tag:theconversation.com,2011:/ca/topics/parkinson-33283/articlesparkinson – The Conversation2024-03-11T16:13:53Ztag:theconversation.com,2011:article/2245332024-03-11T16:13:53Z2024-03-11T16:13:53ZProtéines de type prion : quels liens avec Alzheimer et d’autres maladies neurodégénératives ?<p>Une étude britannique parue fin janvier 2024 dans <a href="https://www.nature.com/articles/s41591-023-02729-2"><em>Nature Medicine</em></a> révèle que des patients ayant reçu une hormone de croissance il y a près de 40 ans ont développé une forme précoce de la maladie d’Alzheimer. Un résultat qui conforte l’hypothèse selon laquelle, dans des circonstances très particulières et dans de rares cas, la <a href="https://theconversation.com/la-maladie-dalzheimer-une-maladie-contagieuse-108118">maladie d’Alzheimer pourrait être transmissible à l’homme</a>.</p>
<p>En France, cette publication nous renvoie aux scandales passés des <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-infectieuses-d-origine-alimentaire/maladie-de-creutzfeldt-jakob/documents/article/le-point-sur-la-maladie-de-creutzfeldt-jakob-iatrogene-apres-traitement-par-hormone-de-croissance-extractive-en-france-aspects-cliniques-epidemi">hormones de croissance contaminées par le prion</a> et de la « vache folle ».</p>
<p>Les prions représentent-ils un nouveau risque sanitaire ? Que nous dit la science sur les liens possibles entre la maladie d’Alzheimer (et d’autres pathologies dégénératives) et cet agent infectieux ? On fait le point sur l’état des connaissances scientifiques à ce jour.</p>
<h2>Les prions : des protéines mal repliées au niveau des neurones</h2>
<p>Pour mieux comprendre ce que sont les prions, il faut remonter au début des années 80 au moment de leur découverte. C’est précisément en 1982 que <a href="https://doi.org/10.1126/science.6801762">Stanley Prusiner décrit l’agent infectieux de la scrapie ou tremblante du mouton</a>, qui fait partie de la famille des <a href="https://www.anses.fr/fr/content/que-sont-les-enc%C3%A9phalopathies-spongiformes-transmissibles-est">encéphalopathies spongiformes transmissibles</a>.</p>
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<p>Comme les nouvelles propriétés de l’agent responsable de la tremblante le distinguent des virus, bactéries et autres agents infectieux connus, le terme « prion », est proposé pour désigner cette particule infectieuse qui est une protéine.</p>
<p>Les prions responsables de la scrapie sont des agents transmissibles non conventionnels. Ils résultent d’un changement de conformation, plus exactement d’un mauvais repliement, d’une protéine prion baptisée PrP.</p>
<p>Les protéines prion mal repliées (PrPSc) se propageraient de neurone en neurone entraînant la conversion de la protéine normale (PrP) et une neurotoxicité majeure. En 1985, Stanley Prusiner décrit l’existence de prions chez l’homme pour la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ). <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJM198501103120202">Là encore, la protéine PrP est mise en cause</a>.</p>
<h2>Les scandales des hormones de croissance et de la « vache folle »</h2>
<p>En France, nous avons effectivement été confrontés à deux crises sanitaires majeures dans lesquelles les prions ont été incriminés : la contamination des hormones de croissance et la « crise de la vache folle »</p>
<p>L’hormone de croissance n’a pas toujours été synthétique et produite en laboratoire. Pendant une trentaine d’années, des milliers d’enfants ont ainsi été traités dans le monde avec une hormone de croissance qui, à l’époque, était extraite de l’hypophyse (glande située à la base du cerveau) de cadavres humains.</p>
<p>Aux États-Unis, la survenue de cas suspects de MCJ chez des individus ayant reçu une hormone de croissance extraite de cadavres humains met fin à cette pratique en 1985. En France, il y a eu environ 1700 enfants traités. Parmi eux, <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-infectieuses-d-origine-alimentaire/maladie-de-creutzfeldt-jakob/donnees/#tabs">environ 120 sont décédés de la MCJ</a>, après avoir reçu, entre 1983 et 1988, des injections d’hormone de croissance contaminée par des prions. C’est le scandale de l’hormone de croissance.</p>
<p>En 1996, au Royaume-Uni, une forme de scrapie est décrite chez les bovins : il s’agit de l’encéphalopathie spongiforme bovine. Ce nouveau variant de la protéine prion est transmissible à l’homme, notamment par la consommation de viande bovine contaminée, et provoque une variante de la MCJ. <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-infectieuses-d-origine-alimentaire/maladie-de-creutzfeldt-jakob/donnees/#tabs">29 décès ont été recensés en France</a> et 178 au Royaume-Uni. Les individus décédés présentaient tous un même profil génétique pour le gène de la protéine PrP.</p>
<h2>Des protéines de type prion dans les maladies d’Alzheimer, Parkinson, Charcot…</h2>
<p>Depuis 1992, l’épidémiologie de la MCJ et ses variants est suivie par un réseau de laboratoires, d’épidémiologistes, de neurologues et d’anatomopathologistes à l’interface entre l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-infectieuses-d-origine-alimentaire/maladie-de-creutzfeldt-jakob/le-scan/">Santé Publique France</a>. Il permet d’identifier les formes sporadiques, héréditaires (transmises de manière génétique) ou iatrogènes (provoqué par un traitement ou un geste chirurgical) de MCJ.</p>
<p>Comme la MCJ, la plupart des maladies neurodégénératives sont des protéinopathies, c’est-à-dire qu’elles se caractérisent par l’accumulation dans le cerveau de protéines mal repliées. D’ailleurs, Stanley Prusiner, premier chercheur à avoir décrit le prion, a rapidement affirmé que ce mécanisme de conversion de type prion pourrait jouer un rôle dans le développement de pathologies comme la <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-neurodegeneratives/maladie-d-alzheimer-et-autres-demences/la-maladie/#tabs">maladie d’Alzheimer</a>, de <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2023/maladie-de-parkinson-quelle-evolution-entre-2016-et-2020">Parkinson</a>, de <a href="https://www.inserm.fr/dossier/sclerose-laterale-amyotrophique-sla-maladie-charcot/">Charcot (ou sclérose latérale amyotrophique)</a>…</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Les différentes protéines qui se retrouvent agrégées dans le cerveau de patients présentant des maladies neurodégénératives sont regroupées sous le terme de « protéines de type prion » ou <a href="https://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2016/12/809-820.pdf">« prion-like »</a>. L’alpha-synucléine dans la maladie de Parkinson, le peptide amyloïde Aß ainsi que les <a href="https://www.inserm.fr/actualite/agregation-ou-propagation-tau-ne-suivrait-pas-meme-sequence-selon-demences/">protéines tau</a> dans la maladie d’Alzheimer sont différentes de la protéine PrP.</p>
