tag:theconversation.com,2011:/ca/topics/open-access-22435/articlesopen access – The Conversation2021-11-04T19:16:49Ztag:theconversation.com,2011:article/1690712021-11-04T19:16:49Z2021-11-04T19:16:49ZComment la science ouverte peut faire évoluer les méthodes d’évaluation de la recherche<p>Des pandémies au changement climatique, en passant par l’automatisation et le <em>big data</em>, les défis du siècle sont immenses et impliquent, pour y répondre au mieux, que la science soit ouverte à tous. Il apparaît indispensable que les citoyens disposent du même accès à l’information que les chercheurs, et que les scientifiques aient accès à des référentiels de connaissances interconnectés et de haute qualité pour faire progresser notre compréhension du monde et <a href="https://theconversation.com/science-ouverte-et-covid-19-une-opportunite-pour-democratiser-le-savoir-164134">démocratiser le savoir</a>.</p>
<p>Ce sont en tout cas des principes directeurs du mouvement de la <a href="https://theconversation.com/la-science-ouverte-refaire-circuler-le-savoir-librement-133408">science ouverte</a>, qui estiment que la durabilité et l’inclusion lui sont essentielles et qu’ils peuvent être favorisés par des pratiques, des infrastructures et des modèles de financement partagés, qui garantissent la participation équitable des scientifiques d’institutions et de pays moins favorisés à la poursuite du savoir et du progrès.</p>
<p>Nous devons garantir que les <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-chercheurs-ouvrent-ils-leurs-recherches-135707">bénéfices de la science</a> soient partagés entre les scientifiques et le grand public, sans restriction. Mais comment y parvenir ? Une partie de la réponse réside dans la construction de systèmes scientifiques nationaux capables de partager et d’améliorer une diversité de connaissances.</p>
<p>La prédominance des articles scientifiques en <a href="https://doi.org/10.3897/ese.2021.e59032">anglais</a> ainsi que le nombre encore trop faible de publications en <a href="https://doi.org/10.3897/ese.2021.e63663">accès ouvert</a> peuvent être dus à la plus grande pondération attribuée à ces publications lors des évaluations.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1429685724568244227"}"></div></p>
<p>Par conséquent, la pertinence des recherches rapportées dans ces publications pour les communautés locales peut être remise en question, du fait de la barrière de la langue. Voici quelques pratiques de science ouverte pour transformer les réglementations actuelles liées à l’évaluation pour les rendre plus en phase avec la performance et de l’impact de la recherche.</p>
<p>Pour rappel, c’est en France le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (<a href="https://www.hceres.fr/">HCERES</a>) qui est en charge d’évaluer les <a href="https://theconversation.com/le-hceres-conversation-avec-evelyne-lande-sur-levaluation-de-la-recherche-et-de-lenseignement-superieur-95037">produits de la recherche et les activités de recherche</a>.</p>
<h2>Atteindre le bon public</h2>
<p>La première étape pour s’assurer que notre travail atteigne le bon public est de le rendre largement accessible, comme avec <a href="https://doi.org/10.2138/gselements.16.1.6">l’accès ouvert aux publications</a>. Mais l’accessibilité ne signifie pas que notre public cible « verra » notre travail. Il existe des milliers de revues disponibles et personne n’a le temps ou les ressources nécessaires pour lire chaque publication.</p>
<p>La deuxième étape est de créer une communauté et d’impliquer le grand public. Les méthodes de communication en ligne (par exemple, Twitter, Reddit, Facebook, les blogs) ont souvent eu mauvaise réputation dans les cercles scientifiques et ne sont généralement pas perçues comme savantes.</p>
<p>Pourtant, ces plates-formes constitueraient un outil redoutablement efficace pour la transmission de la recherche. Cela peut être quelque chose d’aussi simple que d’écrire un article de blog (comme sur <a href="https://www.echosciences-hauts-de-france.fr/">Echosciences</a>), pour The Conversation, de participer à un podcast de communication scientifique, de tweeter nos dernières découvertes ou simplement de dessiner une bande dessinée ou un croquis scientifique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1280504763910631431"}"></div></p>
<p>Il est important que les connaissances que nous produisons puissent atteindre rapidement les personnes pour lesquelles elles sont pertinentes. C’est pourquoi les chercheurs engagés sont souvent visibles dans les cercles publics plutôt que dans les cercles académiques : ils sont fréquemment invités dans les médias de masse traditionnels, tels que les journaux, la radio et la télévision, et sont heureux de donner des présentations académiques populaires à des non-experts.</p>
<p>Par exemple, avec 6 chercheurs de 6 pays (Afrique du Sud, Chine, France, États-Unis, Grande-Bretagne et Indonésie), nous avons récemment écrit un article sur les pratiques de l’accès ouvert aux publications en sciences de la terre. Nous avons relayé nos travaux par un article de blog en indonésien, un deuxième en anglais, retranscrit les principaux résultats sur Wikipédia en Français, relayé sur les réseaux sociaux en Chine via Sina Weibo et en Asie plus largement via WeChat et à l’international via Facebook, Twitter et Reddit.</p>
<p>Le plus important est que nos connaissances soient dispersées et arrivent là où elles peuvent être comprises et utilisées.</p>
<h2>Changer les critères de l’évaluation</h2>
<p>Le développement de la science ouverte pose aussi la question de l’évaluation de la recherche et des chercheurs. Sa mise en œuvre nécessite en effet la prise en compte de l’ensemble des processus et activités de recherche dans l’évaluation et non seulement les articles publiés dans des revues internationales évaluées par les pairs.</p>
<p>Mais attention à ne pas tomber dans les travers de l’évaluation comme nous le soulignons avec <a href="https://doi.org/10.3897/ese.2021.e59032">quelques collègues</a>. Comment pouvons-nous espérer bénéficier d’une évaluation de la recherche basée sur le nombre d’articles, sur les citations de ces mêmes articles si les caractéristiques des citations et l’analyse des citations reflètent uniquement la citation de nos travaux dans des articles scientifiques et non pas l’impact direct de notre recherche, notamment vis-à-vis du grand public ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1230253354791600128"}"></div></p>
<p>La Déclaration de San Francisco sur l’évaluation de la recherche (<a href="https://sfdora.org/read/read-the-declaration-french/">Dora</a>) rendue publique en 2012 et le <a href="https://www.ouvrirlascience.fr/le-manifeste-de-leiden-pour-la-mesure-de-la-recherche/">Manifeste de Leiden</a> publié en 2015 visent à améliorer les pratiques d’évaluation, en alertant notamment sur le mauvais usage de certains indicateurs bibliométriques dans le cadre de recrutements, de promotions ou d’évaluations individuelles de chercheurs.</p>
<p>À ce jour, plus de 2 300 organisations de plus de 90 pays ont signé la déclaration dont 57 en France et plus de 18 000 chercheurs, dont plus de 1 200, en France.</p>
<h2>Le facteur d’impact des journaux, indicateur biaisé</h2>
<p>Ces deux textes relèvent en particulier que les différentes parties prenantes des systèmes de recherche font usage de deux indicateurs, pourtant largement critiqués par la communauté scientifique.</p>
<p>La Déclaration de San Francisco insiste plus particulièrement sur le mauvais usage du facteur d’impact des journaux scientifiques (moyenne du nombre de citations des articles de ces revues publiés durant les deux années précédentes). Le mode de calcul de cet indicateur utilisé pour mesurer indirectement la visibilité d’une revue, crée un biais en faveur de <a href="https://doi.org/10.2138/gselements.16.4.229">certaines revues</a> et il peut en outre faire l’objet de manipulations.</p>
<p>De plus, il ne tient pas compte de la diversité des pratiques entre disciplines, ce qui peut introduire des biais dans les comparaisons entre scientifiques.</p>
<h2>Trop d’importance donnée au nombre de citations</h2>
<p>Le manifeste de Leiden s’attache lui à l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Indice_h">indice h</a>, proposé en 2005 par le physicien <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jorge_Hirsch">Jorge Hirsch</a> et dont l’usage s’est très rapidement répandu.</p>
<p>L’ambition de cet indicateur composite était de rendre compte simultanément du nombre de publications d’un chercheur et de leur impact scientifique, en comptabilisant le nombre de citations des articles publiés.</p>
<p>En réalité, la définition de cet indice, qui a séduit par sa simplicité, fait du nombre de publications la variable dominante et ne surmonte pas la difficulté qu’il y a à mesurer deux variables (nombre d’articles et nombre de citations) avec un seul indicateur.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1259948853656256514"}"></div></p>
<p>L’indice h met sur un pied d’égalité un chercheur ayant peu de publications, mais toutes très citées, et un chercheur très prolifique dont les publications sont peu citées. Par exemple, un chercheur ayant 5 publications toutes citées plus de 50 fois aura un indice h de 5. De même, un chercheur ayant 50 publications dont 5 citées au moins 5 fois aura un indice h de 5.</p>
<p>L’indice h dépend aussi de la base de données à partir de laquelle il est calculé comme nous le <a href="https://doi.org/10.3897/ese.2021.e59032">mentionnions</a> récemment, car seules les publications présentes dans la base de données sont prises en compte.</p>
<p>Dans le cadre de la science ouverte et la publication de résultats pour le grand public, les articles dans des revues locales (en langue du pays) ne seront pas considérés et donc les citations de ces travaux non comptabilisées dans ce type d’indicateur, créant ainsi des inégalités dans l’évaluation si des chercheurs ont fait l’effort de choisir cette voie de diffusion.</p>
<h2>D’autres indicateurs plus pertinents ?</h2>
<p>La Déclaration de San Francisco et le Manifeste de Leiden ne se contentent pas de critiquer ces deux indicateurs : ils avancent des recommandations en matière d’utilisation d’indicateurs scientométriques, notamment en matière d’évaluation.</p>
<p>Ces recommandations s’articulent autour d’un certain nombre de sujets : la nécessité de mettre un terme à l’utilisation d’indicateurs basés sur les revues, comme les facteurs d’impact, dans le financement, les nominations et les promotions ; celle d’évaluer la recherche sur sa valeur intrinsèque plutôt qu’en fonction de la revue où elle est publiée ; et celle d’exploiter au mieux les possibilités offertes par la publication en ligne (comme la levée de restrictions inutiles sur le nombre de mots, de figures et de références dans les articles et l’exploration de nouveaux indicateurs d’importance et d’impact).</p>
<p>Bien que l’évaluation ait toujours été associée à la recherche scientifique, la frénésie des critères dominants, comme la publication à outrance dans des revues réputées, pourrait être confrontée au transfert fait vers la société. Enfin, une <a href="https://doi.org/10.1186/s12874-021-01304-y">plus grande transparence</a> devrait être associée à l’adoption d’un ensemble plus diversifié de mesures pour évaluer les chercheurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169071/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Pourret a reçu des financements de l’ambassade de France en Indonésie dans le cadre du projet « Science & Impact » sur les pratiques de l'accès ouvert aux publications scientifiques en sciences de la terre.</span></em></p>Le développement de la science ouverte pose la question de l’évaluation de la recherche et des chercheurs mais aussi de nouveaux outils et pratiques à mettre en oeuvre.Olivier Pourret, Enseignant-chercheur en géochimie et responsable intégrité scientifique et science ouverte, UniLaSalleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1641342021-08-22T16:41:36Z2021-08-22T16:41:36ZScience ouverte et Covid-19 : Une opportunité pour démocratiser le savoir ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/416780/original/file-20210818-19-3ji84w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C0%2C5168%2C3445&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le libre accès aux résultats scientifiques permet de lutter contre la pandémie.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/L8tWZT4CcVQ">National Cancer Institute, Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Nos chercheuses et chercheurs sont confrontés au quotidien au dilemme suivant, que la pandémie a révélé au grand public : « Comment faire bénéficier la société dans son ensemble des résultats de recherches financées par des fonds publics et qui concernent des questions de première importance pour l’humanité, alors que les grands éditeurs mettent ces travaux <a href="https://m.youtube.com/watch?feature=youtu.be&v=WnxqoP-c0ZE">sous séquestre</a> ? »</p>
<p>Depuis le début du siècle, un nouveau modèle a émergé pour briser les barrières qui enferment le savoir, celui de la <a href="http://www.academieroyale.be/fr/publications-academie-toutes-publications-detail/oeuvres-2/science-ouverte-defi-transparence/">science ouverte (Open Science)</a>, transparente et accessible à tous. Cette approche novatrice a convaincu de sa pertinence de nombreux chercheurs et des décideurs, au premier rang desquels l’Union européenne, la science ouverte constituant un pilier de <a href="https://ec.europa.eu/research/openscience/index.cfm">l’Espace européen de la Recherche (ERA)</a>.</p>
<p>Elle a même conquis certains éditeurs tels que les géants de l’édition Elsevier ou Springer qui transforment leurs modèles économiques et font désormais payer aux auteurs des frais de publication en libre accès. En France et pour l’année 2017, ces frais s’élevaient en moyenne – tous types d’éditeurs confondus – à <a href="https://www.couperin.org/negociations/depenses-apc/recueil-et-analyse-des-apc-2015-2017">1754 euros par article</a>.</p>
<p>D’autres modèles économiques sont possibles cependant, depuis le dépôt des articles sur des répertoires numériques jusqu’au financement public de l’édition en Open Access (par exemple, toujours en France, <a href="https://www.openedition.org/">OpenEdition</a>). La science ouverte, surtout quand elle n’est pas mise au service des éditeurs et de leurs profits, permet de démocratiser les savoirs, de surmonter les inégalités dans l’accès à la connaissance, en <a href="https://theconversation.com/comment-la-science-ouverte-peut-favoriser-la-recherche-de-qualite-dans-les-pays-a-faible-revenu-157984">particulier dans les pays et les institutions les plus pauvres</a>, tout en accroissant l’utilisation des preuves scientifiques en soutien à la prise de décision politique.</p>
<h2>Faire face à la pandémie</h2>
<p>Depuis janvier 2020, le paysage de l’édition scientifique s’est transformé de façon accélérée, s’éloignant toujours plus du <a href="http://corist-shs.cnrs.fr/sites/default/files/billets/rads_241014.pdf">modèle traditionnel de l’accès restreint et conditionnel à la connaissance</a>.</p>
<p>Répondant à l’appel des autorités scientifiques de douze pays et aux exhortations de <a href="https://news.un.org/en/story/2020/10/1076292">l’ONU</a>, de <a href="https://en.unesco.org/news/milestone-unescos-development-global-recommendation-open-science">l’Unesco</a>, de <a href="https://www.who.int/initiatives/act-accelerator">l’OMS</a> et de la <a href="https://cordis.europa.eu/article/id/418274-discover-oscovida-the-panosc-open-science-covid-analysis-platform-tracking-data-about-covid19/es">Commission Européenne</a>, la plupart des éditeurs commerciaux ont rendu disponibles aux chercheurs du monde entier et de façon <a href="https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/research_and_innovation/news/documents/coronavirus_open_access_letter.pdf">rétroactive</a> les articles relatifs à la Covid-19 et aux coronavirus. Les délais entre la soumission et l’acceptation des articles ont aussi été <a href="https://www.nature.com/articles/s41562-020-0911-0">considérablement diminués</a>, passant de cent à six jours en moyenne au cours des douze premières semaines de pandémie ! Il s’agit cependant ici d’un geste commercial temporaire plutôt que d’un basculement durable vers le libre accès généralisé à l’information scientifique, d’autant que la plupart de ces éditeurs continuent d’imposer aux auteurs des frais de publication qui ne cessent de croître.</p>
<p>Dans ce contexte, <a href="https://hal-cea.archives-ouvertes.fr/cea-02450327v2/document">on constate de plus en plus</a> que les chercheurs s’orientent vers des solutions de publication où ils ne cèdent pas leurs droits d’auteur aux éditeurs, où les résultats sont accessibles gratuitement et où les frais de publication, quand il y en a, reflètent le coût réel de la production.</p>
<h2>Adopter la « prépublication » rapide</h2>
<p>Un auteur peut aujourd’hui déposer sur un serveur informatique un manuscrit complet avant même que des pairs ne procèdent à son examen et avant la publication dans une revue à comité de lecture. Cette « <a href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Pr%25C3%25A9publication_(%25C3%25A9dition_scientifique)">prépublication</a> » (<em>preprint</em>) permet aux auteurs de revendiquer une idée, de prendre date et d’accélérer la diffusion gratuite de leur travail. Elle peut être modifiée ou mise à jour, commentée par des spécialistes et conservée sur le serveur de prépublication même si elle est publiée ultérieurement dans une revue. Les prépublications peuvent être citées et indexées et font l’objet d’une attention croissante dans les médias d’information et les réseaux sociaux. La tendance à prépublier doit toutefois s’accompagner d’une <a href="https://retractionwatch.com/retracted-coronavirus-covid-19-papers/">grande vigilance</a> quant à l’intégrité scientifique et la reproductibilité des résultats, sans quoi la crédibilité du processus serait remise en cause. Il est essentiel également que la presse généraliste, les décideurs politiques et le public comprennent le <a href="https://bmcmedresmethodol.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12874-021-01304-y">statut fragile et temporaire des informations contenues dans ces prépublications</a> qui demeurent en attente d’une consolidation, voire d’une confirmation.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/416782/original/file-20210818-21-1c2817y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416782/original/file-20210818-21-1c2817y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416782/original/file-20210818-21-1c2817y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416782/original/file-20210818-21-1c2817y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416782/original/file-20210818-21-1c2817y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416782/original/file-20210818-21-1c2817y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416782/original/file-20210818-21-1c2817y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La recherche biomédicale a besoin de données accessibles.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/jwWtZrm67VI">Christine Sandu/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>La pionnière des plates-formes de prépublication est <a href="https://arxiv.org/">arXiv</a>, née en 1991 et couramment utilisée depuis près de 30 ans par les physiciens et les mathématiciens. Plus récentes, <a href="https://connect.medrxiv.org/relate/content/181">medRxiv et bioRxiv</a>, <a href="https://www.researchsquare.com/coronavirus">Research Square</a> ou <a href="https://www.preprints.org/covid19">preprints.org</a> ont vu leurs dépôts d’articles augmenter de façon <a href="https://www.redactionmedicale.fr/2020/06/covid-19-15-000-pr%C3%A9prints-d%C3%A9pos%C3%A9s-en-mois-sur-40-plateformes-dont-4-000-sur-le-leader-medrxiv.html">très spectaculaire</a> durant la pandémie de Covid-19.</p>
<p>Ce succès confirme que, lorsque l’urgence prime, c’est <a href="https://connect.medrxiv.org/relate/content/181">vers ces outils rapides</a> que les chercheuses et chercheurs se dirigent en priorité, tant pour s’informer que pour informer. Les prépublications accélèrent également la mise en place de <a href="https://trustmyscience.com/nouvelle-culture-recherche-epidemie-coronavirus-change-maniere-scientifiques-communiquent/">collaborations internationales</a> permettant la compilation rapide d’un grand volume d’informations épidémiologiques et les manipulations d’un nombre gigantesque de données accumulées par de très nombreux scientifiques.</p>
<h2>Ouvrir l’accès aux données</h2>
<p>Au-delà de l’accès aux articles, la pandémie a souligné l’urgence de l’accès à des données génomiques, cliniques, mais aussi géographiques et économiques. Dès janvier 2020, les chercheurs ont téléchargé la séquence initiale du génome du SARS-CoV-2 dans une base de données en libre accès. Très vite également, la <a href="https://www.covid19dataportal.org/">plate-forme de données européenne sur la Covid-19</a> a rendu accessibles les données issues de grands centres de données biomédicales en Europe et au-delà. Des informations essentielles sur le virus, ses mutations, son infectiosité, sa sensibilité à des médicaments existants, le terrain génétique de ses victimes, sont ainsi instantanément accessibles à tous les chercheurs intéressés. Sans le partage à un stade initial des données, ni les méthodes de dépistage ni les vaccins n’auraient pu être développés aussi rapidement.</p>
<p>La qualité et la fiabilité d’un article scientifique, publié dans une revue ou en prépublication, reposent en outre sur la qualité et l’accessibilité des données qui le sous-tendent et qui doivent être vérifiables. La <a href="https://retractionwatch.com/retracted-coronavirus-covid-19-papers/">rétraction</a> du célèbre journal médical <em>The Lancet</em> <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)31180-6/fulltext">d’un article</a> sur l’inefficacité de l’hydroxychloroquine pour lutter contre la Covid-19 l’a démontré a contrario : les données, qui se sont avérées frauduleuses, n’étaient pas accessibles. Il faut donc encourager les scientifiques à <a href="https://www.rd-alliance.org/group/rda-covid19-rda-covid19-omics-rda-covid19-epidemiology-rda-covid19-clinical-rda-covid19-0">gérer leurs données</a> avec autant d’attention qu’ils publient leurs articles : en assurer la qualité scientifique – souvent <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11192-020-03587-2">trop faible</a> actuellement –, les déposer dans des <a href="https://www.ouvrirlascience.fr/plan-de-gestion-de-donnees-recommandations-a-lanr/">répertoires numériques certifiés et interopérables</a>, selon les standards de leur discipline. À l’heure actuelle, seule une petite minorité des articles dédiés à la Covid-19 disponibles sur la base de données bibliographique en <em>Open Access PubMed Central</em> donne accès <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33935332/">aux données sous-jacentes</a>.</p>
<h2>Impliquer les sciences humaines</h2>
<p>Enfin, la pandémie, comme les autres défis de société, nécessite une collaboration entre spécialités. Si les sciences biomédicales tiennent le haut du pavé, la gestion de la communication et des politiques sanitaires ainsi que les effets de la crise sur la psychologie, l’économie et la culture requièrent d’urgence le partage des connaissances produites par les sciences humaines et sociales. La crise sanitaire y a suscité une prise de conscience et des efforts importants sont menés pour <a href="https://wprn.org/">rendre visibles</a> et <a href="https://covid19.eui.eu/About-the-Data-Portal">mettre en connexion</a> des initiatives jusqu’alors fragmentées.</p>
<p>Les chercheurs en sciences humaines et sociales s’impliquent également dans le débat public. Cent vingt académiques belges ont ainsi publié en Open Access des <a href="https://07323a85-0336-4ddc-87e4-29e3b506f20c.filesusr.com/ugd/860626_731e3350ec1b4fcca4e9a3faedeca133.pdf">propositions argumentées</a> pour une sortie de confinement durable tenant compte d’exigences d’équité sociale et de préoccupations environnementales. Les réflexions de certains d’entre eux ont été relayées également par le biais de <a href="https://www.cartaacademica.org/">chroniques</a> publiées en libre accès dans la presse traditionnelle, contribuant notamment à mettre la santé mentale et la dimension psychosociale de la crise à l’agenda des décideurs politiques, quand bien même les comités d’experts mandatés continuaient de privilégier les considérations cliniques et épidémiologiques.</p>
<p>Indépendamment de la discipline, c’est donc la communauté scientifique dans son ensemble qui a l’opportunité de s’affranchir de son addiction aux revues « à haut facteur d’impact » et accélérer la circulation du savoir dans la société. Puissent les transformations suscitées par la pandémie inciter les chercheurs à s’inscrire plus résolument dans une trajectoire où l’ouverture et le partage rendront à la science et à la recherche leur fonction originale : servir l’intérêt de chacun et de la collectivité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article fait partie de la série « Les belles histoires de la science en libre accès », publiée avec le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Pour en savoir plus, veuillez consulter la page <a href="https://www.ouvrirlascience.fr/">Ouvrirlascience.fr</a>.</em></p>
<hr><img src="https://counter.theconversation.com/content/164134/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La crise de la Covid-19 souligne la nécessité de la libre circulation des résultats de la recherche. La science ouverte doit désormais s’étendre à toutes les disciplines et tous les défis de société.Bernard Rentier, Rector Emeritus, Professor Emeritus of Virology and Viral Immunology, Université de LiègeMarc Vanholsbeeck, Docteur en sciences de la communication, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1584862021-05-02T16:21:30Z2021-05-02T16:21:30ZComment les scientifiques s’organisent pour s’affranchir des aspects commerciaux des revues<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/397855/original/file-20210429-13-15yhrqw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=44%2C17%2C5946%2C3970&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les mathématiciens sont des pionniers dans la diffusion libre des connaissances scientifiques.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/G66K_ERZRhM">Moritz Kindler, Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>L’expression « évaluation par les pairs » a fait irruption dans les médias avec la crise du Covid-19 et l’on en mesure bien l’importance : pour être dignes de foi, les résultats d’une recherche doivent d’abord être examinés de manière critique par d’autres spécialistes du domaine, des « pairs ». De fait, ce <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89valuation_par_les_pairs">processus</a> est une pierre angulaire de la recherche scientifique, d’autant plus importante aujourd’hui où tout un chacun peut « poster » ses écrits sur Internet.</p>
<p>Son histoire est liée à celle des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Revue_scientifique">revues scientifiques</a>. La rigueur de l’évaluation par les pairs mise en œuvre par les éditeurs scientifiques d’une revue fait sa réputation. Une revue attire d’autant plus de bons articles qu’elle est sélective, ce qui entretient un cercle vertueux. À partir des années 1950, de nombreuses revues scientifiques furent <a href="https://www.theguardian.com/science/2017/jun/27/profitable-business-scientific-publishing-bad-for-science">reprises ou lancées</a> par des <a href="https://www.lefigaro.fr/sciences/le-business-tres-juteux-des-revues-scientifiques-20200612">groupes privés</a> : le nombre de revues publiées par Pergamon press, basé à Oxford, passa de 40 à 150 en six ans au début des années 1960, tandis qu’Elsevier n’en avait que 10. Puis, dans cet exemple, Elsevier racheta Pergamon Press (et au passage la fameuse revue <em>The Lancet</em>) en 1991, et publie aujourd’hui <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Elsevier">2500 revues</a>.</p>
<p>Cependant, depuis les années 2000, le développement d’archives ouvertes institutionnelles, comme <a href="https://arxiv.org/">arXiv</a> et l’analogue français <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/">HAL</a>, a changé la donne dans le monde de l’édition scientifique. Des scientifiques et en particulier des mathématicien·nes ont commencé à imaginer d’autres modèles de publication que les revues traditionnelles.</p>
<h2>Les mathématiciens initient la publication avant évaluation par les pairs</h2>
