tag:theconversation.com,2011:/ca/topics/gouvernance-climatique-36141/articlesgouvernance climatique – The Conversation2023-11-06T17:02:20Ztag:theconversation.com,2011:article/2167712023-11-06T17:02:20Z2023-11-06T17:02:20ZDéfendre la cause climatique, une affaire (aussi) bureaucratique<p>L’inaction de l’État français en matière <a href="https://theconversation.com/topics/action-climatique-120520">climatique</a> est régulièrement <a href="https://www.hautconseilclimat.fr/publications/rapport-grand-public-2023/">dénoncée par de nombreux observateurs</a>. Militants écologistes ou membres d’institutions évaluant les progrès réalisés dans ce domaine mettent en avant les décalages entre les discours des gouvernants et la réalité des politiques publiques, rarement au rendez-vous des défis à relever.</p>
<p>Cette posture critique, indispensable pour dresser un diagnostic sans concession de la situation, gagne à être complétée par une analyse prenant le parti de regarder l’<a href="https://theconversation.com/topics/etat-24388">État</a> « de l’intérieur », d’observer la construction de ses décisions stratégiques et ordinaires, et ce qu’elles nous disent sur son aptitude à impulser des chantiers à la hauteur des enjeux. Car le climat est aussi une affaire <a href="https://theconversation.com/topics/bureaucratie-87083">bureaucratique</a>, qui interroge la capacité de l’<a href="https://theconversation.com/topics/administration-27868">administration</a> qui le « défend » à se faire entendre au sein de l’État. Tel est notamment l’objet d’un <a href="https://books.openedition.org/pressesmines/9511?lang=fr">ouvrage</a> que nous avons récemment publié aux Presses des Mines de Paris.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/556858/original/file-20231031-21-7whzel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/556858/original/file-20231031-21-7whzel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/556858/original/file-20231031-21-7whzel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/556858/original/file-20231031-21-7whzel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/556858/original/file-20231031-21-7whzel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/556858/original/file-20231031-21-7whzel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/556858/original/file-20231031-21-7whzel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/556858/original/file-20231031-21-7whzel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Graham Allison, théoricien des « bureaucratic politics ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Graham_T._Allison#/media/Fichier:Graham_T._Allison,_Jr.jpg">Domaine public</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour urgente soit-elle, cette cause ne fait pas en effet l’objet d’une adhésion « naturelle » de tous les ministères. Elle doit trouver sa place dans un champ fragmenté, traversé de logiques souvent contradictoires, qui donnent lieu à des conflits de territoires et des luttes de pouvoir que Graham Allison, chercheur en sciences politiques à Harvard, a conceptualisés dans son étude sur la crise des missiles de Cuba sous le terme de « <em><a href="https://ils.unc.edu/courses/2013_spring/inls285_001/materials/Allison.1971.Essence_of_Decision.pdf">bureaucratic politics</a></em> ». Observer ces rapports de force, tels qu’ils sont apparus lors de l’élaboration de la dernière <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/publication-strategie-francaise-lenergie-et-climat-france-confirme-engagement-vers-societe-neutre-en">Stratégie nationale bas-carbone</a> (SNBC), permet d’identifier une autre facette de l’(in)action de l’État : la difficulté à faire exister les enjeux climatiques dans l’espace politico-administratif.</p>
<h2>Agir sans vrai levier juridique et financier</h2>
<p>Cette incapacité est, en premier lieu, instrumentale. La SNBC jouit d’un statut juridique qui en fait un outil de faible portée. Conçue au moment de la <a href="https://www.loir-et-cher.gouv.fr/Actions-de-l-%C3%89tat/Developpement-durable-et-cadre-de-vie/Transition-energetique-pour-la-croissance-verte">loi Transition énergétique pour la croissance verte</a> de 2015, elle a été en grande partie vidée de tout contenu trop prescriptif. Elle ne vise que l’État et les collectivités territoriales, les entreprises ou les citoyens n’étant pas tenus d’en respecter les orientations. </p>
<p>Son degré de normativité est, par ailleurs, très relatif. Y sont employés des termes comme « prise en compte » ou « compatibilité », inférieurs dans la hiérarchie des normes à celui de « conformité », autorisant un jeu interprétatif et, partant, un <a href="https://www.hautconseilclimat.fr/wp-content/uploads/2021/06/Rapport-HCC-Outils-juridiques-de-la-neutralite%CC%81-carbone-23-juin.pdf">degré de contrainte limité</a>.</p>
<p>De plus, si la SNBC conforte juridiquement la référence aux budgets carbone, l’État ne peut se saisir d’eux pour en faire de vrais instruments de pilotage. Le droit précise que leur répartition par secteurs (transports, agriculture, logement, industrie, etc.) est indicative. Et le suivi des quotas alloués n’est pas contraignant.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1671255689077858304"}"></div></p>
<p>Limitée dans sa portée normative, la SNBC l’est aussi en matière financière. Les leviers budgétaires et économiques restent contrôlés par les administrations sectorielles. La taxe carbone, en particulier, outil sur lequel elle pourrait s’appuyer, est largement paramétrée par le ministère des Finances et son produit n’est <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-fiscalite-environnementale-au-defi-de-lurgence-climatique">qu’en partie orienté vers l’accompagnement des mesures que la SNBC préconise</a>. C’est notamment ce qu’a montré l’épisode des « Gilets jaunes ». Ce faisant, la SNBC est un instrument sans moyens d’action dédiés.</p>
<h2>Négocier en position de faiblesse</h2>
<p>Par ailleurs, l’administration en charge d’élaborer la stratégie climat occupe une position structurellement marginale au sein de l’État. Contrairement à d’autres pays, qui ont opté pour la placer sous la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/publication-du-6e-rapport-synthese-du-giec">responsabilité directe des services du Premier Ministre</a>, elle est située au sein du ministère de la Transition écologique, où elle occupe un rang périphérique. En termes de statut tout d’abord car elle n’est qu’un simple service au moment de la SNBC 2 (elle est devenue depuis une <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/060923_DGEC-Organigramme.pdf">direction de la Direction générale de l’énergie et du climat</a>, mais sans jouir encore d’un fort prestige). En termes de moyens humains et d’expertise également.</p>
<p>Ce choix de ministère de tutelle peut se comprendre par le souci de mieux lier climat et énergie (qui représente 80 % des émissions de gaz à effet de serre). Il a néanmoins pour effet de la priver d’un leadership interministériel et de l’obliger à composer avec des administrations sectorielles en position de force.</p>
<p>Dans l’agriculture, domaine qui reste hors du périmètre de l’Écologie, la fixation des objectifs climatiques est, de fait, déléguée au ministère éponyme, afin de ne pas risquer de bloquer le processus. Dans les autres secteurs, gérés au sein de l’Écologie ou en cotutelle avec elle, la collaboration n’est pas pour autant aisée, les administrations se montrant très prudentes à nouer des engagements. Elles gardent en effet en tête les potentiels effets jugés négatifs sur les « ressortissants » de leurs politiques publiques. Conscientes que la SNBC n’est assortie d’aucun levier garantissant des mesures d’accompagnement, elles usent de leur légitimité pour obtenir des arbitrages intra-ministériels minimisant les efforts exigés ou dont elles savent qu’ils n’auront aucune valeur contraignante.</p>
<p>Dans ce contexte, l’administration en charge de la stratégie climat doit se chercher des alliés et des solutions pour fixer des objectifs crédibles et les ventiler par secteur. Le recours à une forte électrification des usages, voie privilégiée par la France, en est une, qui évite de trop perturber l’ordre bureaucratique, alors que la filière nucléaire y voit une opportunité pour regagner en légitimité.</p>
<h2>Se rendre visible auprès des gouvernants</h2>
<p>Cette administration a d’autant plus de difficultés à peser dans le champ bureaucratique qu’elle ne dispose pas d’un accès facilité au sommet de l’État, gage d’un soutien politique potentiel. Contrairement à la <a href="https://reseaux-chaleur.cerema.fr/espace-documentaire/la-programmation-pluriannuelle-energie-2020#:%7E:text=En%20France%20en%202020%2C%20selon,cette%20date%20%C3%A9tait%20de%2023%20%25%20.">programmation pluriannuelle de l’énergie</a> (PPE), autre volet de la stratégie climat, la SNBC publiée en 2020 a donné lieu à de rares arbitrages à ce niveau. Les services du Premier Ministre n’ont pas suivi de près son élaboration et ne se sont que peu intéressés à un document jugé trop lointain dans ses perspectives et faible dans sa portée normative. Leurs priorités se situaient ailleurs, dans la recherche de solutions aux problèmes et conflits de court terme animant leur quotidien.</p>
<p>Cet accès limité résulte en partie du choix organisationnel évoqué plus haut, qui « invisibilise » à ce niveau les conflits autour des orientations climatiques. Délégués à certains ministères ou traités de manière intra-ministérielle, ceux-ci sont le plus souvent « résolus » en amont, ce qui enlève à l’administration en charge de la SNBC la possibilité de solliciter des arbitrages. Ceux-ci sont d’autant plus difficiles à obtenir que, contrairement à ses homologues, elle ne dispose pas de réseaux interpersonnels suffisamment forts pour relayer ses demandes.</p>
<p>Si elle ne règle pas tout, la création récente, auprès des services du Premier Ministre, d’un <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046026058">Secrétariat général à la planification écologique</a>, censé mieux coordonner les ministères autour des enjeux climatiques, pallie en partie ce problème d’accès. La pérennité de cette structure à vocation interministérielle n’est cependant pas acquise.</p>
<h2>Vers une plus grande capacité d’action ?</h2>
<p>Les difficultés que nous venons d’évoquer ne sont pas sans rappeler de vieux débats, classiques en science politique, sur la manière de « faire exister » des questions globales et transversales dans le champ bureaucratique, comme l’environnement ou le développement durable. Elles apparaissent à la fois comme conséquences et causes d’un manque de volontarisme de l’État en matière climatique.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Conséquences car elles témoignent – au mieux – des hésitations des gouvernants à faire de ce nouvel impératif un élément structurant des politiques publiques, au regard des craintes et problèmes qu’ils éprouvent à transformer un modèle de société traversé par des intérêts suscitant de très fortes réticences, et qui nécessitent souvent de trouver des solutions à d’autres échelles, dont celle de l’Union européenne.</p>
<p>Causes d’inertie également car ces difficultés ne peuvent, en retour, qu’entraver la cohérence et les ambitions de l’intervention publique, à l’heure où un <a href="https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/rapport/pdf/289488_1.pdf">effort de mobilisation collective sans précédent serait nécessaire</a>.</p>
<p>Doter l’administration en charge du climat d’une plus grande capacité d’action pour faire bouger l’État et, à travers lui, l’ensemble de la société ? Une piste à étudier pour lutter contre l’inaction climatique…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216771/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François-Mathieu Poupeau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les politiques climatiques restent insuffisantes, c’est aussi, comme le suggère un ouvrage récent, car les administrations portant le sujet peinent à se faire entendre au milieu des autres.François-Mathieu Poupeau, Directeur de recherche au CNRS (LATTS, UMR 8134), Professeur de l'École des Ponts ParisTech, École des Ponts ParisTech (ENPC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1859872022-07-03T17:09:41Z2022-07-03T17:09:41ZClimat : pourquoi Joe Biden aura beaucoup de mal à tenir ses promesses<p>Sur fond de <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20220615-%C3%A0-l-approche-de-l-%C3%A9t%C3%A9-les-%C3%A9tats-unis-subissent-inondations-incendies-et-canicule">canicule, incendies et inondations</a>, ainsi que de la <a href="https://www.geo.fr/environnement/pire-secheresse-a-louest-des-etats-unis-depuis-1200-ans-209130">pire sécheresse dans l’Ouest des États-Unis depuis 1 200 ans</a>, Joe Biden a <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2022/06/18/chairs-summary-of-the-major-economies-forum-on-energy-and-climate-held-by-president-joe-biden/">présidé</a>, le 17 juin dernier, et dans une indifférence quasi générale, la troisième réunion virtuelle du <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Major_Economies_Forum_on_Energy_and_Climate_Change">Forum des grandes économies sur le climat et l’énergie</a> en présence des représentants de plus de 20 pays et groupes internationaux.</p>
<p>Le président états-unien a notamment renouvelé la promesse faite en 2021 de réduire de 50 à 52 % les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 par rapport aux niveaux de 2005, tout en exhortant la Chine et les autres grandes économies à renforcer leur ambition climatique.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/t4RzkDPx1nU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Sommet sur le climat : Joe Biden vise 50 % de gaz à effet de serre en moins d’ici 2030 (France24, 22 avril 2021).</span></figcaption>
</figure>
<p>Quel crédit accorder aux promesses ambitieuses d’un président <a href="https://projects.fivethirtyeight.com/biden-approval-rating/">au plus bas dans les sondages</a>, à quelques mois des élections de mi-mandat <a href="https://www.cfr.org/blog/2022-midterm-congressional-elections-numbers">traditionnellement défavorables au pouvoir</a> en place ?</p>
<h2>Le levier du pouvoir législatif</h2>
<p>Pour atteindre son objectif, Joe Biden s’est d’abord appuyé sur un Congrès où les Démocrates disposent de la majorité dans les deux Chambres, bien que celle-ci soit faible. Ayant retenu la leçon de l’échec de son prédécesseur Barack Obama, qui n’avait pas réussi à trouver une « super majorité » (60 % des voix) pour voter son <a href="https://ballotpedia.org/Build_Back_Better_Act">projet de loi bipartisan sur le climat</a> au Sénat en 2010, Biden a élaboré deux projets de lois ambitieux dans le cadre du vote sur le budget (ce qui lui permet d’utiliser le processus de “réconciliation budgétaire” et de faire passer les lois à la majorité simple).</p>
<p>Le premier, et le plus important, est un projet de loi colossal de quelque 2 000 milliards de dollars d’investissements et de mesures relatives au changement climatique appelé <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Build_Back_Better_Act"><em>Build Back Better</em></a> (« reconstruire en mieux »), un projet qui <a href="https://www.institutmontaigne.org/blog/le-new-deal-de-biden-une-ambition-politique">a été comparé</a> au New Deal de Roosevelt.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/build-back-better-le-programme-economique-de-joe-biden-151867">« Build back better » : Le programme économique de Joe Biden</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Mais ce projet de loi a été stoppé net au Sénat lorsque Joe Manchin, un sénateur démocrate conservateur de Virginie occidentale, a <a href="https://www.manchin.senate.gov/newsroom/press-releases/manchin-statement-on-build-back-better-act">annoncé en décembre 2021 son refus de le voter</a>. Dans un Sénat où les Démocrates ne détiennent que 50 % des sièges (la majorité basculant en leur faveur grâce à la voix de la vice-présidente Kamala Harris, qui préside es qualités la Chambre haute), il suffit d’un seul sénateur démocrate récalcitrant pour bloquer le passage d’un projet de loi voté par la Chambre… et devenir ainsi <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/12/22/le-senateur-joe-manchin-est-devenu-plus-puissant-que-joe-biden-en-bloquant-un-plan-visant-a-ameliorer-les-conditions-de-vie-des-americains_6106957_3232.html">plus puissant que le président</a>.</p>
<p>Alors que les élections de mi-mandat de novembre 2022 approchent, le sénateur Manchin, dont la <a href="https://www.nytimes.com/2022/03/27/climate/manchin-coal-climate-conflicts.html">fortune personnelle vient de l’industrie du charbon</a>, est, depuis, <a href="https://www.politico.com/news/2022/06/17/dems-manchin-schumer-00040321">revenu à la table des négociations</a> avec le chef de son propre parti au Sénat, Chuck Schumer.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1473910192383438858"}"></div></p>
<p>Selon un <a href="https://static.politico.com/fa/c9/c82153e74496b12dd383c7515a30/me-14298-1.pdf">sondage récent</a>, l’adoption d’une version de ce projet de loi apporterait un avantage électoral significatif à ses collègues démocrates en course aux élections. Et même le syndicat des Mineurs du charbon, qui représente, entre autres, les mineurs de Virginie occidentale, <a href="https://umwa.org/news-media/press/umwa-statement-on-build-back-better-legislation/">demande à Joe Manchin de reconsidérer sa position</a>. Mais l’espoir d’aboutir reste faible car le délai s’amenuise alors que les Démocrates perdront très probablement une, voire les deux Chambres du Congrès aux élections de mi-mandat en novembre prochain. En cas d’échec, ce serait la troisième fois, en trente ans, que le Sénat aura empêché le vote d’une loi sur le climat.</p>
<p>Le second volet législatif, moins ambitieux pour le climat, est une loi d’investissement massif dans les infrastructures (<a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Infrastructure_Investment_and_Jobs_Act"><em>Infrastructure Investment and Jobs Act</em></a>) de 1 200 milliards de dollars qui, elle, a été adoptée par le Congrès dans un rare élan bipartisan à la Chambre et, surtout, au Sénat – et ce, malgré une <a href="https://www.politico.com/news/2021/07/28/infrastructure-deal-trump-501287">tentative de sabotage de Donald Trump</a> et signée par le présidant en novembre 2021.</p>
<p>Malheureusement, d’après la <a href="https://repeatproject.org/docs/REPEAT_Summary_Report_022822.pdf">modélisation du laboratoire REPEAT de Princeton</a>, cette loi permettra de réaliser moins de 10 % des réductions de pollution nécessaires pour atteindre les objectifs fixés par le président. Pis, selon la façon dont les fonds seront dépensés par les États, certaines dispositions de la loi pourraient en fait entraîner une augmentation nette de la pollution par le carbone, à en croire une <a href="https://www.georgetownclimate.org/articles/federal-infrastructure-investment-analysis.html">étude du Centre pour le Climat de l’université de Georgetown</a>. En effet, dans le système fédéral états-unien, les fonds fédéraux sont souvent administrés en coordination avec les États.</p>
<p>Enfin, il faut tenir compte d’une inflation galopante qui <a href="https://www.politico.com/news/2022/06/17/democrats-shrinking-infrastructure-plan-00039588">a réduit la valeur de ces investissements de plusieurs milliards</a>, obligeant les États à annuler ou à retarder des projets dont les coûts augmentent.</p>
<h2>Et le levier du pouvoir exécutif</h2>
<p>Joe Biden dispose également des pouvoirs relativement importants de l’exécutif. Il a ainsi <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2022/06/06/fact-sheet-president-biden-takes-bold-executive-action-to-spur-domestic-clean-energy-manufacturing/">invoqué</a> la loi sur la production de défense (<a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Defense_Production_Act_of_1950"><em>Defense Production Act</em></a> – DPA), qui lui permet d’intervenir temporairement dans l’économie nationale, dans le but d’assurer la production de certains biens au nom de la défense nationale, accélérant, par exemple, la fabrication d’équipements nécessaires pour réduire les émissions du réseau électrique du pays, comme les panneaux solaires, les piles à combustible, etc.</p>
<p>Cette approche correspond à la logique des déclarations du président, lequel a souligné le lien entre sécurité nationale et lutte contre le changement climatique, et le contexte de la crise énergétique alimentée par la guerre en Ukraine.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/vyjrHJ5Uog0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Biden Says Russia’s War Fueled Global Energy Crisis (Bloomberg Markets and Finance, 17 juin 2022).</span></figcaption>
</figure>
<p>Toutefois, l’impact du DPA reste limité, notamment en raison d’un budget restreint de seulement quelques millions de dollars qui dépend d’un Congrès essentiellement paralysé.</p>
<p>Le chef de l’exécutif dispose enfin d’un pouvoir majeur : celui de l’administration fédérale au travers des nombreuses agences qui réglementent les lois environnementales. L’Agence de protection de l’environnement (Environnemental Protection Agency ou EPA) est la plus connue. Après l’échec d’un projet de loi sur l’énergie propre, l’administration Obama avait, par exemple, utilisé l’EPA pour fixer les premières <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Clean_Power_Plan">limites nationales à la pollution par le carbone</a> dans le secteur de l’électricité, avant que cette réglementation ne soit <a href="https://www.nytimes.com/2017/10/09/climate/clean-power-plan.html">annulée par l’administration Trump</a>. Cependant, cette agence fédérale a été considérablement <a href="https://www.washingtonpost.com/national/health-science/with-a-shrinking-epa-trump-delivers-on-his-promise-to-cut-government/2018/09/08/6b058f9e-b143-11e8-a20b-5f4f84429666_story.html">affaiblie par la politique de déréglementation de Donald Trump</a>, qui a abouti à des suppressions de ses moyens et à une diminution drastique de ses effectifs, revenus au niveau de 1988 malgré une charge de travail nettement supérieure.</p>
<h2>Une remise en cause du pouvoir central</h2>
<p>Mais surtout la majorité conservatrice à la Cour suprême a donné le coup de grâce aux promesses ambitieuses de Joe Biden en amputant l’Agence de protection de l’environnement d’une grande partie de son pouvoir de réglementation des émissions de gaz à effet de serre.</p>
<p>Jusqu’ici, les agences fédérales, où travaillent scientifiques et experts, avaient le pouvoir de rédiger des règlements dans le cadre d’une loi générale votée par le Congrès, en l’occurrence la <a href="https://www.epa.gov/clean-air-act-overview/evolution-clean-air-act">Clean Air Act</a> de 1970.</p>
<p>Or, pour les juristes conservateurs, hostiles à un pouvoir réglementaire et à un État centralisateur forts, il convient de limiter l’action des agences fédérales sur les « questions majeures » de politique publique. C’est en se fondant sur cette <a href="https://crsreports.congress.gov/product/pdf/IF/IF12077#:%7E:text=Under%20the%20Court%E2%80%99s%20formulation%20of,require%20it%20to%20do%20so.">doctrine des questions majeures</a> que le président de la Cour, John Roberts <a href="https://www.supremecourt.gov/opinions/21pdf/20-1530_n758.pdf">a déclaré</a> dans la décision <a href="https://ballotpedia.org/West_Virginia_v._Environmental_Protection_Agency"><em>West Virginia v. EPA</em></a> que les conséquences d’une telle politique étaient trop importantes pour qu’elle soit adoptée sans une autorisation plus explicite du Congrès. Un Congrès malheureusement paralysé par l’obstruction et la polarisation.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/politisation-de-la-cour-supreme-la-democratie-americaine-en-peril-173281">Politisation de la Cour suprême : la démocratie américaine en péril ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Bien que cette affaire n’ait pas reçu autant d’attention que d’autres avis, comme ceux sur le droit à l’avortement et la réglementation des armes à feu, elle s’inscrit dans un cadre général de <a href="https://blog.juspoliticum.com/2022/04/07/comment-la-cour-supreme-des-etats-unis-deconstruit-letat-administratif-americain-a-propos-de-lordonnance-federation-of-independent-business-v-department-of-labor-595-u-s-__-202/">déconstruction de l’État administratif fédéral états-unien</a> par les conservateurs.</p>