<p>Cependant, de <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/ces-proteines-folles-qui-minent-notre-cerveau">nombreuses évidences expérimentales</a> suggèrent que ces protéines peuvent se comporter comme des prions et se propager de neurone en neurone selon des chemins propres à chacune de ces pathologies. Par exemple, dans la <a href="https://www.inserm.fr/dossier/alzheimer-maladie/">maladie d’Alzheimer</a>, la dégénérescence liée à la protéine tau débute dans le cerveau au niveau de l’hippocampe, avant de s’étendre à plusieurs régions cérébrales.</p>
<h2>Une transmission de la maladie d’Alzheimer suggérée par plusieurs études récentes</h2>
<p>La possibilité d’une éventuelle transmission iatrogène de la maladie d’Alzheimer, c’est-à-dire à l’occasion d’un geste ou traitement médical, a été relancée en <a href="https://www.nature.com/articles/nature15369">2015 au Royaume-Uni par le groupe de recherche de John Collinge</a> et par <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00401-017-1791-x">celui de Stéphane Haïk en France en 2018</a>. Les deux équipes ont examiné des patients décédés de MCJ suite à l’administration d’hormone de croissance contaminée.</p>
<p>En effet, l’analyse du cerveau de ces individus indiquait la présence d’une MCJ. Mais elle a également mis en évidence plusieurs marqueurs de la maladie d’Alzheimer. Ces personnes décédées d’une MCJ iatrogène ont donc pu être exposées à de l’hormone de croissance contaminée à la fois par des prions de MCJ ainsi que par des protéines de type prion caractéristiques de la maladie d’Alzheimer.</p>
<p>D’autres observations, en 2016, après des greffes de dure-mère (la membrane fibreuse qui protège le cerveau), suggéraient également une <a href="https://theconversation.com/la-maladie-dalzheimer-une-maladie-contagieuse-108118">transmissibilité iatrogène de la maladie d’Alzheimer</a>. Néanmoins, comme la maladie d’Alzheimer est la forme la plus fréquente de maladies neurodégénératives, ces travaux ne permettaient pas de conclure à une transmission iatrogène.</p>
<h2>Des cas d’Alzheimer survenus 40 ans après traitement par hormone de croissance</h2>
<p>Dans cette nouvelle étude du groupe de John Collinge publiée en janvier 2024, huit individus sont concernés. Tous ont reçu, avant 1985, de l’hormone de croissance contaminée provenant d’extraits hypophysaires humains. Ils n’ont pas développé une MCJ mais une forme précoce de la maladie d’Alzheimer.</p>
<p>Après trois ou quatre décennies, cinq des huit individus présentaient des symptômes compatibles avec une maladie d’Alzheimer précoce. Ils étaient âgés de 38 à 55 ans au début de leur maladie. Parmi les cinq, trois sont décédés entre 47 et 57 ans.</p>
<p>Parmi les trois personnes non diagnostiquées, deux souffraient néanmoins de troubles de la mémoire (plaintes mnésiques) ou du comportement. La dernière était asymptomatique.</p>
<p>Dans l’ensemble, le seul facteur commun à tous les patients décrits dans cette étude est le traitement à l’hormone de croissance. Cela suggère que des lots d’extraits d’hypophyses humains utilisés pour ce traitement ont pu être contaminés par des protéines de type prion caractéristiques de la maladie d’Alzheimer.</p>
<p>Étant donné les preuves expérimentales solides concernant la transmission des peptides Aß et des protéines tau, le syndrome clinique développé par ces personnes peut être qualifié de maladie d’Alzheimer iatrogène.</p>
<p>Comme la maladie d’Alzheimer est beaucoup plus fréquente que la MCJ, il est possible que d’autres personnes traitées avec de tels extraits d’hypophyses puissent évoluer vers une maladie d’Alzheimer après des périodes d’incubation encore plus longues que celles décrites par l’équipe de John Collinge.</p>
<p>Il est important de souligner que les cas décrits ici ont développé des symptômes après une exposition répétée à l’hormone de croissance contaminée, sur une période de plusieurs années et que ce traitement a été stoppé en France en 1988.</p>
<p>Cependant, même si la maladie d’Alzheimer peut désormais être reconnue comme potentiellement transmissible, il s’agit de cas très particuliers de transmission interhumaine.</p>
<h2>Faut-il s’inquiéter ?</h2>
<p>Aujourd’hui, les situations décrites dans l’étude (en l’occurrence des traitements anciens à l’hormone de croissance humaine) ne sont plus d’actualité.</p>
<p>De plus, l’exposition à des instruments de neurochirurgie, utilisés au préalable chez un patient possiblement atteint de maladie d’Alzheimer et non désinfectés, est actuellement peu probable.</p>
<p>Enfin, on déplore le <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2023/11/27/maladies-a-prions-apres-le-deces-de-plusieurs-chercheurs-la-securite-des-laboratoires-en-question_6202615_1650684.html">décès récent de plusieurs chercheurs</a> qui étudiaient la <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-infectieuses-d-origine-alimentaire/maladie-de-creutzfeldt-jakob/notre-action/">MCJ</a>. Le risque le plus grand se situe sans doute au sein des laboratoires de recherche. De <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2023/11/27/alzheimer-parkinson-la-recherche-sur-les-agents-pathogenes-ressemblant-aux-prions-sera-mieux-encadree_6202610_1650684.html">nouvelles recommandations</a> ont d’ailleurs été émises quant à la protection des personnels travaillant sur les protéines de type prion.</p>
<h2>De nouvelles pistes de recherche pour des traitements</h2>
<p>Ces résultats de recherche viennent renforcer l’hypothèse des maladies de type prion comme bien sûr la MCJ, la maladie d’Alzheimer mais aussi la maladie de Parkinson, et ouvrent de nouvelles perspectives diagnostiques et thérapeutiques.</p>