<p>Un premier fait marquant est venu en 2002 du mathématicien russe Grigori Perelman. Parvenu à des résultats qui résolvaient en particulier l’un des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Probl%C3%A8mes_du_prix_du_mill%C3%A9naire">problèmes du millénaire</a>, il déposa ses articles sur arXiv et laissa la communauté mathématique s’en emparer sans les soumettre à une revue. Le processus prit quelques années, comme cela arrive régulièrement en mathématiques. Il aboutit néanmoins à la reconnaissance de ses résultats par l’attribution de la <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2006/08/23/maths-quatre-laureats-pour-la-medaille-fields_805596_3244.html">médaille Fields en 2006</a> et du <a href="https://www.lefigaro.fr/international/2010/03/24/01003-20100324ARTFIG00677-genie-des-maths-il-refuse-un-prix-d-un-million-de-dollars-.php">prix Clay en 2010</a>, des récompenses que Grigori Perelman refusa toutes les deux. Une évaluation rigoureuse par les pairs, et reconnue comme valide par ces distinctions, avait eu lieu sans passer par une revue.</p>
<p>En 2012, un autre mathématicien fut à l’origine d’une initiative retentissante : <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/02/14/le-mathematicien-timothy-gowers-un-combinatoricien-frondeur-au-college-de-france_6069938_1650684.html">Timothy Gowers</a> <a href="http://thecostofknowledge.com/">appela au boycott</a> des revues appartenant à Elsevier, dénonçant le « prix exorbitant » des abonnements et les « profits énormes » réalisés par le groupe. Il s’appuyait sur un texte intitulé <a href="https://gowers.files.wordpress.com/2012/02/elsevierstatementfinal.pdf">« The cost of knowledge »</a>, signé par 34 mathématicien·nes, dont huit basé·e·s en France.</p>
<p>Un dossier « Chercheurs, éditeurs : le débat » fut publié dans la Gazette d’avril 2012 de la <a href="https://smf.emath.fr/publications/la-gazette-des-mathematiciens-132-avril-2012">Société Mathématique de France</a>. La couleur est annoncée dans l’avant-propos : « les bibliothèques de mathématiques souffrent » et « les chercheurs s’interrogent sur le bien-fondé de la gestion actuelle par les éditeurs du processus de publication d’un article scientifique ». Ce dossier comprend une pétition concernant Springer, autre grand groupe de l’édition scientifique, aux côtés de la pétition concernant Elsevier, ainsi que la traduction en français du texte l’accompagnant : « Le Coût du savoir ».</p>
<h2>Pourquoi les scientifiques tiennent-ils tant à l’évaluation par les pairs ?</h2>
<p>Ce texte indique en particulier « des raisons importantes pour lesquelles les mathématiciens n’ont pas tout simplement abandonné la publication dans les revues » : « l’évaluation par les pairs », qui permet d’assurer la qualité des résultats publiés, et « l’évaluation professionnelle », en partie basée sur le prestige des revues dans lesquelles les chercheur·euses publient leurs travaux. Même si <a href="http://134.206.83.16/en/Publications/Gazette/2012/132/smf_gazette_132_72-86.pdf%20page%2076">« il n’est pas facile de créer une nouvelle revue […], car les mathématiciens ne voudront peut-être pas publier dans celle-ci et préféreront soumettre leurs articles à des revues dont la réputation est bien établie »</a>, plusieurs mathématiciens vont s’y atteler.</p>
<p>Un enjeu encore en filigrane en 2012 est celui du libre accès (« open access ») aux revues, que les groupes comme Elsevier et Springer proposent moyennant paiement par les auteurs de frais de publication, dits « article processing charges » ou APC en anglais. Jusque là, on était dans un système « lecteur-payeur », au sens où les bibliothèques payaient des abonnements aux revues et c’était ce qui en permettait l’accès à leurs lecteur·rices. Le système « auteur-payeur » consiste à faire payer l’auteur·rice pour qu’elle ou il soit publié·e et que son article soit en accès libre. La communauté mathématique <a href="http://134.206.83.16/en/Publications/Gazette/2012/132/smf_gazette_132_72-86.pdf">se dresse</a> alors contre ce système.</p>
<p>En 2014, le mathématicien <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean%E2%80%91Pierre_Demailly">Jean‑Pierre Demailly</a> présente à l’Académie des sciences l’idée des <a href="https://www.academie-sciences.fr/pdf/rapport/rads_241014.pdf">« épijournaux »</a> : des <a href="https://www.academie-sciences.fr/pdf/rapport/rads_241014.pdf">journaux scientifiques qui ajouteraient</a> l’expertise liée aux évaluations par les pairs sur des articles déjà postés par leurs auteur·rices dans une archive ouverte. Ce modèle des épijournaux préserve l’évaluation par les pairs tout en évitant les revues traditionnelles. En effet, les comités éditoriaux des épijournaux sélectionnent les articles et les fonts évaluer par des « referees » directement dans un ensemble d’articles ouverts à tous et toutes sur HAL ou arXiv.</p>
<p>Le résultat est que la plate-forme Épisciences accueille désormais des épijournaux créés de <a href="http://epiga.episciences.org/">toutes pièces</a>, mais aussi des <a href="https://gcc.episciences.org/">« transferts »</a>, c’est-à-dire des <a href="https://hrj.episciences.org/">revues</a> qui étaient précédemment publiées par des maisons d’édition commerciales. En 2016, Timothy Gowers fonde à son tour un épijournal <a href="https://discreteanalysisjournal.com/">basé sur arXiv</a>, et d’autres revues se créent de manière autonome, comme les <a href="https://annales.lebesgue.fr">Annales Henri Lebesgue</a>.</p>
<h2>De plus en plus de revues scientifiques « migrent » vers des plates-formes non commerciales</h2>
<p>Offrir un accès libre sans frais de publication est l’un des buts des mouvements de la science ouverte, <a href="https://www.ouvrirlascience.fr/">soutenus par l’État</a> et les organismes de recherche comme le <a href="https://www.science-ouverte.cnrs.fr/">CNRS</a>. En 2020, différentes initiatives permettent de soutenir les revues qui souhaitent migrer vers des plates-formes plus conformes à leurs idéaux. Le <a href="https://www.centre-mersenne.org/"><em>Centre Mersenne</em></a> en France en fait partie.</p>
<p>En 2020, les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Comptes_rendus_hebdomadaires_des_s%C3%A9ances_de_l%27Acad%C3%A9mie_des_sciences"><em>Comptes Rendus de l’Académie des Sciences</em></a> ont quitté Elsevier pour le Centre Mersenne, afin de garantir un accès libre pour les lecteur·rices sans frais de publications pour les auteur·rices. En mathématiques, un autre événement retentissant a été le départ en bloc en 2017 du comité éditorial du <a href="http://www.ems-ph.org/journals/show_pdf.php?issn=1027-488X&vol=9&iss=109&rank=9">« Journal of Algebraic Combinatorics »</a> publié par Springer. Les membres de ce comité ont fondé dans la foulée une nouvelle revue en « libre accès diamant », avec le soutien de la <a href="http://www.mathoa.org/">Fondation MathOA</a>.</p>
<p>La Fondation MathOA œuvre pour la transition des revues vers des modèles de publication respectant les principes du <a href="https://www.fairopenaccess.org/the-fair-open-access-principles/">« libre accès juste »</a>. Cependant ses succès sont pour l’instant <a href="http://www.mathoa.org/journals/">limités à trois revues</a>.</p>
<h2>Comment financer ces revues ?</h2>
<p>Parallèlement, un nouveau modèle de publication émerge <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/04/13/s-abonner-pour-ouvrir-une-innovation-pour-les-revues-scientifiques_6076646_1650684.html">depuis la fin des années 2010</a>. Intitulé <a href="https://subscribetoopencommunity.org/">« Subscribe To Open »</a>, il consiste à ouvrir l’accès aux revues dès qu’un seuil suffisant d’abonnements par les bibliothèques est atteint. C’est un moyen d’éviter les écueils du système auteur-payeur, que la communauté mathématique rejette massivement, et une piste de modèle économique viable pour assurer la publication d’articles en accès libre. Car celle-ci a toujours un coût, aussi bien pour la gestion du processus d’évaluation par les pairs, que pour la mise en forme des articles et leur archivage.</p>
<p>En mathématiques, ce modèle « Subscribe To Open » suscite un intérêt certain. Il été adopté par la <a href="https://www.edpsciences.org/en/news-highlights/2072-successful-subscribe-to-open-pilot-paves-the-way-for-a-ground-breaking-roll-out-across-the-edp-sciences-maths-portfolio">maison d’édition EDP Sciences</a>, qui publie les revues de la <a href="http://smai.emath.fr/">Société de Mathématiques Appliquées et Industrielles</a>, mais aussi par la maison d’édition de la <a href="https://ems.press/subscribe-to-open">Société mathématique européenne</a>. Enfin, le président de la Société Mathématique de France <a href="https://smf.emath.fr/publications/la-gazette-des-mathematiciens-165-juillet-2020">indiquait le considérer</a> en juillet 2020.</p>
<p>Les mathématicien·nes sont ainsi toujours en première ligne sur les évolutions de l’édition scientifique. L’avenir dira si elles et ils imaginent des modèles de publication vraiment différents des revues héritées de leurs ancêtres.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article fait partie de la série « Les belles histoires de la science en libre accès », publiée avec le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Pour en savoir plus, veuillez consulter la page <a href="https://www.ouvrirlascience.fr/">Ouvrirlascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158486/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvie Benzoni-Gavage est présidente de l'Association Publications de l'Institut Henri Poincaré, administratrice du Fonds de dotation de l'Institut Henri Poincaré, administratrice de la Fondation MathOA et membre du Conseil scientifique du Centre Mersenne, le tout à titre bénévole. Elle est aussi membre des sociétés savantes EMS, SMAI et SMF.
</span></em></p>De plus en plus de revues scientifiques « migrent » vers des plates-formes non commerciales. Un enjeu majeur pour la recherche : préserver l’évaluation par les pairs.Sylvie Benzoni-Gavage, Professeur en mathématiques à l'Université Claude Bernard Lyon 1. Directrice de l'Institut Henri Poincaré, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1570912021-03-16T19:16:19Z2021-03-16T19:16:19ZComment la science ouverte peut s’inspirer du libre accès aux données publiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/389298/original/file-20210312-13-190y7g7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C80%2C6000%2C3907&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/open-signage-hanging-on-glass-door-of-vicinity-331990/">Kaique/Pexels</a></span></figcaption></figure><p>Il y a 19 ans, un groupe de chercheurs internationaux s’est donné rendez-vous à Budapest pour discuter d’un problème tenace : malgré l’énorme quantité de travaux scientifiques et universitaires publiés, la plupart demeuraient inaccessibles. Les études réalisées restaient soumises à l’accès payant imposé par les revues spécialisées. De fait, les chercheurs avaient bien du mal à partager leurs découvertes et ne pouvaient pas s’appuyer sur leurs travaux respectifs pour en faire de nouvelles. Pour remédier à cette situation, le groupe a lancé <a href="https://www.budapestopenaccessinitiative.org/">l’initiative de Budapest</a>, afin de promouvoir l’accès libre et gratuit aux revues scientifiques dans tous les domaines de recherche.</p>
<p>Depuis lors, le libre accès est devenu une priorité pour un nombre croissant d’<a href="https://www.universityofcalifornia.edu/news/why-uc-split-publishing-giant-elsevier">universités</a>, <a href="https://ec.europa.eu/info/research-and-innovation/strategy/goals-research-and-innovation-policy/open-science_en">d’organismes publics</a> et de <a href="https://www.sciencemag.org/news/2021/01/science-journals-offer-select-authors-open-access-publishing-free">revues</a>.</p>
<p>Mais si l’accès aux _ publications_ scientifiques s’est amélioré, l’accès aux <em>données</em> (<em>data</em>) sur lesquelles reposent les études reste encore très limité. Les chercheurs sont désormais davantage au courant des travaux de leurs pairs, mais ils ne peuvent pas accéder aux données nécessaires pour en reproduire les résultats ou les analyser afin d’aboutir à de nouvelles conclusions, alors que notre époque se caractérise par un <a href="https://www.vox.com/science-and-health/2018/8/27/17761466/psychology-replication-crisis-nature-social-science">déficit de reproductibilité</a>. Il existe parfois de bonnes raisons de restreindre l’accès aux données – pour en protéger le caractère confidentiel ou sensible, par exemple – mais dans bien des cas, la thésaurisation des données prévaut toujours.</p>
<p>Pour rendre les données scientifiques accessibles aux chercheurs comme aux simples citoyens, les partisans de la cause ont tout intérêt à s’inspirer des efforts fournis en ce sens dans d’autres contextes.</p>
<p>L’examen de l’évolution du mouvement en faveur du libre accès aux données publiques peut en effet permettre aux chercheurs de cerner les lacunes des approches en vigueur et de trouver les moyens de s’en affranchir.</p>
<h2>Les trois grandes phases de l’ouverture des données publiques</h2>
<p>S’il a fallu <a href="http://www.paristechreview.com/2013/03/29/brief-history-open-data/">attendre</a> 1995 pour entendre parler d’<em>open data</em>, le mouvement en faveur du libre accès aux données publiques est apparu bien plus tôt. Puisant leurs origines dans la législation sur la liberté d’information du milieu du XX<sup>e</sup> siècle, les données ouvertes sont nées de la volonté de faire évoluer les pratiques en matière de transparence et d’accessibilité. Cette approche, qui s’inscrit dans le cadre de la « première phase de l’histoire des données ouvertes », était principalement axée sur la divulgation suite à des demandes spécifiques. Malgré tout son intérêt, son impact est resté limité. Elle a surtout profité aux journalistes, aux avocats et aux militants, c’est-à-dire à ceux qui bénéficiaient du temps, des ressources et des compétences nécessaires pour adresser régulièrement des requêtes spécifiques aux autorités.</p>
<p>Dans les années 2000, lorsque nous sommes entrés dans l’ère du <a href="https://www.oreilly.com/pub/a/web2/archive/what-is-web-20.html">Web 2.0</a>, de nouvelles approches ont vu le jour. On s’est alors mis à envisager le processus d’ouverture des données publiques non seulement comme un moyen d’assurer la transparence, mais aussi comme un facteur d’amélioration du fonctionnement des gouvernements. Cette deuxième phase était donc principalement axée sur la recherche de solutions.</p>
<p>Comme l’a fait <a href="https://www.ted.com/talks/beth_noveck_demand_a_more_open_source_government/transcript">remarquer</a> Beth Noveck, ex-directrice adjointe des techniques informatiques chargée de la transparence des affaires publiques dans l’administration Obama :</p>
<blockquote>
<p>« Il ne s’agissait pas seulement de garantir la transparence. Le simple fait de divulguer des données ne change rien au fonctionnement de l’État. Cela ne suffit pas à améliorer les conditions de vie ou apporter des solutions, et cela ne change aucunement la façon dont sont gérées les affaires publiques. […] L’accès aux données ne garantit pas non plus le niveau de responsabilité auquel nous pourrions prétendre en passant à l’étape suivante, qui consiste à associer la participation et la collaboration au principe de transparence afin de transformer notre façon de travailler. »</p>
</blockquote>
<p>Cette nouvelle conception a permis à un plus large public de tirer profit des données publiques mises à disposition des acteurs de la technologie civique, des gouvernements et des entreprises, indépendamment de leur taille. Les Américains, par exemple, ont <a href="https://iquantny.tumblr.com/post/144197004989/the-nypd-was-systematically-ticketing-legally">utilisé</a> des bases de données publiques libres d’accès pour dénoncer les pratiques abusives de la police new-yorkaise en matière de verbalisation. Au Brésil, des données ouvertes <a href="http://odimpact.org/case-brazils-open-budget-transparency-portal.html">ont largement contribué</a> aux efforts de lutte contre la corruption. Au Ghana, l’accès aux données <a href="http://odimpact.org/case-ghanas-esoko.html">a permis</a> aux petits exploitants de vendre leurs produits à meilleur prix.</p>
<p>Cette approche présentait toutefois, elle aussi, un certain nombre d’inconvénients. Bien souvent, des données ont été rendues accessibles sans que l’on sache vraiment quelle en serait l’utilité, ce qui s’est traduit par d’importants volumes d’informations se rapportant à des questions sans grand intérêt pour le plus grand nombre. Par ailleurs, cette volonté de mise à disposition des données a bien souvent participé au renforcement de capacités déjà établies, favorisant ainsi les grandes institutions (comme les autorités nationales) par rapport aux entités plus modestes et moins bien dotées en ressources (comme les collectivités locales).</p>
<p>Face à ces lacunes, une <a href="https://opendatapolicylab.org/images/odpl/third-wave-of-opendata.pdf">troisième phase</a> s’est peu à peu dessinée. Celle-ci consiste à amener les détenteurs de données de tous les secteurs d’activité et de toutes les régions à adopter une approche ciblée, afin de rendre les données accessibles aux associations, ONG, chercheurs et petites entreprises, au niveau local. Il ne s’agit donc plus de se contenter de procéder au partage des données par pur principe mais de tirer profit des synergies en vue de réexploiter les ressources susceptibles d’entraîner des effets positifs.</p>
<p>En accordant autant d’importance à la demande qu’à l’offre, cette approche tient compte dans sa globalité de l’environnement dans lequel les données sont produites et exploitées. L’objectif consiste par ailleurs à déterminer dans quelle mesure celles des entreprises et d’autres acteurs concernés peuvent enrichir, par le biais de la coopération, celles dont disposent les autorités publiques.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/388522/original/file-20210309-23-1e1fjc5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/388522/original/file-20210309-23-1e1fjc5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=601&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/388522/original/file-20210309-23-1e1fjc5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=601&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/388522/original/file-20210309-23-1e1fjc5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=601&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/388522/original/file-20210309-23-1e1fjc5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=755&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/388522/original/file-20210309-23-1e1fjc5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=755&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/388522/original/file-20210309-23-1e1fjc5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=755&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La troisième phase du mouvement d’ouverture des données portera sur un nombre élargi d’acteurs et de types de données, en mobilisant notamment le secteur privé. Elle sera caractérisée par un renforcement de l’adéquation entre l’offre et la demande et par une détermination plus précise des corpus de données susceptibles de produire le plus d’effets sur le plan social.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://opendatapolicylab.org/images/odpl/third-wave-of-opendata.pdf">The GovLab</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Cette façon d’appréhender la question des données est encore toute récente, mais on la retrouve déjà dans bon nombre des stratégies adoptées dans le cadre de la lutte contre la Covid-19, lesquelles ont largement fait appel à la collaboration. Des initiatives telles que le <a href="https://www1.nyc.gov/site/analytics/initiatives/recovery-data-partnership.page">NYC Recovery Data Partnership</a> ont ainsi mis en commun, à l’échelle locale, des données publiques et privées pour répondre aux besoins des citoyens.</p>
<p>Si le mouvement en faveur de l’accès aux données publiques en est venu à adopter des méthodes collaboratives axées sur la demande, la même évolution est envisageable pour les données scientifiques.</p>
<p>En prenant conscience de l’intérêt qu’il y a à ne pas se contenter d’échanger avec leurs interlocuteurs habituels, les adeptes d’une telle approche seront en mesure de mener des travaux novateurs sur des questions urgentes dans leurs domaines respectifs, tout en permettant à des spécialistes d’autres disciplines de s’appuyer sur leurs conclusions.</p>
<h2>Par où commencer ?</h2>
<p>Les partisans du partage des données scientifiques peuvent tirer des enseignements du mouvement en faveur de l’accès aux données publiques. Comme on le voit depuis 30 ans, l’ouverture des données doit reposer sur une démarche cohérente aux yeux des chercheurs, des fournisseurs de données et des intermédiaires, de façon à mettre en place un écosystème propice à la collaboration. Il faut que les entités concernées se mobilisent concrètement en faveur de ladite ouverture.</p>
<p>Il ne sera pas évident d’y parvenir, mais les recherches que nous avons menées au GovLab nous ont permis de dégager un certain nombre de mesures que les intéressés peuvent prendre en faveur de cet écosystème. Comme nous l’indiquons dans notre récent rapport, <a href="https://opendatapolicylab.org/images/odpl/third-wave-of-opendata.pdf">« The Third Wave of Open Data »</a>, les données ouvertes peuvent connaître un véritable essor, pour peu que chaque partie prenante s’emploie à :</p>
<ul>
<li><p><strong>Renforcer et mieux répartir les capacités institutionnelles liées aux données</strong> : dans le secteur public, les capacités en matière de données scientifiques se limitent bien souvent à de petites équipes au sein des organismes. Les projets d’exploitation de données y sont donc généralement menés de façon ponctuelle et isolée, sous forme de travaux spécifiques à un domaine ou une spécialité. À l’instar des organes publics qui ont adopté les principes de la troisième phase, les promoteurs du partage des données de recherche peuvent s’employer à instaurer une culture d’apprentissage au sein de leurs institutions, en encourageant le perfectionnement professionnel et les programmes de formation qui incitent les chercheurs, quel que soit leur rang, à (ré)exploiter des données dans le cadre de leurs activités courantes.</p></li>
<li><p><strong>Exposer les avantages et constituer une base factuelle concernant les retombées</strong> : au cours des premières phases du mouvement en faveur de l’accès aux données publiques, les défenseurs de la cause commençaient et terminaient souvent leur campagne en insistant sur les principes de transparence ou de responsabilité. Bien qu’ils soient tout à fait recevables, ces arguments ne parvenaient pas toujours à convaincre les agents publics ou les simples citoyens qui, pour leur part, souhaitaient savoir en quoi les données ouvertes pouvaient concrètement améliorer leurs conditions de vie. Les partisans du partage des données scientifiques devraient par conséquent recenser des exemples d’utilisations précises et spécifiques de données ouvertes afin de montrer comment elles peuvent permettre d’améliorer les méthodes de recherche.</p></li>
<li><p><strong>Désigner de nouveaux intermédiaires dans le domaine des données</strong> : collaborer avec des organisations extérieures peut s’avérer coûteux en termes de temps, de ressources et d’efforts. Des organismes comme <a href="https://opennorth.ca/">Open North</a>, <a href="https://brighthive.io/">BrightHive</a> et <a href="https://dataventures.nz/">Data Ventures</a> ont été créés pour y remédier. Ils aident les organes publics à entrer en contact avec des partenaires potentiels, en garantissant l’interopérabilité des données, en mettant à disposition des mécanismes de partage sécurisé des ressources, et en établissant des liens de confiance entre les parties. Des organismes analogues pourraient s’avérer utiles dans le domaine du partage des données scientifiques.</p></li>
<li><p><strong>Mettre en place des cadres de gouvernance et apporter des éclaircissements sur la réglementation</strong> : une récente étude du MIT <a href="https://mittrinsights.s3.amazonaws.com/AIagenda2020/GlobalAIagenda.pdf">a révélé</a> que 64 % des dirigeants d’entreprise aux États-Unis hésitent à se prononcer en faveur des données ouvertes du fait des incertitudes liées à la législation. Cette statistique est révélatrice : bien que l’absence de réglementation soit souvent considérée comme un gage de flexibilité pour les sociétés, le manque de mesures relatives à la réutilisation des données conduit, au contraire, depuis des dizaines d’années à en limiter le partage. À l’instar d’institutions telles que l’Union européenne, qui se sont récemment employées à <a href="https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/european-strategy-data">mettre au point</a> des stratégies en faveur de la réutilisation des banques de données publiques et privées, les partisans du libre accès aux données scientifiques pourraient élaborer des politiques, plans et procédures du même type afin d’exposer leurs attentes en matière d’exploitation.</p></li>
<li><p><strong>Concevoir une infrastructure technique destinée à la réutilisation</strong> : dans de nombreux pays, les bases de données publiques sont mises à disposition au moyen de portails. Des sites tels que <a href="https://www.data.gov/">data.gov</a> rassemblent divers corpus institutionnels et permettent aux utilisateurs de filtrer, rechercher, consulter et télécharger les données. Pour que cette approche puisse être appliquée aux données scientifiques ouvertes, il faudra vraisemblablement mettre à disposition des utilisateurs et des fournisseurs de données une nouvelle interface technique afin d’améliorer les capacités institutionnelles. Comme l’a <a href="https://medium.com/open-data-policy-lab/summer-of-open-data-panel-9-incentives-for-data-reuse-frameworks-for-collaboration-and-f020b0f87d71">fait valoir</a> John Wilbanks de Sage Bionetworks, il faudrait que les institutions trouvent des solutions pour subvenir aux besoins informatiques des utilisateurs et des populations cibles, en particulier dans les domaines où les bases de données sont très volumineuses et complexes.</p></li>
<li><p><strong>Renforcer les compétences du grand public en matière de données</strong> : dans des pays comme Taïwan, les défenseurs du libre accès aux données publiques <a href="https://medium.com/open-data-policy-lab/summer-of-open-data-keynote-conversation-with-taiwans-audrey-tang-b6c1921e10bf">se sont employés à renforcer</a> ces compétences. Selon eux, chacun devrait pouvoir prendre pleinement part aux initiatives menées dans ce domaine, non seulement en tant que bénéficiaire de solutions basées sur les données et susceptibles d’améliorer ses conditions de vie, mais aussi en tant que producteur desdites données. Afin d’encourager la participation du plus grand nombre à la recherche scientifique et de susciter des applications inédites et innovantes dans le domaine des données, les tenants du partage des données scientifiques doivent trouver des moyens de mobiliser le grand public, en organisant par exemple des concours de recherche et des <a href="https://the100questions.org/">projets participatifs</a>.</p></li>
<li><p><strong>Assurer le suivi et le contrôle des décisions se rapportant aux données et préciser d’où elles émanent</strong> : la détermination de l’origine des décisions <a href="https://arxiv.org/abs/1804.05741">consiste</a> à recenser les centres de décision qui exercent un rôle dans le cadre du recueil, du traitement, du partage, de l’analyse et de la réutilisation des données, de façon à savoir qui exerce une influence en la matière. Comme les acteurs de la troisième phase l’ont constaté, il est indispensable d’identifier ces centres de décision pour recenser au plus tôt leurs lacunes et leurs biais, susceptibles de compromettre les objectifs d’un projet. Les spécialistes des données scientifiques ouvertes pourraient ainsi élaborer des mécanismes permettant aux utilisateurs de savoir dans quel contexte les données ont été recueillies et quels problèmes sont susceptibles de se poser en cas de mauvaise utilisation.</p></li>
<li><p><strong>Désigner des responsables et leur donner les moyens d’agir</strong> : rappelons pour terminer qu’un des aspects essentiels des efforts accomplis en faveur du libre accès aux données publiques dans le cadre de la troisième phase était la reconnaissance du fait que le partage des données et la collaboration qui en découle doivent être encadrés par des responsables chargés d’en assurer la promotion. Il leur incombe de recenser les possibilités de partage et de chercher de nouveaux moyens de servir l’intérêt général, <a href="https://opendatapolicylab.org/third-wave-of-open-data/">comme c’est déjà le cas</a> dans un certain nombre d’institutions du secteur public, d’organisations de la société civile et d’entreprises. Afin d’accélérer la désignation de responsables au sein des centres de recherche, les partisans des données scientifiques ouvertes pourraient mettre sur pied des <a href="https://course.opendatapolicylab.org/">programmes de formation</a> et des <a href="http://datastewards.net/">réseaux professionnels</a> visant à renforcer les compétences en matière de gestion des données.</p></li>
