas capable ? Depuis deux ans, on ne compte plus les exploits de cette star devenue phénomène, et sa couverture dans les médias flirte avec l’obsession : les journaux recrutent désormais des <a href="https://www.nytimes.com/2023/11/17/learning/a-newspaper-chain-hired-a-dedicated-taylor-swift-reporter-is-it-ok-if-hes-a-swiftie.html">reporters experts es Taylor</a> et des <a href="https://variety.com/2023/music/news/mtv-vmas-exclusive-camera-feed-taylor-swift-1235721757/">caméramen attitrés la suivent</a> lors des cérémonies auxquelles elle participe, au point que la chanteuse a dû trouver des parades pour échapper à cette surveillance constante, comme lors des Grammy Awards du 4 février dernier, où elle a <a href="https://www.glamour.com/story/taylor-swift-brought-a-fan-to-the-grammys-shield-her-conversations-from-lip-readers">utilisé un éventail pour qu’on ne puisse pas lire sur ses lèvres</a>.</p>
<h2>L’« effet Taylor Swift »</h2>
<p>Il faut dire que chacun de ses faits et gestes est susceptible d’avoir des répercussions inédites, au point qu’on parle désormais d’un « effet Taylor Swift » : élue personnalité de l’année par <em>Time</em> magazine en décembre 2023, elle est capable de booster l’économie des villes où elle se produit (ce qui a donné naissance aux <a href="https://www.wsj.com/arts-culture/taylor-swift-taylornomics-concert-eras-tour-local-economy-9fa1d492">« Taylornomics »</a>), de redresser <a href="https://economictimes.indiatimes.com/magazines/panache/taylor-swifts-the-eras-tour-concert-film-expected-to-uplift-us-theatre-economy-following-hollywood-strike/articleshow/104242843.cms">tout un secteur en crise</a>, de provoquer des <a href="https://www.latimes.com/entertainment-arts/music/story/2022-10-21/taylor-swift-midnights-bonus-tracks-anti-hero-video-spotify">pannes</a> et des <a href="https://edition.cnn.com/2023/07/27/entertainment/taylor-swift-seismic-activity/index.html">tremblements de terre</a>, et même, prouesse hors du commun, de <a href="https://twitter.com/FoxNews/status/1751757687707115758">convaincre Fox News de l’importance du bilan carbone</a>. Mais pourrait-elle faire basculer le résultat de l’élection présidentielle américaine le 5 novembre prochain ?</p>
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<p>C’est du moins ce que semblent craindre les conservateurs américains. Il y a six ans, lorsque la chanteuse était <a href="https://thehill.com/blogs/in-the-know/in-the-know/410338-taylor-swift-breaks-silence-on-politics-supports-democrats-in/">sortie de sa réserve pour la première fois de sa carrière pour soutenir le candidat démocrate au poste de sénateur du Tennessee</a>, la droite américaine s’était amusée de ses prétentions au commentaire politique, et avait ridiculisé le poids électoral de ses fans. Mike Huckabee, ex-gouverneur de l’Alaska et ex-candidat aux primaires républicaines de 2016, s’était fendu d’un <a href="https://twitter.com/GovMikeHuckabee/status/1049280125106343936">tweet moqueur</a> : « Bien sûr, Taylor Swift a absolument le droit de parler politique, mais son impact sur l’élection sera nul, à moins qu’on ne donne le droit de vote aux filles de 13 ans ».</p>
<p>Petit calcul rapide : les filles qui avaient 13 ans en 2018 en ont aujourd’hui 19, et sont donc en âge de voter aux États-Unis. <a href="https://www.forbes.com/sites/marisadellatto/2023/03/14/more-than-half-of-us-adults-say-theyre-taylor-swift-fans-survey-finds/">Et elles ne sont pas les seules à écouter Taylor Swift</a>. Les conservateurs ne s’y sont pas trompés et prennent la menace au sérieux cette année, si l’on en juge par la machinerie médiatique mise en œuvre pour décrédibiliser la star, avant même qu’elle n’annonce un éventuel soutien à la réélection de Joe Biden : les théories du complot vont bon train sur les réseaux sociaux, si bien relayées par <a href="https://www.youtube.com/watch?v=zK-eQswZxMA">Fox News et Newsmax</a> qu’un tiers des conservateurs y <a href="https://www.monmouth.edu/polling-institute/documents/monmouthpoll_us_021424.pdf/">souscrivent selon un sondage publié le 14 février</a>. La chanteuse, aux ordres de « l’État profond » (deep state), serait un <a href="https://www.politico.com/news/2024/01/10/pentagon-taylor-swift-fox-00134866">agent du Pentagone</a> formé aux techniques de manipulation psychologique. L’ancien candidat à la primaire républicaine Vivek Ramaswamy a même suggéré que le <a href="https://www.cbsnews.com/news/taylor-swift-travis-kelce-conspiracy-theories-chiefs-super-bowl/">couple qu’elle forme avec Travis Kelce aurait été créé de toutes pièces</a> pour gagner le vote des fans de football américain : la pop star était même censée déclarer son soutien à Biden lors de la <a href="https://www.wsj.com/us-news/taylor-swift-travis-kelce-super-bowl-false-conspiracy-theories-d3d21321">victoire « arrangée », bien sûr, des Kansas City Chiefs au Super Bowl</a>. La prophétie ne s’est cependant pas réalisée quand <a href="https://www.nytimes.com/2024/02/11/style/taylor-swift-super-bowl.html">l’équipe de Kelce a remporté le tournoi le 11 février</a>.</p>
<p>Ce jour-là en revanche, dans un geste d’une rare mesure, Trump s’est démarqué des élucubrations complotistes de son camp en démontrant par A plus B que Taylor Swift <a href="https://www.rollingstone.com/politics/politics-news/trump-says-taylor-swift-wont-endorse-biden-1234966286/">devrait logiquement lui apporter son soutien</a> puisque, sans lui, le <a href="https://blogs.loc.gov/copyright/2020/04/the-breakdown-what-songwriters-need-to-know-about-the-music-modernization-act-and-royalty-payments/">Music Modernization Act</a> ne serait jamais passé. Certes, Trump a bien signé en 2018 cette loi qui permet aux artistes de récolter plus facilement les revenus générés par leurs œuvres sur les plates-formes de streaming et de téléchargement, mais elle a été adoptée avec un large soutien bipartisan dans un pays, rappelons-le, où existe encore la séparation des pouvoirs et où <a href="https://variety.com/2024/music/news/trump-did-nothing-on-music-modernization-taylor-swift-1235907368/">l’exécutif ne peut s’arroger l’action du législatif</a>.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, on voit mal comment la chanteuse, défenseuse des droits des <a href="https://www.rollingstone.com/music/music-news/taylor-swift-pride-month-eras-tour-chicago-1234746863/">minorités sexuelles</a> et <a href="https://twitter.com/taylorswift13/status/1270432961591205888">ethniques</a>, et attachée au <a href="https://twitter.com/taylorswift13/status/1540382753677627393">droit à l’avortement</a>, pourrait, si elle décidait de s’exprimer sur les élections, ne pas apporter son soutien au ticket Biden-Harris <a href="https://www.nbcnews.com/politics/2020-election/taylor-swift-endorses-joe-biden-president-n1242483">comme elle l’avait fait en 2020</a>. La question reste de savoir si elle a bien, comme le pense la droite américaine, le pouvoir d’apporter la victoire aux Démocrates. Plusieurs études portant sur l’influence des pop stars sur les élections et sur la démographie des « Swifties » permettent d’avancer une réponse.</p>
<h2>Une influence plus quantitative que qualitative</h2>
<p>Tout d’abord, de quel type d’influence parle-t-on ? L’effet Taylor Swift sur les élections pourrait être quantitatif ou qualitatif, c’est-à-dire porter sur la participation ou sur le choix des électeurs. Pour ce qui est du quantitatif, c’est en bonne voie : en septembre dernier, lors du <a href="https://nationalvoterregistrationday.org/">National Voter Registration Day</a> (journée nationale pour promouvoir l’inscription sur les listes électorales, à laquelle <a href="https://www.politico.com/story/2012/11/celebs-get-political-to-spice-up-2012-083309">participent de nombreuses célébrités</a> depuis sa création en 2012), le site vote.org a enregistré une activité record <a href="https://www.npr.org/2023/09/22/1201183160/taylor-swift-instagram-voter-registration">suite à une story Instagram</a> de la chanteuse : <a href="https://www.usatoday.com/story/entertainment/celebrities/2023/09/22/taylor-swift-register-to-vote/70928578007/">35 000 inscriptions de plus qu’en 2022</a>, soit une hausse de 25 % et même de 115 % si on se limite aux personnes de 18 ans. Il faut comprendre qu’aux États-Unis, <a href="https://www.usa.gov/voter-registration-deadlines">on doit se réinscrire sur les listes à chaque élection</a> (à part dans le Dakota du Nord). La présidente de vote.org a précisé sur X que <a href="https://x.com/AndreaEHailey/status/1749475931838640391">80 % des inscriptions sur la plate-forme étaient suivies d’un vote</a>, aussi ces chiffres devraient se répercuter sur la participation en novembre.</p>
<p>Pour ce qui est du qualitatif, la hausse de la participation des Swifties devrait principalement récompenser les Démocrates : c’est l’affiliation politique que revendiquaient 55 % des fans <a href="https://pro.morningconsult.com/instant-intel/taylor-swift-fandom-demographic">dans une étude datant de mars 2023</a>, ce qui n’est pas très surprenant, car la majorité des Swifties sont jeunes (la moitié sont des milléniaux et 10 % appartiennent à la Génération X) – partie de l’électorat qui a tendance à voter à gauche – mais aussi parce que les prises de position de la chanteuse ont <a href="https://fortune.com/2018/10/09/taylor-swift-burn-merchandise-instagram-protests/">déjà fait le tri parmi ses auditeurs</a> depuis 2018. Cependant, si l’on en croit une étude de février 2024 menée par le même institut, <a href="https://pro.morningconsult.com/analysis/taylor-swift-biden-endorsement-2024-polling">64 % de Swifties ont l’intention de voter pour Biden</a>, ce qui suggère que la chanteuse a pu convaincre une partie des 45 % restants de fans qui se répartissaient en 2023 <a href="https://pro.morningconsult.com/instant-intel/taylor-swift-fandom-demographic">équitablement entre Républicains et indépendants</a>. La campagne n’étant pas finie, il est possible que ce nombre augmente, la conversion d’auditeurs non démocrates étant facilitée par le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/15456870.2019.1704758">haut niveau d’attachement parasocial des fans de Taylor Swift</a>, en qui ils tendent à avoir une <a href="https://journal.transformativeworks.org/index.php/twc/article/view/1843">confiance à toute épreuve</a>.</p>
<p>Il n’empêche que, quand bien même Taylor Swift réussirait à mobiliser ses fans démocrates ou à convertir de nouveaux électeurs au vote Biden, elle n’aurait d’impact sur le résultat final des élections que si cette magie opérait dans les <em>swing states</em>, ceux qui ne sont pas déjà acquis à un parti. <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/10/29/quel-est-le-role-des-grands-electeurs-dans-l-election-americaine-comment-sont-ils-designes_6057747_4355770.html">L’élection présidentielle états-unienne</a> est la somme de 50 élections (une par État) où le candidat qui reçoit la majorité simple des suffrages remporte la totalité des grands électeurs de l’État (c’est le système dit <a href="https://ballotpedia.org/Winner-take-all">« winner-take-all »</a>. Une augmentation numérique des votes pour Biden n’aurait aucune répercussion si elle se concentrait dans les États traditionnellement démocrates, comme la Californie ou l’État de New York.</p>
<h2>Manque d’études fiables</h2>
<p>Cependant, peu d’études fiables ont été réalisées sur la répartition géographique des Swifties. <a href="https://www.msn.com/en-us/music/news/ohio-has-most-swifties-in-country-according-to-new-report/ar-AA1dzI9K">Une étude BetOnline sortie en juillet 2023</a> a analysé sur une période de 30 jours tous les tweets géolocalisés contenant un message positif sur Taylor Swift. Ses résultats, limités, ont identifié les États dans lesquels se trouvait la majorité des Swifties actifs sur X. Or, dans le top 10, on ne compte qu’un seul des six <em>swing states</em> susceptibles de déterminer l’élection <a href="https://thehill.com/opinion/campaign/3870203-these-6-states-will-determine-the-2024-presidential-election/">selon le site The Hill</a> : le Michigan. Malgré tout, rien n’exclut que des Swifties moins actifs sur les réseaux sociaux ne se mobilisent dans d’autres États clés où les résultats seraient serrés, comme ce fut le cas en 2020 en Arizona et en Géorgie, où Biden n’avait obtenu que 10 000 voix de plus que Trump.</p>
<p>Si l’influence quantitative de Taylor Swift sur les élections américaines semble d’ores et déjà indéniable, il faudra donc attendre le résultat d’études plus précises, et peut-être même celui des élections elles-mêmes, pour savoir si elle peut peser sur le résultat des votes. Reste que son implication dans la campagne aura eu, quoi qu’il arrive, un impact sur les préoccupations du Congrès : l’offensive conservatrice anti-Swift s’étant traduite par la <a href="https://www.nytimes.com/2024/01/26/arts/music/taylor-swift-ai-fake-images.html">circulation d’images pornographiques de la star générées par l’intelligence artificielle</a> (deepfakes) sur le réseau X (ex-Twitter), un groupe bipartisan de députés américains a présenté un projet de loi visant à criminaliser de telles pratiques dans tout le pays, initiative copiée au niveau des États, dont le Missouri, où le titre de la loi sera le <a href="https://www.kttn.com/taylor-swift-act-will-protect-against-unauthorized-deepfake-images/">« Taylor Swift Act »</a>.</p>
<p>De quoi faire d’ores et déjà de l’élection présidentielle 2024 la <a href="https://www.today.com/popculture/music/taylors-version-meaning-swift-rerecording-albums-rcna98513">« version de Taylor »</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224015/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elsa Grassy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Taylor Swift a-t-elle le pouvoir d’apporter la victoire aux démocrates lors de l'élection présidentielle, comme le pense la droite américaine ?Elsa Grassy, Maîtresse de conférences en études états-uniennes, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2231262024-02-13T15:41:04Z2024-02-13T15:41:04ZLa globalisation à l’aube d’un nouveau cycle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/574392/original/file-20240208-20-dqowjp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=38%2C5%2C1943%2C1188&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis le début des annes 1990, la globalisation a connu plusieurs phases. Une nouvelle s'amorce aujourd'hui.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.needpix.com/photo/1618449/technology-globalisation-business-communication-connection-world-network-global-internet">TheDigitalArtist/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La globalisation ne doit pas être conçue comme un processus de convergence aboutissant à un espace mondial plat et lisse dans lequel les technologies, les organisations structurées en réseau et les chaînes de valeur permettent à de grandes firmes installées de combiner et de recombiner des blocs d’activité en mobilisant parfois de la recherche et développement (R&D), souvent des capacités de production et de commercialisation.</p>
<p>Au-delà de l’aspect géographique, la globalisation est aussi un déroulé sur la façon dont les économies nationales et les régions qui les englobent interagissent à un niveau supérieur qualifié de global. C’est ce que nous montrions dès 2012 dans l’essai <em>Les Paradoxes de l’économie du savoir</em> (éditions Hermès Lavoisier).</p>
<p>Sur la période 1990-2022, l’évolution de la globalisation présente ainsi une discontinuité temporelle des flux mondiaux d’exportations, d’importations et d’investissements directs à l’étranger (IDE) marquée par <a href="https://www.piie.com/publications/working-papers/trade-hyperglobalization-dead-long-live">trois phases</a> : d’hyperglobalisation (1990-2008), de crise financière et de stabilisation des trois variables (2008-2011) et de déglobalisation relative jusqu’en 2022.</p>
<p>Ce constat permet une lecture selon laquelle la globalisation s’inscrit dans un cycle et, comme telle, elle a vocation à se reproduire, non pas à l’identique, mais en réorganisant les interconnexions pour répondre aux multiples contraintes économiques, technologiques et géopolitiques.</p>
<h2>Une rupture en 2008</h2>
<p>Entre 1990 et 2008, la croissance annuelle des exportations mondiales (10 %) excède celle du PIB mondial (6 %). Dans de nombreux pays et régions, on observe une forte corrélation entre les flux commerciaux et la croissance qui se soutiennent mutuellement (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/etats-unis-20443">États-Unis</a>, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/union-europeenne-ue-20281">Union européenne</a>, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chine-20235">Chine</a>). Des transformations structurelles sont à l’œuvre, la part de l’industrie globale dans la valeur ajoutée mondiale décline de 21 % en 1990 à 16 % en 2011, la désindustrialisation des pays du Nord l’emportant sur l’industrialisation du Sud.</p>
<p>Le système d’échange global prend appui sur des créations institutionnelles (Union européenne, Accord de libre-échange nord-américain, Accord de partenariat transpacifique) et il est fondé sur une idéologie néolibérale centrée sur les entreprises et les marchés et sur des règles globales des flux commerciaux et d’investissements édictées par <a href="https://theconversation.com/fr/topics/organisation-mondiale-du-commerce-omc-50902">l’Organisation mondiale du commerce</a> (OMC).</p>
<p>La période post-crise financière a par la suite créé de fortes pressions en faveur de la déglobalisation : inégalités croissantes et concurrence accrue, complexité croissante des chaînes de valeur et importance grandissante des considérations géopolitiques.</p>
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<img alt="Une d’un journal américain titrant sur la crise de 2008" src="https://images.theconversation.com/files/574407/original/file-20240208-28-x0v2ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574407/original/file-20240208-28-x0v2ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574407/original/file-20240208-28-x0v2ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574407/original/file-20240208-28-x0v2ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574407/original/file-20240208-28-x0v2ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574407/original/file-20240208-28-x0v2ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574407/original/file-20240208-28-x0v2ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le crise financière de 2008 a déclenché des pressions propices à une déglobalisation.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/myeye/3152750338">Myeyesees/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Le ralentissement du commerce mondial à partir de 2011 a accompagné le freinage de la croissance mondiale. L’analyse de cette période exige toutefois de dissocier les biens et les services : le commerce manufacturier s’est tassé de 15,6 % du PIB mondial en 2011 à 14,5 % en 2021 alors que le commerce des services s’est accru de 6 % du PIB mondial en 2011 à 8 % en 2021.</p>
<h2>La Chine de plus en plus influente</h2>
<p>En phase d’hyperglobalisation, les flux traduisent le pouvoir économique et géopolitique des États-Unis, alors que la phase de tassement est plutôt configurée par l’influence croissante de la Chine qui peut être repérée par deux indicateurs. Le ratio exports-imports/PIB décline de 71 % en 2008 à 35 % en 2022 pendant que la part de marché des exportations manufacturières de la Chine dans les exportations mondiales augmente de 12 % en 2008 à 22 % en 2022.</p>
<p>Le premier indicateur traduit le recentrage de la Chine sur son marché intérieur et le changement d’orientation de la politique économique privilégiant désormais les biens non échangeables, notamment l’immobilier et les infrastructures. Les dépenses publiques orchestrent cette modification de la composition de la production qui a pour effet d’atténuer la compétitivité du secteur échangeable en provoquant une hausse des salaires sur le marché du travail.</p>
<p>Le second indicateur indique que, malgré l’affaiblissement de la compétitivité, le différentiel de productivité en faveur de la Chine dans les biens échangeables est si élevé que les exportations continuent de croître. Dans le même temps, la Chine a élaboré <a href="https://theconversation.com/rcep-lintegration-commerciale-en-asie-met-les-etats-unis-au-defi-de-leurs-ambitions-150474">l’Accord de partenariat économique régional global</a> qui regroupe 15 pays représentant le tiers du PIB mondial et qui représente l’accord le plus vaste de libre-échange dans le monde.</p>
<h2>Les prémisses d’un nouveau cycle</h2>
<p>La volatilité accrue des variables économiques et les incertitudes liées aux conflits géopolitiques amorcent un nouveau cycle de globalisation. Les difficultés actuelles de la Chine (crise démographique, croissance économique ralentie et prévisions de croissance en baisse, <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/09/30/la-chine-de-l-interieur-rattrapee-par-la-crise-de-l-immobilier_6191715_3234.html">effondrement du secteur de l’immobilier</a>) conduisent ce pays à redoubler d’efforts pour acquérir des positions dominantes sur des produits et des technologies critiques, tout en contrôlant les exportations de terres rares. D’où l’attitude « de-risk China » de l’Ouest global pour assurer ses approvisionnements et pour accéder à des produits et des technologies d’importance économique et géopolitique stratégique.</p>
<p></p>
<p>Le principe est qu’il n’y a pas d’opposition entre politiques industrielles et marchés. Les politiques industrielles non seulement corrigent les mécanismes de marché, mais encore elles éclairent les choix stratégiques des entreprises en orientant l’investissement vers des produits et des technologies essentielles pour la sécurité nationale et la neutralité carbone.</p>
<p>Dans ce contexte, des mesures défensives sont prises. L’imposition par les États-Unis et la Chine de multiples barrières sur leurs échanges bilatéraux poussent les entreprises à diversifier leurs sources d’approvisionnement et leurs localisations. En Chine, les IDE ont régressé sur la période 2014-2020, puis se sont effondrés entre 2020 et 2023, passant de 400 milliards à 15 milliards de dollars, pendant qu’ils augmentaient fortement vers d’autres régions : l’Amérique latine, l’Afrique, l’Asie du Sud-Est et l’Inde. Le déclin marqué des importations chinoises aux États-Unis s’est traduit par une relocalisation partielle de certaines activités et par des importations accrues en provenance de Mexico (15 % en 2023 contre 13,9 % pour la Chine), du Vietnam, etc.</p>
<h2>L’enjeu de sécurité économique s’impose</h2>
<p>Début 2024, la Commission européenne s’est rapprochée des États-Unis en proposant <a href="https://www.aefr.eu/fr/actualites/6474/la-commission-propose-de-nouvelles-initiatives-pour-renforcer-la-securite-economique">plusieurs mesures pour renforcer la sécurité économique</a>. En premier lieu, développer des mécanismes de criblage des IDE en évaluant leurs effets sur les infrastructures et les technologies critiques et identifier les secteurs sensibles (semi-conducteurs, intelligence artificielle, médicaments). En deuxième lieu, elle demande aux gouvernements d’évaluer les risques potentiels d’investir à l’étranger dans les technologies avancées.</p>
<p>Une troisième initiative propose de contrôler les exportations de biens à usage dual, civil et militaire dont les mécanismes de financement de la R&D devraient être sensiblement améliorés. La proposition finale vise à doter les organisations de recherche d’outils permettant d’exercer une « diligence raisonnable » lorsqu’elles s’engagent dans une coopération internationale, afin d’éviter la capture d’informations.</p>
<p>Au bilan, les politiques industrielles contiennent des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/protectionnisme-33187">mesures protectionnistes</a>. Le cycle de la globalisation se reproduit en renforçant les formes publiques de pilotage des économies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223126/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Guilhon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La volatilité accrue des variables économiques et les incertitudes liées aux conflits géopolitiques amorcent un nouveau cycle marqué par une multiplication des mesures protectionnistes.Bernard Guilhon, Professeur de sciences économiques, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2231062024-02-08T16:54:47Z2024-02-08T16:54:47ZSuper Bowl : 7 millions de dollars les trente secondes de pub, pour quel résultat ?<p>Pendant que les Chiefs de Kansas City se préparent à affronter les San Francisco 49ers lors du Super Bowl 2024 (dans la nuit de dimanche à lundi pour la France), une conversation s’engage sérieusement en parallèle des terrains de <a href="https://theconversation.com/topics/football-americain-82544">football américain</a> sur les <a href="https://theconversation.com/topics/publicite-24275">publicités</a> qui seront diffusées lors de l’un des <a href="https://theconversation.com/topics/television-20491">événements télévisés</a> les plus regardés de l’année aux États-Unis (<a href="https://www.billboard.com/culture/tv-film/super-bowl-2023-viewership-numbers-1235253521/">110 millions de téléspectateurs</a>). Si certains habitués seront bien présents à l’antenne, d’autres brillent par leur absence.</p>
<p>Professeurs spécialistes du <a href="https://harbert.auburn.edu/directory/linda-ferrell.html">marketing</a> et de l’<a href="https://harbert.auburn.edu/directory/oc-ferrell.html">éthique des affaires</a>, nous nous sommes intéressés de près à la liste des annonceurs et notamment aux absents. Parmi ces derniers, on retrouve notamment les <a href="https://finance.yahoo.com/news/america-4-largest-car-makers-224356471.html">quatre grands constructeurs automobiles</a> que sont Ford, General Motors, Chrysler (groupe Stellantis) et Toyota. Tous ont choisi de consacrer leurs budgets publicitaires à des campagnes de marketing plus ciblées. Seuls Kia et BMW seront bien là pour promouvoir leurs nouveaux véhicules électriques, tandis que Volkswagen a prévu de consacrer son budget publicitaire au 75<sup>e</sup> anniversaire de la marque aux États-Unis.</p>
<p>GoDaddy, gestionnaire de noms de domaines sur Internet dont les publicités du Super Bowl ont fait parler d’elles au fil des ans, ne sera pas non plus de la partie cette année. La direction de l’entreprise a indiqué qu’elle <a href="https://adage.com/article/ad-age-podcast/why-godaddy-still-sitting-out-super-bowl/2534516">explorait d’autres options marketing</a> susceptibles de susciter davantage d’engagement de la part de ses marchés cibles.</p>