<p>Les enjeux du changement climatique, tout comme ceux de la pandémie du Covid, mettent en exergue des problèmes de gouvernance spécifiquement liés au fédéralisme, à des juges politisés et à un pouvoir central affaibli, au Congrès comme à la Maison Blanche. Un problème exacerbé par une vision idéologique qui a contaminé tous les sujets, y compris le changement climatique, et la science en général.</p>
<h2>Une perte de crédit de Washington sur la scène internationale</h2>
<p>Dans l’immédiat, si la population est largement <a href="https://www.pewresearch.org/science/2022/03/01/americans-largely-favor-u-s-taking-steps-to-become-carbon-neutral-by-2050/">favorable</a> à des mesures qui permettraient au pays d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, l’économie et l’inflation restent la <a href="https://www.pewresearch.org/politics/2022/02/16/publics-top-priority-for-2022-strengthening-the-nations-economy/">priorité d’une majorité d’entre elle</a>, particulièrement chez les Républicains.</p>
<p>La question climatique ne devrait pas être un enjeu majeur des élections de mi-mandat de novembre prochain, et l’inaction politique empêchera très certainement Joe Biden de tenir ses promesses. Rappelons que les États-Unis sont le <a href="https://essd.copernicus.org/articles/14/1917/2022/essd-14-1917-2022.html">plus gros émetteur de gaz à effet de serre</a> par tête d’habitant et le deuxième après la Chine en termes globaux. Leur inaction politique sur cette question les rendront inaudibles lorsqu’ils chercheront à faire pression sur les autres grandes économies afin qu’elles réduisent de façon drastique leurs émissions de gaz à effet de serre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185987/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Viala-Gaudefroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les ambitieux projets de Joe Biden en matière de lutte contre le changement climatique se heurtent à un contexte international délicat et à l’hostilité de l’opposition républicaine.Jérôme Viala-Gaudefroy, Assistant lecturer, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1836702022-06-19T23:35:39Z2022-06-19T23:35:39ZLa planification écologique existe déjà en France… mais doit devenir opérationnelle<p>Entre les deux tours de la présidentielle 2022 a émergé le sujet d’une « planification écologique ». Le terme a été prononcé à maintes reprises, comme une façon de remettre l’environnement sur le devant de la scène, tout en justifiant l’absence d’engagement en faveur de mesures précises et immédiatement applicables dès l’élection du nouveau locataire de l’Élysée.</p>
<p>S’en est suivi la nomination d’Élisabeth Borne, première ministre chargée de la <a href="https://theconversation.com/quelle-transition-ecologique-pour-le-gouvernement-borne-183772">planification écologique et énergétique</a>.</p>
<p>La nature des problèmes environnementaux ainsi que la façon de les résoudre impliquent en effet une nécessaire planification… qui existe déjà en France, même si on peut s’interroger sur sa déclinaison en scénarios cohérents puis en politiques publiques applicables.</p>
<h2>Des enjeux à long terme</h2>
<p>Les enjeux environnementaux concernent le long, voire le très long terme. Qu’il s’agisse de la lutte contre le changement climatique ou de la préservation de la biodiversité, les objectifs de la politique en faveur de l’environnement visent des horizons temporels supérieurs à dix ans, et peuvent même concerner le siècle prochain.</p>
<p>Programmer de telles politiques publiques requiert donc de dépasser tous les mandats politiques.</p>
<p>Prenons le changement climatique. <a href="https://ec.europa.eu/clima/eu-action/international-action-climate-change/climate-negotiations/paris-agreement_fr">L’Accord de Paris</a> fixait dès 2015 l’objectif d’un réchauffement maximum de 2 °C, ce qui implique pour la France d’atteindre le zéro émission nette à l’horizon 2050.</p>
<p>Pour atteindre un tel objectif, il faut mobiliser un ensemble de changements technologiques dans les secteurs de l’énergie, de l’urbanisation, du bâtiment, du transport et de l’industrie, ainsi que le souligne le <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/">GIEC dans son dernier rapport, rendu public au printemps 2022</a>.</p>
<p>Ces changements technologiques comprennent par exemple le passage au véhicule électrique ou le développement de l’électricité d’origine renouvelable.</p>
<p>Ils impliquent des investissements considérables, mais aussi la mise au rebut de capital (centrales thermiques, usines fonctionnant à l’énergie fossile ou véhicules thermiques) qui perd alors toute valeur : on parle ici d’« actifs échoués ».</p>
<p>Ces changements ne peuvent donc pas être réalisés du jour au lendemain.</p>
<p>Par ailleurs, il existe des phénomènes de complémentarité ou de substitution lors de la mise en œuvre conjointe de certaines technologies. Ainsi, il ne pourra exister de large pénétration des véhicules électriques sans un développement sérieux des bornes de recharge.</p>
<p>En revanche, si l’électricité devient intégralement d’origine renouvelable et peu onéreuse, il devient a priori moins important de rénover les bâtiments pour améliorer leur performance énergétique.</p>
<p>Enfin, les nouvelles technologies mises en place le seront pour un temps très long, 30 ans au minimum.</p>
<h2>La programmation environnementale existe déjà !</h2>
<p>Tout cela plaide pour une organisation rigoureuse de la transition afin de sélectionner les investissements, qu’ils soient de la bonne ampleur, et réalisés au bon moment, sur les trente prochaines années.</p>
<p>Cela paraît très ambitieux. Pourtant, une planification écologique à l’horizon 2050, centrée sur la décarbonation de l’économie, existe déjà.</p>
<p>Elle a commencé en 2015, avec la première version de la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc">stratégie nationale bas carbone</a> (SNBC) qui visait une réduction de 75 % des émissions de GES à l’horizon 2050 par rapport à 1990. Elle a ensuite été révisée en 2018-2019, pour atteindre la neutralité carbone en 2050.</p>
<p>La SNBC est précisément la feuille de route de la France pour conduire la politique d’atténuation du changement climatique. Elle définit des budgets carbone, c’est-à-dire les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle de la France à court et moyen termes.</p>
<p>Ainsi, le <a href="https://www.citepa.org/fr/politique-ges/">budget carbone pour la France</a> était-il de 442 MtCO2eq en moyenne annuelle pour la période 2015-2018 (les émissions réelles ont été de 457,6 MtCO2eq/an). Il est de 422 MtCO2eq pour la période 2019-23, de 359 MtCO2eq pour 2024-28 et de 300 MtCO2eq <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc">pour 2029-33</a>.</p>
<p>Surtout, elle donne des <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2020-03-25_MTES_SNBC2.pdf">orientations de politique publique</a> pour mettre en œuvre la transition vers « une économie bas carbone, sobre en consommation de matière et d’énergie, circulaire dans tous les secteurs d’activités et peu productrice de déchets ».</p>
<p>Par exemple, elle propose de recourir aux énergies décarbonées les plus adaptées à la typologie des bâtiments, d’améliorer leur efficacité énergétique (enveloppe et équipements), notamment grâce à de nouvelles réglementations, d’encourager des changements comportementaux pour des usages plus sobres et de promouvoir les produits de construction à plus faible empreinte carbone.</p>
<p>La nouvelle <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-francaise-lenergie-et-climat-lancement-consultation-publique">stratégie française énergie-climat</a> (SFEC), initiée en novembre 2021 avec une consultation publique, comprendra une loi de programmation énergie-climat qui doit être adoptée avant la fin du premier semestre 2023. Cette loi précisera la stratégie nationale bas carbone révisée, le plan national d’adaptation au changement climatique révisé et la programmation pluriannuelle de l’énergie.</p>
<p>Nul doute, donc, qu’il existe bien déjà une planification écologique.</p>
<h2>Les deux écueils de la stratégie bas carbone française</h2>
<p>Pourtant, deux écueils demeurent.</p>
<p>Le premier est que la SNBC n’est pas portée au plus haut de l’agenda de l’action publique. Elle reste relativement confidentielle, largement ignorée en dehors du ministère de l’Écologie, et loin d’orienter l’ensemble des choix.</p>
<p>Ainsi, les lois sont rarement évaluées à l’aune de leur cohérence avec la SNBC. Par exemple, le <a href="https://www.hautconseilclimat.fr/wp-content/uploads/2020/12/hcc_rapport_renover_plan_de_relance.pdf">plan de relance</a> ne consacre que 28 Md€ sur 100 Md€ à des mesures favorables à l’atténuation des émissions de GES, tout en aidant des secteurs comme l’automobile sans condition environnementale. De même, la décision de réduire le prix à la pompe de 15 centimes suite à la crise ukrainienne est certes compréhensible, mais elle va à l’encontre de l’objectif de réduction des émissions du secteur automobile.</p>
<p>Le second est que la SNBC reste finalement assez silencieuse sur la façon de faire advenir les profondes transformations de notre façon de produire et de consommer pour les trente prochaines années qu’elle décrit.</p>
<p>Elle ne décline pas l’ensemble cohérent de politiques publiques d’investissements, de normes ou de subventions à articuler autour d’un prix du carbone qui reflète son objectif de budget carbone.</p>
<p>En outre, elle est très focalisée sur une description sectorielle fine de la transition, au détriment de l’aspect systémique de cette dernière. Ainsi, elle précise pour le secteur des transports le développement des véhicules électriques et des infrastructures liées, sans pour autant le prendre en compte dans le secteur de l’électricité ou celui de la construction.</p>
<p>Elle ne prend pas non plus en compte le « bouclage macroéconomique », c’est-à-dire les effets de retour du scénario de transition sur l’activité économique, et raisonne comme si la transition n’allait pas avoir d’impact sur l’évolution de la productivité et sur la croissance.</p>
<p>Pourtant, une énergie plus chère va peser à la fois sur les coûts de production des entreprises et sur les budgets des ménages, ce qui va freiner la croissance du PIB. Les actifs échoués pèseront également négativement sur la croissance. D’autres effets, comme l’effort d’investissement dans les technologies décarbonées ou la stimulation de l’innovation verte, joueront en sens inverse. L’effet global sur la croissance est a priori incertain, mais il n’y a pas de raison de penser qu’il sera nul.</p>
<p>On ne peut qu’espérer que le virage amorcé par le président de la République entre les deux tours permette un approfondissement et une meilleure utilisation de la planification écologique existante pour définir l’action publique qui engagera vraiment la France dans la transition.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183670/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aude Pommeret est conseiller scientifique à France Stratégie.
Cet article reflète les opinions de ses auteurs et pas nécessairement celles de France Stratégie.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Katheline Schubert est membre du Haut Conseil pour le Climat. </span></em></p>La première ministre Elisabeth Borne sera en charge de la planification écologique et énergétique du pays. Pourtant, de tels plans existent déjà, mais ne sont que peu suivis.Aude Pommeret, Full Professor, IAE Savoie Mont BlancKatheline Schubert, Professeur, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1723342021-11-23T20:09:54Z2021-11-23T20:09:54ZAprès Glasgow, pourquoi nous aurons encore besoin des COP<p>Depuis la conférence de Copenhague en 2009, toutes les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cop-47443">COP</a> sur le climat ou presque ont été présentées comme celles « de la dernière chance ».</p>
<p>De COP en COP, ce message perd forcément en crédibilité. De fait, toutes les COP n’ont pas la même importance. De ce point de vue, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cop26-104786">COP26</a> n’était peut-être pas celle de la dernière chance, mais c’était une COP avec un enjeu fort.</p>
<p>Cet enjeu était même double : le rehaussement de l’ambition des politiques climatiques et la finalisation des règles d’application de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/accord-de-paris-23135">l’Accord de Paris</a> – cet ensemble de règles est nommé <em>rule book</em>.</p>
<h2>Sur la piste des 2,7 °C</h2>
<p>S’agissant de l’ambition, les États étaient appelés à réviser ou actualiser, au 1<sup>er</sup> juillet 2021, leurs contributions nationales, lesquelles formalisent leurs engagements en termes de réduction d’émissions de gaz à effet de serre.</p>
<p>Plusieurs études ont montré cet automne que ces engagements étaient insuffisants. En particulier, l’<a href="https://unfccc.int/process-and-meetings/the-paris-agreement/nationally-determined-contributions-ndcs/nationally-determined-contributions-ndcs/ndc-synthesis-report">analyse du secrétariat de l’Accord de Paris</a> a montré qu’ils conduisaient à 2,7 °C d’augmentation moyenne des températures d’ici la fin du siècle.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1457614030000967683"}"></div></p>
<p>C’est mieux que les 3 ou 3,5° qu’annonçaient les contributions initiales des États en 2015, mais c’est bien loin des objectifs posés dans l’Accord de Paris !</p>
<p>Or, notre budget carbone diminue chaque année et, sans infléchissement notable et rapide de nos courbes d’émission, limiter les températures nettement en dessous de 2 °C voire à 1,5 °C va devenir tout bonnement impossible. La décennie en cours est donc effectivement une décennie cruciale.</p>
<p>Quant au <em>rule book</em>, il avait pour l’essentiel été adopté lors de la COP24 à Katowice en 2018. Mais certains détails (calendrier des contributions nationales, encadrement des marchés du carbone, finalisation des mécanismes de suivi de la mise œuvre…), trop conflictuels, n’avaient pu l’être. Ils avaient été renvoyés à la COP25 à Madrid, qui les avait à son tour renvoyés à la COP26.</p>
<p>Il était donc temps à Glasgow de s’y atteler, pour que l’Accord de Paris soit enfin pleinement applicable, dans tous ses mécanismes et dispositions.</p>
<h2>Pour la première fois sur la table, la fin des énergies fossiles</h2>
<p>Les engagements des États demeurent insuffisants et leur application est plus qu’incertaine. Pourtant, la COP a marqué de réels progrès. On a assisté durant les deux semaines de la COP26 à Glasgow à la constitution de nombreuses coalitions et alliances.</p>
<p>Citons par exemple une <a href="https://ukcop26.org/global-coal-to-clean-power-transition-statement/">Déclaration mondiale sur la transition du charbon à l’énergie propre</a>, un <a href="https://ukcop26.org/glasgow-leaders-declaration-on-forests-and-land-use/">Forest Deal</a> sur la lutte contre la déforestation, une <a href="https://www.gouvernement.fr/la-france-cesse-les-financements-publics-a-l-etranger-de-projets-d-energies-fossiles">Coalition pour la fin du financement des énergies fossiles à l’étranger</a> incluant gaz et pétrole sans dispositif de capture, un <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/statement_21_5766">Pacte global pour le méthane</a>, une <a href="https://beyondoilandgasalliance.com/">Beyond Oil and Gas Alliance</a>. Sans compter une ambitieuse déclaration conjointe « surprise » de la Chine et des États-Unis sur le renforcement de l’action climatique dans les années à venir.</p>
<p>Ces engagements politiques, pris en marge des négociations officielles, ont pu agacer parce que formant des attelages hétéroclites, ne regroupant pas forcément les principaux acteurs concernés, dénués de tout contrôle ou obligation de rendre des comptes et non articulés avec les engagements des États dans le cadre de l’Accord de Paris. « Blah blah blah » a considéré Greta Thunberg.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1459612735294029834"}"></div></p>
<p>Pourtant, à y regarder de plus près, ces alliances ont insufflé de l’ambition.</p>
<p>D’une part, des États absents à l’origine les rejoignent et les alliances s’élargissent. D’autre part, la <a href="https://unfccc.int/sites/default/files/resource/cop26_auv_2f_cover_decision.pdf">principale décision de la COP</a> (1/CMA.3, pour première décision de la troisième réunion des Parties à l’Accord de Paris) se réfère – c’est une première – à la diminution du charbon et à l’élimination des subventions aux fossiles (« the phasedown of unabated coal power and phase-out of inefficient fossil fuel subsidies »), de même qu’à l’importance de réduire les émissions de méthane.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1460312221913952266"}"></div></p>
<p>Certes, les formules ont été affaiblies par rapport aux propositions initiales de la présidence. Il est regrettable que l’<em>abandon</em> ait fait place à la <em>réduction progressive</em> de la production d’électricité à partir de charbon et qu’on ne s’attaque qu’aux subventions <em>inefficaces</em> ( !) aux combustibles fossiles.</p>
<p>Mais les choix énergétiques des États, jusqu’ici non négociables, font maintenant partie des discussions internationales. Il aura fallu attendre 26 COP pour cela ! Ces sujets vont rester à l’agenda des prochaines COP et on peut espérer qu’elles aillent plus loin.</p>
<h2>Mettre fin aux dissonances cognitives</h2>
<p>La décision de Glasgow est très claire sur l’importance de limiter l’augmentation à 1,5 °C (un objectif qui n’était qu’aspirationnel dans l’Accord de Paris) et la nécessité d’adopter des mesures rapides, profondes et durables.</p>
<p>Elle précise sans ambiguïté qu’il faut réduire les émissions mondiales de dioxyde de carbone de 45 % d’ici à 2030 par rapport au niveau de 2010, en les ramenant à zéro vers le milieu du siècle, ainsi qu’en réduisant fortement les autres gaz à effet de serre. Or, c’est une <a href="https://unfccc.int/process-and-meetings/the-paris-agreement/nationally-determined-contributions-ndcs/nationally-determined-contributions-ndcs/ndc-synthesis-report">hausse de 16 %</a> qui est attendue…</p>
<p>Reconnaissant l’urgence, la décision lance un appel à une nouvelle révision des contributions nationales dès l’année prochaine. C’est positif, mais il ne faudra aussi que le relèvement de l’ambition se traduise effectivement par des mesures concrètes sur le terrain.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1463090677319966723"}"></div></p>
<p>Car, si les États sont prudents, c’est qu’il leur faut ensuite concrétiser leurs engagements internationaux. Or, beaucoup d’entre eux, y compris parmi ceux du G20, qui représentent 80 % des émissions mondiales, savent qu’ils ne sont pas sur la bonne trajectoire pour atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés, comme l’indique un <a href="https://www.unep.org/resources/emissions-gap-report-2021">rapport du Programme des Nations unies sur l’environnement</a> (PNUE).</p>
<p>Les engagements – de maintenant plus de 80 États – à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 (ou 2060 pour la Chine et 2070 pour l’Inde) sont encourageants… Mais ils ne se traduisent pas concrètement comme ils le devraient par des réductions d’émission à la fois fortes et rapides à court terme.</p>
<h2>Un <em>rule book</em> entièrement finalisé</h2>
<p>La COP est enfin parvenue à finaliser le <em>rule book</em> de l’Accord de Paris, en prenant des décisions assez équilibrées notamment sur des calendriers communs pour les contributions nationales, le cadre de transparence ou les marchés du carbone.</p>
<p>Un groupe d’experts de haut niveau va aussi être mis en place pour examiner les engagements des acteurs non étatiques. De ce point de vue, plus rien ne s’oppose à la pleine mise en œuvre de l’Accord de Paris.</p>
<p>En revanche, les pays du Nord ont déçu les pays du Sud sur la question des financements et des pertes et préjudices causés par les changements climatiques.</p>
<p>Il avait été décidé à Paris qu’un nouvel objectif plancher pour les financements climatiques, au-delà de celui fixé en 2009 de 100 milliards de dollars annuels en 2020 (objectif qui devrait être atteint plutôt en 2022 ou 2023) devrait être fixé avant 2025. Les négociations sont lancées et elles promettent d’être difficiles.</p>
<p>La décision adoptée à Paris prévoyait aussi que :</p>
<blockquote>
<p>« La fourniture de ressources financières accrues devrait viser à parvenir à un équilibre entre l’adaptation et l’atténuation. »</p>
</blockquote>
<p>En pratique, l’essentiel des financements est allé jusqu’ici à l’atténuation, alors que les coûts de l’adaptation vont croissant. <a href="https://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Project-and-Operations/Cost%20of%20Adaptation%20in%20Africa.pdf">Les pays africains y consacreraient déjà 10 % de leur PIB</a>. Ici, les pays du Sud ont obtenu que la décision de Glasgow appelle à un doublement des financements pour l’adaptation avant 2025.</p>
<p>Mais ce sera encore bien loin des besoins. À côté du relèvement de l’ambition, ces sujets épineux seront au cœur de la prochaine COP, fin 2022, en Égypte, et probablement encore des suivantes.</p>
<h2>Faire évoluer les COP, pas les supprimer</h2>
<p>Le processus est chaotique, les avancées sont lentes et le tableau qu’offrent les négociateurs est chaque année plus en décalage avec l’état des connaissances scientifiques et les attentes des opinions publiques et notamment des mouvements de jeunes.</p>
<p>Pourtant, même si on pourrait réfléchir à une évolution de leur format et de leur périodicité, nous avons encore besoin de ces conférences : pour conserver la question au plus niveau sur l’agenda international, pour continuer à pousser les États à relever l’ambition de leurs politiques et mesures, mais aussi pour suivre et mesurer les efforts accomplis et ainsi s’assurer qu’il ne s’agit pas de… bla-bla-bla.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172334/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sandrine Maljean-Dubois ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les avancées et les limites de la récente COP26 soulignent la nécessité de faire évoluer les conférences internationales sur le climat. Pas de les supprimer.Sandrine Maljean-Dubois, Directrice de recherche CNRS, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1560462021-03-22T19:25:38Z2021-03-22T19:25:38ZGestion de l’eau : les limites des démarches participatives en matière d’environnement<p>Face aux défis environnementaux, les décisions prises de manière unilatérale et centralisée ont montré leurs limites. Il est désormais admis que les parties prenantes – acteurs économiques, associations, collectivités locales – <a href="https://www.youtube.com/watch?v=WCOdFXJC5lI">doivent être incluses dans une démarche participative et concertée</a>. En France, la <a href="https://www.debatpublic.fr/">Commission nationale du débat public (CNDP)</a>, créée en 1995, est notamment en charge de s’assurer de la participation du public à l’élaboration de grands projets d’aménagement du territoire (les projets de parcs éoliens en mer, par exemple).</p>
<p>On attend des processus participatifs qu’ils aident à résoudre les problèmes environnementaux principalement <a href="https://www.ssoar.info/ssoar/bitstream/handle/document/43196/ssoar-ccp-2007-1-newig-Does_public_participation_in_environmental.pdf">via deux mécanismes</a> : d’une part, par le partage d’expériences de chaque acteur, qui apporte des informations utiles pour formuler de meilleures décisions à terme. Ensuite, en permettant aux décisions prises d’être plus adaptées aux réalités du terrain, donc plus suivies et plus légitimes aux yeux des populations locales. <a href="https://www.novethic.fr/actualite/environnement/pollution/isr-rse/notre-dame-des-landes-sivens-echillais-pourquoi-les-zad-se-multiplient-elles-en-france-142991.html">Les fortes contestations contre le barrage de Sivens, ou l’aéroport de Notre-Dame des Landes</a> ont porté d’ailleurs entre autres sur la qualité des rapports réalisés pour l’élaboration des projets, et sur la légitimité des décisions prises.</p>