</ul>
<h2>Un accès toujours plus large</h2>
<p>Près de 20 ans après l’initiative de Budapest en faveur de l’accès libre, notre façon d’appréhender les données scientifiques a profondément changé. À l’aube d’une nouvelle décennie, ces évolutions doivent se poursuivre, pour peu qu’elles soient guidées par la volonté d’assurer un accès toujours plus large.</p>
<p>Au GovLab, nous encourageons les chercheurs, les institutions et les autres parties prenantes à prendre exemple sur le mouvement de l’ouverture des données publiques, afin de transformer leurs méthodes de travail. En apprenant les uns des autres et en s’inspirant des pratiques de chacun, le libre accès aux données de recherche peut devenir une réalité dans tous les domaines.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article fait partie de la série « Les belles histoires de la science ouverte » publiée avec le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Pour en savoir plus, visitez le site <a href="https://www.ouvrirlascience.fr/">Ouvrirlascience.fr</a>.</em></p>
<p><em>Traduit de l’anglais par Damien Allo pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast ForWord</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157091/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stefaan G. Verhulst a mené des recherches sur les données ouvertes qui ont été financées par Luminate, Omidyar Network, Rockefeller Foundation, MacArthur Foundation et Microsoft.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Andrew J. Zahuranec travaille pour The GovLab. Il reçoit des fonds de Luminate, du groupe Omidyar, de la Fondation Rockefeller, de la Fondation John D. et Catherine T. MacArthur et de Microsoft pour son travail sur les données ouvertes.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Andrew Young travaille pour The GovLab. Il reçoit des fonds de Luminate, du groupe Omidyar, de la Fondation Rockefeller, de la Fondation John D. et Catherine T. MacArthur et de Microsoft pour son travail sur les données ouvertes.</span></em></p>L’examen du mouvement en faveur du libre accès aux données publiques peut permettre aux chercheurs de cerner les lacunes des approches en vigueur sur la science ouverte.Stefaan G. Verhulst, Co-Founder and Chief Research and Development Officer of the Governance Laboratory (GovLab), New York UniversityAndrew J. Zahuranec, Research Fellow, The GovLabAndrew Young, Knowledge director, the Governance Lab, New York UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1357072020-06-22T17:13:31Z2020-06-22T17:13:31ZPourquoi les chercheurs ouvrent-ils leurs recherches ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/342447/original/file-20200617-94036-1uc9hk1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=156%2C0%2C6791%2C3968&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">On peut vouloir ouvrir pour partager les savoirs, être plus transparents, faire progresser la recherche plus rapidement... </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/freedom-concept-hand-drawn-man-flying-722190496">Drawlab19/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Aux origines de la science ouverte, il y a une convergence de la pensée des <a href="https://fr.scribd.com/doc/270306844/A-Note-on-Science-and-Democracy-by-Robert-K-Merton">intellectuels d’après-guerre</a> favorables à la libre diffusion des savoirs scientifiques vers la société, comme <a href="https://www.nsf.gov/od/lpa/nsf50/vbush1945.htm">rempart aux totalitarismes</a>. La science ouverte, ou <a href="https://journals.openedition.org/cdst/277"><em>open science</em></a> aujourd’hui, <a href="https://books.openedition.org/oep/1707">se présente</a> d’abord par des valeurs de partage, de collaboration, de libre circulation des savoirs, de reproductibilité, de libre débat d’idées, de transparence et d’intégrité scientifique.</p>
<p>Qualifiés par certains d’utopie, <a href="https://royalsociety.org/topics-policy/projects/science-public-enterprise/report/">ses principes deviennent possibles</a> grâce au développement sans précédent des outils de communication et infrastructures numériques de la recherche. Mais sa mise en œuvre par les chercheurs reste, sans mauvais jeu de mots, une question ouverte. Car entre l’engagement des chercheurs dans des pratiques ouvertes et la reconnaissance de ces dernières pour l’évolution de leur carrière par leurs instances scientifiques et institutionnelles, un chemin reste à parcourir.</p>
<h2>Une tension entre pratiques des chercheurs et critères d’évaluation</h2>
<p>La science ouverte est le lieu d’une tension entre les injonctions des décideurs de la recherche et les pratiques réelles des chercheurs. Elle est souvent présentée à partir d’une approche « top-down » : des managers recommandent, rédigent des politiques dédiées et développent des discours prescriptifs. La rhétorique ainsi construite permet de justifier les efforts consentis à la mise en place d’infrastructures numériques, nationales ou <a href="https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=ES_041_0177">européennes</a>, et permet de comprendre les <a href="https://www.wiley.com/en-fr/Re+Thinking+Science%3A+Knowledge+and+the+Public+in+an+Age+of+Uncertainty-p-9780745657073">dynamiques contemporaines complexes entre science et société</a>.</p>
<p>Une approche « bottom-up » décrit les pratiques des chercheurs dans leur travail quotidien. Elle prend en compte les intentions et les représentations individuelles ou collectives des chercheurs pour la mise en œuvre concrète de ce qu’ils estiment, eux, être une « science ouverte ». Car lorsqu’ils commentent les politiques en faveur de l’<a href="https://muse.jhu.edu/article/556221">« openness »</a>, les chercheurs pointent souvent des injonctions contradictoires : libérer la circulation des publications et des données peut s’opposer frontalement au principe de l’<a href="https://theconversation.com/chercheurs-_vs_-managers-la-guerre-des-mots-138384">évaluation des travaux de recherche</a> fondée sur la production de résultats originaux, positifs, exclusifs et publiés dans des revues de prestige. L’injonction à l’ouverture achoppe d’autant plus avec les domaines disciplinaires où la recherche repose sur des partenariats industriels (par exemple la chimie) requérant la confidentialité, tant pour les protocoles de recherche, les résultats et <em>a fortiori</em> les <a href="https://www.collexpersee.eu/projet/datacc/">données produites</a>.</p>
<h2>Au fondement des pratiques des chercheurs : éthique et intégrité de la science</h2>
<p>En Chine, en Europe et aux États-Unis, les premiers arguments avancés par les chercheurs pour expliquer leurs pratiques « ouvertes » sont d’ordre éthique. D’abord comme un contre-pied aux dérives provoquées par l’<a href="https://theconversation.com/chercheurs-_vs_-managers-la-guerre-des-mots-138384">hypercompétition</a> de la science, la course aux financements et la loi du <a href="https://theconversation.com/recherche-publish-or-perish-vers-la-fin-dun-dogme-128191"><em>Publish or Perish</em></a>. Les chercheurs présentent donc leurs pratiques d’ouverture comme une contribution à une science intègre et éthique : <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/leap.1169">ceux qui publient en Libre Accès</a> le font pour permettre à toutes et à tous d’<a href="https://theconversation.com/acces-a-la-litterature-scientifique-des-inegalites-encore-inacceptables-134848">accéder aux résultats de la recherche scientifique</a>, y compris dans les pays du Sud. Ceux qui décrivent de manière détaillée et exhaustive leur protocole de recherche le font pour en permettre la reproductibilité et donc le partage de leur expertise. Ceux qui participent à des processus d’évaluation ouverte (<a href="https://theconversation.com/science-ouverte-en-temps-de-coronavirus-publication-en-temps-reel-136397"><em>open peer reviewing</em></a>), ou acceptent de rendre publics leurs rapports, adhèrent à une vision transparente de la discussion scientifique.</p>
<p>Indifférents ou ignorants des arguments politiques faisant valoir la <a href="https://www.ouvrirlascience.fr/amsterdam-call-for-action-on-open-science/">stimulation et l’accélération de l’économie</a>, les praticiens de la science ouverte sont soucieux d’une science « propre », qui véhicule des valeurs auxquelles ils s’identifient (diversité, accessibilité, reproductibilité, réutilisation). Dans ces cas de figure, les chercheurs ne se disent pas militer pour une science ouverte, mais pour une science intègre et éthique.</p>
<h2>La manufacture de la science ouverte</h2>
<p>Les disciplines ne sont pas homogènes en termes de pratiques ouvertes. Il existe des disciplines où l’ouverture se pose naturellement, car inscrite dans les structures et normes sociales de la communauté, par exemple la physique des hautes énergies est pionnière dans les pratiques de partage de pré-publications et de données de la recherche. <em>A contrario</em>, des disciplines plus « conservatrices », comme la chimie, qui en raison des enjeux économiques de ses avancées, accueille moins favorablement les invitations d’ouverture. Or, la recherche est aujourd’hui menée dans des collectifs, souvent pluridisciplinaires. L’observation des pratiques dans ces collectifs montre sur quels arguments la discussion – parfois l’âpre négociation – se fait pour intégrer des possibilités d’ouverture. Car les chercheurs disent ne pas décider de monter un projet de « science ouverte », mais faire « de la science » en y incluant de l’ouverture, là où c’est possible, sans compromettre leurs chances de reconnaissance scientifique.</p>
<p>Le projet de recherche est ainsi le creuset, la « manufacture », dans lequel sont mises en œuvre des pratiques d’ouvertures, dont certaines sont rodées (déposer une pré-publication dans une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Archive_ouverte">archive ouverte</a>) et d’autres sont plus expérimentales (mettre en place un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Plan_de_gestion_des_donn%C3%A9es">plan de gestion de données</a>, apprendre à paramétrer un <a href="https://edutechwiki.unige.ch/fr/Cahiers_de_Laboratoire_%C3%89lectroniques">carnet de laboratoire numérique</a>). Quelle que soit leur discipline, les chercheurs acquièrent leurs pratiques d’ouverture <a href="https://content.iospress.com/articles/information-services-and-use/isu190069">toujours en regard d’une expérience</a>, dans l’interaction avec le collectif, et dans la contrainte circonscrite au projet.</p>
<h2>Des sciences ouvertes, et non une seule</h2>
<p>L’ouverture ne s’avère <a href="https://journals.openedition.org/rfsic/5522">ni homogène ni pérenne</a> : certains favorisent l’ouverture dans <a href="https://jussieucall.org/">leurs modes</a> de communication scientifique (réseaux sociaux, archives ouvertes ou serveurs de pré-publications) ; d’autres se mobilisent autour des données (enrichissement par des métadonnées, partage sur des archives pour en permettre la réutilisation…), ou bien l’ouverture et de la mise à disposition des codes.</p>
<p>Selon le contexte de recherche, l’étape de leur carrière, le niveau de formation aux outils numériques, les chercheurs se spécialisent aussi dans leurs pratiques d’ouverture, comme ils se spécialisent dans un domaine scientifique. Ils <a href="https://www.talyarkoni.org/blog/2019/07/13/i-hate-open-science/">réfutent</a> donc souvent la dénomination <a href="https://content.iospress.com/articles/information-services-and-use/isu190069">estimée trop floue</a> d’« open scientists ».</p>
<p>L’exemple des données de la recherche est le plus illustratif : le chercheur peut opter pour des stratégies différentes pour « ouvrir » ses données selon le financement (ou son absence), l’objet de recherche, le collectif impliqué, l’avancement de sa carrière, le besoin de reconnaissance, le niveau de connaissance et de maîtrise des principes éthiques et techniques de l’ouverture des données. Et plus fondamentalement, selon la conviction du chercheur de la <a href="https://hdsr.mitpress.mit.edu/pub/jduhd7og/release/7">valeur de réutilisation de ses propres données</a>. Autant de paramètres qui entrent en compte dans la constitution de pratiques, qui se révéleront dans la forme et dans le temps.</p>
<h2>L’avenir de la science ouverte dépend de la reconnaissance des pratiques d’ouverture dans l’évaluation des carrières</h2>
<p>Même si des pratiques ouvertes se développent, le défi du déploiement de la science ouverte à large échelle relève encore du projet pour la plupart des domaines disciplinaires. Nos travaux nous apprennent que le chemin à parcourir ne dépend pas tant de la défense des valeurs de la science ouverte auxquelles les chercheurs adhèrent ou de la maîtrise des infrastructures numériques dans leur travail. Le chemin dépend surtout de la reconnaissance par les politiques d’évaluation de leurs <a href="https://www.ouvrirlascience.fr/types-de-documents-productions-et-activites-valorisees-par-la-science-ouverte-et-eligibles-a-une-evaluation/">efforts pour l’ouverture</a> même s’il ne donne pas lieu à des résultats.</p>
<p>L’observatoire international des pratiques que nous avons mené a permis de <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01973467/document">pointer ce nœud gordien</a> de manière particulièrement prégnante <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/leap.1284">chez les jeunes chercheurs</a>. Alors que ces derniers adhèrent et partagent les valeurs de la science ouverte, alors qu’ils montrent une réelle maîtrise des infrastructures numériques associées et qu’ils en voient le potentiel, ils n’envisagent pas d’y souscrire tant que les critères d’évaluation ne changent pas. L’avenir réaliste de la science ouverte dépend donc de l’intégration des pratiques et principes d’<em>openness</em> par les instances d’évaluation officielles et institutionnelles de la recherche.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article fait partie de la série « Les belles histoires de la science ouverte » publiée avec le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Pour en savoir plus, visitez le site <a href="https://www.ouvrirlascience.fr/">Ouvrirlascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135707/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chérifa Boukacem-Zeghmouri ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les motivations des chercheurs pour ouvrir leurs recherches sont multiples, mais les jeunes s’interrogent sur la prise en compte de ces pratiques dans l’évaluation, en particulier à l’embauche.Chérifa Boukacem-Zeghmouri, Professeure des Universités, Université Claude Bernard Lyon 1Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1363972020-05-03T17:44:19Z2020-05-03T17:44:19ZScience ouverte en temps de coronavirus : publication en temps réel<p>Qui n’a pas un avis sur l’<a href="https://tools.wmflabs.org/pageviews/?project=en.wikipedia.org&platform=all-access&agent=user&redirects=0&range=latest-90&pages=Hydroxychloroquine">hydroxychloroquine</a> ? Les développements récents des dernières recherche à Marseille sur les potentialités de cet antipaludéen pour réduire la charge virale du SARS-CoV-2 passionnent. Évidemment, la pandémie actuelle est une crise sanitaire soudaine et inédite par son ampleur. Qui dit soudaineté et ampleur dit panique généralisée : la science est sommée de trouver des solutions au plus vite. Mais au fait, à quelle vitesse va la science ? L’exemple de la <a href="https://doi.org/10.1016/j.ijantimicag.2020.105949">publication</a> du groupe de Didier Raoult nous permet de mettre en lumière une évolution des pratiques d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89valuation_par_les_pairs">« évaluation par les pairs »</a>, c’est-à-dire le processus censé valider les publications scientifiques, une évolution qui permet de nous interroger sur ce que signifie être « ouvert » en science.</p>
<h2>L’évaluation par les pairs, processus-clef de validation de la science</h2>
<p>Les études concernant l’évaluation de médicaments durent des années, voire des décennies. Le procédé de publication qui suit prend généralement des mois, voire des années : il est de <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2017/09/26/l-evaluation-par-les-pairs-un-processus-defaillant-dans-la-recherche_5191770_1650684.html">plus en plus difficile</a> pour les revues scientifiques de trouver des rapporteurs – les pairs, experts chargés de lire l’article et de rédiger un rapport – et de faire en sorte que le rapport soit rendu rapidement. Le travail est contraignant, car le volume des manuscrits soumis augmente exponentiellement, il est anonyme et bénévole, et est à haute responsabilité puisque le rapport est censé être le garant de la validité de la publication. À titre d’exemple, l’auteur de ces lignes attend toujours des nouvelles des rapporteurs d’un manuscrit soumis en novembre… 2017.</p>
<p>Mais en temps de crise urgente, avec des moyens, on peut faire une <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.03.16.20037135v1">étude préliminaire</a> en 15 jours <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0924857920300996">et la publier très rapidement</a>. En soumettant son manuscrit à un journal le 18 mars, on peut obtenir des rapports pour publier… le 20 mars ! À situation exceptionnelle, temps de publication exceptionnel. Les deux rapporteurs ont donc analysé la publication et <a href="https://www.isac.world/news-and-publications/official-isac-statement">rendu leur rapport</a> en moins de deux jours. La science semble capable d’aller très vite quand il y a urgence.</p>
<p>Ce qu’il y a de nouveau, c’est que la critique de la science peut elle-même aller très vite. En temps de panique mondiale, les publications qui traitent de potentiels traitements concernant le coronavirus sont scrutées par un lectorat attentif et nombreux. Parmi eux, des collègues, des concurrents, des médecins, des pharmaciens, des microbiologistes, des statisticiens, des bioinformaticiens, des curieux, des enthousiastes, des malveillants : une myriade de rapporteurs potentiels d’horizons divers, contrairement aux rapporteurs désignés par les revues, qui sont rarement éloignés thématiquement.</p>
<p>Pour les revues scientifiques, l’évaluation par les pairs joue à la fois le rôle de <a href="https://www.eosc-portal.eu/sites/default/files/KI0518070ENN.en_.pdf">certification</a> (l’article mérite-t-il d’être publié ?) mais aussi d’évaluation proprement dite (l’article est-il assez bon pour telle ou telle revue ?). L’effet pervers est qu’un article est considéré comme bon ou pas selon le prestige de la revue dans lequel il paraît, au détriment de l’évaluation de son contenu proprement dit.</p>
<h2>Ouvrir l’évaluation des articles scientifiques</h2>
<p>PubPeer est une <a href="https://pubpeer.com/static/about">plateforme web</a> créée en 2012, dont le but est de potentiellement ouvrir un forum de discussion à propos de n’importe quel article. Elle a été imaginée par ses créateurs comme la version en ligne d’un <em>journal club</em> (une réunion de laboratoire <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Journal_club">au cours de laquelle on critique des publications</a>). Née de la frustration qui découle de la quasi-impossibilité de critiquer les articles dans le cadre des revues elles-mêmes, PubPeer est une forme d’évaluation par les pairs après la parution de l’article, dite « post-publication ». Elle est radicale au sens où n’importe qui peut commenter, y compris anonymement. Le principe « tout le monde peut contribuer » ressemble à Wikipédia – où une contribution peut effectivement être critiquée ou annulée par n’importe qui – à la différence que dans PubPeer, on commente les articles mais on ne les modifie pas.</p>
<p>Et comme dans Wikipédia, les articles les plus affectés sont ceux <a href="https://pubpeer.com/publications/B4044A446F35DF81789F6F20F8E0EE">sous le feu médiatique</a>. Qui dit commentaires d’horizons différents dit critique multi-angle. Dans le fil PubPeer dédié à l’article de notre exemple, on trouve pêle-mêle des critiques sur le processus de publication, la conformité à l’état de l’art, l’éthique médicale, la méthodologie statistique, le traitement statistique. On y trouve aussi, et c’est nouveau, des <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.03.31.20048777v1">réanalyses</a>, c’est-à-dire que le commentateur.trice a extrait des <a href="https://ars.els-cdn.com/content/image/1-s2.0-S0924857920300996-mmc1.docx">données fournies par les auteur.es</a>. Pour en faire de nouvelles courbes, de nouveaux graphes, de nouvelles interprétations et mettre sur le gril les conclusions de l’article (notons que la mise à disposition de données par les auteur·e·s est loin d’être systématique). La publication devient vivante et non plus figée, de même qu’un article de Wikipédia n’est, par définition, jamais fini.</p>
<p>PubPeer est de cette façon en quelque sorte un réseau social : les critiques, les réanalyses, les éventuelles réponses des auteurs sont discutées, débattues. Le rapport d’une publication devient lui même vivant. En temps de crise, c’est même un bouillonnement. La publication du groupe de Didier Raoult a été décortiquée en moins de temps qu’il n’a fallu pour la publier : une <a href="https://pubpeer.com/publications/16FA317CB5E5E33232F7E929C86BB0">centaine de commentaires</a> sur PubPeer entre mi et fin mars fait ressembler l’article à une publication « en temps réel ».</p>
<h2>Qui peut commenter et critiquer un travail scientifique ?</h2>
<p>PubPeer est critiquée chez les scientifiques pour son anonymat et (parfois à raison) pour son <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2018/10/23/pubpeer-le-site-par-qui-le-scandale-arrive_5373342_1650684.html">atmosphère de dénonciation</a>… exactement comme l’anonymat dans Wikipédia est critiqué. Dans les deux cas, l’anonymat est vu comme une garantie de fonctionnement par la communauté (puisqu’il permet d’échapper aux pressions) et comme une lâcheté par le public extérieur hostile. Comme le <a href="http://www.cairn.info/revue-zilsel-2019-2-page-164.htm">soulignent</a> Michel Dubois et Catherine Guaspare, la tension réside dans ce qui constitue un « pair ». Comment libérer la parole des commentateurs dans un monde de la recherche hiérarchisé et compétitif, tout en protégeant les auteurs d’attaques malveillantes ? Comme dans Wikipédia, PubPeer <a href="https://pubpeer.com/static/faq">possède ses règles</a> pour veiller à ce que l’attention soit portée sur le contenu plutôt que sur l’interlocuteur, mais comme dans Wikipédia, les attaques malveillantes existent, y compris envers les commentateurs.</p>
<p>Une autre critique de PubPeer et Wikipédia concerne l’omniprésence de <a href="http://www.plantphysiol.org/content/169/2/907.full">l’obsession pour les détails techniques</a> (comme la retouche d’images) plutôt que le fond des articles. Ce qui se passe sur PubPeer est aussi performatif : les contributeurs et contributrices y jouent un rôle <a href="https://www.cairn.info/revue-zilsel-2019-2-page-149.htm">d’entrepreneur de morale</a> en définissant par les commentaires ce qui est acceptable ou déviant. En quelque sorte, la diversité thématique des commentaires concernant la publication de Didier Raoult redonne ses lettres de noblesse de <em>journal club</em> à PubPeer. C’est l’avantage d’un accès inclusif à la possibilité de critiquer, combiné à la situation d’urgence planétaire : des commentatrices et commentateurs d’horizons très divers s’intéressent subitement à l’hydroxychloroquine. La situation permet l’émergence d’un <em>journal club</em> globalisé et en temps réel.</p>
<p>Il serait naïf de voir PubPeer comme le monde enchanté de la science qui progresse par le débat, mais symétriquement, il serait tout autant naïf de penser que le système de publications tel qu’il existe se prête volontiers à la critique constructive. Dans leur grande majorité, les articles dans les revues ne peuvent pas être commentés ; la fonction d’une publication est plus de marquer la primauté que d’engager un débat, que la structure conservatrice des revues scientifiques <a href="https://peerj.com/articles/313/">décourage</a>.</p>
<p>De fait, PubPeer a mauvaise presse dans les institutions scientifiques. Ces dernières <a href="http://www.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/notre-objectif-100-de-publications-en-libre-acces">encouragent les chercheur.es</a>. à publier <em>ouvert</em>, à rendre accessibles leurs données, mais <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2018/11/20/le-plan-du-cnrs-pour-lutter-contre-les-tricheurs_5385828_1650684.html">critiquent</a> les initiatives <em>ouvertes</em> qui échappent à leur contrôle. Tout le monde veut de la science ouverte, mais la communauté scientifique a du mal à se rendre compte que l’encouragement à l’ouverture des données (au nom de l’exigence de transparence) a comme conséquence la réutilisation possible de ces données donc, entre autres, l’ouverture à la critique post-publication, quasi inexistante jusqu’à présent.</p>
<h2>Cette vision de l’ouverture de la science chamboule les règles établies</h2>
<p>Il existe des revues scientifiques qui changent les règles de l’évaluation par les pairs. Plusieurs axes concourent à séparer l’évaluation de la certification : rapport avant ou après la publication, rapport confidentiel ou ouvert, invité ou spontané, anonyme ou identifié. Certaines pratiques éditoriales nouvelles <a href="https://www.eprist.fr/wp-content/uploads/2020/03/EPRIST_I-IST_Note-Synthese_Evaluation-ouverte_Mars2020.pdf">transforment</a> une <em>version of record</em> (une version de référence) en <a href="https://mediastudies.hypotheses.org/867">un</a> <em>record of versions</em> (un enregistrement de plusieurs versions). Malheureusement, les revues les plus prestigieuses, celles qui font et défont les carrières les plus brillantes, sont souvent adeptes du <em>status quo</em>.</p>
<p>En ce sens, la plate-forme PubPeer ne se contente pas de saper le conservatisme des revues scientifiques. En remettant en cause le procédé d’évaluation par les pairs, elle questionne l’utilité même du concept de publication et de revue scientifique. Même sans aller jusqu’aux cas extrêmes de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Retraction_Watch">rétractation</a>, la publication risque de voir son rôle de document de référence gravé dans le marbre battu en brèche, et la revue scientifique, son rôle de gardien du temple. Cette vision de l’<em>open</em> est une forme d’ouverture qui place l’inclusivité au centre de ses préoccupations. Elle pose des problèmes (comme la question de la légitimité) en essayant d’en résoudre d’autres, mais elle a le mérite de faire prendre conscience que certaines façons d’être ouvert sont plus complexes et remettent en cause plus de choses que l’on imagine… <a href="https://theconversation.com/enseigner-wikipedia-par-les-anecdotes-73537">comme Wikipédia</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136397/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandre Hocquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Est-il possible de faire de la science dans l’urgence ? Les règles établies de validation des avancées scientifiques sont bouleversées par l’utilisation d’outils ouverts au grand public.Alexandre Hocquet, Professeur des Universités en Histoire des Sciences, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1354652020-04-04T16:45:19Z2020-04-04T16:45:19ZComment le coronavirus a réveillé l’intelligence collective mondiale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/324961/original/file-20200402-74900-45jt1r.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C19%2C1233%2C734&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Réseau des compétences des projets Covid-19 sur la plateforme JOGL.</span> <span class="attribution"><span class="source">Marc Santolini/JOGL</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Partout dans le monde, <a href="https://www.nytimes.com/2020/03/13/science/coronavirus-social-networks-data.html">épidémiologistes</a>, praticiens, ingénieurs (et tant d’autres) exploitent sans relâche le flot de données sur l’épidémie pour <a href="https://www.epicx-lab.com/covid-19.html">modéliser</a> sa progression, prédire <a href="https://www.mobs-lab.org/2019ncov.html">l’impact des interventions</a> possibles ou <a href="https://app.jogl.io/project/130">développer des solutions</a> aux pénuries de matériel médical. </p>
<p>Ils génèrent des modèles et des codes ouverts et réutilisés par d’autres laboratoires.</p>
<p>Le monde de la recherche et de l’innovation semble s’être pris d’une frénésie de collaboration et de production de connaissances ouvertes tout aussi contagieuse que le coronavirus. </p>