<p>Identifier les protéines de type prion permettrait un diagnostic plus précoce. Les cibler par de nouvelles approches thérapeutiques, notamment les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/immunotherapie-126914">immunothérapies</a>, éviterait la propagation de ces protéines de type prion et diminuerait la progression de ces maladies neurodégénératives.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224533/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Buée a reçu des des subventions publiques (ANR, Horizon Europe) et des soutiens de fondations (FRM, France Alzheimer, Alzheimer's Association/Rainwater Charitable Foundation).</span></em></p>Une étude révèle que des patients traités à l’hormone de croissance ont développé une forme précoce de la maladie d’Alzheimer 40 ans après. On fait le point sur les protéines de type prion en cause.Luc Buée, Chercheur en neurosciences, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1723322021-11-23T20:06:44Z2021-11-23T20:06:44ZDe Parkinson aux lésions cérébrales, l’intérêt thérapeutique de la musique se confirme<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/433188/original/file-20211122-17-1tohf0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C790%2C3928%2C2300&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Agissant sur de nombreuses zones cérébrales à la fois, la musique multiplie les effets bénéfiques tant pour retrouver des fonctions cognitives altérées que pour favoriser leur développement.</span> <span class="attribution"><span class="source">Photo de Andrea Piacquadio / Pexels</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Vous ne vous en rendez probablement pas compte lorsque vous écoutez votre chanson préférée, mais la musique a un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22116038/">effet incroyablement puissant</a> sur le cerveau humain et qui dépasse la seule détente.</p>
<p>Il a été démontré que le fait de chanter, de jouer d’un instrument ou d’écouter de la musique active de nombreuses zones du cerveau qui contrôlent la <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2011.00142/full">parole</a>, le <a href="https://www.nature.com/articles/nrn2152">mouvement</a> et la <a href="https://content.iospress.com/articles/journal-of-alzheimers-disease/jad160867">cognition</a>, la <a href="https://psyk.uu.se/digitalAssets/510/c_510552-l_1-k_emotional-responses-to-music_juslin-vastfjall.pdf">mémoire et les émotions</a> – souvent simultanément. Certains travaux suggèrent même que la musique pourrait <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0306987708002880">contribuer à développement, physiquement, la matière cérébrale</a>, ce qui pourrait aider le cerveau à se réparer.</p>
<p>Plus intriguant encore, la musique s’avère aussi avoir un impact dans les cas où le cerveau ne fonctionne pas comme il le devrait. Par exemple, des études montrent que chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, la musique peut souvent susciter une réaction, aidant les patients à <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26041611/">accéder à des souvenirs</a> qui paraissaient perdus. Il est également prouvé que des patients atteints de lésions cérébrales et ayant perdu la capacité de parler <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0021992416301514">peuvent encore chanter</a> lorsqu’ils écoutent de la musique.</p>
<p>Compte tenu de la puissance de cet effet, les chercheurs étudient la possibilité de l’utiliser pour traiter de nombreuses maladies neurologiques différentes, telles que les accidents vasculaires cérébraux, la maladie de Parkinson ou les lésions cérébrales. L’un de ces traitements actuellement à l’étude est la <a href="https://nmtacademy.co/">musicothérapie neurologique</a> ou <a href="https://www.musicotherapie-federationfrancaise.com/zoom-definition/la-musicotherapie-neurologique/">neuromusicothérapie</a>.</p>
<p>La musicothérapie neurologique fonctionne un peu comme la physiothérapie ou l’orthophonie, dans la mesure où elle vise à permettre à des patients de gérer leurs symptômes et à mieux « fonctionner » dans leur vie quotidienne. Les séances de thérapie utilisent ainsi des exercices musicaux ou rythmiques pour les aider à retrouver des compétences fonctionnelles. Par exemple, les patients qui réapprennent à se mouvoir après un accident ou un traumatisme peuvent marcher au rythme de la musique pendant une séance.</p>
<h2>Parler, marcher, penser</h2>
<p>Ce type de thérapie s’est déjà révélé prometteur pour aider les victimes <a href="https://link.springer.com/content/pdf/10.1007/s40141-014-0049-y.pdf">d’un accident vasculaire cérébral</a> à retrouver le <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3764351/">langage</a>, à améliorer la <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fneur.2018.00755/full">marche</a> et à récupérer les <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnhum.2015.00480/full#h1">mouvements physiques</a> mieux que d’autres thérapies standard.</p>
<p>D’autres types d’effets pouvaient également être envisagés. Des équipes ont par exemple cherché à savoir si la musicothérapie neurologique pouvait traiter certains troubles du mouvement, comme la <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fneur.2015.00234/full#h1">maladie de Parkinson</a>. La plupart des études dans ce domaine ont utilisé une technique appelée exercices d’<a href="https://internal-journal.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2014.01185/full#h2">entraînement rythmique</a>, qui fait appel à la capacité du cerveau à se synchroniser inconsciemment avec un rythme – par exemple en marchant à la vitesse spécifique de la musique.</p>
<p>Comparée à une thérapie sans musique, la neuromusicothérapie a montré qu’elle <a href="https://movementdisorders.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/mds.870110213">améliorait bien la marche</a> et <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0009675">réduisait les moments de « gel »</a> (une incapacité temporaire et involontaire de bouger) chez les patients atteints de la maladie de Parkinson.</p>
<p>Les personnes ayant subi un <a href="https://online.ucpress.edu/mp/article-abstract/27/4/281/62461/Neurologic-Music-Therapy-in-Cognitive">traumatisme crânien</a> ou souffrant de la <a href="https://www.proquest.com/openview/ed99ea3db587b2bb2abac857c6b3f19a/1?pq-origsite=gscholar&cbl=2041879">maladie de Huntington</a> pourraient-elles, elles aussi, bénéficier d’amélioration de leurs troubles cognitifs ?</p>
<p>Pour ce genre d’affections, la musicothérapie neurologique se concentre sur <a href="https://internal-journal.frontiersin.org/articles/10.3389/fneur.2014.00034/full#h5">l’activation et la stimulation</a> des zones du cerveau qui ont pu être endommagées, comme le cortex préfrontal (zone du cerveau responsable de la planification, de la prise de décision, de la résolution de problèmes et de la maîtrise de soi). Cela peut impliquer que le patient passe d’un type d’instrument de musique à un autre lorsqu’il entend un changement dans la musique qu’il accompagne (par exemple, le tempo devient plus rapide ou plus lent).</p>
<p><a href="https://nyaspubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1749-6632.2009.04585.x">Une étude</a> a là encore révélé que ces types d’activités amélioraient la concentration et l’attention des patients souffrant de lésions cérébrales traumatiques. Cela a eu un impact positif sur leur bien-être et a réduit les sentiments de dépression ou d’anxiété.</p>