<p>Néanmoins, intégrer la participation citoyenne à ces décisions n’est pas chose facile. En s’attaquant à des sujets complexes qui portent en eux une dimension sociale, comme le changement climatique, la préservation des écosystèmes ou la gestion des ressources en eau, la gouvernance environnementale est toujours confrontée à une diversité de perceptions.</p>
<p>En outre, ces enjeux affectent et sont affectés par une grande diversité d’acteurs. <a href="https://www.francebleu.fr/infos/agriculture-peche/les-bassines-une-solution-contre-la-secheresse-pour-les-agriculteurs-d-indre-et-loire-1564143974">C’est le cas des bassines dans l’Ouest de la France</a>, où des agriculteurs voient ces aménagements de stockage de l’eau comme une manière de s’adapter au changement climatique, et les associations de défense de l’environnement comme une menace supplémentaire pour un cycle de l’eau déjà malmené. Dans ces cas, les désaccords sont souvent profonds et perdurent des années en <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/03637750801952735">« conflits insolubles »</a>.</p>
<h2>Une efficacité qui n’est pas établie</h2>
<p>Il serait dangereux et erroné de croire que la mise en place de processus de participation serait une recette magique pour réussir la transition écologique. Plus de vingt ans après la <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=LEGISSUM%3Al28056">Convention d’Aarhus</a> (2001) visant l’émergence d’une « démocratie environnementale », la littérature académique n’a pas prouvé empiriquement que les processus de participation ou de concertation garantissent toujours l’amélioration ou la préservation de conditions environnementales, telle que la qualité des eaux ou la pollution de l’air.</p>
<p>Tout d’abord, il s’agit d’un sujet très complexe à étudier dans le cadre d’une démarche scientifique systématique, et en l’état, il n’y a pas un consensus académique établi et éprouvé sur l’efficacité environnementale de la participation. À la question, « est-ce qu’inclure tout le monde résoudra les problèmes environnementaux ? », la réponse est « on ne sait pas trop, cela dépendra sans doute du problème et de la forme que prendra la participation ».</p>
<p>Un long chemin est encore nécessaire pour comprendre les conditions dans lesquelles la participation de l’ensemble des acteurs est efficace <a href="https://science.sciencemag.org/content/357/6352/eaan1114.abstract">pour atteindre les objectifs environnementaux</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1354235035403112454"}"></div></p>
<p>En effet, <a href="https://doi.org/10.4000/vertigo.8346">certains contre-arguments peuvent être avancés</a> à l’effet positif de la participation sur les indicateurs environnementaux : dans le cas de crises environnementales exigeant une réponse rapide, les processus de participation peuvent être trop longs, et donc retarder la mise en place des mesures nécessaires. Ils peuvent également renforcer les rapports de force existants.</p>
<h2>Le risque de renforcer les rapports de force</h2>
<p>Dans son ouvrage fondateur de 1990 sur la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Gouvernance_des_biens_communs_:_Pour_une_nouvelle_approche_des_ressources_naturelles">gouvernance des communs</a>, le prix Nobel d’économie Elinor Ostrom pointe déjà du doigt quelques facteurs pouvant compliquer une gestion collective réussie de ressources communes.</p>
<p>Entre autres, celle-ci est plus facile sur des territoires moins grands, aux frontières clairement définies, incluant des acteurs qui dépendent tous des mêmes ressources sur le long terme, et pouvant communiquer entre eux dans un climat de confiance. Or ces conditions sont loin d’être réunies pour tous les enjeux environnementaux de notre siècle, qu’il s’agisse du changement climatique ou de la gestion de grands bassins hydrographiques.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/qrgtbgjMfu0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Des communs et des hommes. (Data Gueule/Youtube, 20 juin 2015).</span></figcaption>
</figure>
<p>Surtout, participer à la prise de décisions environnementales requiert des acteurs concernés des ressources comme le temps, l’énergie, des connaissances de base sur des sujets qui peuvent se révéler très techniques et surtout, une certaine motivation à participer. Or ces ressources sont inégalement réparties au sein de la population, ce qui peut mener à une surreprésentation de certains acteurs – économiques notamment – dans les délibérations.</p>
<p>C’est en ce sens que les processus de participation peuvent reproduire ou amplifier des déséquilibres de pouvoir préexistants. Ces déséquilibres de représentation dans les assemblées pourraient même à terme se ressentir dans les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301479720317618">conditions des milieux naturels</a>.</p>
<h2>Le cas de la gouvernance de l’eau</h2>
<p>Prenons le cas de l’eau. Dans ce domaine, il y a des décennies que des démarches participatives sont appliquées. Dans les pays de l’Union européenne, La Directive-cadre sur l’eau (DCE) adoptée en 2000 incite les États membres à favoriser la participation de tous dans l’élaboration des plans de gestion des ressources en eau dans les bassins hydrographiques.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/387538/original/file-20210303-19-i2cgrv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/387538/original/file-20210303-19-i2cgrv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/387538/original/file-20210303-19-i2cgrv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/387538/original/file-20210303-19-i2cgrv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/387538/original/file-20210303-19-i2cgrv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/387538/original/file-20210303-19-i2cgrv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/387538/original/file-20210303-19-i2cgrv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/387538/original/file-20210303-19-i2cgrv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les bassins hydrographiques français.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/0/0e/France-Bassins-hydro.png/1280px-France-Bassins-hydro.png">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette participation peut prendre deux formes : une consultation générale du public sur les orientations prises ; une participation active d’acteurs clefs dans le processus de prise de décisions. Dans les deux cas, on attend du processus qu’il aide à obtenir de meilleurs résultats en matière d’état des milieux aquatiques.</p>
<p>La France avait même largement devancé l’Europe dans cette démarche en mettant en place des comités de bassin, aussi appelés « parlements de l’eau », dès la fin des années 1960. Ces comités de bassin réunissent des représentants des collectivités locales, de l’État, des industriels, des agriculteurs, des associations de protection de la nature, de consommateurs… dans un exercice intense et ambitieux de concertation pour élaborer ensemble une politique de l’eau adaptée aux territoires.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/n_RF4mOjKcw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’eau en France : tous concernés ! (France Nature Environnement Centre-Val de Loire/Youtube).</span></figcaption>
</figure>
<p>Vingt ans après cette directive, en France comme ailleurs en Europe, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Seuls 40 % des eaux de surface des pays de l’UE sont considérés en bon état écologique <a href="https://www.eea.europa.eu/airs/2018/natural-capital/surface-waters">selon un rapport de 2018</a> de l’Agence européenne pour l’environnement ; alors que l’objectif initial était d’atteindre 100 % de masses d’eau en bon état en 2015 – un objectif reporté depuis à 2027.</p>
<p>Certes, l’injonction de participation fixée dans la DCE n’a pas été mise en place de la même manière dans chaque pays membre. Cependant, une étude couvrant l’Angleterre, la France, l’Allemagne, l’Italie, la Pologne et l’Espagne montre que les responsables administratifs engagés dans la mise en place des processus participatifs ont eux-mêmes <a href="http://www.water-alternatives.org/index.php/alldoc/articles/vol13/v13issue3/589-a13-3-7/file">jugé peu efficace la participation active</a> d’acteurs-clefs et totalement inefficaces les consultations du public sur l’amélioration de l’état des milieux aquatiques. Ils pointent notamment la surreprésentation des acteurs agricoles conventionnels et un manque d’intérêt du grand public parmi les principaux obstacles rencontrés.</p>
<p>Dans le cas de la France, les comités de bassin peinent eux aussi à faire face aux <a href="http://www.water-alternatives.org/index.php/alldoc/articles/vol13/v13issue3/588-a13-3-6/file">enjeux de pollution diffuse des eaux, notamment liée aux activités agricoles</a>. Alors qu’on attend d’un processus participatif qu’il évite les conflits entre usagers, les longues délibérations menées pour l’élaboration du schéma directeur 2016-2021 en Seine-Normandie n’ont pas empêché son annulation après une action en justice <a href="https://www.actu-environnement.com/ae/news/Annulation-sdage-Seine-Normandie-2022-2027-ministere-appel-33044.php4">engagée par une fédération de syndicats agricoles</a>.</p>
<p>Les consultations du public organisées par les agences de l’eau sont par ailleurs, hélas, largement ignorées, avec de faibles taux de réponse.</p>
<p>Combien de citoyens français savent à quelles instances de bassin ils sont rattachés et connaissent l’existence des comités de bassin censés les représenter et de ces démarches de consultation ?</p>
<h2>Pas de recette miracle</h2>
<p>Comme nous alertait Elinor Ostrom, il <a href="https://www.shareable.net/no-panaceas-elinor-ostrom-talks-with-fran-korten/">n’y a pas de panacée</a> en matière de gouvernance collective.</p>
<p>Il est naturel que toutes les démarches participatives n’aboutissent pas forcément. Si nous attendons des miracles de la mise en place de processus de participation sur les enjeux environnementaux locaux comme globaux, il est fort probable que nous soyons déçus et même découragés quant à la faisabilité de la transition écologique.</p>
<p>S’il y a une leçon à retenir du cas de la gouvernance de l’eau, c’est qu’il n’y a pas de vraie participation sans sensibilisation et mobilisation de la population au sens large. Sans quoi certains groupes plus motivés ou dotés de plus de ressources risquent de préempter le processus, et réduire à néant les promesses de la participation.</p>
<p>Face à cela, que faire ? Pour commencer, du 1<sup>er</sup> mars au 1<sup>er</sup> septembre 2021, la <a href="https://enimmersion-eau.fr/consultation-du-public-donnez-votre-avis-sur-leau/">nouvelle édition de consultation du public des agences de l’eau</a> est en cours pour tous les bassins français. Alors, n’hésitez pas à participer et relayer l’information pour que cette démarche puisse porter ses fruits !</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1367772657349967875"}"></div></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156046/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lucie Baudoin a reçu des financements de la Généralité de Catalogne et du Fond social européen au cours de ces recherches (bourse FI-AGAUR 2018 FI_B 00258, 2019 FI_B1 00166 et 2020 FI_B2 00127). </span></em></p>Participer à la prise de décisions environnementales requiert du temps, de l’énergie, des connaissances de base sur des sujets qui peuvent se révéler très techniques et de la motivation.Lucie Baudoin, Post-doctorante en sciences de gestion, Montpellier Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1427432020-08-18T17:53:59Z2020-08-18T17:53:59ZLe scepticisme de la Russie vis-à-vis du changement climatique expliqué par son histoire scientifique<p>Selon la dernière <a href="https://bellona.org/news/climate-change/2020-05-poll-finds-russia-wants-environmentally-sustainable-solutions-to-covid-19-downturn">enquête Ipsos</a>, seuls 13 % des Russes pensent que le changement climatique devrait être la principale préoccupation environnementale de leur gouvernement. Il s’agit du taux le plus bas parmi les 29 pays sondés.</p>
<p>En outre, 37 % des personnes interrogées ne pensaient pas que le changement climatique était dû à l’action humaine, mais à une évolution naturelle du climat.</p>
<p>Parmi les sondés, les Russes se classaient ainsi deuxièmes en termes de scepticisme sur l’origine anthropogénique du changement climatique, derrière les Japonais (47 %) et tout juste devant les Américains (34 %).</p>
<p>Cette proportion très élevée de sceptiques sur l’origine humaine du changement climatique est souvent interprétée comme la conséquence d’un positionnement récent de Vladimir Poutine lié aux intérêts de l’État pétrolier. Le président semble en effet <a href="https://www.climatescorecard.org/2020/02/president-putin-admits-climate-change-is-happening-and-the-russian-government-unveils-a-climate-adaptation-plan">sous-estimer</a> la nécessité, pour son gouvernement, de réagir à ce phénomène.</p>
<p>L’origine du scepticisme russe sur les causes humaines du changement climatique remonte au moins à la découverte de ce phénomène dans les années 1960 et s’est consolidée tout au long de la guerre froide.</p>
<h2>Les scientifiques soviétiques pionniers sur le réchauffement climatique</h2>
<p>La recherche sur le climat a occupé une place importante dans les sciences physiques en Union soviétique, principalement pour des raisons stratégiques et économiques.</p>
<p>Ainsi, le géographe américain Paul E. Lydolph <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00385417.1971.10770283">notait-il</a> en 1971 que :</p>
<blockquote>
<p>« La moitié de la littérature climatologique publiée dans le monde aujourd’hui est écrite par des climatologues soviétiques […], le reste du monde ne peut guère se permettre d’ignorer cette énorme masse d’information. »</p>
</blockquote>
<p>L’Union soviétique disposait en effet d’une solide base d’études climatologiques héritée des scientifiques de l’empire russe et constituée, déjà, avant tout pour des raisons militaires et économiques.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/348979/original/file-20200722-26-2kbj4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/348979/original/file-20200722-26-2kbj4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/348979/original/file-20200722-26-2kbj4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/348979/original/file-20200722-26-2kbj4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/348979/original/file-20200722-26-2kbj4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1002&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/348979/original/file-20200722-26-2kbj4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1002&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/348979/original/file-20200722-26-2kbj4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1002&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Mikhaïl Budyko (1920-2001).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://ru.wikipedia.org/wiki/%D0%91%D1%83%D0%B4%D1%8B%D0%BA%D0%BE,_%D0%9C%D0%B8%D1%85%D0%B0%D0%B8%D0%BB_%D0%98%D0%B2%D0%B0%D0%BD%D0%BE%D0%B2%D0%B8%D1%87#/media/%D0%A4%D0%B0%D0%B9%D0%BB:%D0%91%D1%83%D0%B4%D1%8B%D0%BA%D0%BE,_%D0%9C%D0%B8%D1%85%D0%B0%D0%B8%D0%BB_%D0%98%D0%B2%D0%B0%D0%BD%D0%BE%D0%B2%D0%B8%D1%87.jpg">Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À partir des années 1960, cependant, le pouvoir soviétique s’est intéressé de plus près au climat. En pleine guerre froide, Moscou (comme Washington) a massivement investi dans la recherche sur ce que nous appelons aujourd’hui la géo-ingénierie.</p>
<p>Les pistes explorées concernaient principalement la possibilité de modifier le <a href="https://books.google.de/books?id=czdsDwAAQBAJ">climat de l’Arctique</a>, par exemple en couvrant la glace de poussière noire ou de papier d’aluminium, ou encore en fermant le détroit de Béring pour empêcher l’eau froide de rejoindre l’océan Arctique. Grâce à l’augmentation des moyens financiers consacrés à ces recherches dans les années 1970, les scientifiques soviétiques ont commencé à explorer les causes du changement climatique, ainsi que les moyens technologiques de le prévenir.</p>
<p>En 1971, le climatologue soviétique <a href="https://public.wmo.int/en/about-us/awards/international-meteorological-organization-imo-prize/mikhail-ivanovich-budyko">Mikhaïl Budyko</a> (1920-2001) a ainsi été l’un des premiers au monde à affirmer le caractère inévitable du réchauffement climatique d’origine anthropique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1131558152724459522"}"></div></p>
<p><a href="https://www.researchgate.net/publication/304456338_Mikhail_Budyko%E2%80%99s_1920-2001_contributions_to_Global_Climate_Science_from_heat_balances_to_climate_change_and_global_ecology">Pendant les trente années suivantes</a>, Budyko et son équipe ont observé et étudié le changement climatique d’origine anthropique. S’appuyant principalement sur des données paléo-climatologiques, ils ont recherché des conditions climatiques analogues dans les ères géologiques remontant jusqu’à 3 à 5 millions d’années afin de faire des projections pour l’avenir. Cette méthode paléo-analogique a suscité la critique des scientifiques occidentaux rencontrés dans le cadre de <a href="https://journals.ametsoc.org/bams/article/65/1/11/52029/The-U-S-U-S-S-R-Agreement-on-Protection-of-the">l’Accord environnemental de 1972 entre les États-Unis et l’URSS</a>. Notamment au motif que le taux de CO<sub>2</sub> similaire au Pliocène avait des causes très différentes.</p>
<p>En d’autres termes, ces critiques rejetaient la signification d’une comparaison entre le climat d’une ère antérieure où le genre humain n’existait pas encore avec les conditions actuelles, comparaison qui faisait donc disparaître le facteur humain des paramètres.</p>
<p>Les scientifiques soviétiques ont également travaillé sur les modèles de circulation générale (MCG). Il s’agit d’un type de modélisation climatique qui intègre les processus physiques à l’œuvre dans l’atmosphère, les océans, les calottes glaciaires et à la surface terrestre et qui est utilisé pour simuler la façon dont le système climatique global réagit aux concentrations croissantes de gaz à effet de serre. Mais la recherche sur ce type de modèle climatique numérique n’a repris qu’au milieu des années 1990 en raison d’un accès limité aux nouvelles technologies.</p>
<h2>Une valorisation de l’action humaine pour éviter la glaciation</h2>
<p>La climatologie soviétique a progressé de pair avec son homologue occidentale, que ce soit sur la modification des conditions météorologiques, la circulation atmosphérique, la modélisation des climats passés ou l’étude du climat arctique, avec néanmoins d’importantes différences de perspective. Reconnaissant les risques liés au changement climatique, Budyko soutenait ainsi en 1973 dans un article intitulé « Dioxyde de carbone atmosphérique et climat », que :</p>
<blockquote>
<p>« l’impact des humains sur le climat a une importance majeure pour la prévention d’une future glaciation… Il est évident qu’avec le maintien de l’impact actuel sur l’atmosphère, la glaciation pourrait être évitée. »</p>
</blockquote>
<p>Cette idée venait de ses études sur le bilan thermique de la Terre qui ont façonné plus tard sa théorie de <a href="http://www.cea.fr/multimedia/pages/animations/climat-environnement/effet-albedo.aspx">l’effet albédo</a>, qui explique le refroidissement suscité par la réflexion du rayonnement solaire sur la glace.</p>
<p>Cette théorie impliquait également un moindre dégagement de chaleur en raison de la diminution du taux de CO<sub>2</sub> dans l’atmosphère, donc une production accrue de glace et, in fine, de réflexion du rayonnement solaire. Avec à terme pour horizon inexorable, selon Budyko, une <a href="https://www.sciencemag.org/news/2000/05/refuge-life-snowball-earth">« Terre blanche »</a> (<a href="https://www.elsevier.com/books/climate-and-life/budyko/978-0-12-139450-9"><em>Climat et vie</em></a>, 1971).</p>
<p>Un deuxième argument soutenu au cours des années 1980 concernait le CO<sub>2</sub>.</p>
<p>Un consensus international avait émergé sur les effets de serre du CO<sub>2</sub> sur l’atmosphère, mais les scientifiques soviétiques ont surtout retenu et démontré l’impact positif de ce phénomène sur le processus de photosynthèse et la croissance conséquente de la production agricole (<a href="https://www.cambridge.org/core/journals/american-antiquity/article/anthropogenic-climatic-change-m-i-budyko-and-yu-a-izrael-editors-university-of-arizona-press-tucson-1991-russian-edition-1987-xiv-485-pp-figures-tables-bibliography-6000-cloth/232C6C8D7AB74A3A89CECAD108315470">Budyko & Izrael, <em>Anthropogenic Climate Change</em>, 1991</a>).</p>
<p>Ils prédisaient que les sécheresses et les moindres précipitations ne seraient que <a href="https://www.newscientist.com/article/mg12316791-200-soviet-climatologist-predicts-greenhouse-paradise/">temporaires</a> et suivies d’effets plus bénéfiques.</p>
<p>Pour la Russie, cela signifierait un allongement des saisons agricoles et un accroissement des terres arables grâce au décalage des zones climatiques vers le nord. Certaines des conclusions de Budyko et de son équipe ont été confirmées par la suite par une <a href="https://www.springer.com/gp/book/9789027727015">étude</a> entreprise en 1988 à l’Institut international d’analyse des systèmes appliqués (IIASA) en Autriche.</p>
<p>Par conséquent, l’impact humain sur le changement climatique était considéré comme bénéfique et son niveau appelé à demeurer constant. Budyko aurait d’ailleurs qualifié toute réduction de CO<sub>2</sub> de « crime contre l’humanité » lors d’une conférence à Hambourg en 1988. Par-delà l’exagération, on retrouve bien une approche positive cohérente avec ses conclusions sur le bilan thermique de la Terre.</p>
<h2>Politique climatique</h2>
<p>La question du changement climatique, si elle était connue, ne s’est retrouvée <a href="https://www.clisap.de/research/c:-climate-change-and-social-dynamics/crg-media-constructions-of-climate-change/completed-projects/international-climate-communication/global-media-map-on-climate-change-3/">au cœur des préoccupations de l’opinion publique soviétique puis russe qu’en 2010</a>. Ce <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09668136.2012.701388">regain d’intérêt</a> pendant la présidence Medvedev s’explique par un effort d’investissement dans l’introduction de nouvelles technologies, de gains en efficacité énergétique et de stimulation de la croissance économique.</p>
<p>En revanche, elle était beaucoup plus importante pour les responsables participant aux débats environnementaux internationaux, par exemple Yuri Izrael, le chef des services hydrométéorologiques soviétiques ou Viktor Danilov-Danilyan, ministre de l’Environnement (1991-1996). D’où quelques incohérences.</p>
<p>D’un côté, la couverture médiatique grand public sur le sujet est apparue beaucoup plus tôt qu’en Occident. Alors qu’en Union soviétique les lecteurs des journaux nationaux tels que <em>Pravda</em> et <em>Izvestia</em> connaissaient déjà l’effet de serre en 1972, l’hebdomadaire allemand <em>Der Spiegel</em> n’en a fait mention pour la première fois qu’en <a href="https://www.spiegel.de/spiegel/print/d-40606131.html">1978</a>.</p>
<p>Mais, à la suite de la Conférence mondiale sur le climat de Genève en 1979, tandis qu’une quantité croissante d’articles publiés dans la presse occidentale pointaient le lien entre la consommation de combustibles fossiles et le changement climatique, la responsabilité du dioxyde de carbone a en revanche lentement disparu des déclarations officielles et de la couverture médiatique soviétiques.</p>
<h2>Climat post-soviétique</h2>
<p>Ces positions divergentes ont évolué depuis l’effondrement de l’Union soviétique.</p>
<p>Alors que les climatologues russes n’appellent désormais plus à l’inaction, les réalisations soviétiques dans ce domaine ont été distordues, presque oubliées et la politisation de la question est montée en flèche en Russie comme aux États-Unis. Lors des discussions au sujet de la <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2005-4-page-37.htm">ratification par la Russie du protocole de Kyoto en 2004</a>, la majorité des scientifiques se sont prononcés contre, arguant qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour justifier la mise en œuvre de mesures politiques. Compte tenu de la masse de savoir scientifique produite à l’époque soviétique, y compris sur les preuves de l’impact anthropique sur le climat, il est assez surprenant que cet argument soit venu de la part des scientifiques.</p>