<p>Serait-ce donc ça, la fameuse « intelligence collective » censée résoudre nos problèmes planétaires majeurs ?</p>
<h2>La science, un réseau bâti sur les épaules des géants</h2>
<p>En 1675, Newton écrivait déjà : « Si j’ai vu plus loin, c’est en me tenant sur les épaules des géants. » </p>
<p>Depuis, la reconnaissance de cet héritage intellectuel collectif est devenue standard dans la recherche scientifique. En science et ingénierie, aujourd’hui, 90 % des publications sont d’ailleurs <a href="https://science.sciencemag.org/content/316/5827/1036">écrites par des équipes</a>. </p>
<p>Ces trois dernières décennies, l’avènement d’internet puis des réseaux sociaux a participé à l’effacement des limitations traditionnelles de l’intelligence collective, des sociétés « des savants » exclusives aux revues à accès payant, en passant par l’opacité du système de revue par les pairs. </p>
<p>La recherche académique vit une facilitation technologique et une ouverture sans précédent permettant à une grande diversité d’acteurs d’interagir de manière immédiate et distribuée. On observe une croissance sans précédent des revues en accès ouvert et de sites d’archivage d’articles.</p>
<p>Hors du système académique, des communautés non institutionnelles voient le jour : <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hacker_(sous-culture)">hackers</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Biologie_participative">bio-hackers</a> ou encore <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Culture_maker">makers</a> s’auto-organisent en ligne et participent à l’effort collectif de production de connaissance. C’est ce terreau fertile qui permet une réaction sans précédent à la crise de Covid-19.</p>
<h2>Le Covid-19 réveille l’intelligence collective</h2>
<p>Au départ de l’épidémie, on a pu voir la recherche « traditionnelle » s’accélérer et ouvrir considérablement ses moyens de production. Des journaux prestigieux, comme <a href="https://www.sciencemag.org/coronavirus-research-commentary-and-news">Science</a>, <a href="https://www.springernature.com/gp/researchers/campaigns/coronavirus">Nature</a>, ou encore <a href="https://www.thelancet.com/coronavirus">The Lancet</a>, qui font d’habitude payer pour l’accès à leurs articles, ont ouvert l’accès aux publications sur le coronavirus et le Covid-19. </p>
<p>Des données sur la progression de l’épidémie sont mises à jour quotidiennement – celles de l’Université John Hopkins par exemple sont le fruit d’un <a href="https://github.com/CSSEGISandData/Covid-19">travail ouvert et collaboratif</a> et ont déjà été réutilisées près de 9 000 fois sur la plate-forme de collaboration <a href="https://github.com/">Github</a> par des projets tiers. </p>
<p>Des résultats sont publiés immédiatement sur des serveurs de pré-publication en accès ouvert ou sur les <a href="https://www.epicx-lab.com/covid-19.html">sites des laboratoires</a> mêmes. Algorithmes et <a href="https://picorana.github.io/align_covid/index.html?fbclid=IwAR24Tj3Njeo0dZTJUoFKBOGI6MBIljMkq39WWxUnGKSRh8UczHjGA__-6Ho">visualisations interactives</a> sont en ligne sur GitHub ; vidéos éducatives et de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=gxAaO2rsdIs">vulgarisation</a> sur YouTube. </p>
<p>Les chiffres donnent le vertige, avec à ce jour plus de <a href="https://www.kaggle.com/allen-institute-for-ai/CORD-19-research-challenge">45,000 articles académiques</a> académiques publiés sur le sujet.</p>
<p>Plus récemment, des <a href="https://opencovid.care/category/citizen-science-project/">initiatives populaires</a> réunissant des acteurs variés ont émergé hors des cadres institutionnels, utilisant des plates-formes en ligne. Par exemple, une communauté de biologistes, d’ingénieurs et de développeurs a émergé sur la plate-forme de collaboration <a href="https://app.jogl.io/program/opencovid19">Just One Giant Lab</a> (JOGL) afin de développer des outils à bas coût et open-source contre le virus. Cette plate-forme, que nous avons conçue avec Léo Blondel (Harvard) et Thomas Landrain (La Paillasse, PILI) au cours de ces trois dernières années, a pour vocation d’être un institut de recherche virtuel, ouvert et distribué autour de la planète. </p>
<p>La plate-forme permet à des communautés de s’auto-organiser pour apporter des solutions innovantes à des problématiques urgentes et requérant des compétences fondamentalement interdisciplinaires ainsi que des connaissances « de terrain ». Elle agit comme clé de voûte afin de faciliter la coordination par la mise en relation entre besoins et ressources au sein de la communauté, l’animation autour de programmes de recherche, et l’organisation de challenges. </p>
<p>En particulier, l’utilisation d’algorithmes de recommandation permet de filtrer l’information pour que les contributeurs puissent suivre l’activité et les besoins de la communauté les plus pertinents, fluidifiant la collaboration et facilitant la mise en place d’une intelligence collective.</p>
<p>Lorsque le <a href="https://app.jogl.io/project/118">premier projet</a> lié au Covid-19, un test de diagnostic open source et à bas coût, y est né il y a quatre semaines, on a pu assister à une véritable ruée sur la plate-forme. Le nombre de contributions par minute n'a cessé d'augmenter : des centaines d’interactions, création de projets, échanges… Si bien que le serveur hébergeant la plate-forme ne tenait plus ! En seulement un mois, ce furent plus de 60 000 visiteurs venant de 183 pays, dont 3000 contributeurs actifs générant plus de 90 projets, allant de designs de masques de protection à des prototypes de ventilateurs à bas coût.</p>
<p>Cette communauté massive s’est rapidement organisée en sous-groupes de travail, mêlant des compétences et des univers variés : data scientists de grandes entreprises, chercheurs en anthropologie, ingénieurs et biologistes se côtoient ainsi dans cet univers virtuel. </p>
<p>La personne la plus active, coordinatrice émergente de la communauté s’avère même être… une lycéenne de 17 ans de Seattle ! Cette initiative est aujourd’hui un programme de recherche à part entière, <a href="https://app.jogl.io/program/opencovid19">OpenCOVID19</a>, avec 100 000 euros de financements de Axa Research Fund à redistribuer aux projets émergents selon un système de revue par la communauté, en partenariat avec l’AP-HP pour faciliter l’évaluation et la validation des designs destinés à un usage hospitalier, et plusieurs axes majeurs : diagnostique, prévention, traitement, ou encore analyse de données et modélisation.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/324962/original/file-20200402-74904-daifih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/324962/original/file-20200402-74904-daifih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/324962/original/file-20200402-74904-daifih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=529&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/324962/original/file-20200402-74904-daifih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=529&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/324962/original/file-20200402-74904-daifih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=529&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/324962/original/file-20200402-74904-daifih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=664&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/324962/original/file-20200402-74904-daifih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=664&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/324962/original/file-20200402-74904-daifih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=664&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Carte des compétences partagées par les participants à la plate-forme JOGL sur les projets Covid-19, et leurs interactions.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marc Santolini, JOGL, CRI</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’auto-organisation de communautés a été l’apanage du monde open-source et l’origine de projets massifs tel que Linux. Elle devient aujourd’hui apparente dans la résolution de problèmes globaux et multi-disciplinaires, mettant la diversité des compétences au service de la complexité.</p>
<h2>L’intelligence collective, c’est quoi ?</h2>
<p>Si nous pouvons mesurer une intelligence individuelle via la performance à diverses tâches et ainsi dériver un « quotient intellectuel » individuel (le fameux QI), alors pourquoi ne pas mesurer l’intelligence d’un groupe d’individus par leur performance à des tâches collectives ?</p>
<p>Des chercheurs <a href="https://science.sciencemag.org/content/330/6004/686">ont</a> <a href="https://science.sciencemag.org/content/330/6004/686">démontré</a> en 2010 l’existence d’un « facteur c » d’intelligence collective prédictif de la performance de groupe aux diverses tâches. </p>
<p>Pour qu’un groupe maximise son intelligence collective, nul besoin d’y regrouper des gens avec un fort QI. Ce qui compte, c’est la sensibilité sociale des membres, c’est-à-dire leur <em>capacité à interagir efficacement</em>, leur capacité à prendre la parole de manière équitable lors des discussions, ou encore la diversité des membres, notamment la proportion de femmes au sein du groupe. </p>
<p>Autrement dit, un groupe intelligent n’est pas un groupe formé d’individus intelligents, mais d’individus variés qui interagissent convenablement. Et les auteurs de conclure : « il semblerait plus facile d’augmenter l’intelligence d’un groupe que celle d’un individu. Pourrait-on augmenter l’intelligence collective, par exemple, grâce à de meilleurs outils de collaboration en ligne ? »</p>
<p>C’était l’esprit à l’instauration de la plate-forme JOGL : on peut mesurer en temps réel l’évolution de la communauté et l’avancée des projets, ce qui permet de mettre en place une meilleure coordination des différents programmes, dont bien sûr les programmes Covid-19. </p>
<p>Les données offrent aussi un étalon quantitatif de « bonnes pratiques » facilitant l’intelligence collective, permettant l’avancée de recherches fondamentales sur les collaborations que nous menons au sein de <a href="https://research.cri-paris.org/teampage?id=5cde7f999a474e4a9f93b281">mon équipe de recherche</a> au Centre de Recherches Interdisciplinaires de Paris. En effet, en mettant en action les outils de la science des réseaux, nous étudions <a href="https://science.sciencemag.org/content/359/6379/eaao0185">comment ces dynamiques collaboratives</a> sous-tendent l’avancée des connaissances.</p>
<h2>Réveil éphémère ou bouleversement à long terme ?</h2>
<p>Comment faire en sorte que ces révolutions se pérennisent ? S’il est un enseignement que nous apprennent les « hackathons », ces événements mettant en œuvre les principes de l’intelligence collective pour générer des projets sur un ou deux jours, c’est qu’il est difficile de stabiliser l’activité de ces projets dans le temps, après l’effervescence de l’événement. </p>
<p>Même s’il est tôt pour tirer des conclusions à ce sujet dans le cas d’OpenCOVID19, plusieurs pistes existent pour penser le futur de telles collaborations massives.</p>
<p>Un <a href="https://press.princeton.edu/books/paperback/9780691160191/reinventing-discovery">point commun</a> des communautés qui deviennent rapidement immenses est qu’on y est rapidement perdus ! Qui contacter pour résoudre tel problème ou répondre à telle question ? La solution : une « architecture de l’attention » permettant de guider les individus là où leur talent serait le plus apte à la progression du projet. Autrement dit, c’est dans les <em>systèmes de recommandation</em>, ces mêmes algorithmes qui ont fait le succès des réseaux sociaux tels que Twitter, Instagram ou Facebook, que réside le graal de ces communautés.</p>
<p>Une telle approche, basée sur les fondamentaux de la <a href="https://hci.stanford.edu/publications/2017/flashorgs/flash-orgs-chi-2017.pdf">science des équipes</a> et la <a href="https://arxiv.org/abs/2001.01296">science des réseaux</a>, permet d’utiliser les traces digitales laissées par la communauté (interactions, discussions, projets réalisés, compétences déclarées) pour présenter dans un flux d’activité quelle serait la meilleure personne à contacter, le projet le plus pertinent à aider, ou encore la tâche la plus logique à produire par la suite. </p>
<p>Au cœur de l’architecture de JOGL, de tels algorithmes permettent ainsi de favoriser <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9rendipit%C3%A9">ces rencontres hasardeuses qui s’avèrent être de manière inattendue bénéfiques à un projet</a>.</p>
<p>Le développement de tels algorithmes de recommandation au profit de collaborations massives nécessite l’apport de disciplines variés, allant de l’informatique aux sciences sociales, en passant par les mathématiques ou l’éthique. Finalement, le futur de l’intelligence collective se retourne sur lui-même : car c’est bien l’intelligence collective qui devra se mettre au service de son propre devenir.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article fait partie de la série « Les belles histoires de la science ouverte » publiée avec le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Pour en savoir plus, visitez le site <a href="https://www.ouvrirlascience.fr/">Ouvrirlascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135465/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Santolini est co-fondateur et Directeur Recherche de Just One Giant Lab.</span></em></p>Individuellement, nous sommes tous démunis devant la crise du coronavirus. Un boom collaboratif mondial est en train de changer la manière dont la science se fait.Marc Santolini, Research Fellow, UMR1284 INSERM et Université de Paris au CRI, chercheur invité au Center for Complex Network Research (Northeastern University), et co-fondateur de Just One Giant Lab, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1298482020-03-01T17:21:10Z2020-03-01T17:21:10ZReproduire un résultat scientifique : plus facile à dire qu’à faire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/317800/original/file-20200228-24651-1bmg3iw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6016%2C4007&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une expérience : un résultat, mais qu'en sera-t-il pour la deuxième ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/37-obwmRiAI">Science in HD/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Tout le monde le dit : c’est la crise ! L’expression « crise de la reproductibilité » en français possède <a href="https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Crise_de_la_reproductibilit%C3%A9&action=history">son article Wikipédia</a> depuis fin 2016 et l’équivalent en anglais (<em>reproductibility crisis</em> ou <em>replication crisis</em>) <a href="https://en.wikipedia.org/w/index.php?title=Replication_crisis&dir=prev&action=history">depuis début 2015</a>. Une rapide recherche du terme <em>reproducibility crisis</em> dans les <a href="https://trends.google.com/trends/explore?date=all&q=%2Fm%2F012mc030">tendances Google</a> montre que cette expression se popularise depuis la première moitié des années 2010.</p>
<p>Le journal <em>Nature</em> en a fait ces dernières années un de <a href="https://www.nature.com/collections/prbfkwmwvz/">ses sujets éditoriaux</a> récurrents. En particulier, une <a href="https://www.nature.com/news/1-500-scientists-lift-the-lid-on-reproducibility-1.19970">enquête sous forme de questionnaire</a> de plusieurs centaines de scientifiques de tous domaines est publiée en 2016 et est depuis reprise par tous les articles évoquant le sujet : oui, il existe selon la majorité des scientifiques interrogés une incapacité à reproduire les expériences scientifiques publiées, et oui, il s’agit selon eux d’une crise, sous-entendant non seulement que l’affaire est grave, mais aussi qu’elle est nouvelle.</p>
<p>Voilà une crise dont l’institution scientifique, en quête de légitimité auprès des instances politiques (en sciences du climat) ou administratives (pour les essais cliniques) ou tout simplement du grand public (le glyphosate est-il toxique, oui ou non ?), se passerait bien.</p>
<h2>Qu’est ce que la reproductibilité ?</h2>
<p>Bien que la reproductibilité soit souvent considérée en principe comme la moindre des choses en science (sinon quelle confiance avoir dans des résultats scientifiques ?), en pratique, il en va tout autrement. </p>
<p>Du point de vue de l’histoire des sciences, la reproductibilité est une question complexe : la diversité des termes (<em>verification, replicability, repeatability, checking, robustness</em>…) et leur polysémie la caractérisent. Reproductibilité par qui (soi-même, un collègue, un concurrent, un relecteur, une instance de vérification) ? Pour quoi (pour valider, pour contredire, pour interpréter) ? Comment (même instrumentation, même protocole, même conclusion par d’autres moyens) ? Et d’ailleurs, qu’est-ce qui doit être <em>pareil</em> exactement (exactement les mêmes mesures, des <em>patterns</em> similaires, des conclusions compatibles à partir de résultats différents) ? Et quand a-t-on besoin d’être <em>pareil</em> (pour démontrer, pour infirmer ou contredire, pour généraliser) ? </p>
<p>D’une manière générale, la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/9781118865064.ch3">littérature en histoire des sciences</a> montre que si la reproductibilité conduit à plus de fiabilité en science, c’en est un moyen parmi d’autres, pas toujours suffisant, pas toujours nécessaire.</p>
<h2>Diversité des sciences</h2>
<p>La reproductibilité est aussi vécue de manières différentes selon les domaines scientifiques. Les questions de reproductibilité ne se posent pas de la même manière selon les situations expérimentales : cherche-t-on à détecter le signal des ondes gravitationnelles dans le bruit des vibrations de quelques millimètres d’amplitude sur des bras métalliques de plusieurs kilomètres de long ? Cherche-t-on à rendre des populations de souris les plus significatives possibles mais suivent-elles le même régime alimentaire que dans l’animalerie d’un autre laboratoire ? La philosophe des sciences <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/S0743-41542018000036B009/full/html">Sabina Leonelli propose</a> plusieurs catégories d’activités scientifiques pour lesquelles <em>reproductibilité</em> n’a pas forcément le même sens ni la même importance.</p>
<p>Par exemple, certains domaines travaillent sur des objets d’études rares ou périssables. Quel sens a la reproductibilité en archéologie où l’activité consiste à trouver quelque chose de nouveau à chaque fouille ? Comment définir la reproductibilité dans certaines observations astronomiques d’évènements rarissimes ? La reproductibilité est donc multiforme et dépendante du contexte mais elle est aussi différente selon les domaines scientifiques. Différente sur comment elle est perçue et est mise en place mais aussi différente sur son importance en tant que norme scientifique.</p>
<p>En anthropologie par exemple, un des principes épistémiques à la base de sa fiabilité est la réflexivité plutôt que la reproductibilité : le questionnement du rapport entre le chercheur et son objet d’étude pour permettre une analyse pertinente de ses conditions et résultats de recherche. Il s’agit là d’ailleurs d’un principe épistémique dont bien des sciences pourraient s’inspirer (là où elles se contentent d’une parfois peu convaincante déclaration d’absence de conflits d’intérêts).</p>
<h2>Pourquoi la crise ?</h2>
<p>Et pourtant, la crise, elle, s’est installée quasi simultanément dans une grande variété de domaines scientifiques malgré cette diversité.</p>
<p>D’une part, il y a un lien, ou du moins une concomitance avec le mouvement de l’<em>open access</em> (accès ouvert). Les oligopoles des éditeurs scientifiques ont tendance à rendre la littérature scientifique inaccessible au commun des mortels (voire au commun des chercheurs) : un des chevaux de bataille de l’<em>open access</em> est la revendication de plus de transparence dans les sciences. Par extension, le mouvement de l’<em>open science</em> (science ouverte) exige que les expériences scientifiques puissent être reproductibles, dans le cadre de cette transparence. La reproductibilité est revendiquée comme le standard absolu, l’étalon qui permet la confiance dans l’activité scientifique, confiance de la part de la communauté des chercheurs eux-mêmes mais aussi pour les institutions scientifiques de financement, et les citoyens. Le lien entre publication, transparence et reproductibilité est particulièrement prégnant dans la critique de la relecture par les pairs qui accompagne le mouvement de l’<em>open access</em>.</p>
<p>Pourtant, l’analyse que nous venons de faire de la diversité des domaines scientifiques implique que l’exigence de reproductibilité (en tant que moyen d’obtenir la fiabilité) pose problème pour la vitalité de nombreux champs scientifiques pour lesquels cette exigence peut être sans objet, voire contre-productive. Il ne s’agit pas de nier que les meilleures pratiques de recherche possibles sont souhaitables. </p>
<p>Dans le domaine computationnel par exemple, un domaine présent dans de nombreuses sciences, l’interdépendance des librairies informatiques <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-019-03296-8">est un casse-tête</a> pour la reproductibilité des programmes informatiques qui est l’objet de <a href="https://learninglab.inria.fr/en/mooc-recherche-reproductible-principes-methodologiques-pour-une-science-transparente/">plus en plus d’attention</a>. Mais la référence à l’exigence de reproductibilité comme s’il s’agissait d’une valeur universelle applicable partout de la même manière tient plus de la panique morale que d’une réflexion sur les sciences dans leur diversité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129848/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandre Hocquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La reproductibilité dans les sciences est souvent considérée comme un principe absolu à respecter par tous. Pourtant ce n'est pas si simple. Focus sur la «crise de la reproductibilité».Alexandre Hocquet, Professeur des Universités en Histoire des Sciences, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1299992020-02-19T19:44:04Z2020-02-19T19:44:04ZComment les chercheurs choisissent les journaux auxquels ils soumettent leurs articles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/315775/original/file-20200217-10995-2obfm9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bibliothèque José Vasconcelos à Mexico.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/photos/mexico-biblioteca-vasconcelos-3215930/">AldoRafa/pixabay</a></span></figcaption></figure><p>Des chercheurs qui cherchent, on en trouve. Des chercheurs qui trouvent… on en trouve aussi. Il suffit de jeter un œil aux bénéfices annuels de l’édition scientifique. Parce que tout ce que trouvent les chercheurs est consigné dans les articles scientifiques qu’ils écrivent et soumettent aux journaux spécialisés qui les évalueront, publieront, diffuseront et archiveront. Or, tous les journaux scientifiques ne se valent pas en termes d’évaluation, de diffusion et de mise à disposition des articles, pas plus qu’en termes de services aux auteurs. Comment les chercheurs choisissent-ils les journaux auxquels ils soumettent leurs articles ?</p>
<p>Ils se posent pas mal de questions ! Notamment : À qui s’adresse mon article ? Quelle est la notoriété du journal que je vise ? Comment mon article sera-t-il évalué ? Qui sera susceptible de le lire ? À quel prix pour moi et pour le lecteur ?</p>
<h2>Le double visage des articles scientifiques</h2>
<p>Les articles scientifiques sont à la fois l’alpha et l’oméga de la recherche. L’alpha, parce que tout travail scientifique s’appuie sur les connaissances établies préalablement par d’autres scientifiques. C’est à partir de la lecture des articles scientifiques que les chercheurs établissent leurs hypothèses et la méthodologie à mettre en œuvre pour les tester et les discuter. Une fois le travail réalisé et les résultats obtenus, il convient de les communiquer. Des résultats qui resteraient dans un cahier de laboratoire ne servent à personne. Voilà l’oméga de la recherche : c’est dans les articles scientifiques que sont principalement communiqués et archivés les résultats obtenus par les chercheurs.</p>
<p>C’est là la vision idéale de ce qu’est un article scientifique : une pierre à l’édifice de la connaissance. Mais pour le chercheur, un article remplit d’autres fonctions : un retour auprès de son employeur ou de l’agence qui a financé ses travaux, une réalisation à faire valoir lors de la recherche d’un emploi ou pour obtenir de nouveaux contrats de recherche. Ce point est particulièrement important pour les doctorants et post-doctorants lorsqu’il s’agit de postuler pour un poste de maître de conférences ou de chercheur.</p>
<h2>Visibilité, accessibilité… et coût</h2>
<p>Tous les journaux ne se valent pas en termes de rigueur ou d’accessibilité. Certains sont plus prestigieux et ont un impact médiatique et académique important. Comparés à des articles publiés dans des revues moins notables, les articles publiés dans ces journaux y sont souvent plus lus et plus cités, ce qui augmente en retour la notoriété du journal et des auteurs de ces articles. Les plus connus du grand public sont <a href="https://www.nature.com/">Nature</a> et <a href="https://www.sciencemag.org/">Science</a>.</p>
<p>Dans chaque discipline scientifique, il existe une grande diversité de journaux. Par exemple, je travaille sur les interactions plantes-insectes et je suis amené à lire dans des journaux généralistes en écologie ou dans des journaux plus spécialisés en entomologie. Pour publier, je vérifie tout d’abord l’adéquation entre le sujet de mon article et les thèmes couverts par le journal, précisés sur le site web du journal.</p>
<p>Évacuons d’emblée tout malentendu : l’audience des journaux n’est pas une métrique qui reflète la qualité scientifique des articles qu’ils publient et certains journaux extrêmement spécialisés, malgré une audience confidentielle, publient d’excellents articles dans leur discipline. Mais parce qu’on écrit pour être lu, la taille de l’audience est l’un des critères pour choisir un journal. Pour deux journaux publiant des articles dans le même domaine, il est normal de se demander « quel est le journal qui offrira la meilleure exposition de mon article aux membres de ma communauté scientifique ? » Mais ce critère peut être contrebalancé par une question de coût, et d’éthique.</p>
<p>Éditer un journal scientifique a un coût lié aux infrastructures d’archivage et de diffusion des articles, ainsi qu’aux salaires des personnes coordonnant le travail éditorial, même à l’ère numérique. Qui paie ? Traditionnellement les institutions de recherche s’abonnent à des journaux, permettant à leurs chercheurs de lire les articles publiés dans leurs domaines. Les chercheurs (ou plutôt leurs institutions) payent pour lire. Or, pour faire sa veille, un scientifique doit avoir accès à une telle diversité de journaux que le coût des abonnements <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/fondamental/publications-scientifiques-la-guerre-est-declaree_135582">devient vite prohibitif</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-les-chercheurs-se-liberent-des-revues-scientifiques-au-cout-exorbitant-97355">Quand les chercheurs se libèrent des revues scientifiques au coût exorbitant</a>
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<p>De plus, la recherche scientifique étant largement publique, les citoyens souhaitent légitimement accéder librement aux résultats de la recherche qu’ils ont en partie financée. C’est ce qui a conduit au développement d’un modèle de publication, le libre accès (<em>open access</em>), où les articles publiés par les journaux sont consultables gratuitement. Ce libre accès est souvent conditionné au paiement de frais de publication par les auteurs (via leurs institutions de recherche). Ce modèle d’« auteur payeur » prend progressivement le pas sur le modèle « lecteur payeur ». Ainsi, à partir de 2020, les chercheurs bénéficiant de subventions de l’Union européenne ont l’obligation de publier leurs articles en accès libre. Or, cela a très souvent un coût, souvent autour de <a href="https://www.plos.org/publication-fees">1 500 euros</a>, mais <a href="https://www.nature.com/ncomms/about/article-processing-charges">jusqu’à 4 500 euros</a> par article.</p>
<p>Si la mise à disposition gratuite des résultats de la recherche est louable, sa monétarisation pose question. Les journaux pourraient être tentés d’accepter davantage d’articles, y compris de moins bonne qualité scientifique, et les chercheurs de payer pour « gonfler » leur CV. Ces soupçons ne sont pas nécessairement justifiés mais peuvent peser sur la confiance accordée aux résultats publiés dans les journaux financés par les auteurs des articles.</p>