<h2>Des débuts d’explication</h2>
<p>On pense que la neuromusicothérapie fonctionne parce que la musique peut activer et simuler simultanément un grand nombre de parties différentes du cerveau. Or, chez les patients atteints de troubles neurologiques, ce sont souvent les <a href="https://www.pnas.org/content/115/30/7813">connexions cérébrales</a> qui posent problème, plutôt qu’une zone spécifique. Les recherches montrent que la musique peut former de nouvelles connexions dans le cerveau de manière unique.</p>
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<img alt="Cerveau par IRM" src="https://images.theconversation.com/files/433192/original/file-20211122-21-ooangj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/433192/original/file-20211122-21-ooangj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/433192/original/file-20211122-21-ooangj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/433192/original/file-20211122-21-ooangj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/433192/original/file-20211122-21-ooangj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/433192/original/file-20211122-21-ooangj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/433192/original/file-20211122-21-ooangj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En activant plusieurs zones cérébrales simultanément, la musique a un effet unique sur notre cerveau.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Aitor Guitarte Somosmedicina/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>L’écoute de la musique améliore également la <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnhum.2014.00245/full">réparation des neurones</a> mieux que d’autres activités – comme l’écoute d’un livre audio – ce qui peut signifier que le cerveau fonctionne mieux et établit de nouvelles connexions.</p>
<p>La musique aurait également des effets durables sur le cerveau. À tel point que le cerveau d’un musicien est en fait <a href="https://www.jneurosci.org/content/23/27/9240.full">mieux connecté</a> que celui de personnes n’ayant pas joué de musique. Cela pourrait être important pour les personnes souffrant de troubles neurologiques, car la musique pourrait aider à réparer les connexions endommagées au fil du temps.</p>
<p>Cette activation multiple pourrait expliquer pourquoi la neuromusicothérapie donne de meilleurs résultats que les autres thérapies standard seules. Étant donné que nombre d’affections neurologiques affectent les connexions dans le cerveau, la capacité de la musique à stimuler plusieurs zones simultanément pourrait aider à contourner les connexions problématiques et à en créer de nouvelles… ce qui permettrait de surmonter certains symptômes ou de mieux les gérer.</p>
<p>Bien que des recherches supplémentaires restent nécessaires avant que cette approche thérapeutique ne soit utilisée à grande échelle dans les systèmes de santé, ces premiers résultats montrent combien elle est prometteuse. Des recherches sont également en cours pour déterminer si elle peut être utilisée pour aider les personnes atteintes de maladies liées à l’âge, comme la <a href="https://academic.oup.com/jmt/article-abstract/56/3/265/5538953?redirectedFrom=fulltext">démence ou la maladie d’Alzheimer</a>. En fin de compte, la recherche confirme la valeur de la <a href="https://www.bamt.org/">musicothérapie</a> dans la pratique générale des soins de santé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172332/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rebecca est membre du conseil d'administration de Chiltern Music Therapy, Royaume-Uni.</span></em></p>Aider à la récupération du langage, de la marche, à gérer certains troubles du mouvement… Les études se multiplient pour prouver les effets de la musique. Et les expliquer au niveau neurologique.Rebecca Atkinson, Doctoral Researcher in Neurologic Music Therapy, University of BrightonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1150522019-04-10T16:52:37Z2019-04-10T16:52:37ZParkinson : limiter l’accumulation de fer pour freiner la maladie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/268658/original/file-20190410-2921-3kkne8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C568%2C4000%2C2646&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La maladie de Parkinson touche des millions de personnes dans le monde.</span> <span class="attribution"><span class="source">Cristian Newman/Unsplash</span></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est republié dans le cadre de la prochaine Fête de la science (du 5 au 13 octobre 2019 en métropole et du 9 au 17 novembre en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « À demain, raconter la science, imaginer l’avenir ». Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
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<p>La maladie de Parkinson affecte des millions d’individus dans le monde. En France, <a href="https://www.frm.org/recherches-maladies-neurologiques/lmaladie-de-parkinson/la-maladie-de-parkinson-en-chiffres">plus de 160 000 personnes</a> en sont atteintes, ce qui en fait la deuxième maladie neurodégénérative la plus fréquente après la maladie d’Alzheimer.</p>
<p>Il n’existe à l’heure actuelle aucun traitement susceptible de réduire la progression de la maladie, dont l’issue est fatale. Toutefois, depuis quelques années, des résultats de recherche suggèrent que les molécules capables de capturer le fer pourraient constituer des candidats thérapeutiques valables. Explications.</p>
<h2>Perte d’automaticité</h2>
<p>La maladie de Parkinson est causée par la mort ou dégénérescence des neurones, en particulier ceux de la « substance noire » du cerveau. Située dans le tronc cérébral, sous les hémisphères cérébraux et en avant du cervelet, cette région contient des neurones « dopaminergiques », c’est-à-dire produisant de la dopamine, un messager chimique assurant la communication entre les neurones (on parle de neurotransmetteur).</p>
<p>Ce composé est particulièrement important pour le fonctionnement des noyaux gris centraux du cerveau auxquels est connectée la substance noire. Ces zones contrôlent l’automaticité, sur le plan moteur (marche, déglutition, clignement des paupières…), ainsi que sur le plan intellectuel et émotionnel (raisonnement pré-appris, réponse émotionelle automatique dans une situation drôle ou triste par exemple).</p>
<p>La maladie de Parkinson se manifeste donc non seulement par des symptômes moteurs (lenteur, raideur, tremblement et perte des automatismes moteurs de la marche et de l’équilibre) mais aussi par des symptômes cognitifs : troubles de l’attention, de la mémoire immédiate, anxiété, dépression, perte de la motivation…</p>