<p>Quinze ans plus tard, lors de la Semaine de l’éducation environnementale organisée à Moscou en mai 2020, les intervenants du panel sur le changement climatique soulignaient toujours <a href="http://rosekoakademia.ru/news/globalnye-ekologicheskie-problemy-izmenenie-klimata-chetvertyj-den-nedeli-ekologicheskogo-obrazovaniya/">l’incertitude scientifique entourant la question</a>.</p>
<p>Un examen plus approfondi révèle cependant que ces déclarations publiques, ainsi que le vote du Conseil scientifique russe sur le protocole de Kyoto, n’impliquaient que très peu de véritables experts en matière de changement climatique.</p>
<p>L’organisation du vote par l’ancien chef des Services hydrométéorologiques Yuri Izrael en est souvent présentée comme la cause, du fait de ses positions bien connues – <a href="https://www.theguardian.com/environment/2013/sep/24/why-geoengineering-suits-russias-carbon-agenda">ce promoteur de la géo-ingénierie niait l’existence du changement climatique</a>. Très peu de climatologues ont donc participé à ce vote mais, parmi les rares présents, le physicien atmosphérique <a href="http://ecosovetnik-pskovreg.ru/wp-content/uploads/2018/06/Istoriya-ohrany-prirody-v-Rossii.pdf">Georgiy Golitsyn a voté pour la ratification</a> et a ensuite signé une pétition avec quatre autres scientifiques, dont l’ancien ministre de l’Environnement Viktor Danilov-Danilyan.</p>
<p>Les experts climatiques russes sont néanmoins les premiers à vouloir être consultés. En janvier 2019, 22 climatologues russes ont signé une pétition adressée au chef de l’Académie russe des sciences et <a href="https://nplus1.ru/blog/2019/01/25/ras-climate">ont demandé à être davantage inclus dans les décisions gouvernementales</a> sur les actions contre le changement climatique. Ils ont critiqué le fait que les déclarations officielles faisaient référence non pas à leur expertise climatologique mais à des « experts » et « scientifiques » non identifiés lorsqu’il s’agissait de prétexter un manque de preuves scientifiques sur le changement climatique. Les signataires ont affirmé qu’aucun d’eux n’avait jamais été consulté.</p>
<h2>Réalités climatiques</h2>
<p>Comme dans d’autres débats, se superposent donc plusieurs couches de « vérités » climatiques – celles des climatologues actuels, des soi-disant experts et des fonctionnaires de l’État eux-mêmes. Alors qu’à l’époque de l’Union soviétique les résultats scientifiques publiés sur le changement climatique étaient souvent, mais pas toujours, conformes à l’agenda politique, aujourd’hui la science du climat et la politique nationale semblent déconnectées.</p>
<p>Les scientifiques n’ont plus besoin de soutenir les industries extractives en Russie comme ils le faisaient à l’époque soviétique. Mais ceux d’entre eux qui poursuivent l’œuvre de Budyko et misent encore sur les avantages du changement climatique mondial fournissent aux bénéficiaires de la manne pétrolière un cadre de référence pour prôner l’inaction.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142743/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Katja Doose ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le changement climatique, amplement étudié en Russie depuis l’époque soviétique, y est souvent perçu de façon positive, car le réchauffement semble favoriser les intérêts économiques du pays…Katja Doose, Chercheuse post-doctorale au CERCEC (EHESS) Visiting fellow, Centre for Environmental Studies, Graduate Institute – Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1247932019-10-20T19:40:32Z2019-10-20T19:40:32ZFaut-il accorder du crédit au projet « Alger Ville durable » ?<p>Sur le plan législatif, les autorités algériennes ont affirmé de longue date <a href="http://www.aps.dz/algerie/80052-l-onu-salue-les-effort-de-l-algerie-pour-atteindre-les-objectifs-de-developpement-durable">leur adhésion aux principes du développement durable</a>. Différents <a href="https://www.cairn.info/revue-droit-et-societe1-2009-3-page-687.htm">textes de lois et décrets exécutifs</a> ont été publiés dans ce sens. En 1994, un <a href="https://www.ecolex.org/details/legislation/decret-presidentiel-no-94-465-portant-creation-du-haut-conseil-de-lenvironnement-et-du-developpement-durable-et-fixant-ses-attributions-son-organisation-et-son-fonctionnement-lex-faoc029159/">Haut conseil de l’environnement et du développement durable</a> a même été créé suite aux recommandations de la <a href="https://www.un.org/french/events/rio92/rio-fp.htm">Conférence de Rio</a>. Mais ce n’est réellement qu’à partir des années 2001/2002, avec l’élaboration du <a href="http://www.algerianembassy.hu/images/stories/algerie-paned.pdf">Plan national d’action pour l’environnement et le développement durable</a> (PNAE-DD), que des actions concrètes ont été programmées pour l’amélioration du cadre et de la qualité de vie en ville.</p>
<h2>Projet Alger ville durable</h2>
<p>L’appel à projets lancé dans le cadre de la révision du Plan directeur d’aménagement et d’urbanisme (PDAU) d’Alger en 2006 a clairement énoncé que l’objectif principal de cette révision était de faire d’« Alger ville durable », un exemple en matière de préservation de la nature et de protection contre les risques naturels et technologiques. Les projets retenus ont donc été ceux qui ont su mettre en avant cette dimension environnementale.</p>
<p>En proposant de faire d’Alger une <a href="http://blog.lefigaro.fr/algerie/2013/04/alger-2030-les-projets-qui-transformeront-la-ville.html">« éco-métropole » méditerranéenne</a>, l’agence d’architectes <a href="http://www.arte-charpentier.com/fr/projet/la-baie-dalger/">Arte Charpentier</a> a su séduire les autorités algériennes, qui ont toujours rêvé d’un statut particulier pour la capitale.</p>
<p>Dans un contexte où l’image et le <em>branding</em> s’imposent de plus en plus dans les choix stratégiques d’aménagement, les autorités ont favorisé le recours aux grandes signatures dans le monde de l’architecture et l’urbanisme. En plus du groupement Arte Charpentier, le PDAU d’Alger à l’horizon 2035 a <a href="https://ruralm.hypotheses.org/972">été confié à Parque Expo</a>, une agence portugaise qui a contribué à redonner à Lisbonne une nouvelle image et à consolider son attractivité à l’échelle mondiale.</p>
<h2>Les sept ambitions d’Alger à l’horizon 2035</h2>
<p>Ces ambitions traduisent les aspirations et attentes du maître de l’ouvrage, en l’occurrence la Wilaya d’Alger. Elles se déclinent suivant une logique thématique et sectorielle correspondant à sept domaines considérés comme fondamentaux pour l’élaboration et la concrétisation de la vision stratégique du développement :</p>
<ul>
<li><p>Le positionnement : Alger, « ville emblématique »</p></li>
<li><p>La socioéconomie : Alger, « moteur du développement tertiaire de l’Algérie »</p></li>
<li><p>L’occupation du territoire : Alger, « ville belle qui maîtrise son étalement »</p></li>
<li><p>L’environnement : Alger, « éco-métropole de la Méditerranée et ville jardin »</p></li>
<li><p>La mobilité : Alger, « ville des mobilités et des proximités »</p></li>
<li><p>Les risques : Alger, « ville sûre »</p></li>
<li><p>La gouvernance : Alger, « ville empreinte de bonne gouvernance ».</p></li>
</ul>
<p>Différents plans thématiques ont été élaborés pour concrétiser ces ambitions. Ces plans détaillent la stratégie du plan directeur en termes de restauration des écosystèmes (Plan vert), de gestion de la ressource eau (Plan bleu), de réhabilitation du centre historique, création de nouvelles polarités et d’habitat (Plan blanc), de mobilité et d’économie et cohésion sociale.</p>
<p><strong>Le Plan vert</strong></p>
<p>Il a pour objectif de restaurer les écosystèmes de la capitale via la création de plusieurs « poumons verts », parcs urbains et autres agri-parcs, la réhabilitation des parcs et jardins existants du centre-ville et l’introduction un réseau vert continu entre ces différents espaces grâce à la plantation d’arbres d’alignement le long des artères principales de la ville et la création de transversales ou couloirs verts. Ces derniers serviraient de « fenêtres » vers la mer.</p>
<p>Certaines de ces actions ont été déjà concrétisées. Le paysagement des autoroutes a été finalisé, de nombreux parcs et jardins ont été réaménagés. La <a href="http://www.lesechosdalger.com/fermee-2006-decharge-doued-smar-transformee-parc-ecologique-urbain/">décharge d’Oued Smar a été fermée et plantée</a>. Le Plan vert porte également sur la gestion des déchets. L’enfouissement technique doit remplacer à terme toutes les décharges à ciel ouvert.</p>
<h3>Le Plan bleu</h3>
<p>Ce plan vise à préserver et à valoriser une ressource naturelle rare en Algérie : l’eau. Il propose des actions pour améliorer la distribution de l’eau potable, mais aussi pour gérer les eaux de pluie et atténuer les risques d’inondation. L’assainissement, avec un objectif de zéro rejet en mer, est aussi un objectif majeur. La dépollution de Oued el Harrach et l’<a href="https://www.elwatan.com/edition/actualite/amenagement-de-oued-el-harrach-un-reve-devenu-realite-23-08-2018">aménagement de ses berges</a> constituent l’un des projets structurants du plan stratégique d’aménagement d’Alger.</p>
<h3>Le Plan Blanc</h3>
<p><a href="https://www.econostrum.info/La-rehabilitation-d-Alger-est-en-route_a3222.html">Ce plan</a> a pour mission principale d’atténuer les dysfonctionnements et les incohérences spatiales générés par l’étalement urbain. Ce dernier a contribué à augmenter les disparités sociales et économiques et dévalorisé le centre historique qui se retrouve dans un état de délabrement avancé. Dans ce sens, le plan blanc privilégie la restructuration et la régénération urbaines. Il propose aussi une diversification de l’offre de logements pour atténuer le phénomène de l’habitat précaire et répertorie les équipements essentiels qui renforcent la fonction métropolitaine de la capitale.</p>
<h3>Le Plan Mobilité</h3>
<p>Ce <a href="https://www.jeuneafrique.com/mag/325340/economie/mobilite-urbaine-lalgerie-ouvre-voie/">plan</a> s’articule autour du principe du macromaillage. Les <a href="https://www.liberte-algerie.com/actualite/la-wilaya-dalger-devoile-ses-grands-projets-structurants-93413">grands équipements structurants</a> bénéficieront d’une accessibilité optimale par une implantation à l’intersection des axes du macromaillage et de différents moyens de transport collectif (métro, tramway, bus…). Les équipements secondaires seront quant à eux localisés selon une logique de « dissémination de proximité » et les implantations respectives seront accessibles à pied. Le plan propose aussi de repositionner la <a href="https://www.djazairess.com/fr/letemps/114825">gare centrale à El Harrach</a> afin de favoriser l’intermodalité (l’utilisation de plusieurs modes de transport au cours d’un même déplacement).</p>
<p>Des parkings relais et des couloirs réservés en site propre seront aussi réalisés. Le réseau de chemin de fer de banlieue sera consolidé et un tram-train introduit dans les emprises ferrées libérées. Le métro desservirait en priorité le milieu urbain, plus consolidé, de la ville d’Alger.</p>
<h3>Économie et cohésion sociale</h3>
<p>Renforcer l’attractivité de la capitale algérienne est plus que nécessaire dans un monde globalisé et très compétitif. Le plan directeur propose dans ce sens que les ressources disponibles soient concentrées sur des projets majeurs qui serviront à leur tour de leviers de développement pour l’ensemble du système. Ainsi, il s’agira de créer des infrastructures modernes dotées des commodités nécessaires à la mise en place de nouvelles activités dans le domaine de l’innovation, des services mais aussi du tourisme.</p>
<p>La reconversion du port d’Alger, la <a href="https://www.huffpostmaghreb.com/entry/port-sec-de-rouiba-une-base-logistique-pour-desengorger-le-port-dalger_mg_5b714c33e4b0530743cb534f">plateforme logistique Réghaia/Rouba</a> inaugurée en 2018 pou encore le <a href="https://www.huffpostmaghreb.com/entry/centre-commercial-babez_mg_9395228">centre d’affaires de Bab Ezzouar</a> seront à cet égard des atouts majeurs de la capitale.</p>
<p>Le plan propose aussi de valoriser les activités économiques de proximité et d’améliorer ainsi la cohésion sociale et territoriale. Il vise à renforcer l’attractivité de certaines communes défavorisées en menant une politique d’actions foncières à l’intention des investisseurs potentiels tout en diversifiant l’offre aussi bien en matière d’équipements que de logements.</p>
<h2>Premiers effets concrets</h2>
<p>Que ce soit du point de vue de son processus d’élaboration ou de son contenu, il est clair que le plan directeur d’aménagement et d’urbanisme d’Alger rompt avec les anciens plans d’urbanisme. Il place le « paradigme de développement durable » au cœur de sa stratégie de développement et s’articule autour de différents plans thématiques inspirés directement des injonctions générales du développement durable.</p>
<p>Ainsi, certaines actions relatives à la protection du littoral grâce à la reconstitution du trait de côte fortement érodé à cause des extractions sauvages de sable et de l’artificialisation du littoral peuvent être appréciées au quotidien par la population qui investit chaque jour le nouveau projet de « la promenade de la baie ».</p>
<p>Les visiteurs qui arrivent à Alger par la <a href="http://www.aps.dz/regions/89953-alger-livraison-de-la-penetrante-autoroute-de-l-est-rn-5-el-alia-fin-juin">RN5</a> peuvent eux aussi apprécier la nouvelle coulée verte qui a été créée pour transformer à terme cette autoroute en boulevard urbain. Ces visiteurs peuvent également remarquer que les anciennes odeurs nauséabondes qui caractérisaient un tronçon de cette autoroute au niveau d’Oued el Harrach ont disparu et que les berges de l’Oued sont en cours d’aménagement.</p>
<p>L’extension des systèmes de transport collectif doux tels que le tramway ou le métro ainsi que la mise à disposition des automobilistes de parkings relais de proximité a contribué à résoudre certains problèmes d’accessibilité et à diminuer l’intensité du trafic routier au centre-ville.</p>
<p>Il est en outre incontestable que de grands efforts ont été consentis en matière de résorption de l’habitat précaire et d’amélioration du cadre de vie. Cependant, depuis quelques mois, <a href="https://liberte-algerie.com/est/427-projets-en-cours-de-realisation-325930">certains projets</a> sont au ralenti. D’autres ont même été gelés à cause de la <a href="https://afrique.le360.ma/algerie/economie/2019/07/14/27109-algerie-autopsie-dune-tres-inquietante-crise-financiere-27109">crise économique</a> que traverse le pays. Beaucoup reste à faire.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte s’inscrit dans une série d’articles autour de la thématique <a href="https://www.colloqueannuel.auf.org/">« Universités et ville durable »</a>, sujet du colloque de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) qui se tient les 21 et 22 octobre à Dakar avec plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, maires, et experts en urbanisme dans le monde francophone.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124793/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Naima Chabbi-Chemrouk est Présidente APERAU une Association pour la Promotion de l'Enseignement et de la Recherche en Aménagement et Urbanisme.</span></em></p>Le plan directeur d’aménagement et d’urbanisme d’Alger rompt avec les anciens plans. Et les changements déjà visibles confirment que les efforts consentis produisent des résultats probants.Naima Chabbi-Chemrouk, Professeure d'architecture, École polytechnique d'architecture et d'urbanisme d'AlgerLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1200392019-07-22T14:06:44Z2019-07-22T14:06:44ZChangements climatiques : qu'arriverait-il si un pays était englouti par les eaux ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/283388/original/file-20190709-44472-1w7x234.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C0%2C4841%2C3640&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un atoll de la République de Kiribati, une nation insulaire du Pacifique Sud en danger de disparition en raison des changements climatiques.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les petits pays insulaires comptent parmi les plus petits émetteurs de gaz à effet de serre. Pourtant, ils subissent de façon disproportionnée les conséquences des changements climatiques. Leur souveraineté est en danger et rien n'est fait pour les sauver.</p>
<p>Alors que la coopération internationale en matière d'environnement stagne, nous devons nous demander quelles seront les conséquences des changements climatiques sur la souveraineté des pays vulnérables. C'est particulièrement important parce que le principe d'État souverain est fondamental en relations internationales. Toute menace à la souveraineté d'une nation pourrait avoir des répercussions sans précédent sur la gouvernance mondiale. </p>
<p>Un État est défini en droit international par la <a href="https://www.jus.uio.no/english/services/library/treaties/01/1-02/rights-duties-states.xml">Convention de Montevideo</a> selon quatre critères spécifiques : une population permanente, un territoire défini, un gouvernement et la capacité d'entrer en relation avec d'autres États. Aujourd'hui, ces conditions pourraient être menacées par l'incapacité de la communauté internationale à s'engager dans des actions environnementales fortes.</p>
<p>En effet, la <a href="https://www4.unfccc.int/sites/ndcstaging/PublishedDocuments/Kiribati%20First/INDC_KIRIBATI.pdf">République de Kiribati a déclaré en 2015</a> que les effets des changements climatiques menacent son existence même en tant que nation. Avec les Maldives, les Îles Marshall, Tokélaou et Tuvalu, Kiribati est particulièrement vulnérable aux effets des changements climatiques car elle est entièrement composée d'atolls, c'est à dire d'îles coralliennes ayant la forme d'un anneau fermé, de faible altitude. </p>
<p>Alors que le pays plaide en faveur d'une action internationale et proactive face au réchauffement climatique, les effets de la montée des mers, de la mort des coraux et de l'intensification des risques naturels mettent à rude épreuve sa capacité de fonctionnement.</p>
<h2>Des nations entières impactées</h2>
<p>Un pays composé d'atolls se caractérise par des réserves d'eau douce souterraines <a href="https://doi.org/10.1017/CBO9781139136938.008">sensibles à l'élévation du niveau de la mer et à la sécheresse</a>, ce qui expose les populations au risque de <a href="https://doi.org/10.1016/S0305-750X(01)00022-5">graves pénuries d'eau</a>. Les changements climatiques affectent également la production agricole, entraînant des <a href="https://www.ilo.org/dyn/migpractice/docs/261/Pacific.pdf">pénuries alimentaires et des migrations internes</a>.</p>
<p>Sur les petites îles, les mouvements exigeront bientôt que les communautés et les individus <a href="https://www.fmreview.org/climatechange-disasters/mcnamara">traversent les frontières</a>. Ces facteurs pourraient menacer un critère fondamental du statut d'État tel que défini par la Convention de Montevideo : une population permanente.</p>
<p>L'ancien <a href="https://www.una.org.uk/climate-2020-facing-future">président de Kiribati, Anote Tong</a>, a dit un jour que « nos îles, nos maisons, ne seront peut-être plus habitables - ou même n'existeront plus - au cours de ce siècle ». Cela indique que le deuxième critère du statut d'État, un territoire, est menacé. Alors que les changements climatiques s'accélèrent et que les pays commencent à ressentir les effets de l'érosion des rives, les chercheurs réfléchissent à des solutions. </p>
<h2>Un État peut-il cesser d'exister?</h2>
<p>Parmi celles-ci, <a href="https://www.doi.org/10.1093/acprof:oso/9780199587087.003.0006">le mécanisme du « gouvernement en exil »</a> a été proposé. Cet outil permet à un gouvernement de fonctionner à l'extérieur de son territoire, mais nécessite le maintien d'une population. Elle <a href="https://books.google.ca/books/about/Climate_Change_and_Migration.html?id=yV-9cQAACAAJ&source=kp_book_description&redir_esc=y_Change_and_Migration.html?id=yV-9cQAACAAJ&source=kp_book_description&redir_esc=y">a également besoin qu'une autre nation souveraine lui donne un morceau de territoire</a>. </p>
<p>Bien sûr, il semble hautement improbable qu'un État cède volontairement des terres à une nation à des fins de réinstallation, ou que cette dernière abandonne son territoire. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/281311/original/file-20190626-76734-13payfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/281311/original/file-20190626-76734-13payfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/281311/original/file-20190626-76734-13payfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/281311/original/file-20190626-76734-13payfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/281311/original/file-20190626-76734-13payfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/281311/original/file-20190626-76734-13payfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/281311/original/file-20190626-76734-13payfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un hydravion survole les Maldives dans l'océan Indien. Ces îles sont menacées de disparition en raison de la montée du niveau de la mer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En fin de compte, ce mécanisme n'est probablement pas une réponse efficace puisque les changements climatiques compliquent la dynamique du pouvoir entre les nations. </p>
<p>En cas de disparition d'un pays, il n'est pas certain qu'il conserverait sa souveraineté aux yeux de la communauté internationale. Cependant, les Nations Unies laissent entendre qu'il est improbable qu'un État cesse tout simplement d'exister en raison de ce qu'elles appellent la « <a href="https://www.doi.org/10.1093/acprof:oso/9780199587087.003.0006">présomption de continuité</a> ». Cette ambiguïté entourant le maintien du statut d'État des nations vulnérables devrait sortir la communauté internationale de son immobilisme sur ces questions.</p>
<p>Malheureusement, le principe international de souveraineté est une arme à double tranchant. <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007%2F978-3-319-25796-9_12">Il donne aux émetteurs historiques la liberté absolue de réagir</a> aux changements climatiques par des accords non contraignants et de remettre à plus tard l'adoption de traités efficaces. Mais la question de l'élévation du niveau des mers et la menace qui pèse sur la souveraineté des États du Pacifique devraient susciter des inquiétudes chez les défenseurs de ce principe. </p>
<h2>Un climat politique froid</h2>
<p>Les républicains aux États-Unis, par exemple, ont toujours tenu à défendre la souveraineté des États-Unis par diverses formes de rhétorique et de positions internationales. En septembre 2018, <a href="https://www.whitehouse.gov/briefings-statements/remarks-president-trump-73rd-session-united-nations-general-assembly-new-york-ny/">le président Donald Trump a averti</a> les Nations Unies qu'il ne renoncerait pas leur souveraineté à une « bureaucratie non élue », un an après <a href="https://www.nbcnews.com/politics/white-house/trump-pulls-u-s-out-paris-climate-agreement-n767066">avoir retiré les États-Unis de l'accord de Paris sur le climat</a>. </p>
<p>Donald Trump a déclaré que « les nations responsables doivent se défendre contre les menaces à la souveraineté » tout en se vantant des exportations massives de pétrole, de gaz et de ce qu'il a appelé le charbon « propre » de son pays. Alors qu'il continuait à chanter les mérites des combustibles fossiles et la protection de la souveraineté des États-Unis contre la gouvernance mondiale, le président a fait passer les questions environnementales à l'arrière-plan de la scène internationale.</p>