<p>Certains journaux (<a href="https://journals.plos.org/plosone/">PLOS</a>, <a href="https://www.biomedcentral.com/">BMC</a>, <a href="https://www.frontiersin.org/">Frontiers in…</a>, <a href="https://www.nature.com/srep/">Scientific reports</a>, <a href="https://advances.sciencemag.org/">Science Advances</a>), édités par des grands éditeurs commerciaux ou des sociétés à but non lucratif, ont fait le choix de donner l’accès à l’intégralité des articles qu’ils publient. Leurs revenus dépendent alors exclusivement des frais de publication payés par les institutions de recherche.</p>
<p>Dans le même temps, certains journaux ont mis en place un système hybride : leurs articles restent accessibles sur abonnement, mais les auteurs peuvent faire le choix de payer pour que leur article soit librement consultable hors abonnement. Les auteurs bénéficient alors du prestige du journal, tout en se pliant aux règles imposées par l’Europe. Mais les institutions paient à la fois l’abonnement à la revue et le libre accès à leur article. On pourra sourciller.</p>
<p>Après la question de la visibilité de l’article se pose donc la question de son coût et de la confiance qui lui sera accordée par la communauté, mais aussi la question de cautionner implicitement un modèle économique dans lequel celui qui produit la marchandise (le chercheur et l’institution qui l’emploie) est également celui qui paie pour en garantir l’accès (les abonnements ou les frais de publication).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/podcast-trois-questions-sur-le-libre-acces-aux-contenus-numeriques-86505">Podcast : Trois questions sur le « libre accès » aux contenus numériques</a>
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<h2>Des initiatives iconoclastes mais vertueuses</h2>
<p>Pour pallier les dérives du système actuel, différentes initiatives voient le jour. L’internet met à disposition des outils libres de publication sur le web, qui permettent de publier à très grande échelle à des coûts minimes. De plus, les articles bruts non évalués (nommés <em>preprints</em>) sont de plus en plus couramment déposés directement par les chercheurs dans des archives ouvertes <a href="https://arxiv.org/">arXiv.org</a> ou <a href="https://bioRxiv.org">bioRxiv.org</a>, ce qui permet de rendre disponibles rapidement et gratuitement les résultats de recherche. Mais à la différence des articles publiés dans les journaux classiques, les <em>preprints</em> ne sont pas encore le système de revue par les pairs (ou <a href="https://theconversation.com/lexpertise-en-sciences-ou-comment-se-decide-ce-qui-est-publiable-noblesse-et-de-rives-77925"><em>peer review</em></a>) qui consiste en l’évaluation indépendante de chaque article par deux (ou plus !) experts du sujet avant publication.</p>
<p>Différents projets d’évaluation de ces <em>preprints</em> ont vu le jour, par exemple <a href="https://peercommunityin.org/"><em>Peer Community in</em></a>, qui fédère des « communautés de pairs » évaluant et recommandant des <em>preprints</em> dans leur domaine scientifique. Les rapports, les recommandations, les identifiants digitaux des versions successives des <em>preprints</em>, ainsi que les correspondances avec les auteurs sont visibles gratuitement par les lecteurs. Ce système présente une certaine similitude avec les <a href="https://www.ccsd.cnrs.fr/epi-revues/">épirevues</a>.</p>
<p>Ces initiatives vertueuses n’évaluent que la qualité scientifique des articles, pas leur potentiel de visibilité ; elles sont iconoclastes mais elles ne bénéficient pas de la notoriété que peuvent avoir certains journaux. Cela peut être un frein à leur diffusion dans la communauté scientifique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/open-access-pour-les-revues-scientifiques-il-faut-plusieurs-modeles-50417">« Open access » pour les revues scientifiques : il faut plusieurs modèles</a>
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<h2>La recherche, c’est la science, mais pas que</h2>
<p>Résumons : le choix du journal conditionne à la fois la visibilité et l’utilisation future d’un article, ainsi que les carrières de ses auteurs. Le chercheur qui soumet un article porte une triple responsabilité : une responsabilité scientifique en ce qui concerne le contenu de l’article, une responsabilité humaine et sociale vis-à-vis de ses co-auteurs (qui peuvent êtres dans une situation professionnelle précaire), et une responsabilité sociétale quant à l’utilisation des fonds publics alloués à la recherche.</p>
<p>Avant d’écrire et de soumettre son article à un journal, le chercheur se pose donc une série de questions qui relève du fond de la recherche mais également des personnes qui la font.</p>
<p>Sur le fond :</p>
<ul>
<li><p>De quoi mon article parle-t-il ?</p></li>
<li><p>Qui va-t-il intéresser ?</p></li>
<li><p>Dans quel journal aura-t-il le plus de chances d’être lu et utilisé par les membres de ma communauté scientifique ?</p></li>
</ul>
<p>Sur le « font » :</p>
<ul>
<li><p>Qui pourra accéder à mon article ?</p></li>
<li><p>Quel est le coût de la publication ?</p></li>
<li><p>Qui paie ?</p></li>
<li><p>Quel délai avant que mon article soit lisible et citable ?</p></li>
<li><p>Quel est le niveau de crédibilité du journal ?</p></li>
<li><p>Qui sont mes co-auteurs ?</p></li>
</ul>
<p>Le choix n’est ni anodin, ni évident. La réponse à ces questions a plus ou moins d’importance selon les disciplines, selon les chercheurs et selon l’avancement de leur carrière. Chaque choix est justifiable, pour peu qu’il soit réfléchi et assumé. Mais il n’est pas interdit de chercher à faire évoluer les mentalités et les pratiques vers un système de publication plus vertueux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129999/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bastien Castagneyrol ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’enjeu des articles scientifiques est là : valider les résultats de la recherche scientifique, les diffuser et assurer leur accessibilité sur le long terme.Bastien Castagneyrol, Chercheur en écologie, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1273522019-11-19T11:39:30Z2019-11-19T11:39:30ZIQSOG – Fenêtres ouvertes : l’open access, une erreur fatale en sciences sociales !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/302410/original/file-20191119-111640-1ew40bc.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C3%2C571%2C589&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« IQSOG Fenêtres Ouvertes sur la Gestion » : les émissions de la lettre du 9 novembre 2019.</span> <span class="attribution"><span class="source">Capture d'écran.</span></span></figcaption></figure><p>À l’affiche de cette <a href="http://t.crm.xerfi.com/nl/jsp/m.jsp?c=%40iWB6faWr2XaukPgmb86be99IcZizg6GP2EBBpt1t65w%3D&utm_source=Mod%E8le%20diffusion%20Xerfi%20Canal&utm_medium=email&utm_campaign=FG091119">lettre datée du 9 novembre 2019</a>, sept nouvelles conversations à retrouver, comme chaque semaine, avec les invités de Jean‑Philippe Denis, professeur de sciences de gestion à la faculté Jean‑Monnet de l’Université Paris-Sud et rédacteur en chef de la <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion.htm">Revue française de gestion</a>.</p>
<p>Cette semaine, à la une : Jean‑Philippe Denis évoque les risques de l’open access dans le domaine des sciences sociales en général, et des sciences de gestion en particulier.</p>
<p>Bon visionnage de ces sept nouvelles conversations, en partenariat avec « IQSOG/Fenêtres ouvertes sur la gestion » !</p>
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<h2>A la une</h2>
<p><strong>L’open access est une erreur fatale en sciences sociales ! Conversation avec Jean‑Philippe Denis, professeur de sciences de gestion à la faculté Jean‑Monnet de l’Université Paris-Sud (interview menée par Mounia Van de Casteele)</strong></p>
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<h2>Et aussi…</h2>
<p><strong>Une autre histoire de l’édition française, conversation avec Jean‑Yves Mollier, professeur émérite à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines</strong></p>
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<p><strong>Au-delà de Granovetter : le lien faible coopératif, conversation avec Marc Lecoutre, professeur à ESC Clermont</strong></p>
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<p><strong>Les méthodes de recherche du DBA, conversation avec Françoise Chevalier et Martin Cloutier, respectivement professeur à HEC Paris et professeur à l’UQAM</strong></p>
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<p><strong>L’impact de la recherche en sciences de gestion, conversation avec Jacques Igalens, professeur à l’université de Toulouse et coordinateur des États Généraux du management de la FNEGE 2016</strong></p>
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<p><strong>Prix Consult’in France : accélérer la transformation digitale, conversation avec Aurélien Rouquet et Daniel Baroin, respectivement professeur à Neoma Business school et senior Advisor carewan by KPMG et administrateur chez Consult’in France et la FNEGE</strong></p>
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<p><strong>Faire de la recherche en contexte international, conversation avec Liliana Mitkova, professeur à l’université d’Evry</strong></p>
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<p><em>Toutes les émissions <a href="https://www.xerficanal.com/fog/">« IQSOG Fenêtres ouvertes sur la gestion »</a> peuvent être consultées sur Xerfi canal.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127352/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les éditions EMS et le Business Science Institute sont membres du cercle des partenaires de l'émission Fenêtres Ouvertes sur la Gestion. </span></em></p>Retrouvez les invités de Jean‑Philippe Denis, professeur à l’Université Paris-Sud et rédacteur en chef de la RFG. Cette semaine : open access, édition et transformation digitale.Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1252122019-10-13T19:21:08Z2019-10-13T19:21:08ZPourquoi la recherche soutient The Conversation France<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/296778/original/file-20191013-96262-6erhbu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C89%2C1500%2C860&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">The Conversation France</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Notre mission n’a pas changé depuis quatre ans : publier des articles d’expertise au quotidien issus d’une collaboration unique entre chercheurs et journalistes et partager le savoir avec le plus grand nombre. Depuis 2015, nous avons publié plus de 3 000 auteurs affiliés à plus de 90 universités et institutions de recherche. Ces institutions membres sont au cœur de notre aventure et certaines d’entre elles ont choisi aujourd’hui de vous dire l’importance de notre travail collaboratif. Nous les remercions pour leur soutien.
Pour faire un don, <a href="https://donate.theconversation.com/fr?utm_source=theconversation.com&utm_medium=website&utm_campaign=topbar">c'est ici</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Pourquoi la recherche soutient The Conversation France.</span></figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/125212/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
La recherche explique pourquoi elle collabore avec The Conversation France.Fabrice Rousselot, Directeur de la rédaction, The Conversation FranceBenoît Tonson, Chef de rubrique Science + Technologie, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1200452019-09-12T22:26:02Z2019-09-12T22:26:02ZDébat : Enseignement supérieur, replaçons la salle de cours au cœur de la cité !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/290882/original/file-20190904-175686-dqaf5v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C9%2C3761%2C2582&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il faut ouvrir sur la ville les lieux traditionnels de connaissances - universités, laboratoires, bibliothèques.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/business-team-brainstorm-idea-lightbulb-jigsaw-1260595711?src=-1-74">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><em>Ce texte s’inscrit dans une série d’articles autour de la thématique « Universités et ville durable », sujet du colloque de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) qui se tient les 21 et 22 octobre 2019 à Dakar, avec plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, maires, et experts en urbanisme dans le monde francophone.</em></p>
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<p>Les infrastructures de l’Internet ont fourni un support à un rêve déjà ancien, celui de diffuser la connaissance au plus grand nombre. Mais l’ambition des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Science_ouverte">sciences ouvertes</a> ne se limite pas aux questions d’accès que de nouveaux moyens techniques et juridiques facilitent un peu plus chaque jour. Si elles visent à faire circuler les résultats de recherche de manière bien plus fluide, il s’agit aussi d’agir en amont, en rendant la recherche plus participative.</p>
<p>L’idée est de ne pas envisager les citoyens comme de simples sujets de recherche mais également comme des partenaires des chercheurs. D’ailleurs, les initiatives de science citoyenne se propagent rapidement à travers le monde, que cela soit pour <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-018-07106-5">collecter des données</a> ou pour les analyser, parfois à travers des <a href="https://www.nature.com/news/victory-for-crowdsourced-biomolecule-design-1.9872">dispositifs ludiques</a>.</p>
<p>Ce mouvement invite à s’interroger sur la bipartition entre l’enseignement et la recherche. Les étudiants n’ont-ils pas aussi un rôle à jouer dans la construction de « communs » pédagogiques ? Dans le prolongement des sciences ouvertes et citoyennes se dessinerait aussi une « éducation ouverte ».</p>
<p>C’est l’une des hypothèses centrales de la <a href="https://www.researchgate.net/publication/333673834_Vers_une_education_ouverte_Faire_reflexivite_et_culture_pour_une_education-recherche">note</a> <em>Vers une éducation ouverte : Faire, réflexivité et culture pour une éducation-recherche</em>, qui vient d’être publiée par le think tank Research Group Collaborative Spaces (RGCS), à partir de huit expériences innovantes menées dans l’enseignement supérieur, dans des contextes assez différents – universités, écoles de management, écoles d’ingénieurs.</p>
<h2>Décloisonner les cours</h2>
<p>Promouvoir une éducation ouverte suppose d’abord de décloisonner les systèmes, en rendant les lieux traditionnels de connaissances – universités, laboratoires, bibliothèques – plus ouverts, plus transparents et plus mobiles dans la ville. La question de l’accès sans discrimination ni barrière d’âge ou de statut est centrale.</p>
<p>Dans le cours « Transformations du travail et numérique » donné à l’Université Paris-Dauphine, par exemple, il n’y a plus ni début ni fin de cours. L’enseignement est ouvert aux anciens et aux personnes tout simplement intéressées par le thème abordé. Il met en œuvre de nombreuses parties prenantes, étudiants, chercheurs, entrepreneurs, mais aussi makers, activistes, slashers, artistes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/porter-la-pedagogie-hors-les-murs-une-experience-en-master-de-management-109316">Porter la pédagogie hors les murs : une expérience en master de management</a>
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<p>La production de connaissance dépasse les frontières temporelles et spatiales habituelles, avec notamment la diffusion du cours via des outils numériques (blogs, Twitter, articles en ligne). Le cas « Open walked event-based experimentations » (OWEE) montre qu’on peut s’appuyer également sur des démarches qui pourraient paraître anciennes. Pourquoi ne pas monter des « learning expeditions » dans la rue et sur les places publiques pour créer des narrations pédagogiques plus incertaines, et donc plus ouvertes à de véritables rencontres ?</p>
<h2>S’emparer de questions de société</h2>
<p>Le deuxième enjeu pour l’enseignement est de rester fortement connecté à la société et à ses réalités contemporaines. La co-création de connaissances et l’implication dans la cité permettent de retrouver du sens et de participer à la résolution de défis environnementaux et sociétaux.</p>
<p>Les approches par projets ou par défis doivent permettre de réintroduire l’engagement citoyen au cœur des raisons pour lesquelles on étudie.</p>
<p>Le cours « Public factory » de l’IEP de Lyon illustre cette approche. Les projets qui structurent le cours sont tous des défis réels d’innovation publique, pour lesquels les résultats du travail des enseignants, des étudiants et des professionnels vont venir contribuer au bien public. La coopération étroite avec de grands professionnels du Design des politiques publiques, notamment la <a href="http://www.la27eregion.fr/">27ᵉ région</a>, est exemplaire d’une nouvelle manière de penser la pédagogie.</p>
<h2>Démarches exploratoires</h2>
<p>Enfin, il faut renforcer la capacité de l’éducation à aller au-delà des murs. Il faut pouvoir sortir, s’impliquer dans un tissu urbain, marcher pour penser, sentir et comprendre. Cela demande aussi de repenser les espaces et la forme scolaire et universitaire, de remettre une articulation entre extérieur et intérieur, de s’approprier les nouveaux espaces et de coopérer avec les tiers lieux et de repenser la proximité.</p>
<p>Par exemple le cours « Innovation and cooperative projects » de Yncréa Hauts-de-France se déroule au cœur d’un site en reconversion où les étudiants sont amenés à se nourrir des espaces urbains pour alimenter leurs réflexions. Le groupe passe autant de temps à l’extérieur qu’à l’intérieur, dans une démarche exploratoire, en prenant des photos, en interviewant des passants, en allant dans des start-up et des entreprises.</p>
<p>Cette philosophie de réappropriation des lieux, dans une démarche d’ouverture, de mise en commun des ressources et des connaissances est aussi celle qui nourrit le vaste mouvement des tiers lieux qui se développe en France, avec des projets comme la <a href="http://hauts.tiers-lieux.org/compagnie-des-tiers-lieux/">Compagnie des tiers lieux</a>.</p>
<h2>Réintroduire du commun</h2>
<p>À partir de ces expérimentations, on peut dégager quelques propositions à destination des chercheurs et décideurs politiques afin d’évoluer vers une « éducation ouverte ».</p>
<p>La première piste serait de réintroduire du commun dans le service public d’enseignement supérieur. Chaque enseignant pourrait par exemple mettre 25 % de son forfait au service de communs de connaissances sur son territoire – ce qui reviendrait à enseigner, expérimenter, faciliter, médiatiser au sein de tiers lieux et d’espaces collaboratifs proches de son université.</p>
<p>Cela pourrait se faire sur une base volontaire et à partir d’une liste de lieux constituée de façon émergente et non validée a priori par une commission ou un acteur public. D’aucuns objecteront que dans une situation de sous-effectifs et de moyens de plus en plus limités, une telle proposition est peu réaliste. C’est que selon nous, la vision actuelle oppose trop un « dedans » à former à un « dehors » auquel s’adapter alors que ces deux parties se recouvrent.</p>
<p>Il faut former de façon permanente et discontinue, au-delà d’une logique définitive de diplomation. Une partie importante de l’enseignement supérieur s’est construite soit dans la logique de la formation initiale, soit dans celle de la formation exécutive ou encore dans la perspective de l’apprentissage. Avec l’augmentation de la durée de vie, le développement de la pluriactivité, l’engagement associatif, la multiplication des discontinuités de vie, ces délimitations sont devenues largement caduques.</p>
<h2>Publier avec les étudiants</h2>
<p>Enfin, il faudrait revenir sur la dichotomie entre enseignement et recherche, qui a des effets particulièrement néfastes. Les sciences ouvertes et citoyennes pourraient favoriser une véritable éducation-recherche où la mise en commun des connaissances serait plus que jamais le fait de nos étudiants, bien accompagnés par des enseignants-chercheurs qui co-publieraient parfois à leur côté et développeraient des interfaces de traduction et d’impact sur leurs recherches.</p>
<p>L’éducation ouverte n’est pas un phénomène nouveau. Cependant, les sciences ouvertes et citoyennes, leurs infrastructures, leurs pratiques et leurs valeurs constituent des vecteurs d’opportunités nouvelles. Les nouveaux collectifs de recherche, les coopératives, les espaces collaboratifs, les tiers lieux, les plates-formes ouvertes sont autant d’acteurs qui peuvent jouer un rôle dans la création de processus et d’entre-mondes nouveaux.</p>
<p>Dans des contextes de crise du sens au travail, de chômage structurel encore important, de grave crise écologique, de menaces démocratiques, de perte de créativité dans les pratiques et les formes managériales, il devient urgent de saisir cette opportunité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120045/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François-Xavier de Vaujany est président du réseau académique RGCS (<a href="http://rgcs-owee.org/">http://rgcs-owee.org/</a>)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Amélie Bohas est membre du réseau académique RGCS (<a href="http://rgcs-owee.org/">http://rgcs-owee.org/</a>). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Olivier Irrmann est membre du réseau académique RGCS (<a href="http://rgcs-owee.org/">http://rgcs-owee.org/</a>).</span></em></p>Après les sciences participatives, qui mobilisent des citoyens dans des projets de recherche, l’« éducation ouverte » lance de nouvelles passerelles entre enseignement supérieur et société.François-Xavier de Vaujany, Professeur en management & théories des organisations, Université Paris Dauphine – PSLAmélie Bohas, Maître de Conférences en Sciences de Gestion, Aix-Marseille Université (AMU)Olivier Irrmann, Professor of Innovation Management and Codesign, YncréaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1147942019-04-03T20:20:51Z2019-04-03T20:20:51ZQui veut la peau de Sci-hub ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/267281/original/file-20190403-177167-71h55t.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=38%2C0%2C1315%2C718&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La home de Sci-Hub</span> <span class="attribution"><span class="source">Sci-hub</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Le site Sci-hub ne répond plus pour les personnes abonnées à l’un des quatre gros fournisseurs d’accès à Internet (FAI) français. Il ne s’agit pas d’un problème technique mais d’une <a href="https://www.numerama.com/sciences/477218-sci-hub-et-libgen-luttent-pour-la-diffusion-gratuite-du-savoir-scientifique-la-france-ordonne-leur-blocage.html">décision de justice</a> du Tribunal de grande instance de Paris.</p>
<p>Sci-hub est un site web frugal <a href="https://engineuring.wordpress.com/">créé en 2011</a> par une jeune scientifique kazakhstanaise, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Sci-Hub">Alexandra Elbakyan</a>, dont le principe est simple : on entre l’identifiant standard d’un article scientifique (son <a href="https://www.doi.org/">DOI</a>) et on obtient un fichier PDF de l’article scientifique en question. Pas d’inscription, pas d’identification nécessaire, pas de publicité, le site, maintenu par une seule personne, vit de donations.</p>
<p>L’existence de Sci-hub permet donc aux chercheurs du monde entier (et de fait à n’importe qui) d’obtenir gratuitement et immédiatement des articles scientifiques qui sont, normalement, pour la plupart vendus (très chers) par des <a href="https://www.theguardian.com/science/2017/jun/27/profitable-business-scientific-publishing-bad-for-science">éditeurs scientifiques</a> internationaux, soit aux bibliothèques universitaires sous forme d’abonnement, soit directement aux particuliers. Ces éditeurs scientifiques constituent une industrie aux marges indécentes, particulièrement depuis l’abandon progressif du papier comme support.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/WnxqoP-c0ZE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Sci-hub constitue donc selon les éditeurs une atteinte à leurs profits, un peu comme le streaming pour l’industrie du divertissement. Les plus gros éditeurs ont donc plusieurs fois poursuivi en justice Alexandra Elbakyan et Sci-hub dans divers pays, obtenant aux États-Unis sa condamnation à des <a href="https://www.nature.com/news/us-court-grants-elsevier-millions-in-damages-from-sci-hub-1.22196">millions de dollars</a> de dommages et intérêts et la forçant à vivre en cachette pour ne pas risquer l’extradition. Le site est lui souvent bloqué et réapparaît régulièrement sous d’autres adresses.</p>
<p>L’hiver dernier, les deux plus grands éditeurs, Elsevier et Springer Nature, ont attaqué en justice les quatre plus gros FAIs français afin d’obtenir le blocage en France de Sci-hub et la décision de justice en mars leur a été favorable.</p>
<p>D’après le <a href="https://torrentfreak.com/images/scihuborder.pdf">jugement</a>, l’activité de Sci-hub est illégale parce qu’elle constitue une contrefaçon « contre l’avis des auteurs » (en fait contre l’avis des éditeurs : personnellement, je suis pour que mes articles soient disponibles librement mais j’ai signé un transfert de copyright pour que l’article puisse être publié).</p>
<p>Il s’agit donc d’un de ces cas de « protection de droit d’auteur » où l’avis de l’auteur importe peu. Notons, même si c’est un élément de rhétorique récurrent chez les éditeurs, qu’il ne s’agit aucun cas de vol : personne n’est volé quand on télécharge un article gratuitement. Il s’agit tout simplement d’un manque à gagner pour celui qui espère le vendre. Notons aussi que l’accusé, dans ce procès, n’est pas le site lui même mais les « principaux FAIs français » (mais pas tous), comme dans le cas du <a href="http://blog.fdn.fr/?post/2014/12/07/Filtrer-The-Pirate-Bay-Ubu-roi-des-Internets">procès de The Pirate Bay</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/267295/original/file-20190403-177190-xnmeqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/267295/original/file-20190403-177190-xnmeqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/267295/original/file-20190403-177190-xnmeqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/267295/original/file-20190403-177190-xnmeqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/267295/original/file-20190403-177190-xnmeqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/267295/original/file-20190403-177190-xnmeqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/267295/original/file-20190403-177190-xnmeqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La bataille du copyright.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Christopher Dombres/Wikimedia</span></span>
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<p>Pourquoi la communauté scientifique <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2019/mar/04/the-guardian-view-on-academic-publishing-disastrous-capitalism">s’émeut elle</a> de ces interdictions ? C’est que la situation d’oligopole des grands éditeurs et leurs politique de marges gigantesques implique une situation d’étranglement de plus en plus de bibliothèques universitaires dans le monde, contraignant même les <a href="https://www.sciencemag.org/news/2019/02/university-california-boycotts-publishing-giant-elsevier-over-journal-costs-and-open">mieux dotées</a> d’entre elles à l’arrêt des abonnements : les articles deviennent de plus en plus inaccessibles, même pour les chercheurs de pays riches.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/267292/original/file-20190403-177167-185cljz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/267292/original/file-20190403-177167-185cljz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=803&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/267292/original/file-20190403-177167-185cljz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=803&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/267292/original/file-20190403-177167-185cljz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=803&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/267292/original/file-20190403-177167-185cljz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1009&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/267292/original/file-20190403-177167-185cljz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1009&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/267292/original/file-20190403-177167-185cljz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1009&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Alexandra Elbakyan en 2010.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Apneet Jolly/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour nombre d’entre eux, la popularité de Sci-hub exprime une <a href="https://www.theverge.com/2018/2/8/16985666/alexandra-elbakyan-sci-hub-open-access-science-papers-lawsuit">« héroisation »</a> à la Robin des bois d’Alexandra Elbakyan (comme <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/The_Internet%27s_Own_Boy">Aaron Swartz</a> avant elle). Sci-hub reprend aux riches pour redistribuer aux pauvres. En outre, sa simplicité d’utilisation est telle que, même pour un chercheur dont la bibliothèque est abonnée à la revue contenant l’article qu’il cherche, il est plus rapide de faire appel à Sci-hub. Le site rend accessible la recherche scientifique cachée derrière un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Paywall">paywall</a>.</p>
