tag:theconversation.com,2011:/ca/topics/guerre-economique-22479/articlesguerre économique – The Conversation2023-03-15T19:58:08Ztag:theconversation.com,2011:article/2012662023-03-15T19:58:08Z2023-03-15T19:58:08ZChine–États-Unis : gare à la fascination pour le « piège de Thucydide » !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/515518/original/file-20230315-275-92kz7q.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C5%2C1791%2C852&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’aigle et le dragon sont-ils voués à s’affronter ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/eagle-vs-dragon-vector-illustration-economic-1471807013">Farosofa/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><em>Dans <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/relations-internationales/l-autre-guerre-froide/">« L’autre Guerre Froide »</a>, qui vient de paraître aux éditions du CNRS, l’historien Pierre Grosser fait le bilan de la rivalité opposant les deux grandes puissances du XXI<sup>e</sup> siècle. Entre ambition de devenir la première puissance de la planète du côté chinois et crainte de perdre le monopole du leadership mondial du côté américain, un conflit armé est un scénario crédible selon la fameuse théorie du <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2017/10/ZAJEC/57980">« piège de Thucydide »</a>, que l’auteur analyse dans l’extrait que nous vous présentons aujourd’hui.</em></p>
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<p>Dans l’histoire, l’ascension rapide d’une nouvelle puissance, soucieuse d’abord d’avoir « une place au soleil », puis de changer les règles du jeu pour qu’elles soient plus à son avantage, inquiéterait toujours la puissance la mieux installée, qui elle-même connaît un déclin relatif. Cela provoquerait nécessairement des guerres. Aujourd’hui, les États-Unis seraient confrontés au dilemme d’accepter ou non les changements tectoniques de la hiérarchie des puissances, et donc la domination qui en résulte de la Chine en Asie, ou de choisir la guerre pour la limiter, avec le risque de s’affaiblir eux-mêmes et de faciliter ce qu’ils voulaient prévenir, une transition vers la domination chinoise.</p>
<p>Cette thèse a été popularisée par un vétéran de la science politique, <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/histoire-et-geopolitique/geopolitique-et-strategie/vers-la-guerre_9782738147028.php">Graham Allison</a>, sous le terme de « piège de Thucydide », afin d’avoir un vernis d’humanités, une prétention scientifique, et des citations au rabais (comme pour la « fin de l’histoire » ou le « choc des civilisations », qui sont aussi accusées de devenir des prophéties auto-réalisatrices).</p>
<p>La comparaison avec 1914, qui est développée dans l’ouvrage, ne tient pas, tout simplement parce que la Première Guerre mondiale n’a pas été causée par la rivalité entre Berlin et Londres (je le montre plus en détail dans <a href="https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-01064752/document">l’étude de l’IRSEM</a> La course aux armements navals avait été gagnée par les Britanniques dès 1912, et comptait moins que la course aux armements terrestres de l’Allemagne avec la France et la Russie. Les ennemis traditionnels de l’Allemagne étaient ces deux pays, qui étaient aussi, dans l’Empire, ceux des Britanniques, ce qui rendait possible un renversement des alliances.</p>
<p>Aujourd’hui, il faut tenir compte des tensions sino-indiennes et sino-japonaises, ces dernières étant parfois aussi comparées aux relations anglo-allemandes d’avant 1914. La proximité culturelle (et dynastique) anglo-allemande était bien plus forte qu’entre les États-Unis et la Chine. Celle-ci ne sort pas de guerres d’unification qui en auraient fait, comme l’Allemagne, un modèle militaire pour les états-majors du monde entier.</p>
<p>Non seulement la Première Guerre mondiale n’est pas due principalement à cette ascension rapide d’une nouvelle puissance, mais l’histoire regorge d’exemples où ces changements de rapports de puissance <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01402390.2018.1558056?journalCode=fjss20">ne provoquent pas de guerre</a>.</p>
<p>Ainsi, il n’y a pas eu de guerre entre les États-Unis et le Royaume-Uni, lorsque les premiers ont concurrencé le second dès la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. La Chine aime à rappeler cette réalité, et à se comparer aux États-Unis. Une puissance qui devient la plus riche du monde souhaiterait naturellement se réserver une sphère d’influence privilégiée, voire exclusive, en prétendant la libérer d’intrus impérialistes (les puissances européennes pour l’Amérique dans la première moitié du XIX<sup>e</sup> siècle, les États-Unis pour l’Asie deux siècles plus tard), devenir une puissance navale pour protéger son commerce et ses intérêts, devenir une puissance diplomatique et culturelle. La Chine parviendrait même à être à la fois une puissance terrestre et une puissance navale, ce que n’ont pas réussi la France, l’Allemagne et la Russie – ni la Chine à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. La Chine de Xi Jinping connaîtrait sa « phase Theodore Roosevelt », lorsque les <a href="https://www.pur-editions.fr/product/8409/theodore-roosevelt-et-l-amerique-imperiale">États-Unis sont devenus vraiment nationalistes et impérialistes</a>, puissance industrielle et navale, avec la prétention d’être le nouveau centre du monde.</p>
<p>Malgré les inquiétudes que la Chine suscite, sa volonté de créer des bases à l’étranger et de s’assurer des points d’appui portuaires, serait « naturelle ». De même que son souci d’assurer la sécurité de ses routes d’approvisionnement de matières premières et de ses ressortissants, en déployant des policiers chinois là où les communautés chinoises sont menacées, et en ayant les capacités militaires <a href="https://www.iiss.org/publications/adelphi/2015/chinas-strong-arm-protecting-citizens-and-assets-abroad">d’intervenir pour les protéger ou les évacuer</a>.</p>
<p>L’agitation de 2022 autour d’un <a href="https://www.geo.fr/geopolitique/les-iles-salomon-sur-la-ligne-de-front-entre-la-chine-et-les-etats-unis-209057">accord de la Chine avec les îles Solomon</a> fait suite à nombre de focalisations sur des lieux (du Cambodge au golfe de Guinée ou en Namibie, en passant par les Émirats arabes unis), que convoiterait Pékin.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/au-cambodge-une-base-militaire-comme-outil-dinfluence-pour-pekin-196165">Au Cambodge, une base militaire comme outil d’influence pour Pékin</a>
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<p>Les dépenses militaires de la Chine augmenteraient mécaniquement avec l’augmentation du PNB, sans qu’il y ait volonté militariste. Enfin, la Chine entrerait dans une nouvelle étape, déjà parcourue par les grandes puissances précédentes, en cherchant à internationaliser sa monnaie et aussi son droit. Au-delà des simples comparaisons de PNB, elle a déjà un <a href="https://www.lesechos.fr/weekend/business-story/la-chine-un-geant-a-la-conquete-du-monde-1257626">pouvoir de marché</a> (grâce à sa population nombreuse à niveau de vie croissant), elle est centrale dans les chaînes de valeur et surtout la construction navale (45 % de la production mondiale) et le transport maritime, et pèse dans l’établissement de normes technologiques. Les actions internationales de la Chine n’auraient donc rien à voir avec l’idéologie du régime, mais seraient le simple produit de « lois » de la géopolitique.</p>
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<p>De plus, le piège de Thucydide ne concernerait pas la Chine, car celle-ci ne serait pas une puissance guerrière (Xi Jinping dit que <a href="http://french.peopledaily.com.cn/Chine/n3/2021/0701/c31354-9867516.html">ce n’est pas « dans son ADN »</a>). Elle est le seul membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations unies, depuis la fin de la guerre froide, à <a href="https://www.cairn.info/demain-la-chine-guerre-ou-paix--9782072951619-page-73.htm">ne pas avoir utilisé la force militaire</a> et déployé ses soldats pour des guerres à l’étranger. Elle ne serait pas une puissance révisionniste, alors même que les États-Unis en sont une en s’en prenant, par ses interventions « humanitaires », à l’ordre international d’États souverains codifié en 1945.</p>
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<p>Pékin appelle les États-Unis à « maintenir le système international avec l’ONU en son cœur et le droit international comme fondement ». La Chine n’essaierait pas de constituer une alliance anti-occidentale avec les pays hostiles à la domination américaine (malgré la formalisation de groupes d’amis aux Nations unies), ni à entraîner des rebelles anti-impérialistes à travers le monde comme dans les années 1960 et 1970, <a href="https://www.fulcrum.org/concern/monographs/pv63g2033">ni à briser les alliances américaines, ni à promouvoir un ordre alternatif</a>. Non seulement elle ne minerait pas l’ordre international mais paye de plus en plus pour lui, par ses contributions au système onusien (notamment les Opérations de Maintien de la Paix).
En réalité, c’est le mélange d’optimisme et de pessimisme de la puissance montante qui a été une des causes de la Première Guerre mondiale, et pourrait être celle d’une guerre sino-américaine.</p>
<p>La <em>Weltpolitik</em> allemande était dans une impasse à partir de la fin des années 1900, car elle provoquait des réactions des grandes puissances concurrentes. Berlin se sentait donc empêchée d’obtenir sa « place au soleil », tout en prétendant avoir le meilleur système politique, la meilleure culture, le plus grand dynamisme industriel et commercial. C’est la remontée en puissance rapide de la Russie, après <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/histoire-et-geopolitique/geopolitique-et-strategie/histoire-du-monde-se-fait-en-asie_9782738148773.php">sa défaite de 1905 contre le Japon</a>, et donc le renforcement de la tenaille franco-russe qui poussa Berlin à une guerre quasi préventive, en profitant de la crise de l’été 1914.</p>
<p>La Chine aujourd’hui est persuadée de devoir retrouver sa place au Centre et au sommet qui lui serait historiquement due, mais elle subit le retour de bâton de pays petits et grands qui ne goûtent guère son arrogance, les efforts des puissances concurrentes pour ne pas lui laisser le champ libre, tandis que le crises internes de certains « clients » sont attribués à un endettement excessif à l’égard de la Chine (Sri Laka, Laos…). Les observateurs qui s’inquiétaient de l’offensive de charme chinoise dans les années 2000 se frottent les mains en constatant, avec une certaine exagération, la <a href="https://thediplomat.com/2022/07/chinas-poor-global-image-is-undermining-its-strategic-goals/">dégradation de l’image de la Chine</a> dans le monde depuis la fin des années 2010, à cause de son agressivité verbale et de ses pratiques coercitives.</p>
<p>La question du triomphalisme excessif de la Chine menant à une sorte de <a href="https://academic.oup.com/ia/article-abstract/94/5/1019/5092108">« surexpansion impériale »</a> est discutée depuis plusieurs années en Chine. La comparaison avec l’Allemagne est même prolongée, en regrettant que la <a href="https://www.jstor.org/stable/10.7312/iken12590.7">Chine ait abandonné une politique néo-bismarckienne</a>, de multiplication de partenariats de toutes sortes, destinée à rassurer les voisins tout en dominant le système, et à tempérer les ardeurs des États-Unis (comme de la France pour le chancelier allemand). Xi Jinping aurait eu tort de jouer à Guillaume II, dans une politique régionale et mondiale assertive, de coups diplomatiques, de faits accomplis et de guerre juridique en mer de Chine du Sud, qui auraient rendu la Chine impopulaire, parfois isolée, et en conséquence plus agressive.</p>
<p>Même le Singapourien Kishore Mahbubani, chantre du triomphe de la Chine sur un Occident déclinant, <a href="https://www.fnac.com/livre-numerique/a13730571/Kishore-Mahbubani-Has-China-Won">déplore que celle-ci n’ait pas réussi à garder davantage d’« amis » aux États-Unis</a> pour empêcher le tournant consensuel pour une politique de confrontation. Au XX<sup>e</sup>, l’Allemagne s’est avérée trop grosse pour les équilibres européens mais trop faible pour dominer l’Europe : la Chine serait trop puissante pour les équilibres asiatiques, et même mondiaux, mais ses prétentions de domination seraient vaines et contreproductives.</p>
<p>La volonté croissante de Xi d’utiliser la coercition pour atteindre les objectifs de la Chine, ainsi que la rhétorique de plus en plus agressive, pourraient même être la preuve que Pékin a conscience qu’il sera difficile de dépasser pacifiquement les États-Unis dans le long sprint à la puissance. Les condensés de pessimisme dans la marmite d’optimisme seraient dangereux, car <a href="https://www.aei.org/research-products/book/danger-zone-the-coming-conflict-with-china/">pousseraient à prendre plus de risques, à cause d’une paranoïa et d’une impatience accrues</a>. Le célèbre stratège Edward Luttwak parle même d’<a href="https://www.orfonline.org/research/understanding-the-rationale-for-toxic-decision-making-within-the-army-52826/">« autisme de grande puissance »</a>, qui serait une loi de l’histoire : le PCC, particulièrement ethnocentrique et plein de morgue, ne pourrait ou ne voudrait abandonner des politiques contreproductives et autodestructrices, malgré tous les signaux.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/514725/original/file-20230310-18-5a1hho.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514725/original/file-20230310-18-5a1hho.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514725/original/file-20230310-18-5a1hho.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514725/original/file-20230310-18-5a1hho.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514725/original/file-20230310-18-5a1hho.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514725/original/file-20230310-18-5a1hho.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1156&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514725/original/file-20230310-18-5a1hho.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1156&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514725/original/file-20230310-18-5a1hho.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1156&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Ce texte est issu de « L’autre Guerre froide », paru en mars 2023 aux éditions du CNRS. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Éditions du CNRS</span></span>
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<p>La question est donc de savoir si Pékin choisira une sorte de fuite en avant à court terme, ou bien de rassurer les puissances qu’elle inquiète et consolidera ses fondamentaux pour reprendre sa marche en avant. Les nominations récentes sont regardées avec attention. Pour certains observateurs, Xi promeut une nouvelle génération de diplomates prêts à la compétition avec l’Occident et à l’utilisation de la coercition, favorable à l’axe sino-russe et à un leadership chinois sur le monde non-occidental, et déterminés à défendre le modèle politique chinois ; d’autres au contraire estiment que ce sont des <a href="https://thediplomat.com/2022/07/chinas-wolf-warrior-diplomacy-is-fading/">diplomates plus modérés</a> qui sont mis en avant, pour calmer les inquiétudes des pays d’accueil. Mais comment revenir en arrière lorsque, pour des raisons avant tout domestiques, Xi Jinping aurait abandonné la montée en puissance pacifique de la Chine, et <a href="https://www.amazon.com/Overreach-China-Derailed-Peaceful-Rise/dp/0190068515">serait allé trop loin dans la projection de puissance</a> et l’agressivité verbale, provoquant une sur-réaction des États-Unis, de leurs alliés, et certains pays du Sud ? Cette sur-réaction à son tour rendrait impossible tout retour en arrière, voire faciliterait une fuite en avant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201266/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Grosser ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que les points de tension se multiplient entre Pékin et Washington, la transition vers un leadership chinois passera-t-elle forcément par un affrontement militaire avec les États-Unis ?Pierre Grosser, Professeur de relations internationales, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1775952022-03-01T20:12:23Z2022-03-01T20:12:23ZChine et États-Unis : comment en est-on arrivé là ?<p>Il y a vingt ans, la Chine entrait dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC). De nombreux stratèges et décideurs occidentaux, dont <a href="https://www.iatp.org/sites/default/files/Full_Text_of_Clintons_Speech_on_China_Trade_Bi.htm">Bill Clinton</a>, alors président des États-Unis, espéraient que cette officialisation de la position du géant asiatique au sein de la mondialisation pousserait Pékin vers la voie de la réforme et de la libéralisation, tant sur le plan économique que politique.</p>
<p>Sur le second, elle n’a pas eu lieu. Sur l’aspect économique, intégration et interdépendance ont pu assez largement caractériser la relation sino-américaine jusqu’en 2008. Les deux géants mondiaux semblent cependant vouloir désormais sciemment organiser leur divorce, en dissociant leurs chaînes de production et en faisant le choix de technologies et de normes de plus en plus différentes.</p>
<p>En témoigne notamment la stratégie chinoise de <a href="https://www.scmp.com/economy/china-economy/article/3110184/what-chinas-dual-circulation-economic-strategy-and-why-it">« double circulation »</a>, aspiration de Pékin à développer son marché intérieur afin de réduire sa dépendance sur le reste du monde. En témoigne également la réticence, voire l’opposition, dans un certain nombre de pays occidentaux d’accepter les équipements 5G de Huawei.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-enjeux-geopolitiques-de-la-5g-146494">Les enjeux géopolitiques de la 5G</a>
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<p>Ce scénario de divorce ou de découplage économique peut être un non-sens sur le plan économique, mais correspondre à une véritable volonté politique de la part de Washington et de Pékin. C’est ce scénario que nous avons exploré dans le cadre d’un <a href="https://amchamfrance.org/wp-content/uploads/2021/12/Economic-Decoupling-Our-New-Reality.pdf">Livre blanc</a> proposé par la Chambre américaine de commerce à Paris et par HEC Paris. Nous en résumons ici les principaux enjeux.</p>
<h2>Rationaliser des décisions politiques</h2>
<p>Les raisons avancées pour expliquer l’exacerbation de la rivalité entre la Chine et les États-Unis diffèrent évidemment de part et d’autre du Pacifique. L’argument souvent entendu sur la rive asiatique met l’accent sur la guerre commerciale lancée dès son élection par Donald Trump. À cet argument s’oppose l’analyse occidentale du <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/aer.103.6.2121">choc qu’a représenté l’entrée de la Chine dans l’OMC</a>. D’après <a href="https://www.cnbc.com/2020/01/30/china-trade-deficit-has-cost-us-3point7-million-jobs-this-century-epi-says.html">certaines estimations</a>, l’effet de la concurrence des biens chinois a eu des conséquences sévères sur les salaires et l’emploi manufacturier en Europe et aux États-Unis. Près de quatre millions d’emplois auraient ainsi été détruits aux États-Unis entre 2001 et 2020.</p>
<p>Cela a sans doute nourri la défiance des opinions publiques et a pu conduire à un sentiment d’<a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/aer.103.6.2121">ambivalence</a> vis-à-vis de la mondialisation et du libre-échange, notamment en Occident et notamment vis-à-vis de la Chine. Elle explique aussi cette volonté d’indépendance, exprimée par la Chine avec sa stratégie de <a href="http://www.xinhuanet.com/english/2021-01/11/c_139659492.htm">double circulation</a>, et par les États-Unis avec une volonté de plus en plus affirmée du pouvoir politique américain de <a href="https://www.voanews.com/a/us-congress-considers-bills-to-boost-competition-with-china/6416247.html">s’affranchir de sa relation avec son rival asiatique</a>.</p>
<p>Les pressions nationales et d’opinions exprimées dans le débat public viendraient alors rationaliser ces décisions politiques.</p>
<p>Loin de les entraver, les nouveaux outils numériques de digitalisation et de localisation de la production participent de ce mouvement en le rendant plus indolore, du moins à court terme. Communément rangés sous l’étiquette de <a href="https://www.weforum.org/about/the-fourth-industrial-revolution-by-klaus-schwab">« quatrième révolution industrielle »</a>, ils permettent de simplifier et de réduire les coûts des processus de production – grâce par exemple, à l’impression en trois dimensions qui contribuera à localiser davantage la production.</p>
<p>À terme, les appels à davantage d’indépendance – ou de « souveraineté » pour reprendre le terme préféré des pouvoirs publics – pourraient induire des transformations sur lesquelles il sera difficile de revenir à court terme. La recherche d’efficacité et de synergies laisserait ainsi place à la nouvelle logique de résilience, d’autonomie et d’indépendance. Avec un coût économique énorme pour les entreprises et les ménages.</p>
<h2>Une logique, deux limites</h2>
<p>Malgré des espoirs légitimes d’un éventuel retour à la normale post-pandémie, il est difficile d’ignorer ces mutations amorcées avant même la pandémie qui pourraient s’avérer irréversibles. L’exemple de la transformation des chaînes de production est saisissant.</p>
<p>Elles ont longtemps cherché à exploiter les avantages comparatifs de chaque point du globe. La logique économique sous-jacente était (et reste pour un certain nombre d’observateurs) imparable puisqu’il s’agissait de réduire les coûts le plus possible et de diversifier les risques auxquels les producteurs doivent faire face.</p>
<p>Cette logique fait face à deux limites désormais. La première est de nature écologique : un nombre grandissant d’économistes s’accordent sur le fait qu’imposer un <a href="https://www.ubscenter.uzh.ch/en/news_events/events/2021-11-09_sustainability_and_climate_change.html">prix aux émissions de carbone</a> constituera un pilier fondamental dans toute stratégie de lutte contre le changement climatique. Or, une fois ce prix du carbone intégré dans les coûts de production, rien ne permet de dire que les chaînes de valeurs internationalisées permettent de les réduire.</p>
<p>S’y ajoute la question de la diversification du risque et à l’efficacité économique : ces chaînes de valeur internationalisées dépendent d’une multitude de points critiques qui peuvent représenter autant de vulnérabilités pour un producteur qui en dépend. C’est ce qui mène un certain nombre d’entreprises à adopter une <a href="https://hbr.org/2021/05/the-strategic-challenges-of-decoupling">stratégie dite « China + 1 »</a> qui vise à ne plus dépendre que d’un fournisseur et d’un théâtre de production critique comme la Chine et de diversifier ses sources d’approvisionnement.</p>
<h2>Stratégies et soupçons</h2>
<p>La bataille des normes constitue un autre moteur de transformation dans la mesure où elle pourrait réduire l’interdépendance des économies. L’exemple du secteur des télécommunications et de la 5G, est parlant.</p>
<p>L’avance technologique et économique dont disposait le géant du secteur Huawei, qui a quasiment quadruplé son chiffre d’affaires mondial entre 2013 et 2020, aurait pu et dû suffire à consacrer l’entreprise chinoise comme le fournisseur mondial évident et incontestable. Mais la persistance de doutes quant aux liens qu’entretient Huawei avec Pékin et le rôle central que l’entreprise jouerait dans les réseaux de télécommunications des pays qu’elle équipe a nettement pesé dans la balance et a empêché l’instauration de cette norme unique.</p>
<p>En cause notamment la loi sur le renseignement national de la Chine en 2017 qui déclare que les citoyens du pays ont le devoir de contribuer à l’effort de renseignement de la Chine, brouillant ainsi la frontière entre les acteurs privés chinois et le gouvernement. À cela s’ajoute aussi le fait que les pouvoirs publics occidentaux ont souvent soupçonné Huawei d’inclure dans ses équipements des logiciels espions susceptibles de collecter des informations sensibles. Ces préoccupations d’ordre stratégique et sécuritaire sont d’autant plus significatives que des soupçons pèsent sur le rôle que pourrait jouer une entreprise étrangère comme Huawei dans une cyberattaque d’envergure si elle avait accès au cœur d’un réseau de télécommunication.</p>
<p>Ce scénario de découplage n’est qu’hypothétique mais les preuves de l’élan dont il dispose ne manquent pas. La possibilité de ce divorce sino-américain pèserait ainsi sur la manière dont le reste du monde, Europe en tête, réinvente son rapport aux deux géants et sur la définition d’une autonomie qui ne serait plus que militaire et politique, mais aussi économique et stratégique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177595/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jeremy Ghez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La logique économique des avantages comparatifs semblait indiscutable au moment où la Chine entrait à l’OMC. Un livre blanc récemment publié tente d’expliquer sa remise en cause.Jeremy Ghez, Professor of Economics and International Affairs, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1717982021-11-25T20:44:33Z2021-11-25T20:44:33ZVentes d’armes : la France résiste à l’hégémonie américaine<p>L’annulation du « contrat du siècle » portant sur les sous-marins australiens au <a href="https://theconversation.com/aukus-la-france-grande-perdante-du-duel-americano-chinois-168786">profit des États-Unis et du Royaume-Uni</a> a provoqué la stupéfaction et la <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/armee-et-securite/rupture-du-contrat-des-sous-marins-par-l-australie-c-est-un-coup-dans-le-dos-denonce-jean-yves-ledrian_4770743.html">colère</a> des gouvernants en France. Certains observateurs n’ont pas hésité à dénoncer une <a href="https://www.meta-defense.fr/2021/09/22/les-etats-unis-veulent-ils-eliminer-lindustrie-de-defense-francaise/">volonté délibérée des Anglo-Saxons</a> d’affaiblir l’industrie de défense navale tricolore.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-rupture-par-laustralie-du-contrat-du-siecle-etait-previsible-168247">Pourquoi la rupture par l’Australie du « contrat du siècle » était prévisible</a>
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<p>Si ces arguments peuvent être recevables (la guerre économique entre industries de défense concurrentes pousse évidemment à toutes les éventualités), il demeure important de ne pas perdre de vue que les États-Unis agissent avant tout dans le but de maximiser leurs intérêts nationaux, mais avec des moyens techniques (tels que le <a href="http://www.slate.fr/story/74651/echelon">réseau ÉCHELON</a>) et financiers largement supérieurs à ceux d’autres États.</p>
<p>La structuration du commerce d’armes au niveau international fait clairement ressortir une domination étasunienne, confirmée par le fait que les cinq entreprises de défense générant le plus de revenus <a href="https://people.defensenews.com/top-100/">sont toutes américaines</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/432617/original/file-20211118-15-84nqa5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/432617/original/file-20211118-15-84nqa5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/432617/original/file-20211118-15-84nqa5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/432617/original/file-20211118-15-84nqa5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/432617/original/file-20211118-15-84nqa5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/432617/original/file-20211118-15-84nqa5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/432617/original/file-20211118-15-84nqa5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<h2>Le complexe militaro-industriel comme levier de puissance économique et politique</h2>
<p>Si de <a href="https://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=9780674725263">nombreux travaux</a> ont été publiés sur le rôle du complexe militaro-industriel américain et <a href="https://yalebooks.yale.edu/book/9780300177626/unwarranted-influence">son influence croissante au niveau politique</a>, il convient de ne pas négliger son poids économique.</p>
<p>Déjà, lors de son <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMDictionnaire?iddictionnaire=1846">discours d’adieu à la nation en 1961</a>, le président Eisenhower mettait en garde contre les dangers de ce complexe militaro-industriel devenu à ses yeux trop enraciné dans l’économie et la société américaines. La fin de la guerre froide n’a pas signé sa fin : il a su, au travers de grandes vagues de fusions-acquisitions, <a href="http://archive2.grip.org/bdg/g1026.html">trouver un nouveau souffle</a>.</p>
<p><a href="https://facts.aia-aerospace.org/">Selon l’<em>US Aerospace & Defense Industry</em></a>, ce secteur emploie 2,1 millions de salariés en emplois indirects et 880 000 en emplois directs. Son chiffre d’affaires avoisine les 875 milliards de dollars en 2020 et les revenus des exportations frôlent les 91 milliards de dollars. Le marché domestique américain représente le premier marché de défense de la planète (38 % du marché mondial). Cela profite fortement à ses grands groupes de défense, leaders internationaux autour desquels est structurée la <a href="https://www.frstrategie.org/programmes/observatoire-de-la-defense-americaine/industrie-defense-americaine-2020">Base Industrielle et Technologique de Défense (BITD) américaine</a>.</p>
<p>Moins dépendants des exportations en raison de ce marché intérieur conséquent, les États-Unis sont soucieux d’éviter la diffusion de technologies militaires susceptibles de modifier les équilibres de puissance au niveau international et ont souvent été moins enclins à exporter leurs technologies militaires d’avant-garde que leurs concurrents.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sous-marins-australiens-le-modele-francais-dexportation-darmes-en-question-170390">Sous-marins australiens : le modèle français d’exportation d’armes en question</a>
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<p>Ainsi, les États-Unis ont mis en place un ensemble de mesures contraignantes dans le domaine des exportations de défense, démontrant que les <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2016-1-page-57.htm">considérations politico-stratégiques sont prioritaires pour eux</a>. La législation américaine (sur le transfert d’armes) est en effet <a href="https://www.bis.doc.gov/index.php/documents/technology-evaluation/ote-data-portal/ecr-analysis/1471-sta-use-through-april-2016/file">très sévère</a>.</p>
<p>Cependant, du fait d’un contexte budgétaire contraint, le gouvernement américain a assoupli les contrôles des exportations d’armes ces dernières années, afin de <a href="http://www.opex360.com/2020/08/06/les-etats-unis-vont-accorder-des-facilites-de-paiement-pour-maintenir-le-niveau-de-leurs-exportations-darmes/">soutenir son industrie de défense</a>.</p>
<p>Au-delà de l’assistance sécuritaire accordée à de très nombreux États dans le monde, via les <a href="https://www.dsca.mil/foreign-military-sales-fms">FMS</a> ou les <a href="https://www.dsca.mil/programs/excess-defense-articles-eda">EDA</a>, les États-Unis incitent leurs entreprises de défense à réinvestir une partie de leurs bénéfices issus des exportations dans le développement de technologies nouvelles.</p>
<p>D’autre part, en nouant des partenariats industriels de défense importants avec des pays comme les <a href="https://almashareq.com/fr/articles/cnmi_am/features/2017/12/12/feature-01">Émirats arabes unis</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2016/09/14/l-alliance-militaire-entre-les-etats-unis-et-israel-renforcee-pour-dix-ans_4997467_3218.html">Israël</a> ou la <a href="https://fr.euronews.com/2020/08/15/la-pologne-et-les-etats-unis-renforcent-leur-cooperation-militaire">Pologne</a>, Washington consolide ses relations de défense avec des alliés traditionnels.</p>
<p>Deux impératifs de leur politique étrangère apparaissent ainsi en filigrane : la lutte contre le terrorisme et les retombées des industries de défense pour leur économie nationale, via, notamment, l’annihilation des concurrents directs les plus dangereux.</p>
<h2>La France, concurrent le plus redoutable de l’industrie de défense américaine ?</h2>
<p>C’est un axiome bien connu dans le marché des armes : <a href="https://flipbook.cantook.net/?d=%2F%2Fwww.edenlivres.fr%2Fflipbook%2Fpublications%2F5193.js&oid=42&c=&m=&l=&r=&f=pdf">« pour acheter, il est nécessaire de vendre »</a>.</p>
<p>La France n’échappe pas à cette règle et les marges de manœuvre dont elle dispose sont bien moins importantes que celle des États-Unis. Si la France veut conserver son autonomie dans le domaine de la défense, les <a href="https://theconversation.com/sous-marins-australiens-le-modele-francais-dexportation-darmes-en-question-170390">exportations sont nécessaires</a> pour pérenniser sa BITD, qui représente <a href="https://www.lesechos.fr/2016/01/lindustrie-de-la-defense-devrait-creer-40000-emplois-dici-a-2018-195010">80 000 emplois directs et 120 000 indirects</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">4 questions sur les exportations d’armements de la France, Brut, 4 juin 2021.</span></figcaption>
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<p>Environ 40 % du chiffre d’affaires enregistré par la BITD française provient des exportations : la taille du marché français est insuffisante pour permettre une réduction massive des coûts et, donc, d’importantes économies d’échelles.</p>
<p>Possédant une industrie unique en Europe, la France est le seul pays de la région à être autonome dans encore nombre de systèmes critiques d’armes (avions de combat, chars lourds, navires de fort tonnage, missiles, radars…) tout en étant cependant dépendant pour ce qui concerne un certain nombre d’autres systèmes (drones longue endurance, ISR, composants électroniques embarqués…). Néanmoins, le savoir-faire accumulé fait de Paris une réelle et sérieuse alternative aux États-Unis dans nombre de secteurs hautement stratégiques des armements.</p>
<p>Cet état de fait n’est pas nouveau : dans les années 1960 déjà, l’industrie de défense française <a href="https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1976_num_41_6_1699">gênait énormément les États-Unis</a> dans le cadre de compétition internationale.</p>
<p>À l’époque, dans le domaine aéronautique par exemple, le Mirage était <a href="https://www.cairn.info/revue-histoire-economie-et-societe-2010-4-page-75.htm">l’une des rares alternatives</a> aux avions de combat américains et soviétiques et attira tout particulièrement l’attention de pays qui, à l’instar de la France, voulaient atténuer l’influence hégémonique des deux superpuissances.</p>
<p>Depuis, si Paris s’est fortement rapproché des États-Unis, le comportement de ces derniers n’en a pas été moins offensif. Washington a, ces dernières années, systématiquement tenté de faire capoter des accords pourtant bien avancés dans de très nombreux contrats d’armements :</p>
<ul>
<li><p>1992 : la mise en place d’une surveillance de la forêt amazonienne au Brésil (projet SIVAM) via la fourniture d’un satellite et d’un radar de surveillance. Cet appel d’offres d’un montant de 1,4 milliard de dollars verra le Français Thomson-CSF (devenu Thales en 2000) affronter la firme américaine Raytheon. Cette dernière <a href="https://www.lesechos.fr/1994/07/le-bresil-confie-la-surveillance-de-lamazonie-a-lamericain-raytheon-886638">obtiendra ce marché</a> le 18 juillet 1994 après que des interceptions effectuées par la CIA sur des dessous de table supposés et des <a href="https://www.zdnet.fr/actualites/pourquoi-l-affaire-echelon-embarrasse-thomson-csf-2060838.htm">interceptions de communications de la NSA</a> entre Français et Brésiliens aient été exploitées. Des révélations plus tardives démontreront que les États-Unis <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/l-economie-c-est-la-guerre-frederic-charpier/9782021022247">avaient agi de la même manière</a>.</p></li>
<li><p>2002 : le renouvellement des avions de combat de la Corée du Sud. Le Rafale était opposé au chasseur F-15K de Boeing. Au terme des campagnes d’évaluations techniques et opérationnelles, le Rafale fut classé en tête en termes de performances, mais de très nombreux rebondissements lors de cette affaire (perquisition, rumeurs de corruption, intimidations, espionnage…) amenèrent la <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/defaite-politique-pour-le-rafale.N1819">défaite de Dassault</a>. Le F-15K fut choisi par Séoul pour des considérations de sécurité nationale, car les États-Unis demeurent le véritable garant de sa sécurité face à la Corée du Nord.</p></li>
<li><p>2002 encore : le Rafale était en concurrence avec le F-16 en Pologne. L’appareil français impressionna les pilotes de l’armée de l’air, mais les compensations proposées par les Américains firent basculer leur choix. Washington s’engagea à inclure dans le contrat un transfert de technologie portant sur le système de télécommunications crypté Tetra (avec Motorala), ainsi que la création d’un centre de recherche en informatique <a href="https://www.latribune.fr/archives/2002/entreprises/id67823a44af0b1848c1256c9c00490594/la-pologne-prefere-le-f-16-americain-au-mirage-francais.html">couplé à un plan de R&D conséquent</a>.</p></li>
<li><p>2007 : au Maroc, les États-Unis acceptèrent un rabais important pour empêcher une fois de plus Dassault de vendre son Rafale. Ils proposèrent 36 chasseurs F-16 pour un montant de 2 milliards de dollars, contre 2,3 milliards d’euros pour 18 Rafale, assortis d’une garantie américaine pour faire bénéficier Rabat de <a href="https://wikileaks.org/plusd/cables/10RABAT5_a.html">l’ensemble des ressources technologiques du F-16</a>. Dans ces conditions, le Rafale n’avait aucune chance de l’emporter.</p></li>
</ul>
<p>Il arrive parfois que les États-Unis bloquent, pour des raisons de « sécurité nationale et de politique étrangère », la vente de certains composants électroniques américains qui équipent certains systèmes d’armes français. La réglementation américaine ITAR a ainsi poussé Washington à <a href="https://www.lesechos.fr/2014/02/satellites-espions-les-etats-unis-imposent-leur-loi-a-la-france-291211">bloquer la vente</a> de deux satellites-espions français (Airbus et Thalès) aux Émirats arabes unis en 2014 ainsi que la vente de missiles de croisière Scalp (MBDA) <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/rafale-en-egypte-les-etats-unis-bloquent-768856.html">vers l’Égypte</a> et le Qatar.</p>
<p>Une intervention directe de l’ancien président François Hollande fut nécessaire pour débloquer la vente des satellites en février 2014. Le contrat pour le missile Scalp ne put être débloqué et Paris s’engagea auprès du Caire à fabriquer un composant analogue <a href="https://www.ege.fr/infoguerre/2018/11/enjeux-de-reglementation-itar-blocage-de-vente-missiles-scalp-a-legypte">échappant au dispositif ITAR</a>.</p>
<p>Dans ces cas précis, la sécurité d’Israël via le maintien d’un avantage militaire face à ses potentiels adversaires arabes, le <a href="https://www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/us-foreign-policy-and-israels-qualitative-military-edge-need-common-vision"><em>Qualitative Military Edge</em></a>, servit de prétexte pour contrer les effets politiques des succès commerciaux du Rafale à l’exportation.</p>
<p>Plus récemment encore, de très nombreux marchés ont opposé industriels français et Américains (<a href="http://www.opex360.com/2016/10/10/la-pologne-va-commander-des-helicopteres-americains-black-hawk-pour-ses-forces-speciales/">hélicoptères Caracal vs UH-60</a> en Pologne, chasseurs Rafale et systèmes antiaériens SAMP-T vs chasseurs F-35 et systèmes antiaériens Patriot en <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/defense-la-suisse-achete-des-avions-de-chasse-f-35-et-des-patriot-revers-pour-la-france-1408111">Suisse</a>…), avec à la clé de nombreuses défaites françaises, notamment en raison de pressions politiques en direction d’alliés fortement dépendants des États-Unis.</p>
<h2>Résister aux ambitions hégémoniques des États-Unis</h2>
<p>Ce qui ressort du comportement américain est la volonté manifeste de maintenir son hégémonie économique et industrielle dans le domaine des armements, notamment en Occident.</p>
<p>La France est ici principalement visée, car elle dispose justement des atouts qui font d’elle une <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/comment-la-france-a-decroche-la-troisieme-place-mondiale-en-matiere-d-exportation-d-armes.N1071464">véritable rivale</a> dans nombre de domaines technologiques clés.</p>
<p>En cherchant à maintenir son hégémonie par tous les moyens, Washington tente par ailleurs de limiter les marges de manœuvre de certains acteurs régionaux influents (Inde, Corée du Sud, Égypte, Indonésie…) en impactant leurs degrés d’autonomie stratégique et de décision sur la scène internationale.</p>
<p>En limitant ainsi la possibilité pour ces États d’acquérir des technologies autres qu’américaines, les États-Unis affermissent d’autant leur influence. En effet, il ne faut pas omettre le fait que le pays vendeur d’armes dispose, outre d’informations sensibles, de <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-rupture-par-laustralie-du-contrat-du-siecle-etait-previsible-168247">moyens de pression</a> quant à leur maintenance, leur modernisation et… leur utilisation.</p>