<p>La défense de l'indépendance des États-Unis à l'égard des obligations internationales figure en bonne place à l'ordre du jour de Donald Trump et, par conséquent, dans le contexte de l'accélération des crises environnementales et de l'isolationnisme croissant, il semble très peu probable qu'il défende la souveraineté en déclin des pays du Pacifique. </p>
<p>Toutefois, ne blâmons pas seulement les États-Unis pour ne pas avoir réussi à protéger un principe immuable des relations internationales. </p>
<h2>Un avenir incertain</h2>
<p>La communauté politique internationale a produit, année après année, des accords environnementaux non contraignants et sans inspiration qui ne contribuent guère à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Le principe du <a href="http://www.lse.ac.uk/GranthamInstitute/faqs/what-is-the-polluter-pays-principle/">« pollueur-payeur »</a> propose que la prise en charge des coûts de la pollution soit proportionnelle au degré de responsabilité dans sa production. </p>
<p>Cette directive est difficilement acceptée lors les négociations internationales, avec la <a href="https://www.academia.edu/37209752/COP10_Report_The_tango_goes_on">question de la responsabilité encore au cœur des débats</a> entre pays industrialisés et pays en émergence.</p>
<p>Le sort des îles englouties s'aggrave alors que la communauté internationale peine à lutter efficacement contre les changements climatiques. Sans action concrète, les migrations climatiques transfrontalières s'accéléreront à mesure que les ressources diminueront et que les territoires seront érodés par l'élévation du niveau de la mer, <a href="https://www.climate2020.org.uk/managing-climate-driven-migration/">poussant les gens hors de leurs foyers</a> et mettant en danger la souveraineté de pays entiers du Pacifique. </p>
<p>Ils comptent parmi les plus petits émetteurs de gaz à effet de serre et pourtant, ils subissent de façon disproportionnée les conséquences des changements climatiques. Cette situation met en évidence le manque de solidarité et l'injustice climatique au sein de la communauté internationale.</p>
<p>Malheureusement, le manque d'intérêt pour les changements climatiques et la réticence des États-Unis à s'engager dans des discussions sur l'environnement pourraient bientôt soulever une question sans précédent en droit international : que fait-on précisément si un pays coule ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120039/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sarah M. Munoz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les nations insulaires composées d'atolls risquent d'être anéanties par l'élévation du niveau de la mer. Pourtant, la communauté internationale ne fait pratiquement rien pour les aider.Sarah M. Munoz, Doctoral researcher in Political Science / Doctorante en Science Politique, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/996822018-07-10T20:58:07Z2018-07-10T20:58:07Z50 ans de lutte contre le réchauffement climatique : l’urgence est là mais l’espoir aussi<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/226957/original/file-20180710-70051-xdaywb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C5421%2C3601&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les énergies renouvelables : une des clés de la lutte contre le changement climatique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/0w-uTa0Xz7w">Karsten Wurth Inf/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié dans le cadre du <a href="https://www.esof.eu/en/">EuroScience Open Festival</a> (ESOF), dont The Conversation France est partenaire.</em></p>
<hr>
<p>Cela fait 50 ans que je suis climatologue, j’ai commencé ma thèse en 1968 sur la formation des grêlons puis me suis intéressé à l’évolution passée du climat à partir des glaces polaires. La prise de conscience du réchauffement climatique ce sont les années 1970 et les années 1980. En particulier, les modélisations du climat montraient que si on doublait les quantités de gaz carbonique dans l’atmosphère (le premier gaz à effet de serre dû à l’activité humaine) on pourrait avoir des réchauffements très importants au milieu du XXI<sup>e</sup> siècle. Malheureusement ça reste tout à fait vérifié et avec des conséquences importantes.</p>
<h2>Une histoire de conférences</h2>
<p>Les scientifiques ont alerté les décideurs politiques : il va y avoir un changement majeur climatique si on ne change pas de mode de développement. La décision a été de créer le <a href="http://www.ipcc.ch/home_languages_main_french.shtml">GIEC</a> (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) en 1988.</p>
<p>La mission du GIEC n’est pas de faire des recommandations aux décideurs politiques mais de poser un diagnostic scientifique : <a href="http://leclimatchange.fr/">trois grands rapports</a> sont publiés à intervalles réguliers tous les cinq à six ans à propos des causes, des impacts et de l'adaptation et des solutions. Les prochains seront disponibles entre 2021 et 2022.</p>
<p>L’espoir des scientifiques est que les décideurs politiques tiennent compte de ces diagnostics et cela s’est plutôt bien passé pour l’instant. En 1990 a été publié le <a href="https://www.ipcc.ch/ipccreports/1992%20IPCC%20Supplement/IPCC_1990_and_1992_Assessments/French/ipcc_90_92_assessments_far_full_report_fr.pdf">premier rapport du GIEC</a>, et en 1992, s’est tenu le premier sommet de la Terre de Rio où les décideurs politiques mettent en place trois conventions : sur le climat, la biodiversité et la désertification.</p>
<p>En 1997 c’est le protocole de Kyoto : il faut stabiliser l’effet de serre pour limiter le chauffage de la planète. Pour le gaz carbonique, on en émet beaucoup plus que la végétation et l’océan ne sont capables d’absorber. Donc pour stabiliser l’effet de serre, il faut diminuer les émissions : c’était l’objectif de Kyoto. Cette conférence fut en partie un échec à cause de la non-ratification par les États-Unis.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/226959/original/file-20180710-70051-1qmcbve.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/226959/original/file-20180710-70051-1qmcbve.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=462&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/226959/original/file-20180710-70051-1qmcbve.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=462&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/226959/original/file-20180710-70051-1qmcbve.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=462&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/226959/original/file-20180710-70051-1qmcbve.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/226959/original/file-20180710-70051-1qmcbve.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/226959/original/file-20180710-70051-1qmcbve.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Schéma du principe de l’efffet de serre.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Effet_de_Serre.png">Robert A. Rohde/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La deuxième conférence majeure s’est tenue en 2009 à Copenhague : l’idée était de prolonger le protocole de Kyoto : <em>a posteriori</em> on peut la voir comme un échec car les émissions de gaz à effet de serre ont continué à augmenter alors que si on voulait vraiment limiter le réchauffement climatique il faudrait diminuer.</p>
<p>La troisième conférence qui a fait date est la <a href="http://www.apc-paris.com/cop-21">COP 21 à Paris</a> : les politiques du monde entier se réunissent et cela fonctionne bien puisque l’accord signé s’est appuyé de façon très claire sur le <a href="http://leclimatchange.fr/">cinquième rapport du GIEC</a> publié en 2013 et 2014.</p>
<p>On est rentré pour la première fois dans un objectif chiffré : une limitation du réchauffement global de 2°C par rapport à la période pré industrielle voire 1,5°C. 2°C c’est simplement 1°C de plus par rapport aux cinq dernières années : les années les plus chaudes de cette période industrielle.</p>
<p>On estime que si on limite à 2°C, l’humain pourra s’y adapter : au moins pour l’essentiel. Le problème est que l’on est encore loin de cet objectif, même sans parler du retrait des États-Unis de cet accord, les prévisions actuelles tablent plutôt sur un réchauffement de 3 à 3,5°C à la fin du siècle.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"870741835286802432"}"></div></p>
<h2>Quelles sont les solutions ?</h2>
<p>Ce qu’il faudrait vraiment c’est augmenter l’ambition de l’accord de Paris. Tant que Barack Obama était au pouvoir, une dynamique vertueuse était en place, quasiment tous les pays avaient signés. Le retrait annoncé des États-Unis, c’est la douche froide, pas simplement pour ce pays mais aussi à cause de l’effet d’entraînement qu’il pourrait engendrer.</p>
<p>Rester en dessous de 2°C, c’est un véritable défi : on n’a plus le droit qu’à une vingtaine d’années d’utilisation des carburants fossiles au rythme actuel. Le pic d’émission devrait être en 2020 :au plus tard cela implique un changement complet du mode de développement pour aller rapidement vers une société sobre en carbone.</p>
<p>Si on ne le fait pas, les jeunes d’aujourd’hui – on ne parle même pas des générations futures – auront à faire face à la fin de ce siècle à des conséquences importantes.</p>
<p>En France, la <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/loi-transition-energetique-croissance-verte">loi sur la transition énergétique</a> va dans le bon sens.</p>
<p>Ses objectifs sont en accord avec ceux de l’accord de Paris : diviser par quatre nos émissions à horizon 2050, et même atteindre la neutralité carbone en 2050 selon Nicolas Hulot.</p>
<p>Donc, pour l’objectif général, c’est parfait. Mais ceux pour 2020 ne seront pas respectés. Il faudrait que les émissions diminuent de 3 % par an. Or entre 2016 et 2017, elles ont augmenté de 3 % !</p>
<h2>Chacun a un rôle à jouer dans cette transition</h2>
<p>Il faut dorénavant de la sobriété dans nos modes de vie et de consommation. Tout le monde a un rôle : les États doivent mettre en place des accords ambitieux et des outils pour que cela se traduise par des faits. Les régions et les collectivités ont également un devoir essentiel à assurer dans les transports et les infrastructures.</p>
<p>Les entreprises doivent être au premier plan. Elles doivent créer des emplois. La transition énergétique selon l’<a href="https://www.ademe.fr/">ADEME</a> (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) ce serait 600 000 emplois créés.</p>
<p>Donc tout cela reste techniquement possible et économiquement viable.</p>
<p>Cette transition est enthousiasmante puisqu’elle est synonyme de recherche, d’inventivité dans tous les domaines. Il ne faut surtout pas donner l’impression qu’abandonner les combustibles fossiles ce serait la fin du monde en termes de développement ou de qualité de vie.</p>
<p>Depuis une dizaine d’années les coûts de l’énergie solaire ou éolienne ont énormément diminué. On est passé en 15 ans de l’utopie à des choses réalisables. Les progrès technologiques vont continuer.</p>
<h2>Pourquoi participer à l’ESOF ?</h2>
<p>L’ESOF un forum où des scientifiques de tous les domaines seront présents. Il faut sensibiliser la communauté scientifique au sens large aux enjeux du climat. Il y a des pays où le scepticisme est important, donc nous essayons de leur faire passer le message. C’est bien de ne pas s’adresser qu’aux climatologues.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/99682/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean Jouzel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Témoin clé de la lutte contre le changement climatique, Jean Jouzel, vice-président du GIEC de 2002 à 2015, relate 50 ans de lutte et les raisons d’espérer.Jean Jouzel, Climatologue, ancien vice président du groupe scientifique du GIEC de 2002 à 2015, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/896382018-01-18T19:16:02Z2018-01-18T19:16:02Z2018, une année crash test pour la coopération internationale sur le climat<p>Les conférences internationales sur le climat (COP) se tiennent chaque hiver depuis 1995. Certaines ont été plus marquantes que d’autres, à l’image de la COP3 (adoption du Protocole de Kyoto) ou de la <a href="https://theconversation.com/accord-de-paris-sur-le-climat-lambition-na-pas-ete-sacrifiee-52255">COP21</a> (adoption de l’Accord de Paris). La COP22, à Marrakech en 2016, et la <a href="https://theconversation.com/cop23-la-lutte-contre-le-changement-climatique-en-pleine-mutation-86816">récente COP23</a>, à Bonn en 2017, n’ont été que des <a href="https://theconversation.com/dune-cop-a-lautre-limportant-cest-le-timing-88186">conférences d’étape</a> vers la COP24 qui présente de véritables enjeux.</p>
<p>Celle-ci aura lieu à Katowice en Pologne en décembre 2018 et sera probablement suivie d’un nouveau <a href="https://theconversation.com/le-one-planet-summit-la-finance-au-service-du-climat-88929">One Planet Summit</a>. Ces deux événements viendront clore une année « crash test » pour la coopération internationale sur le climat.</p>
<h2>Mettre en œuvre l’Accord de Paris</h2>
<p><a href="https://theconversation.com/un-an-apres-laccord-de-paris-a-la-cop21-ou-le-choix-de-la-methode-douce-52597">L’Accord de Paris</a> est relativement concis et général : il nécessite pour être mis en œuvre concrètement l’adoption de nombreuses décisions de la COP. Il s’agit, par exemple, d’harmoniser le contenu et le calendrier des contributions nationales relatives aux émissions de gaz à effet de serre, d’organiser le bilan mondial quinquennal des efforts collectifs, de définir précisément le fonctionnement du mécanisme de transparence et de contrôle, etc.</p>
<p>Ces points semblent techniques et ils le sont. Mais il y a là un enjeu majeur, car de ces décisions dépendra en large partie la robustesse de l’Accord.</p>
<p>Leur négociation est au menu des négociateurs depuis la COP21 et 2018 sera ponctuée par différents rendez-vous pour continuer à avancer. Mais les points les plus crispés et les plus sensibles ne se débloqueront probablement que dans les dernières heures de la dernière nuit de la COP24. C’est en effet sous la pression de ces dernières heures que toutes les COP ont dénoué l’écheveau des questions conflictuelles.</p>
<h2>Un objectif trop ambitieux ?</h2>
<p>L’Accord de Paris est porteur d’une incohérence majeure. Il pose un objectif relativement ambitieux : celui de contenir « l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 °C ».</p>
<p>Mais il n’a jamais donné lieu à une négociation internationale – bien trop conflictuelle – sur un quelconque partage de l’effort entre les pays. Ce sont les États qui, en le ratifiant, indiquent quelle sera <a href="https://theconversation.com/contributions-nationales-50286">leur contribution nationale</a>. C’est ainsi que, toutes agrégées, les contributions des 173 États qui ont ratifié l’Accord ne nous conduisent pas sur la trajectoire définie par l’Accord mais plutôt autour de 3 °C. C’est mieux que les 4 ou 5 °C vers lesquels nous amenaient les <a href="http://synscop15.ordecsys.com/base.php?code=35">scénarios <em>business as usual</em></a>, mais c’est encore loin du « nettement en dessous de 2 °C » et bien plus encore de l’objectif qui reste plus <a href="https://theconversation.com/limiter-le-rechauffement-de-la-planete-a-1-5-c-la-question-qui-brule-59507">aspirationnel de 1,5 °C</a>.</p>
<p>Or, de <a href="https://unfccc.int/resource/docs/2015/sb/eng/inf01.pdf">nombreux travaux</a> sont venus ces dernières années remettre en cause les 2 °C comme un objectif sécurisant. Pour essayer d’y voir clair, et sous la pression notamment des petits États insulaires inquiets pour leur survie, la COP21 a demandé au GIEC de <a href="https://theconversation.com/rapports-du-giec-operation-decryptage-51453">produire un rapport</a> sur les conséquences d’un réchauffement supérieur à 1,5 °C. Ce rapport, en cours de réalisation, sera publié à la fin de l’été prochain.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"953988624957124609"}"></div></p>
<h2>2018 ou 2023 ?</h2>
<p>La COP21 avait prévu que la publication de ce rapport serait suivie d’un dialogue politique entre les États, pour faire le bilan des efforts accomplis, réexaminer les objectifs de l’Accord et analyser les conclusions du rapport du GIEC sur le 1,5 °C. Ce dialogue a donc été conçu comme un temps fort pour le relèvement d’un niveau d’ambition qu’on savait, dès la COP21, insuffisant.</p>
<p>La COP23 n’a adopté qu’une seule décision, organisant ce dialogue « facilitatif ». Elle a pu se mettre d’accord sur la forme qu’il prendra et l’a nommé symboliquement « Dialogue de Talanoa ». Talanoa, mot fidjien associant <em>tala</em> (raconter) et <em>noa</em> (librement). <em>Talanoa</em> désigne une approche traditionnelle dans le Pacifique : il s’agit de s’engager dans un dialogue inclusif, participatif et transparent, qui doit être constructif, facilitatif et orienté vers des solutions.</p>
<p>Le Dialogue de Talanoa va connaître une phase préparatoire, articulant évènements et débats locaux, nationaux, régionaux, avec une session internationale en mai. Il devra aboutir lors de la COP24 qui disposera alors des conclusions du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement supérieur à 1,5 °C.</p>
<p>Si les États ne bougent pas en 2018, malgré les conclusions du rapport du GIEC, alors le prochain grand rendez-vous sera en 2023, date à laquelle est prévu un nouveau bilan mondial des efforts collectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais, en raison de l’effet cumulatif de nos émissions, il sera alors probablement trop tard pour remplir les objectifs ambitieux de l’Accord de Paris.</p>
<h2>Toucher l’économie réelle</h2>
<p>En marge des discussions entre États, l’Accord de Paris a tenté de mobiliser les acteurs <a href="https://theconversation.com/les-acteurs-prives-bientot-premiers-acteurs-de-la-protection-de-lenvironnement-88290">non gouvernementaux et infra gouvernementaux</a>. Avec succès, qu’on en juge seulement par la force d’attraction de la coalition <a href="https://www.wearestillin.com">« We are still in »</a>, qui rassemble maintenant 2 500 acteurs déterminés à mettre en œuvre l’engagement américain à la place… des États-Unis, soit une réduction de 26 % à 28 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2025, par rapport à 2005.</p>
<p>Cette année, trois semaines après la COP, l’action internationale sur le climat a connu un deuxième temps fort, à l’initiative du Président Macron avec le One Planet Summit. Ce « sommet » a rassemblé, le mardi 12 décembre, dans les Hauts-de-Seine, des chefs d’État, des entreprises, des banquiers, des philanthropes et des organisations internationales autour de la question clé du financement de la lutte contre le réchauffement climatique.</p>
<p>Les acteurs économiques et financiers y ont annoncé une <a href="https://www.oneplanetsummit.fr/">série de mesures</a> pour le climat, pour certaines inédites et pour d’autres déjà mises en œuvre. Ils témoignent du <a href="https://theconversation.com/1992-2017-comment-les-entreprises-ont-evolue-sur-la-question-climatique-88651">changement d’attitude d’entreprises</a> de plus en plus proactives vis-à-vis du climat.</p>
<p>Dans le prolongement de l’Accord de Paris, le One Planet Summit a vocation à accompagner et dynamiser ce mouvement, en offrant un <em>momentum</em> aux acteurs pour s’engager. Une One Planet Coalition est créée, censée permettre à tous et en particulier à la société civile de vérifier si les promesses sont tenues. Comme il faut bien reconnaître que beaucoup reste à faire, la présidence française a annoncé que le One Planet Summit se pérennisera sous la forme d’une réunion annuelle. C’est reconnaître que les COP, pour nécessaires, sont insuffisamment ancrées dans l’économie réelle et tenter d’y pallier.</p>
<p>L’année 2018 se clora donc probablement par un One Planet Summit numéro 2. Il ne pourra ignorer ni le rapport du GIEC sur le 1,5 °C, ni les résultats (ou absence de résultats) du Dialogue de Talanoa.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89638/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sandrine Maljean-Dubois a reçu des financements de du CNRS, de l’Ademe, du ministère de la Transition écologique et solidaire, de l’ANR et de la mission « Droit et justice ». Elle a participé à la rédaction du projet de Pacte mondial pour l’environnement au sein de la « Commission environnement » du Club des juristes, ainsi qu’à la négociation de la Déclaration de principes éthiques en rapport avec le changement climatique de l’Unesco.</span></em></p>Cette année sera décisive pour les négociations climatiques avec la parution du nouveau rapport du GIEC à l’été et la tenue de la COP24 en Pologne en décembre prochain.Sandrine Maljean-Dubois, Directrice de recherche, Centre d’études et de recherches internationales et communautaires (CERIC), Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/881862017-11-30T21:07:59Z2017-11-30T21:07:59ZD’une COP à l’autre, l’important c’est le timing !<p>« Même heure l’année prochaine ». La récente COP23 s’est achevée en nous laissant sur notre faim. À Bonn, le programme fut chargé, tant et si bien qu’une grande partie des questions qui devaient être débattues ne l’ont pas été. Rendez-vous à la COP24 !</p>
<p>Un bilan très mitigé, donc, voire décevant pour certains, les deux grands sujets à l’ordre du jour – le financement de l’adaptation et les « pertes et dommages » – n’ayant pas été tranchés. Mais la présidence de la COP23 a tenu a conclure sur une note d’espoir en <a href="http://newsroom.unfccc.int/cop-23-bonn/pm-bainimarama-opening-address-at-the-climate-action-pacific-partnership-event/">rappelant</a> que « Nous sommes tous dans le même bateau ».</p>
<p>Ce bateau, qui doit nous emmener en Pologne en 2018 pour la COP24, arrivera-t-il à bon port ? Ou s’agit-il plutôt d’une barque qui risque de couler en plein voyage ?</p>
<h2>La logique des rendez-vous</h2>
<p><a href="https://www.academia.edu/34974666/Justice_and_climate_change_litigation,_Justice_et_justiciabilit%C3%A9_climatique_%C3%A9tat_de_lieux_et_apports_de_lAccord_de_Paris">L’Accord de Paris</a>, conclu à la COP21 en décembre 2015, puise sa force et son succès dans le <a href="http://unfccc.int/files/meetings/marrakech_nov_2016/application/pdf/auv_cp22_i4_eif.pdf">timing qu’il établit</a> en s’appuyant sur des rendez-vous réguliers.</p>
<p>Ces rencontres successives « obligent » les pays signataires à se revoir et à témoigner de leurs efforts pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et ainsi tenter de limiter la hausse globale des températures sous la barre des 2 °C d’ici à 2100. L’obligation étayée par ces rendez-vous est bien là, faisant office d’une « nouvelle normativité ».</p>
<p>Mais on assiste aussi à un certain « atermoiement » face à des décisions climatiques politiquement fortes ; cela s’explique pour deux raisons. Premièrement, avant fin 2018, rien n’oblige juridiquement les signataires à agir. En second lieu, il existe une certaine forme de « procrastination », les agendas politiques des États correspondant assez rarement à ceux du climat. Pour autant, des avancées ont été réalisées à Bonn.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"689483506687328260"}"></div></p>
<h2>Des avancées</h2>
<p>Parmi ces avancées, citons l’accord conclu autour d’un texte posant les règles à suivre pour la mise en œuvre effective de l’Accord de Paris ; et c’est ce texte qui structure le « Dialogue de Talanoa » (mot traditionnel venant du fidjien <em>tala</em>, « raconter » et <em>noa</em>, « librement », « pour désigner un processus de dialogue, inclusif, participatif et transparent »). Approuvé au petit matin du 18 novembre par plus de deux cents pays, <a href="https://www.wri.org/blog/2017/10/4-signs-watch-cop23">ce nouveau texte a été salué</a> par le premier ministre fidjien comme le moment <em>Bula</em> (« bonjour » en fidjien) de la COP.</p>
<p>Les pays en voie de développement auront également réussi à ce que le Fonds d’adaptation prévu par le Protocole de Kyoto soit maintenu au sein de l’Accord de Paris. Ils ont également obtenu que les pays développés présentent un rapport transparent et détaillé relatif aux sommes d’argent qu’ils comptent apporter jusqu’en 2020 pour soutenir l’adaptation des zones les plus vulnérables face aux changements climatiques.</p>