<p>Il y a en en effet un rapport avec « l’open access » (c’est-à-dire le libre accès aux publications scientifiques). Ce mouvement de révolte de la communauté scientifique a atteint les institutions : De plus en plus de gouvernements considèrent que les fruits de la recherche publiques devraient être accessibles au public. Le <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid132529/le-plan-national-pour-la-science-ouverte-les-resultats-de-la-recherche-scientifique-ouverts-a-tous-sans-entrave-sans-delai-sans-paiement.html">plan pour la science ouverte</a> en France (et surtout le <a href="https://www.coalition-s.org/">plan S</a>, une initiative internationale) consiste à encourager les chercheurs à rendre accessibles leurs publications, ce qui est perçu comme une menace de perte de marché par les éditeurs.</p>
<p>Ces énormes enjeux financiers conjuguée à la pression de l’open science font que le tout petit site Sci-hub est un gros acteur de ces enjeux géopolitiques, et c’est la raison de ces nombreux procès intentés contre lui.</p>
<p>Pourquoi les éditeurs attaquent-ils en France et pourquoi maintenant ? les <a href="https://twitter.com/Calimaq/status/1111940809392300032">enjeux de négociations</a> entre gros éditeurs et les pays sont en cours : Non seulement des négociations sur les tarifs d’abonnements, mais aussi des négociations sur la construction du futur « open access » : contre les éditeurs (les gouvernements souhaiteraient atténuer leur oligopole), mais aussi avec eux (imaginer avec eux un <em>business model</em> à base <a href="https://theconversation.com/debat-l-open-science-une-expression-floue-et-ambigue-108187">d’exploitations de données</a> en contrepartie de renoncer à leurs marges sur les textes des articles).</p>
<p>Dans ce contexte géopolitique, le jugement du TGI est une péripétie. Le <a href="https://remy.grunblatt.org/la-censure-de-sci-hub-et-libgen-vue-depuis-le-reseau-ripe-atlas.html">blocage</a> est facile à contourner (il n’est même pas besoin de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Tor_%28r%C3%A9seau%29">Tor</a> et encore moins d’acheter un VPN, puisqu’un simple <a href="https://www.fdn.fr/actions/dns/">changement de résolveur</a> DNS suffit). Surtout <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seau_national_de_t%C3%A9l%C3%A9communications_pour_la_technologie,_l%27enseignement_et_la_recherche">Renater</a> (le réseau des Universités qui est une infrastructure d’État) n’est pas affecté : on peut toujours accéder à Sci-hub à l’université ! En effet, les éditeurs n’ont pas porté plainte contre Renater. La situation ubuesque est donc que les FAIs sont condamnés par la justice à bloquer un site mais qu’il serait <a href="http://blog.fdn.fr/?post/2014/12/07/Filtrer-The-Pirate-Bay-Ubu-roi-des-Internets">probablement illégal</a> que Renater bloque ce même site.</p>
<p>Le fait que Renater ne soit pas concerné laisse penser que les enjeux du procès sont plus médiatico-politiques que juridico-commerciaux. Les éditeurs adoptent la technique du coup de pression dans les négociations avec le gouvernement, plutôt que de caresser un espoir réel d’éradication de Sci-hub.</p>
<p>Sci-hub, avec pourtant une infrastructure minimale est donc à la fois, le héros rebelle des chercheurs militants pour l’open access, le symptôme de la situation oligopolistique abusive des éditeurs et l’aiguillon qui permet au grand public de percevoir les enjeux financiers de la publication scientifique, un peu comme <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Napster">Napster</a> il y a vingt ans avait forcé l’industrie musicale à revoir sa façon de faire du business.</p>
<p>Ceci dit, Sci-hub est en pratique <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5832410/">alimenté en articles</a> par des chercheurs militants faisant profiter de leurs abonnements à des bibliothèques qui ont accès aux abonnements payants. Ironiquement, si toutes les bibliothèques arrêtaient de s’abonner, on ne pourrait plus alimenter Sci-hub !</p>
<p>De ce point de vue, se reposer sur Sci-hub c’est aussi ne pas remettre en cause le système actuel. C’est un peu comme <a href="https://twitter.com/gouttegd/status/1113208981562982405">pirater des copies</a> de <em>MS Office</em> plutôt que d’utiliser un traitement de texte libre : on entretient la suprématie du système propriétaire et on freine le développement d’alternatives.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/114794/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandre Hocquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un tribunal français a obligé les fournisseurs d’accès à Internet à bloquer le site Sci-hub qui permet un accès libre aux publications scientifiques. Qu’est-ce que cela veut dire ?Alexandre Hocquet, Professeur des Universités en Histoire des Sciences, Visiting fellow at the Science History Institute, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1081872018-12-05T22:23:59Z2018-12-05T22:23:59ZDébat : L’« open science », une expression floue et ambiguë<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/249034/original/file-20181205-186058-1flclxt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1997%2C1194&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au Centre de Recherche Interdisciplinaire, à Paris, un lieu où l'on plaide en faveur de l'open science.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://research.cri-paris.org/workshops/open-science-of-learning/">Site du CRI</a></span></figcaption></figure><p>Les journées de la <a href="https://jnso2018.sciencesconf.org/">« science ouverte »</a> au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche sont organisées – du 4 au 6 décembre 2018 – dans le cadre du <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid132529/le-plan-national-pour-la-science-ouverte-les-resultats-de-la-recherche-scientifique-ouverts-a-tous-sans-entrave-sans-delai-sans-paiement.html">plan national</a> pour la science du même nom. Il est lui même l’application au domaine de la science de principes d’ouverture exposés dans la <a href="https://scinfolex.com/2018/11/23/quel-cadre-juridique-pour-la-science-ouverte-un-apercu-des-evolutions-recentes/">loi pour une République numérique</a> de 2016. Mais qu’est ce que cette « science ouverte » qu’il serait désirable d’atteindre ? En quoi la science actuelle est elle « fermée » et qu’est ce que cela signifie d’« ouvrir la science » comme l’indique le slogan des journées ?</p>
<p>De fait, le flou caractérise ce qui est « open » en général. Qu’est-ce qui fait qu’un logiciel revendiqué « open source » soit considéré par certains comme un logiciel libre mais pas par d’autres ? Github <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/la-methode-scientifique-du-mercredi-07-novembre-2018">par exemple</a>, un des symboles de la communauté du libre, est un service basé sur une grande part logicielle ouverte mais ses <a href="http://tom.preston-werner.com/2011/11/22/open-source-everything.html">« core business values »</a> sont propriétaires. Github peut être considéré comme open ou pas selon qu’on s’intéresse à la communauté, au service, à la partie « git » ou la partie « hub ».</p>
<h2>Au commencement, la doctrine ultra-libérale</h2>
<p>Pour essayer de tracer une rapide généalogie de ce désir d’« open », il est à noter qu’un premier avocat d’une société « ouverte » est le philosophe des sciences Karl Popper, qui voit dans une société individualiste, ouverte à la critique (en un mot une démocratie occidentale), la meilleure garantie contre une société totalitaire (<a href="https://www.theguardian.com/books/2016/sep/26/100-best-nonfiction-books-karl-popper-open-society-its-enemies"><em>The Open Society and its Enemies</em></a>, 1942). Cette doctrine de l’open a été immédiatement enrôlée par les théoriciens de l’ultralibéralisme de la <a href="https://www.letemps.ch/culture/renouveau-liberal-se-preparait-montpelerin">société du mont Pélerin</a> comme Friedrich Hayek. Or, les premiers contestataires venant du monde du logiciel réclamant plus d’« open » dans les années 80 s’opposaient précisément à ce modèle de <a href="http://www.ephemerajournal.org/contribution/open-source-open-government-critique-open-politics-0">société libérale « ouverte"</a>, qui avait paradoxalement engendré des monopoles et des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_des_enclosures">« enclosures »</a>.</p>
<h2>Le cas des publications scientifiques</h2>
<p>Dans la même veine, la situation oligopolistique des grands éditeurs scientifiques révèle un monde fermé au cœur de la science. Le développement quantitatif spectaculaire de l’activité scientifique post deuxième guerre mondiale a contribué à l’inflation exponentielle du nombre de publications. Les éditeurs en profitent pour vendre leurs abonnements aux bibliothèques à des prix tellement prohibitifs que ces dernières en sont obligées à réduire leurs collections. Face à cette tendance, les gouvernements, forts de l’idée que les résultats de la recherche publique financée par les citoyens devraient être accessibles à tou.te.s promeuvent l’« open access ». Le <a href="https://www.coalition-s.org/">« plan S »</a> est une initiative impliquant de nombreuses agences de financement européennes affirmant leur volonté que les recherches financées publiquement devraient être lisibles par tou.te.s, soit en publiant dans des revues qui proposent un accès libre, soit en déposant une version d’auteur de leurs articles dans un dépôt d’archives ouvertes.</p>
<p>Mais pourquoi les chercheurs sont-ils si peu nombreux à déposer leurs publications en archives ouvertes quand ils en ont la possibilité ? C’est que les scientifiques ne publient pas pour être lus. Ils publient pour être <a href="https://eric.ed.gov/?id=EJ625036">récompensés</a>. La science en tant qu’institution fonctionne grâce à ce système de récompense qui est aussi un système d’évaluation. En ce <a href="https://www.emeraldinsight.com/doi/full/10.1108/AJIM-07-2017-0168">sens mertonien</a>, l’activité scientifique est une « coopération compétitive » : le but est d’être le premier (à publier) et d’être reconnu comme tel par toute la communauté qui peut ensuite bénéficier des résultats. Dans cet ordre idée, il est plus important de publier dans un journal de haut prestige pour espérer être cité. Et les journaux de haut prestige appartiennent quasiment tous aux gros éditeurs privés.</p>
<p>Il existe de fait une catégorie de chercheurs <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-018-07386-x">opposés au Plan S</a> : ils estiment qu’en les contraignant, on les empêchera de publier dans les revues les plus prestigieuses, bridant ainsi leur compétitivité. Cette idée choque ceux qui brandissent la « reproductibilité » (des résultats scientifiques) comme valeur essentielle. Les historiens des sciences savent depuis longtemps que la question de la <a href="https://ieeexplore.ieee.org/document/8268025">reproductibilité est complexe</a> et que la simple lecture d’une publication ne garantit en rien qu’on puisse en <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/030631277400400203">reproduire les expériences</a>. Au-delà d’une vision naïve des conditions de reproductibilité, le système biséculaire de la publication avec évaluation est aujourd’hui de plus en plus critiqué. L’évaluation par les pairs des articles soumis, par exemple, est une tâche ingrate, anonyme, non récompensée et épuisante à cause de l’inflation exponentielle des articles à juger. Les problèmes de crédibilité qu’elles posent (mais aussi les <a href="https://peercommunityin.org/">initiatives « open »</a> pour y remédier) montrent qu’il n’y a pas qu’un problème de domination économique des grands éditeurs. Il y a aussi un problème de confiance dans le système.</p>
<p>L’open access <a href="https://journals.openedition.org/rfsic/3220">est flou</a> : peut-on parler d’« open » quand l’auteur paye pour publier dans une revue qui ouvre gratuitement l’accès à ses articles (gold open access) ? Quand une revue à abonnement payant propose aux chercheurs de payer pour que leur article soit en accès ouvert (<a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Hybrid_open-access_journal">hybrid open access</a>) ? Quand une revue décide d’ouvrir l’accès seulement à une certaine tranche d’articles (embargo) ? Les réponses <a href="https://poynder.blogspot.com/2018/05/six-questions-about-openness-in-science.html">varient</a> selon les interlocuteurs… et selon les disciplines dont les usages bibliographiques peuvent être très différents. L’open access part de loin tant l’"enclosure" par les grands éditeurs est généralisée. Ce flou est aussi le résultat de négociations ardues entre éditeurs et gouvernements : la situation actuelle est captée par les éditeurs et la transition, même accompagnée d’un volontarisme politique, va être longue.</p>
<h2>Des données socialement construites</h2>
<p>Ce volontarisme politique actuel s’empare d’un autre volet de la science ouverte : L’open data, qui consiste à rendre accessible (dans la même logique que les textes des articles) les données de la recherche qui ont permis aux chercheurs d’arriver à leurs conclusions pour la <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid132531/plan-national-pour-la-science-ouverte-discours-de-frederique-vidal.html">« mutualisation, le croisement et l’appariement des données pour produire de nouvelles connaissances »</a>, selon les mots de la ministre.</p>
<p>Pour les historiens des sciences, cette rhétorique naïve des données comme « pétrole du XXI<sup>e</sup> siècle » pose un problème : les données ne sont PAS données, elles sont obtenues, pour citer le jeu de mots de Latour. Cela veut dire qu’elle ne sont pas une représentation objective de la réalité des expériences du chercheur, <a href="https://theconversation.com/quand-la-data-joue-au-football-60218">elles portent en elles les a priori</a> des théories, ceux des méthodes, des instruments, des négociations… Elles sont aussi produites localement et les <a href="https://www.press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/D/bo24957334.html">« voyages de données »</a> étudiés par Leonelli montrent en quoi leur réutilisation est tout sauf naturelle.</p>
<h2>Capitalisme des plates-formes</h2>
<p>En revanche, le big data représente bien une sorte de pétrole pour le commerce, et si les grands éditeurs sont prêts à lâcher du lest sur leurs profits sur les textes, c’est que l’open data représente pour eux une formidable opportunité.</p>
<p>La position oligopolistique des grands éditeurs leur permet de <a href="https://scholarlykitchen.sspnet.org/2016/05/17/elsevier-acquires-ssrn/">racheter les initiatives</a> « open », soit pour les étouffer, soit pour les englober, comme le font les grandes <a href="https://www.wiley.com/en-us/Platform+Capitalism-p-9781509504862">plateformes du capitalisme</a> GAFAM et autres.</p>
<p>Le capitalisme des plates-formes de données est leur prochaine étape. En ce sens, la libération (de plus en plus obligatoire) des données par les chercheurs est une bonne nouvelle pour eux. De ce point de vue, l’open data risque d’être une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0306312718772086#_i1">ouverture très néo-libérale</a>, captée par le capitalisme des plates-formes, et cette captation risque de survenir non pas par « l’enclosure », mais par la puissance financière et la capacité d’investissement dans l’infrastructure et les services. Le succès des réseaux sociaux privés comme <a href="https://www.courrierinternational.com/article/justice-des-millions-darticles-pourraient-disparaitre-de-researchgate">Researchgate</a> par rapport à des dépôts publics en donne un avant goût : ils fonctionnent sur la captation du chercheur (si c’est gratuit, c’est lui le produit) par le réseau social en échange de services bibliométriques, de diffusion ou de socialisation.</p>
<p>C’est ce qui fait conclure à <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0306312718772086#_i1">Mirowski</a> que « le but est en fait de réaligner la science sur le capitalisme des plates-formes sous la bannière trompeuse de la science ouverte pour les masses ». Sans aller jusqu’à jouer les cassandres, il est certainement nécessaire d’adopter une attitude critique vis a vis de ce qu’est et ce que peut être le monde de l’« open » pour accompagner l’ouverture de la science dans le monde du capitalisme des plates-formes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108187/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandre Hocquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Qu’est-ce que la « science ouverte » ? En quoi la science actuelle est elle « fermée » et que recouvre l’expression « ouvrir la science » comme l’indique le slogan des journées ?Alexandre Hocquet, Professeur des Universités en Histoire des Sciences, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/767652017-06-26T19:34:23Z2017-06-26T19:34:23ZUn fab lab, ça sert à quoi ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/167041/original/file-20170427-15081-9b93ym.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Ultimaker History Fablab Protospace</span> <span class="attribution"><span class="source">Guy Sie, Utrecht, Netherlands / Wikimedia</span></span></figcaption></figure><p>C’est un chercheur du célèbre <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Massachusetts_Institute_of_Technology">Institut de technologie du Massachusetts</a>, Neil Gershenfeld, qui dans les années 2000 a inventé le concept de fab lab – contraction de <em>fabrication laboratory</em>, qui signifie « laboratoire de fabrication ». Depuis, des fab lab se sont installés aux quatre coins du monde, dans des contextes aussi différents que ceux de la Norvège, les Pays-Bas, la France, l’Afghanistan, l’Inde, ou encore l’Afrique du Sud…</p>
<h2>Illustrer l’air du temps</h2>
<p>Les fab lab représentent un mouvement d’un ensemble plus large appelé « open labs ». Ces lieux ouverts rassemblent diverses communautés qui se retrouvent autour de valeurs partagées, d’échanges de connaissances, astuces ou pratiques. Les processus de (co-)création qui y sont mis en œuvre sont largement soutenus par les technologies les plus récentes. Quant à leur succès et à leur diversité, on peut les expliquer par la convergence de plusieurs phénomènes.</p>
<p>Tout d’abord, une véritable démocratisation des savoirs et des technologies numériques a rendu accessible au plus grand nombre des possibilités nouvelles. Ensuite, la société subit de profondes mutations (prise de conscience écologique, transition numérique, questionnement démocratique, évolution du rapport au travail, etc.), tout en opérant une sorte de révolution autour du « do it yourself ». Et ce principe du « Fais-le toi-même », intimement lié à notre système de production, a été appliqué dans les sociétés agraire (le local), industrielle (le global) et l’est maintenant dans la société post-industrielle, ou société de l’information (le global et le local).</p>
<p>In fine, les fab lab constituent donc des espaces de réalisation de nos aspirations nouvelles. Une sorte « d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%A9t%C3%A9rotopie">hétérotopie</a> », un lieu de réalisation de nos utopies, où l’imaginaire se libère et les inspirations prennent forment.</p>
<h2>Faire à sa mesure et innover</h2>
<p>Tourné vers la fabrication numérique, le fab lab entend rassembler dans un même espace toutes les ressources pour réaliser un projet de A à Z, de l’intention jusqu’à sa matérialisation. La fabrication numérique permet notamment de produire des pièces complexes (pièces techniques, mécanismes, etc.) sans passer par le circuit industriel. Dans un fab lab, on peut réparer, détourner, hacker, fabriquer, monter ou démonter à peu près n’importe quoi.</p>
<p>En pratique, le fab lab donne au grand public un accès à des moyens de fabrication historiquement réservés à l’industrie. Il s’adresse aux entrepreneurs qui veulent passer plus vite du concept au prototype ; aux designers et aux artistes qui trouvent de nouveaux moyens d’expression ; aux étudiants désireux d’expérimenter et d’enrichir leurs connaissances pratiques en électronique, en <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Conception_et_fabrication_assist%C3%A9es_par_ordinateur">conception et fabrication assistées par ordinateur</a>, en design ; aux bricoleurs du XXI<sup>e</sup> siècle…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/167013/original/file-20170427-15110-4ll1rb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/167013/original/file-20170427-15110-4ll1rb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/167013/original/file-20170427-15110-4ll1rb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/167013/original/file-20170427-15110-4ll1rb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/167013/original/file-20170427-15110-4ll1rb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/167013/original/file-20170427-15110-4ll1rb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/167013/original/file-20170427-15110-4ll1rb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Lorraine Fab Living Lab.</span>
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<p>Stimulant l’innovation <em>bottom up</em>, le fab lab participe finalement à la réappropriation des technologies par les citoyens et les utilisateurs. Il contribue à spatialiser le numérique, l’ancrer sur un territoire et élargir les capacités de participation et d’intervention des citoyens sur leur quotidien, leur environnement immédiat et leur espace de vie. Il est l’endroit où s’inventeront, plus sûrement que dans les grandes entreprises et les laboratoires, les objets et les lieux de demain.</p>
<p>Concrètement, pour être appelé fab lab, un atelier de fabrication numérique doit respecter la charte fab lab, mise en place par la <a href="http://fabfoundation.org/">Fab Foundation</a>. Le lieu doit ainsi être ouvert au public et en termes d’équipements, a minima d’une machine de découpe laser, d’une machine de découpe vinyle, d’une CNC (machine à commande numérique), d’une imprimante 3D et d’un scanner 3D (une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Kinect">Kinect</a> fait l’affaire !).</p>
<h2>Des fab lab sur-mesure</h2>
<p>Chaque fab lab prend une « couleur » propre à son contexte d’implantation, en fonction des besoins et des ressources locales. Il y a des fab lab en extension des campus, d’autres à visée éducative, d’autres orientés vers l’humanitaire, d’autres encore vers le développement artistique et le design… Ces lieux sont passionnants. Car ils se situent précisément au croisement entre la nécessité sociale d’innover « différemment » pour répondre à des problématiques locales, et une culture de la collaboration et de l’innovation ouverte issue du Web 2.0.</p>
<p>Tous combinent, chacun à leur manière, cinq fonctions correspondant à cinq publics : la simple découverte du pouvoir de faire, de fabriquer, qui s’adresse aux enfants ou aux bricoleurs ; l’éducation par l’action, qui s’adresse plutôt aux écoles et universités ; le prototypage rapide, qui s’adresse aux entrepreneurs et créateurs ; la production locale, qui répond notamment aux besoins de pays en développement, mais aussi à ceux d’artistes, designers ou bricoleurs qui ne cherchent pas la grande série ; et l’innovation, l’invention des objets, des espaces, des formes de demain.</p>
<h2>Le fab lab augmenté</h2>
<p>L’expérience est encore plus intéressante lorsque le fab lab est « augmenté », quand il est relié à la recherche, aux entreprises, aux associations, aux citoyens. Ou encore quand il devient mobile Lab. Trop souvent, les plateformes d’innovation, espace de <em>co-working</em> et tiers lieux sont en effet installés en ville. Est-ce à dire que nos territoires ruraux ne sont pas créatifs ? Qu’ils n’ont pas envie de s’inscrire dans cette aventure collective ?</p>
<p>Loin s’en faut ! C’est pourquoi, à l’initiative d’une école d’ingénieurs, l’<a href="http://www.ensgsi.univ-lorraine.fr">ENSGSI (École nationale supérieure du génie des systèmes et de l’innovation)</a>, et d’un laboratoire de recherche, l’<a href="http://laboratoire-erpi.wikispaces.com/home">ERPI (Équipe de recherche sur les projets innovants)</a> de l’Université de Lorraine, le <a href="http://www.lf2l.fr">Nomad’Lab</a> a été créé en 2014 avec le soutien financier du Conseil Régional de Lorraine et la CGPME Lorraine.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/167221/original/file-20170428-12979-1brv59c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/167221/original/file-20170428-12979-1brv59c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/167221/original/file-20170428-12979-1brv59c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/167221/original/file-20170428-12979-1brv59c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/167221/original/file-20170428-12979-1brv59c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/167221/original/file-20170428-12979-1brv59c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/167221/original/file-20170428-12979-1brv59c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">NomadLab.</span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center ">
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<figcaption>
<span class="caption">NomadLab.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il entend pallier ce manque et se rendre au plus près des écoliers, des lycéens, du grand public et des entreprises (en particulier les PME) situés dans des territoires inter-urbains.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/167014/original/file-20170427-15081-hls9e8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/167014/original/file-20170427-15081-hls9e8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/167014/original/file-20170427-15081-hls9e8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/167014/original/file-20170427-15081-hls9e8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/167014/original/file-20170427-15081-hls9e8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/167014/original/file-20170427-15081-hls9e8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/167014/original/file-20170427-15081-hls9e8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Lorraine Fab Living Lab.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Fabrique de la Société ?</h2>
<p>Bref, pour faire simple : un fab lab, c’est un lieu où :</p>
<ul>
<li><p>Les étudiants apprennent à matérialiser les idées qu’ils ont pu co-créer lors de sessions de créativité,</p></li>
<li><p>Les chercheurs cherchent et trouvent ( !) de nouveaux matériaux moins polluants pour réaliser les prototypes,</p></li>
<li><p>Les bidouilleurs viennent s’en donner à cœur joie en bricolant sur les machines pour les faire devenir des « monstres » tridimensionnels digne d’un épisode de <em>Men in Black</em> !</p></li>
<li><p>Les entreprises y trouvent une solution à leur gestion de stocks et au renouvellement sur mesure de pièces de modèles anciens qui ne sont parfois plus commercialisés…</p></li>
<li><p>Les citoyens peuvent se saisir de ressources nouvelles pour faire eux-mêmes la société de demain en passant du « Fais-le toi-même » au « Faisons le ensemble »</p></li>
</ul>
<h2>Donc un fab lab, c’est quoi ?</h2>
<p>Pour nous, aucune définition unique ne s’impose vraiment… Nous constatons que c’est un lieu où des publics éclectiques peuvent prototyper plus rapidement qu’avant et à moindre coût leurs idées, les tester et les enrichir en bénéficiant d’un collectif bienveillant. Nous espérons que ce type de lieux devienne ce que les communautés y participant veulent bien en faire… Et nous avons une certitude : c’est un lieu où l’on ne s’ennuie pas et où le savoir n’est pas corrélé à l’âge ou au diplôme… C’est peut-être cela, en fait, la 4<sup>e</sup> révolution (industrielle).</p>
<hr>
<p><em>Pour aller plus loin, visitez les sites du <a href="http://www.LF2L.fr">Lorraine Fab Living lab</a> et <a href="http://laboratoire-erpi.wikispaces.com/home">L’ERPI</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76765/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laure Morel a reçu des financements du Ministère de la Recherche, CPER 2018-2022, Région Lorraine.