<h2>7 millions de dollars les trente secondes</h2>
<p>Les publicités du Super Bowl de cette année, dont les créneaux avaient déjà <a href="https://variety.com/2023/tv/news/super-bowl-commercials-sold-out-cbs-tv-advertising-1235777413">tous été vendus au début du mois de novembre 2023</a>, sont dominées par des marques de produits alimentaires et de boissons qui s’adressent à un large public. Les nouveaux annonceurs comme Popeyes, Drumstick, Nerds et le nouveau soda au citron vert de Pepsi, Starry, rejoindront les habitués comme Reese’s, M&M’s, Pringles, Frito-Lay ou Mountain Dew.</p>
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<p>Le plus grand brasseur du monde, Anheuser-Busch InBev, prévoit de diffuser de <a href="https://www.benzinga.com/news/24/01/36779729/bud-light-to-make-a-comeback-at-super-bowl-2024-with-humorous-ad">nombreuses publicités</a> pour ses différentes marques. Cela inclut notamment Bud Light, dont une campagne marketing récente avec une influenceuse transgenre a viré au <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/suite-a-un-fiasco-marketing-la-biere-bud-light-decroche-aux-etats-unis-1952277">fiasco</a>, dans l’espoir de poursuivre l’histoire de ses publicités emblématiques pour le Super Bowl.</p>
<p>À <a href="https://www.msn.com/en-us/sports/nfl/cbs-reportedly-selling-super-bowl-lviii-ads-at-staggering-price-nearly-sold-out-before-2024/ar-AA1jtQs2">7 millions de dollars</a> la diffusion du spot de 30 secondes, même tarif que l’an passé, le passage à l’antenne n’est pas bon marché. Et c’est sans compter le <a href="https://finance.yahoo.com/news/most-expensive-super-bowl-commercials-130041725.html">coût de création des publicités elles-mêmes</a>, souvent plus de deux fois supérieur à ce qu’elles coûteront pour être diffusées le jour du match. Au total, un spot peut coûter aux entreprises plus de 20 millions de dollars.</p>
<p>Qu’espèrent alors les annonceurs ? Le jeu en vaut-il la chandelle ? Pour certains, c’est clairement le cas.</p>
<h2>Des spots qui ont marqué leur époque</h2>
<p>Il faut tout d’abord rappeler que les publicités les plus efficaces – celles qui sortent du lot – sont visibles bien avant le début du match et pendant des semaines, voire des années, après celui-ci. Des accroches, des bandes-annonces et parfois les publicités elles-mêmes sont généralement diffusées dans les semaines précédant le Super Bowl et font l’objet d’analyse à la télévision, en ligne et sur les médias sociaux.</p>
<p>Cette couverture se poursuit également après le match, avec des sondages et des articles de fond qui classent les publicités qui ont fonctionné et celles qui n’ont pas fonctionné. Certaines des meilleures publicités du Super Bowl ont même une vie propre qui dure longtemps après leur diffusion. Beaucoup n’ont pas oublié <a href="https://davidjdeal.medium.com/hey-kid-catch-how-coca-cola-and-mean-joe-greene-launched-a-legend-ab7b9492c84d%23:%7E:text=The%252520Reinvention%252520of%252520a%252520Football%252520Legend&text=NBC%252520turned%252520the%252520commercial%252520into,of%252520the%252520ad%252520for%252520Downy">l’emblématique publicité Coca-Cola de 1980</a> mettant en scène le joueur de Pittsburgh, Mean Joe Greene, lançant son maillot à un jeune fan. Diffusée à la fin de l’année 1979, cette publicité a touché un public beaucoup plus large pendant le match, quelques mois plus tard.</p>
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<p>Le spot est resté si populaire qu’il a été repris 30 ans plus tard sous la forme d’une publicité pour le Coca Zero mettant en scène Troy Polamalu, un autre joueur des Steelers. Ces dernières années, la couverture avant et après le Super Bowl a souvent fait revivre ces deux publicités, ainsi que d’autres publicités emblématiques, des décennies plus tard.</p>
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<h2>Choisir ailleurs une publicité plus ciblée ?</h2>
<p>Pourquoi alors les quatre grands constructeurs automobiles, GoDaddy et d’autres anciens annonceurs du Super Bowl délaissent-ils le grand jeu ? Un argument peut-être : la génération Z (personnes nées entre 1997 et 2010), en particulier, ne se montre <a href="https://www.forbes.com/sites/petersuciu/2023/02/08/super-bowl-ads-may-need-to-evolve-to-target-gen-z--that-will-include-a-social-media-component/?sh=4e70a3162b3e">pas impressionnée par les publicités du Super Bowl</a> et ne s’intéresse pas spécialement à la télévision.</p>
<p>Les spécialistes du marketing savent que TikTok et d’autres sites sociaux deviennent de <a href="https://www.shopify.com/blog/tiktok-marketing">meilleures plates-formes</a> pour diffuser des messages à des groupes démographiques ciblés. Le retour sur investissement de la publicité est beaucoup plus facile à suivre sur ces sites, et les dépenses publicitaires plus faciles à justifier, surtout si l’on considère la fréquence à laquelle ces publicités sont partagées avec la famille et les amis, en quelques secondes et en appuyant sur quelques touches.</p>
<p>Dans le paysage médiatique fragmenté d’aujourd’hui, le Super Bowl reste malgré tout un événement rare dont l’attrait demeure véritablement massif : selon la National Football League (NFL), <a href="https://www.nfl.com/news/super-bowl-lvii-total-viewing-audience-estimated-at-200-million">plus de 60 % des Américains</a> ont regardé le match de l’année dernière. Cela fait beaucoup de spectateurs.</p>
<p>En fin de compte, les responsables marketing d’aujourd’hui reconnaissent que les publicités télévisées du Super Bowl fonctionnent mieux lorsqu’elles promeuvent des produits de grande consommation – grâce à <a href="https://doi.org/10.1080/13527266.2011.581302">l’humour, à l’utilisation d’animaux, à la nostalgie et aux célébrités</a> – ainsi que des causes sociales qui trouvent un écho auprès des consommateurs. Associer une marque à un storytelling marquant et créatif est également un moyen efficace d’accroître sa <a href="https://www.cnn.com/2020/02/03/perspectives/super-bowl-ads-google-loretta/index.html">visibilité globale</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223106/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Reste-t-il intéressant pour les entreprises de dépenser 7 millions de dollars pour trente secondes de publicité autour du Super Bowl, même s’il reste un des événements les plus regardés de l’année ?Linda Ferrell, Professor of Marketing, Auburn UniversityO.C. Ferrell, Professor of Ethics, Auburn UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2221782024-02-01T15:01:53Z2024-02-01T15:01:53Z« Amtrak Joe » : la politique historique de l’administration Biden en faveur du train<p>1 000 milliards de dollars. Tel est le montant astronomique prévu dans le cadre de la <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2021/08/02/updated-fact-sheet-bipartisan-infrastructure-investment-and-jobs-act/">loi sur les infrastructures</a> (Infrastructure Investment and Jobs Act, IIJA) portée par l’administration de Joe Biden depuis qu’elle a été <a href="https://www.cnbc.com/2021/11/15/biden-signing-1-trillion-bipartisan-infrastructure-bill-into-law.html">ratifiée</a> par le président en novembre 2021.</p>
<p>Depuis lors, <a href="https://www.reuters.com/world/us/bidens-infrastructure-law-has-begun-40000-projects-will-it-help-him-2024-2023-11-10/">près de 400 milliards de dollars</a> ont été effectivement engagés – une somme historique, pour un réengagement fédéral historique en faveur des infrastructures de la première puissance mondiale. Pour le ferroviaire, ce sont près de 66 milliards de dollars qui ont été mis sur la table, soit la somme la plus importante depuis la création en 1970 de <a href="https://www.amtrak.com/about-amtrak.html">l’opérateur ferroviaire national Amtrak</a>, qui gère et exploite l’ensemble des services ferroviaires nationaux.</p>
<p>Il convient de rappeler à cet égard que le train ne représente que <a href="https://theses.hal.science/tel-02197401">0,2 % des déplacements interurbains</a> aux États-Unis – chiffre en progression régulière mais qui pèse peu par rapport à la voiture et à l’avion. Depuis des décennies, le pays a tourné le dos au train et délaissé les investissements dans ce mode de transport.</p>
<p>Le réseau d’Amtrak s’étend sur près de 34 000 kilomètres. Mais l’essentiel du réseau ferroviaire étatsunien (220 000 km au total) est privé, et appartient aux entreprises de fret ferroviaire. Ces acteurs historiques (Union Pacific, BNSF, etc.) sont les véritables maîtres du réseau ferroviaire du pays, dont <a href="https://www.aar.org/facts-figures">70 %</a> sont entre les mains des six plus grandes entreprises de fret (dites de classe 1). Pour faire circuler ses trains, Amtrak dépend donc de ces géants ; ceux-ci sont légalement tenus d’accorder à Amtrak la priorité de circulation, mais ils ne respectent que rarement cette disposition. Pour les entreprises privées de fret, les trains de passagers sont plutôt des nuisances.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/571864/original/file-20240129-17-8paco4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/571864/original/file-20240129-17-8paco4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571864/original/file-20240129-17-8paco4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1064&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571864/original/file-20240129-17-8paco4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1064&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571864/original/file-20240129-17-8paco4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1064&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571864/original/file-20240129-17-8paco4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1337&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571864/original/file-20240129-17-8paco4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1337&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571864/original/file-20240129-17-8paco4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1337&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Chicago, le principal nœud ferroviaire des États-Unis. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Matthieu Schorung</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Un réseau conventionnel déséquilibré</h2>
<p>Amtrak, qui exploite des services ferroviaires desservant plus de 500 agglomérations, des plus grandes métropoles à des petites villes rurales, a transporté en 2023 <a href="https://media.amtrak.com/wp-content/uploads/2023/11/Copy-of-FY23-Year-End-Ridership.pdf">28,5 millions de passagers</a>. Cette fréquentation est en forte hausse par rapport à 2022 (22,9 millions) mais encore loin du record pré-Covid (32,5 millions de passagers en <a href="https://media.amtrak.com/wp-content/uploads/2019/11/FY19-Year-End-Ridership.pdf">2019</a>). À titre de comparaison, en France, la SCNF a transporté 24 millions de voyageurs… pour la seule période estivale en 2023.</p>
<p>La <a href="https://theses.hal.science/tel-02197401">géographie d’Amtrak</a> se structure à partir de trois composantes.</p>
<p>D’abord les services de longue distance, qui constituent la colonne vertébrale du réseau, héritée des heures glorieuses du train à la fin du XIX<sup>e</sup> et au début du XX<sup>e</sup> siècle. Les noms de ces quinze services font référence à un imaginaire révolu du train (California Zephyr, Coast Starlight, Empire Builder, etc.). Ce sont les services qui assurent des liaisons continentales et qui conservent une fonction de desserte rurale et d’accès équitable au train.</p>
<p>Ils ont le plus souffert de la concurrence de l’avion : le Coast Starlight relie Seattle à Los Angeles en 35h contre 2h45 en avion. Ces services de longue distance, rarement parcourus de bout en bout, sont financés par le gouvernement fédéral et sont les plus déficitaires : en cumulé, ils n’ont transporté que <a href="https://media.amtrak.com/wp-content/uploads/2023/11/Copy-of-FY23-Year-End-Ridership.pdf">3,9 millions de passagers en 2023</a>.</p>
<p>Ensuite, les services régionaux, dits <em>state-supported</em> (parce qu’ils sont depuis 2008 à la charge des États fédérés), qui constituent le fer de lance de la renaissance ferroviaire étatsunienne. La trentaine de services régionaux a transporté en 2023 quelque 12,5 millions de passagers.</p>
<p>Ces services desservent pour l’essentiel des territoires très urbanisés et les principales agglomérations du pays. Cinq d’entre eux dépassent le million de voyageurs annuels dont les trois californiens (Pacific Surfliner, San Joaquin, Capitol Corridor) qui illustrent bien la position de la Californie comme <a href="https://www.cairn.info/revue-flux-2017-1-page-17.htm">« laboratoire du renouveau ferroviaire »</a>. Six de ces services régionaux dépassent les 500 000 voyageurs par an, par exemple le corridor des <a href="https://www.cairn.info/revue-flux-2020-3-page-67.htm">Cascades</a> entre Seattle et Portland (669 000 voyageurs en 2023).</p>
<p>Enfin, le réseau Amtrak comprend un service géré à part, qui représente la plus belle réussite commerciale du pays, le corridor Nord-Est (<a href="https://nec-commission.com/corridor/">NorthEast Corridor</a>, NEC) qui s’étend de Boston à Washington D.C. Ce NEC, comprenant entre autres une ligne à « grande vitesse » (Acela Express), concentre à lui seul pas loin de 30 % de la fréquentation nationale totale d’Amtrak (12,1 millions de passagers en 2023).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572258/original/file-20240130-21-40yt8k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572258/original/file-20240130-21-40yt8k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572258/original/file-20240130-21-40yt8k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572258/original/file-20240130-21-40yt8k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572258/original/file-20240130-21-40yt8k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572258/original/file-20240130-21-40yt8k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572258/original/file-20240130-21-40yt8k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Discours de Joe Biden sur la loi bipartisane sur l’infrastructure dans le bâtiment de maintenance de l’Amtrak à Baltimore, 30 janvier 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Executive Office of the President of the United States</span></span>
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<p>Le NEC est une singularité dans le paysage ferroviaire étatsunien puisqu’Amtrak est propriétaire de l’essentiel de ses infrastructures. L’existence et le succès du NEC démontrent que le train est une solution viable puisqu’il a réussi à capter près de 75 % des déplacements interurbains entre Washington DC et New York <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2014-11-26/why-more-northeast-u-s-travelers-take-the-train-instead-of-a-plane-in-2-charts">au détriment de l’avion</a> !</p>
<h2>Des mégaprojets qui émergent</h2>
<p>À l’heure actuelle, les États-Unis ne disposent pas de lignes à grande vitesse <em>stricto sensu</em> (au sens de l’<a href="https://www.uic.org/com/enews/nr/596-high-speed/article/the-definition-of-high-speed-rail?page=thickbox_enews">Union internationale des chemins de fer</a> (UIC)) mais d’un seul corridor à vitesse élevée (le NEC). En effet, l’Acela Express ne dépasse pas la vitesse maximale de 240 km/h et sa vitesse moyenne sur l’essentiel du corridor oscille entre 150 et 170 km/h.</p>
<p>On assiste toutefois à une multiplication de grands projets qui visent à développer des services de grande vitesse ferroviaire. Le chantier de la ligne à (vraie) grande vitesse en <a href="https://www.latimes.com/california/story/2023-12-25/california-high-speed-rail-federal-funding-newsom-biden">Californie</a> (entre San Francisco et Los Angeles) se poursuit malgré une forte inflation des coûts et de multiples retards et <a href="https://journals.openedition.org/espacepolitique/6120">conflits politiques locaux</a> (la section dans la vallée centrale devrait ouvrir en 2028 tandis que la connexion vers San Francisco devrait s’achever en 2033, plus de 25 ans après le lancement du projet).</p>
<p>Le NEC d’Amtrak est engagé depuis près d’une décennie dans un vaste chantier de modernisation. En novembre 2023, <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2023/11/09/fact-sheet-biden-harris-administration-celebrates-historic-progress-in-rebuilding-america-ahead-of-two-year-anniversary-of-bipartisan-infrastructure-law/">Joe Biden a annoncé une enveloppe de 16,4 milliards de dollars</a> pour le corridor Nord-Est, dont plus de 11 rien que pour remplacer deux tunnels hors d’âge (le Hudson River Tunnel à New York et le Frederick Douglass Tunnel à Baltimore – ce dernier date d’il y a plus de 150 ans et n’a jamais fait l’objet de travaux majeurs de modernisation).</p>
<p>Les projets privés constituent une particularité étatsunienne en matière de grande vitesse ferroviaire. Le <a href="https://journals.openedition.org/tourisme/4505">projet Brightline</a> de corridor à vitesse élevée en Floride (Miami-Orlando) est achevé et en exploitation depuis 2023, amenant à nouveau le train dans un État habitué à l’avion et à la voiture individuelle. Cette même entreprise a repris le projet d’une liaison entre Los Angeles et Las Vegas, projet (dit Brightline West) estimé à 20 milliards de dollars, tandis que des réflexions sont toujours en cours pour un projet au Texas.</p>
<p>Enfin, une multitude de projets concernent les gares : chantiers de modernisation et d’extension (<a href="https://www.fox32chicago.com/news/union-station-receives-federal-funding-for-major-upgrades">Chicago Union Station</a>, <a href="https://www.washingtonpost.com/transportation/2023/05/13/dc-union-station-redevelopment/">Washington Union Station</a>), projets de développement et de densification des quartiers de gare (gare <a href="https://irp.cdn-website.com/bf2583a0/files/uploaded/pp.149-156-Lieu-du-transport-Autour-de-la-gare-30th-Street-de-Philadelphie-Le-projet-urbain-instrument-de-revitalisation-M.Schorung-P.Marcher.pdf">30th Street de Philadelphie</a>), construction de nouvelles gares centrales (<a href="https://fonciers-en-debat.com/la-nouvelle-gare-centrale-de-san-francisco-la-captation-de-valeur-comme-instrument-de-legitimation-du-projet/">San Francisco Salesforce Terminal</a>, Miami Central).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/571862/original/file-20240129-25-4fxoz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/571862/original/file-20240129-25-4fxoz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571862/original/file-20240129-25-4fxoz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571862/original/file-20240129-25-4fxoz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571862/original/file-20240129-25-4fxoz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571862/original/file-20240129-25-4fxoz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571862/original/file-20240129-25-4fxoz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571862/original/file-20240129-25-4fxoz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Entrée principale de la nouvelle gare centrale de San Francisco (Salesforce Transit Center).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Matthieu Schorung</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>« Amtrak Joe » vs. « business as usual »</h2>
<p>Le président Biden a fondé une partie de sa campagne présidentielle de 2020 sur la promesse de « reconstruire » le pays et de remettre au niveau des infrastructures vieillissantes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/build-back-better-le-programme-economique-de-joe-biden-151867">« Build back better » : Le programme économique de Joe Biden</a>
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<p>La loi <a href="https://www.ey.com/en_us/infrastructure-investment-and-jobs-act">IIJA</a> porte, nous l’avons dit, sur un total de 1 000 milliards de dollars d’investissements (111 milliards pour les routes et les autoroutes, 79 milliards pour les réseaux d’électricité, 65 milliards pour les réseaux Internet et mobile ou encore 39 milliards pour les transports publics).</p>
<p>Concernant le mode ferroviaire, les <a href="https://www.amtrak.com/about-amtrak/new-era.html">investissements</a> sont historiques : 22 milliards de dollars de crédits pour Amtrak (16 milliards sur le réseau national et 6 milliards pour le seul NEC) et 44 milliards de dollars de subventions dites « discrétionnaires » par le biais de la Federal Railroad Administration. Ces subventions sont destinées à co-financer des projets d’infrastructure majeurs (ponts, tunnels, gares) et des projets de sécurisation et d’implantation de nouveaux systèmes d’exploitation.</p>
<p>Ces investissements massifs permettraient, si les budgets votés par le Congrès suivent, de moderniser comme jamais les infrastructures mais surtout d’étendre les services d’Amtrak. 25 lignes seraient modernisées au total et 39 nouveaux services pourraient être lancés permettant, <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-07-14/inside-amtrak-s-75-billion-plan-to-revive-us-train-travel">d’après les projections d’Amtrak</a>, de capter 20 millions de passagers supplémentaires d’ici quinze ans.</p>
<p>En parallèle, cette politique pro-ferroviaire a pour objectif de soutenir les projets de grande vitesse ferroviaire actuellement en chantier comme le <a href="https://www.reuters.com/world/us/california-high-speed-rail-faces-challenges-after-us-award-2023-12-08/">chantier californien</a>, ou futurs comme le projet privé <a href="https://eu.usatoday.com/story/news/nation/2023/12/05/la-las-vegas-high-speed-rail-project-scores-3-billion-funding/71819342007/">Brightline West</a>. Ces deux projets vont bénéficier d’une enveloppe de 6 milliards de dollars octroyée par Joe Biden <a href="https://www.reuters.com/world/us/us-award-3-billion-las-vegas-high-speed-rail-project-2023-12-05/">fin 2023</a>.</p>
<p>Néanmoins, l’argent ne fait pas tout et les menaces politiques qui pèsent sur cette politique ferroviaire ambitieuse sont nombreuses. <em>A contrario</em> des grands opérateurs ferroviaires historiques en Europe, Amtrak est un acteur relativement faible, qui ne reçoit qu’une enveloppe budgétaire annuelle maigre du gouvernement fédéral (entre 1,5 et 3 milliards de dollars par an).</p>
<p>Malgré les sommes historiques contenues dans la dernière loi de l’administration Biden, le déblocage effectif des budgets doit passer par le Congrès. Le financement d’Amtrak fait l’objet d’une intense bataille politique entre les Démocrates et les Républicains, ces derniers cherchant régulièrement à réduire le budget d’Amtrak à la portion congrue – pour <a href="https://www.trains.com/trn/news-reviews/news-wire/house-republicans-propose-64-cut-to-amtrak-budget-for-fiscal-2024/">2024</a>, les Républicains de la Chambre des Représentants ont proposé une coupe drastique de 64 % en <a href="https://www.railpassengers.org/happening-now/news/releases/statement-on-houses-proposed-cuts-to-amtrak-in-fy24-budget/">contradiction</a> avec la proposition budgétaire de la Maison Blanche et les engagements financiers pris dans le cadre de la loi IIJA.</p>
<p>L’administration Biden et le Parti démocrate ont été contraints à un compromis avec la majorité républicaine à la Chambre. Au-delà de la question budgétaire, aucune réforme systémique de la politique fédérale des transports n’a été engagée. Les financements et les politiques de transport et d’aménagement à tous les échelons de gouvernement continuent de favoriser ces modes carbonés.</p>
<p>Ces <a href="https://journals.openedition.org/tem/4249">soubresauts politiques</a>, qui reflètent en réalité le scepticisme voire l’opposition résolue d’une partie de la population étatsunienne face à un réinvestissement public massif en faveur du train, compliquent non seulement le réseau conventionnel d’Amtrak mais également les projets de corridors à grande vitesse. Une réélection de Donald Trump et une majorité républicaine dans les deux chambres du Congrès lors les élections de 2024 menaceraient très probablement les ambitions de ce renouveau ferroviaire aux États-Unis.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222178/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Matthieu Schorung ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’administration Biden consacre des sommes importantes au développement du transport ferroviaire, insuffisamment développé aux États-Unis.Matthieu Schorung, Docteur. Enseignant-chercheur, Cergy Paris Université, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2197332024-01-30T16:10:40Z2024-01-30T16:10:40ZL’éducation, nouvel eldorado pour les entrepreneurs ?<p>La privatisation de l’éducation est une <a href="https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-031-37853-9">réalité désormais mondiale</a>. Prenant racine dans les politiques de dérégulation de l’économie et des services engagées à partir des années 1980, ce processus controversé pousse le champ éducatif et le rapport à l’éducation des sociétés vers une marchandisation toujours plus grande.</p>
<p>Au cœur de ces transformations figure l’arrivée de nouveaux acteurs : les « édupreneurs ». Contraction d’« entrepreneurs » et d’« éducateurs », le terme renvoie à une réalité nouvelle. Celle d’entrepreneurs qui proposent de révolutionner l’éducation dans son organisation (en la rendant moins bureaucratique), son modèle économique (en hybridant public et privé), ses normes (à travers une évaluation permanente), ses outils (numériques) comme dans ses pratiques pédagogiques (en valorisant l’innovation et la rupture), tout en dégageant des bénéfices pour leurs actionnaires.</p>
<p>Qui sont ces édupreneurs ? Comment s’organisent-ils dans ce qui s’apparente à un marché planétaire ? Quels sont les enjeux en termes de politiques éducatives ou d’égalité sociale et territoriale ? Que penser de cette promesse disruptive de penser et faire autrement l’éducation ?</p>
<h2>Le quasi-marché de l’éducation, terreau de l’édupreneuriat</h2>
<p><a href="https://www.dunod.com/histoire-geographie-et-sciences-politiques/geographie-education-concepts-enjeux-et-territoires">Présentée comme le plus grand marché du XXIᵉ siècle</a> (12 000 milliards de dollars en 2022), l’éducation mérite plutôt d’être qualifiée de quasi-marché. Placé sous autorité gouvernementale, le secteur combine en effet principes marchands et régulation publique. L’adoption de politiques de type <em>new public management</em> dans les années 1990 a mis en concurrence des « opérateurs de l’éducation » publics et privés.</p>