<p>Les pays du Sud voulaient s’assurer ainsi que le principe des « responsabilités communes mais différenciées », pierre angulaire du système normatif climatique international depuis la Convention-cadre de Rio en 1992, serait toujours respecté et deviendrait enfin <a href="http://www.ielrc.org/content/a1405.pdf">opérationnel</a>.</p>
<p>Ce que les pays en voie de développent avaient obtenu avec l’Accord de Paris, c’est qu’une <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01559081/document">« justice climatique »</a> soit instaurée et que les principaux responsables du changement climatique remplissent leurs engagements dans la seconde phase du Protocole de Kyoto, <a href="https://www.coordinationsud.org/document-ressource/justice-climatique-coeur-de-mise-oeuvre-de-laccord-de-paris-rcd/">jusqu’en 2020</a>. Cela fait, ces pays pourraient alors tenir leurs propres engagements à partir de 2020, rendant ainsi l’Accord de Paris effectif. La COP23 a entériné ce timing.</p>
<p>La COP23 avait également dans ses cartons le « Dialogue de Talanoa » dont l’objectif est que les pays rendent des comptes lors de la prochaine conférence climatique sur la manière dont ils vont revoir à la hausse leurs ambitions concernant <a href="http://blog.iddri.org/fr/2017/11/03/preserver-lesprit-de-paris-sommes-enjeux-de-cop23/">leurs engagements nationaux</a> de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Les dernières études montrent en effet que l’objectif des 2 °C paraît de plus en plus éloigné. Ce dialogue, fondé sur le « partage d’histoires et expériences », vise à construire une confiance mutuelle dans le respect. La question est de savoir si ces bonnes intentions lancées par les petites îles pourront relancer la dynamique de l’Accord de Paris.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"927401235862425601"}"></div></p>
<h2>Cap sur la COP24</h2>
<p>Avec la COP24 en vue, 2018 sera une année intense en travail avec deux chantiers au programme. Le mécanisme de « pertes et dommages » et le financement des pays développés pour aider les pays en voie de développement. À la question de savoir qui paiera, combien et comment, la COP23 n’a pas su, pu ou voulu répondre ; En 2018, il faudra trouver des réponses.</p>
<p>On pourrait légitimement se demander pourquoi la question du financement n’a pas pu être résolue à Bonn. Les pays en voie de développement ont exigé tout le long de la COP23 que les pays développés indiquent, deux ans avant l’échéance de 2020, à quelle hauteur ils pourraient contribuer au financement et à quelles échéances.</p>
<p>L’Union européenne n’est pas tant <a href="https://archive-ouverte.unige.ch/unige">à blâmer</a> que les États-Unis, l’Australie ou le Japon. Et l’on peut aisément comprendre pourquoi ces pays ont été incapables de s’engager au-delà de 2020. La sortie des États-Unis de l’Accord de Paris, annoncé par Washington en juin 2017, a créé un <a href="https://mobile.twitter.com/i/web/status/932939266795155456">climat de défiance</a>, pour ne pas dire de véritable incertitude, chez ses partenaires commerciaux. Avec cette sortie, on note un <a href="http://www.novethic.fr/empreinte-terre/climat/isr-rse/aux-etats-unis-la-mobilisation-des-villes-et-entreprises-ne-compense-pas-l-inaction-federale-sur-le-rechauffement-climatique-145028.html">certain ralentissement</a> des négociations.</p>
<h2>De nouveaux acteurs</h2>
<p>La COP23 marque malgré tout un incontestable <a href="https://droitclimat.hypotheses.org/273">changement de paradigme</a> ; celui-ci concerne de « nouvelles forces émergentes » négociatrices. La conférence a en effet permis aux acteurs de la société civile, qui ne participaient pas aux négociations, d’être présents… dans un pavillon beaucoup plus vivant et attractif que le pavillon des négociateurs !</p>
<p>Le pavillon « Bonn » a ainsi rassemblé, deux semaines durant, des forces propositionnelles remarquables. Villes, ONG, mais aussi chercheurs et entreprises se sont retrouvés pour échanger, proposer, montrant ainsi aux négociateurs que la construction d’un régime climatique ne pourrait pas se faire sans seuls.</p>
<p>L’énergie de ces acteurs non-négociateurs montre bien que le modèle « ancien » des négociations internationales climatiques est en train de changer et que, pour le prochain rendez-vous de en 2018 en Pologne, il faudra les inclure en tenant compte de leurs attentes, de plus en plus globales, de plus en plus sociales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/88186/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marta Torre-Schaub ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Décryptage des ratés et des réussites de la récente COP23 qui s’est tenue à Bonn sur fond de profondes transformations du régime climatique.Marta Torre-Schaub, Directrice de recherches, juriste, spécialiste du changement climatique et du droit de l’environnement et la santé, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/874672017-11-16T20:34:04Z2017-11-16T20:34:04ZAu-delà du contrôle : une autre façon d’aborder les changements climatiques<p><em>Ce texte est publié en partenariat avec la revue numérique <a href="http://lapenseeecologique.com/">« La pensée écologique »</a>, dirigée par <a href="https://theconversation.com/profiles/dominique-bourg-411343">Dominique Bourg</a>. Il s’agit d’un extrait d’un texte consacré à la gouvernance mondiale des changements climatiques.</em></p>
<hr>
<p>Les participants aux conférences annuelles sur le climat (les COP), dont la 23<sup>e</sup> se tient actuellement à Bonn, sont animés du sentiment que leur volonté et les moyens déployés permettront de contrôler l’augmentation de la température mondiale. La récente proposition d’un <a href="http://pactenvironment.org/fr/">Pacte mondial pour l’environnement</a> va dans le même sens.</p>
<p>Plus largement, les circulations produites dans tous les domaines de l’activité humaine reposent sur cette idée de contrôle : parce qu’il est à leur origine, l’homme pense qu’il lui suffit de stopper son action, de « débrancher la machine », pour que cette circulation cesse. De très nombreux dispositifs – qu’ils portent sur les déchets, les données, les capitaux, les populations – ont été construits autour de cette idée de contrôle.</p>
<p>Cette idée est toutefois une illusion. Et les acteurs (États, entreprises, individus notamment) sont de plus en plus fréquemment dépassés par les mouvements de circulation qu’ils ont eux-mêmes provoqués.</p>
<h2>Le dérèglement climatique</h2>
<p>Les émissions de gaz à effet de serre constituent un exemple majeur de cette perte de contrôle : une fois libérées dans l’atmosphère, ces émissions échappent au contrôle de l’homme, s’accumulant et circulant tout autour de la planète.</p>
<p>Dans le cadre des négociations climatiques, comme les COP, l’action des parties prenantes vise, à la fois, à attendre que le temps (très long) fasse son office de dissipation des gaz existants et à engager une réduction des émissions actuelles et futures.</p>
<p>Mais ce dernier point, qui semble dépendre de la seule volonté des négociateurs, demeure très fortement contraint. Car il ne suffit pas qu’un pays, une entreprise ou un individu se montre exemplaire en termes de réduction des émissions. C’est l’ensemble de tous les acteurs qui doit se mobiliser en ce sens pour produire les effets globaux escomptés.</p>
<p>Ce « scénario d’échappement » invite à poser l’hypothèse d’une <a href="https://theconversation.com/circulation-totale-ces-phenomenes-qui-echappent-au-controle-de-lhomme-75359">« circulation totale au-delà du contrôle »</a> et de sa <a href="https://theconversation.com/gouverner-la-circulation-totale-au-dela-du-controle-75501">gouvernance</a>.</p>
<p>Dans le domaine du changement climatique, cette perspective milite en faveur de l’ouverture d’un nouvel espace global de discussions et de négociations fondée sur la perte de contrôle.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"856782366420987904"}"></div></p>
<h2>Un espace inédit de débats</h2>
<p>Dans les négociations climatiques, les efforts se concentrent sur les mesures de politique publique et citoyenne à prendre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ; de telles mesures devraient permettre de conserver un réchauffement planétaire en deçà d’un certain seuil : 1,5 °C, avec une limite fixée à 2 °C maximum, pour 2030. D’ici là, il s’agit d’aider les lieux menacés par les effets de ces émissions (comme les risques liés à la montée des eaux, par exemple) à s’adapter.</p>
<p>La proposition, qui s’appuie sur le scénario d’échappement, consiste à ouvrir au sein des COP un second grand volet de discussions et de négociations.</p>
<p>Cette seconde enceinte aurait pour objectif de répondre à la question suivante : comment anticiper les hypothèses pour lesquelles la circulation planétaire des gaz à effet de serre atteindrait des niveaux incontrôlés, c’est-à-dire supérieurs à ceux actuellement escomptés ? Dans ce cadre, personne ne fait plus semblant de croire que le phénomène peut être contenu dans ses causes et/ou ses effets. La dimension totale et incontrôlable du phénomène est abordée de front.</p>
<h2>Une nécessaire utopie</h2>
<p>Cette approche présente de multiples intérêts. Nous en citerons trois.</p>
<p>Tout d’abord, la question ainsi envisagée serait posée « à froid », c’est-à-dire très en amont de la gestion des situations de crise provoquées par le dépassement de seuils considérés comme fatidiques.</p>
<p>Cette nouvelle approche aurait également le mérite de ne plus occulter ces risques extrêmes. Car s’il est évidemment impossible de déterminer précisément à l’avance comment et quand se réalise ce type de scénario, on peut toutefois les observer et, dans une certaine proportion, mesurer leurs manifestations.</p>
<p>Enfin, cette analyse de la perte de contrôle serait l’occasion dé réfléchir à comment faire face aux violences qui résulteront du dépassement des seuils. On pourrait ainsi débattre de la nécessité d’adopter par anticipation des mesures draconiennes comme l’interdiction mondiale du recours à certaines énergies ou encore une taxation mondiale telle sur ces énergies qu’elle provoquerait la remise des modèles économiques qui les soutiennent.</p>
<p>Ces perspectives paraîtront sans doute utopiques. Ce qui compte toutefois, c’est de réfléchir dès à présent sur ces scénarios de traitement extrême afin de mettre chacun des acteurs face à ses responsabilités.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/192491/original/file-20171030-18725-6y1fq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/192491/original/file-20171030-18725-6y1fq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=107&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/192491/original/file-20171030-18725-6y1fq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=107&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/192491/original/file-20171030-18725-6y1fq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=107&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/192491/original/file-20171030-18725-6y1fq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=135&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/192491/original/file-20171030-18725-6y1fq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=135&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/192491/original/file-20171030-18725-6y1fq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=135&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Découvrez l’<a href="http://lapenseeecologique.com/climat-au-dela-du-controle-gouverner-lingouvernable-maintenant/">intégralité du texte</a> de Jean‑Sylvestre Bergé sur le site de <a href="http://lapenseeecologique.com/">« La pensée écologique »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/87467/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Sylvestre Bergé reçoit des financements de l'Institut universitaire de France (IUF) </span></em></p>La gouvernance climatique repose sur la notion-clé de contrôle. Mais cette idée est illusoire et il faut être capable de la dépasser pour faire face aux perturbations à venir.Jean-Sylvestre Bergé, Professeur de droit (Law professor) - Institut Universitaire de France (IUF), Université Jean-Moulin Lyon 3Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/796842017-06-19T19:50:55Z2017-06-19T19:50:55ZUn pacte mondial pour l’environnement, pour quoi faire ?<p>En ce début de XXI<sup>e</sup> siècle, jamais les menaces environnementales ne se sont posées de manière aussi aiguë et aussi urgente. Les plus récentes analyses laissent même entrevoir si ce n’est la finitude planétaire, tout au moins la finitude humaine. L’humanité a aujourd’hui conduit la Terre « à la limite », la faisant même sortir d’un <a href="http://science.sciencemag.org/content/347/6223/1259855">espace de fonctionnement sécurisé</a>.</p>
<p>Depuis la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle, nous sommes entrés dans <a href="https://theconversation.com/anthropocene-une-nouvelle-ere-geologique-73336">« l’anthropocène »</a>, une nouvelle ère caractérisée par le fait que l’homme est devenu une force géologique majeure ; cette ère connaît une forte accélération depuis 1945. Les changements climatiques que nous connaissons ou encore l’effondrement brutal de la biodiversité l’illustrent.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"834372065641766912"}"></div></p>
<h2>Le droit international face aux menaces globales</h2>
<p>Le droit n’est qu’un outil, mais un outil fondamental, dans la tentative de limiter ces bouleversements, pour retrouver un espace de fonctionnement sécurisé, assurer la résilience des écosystèmes et leur capacité à fournir des services essentiels. En tant qu’outil de coopération et d’harmonisation des législations nationales, le droit international est tout particulièrement sollicité dès lors que les menaces sont globales.</p>
<p>En 1992, la Conférence de Rio a impulsé une belle dynamique de ce point de vue avec l’adoption des <a href="http://www.un.org/french/millenaire/law/24.htm">Convention sur la diversité biologique</a> et Convention-cadre sur les <a href="http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/convention/items/3270.php">changements climatiques</a>, ainsi que de la <a href="http://www.un.org/french/events/rio92/rio-fp.htm">Déclaration de Rio</a> sur l’environnement et le développement.</p>
<p>L’année 2017 marque le 25<sup>e</sup> anniversaire de cette déclaration. Depuis 1992, les législateurs, juridictions et acteurs non étatiques du monde entier ont progressivement contribué à la diffusion et à la mise en œuvre des principes fondamentaux qu’elle a consacrés. L’importance et le rôle de ces principes pour la protection de l’environnement au niveau local ou mondial sont indiscutables.</p>
<h2>Renforcer les principes de Rio</h2>
<p>Le moment est venu de revivifier cette coopération internationale, de consolider – et sans doute aussi de clarifier – les principes consensuels posés à Rio dans un nouveau « pacte mondial pour l’environnement ».</p>
<p>De portée obligatoire contrairement à la Déclaration de Rio, cette nouvelle convention internationale, transversale par son contenu, globale par son champ d’application universel, viendrait renforcer la portée des principes de Rio.</p>
<p>Elle pourrait fournir l’ossature d’un droit international de l’environnement aujourd’hui peu efficace car fragmenté en centaines de conventions internationales fonctionnant de manière autonome et sans « tuteur ». Diplomates, législateurs, juges internationaux et nationaux, et plus largement tous les acteurs publics et privés, doivent pouvoir s’y référer.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/MUNDiUeCbKY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La gouvernance du climat : quel bilan ? Quels futurs ? (IFRIS, avril 2015).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Dans l’esprit de la Commission Brundtland</h2>
<p>L’idée d’un pacte mondial pour l’environnement n’est pas nouvelle : elle est portée par la communauté internationale des juristes depuis plus de 30 ans. Elle trouve ses origines au lendemain de la Charte mondiale de la nature adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU en 1982.</p>
<p>La nécessité d’un passage progressif du droit souple au droit dur était déjà soulignée par les juristes. La Commission Brundtland en 1986 recommandait la préparation d’une Déclaration universelle et d’une Convention internationale pour la protection de l’environnement et le développement durable.</p>
<p>Dans le prolongement de cette recommandation, en 1995, un projet de convention, le <a href="https://www.iucn.org/fr/content/draft-international-covenant-environment-and-development-implementing-sustainability">« Draft International Covenant on Environment and Development »</a> était adopté par la Commission du droit de l’environnement de l’Union internationale pour la conservation de la nature, en coopération avec le Conseil international pour le droit de l’environnement (<em>International Council of Environmental Law</em>, ICEL). Le projet de l’UICN constitue une référence majeure en la matière.</p>
<h2>Un avant-projet déjà mis au point</h2>
<p>Convaincu de sa nécessité, Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel de la République française, ancien ministre des Affaires étrangères et président de la COP21, a pris l’initiative de porter la proposition de pacte mondial pour l’environnement sur la scène internationale.</p>
<p>L’adoption en septembre 2015 des <a href="http://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/">Objectifs du développement durable</a> (ODD) et en décembre 2015 de l’<a href="http://unfccc.int/portal_francophone/accord_de_paris/items/10081.php">Accord de Paris</a> sur le climat a créé un élan capable de susciter l’adhésion pour un tel projet.</p>
<p>La démarche a consisté, dans un premier temps, à engager un travail juridique, préalable indispensable avant la phase politique et diplomatique. Depuis plusieurs mois, avec la « Commission environnement » du Club des juristes – qui regroupe de grands spécialistes français du droit de l’environnement –, nous avons travaillé pour mettre au point un avant-projet de pacte mondial, en lien avec un réseau international d’experts représentant près de 40 nationalités.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/uwyDKM28dyU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les objectifs du millénaire pour le développement (Eco Plus, 2015).</span></figcaption>
</figure>
<h2>L’environnement comme droit fondamental</h2>
<p>Ce texte sera finalisé vendredi 23 juin 2017 lors d’une réunion d’experts présidée par Laurent Fabius avant d’être présenté samedi 24 juin lors d’une <a href="http://www.leclubdesjuristes.com/wp-content/uploads/2017/05/Dossier-Club-des-juristes-pacte-Environnement-FR.pdf">manifestation</a> ouverte au public qui aura lieu à la Sorbonne, en présence personnalités (Ban Ki-moon, Mary Robinson, Laurence Tubiana, Jean Jouzel notamment) ainsi que d’éminents juristes et magistrats de cours constitutionnelles ou cours suprêmes du monde entier.</p>
<p>Le projet de pacte mondial sur l’environnement a vocation à être adopté par l’Assemblée générale des Nations unies dans les années à venir, pour devenir la pierre angulaire du droit international de l’environnement.</p>
<p>Après les deux <a href="http://www.humanium.org/fr/normes/pactes-internationaux-1966/">pactes internationaux de 1966</a> – l’un relatif aux droits civils et politiques, l’autre relatif aux droits économiques, sociaux et culturels –, ce nouveau pacte consacrerait une troisième génération de droits fondamentaux, celle touchant à l’environnement et au développement. La communauté internationale a plus que jamais besoin de franchir cette nouvelle étape et donner un nouvel élan à l’action internationale en faveur de notre environnement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79684/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sandrine Maljean-Dubois est membre de la « Commission environnement » du Club des juristes.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Yann Aguila préside la « Commission environnement » du Club des juristes. Il a supervisé la rédaction du projet de pacte mondial pour l’environnement. </span></em></p>Annoncé par Laurent Fabius au sortir de la COP21 fin 2015, le projet d’un pacte mondial visant à renforcer la coopération internationale dans le domaine environnemental avance à grands pas.Sandrine Maljean-Dubois, Directrice de recherche, Centre d’études et de recherches internationales et communautaires (CERIC), Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Yann Aguila, Professeur de droit public, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/792732017-06-14T20:29:32Z2017-06-14T20:29:32ZDe George Bush à Donald Trump : l’économie avant le climat<p>Ce fut l’une des raisons avancées le 1<sup>er</sup> juin 2017 par le président américain Donald Trump pour quitter l’<a href="http://unfccc.int/resource/docs/2015/cop21/fre/l09f.pdf">Accord de Paris</a>, ce texte qui fixe le cap de la gouvernance climatique mondiale ; l’Accord serait <a href="https://www.vox.com/2017/6/1/15726638/trump-withdrawing-paris-climate-agreement-full-transcript">« très inéquitable »</a> pour les États-Unis. Il faut comprendre ici trop coûteux pour l’économie et les emplois du pays. Voilà une antienne qui ne date pas d’hier : les intérêts économiques menacés, la concurrence exacerbée, le dumping écologique et carbone déloyal.</p>
<p>En fait, on pourrait résumer l’histoire des négociations climatiques – depuis leur commencement à la fin des années 1980 – à une longue complainte à l’encontre des grandes économies émergentes, Chine en tête. Avec des réticences, des atermoiements et des positions de retrait de tous les présidents américains.</p>
<h2>« Le mode de vie américain n’est pas négociable »</h2>
<p>Cette <a href="http://www.resilience.org/stories/2014-04-07/apres-moi-le-deluge/">formule</a> désormais célèbre, on la doit au président George Bush qui la prononça à son arrivée à Rio en juin 1992 lors de la Conférence des Nations unies sur le développement durable (<a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Conf%C3%A9rence_des_Nations_unies_sur_le_d%C3%A9veloppement_durable">CNUDD</a>). Aussi appelé « Sommet de la Terre », cette rencontre à laquelle participèrent 182 États fit émerger pour la première fois de nouveaux types d’accords sur l’environnement, notamment en matière de changement climatique.</p>
<p>Au cours des négociations pour la rédaction de la Convention des Nations unies sur les changements climatiques <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Convention-cadre_des_Nations_unies_sur_les_changements_climatiques">(CCNUCC)</a> signée à Rio, des différences d’approche sur le climat apparaissent clairement : pour les Européens et les petits États insulaires, il s’agit d’un <a href="http://digitalcommons.law.yale.edu/yjil/vol18/iss2/2/">problème environnemental</a> ; pour les Américains, d’un <a href="http://digitalcommons.law.yale.edu/yjil/vol18/iss2/2/">problème économique</a>.</p>
<p>Pour tenter de réduire les émissions de gaz à effet de serre à moindre coût, Washington propose alors la mise en place d’un marché de permis d’émissions (quotas négociables) pour le CO<sub>2</sub>, principal gaz à effet de serre dont la concentration dans l’atmosphère contribue au réchauffement climatique. Une régulation <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1748-5991.2008.00033.x/abstract">« allégée »</a> ne menaçant pas les intérêts les plus puissants.</p>
<p>Les conseillers économiques du président Bush en avaient d’ailleurs fourni l’idée et l’argumentation dès février 1990 : les marchés de permis sont moins coercitifs que la réglementation et permettraient de tester la flexibilité de l’économie <a href="http://www.presidency.ucsb.edu/economic_reports/1990.pdf">« sans que les résultats ne mettent en péril notre mode de vie »</a>.</p>
<h2>Les émergents doivent s’engager</h2>
<p>En 1997, quelques années après Rio, les <a href="http://www.un.org/fr/climatechange/kyoto.shtml">négociations climatiques</a> aboutissent au Protocole de Kyoto qui identifie des objectifs juridiquement contraignants de réduction d’émissions de gaz à effet de serre pour une quarantaine de pays industrialisés.</p>