Laure Morel est membre fondateur de l'Association France Living Lab.
Le Laboratoire ERPI est membre de l'association internationale des Fab Lab, la Fab Foundation et du Réseau français des Fab Lab,le RFFL.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pascal Lhoste a reçu des financements de Conseil Régional de Lorraine, Université de Lorraine, CGPME, AGEFA PME. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laurent Dupont ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Étudiants, chercheurs, bidouilleurs, citoyens, entrepreneurs… dans un fab lab chacun peut apprendre, innover, tester et enrichir rapidement des idées en bénéficiant d’un collectif bienveillant.Laurent Dupont, Ingénieur de Recherche , Université de LorraineLaure Morel, Professeur en Génie Industriel, Université de LorrainePascal Lhoste, Directeur ENSGSI - Université de Lorraine; cofondateur du LF2L, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/768812017-05-21T19:49:37Z2017-05-21T19:49:37ZFab lab : do it yourself, hackers et autres open source<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/167774/original/file-20170503-20192-i0e9k0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le fab lab est a votre service.</span> </figcaption></figure><p>Si vous parlez de fab lab à un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nerd">nerd</a> ou à un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Geek">geek</a>, vous verrez sûrement la lueur de l’innovation dans ses yeux. De prime abord, il s’agit d’un espace ouvert où se côtoient diverses machines, certaines incontournables tels que les scanners et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Impression_3D">imprimantes 3D</a> mais aussi des machines à découpe laser, ou encore des ateliers d’électroniques. Ces espaces sont également déroutants lorsqu’on y aperçoit des ingénieurs et des designers manipuler des objets traditionnellement réservés à l’éveil des enfants (pâte à modeler,legos…). Mais attention, il serait réducteur d’y voir une évolution 2.0 des garages californiens des années 1970. Si l’esprit que l’on y trouve ne peut se dérober à cette lignée, il s’agit avant tout de nouveaux espaces pour l’industrie de demain.</p>
<p>Depuis peu, les fab lab poussent dans nos villes comme des champignons. Ils s’inscrivent dans une mutation plus large de nos sociétés, où la collaboration et la mise en commun fondent une nouvelle forme d’industrie. Si les potagers communautaires de nos villes permettent à nouveau de tisser des liens entre les habitants d’un même quartier, les fab lab réinventent un riche et dense tissu industriel, où les start-up remplacent la traditionnelle recherche et développement. Les usagers forment une population extrêmement diversifiée, depuis l’étudiant en ingénierie ou en design en passant par le créateur de start-up jusqu’à l’industriel aguerri. Mais en ce lieu, tous partagent un même espace, les mêmes outils, les mêmes matières premières… et leur savoir-faire.</p>
<h2>De l’innovation naît l’éducation</h2>
<p>Les fab lab sont nés à la fin des années 1990 au Media Lab de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Massachusetts_Institute_of_Technology">Institut de technologie du Massachusetts</a> (MIT), sous la tutelle du Professeur Neil Gershenfeld, du Center for Bits and Atoms. Il est alors question de révolutionner notre modèle industriel. Et la mouvance des fab lab s’appuie sur un corpus de doctrines où se marient éducation, économie circulaire et innovation. L’idée ? Permettre à chacun d’expérimenter pour apprendre, et de créer pour recycler. Différents courants technophilosophiques se sont cristallisés en ces lieux, mais la liste ne saurait en être exhaustive. Les trois suivantes ont cependant transcendé leur espace-temps.</p>
<ul>
<li><p>Le <em>do it yourself</em> pousse chacun à concevoir son objet lui-même. Outre le fait d’inventer un objet unique, son créateur développe alors ses compétences pratiques et théoriques. Lors du processus de création, il est en effet amené à élaborer sa propre formation, en faisant lui-même sa veille technologique. Les <em>workshops</em> largement déployés dans les entreprises en sont une résultante, où les participants apportent de nouvelles idées en les développant.</p></li>
<li><p>Le courant <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hacker_(programmation)">hacker</a> incite à démonter et à détourner l’usage d’anciens biens de consommation afin de leur donner une nouvelle vie. Ils inversent l’ordre établi du productivisme, en faisant du produit la source de la matière à retransformer. Un événement majeur et aujourd’hui incontournable de cette mouvance : le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hackathon">hackathon</a>. Il s’agit de répondre à une problématique donnée dans un temps imparti et à partir de matières premières à recycler. Par exemple : « Comment fabriquer une porte des étoiles à partir d’un grille-pain usagé ? »</p></li>
<li><p>La communauté <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Open_source"><em>open source</em></a> joue un rôle capital dans la dynamique des fab lab. Il s’agit d’une philosophie et d’un modèle économique où le savoir est gratuit et échangé librement, afin d’améliorer les produits. La plus-value économique ne réside donc plus dans le produit, mais dans le service associé. Elle apporte d’une part la matière première immatérielle tels que les logiciels, langages informatiques, et d’autre part des tutoriels pour partager le savoir-faire.</p></li>
</ul>
<p>La démocratisation de ces espaces est le combustible de cette révolution en marche. Les communautés d’usagers de ces lieux en font des sphères d’apprentissage, de partage et d’innovation, où le challenge consiste en un jeu face à soi-même, face à sa capacité de créer, d’innover. Chaque usager devient à la fois ingénieur, designer et inventeur explorant l’innovation en y mêlant plusieurs disciplines… Il fait des fab lab le lieu privilégié de la pluridisciplinarité, non loin de la philosophie d’antidisciplinarité du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/MIT_Media_Lab">Media Lab</a>…</p>
<h2>De la diversité naît une nouvelle économie</h2>
<p>Ce nouvel espace de l’innovation par le partage et l’autoréalisation ouvre une nouvelle ère pour l’économie de demain. Il met à mal notre industrie actuelle, fondée en un bloc monolithique où chaque département est intégré dans une structure pyramidale pilotée par le management, et où les cycles linéaires de développement d’un produit se trouvent tous dans une économie de marché. </p>
<p>La mouvance autour des fab lab change drastiquement ce paradigme, par une structure industrielle plane, circulaire et décentralisée. En d’autres temps, la réalisation d’un produit nécessitait son incubation au sein d’une structure fournissant les services supports utiles à la réalisation. Désormais, Internet ouvre la porte au <em>crowd concept</em>, <em>funding</em>, <em>sourcing</em>, et autres dérivés de l’émergence participative.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/167190/original/file-20170428-12979-120twv8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/167190/original/file-20170428-12979-120twv8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/167190/original/file-20170428-12979-120twv8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/167190/original/file-20170428-12979-120twv8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/167190/original/file-20170428-12979-120twv8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/167190/original/file-20170428-12979-120twv8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/167190/original/file-20170428-12979-120twv8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Jerrys sous Emmabuntüs lors de l’anniversaire des deux ans du fab lab de Gennevilliers (France).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Vallade/Wikimedia</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Aujourd’hui une idée naît, se transforme en prototype au sein d’un fab lab, prototype qui permettra de promouvoir l’idée initiale à travers une brève vidéo explicative, vidéo qui servira de support à la communication, communication qui incitera des donateurs potentiels à financer le projet et donc à forger un premier marché de consommateurs. La production en série est alors sous-traitée et pilotée à distance, tandis que les relais de livraison sont désormais sur les plateformes de livraison à domicile. Mais il ne faut pas oublier que cet objet est né dans un fab lab. Et pour s’assurer l’attrait de la communauté, cet objet devra pouvoir être <em>hacké</em> à son tour afin de construire un nouveau produit.</p>
<p>Ainsi l’objet se verra augmenté par des interfaces de communication open-source et des tutoriels. Dans ce modèle, toutes les phases sont gérées par des entités commerciales et industrielles disjointes. Le financement et la promotion sont assurés par les consommateurs eux-mêmes et la communauté des fab lab, tandis que la communauté Open Source se voit nourrie par un nouveau produit muni de tutoriels. L’explosion des imprimantes 3D en est un parfait exemple. Un grand nombre de ces projets tels que <a href="https://formlabs.com/blog/ship-a-kickstarter-product/">Formlabs</a> ont été financés par une plateforme de <em>crowdfunding</em> et sont désormais des outils incontournables dans les fab lab eux-mêmes.</p>
<h2>De la consommation naît le recyclage</h2>
<p>Cette mouvance s’inscrit également dans une économie durable où les objets, depuis la table en bois jusqu’aux dispositifs électroniques les plus sophistiqués, entrent dans des cycles de vie circulaires. Les objets sont soit réparés, recyclés ou hackés. C’est désormais possible grâce aux récents développements des approches modulaires tant en électronique qu’en informatique. Les célèbres kits <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Arduino">Arduino</a> permettent d’interchanger les composants électroniques et leurs codes logiciels associés, entre différents fabricants ou même entre différents objets. Si à l’origine cette technologie a été conçue pour prototyper rapidement, elle a pris depuis une dimension industrielle où les composants modulaires s’intègrent directement dans les produits finis tels que les mini-PC de type <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Raspberry_Pi">Raspberry Pi</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/167777/original/file-20170503-21649-12wsgih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/167777/original/file-20170503-21649-12wsgih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/167777/original/file-20170503-21649-12wsgih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/167777/original/file-20170503-21649-12wsgih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/167777/original/file-20170503-21649-12wsgih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/167777/original/file-20170503-21649-12wsgih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/167777/original/file-20170503-21649-12wsgih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Sensor module kit.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’emballage n’est pas en reste. Si certaines matières sont naturellement retransformables tels que le bois ou les métaux, le plastique lui aussi a désormais un cycle de vie circulaire. De nombreuses entreprises se spécialisent dans le recyclage plastique pour produire la matière première des imprimantes 3D. Il ne faudra plus attendre longtemps désormais pour voir apparaître des compacteurs où nos objets plastiques usagés seront broyés pour produire des bobines de plastique prêtes à imprimer. </p>
<p>La prolifération des fab lab dans chaque pays, villes et quartiers laisse entre-apercevoir un monde où les objets seront téléchargés et imprimés dans le fab lab du coin par nos soins, à partir d’anciens objets dont nous n’avons plus l’utilité. Ces mêmes plans d’impression et de conception seront eux-mêmes améliorés par chaque usager, qui pourra alors s’empresser de le partager avec la communauté et gagner en notoriété.</p>
<p>Finalement les questions d’éducation, d’économie, d’industrie et de déchets n’ont jamais été aussi proches, en un même lieu, avec les mêmes outils et la même matière première. Les fab lab ne demandent qu’à être adoptés par la nouvelle génération.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76881/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Clément Duhart ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il serait réducteur de voir dans les fab lab une simple évolution 2.0 du garage californien des années 70. Car il s’agit avant tout de nouveaux espaces pour l’industrie de demain.Clément Duhart, Enseignant Systèmes Embarqués, Docteur en Informatique, Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/577432016-04-14T07:11:37Z2016-04-14T07:11:37ZLa fouille de texte et de données au service des sciences<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/118587/original/image-20160413-22075-k2etf4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Projet international de data mining pour les sciences humaines et sociales.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/vaxzine/569820150">vaXzine/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié en collaboration avec le blog Binaire.</em></p>
<p>La société se trouve à la croisée des chemins. Aller vers des données ouvertes ou contractualiser <em>ad nauseam</em>. Le sujet a une importance considérable pour les chercheurs, mais aussi pour l’industrie. Binaire a demandé à un ami d’Inria, Florent Masseglia, de nous éclairer sur les enjeux. </p>
<p>Pour les chercheurs, accéder aux publications de leurs pairs est une nécessité quotidienne. Mais avec l’accélération constante de la production d’écrits scientifiques arrivent deux constats :</p>
<ul>
<li><p>Il peut devenir humainement difficile de faire le tri, manuellement, dans l’ensemble de la production scientifique.</p></li>
<li><p>Les machines pourraient faire sur ces écrits ce qu’elles font déjà très bien sur le big data : transformer les données en valeur.</p></li>
</ul>
<p>Pour un acteur industriel, la valeur extraite à partir des données peut être commerciale. C’est ce que le business a très bien compris, avec des géants du Web qui font fortune en valorisant des données (par exemple, en créant des profils utilisateurs pour vendre de la publicité ou des services).</p>
<p>Mais valoriser des données ce n’est pas obligatoirement en tirer un profit commercial. Cette valorisation peut se traduire dans l’éducation, dans les sciences, dans la société, etc. C’est exactement ce que le TDM (Text and Data Mining, la fouille de textes et de données) peut faire quand il est appliqué aux données de la recherche : créer de la valeur scientifique.</p>
<p>Pour expliquer cela, j’aimerais introduire rapidement les notions de données et d’information. J’emprunte ici l’introduction de l’excellent article sur <a href="https://interstices.info/jcms/p_84069/les-donnees-en-question">« les données en question »</a>, de Patrick Valduriez et Stéphane Grumbach :</p>
<blockquote>
<p>Une donnée est la description élémentaire d’une réalité ou d’un fait, comme par exemple un relevé de température, la note d’un élève à un examen, l’état d’un compte, un message, une photo, une transaction, etc. Une donnée peut donc être très simple et, prise isolément, peu utile. Mais le recoupement avec d’autres données devient très intéressant. Par exemple, une liste de températures pour une région donnée sur une longue période peut nous renseigner sur le réchauffement climatique.</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/118536/original/image-20160413-23623-12isbvu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/118536/original/image-20160413-23623-12isbvu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/118536/original/image-20160413-23623-12isbvu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/118536/original/image-20160413-23623-12isbvu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/118536/original/image-20160413-23623-12isbvu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/118536/original/image-20160413-23623-12isbvu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/118536/original/image-20160413-23623-12isbvu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un graphe célèbre pointant le réchauffement climatique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File%3A2000_Year_Temperature_Comparison_fr.png">GWart/Wikipédia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La température à un instant précis est donc une donnée. L’évolution de cette température dans le temps peut apporter une information.</p>
<p>Le <a href="http://www.florent-masseglia.info/biere-et-couches-un-exemple-mythique-du-data-mining/">data mining</a>, ou la fouille de données, c’est l’ensemble des méthodes et des algorithmes qui vont permettre à ces données de nous parler. La fouille de données peut nous révéler des informations que l’on n’aurait peut-être jamais soupçonnées et que l’on ne pourrait pas obtenir en explorant ces données « à la main ». Des informations utiles et qui auront un impact sur nos décisions. Et plus la quantité d’information est grande, plus la crédibilité des informations découvertes est renforcée.</p>
<p>Pour découvrir ces informations nouvelles, chaque algorithme fonctionne comme un engrenage. Et dans l’engrenage d’un algorithme de fouille de données, les pièces (les roues dentées) vont s’imbriquer et se mettre en mouvement. Elles vont dialoguer entre elles. Chaque pièce, chaque roue dentée, va jouer un rôle précis en travaillant sur une source de données particulière. On peut ainsi fabriquer un engrenage à chaque fois qu’on veut découvrir des informations dans les données.</p>
<p>Si vous voulez découvrir une éventuelle relation entre la météo et la fréquentation des médiathèques, vous pouvez fabriquer un engrenage qui utilisera deux roues. Une roue pour travailler sur les données de la météo des dernières années. Et une autre qui travaillera sur les données de fréquentation des médiathèques. Si ces données sont accessibles, que vous connaissez leur format et leur emplacement, alors il ne reste plus qu’à fabriquer les roues de l’engrenage et les assembler !</p>
<p>Mais vous pouvez aller encore plus loin. Par exemple, si vous ne savez pas encore quelle information sera révélée mais vous pensez qu’elle se trouve quelque part entre la météo, la fréquentation des médiathèques, et le budget que ces dernières allouent aux activités pour la jeunesse.</p>
<p>Est-ce la météo qui influence la fréquentation ? Ou plutôt le budget ? Ou bien les deux ? Et c’est là tout l’intérêt de la fouille de données. On ne sait pas, à l’avance, ce que les algorithmes vont nous permettre de découvrir. On ne sait pas quelles sources de données seront les plus impliquées dans l’information à découvrir. Alors on croise des données, et on met les engrenages en place. Plus on utilise de sources de données différentes et plus on peut découvrir des informations qui étaient peut-être au départ insoupçonnables !</p>
<h2>L’open-access, ça change quoi ?</h2>
<p>Les données de la recherche (publications, projets, données d’expérimentations, etc.) sont un véritablement gisement pour les algorithmes de fouille de données. Pour expliquer cela, fabriquons ensemble un engrenage qui fonctionne sur ces données pour découvrir de nouvelles informations dans un domaine scientifique comme, par exemple, l’agronomie.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/118539/original/image-20160413-23605-9tj4nx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/118539/original/image-20160413-23605-9tj4nx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/118539/original/image-20160413-23605-9tj4nx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/118539/original/image-20160413-23605-9tj4nx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/118539/original/image-20160413-23605-9tj4nx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=432&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/118539/original/image-20160413-23605-9tj4nx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=432&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/118539/original/image-20160413-23605-9tj4nx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=432&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un ravageur du chou, Pieris brassicae.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File%3APieris_brassicae_(caterpillar).jpg">Didier Descouens/Wikimédia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Nous voulons savoir s’il y a des facteurs qui favorisent l’apparition d’un bio-agresseur (insectes, champignons, virus…). Nous aimerions utiliser des données concernant les champs (pour chaque champ : le type de culture, la hauteur de haie, type de faunes, bosquets, etc.) mais nous voudrions aussi utiliser des données concernant l’environnement (la météo, les zones humides, etc.) et enfin nous allons utiliser des études scientifiques existantes sur les bio-agresseurs (comme leur localisation, périodes d’apparitions, etc.). En utilisant l’ensemble de ces données, à très grande échelle, nous espérons découvrir un ensemble de facteurs souvent associés à la présence de ces bio-agresseurs, ce qui permettra de mieux lutter contre ces derniers.</p>
<p>La bonne nouvelle, c’est que toutes ces données existent ! Et les algorithmes, eux aussi, existent… Cependant, le monde de la recherche française se trouve face à deux voies.</p>
<p>Dans la première voie, toutes ces données sont accessibles facilement. Les données concernant les champs et leur environnement sont publiques. Les données concernant les articles scientifiques le sont, au moins, pour la communauté académique. C’est la voie de l’<a href="http://openaccess.inist.fr/">open-access</a>.</p>
<p>Dans la deuxième voie, toutes les données ne sont pas accessibles librement. On peut avoir accès aux données concernant les champs car elles sont toujours publiques, mais pour les autres c’est plus difficile. Par exemple, les articles scientifiques sont la propriété des éditeurs. Ou encore, les données d’expérimentations sont sur des ordinateurs de différents chercheurs et ne sont pas rendues publiques. Pour y accéder, il faut passer par des filtres, mis en place par les ayants droit selon leurs conditions. C’est la voie de la <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Donn%C3%A9e_publique#Contractualisation">contractualisation</a> du TDM.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/118542/original/image-20160413-23627-1wu0eds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/118542/original/image-20160413-23627-1wu0eds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/118542/original/image-20160413-23627-1wu0eds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/118542/original/image-20160413-23627-1wu0eds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/118542/original/image-20160413-23627-1wu0eds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/118542/original/image-20160413-23627-1wu0eds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/118542/original/image-20160413-23627-1wu0eds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le gouvernement français prépare sa loi numérique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gouvernement frannçais</span></span>
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<p>En avril 2016, la France doit faire un choix entre ces deux voies. Le sénat étudie le <a href="http://www.gouvernement.fr/action/pour-une-republique-numerique">projet de loi pour « une république numérique »</a>. C’est la souveraineté scientifique de la France qui est en balance dans ce débat.</p>
<h2>Lire, copier, transformer…</h2>
<p>Avec l’open-access pour le TDM, vous pouvez regarder librement le format de toutes les données. Vous pouvez les lire, les copier, les transformer, etc. Vous pouvez fabriquer vos propres roues dentées pour qu’elles travaillent sur ces données. Et vous pouvez donc fabriquer vos propres engrenages. Sans limites. Sans condition, autre que l’éthique scientifique.</p>
<p>Avec la contractualisation, ce sont les ayants droit qui vont fabriquer les roues pour vous. Si la roue n’est pas au bon format pour votre engrenage, si elle n’est pas compatible avec ses pièces voisines, ou alors si elle vient tout simplement à manquer… Alors votre engrenage ne tournera pas.</p>
<p>Et il n’est pas question de remplacer la roue mise en cause par une autre car les données, hébergées chez l’ayant droit, ne sont accessibles que par cette roue et aucune autre. Cependant, si on ne peut pas fabriquer l’engrenage qui utilise toutes les données, alors on pourrait se contenter d’un engrenage plus petit, qui n’utilise que les roues fabriquées par un seul et même ayant droit, donc compatibles entre elles.</p>
<p>Oui, mais cet engrenage ne fonctionnerait que sur les données de ce dernier. Les nouvelles informations découvertes le seraient donc sur un sous-ensemble très restreint des données. On ne verrait alors qu’une toute petite partie de l’image globale. Cela n’aurait aucun sens. De plus, il se trouve que certains organismes de recherche traitent avec 80 éditeurs différents ! Il faudrait alors fabriquer 80 engrenages différents au lieu d’un seul ? Le pire c’est que, utilisés tous ensemble, ces 80 engrenages n’arriveraient pas à la cheville de l’engrenage global fabriqué pour l’ensemble des données.</p>
<h2>Allier la fouille de données et l'open access</h2>
<p>Tout simplement parce que l’engrenage global peut croiser toutes les données alors que ces 80 engrenages différents, avec chacune des roues différentes, ne peuvent pas le faire. Ils n’ont accès qu’à un sous-ensemble des données et dans leur cas l’union ne fait pas la force… Ils ne peuvent pas s’échanger les données entre eux pour les croiser. Ainsi, pour lutter contre nos bio-agresseurs, mais aussi de manière générale pour extraire de nouvelles informations et découvrir des connaissances dans tous les domaines scientifiques, la recherche française doit pouvoir utiliser le tandem TDM et open access !</p>