<p>La transformation du monopole public d’éducation en quasi-marché a favorisé l’émergence de nouveaux acteurs qui n’ont que peu à voir avec les habituels acteurs privés de l’éducation – écoles privées, congrégations religieuses. Issus du monde de l’entreprise, souvent soutenus par des investisseurs (fonds d’investissement, banques, investisseurs privés), ils voient dans la dérégulation de l’éducation un marché porteur.</p>
<p>Les premiers édupreneurs sont apparus aux États-Unis à la faveur de la réforme de 2001 autorisant la conversion d’écoles publiques en difficulté en <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/question-d-education/usa-l-irresistible-montee-des-charter-schools_1762397.html"><em>charter schools</em></a>, soit des écoles confiées à un opérateur privé qui a mandat pour améliorer les résultats et une liberté d’action pour le faire. Ils transforment des écoles publiques en entreprises promettant de faire mieux avec moins et d’en tirer des bénéfices.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/yvir2PqkXuQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Reportage de Vice News sur la montée du modèle des <em>charter schools</em> dans le Michigan, aux États-Unis (février 2020).</span></figcaption>
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<p>Leur modèle est simple : bénéficiant de subventions publiques pour gérer une ou plusieurs écoles, ils ont une liberté pédagogique et une liberté de recrutement, et sont tenus d’atteindre des objectifs chiffrés en termes de réussite scolaire. Ils s’organisent sous la forme de <em>chain schools</em>, à l’image des franchises commerciales (systématisant programmes, méthodes pédagogiques et marketing).</p>
<p>Scolarisant 7,5 % des élèves étatsuniens, le modèle s’est exporté notamment dans les pays des Suds. <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/topic/education/overview">La Banque mondiale</a> l’impose comme un modèle réformateur des systèmes éducatifs publics conditionnant l’aide au développement.</p>
<h2>Les édupreneurs, des entrepreneurs comme les autres ?</h2>
<p>Surfant sur l’image positive de l’entrepreneur, l’édupreneur est présenté par ses promoteurs – gouvernements, institutions internationales ou fondations – comme la clé du changement et de la modernisation de systèmes éducatifs supposément en crise.</p>
<p>Assimilés à des « penseurs visionnaires » missionnés pour répondre aux défis de l’éducation et inventer de nouveaux modèles éducatifs, ils agissent dans quatre champs : la création et la gestion d’établissements, du primaire au supérieur), la fourniture de biens et de services éducatifs (aides aux devoirs, cours en ligne, orientation, etc.), la consultance auprès des autorités éducatives et enfin la fourniture de programmes et de matériels éducatifs.</p>
<p>Les édupreneurs répondraient à un double mot d’ordre : perturber et transformer l’éducation. Sont valorisés la souplesse de leur modèle économique (modèles hybrides associant entreprises à but lucratif et non lucratif), l’esprit de réforme permanente qui les animerait et une capacité à développer de l’innovation permettant d’améliorer productivité, efficacité et qualité de l’éducation.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lecole-en-panne-de-projet-politique-212040">L’école, en panne de projet politique ?</a>
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<p>À l’instar des entrepreneurs de la Silicon Valley auxquels ils sont comparés, les édupreneurs font l’objet d’une abondante médiatisation dont témoigne le classement annuel des édupreneurs <a href="https://www.forbes.com/sites/monicasager/2023/11/28/the-2024-30-under-30-education-entrepreneurs-are-bringing-digital-solutions-to-all-of-education-from-music-to-mental-health-to-special-ed/"><em>Forbes</em></a>. Héritiers d’une culture de l’entrepreneuriat, leur modèle éducatif serait fait d’audace, d’efficacité et répondrait aux enjeux éducatifs du XXI<sup>e</sup> siècle autour de la massification d’un enseignement de qualité.</p>
<h2>De la multinationale à l’auto-entrepreneur, une variété d’entreprises de l’éducation</h2>
<p>L’image du visionnaire de l’éducation qui crée son entreprise est trompeuse. Difficile à définir tant est sa diversité est grande, la réalité de l’édupreneuriat repose davantage sur des formes multiples d’entreprises que de structures individuelles, finalement peu nombreux. Trois grandes catégories se dégagent :</p>
<ul>
<li><p>Les <em>global édupreneurs</em>, des multinationales de l’éducation ayant investi dans l’enseignement supérieur et certaines niches considérées comme les plus rentables (management, informatique, santé hors médecine), puis diversifiées (<em>Edtech</em>, formation des enseignants, enseignement à distance).</p></li>
<li><p>Les entreprises de l’éducation, spécialisées dans l’enseignement primaire et secondaire possédant un portefeuille d’établissements à échelle régionale et nationale. Ce secteur très dynamique est l’objet de mouvements de type fusions et acquisitions.</p></li>
<li><p>Les auto-édupreneurs : petits entrepreneurs de l’éducation qui prospèrent dans les nouvelles technologies (start-up des <a href="https://theconversation.com/edtechs-quelle-place-dans-le-monde-dapres-132713"><em>Edtech</em></a>) et aux marges des systèmes éducatifs (écoles alternatives dans les Nords, écoles ou universités dans les zones rurales isolées ou urbaines périphériques des Suds).</p></li>
</ul>
<p>Derrière ce classement, on trouve de fortes différenciations géographiques. Aux États-Unis, les chaines d’écoles des édupreneurs entrent en concurrence frontale avec le secteur public. Investissant autant dans les quartiers pauvres que riches, fortement volatiles, au gré de leur rentabilité elles peuvent se déployer ou quitter un territoire, laissant derrière elles de <a href="https://www.revue-urbanites.fr/les-villes-americaines-obama-et-lecole-neoliberalisation-et-marchandisation-des-districts-scolaires-urbains">véritables déserts éducatifs</a>.</p>
<p>En Afrique de l’Ouest ou en Inde, les édupreneurs suppléent littéralement les écoles publiques. Le modèle <em>low cost</em> des édupreneurs y renforce les inégalités d’accès à l’éducation, sur les plans financier et géographique. En France, c’est dans le supérieur que les édupreneurs se développent le plus, grâce aux réformes sur l’apprentissage, et dans les <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/carriere/formation/alternance/hausse-du-nombre-d-apprentis-en-2022-ce-sont-essentiellement-des-apprentis-du-superieur-explique-le-syndicat-national-de-l-enseignement-technique-action-autonome_5690570.html">écoles primaires alternatives</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/2C3DAnqmtQQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Portrait d’une édupreneuse à Madagascar.</span></figcaption>
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<p>Le panorama très divers des entreprises laisse entrevoir des modèles éducatifs à bas coûts, encore peu rentables, surfant sur des niches d’opportunité (demande de <a href="https://theconversation.com/au/topics/pedagogies-alternatives-33357">pédagogies alternatives</a>, évitement de <a href="https://theconversation.com/parcoursup-les-adolescents-face-au-stress-des-choix-dorientation-203018">Parcoursup</a>) dont ressort une couverture sociale et territoriale très inégale qui joue aussi sur l’évitement scolaire et la peur des parents.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Pour les promoteurs de l’édupreneuriat, l’éducation serait entrée dans l’ère des édupreneurs, alternative à la crise des systèmes éducatifs. Derrière la promesse d’innovations disruptives à visée transformative de l’éducation, on perçoit surtout des formes plurielles de privatisation, renforçant les inégalités éducatives.</p>
<p>Les édupreneurs, figures de proue de ces changements, s’apparentent davantage à des vitrines de paysages éducatifs concurrentiels où les établissements sont des opérateurs d’éducation et les familles des consommatrices, où nous serions ainsi tous responsables autant qu’entrepreneurs de notre formation – ce qui à l’évidence questionne le rapport de nos sociétés à l’éducation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219733/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La privatisation de l’éducation est une réalité désormais mondiale. Elle fait émerger une figure souvent idéalisée, celle l’« édupreneur », et interroge le rapport de nos sociétés à l’éducation.David Giband, Professeur des Universités, Urbanisme et aménagement du territoire, Université de PerpignanKevin Mary, Maître de conférences en géographie, Université de PerpignanNora Nafaa, Chargée de recherche CNRS au laboratoire TELEMMe, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2221402024-01-29T16:59:28Z2024-01-29T16:59:28ZAtmosphère politique aux États-Unis : voici ce qu’on peut apprendre de l’Allemagne de l’entre-deux-guerres<p>« Ce sera la fin de la démocratie. » Telle est la réponse cinglante que le sénateur américain Bernie <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2024/jan/13/end-of-democracy-bernie-sanders-on-if-trump-wins-and-how-to-stop-him">a servi au <em>Guardian</em> qui lui demandait ce qui se passerait</a> en cas de victoire électorale de Donald Trump en 2025.</p>
<p><em>Le professeur David Dyzenhaus livrera ses réflexions sur la politique et l’état de droit lors d’un entretien avec Scott White, rédacteur en chef de La Conversation Canada. <a href="https://go.b2b-2go.com/fr/crsh2024/user/nouveau/adresse-courriel/">Cliquez ici</a> pour vous inscrire gratuitement à l’événement.</em></p>
<p>Notre défi, a-t-il expliqué, « sera de démontrer au peuple qu’un gouvernement démocratique peut répondre à leurs besoins essentiels. Si nous y parvenons, nous vaincrons Trump. Si nous échouons, alors ce sera la République de Weimar ».</p>
<p>Bernie Sanders fait allusion aux dernières années de la première expérience démocratique de l’Allemagne qui a vu la montée en puissance du futur dictateur dans un climat d’extrême polarisation politique et de grogne sociale.</p>
<p>Si ce rapprochement est juste pour la plupart des démocraties occidentales, le sénateur se trompe sur un point : les États-Unis sont déjà bien engagés dans ce qui ressemble au crépuscule de la République de Weimar.</p>
<p>En tant <a href="https://www.law.utoronto.ca/faculty-staff/full-time-faculty/david-dyzenhaus">que spécialiste du droit, en particulier de l’État de droit</a>, j’étudie la nature du droit et sa relation avec le politique. <a href="https://academic.oup.com/book/2553?login=false">Auteur d’un ouvrage sur ces questions dans l’Allemagne préhitlérienne</a>, je suis d’avis que cette période éclaire de manière pertinente ce qui se passe aux États-Unis et dans d’autres démocraties occidentales (y compris au <a href="https://www.law.utoronto.ca/news/demise-rule-law-in-canada-professor-david-dyzenhaus-lawyers-daily">Canada</a>).</p>
<h2>Polarisation dans l’entre-deux-guerres</h2>
<p>Naturellement, il y a quelques différences importantes.</p>
<p>En Allemagne, la principale ligne de fracture de la polarisation politique opposait l’extrême droite, dominée par le parti nazi, et une extrême gauche communiste. Or, ces deux partis se sont présentés aux élections dans l’intention expresse de détruire la démocratie.</p>
<p>Aux États-Unis, la principale ligne de faille oppose les démocrates et les groupes d’extrême droite qui dominent le parti républicain de Trump.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/571267/original/file-20240124-17-ghk9c5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une femme et un homme lisent une affiche collée sur un poteau" src="https://images.theconversation.com/files/571267/original/file-20240124-17-ghk9c5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571267/original/file-20240124-17-ghk9c5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=482&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571267/original/file-20240124-17-ghk9c5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=482&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571267/original/file-20240124-17-ghk9c5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=482&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571267/original/file-20240124-17-ghk9c5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571267/original/file-20240124-17-ghk9c5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571267/original/file-20240124-17-ghk9c5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des Berlinois lisant le décret sur les pouvoirs d’exception de 1932.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Lorsque Hitler arrache tous les leviers du pouvoir, la <a href="https://www.bundestag.de/fr/parlement/histoire/weimar-200700">République de Weimar</a> n’existait que depuis 14 ans. Et un article de sa constitution, le 48<sup>e</sup>, qui permettait au président de contourner le parlement en situation d’urgence, lui a ouvert un véritable boulevard.</p>
<h2>La résilience de la Constitution américaine</h2>
<p>En revanche, la Constitution américaine date de 1789, ce qui en fait la constitution la plus ancienne de la plus vieille démocratie moderne. Elle a montré sa résilience le 6 janvier 2021 lorsque Trump et ses partisans, refusant leur défaite contre Joe Biden aux élections de 2020, ont échoué dans leur tentative de prendre le pouvoir par la force.</p>
<p><a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/BRIE/2018/628309/EPRS_BRI(2018)628309_FR.pdf">Konrad Adenauer</a>, premier président de l’Allemagne de l’Ouest dans l’après-guerre, a dit un jour que le problème de Weimar n’avait pas été sa constitution, mais les rangs éclaircis des véritables partisans de la démocratie parmi les politiciens, les juges, les avocats et d’autres figures d’autorité susceptibles de la défendre.</p>
<p>Et en effet, en 2021, lors de la tentative d’insurrection trumpiste, c’est bien la foi démocratique d’une poignée de personnages qui s’est effectivement interposée et qui a permis l’entrée en fonction de Biden. Les juges nommés par les républicains ont rejeté les tentatives de Trump de contester certaines élections ; les responsables électoraux républicains qui ont résisté aux pressions exercées pour truquer les votes dans leurs circonscriptions ; et le vice-président Mike Pence, même s’il a <a href="https://nymag.com/intelligencer/2021/09/dan-quayle-convinced-mike-pence-to-reject-trumps-coup.html">vacillé jusqu’à la dernière minute</a>, a finalement refusé de jouer le jeu de la sédition.</p>
<p>Mais l’analogie entre la République de Weimar et les États-Unis demeure valide parce que c’est exactement ainsi que les démocrates allemands ont su résister jusqu’à la fin de l’année 1932.</p>
<p>Dans des situations extrêmes, le rôle des avocats et des tribunaux peut donc être crucial.</p>
<h2>Un coup d’État annonciateur</h2>
<p>En 1932, le gouvernement fédéral allemand — dominé par des aristocrates de droite — a utilisé les pouvoirs d’urgence prévus par l’article 48 de la constitution pour remplacer le gouvernement de l’État libre de Prusse, l’un des 39 Länder de la fédération allemande.</p>
<p>Ce faisant, <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/american-political-science-review/article/abs/legal-theory-in-the-collapse-of-weimar-contemporary-lessons/5B0A1534B72EB5BBA186C523F7836412">ce coup d’État légal</a> a effectivement anéanti le principal bastion de résistance démocratique aux forces d’extrême droite de l’époque.</p>
<p>Au lieu de livrer une résistance armée qu’il ne pouvait pas gagner, estimait-on, ce gouvernement prussien de tendance a plutôt opté pour la contestation juridique. Or, la constitution de la République de Weimar avait justement créé une cour spéciale, la Staatsgerichtshof, ayant justement pour vocation de résoudre les litiges constitutionnels entre le niveau fédéral et les 39 Länder fédérés.</p>
<p>Après avoir entendu les arguments oraux entre le 10 et le 17 octobre 1932, le tribunal s’est arrangé pour confirmer le décret dans un jugement rendu le 25 octobre.</p>
<p><a href="https://aeon.co/essays/carl-schmitts-legal-theory-legitimises-the-rule-of-the-strongman">Cette décision juridique est considérée comme un point tournant vers la prise de pouvoir d’Hitler en 1933</a>, qui s’est alors placé au-dessus des lois en s’érigeant lui-même comme l’ultime autorité légale.</p>
<h2>Un juriste nazi toujours admiré</h2>
<p>Parmi les juristes éminents qui se sont opposés dans ce débat, il faut mentionner la figure <a href="https://www.jstor.org/stable/23735189">Carl Schmitt</a>, théoricien fasciste du droit qui représentait le gouvernement fédéral dans l’affaire de la Prusse avant de joindre le parti nazi après 1933.</p>
<p>Tout au long de sa carrière, Schmitt a résolument utilisé l’argumentaire juridique pour saper les bases de la démocratie. De nos jours, à l’instar de plusieurs autres grandes figures conservatrices de la République de Weimar, Schmitt est un <a href="https://www.nybooks.com/online/2020/01/15/william-barr-the-carl-schmitt-of-our-time/">maître à penser</a> parmi la coterie d’avocats d’extrême droite qui ont téléguidé la tentative de coup d’État de Trump en janvier 2021.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/571266/original/file-20240124-29-wxuqg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un homme figure sur la couverture d’une ancienne revue académique" src="https://images.theconversation.com/files/571266/original/file-20240124-29-wxuqg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571266/original/file-20240124-29-wxuqg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=779&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571266/original/file-20240124-29-wxuqg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=779&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571266/original/file-20240124-29-wxuqg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=779&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571266/original/file-20240124-29-wxuqg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=979&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571266/original/file-20240124-29-wxuqg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=979&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571266/original/file-20240124-29-wxuqg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=979&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’avocat Carl Schmitt en une de la revue Der Wirtschafts-Ring (L’Anneau économique) en 1934.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>La Cour suprême des États-Unis doit bientôt se prononcer sur <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20231223-la-cour-supr%C3%AAme-des-%C3%A9tats-unis-refuse-de-trancher-en-urgence-sur-l-immunit%C3%A9-pr%C3%A9sidentielle-de-trump">plusieurs affaires</a> impliquant Donald Trump contre l’état de droit. L’enjeu ne se conjugue pas qu’au passé : l’ex-président a laissé entendre que, s’il était réélu, il pourrait utiliser la <a href="https://www.telos-eu.com/fr/le-crepuscule-de-la-democratie-americaine.html">Loi sur l’insurrection</a> pour réprimer toute manifestation politique.</p>
<p>Les décisions de la Cour suprême sur les affaires impliquant l’autorité légale de Trump pourraient donc avoir des conséquences aussi importantes pour l’avenir de la démocratie américaine que celle de la Staatsgerichtshof en 1932.</p>
<p>Or, la majorité de juges de la Cour suprême est constituée de conservateurs tels Clarence Thomas. Et <a href="https://www.letemps.ch/monde/ameriques/femme-dun-juge-cour-supreme-coeur-dun-scandale-aux-etatsunis">l’épouse de ce dernier a même joué un rôle dans la tentative de Donald Trump pour renverser sa défaite électorale</a>. Un bien mauvais présage pour la démocratie et l’État de droit aux États-Unis.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222140/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Dyzenhaus reçoit un financement du CRSH pour des projets de recherche connexes.</span></em></p>Dans l’Allemagne de l’entre-deux-guerres, la montée au pouvoir d’Adolf Hitler a été facilitée par les tribunaux et les avocats. Une situation similaire existe aujourd’hui aux États-Unis.David Dyzenhaus, Professor of Law and Philosophy, University of TorontoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2220762024-01-29T15:46:30Z2024-01-29T15:46:30Z« Pas de paiement en liquide » : quid des millions d’Américains qui n’ont pas de compte bancaire ?<p>Combien de personnes n’ont pas de <a href="https://theconversation.com/topics/banque-22013">compte bancaire</a> ? Et à quel point est-il devenu difficile de vivre sans compte bancaire ? Ces questions deviennent de plus en plus importantes à mesure que de <a href="https://www.chicagotribune.com/business/ct-biz-cashless-backlash-20180710-story.html">plus en plus d’entreprises</a> <a href="https://www.wmtw.com/article/cashless-businesses-south-portland-come-under-fire/40450267">refusent d’accepter l’argent liquide</a> dans les villes américaines.</p>
<p>Il se trouve que beaucoup de gens sont encore « non bancarisés » : environ <a href="https://www.fdic.gov/analysis/household-survey/2021report.pdf#page=7">6 millions de ménages</a> aux <a href="https://theconversation.com/topics/etats-unis-20443">États-Unis</a>, selon les dernières données, soit à peu près la population du Wisconsin. Dans le monde, plus d’un milliard de personnes n’ont pas de compte bancaire.</p>
<p>Je suis professeur dans une école de commerce et mes <a href="https://blogs.bu.edu/zagorsky/">recherches</a> portent sur la transition de la société de l’argent liquide vers les paiements électroniques. J’ai récemment visité Seattle et j’ai été surpris par les <a href="https://www.govtech.com/workforce/data-seattle-area-becoming-increasingly-cashless">signaux contradictoires</a> que j’ai vus dans de nombreuses vitrines. Dans de nombreux magasins, un panneau proclamait fièrement à quel point ils étaient accueillants et inclusifs – à côté d’un autre panneau indiquant « La maison n’accepte pas les espèces ». Autrement dit, les personnes qui n’ont pas de compte en banque n’y sont pas les bienvenues.</p>
<h2>Refuser les banques, un choix parfois contraint</h2>
<p>Pourquoi quelqu’un voudrait-il éviter d’utiliser les banques ? Tous les deux ans, la <a href="https://www.fdic.gov/analysis/household-survey/2021execsum.pdf">Federal Deposit Insurance Corporation</a> interroge les ménages américains sur leurs liens avec le système bancaire et demande aux personnes qui n’ont pas de compte en banque pourquoi elles n’en ont pas. Les personnes peuvent donner plusieurs réponses. En 2021, la raison principale, choisie par plus de 40 % des personnes interrogées, était qu’elles n’avaient pas assez d’argent pour atteindre le solde minimum.</p>
<p>Cela explique en partie pourquoi les ménages les plus pauvres sont moins susceptibles d’avoir un compte bancaire. Selon la FDIC, environ un quart des personnes gagnant moins de 15 000 dollars par an ne sont pas bancarisées. Parmi les personnes gagnant plus de 75 000 dollars par an, presque toutes les personnes interrogées possèdent un compte bancaire.</p>
<p><iframe id="kLdcA" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/kLdcA/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les deuxième et troisième réponses les plus fréquentes montrent que certaines personnes sont sceptiques à l’égard des banques. Environ un tiers des personnes interrogées ont répondu qu’« éviter une banque permet de mieux protéger sa vie privée », tandis qu’un autre tiers a déclaré qu’il ne faisait tout simplement « pas confiance aux banques ».</p>
<p>Les coûts liés aux relations avec les banques viennent compléter les cinq premières raisons. Plus d’un quart des personnes interrogées estiment que les frais de compte bancaire sont trop élevés, et à peu près la même proportion les estime trop imprévisibles.</p>
<p>Bien que de nombreuses personnes de la classe moyenne ou aisée ne paient pas directement pour leur compte bancaire, les frais peuvent être coûteux pour celles qui ne peuvent pas maintenir un solde minimum. Une récente <a href="https://www.bankrate.com/banking/checking/checking-account-survey/">enquête</a> de Bankrate montre que les frais de service mensuels de base se situent entre 5 et 15 dollars. En plus de ces frais réguliers, les banques gagnent <a href="https://www.fdic.gov/resources/consumers/consumer-news/2021-12.html">4 à 5 dollars</a> chaque fois que les clients retirent de l’argent à un guichet automatique ou ont besoin de services tels que l’obtention de <a href="https://www.bankrate.com/banking/checking/what-is-a-cashiers-check/#fees-for-a-cashier-s-check">chèques</a> de banque. Les factures imprévues peuvent entraîner des frais de découvert d’environ <a href="https://www.bankrate.com/banking/checking/checking-account-survey/#overdraft-fees">25 dollars</a>.</p>
<h2>Être non bancarisé aux États-Unis</h2>
<p>La FDIC appelle les personnes qui n’ont pas de compte bancaire les « non-bancarisés ». Les personnes disposant d’un compte bancaire mais qui ont recours à des services alternatifs, tels que les points d’encaissement de chèques, sont appelées les « sous-bancarisés ».</p>
<p>Les dernières données de la FDIC font état de près de 6 millions de ménages américains non bancarisés et de 19 millions de ménages américains sous-bancarisés. Sachant qu’un ménage moyen compte <a href="https://www.census.gov/content/dam/Census/library/visualizations/time-series/demo/families-and-households/hh-6.pdf">2,5 personnes</a>, cela signifie qu’il y a plus de 15 millions de personnes qui vivent dans un foyer sans lien avec les banques, et 48 millions d’autres dans des foyers qui n’ont qu’un lien ténu avec elles.</p>
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<p>Si l’on combine ces deux chiffres, cela signifie qu’environ une personne sur cinq aux États-Unis n’a que peu ou pas de liens avec les banques ou d’autres institutions financières. Cette situation peut les exclure des magasins, des restaurants, des transports et des services médicaux qui n’acceptent pas l’argent liquide.</p>
<p>Le nombre réel de personnes non bancarisées est probablement plus élevé que les estimations de la FDIC. Les questions sur le fait d’être bancarisé ou non sont des questions supplémentaires ajoutées à une enquête menée auprès des personnes <a href="https://www.census.gov/programs-surveys/cps/about.html">à leur domicile</a>. Cela signifie que l’enquête ne tient pas compte des sans-abri, des personnes de passage sans adresse permanente et des <a href="https://www.dhs.gov/immigration-statistics/population-estimates/unauthorized-resident">immigrés sans papiers</a>.</p>