<p>La France, avec un budget de la défense contraint et une dépendance aux exportations forte, ne dispose que de peu d’appui au sein d’une Union européenne déjà en <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/ue/l-europe-peut-elle-se-passer-des-etats-unis-pour-sa-defense-eded5092-26a0-11ec-b8e1-a5d0cfbb7050">partie dépendante des industries de défense américaines</a>.</p>
<p>Il lui appartient donc d’être en mesure de continuer à établir avec certains États, européens ou extra-européens, des partenariats <a href="https://www.touteleurope.eu/l-ue-dans-le-monde/defense-la-france-et-la-grece-renforcent-leur-partenariat-strategique/">susceptibles de durer dans le temps</a>, sans exposer inutilement sa BITD, afin de faire en sorte que le village gaulois continue à résister encore et toujours…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171798/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mourad Chabbi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Visant l’hégémonie dans le commerce des armes, les États-Unis utilisent des stratégies très agressives, notamment vis-à-vis du concurrent français.Mourad Chabbi, Enseignant chercheur, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1452932020-09-01T19:08:03Z2020-09-01T19:08:03ZLes leçons de la tournée européenne du ministre chinois des Affaires étrangères<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/355841/original/file-20200901-24-kxgl58.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C0%2C1194%2C779&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi s'adresse aux médias lors d'une conférence de presse commune avec son homologue allemand à Berlin, le 1er septembre 2020.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Michael Sohn/Pool/AFP</span>, <a class="license" href="http://artlibre.org/licence/lal/en">FAL</a></span></figcaption></figure><p>« La Chine est tout à la fois un partenaire, un concurrent et un rival systématique », a <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/macron-s-entretiendra-vendredi-avec-le-chef-de-la-diplomatie-chinoise-20200826">souligné</a> Jean‑Yves Le Drian, chef de la diplomatie française, le 26 août dernier lors de l’Université d’été du Medef. Formule hardie, sinon complexe, qui résume les enjeux de la tournée européenne effectuée du 25 août au 1<sup>er</sup> septembre par son homologue chinois Wang Yi.</p>
<p>Wang Yi, <a href="https://www.chinavitae.com/biography/Wang_Yi%7C416">diplomate de carrière</a> (ancien ambassadeur de la RPC au Japon entre 2004 et 2007), est ministre des Affaires étrangères depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2013. Membre du Conseil d’État et du Comité central du PCC, ce natif de Pékin incarne la diplomatie de Xi Jinping. Sa mission : faire entendre la voix de la Chine et affirmer son statut de grande puissance, proposant au monde une voie alternative à celle de l’Occident.</p>
<h2>Une importante opération d’influence pour Pékin</h2>
<p>Cette visite n’a pas seulement eu pour objectif d’obtenir la signature de quelques accords commerciaux (énergie, agroalimentaire, etc.). Elle a eu un sens très stratégique pour Pékin, qui cherche, dans le cadre de sa rivalité avec les États-Unis, à <a href="https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/gomart_eam_europe_etats-unis_2020.pdf">pousser ses pions en Europe, en particulier sur la 5G</a>.</p>
<p>Le ministre vient d’effectuer entre le <a href="https://www.lepoint.fr/monde/wang-yi-le-pompier-de-xi-jinping-en-europe-26-08-2020-2389133_24.php">25 août et le 1ᵉʳ septembre</a> une visite en Europe de l’Ouest (laissant l’Europe du Sud au conseiller diplomatique du Parti communiste chinois, <a href="https://www.scmp.com/news/china/article/3099636/top-chinese-diplomat-yang-jiechi-visit-greece-and-spain-week">Yang Jiechi</a>), à travers cinq pays stratégiquement sélectionnés (l’<a href="https://fr.reuters.com/article/frEuroRpt/idFRL8N2FR5GH">Italie</a>, les Pays-Bas, la Norvège, la France et l’Allemagne), sans passer par Bruxelles et en évitant l’Autriche, le Royaume-Uni, la République tchèque, le Danemark, la Pologne et la Slovénie, qui ont tous refusé la 5G de Huawei.</p>
<p>Symbole important, il s’agit de la première visite étrangère de Wang Yi en dehors du territoire chinois depuis le début de la crise sanitaire et du confinement.</p>
<p>Lors de cette tournée, l’émissaire de Xi Jinping, dans une logique asymétrique, a rencontré plusieurs chefs d’État et de gouvernement. La réciproque serait aujourd’hui inenvisageable.</p>
<p>Ce n’est certes pas une première. Par exemple, le président Emmanuel Macron a déjà rencontré Wang Yi à plusieurs reprises. En revanche, c’est inédit dans le contexte tendu et compliqué du système international d’aujourd’hui. De cette façon, Xi Jinping, qui demeure pour sa part sécurisé à Pékin alors que le virus n’a pas disparu, souligne la dissymétrie et la non-réciprocité des relations diplomatiques entre la Chine avec les autres États, en dehors des États-Unis.</p>
<p>Les sujets de discussion et de négociation ont été nombreux. Pour Pékin, l’enjeu était double : redorer son image et <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Chine-lance-offensive-charme-Europe-2020-08-25-1201110594">sortir de son isolement diplomatique</a> (relatif), et s’assurer autant que possible de l’expansion des réseaux 5G et de la <a href="https://theconversation.com/huawei-en-ordre-de-bataille-face-aux-sanctions-americaines-144590">firme Huawei</a>, inféodée au Parti-État.</p>
<p>Cette visite a donc constitué une très importante opération d’influence pour la Chine, d’autant plus que celle-ci prépare (en partie) le prochain sommet Chine-Europe, à Leipzig (Allemagne), mi-septembre prochain – en <a href="https://www.thechinaagenda.com/sep-14-2020-president-xi-attends-eu-summit-leipzig/">présence, cette fois, de Xi Jinping</a>.</p>
<p>Sa tournée a notamment permis à Wang Yi de saluer discrètement quelques ambassadeurs chinois en poste en Europe et situés à l’avant-garde des intimidations et des intoxications de la « diplomatie des masques », désormais mieux connus sous le nom de <a href="https://www.lefigaro.fr/international/la-diplomatie-chinoise-des-loups-combattants-20200604">« Loups guerriers »</a>. Plus ouvertement, et en lien avec les <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/la-chine-premiere-grande-economie-a-renouer-avec-la-croissance-1223916">inquiétudes du Parti sur l’économie chinoise</a>, le chef de la diplomatie de Pékin a promu le multilatéralisme, le libre-échange et le maintien des chaînes d’approvisionnement en Chine. Et naturellement, l’amnésie structurelle sur <a href="https://theconversation.com/comment-la-crise-sanitaire-remet-en-cause-la-puissance-chinoise-132324">l’histoire récente du virus</a> perdure, les autorités de la RPC cherchant à écarter toute responsabilité du régime dans l’épidémie.</p>
<h2>L’Europe, terrain de l’affrontement sino-américain</h2>
<p>La crise sanitaire mondiale partie de Wuhan a accéléré la forte détérioration des relations entre les États-Unis et la Chine en cours depuis plusieurs années. Le dispositif de <a href="https://asialyst.com/fr/2020/08/27/chine-bientot-fin-pour-huawei/">sanctions de l’administration américaine</a> est monté en puissance ces derniers mois, visant les entreprises chinoises jugées complices de la répression des Ouïghours, et d’autres considérées comme impliquées dans la militarisation de la <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/mer-de-chine-pekin-denonce-les-sanctions-de-washington-20200827">mer de Chine méridionale</a>. Plus encore, Huawei rencontre de très sérieux problèmes d’approvisionnement en semi-conducteurs et, très prochainement, les puces sous licence américaine seront interdites.</p>
<p>La compétition entre Pékin et Washington en matière stratégico-militaire et dans le domaine des hautes technologies et de rupture (5G, intelligence artificielle, semiconducteurs, etc.) se concentre de plus en plus <a href="https://thediplomat.com/2020/08/amid-souring-us-ties-chinas-foreign-minister-heads-to-western-europe/">sur le continent européen</a>. La Chine voit dans le « partenaire européen » un <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2020/06/22/leurope-et-la-chine-deux-singularites-anciennes-dans-un-monde-neuf/">facteur déterminant</a> dans sa stratégie de dépassement de la puissance étasunienne.</p>
<p>Cette première visite dans le contexte de crise du Covid-19 est un signal fort et clair envoyé à l’administration américaine, qui vient alimenter la perception d’une Chine toute-puissante sur le vieux continent. Le déploiement de ses nouvelles technologies est donc crucial. L’objectif est d’accroître la dépendance de l’Europe envers la Chine et, dans le même temps, de diluer le poids stratégique et technologique américain. Les <a href="https://www.courrierinternational.com/article/diplomatie-la-chine-invite-leurope-ne-pas-suivre-les-etats-unis-dans-leur-guerre-froide">mots de la diplomatie chinoise</a> sont éloquents : « Nous invitons l’Europe à rejeter la mentalité de Guerre froide » – une mentalité qui, selon Wang Yi, détermine les relations entre l’Occident et la Chine depuis la crise du coronavirus… Le sillon tracé par la diplomatie chinoise est net. La Chine veut une <a href="https://www.cairn.info/la-politique-internationale-de-la-chine--9782724611571-page-333.htm">Europe docile, dispersée</a>, affaiblie et détachée des États-Unis.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1296376693377118208"}"></div></p>
<p>En contraste avec la tonitruance des « Loups guerriers » évoqués plus haut, Wang Yi et ses subordonnés se montrent relativement discrets ces derniers mois, ce qui s’explique par les réticences de plusieurs pays européens à se doter de la 5G chinoise, la remise en question des chaînes d’approvisionnement depuis la Chine et par les difficultés économiques internes.</p>
<p>Depuis l’éclatement de la crise sanitaire, la perception de la Chine s’est nettement dégradée auprès des opinions publiques européennes et, aussi, d’un certain nombre d’élus de divers niveaux. Les répressions et la nouvelle <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/06/30/la-chine-adopte-une-loi-controversee-sur-la-securite-nationale-a-hongkong_6044645_3210.html">Loi sur la sécurité à Hongkong</a>, les intimidations musclées envers Taiwan, les violences physiques, morales et culturelles à l’endroit des Ouïghours, comme l’expansion autoritaire en mer de Chine méridionale ont toute été portées plus largement à l’attention du grand public.</p>
<p>Corollaire : la <a href="https://www.lejdd.fr/Societe/pourquoi-la-5g-inquiete-33-espionnage-menace-t-elle-notre-souverainete-3985742">5G chinoise semble moins séduire</a> qu’auparavant. Ces derniers mois, les opinions du monde entier ont pris conscience que la 5G mise en place par Huawei, corrélée aux progrès de l’IA, allait permettre au Parti-État chinois de se livrer à une collecte massive de données. En Norvège (où la Chine voit un potentiel tactique dans sa <a href="https://theconversation.com/la-chine-a-la-conquete-des-poles-142342">stratégie arctique</a>), l’opérateur <a href="https://www.telenor.com/">Telenor</a> a préféré le Suédois Ericsson. <a href="https://kulturegeek.fr/news-203668/linde-pourrait-exclure-huawei-zte-marche-5g">Les Pays-Bas</a> prévoient de bannir certains opérateurs selon les secteurs (notamment critiques). <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/07/05/5g-il-n-y-aura-pas-un-bannissement-total-de-huawei-en-france-previent-le-patron-de-l-anssi_6045280_3234.html">La France</a> fait le choix d’une voie médiane, en voulant protéger ses secteurs critiques : il n’y a pas <a href="https://www.scmp.com/tech/big-tech/article/3099181/bouygues-remove-3000-huawei-mobile-antennas-france-2028-line">d’interdiction de Huawei</a> mais des autorisations non renouvelables de moins de cinq ans sont prévues. L’Allemagne doit donner sa décision très prochainement.</p>
<h2>Une image dégradée et un réel besoin de « réciprocité »</h2>
<p>Nombre de pays européens reconsidèrent aujourd’hui leur relation à Pékin. Les <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/macron-s-entretiendra-vendredi-avec-le-chef-de-la-diplomatie-chinoise-20200826">propos récents de Jean‑Yves Le Drian</a> en attestent :</p>
<blockquote>
<p>« Il s’agit d’obtenir de la Chine une ouverture réciproque de son marché […] nombreuses pratiques restrictives qui y perdurent […] les transferts forcés de technologies […] concurrence inéquitable… »</p>
</blockquote>
<p>De son côté, Wang Yi a réitéré lors son passage à Oslo que <a href="https://www.reuters.com/article/us-health-coronavirus-china-norway/senior-chinese-diplomat-wang-yi-casts-doubt-on-coronavirus-originating-in-china-idUSKBN25N313">« le virus ne vient pas nécessairement de Chine »</a>. De quoi renforcer la méfiance des opinions et des responsables politiques occidentaux à l’égard du régime du Pékin.</p>
<p>Signe des temps, au moment même de la tournée européenne du ministre chinois Taiwan a ouvert <a href="https://www.la-croix.com/Monde/France-soutient-Taiwan-met-Chine-colere-2020-08-27-1201111007">à Aix-en-Provence</a> une antenne de son bureau de représentation en France, ce qui témoigne du maintien et du renforcement des liens entre l’île et l’UE, malgré les <a href="https://www.fmprc.gov.cn/mfa_eng/xwfw_665399/s2510_665401/t1809457.shtml">critiques et les mises en garde</a> du porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Zhao Lijian.</p>
<p>En Italie, <a href="https://www.reuters.com/article/chine-hong-kong-nathan-law-idFRKBN2440EK">l’activiste hongkongais Nathan Law</a>, récemment réfugié à Londres, a rencontré une délégation de députés italiens. Il a également envoyé une <a href="https://twitter.com/nathanlawkc/status/1299292107048452097">lettre au président Emmanuel Macron</a>. Aux Pays-Bas, le député Martijn van Helvert, membre de <a href="https://www.ipac.global/">l’IPAC (Inter-Parliamentary Alliance on China)</a> (réseau réunissant des parlementaires d’une dizaine de démocraties du monde créé en juin dernier pour sensibiliser l’opinion sur la réalité du régime chinois), a sollicité un entretien avec Wang Yi au sujet de la répression des Ouïghours, de Hongkong et des droits humains. Le ministre chinois n’a pas donné suite. Mais le chef du gouvernement néerlandais, <a href="https://www.sfchronicle.com/news/article/Dutch-foreign-minister-meets-Chinese-counterpart-15516498.php">Mark Rutte</a>, lors d’une conférence de presse commune, a largement et très ouvertement abordé tous ces sujets.</p>
<p>Ces sujets ont également été repris et développés à Paris, à Oslo (alors même que Wang Yi <a href="https://www.scmp.com/news/china/article/3099171/chinas-foreign-minister-warns-against-giving-hong-kong-protesters-nobel">déconseillait</a> aux Norvégiens de nommer une fois de plus des ressortissants de Hongkong au prix Nobel de la paix) et à Berlin, sur fond de mobilisation des opinions (dans l’espace public ou sur les réseaux sociaux). Si, ces vingt dernières années, l’autoritarisme, voire le totalitarisme du régime a été largement mis de côté, de peur de se mettre la Chine à dos, les opinions publiques se font désormais entendre, dans un élan nouveau, mieux structuré et plus déterminé.</p>
<p>Les dynamiques de recomposition des relations avec la Chine trouveront un espace adéquat à <a href="https://www.ecfr.eu/paris/publi/definir_la_rivalite_systemique_leurope_et_la_chine_au_dela_de_la_pandemie">l’échelle de l’UE</a> (tant au niveau industriel que diplomatique ou sécuritaire et stratégique). Au total, la visite de Wang Yi n’a pas rencontré un grand succès ; toutefois, la température prise au sujet de la 5G et plusieurs rencontres de haut niveau (<a href="https://www.fmprc.gov.cn/mfa_eng/zxxx_662805/t1810929.shtml">Conseil constitutionnel</a>, <a href="https://www.ifri.org/fr/espace-media/videos/video-conference-wang-yi-conseiller-detat-ministre-affaires-etrangeres-de">think tanks</a>, etc.), permettent à Pékin d’envisager avec froideur le prochain sommet sino-européen et la poursuite de la compétition avec Washington sur le Vieux Continent. C’est, pour l’Europe, un moment de vérité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145293/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du Fonds de dotation Brousse dell'Aquila.</span></em></p>Le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi, vient d’effectuer une tournée dans cinq pays d’Europe, dans un contexte marqué par une dégradation des relations entre Pékin et l’Occident.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1445902020-08-19T18:33:51Z2020-08-19T18:33:51ZHuawei en ordre de bataille face aux sanctions américaines<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/353377/original/file-20200818-16-xk3om1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C12%2C1011%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Liang Hua, PDG de Huawei pose lors d’un séjour à Paris en décembre 2019. Le géant du smartphone pourrait bien perdre de nombreux marchés européens en raison des sanctions américaines.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Joel Saget/AFP</span></span></figcaption></figure><p>Huawei peut-il survivre aux sanctions américaines ? Déjà plusieurs pays émergents comme <a href="https://www.la-croix.com/Economie/LInde-Vietnam-ferment-aussi-porte-Huawei-2020-08-16-1201109363">l’Inde ou le Vietnam</a> calquent la décision américaine de prendre leurs distances avec le spécialiste chinois en télécommunications qui, dorénavant sera privé des <a href="https://www.presse-citron.net/voici-pourquoi-la-situation-de-huawei-va-empirer-dans-les-prochains-mois/">services de Google</a>. Un défi de plus pour le numéro deux sur le <a href="https://www.cnetfrance.fr/news/huawei-sous-embargo-les-principales-dates-de-la-controverse-39880841.htm">marché des smartphones</a>.</p>
<p>Et Bercy semble prendre le pli. Ainsi selon un article du journal les Échos du 22 juillet, « la France organise à son tour la sortie progressive de Huawei du marché de la 5G ». De son côté, la Maison-Blanche a ajouté <a href="https://www.brookings.edu/blog/up-front/2020/08/07/why-is-the-trump-administration-banning-tiktok-and-wechat/">deux autres firmes chinoises</a>, TikTok et WeChat, à sa liste noire.</p>
<p>Pourquoi une telle défiance de la part des États-Unis ? Et surtout, quelles stratégies de résilience le géant peut-il mobiliser ?</p>
<h2>Guerre commerciale et rivalité stratégique</h2>
<p>La <a href="https://www.whitehouse.gov/wp-content/uploads/2017/12/NSS-Final-12-18-2017-0905.pdf">« Stratégie de Sécurité nationale des USA »</a> de 2017 cite la Chine (avec la Russie) comme un « concurrent stratégique » défiant la puissance, l’influence et à la sécurité des États-Unis.</p>
<p>La <a href="https://www.ft.com/content/6124beb8-5724-11ea-abe5-8e03987b7b20">guerre commerciale Chine-USA</a>, déclenchée en mars 2018 avec des hausses significatives de droit des douanes américaines sur des produits chinois comme l’acier est suivie rapidement par des contre-mesures chinoises. Le plan stratégique <a href="https://merics.org/en/report/made-china-2025">« Made in China 2025 »</a> qui vise les technologies de pointe – pharmacie, IT, spatial, robotique, etc. – inquiète également les États-Unis : une <a href="https://www.whitehouse.gov/wp-content/uploads/2018/06/FINAL-China-Technology-Report-6.18.18-PDF.pdf">« agression économique »</a> et une menace en matière de technologies et de propriété intellectuelle.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/353576/original/file-20200819-25043-yi9z5l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/353576/original/file-20200819-25043-yi9z5l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/353576/original/file-20200819-25043-yi9z5l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=326&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/353576/original/file-20200819-25043-yi9z5l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=326&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/353576/original/file-20200819-25043-yi9z5l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=326&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/353576/original/file-20200819-25043-yi9z5l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=410&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/353576/original/file-20200819-25043-yi9z5l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=410&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/353576/original/file-20200819-25043-yi9z5l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=410&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Tableau chronologie (en anglais).</span>
<span class="attribution"><span class="source">JP Larcon</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Huawei et ZTE, les leaders chinois des télécommunications, font l’objet depuis 2012 de <a href="http://republicans-intelligence.house.gov/sites/intelligence.house.gov/files/documents/Huawei-ZTE%20Investigative%20Report%20%28FINAL%29.pdf">commissions d’enquête parlementaires</a> aux États-Unis centrées sur les risques que leurs équipements pourraient faire courir à la sécurité nationale. Un <a href="https://www.uscc.gov/annual-report/2018-annual-report-congress">rapport annuel au Congrès</a> en 2018 met également en relief les avancées des deux firmes en matière de dépôts de brevets et déploiement de réseaux 5G. Leur boycott est alors organisé rapidement par la Maison-Blanche avec le soutien de la majorité du Congrès.</p>
<p>Le 1<sup>er</sup> décembre 2018, Mme Meng Wanzhou, directrice financière de Huawei et fille du fondateur de l’entreprise, est arrêtée à Vancouver à la demande d’un tribunal américain : l’entreprise est soupçonnée d’avoir violé les sanctions américaines contre l’Iran. Huawei <a href="https://www.courthousenews.com/wp-content/uploads/2020/05/US-Meng-BCSC.pdf">aurait vendu</a> des équipements télécoms à l’Iran par le biais de sa filiale Skycom.</p>
<p>En mai 2019, Huawei est placée sur la liste noire (« <a href="https://www.commerce.gov/news/press-releases/2019/05/department-commerce-announces-addition-huawei-technologies-co-ltd">entity list</a>) du département du Commerce, ce qui interdit aux entreprises américaines de travailler avec elle sauf obtention préalable d’une licence.</p>
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<img alt="La directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou quitte la Cour suprême de Vancouver le 27 mai" src="https://images.theconversation.com/files/353381/original/file-20200818-24-1lo7lc7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/353381/original/file-20200818-24-1lo7lc7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/353381/original/file-20200818-24-1lo7lc7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/353381/original/file-20200818-24-1lo7lc7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/353381/original/file-20200818-24-1lo7lc7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/353381/original/file-20200818-24-1lo7lc7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/353381/original/file-20200818-24-1lo7lc7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou quitte la Cour suprême de Vancouver le 27 mai. Elle est soupçonnée d’avoir violé les sanctions américaines contre l’Iran.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Don Mackinnon/AFP</span></span>
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</figure>
<p>Ces sanctions seront prorogées jusqu’en mai 2021 et les alliés des États-Unis sont invités à adopter des mesures similaires. Il s’agit en premier lieu des pays de l’alliance des services de renseignement <a href="https://www.csis.org/analysis/united-kingdoms-policy-u-turn-huawei">« Five Eyes »</a> : Australie, Canada, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni et États-Unis.</p>
<p>L’Union européenne, sollicitée également, a réagi avec des nuances : il n’y aurait pas d’embargo absolu, mais le développement d’un ensemble de mesures techniques précises, la <a href="https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/news/cybersecurity-5g-networks-eu-toolbox-risk-mitigating-measures">« tool box »</a>, visant à assurer la sécurité du déploiement des réseaux 5G.</p>
<p>L’<a href="https://www.ecfr.eu/publications/summary/meeting_the_challenge_of_secondary_sanctions">effet extraterritorial des sanctions américaines</a> permet d’élargir l’embargo aux entreprises étrangères qui utilisent du matériel ou des logiciels américains. Huawei perd ainsi l’accès au marché de la 5G aux États-Unis et dans une partie du monde. Elle perd l’un de ses plus grands fournisseurs de semiconducteurs de dernière génération, Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC), dont le siège social et la majorité des usines sont à Taiwan, mais dont les clients sont mondiaux. Huawei perd aussi ses licences smartphones pour la Play Store de Google et ses applications les plus populaires : Gmail, Maps, YouTube, etc, <a href="https://www.marianne.net/societe/google-retire-pour-de-bon-sa-licence-android-huawei-nous-assistons-la-creation-de-deux">ce qui inquiète fortement les usagers</a>.</p>
<h2>Un plan B</h2>
<p>Au lendemain de la décision d’embargo en mai 2019, le fondateur de l’entreprise Ren Zhengfei, fait part de la nécessité pour l’entreprise de se mettre en <a href="https://www.reuters.com/article/us-huawei-tech-founder/huawei-founder-details-battle-mode-reform-plan-to-beat-u-s-crisis-idUSKCN1VA0Z0reuters.com/article/us-huawei-tech-founder/huawei-founder-details-battle-mode-reform-plan-to-beat-u-s-crisis-idUSKCN1VA0Z0">ordre de bataille</a> pour assurer sa survie.</p>
<p>Mme He Tingbo, présidente de HiSilicon, la filiale semiconducteurs de Huawei, mentionne de son côté l’existence d’un plan B et le début d’une <a href="https://www.reuters.com/article/usa-huawei-tech-hisilicon/update-1-huaweis-hisilicon-says-it-has-long-been-preparing-for-us-ban-scenario-idUSL4N22T0J0">« Longue Marche »</a> pour rendre la firme indépendante des technologies américaines.</p>
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<figcaption><span class="caption">Entretien du Time (en anglais) avec Ren Zhengfei, alors directeur général de Huawei, mai 2019.</span></figcaption>
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<p>Huawei a d’abord négocié avec ses fournisseurs américains et internationaux pour préserver au maximum à court terme les transactions non encore couvertes par l’embargo. Puis, dans le domaine des semiconducteurs, ne pouvant plus être livré par TSMC, Huawei s’est tourné vers d’autres fournisseurs : le Coréen Samsung, son concurrent dans les smartphones, et Semiconductor Manufacturing International Corporation (Smic), le leader chinois des semiconducteurs. Smic, basée à Shanghai, est poussée ainsi à accroître très vite ses investissements dans le haut de gamme.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/353587/original/file-20200819-16-1kb3rfu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/353587/original/file-20200819-16-1kb3rfu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/353587/original/file-20200819-16-1kb3rfu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/353587/original/file-20200819-16-1kb3rfu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/353587/original/file-20200819-16-1kb3rfu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/353587/original/file-20200819-16-1kb3rfu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/353587/original/file-20200819-16-1kb3rfu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/353587/original/file-20200819-16-1kb3rfu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les fournisseurs en semi-conducteurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">JP Larcon</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<h2>Les atouts Huawei</h2>
<p>Dans le domaine des smartphones, Huawei a été obligée de construire pour sa nouvelle génération de smartphones P40 une suite d’applications propres, la « Huawei AppGallery » concurrente de celles de Google Play Store et d’Apple.</p>
<p>Huawei AppGallery n’offre pas aujourd’hui les applications très populaires en Europe comme Facebook, Instagram, Twitter ou WhatsApp, mais les développeurs d’application sont attirés par les quelque 700 millions de clients de smartphones de Huawei. On peut déjà noter déjà la présence dans <a href="https://www.phonandroid.com/huawei-perdu-licence-android-temporaire-adieu-mises-jour.html">AppGallery</a> de Adidas, Booking, Deliveroo, Deezer, JD Sports, Ryanair, Trainline, Opera, Viber, et bien sûr Tik Tok.</p>
<p>Face aux sanctions américaines, l’entreprise, cinquième investisseur mondial en termes de R&D, s’appuie sur ses capacités propres d’innovation.</p>
<p>Elle s’appuie aussi sur la motivation de ses équipes. Huawei, entreprise privée depuis sa création, appartient en totalité à ses employés. C’est un actionnariat salarié du type « Employee Stock Ownership Plan » qui existe aux États-Unis et au Royaume-Uni.</p>
<p>Quelque 100 000 employés reçoivent des <a href="https://hbr.org/2015/09/huawei-a-case-study-of-when-profit-sharing-works">actions virtuelles</a> de la firme en fonction de leurs performances. La valeur des actions est calculée sur la valeur des actifs nets de la firme et peut représenter des montants substantiels par rapport au salaire de base.</p>
<p>Pour défendre ses positions, Huawei compte enfin sur la qualité de ses relations avec les opérateurs téléphoniques internationaux et la confiance des usagers. La firme cherche à éviter au maximum d’être un enjeu de politique internationale, mais le chemin est étroit, car au niveau des gouvernements, politique étrangère et accords de défense peuvent facilement prendre le pas sur l’économie.</p>
<h2>Opportunités et incertitudes</h2>
<p>La <a href="https://www.london.edu/think/lessons-from-huawei-when-chinese-companies-go-global">stratégie globale de Huawei</a> en 2018 et 2019 a permis à l’entreprise de continuer à croître sur le marché de la 5G en Chine et dans une série d’autres pays comme l’Afrique du Sud et le Maroc, la Russie et le Kazakhstan, l’Arabie saoudite, la Turquie, et l’Indonésie, à croître sur le marché des smartphones face à Samsung et Apple grâce à ses nouveaux produits, et enfin à élargir son portefeuille d’activité dans l’intelligence artificielle, le cloud ou la voiture connectée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/353584/original/file-20200819-25336-28jv8d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/353584/original/file-20200819-25336-28jv8d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/353584/original/file-20200819-25336-28jv8d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/353584/original/file-20200819-25336-28jv8d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/353584/original/file-20200819-25336-28jv8d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/353584/original/file-20200819-25336-28jv8d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/353584/original/file-20200819-25336-28jv8d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/353584/original/file-20200819-25336-28jv8d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le chiffre d’affaires de Huawei par régions et par secteurs d’activités.</span>
<span class="attribution"><span class="source">JPLarcon</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>En 2019 Huawei a lancé la commercialisation d’une nouvelle génération de puces destinées aux serveurs informatiques pour servir ses propres besoins et ceux de ses clients. La puce Ascend 910 par exemple est dédiée aux calculs des algorithmes d’intelligence artificielle dans les centres de données.</p>
<p>Dans le domaine de la voiture connectée, Huawei travaille avec les grands industriels chinois dont FAW, SAIC et Dongfeng Motors. Le groupe français PSA, qui travaille également avec Huawei depuis 2017, <a href="https://www.reuters.com/article/us-autoshow-geneva-huawei-tech/peugeot-ready-to-adjust-huawei-partnership-if-us-demands-idUSKBN20Q22U">a fait savoir en mars 2020</a> qu’il pourrait revoir sa position si les États-Unis en faisaient une condition préalable à la fusion avec Fiat Chrysler.</p>
<p>Cependant, l’escalade des sanctions américaines en 2020 contre les firmes high-tech chinoises est une source de grande incertitude.</p>
<p>S’agit-il d’une posture de l’administration américaine pour pouvoir négocier plus tard en position de force, ou au contraire d’une volonté radicale de rupture et de <a href="https://foreignpolicy.com/2020/05/14/china-us-pandemic-economy-tensions-trump-coronavirus-covid-new-cold-war-economics-the-great-decoupling/">découplage</a> des économies américaine et chinoise ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144590/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Paul Michel Larçon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pourquoi les États-Unis s’arc-boutent-ils autant contre Huawei ? Et surtout, quelles stratégies de résilience le géant du smartphone peut-il mobiliser ?Jean-Paul Michel Larçon, Emeritus Professor Strategy and International Business, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1305532020-02-03T20:27:38Z2020-02-03T20:27:38ZPourquoi la France suspend la taxe GAFA<p>La taxe GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) a du plomb dans l’aile… Fin janvier, en marge du sommet économique de Davos (Suisse), la France, a proposé de suspendre pour 2020 le paiement des acomptes dus au titre de la <a href="https://www.touteleurope.eu/actualite/qu-est-ce-que-la-taxe-gafa.html">« taxe sur les revenus numériques »</a> adoptée le 11 juillet 2019 dernier par le parlement.</p>
<p>À en croire le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire, cette taxe n’est pas définitivement enterrée : son application n’est que différée à décembre 2020. C’est en effet à cette échéance-là que les <a href="https://www.lopinion.fr/edition/economie/taxe-gafa-137-etats-trouvent-accord-adapter-fiscalite-internationale-210363">137 pays</a> qui négocient actuellement sous l’égide de l’OCDE en matière de fiscalité internationale espèrent trouver un « terrain d’entente ».</p>
<iframe frameborder="0" width="100%" height="270" src="https://www.dailymotion.com/embed/video/x7r56fe" allowfullscreen="" allow="autoplay"></iframe>
<p>Comment analyser ce qui s’apparente à une reculade de la France ? Cette mesure aurait en effet permis de récupérer environ <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2019/03/03/20002-20190303ARTFIG00037-pour-le-maire-la-taxation-des-gafa-peut-rapporter-500-millions-d-euros-par-an.php">500 millions d’euros</a> de recettes pour le fisc français tous les ans ? D’autant plus que les services de Bercy en avaient déjà collecté environ 280 à la fin novembre 2019 !</p>
<p>La première explication réside sans doute dans les pressions américaines. La taxe GAFA a encore dernièrement fait l’objet de nombreuses <a href="https://www.rtl.fr/actu/international/davos-menacee-d-une-guerre-commerciale-la-france-recule-sur-la-taxe-gafa-7799947285">attaques frontales</a>, notamment du président des États-Unis Donald Trump, lors du dernier Forum économique mondial de Davos.</p>
<h2>Pouvoir de nuisance</h2>
<p>Ce dernier, très remonté contre cette taxe, a formulé des <a href="https://www.usinenouvelle.com/editorial/quels-produits-francais-sont-menaces-de-retorsion-par-les-etats-unis-a-cause-de-la-taxe-gafa.N909594">menaces explicites de représailles commerciales</a> sur les vins français, mais aussi sur les voitures en Allemagne ou le parmesan en Italie, deux pays qui envisageaient d’adopter une taxe similaire.</p>
<p>Face à ces intimidations, les alliés européens de la France ne montrent <a href="https://www.marianne.net/debattons/editos/l-impossible-taxe-gafa-triple-suicide-europeen">pas beaucoup d’enthousiasme</a> pour affronter le président Trump… Ses partenaires ne montrent pas non plus une grande motivation pour affronter les entreprises concernées qui menacent de délocaliser leurs activités, de répercuter le montant de la taxe sur leur prix (<a href="https://www.franceinter.fr/taxe-gafa-amazon-met-ses-menaces-a-execution-et-augmente-les-tarifs-pour-les-commercants">comme Amazon</a>), voire de contre-attaquer avec leur propre cryptomonnaie (à l’image <a href="https://www.letemps.ch/economie/libra-une-monnaie-virtuelle-quete-confiance">du projet libra</a> de Facebook, Booking et Uber réunis au sein de la Libra Association).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/313292/original/file-20200203-41476-1ujj0wo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/313292/original/file-20200203-41476-1ujj0wo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/313292/original/file-20200203-41476-1ujj0wo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/313292/original/file-20200203-41476-1ujj0wo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/313292/original/file-20200203-41476-1ujj0wo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/313292/original/file-20200203-41476-1ujj0wo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/313292/original/file-20200203-41476-1ujj0wo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le président des États-Unis Donald Trump s’est une nouvelle fois montré très remonté contre la taxe GAFA lors de sa venue à Davos, fin janvier.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jim Watson/AFP</span></span>
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<p>En conséquence, la France se retrouve dans une position de plus en plus isolée. En outre, des voix s’élèvent également dans le pays contre le non-sens ou contre <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2019/03/05/20002-20190305ARTFIG00293-l-impossible-imposition-des-geants-du-numerique.php">l’imperfection</a> de cette taxe. La Cour des comptes regrette ainsi que la France avance « à l aveugle », et certains économistes pensent qu’elle coûtera beaucoup d’argent en <a href="https://www.numerama.com/business/543419-taxe-gafa-tout-ce-qui-a-ete-paye-au-titre-de-cette-taxe-sera-deduit-de-la-future-taxe-mondiale.html">futures déductions fiscales</a> ! De plus, d’après certains fiscalistes, il peut être compliqué à la fois de la calculer et de la recouvrer. Autrement dit, il devient urgent d’attendre !</p>
<p>L’isolement de la France face aux GAFA montre également qu’il ne s’agit pas là de cibler des entreprises lambda, mais plutôt des géants dont les alliés, la force de frappe et le pouvoir de nuisance ne sont surtout pas à sous-estimer.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1171892685550096384"}"></div></p>
<p>L’idée de la mesure française, qui part du constat que les géants du numérique sont, en Europe et en moyenne, deux fois moins imposés que les entreprises de type traditionnel, est de taxer à hauteur de 3 % du chiffre d’affaires les prestations de services numériques (mise en relation, ciblage publicitaire, etc.) qui seraient effectuées depuis la France. Elle devait concerner les entreprises dont l’activité consiste soit à vendre de la publicité ciblée en ligne, soit à vendre des données personnelles à des fins publicitaires, soit à proposer des plates-formes d’intermédiation.</p>
<h2>Un rapport de force défavorable aux États</h2>
<p>Ces trois activités sont justement <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/comprendre-le-modele-des-geants-du-numerique.N301905">au cœur des modèles d’affaire</a> des Google, Amazon, Facebook et autre Apple qui en devenaient donc la cible principale. C’est pourquoi cette taxe fut d’ailleurs joliment nommée taxe GAFA. Nous soulignons que le « M » de Microsoft aurait également pu être concerné par cette taxe qui serait ainsi devenue <a href="https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/finance-et-societe/nouvelles-economies/gafa-gafam-ou-natu-les-nouveaux-maitres-du-monde/">GAFAM</a>, même si l’ex-entreprise de Bill Gates est encore trop connectée aux pratiques de l’« ancien monde » pour être assimilée aux quatre autres !</p>
<p>Au regard des menaces formulées par ces entreprises concernées, comme la répercussion de la taxe sur les prix, on comprend donc que ces entreprises ne craignent pas le rapport de force avec l’État français seul.</p>
<p>Nous attendrons donc la fin de l’année 2020 pour voir si les négociations menées au niveau mondial via <a href="https://www.latribune.fr/technos-medias/taxe-gafa-bruno-le-maire-pret-a-mettre-de-l-eau-dans-son-vin-face-a-trump-837457.html">l’OCDE</a>, avec les Européens et les Américains – auront pu prendre le relais d’une France bien trop isolée. Bruno Le Maire a déjà salué la tenue de ces discussions. « Tous les efforts doivent être faits pour parvenir à un accord ambitieux sur la fiscalité numérique et la fiscalité minimale d’ici la fin de l’année 2020 », a-t-il déclaré dans un communiqué le 31 janvier dernier.</p>
<p>La France peut certes se targuer d’avoir été à l’initiative de ces négociations globalisées en déployant – et en votant – sa taxe GAFA. Néanmoins, la France doit reconnaître à présent à la fois son isolement et sa vulnérabilité.</p>