<h2>Le fer, un minéral très contrôlé</h2>
<p>Au début du vingtième siècle, les scientifiques ont décrit trois grandes caractéristiques du cerveau des patients atteints par maladie de Parkinson : la dégénérescence des neurones dopaminergiques (producteurs de dopamine), se traduisant par une diminution ou une carence en dopamine ; la présence de corps de Lewy (des dépôts constitués par une protéine anormalement agrégée, l’alpha-synucléine, impliquée normalement dans la libération de la dopamine), et l’existence d’une accumulation de fer au niveau de la substance noire.</p>
<p>La substance noire est naturellement riche en fer, car le fer est nécessaire à la fabrication de la dopamine. De plus, cette zone est très active, et requiert une grande quantité d’énergie. Or le fer intervient dans la production d’énergie par l’organisme, en permettant l’utilisation de l’oxygène. En cas de déficit en fer, le transport d’oxygène peut devenir déficient, aboutissant à une moindre production d’énergie : c’est l’anémie.</p>
<p>Si le manque de fer est problématique, son excès l’est également. Un surplus de fer peut être très toxique et favoriser le stress oxydant : tout se passe en quelque sorte comme si le corps « rouillait », ce qui s’accompagne d’une destruction des structures des cellules… L’organisme doit donc équilibrer de façon très précise les concentrations en fer, afin d’éviter à la fois le déficit et l’excès, qui sont tous les deux très dangereux.</p>
<h2>Capturer le fer pour protéger les neurones</h2>
<p>Il a été montré dans des modèles animaux de la maladie de Parkinson que les composés capturant le fer (on dit qu’ils « chélatent » le fer), ou les traitements susceptibles de réduire l’excès de fer <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24251381">protègent les neurones dopaminergiques</a>. Cependant, ces traitements sont conçus pour les patients qui ont une surcharge massive en fer dans l’ensemble de leur organisme, comme dans certaines maladies du sang comme la <a href="https://www.orpha.net/data/patho/Pub/fr/BetaThalassemie-FRfrPub51.pdf">bêta-thalassémie</a>. Ils ne conviennent pas aux patients atteints de la maladie de Parkinson, dont la surcharge en fer très localisée. Si ces molécules étaient utilisées chez eux, elles pourraient provoquer une anémie.</p>
<p>Pour remédier à ce problème, nous avons donc développé un nouveau concept thérapeutique de chélation conservatrice du fer basé sur une molécule prototype, la <a href="https://www.vidal.fr/substances/18949/deferiprone/">défériprone</a>. Administrée oralement, celle-ci est capable d’attraper le fer en excès dans la substance noire uniquement (trois molécules de défériprone se lient à une molécule de fer), puis de le rendre aux transporteurs naturels du fer (la protéine apotransferrine). Ces derniers vont le redistribuer dans le corps, évitant l’anémie.</p>
<h2>Des résultats cliniques prometteurs</h2>
<p>Une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4060813/">première étude pilote</a> basée sur cette approche a été menée au CHU de Lille. Elle a impliqué quarante patients atteints par la maladie de Parkinson à un stade précoce. Les résultats montrent que leur taux de fer, mesuré par imagerie cérébrale, a diminué, tout comme le stress oxydant cérébral et sanguin. Par ailleurs, une légère amélioration clinique des symptômes moteurs a été constatée. Les patients n’ont en outre subi aucune anémie, même après deux ans de traitement. De plus, un ralentissement de la progression de la maladie a été noté. Une autre étude, londonienne cette fois, a rapporté les mêmes résultats cliniques encourageants.</p>
<p>Ces résultats prometteurs ont conduit à la mise en place d’un large essai clinique européen. Mené sur 24 centres cliniques répartis dans huit pays (France, Allemagne, Espagne, Angleterre, Pays-Bas, Portugal, République tchèque, Autriche), il implique 368 patients. Son objectif est d’évaluer si la défériprone peut ralentir la progression de la maladie chez les patients parkinsoniens <a href="http://www.fairpark2.eu/">au moment du diagnostic</a>. Cette stratégie thérapeutique est également en cours d’essai thérapeutique dans le cadre de la <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/sclerose-laterale-amyotrophique-sla-maladie-charcot">sclérose latérale amyotrophique</a> (maladie de Charcot) en France et la <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/alzheimer-maladie">maladie d’Alzheimer</a> en Australie car dans ces pathologies une mauvaise distribution du fer a également été constatée, conduisant à des zones où le fer s’accumule.</p>
<h2>Quand les cellules se suicident</h2>
<p>Une seconde piste thérapeutique en lien avec le fer pourrait émerger suite à la découverte d’une nouvelle forme de mort programmée des neurones. Baptisée « ferroptose » (par analogie avec l’<a href="https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/medecine-apoptose-96/">apoptose</a>, la mort cellulaire programmée « classique »), ce « suicide » cellulaire se caractérise par une accumulation de fer dans la cellule.</p>
<p>Nous avons démontré que la ferroptose était non seulement <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01393917/document#page=118">prédominante dans les modèles animaux</a> utilisés pour étudier la maladie de Parkinson, mais aussi qu’elle était très sensible aux chélateurs de fer. Cette découverte participerait à l’élucidation des mécanismes intimes aboutissant à la mort des neurones lié à l’excès de fer. Ces mécanismes sont en train d’être précisés, ce qui ouvre de nouvelles voies thérapeutiques en complément de l’emploi de molécules capables de chélater le fer.</p>