<p>Ces personnes ne sont probablement pas bancarisées parce qu’il faut une adresse vérifiée et un numéro d’identification fiscale délivré par le gouvernement pour ouvrir un compte bancaire. Étant donné qu’environ <a href="https://www.npr.org/2023/12/22/1221006083/immigration-border-election-presidential">2,5 millions de migrants</a> ont franchi la frontière entre les États-Unis et le Mexique au cours de la seule année 2023, il y a probablement des millions de personnes de plus dans l’économie de l’argent liquide que ce qu’estime la FDIC.</p>
<h2>Et ailleurs dans le monde ?</h2>
<p>Si les États-Unis affichent un taux relativement élevé de personnes disposant d’un compte bancaire, la situation est différente dans d’autres parties du monde. La Banque mondiale a créé une <a href="https://www.worldbank.org/en/publication/globalfindex/Data">base de données</a> qui indique le pourcentage de la population de chaque pays qui a accès aux services financiers. La définition de la Banque mondiale est plus large que celle de la FDIC, puisqu’elle inclut toute personne utilisant un téléphone portable pour envoyer et recevoir de l’argent comme ayant un compte bancaire.</p>
<p><iframe id="1SJDj" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1SJDj/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Globalement, la Banque mondiale estime qu’environ un quart des adultes dans le monde n’ont pas accès à un compte bancaire ou à un compte de téléphonie mobile. Mais cette proportion varie considérablement d’une région à l’autre. Dans les pays qui utilisent l’euro, presque tout le monde a un compte bancaire, alors qu’au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, seule la moitié de la population en a un.</p>
<p>Nous sommes nombreux à glisser notre carte de crédit ou à pianoter sur notre téléphone pour payer sans réfléchir. Pourtant, au moins 6 millions de personnes aux États-Unis et près de 1,5 milliard dans le monde ne sont pas bancarisées.</p>
<p>Lorsque les commerces n’acceptent plus d’argent liquide, les personnes non bancarisées sont contraintes d’utiliser des méthodes de paiement telles que les cartes de débit prépayées, qui sont coûteuses. Par exemple, Walmart, l’un des plus grands détaillants américains, propose une <a href="https://www.walmartmoneycard.com/">carte de débit de base rechargeable</a>. Cette carte coûte 1 dollar à l’achat et 6 dollars par mois de frais, auxquels s’ajoutent 3 dollars chaque fois qu’une personne veut charger la carte avec de l’argent liquide aux caisses de Walmart. Payer un minimum de 10 dollars juste pour mettre en place une carte de débit pour quelques achats est un prix élevé.</p>
<p>La prochaine fois que vous verrez dans la vitrine d’un magasin ou d’un restaurant un panneau indiquant « pas de paiement en liquide », pensez que l’entreprise exclut ainsi de nombreuses personnes non bancarisées ou sous-bancarisées. Insister pour que tous les commerces acceptent les espèces est un moyen simple de s’assurer que tout le monde est financièrement inclus dans l’économie moderne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222076/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jay L. Zagorsky ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Près de 6 millions de ménages américains, souvent par contrainte de coût, n’ont pas de comptes bancaires. Pourtant, de plus en plus de commerces refusent les paiements en liquide.Jay L. Zagorsky, Clinical Associate Professor of Markets, Public Policy and Law, Boston UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2207112024-01-18T17:22:32Z2024-01-18T17:22:32ZElvis Presley à travers ses biographes : la malédiction de la rock star<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/569905/original/file-20240117-21-6op8e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C13%2C2249%2C1479&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Statue d’Elvis à Liverpool.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/644056">pjxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le film <em>Priscilla</em>, de Sofia Coppola, sorti tout récemment, s’appuie sur l’autobiographie de celle qui fut l’épouse du « King » pendant six ans, et dresse un portrait en creux du chanteur. Depuis sa disparition, en 1977, un récit notamment livresque a été élaboré et massivement diffusé, qui raconte la vie et l’œuvre d’Elvis.</p>
<p><a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-La_Gloire_de_Van_Gogh-2109-1-1-0-1.html">Nathalie Heinich</a> a rendu compte de l’« hagiographisation de la biographie » du peintre Vincent Van Gogh. On observe un traitement très semblable de la vie de Presley.</p>
<p>Ce récit emprunte à la fois au récit héroïque, au récit légendaire et épique, au récit hagiographique, et le raconte en héros mythique et civilisateur, en saint, mais aussi – en dépit de sa gloire et de son succès – en artiste maudit, martyr et sacrifié.</p>
<p>Ce récit a pour auteurs des journalistes, des fans, des musiciens, des proches du chanteur (collaborateurs, coiffeur, cuisinière, gardes du corps, membres du cercle familial ou de la « cour » du chanteur, la fameuse Memphis Mafia…). L’étude de 55 biographies d’Elvis Presley m’a permis d’aller à sa rencontre, sans préjuger de sa réalité ou des libertés prises avec la réalité.</p>
<h2>Incompréhension et rejet</h2>
<p>Le malheur de Presley débute avec les persécutions, les rejets et les condamnations qui accompagnent les premiers pas du chanteur sur scène. Le rocker paie un lourd tribut au fait de rompre avec les canons esthétiques de l’époque, incarnés par les crooners. Leurs chansons sont douces, mélodieuses, romantiques, quand celles de Presley sont rythmées, agressives, voire violentes. La diction du jeune chanteur, à l’accent sudiste, qui avale certains mots, ahane, contraste avec celle, claire et nette des crooners. Son comportement sur scène – il se déhanche, se « tortille » – est aux antipodes de celui des chanteurs de l’époque, autrement plus sobre. La tenue de scène de Presley, avec ses vestes voyantes aux couleurs vives, rompt également avec le style vestimentaire strict et soigné des hommes de spectacle de l’époque, tout comme sa coupe de cheveux, qui fera des émules, mais occasionnera bien des sarcasmes.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/mcnXN01ZY4M?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Presley voit se dresser sur sa route, avec une extrême véhémence, une série de juges et de contempteurs, parmi lesquels les critiques (journalistes, critiques spécialisés), les marchands (disc-jockeys, programmateurs radio, présentateurs TV) et une partie du public, ou encore les institutions politique, religieuse, judiciaire, scolaire.</p>
<p>Les plus virulents sont sans conteste les « critiques », dont les articles sont abondamment cités par les biographes. Ils dénoncent à la fois l’absence de sens musical, la diction défaillante, le style vocal de Presley, réduisant ses performances de chanteur à d’« horribles hurlements humains », des « reniflements », des « harangues de bas étage », et déplorant une <a href="https://www.payot.ch/Detail/elvis_presley-m_hendrickx-9789052321363">« agression pour les oreilles américaines »</a>.</p>
<p>Les journalistes soulignent de surcroît le caractère « obscène »,« monstrueux », « pornographique », « exhibitionniste », « scandaleux » des performances du chanteur, et érigent la non-conformité aux canons esthétiques de l’époque en perversion, en <a href="https://www.abebooks.fr/9782221009147/ELVIS-PHENOMENE-AMERICAIN-GOLDMAN-ALBERT-2221009142/plp">monstruosité obscène et scandaleuse</a>.</p>
<p>Marginaux, Elvis et sa musique deviennent menace dangereuse. La critique fustige le « délinquant », s’alarme du succès grandissant de cet « ennemi du peuple », « maniaque sexuel » et « antiaméricain », <a href="https://www.payot.ch/Detail/elvis_presley-m_hendrickx-9789052321363">qui corrompt la jeunesse</a>.</p>
<p>La condamnation s’étend à l’industrie musicale, elle aussi corrompue et corruptrice, coupable d’une « exploitation artificielle et malsaine » de la jeunesse, et surtout aux premiers admirateurs de Presley, obscènes, crédules, naïfs, médiocres, aliénés et incultes, à l’image de cet <a href="https://www.abebooks.fr/rechercher-livre/titre/le-monde-d-elvis/">« auditeur moyen [qui] commence à se tortiller comme les petites créatures grouillantes qu’on observe au microscope dans un jambon pourri »</a>.</p>
<p>L’ensemble du cercle des marchands (membres de l’industrie du disque, programmateurs de salles de concert, présentateurs d’émissions de radio et de télévision) rejette et dénonce le chanteur. Les termes de péché, de honte, d’indécence, d’obscénité, de pornographie, de bêtise, de perversion, de monstruosité, de scandale, d’exhibition témoignent de la virulence de la condamnation.</p>
<p>Certains animateurs de radio brûlent les disques d’Elvis, d’autres refusent de les programmer, d’autres encore lui conseillent d’abandonner toute velléité de poursuivre une carrière musicale. Il en est qui tentent de <a href="https://www.cdandlp.com/elvis-presley/la-biographie-de-elvis-presley-par-jerry-hopkins/livre/r118227960/">« créer une organisation destinée à éliminer les artistes de la décadence et du malheur »</a>. Dénonciations et condamnations s’accompagnent en effet de mesures restrictives et préventives, mais aussi de censures, d’interdictions, d’autodafés.</p>
<p>Les institutions, garantes de l’ordre moral et des règles établies, censurent le chanteur et engagent une vaste campagne de prévention contre les méfaits de son œuvre. Des municipalités interdisent à Presley de se produire dans leur enceinte. Des personnalités politiques, des sénateurs, des maires dénoncent publiquement et officiellement le caractère obscène, immoral, et dangereux du chanteur.</p>
<p>Les représentants de la sphère juridique et policière entrent en action. La brigade des mineurs menace Elvis et lui intime l’ordre de modifier son jeu de scène. Un juge déclare à propos de l’un des disques de Presley, qu’il <a href="https://www.etsy.com/fr/listing/1031609741/my-life-with-elvis-de-becky-yancey-cliff">« portait jusque dans les foyers sa charge de crime, de violence et de sexe »</a>. Un concert d’Elvis est filmé par des policiers cherchant à réunir les preuves de son exhibitionnisme afin de le mettre en état d’arrestation. D’autres sont annulés.</p>
<p>L’institution scolaire condamne à son tour le chanteur. Certains directeurs d’établissement interdisent à leurs élèves de se rendre aux concerts de Presley et renvoient les récalcitrants. Des professeurs dénoncent publiquement le rocker et son influence néfaste sur les jeunes générations.</p>
<p>L’institution religieuse n’est pas en reste et développe dans sa condamnation les thèmes de l’immoralité, l’obscénité, la dangerosité[9]. Les déclarations véhémentes du corps clérical se multiplient ; elles vilipendent la « décadence spirituelle », la « pourriture morale », la « foi en la malhonnêteté, la violence, le vice et la dégénérescence » incarnés par Elvis Presley.</p>
<p>La singularité du chanteur est ainsi constituée en perversité, obscénité, pornographie, anti-américanisme, vice, folie, dégénérescence. Ses concerts sont comparés à <a href="https://fr.shopping.rakuten.com/offer/buy/1177672656/elvis-presley-le-king-en-concert-de-robert-gordon.html">« ces abominables réunions sans frein que les nazis organisaient pour Hitler »</a>… son œuvre, <a href="https://www.eyrolles.com/Litterature/Livre/le-mystere-elvis-9782402630412/">« musique de Nègre » et musique « communiste »</a>, est accusée de conduire la jeunesse américaine « sur le chemin de la dépravation, de la délinquance, du crime. La « déviance » du King le rend <a href="https://www.eyrolles.com/Litterature/Livre/le-mystere-elvis-9782402630412/">victime d’une véritable persécution</a>, d’une campagne nationale de <a href="https://www.cdandlp.com/elvis-presley/la-biographie-de-elvis-presley-par-jerry-hopkins/livre/r118227960/">diabolisation et de dénigrement</a> particulièrement agressive : « […] À Nashville, on pendit Elvis en effigie. À Saint Louis, on le brûla in abstentia […] ».</p>
<p>Si les débuts sont difficiles, la suite ne l’est pas moins.</p>
<h2>Martyr et figure sacrificielle</h2>
<p>Les biographes de Presley racontent son existence comme un long calvaire et font état de son martyr, de sa souffrance, de son dévouement à autrui. La dimension pathétique, christique, qui caractérise la figure de la sainteté, apparaît clairement dans les récits consacrés à la vedette. La vie d’Elvis comme celle du Saint est tout entière transformée en <a href="https://www.payot.ch/Detail/elvis_presley-m_hendrickx-9789052321363">autosacrifice</a> : <a href="https://www.lirandco.fr/elvis-presley-william-allen-harbinson/">« À la fin, Elvis avait tellement donné qu’il n’avait plus rien à donner »</a>.</p>
<p>Il sacrifie sa santé physique. Tournées incessantes, séances répétées d’enregistrement de disques, de tournage de films, Elvis mène <a href="https://www.eyrolles.com/Litterature/Livre/le-mystere-elvis-9782402630412/">« une vie absolument folle, grisante, harassante. Pas le temps de dormir, pas le temps de manger, pas le temps d’aimer sérieusement. La route, les trains, les avions, les foules, l’hystérie »</a>. La vie sur la route, lors des tournées, est une vie dure, « exténuante », sans répit ni repos, avec trop de « pression », et trop peu de sommeil. La traversée des États-Unis, de ville en ville, de salle de concert en salle de concert, est décrite comme un véritable chemin de croix. <a href="https://fr.shopping.rakuten.com/offer/buy/1177672656/elvis-presley-le-king-en-concert-de-robert-gordon.html">Ni la fièvre, ni la grippe</a>, ni les déchirures musculaires, ni les maux de gorge <a href="https://www.payot.ch/Detail/elvis_presley-m_hendrickx-9789052321363">ne parviennent à le détourner de sa « mission »</a>. Ni les médecins, ni son père ne peuvent s’opposer à son sacrifice pour des fans, éperdument reconnaissants. Épuisé, malade, le chanteur souffre d’hypertension, de problèmes digestifs, d’un glaucome, de maux de dos, présentés comme autant de symptômes d’un véritable martyr, d’une existence infernale, <a href="https://www.eyrolles.com/Litterature/Livre/le-mystere-elvis-9782402630412/">d’une vie de « bagnard »</a> au service de son manager, de l’« entertainment business », mais surtout de ses fans.</p>
<p>Presley sacrifie également sa santé morale. Tournées et concerts répétés le condamnent aux dépressions et à la consommation de médicaments. Dévoué corps et âme à son public, consacré à son œuvre, il devient dépendant de produits toujours plus nombreux, <a href="https://www.abebooks.fr/9782856201312/Roi-Elvis-Rogale-Jean-Yves-2856201318/plp">« esclave de la drogue », au bord de l’épuisement moral, voire de la folie</a>.</p>
<p>Il fait aussi le sacrifice d’une forme de normalité, de son aspiration à un bonheur tranquille : il ne peut assister aux offices religieux, ni emmener sa fille se promener dans un parc, ni flâner avec un ami, <a href="https://www.etsy.com/fr/listing/1031609741/my-life-with-elvis-de-becky-yancey-cliff">ni même simplement développer avec ses contemporains des rapports normaux</a>. Il sacrifie son mariage qui ne <a href="https://www.librairiememoire7.fr/livre/1465074-elvis-hommage-a-sa-vie-susan-doll-ramsay">résistera pas aux tournées et aux succès</a> et sa vie privée, découvrant « que le prix à payer pour la gloire [est] une <a href="https://www.librairiememoire7.fr/livre/1465074-elvis-hommage-a-sa-vie-susan-doll-ramsay">absence totale et brutale de vie privée</a>. Où qu’elle aille, la star se [fait] assaillir par ses fans ». Presley ne peut plus être ni un époux, ni un père, ni un ami, ni un homme « normal », destiné à consacrer sa vie à ses fans et au rock’n’roll, comme le Saint dédiant son existence à Dieu.</p>
<p>Les succès et gloire d’Elvis Presley le condamnent au retrait du monde. Ce motif de l’isolement est omniprésent dans la vie du chanteur sous la plume de ses biographes. Dépeint comme un enfant solitaire, marginal, Elvis apparaît ensuite comme souffrant d’une profonde solitude. Entouré pourtant d’une immense cour, composée de proches, d’amis, de membres de sa famille, de collaborateurs, de personnels, la « Memphis Mafia », il affirme lui-même : <a href="https://www.payot.ch/Detail/elvis_presley-m_hendrickx-9789052321363">« Parfois je suis très seul. Je suis seul en plein milieu de la foule »</a>. Personne ne parvient à combler cette solitude, <a href="https://www.abebooks.fr/9782856201312/Roi-Elvis-Rogale-Jean-Yves-2856201318/plp">ni sa femme, ni celle qui lui succédera</a>, pas davantage ses « millions de fans » <a href="https://www.etsy.com/fr/listing/1031609741/my-life-with-elvis-de-becky-yancey-cliff">ni tous ceux qui l’aiment</a>.</p>
<p>La célébrité <a href="https://www.librairiememoire7.fr/livre/1465074-elvis-hommage-a-sa-vie-susan-doll-ramsay">et la gloire</a> de Presley sont évidemment responsables de son isolement, de « son existence de prisonnier ». <a href="https://www.librairiememoire7.fr/livre/1465074-elvis-hommage-a-sa-vie-susan-doll-ramsay">L’immense amour</a> dont il est l’objet le condamne à une vie d’ermite. Les fans à qui il a voué son existence <a href="https://www.etsy.com/fr/listing/1031609741/my-life-with-elvis-de-becky-yancey-cliff">sont les propres bourreaux malheureux du King</a>. Cette solitude, rançon de la gloire, participe de la vocation d’Elvis, et est responsable, selon certains biographes, de la fin tragique du chanteur, « mort d’une overdose de solitude », comme le soulignent plusieurs de ses biographes[36].</p>
<p>Elvis Presley est également présenté comme un être parfaitement inadapté à un monde auquel il n’appartient pas réellement. Irresponsable, incapable d’autonomie, trop sensible, trop fragile, trop hors du commun, trop génial, trop extraordinaire, il ne peut évoluer normalement dans un monde ordinaire. Tour à tour enfant immature, infirme impotent, fou pathologique, il est pris en charge par une succession de tuteurs et tutrices, sa mère, son manager le « Colonel Parker », les membres de la Memphis Mafia, les femmes de sa vie… Cette inaptitude à la vie sociale apparaît notamment <a href="https://www.abebooks.fr/9782856201312/Roi-Elvis-Rogale-Jean-Yves-2856201318/plp">dans le portrait d’Elvis en enfant vulnérable et immature</a> : « il a un besoin éperdu d’amour. Très souvent, il la cherche (sa maîtresse) dans le noir. Il lui demande d’agir comme sa mère. Il l’appelle maman, et elle le traite comme un enfant, presque comme un bébé. Elle l’aide à s’habiller et elle le fait manger. Comme sa mère l’aurait fait s’il était malade ».</p>
<p>Le mal-être, l’inaptitude au bonheur et l’incapacité à mener une vie sociale normale se traduisent <a href="https://www.abebooks.fr/9782856201312/Roi-Elvis-Rogale-Jean-Yves-2856201318/plp">par les nombreux accès de rage destructrice</a>. <a href="https://www.librairiememoire7.fr/livre/1465074-elvis-hommage-a-sa-vie-susan-doll-ramsay">Presley détruit</a> voitures, postes de télévision, <a href="https://www.cdandlp.com/elvis-presley/la-biographie-de-elvis-presley-par-jerry-hopkins/livre/r118227960/">bijoux, guitares, chambres d’hôtel</a>. Il constitue, armé de l’une de ses nombreuses armes, un véritable danger <a href="https://www.abebooks.fr/9782856201312/Roi-Elvis-Rogale-Jean-Yves-2856201318/plp">pour lui-même et pour ses proches</a>. Ses colères sont indescriptibles et particulièrement spectaculaires. Elvis est alors parfaitement incontrôlable : <a href="https://www.chasse-aux-livres.fr/prix/B000I17ZIQ/elvis-ou-le-roi-dechu-steve-dunleavy">« Il entrait dans des rages folles quand les choses ne marchaient pas comme il voulait. Il démolissait un plafond. Il tirait dans tous les coins »</a>. Cette folie destructrice se retourne contre lui. Le thème de l’autodestruction est récurrent et largement développé dans le récit biographique. Les auteurs dressent le bilan dramatique d’une vie tout entière consacrée aux autres et véritablement sacrifiée. Ils évoquent « l’échec d’une vie personnelle » ou encore <a href="https://www.lirandco.fr/elvis-presley-william-allen-harbinson/">« une vie gâchée avant d’être vécue »</a>, <a href="https://www.eyrolles.com/Litterature/Livre/le-mystere-elvis-9782402630412/">« un long et douloureux suicide »</a>.</p>
<h2>L’archétype de la rock star</h2>
<p>La légende de Van Gogh est devenue, <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-La_Gloire_de_Van_Gogh-2109-1-1-0-1.html">explique N. Heinich</a>, le mythe fondateur de l’artiste maudit, dont « la déchéance présente atteste la grandeur future en même temps qu’elle témoigne de la petitesse du monde (la société) coupable de ne pas le reconnaître ». On relit l’histoire de l’art à travers les motifs de l’incompréhension et du martyr et on découvre que l’œuvre d’art naît au prix de terribles souffrances, qu’il existe « une rupture fatale entre le génie et la société », responsable des malédictions qui s’abattent sur les artistes, de Van Gogh à Rembrandt, de Goya à Delacroix, de Toulouse-Lautrec, à Utrillo… Ce paradigme s’applique à l’histoire du rock dont Elvis Presley est le premier grand « maudit » (même si son « destin tragique » intervient après celui d’autres figures du rock). On retrouve, dans sa biographie, les motifs propres aux artistes maudits, incompréhension, persécution et rejet, sacrifice, isolement, mal-être, autodestruction, qui donnent corps aux dimensions tragique, pathétique, sacrificielle de l’existence, comme aux topiques (mélancolie, pauvreté, persécution) <a href="https://www.persee.fr/doc/roman_0048-8593_2006_num_36_133_6449_t14_0130_0000_147">constitutives du malheur</a>.</p>
<p>Les biographes transforment la vie de loisir de la star, dominée par la réussite, le succès, la gloire et la fortune (par ailleurs largement soulignés, documentés et illustrés), en une vie de souffrances et en un long calvaire parsemé d’épreuves.</p>
<p>Après le rejet et l’incompréhension coupable (injures, railleries, persécutions multiples, condamnations, autodafés, censures) d’une société injuste et aveugle, c’est le succès, la réussite, la fortune, l’adulation et la gloire qui sont causes du malheur et signes de la malédiction : <a href="https://www.lirandco.fr/elvis-presley-william-allen-harbinson/">« Il y a un vieux cliché qui parle du piège du succès, et il est possible qu’Elvis ne puisse y échapper. Artiste accompli, il est rongé par sa propre image, par l’étendue de son public, par la dimension de sa gloire, par la mystique de sa propre présence »</a>.</p>
<p>C’est là une modernisation du motif du martyr opéré par le traitement biographique de Presley, qui meurt du trop-plein d’amour, de succès et de réussite, de gloire et de richesse. La bohème et le chemin de croix subissent également un changement significatif, avec pour décors les hôtels de luxe, les villas de millionnaires, renfermant pourtant la même souffrance. Le motif de l’isolement, propre au saint et à l’artiste maudit est lui aussi modernisé. <a href="https://www.lirandco.fr/elvis-presley-william-allen-harbinson/">La prison dorée, la cage de verre</a>, le palais-prison (la demeure d’Elvis à Graceland) remplacent le lieu exigu, la grotte de l’ermite, la cellule de l’ascète. On y retrouve les mêmes souffrances, la même solitude tragique, les mêmes frustrations et dépressions. Les lunettes noires, les limousines aux vitres teintées, les gardes du corps sont autant de déclinaisons de cet exil forcé.</p>
<p>Avec la mise en récit de la vie de Presley s’élabore l’image archétypale et fondatrice de la rock star et plus globalement de la star « maudite ». Le « paradigme Presleyen » est appliqué à de nombreuses stars. <a href="https://www.livreshebdo.fr/livres/fans-de-sociologie-des-nouveaux-cultes-contemporains-armand-colin-9782200283117">En témoigne l’étude des biographies</a> de Dalida, Edith Piaf, Claude François, Michael Jackson, James Dean, Marilyn Monroe, Diana Spencer…</p>
<p>L’« enfance sacrifiée » est un motif récurrent. Le jeune âge est présenté comme une période de souffrance, marqué par la misère affective, économique, sociale, psychique, comme si le destin fabuleux, le talent et les qualités exceptionnelles trouvaient leur source dans les blessures de l’enfance (solitude, abandon, perte d’un parent, mauvais traitement, pauvreté, misère…). De cette enfance misérable et malheureuse, les vedettes conservent blessures et séquelles qui ne cicatriseront jamais, et expliqueront vulnérabilité et complexes, désespoir et mal-être, quête effrénée d’amour et vocation.</p>
<p>Puis le martyr se poursuit, succès et misère affective, gloire et épreuves font de ces stars des héros et héroïnes de tragédie et de leur vie un long calvaire, un chemin de croix sans fin. Les drames et les tragédies, les épreuves et malheurs, les pertes et abandons se succèdent dans ces existences pathétiques, ponctuées de nombreux sacrifices et marquées par l’inaptitude au bonheur et à la vie sociale, par les addictions, les dépressions, les accidents, les conduites autodestructrices, les tentatives de suicide, ou les suicides, la combinaison d’un récit ascensionnel et d’une tragédie avec le sacrifice, l’autodestruction et la mort pour résolution… On retrouve, de façon presque systématique, les rejets, persécutions et condamnations d’un corps social coupable, le drame de l’isolement nécessaire et de la profonde solitude.</p>
<p>Depuis le suicide de Marilyn Monroe, en 1962, on sait la star insatisfaite et dépressive, <a href="https://www.editionspoints.com/ouvrage/les-stars-edgar-morin/9782757853016">habitée par un « tourment intérieur</a>. Sa vie est une quête inassouvie, une errance dramatique. Avec James Dean, Marlon Brando, Marilyn ou Elvis, apparaissent les héros adolescents qui, devenus adultes, demeurent des « héros problématiques ». C’est dans la réussite sociale, mais dans « l’échec du vivre » qu’ils se détruisent ou se suicident, nous révélant la vanité de tout succès, la solitude que cache la gloire, le gouffre qui sépare le bonheur d’une vie de divertissements et de loisirs, nous invitant à relire les destins de stars comme autant de <a href="https://data.bnf.fr/temp-work/8348edb54ca7a5d5c419a643b2af3a30/">tragédies et de malédictions</a>.</p>
<p>Après Presley, le motif du rejet et de l’incompréhension combiné au succès précoce et spectaculaire domine les récits de vie des vedettes de rock, de Little Richard aux États-Unis ou de Johnny Hallyday en France, des Rolling Stones aux sages Beatles, de Bowie aux punks, de Madonna à Prince, des groupes de hard rock, de « grunge », de rap, aux groupes de techno…</p>