<p>Face à la <a href="https://www.lenouveleconomiste.fr/les-gafa-predateurs-des-etats-70718/">prédation</a> des GAFA, Paris semble donc aujourd’hui se résoudre à une réponse internationale, comme un symbole de la toute-puissance acquise par ces acteurs face aux États.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130553/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Bidan is affiliated with Conseil National des Universités </span></em></p>Face aux menaces américaines, mais aussi face aux atermoiements européens ou aux stratégies de prédation des géants du numérique, la France se retrouve de plus en plus isolée.Marc Bidan, Professeur des Universités - Management des systèmes d’information - Polytech Nantes, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1283192020-01-13T21:55:50Z2020-01-13T21:55:50ZCroissance aux États-Unis pour 2020 : le scénario de repli se précise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/309006/original/file-20200108-107224-kqgzg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=89%2C71%2C5901%2C3916&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Certains moteurs traditionnels de la croissance comme l’investissement en capital ou encore les exportations participent aujourd'hui négativement à la croissance. </span> <span class="attribution"><span class="source">Christopher Sciacca / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Au seuil de la nouvelle année 2020, qui sera marquée par l’élection présidentielle pour laquelle le président Donald Trump veut faire du dynamisme économique un argument de campagne, les États-Unis viennent de valider un cycle de 10 années consécutives de croissance. Mais un cycle de 10 ans peut-il durer encore une année supplémentaire ?</p>
<p>L’adage bien connu nous dit à raison qu’un cycle ne meurt jamais de sa seule longévité. Le retournement se nourrit de deux facteurs bien identifiés : une erreur manifeste de politique monétaire ou une surchauffe de l’économie se traduisant soit une bulle sur la valorisation des actifs, une bulle de crédit dans l’économie ou une tension sur les prix des biens et des services.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1202704129929490432"}"></div></p>
<p>Concernant le premier facteur de risque lié à la politique monétaire, la fin d’année 2019 ne présente aucune alerte et les chiffres économiques se révèlent très cohérents avec le discours de la Federal Reserve (Fed), la banque centrale américaine, renforçant ainsi sa crédibilité. En effet, cette dernière laissait entendre que la baisse des taux d’octobre dernier serait <a href="https://bfmbusiness.bfmtv.com/monde/la-fed-baisse-une-nouvelle-fois-ses-taux-d-interet-et-suggere-une-pause-1796822.html">sans doute les dernières</a>. Les chiffres semblent globalement lui donner raison, sans effets collatéraux et néfastes sur la stabilité des prix, donc sans conflit avec ses objectifs.</p>
<h2>Des marges sur le marché du travail</h2>
<p>Concernant le second facteur sur le risque, celui de surchauffe, on peut déjà affirmer que celle-ci ne viendra pas du marché du travail. Certes, le chômage aux États-Unis est actuellement <a href="https://pubs.aeaweb.org/doi/pdfplus/10.1257/jep.11.1.33">au plus bas</a>, défiant le taux cible fixé par l’indicateur NAIRU, c’est-à-dire le taux maximal d’emploi ne générant pas de tension sur les prix et le coût du travail. Ce taux est généralement établi autour de 4-5 %, là où le taux de chômage actuel descend à 3,5 %. Ce niveau d’emploi n’avait pas été atteint depuis les années 1970.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/307185/original/file-20191216-124004-a970j4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/307185/original/file-20191216-124004-a970j4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/307185/original/file-20191216-124004-a970j4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=246&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/307185/original/file-20191216-124004-a970j4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=246&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/307185/original/file-20191216-124004-a970j4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=246&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/307185/original/file-20191216-124004-a970j4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=309&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/307185/original/file-20191216-124004-a970j4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=309&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/307185/original/file-20191216-124004-a970j4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=309&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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</figure>
<p>Des taux de chômage aussi bas créent généralement des tensions sur le coût du travail en générant une hausse des salaires, favorisant ainsi une bascule ralentissement/récession. Cette analyse couramment menée par les conjoncturistes et analystes de marché souffre pourtant de <a href="https://www.jstor.org/stable/pdf/23469691.pdf">biais cognitifs</a>. En effet, un élément causal fondamental de la modération salariale est la chute drastique du taux de participation à l’emploi depuis plusieurs décennies aux États-Unis.</p>
<p>En effet, une part de la population active (18-64 ans) a quitté ces dernières années le marché de l’emploi, <a href="https://www.nber.org/papers/w19600.pdf">par choix ou par découragement</a>, s’excluant en conséquence des statistiques du chômage : d’un taux autour de 67 % de participation depuis les années 90/2000, ce dernier a chuté autour de 62 % depuis 2015, marquant des plus bas historiques. De façon notable, ce taux de participation commence toutefois juste à se redresser depuis l’été 2019.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/307184/original/file-20191216-123992-rnf0h0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/307184/original/file-20191216-123992-rnf0h0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/307184/original/file-20191216-123992-rnf0h0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=184&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/307184/original/file-20191216-123992-rnf0h0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=184&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/307184/original/file-20191216-123992-rnf0h0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=184&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/307184/original/file-20191216-123992-rnf0h0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=231&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/307184/original/file-20191216-123992-rnf0h0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=231&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/307184/original/file-20191216-123992-rnf0h0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=231&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p>Le taux de chômage au sens plus large (couvrant un plus grand pourcentage de travailleurs découragés ou en « sous-emploi » relativement à ce qui serait souhaité) reste à des taux élevés autour de 7 % (6,9 % en novembre 2019). Les économistes de la Fed eux-mêmes reconnaissent qu’il reste encore beaucoup de réserve de main d’œuvre dans l’économie américaine (<a href="https://www.nber.org/papers/w21094">« labor market slack »</a>). Le taux NAIRU, évalué à 4-5 % de taux de chômage, se situerait d’ailleurs aujourd’hui plutôt <a href="https://pubs.aeaweb.org/doi/pdf/10.1257%2Fjep.11.1.3">autour de 2-3 %</a>. Il y aurait donc de la marge avant que des tensions n’apparaissent sur le marché de l’emploi.</p>
<p>En revanche, les derniers chiffres sur la production manufacturière laissent entendre que le ralentissement a peut-être déjà eu lieu. L’indicateur composite de l’activité manufacturière (<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0169207012000374">PMI</a>, mesuré par une enquête auprès des directeurs d’achats de l’industrie), qui reste en effet inférieur à 50 (48 depuis septembre 2019), est un marqueur évident de récession manufacturière. Il reste toutefois à un niveau qui n’enclenche pas de récession globale car ne serait pas lié à une suraccumulation de capital ou d’investissement, génératrices de surchauffe dans l’économie. Le phénomène de suraccumulation de capital observé actuellement reste en effet très localisé, principalement dans les industries lourdes.</p>
<p>En somme, un retournement fort de cycle de type « récession » n’est peut-être pas encore pour l’année 2020. En revanche, un ralentissement ou une décélération semble des plus plausibles. En effet, l’ensemble des leviers stimulant de la croissance actuelle semblent atteindre leurs limites.</p>
<h2>La confiance des consommateurs en recul</h2>
<p>Le premier élément d’alerte en cette fin d’année 2019 est le décrochage de <a href="https://www.researchgate.net/profile/Murat_Akkaya7/publication/317559567_The_Role_of_Consumer_Confidence_as_a_Leading_Indicator_on_Stock_Returns_A_Markov_Switching_Approach/links/5ae9aabe0f7e9b837d3bb5e5/The-Role-of-Consumer-Confidence-as-a-Leading-Indicator-on-Stock-Returns-A-Markov-Switching-Approach.pdf">l’indice Bloomberg « confort des consommateurs »</a> offrant une mesure de perception des consommateurs américains quant à l’état de leurs finances et le climat ressenti de la consommation. Le troisième trimestre a marqué un plongeon inégalé depuis la crise de 2007-2008 et un décrochage inhabituel face aux indices boursiers comme le Dow Jones.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/307187/original/file-20191216-124031-zx6ni1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/307187/original/file-20191216-124031-zx6ni1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/307187/original/file-20191216-124031-zx6ni1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=297&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/307187/original/file-20191216-124031-zx6ni1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=297&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/307187/original/file-20191216-124031-zx6ni1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=297&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/307187/original/file-20191216-124031-zx6ni1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=373&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/307187/original/file-20191216-124031-zx6ni1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=373&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/307187/original/file-20191216-124031-zx6ni1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=373&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>La question se pose désormais si l’affaissement de la confiance des consommateurs va se traduire par une baisse significative et durable des dépenses courantes et des investissements productifs. Au mois d’octobre dernier, la production industrielle chuta de 0,84 % comparé à septembre.</p>
<p>Les commandes à l’industrie ont également baissé, menées par le déclin marqué de la production des véhicules à moteur (7 % de baisse).</p>
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<p>Ces chiffres sont souvent corroborés par les mesures de « freight » et de livraisons comme le <a href="http://scholar.googleusercontent.com/scholar?q=cache:JMvpUr8NTCkJ:scholar.google.com/+Measuring+chaotic+and+cyclic+fluctuations+of+Cass+freight+index:+Expenditures&hl=fr&as_sdt=0,5">« Cass Freight Index »</a> qui enregistre un net recul en 2019. Ces mesures de « freight » et de transport de marchandises sont considérées comme un excellent baromètre de l’activité manufacturière domestique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/307189/original/file-20191216-124009-11keb53.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/307189/original/file-20191216-124009-11keb53.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/307189/original/file-20191216-124009-11keb53.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/307189/original/file-20191216-124009-11keb53.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/307189/original/file-20191216-124009-11keb53.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/307189/original/file-20191216-124009-11keb53.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=585&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/307189/original/file-20191216-124009-11keb53.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=585&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/307189/original/file-20191216-124009-11keb53.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=585&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Dans ce type de scénario, les entreprises ont d’abord plutôt tendance à réduire le nombre d’heures travaillées avant de couper dans le nombre d’employés. Cette baisse du temps de travail moyen est ainsi particulièrement marquée dans les activités de transports de biens durables (bien d’équipements).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/307190/original/file-20191216-124041-1qhb78x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/307190/original/file-20191216-124041-1qhb78x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/307190/original/file-20191216-124041-1qhb78x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/307190/original/file-20191216-124041-1qhb78x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/307190/original/file-20191216-124041-1qhb78x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/307190/original/file-20191216-124041-1qhb78x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=436&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/307190/original/file-20191216-124041-1qhb78x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=436&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/307190/original/file-20191216-124041-1qhb78x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=436&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Néanmoins, la baisse du fret et des livraisons impacte directement les commandes d’utilitaires et la production automobiles, se traduisant par un point bas de l’emploi sur l’ensemble des équipements de transports, jamais atteint depuis la crise de 2008. Dans ce secteur très cyclique et précurseur, l’année 2019 a clairement marqué une rupture baissière.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/307191/original/file-20191216-124022-9dzee0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/307191/original/file-20191216-124022-9dzee0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/307191/original/file-20191216-124022-9dzee0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/307191/original/file-20191216-124022-9dzee0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/307191/original/file-20191216-124022-9dzee0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/307191/original/file-20191216-124022-9dzee0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/307191/original/file-20191216-124022-9dzee0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/307191/original/file-20191216-124022-9dzee0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<h2>Mode « planeur »</h2>
<p>Depuis l’arrivée de Donald Trump en janvier 2017, l’économie américaine semble avoir bénéficié de l’effet « momentum » acquis dès 2016 (prolongement lié à l’élan des performances passées), avant de marquer un freinage sur le second semestre 2018 sous l’effet d’une hausse des taux d’épargne au détriment des investissements des entreprises, ainsi que des incertitudes autour du commerce international.</p>
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<p>La croissance a néanmoins été soutenue par le programme massif de baisse d’impôts instauré par Donald Trump et par la hausse simultanée des dépenses militaires. Cette politique, si elle soutient l’activité à court terme, a également conduit à un creusement du déficit public, de 4 % du PIB en 2017 à 5,8 % en 2019. Or la croissance des 2<sup>e</sup> et 3<sup>e</sup> trimestre 2019 est uniquement alimentée par la consommation privée (« Personnal consomption expenditures », PCE) et les dépenses publiques. Les <a href="https://www.nber.org/papers/w4436.pdf">autres moteurs la croissance</a>, comme l’investissement en capital, les fluctuations de stocks ou les exportations, participent négativement à la croissance.</p>
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<p>Comment expliquer dès lors les bonnes performances boursières des indices américains ? Bien que moins robustes qu’en 2018, les programmes de rachats d’actions de la Fed continuent de soutenir la croissance des EPS (« earnings per share », rapport entre le prix des actions et les revenus des compagnies). La baisse des <em>earnings</em> (résultats) est principalement causée par les secteurs de l’énergie, en raison de la baisse des cours du pétrole.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/307183/original/file-20191216-124036-1uh6kl6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/307183/original/file-20191216-124036-1uh6kl6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/307183/original/file-20191216-124036-1uh6kl6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/307183/original/file-20191216-124036-1uh6kl6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/307183/original/file-20191216-124036-1uh6kl6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/307183/original/file-20191216-124036-1uh6kl6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/307183/original/file-20191216-124036-1uh6kl6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/307183/original/file-20191216-124036-1uh6kl6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>L’évolution des revenus aurait pu être pire si les entreprises n’avaient pas réduit leurs coûts de façon « créative » sans couper l’emploi. Mes ces réductions de coûts au détriment de l’investissement en capital ne sauraient être soutenables très longtemps.</p>
<p>Tout cela nous éloigne d’un processus de suraccumulation déclencheur d’une récession sur un cycle long mettant fin à la décennie de croissance observée actuellement. Néanmoins, les moteurs de la croissance semblent s’épuiser et les éléments « mou » se généralisent à l’ensemble de l’économie. Loin d’un scénario catastrophique, c’est plutôt celui d’une économie en mode « planeur » et en décélération qui semble donc se profiler pour 2020.</p>
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<p><em>Philippe Raphael, économiste de marchés et intervenant en cette qualité à Skema Business School, a participé à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128319/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>À quelques mois de la prochaine élection présidentielle, les leviers qui stimulent la croissance actuelle semblent atteindre leurs limites. Une récession devrait toutefois être évitée.Amaury Goguel, Economist & Academic Dean of the MSc Financial Markets & Investments. Co-author of the book "Managing Country Risk in an Age of Globalization", SKEMA Business SchoolChristophe Dispas, Professeur de Finance et Associate Dean, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1290232019-12-20T16:26:16Z2019-12-20T16:26:16ZPodcast : Mon beau sapin, roi des forêts (et du commerce international !)<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/307445/original/file-20191217-58292-h68dqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=229%2C30%2C4604%2C3371&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Et vous, êtes-vous plutôt sapin naturel ou artificiel&nbsp;?</span> <span class="attribution"><span class="source">VK Studio / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Qui aurait pu hier se douter de l’avenir commercial quasi planétaire du sapin de Noël ? Ni Martin Luther qui l’éclaira de chandelles pour célébrer la naissance de Jésus, ni même, beaucoup plus tard, le Prince Albert qui décora l’arbre de Noël du Château de Windsor. Comment imaginer en effet à ces époques reculées qu’il serait un jour cultivé au Danemark pour l’exportation, transporté par hélicoptère en Oregon et fabriqué en plastique par la Chine ? </p>
<h2>Pour aller plus loin</h2>
<p><strong>(Re)lisez l’article de François Lévêque sur la croissance mondiale du sapin de Noël publié en décembre 2019</strong></p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1204269351303622656"}"></div></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Sapin de Noël, saumon fumé et volailles : trois produits phares des fêtes de fin d’année sur lesquels les consommateurs devraient une nouvelle fois se ruer pour le réveillon 2019. Mais aussi trois produits particulièrement révélateurs des dynamiques de l’industrie et du commerce mondial de ces dernières décennies, comme vous l’explique François Lévêque, professeur d’économie à Mines ParisTech-PSL, dans cette série exceptionnelle de podcasts signés The Conversation France… Interviews menées par Thibault Lieurade, chef de rubrique Économie + Entreprise.</em></p>
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<p><em>Un grand merci à toute l’équipe du <a href="https://www.scandleparis.com">Scandle</a>, 68 rue Blanche dans le IX<sup>e</sup> arrondissement de Paris, pour l’accueil dans son studio, et à Julian Octz pour le visuel du podcast.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129023/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Lévêque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment l’arbre de Noël a-t-il conquis le monde ? Décryptage historique avant de trancher la grande question : faut-il acheter aujourd’hui acheter un sapin naturel ou artificiel ?François Lévêque, Professeur d’économie, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1279282019-12-09T19:42:35Z2019-12-09T19:42:35ZL’inimaginable croissance du sapin de Noël<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/303974/original/file-20191127-112526-klwxsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=37%2C13%2C961%2C652&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vous n'êtes pas sûr de payer votre sapin au juste prix ? L'équation d'Hotelling modifiée par Faustmann peut vous aider !</span> <span class="attribution"><span class="source">Aleksandra Suzi / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Qui aurait pu hier se douter de l’avenir commercial quasi-planétaire du sapin de Noël ? Ni Martin Luther qui l’éclaira de chandelles pour célébrer la naissance de Jésus ni même, beaucoup plus tard, le Prince Albert qui décora l’arbre de Noël du Château de Windsor. Comment imaginer à ces époques reculées qu’il serait un jour cultivé au Danemark pour l’exportation, transporté par hélicoptère en Oregon et fabriqué en plastique par la Chine ? Faisons un tour joyeux de cette manifestation symptomatique de la croissance de l’économie de marché et du commerce international. Vous pourrez alors mieux choisir entre sapin naturel et artificiel, entre consommation locale et globale.</p>
<h2>« O Tannenbaum »</h2>
<p>La légende veut que Martin Luther, se promenant en forêt la veille de Noël, ait entre-aperçu les étoiles briller à travers les branches d’un sapin. Il coupa un jeune arbre, le ramena à la maison, y posa des bougies et conta à son fils qu’il lui rappelait Jésus quittant les astres pour <a href="https://www.whychristmas.com/customs/trees.shtml">rejoindre la terre des hommes</a>. Depuis, dit-on, le sapin du Moyen Age autour duquel les villageois dansaient quitta les places publiques pour gagner l’intimité des foyers allemands, puis des autres pays protestants. Il arriva en Grande-Bretagne au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle. Il y devint populaire grâce au Prince Albert, l’époux saxon de la reine Victoria, la presse <em>people</em> de l’époque suivant déjà les faits et gestes de la famille royale.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=766&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=766&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=766&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=963&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=963&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=963&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La reine Victoria, le Prince Albert et leurs enfants admirent le sapin de Noël royal, décembre 1848.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.webstermuseum.org/christmas.php">Wikimedia</a></span>
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<p>Mais cette origine anticatholique du sapin de Noël <em>at home</em> se mélange à bien d’autres. C’est comme le père Noël, une invention qui réunit caractères archaïsants et croyances de toutes sortes et dont les autorités ecclésiastiques se sont aujourd’hui accommodées. Sachez tout de même qu’en 1951 encore, un (faux) père Noël a été pendu sur le parvis de la cathédrale de Dijon, fait divers dont s’est emparé Claude Lévi-Strauss dans un <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/le-pere-noel-supplicie-claude-levi-strauss/9782021335279">petit texte</a> d’une intelligence pétillante et profonde.</p>
<p>Que vous le considériez comme un <a href="https://www.contrepoints.org/2017/12/28/192471-capitalisme-et-sapin-de-noel">totem non confessionnel de la fête du solstice</a> d’hiver ou comme un symbole de la Nativité, il y a des chances que vous achetiez encore un sapin cette année. Il brille la nuit de Noël en France dans près d’un <a href="https://www.tns-sofres.com/publications/les-achats-de-sapins-de-noel-en-2018">foyer sur quatre</a>.</p>
<h2>Nordmann danois pour le suédois Ikea</h2>
<p>Votre sapin proviendra-t-il du royaume du Danemark ? Pourquoi de ce pays ? Parce qu’il y est cultivé à grande échelle et que le Danemark est le <a href="https://www.caminteresse.fr/questions/dou-viennent-les-sapins-de-noel/">premier exportateur européen</a>. Parenthèse avant d’aller plus loin : l’arbre de Noël n’est plus aujourd’hui prélevé en forêt, il est devenu agricole. Si jamais une telle inquiétude vous avait traversé l’esprit, ne craignez pas d’appauvrir la forêt en achetant un sapin naturel.</p>
<p>C’est bien d’ailleurs parce qu’il n’est pas forestier que le sapin de Noël ne vient pas de Norvège ou de Suède, pays aux vastes ressources ligneuses et aux grandes industries du bois. En plus, à cause des conditions climatiques, il y pousserait moins vite et <a href="https://www.thelocal.dk/20161223/how-danish-christmas-trees-became-big-business">gèlerait souvent sur pied</a>.</p>
<p>Deux chiffres : le Danemark produit une dizaine de millions de sapins de Noël chaque année pour une consommation intérieure <a href="http://www.terradaily.com/reports/Danish_Christmas_Tree_Shortage_Threatens_Prices_Across_Europe_999.html">dix fois moindre</a>. Leur culture s’est révélée attractive dans les années 1990 avec l’entrée du Royaume dans l’Union européenne et son système de subventions agricoles.</p>
<p>Les cultivateurs danois ont aussi pris très tôt le virage du sapin de Nordmann (<em>Abies nordmanniana</em>). Vous savez, celui qui une fois coupé garde longtemps ses aiguilles mais n’embaume pas la pièce d’une délicate odeur de miel et de résine contrairement à l’épicéa (<em>Picea abies</em>). Plus cher, il a cependant conquis le cœur des Français. En l’occurrence plutôt des Françaises car si les femmes consacrent 45 minutes quotidiennes au ménage, les <a href="http://delitsdopinion.com/wp-content/uploads/2016/05/r%C3%A9partition-2.jpg">hommes sont à 15</a>. Pratiquement absent des foyers modernes des années 1960, le Nordmann a progressivement imposé ses cônes dressés et son feuillage à revers argenté.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Extrait de l’étude Kantar pour Val’hor et France AgriMer « les achats de sapins de Noël en 2018 ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.tns-sofres.com/sites/default/files/2019.04.04-achats-sapins-de-noel.pdf">TNS Sofres</a></span>
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<p>Si vous achetez votre sapin chez Ikea, il sera danois. Le distributeur suédois est le <a href="http://www.eisenia.coop/actualites/sapin-de-noel/">plus grand acheteur et vendeur</a> mondial d’arbres de Noël.</p>
<p>Il en a fait un produit d’appel. Vous le paierez 24,99 euros en caisse avec vos autres achats, y compris les babioles plus ou moins volumineuses et dispendieuses que vous n’envisagiez absolument pas d’acquérir mais qui se retrouvent tout de même au fond de votre chariot. Un bon de 20 euros vous sera remis, à dépenser lors de votre prochaine visite d’ici février prochain. N’espérez cependant pas faire une bonne affaire avec votre sapin au prix imbattable de 4,99 euros. En retournant en magasin pour toucher votre bon vous repartirez encore une fois avec vos babioles superfétatoires plus ou moins volumineuses et dispendieuses. En plus si vous allez chez Ikea en <a href="https://www.lebonbon.fr/paris/news/pourquoi-ikea-est-un-piege-a-couple/">couple</a> cela ne vous rapprochera pas. Il n’existe pas d’études économétriques sur le nombre de disputes et de ruptures causées par Ikea mais même sans chiffres je me permets de vous suggérer de vous y rendre sans votre conjoint·e.</p>
<h2>Hauteur et prix du sapin</h2>
<p>L’avantage tout de même d’Ikea est de proposer une seule taille de sapin, un mètre quarante. Pas d’hésitation entre l’achat d’un arbre de Noël plus petit mais moins cher ou plus cher mais plus grand. D’autant que la relation théorique entre prix et taille du sapin de Noël passe par des calculs hyper compliqués. Si je vous dis qu’elle obéit à la règle d’Hotelling modifiée Faustmann cela ne vous dira rien. Je vous livre alors quelques explications.</p>
<p>Harold Hotelling, grand économiste-statisticien américain, a établi que le prix d’une ressource naturelle devrait augmenter au rythme du taux d’intérêt. L’intuition est que son propriétaire arbitre entre exploiter maintenant ou exploiter demain. Si le prix de demain est inférieur à ce que lui rapporterait le produit de sa vente placée à la banque, il préférera évidemment vendre aujourd’hui. La différence de prix entre un Nordmann de 10 ans avec ses 20 cm de plus et un Nordmann de 9 ans dépend donc du taux d’intérêt.</p>
<p>Martin Faustmann, un forestier allemand, entre en jeu car les arbres, une fois coupés peuvent être replantés, ce qui n’est évidemment pas le cas du charbon ou du pétrole qu’Hotelling avait plutôt en tête. Si le cultivateur de sapin de Noël vend ses Nordmann à 10 ans et non à 9 ans, il perd l’année de croissance des nouveaux plants qu’il aurait semés sur la parcelle récoltée. Si vous voulez en savoir plus et aimez les équations, reportez-vous à <a href="https://www.jstor.org/stable/1245083?seq=1#metadata_info_tab_contents">l’article</a> « A Hotelling-Faustmann Explanation of the Structure of Christmas Tree » de l’<em>American Journal of Agricultural Economics</em>. Les économistes académiques américains sont formidables car ils ont publié sur tous les sujets.</p>
<h2>L’Oregon et les camions mexicains</h2>
<p>Restons aux États-Unis. Cela ne vous étonnera pas que le plus grand producteur et consommateur de sapins de Noël de la planète les cultive de façon industrielle. <a href="https://www.noblemountain.com">Noble Mountain Tree Farm</a>, par exemple, élève le sapin noble (<em>Abies procera</em>), le Douglas vert (<em>Pseudotsuga menziesii</em>) et autres pin sylvestre (<em>Pinus sylvestris</em>) sur près de 2 000 hectares. Une fois coupés, ils sont enlevés par hélicoptère et embarqués en camion ou en container réfrigérés pour les livrer partout dans le reste des États-Unis, en Amérique centrale et même beaucoup plus loin, à Doha, Singapour et Saïgon.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=897&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=897&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=897&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1127&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1127&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1127&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Hélitreuillage des sapins dans des camions de transport dans l’Oregon.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.noblemountain.com/logistics.htm">Noble Mountain Tree Farm</a></span>
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<p>En revanche, vous n’auriez pas imaginé un instant que le sapin de Noël cultivé dans l’Oregon puisse être l’otage d’un conflit commercial entre le Mexique et les États-Unis. Une <a href="http://www2.southeastern.edu/orgs/econjournal/index_files/JIGES%20JUNE%202011%20NAFTA%20and%20the%20U.S.-Mexican%20Trucking%20Dispute.pdf">longue dispute</a> sur l’accès des camions mexicains au réseau routier fédéral en est à l’origine.</p>
<p>L’accord de libre-échange nord-américain prévoyait cette ouverture pour 2000. Pour des raisons plus ou moins convaincantes (véhicules moins sûrs, chauffeurs insuffisamment expérimentés, passage de drogue et de clandestins, etc.), les États-Unis ont traîné des pieds et le Mexique a fini par se lasser. En 2009, son gouvernement a imposé des surtaxes à l’importation pour plusieurs milliards de dollars sur près de 100 produits dont le sapin de Noël. Que vient faire là notre petit résineux ? La faute à deux membres du Congrès élus de l’Oregon qui se sont sans cesse <a href="https://www.oregonlive.com/business/2011/10/post_61.html">opposés à l’accès des camions mexicains</a>. Il y a une certaine logique au ciblage des mesures de rétorsion commerciales.</p>
<h2>Les fabrications chinoises</h2>
<p>On retrouve encore notre petit sapin pris dans les filets du conflit commercial entre les États-Unis de Donald Trump et la Chine de Xi Jinping. Plus précisément les guirlandes et autres articles de Noël. Pas le sapin lui-même direz-vous car la Chine n’en cultive pas ; et ce pour une bonne raison : Noël n’y est pas fêté et le symbole du Nouvel An chinois est un animal, pas un arbre, et la couleur de circonstance le rouge, non le vert (à propos, la prochaine année sera placée sous le signe du Rat et débutera le 5 février.) La Chine n’en produit pas moins pour l’exportation des sapins factices en plastique et toutes les décorations qui vont avec. Elle en est même de très très loin la premier fabricant mondial.</p>
<p>Dès la première salve du conflit, les États-Unis ont imposé une taxe de 10 % sur les importations de décorations de Noël. Rien en revanche sur les sapins en chlorure de polyvinyle ou en polyuréthane. Ne me demandez pas la logique de ce traitement différencié. Je ne la connais pas. Ne me demandez pas non plus pourquoi la surtaxe sur les articles de Noël a été retirée l’été dernier. Donald Trump se serait-il ému à l’idée que les petits enfants d’Amérique trouveraient un sapin moins abondamment décoré ?</p>
<p>La fabrique chinoise des accessoires de Noël est bien sûr assez éloignée des histoires racontées aux petits enfants. Ni elfes aux oreilles pointus ni lutins espiègles aidant le père Noël, mais des ouvriers travaillant à la chaîne et des machines découpant le PVC en millions d’aiguilles factices. La fabrication ne se situe pas non plus quelque part au-delà du cercle polaire. Elle se tient à 300 km de Shanghai. À Yiwu, précisément. Près d’un millier d’entreprises d’articles de Noël s’y côtoient. Elles réalisent à elles seules <a href="https://www.icontainers.com/us/2018/12/18/is-your-christmas-made-in-china/">60 % de la production mondiale</a> de sapins en plastique, guirlandes lumineuses, étoiles dorées, et autres personnages et boules de Noël. Pour un aperçu des chaînes de fabrication et des usines de cet atelier du monde de la Nativité, regardez la vidéo de <em>National Geographic</em>, <a href="https://video.nationalgeographic.com/video/i-didnt-know-that/00000144-0a29-d3cb-a96c-7b2db4c20000">« I did not know that : how Christmas trees are made »</a>. Plutôt quand vos jeunes enfants seront couchés. Maintenant vous saurez.</p>
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<h2>Sapin naturel vs sapin factice</h2>
<p>Aux États-Unis, le <em>fake christmas tree</em> se rapproche du volume des ventes du sapin naturel et continue de progresser. Son prix avantageux – une utilisation pour deux Noël suffit à le rendre moins coûteux – ne semble pas la principale raison de cette croissance. Sa baisse n’entraîne d’ailleurs qu’un <a href="https://academic.oup.com/ajae/article-abstract/75/3/730/48090?redirectedFrom=fulltext">très faible effet de report</a> sur l’achat de sapin naturel. C’est plus la commodité (pas d’aiguilles à balayer, pas de trajet chaque début décembre pour se le procurer) qui est à l’origine de son succès outre-Atlantique.</p>
<p>Sa part reste en revanche stable en France, autour de <a href="https://www.tns-sofres.com/publications/les-achats-de-sapins-de-noel-en-2018">20 % des sapins de Noël</a> achetés chaque année. Ce qui est une bonne nouvelle pour les producteurs nationaux car par ailleurs les importations du Danemark ou d’ailleurs ne représentent qu’un cinquième des volumes. Les Français semblent rester attachés au sapin en bois d’origine locale.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Aux États-Unis, de plus en plus de fake Christmas trees ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Yeexin Richelle/Shutterstock</span></span>
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<p>Leur comportement est-il pour autant mieux respectueux de la planète ? Quel sapin est le plus vert ? Le naturel ou le factice ? A priori le sapin de Noël naturel puisqu’il capte du dioxyde de carbone en poussant grâce à la photosynthèse, alors que son rival en dégage car la chaîne qui va du pétrole plus du sel au PVC est très gourmande en énergie. Mais cet avantage peut basculer selon deux principaux paramètres : le nombre d’années de réutilisation et les distances de transport, et donc les émissions polluantes, pour acheminer les sapins au point de vente puis chez soi. Plus vous garderez longtemps votre sapin en plastique moins pèsera le fait qu’il vienne de Chine ou que vous l’ayez acheté loin de chez vous.</p>
<p>Inversement, plus les distances de transport de votre sapin naturel sont grandes, moins le bilan carbone sera favorable. En plus, ce match vert dépend également d’autres facteurs à l’instar du traitement de fin de vie (poubelle ou recyclage) et des dommages à l’environnement autres que les émissions de carbone (effets des produits phytosanitaires et biodiversité). Les analyses de cycle de vie réalisées sur nos deux sapins aboutissent ainsi à des résultats qui peuvent être différents selon les paramètres pris en considération et les valeurs retenues. Un point de bascule <a href="https://8nht63gnxqz2c2hp22a6qjv6-wpengine.netdna-ssl.com/wp-content/uploads/2018/11/ACTA_2018_LCA_Study.pdf">à 5 ans</a> ou <a href="https://ellipsos.ca/lca-christmas-tree-natural-vs-artificial/">à 20 ans</a> de réutilisation selon les sources, par exemple. Bref… difficile de s’y retrouver.</p>
<p>Mon conseil : optez pour le sapin naturel dès lors que vous ne le jetterez pas à la poubelle, mais le déposerez à un point de collecte ou dans une déchèterie près de chez vous. Si vous avez un doute achetez un <a href="https://franchementbien.fr/un-sapin-francais-label-rouge/">sapin Label rouge</a> il viendra de France ou un <a href="https://www.plantezcheznous.com/professionnel-jardin/france-sapin-bio-producteurs-sapins-noel-bio/">sapin bio</a>, plus vert encore.</p>
<p>Et puis, ne faites pas comme le petit sapin <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9683757m/f6.image">envieux et grincheux</a> du conte d’Andersen qui ne sait pas profiter des instants présents. Passez donc de joyeuses fêtes de Noël avec ou sans arbre décoré de guirlandes chinoises.</p>
<blockquote>
<p>« Dans la forêt croissait un joli petit Sapin… (si impatient de grandir qu ») il ne prenait point plaisir aux jeux de lumière du soleil, ni au chant et aux mouvements des oiseaux, ni aux nuages flottants qui passaient au-dessus de lui, roses le matin, rouges et pourpres le soir… »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=942&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=942&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=942&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1184&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1184&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1184&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Extrait du livre « Le sapin merveilleux et autres contes d’hiver et de printemps », d’après Hans Andersen.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9683757m/f6.image">Gallica.bnf.fr/Larousse (1910)</a></span>
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<hr>
<p><em>François Lévêque a récemment publié « Les habits neufs de la concurrence » aux Éditions Odile Jacob.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127928/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Lévêque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’arbre qui brillera dans un foyer français sur quatre fin décembre n’est pourtant pas épargné par les turbulences de la mondialisation…François Lévêque, Professeur d’économie, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1266162019-11-11T20:49:38Z2019-11-11T20:49:38Z700 millions de pneus chinois, Obama, Michelin et moi<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/300618/original/file-20191107-10910-sskd8h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C62%2C937%2C526&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Près d’un pneu sur trois dans le monde est fabriqué en Chine.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Zhao jiankang / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les pneus chinois ont envahi les États-Unis et l’Europe. Une concurrence déloyale qui a abouti à des sanctions commerciales de Washington et de Bruxelles. Le président Barack Obama a tiré le premier. <a href="https://www.lequotidien.lu/economie/face-aux-pneus-chinois-michelin-se-degonfle-en-europe/">Michelin est touché</a>. Et moi, je ne sais plus quoi acheter pour changer mes gommes usées. Des boudins du Vietnam premier prix ou des pneumatiques longue durée « Made in EU » ? Roulons ensemble pour comprendre le dumping chinois et l’effet des surtaxes à l’importation. Bon à savoir en ces temps de guerre commerciale ; la chaussée est glissante.</p>