<p>Nous espérons à présent démontrer que la chélation du fer grâce à la déféripone peut constituer une première stratégie de neuroprotection. Pour la rendre encore plus efficace, il faudrait l’associer à d’autres stratégies thérapeutiques, à l’instar des combinaisons thérapeutiques utilisées dans le cancer ou le sida. On pourrait par exemple imaginer combiner la chélation du fer à des approches modulant la dopamine, la toxicité de l’alpha-synucléine, ou la mort des neurones par ferroptose.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115052/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Devos ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une nouvelle piste thérapeutique prometteuse se dessine pour ralentir la maladie de Parkinson : s’attaquer aux dépôts de fer dans le cerveau.David Devos, Professeur de Pharmacologie médicale, Docteur en Neurologie, Docteur en Neurosciences, Inserm U1171, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/944312018-04-16T21:36:01Z2018-04-16T21:36:01ZDes trous de mémoire ? Ce n’est pas forcément Alzheimer<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/213273/original/file-20180404-189798-1vpe0f2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C160%2C4652%2C2759&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Beaucoup d'autres pathologies peuvent être confondues avec la maladie d'Alzheimer. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/og_p3b9bJ7E">Nick Karvounis/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>La maladie d’Alzheimer s’est inscrite, pour longtemps, dans notre imaginaire collectif. Qu’un numéro de téléphone nous échappe, que le nom du voisin nous reste sur le bout de la langue, et aussitôt la blague fuse : tu ne nous ferais pas un début d’Alzheimer ? La maladie fascine et effraie à la fois. On ne compte plus les films centrés sur les personnes atteintes de cette maladie. Et même les humoristes se sont emparés du sujet, comme le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=tvMMR9ulKmk&list=PLg5-swKzTKOBVIFOAZBdZORRyHWK3QtAf">duo des Vamps</a> ou la Belge <a href="https://www.youtube.com/watch?v=-B3MEi6raxk">Virginie Hocq</a>.</p>
<p>Les oublis, les trous de mémoires, bref le mauvais fonctionnement de la mémoire, sont les symptômes qui conduisent le plus souvent une personne à soupçonner une maladie d’Alzheimer et à consulter. Mais beaucoup d’autres signes sont révélateurs, comme on peut le découvrir en rejoignant le <a href="https://www.edx.org/course/la-maladie-dalzheimer-sorbonnex">cours en ligne gratuit</a>, ou MOOC, de Sorbonne Université sur la maladie d’Alzheimer. La session vient de démarrer, et se poursuit jusqu’au 23 mai.</p>
<p>Faire <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22374645">des chutes répétées</a>, c’est-à-dire deux chutes ou plus en 12 mois, est un signal d’alerte. Faire pour la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28535241">première fois une dépression</a> après l’âge de 65 ans en est un autre, ou encore présenter <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17315079">des signes de dénutrition protéinoénergétique</a> comme une perte de poids involontaire, une perte d’appétit ou une faiblesse musculaire. Ces signes sont mal connus des patients et même des médecins, et face à eux on passe fréquemment à côté du diagnostic.</p>
<h2>Le besoin d’aide pour les gestes de la vie quotidienne, signe révélateur</h2>
<p>Une autre situation doit alerter chez une personne âgée : le fait <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3682408/">d’avoir besoin d’une aide humaine</a> pour réaliser des gestes de la vie quotidienne qui ne posaient pas problème auparavant, par exemple gérer ses médicaments, son budget, téléphoner, utiliser les transports en commun. Ce signe est surtout révélateur si ces difficultés ne trouvent pas une explication simple, comme une fracture récente ou une maladie touchant la vision ou la motricité.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/213270/original/file-20180404-189795-m75o8o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/213270/original/file-20180404-189795-m75o8o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/213270/original/file-20180404-189795-m75o8o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/213270/original/file-20180404-189795-m75o8o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/213270/original/file-20180404-189795-m75o8o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/213270/original/file-20180404-189795-m75o8o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/213270/original/file-20180404-189795-m75o8o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Différents symptômes peuvent évoquer la maladie d’Alzheimer. Dans tous les cas ils doivent entraîner un bilan médical.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/search/photos/old-person">Lotte Meijer/Unsplash</a></span>
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</figure>
<p>Ces différents symptômes, chez une personne âgée, ne sont pas spécifiques de la maladie d’Alzheimer. C’est-à-dire qu’ils peuvent trouver leur origine dans d’autres problèmes de santé. Dans tous les cas, ils doivent déclencher un bilan médical. Les médecins généralistes et les gériatres disposent aujourd’hui de tests de repérage fiables et rapides. Ils permettent en 2 à 3 minutes d’identifier des anomalies du fonctionnement cognitif. Si tel est le cas, un bilan spécialisé en consultation mémoire permet de poser le diagnostic de la maladie d’Alzheimer ou d’un autre trouble neurocognitif, ou encore de les écarter.</p>
<p>Si la maladie d’Alzheimer est le plus connu et le plus fréquent des troubles neurocognitifs majeurs, elle n’est pas la seule à perturber le fonctionnement de la mémoire. Les spécialistes en dénombrent plus d’une trentaine. Quatre maladies – ou groupes de maladies – figurent parmi les plus fréquentes. En les ajoutant à la maladie d’Alzheimer, on réunit plus de 90 % des cas de troubles neurocognitifs majeurs.</p>
<h2>Alzheimer, ou maladie à corps de Lewy ?</h2>
<p><a href="https://www.allodocteurs.fr/maladies/cerveau-et-neurologie/la-maladie-a-corps-de-lewy-une-demence-meconnue_24009.html">La maladie à corps de Lewy corticaux</a> présente plusieurs similitudes avec la maladie d’Alzheimer. Le début est insidieux et son évolution, lente et progressive. Elle perturbe la mémoire et les autres fonctions cognitives. Elle provoque des chutes et entraîne la dépendance. Mais certains signes permettent de la distinguer, comme le caractère très fluctuant des symptômes cognitifs d’un jour sur l’autre ou dans la même journée.</p>
<p>Cette maladie comporte aussi des hallucinations et des signes voisins de ceux rencontrés dans la maladie de Parkinson. Notamment, on observe une rigidité dite extrapyramidale, avec une raideur des articulations qui n’est pas liée à une maladie de l’articulation, mais à un trouble du relâchement des muscles et des tendons. Enfin le sommeil est troublé dans la phase paradoxale – celle des rêves – ce qui entraîne une agitation et des mouvements correspondant au songe en cours.</p>
<p>La maladie de Parkinson, si celle-ci évolue depuis plusieurs années déjà, peut entraîner des déficits cognitifs et même un trouble neurocognitif majeur. Surtout connue pour ses tremblements, la maladie de Parkinson peut pourtant <a href="http://www.jle.com/download/gpn-297879-les_symptomes_non_moteurs_dans_la_maladie_de_parkinson_cognition_et_comportement-nbjl-WsS0jn8AAQEAAHkkMDkAAAAE-u.pdf">entraîner un tableau comparable</a> à la maladie à corps de Lewy. D’ailleurs on retrouve dans le cerveau des patients les mêmes lésions, ces corps de Lewy. Ce sont des agrégats anormaux de protéines qui sont observés dans certains neurones.</p>