<p>Avec son système de permis négociables – chaque pays dispose d’un quota d’émissions de CO<sub>2</sub> –, ce texte est <a href="http://www.ynccf.net/pdf/CDM/The_economic_of_Kyoto_protocol.pdf">d’essence et de construction américaines</a>… même si lors du <em>round</em> final des négociations, en décembre 1997, le président Bill Clinton sait pertinemment que jamais son pays ne sera en mesure d’honorer un tel accord.</p>
<p>En juillet de la même année, le Sénat américain avait en effet voté à l’unanimité une motion affirmant que les États-Unis ne devaient signer aucun protocole sur le climat qui pourrait porter atteinte à leur économie <a href="https://www.congress.gov/105/bills/sres98/BILLS-105sres98ats.pdf">sans engagement des pays du Sud</a>. 95 voix pour la motion, 0 contre, avec – il faut le souligner – 45 sénateurs démocrates présents, pourtant sensés soutenir la politique climatique d’un président issu de leur rang.</p>
<p>Le président démocrate Bill Clinton n’aura en réalité pas fait preuve d’un grand courage politique sur le climat, n’ayant <a href="https://www.nytimes.com/2017/06/04/us/politics/trump-paris-accord-bush-kyoto.html?rref=collection%2Fsectioncollection%2Fclimate&action=click&contentCollection=climate&region=stream&module=stream_unit&version=latest&contentPlacement=2&pgtype=sectionfront&_r">jamais proposé au Sénat</a> de ratifier le Protocole de Kyoto.</p>
<p>Son successeur, le républicain George W. Bush, persistera dans la même voie, décidant en mars 2001 de ne pas soumettre lui non plus le Protocole à ratification, en déclarant pour se justifier que « le <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/planete/20170601.OBS0155/il-y-a-16-deja-un-certain-george-w-bush-refusait-tout-effort-pour-le-climat.html">mode de vie américain, c’est sacré</a> ».</p>
<p>Barack Obama ne sera pas en reste lors de son discours d’investiture à la présidence des États-Unis, le 20 janvier 2009, en <a href="https://obamawhitehouse.archives.gov/blog/2009/01/21/president-barack-obamas-inaugural-address">déclarant</a> : « Nous n’allons pas nous excuser pour notre mode de vie, nous le défendrons sans relâche. »</p>
<h2>La Chine, un problème pour les États-Unis</h2>
<p>Encore proche de l’équilibre en 1990, la balance commerciale des États-Unis avec la Chine est depuis constamment déficitaire : 400 milliards de dollars et 2,3 points de PIB en 2015, année record à ce jour du déficit commercial américain à l’égard de son grand concurrent.</p>
<p>La Chine est aujourd’hui le <a href="http://www.bp.com/en/global/corporate/energy-economics/statistical-review-of-world-energy.html">premier émetteur mondial de CO₂</a>, avec 27 % des émissions. Ses rejets ont augmenté de plus de 70 % ces dix dernières années, alors que ceux des États-Unis – second émetteur, 16 % des émissions mondiales – ont diminué d’environ 10 %.</p>
<p>Même si ses émissions par habitant représentaient en 2013 moins de la moitié de celles des États-Unis (<a href="http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/EN.ATM.CO2E.PC">7,6 tonnes</a> de CO<sub>2</sub> contre 16,4), l’exigence de Barack Obama sera constante et déterminée : la Chine doit rejoindre la coalition pour le climat.</p>
<h2>« L’Amérique est prête à montrer la voie »</h2>
<p>Le 26 janvier 2009, quelques jours après son investiture présidentielle, Barack Obama signe le <a href="https://obamawhitehouse.archives.gov/blog/2009/01/26/peril-progress-environment">Mémorandum sur l’indépendance énergétique</a> de son pays et la protection du climat, déclarant à cette occasion que Washington souhaite conduire la lutte contre le réchauffement climatique. Mais à condition, précise-t-il, qu’il y ait une <a href="https://obamawhitehouse.archives.gov/blog/2009/01/26/peril-progress-environment">« vraie coalition globale »</a> et que la <a href="https://obamawhitehouse.archives.gov/blog/2009/01/26/peril-progress-environment">Chine et l’Inde</a> s’engagent sur le climat.</p>
<p>Le 12 novembre 2014, après des années d’une diplomatie américaine très proactive, Washington et Pékin signent un <a href="https://obamawhitehouse.archives.gov/the-press-office/2014/11/11/us-china-joint-announcement-climate-change">accord climatique bilatéral</a>, véritable matrice de l’Accord de Paris adopté en décembre 2015 lors de la COP21.</p>
<p>Dorénavant, les politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre seront exclusivement nationales (les fameuses <a href="http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/climat/paris-2015-cop21/les-contributions-nationales-pour-la-cop-21/">« contributions nationalement déterminées »</a> ou <a href="http://unfccc.int/focus/indc_portal/items/8766.php">INDCs</a> en anglais). Ce sont des promesses, pas des engagements contraignants. Chaque pays fera ainsi ce qu’il peut, en fonction de son stade de développement, de ses conditions économiques, sociales, technologiques, de ses priorités et de ses valeurs.</p>
<p>Avec ce rapprochement, l’objectif n’est <a href="https://ideas.repec.org/p/hal/journl/halshs-01194775.html">pas seulement « climatique »</a>. La Chine était régulièrement accusée par Washington de dumping carbone et de distorsions de concurrence : un pays qui ne fait rien pour protéger le climat est évidemment avantagé dans sa concurrence avec un autre pays qui, lui, tente de réduire ses émissions de gaz à effet de serre et en supporte le coût.</p>
<p>Avec ce <em>deal</em>, puis l’Accord de Paris, tous les pays – États-Unis et Chine compris – se sont engagés « à quelque chose », et donc implicitement à donner un coût au carbone. Il devenait ainsi beaucoup plus difficile d’accuser tel ou tel compétiteur de dumping carbone et de commerce déloyal.</p>
<p>Les relations internationales semblaient ainsi prêtes pour des règles du jeu plus équitables ; il existait désormais un terrain à peu près commun pour une concurrence plus apaisée au sujet des relations entre commerce, climat et environnement. Cela n’aura tenu que deux années, et ce à la toute fin du second mandat d’Obama.</p>
<h2>Trump et la géoéconomie du XXI<sup>e</sup> siècle</h2>
<p>Donald Trump, pas encore président, écrivait dans un tweet du <a href="http://www.politifact.com/truth-o-meter/statements/2016/jun/03/hillary-clinton/yes-donald-trump-did-call-climate-change-chinese-h/">6 novembre 2012</a> : « Le concept de réchauffement global a été inventé par et pour les Chinois de manière à rendre l’économie manufacturière américaine non compétitive. »</p>
<p>Pendant toute sa campagne électorale, le candidat républicain n’aura eu de cesse de rappeler l’importance des énergies fossiles pour l’économie américaine. Et si on doit lui accorder que le charbon à encore un rôle important à jouer aux États-Unis <a href="https://www.carbonbrief.org/carbon-brief-interview-benjamin-sporton">pour au moins 15, 20 ans, ou plus</a>, contrairement à ses promesses, Trump ne réussira pas à doper l’emploi charbonnier : on comptait 135 000 mineurs de fond en 1988, contre un peu plus de <a href="https://www.eia.gov/coal/annual/">40 000 en 2015</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"874325287143604224"}"></div></p>
<p>Le nouveau président ne pourra pas non plus défaire l’engagement de <a href="http://www.wearestillin.com/">centaines de grandes entreprises et villes</a> américaines à réduire leurs émissions. Pour les entrepreneurs et investisseurs du secteur des énergies renouvelables, la révolution en cours – qui prendra du temps, avec bien des tensions, conflits et contradictions – ne peut être stoppée. « Peut importe qui occupe la Maison-Blanche », soutiennent <a href="https://insideclimatenews.org/news/04042017/solar-energy-wind-energy-renewables-jeffrey-tannenbaum-jigar-shah-donald-trump-climate-change">Jeff Tannenbaum et Jigar Shah,</a> deux des plus gros investisseurs dans les centrales solaires aux États-Unis et au Royaume-Uni.</p>
<p>Le « business » de la transition écologique bas carbone est engagé et les batailles qui vont avec aussi. L’Amérique a déjà perdu celle du marché mondial des panneaux solaires <a href="https://ren21.rotcloud.com/index.php/s/DmrsCP9jTPWoKB6"> : 65 % reviennent à la Chine et 2 % seulement pour les États-Unis</a>. La faute aux coûts salariaux mais aussi, comme le montre <a href="http://advances.sciencemag.org/content/advances/3/3/e1601861.full.pdf">Max Jerneck</a>, chercheur à la Stockholm School of Economics, au président <a href="https://www.theatlantic.com/technology/archive/2017/04/how-wall-street-killed-the-solar-industry/523245/">Ronald Reagan</a> qui démantela dans les années 1980 les programmes de recherche, et à la <a href="https://www.theatlantic.com/technology/archive/2017/04/how-wall-street-killed-the-solar-industry/523245/">politique industrielle</a> conduite alors aux États-Unis qui n’a pas favorisé le développement initial de cette industrie.</p>
<p>Trump pourra toujours continuer à envoyer des tweets – avec zéro effet quant à la concurrence exacerbée entre grandes économies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79273/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Damian ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Du « Sommet de la Terre » à Rio en 1997 au récent retrait de l’Accord de Paris en juin 2017, Washington a toujours traité les négociations climatiques sous l’angle économique.Michel Damian, Professeur émérite, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/786902017-06-05T19:11:06Z2017-06-05T19:11:06ZUn stress test climatique du système financier<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/171788/original/file-20170601-25673-897x6m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C36%2C1276%2C762&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f/photo/1049152374/4194db530d/">Dbqueen/Visual Hunt </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié publié en partenariat avec les « 5 articles… en 5 minutes! » de <a href="http://bit.ly/2qISife">Paris School of Economics</a>. Le titre original de l’article académique est <a href="http://go.nature.com/2qDA2EC">« A Climate Stress-test of the Financial System »</a>, publié dans Nature Climate Change 7, 283–288 (2017). Il est co-écrit Avec Stefano Battiston, Irene Monasterolo, Franziska Schütze et Gabriele Visentin.</em></p>
<hr>
<p>Du point de vue des sciences physiques, il est évident que le maintien du réchauffement climatique en dessous de 2 °C implique qu’une large part des réserves avérées de combustibles fossiles sont <a href="http://go.nature.com/2rebzsh">« imbrûlables »</a>. La mise en œuvre d’une politique climatique ambitieuse devrait donc conduire à des dépréciations d’actifs importantes dans le secteur de l’énergie.</p>
<p>Plus généralement, la transition énergétique pourrait induire des changements majeurs dans la structure productive et, corrélativement, dans la valeur d’une large gamme d’actifs financiers. L’incertitude sur l’étendue possible de ces impacts est un sujet de préoccupation pour les autorités de régulation financière, que la crise financière liée aux subprimes a rendu particulièrement attentives <a href="http://bit.ly/1TfheGK">aux risques de propagation des chocs</a>.</p>
<h2>Évaluer le risque climatique pour les institutions financières européennes</h2>
<p>Dans un article récemment paru dans la revue <a href="http://go.nature.com/2qDA2EC"><em>Nature Climate Change</em></a> nous proposons, avec Stefano Battiston, Irene Monasterolo, Franziska Schütze et Gabriele Visentin, la première évaluation du risque climatique pour le système financier via un « stress-test climatique » réalisé sur les principales institutions financières européennes.</p>
<p>Pour ce faire, nous avons, dans un premier temps, utilisé la <a href="http://bit.ly/2rX4zkx">base de données Orbis</a> du Bureau van Dijk. Celle-ci décrit le réseau actionnarial global permettant de quantifier l’exposition des institutions financières européennes, via les marchés d’actions, à cinq secteurs potentiellement sensibles à la politique climatique : celui des combustibles fossiles, celui de l’électricité, celui des industries à haute intensité énergétique, celui de l’immobilier et celui du transport.</p>
<h2>Une exposition en deux temps, une propagation « maîtrisable »</h2>
<p>Un premier constat est que l’exposition du système financier aux seul secteurs des combustibles fossiles est faible, mais que si l’ensemble des secteurs liés est pris en considération l’exposition devient importante (environ 40 % des fonds propres).</p>
<p>Dans un second temps, nous analysons la propagation via les réseaux financiers d’un scénario de dévalorisation massive des actifs dans les secteurs des combustibles fossiles et de l’électricité. Les mécanismes de propagation considérés prennent en compte la dégradation du bilan des institutions financières et celle des actifs financiers qu’elles émettent pour se refinancer suite aux pertes sur les marchés d’action.</p>
<p>Ces processus pourraient amplifier par un facteur 2 les pertes initiales liées à un choc de politique climatique. Cependant, l’effet global serait limité si le choc initial restait cantonné aux secteurs clés dans l’émission de gaz à effet de serre. Une politique climatique forte ne conduirait donc pas à la matérialisation d’un risque financier systémique si elle parvenait à limiter la propagation des risques dans la sphère réelle de l’économie.</p>
<p>Dans cette perspective, il est important de clarifier l’horizon socio-économique de déploiement de la politique climatique afin de réduire les incertitudes auxquels les investisseurs sont confrontés, et leur permettre de discriminer finement entre les secteurs potentiellement exposés à la politique climatique et ceux pour qui elle représenterait une opportunité de croissance.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78690/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Mandel a reçu des financements de l'union européenne (programme de recherche Future and Emerging Technologies) dans le cadre des projets de recherche FP7 SIMPOL et H2020 DOLFINS.
Il est également memble du Global Climate Forum </span></em></p>La transition énergétique pourrait changer en profondeur la structure de production et la valeur de nombreux actifs financiers. Première évaluation du risque climatique pour le système financier.Antoine Mandel, Maître de conférences en mathématiques appliquées à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, membre associé à PSE, Paris School of Economics – École d'économie de ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/788092017-06-04T19:37:15Z2017-06-04T19:37:15ZL’Accord de Paris sans Washington, un électrochoc positif ?<p>Donald Trump aura fait durer le suspense plusieurs mois. On se souvient que son élection à la présidence des États-Unis en novembre 2016 en pleine <a href="https://theconversation.com/climat-linconnue-americaine-68541">COP22 de Marrakech</a> avait plongé les négociateurs du climat dans une grande inquiétude.</p>
<p>Durant sa campagne, le candidat républicain avait en effet qualifié les changements climatiques de « canular » et évoqué une possible <a href="http://www.lemonde.fr/elections-americaines/article/2016/05/27/etats-unis-donald-trump-promet-d-annuler-l-accord-de-paris-sur-le-climat-une-fois-elu_4927353_829254.html">« annulation » de l’Accord de Paris</a>. Il avait également promis de supprimer les mesures rendant obsolètes les vieilles centrales au charbon et de relancer l’extraction offshore de pétrole et de gaz.</p>
<p>Une fois élu, ses premières déclarations sur climat étaient restées ambiguës. Évoquant une possible connexion entre les changements climatiques et les activités humaines, Donald Trump ne répondait pas clairement à la question que lui posaient des journalistes du <em>Times</em> sur le fait de savoir si, oui ou non, les États-Unis allaient dénoncer l’Accord. Il se contentait de lancer un énigmatique <a href="http://www.nytimes.com/2016/11/23/us/politics/trump-new-york-times-interview-transcript.html?rref=collection%2Ftimestopic%2FTrump%2CDonaldJ.&action=click&contentCollection=timestopics&region=stream&module=stream_unit&version=search&contentPlacement=8&pgtype=collection&_r=0consult%C3%A9">« Je vais y jeter un œil »</a>…</p>
<p>Les semaines passant, les décisions du Président renforçaient les craintes initiales. Après avoir nommé le climatosceptique <a href="https://fr.wikimedia.org/wiki/Scott_Pruitt">Scott Pruitt</a> à la tête de l’Agence américaine de protection de l’environnement (<a href="https://fr.wikimedia.org/wiki/Environmental_Protection_Agency">EPA</a>), Donald Trump s’attaquait avec entrain au détricotage des mesures environnementales adoptées par son prédécesseur Obama.</p>
<p>Sa politique de relance des énergies fossiles, sans compter le redéploiement des crédits affectés à la recherche sur le climat vers la conquête spatiale, ne pouvait que conduire les États-Unis à ne pas respecter leurs engagements internationaux.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/G3wE7MO1uSw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’intervention de Donald Trump sur l’Accord de Paris, le 1erjuin 2017 (The White House).</span></figcaption>
</figure>
<h2>À quoi les États-Unis s’étaient engagés</h2>
<p>Dans leur contribution nationale à l’Accord de Paris, les États-Unis, alors gouvernés par l’administration Obama, s’étaient engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 26 à 28 % en 2025 par rapport au niveau de 2005. Juridiquement, ils ne pouvaient revoir cette contribution nationale qu’à la hausse (article 4). Ils devaient également se conformer aux autres obligations que prévoit l’Accord notamment des engagements financiers (ils contribuent par exemple pour près de 25 % au budget de fonctionnement du régime international du climat).</p>
<p>Allaient-ils effectivement sortir de l’Accord de Paris ? Choisir d’y rester tout en ne respectant pas leurs engagements, sachant que l’Accord ne prévoit pas de sanctions – autre que politique – en ce cas ? Ou tenter de négocier une troisième voie : abaisser le niveau d’engagement de leur contribution ?</p>
<p>Cette dernière possibilité semblait sérieusement étudiée ces dernières semaines par les partisans d’un maintien des États-Unis dans l’Accord (avec l’espoir d’une continuation de leur niveau de financement). Contraire à l’esprit, sinon à la lettre de l’Accord de Paris, <a href="https://www.ejiltalk.org/the-us-and-the-paris-agreement-in-or-out-and-at-what-cost/">cette option faisait craindre</a> l’amorce d’une course générale vers le bas à l’heure où, bien au contraire, un relèvement rapide du niveau d’ambition des contributions nationales s’impose. Juridiquement plus que fragile, elle ne semblait pas politiquement opportune et a été finalement abandonnée.</p>
<p>Soumis à des pressions contradictoires de la part de son entourage, le Président Trump a fait durer le suspense, repoussant cette décision sensible de semaine en semaine. Pour finalement annoncer dans un long discours le retrait américain de l’Accord de Paris le 1<sup>er</sup> juin dernier.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"660092985850380288"}"></div></p>
<h2>Les modalités du retrait</h2>
<p>L’Accord de Paris offre la possibilité aux États Parties de se retirer. Ce n’est donc pas violer l’Accord que de décider d’en sortir ; on se souvient que le Canada a déjà par le passé <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2011/12/13/le-canada-quitte-le-protocole-de-kyoto_1617695_3244.html">dénoncé le Protocole de Kyoto</a>. Encore faut-il respecter la procédure prévue à cet effet (article 28).</p>
<p>La dénonciation officielle par laquelle les États-Unis « sortiraient » du traité, ne peut intervenir qu’à l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date d’entrée en vigueur de l’Accord, soit pas avant le 5 novembre 2019. Il faudra donc que Donald Trump patiente trois ans avant d’annoncer officiellement son retrait. En outre, sa décision ne prendra effet qu’à l’expiration d’un nouveau délai d’un an, soit… à la toute fin de son mandat et au moment de l’élection d’un nouveau Président (ou de son hypothétique réélection).</p>
<p>Ainsi, que Donald Trump le veuille ou non, les États-Unis sont bel et bien engagés internationalement pour la durée de son mandat. Ils doivent se conformer à leurs obligations internationales et mettre en œuvre leur contribution nationale. Le successeur de Donald Trump pourrait d’ailleurs décider d’engager les États-Unis à nouveau, limitant ainsi à quelques mois la période de retrait.</p>
<p>Les États-Unis auraient une autre possibilité, celle de dénoncer la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques datant de 1992 ; c’est en quelque sorte la convention « mère » de l’Accord de Paris. Dans ce cas, ils seraient réputés avoir dénoncé l’Accord de Paris et la dénonciation prendrait effet dans un délai d’une année (article 28§3 de l’Accord de Paris).</p>
<p>Aujourd’hui, même si le discours de Trump reste ambigu, ce n’est pas cette voie qu’il semble avoir choisie. Il a d’ailleurs insisté à plusieurs reprises dans son discours du 1<sup>er</sup> juin sur la volonté américaine de négocier un nouveau <em>deal</em> en remplacement de l’Accord de Paris, ce pour quoi il semble plus logique de garder un pied dedans en restant dans la Convention-cadre de 1992.</p>
<p>Si tout cela reste à préciser, l’annonce du Président Trump laisse à penser que les États-Unis vont d’ores et déjà s’asseoir sur leurs obligations, se mettre au ban de la communauté des Parties, couper leurs financements (y compris ceux obligatoires pour les Parties ?) et pratiquer une politique de la chaise vide en attendant que le retrait puisse être effectif juridiquement.</p>
<p>Il faut savoir que l’Accord de Paris est incitatif plus que contraignant : il ne prévoit pas de sanction en ce cas, contrairement à ce qu’affirme Donald Trump dans son discours. Peu de choses à craindre donc de ce côté-là, à part des conséquences d’ordre réputationnel que ne semble pas appréhender le Président Trump.</p>
<h2>Les conséquences du retrait</h2>
<p>Incontestablement, la décision de retrait envoie un mauvais signal aussi bien aux États-Unis qu’au reste du monde.</p>
<p>Les États-Unis contribuent pour 18 % aux émissions mondiales de gaz à effet de serre (ce qui les place en seconde position des plus gros émetteurs mondiaux, juste derrière la Chine). Sans eux, l’objectif posé par l’Accord de Paris (contenir « l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 °C ») semble plus que jamais hors d’atteinte.</p>
<p>Les financements américains vont également cruellement manquer pour faire fonctionner les institutions conventionnelles : les États-Unis avaient promis d’abonder le Fonds vert pour le climat à hauteur de 3 milliards de dollars. Le Président Trump annonce qu’ils s’en tiendront au milliard déjà versé sous l’administration de Barack Obama.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/rqv7SMfKnvI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Interview d’Hela Cheikhrouhou, l’ex-directrice générale du Fonds vert pour le climat (France24, octobre 2015).</span></figcaption>
</figure>
<p>De fait, le Fonds vert pour le climat aura bien du mal à atteindre les 100 milliards de dollars prévus pour faire face aux besoins des pays en développement avec un risque de démotivation de ces derniers. Sans compter que la décision américaine fait craindre également un effet domino sur d’autres pays.</p>
<p>Au-delà du climat, elle inquiète par la vision cynique et égocentrique des relations internationales qu’elle véhicule à un moment où de multiples enjeux globaux (tel que le terrorisme) requièrent une étroite collaboration des nations et un sursaut de multilatéralisme. À tous ces points de vue, cette décision, qui relève d’un protectionnisme court-termiste et étriqué, suscite colère et indignation sur la planète entière.</p>
<h2>Des conséquences vraiment si néfastes ?</h2>
<p>Partout dans le monde, entreprises, banques, fonds d’investissement, collectivités locales et individus s’engagent dans la voie de la décarbonations de nos économies. Poussés à l’innovation, ils prennent de l’avance sur leurs concurrents. Ils créent les technologies et les emplois de demain.</p>
<p>La réactivation des centrales charbon est ainsi une mesure de courte vue. Le charbon n’est déjà plus compétitif et le détricotage du <em>Clean Power Act</em> mis en place par Obama n’aura qu’un effet limité. Dans le secteur de l’énergie, les emplois se créent massivement dans le <a href="https://theconversation.com/le-coup-de-grisou-de-ladministration-trump-72397">secteur des renouvelables</a>, y compris aux États-Unis. C’est là que sont les investissements rentables.</p>