<h2>Des pneus chinois par centaines de millions</h2>
<p>La Chine est le premier producteur mondial de pneus. Près d’un sur trois sort de ses usines. Aucune entreprise pourtant parmi les cinq plus grands manufacturiers du pneumatique. Le premier est d’origine japonaise, ce que ne laisse pas deviner son nom, Bridgestone ; le second, un français de Clermont-Ferrand qui éditait aussi un guide des meilleurs restaurants, Michelin bien sûr ; le troisième, un américain qui porte le nom de l’inventeur de la vulcanisation (ce qui rend le caoutchouc moins plastique, mais plus élastique), Goodyear ; le quatrième vient d’Hanovre et a conçu le premier pneu pour bicyclette, Continental ; le cinquième, un autre japonais qui porte un prénom comme tel, Sumitomo. En 2017, il fallait arriver à la sixième place pour trouver un fabricant chinois : Pirelli. Eh oui ! La firme milanaise plus que centenaire a été <a href="https://fr.reuters.com/article/businessNews/idFRKBN0MJ0G220150323">rachetée en 2015 par ChemChina</a>, un conglomérat d’État alors à la tête du principal producteur domestique de pneus radiaux et tout-terrain.</p>
<p>La place de la Chine dans le pneumatique est bien sûr liée à la montée en puissance spectaculaire de son industrie automobile. Pas de vente de voiture neuve avec des roues sans pneus ! Ce marché de la première monte est crucial. Les clients ont en effet tendance à reprendre les mêmes pneumatiques lorsqu’ils devront être changés. Dans les pays vieux routiers de l’automobile la première monte représente entre un quart et un tiers des ventes ; le remplacement le reste.</p>
<p>Mais comme la flotte chinoise de véhicules est récente (5 ans d’âge en moyenne contre près du double en France), le marché du remplacement garde ses plus belles promesses pour demain.</p>
<h2>Petits et grands pneumaticiens chinois</h2>
<p>Si vous passez par Dawang, au sud de Pékin, vous y trouverez des <a href="https://www.globaltimes.cn/content/1119026.shtml">centaines de manufacturiers du pneu</a>. Ils ont fait la prospérité de la ville. Ils y contribuent moins aujourd’hui car le pneumatique chinois est en crise. De nombreux petits faiseurs ont fait faillite et fermé leur porte. Pour la première fois depuis 20 ans la production automobile chinoise a décru en 2018, une année seulement après la <a href="https://www.lesechos.fr/2017/03/flambee-des-prix-sur-le-marche-des-pneumatiques-151708">flambée du prix du caoutchouc</a> naturel. À ces deux années noires s’est ajoutée une plus grande vigilance des autorités de contrôle de l’environnement ; elles ont fait le ménage parmi les entreprises ne respectant pas les normes. Le tout, suite à une longue série de restrictions commerciales contre l’importation de pneus chinois (voir plus bas).</p>
<p>Face à ces adversités, les petits et moyens manufacturiers ont les reins moins solides que les quelques grandes entreprises du secteur : pas de diversification sur des produits moins exposés, pas d’implantation à l’étranger, pas de capacité d’investissement pour se moderniser, pas d’influence sur le gouvernement central. À l’instar de leurs consœurs américaines <a href="https://www.jstor.org/stable/2138664">qui n’ont pas survécu aux années 1920</a>, la plupart vont disparaître face à la surcapacité de production. La consolidation du pneu chinois est donc en <a href="https://www.tirereview.com/china-rise-tire-companies-making-waves-around-globe/">route</a>. Dans une poignée d’années, quelques firmes seulement domineront le marché domestique. Mais, contrairement aux grandes entreprises américaines qui, à l’exception de Goodyear, <a href="https://www.nber.org/chapters/c8649">ont perdu pied sur le marché mondial</a>, il est peu probable qu’elles sortent du jeu planétaire.</p>
<h2>Barack Obama a tiré le premier</h2>
<p>Ce n’est pas Donald Trump mais son prédécesseur à la Maison Blanche qui a commencé à surtaxer les pneus venus de Chine. Une <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/protectionnisme-trump-ne-fait-pas-dans-la-nouveaute-131221">taxe <em>ad valorem</em> de plus de 35 %</a> a été introduite aux frontières pour trois ans. Prise en 2009, cette décision s’appuie sur une clause spéciale liée à l’<a href="https://www.cambridge.org/core/journals/world-trade-review/article/ustyres-upholding-a-wto-accession-contract-imposing-pain-for-little-gain/EE43CFD76D1FB29C084581D447E8DE43">entrée de la République populaire dans l’Organisation mondiale du commerce</a> (OMC). Elle vise à sauvegarder les entreprises dès lors que leur marché domestique est bouleversé par les importations du nouveau membre. Or celles des pneumatiques chinois a triplé entre 2004 et 2008, passant de 6,7 % à 29 % de la production étatsunienne. Sur la même période, le secteur a perdu plusieurs milliers d’emplois.</p>
<p>Oui, mais est-ce bien à cause des pneus chinois ? Rien, n’est moins clair. Il suffit de lire <em>International Debates</em> qui a <a href="https://congressionaldigest.com/issue/chinese-tire-tariffs/american-coalition-for-free-trade-in-tires/">ouvert ses colonnes</a> aux partisans et adversaires de cette protection des frontières. Pour le syndicat américain des métallos (qui coiffe aussi les ouvriers du caoutchouc) il est temps d’agir face aux pneus à prix bradés venus de Chine. D’autres usines vont sinon fermer. Point de vue partagé par les élus démocrates et républicains des États où elles sont menacées.</p>
<p>En revanche, il s’agit d’une mesure infondée pour l’Association des industriels chinois du pneu ainsi que pour les entreprises américaines qui les importent et les distribuent. À leurs yeux, les usines ont fermé parce que les entreprises ont décidé de leur propre chef d’abandonner la production de pneus bas de gamme du fait de leur manque de rentabilité sur le sol américain. Les Michelin, Goodyear et autres Bridgestone qui dominent la fabrication aux États-Unis ont des usines en Chine et bien ailleurs dans le monde. L’invasion pneumatique chinoise serait la conséquence de leur décision stratégique. Les opposants de la décision d’Obama observent d’ailleurs que ces pneumaticiens n’ont ni demandé, ni appuyé la mesure de taxation aux frontières.</p>
<p>Conclusion : faute d’études indépendantes, il est difficile de trancher cette controverse sur l’origine des emplois perdus.</p>
<h2>Quels sont les effets de la surtaxe ?</h2>
<p>En revanche, avec un peu d’années de recul, des données et des travaux académiques, les conséquences de surtaxe sont plus nettes. Sans surprise, les importations de pneus chinois ont drastiquement diminué en quantité (moins 67 % sur les 12 mois qui ont suivi son introduction). Quant aux emplois trois ans après la mesure, ils n’ont augmenté que d’un millier seulement, une croissance qui est <a href="https://www.piie.com/system/files/documents/pb12-9.pdf">loin de permettre</a> de revenir au niveau d’emploi des années antérieures à la mesure. De plus, ces nouveaux emplois auraient peut-être été créés sans elle, poussés par exemple par la reprise économique de l’après-crise financière. Ou, inversement, sans la décision de Barack Obama, le nombre d’emplois aurait décliné et ces pertes évitées sont alors à porter à son crédit.</p>
<p>Il convient donc de comparer les effets de la mesure à ce qui se serait passé si… elle n’avait pas eu lieu. C’est le fameux scénario contrefactuel cher aux économistes : comparer ce qui s’est passé dans le pneu à partir de 2009 à quelque chose qui n’est pas observable puisque non advenu. Vous voyez la difficulté. Pour la contourner, on peut penser par exemple à chercher des différences avec des industries qui n’ont pas connu de restrictions aux importations ou avec d’autres secteurs de transformation du caoutchouc. Pas sûr cependant que ces industries aient été soumises aux mêmes tendances que celle du pneumatique. Quand le choix du groupe de contrôle comparable n’est pas évident, il est possible de recourir à des méthodes économétriques sophistiquées. C’est ce que fait un <a href="https://ideas.repec.org/a/eee/eecrev/v85y2016icp22-38.html">trio de chercheurs</a>. Le résultat qu’ils avancent est sans appel :</p>
<blockquote>
<p>« L’emploi total et le salaire moyen des entreprises du pneu aux États-Unis n’ont pas été affectés par la mesure de sauvegarde. »</p>
</blockquote>
<p>L’hypothèse explicative est simple : les importations en moins des États-Unis venant de Chine auraient été compensées par des importations en plus d’autres pays. Avec la mesure, la Chine exporte moins de pneus, mais la Thaïlande, l’Indonésie ou encore la Corée du sud voient les leurs gonfler. Le vide chinois est comblé par une réallocation des capacités et une modification des circuits. Par exemple, les pneus d’une usine chinoise qui devaient aller aux États-Unis sont exportés dans les pays qui recevaient des pneus d’une usine indonésienne et ces derniers sont alors exportés aux États-Unis.</p>
<p>Conclusion : pas évident d’obtenir des effets significatifs lorsque les restrictions d’importations concernent un seul pays et que le bien considéré est produit par des multinationales implantées un peu partout.</p>
<h2>Dumping et subventions</h2>
<p>L’administration américaine a imposé de <a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/FR-2015-08-10/pdf/2015-19615.pdf">nouveaux droits de douane</a> aux pneus chinois en 2015. Il ne s’agit plus cette fois d’une mesure de sauvegarde, mais d’une action en bonne et due forme pour concurrence déloyale selon les règles de l’OMC. Il ne suffit plus de montrer que l’industrie a été bouleversée par une augmentation foudroyante des importations ; il faut apporter la preuve que le prix du bien importé est anormalement bas (mesure antidumping) ou que l’entreprise a bénéficié d’aides publiques (mesure antisubventions). Dans les deux cas, il est en plus nécessaire de démontrer que la concurrence déloyale qui s’est exercée a été dommageable à l’industrie domestique. Bref, le standard de preuve est élevé et les chiffres âprement discutés pour établir le prix normal, le niveau des subventions reçues et l’ampleur du préjudice.</p>
<p>L’administration américaine a estimé que la marge de dumping des fabricants de pneus en Chine s’élevait entre 15 et 30 % selon les sociétés et que les subventions représentaient l’équivalent de 21 à 100 % du prix facturé. Elle a donc taxé aux frontières les pneus chinois de chaque entreprise à hauteur de ces montants. Après s’être redressées quand la mesure de sauvegarde triennale de 2009 a expiré, les importations de pneumatiques chinois aux États-Unis <a href="https://www.tirebusiness.com/wholesale/impact-import-duties-chinese-truck-tires-flux">ont de nouveau dégringolé</a>.</p>
<p>Heureusement pour Donald Trump, les mesures qui viennent d’être décrites ont seulement porté sur les pneus équipant les véhicules de tourisme et les utilitaires légers. Restaient les pneumatiques chinois pour camions et autobus à chasser pour cause de dumping et subventions. Ils le seront à <a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/FR-2017-01-27/pdf/2017-01862.pdf">mi-mandat</a>. Ceci dit, les gros pneus chinois surtaxés représentent un marché affecté minuscule en comparaison des centaines de milliards de dollars d’importations de la République populaire taxées par le président américain dans sa bataille commerciale contre <a href="https://abcnews.go.com/Politics/10-times-trump-attacked-china-trade-relations-us/story?id=46572567">« le plus grand voleur dans l’histoire du monde »</a>. Mais il s’agit là d’une vision très personnelle de la concurrence déloyale. Elle ne s’embarrasse ni des règles et obligations de démonstration qu’impose l’OMC, ni des principes internationaux en matière de défense commerciale licite.</p>
<p>Conclusion : ne pas confondre défense commerciale et protectionnisme.</p>
<h2>Et l’Europe ?</h2>
<p>De son côté, l’Union européenne est à la traîne. Pas de mesures contre les pneus pour véhicules légers, seulement <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32018R0683">contre les pneus pour poids lourds et autobus</a> ; de plus, elle a diligenté son enquête postérieurement à celle de l’Administration américaine. Les droits de douane tenant compte du dumping et des subventions chinoises sont entrés en vigueur il y a tout juste un an. Il faut dire que l’Union européenne n’est pas très encline à se défendre. Fin 2018, un peu plus d’une centaine de mesures antidumping et antisubventions étaient en vigueur contre <a href="https://www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/IGF%20internet/2.RapportsPublics/2019/2018-M-105-03-UE.pdf">près d’un demi-millier pour les États-Unis</a>.</p>
<p>Selon leur tissu industriel, les États membres sont plus ou moins affectés par les importations chinoises. La crainte de représailles est également différemment ressentie selon l’importance de leurs exportations. L’Allemagne et la France n’ont pas, par exemple, les mêmes intérêts en cas de mesure commerciale contre la Chine. Les États membres sont donc plus ou moins allants pour se défendre en cas de concurrence déloyale. Le consensus est difficile.</p>
<p>L’Union européenne n’a pas non plus été très soucieuse de défense commerciale en autorisant en 2015 la vente de Pirelli à Chemchina. À travers cette entreprise d’État, la Chine acquiert des technologies et des savoir-faire dans la conception et fabrication de pneumatiques haut de gamme ainsi qu’une marque reconnue (pour les non-initiés aux sports mécaniques, Pirelli équipe les pneus des bolides de Formule 1). L’achat de l’entreprise milanaise a d’ailleurs été largement aidé par l’État de la République populaire, notamment par un prêt préférentiel et une <a href="https://www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/IGF%20internet/2.RapportsPublics/2019/2018-M-105-03-UE.pdf">prise de participation du Fonds de la Route de la soie</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/300620/original/file-20191107-10952-1dk79jm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/300620/original/file-20191107-10952-1dk79jm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/300620/original/file-20191107-10952-1dk79jm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/300620/original/file-20191107-10952-1dk79jm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/300620/original/file-20191107-10952-1dk79jm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/300620/original/file-20191107-10952-1dk79jm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/300620/original/file-20191107-10952-1dk79jm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pour la Chine, le rachat de Pirelli signifie l’acquisition d’un savoir-faire dans la conception et fabrication de pneumatiques haut de gamme.</span>
<span class="attribution"><span class="source">S_Z/Shutterstock</span></span>
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<p>N’éreintons pas cependant l’Europe. L’Union, contrairement aux États-Unis, a été avisée d’inclure les pneus rechapés dans son investigation et sa décision. Le changement de la bande de roulement des pneus de camion est en effet un moyen de leur donner une nouvelle vie pour 300 000 km supplémentaires d’autoroute. Des kilomètres qui permettent d’économiser du caoutchouc et d’autres matières premières. Cette possibilité ne vaut toutefois que pour des pneus neufs plus chers à l’achat car de carcasse plus durable. Ce n’est pas le cas des pneus chinois bas de gamme, mais dont le prix subventionné les rendait encore moins cher que le simple coût du rechapage ; une opération par ailleurs réalisée par des <a href="https://www.challenges.fr/automobile/actu-auto/les-pneus-chinois-menacent-la-filiere-francaise-du-caoutchouc_416002">milliers d’employés en Europe</a> !</p>
<p>Conclusion : l’action antidumping de l’Europe est économiquement et écologiquement vertueuse.</p>
<h2>Des mesures moyennement efficaces</h2>
<p>Il convient toutefois de ne pas s’emballer à propos de l’efficacité de cette mesure de l’Union ; idem pour celles prises par les États-Unis en 2015 et 2019. Au cours des cinq dernières années passées, plusieurs grands pneumaticiens chinois ont construit des usines à l’étranger, en particulier en Thaïlande et au Vietnam. De plus, à l’instar de Pirelli, le numéro deux du pneu coréen – à la tête d’usines chez lui, mais aussi aux États-Unis et au Vietnam – est passé sous contrôle chinois. Par ces investissements étrangers, les entreprises chinoises disposent dorénavant de marges de manœuvre face aux restrictions à l’importation.</p>
<p>À l’inverse, il ne faudrait pas penser non plus que ces mesures n’ont aucune efficacité. Ce serait le cas si les pneus fabriqués en Chine étaient remplacés un pour un par des pneus produits ailleurs et exportés au même prix. Or les possibilités de réallocation des capacités et de modification des circuits des multinationales du pneu, y compris chinoises, ne sont ni instantanées ni complètement faisables à moyen terme. De plus, à long terme les grands fabricants chinois n’ont pas intérêt à perdre de l’argent en bradant leurs produits à l’export.</p>
<p>De façon générale, le bilan économique des mesures de défense commerciale relève du cas par cas. Des possibilités de manœuvre des multinationales, mais également des effets sur les importateurs et distributeurs qui perdent du chiffre d’affaires, des consommateurs lésés par une augmentation des prix, sans compter les effets de mesures de rétorsion et leur propre cortège d’effets. À la suite de la première mesure américaine contre les pneus chinois, l’industrie avicole américaine a perdu un <a href="https://www.piie.com/publications/pb/pb12-9.pdf">milliard de dollars de recettes d’exportation</a>, la Chine ayant décidé de surtaxer les morceaux découpés de poulet « made in USA ».</p>
<p>Conclusion : difficile de globaliser les effets</p>
<h2>Michelin touché</h2>
<p>Le cas Michelin est un bon exemple de l’effet en demi-teinte des mesures de défense commerciale. Malgré la mesure antidumping européenne, la firme globale auvergnate a décidé de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/10/10/l-usine-michelin-de-la-roche-sur-yon-fermera-d-ici-a-la-fin-de-2020-plus-de-600-salaries-concernes_6014943_3234.html">fermer fin 2020 son site de production</a> de pneus pour poids lourds de La Roche-sur-Yon. Il souffre d’une taille insuffisante. Elle ne lui assure plus d’être compétitif face à une concurrence même à la loyale, c’est-à-dire basée sur la productivité du capital, du travail ou des intrants. Un esprit caustique remarquera aussi que Michelin est elle-même sanctionnée par la mesure européenne car elle surtaxe aussi ses pneumatiques pour poids lourds et autobus fabriqués en Chine. Ces exportations de Michelin vers l’Europe sont toutefois très marginales.</p>
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<figcaption><span class="caption">Michelin : l’annonce de la fermeture du site de La Roche-sur-Yon (France 3 Pays de la Loire, 10 octobre 2019)</span></figcaption>
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<p>Par ailleurs, une mesure européenne antidumping sur les pneus bas de gamme pour véhicules légers n’aurait pas non plus empêché la fermeture de son usine allemande à Bamberg, un site vieux de près d’un demi-siècle spécialisé dans la production de pneus de moyenne gamme. Il souffre avant tout d’une demande décroissante : il produit des 16 pouces et non les larges pneus chaussant les véhicules de grand gabarit, SUV et autres Crossovers qui plaisent tant aujourd’hui même s’ils polluent plus, rendent la vie si difficile aux cyclistes et sont beaucoup plus dangereux pour les piétons.</p>
<h2>Et moi et moi et moi…</h2>
<p>Propriétaire d’une Peugeot 3008, attentif à mon empreinte carbone et roulant à vélo par des rues et routes étroites, je suis une preuve vivante de cette contradiction. De tels comportements qui frisent l’irrationalité ne cessent d’intriguer les économistes, en particulier les spécialistes de l’environnement. Pourquoi n’investissons-nous pas dans des équipements rentables grâce à la réduction de la facture d’énergie qu’ils nous apportent ?</p>
<p>Sur le papier, il n’y a en effet pas photo : le consommateur gagne à acheter des pneus chers plutôt que bon marché, c’est-à-dire des pneus haut de gamme plutôt que bas de gamme, ou encore des pneus des grandes marques historiques plutôt que des pneus anonymes venus d’Asie.</p>
<p>D’abord, ils permettent de parcourir un plus grand nombre de kilomètres sans les changer. Cette économie dans la durée est à souligner car un contre-exemple de la si courante obsolescence programmée. Les grands pneumaticiens cherchent à offrir des pneus qui durent le plus longtemps possible.</p>
<p>Ensuite, il suffit de rouler une quinzaine de milliers de kilomètres par an pour que le supplément de prix soit plus que compensé par la moindre consommation de carburant. Peut-être ne le savez-vous pas, mais environ un plein sur quatre de votre voiture sert uniquement à faire rouler les pneumatiques. La faute à la résistance au roulement. Le pneu s’écrase sous le poids du véhicule et cette déformation d’environ une largeur de main s’oppose à la traction. Diminuer la résistance au roulement permet donc de réduire la consommation de carburant, mais il faut y parvenir sans que le pneu perde de son adhérence – c’est mieux pour démarrer et conserver sa vitesse et éviter d’aller dans le décor sur chaussée mouillée… Bref, sans avoir à mentionner d’autres critères de performance des pneus, comme le confort de la conduite ou le bruit, le pneumatique est un produit hypertechnique. Ce qui explique pourquoi Michelin, inventeur hier du pneu radial et concepteur aujourd’hui de <a href="https://www.lamontagne.fr/clermont-ferrand-63000/actualites/michelin-presente-vision-son-pneu-du-futur-a-montreal_12441736/">nombreux prototypes</a> (pneus sans air, biodégradable, connecté…) fait partie des 50 premiers déposants de brevets au monde. Cherté et qualité des pneumatiques sont donc étroitement corrélées.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/300860/original/file-20191108-194650-1r5wooa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/300860/original/file-20191108-194650-1r5wooa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/300860/original/file-20191108-194650-1r5wooa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/300860/original/file-20191108-194650-1r5wooa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/300860/original/file-20191108-194650-1r5wooa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/300860/original/file-20191108-194650-1r5wooa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/300860/original/file-20191108-194650-1r5wooa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/300860/original/file-20191108-194650-1r5wooa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le pneu increvable de Michelin.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://newatlas.com/michelin-gm-uptis-airless-tire/60004/">Michelin</a></span>
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<p>Malgré ce double gain, les pneus bas de gamme qui finalement reviennent plus cher se vendent bien. Les raisons avancées par les économistes qui s’intéressent à l’efficacité énergétique sont <a href="https://www.nber.org/papers/w15031.pdf">multiples</a>. Citons-en quelques-unes. Le consommateur peut être atteint d’une sorte de myopie qui écrase les gains futurs. Par exemple exprimer une nette préférence pour le présent et une aversion au risque et à l’incertitude (le prix des carburants fluctue et il n’est pas connu à l’avance sur la durée de l’amortissement de l’équipement). Un tien vaut mieux que deux tu l’auras. Le consommateur peut aussi reconnaître qu’il en sait moins que le vendeur et que le vendeur le sachant va lui faire miroiter des performances auxquelles il ne croira pas. Méfiance, méfiance…</p>
<p>Enfin, le consommateur peut prendre des décisions selon des mécanismes bien éloignés de la rationalité et des calculs qu’elles exigent. Il privilégiera alors des solutions simples et routinières comme acheter la même chose qu’avant. Comme le dit le refrain de la chanson de Jacques Dutronc qui a inspiré le titre de cette chronique « J’y pense et puis j’oublie, c’est la vie, c’est la vie ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Jacques Dutronc, « Et moi, et moi, et moi » (Archive INA, 1966).</span></figcaption>
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<hr>
<p><em>François Lévêque vient de publier <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/management-entreprise/habits-neufs-de-la-concurrence_9782738139177.php">« Les habits neufs de la concurrence. Ces entreprises qui innovent et raflent tout »</a> aux éditions Odile Jacob.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126616/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Quelles sont les conséquences des sanctions commerciales visant à limiter la conquête chinoise du marché mondial du pneumatique ?François Lévêque, Professeur d’économie, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1244392019-10-03T17:47:22Z2019-10-03T17:47:22ZClimat des affaires : le candidat Trump devrait faire face à une récession<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/294763/original/file-20190930-194832-m3hc8n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C38%2C938%2C627&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La situation économique sera l'une des clés de la prochaine élection présidentielle américaine. </span> <span class="attribution"><span class="source">Mjmarit / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est tiré de la dernière enquête Duke University–Grenoble École de Management qui mesure chaque trimestre, depuis plus de 20 ans, le climat des affaires tel qu’il est perçu par les responsables financiers des entreprises à travers le monde. L’enquête recueille plus de 1 000 réponses anonymes d’entreprises de tous secteurs et de toutes tailles. C’est désormais la plus grande enquête de ce type dans le monde. Une analyse détaillée par pays peut être envoyée à chaque participant. Vous pouvez consulter les <a href="http://www.grenoble-em.com/climat-des-affaires">résultats complets de cette enquête</a>.</em></p>
<hr>
<p>Si à court terme, la croissance devait rester positive (le climat des affaires reste élevé à 63 contre 65 au trimestre précédent), les responsables financiers américains sont de plus en plus nombreux à anticiper une récession aux États-Unis dès la fin du premier semestre 2020, selon nos observations. Les conséquences sur les résultats des élections présidentielles de novembre 2020 pourraient être importantes. En effet, les travaux qui soulignent l’impact significatif du cycle économique sur les choix des électeurs sont nombreux.</p>
<p>L’économiste américain <a href="https://fairmodel.econ.yale.edu/rayfair/pdf/vote.pdf">Ray Fair</a> a notamment montré qu’un ralentissement économique n’est généralement pas favorable à la réélection de l’équipe en place.</p>
<p>Un changement d’administration, voire même la simple anticipation de ce changement, ajouterait mécaniquement de l’incertitude à l’environnement de travail des entreprises alors que celles-ci font déjà face à un contexte géopolitique complexe (<a href="https://theconversation.com/telecoms-la-guerre-froide-technologique-est-declaree-108849">guerre commerciale sino-américaine</a>, tensions dans le golfe Persique…).</p>
<p>D’un point de vue économique, les conséquences sur le terrain sont immédiates : les dépenses d’investissement devraient être faibles pour les prochains trimestres (+0,6 %) et la recherche de collaborateurs notamment de « talents » n’est plus la priorité des entreprises américaines. Celles-ci se préparent déjà à traverser la prochaine récession et cherchent à éviter à tout prix l’effet de surprise de la crise de 2008.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/294758/original/file-20190930-194832-13oovo6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/294758/original/file-20190930-194832-13oovo6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/294758/original/file-20190930-194832-13oovo6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/294758/original/file-20190930-194832-13oovo6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/294758/original/file-20190930-194832-13oovo6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/294758/original/file-20190930-194832-13oovo6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/294758/original/file-20190930-194832-13oovo6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/294758/original/file-20190930-194832-13oovo6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Climat des affaires : niveau d’optimisme moyen des responsables financiers en Europe et aux États-Unis.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Baromètre climat mondial des affaires DFCG-GEM, septembre 2019</span></span>
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</figure>
<p>Or, il y a aujourd’hui de <a href="https://theconversation.com/la-radicale-incertitude-de-la-finance-mondiale-122065">nombreux signes avant-coureurs</a> qui incitent à la prudence. L’inversion récente de la structure par terme des taux d’intérêt en est un. Aucune entreprise ne souhaite accroître son risque en finançant aujourd’hui un projet majeur. Au bilan, le ralentissement de la dépense en capital des entreprises et un marché du travail moins vigoureux pourraient faire basculer l’économie américaine dans la récession dans un avenir proche.</p>
<h2>Le Royaume-Uni à la traîne de l’Europe</h2>
<p>En ce qui concerne l’Europe, notre indicateur de climat des affaires ressort à 59 pour le troisième trimestre 2019, contre 57 au trimestre précédent sur une échelle de zéro à cent. Depuis désormais cinq trimestres, notre indicateur s’est stabilisé sur des niveaux compatibles avec une croissance modérée de l’activité en Europe. L’optimisme des responsables financiers en entreprise reste particulièrement élevé en France (64) et en Allemagne (64).</p>
<p>En revanche, la gestion chaotique du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/brexit-24703">Brexit</a> par l’exécutif britannique maintien le Royaume-Uni en deçà des niveaux permettant d’anticiper une croissance significative de l’économie (47 au troisième trimestre 2019 contre 45 au second trimestre). D’ailleurs, 80 % des décideurs prévoient une récession outre-Manche avant la fin du premier semestre 2019 en particulier en <a href="https://theconversation.com/brexit-le-cout-exorbitant-du-scenario-de-la-sortie-sans-accord-110121">cas de « no deal »</a>. À l’inverse, sur le continent européen, la part des répondants qui envisage une récession est plus faible, environ 60 %, avec une occurrence plus lointaine, vers la fin du second semestre 2020.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/294774/original/file-20190930-194876-bd10lz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/294774/original/file-20190930-194876-bd10lz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/294774/original/file-20190930-194876-bd10lz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=501&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/294774/original/file-20190930-194876-bd10lz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=501&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/294774/original/file-20190930-194876-bd10lz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=501&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/294774/original/file-20190930-194876-bd10lz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=629&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/294774/original/file-20190930-194876-bd10lz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=629&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/294774/original/file-20190930-194876-bd10lz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=629&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Baromètre climat mondial des affaires DFCG-GEM, septembre 2019</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Preuve de ce dynamisme sur le Vieux Continent, les dépenses d’investissement sont attendues en hausse de 5,3 % durant le trimestre tirées vers le haut par les entreprises françaises (+7,5 %).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/294787/original/file-20190930-194819-tip0tc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/294787/original/file-20190930-194819-tip0tc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/294787/original/file-20190930-194819-tip0tc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=490&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/294787/original/file-20190930-194819-tip0tc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=490&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/294787/original/file-20190930-194819-tip0tc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=490&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/294787/original/file-20190930-194819-tip0tc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=616&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/294787/original/file-20190930-194819-tip0tc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=616&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/294787/original/file-20190930-194819-tip0tc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=616&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">Baromètre climat mondial des affaires DFCG-GEM, septembre 2019</span></span>
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<h2>Aucun relais de croissance dans le monde</h2>
<p>Pour la première fois de la décennie, aucune région du monde ne semble pouvoir prendre le relais pour soutenir la croissance mondiale. En Asie, le climat des affaires se dégrade régulièrement depuis plusieurs trimestres pour atteindre désormais 51 sur une échelle de zéro à cent. Les tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis, mais aussi la <a href="https://theconversation.com/hongkong-les-entreprises-etrangeres-prises-dans-le-tourbillon-des-manifestations-119440">crise politique hongkongaise</a>, affectent le moral des responsables financiers asiatiques. Sans surprise, les dépenses d’investissement devraient être nulles au cours du prochain trimestre.</p>
<p>En Amérique latine, après une forte baisse au trimestre précèdent, le climat des affaires s’établit à 57 contre 56 au trimestre précédent mais 65 au premier trimestre. Le climat des affaires reste néanmoins très favorable en Colombie (66). L’incertitude macroéconomique est désormais en tête de liste des principaux risques affectant l’activité pour plus de 80 % des entreprises du sous-continent.</p>
<p>Enfin, en Afrique, le climat des affaires se dégrade à nouveau fortement ce trimestre pour atteindre 39 contre 46 au trimestre précédent. L’emploi devrait rester stable et les dépenses en capital augmenter lentement au cours des 12 prochains mois. Les responsables financiers africains restent les plus préoccupés par l’incertitude économique, la faiblesse de la demande, les politiques gouvernementales et le risque de change.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/294792/original/file-20190930-194829-1ahjrbd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/294792/original/file-20190930-194829-1ahjrbd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/294792/original/file-20190930-194829-1ahjrbd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/294792/original/file-20190930-194829-1ahjrbd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/294792/original/file-20190930-194829-1ahjrbd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/294792/original/file-20190930-194829-1ahjrbd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/294792/original/file-20190930-194829-1ahjrbd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/294792/original/file-20190930-194829-1ahjrbd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Climat des affaires mondial pondéré par le PIB (PIB à prix constants en dollars US).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Banque mondiale.</span></span>
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<hr>
<p><em>Pour voir les résultats complets de cette enquête : <a href="https://www.cfosurvey.org/release/">cfosurvey.org/release/</a>. Prochaine enquête du 21 novembre au 6 décembre 2019 : <a href="http://ceocfo.org/French.htm">ceocfo.org/French.htm</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124439/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Dupuy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La dernière enquête Duke University–Grenoble École de Management révèle de fortes inquiétudes chez les responsables financiers américains.Philippe Dupuy, Professeur Associé au département Gestion, Droit et Finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1221402019-08-26T18:46:47Z2019-08-26T18:46:47ZLe transfert de technologie, l’autre pomme de discorde de la guerre commerciale sino-américaine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/288945/original/file-20190821-170910-1jd29ld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C23%2C5152%2C3422&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les accusations d'espionnage sont largement insuffisantes pour comprendre les désaccords entre la Chine et les États-Unis...</span> <span class="attribution"><span class="source">Phol_66/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Dans un <a href="https://theconversation.com/debate-reckoning-the-damage-wrought-by-trumps-economic-ignorance-102360">précédent article</a> pour The Conversation, j’ai fait valoir que, à en juger par les guerres commerciales qu’il a lancées et qu’il est en train d’intensifier avec la Chine, le président des États-Unis Donald Trump ne passerait pas un examen de première année de premier cycle en économie (ou du moins pas la question de la théorie du commerce international). Essentiellement, j’ai montré qu’il (avec son équipe de conseillers dirigée par Larry Kudlow, le négociateur principal) fait preuve de peu de compréhension de la <a href="https://www.lemonde.fr/revision-du-bac/annales-bac/sciences-economiques-terminale-es/avantage-comparatif_sex104.html">théorie de l’avantage comparatif</a> des coûts qui se trouve au cœur de la compréhension des économistes du commerce international et, en fait, de tous les échanges interrégionaux depuis la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Toutefois, il est possible de détecter une deuxième pomme de discorde plus obscure dans les négociations interminables entre les États-Unis et la Chine, qui est peut-être le cœur de la controverse actuelle de la guerre commerciale, mais qui a été beaucoup moins discutée, que ce soit dans les débats universitaires ou dans les médias. Il s’agit de la question du transfert de technologie et des droits de propriété intellectuelle.</p>
<h2>Un nouveau champ de bataille</h2>
<p>Actuellement, les négociateurs américains souhaitent que leurs entreprises puissent accéder au marché chinois sans que cela implique de transfert de technologies, ce que réclament leurs interlocuteurs. Comme l’écrit le quotidien britannique <a href="https://www.theguardian.com/world/2019/may/12/trump-china-tariff-hike-trade-war">The Guardian</a> en mai dernier, Washington craint en effet que la Chine « vole des technologies et fasse pression sur des sociétés américaines pour qu’elles divulguent leurs secrets commerciaux ».</p>
<p>Or, pour Pékin, le transfert de technologie constituerait une contrepartie en échange des bénéfices que feraient les entreprises américaines sur son territoire. Si elles veulent développer des affaires en Chine, elles doivent être prêtes à partager leur savoir-faire technologique avec les locaux ! Une position diamétralement opposée à celle des États-Unis qui n’ont pas du tout la même conception de la notion de propriété intellectuelle. Celle-ci revêt en effet pour les Américains un caractère inattaquable, voire inaliénable. C’est peut-être là que se situe le point de désaccord clé de la guerre commerciale sino-américaine.</p>
<p>La théorie économique des biens publics illustre bien combien les deux positions semblent inconciliables. L’un des exemples les plus clairs de ce que les économistes appellent des biens publics est justement la connaissance scientifique et technologique. Un bien public est un bien où, en raison de la nature même du bien, la consommation/utilisation d’unités du bien par une personne ou une entreprise n’empêche pas la consommation/utilisation des mêmes unités par d’autres consommateurs ou entreprises (par exemple, une autoroute ou un parc naturel). On contraste ces biens avec les biens privés où la consommation d’une personne ou d’une entreprise d’une unité du bien empêche toute autre personne d’utiliser la même unité (par exemple, un bonbon ou une opération dentaire).</p>
<p>La plupart des biens et services qui sont produits et vendus sur le marché sont des biens privés, les marchés (du moins dans des conditions de concurrence) sont en théorie assez efficaces pour obtenir une <a href="https://www.kartable.fr/ressources/ses/fiche-notion/allocation-des-ressources/10489">allocation optimale des ressources</a> en ce qui concerne la production ces biens.</p>
<h2>La production de biens publics divise</h2>