<h2>Alzheimer, ou AVC ?</h2>
<p>Autre source de confusion possible : les maladies cérébrovasculaires, c’est-à-dire des vaisseaux qui irriguent le cerveau. Les accidents vasculaires cérébraux ou AVC sont provoqués par le blocage (occlusion) d’une artère (AVC ischémique) ou par un saignement (AVC hémorragique). Ils peuvent avoir des conséquences spectaculaires, comme une paralysie (hémiplégie). Mais ils peuvent aussi entraîner des perturbations neurologiques plus diffuses.</p>
<p>Ainsi, certains AVC peuvent se présenter sous forme de « lacunes », de plus petite taille, souvent présentes en plusieurs endroits du cerveau. Certains passent inaperçus. Les AVC peuvent entraîner des déficits cognitifs lorsqu’ils touchent les deux hémisphères du cerveau à la fois, que les neurones touchés représentent une quantité importante de tissu cérébral ou bien certaines zones particulièrement critiques pour le fonctionnement cognitif.</p>
<p>Certains signes <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26595643">orientent vers cette origine</a>. C’est le cas si la personne a déjà connu un AVC, si les signes cognitifs sont apparus brutalement, c’est-à-dire d’un jour sur l’autre, si l’intensité des symptômes augmente par la suite de manière là aussi brutale (évolution en « marche d’escalier ») du fait de nouveaux AVC.</p>
<h2>Une atteinte localisée d’abord à un lobe du cerveau</h2>
<p>Une dernière cause de troubles neurocognitifs majeurs tient à des atteintes du cerveau nommées dégénérescences lobaires fronto-temporales. Il s’agit d’un groupe de maladies assez variées, débutant par une atteinte localisée à un lobe du cerveau puis s’étendant progressivement aux autres. Ces maladies peuvent toucher chacun des 4 lobes externes (frontal, temporal, pariétal et occipital) de chaque hémisphère. Au début, la mémoire fonctionne bien et les signes marquants relèvent d’autres domaines. Selon les formes, il peut s’agir de troubles du comportement, de symptômes psychiatriques, de troubles du langage ou de troubles visuels. Par la suite, la mémoire et les autres fonctions cognitives <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5761910/">se dégradent</a>.</p>
<p>Comme rien n’est simple, certains patients peuvent connaître plusieurs processus qui altèrent en même temps leurs fonctions cognitives. On parle alors de trouble neurocognitif mixte, et il n’est pas rare de voir des patients atteints à la fois par la maladie d’Alzheimer et la maladie cérébrovasculaire.</p>
<p>On peut se demander s’il est vraiment utile de chercher à distinguer ces pathologies. À quoi bon, disent certains, en l’absence de traitement permettant d’en guérir ? Il est pourtant important de savoir les reconnaître, car leur évolution, leur pronostic et leur prise en charge sont différents.</p>
<p>C’est pourquoi, la Haute autorité de santé (HAS) recommande, en présence de dysfonction neurocognitive majeure, de <a href="https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2011-12/recommandation_maladie_d_alzheimer_et_maladies_apparentees_diagnostic_et_prsie_en_charge.pdf">réaliser une IRM du cerveau</a> qui permettra de repérer les signes d’éventuelles lésions vasculaires. Elle recommande aussi de réaliser une consultation dans un centre spécialisé dans les maladies de la cognition (consultation mémoire) pour mener cette enquête. Dans certains cas difficiles, il est possible pour préciser le diagnostic de recourir à des examens spécialisés d’imagerie fonctionnelle du cerveau et/ou de dosages biologiques dans le liquide céphalo-rachidien.</p>
<h2>La démence, un terme médical passé dans le langage courant</h2>
<p>Pendant longtemps, toutes ces maladies ont été rangées par les médecins sous le terme de « démence ». Mais ce terme médical, passé dans le langage courant, renvoie désormais à des représentations exagérément négatives, celles d’une crise spectaculaire de folie furieuse. Cette perception est la plupart du temps erronée, car beaucoup de patients ne présentent jamais d’épisodes aussi impressionnants.</p>
<p>De plus, on sait aujourd’hui que le simple mot de démence peut, s’il est prononcé, <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-2012-6-page-761.htm">inquiéter les malades et leur entourage</a>. Il peut aussi influer négativement le personnel qui les soigne et plus généralement la société, entraînant une méfiance vis-à-vis de ces personnes et leur mise à l’écart.</p>
<p>Ces représentations sont rarement énoncées à voix haute. Souvent même elles ne sont pas conscientes, ce qui les rend plus dangereuses. La société savante américaine de psychiatrie (American Association of Psychiatry) a actualisé son guide diagnostique des maladies psychiatrique, connu sous le nom de <a href="https://www.elsevier-masson.fr/dsm5">DSM 5</a>) en 2015. Dans cette nouvelle version, le terme de « démence » est abandonné au profit de celui de « trouble neurocognitif majeur ».</p>
<p>Ce terme plus neutre, plus descriptif, n’a pas le passif du mot « démence » et n’induit pas de préjugés. Cette initiative a été saluée par les associations de familles de patients et par les spécialistes du domaine.</p>
<h2>Le verbe « dégénérer », source d’images effrayantes</h2>
<p>Cependant le trouble neurocognitif majeur n’a pas encore remplacé, dans la bouche des médecins, le terme très usité de maladies neurodégénératives. Il y a même un <a href="http://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/maladies/maladies-neurodegeneratives/article/les-grandes-lignes-du-plan-maladies-neuro-degeneratives-mnd">plan de santé publique</a> qui leur est consacré ! Là encore, le verbe « dégénérer » peut induire des images effrayantes. Il suffit de chercher les <a href="http://dictionnaire.reverso.net/francais-synonymes/d%C3%A9g%C3%A9n%C3%A8re">synonymes du mot dégénéré</a> pour s’en rendre compte : arriéré, détérioré, dégradé, imbécile, irrécupérable…</p>