<p>La malédiction résume les existences de ces stars, comme semblent l’attester les morts prématurées de tant d’entre elles. Je citerais, à titre d’exemple, entre de nombreux autres, Buddy Holly, Eddy Cochran à la fin des années 1950, plusieurs des représentants du triste club 27 qui rassemble ces rock stars mortes à l’âge de 27 ans (parmi lesquelles Robert Johnson, Brian Jones, Jim Morrison, Jimi Hendrix, Janis Joplin, puis Kurt Cobain, Amy Winehouse…) dans les années 1970, John Lennon, Sid Vicious (Sex Pistols), Bon Scott (AC/DC), Bob Marley, Ian Curtis (Joy Division), dans les années 1980, Michael Hutchence (INXS), Jeff Buckley, Tupac Shakur, Notorious Big, Freddie Mercury (Queen) ou Stevie Ray Vaughan dans les années 1990, ou plus récemment Michael Jackson et prince, jusqu’aux rappeurs des dernières années, qui incarnent le mieux à présent ces disparitions aussi tragiques que précoces (Marc Miller, Lil Peep, Aka, Juice Wrld, XXXTentacion, DMX, Prodigy, Nate Dogg…)</p>
<p>Plus que les disparitions précoces, ce sont les causes directes de nombre de ces décès qui paraissent témoigner de la malédiction dont souffrent les stars comme de leur martyr. Il s’agit en effet bien souvent d’actes d’autodestruction (excès d’alcool ou de drogue), ou de suicides, ou de plus en plus, avec les rappeurs, d’assassinats…</p>
<hr>
<p><em>Ce texte est une synthèse remaniée d’un chapitre d’un ouvrage <a href="https://www.puf.com/le-culte-presley">« Le culte Presley »</a> publié aux PUF en 2003</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220711/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gabriel Segré ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Malgré un succès incommensurable et des millions de fans, l’histoire d’Elvis fut une succession de rejets et de sacrifices, à en croire ses biographes.Gabriel Segré, Maître de Conférences HDR, Sociologie de l'art, culture et médias, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2197742024-01-11T16:42:26Z2024-01-11T16:42:26ZGTA VI, le jeu vidéo le plus attendu de tous les temps<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568112/original/file-20240106-21-35m25l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C15%2C2560%2C1586&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lucia et Jason, les « héros » de GTA VI</span> <span class="attribution"><span class="source">Wall.alphacoders.com</span></span></figcaption></figure><p>Sortie le 5 décembre 2023 et cumulant 150 millions de visualisations en trois semaines, la première <a href="https://www.youtube.com/watch?v=QdBZY2fkU-0">bande-annonce du jeu vidéo <em>Grand Theft Auto VI</em></a> est devenue iconique pour les gamers du monde entier, impatients d’expérimenter ce jeu considéré comme le plus attendu de tous les temps. Cette bande-annonce est la <a href="https://www.leparisien.fr/high-tech/gta-vi-la-bande-annonce-bat-deja-des-records-et-devient-la-troisieme-video-la-plus-vue-de-youtube-en-24-heures-06-12-2023-YGGVCZ32HJBAJDHSVECJDHDQHE.php">vidéo la plus regardée de YouTube en 24 heures</a>, avec environ 93 millions de vues, hors vidéos musicales, seuls deux clips du groupe sud-coréen BTS ayant fait mieux.</p>
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<figcaption><span class="caption">La bande-annonce du jeu vidéo <em>GTA VI</em>.</span></figcaption>
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<p>Ce trailer de <em>GTA VI</em> est aussi le <a href="https://www.gamingdeputy.com/fr/gta-6-etablit-le-record-de-la-bande-annonce-youtube-la-plus-appreciee/">plus liké de YouTube, jeux vidéo, séries et films confondus</a>, ce qui démontre la satisfaction et l’enthousiasme des fans. Ceux-ci sont à l’affût de la moindre information concernant le jeu et de nombreuses rumeurs circulent qu’il est parfois très difficile de vérifier. Déjà en septembre 2022, quand un hacker de 18 ans <a href="https://www.tf1info.fr/culture/jeu-video-gta-vi-fuite-massive-le-hacker-qui-a-pirate-gta-6-de-rockstar-games-condamne-a-vie-a-la-prison-hopital-2280232.html">a fait fuiter 90 vidéos de <em>GTA VI</em></a> sur des forums, cela a produit des débats sans fin et des <a href="https://www.lacremedugaming.fr/actus/news/gta-6-ca-va-trop-loin-encore-une-fois-182626.html">spéculations parfois très farfelues</a>.</p>
<h2>Un gameplay élaboré et addictif dans un univers sulfureux</h2>
<p>L’origine de <em>GTA</em> remonte à 1987 avec la <a href="https://www.rockstarmag.fr/rockstar-games-lhistoire-dune-vision-audacieuse-du-jeu-video/">création du studio DMA Design</a> par David Jones, ingénieur informatique et programmeur de 22 ans. Lui et son équipe créeront rapidement plusieurs jeux populaires dont <a href="https://www.jeuxvideo.com/jeux/jeu-55575/"><em>Lemmings</em></a>. Avec le <a href="https://www.sportskeeda.com/gta/news-an-original-gta-creator-mike-dailly-wins-lifetime-achievement-award-scottish-game-awards">développeur Mike Dailly</a>, ils se lancent le défi de programmer une ville virtuelle, un monde ouvert parallèle dans lequel s’affrontent policiers et gangsters. Cependant, après plusieurs semaines de tests, les développeurs réalisent que jouer les policiers qui respectent les règles n’est pas très amusant et décident de centrer le jeu sur les gangsters.</p>
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<figcaption><span class="caption">Reportage de la BBC dans les locaux de DMA Design en 1996.</span></figcaption>
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<p>En 1995, David Scott Jones présente <em>Race’n Chace</em> aux frères <a href="https://www.radiofrance.fr/mouv/podcasts/arnaques-crimes-et-putaclic/dan-et-sam-houser-gta-c-est-vraiment-plus-fort-que-toi-5400879">Sam et Dan Houser de BMG Interactive</a> qui voient le potentiel d’un jeu sur des criminels réservé aux adultes et acceptent de lancer le jeu mais sous le nom <em>Grand Theft Auto</em>. Ils recrutent le publiciste <a href="https://www.jeuxvideo.com/news/1463315/gta-payer-pour-avoir-mauvaise-presse-une-bonne-strategie.htm">Max Clifford pour avertir les médias et les politiques</a> de la prochaine sortie d’un jeu violent et immoral ce qui crée un énorme bad buzz et donne une image sulfureuse à <em>GTA</em> dont la promotion est faite massivement et gratuitement par la presse.</p>
<p>Interdit aux moins de 18 ans, <em>Grand Theft Auto</em> sort le 28 novembre 1997 sur PC, PlayStation, Sega Saturn, Nintendo 64 et Gameboy Color. Grâce au scandale, à son univers et à ses qualités techniques, il dépasse les <a href="https://www.senscritique.com/liste/les_ventes_de_la_saga_gta/321420">deux millions d’exemplaires vendus</a>. Les joueurs peuvent incarner un des huit personnages de criminels et accomplir des missions de plus en plus difficiles et lucratives pour la mafia de Liberty City, version fictive de New York. Ils sont ensuite envoyés à San Andreas (San Francisco) et à Vice City (Miami).</p>
<p><a href="https://www.versionmuseum.com/history-of/grand-theft-auto">Les prochaines versions de <em>GTA</em></a> seront de plus en plus sophistiquées et violentes, les joueurs étant incités à causer un maximum de destruction et de carnage avec de nouvelles armes et de nouveaux véhicules. Véritable <a href="https://www.radiofrance.fr/mouv/podcasts/hype-tech/gta-iii-fete-ces-20-ans-retour-sur-le-jeu-qui-a-change-l-histoire-de-la-franchise-5425307">révolution dans le monde du jeu vidéo, <em>GTA III</em></a>, conçu spécialement pour bénéficier des capacités de la PlayStation 2, marquera le passage de la franchise à la 3D avec une sophistication narrative et un design visuel bien supérieurs. Les libertés sont encore plus importantes dans un monde <a href="https://www.micromania.fr/fanzone/la-liberte-guidant-le-joueur-inevitable-avenement-de-open-world.html">aux possibilités et aux vies infinies et un jeu qui n’a pas de fin</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/0VxoWT0MyLE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Présentation de <em>GTA III</em>, évalué 97/100 sur Metacritic.</span></figcaption>
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<p>La franchise <em>GTA</em> a grandement <a href="https://leclaireur.fnac.com/article/cp60972-depuis-quand-on-joue-en-monde-ouvert/">contribué au développement des mondes ouverts</a>, où les personnages peuvent aller n’importe où au lieu de suivre un chemin imposé, et faire n’importe quoi au lieu d’être limités à certaines actions. Cela incite les joueurs à se défouler en commettant des crimes et des infractions qui ne font pas partie des missions de base, alimentant le <a href="https://www.slate.fr/tribune/78450/jeu-video-violence-liberte-expression">débat sur la relation entre violence virtuelle et réelle</a>.</p>
<p>Après plusieurs acquisitions successives, les éditeurs du jeu intègrent le <a href="https://leclaireur.fnac.com/article/cp50038-rockstar-games-lhistoire-des-createurs-de-gta-et-red-dead-redemption/">groupe Take-Two Interactive sous le nom de Rockstar Games</a>, division pilotée par les frères Houser. Ils produiront ensemble toutes éditions de <em>GTA</em> à partir de la troisième jusqu’au départ de Dan en 2020. <a href="https://www.bfmtv.com/tech/gaming/gta-vi-rockstar-games-donne-rendez-vous-debut-decembre-pour-devoiler-le-prochain-grand-theft-auto_AV-202311080579.html">Sam est toujours aujourd’hui le président de Rockstar Games</a> et producteur exécutif de <em>GTA VI</em>. <a href="https://www.linkedin.com/in/david-jones-79557023/?original_referer=https%3A%2F%2Fwww%2Egoogle%2Efr%2F">David Jones partira en 2000</a> fonder plusieurs entreprises successives de gaming : Realtime Worlds, nWay, Reagent Games, et Denki.</p>
<h2>Les performances extraordinaires de <em>GTA V</em></h2>
<p>Contrairement à ce que son nom indique, <em>GTA V</em> est le septième volet principal de la série de jeux vidéo <em>Grand Theft Auto</em>, et la quinzième version au total. Au moment de sa sortie en 2013, <em>GTA V</em> est le <a href="https://www.statista.com/chart/1466/most-expensive-video-games-of-all-time/">jeu le plus cher jamais produit</a>, avec un budget de 265 millions de dollars. Le jeu <a href="https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02184494/document">conçu comme un film</a> se déroule à Los Santos, copie virtuelle impressionnante de Los Angeles, dans une ambiance qui mélange toujours hip-hop, réseaux criminels, et parodie de la société américaine.</p>
<p>Malgré ce coût de développement considérable, <a href="https://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=1000012084.html"><em>GTA V</em> est le produit culturel le plus rentable de tous les temps</a> loin devant le deuxième, le <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/cinema-le-phenomene-avatar-en-quatre-chiffres-fous-1888650">film <em>Avatar</em></a> de James Cameron. <a href="https://www.take2games.com/ir/news/rockstar-games-announces-grand-theft-auto-vi-coming-2025">Vendu à plus de 190 millions d’exemplaires</a>, il a généré plus de huit milliards de dollars de revenus, dont un milliard dans les trois premiers jours. Au total, 410 millions d’unités de jeux de la série <em>GTA</em> se sont écoulées toutes versions confondues.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/4TALT6QGXUc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le triomphe de <em>GTA V</em>, un jeu produit comme un long métrage.</span></figcaption>
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<p>Cependant, <em>GTA V</em> n’est pas le jeu vidéo le plus vendu, arrivant deuxième derrière <em>Minecraft</em> et ses 300 millions d’exemplaires. Il faut également préciser que le <a href="https://theconversation.com/fortnite-un-phenomene-economique-social-sportif-et-culturel-124543">phénomène mondial <em>Fortnite</em></a>, sorti en 2017 et qui rassemble 236 millions de joueurs actifs mensuels, <a href="https://www.demandsage.com/fortnite-statistics/">a généré 26 milliards de dollars de revenus</a> à fin 2022. Cependant, c’est grâce aux microtransactions d’achats d’objets virtuels issus d’une multitude de franchises, et non grâce à la vente du jeu lui-même qui est gratuit.</p>
<p>Il peut paraître surprenant qu’un jeu vidéo réservé à un public averti et dont l’univers est assez excluant devienne à la fois une <a href="https://www.lemonde.fr/technologies/article/2013/09/16/gta-v-un-bad-boy-chez-les-blockbusters_3478050_651865.html">véritable référence et un blockbuster</a>. La popularité de <em>GTA V</em> a été amplifiée par l’explosion du streaming, des milliers de viewers se rassemblant sur les <a href="https://actustream.fr/articles/Top-10-streamers-GTA-V-Twitch">chaînes Twitch</a> et YouTube dédiées au jeu. En septembre 2023, les lives ont été visionnés par <a href="https://www.statista.com/statistics/1247955/gta-v-unit-sales-worldwide-total/">152 000 spectateurs simultanés</a> en moyenne. <a href="https://gta5.tv/quel-est-le-menu-de-mode-le-plus-creatif-pour-jouer-a-gta-5-sur-pc">Les modes créatifs de <em>GTA V</em></a> permettent de personnaliser son avatar, de créer ses propres aventures, de réaliser un film, ou de simuler une vie virtuelle.</p>
<p><em>GTA V</em> est un <a href="https://www.cnetfrance.fr/news/le-jeu-gta-v-est-le-produit-culturel-le-plus-rentable-de-tous-les-temps-39866820.htm">jeu à la longévité exceptionnelle</a> qui a été adapté sur trois générations de consoles différentes : les PlayStation 3 et Xbox 360, puis les PlayStation 4 et Xbox One, et la dernière génération des <a href="https://theconversation.com/ps5-en-rupture-mondiale-desastre-ou-genie-marketing-150692">PlayStation 5</a> et Xbox Series X/S. Pour ce dernier lancement en 2020, soit sept ans après la sortie du jeu, 20 millions de copies ont été vendues. Cette dernière mise à jour <a href="https://www.pcgamer.com/gta-5s-latest-hyper-realistic-visual-overhaul-mod-is-breathtaking/">bénéficie de graphismes hyperréalistes</a> avec des effets d’ombres, de reflets, de transparence et de textures révolutionnaires. <em>GTA V</em> est encore aujourd’hui un des jeux qui rassemble le plus d’utilisateurs mensuels juste derrière <em>Fortnite</em> et <em>Call of Duty</em>.</p>
<h2><em>GTA VI</em>, un phénomène de société avant sa sortie</h2>
<p><em>GTA VI</em> sera un retour aux sources : le <a href="https://www.gamingbible.com/news/platform/gta-6-new-vice-city-footage-leaks-blows-fans-minds-449912-20230815">jeu se déroule à Vice City</a>, dans la région de Leonida, ville inspirée de Miami en Floride déjà présente dans la première version. Rockstar Games surfe aussi sur la fascination suscitée par <em>Grand Theft Auto : Vice City</em> sorti en 2003, et <em>Grand Theft Auto : Vice City Stories</em> sorti en 2014. En plus de conquérir une nouvelle génération de gamers, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/retrogaming-remasters-et-remakes-quand-les-jeux-video-s-emparent-de-la-nostalgie-6879769"><em>GTA VI</em> cherche à capitaliser sur la nostalgie</a> des adultes qui ont joué à d’anciennes versions de <em>GTA</em> pendant leur adolescence.</p>
<p>La bande-annonce de <em>GTA VI</em> fait référence à de nombreux faits divers, aux déviances de la société américaine, et à des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=mtGWI1k0qhs">mèmes de la culture geek</a> comme la femme aux deux marteaux, l’alligator dans la piscine, le twerk sur le toit d’une voiture, l’homme nu poursuivi par un policier, le joker de Floride et l’Oldsmobile jaune devant l’Avalon Hôtel de Miami. Le nombre considérable de visualisations est sans doute en partie dû aux personnes qui ont cherché à identifier tous les <em>Easter eggs</em> cachés dans la vidéo.</p>
<p><em>GTA VI</em> semble centré sur un personnage féminin, <a href="https://www.jeuxvideo.com/news/1822826/gta-6-qui-sont-jason-et-lucia-les-deux-personnages-jouables.htm">Lucia, qui sera associée à Jason dans une version moderne de « Bonnie and Clyde »</a>. Ce sera donc une première pour <em>GTA</em> d’avoir un personnage féminin jouable, et même une éventuelle romance entre les deux protagonistes en fonction des choix du joueur. La relation prosociale établie avec ces personnages se poursuivra sur les réseaux sociaux, ces personnages paraissant développés pour être également des <a href="https://theconversation.com/les-influenceurs-virtuels-sont-ils-plus-puissants-que-les-influenceurs-humains-178056">influenceurs virtuels</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/9WeLuddYhoo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comparaison graphique entre <em>GTA V</em> et <em>GTA VI</em>.</span></figcaption>
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<p>Il faudra attendre au moins un an et l’année 2025 pour jouer à <em>GTA VI</em>, c’est-à-dire 12 ans après le lancement de <em>GTA V</em>. L’éditeur Rockstar Games aurait développé spécialement une <a href="https://www.tomshardware.fr/gta-6-un-nouveau-moteur-graphique-pour-un-rendu-encore-plus-realiste/">nouvelle version de son moteur de jeu</a>, le Rockstar Advanced Game Engine 9 (RAGE 9), qui permettrait d’obtenir un <a href="https://www.rockstarmag.fr/gta-6-les-ameliorations-apportees-par-la-nouvelle-version-du-rockstar-rage-exclue-rockstar-mag/">niveau de réalisme jamais vu jusqu’à présent</a> :</p>
<ul>
<li><p>une qualité de netteté et de précision des paysages de près comme de loin qui rend le jeu extrêmement immersif ;</p></li>
<li><p>une chronologie spécifique avec une alternance de jours et de nuits, de levés et de couchés de soleil ;</p></li>
<li><p>des effets de lumière saisissants, en particulier la nuit avec les éclairages artificiels ;</p></li>
<li><p>une véritable météorologie avec pluies, vents, nuages, et éclairs, ainsi que leurs conséquences respectives sur l’environnement ;</p></li>
<li><p>une physique de l’eau, de la vapeur, de la boue et du sable simulée en temps réel ;</p></li>
<li><p>une très forte densité d’animaux : chiens, chats, cerfs, flamants roses, dauphins, alligators, tortues de mer… ;</p></li>
<li><p>une déformation ultra précise et spécifique des véhicules lors des accidents ;</p></li>
<li><p>une multiplication des personnages-non-joueurs photo-réalistes animés par intelligence artificielle qui interagissent entre eux ;</p></li>
<li><p>le corps et les vêtements des personnages sont beaucoup plus soignés, en particulier la peau, les cheveux, les yeux, les accessoires et les bijoux.</p></li>
</ul>
<p><a href="https://www.bbc.com/worklife/article/20231214-gta-6-grand-theft-auto-vi-could-smash-revenue-records"><em>GTA VI</em> pourrait coûter deux milliards de dollars</a> de développement, soit huit fois plus que <em>GTA V</em> et vingt fois plus que <em>GTA IV</em>. Rockstar Games consacre donc des moyens colossaux à la création de <em>GTA VI</em> qui deviendrait le jeu le plus coûteux devant <em>Red Dead Redemption II</em> qui a nécessité 500 millions de dollars d’investissement et qui a été développé par… Rockstar Games. <em>GTA VI</em> pourrait bien rapporter un milliard de dollars en 24 heures et même être rentable dès la première semaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219774/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oihab Allal-Chérif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sa sortie n’est prévue qu’en 2025, et pourtant Grand Theft Auto VI est déjà un phénomène se société qui promet de surpasser les éditions précédentes.Oihab Allal-Chérif, Business Professor, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2209012024-01-10T18:58:39Z2024-01-10T18:58:39ZVote musulman : ces voix qui pourraient manquer à Joe Biden<p>En cette année d’élection présidentielle, la plupart des électeurs américains <a href="https://www.statista.com/statistics/1362236/most-important-voter-issues-us/#">érigent les questions intérieures au premier rang de leurs priorités</a>. Mais <a href="https://theconversation.com/fr/topics/conflit-israelo-palestinien-147107">la guerre en cours au Moyen-Orient</a> pourrait être le principal sujet de préoccupation d’un groupe électoral dont l’importance est souvent sous-estimée : les <a href="https://www.pbs.org/newshour/show/arab-and-muslim-americans-on-how-u-s-support-for-israel-could-affect-their-votes-in-2024">Américains musulmans et originaires du Moyen-Orient</a>.</p>
<p>Une proportion considérable de ces Américains d’origine arabo-musulmane – qui ont <a href="https://www.npr.org/2023/11/17/1213668804/arab-americans-michigan-voters-biden-israel-hamas-palestinians">massivement voté en faveur de Joe Biden</a> lors de l’élection présidentielle de 2020 – déplorent le soutien que l’administration actuelle accorde au gouvernement de Benyamin Nétanyahou dans la guerre qui oppose Israël au Hamas. Si bien que de nombreux responsables américains musulmans ont appelé leurs communautés à <a href="https://www.reuters.com/world/us/muslim-americans-face-abandon-biden-dilemma-then-who-2023-12-02/">« abandonner Biden »</a> lors de la prochaine élection présidentielle.</p>
<p>Ces défections annoncées pourraient-elles avoir un impact significatif sur les chances de réélection du président sortant ?</p>
<p>Soulignons d’abord que le nombre d’Américains originaires du Moyen-Orient ou musulmans est assez faible. Lors du recensement de 2020 – la première année où de telles données ont été enregistrées – <a href="https://www.census.gov/library/stories/2023/09/2020-census-dhc-a-mena-population.html">3,5 millions</a> d’Américains ont déclaré être d’origine moyen-orientale ou nord-africaine, ce qui représente environ 1 % de la population totale des États-Unis, qui compte près de <a href="https://www.census.gov/quickfacts/">335 millions de citoyens</a>.</p>
<p>Toutefois, l’issue de l’élection présidentielle de 2024 pourrait dépendre des résultats obtenus dans quelques États clés où se concentrent les Américains d’origine musulmane et du Moyen-Orient, comme le Michigan, la Virginie, la Géorgie, la Pennsylvanie et l’Arizona.</p>
<p>Lors de l’élection de 2020, par exemple, Joe Biden a <a href="https://www.npr.org/2020/11/03/928191195/michigan-live-election-results-2020">remporté l’État du Michigan</a> avec 154 000 voix d’avance. Dans cet État, <a href="https://emgageusa.org/wp-content/uploads/2022/06/Emgage-ImpactReport-2020-v2.4-lr-1.pdf">plus de 200 000 électeurs inscrits</a> sont musulmans et <a href="https://www.census.gov/library/stories/2023/09/2020-census-dhc-a-mena-population.html">300 000</a> sont originaires du Moyen-Orient ou d’Afrique du Nord.</p>
<h2>Une communauté difficile à identifier statistiquement</h2>
<p>Dans <a href="https://scholar.google.com/citations?user=J4rDIpUAAAAJ&hl=en">mes travaux</a>, je me spécialise dans l’analyse statistique pour comprendre la façon dont la race, l’ethnicité et la religion influencent les résultats politiques aux États-Unis. Je sais d’expérience que tout effort visant à évaluer les attitudes et les comportements des Américains d’origine musulmane et originaires du Moyen-Orient nécessite un peu de gymnastique analytique.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Tout d’abord, soulignons que depuis 1977, le gouvernement américain classe les personnes ayant des liens ancestraux avec les « peuples originels d’Europe, d’Afrique du Nord ou du Moyen-Orient » dans la catégorie des « Blancs », selon <a href="https://wonder.cdc.gov/wonder/help/populations/bridged-race/directive15.html">l’Office américain de la gestion et du budget (U.S. Office of Management and Budget)</a>).</p>
<p>Cette disposition figure dans les « Normes raciales et ethniques pour les statistiques fédérales et les rapports administratifs » (Race and Ethnic Standards for Federal Statistics and Administrative Reporting) établies par cette agence et est utilisée dans les <a href="https://www.census.gov/quickfacts/fact/note/US/RHI625222">recensements effectués aux États-Unis</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/dPYIdfYfEKM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Les membres de cette communauté sont donc englobés dans le très vaste groupe des « Blancs », ce qui les rend indiscernables dans la quasi-totalité des données administratives et des sondages d’opinion.</p>
<p>De même, les musulmans ne sont pas pris en compte dans les données officielles, car les États-Unis <a href="https://ask.census.gov/prweb/PRServletCustom/app/ECORRAsk2/YACFBFye-rFIz_FoGtyvDRUGg1Uzu5Mn*/!STANDARD?pzuiactionzzz=CXtpbn0rTEpMcGRYOG1vS0tqTFAwaENUZWpvM1NNWEMzZ3p5aFpnWUxzVmw0TjJndno5ZkJPc24xNWYvcCtNbVjWk5Z">n’enregistrent pas</a> l’appartenance religieuse des citoyens.</p>
<p>Même les sondages d’opinion qui enregistrent les confessions religieuses n’offrent généralement que peu ou pas d’informations sur cette communauté, à la différence des groupes religieux les plus répandus – <a href="https://www.pewresearch.org/religion/religious-landscape-study/religious-tradition/catholic/party-affiliation/">catholiques</a>, <a href="https://news.gallup.com/opinion/polling-matters/324410/religious-group-voting-2020-election.aspx">protestants</a>, <a href="https://www.nbcnews.com/meet-the-press/meetthepressblog/white-evangelicals-likely-side-gop-donald-trump-rcna47593">évangéliques blancs</a> – dont les opinions sont fréquemment rapportées et font l’objet de nombreuses enquêtes.</p>
<p>Mais les musulmans sont presque toujours relégués dans la catégorie des « autres religions non chrétiennes », au même titre que d’autres petites communautés religieuses.</p>
<p>Il ne faudrait pas pour autant en conclure qu’il n’existe pas de données pertinentes sur les musulmans et les personnes originaires du Moyen-Orient aux États-Unis. Par exemple, <a href="https://emgageusa.org/">Emgage</a>, une ONG de défense des droits des musulmans, a recueilli des données sur les électeurs et le taux de participation dans une douzaine d’États lors de l’élection présidentielle de 2020.</p>
<p>En combinant les <a href="https://emgageusa.org/wp-content/uploads/2022/06/Emgage-ImpactReport-2020-v2.4-lr-1.pdf">données récoltées par Emgage</a> avec celles collectées par <a href="https://apnorc.org/projects/ap-votecast-2022/">l’Associated Press</a>, par le l’étude <a href="https://cces.gov.harvard.edu/">Cooperative Election Study</a> de Harvard et par le <a href="https://www.cair.com/">Council on American-Islamic Relations</a>, il est possible de tirer quelques conclusions générales sur ces communautés.</p>
<h2>Impact des défections sur la campagne présidentielle de 2024</h2>
<p>Le Arab American Institute, un groupe de défense des droits des Arabes américains, affirme que depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas, le soutien des membres de ce grope au Parti démocrate s’est effondré, passant de <a href="https://www.aaiusa.org/library/arab-americans-special-poll-domestic-implications-of-the-most-recent-outbreak-of-violence-in-palestineisrael">59 % en 2020 à seulement 17 %</a>.</p>