<p>La politique de Trump se heurte ici à la volonté d’une large majorité de la société civile, des acteurs économiques et de beaucoup d’États fédérés, de grandes villes, qui pourraient au contraire s’en trouver « dopés ». Même chose à l’échelle internationale. Il est peu probable que Donald Trump obtienne la renégociation de l’Accord de Paris qu’il souhaite. La fin du leadership sino-américain que signe sa décision laisse la place à de nouvelles initiatives, de nouvelles alliances, et pourrait pour certains faire l’effet d’un électrochoc positif.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"871276082036703234"}"></div></p>
<p>Michael Bloomberg, l’ancien maire de New York, a aussitôt annoncé que sa fondation comblerait les <a href="http://www.lemonde.fr/climat/article/2017/06/03/accord-de-paris-la-sortie-de-washington-aura-des-implications-financieres-immediates_5138288_1652612.html">15 millions de dollars</a> de participation des États-Unis au fonctionnement du régime climat. Un sommet Union européenne–Chine s’est conclu, dès le lendemain de sa décision, par un engagement mutuel à réduire la part des énergies fossiles et travailler à la levée de 100 milliards de dollars d’origine publique et privée par an d’ici à 2020 pour aider les pays en développement et en particulier les plus vulnérables.</p>
<p>Appuyée par la France, l’Allemagne, qui accueillera le G20 en juillet et la COP23 en novembre, semble particulièrement motivée à aller de l’avant. De telles initiatives vont probablement se multiplier dans et hors des États-Unis.</p>
<p>« Cet élan est irréversible, il est guidé non seulement par les gouvernements mais aussi par la science, par le monde des entreprises ainsi que par une action mondiale de tous types et à tous niveaux », affirmait solennellement la <a href="https://unfccc.int/files/meetings/marrakech_nov_2016/application/pdf/marrakech_action_proclamation.pdf">déclaration finale de Marrakech</a> adoptée lors de la COP 22. Méthode Coué ou <a href="http://www.liberation.fr/planete/2015/12/17/cop21-l-accord-doit-etre-une-prophetie-autorealisatrice_1421547">prophétie autoréalisatrice</a> ? L’avenir seul le dira, mais bien des signaux sont aujourd’hui positifs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78809/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sandrine Maljean-Dubois ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si le recul de l’Amérique de Trump en matière de lutte contre le changement climatique envoie un mauvais signal, ses conséquences ne sont peut-être pas aussi néfastes qu’il y paraît.Sandrine Maljean-Dubois, Directrice de recherche Centre d’études et de recherches internationales et communautaires (CERIC, Université Aix-Marseille), Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/741912017-03-22T23:39:33Z2017-03-22T23:39:33ZChangement climatique, quand la société civile multiplie les actions en justice<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/161821/original/image-20170321-5368-1ya5lqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quelques-uns des 900 citoyens qui, avec l’ONG Urgenda, ont porté plainte en 2015 contre le gouvernement néerlandais pour ses manquements face au réchauffement climatique. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.urgenda.nl/en/climate-case/">Urgenda/Chantal Bekker</a></span></figcaption></figure><p>Ce mercredi 3 février 2021, c’est une victoire qualifiée d’« historique » qui a été acquise par plusieurs ONG de défense du climat : le tribunal administratif de Paris leur a en effet donné raison en condamnant l’État français pour « carences fautives » dans la lutte contre le réchauffement climatique et la baisse des émissions de gaz à effet de serre. Avec cette décision, l’inaction climatique devient illégale. </p>
<p>Depuis 2015, des actions en justice climatique ont fleuri un peu partout dans le monde : du Pakistan aux Philippines, en passant par les Pays-Bas, la Suède, la Suisse, la Belgique ou l’Allemagne.</p>
<p>Porter la « cause climatique » devant les juges n’a rien de nouveau. C’est le cas aux États-Unis depuis une dizaine d’années avec des actions remarquables comme <a href="https://www.supremecourt.gov/opinions/06pdf/05-1120.pdf"><em>Massachusetts v. Environmental Protection Agency</em></a> (2007) ou <a href="https://www.law.cornell.edu/supct/html/10-174.ZS.html"><em>American Electric Power v. Connecticut</em></a> (2011). Ces actions avaient pour principal objectif de faire appliquer la réglementation existante en matière de pollution de l’air et de l’élargir au changement climatique.</p>
<p>Mais ces dernières années, la nouveauté consiste à réclamer à l’État de prendre ses responsabilités climatiques. Au nom de ses devoirs de protection des populations, celui-ci doit répondre pour son inaction ou ses actions inefficaces dans le domaine. Si elles sont nouvelles, ces réclamations ne supposent pourtant pas d’inventer de nouveaux droits ; elles s’appuient sur les constitutions et les lois fondamentales de chaque pays.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/p45qxdLAIy0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Affaire du siècle : l’État « responsable » de manquements dans la lutte contre le réchauffement. (France24/Youtube, février 2021)</span></figcaption>
</figure>
<h2>Des actions citoyennes</h2>
<p>La question du dérèglement climatique n’est aujourd’hui plus confinée aux seuls experts scientifiques, ni aux négociations internationales au sein des Nations unies. Elle dépasse également les diverses réglementations nationales sur le climat ou la pollution de l’air. La question climatique est désormais reprise par la société civile : elle sort du cadre onusien et se transfère devant les tribunaux nationaux, devenant une cause citoyenne, susceptible d’intéresser à la fois les juges et les associations.</p>
<p>On peut citer à titre d’exemple deux décisions emblématiques où les plaignants ont obtenu gain face à un État jugé responsable. Il y a d’abord l’<a href="https://elaw.org/pk_Leghari">affaire Léghari</a>, en septembre 2015 au Pakistan, qui a vu un paysan saisir la justice pour demander aux autorités de le protéger, lui et tous les citoyens, des effets du changement climatique. Simultanément, aux Pays-Bas , <a href="http://www.urgenda.nl/en/climate-case/">900 citoyens se sont unis aux côtés de l’ONG Urgenda</a> pour réclamer à l’État, au nom de son devoir de diligence inscrit dans la constitution néerlandaise, de prendre soin d’eux et de faire le nécessaire pour assurer leur survie.</p>
<h2>Vers un mouvement global</h2>
<p>Viennent s’ajouter à ces initiatives d’autres actions menées en 2016 et 2015 qui, si elles n’ont pas toujours abouti, ont lancé un signal fort. Ce fut notamment le cas de ce paysan péruvien ayant entrepris une action devant un tribunal allemand <a href="http://www.deutschlandfunk.de/klage-gegen-rwe-peruanischer-kleinbauer-will-klima.697.de.html?dram:article_id=372257">contre RWE</a>, le géant de l’électricité outre-Rhin. Il réclamait à la firme des dommages et intérêts pour avoir dû engager les frais indispensables à son adaptation face à la montée des eaux dans son pays.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"809379311396462592"}"></div></p>
<p>En Belgique, l’ONG <a href="http://www.klimaatzaak.eu/fr/le-proces/#klimaatzaak">Klimaatzaak</a> a demandé aux juges que les autorités respectent leurs engagements : à savoir la réduction d’ici 2020 de 40 % des émissions de gaz à effet de serre dans le pays. En Nouvelle-Zélande, une étudiante en droit, <a href="https://www.nzgeo.com/stories/sarah-vs-the-state-governments-climate-targets-illegal-unreasonable-irrational/">Sarah Thomson</a>, a réclamé devant le prétoire que le gouvernement assume ses responsabilités du fait de sa politique « déraisonnable et irrationnelle » en matière climatique.</p>
<p>Aux États-Unis, c’est la jeunesse qui s’est mobilisée autour de l’ONG <a href="https://www.law360.com/cases/55cb74a857d2c95910000001">Our Children’s Trust</a>, au nom des générations présentes et futures, contre le gouvernement fédéral pour lui réclamer des comptes.</p>
<p>Aux Philippines, Greenpeace a annoncé qu’il poursuivrait le gouvernement norvégien pour avoir permis l’extraction offshore de pétrole, soulignant que ces extractions et leurs impacts sur l’environnement violaient les droits inscrits dans la Constitution norvégienne. La même ONG a également <a href="https://www.greenpeace.fr/catastrophes-climatiques-les-pollueurs-doivent-rendre-des-comptes-en-justice">encouragé la Commission des Droits de l’Homme de Philippines</a> à adresser une plainte à plusieurs entreprises responsables de pollutions pour leur contribution au dérèglement climatique.</p>
<h2>Une innovation du point de vue du droit</h2>
<p>Aller au prétoire au niveau national pour résoudre un problème planétaire non réglé par le droit international, voilà qui est novateur. Et les associations mobilisent pour ce faire des droits jusqu’ici peu ou pas mobilisés pour le climat. Les juges font également preuve d’innovation en acceptant d’entendre ce type d’actions et en estimant qu’elles sont recevables.</p>
<p>Sur le plan des arguments mis en avant dans ces affaires, les associations mobilisent des droits qui existent déjà dans les différents pays, que ce soit au niveau de la loi, de la jurisprudence (comme le devoir de diligence, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Duty_of_care"><em>duty of care</em></a>) ou des constitutions (comme le <a href="http://www.novethic.fr/empreinte-terre/pollution/isr-rse/le-droit-a-un-environnement-sain-un-droit-encore-largement-ignore-par-les-entreprises-144031.html">droit à un environnement sain</a>). Ces différents droits, jamais mobilisés jusqu’ici pour se prémunir des effets du changement climatique, témoignent d’une grande audace et d’une certaine habilité juridique de la part des associations impliquées.</p>
<h2>Pour une société soutenable</h2>
<p>On le voit, la société civile a amorcé un mouvement dont le retentissement mondial se propage, des connexions évidentes existant entre les différentes ONG à l’origine de ces actions. Ces dernières s’inscrivent en effet dans un mouvement global qui cherche à améliorer les voies d’action et les stratégies judiciaires, en faisant appel à des avocats militants pour défendre ces affaires.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Ofzi2Lfje7U?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’avocat néerlandais Roger Cox pour qui la justice peut jouer un rôle déterminant dans la lutte contre les changements climatiques (TEDx Talks, 2014).</span></figcaption>
</figure>
<p>L’un des arguments les plus innovants et les plus emblématiques utilisés dans l’affaire Urgenda au Pays-Bas – et repris dans d’autres affaires (Kelsey Cascadia et coll. aux États-Unis) – est celui de la construction d’une « société soutenable » à laquelle tout État devrait tendre. Les associations défendent ainsi un intérêt qui dépasse nécessairement les nations (les effets des émissions franchissent les frontières) et qui transcende les générations (la difficulté de s’adapter dans la durée à l’irréversibilité climatique). Cet intérêt à la fois transnational et transgénérationnel de ces actions explique en grande partie la sympathie qu’elles suscitent chez les juges et dans l’opinion publique.</p>
<p>Ce mouvement réclamant justice pour le climat auprès de juridictions nationales devrait s’intensifier dans les mois et les années à venir. Et pour cause, les juges semblent particulièrement indulgents dans les exigences de preuves du changement climatique : ils ne bloquent plus les actions en exigeant la preuve d’un lien fort entre la cause et l’effet, entre le phénomène de dégradation climatique et les actions ou inactions des États.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/74191/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marta Torre-Schaub ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis 2015, des actions en justice initiées par des citoyens et des ONG pour exiger des autorités qu’elles s’engagent contre le réchauffement climatique se sont multipliées partout dans le monde.Marta Torre-Schaub, Directrice de recherche CNRS, juriste, spécialiste du changement climatique et du droit de l’environnement et la santé, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/723982017-02-22T19:56:58Z2017-02-22T19:56:58ZStratégie énergétique de Trump, Pékin pourra lui dire merci<p>La question énergétique, et plus <a href="https://theconversation.com/trump-le-nouveau-roi-du-petrole-72151">particulièrement pétrolière</a>, est depuis la Seconde Guerre mondiale un élément essentiel de la politique étrangère américaine.</p>
<p>En février 1945, à bord du navire de guerre américain <em>Quincy</em>, le président <a href="https://www.washingtonpost.com/news/worldviews/wp/2015/01/27/the-first-time-a-u-s-president-met-a-saudi-king/?utm_term=.b9ef308f1c1d">Roosevelt s’engageait</a> à fournir une protection militaire à la famille Saoud. En contrepartie, le Royaume d’Arabie saoudite garantissait un approvisionnement énergétique aux États-Unis, dans un monde alors en pleine reconstruction et où le rôle stratégique du pétrole s’affirmait.</p>
<p>Signé pour 60 ans, le pacte de Quincy a été renouvelé pour la même durée en 2005 par George W. Bush. Devenus <a href="http://www.eia.gov/petroleum/">importateurs nets</a> de pétrole vers la fin des années 1940, les États-Unis ont construit leur diplomatie énergétique dans un monde de plus en plus volatil avec la <a href="http://www.opec.org/opec_web/en/about_us/24.htm">prise de pouvoir</a> progressive de l’OPEP dans les années 1960, la fin de la <a href="http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=529">convertibilité or du dollar</a> en août 1971 et le premier choc pétrolier de 1973.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/157853/original/image-20170222-1316-19ye9d0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/157853/original/image-20170222-1316-19ye9d0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/157853/original/image-20170222-1316-19ye9d0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/157853/original/image-20170222-1316-19ye9d0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/157853/original/image-20170222-1316-19ye9d0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/157853/original/image-20170222-1316-19ye9d0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/157853/original/image-20170222-1316-19ye9d0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le 14 février 1945, rencontre entre le roi d’Arabie saoudite Ibn Séoud et le président américain Roosevelt à bord du <em>Quincy</em>.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/ac/FDR_on_quincy.jpg">US Army Signal Corps/Wikimedia Commons</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sous l’impulsion d’Henry Kissinger (conseiller à la sécurité nationale de 1968 à 1975, secrétaire d’État de 1973 à 1977 et prix Nobel de la paix en 1973), les États-Unis ont réussi à imposer le dollar comme monnaie de facturation de l’or noir (le pétrodollar), assurant ainsi la suprématie de leur monnaie sur la scène internationale. À la fin des années 1970, Jimmy Carter, le 39<sup>e</sup> président des États-Unis, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Doctrine_Carter">établit la doctrine</a> de riposte militaire en cas de menace sur les intérêts américains dans le Golfe persique. Cette mesure scella les relations entre l’Arabie saoudite et les États-Unis dans le golfe Persique.</p>
<p>L’intervention militaire en 1991 au Koweït, après l’invasion du pays par l’Irak, tout comme celle de 2003, ont reposé sur cette logique de défense des intérêts pétroliers américains dans le Golfe. Si les relations entre les États-Unis et l’Arabie saoudite ont enregistré par la suite une dégradation (encouragement de Barak Obama à la démocratisation de sociétés au Moyen-Orient, politique américaine en Égypte en 2011, crise en Syrie, etc.), l’Arabie saoudite reste aujourd’hui le deuxième fournisseur de pétrole américain.</p>
<p>Les projets d’infrastructures énergétiques, tout comme la volonté de s’émanciper de la dépendance envers l’OPEP, sont de nature à favoriser les pays proches des États-Unis, producteurs de pétrole, à l’image du Canada et du Mexique… même si les relations avec ce dernier pays sont particulièrement tendues, notamment sur les questions d’immigration.</p>
<h2>Une opportunité pour la Chine</h2>
<p>D’un point de vue macroéconomique, les emplois promis par le plan <a href="https://www.whitehouse.gov/america-first-energy">« America First Energy »</a> – s’appuyant sur une relance de la production de ressources fossiles aux États-Unis – repose sur une <a href="https://theconversation.com/trump-le-nouveau-roi-du-petrole-72151">lecture passéiste des transformations</a> de l’industrie et du marché pétrolier.</p>
<p>Pour l’instant, l’élection et les décisions de l’administration Trump auront eu pour principal effet de doper les capitalisations boursières des entreprises industrielles et de permettre une appréciation du dollar face aux différentes monnaies internationales.</p>
<p>La stratégie de Trump repose en grande partie sur ces effets de court terme censés engendrer de la confiance pour les différents acteurs de l’économie. Mais au-delà de ces effets, les objectifs énoncés risquent d’être difficiles à tenir.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/157708/original/image-20170221-18643-1apwaq3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/157708/original/image-20170221-18643-1apwaq3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/157708/original/image-20170221-18643-1apwaq3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/157708/original/image-20170221-18643-1apwaq3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/157708/original/image-20170221-18643-1apwaq3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/157708/original/image-20170221-18643-1apwaq3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/157708/original/image-20170221-18643-1apwaq3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">FED Saint Louis</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’un point de vue environnemental, la volonté délibérée et provocatrice de minimiser le problème climatique et d’inscrire les énergies carbonées en priorité nationale risque de se confronter rapidement à un principe de réalité de marché, mais également aux secteurs de l’assurance et de la banque aux États-Unis qui réfléchissent eux à la manière <a href="https://theconversation.com/en-investissant-pour-sauver-le-climat-les-banquiers-sauveront-ils-les-banques-67426">d’appréhender le risque climatique</a>.</p>
<p>En matière de relations internationales, la tentation du protectionnisme, la loi sur l’immigration et les réfugiés sont autant de signaux d’une partie des États-Unis qui souhaite se renfermer sur elle-même. Trump n’est pas en train de remettre les États-Unis sur le devant de la scène mondiale, il déroule le tapis rouge à une Chine conquérante et innovante qui n’en attendait pas moins pour infléchir le cours de la gouvernance mondiale.</p>
<h2>Un espace vide, le pragmatisme chinois</h2>
<p>L’espace créé par l’administration Trump constitue une réelle opportunité pour l’affirmation d’une gouvernance chinoise au niveau mondial. Par le passé, Pékin a toujours su faire preuve d’un certain pragmatisme en mêlant des objectifs domestiques et une conquête progressive sur le plan international.</p>
<p>De l’ouverture économique de la fin des années 1980 à la libéralisation récente et progressive du yuan, en passant par l’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce en 2001, la <a href="http://www.maxxelli-consulting.com/china-go-out-policy/">« Go Out Policy »</a> (la politique nationale encourageant l’investissement des entreprises chinoises à l’étranger) dans les années 2000 ou encore la multiplication des accords bilatéraux et multilatéraux, chaque étape de l’internationalisation du pays s’accompagne d’une montée en puissance à l’échelle internationale.</p>
<p>D’un consensus de Washington mis en place dans les années 1980 dans le cadre des institutions internationales issues de la Seconde Guerre mondiale (Banque mondiale, Fonds monétaire international), les années 2000 ont vu apparaître un consensus de Pékin, alternatif certes, mais engendrant de nouvelles formes de dépendances avec la Chine.</p>
<p>Dans ce contexte, la création de la Banque asiatique d’investissements dans les infrastructures <a href="https://www.aiib.org/en/index.html">(la BAII)</a>, en mars 2015, prend toute son importance. Pensée au départ pour promouvoir l’intégration régionale en Asie, cette institution est désormais forte de 57 États membres, dont de nombreux pays européens.</p>
<p>La Chine y possède plus de 25 % des droits de vote, bénéficiant ainsi d’une forme de droit de veto. La BAII est en passe de devenir un outil majeur de la politique d’internationalisation chinoise, notamment à travers ses investissements en Asie centrale, un projet global regroupé sous le vocable de <a href="http://www.brics-info.org/chinese-obor-linked-investments-to-boost-rmb-internationalization/">« nouvelles routes de la soie »</a> (« One Belt, One Road » ou OBOR). Ce projet apporte une réponse partielle à la problématique pétrolière de dépendance chinoise et constitue un réel enjeu de prestige pour la Chine dans sa réaffirmation en tant que une puissance globale.</p>
<p>À l’heure où Trump cherche à construire des murs, la Chine projette ainsi d’investir près de 4 000 milliards de dollars pour construire des infrastructures (routes, rails, ports, télécommunication) afin de <a href="http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/BRIE/2016/586608/EPRS_BRI(2016)%20586608_EN.pdf">créer une zone couvrant 65 pays</a> entre l’Asie et l’Europe, 55 % du PIB mondial, 70 % de la population mondiale (4,4 milliards d’habitants) pour un chantier de plus de 30 ans !</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/c2vo64k46f8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les «nouvelles routes de la soie» : Pékin à la conquête du monde (France24, 2016).</span></figcaption>
</figure>
<p>En maître d’œuvre, Pékin propose donc un projet d’intégration global marqué par le sceau de la connectivité. <a href="http://www.la-croix.com/Economie/Monde/Le-chinois-Cosco-prend-controle-port-Piree-2016-08-12-1200781801">L’acquisition</a> en 2016 du port du Pirée d’Athènes par l’entreprise chinoise Cosco, afin d’y établir un hub méditerranéen pour les conteneurs chinois, constitue le premier investissement symbolique de ces « nouvelles routes de la soie » en Europe.</p>
<p>Dans le domaine énergétique, La Chine se pose aujourd’hui en leader de l’investissement dans les <a href="https://theconversation.com/mobilite-electrique-energie-solaire-et-reboisement-comment-la-chine-sefforce-de-passer-au-vert-66700">énergies renouvelables</a> et des questions relatives au changement climatique (finance verte notamment) ; elle risque là aussi de prendre l’espace laissé par les États-Unis et une Europe en pré-campagne électorale. Sur le plan géopolitique, Pekin se pose en diplomate aguerri avec l’ensemble des pays du golfe Persique, Arabie saoudite et Iran en tête.</p>
<p>Le pari du repli sur soi et des <a href="https://theconversation.com/trump-le-nouveau-roi-du-petrole-72151">énergies carbonées</a> de Trump dans un monde en transition pourrait ainsi constituer une étape cruciale de l’affirmation du leadership chinois mondial… <em>Xièxiè Mister President !</em> (Merci, monsieur le Président !)</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/72398/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hache est chercheur associé et professeur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marine Simoën ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En misant sur le protectionnisme et les énergies fossiles, le nouveau président américain déroule le tapis rouge à la Chine.Emmanuel Hache, Économiste et prospectiviste, IFP Énergies nouvelles, Auteurs historiques The Conversation FranceMarine Simoën, Ingénieure de recherche en économie, IFP Énergies nouvelles Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.