<p>Mais en ce qui concerne l’affectation optimale des ressources à la production de biens publics, les économistes sont en désaccord assez intense depuis près d’un siècle. D’une part, il y a eu les néolibéraux (<em>market fundamentalists</em>) qui soutiennent qu’il vaut mieux confier la production de biens publics à des entreprises privées soumises à la discipline des forces du marché, même si presque tous ces biens publics sont par nature des monopoles naturels (une concession d’autoroute, une franchise ferroviaire) et que le producteur privé possède donc tout le pouvoir de marché néfaste d’un monopoleur (abus de position dominante).</p>
<p>D’un autre côté, il y a eu des économistes qui ont soutenu qu’un bien public est mieux produit sur une base collective par ou pour toutes les personnes qui peuvent profiter du bien une fois produit. Il peut s’agir d’un simple collectif de consommateurs. Par exemple, un club sportif pour des biens publics d’envergure limitée et locale ; ou pour des biens publics d’envergure plus large tels que l’environnement naturel, le réseau d’infrastructures de transport ou la défense nationale, une production du bien publique par l’État agissant au nom de ses citoyens. Même si le secteur public est susceptible de certaines inefficacités liées aux aléas politiques et de la corruption, il s’agit d’un monopoleur en principe bienveillant au service de la communauté et pas d’un monopoleur privé qui ne fait rien d’autre que maximiser ses rentes monopolistiques, ce qui en fin de compte n’est qu’une forme d’extorsion.</p>
<p>Il s’avère que ce contraste dans la façon de traiter les biens publics est l’un des points de friction les plus importants dans les négociations autour de la guerre de commerce entre la Chine et les États-Unis. La position des États-Unis est résolument liée à l’idée que les connaissances technologiques que possèdent les entreprises privées américaines sont une propriété intellectuelle (donc un bien privé en effet) que les Chinois s’efforcent de leur enlever par tous les moyens – qu’ils soient honnêtes ou moins honnêtes.</p>
<p>Les Chinois, pour leur part, considèrent la connaissance technologique comme un bien public qui doit être partagé collectivement par toute l’humanité, de la même manière que la connaissance de la physique, de la chimie et des mathématiques constitue un bien public qui est et devrait toujours être librement accessible à tous. Je laisserai aux lecteurs de former leurs propres opinions sur cette impasse. Mais ce qui est remarquable, c’est qu’au lieu des insultes et des accusations parfois farfelues de sécurité et d’espionnage qui circulent dans ce conflit commercial et qui esquivent la question centrale, il serait préférable et peut-être plutôt révélateur des présupposés idéologiques implicites des deux parties d’avoir un débat ouvert, transparent et serein sur ce qui est une question fondamentale de l’économie politique : l’allocation optimale des ressources en matière de la production des biens publics en générale et du savoir-faire technologique en particulier.</p>
<h2>Une nouvelle forme de colonialisme ?</h2>
<p>Pour conclure, je ne peux résister à une observation malicieuse. Les néo-libéraux sont les plus ardents défenseurs des droits de propriété privée à l’égard de la propriété intellectuelle dont ils considèrent le savoir technologique comme un exemple de premier plan. Mais dans cette même défense fondamentaliste du marché, de l’efficacité suprême de la propriété privée et des forces du marché, il est généralement supposé que tous les acteurs sur le marché soient… bien informés. En effet, dans les versions les plus poussées de ce conte de fées, ils sont supposés <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/08911916.2018.1517462">avoir des informations parfaites</a> !</p>
<p>Si les acteurs économiques doivent agir avec des informations parfaites en ce qui concerne leurs décisions concernant la production (et même la consommation) de biens et de services, ils ont besoin d’avoir accès à toutes ces connaissances technologiques qui sont… jalousement retenues et gardées secrètes par les titulaires de droits de propriété intellectuelle. Cette retenue d’information clé dans une situation ou le coût marginal de diffusion serait pratiquement zéro représente une inefficacité des plus grossières dans l’économie mondiale actuelle. Donc peut-être les Chinois avaient-ils raison d’insister pour que, lorsque des entreprises étrangères viennent en Chine (ou ailleurs dans le monde), elles partagent pleinement leurs connaissances technologiques avec les autochtones. Après tout, cela est indispensable à l’allocation optimale des ressources, si vantée par les néo-libéraux fondamentalistes du marché.</p>
<p>Si l’on fait preuve d’un certain cynisme, on pourrait donc conclure que cette impasse ne concerne donc tant les droits de propriété et son lien avec une allocation efficace des ressources, mais révèle que les droits de propriété intellectuelle servent plutôt comme un outil de domination par lequel les entreprises des États-Unis et de nombreuses autres entreprises occidentales cherchent à conserver leurs positions dominantes historiques sur le marché mondial face à leurs rivaux des pays émergents, en refusant de partager leur savoir-faire technologique avec elles. Peut-être que le colonialisme et le complexe de supériorité occidentale dont il est issu ne sont pas vraiment morts, mais juste dans leur phase d’agonie terminale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122140/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrick O'Sullivan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Washington et Pékin ont des conceptions radicalement différentes du droit de propriété intellectuelle, ce qui générerait une incompréhension alimentant leurs différends actuels.Patrick O'Sullivan, Senior Professor, People, Organizations and Society, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1221522019-08-22T20:11:33Z2019-08-22T20:11:33ZDu multilatéralisme aux coalitions hétéroclites<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/288758/original/file-20190820-170956-x6isb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=248%2C58%2C750%2C517&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La coopération entre acteurs divers, nouvelle réponse aux défis contemporains&nbsp;?</span> <span class="attribution"><span class="source">REDPIXEL.PL / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les échanges internationaux connaissent actuellement un ralentissement très important qui amène à remettre en cause le phénomène de mondialisation. Bien que les chaînes de valeur de la plupart des produits n’aient jamais été aussi <a href="https://www.youtube.com/watch?v=oLtZCH-RdVI">imbriquées et éclatées</a> à l’échelle mondiale, la période qui s’ouvre se caractérise, et ce sera sans doute le cas pour plusieurs années, par un véritable repli national. Perçue comme étant à l’origine de nos problèmes les plus divers (hausse des inégalités, réchauffement climatique…), la mondialisation est également porteuse de réelles vertus, notamment en constituant l’une des briques essentielles de la paix lorsqu’elle prend la forme du <a href="http://www.maphilosophie.fr/voir_un_texte.php?%24cle=Le%20doux%20commerce">« doux commerce »</a> cher à Montesquieu.</p>
<h2>Une véritable crise du multilatéralisme</h2>
<p>Visant clairement à pacifier des relations internationales trop souvent conflictuelles et débouchant sur la guerre, le multilatéralisme est un mode d’organisation des relations interétatiques qui repose sur la coopération et l’instauration de règles communes. Aujourd’hui clairement remis en cause dans des pays émergents comme le Brésil, mais aussi et surtout par l’administration Trump, le <a href="https://theconversation.com/commerce-international-le-multilateralisme-etait-mort-vivant-trump-lacheve-97893">multilatéralisme est en péril</a>. Il avait pourtant permis, et c’est de loin sa contribution la plus importante, de maintenir la paix, notamment en Europe, région du monde où elle était loin d’être habituelle. C’est ce que rappelait récemment le philosophe Michel Serres en évoquant les <a href="https://www.ladepeche.fr/article/2016/09/18/2421145-michel-serres-c-est-l-epoque-des-soixante-dix-paisibles.html">« soixante-dix paisibles »</a> pour qualifier la dernière période de paix (relative) vécue en Europe.</p>
<p>Il est, de ce point de vue, révélateur de constater que les avancées les plus significatives du dernier G20 d’Osaka en juin aient concerné les <a href="https://www.courrierinternational.com/article/vu-du-japon-au-g20-les-rencontres-bilaterales-preferees-aux-negociations-de-groupe">dossiers bilatéraux</a> alors qu’aucune solution n’a été trouvée pour permettre de pérenniser le fonctionnement de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dont le <a href="https://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/dispu_f.htm">tribunal</a> est toujours <a href="https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/l-omc-un-gendarme-mondial-du-commerce-paralyse_2087384.html">bloqué par les États-Unis</a> qui empêchent la nomination de nouveaux juges.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1009158250971979776"}"></div></p>
<p>La réduction des échanges mondiaux ne constitue pas forcément une mauvaise nouvelle. En faisant reculer le commerce de concurrence (celui qui consiste à importer et à exporter des produits de même nature) plus que le commerce de complémentarité (celui qui vise des produits n’étant pas fabriqués par les importateurs), elle diminue l’impact environnemental des transports sans forcément priver les consommateurs des produits non fabriqués sur leur territoire national.</p>
<p>Certains entrevoient même un possible renouveau des politiques industrielles. Les effets des possibles mouvements de réindustrialisation auraient ainsi des <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/politique-industrielle-mode-demploi-pour-le-xxie-siecle-1034548">effets bénéfiques</a> sur les plans économiques, sociaux et environnementaux.</p>
<h2>De nouvelles formes de coopération</h2>
<p>Toutefois, la crise du multilatéralisme risque de compliquer la résolution de ces problèmes liés au climat ou à la biodiversité. C’est en effet à l’heure où nous aurions le plus besoin d’engagements et d’actions mis en œuvre collectivement, et le plus globalement possible, que la coordination internationale fait le plus défaut. Fort heureusement, c’est précisément sur ce dernier terrain que de nouvelles initiatives voient le jour.</p>
<p>Celles-ci impliquent des pouvoirs publics, des organisations internationales, des ONG, des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs. Elles prennent donc la forme de coalitions hétéroclites d’acteurs qui prennent leurs responsabilités en trouvant dans le collectif la possibilité de renforcer leurs contributions individuelles. Citons par exemple le cas du géant de l’agroalimentaire Danone et du réseau BSR (Business for Social Responsibility) qui ont lancé fin 2018 la plate-forme <a href="http://www.oecd.org/fr/economie/l-ocde-bsr-et-danone-lancent-une-initiative-sur-3-ans-pour-renforcer-la-croissance-inclusive-par-le-biais-d-une-collaboration-public-prive.htm">« Business for Inclusive Growth »</a> (B4IG) « dans le but d’accélérer le processus d’action contre les inégalités et en faveur de l’inclusion ». À plus petite échelle, l’initiative <a href="https://www.lesbonsclics.fr/">« Les bons clics »</a> réunit une entreprise de l’Économie sociale et solidaire (ESS), une start-up, trois associations qui œuvrent pour l’insertion sociale, et un réseau d’associations locales pour lutter contre l’exclusion numérique.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/AefvBofg2qo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les Bons Clics, une plate-forme pédagogique pour aider les personnes en difficulté sur le numérique.</span></figcaption>
</figure>
<p>À l’heure où elles s’interrogent sur le sens et où elles <a href="https://www.lepoint.fr/economie/loi-pacte-la-maif-veut-devenir-la-premiere-grande-entreprise-a-mission-03-06-2019-2316564_28.php">redéfinissent leurs missions</a>, de nombreuses entreprises ont l’occasion de dépasser, dans l’intérêt de tous, leur stricte vocation économique. Une telle évolution plaiderait en faveur de la vision proposée par l’économiste Éloi Laurent dans <a href="http://editionslesliensquiliberent-blog.fr/impasse-collaborative-eloi-laurent/">son dernier ouvrage</a> « L’impasse collaborative », mettant la coopération entre acteurs divers au cœur des évolutions souhaitables et en cours de la société.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122152/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugues Poissonnier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À l’heure où les systèmes de coopération interétatiques s’enfoncent dans la crise, de nouvelles formes de coopération voient le jour pour répondre aux grands défis actuels.Hugues Poissonnier, Professeur d'économie et de management, Directeur de la Recherche de l’IRIMA, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-Etre au travail et Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1220652019-08-22T20:10:17Z2019-08-22T20:10:17ZLa radicale incertitude de la finance mondiale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/288511/original/file-20190819-123727-9ij4wd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C80%2C968%2C585&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La relance de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine a affolé les marchés début août.</span> <span class="attribution"><span class="source">Dragon Images / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Chaque année, la traditionnelle coupure estivale s’accompagne de commentaires plus ou moins pertinents des observateurs économiques d’astreinte sur la situation prévisible à la rentrée de septembre et sur la conjoncture prévue pour le dernier trimestre de l’année. Pour cet exercice, qui relève parfois du marronnier, les analystes scrutent les signaux faibles qui pourraient constituer autant d’indices pour étayer leurs pronostics. Cette année 2019, ils n’auront pas besoin de procéder à une telle collecte de détails signifiants, tant les évènements, faits et informations observables ces dernières semaines sont nombreux et suffisamment concordants pour permettre une analyse documentée.</p>
<p>Les plus nombreux sont liés au flux ininterrompu de tweets du président des États-Unis Donald Trump qui, de semaine en semaine, s’en prend à tout ce qui lui parait entraver son slogan « America first » ; après l’Iran, le Mexique, le Venezuela, l’Union européenne et tant d’autres pays, il s’en prend maintenant à nouveau à la Chine, pays vis-à-vis duquel il souhaite réduire le déficit commercial structurel, via le moyen classique des <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/08/01/donald-trump-relance-la-guerre-commerciale-contre-pekin-avec-de-nouveaux-tarifs-douaniers-de-10_5495675_3210.html">taxes à l’importation</a>. Mais la Chine n’est pas le Venezuela et elle a commencé à riposter, d’une part en <a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/la-chine-suspend-l-achat-de-produits-agricoles-americains-20190805">réduisant une partie de ses importations</a> en provenance des États-Unis, d’autre part en <a href="http://www.slate.fr/story/180453/chine-etats-unis-guerre-monnaies-renminbi-dollar-euro">laissant filer sa monnaie</a> sur les marchés des changes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1156979446877962243"}"></div></p>
<p>Ces deux évènements ont de quoi inquiéter, car ils expriment les prémisses d’une guerre commerciale, via les instruments classiques que constituent la tarification douanière et le taux de change. Si on sait comment un tel conflit commence, personne ne peut préjuger ni de son ampleur, ni de son issue. S’agissant d’une confrontation entre les deux géants de l’économie mondiale, on ne peut exclure un résultat perdant-perdant pour les deux parties, avec d’importants dommages collatéraux pour le reste du monde.</p>
<h2>Climat préélectoral aux États-Unis</h2>
<p>Dans ce même contexte, on doit situer les évènements propres aux politiques monétaires à travers les comportements des banques centrales. Depuis une douzaine d’années – pour l’essentiel pour faire face à la crise financière mondiale de 2008 – ces banques centrales (Japon, puis États-Unis et UE) ont mis en œuvre des politiques financières dites « accommodantes », se traduisant par une baisse durable des taux directeurs – allant vers des taux proches de zéro, voire négatifs – et un rachat quasi sans limites des créances bancaires (<a href="https://www.lemonde.fr/economie/video/2015/02/27/dessine-moi-l-eco-qu-est-ce-que-le-quantitative-easing_4584540_3234.html">« quantitative easing »</a>).</p>
<p>La bonne santé de l’économie américaine ces dernières années avait permis aux responsables de la Réserve fédérale (Fed) de commencer à revenir à une situation plus classique, se traduisant par une remontée progressive des taux directeurs. C’était sans compter avec le comportement du président Trump réclamant une nouvelle baisse de ces taux.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/288505/original/file-20190819-123710-ftgly9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/288505/original/file-20190819-123710-ftgly9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/288505/original/file-20190819-123710-ftgly9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/288505/original/file-20190819-123710-ftgly9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/288505/original/file-20190819-123710-ftgly9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/288505/original/file-20190819-123710-ftgly9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/288505/original/file-20190819-123710-ftgly9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/288505/original/file-20190819-123710-ftgly9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.abcbourse.com/marches/economie_taux_interet_fed-2">abcbourse.com</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette confrontation interne s’est traduite, à ce jour, par une mini baisse (un quart de point) du principal taux, concession de l’actuel responsable de la Fed accompagnée, par ailleurs, d’une <a href="https://www.wsj.com/articles/america-needs-an-independent-fed-11565045308">mise en garde solennelle</a> des quatre anciens responsables exprimant leur inquiétude sur l’indépendance de cette banque centrale par rapport au pouvoir politique. Nul ne peut, à ce jour, prédire comment les positions des uns et des autres vont se traduire concrètement dans les prochains mois, surtout dans le climat préélectoral dans lequel est entré le pays concerné.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1160574110046572544"}"></div></p>
<p>Les marchés financiers, qui exècrent ce type d’incertitudes, <a href="https://www.latribune.fr/bourse/craintes-sur-l-economie-mondiale-wall-street-replonge-lundi-le-nikkei-et-les-bourses-chinoises-suivent-825687.html">ont commencé à s’affoler</a>. Les principaux indices ont perdu en quelques séances d’août une partie substantielle des gains obtenus depuis le début de la présente année. Celle-ci se situant elle-même dans une série haussière quasi ininterrompue depuis la crise financière de 2008, la véritable question que se posent les analystes est de savoir si ces récents soubresauts expriment le début d’un retournement durable d’un cycle haussier des marchés financiers ou un accident lié aux incertitudes actuelles relatives aux politiques publiques.</p>
<h2>Trésoreries pléthoriques</h2>
<p>Pour tenter d’y répondre sans a priori, il convient d’examiner la situation actuelle des sociétés cotées sur ces marchés. Plusieurs observations s’imposent :</p>
<ul>
<li><p>Tout d’abord, la plupart de ces grandes firmes cotées ont largement bénéficié des politiques monétaires accommodantes leur assurant des financements (crédits bancaires ou obligations) quasiment sans restriction et à un coût très faible, diminuant leur coût moyen du capital et modifiant leurs structures de financement.</p></li>
<li><p>Pour autant, les investissements productifs effectués ces dernières années par les grandes firmes concernées n’ont pas été exceptionnels, se situant dans la fourchette moyenne des années précédentes. De ce fait, maints entreprises et groupes disposent d’une trésorerie pléthorique en attente d’investissements.</p></li>
<li><p>En revanche, on observe une montée significative des rachats d’actions de sociétés cotées par elles-mêmes, surtout aux États-Unis où ce type d’opération est moins contrôlé qu’autrefois ; ce qui se traduit par un soutien des cours boursiers et une accentuation de l’effet de levier, voire à un double effet de levier lorsque ces rachats d’actions ont été financés par le recours à un endettement supplémentaire.</p></li>
</ul>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1134232921127235585"}"></div></p>
<ul>
<li><p>Les facilités de financement, s’ajoutant aux largesses fiscales dispensées notamment par l’actuelle administration américaine, ont permis d’excellents résultats nets, boostant d’autant les cours en bourse.</p></li>
<li><p>Ces différents éléments se conjuguent et peuvent aboutir à un profil de grande société cotée, avec de bonnes performances comptables et boursières, et un bilan comprenant à la fois une trésorerie surabondante à l’actif et un endettement considérable au passif.</p></li>
</ul>
<p>Cette situation, dont maintes firmes dans le monde se contenteraient, nous paraît préoccupante quant à la signification de ce type de situation, sa qualité intrinsèque et sa pérennité. Les performances comptables et a fortiori boursières ne sont pas directement liées au modèle économique suivi, mais aux opérations financières effectuées (recours à la dette, rachats d’actions, etc.) ; rien n’assure que ces effets favorables se retrouveront à l’avenir sauf à en prévoir le maintien, via les politiques monétaires (pour le coût de la dette) ou les manipulations du titre (pour les rachats d’actions).</p>
<h2>Signes avant-coureurs d’une récession</h2>
<p>Cette analyse sommaire, qu’il conviendrait évidemment d’affiner par types d’entreprises et secteurs d’activités, nous amène – s’il faut donner notre propre diagnostic – à considérer que l’économie américaine et ses marchés financiers sont bien à la fin d’un cycle haussier qui a commencé avec les mesures de sauvetage mises en œuvre après la crise de 2007-2008 pour permettre de faire face à cette crise majeure.</p>
<p>Des signaux à interpréter comme prémisses du retournement de la conjoncture économique mondiale et de sa traduction sur les marchés sont apparus d’une manière concordante :</p>
<ul>
<li><p>Sur le plan de la conjoncture, si les indicateurs de l’activité économique américaine restent au vert, des inquiétudes se font jour, liées aux conséquences de la guerre commerciale entamée avec la Chine. Inquiétudes qui ont amené le président Trump, dans une volte-face dont il est coutumier, à <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/trump-relache-la-pression-sur-la-chine-un-geste-pour-le-consommateur-americain_2094408.html">différer de plusieurs mois les nouvelles mesures</a> de taxation douanière qu’il avait annoncées, notamment pour protéger le consommateur inquiet d’une hausse des prix au moment de Noël… Dans le reste du monde, la situation économique est plus préoccupante, les indicateurs étant déjà dégradés (Allemagne) ou en voie de l’être (Royaume-Uni).</p></li>
<li><p>Au niveau des taux, on a assisté à <a href="https://newssworld.news/full-198371-how-youll-know-a-recession-is-coming.html">« l’inversion des taux »</a> entre les bons du trésor américain à court et long terme, signal que les analystes interprètent comme avant-coureur d’une récession.</p></li>
<li><p>Au niveau des marchés boursiers, à plusieurs reprises, sur les grandes places financières américaines, ce sont les entreprises elles-mêmes par leurs rachats d’actions qui ont constitué la <a href="https://newssworld.news/full-198371-how-youll-know-a-recession-is-coming.html">contrepartie</a> aux autres catégories d’agents (personnes, fonds d’investissement) qui étaient « net vendeurs ».</p></li>
</ul>
<p>Les fonds d’investissement semblent conscients de cette situation préoccupante et, pour nombre d’entre eux, jouent l’attentisme, à l’image de l’emblématique fonds de Warren Buffett qui dispose de plus de <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/berkshire-hathaway-a-accumule-un-embarrassant-tresor-de-guerre-1122217">120 milliards de dollars de liquidités</a> en attente d’investissement.</p>
<p>Ces différents effets se conjuguent, certains d’entre eux – comme cet attentisme des fonds d’investissement – étant à la fois une conséquence des autres éléments repérés et un facteur d’aggravation.</p>
<h2>Le G7 au pied du mur</h2>
<p>Les responsables des institutions en charge des politiques économiques et financières sont conscients de ce risque de retournement, mais ont peu de marges de manœuvre. Les banques centrales sont engluées dans leurs politiques d’assouplissement quantitatif et tarifaire qui, selon l’expression du consultant Jacques Ninet dans son essai de 2017, est un peu le <a href="https://classiques-garnier.com/taux-d-interet-negatifs-le-trou-noir-du-capitalisme-financier-essai.html">« trou noir du capitalisme financier »</a>. Le président Trump en est également conscient, mais fera tout pour qu’une nouvelle crise financière ne se déclenche pas avant les prochaines échéances politiques ou, si une telle crise survenait, pour en faire porter la responsabilité aux autres (La Fed, la Chine, etc.) et s’en exonérer.</p>
<p>La prochaine réunion du G7, prévue du 24 au 26 août à Biarritz, ne pourra éluder un échange, probablement « musclé » entre ces responsables. Le président de la République Emmanuel Macron qui accueillera ce sommet au nom de la France tentera certainement d’esquisser une solution qui permette aux partenaires concernés une solution acceptable a minima. Il devrait pouvoir compter sur quelques membres du G7 et sur les nouvelles responsables nommées, avec son appui, à la tête de la Banque centrale européenne (BCE), et du Fonds monétaire international (FMI). Ce n’est pas gagné, car dans le domaine financier plus que tout autre, une confiance partagée entre les acteurs en responsabilité pour mener un programme d’actions est essentielle à la réussite de ces actions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122065/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Roland Pérez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les signaux indiquant la fin du cycle haussier amorcé depuis la crise de 2008 se multiplient. Cette situation devrait donner lieu à de vifs échanges lors du G7 de Biarritz qui s’ouvre le 24 août.Roland Pérez, Professeur des universités (e.r.), Montpellier Research in Management, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1209172019-07-25T19:35:10Z2019-07-25T19:35:10ZL’affaire Samsung Electronics France : quand le droit devient instrument de puissance<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/285533/original/file-20190724-110187-pttkem.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=43%2C65%2C944%2C595&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le cas Samsung indique une nouvelle fois que les États européens peuvent recourir à l’arme juridique pour se défendre dans la guerre économique mondiale.</span> <span class="attribution"><span class="source">Mahony / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le droit n’est pas qu’un outil destiné à établir la justice, il est aussi un instrument de puissance qui articule hard et soft power, « les <a href="http://www.slate.fr/story/88487/soft-power-hard-power-smart-power-pouvoir-joseph-nye">deux faces du pouvoir</a> » telles que les a définies Joseph Nye, ancien secrétaire adjoint à la Défense de l’administration Clinton. Longtemps apanage des États-Unis où il jouit d’une portée extraterritoriale, cet usage du droit semble en passe de se généraliser dans un contexte de mondialisation marqué par l’essor de la guerre économique.</p>
<h2>La justice française assigne Samsung</h2>
<p>À ce titre, la décision de la justice française, début juillet, de mettre en examen Samsung Electronics France, la filiale française du groupe sud-coréen Samsung, n’est pas passée inaperçue. Elle émanait de Renaud Van Ruymbeke, doyen des juges d’instruction parisiens et figure emblématique de la lutte anticorruption, en retraite depuis. Elle constitue à n’en pas douter un tournant dans l’exercice du droit en France mais aussi en Europe.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1146321868267429888"}"></div></p>
<p>Ce sont deux ONG françaises, Sherpa et Action Aid, qui ont porté plainte avec constitution de partie civile, dès le 25 juin 2018, sur le fondement des <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=74E9D7B2678C2DF3708A02A9A50D976B.tplgfr31s_1?idSectionTA=LEGISCTA000032227299&cidTexte=LEGITEXT000006069565&dateTexte=20190715">pratiques commerciales trompeuses</a> en raison de la distorsion entre la communication de l’entreprise sur <a href="https://www.samsung.com/fr/aboutsamsung/sustainability/environment/communication-and-engagement/">ses engagements en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE)</a> et la réalité de ses pratiques en Chine, en Corée du Sud et au Vietnam. Rappelons qu’en Corée, la firme a par ailleurs accepté d’indemniser après 10 ans de procédure des ouvriers qui avaient été exposés sans protection à des produits toxiques.</p>
<p>Sherpa n’en est pas à sa première tentative contre les activités françaises du géant coréen puisqu’en 2015 une citation directe contre Samsung France était déposée, alors qu’en 2013 une <a href="https://www.asso-sherpa.org/france-lassociation-sherpa-cite-comparaitre-samsung-pour-pratiques-commerciales-trompeuses-suite-de-nouvelles-revelations-sur-le-travail-des-enfants-en-chine">première plainte était classée sans suite</a>. À chaque fois, les ONG se sont appuyées sur des rapports établis par différentes ONG au Vietnam, en Corée du Sud et en Chine, dont China Labor Watch (CLW) qui a encore <a href="http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/pourquoi-samsung-a-ete-mis-en-examen-par-la-justice-francaise-20190703">enquêté récemment sur place</a> en infiltrant différents sites dans ces pays et découvert, comme pour <a href="http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2018/06/11/32001-20180611ARTFIG00160-amazon-reconnait-des-conditions-de-travail-illegales-dans-une-usine-en-chine.php">Apple ou Amazon</a>, des conditions de travail indignes, comme le travail d’enfants, à des cadences infernales.</p>
<h2>Une prise de conscience récente</h2>
<p>Certes, la décision du juge Van Ruymbeke s’inscrit à la suite de nombreuses autres dans le domaine plus vaste de la concurrence où des juridictions ou autorités françaises ou européennes, à l’appui de normes juridiques efficaces, ont pu rappeler à l’ordre <a href="https://www.latribune.fr/technos-medias/Internet/abus-de-position-dominante-l-europe-sanctionne-google-d-une-troisieme-amende-de-811369.html">des firmes étrangères de grande envergure comme les GAFA</a> et préciser que l’<a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/06/14/emmanuel-combe-face-aux-gafa-les-autorites-antitrust-ont-un-role-essentiel-pour-s-assurer-que-la-competition-reste-ouverte_5476264_3232.html?xtmc=&xtcr=1">abus de position dominante n’est pas un acquis</a>. Toutefois, c’est la première fois qu’en France, un juge d’instruction met en examen une filiale française d’un groupe étranger et reconnaît que le non-respect d’engagements éthiques pourrait constituer des pratiques commerciales trompeuses.</p>
<p>À certains égards, cet évènement fait écho à l’exercice du droit américain qui cible bien souvent les entreprises potentiellement concurrentes de géants US – on pense notamment à BNP Paribas qui a écopé en 2014 d’une amende record de près de <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2014/06/30/la-bnp-devra-regler-8-834-milliards-de-dollars-d-amende-aux-etats-unis_4448280_3222.html">9 milliards de dollars</a> pour avoir contourné certaines mesures d’embargo imposées par les États-Unis.</p>
<p>Face à cet usage quasi impérial de la justice, la prise de conscience du retard français a été progressive : le <a href="https://portail-ie.fr/resource/textes-de-reference/659/rapport-martre-intelligence-economique-et-strategie-des-entreprises">rapport Martre</a>, en 1994, a ouvert la marche à la compréhension des nouveaux rapports de force structurant le monde de l’après-guerre froide, popularisant en France la notion d’« intelligence économique ». En 2013, Claude Revel, alors déléguée interministérielle à l’intelligence économique, présentait un <a href="https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/information-strategique-sisse/14133.pdf">rapport</a> intitulé « Développer une influence normative internationale stratégique pour la France ».</p>
<p>Dernier en date, le <a href="https://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/194000532-retablir-la-souverainete-de-la-france-et-de-l-europe-et-proteger-nos-entreprises-des">rapport Gauvain</a>, rendu public en juin 2019, va plus loin en affirmant la volonté de « rétablir la souveraineté de la France de l’Europe et protéger nos entreprises des lois et mesures à portée extraterritoriale et de l’Europe » par une série de recommandations permettant aux entreprises françaises de résister notamment à la toute-puissance <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/les-etats-unis-se-servent-du-doit-comme-d-une-arme-de-destruction-contre-l-europe-rapport-822024.html">des enquêtes américaines</a>. En effet, si la France et l’Europe ont vu au fil des années leur leadership érodé, elles restent des puissances « normalisatrices » comme le rappelait récemment l’économiste Lionel Fontagné. Il est dès lors possible de penser à une <a href="https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/la-nouvelle-resistance-9782212572407/">nouvelle résistance</a> qui peut notamment passer par le recours au droit.</p>
<h2>Le droit, entre hard et soft power</h2>
<p>Si l’on utilise les catégories de la géopolitique, la décision de Renaud Van Ruymbeke s’inscrit à l’intersection des deux formes de la puissance définies par Joseph Nye en 1990. Ce dernier insiste sur le fait que la puissance est semblable à un axe allant de l’exercice du pouvoir le plus « dur » au plus « doux » : du hard power avec le commandement (<em>Command</em>), les pressions (<em>Coercion</em>), l’incitation (<em>Inducement</em>), au soft power avec l’élaboration des grands rendez-vous internationaux et de leur ordre du jour (<em>Agenda setting</em>), la séduction exercée par la culture (<em>Attraction</em>) et la capacité enfin à influencer les décisions des autres (<em>Co-opt</em>).</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/285536/original/file-20190724-110162-vkfkor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/285536/original/file-20190724-110162-vkfkor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=863&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/285536/original/file-20190724-110162-vkfkor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=863&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/285536/original/file-20190724-110162-vkfkor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=863&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/285536/original/file-20190724-110162-vkfkor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1084&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/285536/original/file-20190724-110162-vkfkor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1084&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/285536/original/file-20190724-110162-vkfkor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1084&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Joseph Nye décrit les principes des « deux faces de la puissance » dans son ouvrage « Soft Power, The Means to success in World Politics » (2004).</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Selon lui, hard et soft power ne s’opposent pas mais se complètent. À ce titre, l’usage du droit mêle intimement hard et soft power : hard dans la mesure où les risques de sanctions sont durs (<em>Coercion</em>), et soft car le droit tient également du pouvoir de co-optation qui réside dans la fixation de règles internationales plus ou moins contraignantes.</p>
<p>Qu’en Europe, en l’occurrence en France dans le cas qui nous intéresse, la justice cherche à faire plier une entreprise étrangère, témoigne d’une généralisation de l’emploi du droit à des fins de puissance dans un contexte de retour manifeste de l’État. On peut aussi le comprendre comme l’emploi de l’un des outils de la <a href="https://www.iris-france.org/note-de-lecture/la-guerre-economique/">guerre économique</a>, cette « guerre en temps de paix » dans laquelle sont entrés les grands États de la planète. Parmi les puissances figurent l’Europe parmi, dont le poids économique décline aujourd’hui, qui cherche à ne pas être exclue si elle veut encore exister. Comme le notait récemment Pascal Lamy, ancien directeur général de l’Organisation mondiale du commerce, au sujet du Vieux Continent : « Quand on perd du poids, il faut <a href="https://www.lepoint.fr/politique/pascal-lamy-quand-on-perd-du-poids-il-faut-gagner-du-muscle-23-05-2019-2314561_20.php">gagner du muscle</a> ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120917/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Bufflier travaille pour Skema BS
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Frédéric Munier travaille à SKEMA Business School</span></em></p>La mise en examen en France du géant coréen pour « pratiques commerciales trompeuses » pourrait illustrer la montée en puissance d’une arme restée longtemps l’apanage des États-Unis.Isabelle Bufflier, Professeur de droit des affaires, SKEMA Business SchoolFrédéric Munier, Professeur affilié de géopolitique, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1194182019-06-26T14:58:26Z2019-06-26T14:58:26ZClimat des affaires : l’attribution de la carte verte par loterie freinerait la croissance américaine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/281151/original/file-20190625-81737-o29l73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C1%2C997%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Alors que le besoin de main-d’œuvre est fort, les responsables financiers américains remettent en question l’attribution des permis de travail par loterie. </span> <span class="attribution"><span class="source"> Evgenia Parajanian / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est tiré de la dernière enquête Duke University–Grenoble École de Management qui mesure chaque trimestre, depuis plus de 20 ans, le climat des affaires tel qu’il est perçu par les responsables financiers des entreprises à travers le monde. L’enquête recueille plus de 1 000 réponses anonymes d’entreprises de tous secteurs et de toutes tailles. C’est désormais la plus grande enquête de ce type dans le monde. Une analyse détaillée par pays peut être envoyée à chaque participant. Vous pouvez consulter les <a href="https://www.cfosurvey.org/release/">résultats complets</a> de cette enquête.</em></p>
<hr>
<p>Les guerres commerciales nuisent aux perspectives économiques au niveau mondial, c’est ce qui ressort de la dernière édition de l’enquête Duke University–Grenoble École de Management portant sur le climat des affaires. Pour la première fois en dix ans, aucune région du monde ne semble être suffisamment solide sur le plan économique pour être le moteur qui tire l’économie mondiale à la hausse.</p>
<p>Ces inquiétudes concernent aussi les États-Unis. Certes, outre-Atlantique, le climat des affaires (65,5) reste supérieur à sa moyenne historique de 60 et semble indiquer le maintien d’une croissance élevée. Mais dans ce contexte, les <a href="https://theconversation.com/climat-des-affaires-la-guerre-des-talents-une-preoccupation-mondiale-103453">tensions sur le marché du travail</a> devraient s’intensifier, alors que les difficultés de recrutement sont déjà le principal frein à la croissance pour les entreprises américaines notamment dans le secteur des nouvelles technologies.</p>
<h2>Déficit de main-d’œuvre</h2>
<p>Aux dernières étapes d’un cycle économique, il n’est pas rare que les entreprises soient confrontées à un marché du travail restreint et qu’elles rencontrent des difficultés pour embaucher et fidéliser les meilleurs talents. Néanmoins, la réorientation de plus en plus importante de l’économie américaine vers la haute technologie rend ce problème particulièrement intense au cours du cycle actuel.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/281152/original/file-20190625-81733-x409q0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/281152/original/file-20190625-81733-x409q0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/281152/original/file-20190625-81733-x409q0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/281152/original/file-20190625-81733-x409q0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/281152/original/file-20190625-81733-x409q0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/281152/original/file-20190625-81733-x409q0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/281152/original/file-20190625-81733-x409q0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Niveau d’optimisme moyen des responsables financiers en Europe et aux États-Unis.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur.</span></span>