<p>Parmi les <a href="https://emgageusa.org/press-release/emgage-releases-survey-findings-about-muslim-americans-current-2024-election-predictions/">Américains musulmans</a>, la baisse est encore plus importante, leur soutien aux Démocrates étant passé de 70 % en 2020 à environ 10 % fin 2023.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1731114222715601021"}"></div></p>
<p>Cela ne signifie pas nécessairement que ces électeurs sont prêts à se tourner vers le Parti républicain. En 2020, le président sortant Donald Trump avait réalisé un score très bas auprès des électeurs arabes et musulmans, en grande partie à cause de son fameux <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2023/oct/17/trump-muslim-ban-gaza-refugees">décret 13 769</a>, surnommé <a href="https://www.amnesty.be/infos/actualites/article/etats-unis-decret-anti-musulmans-nouvelles-initiatives">« décret anti-musulmans »</a>.</p>
<p>Signé le 27 janvier 2017, ce décret avait interdit l’entrée sur le territoire américain d’immigrants en provenance d’Iran, d’Irak, de Libye, de Somalie, du Soudan, de Syrie et du Yémen. Bien que le décret ait résisté à de nombreuses contestations judiciaires, il a été <a href="https://www.npr.org/2021/03/06/974339586/biden-has-overturned-trumps-muslim-travel-ban-activists-say-thats-not-enough">annulé</a> par Joe Biden peu après sa prise de fonction en janvier 2021. Trump a déjà promis, lors de ses déplacements de campagne, de <a href="https://www.reuters.com/world/us/trump-pledges-expel-immigrants-who-support-hamas-ban-muslims-us-2023-10-16/">rétablir ce décret controversé</a>.</p>
<p>Dans ce contexte, il n’est pas exclu que les votes des musulmans et des citoyens originaires du Moyen-Orient en faveur des candidats républicain et démocrate à la présidence en 2024 chutent de 50 % par rapport à 2020, ces électeurs décidant de rester chez eux ou de voter pour un candidat tiers.</p>
<p>Dans le Michigan, par exemple, cela pourrait signifier que <a href="https://docs.google.com/spreadsheets/d/1Eky2iFW98vrdC4Oe53ssjEesvkNZh-oYDbE02NJmN-c/edit?usp=sharing">Biden perdrait environ 55 000 voix</a>, soit environ un tiers de la marge de victoire de 154 000 voix qu’il avait obtenue face à Trump en 2020.</p>
<p>Le Michigan n’est pas le seul État où les voix manquantes dans ces communautés pourraient compromettre les chances de victoire de Joe Biden.</p>
<p>Une baisse du taux de participation des Américains musulmans et issus du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord suffirait à elle seule à effacer la <a href="https://www.npr.org/2020/12/02/940689086/narrow-wins-in-these-key-states-powered-biden-to-the-presidency">marge de victoire de Biden en 2020 en Arizona</a> – 10 457 voix – et peu-être en Géorgie, où Biden a gagné par 12 670 voix.</p>
<p>Bien entendu, les Arabo-Américains ne sont pas les seuls électeurs susceptibles de pénaliser Joe Biden dans les urnes en novembre prochain pour sa <a href="https://www.politico.eu/article/joe-biden-united-states-foreign-policy-ukraine-israel-hamas-war-taiwan/">politique étrangère</a>. Mais même si c’était le cas, les chiffres montrent qu’une élection présidentielle peut basculer du fait de l’action – ou de l’inaction – de ce bloc électoral peu connu mais potentiellement crucial.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220901/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Youssef Chouhoud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les Américains musulmans ont voté à une écrasante majorité pour Joe Biden en 2020. Ce ne sera très probablement pas le cas en novembre prochain.Youssef Chouhoud, Assistant Professor, Christopher Newport UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2204392024-01-08T17:05:52Z2024-01-08T17:05:52ZLa Cour suprême va-t-elle déterminer l’issue de la présidentielle américaine ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568006/original/file-20240105-19-bvrl90.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C1497%2C990&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les neuf membres actuels de la Cour suprême. Au premier rang, de gauche à droite : Sonia Sotomayor, Clarence Thomas, John G. Roberts, Jr, Samuel A. Alito, Jr, et Elena Kagan. Au deuxième rang, de gauche à droite : Amy Coney Barrett, Neil M. Gorsuch, Brett M. Kavanaugh et Ketanji Brown Jackson.</span> <span class="attribution"><span class="source">Fred Schilling, Collection of the Supreme Court of the United States</span></span></figcaption></figure><p>La Cour suprême, composée de neuf juges désignés à vie, a toujours été un pouvoir politique aux États-Unis, en raison du <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/presentation-de-la-cour-supreme-des-etats-unis">mode de nomination des juges</a> et de sa place au sommet de la pyramide judiciaire fédérale. Dans son histoire, et particulièrement au cours des dernières décennies, elle a régulièrement été accusée de rendre des décisions partisanes. Ainsi, par l’arrêt <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/bush-contre-gore-trois-mauvais-coups-portes-a-la-constitution-a-la-cour-et-a-la-democratie"><em>Bush v. Gore</em> en 2000</a>, elle a ordonné la fin du recomptage des voix en Floride, accordant <em>de facto</em> la présidence à George W. Bush alors que l’écart entre les deux candidats dans cet État était de quelques centaines de voix et que la victoire de Gore semblait encore possible.</p>
<p>Depuis que le conservateur John Roberts est devenu président de la Cour en 2006, celle-ci a notamment <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2010/01/21/etats-unis-les-entreprises-peuvent-a-nouveau-financer-les-campagnes-electorales_1295123_3222.html">dérégulé les financements électoraux en 2010</a> et invalidé les <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2013/06/25/la-cour-supreme-invalide-une-partie-de-la-loi-electorale-contre-la-segregation_3436470_3222.html">dispositions anti-discrimination de la loi sur le droit de vote en 2013</a>. Et l’influence des conservateurs pourrait peser sur l’issue de la campagne présidentielle de cette année.</p>
<p>Non seulement la majorité dite conservatrice compte depuis 2020 six juges nommés par des présidents républicains, mais ce ne sont pas les mêmes qu’avant 2006 : à deux centristes modérés – Sandra Day O’ Connor et Anthony Kennedy, qui ont parfois voté avec les progressistes (sur le droit à l’avortement ou les droits des homosexuels) – ont succédé de purs produits de la <a href="https://www.lepoint.fr/monde/l-organisation-secrete-qui-noyaute-la-justice-americaine-09-02-2020-2361856_24.php"><em>Federalist Society</em></a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/etats-unis-limpact-de-loriginalisme-des-juges-conservateurs-a-la-cour-supreme-150328">États-Unis : l’impact de l’originalisme des juges conservateurs à la Cour suprême</a>
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<p>Cette association, devenue puissant lobby doté de ressources financières considérables, a été créée en 1982 afin de mettre fin à ce que les conservateurs appelaient la dérive gauchiste des juridictions fédérales et de la Cour suprême. Depuis les années 2000, les membres de la <em>Federalist Society</em> sont présents dans les facultés de droit, dans l’administration et, de plus en plus, dans les juridictions fédérales. Les trois juges suprêmes nommés par Donald Trump (Neil Gorsuch, Brett Kavanaugh et Amy Coney Barrett) ont été pré-sélectionnés par elle et son dirigeant Leonard Leo.</p>
<h2>Trump intouchable ou inéligible ?</h2>
<p>En cette année électorale, la plus importante des affaires hautement sensibles sur lesquelles la Cour suprême va sans doute devoir se prononcer a trait à l’immunité de l’ancien président Donald Trump, invoquée par ses avocats pour tenter de le faire échapper au procès pénal qui fait suite à sa <a href="https://edition.cnn.com/interactive/2023/08/politics/annotated-text-copy-trump-indictment-dg/">mise en examen le 1<sup>er</sup> août 2023</a> au niveau fédéral par un jury de la capitale fédérale et le procureur spécial Jack Smith.</p>
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<p>Les chefs d’inculpation – obstruction et atteinte au droit de vote de millions d’électeurs – sont liés aux tentatives de Trump visant à inverser le résultat de l’élection de 2020. Mais l’incitation à l’insurrection (du 6 janvier 2021) n’a pas été retenue par le procureur spécial, sans doute parce qu’il n’est pas assuré d’obtenir une condamnation, celle-ci nécessitant qu’un jury unanime se prononce « au-delà d’un doute raisonnable ».</p>
<p>Selon ses avocats, Donald Trump jouirait d’une immunité absolue, car il n’a pas été destitué, et ne peut donc être poursuivi… alors que la clause d’<em>impeachment</em> prévue à l’article I, section 3,7 de la <a href="https://mjp.univ-perp.fr/constit/us1787.htm">Coinstitution</a> prévoit exactement le contraire : « Les condamnations prononcées en cas d’impeachment ne pourront excéder la destitution et l’interdiction d’occuper tout poste de confiance ou d’exercer toute fonction honorifique ou rémunérée des États-Unis ; mais la partie condamnée sera néanmoins responsable et sujette à accusation, procès, jugement et condamnation suivant le droit commun. »</p>
<p>Ses avocats invoquent aussi l’interdiction d’être jugé deux fois pour le même crime (<em>double jeopardy</em>). Selon eux, Trump a déjà été jugé pour les événements du 6 janvier 2021, puisqu’il a été <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20210113-en-direct-la-chambre-des-repr%C3%A9sentants-vote-une-proc%C3%A9dure-de-destitution-du-pr%C3%A9sident-donald-trump">mis en accusation par la Chambre des Représentants en mars 2021 pour incitation à l’insurrection</a>, avant que le Sénat ne décide de <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/procedure-dimpeachment-le-senat-americain-acquitte-encore-donald-trump-1290170">ne pas prononcer sa destitution</a>. Cet argument est, là encore, spécieux : il s’agissait, en l’occurrence, d’un processus politique et non d’une procédure judiciaire, et le principe de <em>double jeopardy</em> n’est donc pas applicable en l’espèce.</p>
<p>L’incitation à l’insurrection est au cœur de plusieurs actions menées dans plus de dix États par des individus ou des groupes de défense des droits et libertés pour obtenir du secrétaire en charge des élections (Maine) ou des juridictions (Minnesota, Colorado) qu’ils concluent à l’inéligibilité de l’ancien président et empêchent son nom de figurer sur les bulletins de vote. Ces affaires ont pour base la <a href="https://www.bbc.com/afrique/articles/cqq1yv2ee52o">section 3 du XIV<sup>e</sup> amendement</a> (adopté et ratifié après la guerre de Sécession) qui interdit à toute personne publique (<em>officer of the United States</em>) ayant suscité une insurrection en violation du serment prêté de participer à une élection. Après la guerre de Sécession, les Républicains avaient voulu cet amendement afin d’éradiquer l’esclavage et ses vestiges, de protéger les anciens esclaves, y compris en cas d’insurrection, et d’empêcher ceux qui avaient participé à la sécession de revenir au pouvoir.</p>
<p>Les juges du <a href="https://edition.cnn.com/2023/11/08/politics/minnesota-14th-amendment-trump/index.html">Minnesota</a> et du <a href="https://edition.cnn.com/2023/11/14/politics/michigan-judge-trump-14th-amendment/index.html">Michigan</a> ont débouté les requérants sans aborder la question de fond. Ils ont conclu que ce n’était pas à eux de décider, car la question relève du Parti républicain de l’État. Au Michigan, ils ont jugé l’affaire non « mûre » (<em>ripe</em>) dans la mesure où il n’existait pas de litige puisque Trump ne figurait pas encore sur le bulletin de vote.</p>
<p>Seule la juge Wallace, au Colorado, a <a href="https://www.lepoint.fr/monde/elections-de-2024-que-signifie-la-decision-du-colorado-pour-donald-trump-21-12-2023-2547873_24.php">conclu</a>, après examen des faits et audition de témoins, que Trump est effectivement coupable d’insurrection. Mais pour elle, la section 3 ne s’applique pas au président, seulement aux « officers » des États-Unis (terme non défini). La Cour suprême du Colorado n’a pas fait preuve de la timidité que déplorent certains élus démocrates et plusieurs constitutionnalistes, tels <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4532751">W. Baude et M.S. Paulsen</a> qui ont étudié le contexte et les documents préparatoires de la Constitution. La Cour suprême du Colorado les a entendus, jugeant que l’expression « officers of the United States » inclut bien le président et le vice-président et qu’en raison de sa participation à l’insurrection, Trump est inéligible – c’est-à-dire, concrètement, qu’il ne peut pas se présenter aux primaires républicaines organisées dans le Colorado.</p>
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<p>Cette décision rendue par quatre voix contre trois souligne que la question est délicate. L’un des juges explique dans son opinion dissidente que Trump n’a été ni inculpé ni condamné pour le crime d’insurrection, ce qui poserait un problème de légalité processuelle (<em>due process</em>). Un autre juge considère qu’une loi du Congrès doit préciser les modalités de mise en œuvre de la section 3.</p>
<p>La Cour du Colorado ne souhaitant pas que sa décision soit le dernier mot sur la question a suspendu son application jusqu’au 4 janvier, date limite pour la finalisation du bulletin de vote pour les primaires dans le Colorado. En d’autres termes, il suffit que Donald Trump fasse appel (ce qu’il a <a href="https://www.cnews.fr/monde/2024-01-04/etats-unis-donald-trump-fait-appel-de-son-ineligibilite-dans-le-colorado-devant-la">déjà fait</a>, ainsi que le Parti républicain du Colorado) et il pourra concourir à la primaire. Il n’y a donc pas de véritable enjeu à court terme.</p>
<h2>La question de la légitimité de la Cour</h2>
<p>Ces deux questions, immunité et inéligibilité, n’ont jamais été tranchées par la Cour suprême. Or, en raison des enjeux, il est important qu’elle se prononce. Mais les effets pervers et les dangers sont nombreux. À court terme, l’avalanche d’affaires alimente la communication victimaire trumpiste de chasse aux sorcières et absorbe l’espace médiatique au détriment des vraies questions, que ce soit le modèle économique, l’immigration ou les attaques contre le droit de vote. En outre, les dangers sont grands pour la Cour suprême. Les sondages révèlent que son taux d’approbation est extrêmement bas, surtout après le revirement de jurisprudence qui a <a href="https://theconversation.com/vers-la-fin-du-droit-a-lavortement-aux-etats-unis-182528">mis fin au droit à l’avortement au plan fédéral</a> dans l’arrêt <em>Dobbs</em>.</p>
<p>La question de la légitimité de la Cour pèsera certainement sur le <em>Chief Justice</em> John Roberts, qui est certes conservateur mais aussi institutionnaliste attaché à la légitimité de la Cour, très contestée de nos jours. Si le <em>Chief Justice</em> parvient à faire prévaloir ses vues, la Cour ne voudra sans doute pas se trouver en première ligne. Une différence avec 2000 est qu’à cette époque la décision <em>Bush v. Gore</em> – même si elle a été très critiquée, y compris par l’un des juges de l’époque qui a rédigé une virulente opinion dissidente – a été acceptée dans l’opinion.</p>
<p>Compte tenu de la polarisation actuelle, il n’est pas certain qu’une décision trop ouvertement partisane serait acceptée sans de gigantesques manifestations ou émeutes, et mise en application. Car, rappelons-le, la Cour n’a pas de troupes à sa disposition pour faire respecter ses décisions.</p>
<p>S’ajoute à cette situation explosive la question du juge <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/un-juge-de-la-cour-supreme-americaine-liste-des-cadeaux-recus-d-un-milliardaire-20230831">Clarence Thomas</a>. Après la révélation qu’il a reçu des cadeaux se chiffrant à plusieurs centaines de milliers de dollars offerts par « ses amis », les milliardaires de la droite radicale, et que son épouse Ginni Thomas a envoyé des SMS pour pousser Donald Trump et ses proches à contester les résultats de l’élection de 2020 et à refuser la défaite, nombreux sont ceux qui <a href="https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20220327-%C3%A9tats-unis-vers-une-d%C3%A9mission-d-un-juge-de-la-cour-supr%C3%AAme-soup%C3%A7onn%C3%A9-de-conflit-d-int%C3%A9r%C3%AAt">lui ont demandé de se déporter</a>.</p>
<h2>Vers une attitude prudente de la Cour</h2>
<p>La Cour sera aussi au centre des débats car elle a déjà accepté de se prononcer sur une autre question : la validité de la loi <a href="https://www.congress.gov/bill/107th-congress/house-bill/5118"><em>Corporate Fraud Accountability Act</em></a> de 2002, adoptée dans le sillage du scandale Enron et qui vise directement la destruction de preuves mais aussi, de façon moins explicite, <a href="https://www.scotusblog.com/case-files/cases/fischer-v-united-states/">toute tentative d’obstruction dans le but d’entraver une procédure officielle</a>.</p>
<p>Utilisée par plusieurs procureurs pour poursuivre 325 (sur près de 1400) individus qui ont participé à l’insurrection du 6 janvier 2021, elle a permis de condamner plusieurs dizaines d’inculpés, et d’autres attendent leur jugement. C’est sur cette loi que se fonde l’un des quatre chefs d’inculpation retenus contre Donald Trump, accusé d’avoir cherché à faire obstruction à la certification de la victoire de Joe Biden.</p>
<p>En outre, la Cour suprême a accepté de traiter deux affaires touchant au droit à l’avortement (sur lequel elle ne s’est pas prononcée depuis la décision <em>Dobbs</em> de 2021), celle de la <a href="https://www.liberation.fr/societe/droits-des-femmes/ivg-quest-ce-que-la-mifepristone-dont-la-cour-supreme-americaine-pourrait-restreindre-lacces-20231214_QELDD7ODKNFCNC6TVIWXDFNLHI/">mifépristone</a>, utilisée pour les avortements médicamenteux.</p>
<p>Dans les différentes affaires, la question du calendrier judiciaire et de l’imbrication avec le calendrier des primaires et de l’élection générale ne peut être évacuée. Sur la question sur l’immunité, le procureur spécial a demandé à la Cour suprême d’examiner l’affaire en procédure d’urgence, sans attendre la décision de la cour d’appel ; une demande que les avocats de Trump ont contestée. Ils ont finalement eu gain de cause sur ce point.</p>
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<p>Jack Smith a eu beau citer plusieurs jurisprudences dans lesquelles la Cour a traité des affaires en procédure d’urgence, dont <a href="https://www.oyez.org/cases/1973/73-1766"><em>U.S. v Nixon</em> en 1974</a>, cette fois, la Cour a refusé. Faut-il y voir un signe que la majorité conservatrice au sein de la Cour veut faciliter les manœuvres dilatoires de l’ancien président ? C’est possible, mais l’absence d’opinion dissidente critiquant le refus peut laisser penser que les neuf juges sont tombés d’accord pour laisser la cour d’appel de D.C. se prononcer, ce qui lui permettrait peut-être de ne pas intervenir.</p>
<p><a href="https://www.lefigaro.fr/international/etats-unis-la-cour-supreme-va-examiner-la-question-de-l-ineligibilite-de-donald-trump-20240105">La Cour suprême a accepté de revoir la question de la section 3</a> – l’éventuelle inéligibilité de Trump –, mais l’on peut penser qu’elle va chercher le moyen de statuer le moins dangereux pour elle et son image. Juger que la section 3 ne s’applique pas à un président est dangereux pour l’avenir ; mais valider la décision du Colorado priverait des millions d’électeurs de leur choix. Et quid des 49 autres États ? La Cour suprême ne peut laisser les États juger chacun de son côté car son rôle est d’harmoniser le droit fédéral – ici, la lecture de la section 3. Il lui faut donc fixer des règles minimales. Idéalement, et quoi que décide la Cour suprême, il serait souhaitable qu’elle parvienne à une décision unanime, comme dans <em>U.S. v. Nixon</em>, de neuf voix à zéro (ou huit voix contre zéro si le juge Thomas se récuse) ; mais il ne faut guère croire à un tel scénario.</p>
<p>Elle pourrait considérer que la section 3 ne s’applique pas automatiquement et nécessite qu’une loi soit votée par le Congrès sur ce point. Une telle loi pourrait définir précisément la notion d’« insurrection » et préciser si la personne visée par la section 3 doit avoir été condamnée, ce que ne stipule pas actuellement le texte, qui parle de « participation » à une insurrection.</p>
<p>La Cour renverrait la balle vers le Congrès, et rien ne serait réglé avant l’élection de 2024 ; la Cour éviterait ainsi d’avoir à décider si Trump a participé ou non à une insurrection. Elle pourrait aussi juger que les propos tenus par Trump avant, pendant et après le 6 janvier 2021 sont protégés par le premier amendement qui garantit la liberté d’expression et ne peuvent donc pas être sanctionnés en tant qu’insurrection. Ce serait dangereux pour l’avenir et un pas de côté par rapport à la jurisprudence <a href="https://www.oyez.org/cases/1968/492"><em>Brandenburg v. Ohio</em></a> de 1969 qui distingue entre le fait de se contenter d’appeler à la violence (ce qui ne peut être sanctionné) et le fait d’inciter à produire des actions illégales imminentes (ce qui est passible de poursuites).</p>
<p>Globalement, il faut s’attendre à des décisions étroites <em>a minima</em> qui ne nuiront pas un peu plus à la crédibilité de la Cour. Celle-ci sait que ses décisions sur l’immunité et la section 3 feront jurisprudence, mais elle tiendra compte de l’impact politique, même si en principe les juridictions ne sont pas censées le faire. Car les partisans de Trump crient déjà à la chasse aux sorcières et à la tentative des Démocrates d’empêcher leur président de faire campagne et de participer à l’élection.</p>
<p>Si la Cour décide que Trump n’est pas disqualifié, les juges seront vilipendés par la gauche ; mais l’élimination de Trump sans qu’il soit condamné implique un double risque – à court terme, celui de violences commises par ses partisans, et à long terme celui de l’instrumentalisation de la section 3 à chaque élection à venir. Qu’est-ce qui pourrait empêcher ensuite un politicien républicain de chercher à disqualifier son opposant démocrate qui aurait participé à une manifestation de Black Lives Matter ? Certes, il n’y a pas d’équivalence morale entre les manifestants et les insurrectionistes, mais l’assimilation abusive est une possibilité à prendre en compte.</p>
<p>Soulignons pour finir que le fait que Donald Trump ait nommé trois des neuf juges actuels de la Cour suprême ne signifie pas nécessairement que la Cour ira dans le sens de l’ancien président. En 2020, elle a rejeté ses demandes d’immunité totale, ce qui avait permis au procureur de New York d’obtenir de la banque Mazars les documents financiers que Trump refusait de communiquer. En 2021, elle a aussi rejeté ses recours et ceux de ses alliés concernant les allégations de fraude électorale, validant ainsi indirectement les résultats dans cinq États remportés par Joe Biden.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220439/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne E. Deysine ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Cour suprême est certes à majorité conservatrice. Cela n’implique pas pour autant qu’elle va systématiquement favoriser Donald Trump.Anne E. Deysine, Professeur émérite juriste et américaniste, spécialiste des États-Unis, questions politiques, sociales et juridiques (Cour suprême), Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2171122024-01-03T17:37:29Z2024-01-03T17:37:29ZComment la jeune nation américaine s'est construit une légitimité grâce à l’Égypte antique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/558004/original/file-20231107-15-pyj8cl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C2%2C898%2C675&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Détail de la peinture murale du dôme de la bibliothèque du Congrès réalisé par Edwin Howland Blashfield, Washington D.C. (États-Unis).</span> </figcaption></figure><p>En 1860, l’autrice et journaliste Mary A. Dodge écrivait dans <em>The Atlantic Monthly</em> (le magazine mensuel de Boston) : « Ne sommes-nous pas, dans cette catégorie de nos goûts et de nos sentiments, en train de devenir égyptiens ? » Elle faisait allusion à un mouvement qui touche la société américaine depuis la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle : l’« American Egyptomania ». Toutefois, cette idée d’égyptianisation de la société américaine renvoie à une ambivalence, entre complexe d’infériorité face aux nations du vieux continent et un effort exagéré de valorisation, fondé sur une forme d’appropriation culturelle.</p>
<h2>Une nation de « Yankees » ou le complexe américain</h2>
<p>La Révolution américaine (1775-1783) et notamment la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9claration_d%27ind%C3%A9pendance_des_%C3%89tats-Unis">déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776</a> ont donné le jour à une jeune république peuplée pour part d’Amérindiens et d’« Euro – américains », majoritaires, que sont les premiers colons venus s’installer sur ce vaste territoire non encore maîtrisé et sauvage, désireux de s’affranchir de la métropole britannique et de constituer une nation.</p>
<p>Une nation de « Yankees », de renégats et de barbares, comme le signalent les critiques littéraires rédigées par des voyageurs de retour du nouveau continent. En témoigne le poète irlandais Thomas Moore (1779-1852) à propos de la ville américaine de Baltimore « J’ai passé le Potomac, le Rappa Hannock, l’Occoguan, le Potapsio, et beaucoup d’autres rivières, avec des noms aussi barbares que les habitants », ou encore Charles Dickens (<a href="https://www.gutenberg.org/files/675/675-h/675-h.htm"><em>American Notes</em>, 1842</a>) qui parle d’un peuple au « caractère terne et lugubre » et constitué « de personnes qui s’étaient bannies ou qui avaient été bannies de la mère patrie » comme le souligne Frances Trollope (<a href="https://books.google.fr/books/about/Domestic_Manners_of_the_Americans.html?id=hEzuJ8stYwoC&redir_esc=y"><em>Domestic Maners of the Americans</em>, 1832</a>.</p>
<p>Une jeune nation fustigée par les intellectuels européens : « Aux quatre coins du monde, qui lit un livre américain ? Où va-t-il voir une pièce de théâtre américaine ? Ou regarde un tableau ou une statue américaine ? Que doit le monde aux médecins et chirurgiens américains ? » s’exprime Sydney Smith, écrivain et intellectuel anglais dans L’<em>Edinburgh Review</em> de 1820.</p>
<p>Mais ce « ton de plus en plus méprisant et insolent que les voyageurs et les critiques britanniques, et la presse britannique en général, ont choisi d’adopter à l’égard de ce pays » comme le souligne <em>The American Whig Review</em> en juin 1846, va laisser des traces profondes et durables au sein de cette jeune nation, marquée par des années de frustrations provoquées par les abus de la Couronne britannique.</p>