<p>Effectivement, dans le cas de l’open-access, ce serait radicalement différent. Puisque les données seraient accessibles facilement, il deviendrait tout à fait possible pour notre engrenage de trouver, par exemple, des liens entre quelques variables qui concernent les champs, d’autres variables sur l’environnement, et encore avec d’autres variables issues d’articles scientifiques sur les bio-agresseurs. Et les informations découvertes auraient alors une sorte de force statistique bien plus grande. Elles seraient validées par le fait que l’on travaille sur l’ensemble des données. Sans restriction.</p>
<p>Grâce au droit d’exploiter les données de la recherche en open-access avec des outils de TDM complets, la recherche française disposera, comme ses concurrentes anglaises, japonaises, américaines ou allemandes, d’une vue d’ensemble sur les données, dont elle manque aujourd’hui. Et ce n’est pas un problème de technologie. La technologie est disponible. Elle fonctionne très bien dans d’autres domaines et elle est largement prometteuse pour les données scientifiques !</p>
<p>Si on leur donnait accès aux données de la recherche, les engrenages de la fouille de données fonctionneraient certainement à plein régime pour révéler des informations qui seraient peut-être surprenantes, ou qui pourraient confirmer des théories. Mais cela ne pourrait aller que dans une seule direction : encore plus de découvertes scientifiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/57743/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florent Masseglia ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le projet de loi numérique sera examiné par le Sénat le 26 avril. Parmi ses dispositions, la question cruciale de l'accès ouvert pour les données. En jeu, la souveraineté scientifique de la France.Florent Masseglia, Chercheur en informatique, équipe Zénith, Inria à Montpellier, InriaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/537592016-01-27T21:01:30Z2016-01-27T21:01:30ZAprès 16 ans d’épopée intellectuelle, quel futur pour l’encyclopédie libre ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/109472/original/image-20160128-1030-18zd5r4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C144%2C4608%2C2938&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/63158617@N07/6061021358/in/photolist-aeAjuf-57hYVH-bQJCr6-8mKt1-4PKfjA-iQzkDW-pNUDF-oZuXPA-APXRMn-Ab1rtF-AdjFit-iQxkr3-zXkvG-8yWFK8-beGUaT-dQMLiP-oBdtN-5uW4c1-8VWAXT-8VWASi-8VWALe-8VZEwy-qcxnqv-91hLJ8-8vQeud-6AvK1j-5j6X2e-p8D3g8-4D92Z5-o4xhrL-o3ivcw-nJuD8V-dn6K1e-nSRAPy-nGqCfv-aDaSHD-c4BWQL-9eeheK-8vQ1VJ-58m9ZP-4JYJJf-6JxYjK-hA6m3Y-aDeJqS-aDeJsN-aDeJrU-aDeJnQ-aDeJmU-aDeJmj-aDaSEk">Pernilla Rydmark/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Wikipédia a 16 ans. Ou plutôt, la première Wikipédia – celle en anglais – a été créée il y a 16 ans, bientôt suivie par plus de 280 autres, formant une constellation de sites reliés les uns aux autres écrits dans des langues diverses. La Wikipédia francophone a, elle, été fondée le 23 mars 2001. Forte d’une très active communauté française mais aussi suisse, belge, canadienne ou africaine, elle a rédigé 1 720 000 articles à un rythme stable depuis plusieurs années, soit plus de 10 000 nouveaux articles par mois. Le site, à la fois célèbre par lui-même et extrêmement bien <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Optimisation_pour_les_moteurs_de_recherche">référencé par Google</a>, est ainsi devenu le recours systématique de la plupart des Français à la recherche d’une information – de la plus triviale à la plus rare et spécialisée.</p>
<h2>Toutes les connaissances</h2>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/109375/original/image-20160127-26788-1y7v4zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/109375/original/image-20160127-26788-1y7v4zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=856&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/109375/original/image-20160127-26788-1y7v4zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=856&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/109375/original/image-20160127-26788-1y7v4zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=856&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/109375/original/image-20160127-26788-1y7v4zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1076&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/109375/original/image-20160127-26788-1y7v4zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1076&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/109375/original/image-20160127-26788-1y7v4zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1076&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Saraswati, déesse indienne de la connaissance et du savoir, peinture de Raja Ravi Varma.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sarasvati_(d%C3%A9esse)#/media/File:Saraswati.jpg">Wikipédia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une des originalités du projet est de n’exclure par avance aucun champ de connaissance. À la différence des grandes encyclopédies papier, où la place est limitée, Wikipédia peut se permettre de traiter tous les sujets : y compris les moins légitimes culturellement ; y compris les sujets scientifiques, contribuant ainsi à faire évoluer la notion de « culture générale », encore hélas essentiellement littéraire en France. C’est la définition même d’une <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Encyclop%C3%A9die">encyclopédie</a> (rappelons que celles traditionnelles comptent environ 30 000 articles, écrits par des spécialistes mais souvent sans citer de sources, avec, dernièrement, des mises à jour effectuées par des salariés de l’éditeur) que la présence de Wikipédia a fait évoluer.</p>
<p>Les grands principes de fonctionnement de l’encyclopédie collaborative, eux, n’ont pas évolué. Les textes sont rédigés par toute personne qui le désire, sans qu’aucune restriction ne soit amenée aux bonnes volontés. Avec deux grandes conséquences : la première est que, comme dans toute encyclopédie, les contributeurs n’apportent pas de connaissances originales mais seulement une synthèse, un état de l’art, en citant des sources choisies avec soin. La seconde est que ces <a href="http://blog.wikimedia.fr/qui-sont-les-wikipediens-2961">wikipédiens</a> ne sont pas donc jugés sur qui ils sont mais sur ce qu’ils font. Toute action est par conséquent scrutée par tous les autres – tout étant transparent sur le site, avec la possibilité de tracer toute intervention et de revenir à la version précédente d’un simple clic.</p>
<p>Wikipédia est aussi une fascinante expérience humaine d’une communauté qui ne se donne pas de limite, qui s’est auto-organisée pour faire travailler ensemble – avec forcément les tiraillements et les couacs que cela implique – des milliers de personnes qui ne se connaissent pas. Les règles évoluent au fur et à mesure des besoins, sur vote de la communauté, afin d’être le plus efficace possible.</p>
<p>Wikipédia est ainsi devenu le symbole de nouvelles manières de faire ; partant, elle oblige différents corps de métier à faire évoluer leurs pratiques, voire à se réinventer. Les encyclopédies papier – déjà bien mal en point dans les années 1990 – ont rendu les armes. Musées et bibliothèques, voyant leurs confrères américains ouvrir leurs fonds, partager leur numérisation, encourager la prise de photos, sont amenés à se repositionner vis-à-vis de leur public. L’antique droit d’auteur est lui-même en tension quand des activités jugées légitimes par une très grande partie de la population se trouvent être illégales… car non prévues par les lois de l’avant-Internet, avec des ajustements souvent compliqués qui font grincer les dents des groupes d’intérêts qui ont à y perdre (voir à ce sujet les récents débats autour de la <a href="http://www.lemonde.fr/pixels/article/2016/01/19/qu-est-ce-que-la-liberte-de-panorama-disposition-controversee-de-la-loi-numerique_4850027_4408996.html">« liberté de panorama »</a> en France).</p>
<h2>Succès populaire et critiques acerbes</h2>
<p>Le succès populaire n’était donc pas évident. À sa création, Wikipédia était un des multiples sites créés dans un monde de l’Internet encore nouveau et en pleine croissance : Google n’avait que trois ans, Facebook n’existait pas. Seuls 17 % des Français avaient accès à Internet. Ce n’est que quelques années plus tard – entre 2005 et 2007 – que Wikipédia a commencé à prendre de l’importance dans nos vies et à être le recours premier de toute recherche de culture générale.</p>
<p>Il n’a pas été facile pour Wikipédia de trouver sa place. Son mode de fonctionnement étonnait, voire n’était pas toujours bien compris. C’est à cette période que les critiques se font les plus dures. En 2007, un journaliste comme Pierre Assouline consacre à l’encyclopédie une série de <a href="http://larepubliquedeslivres.com/">billets de blog</a> très critiques, avant de faire paraître un mémoire d’étudiants en journalisme, qu’il préface d’une plume acerbe.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/109400/original/image-20160127-26796-1cxaabc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/109400/original/image-20160127-26796-1cxaabc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=497&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/109400/original/image-20160127-26796-1cxaabc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=497&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/109400/original/image-20160127-26796-1cxaabc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=497&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/109400/original/image-20160127-26796-1cxaabc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=624&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/109400/original/image-20160127-26796-1cxaabc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=624&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/109400/original/image-20160127-26796-1cxaabc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=624&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En 2005, la revue Nature comparait Wikipédia à l’encyclopédie Britannica. Verdict : même niveau de fiabilité.</span>
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<p>Ce type de critique est devenu plus compliqué à tenir quelques années plus tard : la société a largement évolué dans la seconde moitié des années 2000 vers une meilleure compréhension de Wikipédia. D’un côté, le projet a continué à approfondir les articles mis à disposition et à proposer de meilleures ressources ; de l’autre, le fonctionnement a été petit à petit mieux compris de ses détracteurs et, surtout, les avis ont bien été obligés de rejoindre l’expérience quotidienne du plus grand nombre : Wikipédia était utile et proposait les connaissances nécessaires à tous.</p>
<p>À partir de 2010, les plus grandes institutions culturelles françaises ont commencé à collaborer avec <a href="http://www.wikimedia.fr/">Wikimédia France</a>, la structure nationale chargée de promouvoir Wikipédia et ses projets frères. La <a href="http://www.bnf.fr/fr/acc/x.accueil.html">Bibliothèque nationale de France</a>, puis des musées, petits et grands (du château de Versailles et du centre Pompidou aux musées de la Haute-Saône), des archives (de celles de Toulouse aux Archives nationales), le ministère de la Culture pour plusieurs projets (notamment autour de la francophonie et des langues de France), l’Éducation nationale (qui a agréé Wikimédia France comme association éducative complémentaire de l’enseignement public), etc.</p>
<p>Nous avons donc pu sortir lors de ces dernières années de la sempiternelle question « Wikipédia est-il fiable ? » pour approfondir des problématiques plus intéressantes. D’abord questionner la notion d’erreur, beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît à première vue. Puis faire passer l’importance de la formation des esprits critiques, de l’apprentissage de la lecture critique d’un article, de la vérification des sources – de la faculté à juger un écrit (que ce soit Wikipédia ou pas) et à moduler sa confiance selon les résultats… Et l’usage que l’on va faire de l’information obtenue. L’éducation voit ainsi Wikipédia comme une porte d’entrée pratique pour former à l’usage des médias.</p>
<h2>Quel avenir ?</h2>
<p>Au cours de ces 16 années, Wikipédia n’était pas seul. Se sont développés, selon des méthodes de travail semblables, Wikimedia Commons et ses 30 millions d’images librement réutilisables ; Wikisource, bibliothèque numérique riche de millions de documents, et un wiktionnaire. Sans oublier <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Wikidata">Wikidata</a>, qui est sans doute le projet le plus prometteur. Dans un monde de l’Internet qui a besoin d’informations directement utilisables par les programmes, algorithmes et moteurs de recherche, Wikidata propose des informations structurées, comme le meilleur des catalogues de bibliothèques… mais à une tout autre échelle. Ce site se trouve donc, sans forcément qu’on s’en rende compte, au centre de la gestion d’information globale de la toile, et donne une autre dimension à Wikipédia.</p>
<p>Mais les qualités des projets Wikimédia sont également leurs défauts… ou en tout cas leurs faiblesses dans un monde numérique qui évolue rapidement et où des multinationales hyperpuissantes mènent le jeu. C’est presque un miracle qu’un projet bénévole et amateur comme Wikipédia tienne tout ce temps la dragée haute à des entreprises employant des dizaines de milliers d’ingénieurs pour un chiffre d’affaires dépassant le milliard de dollars. Mieux : que Wikipédia, fidèle à son éthique, continue à mettre librement à disposition ses données à disposition de tous, y compris ceux qui pourraient être ses concurrents directs.</p>
<p>Wikidata devient ainsi central dans la gestion de l’information bibliographique pour les bibliothèques… mais aussi pour les entreprises, et au premier rang d’entre elles, Google. Avec le risque notamment que les moteurs de recherche utilisent directement ces données sans renvoyer vers Wikipédia, faisant diminuer l’audience du site participatif et, in fine, la bonne volonté de ses utilisateurs.</p>
<p>Ceci pose la question de l’avenir de Wikipédia : fêtera-t-on un jour ses trente ans ? Peut-être… mais rien n’est moins sûr, dans un monde de l’Internet qui évolue à très grande vitesse. À dire vrai, son futur dépendra directement de la volonté des contributeurs et de celle de la société tout entière de disposer d’un outil tel que celui-ci. Personne ne sait s’il existera encore des personnes désireuses de donner de l’argent pour payer les serveurs et les projets, de donner de leur temps pour s’assurer des relectures et de la chasse au vandalisme.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/109381/original/image-20160127-26796-13s4653.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/109381/original/image-20160127-26796-13s4653.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/109381/original/image-20160127-26796-13s4653.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/109381/original/image-20160127-26796-13s4653.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/109381/original/image-20160127-26796-13s4653.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/109381/original/image-20160127-26796-13s4653.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/109381/original/image-20160127-26796-13s4653.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le projet collaboratif Open Street Map.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.openstreetmap.org/#map=9/48.7009/2.8537">Open Street Map</a></span>
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<p>Alors, projet qui restera comme une belle utopie des premières années de l’Internet ou création durable qui sera encore consultée en 2030 ? L’avenir le dira. En tout état de cause, son existence et son succès incontestable au cours de ces quinze dernières années auront montré la voie à d’autres (<a href="http://openstreetmap.fr/">Open Street Map</a>, etc.) et pose la question du statut de ce type de projet. Intellectuels et économistes ont proposé la notion de « biens communs », objets qui bénéficient à tous sans appartenir à personne. La reconnaissance légale et la protection de ces biens communs et en particulier ceux « de la connaissance » a malheureusement été repoussée par le gouvernement actuel malgré plusieurs amendements au <a href="https://www.republique-numerique.fr/">projet de loi Lemaire sur le numérique</a> qui faisaient une telle proposition.</p>
<p>Mais quel que soit le futur, Wikipédia aura été l’une des épopées intellectuelles majeures de ce début de XXI<sup>e</sup> siècle – et l’occasion unique pour les chercheurs de diffuser leurs recherches directement, en lien avec la société dans toute sa diversité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/53759/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rémi Mathis a été pendant 5 ans membre du conseil d’administration de Wikimédia France (qu’il a présidé pendant plus de trois ans), et est encore aujourd’hui membre de son conseil scientifique.
</span></em></p>Des millions d’articles publiés dans des dizaines de langues en seulement 16 ans d’existence, Wikipédia a bouleversé notre rapport à la connaissance. Quel sera son futur ?Rémi Mathis, Chargé de cours en histoire et techniques de l’estampe, École Nationale des ChartesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/504172015-11-10T05:42:29Z2015-11-10T05:42:29Z« Open access » pour les revues scientifiques : il faut plusieurs modèles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/101303/original/image-20151109-29321-14874n8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/34070876@N08/3602393341">h_pampel/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis quelques années, la révolution numérique – et la gratuité de l’accès à un certain nombre de services qui l’accompagne – a modifié nos habitudes, nos pratiques et nos représentations dans des domaines aussi variés que le journalisme, le monde de la musique ou l’édition.</p>
<p>Sous l’influence de l’Union européenne (<a href="http://ec.europa.eu/research/science-society/document_library/pdf_06/recommendation-access-and-preservation-scientific-information_fr.pdf">Directive de l’UE du 17 juillet 2012</a>), le gouvernement français soutient un <a href="http://contribuez.cnnumerique.fr/">projet de loi numérique</a> prévoyant le libre accès (« open access ») aux publications scientifiques (voir <a href="https://www.republique-numerique.fr/consultations/projet-de-loi-numerique/consultation/consultation/opinions/section-2-travaux-de-recherche-et-de-statistiq%C2%AB Libre%20acc%C3%A8s%20aux%20publications%20scientifiques%20de%20la%20recherche%20publique %C2%BB">l’article 9</a>).</p>
<p>Cette proposition a été soutenue par un certain nombre d’acteurs qui <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/09/10/favorisons-la-libre-diffusion-de-la-culture-et-des-savoirs_4751847_3232.html">souhaitent</a> voir se généraliser l’open access pour tout ou partie des contenus scientifiques. Leurs arguments portent à la fois sur le fait qu’une recherche sur fonds publics doit être rendue accessible à tous gratuitement et que cette accessibilité constituerait un atout pour la visibilité de la recherche française.</p>
<p>Pour certains d’entre eux, l’article 9 ne va d’ailleurs pas assez loin et la gratuité des articles scientifiques devrait être immédiate sans « embargo ». (Ce terme à connotation négative est utilisé pour désigner le délai permettant d’accéder librement et gratuitement aux articles de revues scientifiques sur certaines plateformes de diffusion comme Cairn.) A priori séduisante, cette proposition pose cependant de nombreux problèmes, notamment la <a href="http://www.openaccess-shs.info/lopen-access-et-les-revues-shs-de-langue-francaise/">question de la prise en charge des coûts de production</a> d’une revue dans le cas où la gratuité serait proposée de manière immédiate à l’ensemble des lecteurs.</p>
<h1>Open access ou formatage ?</h1>
<p>Aux États-Unis et dans les sciences dites « dures », le passage à l’open access s’accompagne souvent de la diffusion du modèle de l’ « auteur-payeur » (« voix gold » ou <a href="http://corist-shs.cnrs.fr/gold_open_access">« gold open access »</a>) : dans ce modèle, les laboratoires des chercheurs souhaitant publier doivent payer une sorte de dîme pour que l’article entre dans le circuit des expertises. Il s’agit d’un modèle qui se développe et pourrait devenir dominant à court terme d’autant qu’il est porté par quelques gros éditeurs étrangers et ce en dépit des inégalités qu’il ne manquerait pas de produire entre les chercheurs, laboratoires et projets bien dotés et d’autres plus fragiles financièrement. </p>
<p>Il pose en outre une question morale : est-ce au chercheur qui obtient des résultats de payer pour pouvoir rendre son travail accessible ? Le passage à l’open access peut aussi s’effectuer par la voix dite « green open access » : les auteurs déposent alors eux-mêmes une copie de leurs articles sur une archive ouverte ; l’accès libre est alors partiellement ou totalement financé par la puissance publique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/101248/original/image-20151109-7514-t94a27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/101248/original/image-20151109-7514-t94a27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=894&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/101248/original/image-20151109-7514-t94a27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=894&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/101248/original/image-20151109-7514-t94a27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=894&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/101248/original/image-20151109-7514-t94a27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1123&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/101248/original/image-20151109-7514-t94a27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1123&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/101248/original/image-20151109-7514-t94a27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1123&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Depuis l’émergence des journaux scientifiques au XVIIᵉ siècle, la question du prix et de l’accès se pose.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Scientific_journal#/media/File:1665_phil_trans_vol_i_title.png">Royal Society</a></span>
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<p>Pourquoi vouloir à tout prix uniformiser par la loi le destin de plusieurs centaines de revues scientifiques ? Cette suppression du délai d’accès au nom du « tout gratuit » risquerait en effet de mettre en péril l’émergence d’une troisième voie constituée de revues qui cherchent depuis quelques années, dans un partenariat public-privé, à définir un modèle économique en partie fondé sur les ventes en ligne – modèle qui possède l’avantage de ne pas être trop dépendant des subventions publiques dans un contexte où celles-ci sont en forte réduction.</p>
<p>Les ventes des articles numériques constituent alors de précieux supports au dynamisme de ces revues, y compris dans certaines tentatives de relance des publications papier. Cette possibilité d’un modèle mixte papier/numérique avec ventes d’articles au détail ou au numéro doit permettre à la recherche française de conserver un large éventail de modes de publication sans se montrer trop dépendante de stratégies politiques susceptibles d’évoluer au gré des pouvoirs en place et de l’importance que ces derniers pourront accorder – ou non – aux Sciences humaines et sociales.</p>
<p>Plutôt que le formatage que risquerait d’imposer l’article 9 – ou certaines propositions de refonte, une approche plus fine serait de voir comment ce modèle mixte peut être pérennisé tout en favorisant un large accès à ces publications par le biais de mesures adaptées (réduction de la durée de mise à disposition gratuite à 24 ou 36 mois ; suppression de celle-ci sur des productions ciblées ; coût réduit du téléchargement du numéro entier…). Il s’agirait dès lors de garantir à ces revues la possibilité de moduler leur ouverture sur l’open access en fonction de leurs spécificités en termes de production, de diffusion et de publics. Ces marges de manœuvre permettraient d’encourager l’initiative, l’innovation, la liberté de création et de diffusion au service de projets capables d’affirmer des identités singulières définies par des collectifs de chercheurs relativement autonomes grâce à l’appui d’un éditeur et de son équipe.</p>
<p>La consolidation de ce modèle n’empêcherait en rien l’essor des autres voies pour des revues qui choisiraient de s’engager plus massivement encore vers l’open access. C’est sans doute dans cette pluralité de propositions que les sciences humaines et sociales françaises seraient le plus à même de valoriser leur richesse et leur dynamisme aux échelles européennes et mondiales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/50417/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Robinet est rédacteur en chef du site Decryptimages et co-secrétaire de rédaction de la revue Le Temps des Médias. Les propos contenus dans cet article n'engagent que son auteur. </span></em></p>Le partage du savoir scientifique doit-il passer par le tout-gratuit ? Pas forcément. La défense de l’« Open access » passe par la préservation d’une diversité de modèles et d’expériences.François Robinet, Maître de conférences en histoire contemporaine , Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.