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<p>C’est pourquoi de plus en plus de responsables financiers (80 % selon notre enquête) demandent un assouplissement des règles d’immigration aussi bien pour les travailleurs qualifiés que pour les travailleurs non qualifiés. Ils sont par exemple de plus en plus nombreux à critiquer le système d’attribution des permis de travail par loterie. Ce système peut paraître adapté lorsque la main-d’œuvre est faiblement différenciée en termes de qualification.</p>
<p>Mais dans une économie dont le moteur de croissance est désormais le secteur des nouvelles technologies, secteur où les entreprises ont des besoins en compétences de pointe, ce système ne semble plus idéal. Les responsables financiers lui préféreraient un système au mérite. À terme, ce déficit de main-d’œuvre pourrait peser sur la croissance américaine et les responsables financiers américains envisagent aujourd’hui une récession pour le deuxième trimestre 2020.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/281153/original/file-20190625-81766-uh1j4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/281153/original/file-20190625-81766-uh1j4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/281153/original/file-20190625-81766-uh1j4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/281153/original/file-20190625-81766-uh1j4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/281153/original/file-20190625-81766-uh1j4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/281153/original/file-20190625-81766-uh1j4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/281153/original/file-20190625-81766-uh1j4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les entreprises américaines préféreraient un système au mérite plutôt que fondé sur le hasard.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Leo Traveling/Shutterstock</span></span>
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<h2>Le Royaume-Uni à la traîne en Europe</h2>
<p>En Europe, notre indicateur de climat des affaires ressort à 57 pour le deuxième trimestre 2019 contre 59 au trimestre précédent sur une échelle de zéro à cent. L’optimisme est toujours particulièrement élevé en France (61) et en Allemagne (65). Ces niveaux de confiance restent compatibles avec une croissance soutenue de l’activité à court terme. Pour le moyen terme, plus de la moitié des responsables financiers européens néanmoins envisage une récession de l’économie d’ici la fin du premier trimestre 2020. Cette récession toucherait d’abord et avant tout le Royaume-Uni qui affiche un climat des affaires toujours dégradé (45).</p>
<p>Plus de 50 % des responsables financiers britanniques envisagent une récession dès le quatrième trimestre de cette année. À l’inverse, en France le ralentissement ne viendrait qu’au deuxième trimestre 2020. Il semble que le <a href="https://theconversation.com/brexit-le-cout-exorbitant-du-scenario-de-la-sortie-sans-accord-110121">Brexit</a> qui pèse fortement sur le moral des industriels britanniques n’affecte pour l’heure que marginalement le climat des affaires sur le continent.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/281154/original/file-20190625-81770-1xsztig.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/281154/original/file-20190625-81770-1xsztig.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/281154/original/file-20190625-81770-1xsztig.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=496&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/281154/original/file-20190625-81770-1xsztig.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=496&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/281154/original/file-20190625-81770-1xsztig.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=496&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/281154/original/file-20190625-81770-1xsztig.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=624&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/281154/original/file-20190625-81770-1xsztig.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=624&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/281154/original/file-20190625-81770-1xsztig.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=624&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur.</span></span>
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<h2>Ailleurs dans le monde, l’incertitude</h2>
<p>L’optimisme en Asie reste modéré ce trimestre à 54, sur une échelle de 0 à 100. L’incertitude économique reste la principale préoccupation. Citons également la difficulté à attirer des employés qualifiés, le risque de change et les politiques gouvernementales. Les dépenses en capital devraient croître d’environ 4 % et l’emploi de 2,3 % au cours des 12 prochains mois.</p>
<p>En Amérique latine, le climat des affaires a chuté à 56 ce trimestre, par rapport à 65 au trimestre précédent. Une grande partie de cette baisse est imputable au Brésil, qui est passé de 69 à 56. L’optimisme a également chuté au Chili (58) et au Pérou (47) et reste faible en Équateur (34). L’optimisme est relativement fort en Colombie (66). L’incertitude économique est toujours la principale préoccupation des responsables financiers en Amérique latine. Les politiques gouvernementales, la faiblesse de la demande et le risque de change sont également des préoccupations importantes.</p>
<p>Enfin, en Afrique, notre indicateur de climat des affaires est tombé à 46 ce trimestre. L’emploi devrait rester stable et les dépenses en capital augmenter lentement au cours des 12 prochains mois. Les responsables financiers africains sont les plus préoccupés par l’incertitude économique, la faiblesse de la demande, les politiques gouvernementales et le risque de change.</p>
<p>Au total, le climat des affaire mondial, pondéré par le PIB, ressort à 57, un niveau compatible avec une croissance modérée de l’économie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/281207/original/file-20190625-81770-14c78uj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/281207/original/file-20190625-81770-14c78uj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/281207/original/file-20190625-81770-14c78uj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/281207/original/file-20190625-81770-14c78uj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/281207/original/file-20190625-81770-14c78uj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/281207/original/file-20190625-81770-14c78uj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/281207/original/file-20190625-81770-14c78uj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/281207/original/file-20190625-81770-14c78uj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Climat des affaires mondial pondéré par le PIB.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur.</span></span>
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</figure>
<hr>
<p><em>Pour voir les résultats complets de cette enquête : <a href="http://www.grenoble-em.com/climat-des-affaires">grenoble-em.com/climat-des-affaires</a>. Prochaine enquête du 20 mai au 8 juin 2019 : <a href="http://ceocfo.org/French.htm">ceocfo.org/French</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119418/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Dupuy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les directeurs financiers américains estiment dans leur immense majorité que ce système complique leurs recrutements à l’heure où les besoins en main-d’œuvre deviennent cruciaux.Philippe Dupuy, Professeur Associé au département Gestion, Droit et Finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1186462019-06-13T23:47:59Z2019-06-13T23:47:59ZCybersécurité : la « stratégie du sabre laser » au cœur de la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/278947/original/file-20190611-32347-7apohq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C2%2C979%2C564&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’argument d'un manque de sécurité peut nuire à la réputation d’un grand acteur industriel auprès du consommateur.</span> <span class="attribution"><span class="source">Weitwinkel/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Depuis le début de son mandat, le président américain Donald Trump a choisi de protéger, quel qu’en soit le prix, la technologie et la propriété intellectuelle américaine face aux ambitions chinoises. Il a pour cela engagé un <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/cultures-monde/table-ronde-dactualite-internationale-etats-unis-chine-de-la-guerre-commerciale-a-la-nouvelle-guerre">bras de fer économique et diplomatique</a> avec son homologue chinois Xi Jinping sur fond de <a href="https://www.novethic.fr/actualite/environnement/ressources-naturelles/isr-rse/metaux-strategiques-washington-lance-un-plan-pour-diminuer-sa-dependance-a-la-chine-147346.html">tensions géostratégiques</a> croissantes, notamment en mer de Chine.</p>
<p>L’augmentation des droits de douane sur certains produits chinois et le contrôle accru des transferts de technologies sensibles vers la Chine ont provoqué des <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/06/02/guerre-commerciale-la-chine-lance-la-contre-offensive_5470394_3210.html">contre-mesures de Pékin</a>, de même nature, sur les produits américains. La boucle systémique de l’escalade des sanctions est lancée sans que l’on sache jusqu’où elle nous mènera. L’imbrication des intérêts technologiques, numériques, industriels et militaires des deux superpuissances contribue clairement à la crispation générale dans un contexte <a href="https://www.cbanque.com/bourse/actualites/74201/la-guerre-commerciale-va-continuer-a-dicter-sa-loi-aux-bourses-europeennes">propice à l’instabilité</a> et aux turbulences des marchés.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/279100/original/file-20190612-32356-5ib2ob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/279100/original/file-20190612-32356-5ib2ob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=602&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/279100/original/file-20190612-32356-5ib2ob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=602&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/279100/original/file-20190612-32356-5ib2ob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=602&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/279100/original/file-20190612-32356-5ib2ob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=757&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/279100/original/file-20190612-32356-5ib2ob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=757&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/279100/original/file-20190612-32356-5ib2ob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=757&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le sabre laser, une arme qui pourrait être aussi bien américaine que chinoise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Paolo Bona/Shutterstock</span></span>
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<p>Les différends portent essentiellement sur la téléphonie, les processeurs et les réseaux, des technologies essentielles dans le cadre de la montée en puissance commerciale de l’<a href="https://www.europe1.fr/emissions/L-edito-eco2/intelligence-artificielle-les-etats-unis-passent-a-loffensive-face-a-la-chine-3856268">intelligence artificielle</a>. Enjeux de ces passes d’armes : l’image de marque, la crédibilité des plates-formes, des produits ou des services.</p>
<p>Mais quelles pourraient être les armes mises en œuvre pour en découdre ? Si l’on se réfère aux cultures stratégiques chinoises et américaines, le sabre laser ferait consensus, de Star Wars, aux guerriers Mandarins de Sun Tzu. Une fois l’arme choisie par les duellistes, quelles forces placeront-ils dans leur sabre laser ? L’influence, la ruse, la déception et le discrédit lancé sur l’adversaire sans le combattre frontalement, dans la pure tradition de Sun Tzu et son <em>Art de la guerre</em>.</p>
<h2>Le temps des duels</h2>
<p>Les premiers duels économicostratégiques sino-américains opposant des grands acteurs de l’intelligence artificielle et de la simulation numérique ont débuté en 2015 avec l’<a href="https://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-les-etats-unis-bloquent-la-vente-des-puces-intel-xeon-pour-les-superordinateurs-chinois-60816.html">embargo américain</a> interdisant l’exportation vers la Chine de certains processeurs utilisés pour le calcul haute performance (HPC). Le secrétariat américain au Commerce avait <a href="http://www.algerie-dz.com/forums/archive/index.php/t-347723.html">refusé à la société Intel</a> les licences d’export vers la Chine pour ses processeurs Xeon et Xeon Phi. On notera que cet embargo a été particulièrement contre-productif puisqu’il a eu pour effet principal de <a href="https://www.lesnumeriques.com/cpu-processeur/chine-produirait-processeurs-x86-bases-sur-zen-d-amd-n76075.html">relancer la filière chinoise</a> des microprocesseurs, d’accélérer le développement de processeurs HPC et de briser cette dépendance stratégique.</p>
<p>D’autres duels se sont succédé, toujours autour de défauts de sécurité (réels ou prétendus), de vulnérabilités prouvées ou non des systèmes, solutions, plates-formes ou produits développés et commercialisés par l’adversaire. Cette tendance à exploiter systématiquement l’argument de cybersécurité pour décrédibiliser et dévaloriser l’offre technologique du concurrent, de l’adversaire ou de l’ennemi, s’est installée à pas feutrés il y a trois ans. Elle devient beaucoup plus visible et bruyante aujourd’hui.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1085669224318713856"}"></div></p>
<p>Avec l’arrivée de la 5G, le secteur de la téléphonie connaît des turbulences qui opposent de grands acteurs chinois et américains. C’est notamment le cas dans l’affaire Huawei qui fait l’objet d’accusations de fraudes, de vol de technologies et d’espionnage de la part du gouvernement américain. L’équipementier télécom chinois vient d’être <a href="http://wwww.lefigaro.fr/secteur/high-tech/sans-huawei-la-5g-coutera-55-milliards-d-euros-de-plus-a-l-europe-20190607">exclu des contrats de fourniture des réseaux 5G</a> de plusieurs pays européens à la suite de suspicions de défaut de sécurité affectant ses produits, même si cette mise à l’écart devrait se traduire par un coût supplémentaire estimé à 55 milliards d’euros.</p>
<p>La campagne américaine visant le géant Huawei s’est d’ailleurs aussi <a href="https://www.phonandroid.com/5g-les-etats-unis-menacent-encore-leurope-pour-faire-interdire-huawei.html">focalisée sur l’Europe</a> afin de freiner des ambitions de développement sur le vieux continent concurrençant frontalement les intérêts américains. Cette affaire s’inscrit clairement dans un contexte de tensions économiques croissantes sur fond de sécurité nationale et de soupçons de liens unissant Huawei aux services de renseignement chinois.</p>
<h2>« Humilier ses ennemis »</h2>
<p>Du côté chinois, les mêmes règles du jeu ont été validées. Ainsi, le laboratoire Keenlab de la société Tencent (le T de BATX) vient de publier un <a href="https://keenlab.tencent.com/en/2019/03/29/Tencent-Keen-Security-Lab-Experimental-Security-Research-of-Tesla-Autopilot/">rapport de recherche</a> très complet prouvant l’insécurité <em>by design</em> (lors de la conception) des composants de machine learning équipant les véhicules Tesla. Ce rapport, qui fait suite à une série de communications réalisées durant la conférence de cybersécurité <a href="https://www.globenewswire.com/news-release/2018/06/06/1517687/0/en/Black-Hat-USA-2018-Briefings-Spotlight-Vulnerabilities-in-Voting-Machines-Cars-Emergency-Systems-Critical-Infrastructure-Payment-Systems-More.html">BlackHat 2018</a>, est particulièrement destructeur pour l’image de marque de Tesla à l’heure où les concurrents chinois montent en puissance et ne cachent plus leurs ambitions de conquête du marché européen.</p>
<iframe width="100%" height="500" src="https://v.qq.com/x/page/x0855xzykn4.html" frameborder="0" scrolling="no" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption>Selon les tests réalisés par les ingénieurs de Tencent, la Tesla présente certains dysfonctionnements.</figcaption>
<p>L’argument de sécurité est ainsi utilisé comme un sabre laser neutralisant la réputation d’un grand acteur industriel et tranchant la confiance du consommateur dans les produits qu’il commercialise. La « stratégie du sabre laser » fondée sur l’argument de sécurité ne fait que reprendre l’un <a href="http://www.chine-culture.com/classiques-chinois/sunzi-chapitre-3.php">des préceptes</a> de « l’Art de la guerre » de Sun Tzu :</p>
<blockquote>
<p>« Sans donner des batailles, un habile général sait l’art d’humilier ses ennemis ; sans répandre une goutte de sang, sans tirer même l’épée, il vient à bout de prendre les villes ; sans mettre les pieds dans les royaumes étrangers, il trouve le moyen de les conquérir ; et sans perdre un temps considérable à la tête de ses troupes, il procure une gloire immortelle au prince qu’il sert, il assure le bonheur de ses compatriotes, et fait que l’univers lui est redevable du repos et de la paix : tel est le but auquel tous ceux qui commandent les armées doivent tendre sans cesse et sans jamais se décourager. »</p>
</blockquote>
<p>Ce cas Tencent – Tesla est l’un des premiers exemples de duel « compagnie chinoise <em>vs</em>. compagnie américaine ». Les confrontations de ce type vont s’intensifier sous l’effet de la montée en puissance des capacités chinoises en matière d’intelligence artificielle. Les technologies françaises et européennes ne seront pas épargnées. Bien au contraire, les deux compétiteurs principaux auront tout intérêt à affaiblir un troisième joueur (russe ou européen) qui viendrait troubler le duel bipolaire.</p>
<p>La France et l’Europe doivent donc s’entraîner et se préparer aux stratégies du sabre laser en créant des plates-formes d’intelligence artificielles sécurisées <em>by design</em>, prouvées, robustes, résilientes, irréprochables. Chez les technologies françaises, les mésaventures de type <a href="https://www.numerama.com/tech/482507-tchap-premiere-faille-detectee-quelques-heures-apres-le-lancement-de-la-messagerie-souveraine-de-la-france.html">Tchap</a> ou <a href="https://www.businessinsider.fr/une-technologie-francaise-de-reconnaissance-faciale-echoue-a-reconnaitre-le-moindre-visage-parmi-900-000-vehicules-qui-passent-chaque-jour-a-new-york/">Idemia</a> ne doivent plus se reproduire car elles discréditent l’ensemble de la filière et provoquent un coup de sabre laser réflexe immédiat de nos amis américains…</p>
<p>Nous devons par ailleurs accepter le duel en testant systématiquement la sécurité des produits américains et chinois que nous adoptons. En cas de faille de sécurité avérée, nous devrons faire parler le sabre sans trembler, comme le conseille Sun Tzu.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118646/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Berthier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les différends sino-américains autour de la vulnérabilité (prouvée ou non) des technologies, ce qui justifierait l’interdiction de leur commercialisation, se multiplient.Thierry Berthier, Maitre de conférences en mathématiques, cybersécurité et cyberdéfense, chaire de cyberdéfense Saint-Cyr, Université de LimogesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1138602019-05-23T22:13:32Z2019-05-23T22:13:32ZPolitique commerciale des États-Unis : l’Europe au pied du mur<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/276082/original/file-20190523-187153-cq3upf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=321%2C10%2C669%2C449&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine remet en question jusqu'au modèle d'intégration européenne.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Alexandros Michailidis / Shutterstock </span></span></figcaption></figure><p>La fin de la campagne pour les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/europe-2019-68845">élections européennes</a> a quelque chose de paradoxal. Alors que les Européens se focalisent à juste titre sur les conséquences d’un éventuel <em>hard Brexit</em> (sortie sans accord), sur la montée d’une alliance des droites extrêmes en Europe, sur l’impuissance à lutter efficacement contre les paradis fiscaux ou le réchauffement climatique, ou sur les conséquences des politiques d’austérité, d’autres forces centrifuges sont à l’œuvre mais ne soulèvent pourtant pas les mêmes inquiétudes.</p>
<p>Qui a relevé par exemple que l’indice DAX (l’indice phare de la bourse de Francfort) a subitement bondi de 140 points de base le 15 mai dernier suite à l’annonce d’un <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/la-menace-de-tarifs-douaniers-se-precise-pour-les-voitures-europeennes-965038">report d’éventuelles sanctions américaines</a> à l’encontre de l’industrie automobile européenne ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1128680856548184064"}"></div></p>
<p>Qui a insisté, en outre, sur la manière dont la chancelière Angela Merkel et le président de la République, Emmanuel Macron, ont affiché au grand jour <a href="https://www.ledauphine.com/france-monde/2019/05/15/angela-merkel-une-relation-conflictuelle-avec-macron-mais-aussi-d-enormes-progres">leurs différends</a> portants sur la négociation d’un accord de commerce entre l’Union européenne et les États-Unis ? Qui a noté, enfin, qu’à la suite du placement sur la liste noire de Huawei par les États-Unis, l’annonce par Google de la fin de sa collaboration avec le géant chinois avait immédiatement fait chuter le titre de l’action STMicroelectronics de près de 9 % ? Si Donald Trump ne cesse de souffler le chaud et le froid dans la longue négociation des États-Unis avec la Chine, il n’en demeure pas moins que sa politique commerciale révèle désormais à quel point les intérêts commerciaux divergent au sein de l’Union européenne, notamment entre les grands pays de la zone euro.</p>
<p>C’est que l’essence même de tout processus d’intégration économique est par définition la tendance à la polarisation des économies partenaires. Les modèles de base en économie internationale mais aussi l’histoire économique suggèrent en effet que la main-d’œuvre la plus qualifiée et les capitaux auront tendance à être plus facilement mobiles et profiteront dès lors plus au cœur économique et industriel de l’ensemble ainsi constitué. Et ce en particulier quand les niveaux de développement des partenaires sont hétérogènes. Si des contre-tendances existent en théorie, la réalité de la construction européenne a plutôt été celle d’une amplification de la dynamique structurelle de polarisation autour de l’économie et de la spécialisation industrielle de l’Allemagne. Cela incite dès lors, dans un second temps, les autres États membres de l’Union à mener des politiques économiques de moins en moins coopératives. Or, et c’est bien là l’essentiel pour ce qui concerne notre propos, le trumpisme commercial a pour principal effet de renforcer ces tendances centrifuges.</p>
<h2>La polarisation amplifiée</h2>
<p>La signature de l’<a href="https://www.touteleurope.eu/actualite/l-acte-unique-europeen-1986.html">Acte unique</a> en 1986 et le passage du marché commun au marché unique n’a pas été que le début d’un approfondissement de la logique d’intégration économique dans ce qu’on nommait alors la Communauté économique européenne (CEE). Tant que les facteurs de production mobiles (le capital et les travailleurs les plus qualifiés) étaient assignés à résidence dans le cadre d’un marché commun limité à la seule liberté de circulation des marchandises, et tant que les taux de change entre les différentes devises européennes agissaient comme des barrières et étaient vécus comme un risque de la part des acteurs économiques, la logique de polarisation de la production industrielle vers le cœur industriel de l’Europe était entravée.</p>
<p>Or, avec la mise en avant de trois nouvelles libertés fondamentales (d’installation, de mouvements de capitaux, de mouvement et d’installation des personnes) lors de la signature de l’Acte unique, avec la création de l’euro puis avec l’élargissement aux pays d’Europe de l’Est, plus aucune force économique n’a pu empêcher cette polarisation vers l’économie allemande, que renforcera inévitablement le Brexit. Ainsi, sur une base 100 en 2005, alors que le PIB réel de l’Allemagne était proche de l’indice 125 fin 2018, celui des autres membres de la zone euro était de <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/allemagne-fin-de-prosperite/00088522">10 points inférieur</a> !</p>
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<figcaption><span class="caption">« La polarisation industrielle exacerbe les déséquilibres européens », interview de David Cayla, économiste à l’Université d’Angers (vidéo Xerfi canal, 2017).</span></figcaption>
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<p>Le premier effet identifiable a été celui de l’euro sur la divergence de compétitivité des économies des États membres, et pour le dire autrement, sur la mise en concurrence des espaces nationaux. Alors que ce devrait être un sujet central de la campagne européenne, notamment du fait que l’euro fête ses 20 ans cette année, on trouve curieusement très peu d’analyses indiquant en quoi <a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&ved=2ahUKEwiozZrj5q7iAhUM0uAKHe2dAB4QFjAAegQIABAC&url=https%3A%2F%2Fwww.research.natixis.com%2FGlobalResearchWeb%2FMain%2FGlobalResearch%2FDownloadDocument%2FkqLR1xvgplST_VJUzjEIeg%253D%253D&usg=AOvVaw1j6KWQeYMz6Veup6D9kSjo">sa création a pesé dans ce processus</a>.</p>
<p>Pourtant, le Fonds monétaire international (FMI) avait déjà alerté dans une <a href="https://www.imf.org/en/Publications/Policy-Papers/Issues/2017/07/27/2017-external-sector-report">étude importante</a> sur le fait qu’en dépit d’une monnaie unique, des taux de change existent encore entre les pays membres de la zone euro. Pire encore, le FMI a démontré que le taux de change réel de la France, mais surtout ceux de l’Espagne, de la Belgique et de l’Italie sont fortement surévalués alors que celui de l’Allemagne est sous-évalué. Dit autrement, l’Allemagne dispose d’une <a href="https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/entreprise/gestion-et-comptabilite/competitivite/">compétitivité-prix</a>, en plus de sa compétitivité hors-prix, <a href="https://www.les-crises.fr/russeurope-en-exil-la-zone-euro-a-20-ans-par-jacques-sapir/">qui fait défaut aux grands pays du sud de la zone euro</a>.</p>
<p>Comme les pays membres ne peuvent plus dévaluer leurs monnaies respectives, cela renforce d’autant la dynamique de polarisation intra-zone, mais cela condamne aussi les pays, en cas de crise, à des ajustements de plus en plus asymétriques et violents, c’est-à-dire à des politiques de compression salariale d’autant plus fortes que le déficit de compétitivité est important (le cas de la Grèce en étant l’archétype).</p>
<h2>Des exportations essentiellement allemandes</h2>
<p>À cet effet s’ajoute, en outre, celui d’une désindustrialisation dramatique au Sud de l’Union. La capacité de production industrielle des pays du Nord de la zone euro a notamment augmenté de 36 % en moyenne depuis l’introduction de l’euro, alors que celle des pays du Sud (France comprise), <a href="https://www.research.natixis.com/GlobalResearchWeb/Main/GlobalResearch/DownloadDocument/mxNsPZeau7lYX5fLZgUW8Q%3d%3d">a chuté de 8 %</a>. Ce processus a ainsi pour effet de condamner davantage encore les pays du sud de l’Union au chômage de masse, et renforce inévitablement l’émergence de discours et de votes de plus en plus ouvertement contestataires vis-à-vis de l’Europe dans son ensemble.</p>
<p>Enfin, un troisième effet largement ignoré concerne la structure même du commerce extérieur de l’Allemagne, de moins en moins dépendante de la zone euro. Alors qu’à l’introduction de l’euro elle consacrait 46 % de ses exportations et de ses importations vers et en provenance de la zone euro, ce sont désormais moins de 38 % des exportations et des importations allemandes qui s’y destinent ou en proviennent. Une partie de l’explication réside certes dans le fait que l’économie allemande se tourne désormais vers l’Est du continent, mais il ne faut pas négliger le fait que désormais les exportations de l’Union européenne sont essentiellement celles de l’Allemagne, seul grand pays industrialisé avec la Chine à avoir réussi à <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/allemagne-fin-de-prosperite/00088522">augmenter ses parts de marché mondiales depuis 2000</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1127693132743815168"}"></div></p>
<p>Dit autrement, non seulement la croissance allemande dépend de plus en plus de ses exportations, mais celles-ci se concentrent désormais de plus en plus en dehors de la zone euro et même de l’UE. Les exportations allemandes vers la Chine représentent ainsi 54 % des exportations de l’Union vers la Chine, soit 5 fois plus que la part de la France. Et les exportations allemandes vers le Royaume-Uni représentent environ le même montant que celles vers la Chine, soit 85 milliards d’euros. Une telle dépendance ne peut dès lors laisser indifférentes les autorités allemandes face à l’escalade sino-américaine en matière commerciale et au risque de hard Brexit.</p>
<h2>Politiques économiques non coopératives</h2>
<p>C’est pourtant au niveau plus visible des politiques économiques nationales que cette divergence intra-européenne se voit le plus. En effet, elle pousse les États membres à mener des politiques non coopératives pour soutenir leur activité et leur croissance, tout en s’inscrivant officiellement dans les traités. Deux objectifs de plus en plus contradictoires. Les stratégies de contournement sont multiples, et peuvent désormais aller jusqu’à la sortie de l’UE (Brexit), et ce même si les coûts de sortie du libre-échange sont extrêmement élevés.</p>
<p>Les plus petits pays de l’UE, ceux qui n’ont jamais eu vraiment de base industrielle, ont fait le choix depuis des années de la commercialisation de leur souveraineté fiscale. Si le Luxembourg n’est pas le seul à être dans ce cas, on comprend aisément tout l’intérêt d’avoir développé, <em>via</em> des rescrits fiscaux et d’autres dispositifs bien légaux, toute une panoplie d’outils permettant aux firmes transnationales d’échapper à l’impôt dans les grands pays de l’Union. L’Irlande, <em>via</em> son dumping fiscal agressif, a même réussi la prouesse d’apparaître désormais comme l’un des pays les plus industrialisés au monde, ce qui montre aussi l’urgence de <a href="http://www.idies.org/index.php?post/Trump-Europe-Chine-%3A-la-guerre-des-chiffres">revoir de fond en comble nos outils statistiques</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1089304304178085888"}"></div></p>
<p>Et des pays plus grands et plus industrialisés comme les Pays-Bas ont bien compris l’intérêt qu’ils avaient à jouer les plates-formes <a href="https://theconversation.com/optimisation-fiscale-les-virtuoses-de-lindustrialisation-du-clair-obscur-financier-87276">favorisant l’optimisation fiscale</a> des firmes transnationales. Ainsi, on comprend pourquoi il est si difficile d’obtenir un consensus sur la lutte contre les paradis fiscaux dans l’Union, tant la mise en place de nouvelles règles communes pose problème aux pays qui en profitent le plus pour le moment.</p>
<p>Par exemple, la mise ne place d’une Assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés (ACCIS) aurait pour effet de faire perdre plus de <a href="https://www.xerficanal.com/economie/emission/Christian-Chavagneux-Taxation-des-multinationales-en-Europe-qui-gagne-qui-perd-_3746697.html">35 % de l’impôt sur les sociétés pour les Pays-Bas</a>. Cette situation favorise ainsi des décisions unilatérales de mise en place <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/feu-vert-du-senat-a-la-taxe-gafa-pour-imposer-les-geants-du-numerique-1339141">d’une taxation spécifique</a> par les autres pays membres de l’Union, même si l’effet sera clairement moindre.</p>
<h2>La croissance italienne comprimée</h2>
<p>Mais c’est surtout pour les grands pays de la zone euro que le bât blesse. Pour le cas de l’Italie par exemple, on peut noter que la productivité par tête a baissé de 5 % depuis 1998, avec deux phases bien distinctes : une stagnation jusqu’à la crise de 2008-2010, puis une forte chute la décennie suivante. Cela est d’autant plus préoccupant que pendant le même temps la productivité par tête augmentait de 15 % dans tout le reste de la zone euro en moyenne. En l’absence de possibilité de dévaluation, ce grand pays industriel a vu ses <a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1760">coûts salariaux unitaires</a> augmenter près de deux fois plus vite que ceux du reste de la zone euro, notamment avant la crise de 2008.</p>
<p>La politique de compression salariale qui s’en suivit n’a pas pu résorber l’écart de compétitivité, même si elle a pour but d’avoir le même effet qu’une dévaluation compétitive, comme Keynes l’avait déjà théorisé en son temps. Mais elle a fortement <a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&ved=2ahUKEwjX76eziq_iAhUO3uAKHZJ-CBkQFjAAegQIBBAC&url=https%3A%2F%2Fwww.research.natixis.com%2FGlobalResearchWeb%2FMain%2FGlobalResearch%2FGetDocument%2F7Np5GXuQ7ui1DdnzsRAJKA%3D%3D&usg=AOvVaw0fRd2gsNQNmjEoAyqg7sOZ">comprimé la croissance</a> sans pour autant permettre de réduire le chômage de masse. La tentation du <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/03/23/malgre-l-inquietude-de-bruxelles-l-italie-rejoint-les-nouvelles-routes-de-la-soie-de-pekin_5440367_3234.html">cavalier seul</a> et de la surenchère en <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/PALOMBARINI/59217">apparence anti-européenne</a> désormais affichée au cœur de la politique économique italienne ne peuvent ainsi se comprendre sans la prise en compte de l’impossibilité du pays de restaurer sa compétitivité dans le cadre des traités et des institutions actuelles de l’Union, alors qu’elles limitent d’autant la capacité de croissance du pays, puisque comme beaucoup de pays dans le monde, la <a href="https://www.elgaronline.com/abstract/journals/roke/1-1/roke.2013.01.04.xml">croissance y dépend d’abord de la hausse des salaires</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/276074/original/file-20190523-187143-lzqwxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/276074/original/file-20190523-187143-lzqwxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/276074/original/file-20190523-187143-lzqwxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/276074/original/file-20190523-187143-lzqwxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/276074/original/file-20190523-187143-lzqwxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/276074/original/file-20190523-187143-lzqwxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/276074/original/file-20190523-187143-lzqwxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La compression des salaires en Italie a limité la capacité de croissance du pays.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tinxi/Shutterstock</span></span>
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<p>De surcroît, cette logique de politique non coopérative des grands pays de la zone euro ne s’arrête pas à la seule Italie. Même l’Allemagne, en décidant unilatéralement d’accueillir près d’un million de migrants, à la suite de la crise syrienne, a posé de gros problèmes à tous les pays membres du groupe de Visegrád et fait exploser de facto l’espace Schengen. Elle y a vu l’opportunité de limiter un problème de vieillissement démographique important en accueillant des populations bien éduquées et très qualifiées prêtes à offrir leur force de travail à des salaires plus faibles, sans mesurer les conséquences politiques que cela impliquait à l’Est de l’Union.</p>
<h2>L’Allemagne (et l’UE) victime(s) de Trump ?</h2>
<p>Mais qu’on ne s’y trompe pas. Si la divergence des intérêts nationaux des pays membres de l’Union ne provient pas directement de la politique commerciale des États-Unis, il n’en demeure pas moins que cette <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/trump-le-mercantilisme-et-le-dollar-un-cocktail-hautement-explosif-781030.html">politique mercantiliste</a> la renforce alors que l’Union n’a vraiment pas les moyens d’entrer en guerre commerciale ouverte avec les États-Unis compte tenu de ce qui vient d’être dit.</p>
<p>En effet, le mercantilisme américain pose directement la question des débouchés des exportations européennes et en particulier allemandes dans un monde qui n’est plus libre-échangiste, que cela plaise ou non aux partisans du libre-échange. Cela pose donc la question du modèle de spécialisation de l’Allemagne, d’abord par le risque de perte de marchés aux États-Unis, et indirectement mais plus fondamentalement, par la guerre commerciale qu’il a déclenchée avec la Chine. Les conflits ouverts par Donald Trump dans les panneaux solaires et les machines à laver, l’acier et l’aluminium, et surtout l’automobile, sont autant de risques pour l’industrie allemande. Sans parler des nouvelles menaces qui pèsent sur l’industrie du transport ferroviaire. Un chiffre à lui seul permet de saisir l’ampleur de l’enjeu pour l’économie allemande : 14 % du PIB de l’Allemagne dépend des seules exportations automobiles vers les États-Unis ! Autant dire que toute taxe européenne sur les GAFA est impossible à obtenir, tant les représailles américaines sur l’industrie automobile seraient importantes.</p>
<p>Mais au-delà des effets sur la croissance, c’est le modèle d’intégration européenne qui est en jeu. Alors qu’elle multiplie les signatures de traités de libre-échange et qu’elle a entamé de <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/retour-dun-traite-entre-leurope-etats-unis/00088639">nouvelles négociations</a> depuis janvier avec les États-Unis, l’UE fait ressortir <em>de facto</em> les contradictions entre les impératifs de maintien des débouchés de l’industrie allemande et la volonté française de signer des accords de commerce qui <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Emmanuel-Macron-veut-daccords-commerciaux-puissances-respectent-pas-laccord-Paris-2018-09-25-1200971569">respectent les accords de Paris sur le climat</a>. Le risque d’une dilution du projet européen est donc clairement sur la table alors que l’Union se veut le fer de lance de la lutte contre le changement climatique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/276077/original/file-20190523-187179-xj8ndw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/276077/original/file-20190523-187179-xj8ndw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/276077/original/file-20190523-187179-xj8ndw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/276077/original/file-20190523-187179-xj8ndw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/276077/original/file-20190523-187179-xj8ndw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/276077/original/file-20190523-187179-xj8ndw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/276077/original/file-20190523-187179-xj8ndw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La politique mercantiliste de Donald Trump représente une réelle menace pour l’économie allemande.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Evan El-Amin/Shutterstock</span></span>
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<p>Le choix de l’Allemagne sera donc le destin de l’Union européenne. Renforcer le fédéralisme budgétaire et le poids des transferts financiers au sein de l’Union aurait le mérite de limiter les effets néfastes de la polarisation, mais ne réglerait pas pour autant la question du modèle de spécialisation de l’Allemagne en dehors du libre-échange. Ce serait de plus contradictoire avec le droit allemand, qui ne reconnaît pas l’existence d’un peuple européen depuis le célèbre <a href="https://journals.openedition.org/rea/3743">arrêt Lisbonne</a> de la cour constitutionnelle de Karlsruhe en 2009.</p>
<p>En finir avec l’euro faciliterait à coup sûr la restauration de la compétitivité de certains pays du sud de la zone euro, mais aurait un effet dévastateur sur toute une série de paramètres (coût de la dette publique et surtout privée, dévalorisation de l’épargne, etc.). Sortir du marché unique donc choisir le repli national renforcerait le caractère non coopératif des politiques économiques, tout comme le <em>statu quo</em> d’ailleurs.</p>
<p>Si parler des structures économiques de l’Union est moins glamour que parler des intentions des candidats, de leur passé ou de leurs programmes respectifs au parlement européen (une institution aux pouvoirs assez limités au demeurant), il n’en demeure pas moins qu’au-delà d’être une réalité institutionnelle, l’Union européenne est d’abord et avant tout une réalité structurelle. Les préférences de structure divergentes des États membres face à la redéfinition du système commercial international ne pourront pas être ignorées encore bien longtemps, sous peine de voir toutes ces belles intentions et, pire encore, l’Union elle-même voler en éclat.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/113860/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Grégory Vanel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À trop se focaliser sur des problématiques internes, les Européens sous-estiment l’effet de la politique commerciale américaine sur les forces centrifuges déjà structurellement à l’œuvre dans l’Union.Grégory Vanel, Professeur Assistant, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1127952019-03-14T00:38:35Z2019-03-14T00:38:35ZInjonctions à l’adaptation, tous victimes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/263190/original/file-20190311-86703-1k893nf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C14%2C976%2C651&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le « cap visé » serait aujourd'hui déterminé avant tout par des mutations extérieures et imposé aux individus.</span> <span class="attribution"><span class="source">Sinart Creative / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Dans son dernier ouvrage <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/NRF-Essais/Il-faut-s-adapter">« Il faut s’adapter »</a>, la philosophe Barbara Stiegler pointe l’injonction à l’adaptation sous-jacente dans le néolibéralisme. Ce dernier, dans l’idéal qu’il construit, vise une pleine mondialisation à laquelle, pourtant, les individus et les populations ne sont pas prêts.</p>