<h2>Une quête d’identité et de reconnaissance</h2>
<p>Bafouée, reléguée au second rang, la jeune république, durant la période définie comme celle de la « condescendance Tory » (1825 1845), n’aura alors de cesse que de défendre ses principes, de proclamer la supériorité de son modèle et de ses vertus : « Notre pays est la seule nation qui considère la critique de sa littérature, de sa politique ou de ses mœurs comme un crime » lit-on encore dans <em>The American Whig Review</em> en mars 1847.</p>
<p>Toutes ces critiques sont à l’origine d’un « traumatisme psychologique » qui va profondément marquer la société américaine. D’un mécanisme de défense lié sans doute au départ à un complexe d’infériorité, les Américains dès le XIX<sup>e</sup> siècle font progressivement de cette faiblesse une force et décident de clamer leur supériorité. « La race américaine, en termes de liberté, de civilisation et de philosophie politique, est inapprochable », affirme ainsi <em>The United States Democratic Review</em>, juillet 1858.</p>
<p>Cette soif de reconnaissance, de grandeur « va forger le caractère national américain, le sentiment de devenir toujours plus puissant en <a href="https://www.cairn.info/revue-vingtieme-si%C3%A8cle-revue-d-histoire-2010-2-page-143.htm">comparaison avec ses voisins »</a></p>
<p>Les États-Unis façonnent alors l’idée de « vraie civilisation » (<em>The American Whig Review</em>, 1846) en s’appropriant un modèle architectural et culturel émanant d’une civilisation ayant incarné dans l’histoire, la grandeur et la puissance, dont la grandeur est partout admirée depuis les campagnes de Bonaparte (1798-1801) et la <a href="https://heritage.bnf.fr/bibliothequesorient/fr/la-description-egypte-article"><em>Description de l’Egypte</em></a> qui en émane : l’Égypte antique. Appelée « mère » ou « parent », l’Égypte antique s’inscrit ainsi dans l’histoire américaine.</p>
<p>Dès lors, le paysage américain se couvre de références égyptiennes. Un lien indéfectible et néanmoins totalement artificiel se crée par l’assimilation du nom de villes égyptiennes dans la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Little_Egypt_(r%C3%A9gion)">Little Egypt</a> (fondée en 1819 dans le Tennessee), Le Caire (fondée en 1818) et Thèbes (fondée en 1835). Même le Mississippi devient le « Nil d’Amérique ».</p>
<p>Mais ce processus d’identification s’effrite avec l’essor de l’impérialisme à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. A cette période, les États-Unis développent leur propre soft power comme on peut le voir lors de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Exposition_universelle_de_1893">l’exposition universelle de Chicago en 1893</a> et « Pour la première fois, la grande majorité des visiteurs britanniques manifestaient clairement leur respect à l’égard de cette nation riche, puissante et extrêmement complexe par-delà les océans… Ils ont plutôt tendance à regarder <a href="https://www.cairn.info/revue-vingtieme-si%C3%A8cle-revue-d-histoire-2010-2-page-143.htm">l’Amérique avec respect</a> ».</p>
<h2>L’art égyptien au service de l’exceptionnalisme américain</h2>
<p>La fascination que les États-Unis portent à l’Égypte antique s’explique en partie par la magnificence de l’architecture, la grandeur et la pérennité des monuments égyptiens. En s’appropriant le style architectural égyptien et les valeurs qui y sont associées, les Américains façonnent leur propre « culture » ; en s’associant à l’intemporalité égyptienne le « Nouveau Monde » et sa nouvelle nation se targuent d’une forme de permanence.</p>
<p>« Dans un pays qui s’efforçait à la fois d’acquérir une suprématie technologique et de faire comprendre au monde la pérennité de ses propres monuments et institutions, quelle civilisation offrait une meilleure inspiration que celle qui avait construit les pyramides éternelles ? » <a href="https://books.google.fr/books/about/Characteristically_American.html?id=ENzPBAAAQBAJ&redir_esc=y">écrità ce propos la spécialiste de la culture commémorative américaine Joy Giguere</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567707/original/file-20240103-23-4bcv1y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567707/original/file-20240103-23-4bcv1y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=772&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567707/original/file-20240103-23-4bcv1y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=772&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567707/original/file-20240103-23-4bcv1y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=772&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567707/original/file-20240103-23-4bcv1y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=971&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567707/original/file-20240103-23-4bcv1y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=971&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567707/original/file-20240103-23-4bcv1y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=971&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Beth Israel Crown Street réalisée par Thomas Ustick Walter en 1850.</span>
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<p>Ainsi de nombreux édifices s’inspirant du style architectural égyptien ont été construits sur le territoire Américain. On les trouve dans de multiples lieux, parfois insolites voire improbables, comme la synagogue de Beth Israel Crown Street réalisée par <a href="https://www.philadelphiabuildings.org/pab/app/ar_display.cfm/21624">Thomas Ustick Walter</a> en 1850 ou parfois dans des lieux ou l’occultisme mystique égyptien est jugé plus approprié : les loges maçonniques, avec la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3012287/">Skull and Bones undergraduate secret society</a> de 1856 à New Haven, Connecticut.</p>
<p>Le langage iconographique caractérisé par la mise en relief des symboles et des motifs égyptiens sur certains monuments officiels tend à rappeler les grands principes de la civilisation d’Égypte antique, comme la loi et l’ordre, très prégnants dans les prisons et les Tribunaux. En témoigne le Halls of Justice and House of Detention (1815-1838) de New-York plus communément appelés <a href="http://daytoninmanhattan.blogspot.com/2011/07/lost-1838-egyptian-revival-tombs.html">The Tombs</a>, réalisé par John Haviland.</p>
<p>Les éléments architecturaux ou figuratifs d’inspiration égyptienne, qui témoignent quant à eux de l’importance consacrée par l’Égypte aux connaissances – on pense à la célèbre bibliothèque d’Alexandrie – sont également utilisés au service de l’exceptionnalisme américain. C’est le cas par exemple avec la <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Egyptian_Building#/media/File:Egyptian_Building.JPG">faculté de Médecine de Richmond en Virginie</a> de 1845. L’éclectisme égyptien sert aussi à démontrer la supériorité américaine au niveau technologique avec la construction des ponts en suspensions, les stations de métro et de tramway (Suspension Bridge de St-John-New Brunswick de 1853).</p>
<p>L’imprégnation égyptienne dépasse la sphère temporelle en s’appropriant le domaine spirituel et le souvenir des défunts. En effet, à partir des années 1820 un mouvement que l’on pourrait qualifier « d’Egypto-american way of death » (Joy Giguere) touche la réorganisation et l’embellissement des cimetières sur des critères similaires aux croyances funéraires pharaoniques. Dans l’idée de marquer le passage entre les deux mondes, les portes de certains cimetières comme celui de <a href="https://www.mountauburn.org/egyptian-revival-gate/">Mount Auburn de Jacob Bigelow</a> en 1831 (Massachusetts) sont couverts de motifs égyptiens.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567706/original/file-20240103-29-wsh5hi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567706/original/file-20240103-29-wsh5hi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567706/original/file-20240103-29-wsh5hi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567706/original/file-20240103-29-wsh5hi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567706/original/file-20240103-29-wsh5hi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567706/original/file-20240103-29-wsh5hi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567706/original/file-20240103-29-wsh5hi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Porte du cimetière fondé par le médecin et botaniste américain Jacob Bigelow en 1831 à Mount Auburn.</span>
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<h2>Une identité basée sur l’exclusion</h2>
<p>L’identité américaine s’est façonnée en grande partie sur les fondements d’une ascendance ethnique excluant tour à tour les amérindiens et les noirs américains.</p>
<p>Les civilisations amérindiennes sont évidemment riches d’une longue histoire et de <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-histoire-des-indiens-d-amerique">grandes richesses culturelles</a>, mais les premiers colons ont cherché à se détacher de ces peuples <a href="https://journals.openedition.org/transatlantica/678">qu’ils considéraient comme des « sauvages »</a>. Pour les Américains des XIX<sup>e</sup> et XX<sup>e</sup> siècles, les populations amérindiennes n’ont joué aucun rôle dans l’essor de la civilisation américaine. Ils ne revendiquent aucun héritage culturel provenant de l’Ancien Monde : « Ils (les Amérindiens) n’avaient pas d’histoire, pas d’avenir, c’est-à-dire qu’ils étaient des sauvages » (<em>The American Whig Review</em> de Juin 1846)</p>
<p>La construction identitaire fondée sur la construction de la race au XVIII<sup>e</sup> siècle, dans le sillage de l’esclavage et de la traite transatlantique, intimement liée à « l’attitude des Américains blancs à l’égard des noirs » (Scott Malcolmson, <em>One Drop of Blood</em>), est basée sur la blancheur comme marqueur identitaire, assimilant la couleur noire à la servitude.</p>
<p>« Nous ne serons pas leurs nègres. La Providence ne nous a jamais conçus pour être des nègres, je le sais, car si elle l’avait fait, elle nous aurait donné des peaux noires, des lèvres épaisses, des nez plats et des cheveux courts et laineux, ce qu’elle n’a pas fait, et elle ne nous a donc jamais destinés à être des esclaves. » s’exprime John Adams en réaction aux taxations des documents imprimés dans les colonies imposées par le <a href="https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-22354/stamp-act/">Stamp Act en 1765</a>.</p>
<p>Cette racialisation de la société est d’ailleurs légalisée. La constitution américaine de 1787 exclut de la citoyenneté américaine les personnes d’ascendance africaine et amérindienne. À partir de 1816, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/American_Colonization_Society">l’American Colonization Society</a> propose même une solution au « problème » des Noirs américains en les réinstallant en Afrique dans une colonie appelée <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-marche-de-l-histoire/le-liberia-4354051">Libéria</a>.</p>
<p>À partir des années 1840, des théories raciales se développent sur fond de <a href="https://www.mnhn.fr/fr/buste-phrenologique">phrénologie</a> et d’égyptologie. Par l’analyse de restes humains momifiés, les égyptologues vont associer la formation crânienne aux capacités intellectuelles des populations et notamment des populations noires. Ces études permettent ainsi à l’Égyptologue Robbin George Gliddon ou encore au médecin américain Josiah Nott de justifier par des théories pseudo-scientifiques de l’infériorité intellectuelle des noirs et de <a href="https://theconversation.com/egypte-blanche-egypte-noire-histoire-dune-querelle-americaine-197119">leur place subalterne</a> dans la société américaine.</p>
<p>« Il (le noir) manque presque totalement de capacité exécutive et à très peu de génie. […] Incapable de s’éduquer au-delà de l’éducation la plus simple » lit-on dans <em>The Old Guard</em>, 1867.</p>
<p>De même au milieu du XIX siècle, des études égyptologiques américaines tentent d’établir un parallèle sociétal entre l’Égypte antique et l’Amérique postcoloniale sous suprématie blanche. Dans la même veine, sur fond d’égyptologie racialisée, certains anthropologues développent quant à eux la théorie polygénique de la race humaine dans des ouvrages comme <a href="https://www.loc.gov/item/49043133/"><em>Types of Mankind</em></a>. <a href="https://books.google.fr/books/about/Crania_Aegyptiaca.html?id=852cAkr93L4C&redir_esc=y">Samuel George Morton écrit ainsi dans <em>Crania Aegyptiaca</em>, en 1844</a> :</p>
<blockquote>
<p>« La vallée du Nil tant en Égypte qu’en Nubie, a été peuplée à l’origine par une branche de race caucasienne… Les nègres étaient nombreux en Égypte, mais leur position sociale dans l’Antiquité était la même que maintenant, celle de serviteur et d’esclaves »</p>
</blockquote>
<p>Pour les Afro-Américains chrétiens, l’Amérique de l’antebellum – la période de la montée du séparatisme conduisant à la guerre de Sécession – représente un territoire imaginaire, à forte connotation biblique, sur lequel les terres agricoles sudistes incarnant l’Égypte sont délimitées par le fleuve Mississipi apparenté au Nil. Sur ce territoire vivaient les propriétaires terriens blancs associés aux Pharaons et les esclaves noirs qui s’identifient aux Hébreux. Ces mêmes esclaves que l’on a pu entendre chanter à l’extérieur de la Maison Blanche <a href="https://www.cairn.info/revue-multitudes-2012-4-page-194.htm">« Go Down Moses »</a> alors qu’Abraham Lincoln signait la proclamation d’émancipation en 1863, associant la figure du pharaon au système d’exploitation esclavagiste :</p>
<p>« Descends, Moïse,<br>
En Terre d’Égypte,<br>
Dis au vieux Pharaon,<br>
De laisser partir mon peuple ».</p>
<p>Les théories raciales prônant la supériorité de la « race blanche » sont également critiquées par des Afro-Américains réactionnaires et abolitionnistes qui essaient quant à eux de prouver une origine noire de la civilisation égyptienne. Les revendications remettant en cause la supériorité supposée des Américains blancs prennent de l’ampleur dans les villes du Nord suite aux affranchissements massifs d’esclaves et grâce à l’adoption de lois progressistes donnant davantage de droits aux populations noires.</p>
<p>Ainsi, l’imaginaire américain du XIX<sup>e</sup> siècle a façonné et conceptualisé une certaine image de l’Égypte ancienne, dans un parallélisme à la fois anachronique et totalement imaginaire, sur fond de théories raciales, afin d’asseoir une légitimité historique et culturelle qui se voulait dominatrice.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217112/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Vanthournout ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Fustigée par les intellectuels européens, la jeune nation américaine a cherché à se doter d’une forme de légitimité historique et culturelle. Pour y parvenir, elle s’est tournée vers la civilisation égyptienne.Charles Vanthournout, Professeur d'histoire-géographie et Doctorant en égyptomanie américaine, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2202352024-01-02T16:28:40Z2024-01-02T16:28:40ZTrump-Biden : une année cruciale pour la démocratie américaine et l’ordre mondial<p>À la fin de l’année, les Américains éliront leur « nouveau » président et l’ensemble de leurs députés. Jamais dans l’histoire électorale des États-Unis un scrutin n’aura paru à ce point décisif.</p>
<p>Par les enjeux internationaux qu’il soulève et la configuration atypique qu’il présente, ce rendez-vous pourrait marquer une mutation capitale pour la démocratie américaine elle-même. </p>
<h2>Un Donald Trump radicalisé</h2>
<p>Donald Trump occupe une position inédite : il a échoué à se faire réélire en 2020 mais se relance dans une nouvelle course alors même qu’il est visé par un nombre record de procédures judiciaires. Il vient, d’ailleurs, d’être <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20231229-%C3%A9tats-unis-apr%C3%A8s-le-colorado-le-maine-juge-%C3%A0-son-tour-trump-inapte-%C3%A0-la-pr%C3%A9sidence">déclaré inéligible dans le Colorado et dans le Maine</a> pour s’être « livré à une rébellion » lors de l’invasion du Capitole le 6 janvier 2021.</p>
<p>Pour l’heure, son sort reste suspendu au recours déposé devant la Cour suprême, qui a refusé de le traiter en urgence. Une façon de rendre plus incertain encore le calendrier judiciaire de l’ancien président, et ce alors que la bataille pour l’investiture débute le 15 janvier par le caucus de l’Iowa.</p>
<p><a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/etats-unis-sans-la-candidature-de-donald-trump-je-ne-suis-pas-sur-que-je-me-presenterais-a-l-election-presidentielle-de-2024-concede-joe-biden_6226107.html">« Si Trump n’était pas candidat, je ne suis pas sûr que je me présenterais »</a> : les mots de Joe Biden sont clairs. Le président sortant se veut le garant de la démocratie américaine. Face à la « menace Trump », Biden se positionne en « président normal ». C’est son principal et pour ainsi dire véritable argument.</p>
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<p>Sans Donald Trump, le Parti démocrate aurait bien plus de mal à fédérer son aile gauche. Face à son prédécesseur, Biden continue d’apparaître comme une alternative préférable. Mais en irait-il autant face à un <a href="https://www.europe1.fr/international/etats-unis-plus-jeune-moins-extravagant-ron-desantis-a-t-il-une-chance-de-battre-donald-trump-4185126">Ron DeSantis</a>, plus jeune, ou face à une <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/11/29/les-milliardaires-misent-desormais-sur-nikki-haley-pour-battre-donald-trump_6202930_3210.html">Nikki Haley</a>, femme, plutôt modérée dans le camp républicain et, en outre, issue d’une minorité ethnique ?</p>
<p><a href="https://fr.euronews.com/2023/12/06/donald-trump-je-ne-serai-pas-un-dictateur-sauf-le-premier-jour">« Je ne serai pas un dictateur, sauf le premier jour »</a> : les intentions affichées de Donald Trump font planer une menace grave sur les institutions américaines. De ce fait, le vote s’annonce comme un scrutin doublement contraint. Trump comme Biden sont deux favoris par défaut. Les Américains devront choisir non pas le meilleur mais le moins pire des candidats. Une confrontation toute négative qui suscite un <a href="https://www.politico.com/news/magazine/2023/12/20/biden-trump-2024-presidential-race-no-one-wants-00132791">taux d’insatisfaction record chez les électeurs</a>.</p>
<p>Dans ce contexte, « l’épouvantail Trump » peut se révéler l’arme la plus dissuasive. Habituellement, lorsqu’un président sortant se représente, l’élection prend l’allure d’un référendum pour ou contre lui. En 2024, deux sortants se présenteront. Et le « plébiscite » portera d’abord sur celui qui a déjà perdu en 2020 : c’est la grande nouveauté.</p>
<h2>Des favoris par défaut</h2>
<p>Lors de cette même élection, Joe Biden avait annoncé ne s’engager que pour un seul mandat. Malgré <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/monde/presidentielle-americaine-2024-et-si-l-age-de-joe-biden-n-etait-pas-un-handicap-20230921">son âge avancé</a>, il s’est ravisé suite aux résultats encourageants des <a href="https://theconversation.com/apres-les-elections-de-mi-mandat-quattendre-de-la-presidence-biden-194464"><em>midterms</em></a> et a fait savoir en mai 2023 qu’il serait <a href="https://www.bfmtv.com/international/amerique-nord/etats-unis/etats-unis-joe-biden-annonce-sa-candidature-a-sa-reelection-en-2024_AN-202304250393.html">candidat à sa propre succession</a>.</p>
<p>Sa vice-présidente actuelle et colistière pour 2024 Kamala Harris demeure en retrait. Quant aux prétendants déclarés à l’investiture démocrate, faute de notoriété ou d’appui du parti, ils piétinent, que ce soit <a href="https://marianne2024.com/">Marianne Williamson</a>, 71 ans, auteure d’ouvrages de développement personnel, ou <a href="https://www.dean24.com/">Dean Phillips</a>, entrepreneur millionnaire et député du Minnesota. Enfin, Robert F. Kennedy Jr, surtout médiatisé pour son patronyme et <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2023/06/05/le-candidat-complotiste-robert-f-kennedy-jr-obtient-le-soutien-de-jack-dorsey-et-une-interview-avec-elon-musk_6176228_4408996.html">ses positions complotistes</a>, a finalement décidé de se présenter en tant qu’Indépendant. Aucun de ces rivaux n’est en mesure d’altérer la prime au sortant dont bénéficie Joe Biden. Sauf incident grave de santé, ce dernier sera le candidat démocrate. Avec un seul défi, mais de taille : tenir physiquement et médiatiquement l’épreuve de la campagne, c’est-à-dire éviter les gaffes et les défaillances lors des nombreux déplacements, interviews ou débats.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Ua0lGEm0EwI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Les primaires du Parti républicain sont, elles, plus concurrentielles. Hors Trump, les quatre principaux candidats toujours en lice sont Ron DeSantis, gouverneur de Floride ; Nikki Haley, ancienne ambassadrice aux Nations unies ; Vivek Ramaswamy, jeune entrepreneur pro-Trump ; et Chris Christie, ancien gouverneur du New Jersey. Aucun ne menace réellement Donald Trump. Ce constat déjoue les pronostics car les <a href="https://aoc.media/opinion/2022/11/13/midterms-la-fin-politique-de-biden-et-trump/">partisans de l’ex-président ont essuyé de sévères défaites aux élections de mi-mandat</a>.</p>
<p>Certes, plusieurs procès devraient s’ouvrir au premier semestre 2024 (<a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/etats-unis-on-vous-resume-l-affaire-qui-lie-donald-trump-a-l-actrice-de-films-pornographiques-stormy-daniels_5719274.html">Stormy Daniels</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/07/28/documents-classifies-donald-trump-accuse-d-avoir-voulu-effacer-des-images-de-videosurveillance-utiles-a-l-enquete_6183648_3210.html">documents classifiés</a>, <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/assaut-du-capitole-la-commission-denquete-parlementaire-demande-que-donald-trump-soit-juge-1890711">invasion du Capitole</a>), mais nul ne peut en prédire les effets. Ce qui est sûr, c’est que la tentative de l’équipe Trump de mettre en équivalence ses déboires judiciaires avec l’inculpation du fils de Joe Biden pour fraude fiscale n’a pas porté ses fruits, même si une <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20231213-le-congr%C3%A8s-am%C3%A9ricain-approuve-l-ouverture-formelle-d-une-enqu%C3%AAte-en-destitution-de-joe-biden">enquête pour destitution a été ouverte à l’encontre du président en exercice</a>.</p>
<p>Donald Trump garde ainsi les plus grandes chances d’être désigné comme candidat républicain. Il bénéficie notamment d’un fort ancrage chez les électeurs les plus riches comme chez les moins éduqués ; or 60 % des électeurs républicains ont un niveau d’éducation inférieur ou égal au bac, contre 30 % chez les Démocrates. Cette position lui assure un net avantage au sein de l’état-major du parti, qui continue de se déchirer sur ses chances de l’emporter en novembre prochain. La popularité de Trump continue de le protéger. Mais avec une fragilité : sa fortune se joue désormais hors des bureaux de vote.</p>
<h2>Des électorats désorientés</h2>
<p>La base électorale du Parti démocrate est en revanche moins stable. Si les catégories urbaines éduquées votent traditionnellement en sa faveur, leur influence est plutôt minorée par le mode de scrutin qui accentue le poids des États ruraux et peu peuplés. Cet électorat pose une autre difficulté : il se divise, depuis le 7 octobre dernier, au sujet du <a href="https://thehill.com/homenews/house/4355912-israel-palestine-democratic-divisions/">soutien militaire à Israël</a> ou de <a href="https://www.axios.com/2023/12/14/antisemitism-vote-harvard-mit-house-democrats">l’antisémitisme gagnant les campus universitaires</a>. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-le-conflit-israelo-palestinien-deborde-sur-les-campus-americains-217836">Quand le conflit israélo-palestinien déborde sur les campus américains</a>
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<p>Les Démocrates sauront-ils rebondir sur le thème de l’avortement ? <a href="https://theconversation.com/fin-du-droit-a-lavortement-aux-etats-unis-moins-de-democratie-plus-de-religion-184914">Maladroitement remis en scène par leurs adversaires</a>, cet enjeu facile (<em>easy issue</em>) a valu au parti un <a href="https://www.kff.org/womens-health-policy/press-release/new-kff-survey-finds-abortion-remains-key-issue-for-voters-with-democrats-holding-a-sizeable-edge-over-republicans-a-third-of-women-say-theyll-only-vote-for-someone-who-shares-their-views/">soutien décisif dans l’électorat féminin</a>. </p>
<p>Généralement, la dynamique d’une primaire est de cliver pour motiver sa base. L’année qui s’ouvre sera différente pour les Démocrates. Cherchant à recueillir les voix des Indépendants, ou au moins à démobiliser celles des Républicains modérés, ils ont un impératif : ne pas fragmenter leur socle électoral. L’autre ligne de front est d’accroître la participation des publics qui leur sont proches en luttant contre la législation sur l’identification des électeurs, en favorisant le vote anticipé, en séduisant les jeunes récemment entrés dans l’électorat, d’autant que <a href="https://iop.harvard.edu/youth-poll/46th-edition-fall-2023">leur taux d’approbation de Biden avoisine les 35 %</a>…</p>
<p>S’il possède la stratégie la plus fédératrice, le président Biden voit néanmoins se profiler un danger : son déclin relatif chez les <a href="https://abcnews.go.com/538/biden-losing-support-people-color/story?id=105272263">minorités</a>. Ce vote, généralement déterminant pour son parti, est affaibli par un <a href="https://www.nytimes.com/2023/11/28/business/economy/democrats-biden-economy.html">bilan économique en demi-teinte</a>. Le grand projet de Biden d’investir dans les infrastructures a paradoxalement renforcé l’inflation, au détriment des classes moyennes et modestes qui ont vu leur pouvoir d’achat rogné. Cela pourrait démobiliser cet électorat plutôt modéré.</p>
<p>La bonne nouvelle, c’est un taux de chômage historiquement bas (3,7 % au 19 décembre 2023). Reste que la promesse de relever le salaire minimum n’a pas été tenue. Et si le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/08/16/etats-unis-joe-biden-promulgue-son-vaste-plan-sur-le-climat-et-la-sante_6138203_3210.html">plan climat</a> a séduit les jeunes et les progressistes, ce n’est pas le type de politique publique dont les retombées sont les plus tangibles à court terme. Rien à voir en tout cas avec la hausse des prix des biens de consommation ou des taux d’intérêt obérant l’accès à la propriété. L’enthousiaste « Yes we can » des années Obama appartient bien à l’histoire.</p>