<p>Ainsi, écrit-elle, l’État se charge, notamment grâce au droit et à l’éducation, d’adapter ses administrés au nouvel ordre mondial ; et ce en étant accompagné notamment d’experts qui tentent de trouver les meilleures stratégies d’adaptation. La très récurrente expression « garder le cap » est d’ailleurs, pour la philosophe, l’illustration de cette tendance : le cap reste inchangé, seuls l’itinéraire et la vitesse à laquelle nous devons l’atteindre sont discutés et discutables.</p>
<p>Se pose alors un enjeu démocratique majeur : les individus et citoyens ne sont plus à même de choisir le cap visé, ces derniers étant imposés par les mutations profondes de l’environnement mondial. Ce sont aussi une série de paradoxes qui émergent : par exemple, comment à la fois poursuivre la mondialisation, nécessitant une multiplication des échanges – et donc une hausse des émissions de gaz à effet de serre – et avoir une conscience environnementale cherchant à ralentir les changements climatiques ?</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/NeBWN9rMKMs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« ‘S’adapter’, nouvel horizon du libéralisme ? », la philosophe Barbara Stiegler sur France Culture (2019).</span></figcaption>
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<h2>Survie de l’organisation</h2>
<p>Dès 2010, <a href="https://www.cairn.info/revue-actuel-marx-2010-1-page-100.htm?contenu=resume">Renault et Tinel</a> soulignaient eux aussi le rôle de l’adaptation dans le néolibéralisme et la vie politique en général :</p>
<blockquote>
<p>« Il semble que, depuis la fin des années 1990, la légitimité du néolibéralisme repose moins sur une justification positive par la valeur absolue des démocraties de marché que sur une justification négative par l’adaptation, justification dont le ressort principal est la crainte d’un avenir pire encore. Selon un puissant discours social, dans un monde de la concurrence mondialisée et de la <em>guerre économique</em> de tous contre tous, nous n’aurions plus d’autre choix que de nous adapter pour survivre. »</p>
</blockquote>
<p>Pour une organisation, l’adaptation revient à changer pour donner suite à un bouleversement interne et/ou externe. Elle est donc, avec la pro-action (anticiper le bouleversement et agir en amont), une des deux stratégies de capacité de changement, définie par <a href="https://www.cairn.info/revue-l-expansion-management-review-2008-2-page-48.htm">Soparnot (2008)</a> « comme l’aptitude de l’entreprise à produire de façon répétée (sur le long terme) des réponses concordantes variées (différents types de changement) à des évolutions environnementales (contexte externe) et/ou organisationnelles (contexte interne) et à rendre effective au sein de l’entreprise la transition induite par ces dernières ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/263162/original/file-20190311-86693-1hiih7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/263162/original/file-20190311-86693-1hiih7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/263162/original/file-20190311-86693-1hiih7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/263162/original/file-20190311-86693-1hiih7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/263162/original/file-20190311-86693-1hiih7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/263162/original/file-20190311-86693-1hiih7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/263162/original/file-20190311-86693-1hiih7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les organisations s’adaptent en permanence pour réduire le décalage entre l’environnement concurrentiel et elles-mêmes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rawpixel.com/Shutterstock</span></span>
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<p>Ainsi, que ce soit en termes stratégiques ou marketing, l’organisation (s’)adapte : ses produits et services, les éventuelles fusions-acquisitions, les relations avec les parties prenantes, etc. L’adaptation vise la survie de l’organisation en diminuant le décalage entre l’environnement concurrentiel et elle-même.</p>
<h2>Gouvernance des paradoxes</h2>
<p>Or, en tant que processus social qui a un impact sur « tous les niveaux de l’organisation » (<a href="https://www.erudit.org/fr/revues/mi/2012-v16-n2-mi061/1008707ar/">Joffre et Loilier, 2012</a>), l’adaptation s’est rapidement imposée à l’échelle microsociale, c’est-à-dire dans le management et les ressources humaines. Prenons l’exemple, souvent latent, de la construction d’une relation forte avec les salariés (la fidélité, le sentiment d’appartenance, l’engagement, etc.) : il s’agit bien d’une adaptation – lors de l’intégration par exemple – de ceux-ci à l’organisation. En effet, pour <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2005-3-page-27.htm">Galambaud et Léon (2005)</a>, les salariés « s’adaptent à l’évolution du monde, à l’évolution de leur monde ; c’est-à-dire en l’occurrence à l’évolution de l’entreprise, de ses promesses comme de ses menaces, explicites ou implicites ».</p>
<p>Sans revenir sur les méthodes de management déjà vues par ailleurs (<a href="https://theconversation.com/chronometrer-les-taches-des-salaries-une-vision-archa-que-de-la-performance-108711">du chronomètre au management de projet</a>) et qui promeuvent effectivement cette perpétuelle adaptation, il semble essentiel de se pencher sur les conséquences humaines de ce processus. L’adaptation – au niveau stratégique comme au niveau par exemple de la logistique – bouleverse complètement l’organisation en amont et/ou en aval. À la fois pour celles et ceux qui acceptent l’adaptation que pour les autres, qui la refusent.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1080965269307211776"}"></div></p>
<p>Surtout, <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-socio-economie-2014-1-page-277.htm">Da Cunha et Vanderlinden (2014)</a> soulignent combien, alors que la notion vise à « gérer l’incertain », elle est elle-même de « forme incertaine ». Elle ne peut être pensée que d’un point de vue culturel (chacun réagit différemment au changement et à l’adaptation) et doit éviter le schéma encore trop présent vertical descendant (dit <em>top-down</em>) pour privilégier les aller-retours entre les différentes échelles, prenant ainsi en compte « l’expérience vécue » de celles et ceux à qui l’on demande de s’adapter. Autrement dit, il s’agit de quitter la vision habituelle de l’adaptation de l’organisation à son environnement (et ses parties prenantes externes) en demandant aux parties prenantes internes de s’adapter à ce changement de cap.</p>
<p>Une voie alternative nous est offerte grâce à la nuance entre « adaptation à soi » et « adaptation de soi » (selon les mots de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/076737019901400104">Trinquecoste, 1999</a>). Pour que l’adaptation se déroule convenablement, faut-il sans doute la penser en tant que congruence de l’adaptation <em>à</em> soi et <em>de</em> soi : que l’organisation s’adapte à ses parties prenantes (y compris celles internes) tout en comprenant leur niveau maximal d’adaptation avant de l’exiger. Pour minimiser les effets négatifs (voire tirer de réels résultats positifs), c’est une véritable gouvernance des paradoxes (notamment le fait que l’adaptation du collectif entraîne celle de l’individu, et réciproquement) autour d’une matrice des possibilités d’adaptation de chacune des parties prenantes qui peut être envisagée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/112795/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Plaisance est doctorant contractuel enseignant à l'Université de Bordeaux et membre de Recherches & Solidarités. Il est fondateur d'Acteurs Jeunes, association loi 1901.</span></em></p>La capacité d’adaptation, devenue l’un des « soft skills » les plus prisés des recruteurs, peut aussi être à l’origine de conséquences négatives aujourd’hui encore peu étudiées.Guillaume Plaisance, Doctorant en sciences de gestion spécialiste de la gouvernance, de l'engagement et du non-lucratif, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1116702019-02-27T20:48:23Z2019-02-27T20:48:23ZÉtats-Unis–Chine, la longue marche vers un Yalta commercial ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/261213/original/file-20190227-150712-6ingck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C20%2C986%2C640&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bientôt l’ère du protectionnisme négocié et du G2.0 ?</span> <span class="attribution"><span class="source">NothingIsEverything / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La guerre commerciale entre Washington et Pékin ne reprendra pas tout de suite. Le président des États-Unis, Donald Trump, a annoncé le 25 février qu’il <a href="https://www.bfmtv.com/economie/guerre-commerciale-donald-trump-reporte-la-fin-de-la-treve-avec-pekin-1639806.html">reportait sine die la hausse des tarifs douaniers américains</a> portant sur 200 milliards de dollars d’importations en provenance de Chine. Cette décision intervient à quelques jours de la fin de la trêve conclue en marge du dernier sommet du G20 à Buenos Aires en Argentine, en novembre 2018. Les présidents chinois Xi Jinping et américain s’étaient alors donnés 90 jours pour remettre à plat leurs différends commerciaux et parvenir à un accord satisfaisant de part et d’autre. Les deux parties saluent aujourd’hui des « progrès » réalisés par les négociateurs qui permettent de prolonger le cessez-le-feu. Ils envisagent par ailleurs d’organiser un sommet bilatéral prochainement.</p>
<p>Pourtant, du point de vue américain, les dernières statistiques montrent une dégradation sans précédent de la situation que la guerre commerciale était censée régler : les <a href="https://www.scmp.com/economy/china-economy/article/2186084/chinas-exports-shot-dramatically-january-despite-us-china">exportations chinoises ont encore augmenté</a> de 9,1 % en janvier, et le déficit commercial bilatéral a été le plus important jamais enregistré (413 milliards de dollars en 2018). Même le secteur de l’acier chinois semble peu impacté par les mesures tarifaires américaines. En effet, la <a href="https://www.scmp.com/economy/china-economy/article/2186142/us-china-trade-war-having-no-effect-china-steel-amid-surging">Chine produit désormais la moitié de l’acier</a> dans le monde, avec 928 millions de tonnes en 2018 (contre 831 millions en 2017), en dépit d’une chute de 8,1 % de ses exportations.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261198/original/file-20190227-150724-11rk49k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261198/original/file-20190227-150724-11rk49k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261198/original/file-20190227-150724-11rk49k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261198/original/file-20190227-150724-11rk49k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261198/original/file-20190227-150724-11rk49k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261198/original/file-20190227-150724-11rk49k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261198/original/file-20190227-150724-11rk49k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La moitié de l’acier mondial est produit en Chine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Junrong/Shutterstock</span></span>
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<p>Comme l’acier chinois ne représente désormais que 2 % des importations américaines d’acier, de nombreux analystes en viennent à se demander si, derrière la rhétorique des déficits bilatéraux ne se cachent pas en réalité des enjeux beaucoup plus importants. Et si derrière la trêve commerciale se profilait une négociation à deux, et seulement à deux, des nouvelles règles du jeu économique dans la post-mondialisation ? Car au-delà des menaces américaines et des promesses chinoises actuelles se cachent des conflits antérieurs majeurs entre les deux pays, qui révèlent une stratégie antichinoise de longue haleine de la part des États-Unis. Si ces deux grandes puissances parvenaient à un accord, l’issue des négociations pourrait à la fois signifier la disparition pure et simple du multilatéralisme commercial d’après-guerre, mais surtout l’entrée officielle dans l’ère du G2.0.</p>
<h2>Menaces américaines et promesses chinoises</h2>
<p>Si l’on s’en tient uniquement à la situation depuis l’élection de Donald Trump, les États-Unis mènent une guerre commerciale indifférenciée, et cherchent à tout prix à réduire leur abyssal déficit commercial, conformément à la vision mercantiliste de Donald Trump et de son équipe, et <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/trump-le-mercantilisme-et-le-dollar-un-cocktail-hautement-explosif-781030.html">sans le résultat escompté pour le moment</a>. En particulier, au centre des différends se trouvent les industries du panneau solaire et des machines à laver, de l’acier et de l’aluminium, les pratiques déloyales en matière de transferts de technologies et de propriété intellectuelle (comme l’illustre le cas du géant Huawei), et enfin l’industrie automobile.</p>
<p>Sauf qu’à y regarder de plus près, la Chine est bien souvent explicitement visée, ce qui explique aussi sa réactivité. Par exemple, dans le conflit lié aux panneaux solaires et aux machines à laver, les mesures de rétorsion chinoises sur les exportations américaines de sorgho et la surenchère américaine consécutive ont mené le gouvernement chinois à <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/chine/taxes-americaines-la-chine-saisit-l-omc-et-menace-les-etats-unis-de-represailles-5875128">porter le différend devant l’Organisation mondiale du commerce</a> (OMC) en juillet 2018. De même, en ce qui concerne les transferts de technologie et la protection des droits de propriété intellectuelle, la nouvelle loi américaine sur le commerce et la sécurité nationale d’août 2018 introduit deux mesures de contrôle sur les investissements étrangers et sur les transferts de technologie qui visent directement la Chine. Ces dispositions facilitent l’escalade américaine et la menace d’augmenter encore les droits de douane. Or, compte tenu des différentes réactions des partenaires commerciaux des États-Unis, ce sont désormais environ 12 % des importations américaines qui subissent un tarif, alors que 8 % de leurs exportations sont concernées par des <a href="https://piie.com/system/files/documents/bown2019-01-23ppt.pdf">mesures de rétorsion</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1085669224318713856"}"></div></p>
<p>Pourtant, depuis l’annonce de la trêve, la Chine a fait quelques promesses intéressantes a priori pour les États-Unis. Elle a notamment accepté d’augmenter dès décembre ses importations de <a href="http://www.cepii.fr/blog/bi/post.asp?IDcommunique=619">soja</a>, ce qui se voit déjà dans les statistiques commerciales (<a href="https://www.scmp.com/economy/china-economy/article/2186186/us-exports-china-plunged-january-trade-war-chill-took-effect">hausse de 29 % des importations chinoises depuis décembre</a>). Elle a ensuite promis dès janvier d’assouplir ses règles sur les investissements étrangers (même si personne n’est dupe sur les délais de mise en place) et a même tout récemment envisagé d’augmenter ses importations en produits agricoles, en gaz naturel liquéfié et même en semi-conducteurs produits par des firmes américaines, dont les achats pourraient être multipliés par cinq sur les six prochaines années. Un montant potentiel de <a href="https://www.anti-k.org/2019/02/16/washington-et-pekin-echouent-a-enterrer-la-hache-de-guerre-commerciale/">200 milliards de dollars</a>.</p>
<h2>Le dernier étage de la fusée</h2>
<p>Sauf que s’en tenir aux seules dispositions prises par Donald Trump depuis son élection réduit considérablement la compréhension du conflit qui oppose la Chine et les États-Unis. On pourrait même considérer que l’arrivée de Donald Trump n’est que le dernier étage d’une fusée qui a décollé il y a bien longtemps.</p>
<p>En effet, ce conflit remonte au début des années 1980, lorsque les États-Unis ont refusé le statut d’économie de marché à la Chine. Ce dispositif permet alors au département américain au commerce de prendre des mesures visant à réduire les distorsions de concurrence qu’il juge inacceptables. Et il ne s’est pas gêné pour l’utiliser. Pas moins de <a href="http://www.ieim.uqam.ca/IMG/pdf/cca_2018-12_ver_1.2.pdf">119 mesures</a> anti-dumping contre des entreprises chinoises ont été prises par les États-Unis, soit 34 % du total !</p>
<p>À ce premier étage s’en est ajouté un deuxième avec l’accession de la Chine à l’OMC en 2001. Les États-Unis y contestent le statut d’économie en développement de la Chine, qui lui permet d’échapper à un certain nombre de dispositifs contraignants, et ce même s’il n’y a <a href="https://www.iddri.org/fr/publications-et-evenements/propositions/pourquoi-le-developpement-piege-lomc">aucune définition du concept</a> de développement dans les statuts de l’OMC… Ainsi, les différends entre la Chine et les États-Unis sont parmi les plus nombreux à l’OMC. Les États-Unis ont porté plainte contre la Chine à 23 reprises, alors que la Chine en a fait de même contre les États-Unis 15 fois seulement, même si en termes relatifs, les plaintes contre la Chine représentent seulement 19 % des plaintes américaines, alors qu’à l’inverse les <a href="https://piie.com/system/files/documents/schott2019-01-23ppt.pdf">plaintes chinoises envers les États-Unis représentent 75 % de leurs plaintes</a>. Cette question du statut d’économie en développement est même particulièrement sensible en matière de commerce agricole, car la Chine est désormais de très loin le pays qui subventionne le plus sa production, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09692290.2018.1560352">transformant les États-Unis de bourreau en victime</a>.</p>
<p>Mais depuis l’élection de Donald Trump, on assiste à une réduction des plaintes américaines envers la Chine (3 seulement contre 13 durant les mandats du président Obama), alors que dans le même temps les États-Unis bloquent le renouvellement des nominations à l’organe d’appel de l’OMC. Cela empêche de facto le règlement des différends commerciaux entre ces deux pays. Le président américain considère que l’OMC <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/04/09/trump-accuse-l-organisation-mondiale-du-commerce-de-faire-le-jeu-de-la-chine_5282912_3234.html">a failli dans sa mission</a>, et se tourne désormais vers les traités de commerce bilatéraux pour y introduire des dispositifs clairement antichinois. Par exemple, le nouvel <a href="https://www.lepoint.fr/automobile/ce-que-l-on-sait-du-nouvel-accord-commercial-nord-americain-30-11-2018-2275593_646.php">Accord États-Unis-Mexique-Canada</a> (USMCA) introduit plusieurs clauses qui vont clairement à l’encontre de la Chine, même si elle n’est pas directement citée. C’est en particulier le cas de l’<a href="https://www.ledevoir.com/opinion/idees/539452/aeumc-la-clause-chine-n-est-pas-un-veto">article 32.10</a> qui empêche la conclusion d’un accord bilatéral entre le Canada ou le Mexique et un pays qui n’est pas considéré comme une économie de marché.</p>
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<figcaption><span class="caption">« President Donald Trump signs USMCA trade deal with Mexico, Canada », vidéo NBC News (en anglais).</span></figcaption>
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<h2>Une stratégie antichinoise multicanale</h2>
<p>Mais au-delà de la méthode multilatérale qu’il considère comme inefficace, Donald Trump et son administration sont désormais extrêmement sensibles au déploiement des deux stratégies chinoises qu’ils jugent allant à l’encontre des intérêts à long terme des États-Unis : les <a href="https://theconversation.com/la-nouvelle-route-de-la-soie-une-strategie-dinfluence-mondiale-de-la-chine-75084">« nouvelles routes de la soie »</a> et <a href="https://portail-ie.fr/analysis/1273/made-in-china-2025-lambition-chinoise"><em>Made in China 2025</em></a>. Quatre dimensions sont au cœur de la stratégie anti-chinoise des États-Unis depuis des années : la sécurité, la finance, la production et la connaissance. Bien plus que la question commerciale, ces dimensions sont en fait les facteurs déterminants de l’ordre économique mondial.</p>
<p>Au niveau de la sécurité, on se rappelle que les droits de douane supplémentaires sur l’acier sont invoqués sur la base de la section 232 de la loi commerciale américaine de 1962, relative à la sécurité nationale. De même, la récente interdiction de l’usage des technologies de l’équipementier Huawei va dans ce sens, tout comme l’introduction de l’article 19.15 dans l’USMCA, qui engagent les parties au partage d’informations en matière de cybersécurité. Sur ces questions de sécurité des États-Unis face au déploiement de la puissance chinoise, le département de la défense vient d’ailleurs de publier récemment un <a href="https://media.defense.gov/2019/Jan/14/2002079292/-1/-1/1/EXPANDING-GLOBAL-ACCESS-REPORT-FINAL.PDF">rapport</a> pour le moins offensif. Ce rapport pointe les efforts considérables que fait la Chine <em>via</em> ses entreprises d’État dans la 5G, les câbles sous-marins ou d’autres technologies du numérique capables de remettre en cause la suprématie technologique des États-Unis, mais surtout la volonté chinoise de forcer le retrait américain de la région indo-pacifique. Il insiste ainsi sur les moyens militaires et civils à mettre en œuvre pour contrer cette expansion.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1047133130971328512"}"></div></p>
<p>Au niveau de la structure financière, il est à noter que la stratégie des États-Unis est depuis une décennie au moins tournée vers la Chine. D’abord à propos du rôle des réserves de change chinoises détenues en dollars, qui pour certains sont à considérer comme des armes de guerre au fondement d’un nouvel équilibre <a href="https://www.cfr.org/sites/default/files/pdf/2008/09/Debt_and_Power_CSR37.pdf">« la terreur financière »</a>. Ensuite, et plus récemment, à propos du déploiement tous azimuts des trois agences de crédit à l’exportation chinoises (Sinosure, Exim Bank et China Dev Bank) dans le cadre des nouvelles routes de la soie. Ces agences auraient accordé des crédits à l’exportation d’un volume de 34 milliards de dollars (contre 3 officiellement), loin devant les crédits accordés par les agences américaines (20 milliards de dollars). Et dans certains cas, ces crédits auraient permis à la Chine de <a href="https://media.defense.gov/2019/Jan/14/2002079292/-1/-1/1/EXPANDING-GLOBAL-ACCESS-REPORT-FINAL.PDF">racheter à bon prix des infrastructures stratégiques</a>.</p>
<p>Au niveau de la structure des connaissances, les États-Unis, à travers les questions liées à la protection des droits de propriété intellectuelle ou des transferts de technologie, cherchent à lutter contre la montée en puissance chinoise dans les industries du numérique. Par exemple, la Chine est désormais la première puissance mondiale dans l’intelligence artificielle, avec des investissements publics estimés entre 20 et 60 milliards de dollars, contre 11 milliards pour les États-Unis. Les programmes <em>Made in China 2025</em>, le 13<sup>e</sup> plan quinquennal qui prévoit des investissements à 59 milliards de dollars dans l’IA en 2025, les plans des grandes villes chinoises comme Pékin dans ce domaine (2 milliards de dollars), ou la Conférence nationale sur le développement de l’économie numérique, sont des dispositifs jugés très dangereux <a href="https://media.defense.gov/2019/Jan/14/2002079292/-1/-1/1/EXPANDING-GLOBAL-ACCESS-REPORT-FINAL.PDF">pour l’avenir même de l’industrie numérique américaine</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261201/original/file-20190227-150708-4u9iwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261201/original/file-20190227-150708-4u9iwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261201/original/file-20190227-150708-4u9iwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261201/original/file-20190227-150708-4u9iwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261201/original/file-20190227-150708-4u9iwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261201/original/file-20190227-150708-4u9iwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261201/original/file-20190227-150708-4u9iwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Seules trois plaintes américaines contre la Chine ont été déposées depuis l’élection de Donald Trump, contre 13 durant les mandats du président Obama.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Evan El-Amin/Shutterstock</span></span>
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</figure>
<p>Enfin, au niveau de la production, Donald Trump est très attentif au traitement des investissements directs en Chine, car ceux en provenance des États-Unis augmentent actuellement, notamment dans les TIC (+125 % en 2018). Les États-Unis demandent par exemple que la Chine supprime les subventions accordées à des entreprises d’État ou à celles fabricant de robots industriels.</p>
<h2>Vers un G2.0</h2>
<p>La trêve commerciale sino-américaine s’apparente donc bien plus à la tentative de Donald Trump de parvenir à un accord global gagnant-gagnant qu’à une seule réaction épidermique face à la dégradation des déficits. L’alternative à la mise en compatibilité des politiques commerciales chinoise et américaine s’apparenterait en effet bien plus au retour d’une nouvelle forme de guerre froide. Cela serait fortement préjudiciable aux deux économies, dont les liens sont bien plus forts qu’on ne le croit. Comme les États-Unis n’accepteront pas le <em>statu quo</em>, favorable à un déploiement de la puissance économique chinoise en Asie et en Afrique, et comme la Chine ne renoncera pas à son modèle de développement, la solution coopérative, fondée sur une négociation bilatérale englobant tous ces aspects, semble la seule issue logique mutuellement avantageuse.</p>
<p>Elle nécessite toutefois une période plus ou moins longue de négociation, comme au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Un G2.0 pourrait s’apparenter à une sortie du mercantilisme, à savoir un système commercial mondial fondé sur la lutte de tous contre tous, en permettant l’avènement d’un protectionnisme négocié. L’ironie, dans cette histoire, serait alors que l’Europe, seule encore à même de promouvoir le libre-échange, soit marginalisée définitivement dans le processus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/111670/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Grégory Vanel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le conflit commercial qui oppose Washington et Pékin pourrait finalement déboucher sur une négociation à deux des nouvelles règles du jeu économique mondial.Grégory Vanel, Professeur Assistant, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/970152018-06-12T21:44:27Z2018-06-12T21:44:27ZCommerce international : Donald Trump, l’art de se tirer une balle dans le pied ?<p>Hausse des droits de douane, abandon du traité transpacifique et du traité transatlantique, renégociation de l’ALENA, sanctions contre l’Iran, extra-territorialité… Alors même que Donald Trump justifie sa politique économique par la défense des intérêts des travailleurs américains, ces mesures pourraient au contraire fragiliser l’emploi aux États-Unis. Pour le comprendre, il faut se pencher sur les processus de productions et leur intégration au sein de chaînes de valeurs internationalisées.</p>
<h2>Des réseaux de production mondiaux complexes et interdépendants</h2>
<p>Dans les années 1990 et 2000, la croissance du commerce international a été tirée par la fragmentation des processus de production entre de nombreux pays partout sur la planète. Ce déploiement mondial de la chaîne de valeur a été favorisé par la libéralisation du commerce et des investissements. Les pays industriels ont délocalisé dans les pays à bas salaires les tâches les plus intensives en main-d’œuvre. En conséquence, les pays émergents se sont spécialisés dans l’assemblage de composants importés en franchise de droits de douane et transformés dans des zones franches d’exportation (ou « export processing zones »).</p>
<p>Les entreprises, associées dans des réseaux mondiaux complexes de <a href="https://www.lesechos.fr/15/01/2013/lesechos.fr/0202500636395_ces-produits-qui-bouleversent-le-commerce-mondial.htm">filiales et de sous-traitants</a>, sont ainsi devenues plus interdépendantes. Puisque les différents composants et biens intermédiaires traversent les frontières à chaque étape du processus de production, toute initiative protectionniste d’un pays se répercute sur toute la chaîne de production. <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01398385">Les effets sont amplifiés</a>.</p>
<h2>Donald Trump ouvre la boîte de Pandore du protectionnisme</h2>
<p>La crise de 2008 a vu l’effondrement du commerce mondial, mais elle n’a pas ravivé les tensions protectionnistes : celles-ci auraient en effet risqué d’aggraver la crise, en démantelant les chaînes de valeur. Mais aujourd’hui, Donald Trump, qui bénéficie pourtant d’une conjoncture économique favorable (et peut-être à cause d’elle), oriente sa politique commerciale sans tenir compte de ces préoccupations lorsque, consciemment ou non, il vise par ses mesures à désintégrer la chaîne de valeur pour la réintégrer aux États-Unis.</p>
<p>À cette fin, Robert Lighthizer, le représentant américain au commerce, renégocie l’ALENA (accord de libre-échange entre les États-Unis, le Canada et le Mexique), afin notamment de mieux protéger l’industrie automobile américaine : les voitures produites sous la bannière étoilée devront demain être plus américaines qu’elles ne le sont aujourd’hui. Suivant la même logique, il lève des droits sur les importations de machines à laver. Mais, dans le même temps, l’effet de ces mesures est réduit par la taxation des importations d’acier, ce qui augmente paradoxalement les coûts de production de General Motors et de Whirlpool et abaisse leur compétitivité…</p>
<h2>Le solde commercial bilatéral, un argument fallacieux</h2>
<p>Le Président Trump persiste à envisager des sanctions contre la Chine au nom de son déficit commercial colossal (environ 300 milliards de dollars). Pourtant, prendre le solde commercial bilatéral comme une preuve de déloyauté n’a aucun sens. Seul compte le déficit avec le reste du monde, et celui-ci est avant tout imputable à l’excès de consommation des ménages américains, qui accroît les importations. Au niveau macro-économique, la balance courante d’un pays est en effet mécaniquement déficitaire lorsque l’épargne nationale ne suffit pas à couvrir à la fois l’investissement et le déficit budgétaire. Quelles que soient les mesures protectionnistes qui seront prises, ce déficit devrait s’aggraver avec le creusement attendu de son « jumeau », le déficit budgétaire.</p>
<p>Le déficit avec la Chine ne se convertit ni en PIB ni en emplois perdus. La valeur ajoutée des exportations chinoises n’est pas uniquement d’origine chinoise. Elle intègre des composants et des biens intermédiaires non seulement américains, mais aussi japonais, coréens, allemands… Un solde commercial qui serait calculé à partir de l’origine de la valeur ajoutée, et non de la valeur « brute » des exportations, diminuerait fortement le déficit bilatéral avec la Chine, grand importateur des biens intermédiaires (disques durs, circuits électroniques…) qu’elle assemble puis exporte. Le projet de taxer 50 milliards d’importations chinoises revient donc à taxer des produits intermédiaires originaires du monde entier (et même des États-Unis !) et pas seulement la production chinoise.</p>
<h2>Ré-américaniser les chaînes de valeur</h2>
<p>Les États-Unis veulent durcir les règles d’origine de l’ALENA, que les exportateurs doivent respecter pour bénéficier des exonérations tarifaires (62,5 % de la valeur du bien finale produite dans la zone pour l’automobile). Des exigences plus fortes <a href="https://theconversation.com/les-traites-commerciaux-favorisent-ils-le-commerce-mondial-70983">favoriseraient la relocalisation de la production de composants aux États-Unis</a>. Les coûts de production <a href="https://www.huffingtonpost.ca/2018/06/11/trump-auto-tariffs-impact_a_23456366/">augmenteraient</a>, mais la chaîne de valeur serait ré-américanisée.</p>
<p>Le retrait des États-Unis des méga-accords comme le Traité transatlantique (TTIP) ou le Traité Trans-Pacifique (TPP) vise aussi à « casser » l’approfondissement d’une chaîne de valeur régionale. Le TPP contenait en effet des règles d’origine relativement peu contraignantes et sa couverture géographique incluait des pays très impliqués dans les réseaux de production comme le Japon, la Malaisie, le Mexique ou Singapour.</p>
<p>De la même façon, le retrait des États-Unis de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien et la réintroduction des sanctions contre l’Iran vise un objectif similaire. En effet, au nom de l’extra-territorialité (qui permet à la justice américaine de poursuivre les entreprises étrangères pour des faits commis hors des États-Unis), le bannissement des exportations américaines vers l’Iran s’applique aux composants américains incorporés dans les exportations des pays tiers vers le pays sanctionné.</p>
<p>C’est ainsi que le fabricant chinois de téléphone mobile ZTE s’est récemment vu menacé d’interdiction d’importation de composants et de matériels américains pendant sept ans, ce qui a <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/06/07/le-chinois-zte-accepte-la-tutelle-de-washington-pour-pouvoir-reprendre-ses-activites_5311347_3234.html">suspendu l’activité des 75 000 employés de l’entreprise</a>. Un avertissement fort est ainsi lancé aux firmes étrangères. Elles devront renoncer à exporter vers l’Iran, ou trouver à se fournir ailleurs.</p>
<p>Le cas ZTE met en évidence les contradictions de la politique de Donald Trump, dont il peine à s’échapper. En sanctionnant cette entreprise qui s’était affranchie de l’embargo américain, les États-Unis pénalisent les firmes américaines exportatrices de composants électroniques. Ce qui va contre l’objectif affiché, puisque cette mesure creuse encore davantage le déficit des États-Unis avec la Chine !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97015/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Marc Siroën ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La politique économique de Donald Trump est contradictoire. En fragilisant les chaînes mondiales de valeur dans lesquelles les États-Unis sont intégrés, elle pourrait desservir le pays. Explications.Jean-Marc Siroën, Professeur d'économie internationale, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/935812018-03-19T21:18:28Z2018-03-19T21:18:28ZPour une réponse apaisée au protectionnisme américain<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/211041/original/file-20180319-31608-1wxm9n4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C3%2C2492%2C1867&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le protectionnisme des États-Unis censé protéger les travailleurs américains pourrait plutôt leur nuire.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/confirm/226769761?src=4fPyJsgQdS0FKHPJUVpClQ-2-67&size=huge_jpg">shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article s'inscrit dans le cadre de la <a href="http://mindfulness-at-work.fr/fr/">Chaire Mindfulness, Bien-être et Paix Économique de GEM</a>.</em> </p>
<hr>
<p>À l’heure où les signes de reprise de l’activité économique se multiplient et où <a href="http://www.lefigaro.fr/economie/le-scan-eco/dessous-chiffres/2018/03/03/29006-20180303ARTFIG00006-en-2017-il-y-a-eu-plus-d-ouvertures-d-usines-que-de-fermetures.php">même l’industrie française semble confirmer son regain de forme</a>, l’administration Trump vient de libérer un nouveau facteur de risque pour l’industrie et l’économie mondiale en relevant les taxes sur les importations d’acier à 25 % et d’aluminium à 10 %. Ce faisant, Donald Trump prend le risque, totalement assumé comme le soulignent ses déclarations belliqueuses, de relancer une guerre commerciale dépassant largement le cadre des industries initialement concernées.</p>
<p>Côté américain, donc, « le coup est parti », même si l’application de la mesure sera probablement différenciée : dans un premier temps, le Canada et le Mexique seront notamment épargnés. De l’autre côté de l’Atlantique, l’Union européenne doit réagir en assumant son rôle systémique en matière de commerce international : une réponse apaisée et apaisante serait plus que bienvenue.</p>
<h2>Des mesures symboliques aux conséquences concrètes et néfastes</h2>
<p>L’augmentation des droits de douane sur l’acier et l’aluminium constitue une mesure symbolique puisque selon Donald Trump, il n’existe « pas de grand pays sans industrie de l’acier ». Cette dernière, en plus d’employer de nombreuses personnes, permet d’alimenter et de rendre plus ou moins compétitives de nombreuses industries aval, dont celle de l’automobile.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"969558431802806272"}"></div></p>
<blockquote>
<p>« Nous devons protéger notre pays et nos ouvriers. Notre industrie de l’acier est en mauvais état. SI VOUS N’AVEZ PAS D’ACIER, VOUS N’AVEZ PAS DE PAYS ! »</p>
</blockquote>
<p>Toutefois, en défendant son industrie de l’acier par la voie des taxes imposées aux concurrents étrangers, le risque est grand de réduire la compétitivité des industries consommatrices d’acier aux États-Unis. La décision de Georges W. Bush en mars 2002 d’augmenter les taxes de 8 % à 30 % sur l’acier s’était accompagnée, dans les mois suivants, de <a href="http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1086866/verif-tarif-acier-aluminium-trump-commerce-omc-accord-securite-chine-etats-unis">la perte de 200 000 emplois</a> dans ces industries. Les conséquences risquent, une nouvelle fois, de s’avérer désastreuses, tant pour l’économie américaine que pour celles de ses partenaires.</p>
<h2>Dangereuses réactions en chaîne</h2>
<p>Au-delà des effets directs de ce protectionnisme, c’est l’évolution du statut des partenaires qui pose question. Se considéreront-ils encore comme tels alors qu’un supposé « allié » économique leur impose une si importante source de difficultés ? En matière de relations commerciales comme de tout autre type de relations, comme le soulignait Sartre, « la confiance se gagne en gouttes et se perd en litres ». La confiance entre partenaires commerciaux, une variable économique clé, se trouve ici bien mise à mal…</p>
<p>Ces mesures portent également en elles un paradoxe : en dépit de la place réservée à la Chine dans le discours de Donald Trump, cette dernière sera loin d’être la plus touchée. En effet, le pays n’occupe que la onzième position dans les importations américaines d’acier, et les exportations d’acier chinois vers les États-Unis chutent depuis 2011, date à laquelle l’administration Obama avait pris des mesures antidumping très efficaces. Les premiers touchés par le relèvement des taxes américaines sont les plus importants fournisseurs d’acier des États-Unis : le Canada, le Brésil, la Corée du Sud et le Mexique. L’Union européenne, avec notamment l’Allemagne, l’Italie et la France sera également fortement impactée.</p>
<p>En dépit de conséquences réduites pour son industrie, la Chine s’estime tout de même attaquée. En représailles, elle envisage des répliques centrées sur les produits agricoles, visant notamment à <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/0301418747006-la-chine-redoute-une-escalade-des-tensions-commerciales-2160075.php">réduire les importations de sorgho et de soja américains</a>. Au-delà de l’agriculture, son pouvoir de nuisance est élevé car elle peut procéder si elle le souhaite à une vente massive d’obligations d’État américaines.</p>
<p>De son côté, l’Union européenne réfléchit à un relèvement des barrières sur des produits fabriqués dans des États républicains (Harley Davidson, Jean Levi’s, bourbon…). Bien que de telles mesures découlent d’un raisonnement élaboré et se veuillent proportionnées, elles seraient très dangereuses en raison des effets d’emballement possibles et des inévitables « dommages collatéraux », expression consacrée lorsqu’il est question de guerre, même si elle est ici économique.</p>
<h2>Un encouragement à la guerre des changes</h2>
<p>Du côté de l’administration Trump, ces mesures protectionnistes sont présentées comme une réponse à la <a href="https://www.letemps.ch/opinions/cacophonie-trumpmnuchin-met-marche-changes-ebullition">guerre des changes</a> qui a déjà commencé. Depuis plusieurs mois en effet, Donald Trump demande à plusieurs pays de faire remonter la valeur de leur monnaie sous peine de déclenchement d’une guerre commerciale. Le Trésor américain, en effet de manipuler leur monnaie en vue de favoriser les exportations vers les États-Unis. Sur la liste de surveillance qu’il a établie figurent notamment la Corée du Sud, la Chine et le Japon.</p>
<p>Qu’ils aient ou non déjà contribué à la sous-évaluation de leur monnaie, les pays qui vont subir la hausse des tarifs douaniers américains pourraient être tentés de suivre cette voie pour compenser la perte de compétitivité résultante. Et ce même si tous les épisodes de dévaluations compétitives et de « guerre des changes » observés au cours de l’histoire aboutissent à une seule conclusion : ces pratiques sont non seulement inutiles économiquement, mais aussi extrêmement néfastes pour tous. Retour de l’inflation et ralentissement de la croissance, voire crise, sont toujours au rendez-vous.</p>
<p>D’autres mesures sont bien sûr possibles et les ripostes envisagées par la Chine et l’Union européenne ne font que préfigurer ce qui pourrait se transformer en une véritable guerre commerciale et économique, menée sur de nombreux fronts. Dans un contexte de montée des populismes et de perte de pouvoir de l’OMC (les États-Unis bloquent actuellement la nomination de juges qui permettrait un bon fonctionnement de l’ORD, l’Organe de Règlement des Différends, censé arbitrer les litiges commerciaux), le risque est d’escalade est grand…</p>
<h2>Des solutions apaisées</h2>
<p>Si l’on revient aux origines du problème, la volonté du Président américain de réduire le déficit avec la Chine et de défendre l’emploi aux États-Unis est légitime. Qu’elle donne lieu à des mesures concrètes l’est également. Que ces dernières soient issues de discussions constructives et coordonnées avec les partenaires commerciaux serait bienvenu et tout à fait possible.</p>
<p>Il n’est clairement pas dans l’intérêt de la Chine ou d’autres pays exportateurs de contribuer à la dégradation de la santé économique de partenaires dont ils ont besoin. Les États-Unis ont eux-mêmes souvent expérimenté le soutien à l’Europe ou au Japon pour trouver des relais de croissance dans diverses régions du monde. Encore très récemment, en acceptant une légère surévaluation du dollar, l’administration Obama a renforcé la reprise économique mondiale. La défense d’industries spécifiques est même tout à fait envisageable dans le cadre d’un protectionnisme éclairé et ciblé.</p>
<p>C’est le cas du <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2000/02/CASSEN/2127">protectionnisme altruiste proposé par Bernard Cassen</a>. Destiné à protéger les pays développés et à favoriser le développement des pays du Sud, il reposerait sur des prélèvements sur les importations variables en fonction de critères sociaux et écologiques. Cassen propose par exemple une combinaison des critères de l’<a href="http://www.ilo.org/global/lang--fr/index.htm">Organisation Internationale du Travail</a>, du <a href="https://www.unenvironment.org/fr">Programme des Nations unies pour l’environnement</a> et du <a href="http://www.undp.org/content/undp/fr/home.html">Programme des Nations unies pour le développement</a> par exemple. Ces prélèvements seraient ensuite reversés au pays de départ ou à des organisations internationales en vue d’utilisations à des fins sociales, environnementales ou éducatives dans le pays de départ.</p>
<p>Trois objectifs seraient ainsi en mesure d’être atteints :</p>
<ul>
<li><p>Protéger les modèles sociaux dans les pays développés ;</p></li>
<li><p>Défendre les intérêts des travailleurs du Sud ;</p></li>
<li><p>Favoriser les marchés nationaux.</p></li>
</ul>
<p>Quel que soit le niveau de développement des pays concernés, de telles mesures seraient sans doute aujourd’hui bienvenues et de nature à dépasser les ambitions du commerce équitable traditionnel. On en reviendrait alors au <a href="http://journals.openedition.org/chrhc/3463">« doux commerce »</a> qu’évoquait Montesquieu, un commerce des Nations qui serait générateur de paix entre elles. Quelles que soient les solutions retenues, conserver cet objectif sera essentiel dans les semaines qui viennent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/93581/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugues Poissonnier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Donald Trump a décidé de jouer la carte d’un protectionnisme agressif, au risque de déclencher une violente guerre économique. Des solutions alternatives sont pourtant possibles.Hugues Poissonnier, Professeur d'économie et de management, Directeur de la Recherche de l’IRIMA, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-Etre au travail et Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/928642018-03-08T21:15:54Z2018-03-08T21:15:54ZAcier : Donald Trump fait erreur, mais le reste du monde n’a pas raison pour autant<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/209377/original/file-20180307-146671-10cfyxg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C285%2C6769%2C4479&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-illustration/metal-pipes-steel-industry-background-threedimensional-161048606">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La décision de Donald Trump de taxer les importations d’acier et d’aluminium a été condamnée par de nombreux économistes ainsi que par les partenaires commerciaux des États-Unis. S’agit-il d’une erreur ? Économiquement, c’est probable. Politiquement, c’est moins certain.</p>
<h2>Ne pas confondre mercantilisme et protectionnisme</h2>
<p>L’escalade verbale entre les États-Unis et leurs principaux partenaires commerciaux est encore montée d’un cran en fin de semaine dernière. Le 1<sup>er</sup> mars, dans une annonce savamment distillée en plusieurs séquences, Donald Trump a déclaré vouloir garantir la sécurité nationale – une première – en augmentant les tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium importés. Ceux-ci passeraient respectivement à 25 % et à 10 %. Sans attendre, les principaux partenaires commerciaux des États-Unis ainsi que la plupart des économistes ont indiqué être contre cette mesure, qu’ils jugent à la fois <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/il-y-aura-des-consequences-terribles-juge-un-economiste-alors-que-donald-trump-menace-de-taxer-les-importations-d-acier-et-d-aluminium_2636856.html">inefficace et dangereuse pour le monde</a>.</p>
<p>Ces arguments sont importants, légitimes et non contestables. Ils négligent cependant deux aspects de la question. D’une part, de nombreux travaux suggèrent que parfois un grand pays peut trouver un intérêt à mettre en place un <a href="https://pubs.aeaweb.org/doi/pdfplus/10.1257/jep.1.2.131">tarif douanier à son seul profit</a>, dans une logique de prédation, alors que dans d’autres cas il peut avoir intérêt à demeurer libre-échangiste pour <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=l-eAAgAAQBAJ&oi=fnd&pg=PA19&dq=krasner+state+power+international+trade&ots=o51i_R1tk6&sig=SBxIeDrx2nu3TTnOlertEZma_js#v=onepage&q=krasner%20state%20power%20international%20trade&f=false">protéger son industrie ou gagner en puissance politique</a>. D’autre part, ces arguments négligent le comportement tout aussi <a href="http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:dZYXnrK7i1wJ:archives.lesechos.fr/archives/2012/Enjeux/00292-026-ENJ.htm+&cd=1&hl=fr&ct=clnk&gl=fr">mercantiliste</a> de nombreux partenaires des États-Unis, qui utilisent de manière plus subtile des barrières non tarifaires, des politiques internes ou le taux de change pour <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/protectionnisme-l-europe-se-fait-elle-avoir-par-l-asie-et-l-amerique-634276">protéger leurs producteurs nationaux</a>.</p>
<p>En assimilant protectionnisme et mercantilisme, on s’empêche dès lors de penser comment résoudre les contradictions nées de la mondialisation, alors que ces dernières sont désormais criantes dans la plupart des démocraties.</p>
<h2>Un secteur emblématique</h2>
<p>Le choix du secteur de la sidérurgie et de celui de l’aluminium par le président américain est loin d’être un hasard. Il est emblématique à plus d’un titre pour Donald Trump.</p>
<p>Tout d’abord, par cette annonce, le Président des États-Unis s’adresse à son électorat. Fidèle à son projet de réindustrialisation fondée sur la relocalisation des activités sur le sol américain et sur les énergies fossiles, il indique au fameux <a href="http://www.slate.fr/story/128228/etats-midwest-trump-classe-ouvriere">ouvrier blanc du Wisconsin</a> qu’il ne l’a pas oublié alors que les premiers effets de sa politique, notamment fiscale, sont clairement <a href="https://www.courrierinternational.com/article/donald-trump-plus-que-jamais-president-des-riches">à l’avantage des ultra-riches</a>. En témoigne l’euphorie récente sur les marchés boursiers américains et la douche froide (quoique toute tempérée toutefois) à Wall Street suite à cette annonce. Cet appel du pied vers sa base électorale est à mettre bien sûr en relation avec les récents déboires électoraux du Parti républicain et le prochain renouvellement d’une partie du Congrès, qui pourrait être bien moins favorable au Parti démocrate qu’il n’y paraît. Les sortants au Sénat par exemple, qui sera renouvelé d’un tiers, sont en grande majorité déjà démocrates.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"969183644756660224"}"></div></p>
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<p><em>« Nos industries de l'acier et de l'aluminium (et bien d'autres) ont été décimées par des décennies de commerce déloyal et de mauvaises politiques avec des pays du monde entier. Nous ne devons plus laisser notre pays, nos entreprises et nos travailleur être mis à mal. Nous exigeons un commerce libre, équitable et intelligent ! »</em></p>
</blockquote>
<p>Ensuite, en suggérant initialement que ces hausses de tarifs seraient non-discriminées, Donald Trump fait d’une pierre deux coups. Alors que les grandes puissances commerciales signent ou négocient des accords tous azimuts entre elles, il force les partenaires des États-Unis à réagir à la politique américaine. Il reprend ainsi la main sur l’agenda commercial international. Mais surtout, il oriente la renégociation de l’<a href="https://www.latribune.fr/economie/international/trump-conditionne-les-droits-de-douane-sur-l-acier-a-un-accord-juste-sur-l-alena-770745.html">Accord de Libre-Échange Nord-Américain</a> (ALENA) avec le Mexique et le Canada en annonçant clairement qu’il est prêt à des sacrifices importants, et en rappelant ces derniers à leurs bons souvenirs. Car déjà sous Georges Bush fils, le secteur sidérurgique avait servi de moyen de pression, bien qu’à une échelle plus faible et de manière temporaire.</p>
<p>Contrairement à ce qu’on peut donc lire ici ou là, renoncer aux avantages du libre-échange dans le cadre de l’ALENA n’est en rien une aberration dans l’esprit de Donald Trump, car il souhaite renégocier en profondeur cet accord. C’est parce que les États-Unis ont un <a href="http://www.lapresse.ca/affaires/economie/international/201803/05/01-5156095-acier-trump-lie-une-exemption-du-canada-a-lalena.php">excédent commercial sur l’acier avec le Canada</a> qu’ils deviennent crédibles aux yeux des Mexicains et des Canadiens. Quand on veut négocier et aboutir à un accord, il faut parfois mettre sur la table ce qu’on est prêt à sacrifier.</p>
<p>Enfin, le secteur de l’acier est emblématique car il symbolise à lui seul le mode de pensée du Président des États-Unis. <a href="http://www.lemonde.fr/argent/article/2017/02/03/le-programme-economique-de-donald-trump-est-un-retour-a-un-mercantilisme-primitif_5074382_1657007.html">En mercantiliste qu’il est</a>, il considère par définition qu’un déficit commercial est mauvais pour son pays. Il cherche donc à prendre des mesures visant à rétablir l’équilibre dans les échanges bilatéraux. Or, d’une part, le secteur de l’acier est clairement en <a href="http://www.lepoint.fr/politique/emmanuel-berretta/l-europe-se-protege-de-l-acier-chinois-01-12-2017-2176545_1897.php">surproduction mondiale</a>. D’autre part, des pays comme la Chine n’hésitent pas à le subventionner et s’attirent l’ire de Washington depuis longtemps déjà, et ce même si les importations d’acier en provenance de Chine représentent une très faible part des importations américaines. Enfin, c’est un secteur qui permet d’invoquer des raisons de sécurité nationale, donc de gagner du temps en cas de contestation à l’OMC. Ce qui va fort probablement se produire.</p>
<h2>Des arguments économiques inopérants</h2>
<p>Le principal argument avancé pour contester la décision américaine s’appuie sur une version simplifiée de la théorie des avantages comparatifs développée par <a href="http://wp.unil.ch/bases/2013/04/david-ricardo-et-les-avantages-comparatifs/">David Ricardo</a> au début du XIX<sup>e</sup> siècle puis par les économistes libéraux au XX<sup>e</sup> siècle. Un tarif douanier dégraderait nécessairement la situation économique du pays qui l’impose, dans la mesure où la perte qu’il engendre à ses consommateurs serait plus élevée que les gains pour les entreprises domestiques et pour l’État (<em>via</em> des impôts indirects supplémentaires). Il dégraderait aussi, en conséquence, la situation économique mondiale, notamment celle du partenaire commercial, dont les exportations seraient amoindries. Celui-ci pourrait même légitimement imposer des droits de douane en représailles à d’autres secteurs d’activité, engendrant ainsi une guerre commerciale. Menace que l’Union européenne a d’ailleurs <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/l-union-europeenne-menace-de-taxer-le-beurre-de-cacahuete-le-jus-d-orange-et-le-bourbon-americains_2644700.html">immédiatement exprimée</a>.</p>
<p>Sauf que cet argument s’applique au cas de petit pays, c’est-à-dire au cas de pays dont ni l’offre ni la demande du produit concerné par le tarif douanier n’ont d’effet majeur sur le prix international. Sur ce point, et sans entrer dans des détails théoriques trop techniques, on peut avancer que le poids de la demande américaine est tel qu’une modification des flux commerciaux d’acier ou d’aluminium pourrait avoir un effet sur le prix international, ou à tout le moins sur le prix nord-américain. Cela modifierait ce que les économistes appellent les <a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1383">« termes de l’échange »</a>, c’est-à-dire le prix relatif du produit importé. Des économistes comme Harry Gordon Johnson ont démontré dès les années 50 que dans ce cas un grand pays a tout intérêt à imposer un tarif douanier « optimal », c’est-à-dire un tarif douanier positif suffisamment fort pour que les gains de l’échange international soient essentiellement pour lui, mais suffisamment faible pour que les flux commerciaux ne disparaissent pas entièrement.</p>
<p>À cet argument, on peut aussi ajouter celui du rôle des économies d’échelle sur la compétitivité de la production du grand pays. Or, dans un secteur comme celui de la sidérurgie, toute hausse de la taille de la production a nécessairement pour effet de faire baisser le coût moyen. La mise en place d’un tarif douanier pourrait donc permettre d’améliorer de manière décisive la compétitivité de l’acier américain, ce qui permettrait par la suite aux États-Unis de revendiquer à nouveau le libre-échange dans ce secteur avec des prix plus faibles que le prix international de l’acier. On connaît le cas d’autres pays, comme la Chine, pour lesquels ce type de stratégie a été mis en place, par exemple dans le <a href="https://journalhorizonseconomiques.com/2018/03/01/made-in-china-le-developpement-des-villes-industrielles-chinoises/">secteur du bouton</a> ou dans celui hautement plus stratégique <a href="https://www.letemps.ch/economie/pekin-remplace-quotas-dexportation-terres-rares-licences">des terres rares</a>.</p>
<p>Cet argument n’est toutefois pas suffisant non plus, dans la mesure où le détournement de flux d’acier du fait de la mise en place du tarif américain ne serait pas suffisant pour avoir un <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/0301367632116-trump-fait-planer-le-spectre-dune-guerre-commerciale-2158190.php">effet sur le prix international</a>, sauf pour les pays d’Europe, pour laquelle la surproduction est moins prononcée et qui devraient alors subir une hausse de la concurrence d’acier en provenance du monde entier. Ce détournement s’élèverait à seulement 17 millions de tonnes sur les 500 millions annuels échangés dans le monde.</p>
<h2>Une instrumentalisation politique de la question commerciale</h2>
<p>Dès lors, comment comprendre l’annonce de Donald Trump ? Tout simplement en considérant que la question commerciale correspond, dans l’esprit du président américain, à des questions éminemment politiques.</p>
<p>Une question de politique internationale tout d’abord. L’actuel Président des États-Unis utilise l’arme tarifaire pour répondre à ce qu’il considère comme une injustice vis-à-vis des États-Unis. Jusqu’à présent, les États-Unis ont toujours mis en avant le libre-échange alors que des pays comme la Chine, le Japon ou l’Allemagne n’ont pas hésité à mener des politiques de compétitivité, assimilables elles aussi à du mercantilisme, sans miser sur leur croissance intérieure pour s’enrichir. Dans son esprit, c’est un juste retour des choses que d’agir contre ces politiques en menant le même type de politique non coopérative.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"969991653393039361"}"></div></p>
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<p><em>« Les États-Unis ont un déficit commercial annuel de 800 milliards de dollars à cause de nos “très stupides” accords et politiques. Nos emplois et notre richesse sont donnés à d'autres pays qui se jouent de nous depuis des années. Ils rient de la bêtise de nos précédents leaders. Ça suffit ! »</em></p>
</blockquote>
<p>Une question de politique interne ensuite. Donald Trump sait d’ores et déjà que la politique économique menée par son administration n’aura pas les résultats espérés. Il sait qu’elle mène déjà à des rachats massifs d’actions de la part des entreprises américaines et non à une hausse de leurs investissements. Et il sait aussi qu’elle renforce la tendance à la hausse du <a href="http://cepii.fr/PDF_PUB/pb/2017/pb2017-17.pdf">taux de change effectif du dollar</a> par rapport aux devises des principaux partenaires commerciaux des États-Unis. Ce phénomène limitera d’autant l’impact des hausses de tarif douanier sur les prix en dollar des importations américaines. Pour justifier son échec annoncé en matière de réduction du déficit commercial dans un contexte de plein emploi et de croissance forte, il est réduit à invoquer ce qu’il dénonce comme une injustice de la part des autres grandes puissances commerciales. Cette position inconfortable renforce d’autant sa tendance à la surenchère dans ce domaine.</p>
<h2>Des conséquences toujours plus graves pour l’économie mondiale</h2>
<p>Les conséquences à long terme de cette situation seront à n’en pas douter redoutables. D’abord parce que loin de remettre en ordre les pratiques des partenaires commerciaux des États-Unis, cette annonce ne fait que renforcer leur volonté de mener des politiques non coopératives en matière commerciale, à l’instar des pays de la zone euro à l’égard de l’Allemagne. Dans ce dernier cas, chaque pays cherche à améliorer individuellement sa compétitivité par la baisse du coût du travail, au détriment de la demande globale.</p>
<p>Surtout, cette annonce et la politique qui la sous-tend augmentent le degré de conflictualité des relations économiques internationales au moment même où le monde a besoin de davantage de coopération internationale : plus de coopération pour lutter contre le dérèglement climatique, plus de coopération pour lutter contre la hausse des inégalités, plus de coopération pour lutter contre l’instabilité financière, et plus de coopération pour lutter contre la pauvreté et le chômage de masse.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"969525362580484098"}"></div></p>
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<p><em>« Quand un pays (les États-Unis) perd des milliards de dollars avec virtuellement tous les pays avec lesquels il fait affaire, les guerres commerciales sont bonnes et faciles à gagner. Par exemple, quand nous avons un déficit de 100 milliards de dollars avec un certain pays et qu'il fait le malin, on arrête de commercer - on gagne gros. C'est facile ! »</em></p>
</blockquote>
<p>Donald Trump récolte une volée de bois vert de la part du monde entier parce qu’il annonce clairement la couleur : la mesure qu’il prend est visible car ciblée sur les tarifs douaniers. Si l’on peut douter des effets positifs d’une telle politique, on ne doit néanmoins pas oublier que les guerres commerciales sont monnaie courante dans l’histoire. Mais ni le libre-échange, ni le mercantilisme ne sont la solution à ces conflits. Seul un protectionnisme fondé sur la mise en compatibilité des politiques commerciales des grandes puissances économiques est à même de restaurer une croissance durable et soutenable, car non fondée sur la lutte de tous contre chacun. Cette situation a déjà existé après-guerre. Elle s’accommodait même d’une baisse graduelle des tarifs douaniers mais limitée à quelques secteurs.</p>
<p>Malheureusement, le mercantilisme de plus en plus ouvert des États-Unis et celui bien plus sournois des autres pays éloigne chaque jour davantage le monde d’une solution négociée et raisonnable à la problématique du système commercial. La sortie de crise de la mondialisation ne semble pas pour demain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92864/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Grégory Vanel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Condamnée par nombre d’économistes, l’annonce sur l’acier ne peut exonérer les grandes puissances commerciales d’une part de responsabilité dans la hausse de la conflictualité de l’économie mondiale.Grégory Vanel, Professeur d'économie, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/813052017-08-23T22:08:53Z2017-08-23T22:08:53ZCe que représente vraiment la France dans l’économie mondiale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/180596/original/file-20170801-11176-53ryz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Paris, capitale économique et politique de la France.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/theodevil/9798739573/">Miroslav Petrasko/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Après l’euphorie temporaire qui a suivi la dernière élection présidentielle, en cette période de rentrée les vieux travers empreints de pessimisme reviennent. La presse économique regorge d’articles alarmistes sur le déclin de l’économie française, la France étant parfois présentée comme une « puissance immergente » (la notion d’« immergence » ou de « pays immergeant » apparaît dans une tribune de A. Dupui-Castérès dans Le Monde en 2010 avant d’être reprise en 2012 par B. Dugué et en 2013 par C. Benoît (Huffington Post).</p>
<p>Bien sûr, les sujets de préoccupation sont souvent réels et légitimes. Dans bien des cas cependant, la surréaction est devenue la norme. Quelques chiffres (quoique toujours discutables) aident à y voir plus clair.</p>
<h2>La France, bientôt 5<sup>e</sup> puissance économique mondiale</h2>
<p>Avec moins de 1 % de la population mondiale (67 millions de personnes, <a href="http://www.worldometers.info/world-population/population-by-country/">22ᵉ rang sur ce critère</a>) et 0,45 % de la surface (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_et_territoires_par_superficie">41ᵉ rang mondial</a>), le fait que la France demeure la <a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2016/10/06/20002-20161006ARTFIG00002-la-france-redevient-la-cinquieme-economie-mondiale-grace-au-Brexit.php">5ᵉ puissance économique mondiale</a>, devant l’Inde, constitue déjà une réelle performance – bien qu’elle ait gagné une place à la faveur du décrochage du Royaume-Uni, plombé par le Brexit et la chute de la livre sterling.</p>
<p>Il est vrai que de tels classements méritent bien les critiques qui sont formulées à leur égard, notamment celle, la plus évidente, de reposer sur le PIB, indicateur <a href="https://theconversation.com/la-croissance-un-objectif-economique-trop-simpliste-73789">dont j’ai pointé les limites</a> dans une récente tribune (et effets pervers).</p>
<p>Si nos entreprises, qui réalisaient encore 6,5 % des exportations mondiales de biens et services au début des années 1990 n’en réalisent plus que <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Ressources/File/433008">3,5 % aujourd’hui</a>, la France reste la <a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2016/06/01/20002-20160601ARTFIG00135-la-france-perd-sa-place-de-6e-exportateur-mondial-au-profit-de-la-coree.php">7ᵉ puissance exportatrice mondiale</a>. Un classement lui aussi étonnant pour un observateur qui se bornerait à lire les principaux titres de la presse économique…</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/219854814" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Les grandes entreprises françaises : sources de difficultés et planche de salut</h2>
<p>Le manque d’entreprises de tailles intermédiaires <a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c2034">(ETI)</a> dans l’économie française est souvent présenté comme une cause du <a href="http://www.latribune.fr/economie/france/commerce-exterieur-c-est-la-berezina-636581.html">déficit du commerce extérieur</a> autant que comme une conséquence des relations difficiles qu’entretiennent ces ETI avec nos grandes entreprises.</p>
<p>Le caractère multinational de ces dernières témoigne de leur volonté de trouver à l’international, plutôt que sur le territoire national, les principaux moteurs de leur croissance. La production <a href="http://www.toupie.org/Dictionnaire/Delocalisation.htm">délocalisée</a> représente <a href="http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/la-france-pese-encore-lourd-dans-l-economie-mondiale-738862.html">2,5 fois</a> les exportations françaises. Ce chiffre s’avère très élevé si on le compare à ceux que l’on observe en Allemagne (1,45 fois) ou en Espagne (0,70 fois).</p>
<p>Certes ces productions réalisées à l’étranger ne contribuent pas à améliorer la balance commerciale, mais elles génèrent des revenus pour l’ensemble de notre économie et de nos entreprises.</p>
<h2>L’économie mondiale en 2050</h2>
<p>Au-delà du gain annoncé d’une place dans le classement (due aux difficultés passagères du Royaume-Uni), il est toujours intéressant d’adopter une vision à plus long terme. Cette dernière confirme le déplacement du centre de gravité de l’économie mondiale <a href="https://www.lesechos.fr/10/02/2015/lesechos.fr/0204147504484_les-pays-emergents--centre-de-gravite-de-la-croissance-mondiale-a-terme.htm">des pays dits développés aux pays émergents</a>.</p>
<p>Les pays de l’E7 (Chine, Inde, Brésil, Indonésie, Mexique, Russie, Turquie) devraient représenter <a href="http://www.independent.co.uk/news/business/news/new-e7-nations-will-overtake-g7-by-2050-6107791.html">50 % de l’économie mondiale en 2050</a>, quand les pays du G7 (États-Unis, Canada, Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie, Japon) n’en représenteront plus que 20 %. Bien sûr, une partie de l’évolution du poids dans l’économie mondiale de ces deux groupes s’explique par la dynamique démographique (les pays de l’E7 représentent plus de trois milliards d’habitants contre moins d’un milliard pour les pays du G7). Il n’empêche que l’analyse de l’évolution des PIB par habitant tend à confirmer la place croissante des pays de l’E7, indépendamment de leur poids démographique.</p>
<p>Peu de travaux prospectifs se focalisent sur des critères alternatifs au PIB, comme le <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/economie/20110527.OBS4039/le-bib-preferer-le-bonheur-a-la-richesse.html">bonheur intérieur brut</a> : c’est sans doute pourtant le premier levier de prise de distance avec la vision du déclin annoncé.</p>
<h2>Pour une remise en cause salutaire des critères de classement</h2>
<p>Le jeu de la course à la puissance économique passe, nous l’avons vu, par l’augmentation du PIB et la recherche pure et simple de la croissance économique. Il est possible et salutaire de jouer un autre jeu : celui de la recherche <a href="https://theconversation.com/indicateurs-de-bien-etre-gouvernance-locale-et-paix-economique-73030">d’autres finalités que la croissance</a>.</p>
<p>Le contenu en emploi de la croissance et le contenu en mieux-être des emplois sont bien trop ignorés et absents des débats. Nombreux sont pourtant les exemples de pays affichant des taux de croissance élevés sans réduction du chômage (l’inverse est vrai également).</p>
<p>Le plein-emploi n’est <a href="http://www.lexpress.fr/actualite/politique/faut-il-vraiment-envier-le-modele-allemand_1396915.html">pas non plus le garant d’un supplément de bonheur</a>. Cumuler deux ou trois jobs devient de plus en plus courant, dans de nombreux pays, avec des effets évidemment délétères sur la qualité de vie. La vraie puissance consiste sans doute, plus qu’on ne le dit, à maintenir ou à améliorer cette <a href="http://www.psychomedia.qc.ca/lexique/definition/qualite-de-vie">qualité de vie</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/81305/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugues Poissonnier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Entre déclin fantasmé et maintien d’une puissance réelle, quelle est la véritable place de la France dans l’économie mondiale ?Hugues Poissonnier, Professeur d'économie et de management, Directeur de la Recherche de l’IRIMA, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-Etre au travail et Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/803772017-07-18T22:08:10Z2017-07-18T22:08:10ZLutte anti-corruption : guerre économique ou moralisation de la vie publique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/177595/original/file-20170710-5970-mkuy66.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Corruption.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/menottes-argent-corruption-%C3%A9conomie-2070580/">Pixabay</a></span></figcaption></figure><p>Quand une entreprise commet des erreurs de gouvernance interne, qu’elle est poursuivie par une juridiction étrangère pour cela et qu’elle doit en « paiement » céder des activités ou des brevets, s’agit-il d’une « attaque » ou d’une faille du système de management ?</p>
<p>De même, lorsque la presse révèle des activités illicites liées à une <a href="http://lemde.fr/2rdoaJR">organisation terroriste</a>, lorsque les <a href="http://bit.ly/2sHpF3I">mots de passe du réseau informatique</a> sont accessibles, ou encore lorsque le <a href="http://bit.ly/2tFI821">management refuse de considérer des technologies ou marchés émergents</a>. Dans tous ces cas, il s’agit d’erreurs humaines ou de jugement, et non d’actions « ennemies ».</p>
<p>La <a href="http://blog.euresis.com/index.php?/archives/1710-La-plupart-des-defaillances-dentreprises-nont-que-peu-de-liens-avec-la-concurrrence.html">plupart du temps, lorsqu’une entreprise défaille, ce n’est pas de la faute de la concurrence</a>. D’après des <a href="http://www.bpifrance-lelab.fr/Analyses-Reflexions/Les-Travaux-du-Lab/PME-au-fil-de-l-eau/Ressources-Documentaires2/Defaillance-d-entreprise">études publiées par BPI France</a>, les défaillances d’entreprises sont dues au contexte économique, la taille et l’âge de l’entreprise, son endettement ou plus simplement l’inadéquation entre son marché, ses produits et son modèle économique.</p>
<p>De même, pour Benjamin Gilad, <a href="http://www.emeraldgrouppublishing.com/learning/management_thinking/articles/strategic.htm">« surveiller ses concurrents sans perspective »</a> conduit à des échecs. Si l’analyse des concurrents se limite à reporter ces erreurs sur eux, il s’agit là d’un biais particulièrement handicapant dans l’avenir. Et considérer que nos adversaires ne peuvent, voire ne doivent, pas tirer parti des failles et faiblesses qui leurs sont offertes, est une erreur fondamentale de stratégie sans parler d’une certaine naïveté.</p>
<p>À l’heure du débat sur la moralisation de la vie publique, polémique car lui-même entaché d’affaires, et d’une <a href="http://bit.ly/2t5zyaU">explosion des normes et lois en la matière</a>, les entreprises n’ont plus le choix que d’anticiper le risque légal lié à la corruption ou aux organisations criminelles, ou les attaques financières ou réputationnelles.</p>
<p>À ce sujet le <a href="http://bit.ly/2tzXhU1">cas Alstom</a> a fait couler beaucoup d’encre mais il est en soi révélateur de certains dysfonctionnements internes graves et répétés dans la gouvernance d’une entreprise. À vouloir accuser les États-Unis de manier renseignement et justice à leurs bénéfices, ne chercherait-on pas à justifier le contournement des règles et donc la corruption ?</p>
<h2>Le cas Alstom</h2>
<p>Depuis 2007, Alstom se trouve ainsi englué dans plusieurs affaires de corruption au Mexique, en Italie, en Suisse, en Zambie, en Slovénie, au Brésil, aux États-Unis et au Royaume-Uni. Elles sont repérées par la NSA et la CIA et, en juillet 2013, le Department of Justice lance des poursuites judiciaires contre l’entreprise française pour un pot-de-vin de 300 000 dollars versé en 2004, par la filiale PT Alstom Indonesia, à un politicien local.</p>
<p>Alstom refuse de reconnaître les faits et n’accepte pas le « plaider coupable » suggéré par l’administration américaine. Celle-ci élargit alors ses investigations à plusieurs autres contrats internationaux. Le 15 avril 2013, elle fait arrêter <a href="http://bit.ly/2tGIrcZ">Frédéric Pierucci</a>, vice-président de la division chaudières, à l’aéroport JFK de New York.</p>
<p>En même temps l’entreprise française est condamnée à une amende de 772 millions d’euros – la plus forte jamais infligée par l’administration américaine pour fait de corruption en dehors des États-Unis – amende qui n’a pas été provisionnée <a href="http://bit.ly/2sw9xC9">dans ses comptes</a>.</p>
<p>Dans cette situation l’entreprise a « dû » vendre sa branche énergie. Mais ses dirigeants, et actionnaires, pouvaient-ils ignorer les risques alors que plusieurs affaires émergeaient et que l’entreprise avait déjà été mise en cause en Suisse pour corruption en entre 2008 et 2011, <a href="http://on.wsj.com/2t6bEvE">par exemple</a> ?</p>
<h2>Qui est corrompu ? Qui est le corrupteur ?</h2>
<p>L’entreprise avait adopté un code éthique, créé une direction éthique et conformité, obtenu une certification. Mais malgré cela,</p>
<blockquote>
<p>« plongée dans le quotidien de la compétition au couteau de la mondialisation… elle a poursuivi ses pratiques de conquête de marchés de façon très sophistiquée mais sans <a href="http://bit.ly/2sw9xC9">prendre de précaution</a> ».</p>
</blockquote>
<p>Donc malgré des pratiques illégales connues, l’entreprise s’est laissée attaquer par la concurrence. Cette justification a posteriori est spécieuse d’autant que cela permet d’occulter le fait que l’on pourrait également enquêter légitimement sur cette concurrence aux pratiques identiques.</p>
<p>La <a href="http://bit.ly/2tAiqh2">recherche sur le sujet existe</a> et les entreprises américaines ne sont pas les dernières à corrompre (JP Morgan, HP, Wall-Mart).</p>
<p>Cependant, il est également bien pratique d’accuser les entreprises d’être à l’origine des affaires de corruption.</p>
<p>Prenons un exemple fictif mais réaliste : dans le cadre de la modernisation de l’aéroport de sa capitale, le premier ministre d’un pays d’Europe de l’Est, nouvellement entré dans l’union, mets en place un système corruptif faisant appel à d’anciens de ses services, reconvertis dans tous les trafics, et à un de ses députés européens, membre d’un parti nationaliste.</p>
<p>Une entreprise face à ce système n’a d’autre choix que de se retirer de l’appel d’offres car les risques sont trop importants du point de vue légal et financier.</p>
<p>Mais sans une organisation interne vigilante sur l’éthique et la connaissance de la réalité des pays en développement ou même européens, l’entreprise pourrait être contrainte de respecter les « conditions » imposées : ici le corrompu est le pouvoir légal du pays, comme ce fut le cas en Indonésie. On pourrait citer d’autres pays où la situation est identique, comme l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud mais aussi le Canada et même la Suède !</p>
<h2>L’anticorruption, moyen de défense économique</h2>
<p>L’application stricte des lois, standards et codes dans le domaine de la lutte anticorruption devient donc un moyen de « défense économique » mais aussi un outil concurrentiel face à des pays/entreprises ne les appliquant pas toujours à la lettre : les entreprises n’appliquant pas la <a href="http://bit.ly/2u5wPCw">norme 37001 sur les systèmes de management anticorruption</a> ne devraient plus être autorisées à des appels d’offres ou obtenir des financements internationaux.</p>
<p>Un reproche souvent fait aux États-Unis est l’utilisation extraterritoriale de leur droit pour contrer des pays dans le développement de leurs relations avec l’Iran par exemple. Un Vice-Ministre des Affaires étrangères iranien a témoigné devant des industriels que les États-Unis avaient rédigé un vade-mecum pour les entreprises américaines permettant de contourner leurs propres sanctions légalement.</p>
<p>L’existence de ce vade-mecum était connue du Ministère de l’Économie, ainsi que des services de l’État, mais n’a jamais était dénoncée par le Ministère des Affaires étrangères. Au-delà de leur posture « anti-Iran » les États-Unis développaient, avant même la signature de l’accord sur le nucléaire, leurs affaires, <a href="http://nyti.ms/2sWLccU">quitte à passer par des « faux nez »</a>. Est-ce de la duplicité ou de « l’intelligence stratégique » ?</p>
<p>Le volet anticorruption de la Loi Sapin II pourrait s’appliquer non seulement aux entreprises françaises mais aussi aux filiales d’entreprises étrangères. Le Department of Justice américain a bien poursuivi la filiale de la BNP à New York par exemple. Celle-ci savait parfaitement qu’elle enfreignait la loi interdisant les transactions en dollars avec l’Iran et a pourtant continué, cas aboutissant à une amende record.</p>
<h2>Le droit et la guerre économique</h2>
<p>Dans ces cas, peut-on objectivement contester l’application du droit au prétexte d’une « guerre économique » où nous ne prenons pas les précautions sécuritaires et éthiques élémentaires pour éviter une « attaque » fût-elle étatique dans un objectif économique. Si le concept de guerre économique est parlant, car faisant appel à un champ lexical s’appuyant sur une mémoire collective encore marquée par les conflits mondiaux, la Guerre froide, ou les opérations extérieures, on peut considérer qu’il s’agit d’un abus de langage, comme le <a href="http://bit.ly/2t6c1Xj">souligne Fanny Coulomb</a>.</p>
<p>Au-delà de la question des termes, les objectifs, moyens et acteurs des relations économiques, même s’il s’agit de prise de contrôle « hostiles » (à nouveau un terme marquant) ou de captation de technologies par l’espionnage, n’impliquent pas de destructions à grandes échelles, d’attaques contre des populations civiles.</p>
<p>Cependant l’impact stratégique des « opérations de guerre économique » est effectif avec la remise en cause du modèle social. Les pays doivent s’adapter aux évolutions des flux économiques, avec la mise en place de stratégies pour spécialiser un pays sur certains produits, d’au contraire diversifier les activités ou encore privilégier l’innovation technologique comme moteur de croissance.</p>
<p>L’expression « guerre économique » est présente chez les auteurs dits mercantilistes ou marxistes dès le XVI<sup>e</sup> siècle, face aux libéraux dont la théorie défend la thèse selon laquelle le « laisser-faire » et l’accroissement du « commerce des nations » vont dans le sens d’une pacification des relations entre pays. La conception mercantiliste elle considère que pour accroître ses débouchés il faut les prendre aux autres pays et concurrents.</p>
<p>La guerre économique est donc une opposition de pensées économiques qui pourrait s’appeler alors « conflictualités des économies ». À l’inverse, on pourrait considérer que la balance commerciale déficitaire de la France, les pertes de parts de marché ou une organisation productive concentrée autour de quelques grands groupes (contrairement à l’Allemagne ou l’Italie), sont la conséquence de la guerre économique menée à notre encontre par les pays concurrents.</p>
<p>Mais ne s’agit-il pas plutôt d’un déficit d’analyse à l’échelle des entreprises ou de l’état des marchés exports et des stratégies de ces concurrents ? Il s’agit aussi d’un déficit de formation sur les métiers du renseignement, donc d’organisation et culture de l’enseignement. Mais il faut surtout cesser de considérer l’espionnage économique ou la corruption politique comme des raccourcis facilitant les « affaires ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/80377/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Memheld ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Certains spécialistes cherchent à se réfugier derrière le prétexte de la « guerre économique » pour faire oublier les erreurs de management inhérentes aux entreprises.Pierre Memheld, Responsable du Master Intelligence Economique et Gestion du Développement International, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.