<h2>Un contexte international inflammable</h2>
<p>À l’orée de 2024, la fièvre s’est donc emparée des observateurs, et cela bien au-delà de l’Amérique. Sur quels clivages le scrutin se jouera-t-il ? L’implication des États-Unis en Ukraine ou au Proche-Orient pousse à ouvrir un débat sur l’équilibre budgétaire. Pas sûr toutefois que cette question, ou même l’affaiblissement du rival historique russe par une <em>proxy war</em>, intéresse plus les électeurs que les enjeux liés à l’immigration, notamment la sécurisation de la frontière sud fragilisée par <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-monde-est-a-nous/fin-du-titre-42-aux-etats-unis-la-question-migratoire-une-epine-dans-le-pied-de-joe-biden_5780600.html">l’expiration des mesures de restriction anti-Covid</a>. Le <a href="https://www.cbsnews.com/news/biden-mexico-obrador-migrants-border/">déplacement de Joe Biden au Mexique</a> fin décembre 2023 indique l’importance de cette question pour le candidat démocrate.</p>
<p>Le sujet de préoccupation qui focalise le plus l’attention en matière internationale reste la rivalité avec la Chine sur les plans économique et militaire, concernant notamment <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/06/12/dialogue-tendu-entre-la-chine-et-les-etats-unis-sur-taiwan_6129914_3210.html">l’avenir de Taïwan</a>. On l’aura compris : ce scrutin s’annonce comme celui de tous les dangers. La plus ancienne démocratie est en prise avec une figure dont Tocqueville craignait déjà l’avènement : celle soulevant « d’ardentes sympathies et de dangereuses passions populaires », alors que le pays hésite comme jamais à assumer son rôle de gendarme du monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220235/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elisa Chelle a reçu des financements de l'Institut universitaire de France.</span></em></p>Trump ? Biden ? Ou quelqu’un d’autre ? La course à la présidentielle américaine tiendra l’Amérique et le monde en haleine jusqu’à l’élection du 5 novembre prochain.Elisa Chelle, Professeure des universités en science politique, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2197802023-12-14T18:58:13Z2023-12-14T18:58:13ZDevrait-on envisager une administration transitoire pour Gaza ?<p>Le massacre perpétré contre Israël par le Hamas le 7 octobre dernier constitue un nouveau chapitre de la tragédie qu’est le conflit israélo-palestinien.</p>
<p>Depuis plus de 75 ans, on a vu trop d’occasions de parvenir à une paix durable être gâchées, que ce soit par l’intransigeance des uns, les excès extrémistes des autres, l’engagement asymétrique d’une tierce partie ou même le désintérêt mondial pour le conflit.</p>
<p>Le 12 décembre, 153 membres de l’Assemblée générale des Nations unies, dont le <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/politique/2023-12-12/israel-et-le-hamas-en-guerre/le-canada-vote-pour-un-cessez-le-feu-aux-nations-unies.php">Canada</a>, ont voté en faveur d’une <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2034516/cessez-feu-guerre-gaza-israel-onu">résolution pour un cessez-le-feu</a>. <a href="https://www.bbc.com/news/live/world-middle-east-67687628?ns_mchannel=social&ns_source=twitter&ns_campaign=bbc_live&ns_linkname=6578d92a87855b2dac7d421c%26US%20votes%20against%20resolution%2C%20UK%20abstains%262023-12-12T22%3A05%3A31.507Z&ns_fee=0&pinned_post_locator=urn:asset:2e285aa8-1cc6-4cc4-a867-38f595685178&pinned_post_asset_id=6578d92a87855b2dac7d421c&pinned_post_type=share">Dix membres ont voté contre la résolution</a>, dont Israël et les États-Unis. Vendredi,les <a href="https://www.ledevoir.com/monde/803492/etats-unis-bloquent-onu-appel-cessez-feu-humanitaire-immediat-gaza">États-Unis ont opposé leur veto</a> à une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies réclamant un cessez-le-feu.</p>
<p>Pourtant, le président américain Joe Biden <a href="https://www.washingtonpost.com/opinions/2023/11/18/joe-biden-gaza-hamas-putin/">a exprimé récemment son intention de résoudre le conflit</a> :</p>
<blockquote>
<p>otre objectif ne doit pas être simplement d’arrêter la guerre en cours, mais d’y mettre un terme définitif. </p>
</blockquote>
<p>Ces développements, qui comprennent la détermination apparente des États-Unis à reprendre leurs efforts pour instaurer une paix durable entre Israéliens et Palestiniens pendant que des milliers de personnes meurent dans le conflit, nécessitent une réflexion sur ce que serait la ligne de conduite la plus efficace.</p>
<h2>La moins mauvaise solution</h2>
<p>Il est évident que les chances de succès peuvent sembler faibles. Mais y a-t-il d’autres options ? Un retour au statu quo d’avant le 7 octobre consisterait à accepter la répétition à plus ou moins long terme d’un nouveau cycle de violence effroyable.</p>
<p>L’élimination de la menace posée par le Hamas ne peut se faire par une nouvelle occupation de la bande de Gaza par Israël, et encore moins par la disparition de tous les Palestiniens de l’enclave, comme le <a href="https://www.washingtonpost.com/world/2023/11/17/israel-government-right-gaza-endgame-conquest/">suggèrent</a> les éléments les plus radicaux de la scène politique israélienne.</p>
<p><a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-12-08/palestinian-authority-working-with-us-on-postwar-plan-for-gaza">Le retour</a> d’une <a href="https://pune.news/international/unpopular-ineffective-palestinian-authority-cant-drive-two-state-solution-97139/">autorité palestinienne inefficace</a> et moribonde à la suite des opérations militaires des Forces de défense israéliennes à Gaza n’est pas crédible et est voué à l’échec.</p>
<p>Les pays arabes de la région <a href="https://carnegieendowment.org/2023/11/03/there-might-be-no-day-after-in-gaza-pub-90920">ne veulent pas prendre en charge</a> la sécurité et l’administration de Gaza, et l’ingérence d’une seule grande puissance étrangère comme les États-Unis constituerait une forme d’impérialisme.</p>
<p>Devant ces options inenvisageables, la meilleure solution – ou la moins mauvaise – semble être de mettre en place une administration transitoire à Gaza avec trois objectifs : assurer la sécurité, œuvrer à la reconstruction et jeter les bases d’une stabilité politique et d’un développement économique.</p>
<p>Ce modèle a fait ses preuves lors de la mission de pacification et de reconstruction au <a href="https://peacekeeping.un.org/mission/past/unmiset/background.html">Timor oriental</a> en 1999 <a href="https://unmik.unmissions.org/mandate">et au Kosovo</a> la même année. Les Nations unies pourraient même envisager de réactiver leur <a href="https://www.un.org/fr/about-us/trusteeship-council">Conseil de tutelle</a>, inactif depuis 1994.</p>
<h2>Conditions nécessaires</h2>
<p>Pour garantir sa légitimité et disposer d’un mandat, une telle administration devrait reposer sur deux piliers impliquant le Conseil de sécurité des Nations unies : un accord régional en vertu du chapitre VIII de la <a href="https://www.un.org/fr/about-us/un-charter/chapter-8">Charte des Nations unies</a> et la mise en œuvre d’une force d’imposition de la paix en vertu du chapitre VII afin de rétablir l’ordre et d’assurer la sécurité.</p>
<p>Une telle approche multinationale donnerait de l’espoir aux Gazaouis et rassurerait le gouvernement israélien sur le fait que le Hamas et d’autres groupes extrémistes ne pourront revenir.</p>
<p>À long terme, elle pourrait même favoriser l’émergence d’une administration du territoire pleine et fonctionnelle, offrant la perspective concrète d’une solution politique à ce vieux conflit avec la création d’un État palestinien (qui commencerait par Gaza et s’étendrait à la Cisjordanie).</p>
<p>Le succès d’une telle approche, comme ce fut le cas par le passé en Bosnie et au Kosovo (avec la participation de l’OTAN et de l’Union européenne), repose sur l’instauration d’une force de maintien de la paix dotée d’un mandat fort du Conseil de sécurité de l’ONU.</p>
<p>Cette force devrait être suffisamment importante pour assurer la sécurité et, si nécessaire, imposer la paix – ce qui signifie au moins 50 000 soldats de l’ONU bien armés, bien coordonnés, avec des règles d’engagement claires, fournis par les pays participants (sans la Russie, pour des raisons évidentes) et placés sous un commandement unique désigné par le Conseil, comme cela a été le cas pendant la <a href="https://www.unc.mil/About/About-Us/">guerre de Corée</a>.</p>
<p>Cette dernière exigence est primordiale pour empêcher que ne se reproduise le scénario catastrophique de <a href="https://academic.oup.com/book/276/chapter-abstract/134840604?redirectedFrom=fulltext">l’intervention ratée en Somalie</a> en 1993. La création d’une telle structure militaire bien intégrée et bien organisée est absolument essentielle pour éviter toute paralysie décisionnelle.</p>
<h2>Perspectives économiques</h2>
<p>Reconstruire Gaza et offrir des perspectives économiques à ses habitants nécessitera évidemment des ressources financières considérables.</p>
<p>Une administration transitoire, ou même un <a href="https://research.un.org/en/docs/tc/reform">Conseil de tutelle remanié</a>, devraient amasser des sommes importantes et rendre compte régulièrement de l’utilisation de ces fonds (ainsi que de l’évolution de la sécurité dans la région).</p>
<p>Les fonds pourraient être fournis par les puissances occidentales habituelles, mais aussi les riches pays du Golfe, qui seraient peut-être disposés à aider financièrement les Palestiniens sans avoir à s’impliquer outre mesure sur le plan politique, afin de ne pas nuire à l’amélioration de leurs relations avec Israël.</p>
<p>Des institutions internationales telles que le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et le <a href="https://www.undp.org/fr">Programme des Nations unies pour le développement</a> devraient également participer – une tâche plus facile si elle s’inscrit dans un cadre et une mission sous l’égide des Nations unies.</p>
<h2>Le retour du Canada ?</h2>
<p>Les plus cyniques ou les plus pessimistes diront que la mise en place d’une telle initiative est trop complexe et vouée à l’échec.</p>
<p>Nous suggérons au premier ministre Justin Trudeau qu’il se porte à la défense d’une telle administration transitoire, qu’il parcoure le monde pour en vanter les mérites, s’engage à ce que le Canada participe activement à la création d’une force internationale de maintien de la paix et propose au Conseil de sécurité la relance du Conseil de tutelle pour Gaza.</p>
<p>Il devrait solliciter le soutien de notre puissant voisin et convaincre les États-Unis d’investir dans l’infrastructure de commandement de cette nouvelle mission, ce qui contribuerait probablement à rassurer Israël sur le sérieux d’une telle approche.</p>
<p>M. Trudeau pourrait obtenir l’appui de l’Europe et tenter de rallier les dirigeants des pays du Sud, notamment le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva et le premier ministre indien Narendra Modi (ce qui pourrait aussi servir à apaiser les tensions entre le Canada et l’Inde).</p>
<p><a href="https://musee-clemenceau.fr/clemenceau/biographie/">Georges Clemenceau, chef du gouvernement français à la fin de la Première Guerre mondiale</a>, a affirmé qu’il était plus facile de faire la guerre que la paix. La durée du conflit israélo-palestinien en témoigne.</p>
<p>Mais compte tenu de l’ampleur de la violence qui a enflammé la région à partir du 7 octobre, il est urgent que le monde trouve un moyen d’instaurer une paix durable entre Israéliens et Palestiniens.</p>
<p>Les pertes horribles et incessantes de vies humaines nous obligent à faire preuve d’ambition. La sécurité de l’ensemble du Moyen-Orient est en jeu, et le fait de passer à l’action pourrait contribuer à apaiser les tensions au sein des sociétés occidentales, de plus en plus divisées par le conflit.</p>
<p>C’est aussi l’occasion pour le Canada de <a href="https://www.cbc.ca/player/play/2677447276">faire un véritable « retour » sur la scène internationale</a>. Participer à la résolution du conflit correspond parfaitement aux valeurs canadiennes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219780/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La meilleure solution - ou la moins mauvaise - pour résoudre le conflit israélo-palestinien passe par la mise en place d'une administration transitoire à Gaza. Voici comment cela pourrait fonctionner.Julien Tourreille, Chargé de cours en science politique et chercheur à la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques, Université du Québec à Montréal (UQAM)Charles-Philippe David, Président de l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand et professeur de science politique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2182032023-12-10T15:49:40Z2023-12-10T15:49:40ZQuand la Terre se lève sur la Lune : la genèse de la « photo du siècle »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/560468/original/file-20231117-24-a4qtm4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C9%2C2035%2C1523&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">The restored image of Earthrise. A high quality black and white image was coloured using hues from the original colour photos.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://apod.nasa.gov/apod/ap181224.html">Image Credit: NASA, Apollo 8 Crew, Bill Anders; Processing and License: Jim Weigang</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le récent <a href="https://www.theguardian.com/science/2023/nov/10/frank-borman-commander-first-apollo-moon-mission-dies-aged-95">décès de Frank Borman</a>, commandant de la <a href="https://nasa.gov/missions/apollo/apollo-8-mission-details/">mission Apollo 8 de la NASA en 1968</a>, a attiré l’attention sur le premier voyage sur la Lune.</p>
<p>Il a eu lieu huit mois avant la mission <a href="https://www.nasa.gov/mission/apollo-11/">Apollo 11</a>, au cours de laquelle Neil Armstrong et Buzz Aldrin ont exploré la surface lunaire pour la première fois. Cependant, l’impact de la photo du « lever de Terre » d’Apollo 8 – la vue de la Terre depuis la Lune – semble aujourd’hui encore plus grand que celui du premier alunissage.</p>
<p>Pendant de nombreuses années, l’histoire derrière la <a href="https://www.nasa.gov/image-article/apollo-8-earthrise/">célèbre photo du lever de la Terre</a>, était que l’équipage avait été pris au dépourvu par l’orbe bleu s’élevant derrière la Lune. Mais <a href="https://science.nasa.gov/resource/the-story-behind-apollo-8s-famous-earthrise-photo/">même s’ils étaient occupés à d’autres tâches</a>, les astronautes avaient en tête que cela allait arriver.</p>
<p>Un autre événement marquant de la mission a été la lecture de <a href="https://moon.nasa.gov/resources/318/apollo-8-genesis-reading/">la Genèse (le premier livre de la Bible)</a> par l’équipage, dont les images ont été diffusées dans le monde entier à Noël. Les recherches approfondies que j’ai menées dans les archives de la NASA ont révélé plus clairement l’ampleur de la mise en scène de tous ces moments. La fameuse photo du lever de la Terre, un cliché bizarre pris à la hâte, a été certes improvisée, mais elle avait été anticipée.</p>
<h2>Capturer le Lever de Terre</h2>
<p>Après être entrés en orbite lunaire, les astronautes ont failli ne pas voir la Terre. Ce n’est qu’au cours de la quatrième orbite, lorsque la capsule s’est retournée de 180 degrés pour pointer vers l’avant, qu’ils l’ont remarquée. Quand je l’ai interrogé, Borman m’a confirmé qu’à ce moment-là, ils ont été « pris par surprise – trop occupés par l’observation lunaire sur les trois premières orbites ».</p>
<p>Mais le <a href="https://historycollection.jsc.nasa.gov/JSCHistoryPortal/history/oral_histories/UnderwoodRW/underwoodrw.htm">directeur de la photographie du programme Apollo, Dick Underwood</a>, tenait à rétablir la vérité. Il explique : « Des heures ont été consacrées à l’observation lunaire sur les trois premières orbites », « Les équipages lunaires, y compris l’équipage d’Apollo 8, ont été longuement formés et informés sur la manière exacte d’installer la caméra, sur la pellicule à utiliser… ces briefings étaient très complets. »</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="L’équipage d’Apollo 8." src="https://images.theconversation.com/files/559679/original/file-20231115-21-97wwdu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/559679/original/file-20231115-21-97wwdu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/559679/original/file-20231115-21-97wwdu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/559679/original/file-20231115-21-97wwdu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/559679/original/file-20231115-21-97wwdu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/559679/original/file-20231115-21-97wwdu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/559679/original/file-20231115-21-97wwdu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’équipage d’Apollo 8 présentant la photo du lever de Terre au gouverneur du Texas, John Connally, en 1969.</span>
<span class="attribution"><span class="source">NASA</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Toutefois, la NASA s’est battue pour savoir sur quelles images les astronautes devaient se concentrer, la direction insistant sur des clichés de la <a href="https://history.nasa.gov/alsj/a410/A08_PressKit.pdf">géologie lunaire et des sites d’atterrissage potentiels</a>. Dick Underwood a expliqué : </p>
<blockquote>
<p>« J’ai beaucoup insisté pour que l’on prenne une photo du lever de la Terre, et nous avions fait comprendre aux astronautes que c’était ce que nous voulions absolument. »</p>
</blockquote>
<p>Borman était accompagné de deux autres astronautes : Jim Lovell, pilote du module de commande, et Bill Anders, pilote du module lunaire. La NASA avait prévu qu’Apollo 8 testerait le module lunaire, mais comme elle avait pris du retard, la mission n’a pas eu lieu.</p>
<p>Lors de la conférence de presse précédant le lancement, Borman s’était réjoui d’avoir « de bonnes vues de la Terre depuis la Lune » et Lovell de voir « la Terre se coucher et la Terre se lever ».</p>
<p>Le plan de mission officiel prévoyait que les astronautes prennent des photos de la Terre, mais seulement en dernière priorité. Lorsque le moment clé est arrivé, les astronautes ont effectivement été pris par surprise, mais pas pour longtemps.</p>
<p>Anders se trouvait à une fenêtre latérale et prenait des photos de cratères à l’aide d’un appareil photo à pellicule noir et blanc lorsqu’il vit la Terre surgir de derrière la Lune. « Regardez cette image ! C’est la Terre qui se lève », <a href="https://science.nasa.gov/resource/the-story-behind-apollo-8s-famous-earthrise-photo/">s’exclama Anders</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/559678/original/file-20231115-23-nzbbhx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/559678/original/file-20231115-23-nzbbhx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/559678/original/file-20231115-23-nzbbhx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/559678/original/file-20231115-23-nzbbhx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/559678/original/file-20231115-23-nzbbhx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=610&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/559678/original/file-20231115-23-nzbbhx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=610&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/559678/original/file-20231115-23-nzbbhx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=610&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La première photo du lever de Terre, prise par Bill Anders.</span>
<span class="attribution"><span class="source">NASA</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Anders a rapidement pris une photo nette de la Terre émergeant de l’horizon lunaire. Puis Lovell et lui se sont brièvement disputés pour savoir qui devait avoir l’appareil photo couleur, tandis que Borman tentait de les calmer.</p>
<p>C’est Anders qui a pris la <a href="https://apod.nasa.gov/apod/ap020127.html">photo couleur du lever de la Terre</a>, floue, cadrée à la hâte et surexposée, surnommée plus tard l’<a href="https://www.theguardian.com/artanddesign/2018/dec/22/behold-blue-plant-photograph-earthrise">image du siècle</a>. Mais dans l’autre appareil photo se trouvait une bien meilleure photo, longtemps ignorée parce qu’elle était en noir et blanc.</p>
<p>Cette première image mono était parfaite. Une photo restaurée du « lever de la Terre », récemment colorisée par des experts qui ont pris pour référence les clichés ultérieurs, restitue le spectacle époustouflant qu’ont vu les astronautes.</p>
<p>Cette photo révèle la Terre comme une oasis majestueuse mais fragile. Comme l’a dit Lovell : « La solitude qui règne ici est impressionnante… Cela nous fait prendre conscience de ce que nous avons sur Terre ». Pour Borman aussi, ce fut « intensément émouvant… Nous ne nous sommes rien dit, mais nous avons peut-être partagé la même pensée : Ce doit être ce que Dieu voit ».</p>
<h2>La lecture de la Genèse</h2>
<p>En 1968, comme aujourd’hui, les voyages dans l’espace étaient considérés comme un domaine scientifique et technologique. Mais la mission était également envoyée par l’un des <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Christianity_in_the_United_States">pays les plus fortement christianisés du monde</a>, et l’équipage n’était pas parti sans son bagage culturel.</p>
<p>La NASA était fière que ses astronautes soient libres de leurs opinions, tandis que les cosmonautes soviétiques soient <a href="https://www.bbc.com/future/article/20210406-how-russias-cosmonauts-trained-for-space">étroitement surveillés et contrôlés</a>. Aussi extraordinaire que cela puisse paraître aujourd’hui, ils ont été laissés libres de décider eux-mêmes de ce qu’ils allaient dire lors de leur émission historique en direct de l’orbite lunaire.</p>
<p>Borman savait qu’il devait trouver quelque chose de spécial pour l’émission de Noël. Quelques semaines à l’avance, un attaché de presse lui a dit : « Nous pensons que vous serez plus écouté que n’importe quel autre homme dans l’histoire. Nous voulons donc que vous disiez quelque chose d’approprié ».</p>
<p>Alors que le message « un petit pas » de Neil Armstrong a été <a href="https://time.com/5621999/neil-armstrong-quote/">soigneusement préparé au sein de la NASA</a>, personne au sein de l’agence ne savait à l’avance ce que Borman allait dire.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Earthrise" src="https://images.theconversation.com/files/560186/original/file-20231117-25-yelyw3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560186/original/file-20231117-25-yelyw3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=527&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560186/original/file-20231117-25-yelyw3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=527&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560186/original/file-20231117-25-yelyw3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=527&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560186/original/file-20231117-25-yelyw3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=662&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560186/original/file-20231117-25-yelyw3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=662&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560186/original/file-20231117-25-yelyw3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=662&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La première photo du lever de Terre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">NASA</span></span>
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<p>Alors qu’il ne reste que deux minutes avant que le contact radio ne soit perdu lorsque le vaisseau spatial passe derrière la Lune, Anders a déclaré : « L’équipage d’Apollo 8 a un message à vous transmettre. » Il a ensuite lu un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ToHhQUhdyBY">extrait de la Genèse</a> : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre, et la terre était informe et vide. Dieu dit : “Que la lumière soit !” et la lumière fut. »</p>
<p>Lovell et Borman ont pris le relais pour lire les versets suivants, et Borman a conclu : « Joyeux Noël, et que Dieu vous bénisse tous – vous tous sur notre bonne Terre. »</p>
<p>Alors qu’Apollo 8 cessait tout contact radio, le monde devait absorber l’impact de ces paroles. « Pendant ces instants, j’ai ressenti la présence de la création et du créateur », se souviendra plus tard Gene Kranz, <a href="https://airandspace.si.edu/explore/stories/eugene-kranz">directeur de vol de la NASA</a>. « J’avais les larmes aux yeux. »</p>
<p>D’une manière ou d’une autre, Borman et ses collègues ont trouvé les mots parfaits pour exprimer leur expérience. Mais Borman avait bien réfléchi à sa mission et avait demandé à un <a href="https://airandspace.si.edu/collection-archive/apollo-8-and-11-notes-and-letters-bourgin/sova-nasm-1995-0025">ami publiciste de l’aider à rédiger le texte</a>.</p>
<p>Il s’agissait de Simon Bourgin, responsable de la politique scientifique à l’Agence américaine d’information. Bourgin demanda à son tour à un journaliste, Joe Laitin, qui en <a href="https://www.smithsonianmag.com/smithsonian-institution/how-apollo-8-delivered-moment-christmas-eve-peace-and-understanding-world-180976431/">parla à sa femme, Christine</a>.</p>
<p>Après avoir consulté l’Ancien Testament, elle a suggéré : « Pourquoi ne pas commencer par le commencement ? » Elle a souligné la puissance primitive du récit de la création dans le premier livre de la Genèse, avec sa description évocatrice de la Terre.</p>
<p>Borman a immédiatement reconnu que c’était parfait et l’a fait dactylographier. Il a superbement justifié la confiance que la NASA lui a accordée.</p>
<p>Si la photo du lever de la Terre et la lecture de la Genèse sont le fruit de l’inspiration et d’une certaine liberté, on doit leur exécution à une planification minutieuse et un grand professionnalisme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218203/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Robert Poole ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ou comment le professionnalisme de l'astronaute Frank Borman a contribué à la réussite de la mission Apollo 8.Robert Poole, Professor of History, University of Central LancashireLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.