<p>Par ailleurs, le terme « dégénératif » n’a pas une définition précise et reconnue en médecine. Il masque – assez mal – notre ignorance des mécanismes qui produisent une perte lente et progressive des capacités de la personne au fil du temps. Changer la terminologie ne changera pas l’état des malades. Cela ne permettra pas d’agir sur des maladies lourdes et déconcertantes pour lequel il n’existe pas à ce jour de traitement capable d’arrêter leur progression. Mais cela peut éviter des inquiétudes et des idées fausses néfastes pour les malades. Avec d’autres actions, le choix d’un vocabulaire neutre participe à une attitude de respect et de bienveillance vis-à-vis des personnes touchées par ces maladies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/94431/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joël Belmin a reçu ces trois dernières années des financements (rémunérations pour des travaux de recherche ou de formation, ou invitations à des réunions scientifiques) des laboratoires pharmaceutiques Boehringer Ingelheim, GlaxoSmithKline, MSD, Amgen, Novartis, Sanofi Aventis, Pfizer et Santor Edition. </span></em></p>Le mauvais fonctionnement de la mémoire n’est pas le seul signe d’alerte. Car d’autres maladies neurocognitives peuvent provoquer les mêmes symptômes. Voici comment les différencier.Joel Belmin, Professeur de gériatrie, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/916852018-02-28T21:10:04Z2018-02-28T21:10:04ZCe que les dormeurs « agités » nous apprennent sur les rêves<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/207907/original/file-20180226-122025-ukiu8z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=51%2C362%2C5760%2C3233&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Durant le sommeil, un « verrou » dans le cerveau nous empêche de réaliser pour de bon les actions que nous effectuons en rêve. Mais chez certains patients, celui-ci ne fonctionne plus. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/young-sleepy-man-suffering-sleepwalking-home-623085458?src=rHBl8OHeqJKHScPjqqN8NA-2-31">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>« Docteur, j’ai fait un rêve cette nuit. Dans ce rêve, j’étais assis à l’arrière d’un bus. Et voilà que monte un grand type, méchant, costaud… Il s’avance, va au premier rang et étrangle le premier passager. Puis il va au second rang et tue le passager suivant. Moi je suis au fond, j’ai peur, je me cache derrière mon siège. Je me dis que je vais mourir. Je me glisse entre ses jambes, la porte du bus s’ouvre, je saute. Je me réveille sur ma descente de lit, par terre. Je me suis fracturé le poignet ».</p>
<p>Ce rêve nous a été raconté par un patient, dans notre service des pathologies du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sommeil-20272">sommeil</a>, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris. Est-il normal de faire un tel cauchemar ? Oui. Contrairement à ce qu’on peut penser, nos rêves dramatisent beaucoup notre quotidien, ils simulent souvent des menaces – on pense même qu’ils servent aussi à ça, anticiper les épreuves et nous y préparer.</p>
<p>Ce qui n’est pas normal, en revanche, c’est de tomber du lit. Habituellement quand on dort, on est calme, on ne bouge pas. Mais alors que se passe-t-il ? Prenons l’exemple d’un autre patient, endormi dans notre laboratoire et filmé durant son sommeil. Il rêve qu’il est attaqué par des ptérodactyles (voir les images dans la vidéo). Il protège son visage avec ses bras, puis il se défend avec son oreiller.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/fb_5MWYP_l4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Ce patient est dans le sommeil paradoxal, celui où on fait des rêves déjantés. Le sommeil paradoxal a été découvert par <a href="http://sommeil.univ-lyon1.fr/articles/listes/fr/jouvet.php">Michel Jouvet</a>, grand scientifique qui <a href="http://histoire.inserm.fr/les-femmes-et-les-hommes/michel-jouvet">nous a quittés en 2017</a>. On l’appelle « paradoxal » car normalement, durant cette phase, le cerveau demeure en ébullition alors que les muscles, eux, sont activement bloqués. Cette phase dure au plus 20 minutes, sur un cycle de sommeil de 90 minutes.</p>
<p>Les réactions de l’individu sont alors inhibées. Dans le cerveau, une sorte de « verrou » paralyse les muscles et empêche le dormeur d’extérioriser son rêve. Ce verrou <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26920675">a été identifié en 2016</a> par notre équipe à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM). Il est situé au milieu du tronc cérébral, dans la partie basse du cerveau, et permet que nos rêves restent dans notre tête.</p>
<p>Or chez certaines personnes, ce verrou ne fonctionne plus. On ne sait pas encore le réparer, mais on peut malgré tout apaiser leurs nuits, éviter qu’elles se blessent ou blessent leur conjoint.</p>
<h2>Des cauchemars agités vers la cinquantaine</h2>
<p>Depuis 20 ans, nous suivons ces personnes <a href="http://www.lepoint.fr/sante/dr-arnulf-il-existe-un-lien-entre-reves-agites-et-maladie-de-parkinson-28-09-2017-2160431_40.php">qui ont des cauchemars agités vers l’âge de la cinquantaine</a>. Dans la journée elles sont très bien, et aussi très bien dans leur peau. Ce qu’on a découvert, c’est que quelques années après, une partie d’entre eux développe la <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/parkinson-maladie">maladie de Parkinson</a>, caractérisée par la destruction d’une population spécifique de neurones. Celle-ci se manifeste généralement par une lenteur des mouvements et des tremblements.</p>
<p>Dans les six ans qui suivent le diagnostic de ces cauchemars agités, la moitié des patients déclare une maladie de Parkinson, selon l’<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24587002">étude publiée par une équipe de Barcelone</a> en 2014. D’un côté, c’est une mauvaise nouvelle, car ça veut dire que le trouble est souvent annonciateur de cette maladie.</p>
<p>Mais de l’autre, c’est une bonne nouvelle, car avec la personne concernée, on va avoir une fenêtre de six ans environ pour essayer tout ce qui peut la protéger du développement de cette maladie, par exemple de l’exercice physique. Les chercheurs testent ainsi un anticorps pour essayer d’attraper le produit toxique – l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Alpha-Synucl%C3%A9ine">alpha-synucléine</a> – qui s’accumule dans le cerveau et provoque la maladie.</p>
<h2>Attaqué par des caïmans, il brandit sa table de nuit</h2>
<p>Une fois que cette maladie est installée, les cauchemars agités continuent. Six parkinsoniens sur dix crient dans leur sommeil, bougent, vivent leurs rêves, comme montré <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22447623">dans l’article que j’ai publié en 2012</a>. En interrogeant et en examinant ces patients, nous avons eu une autre surprise.</p>
<p>Ainsi, dans mon bureau, un patient parkinsonien m’a raconté son rêve, dans lequel il était attaqué par des caïmans. « J’étais sur un canoë et je tapais avec ma pagaie pour me défendre », m’a-t-il rapporté. Assise à ses côtés, sa femme m’a dit : </p>
<blockquote>
<p>« C’est incroyable, il était dans le lit, il criait : “il y a des caïmans !” Il a pris la table de nuit en chêne, il l’a brandi. Mais ça, il n’est pas capable de le faire dans la journée ! Et même pour parler… Avec son niveau de Parkinson, il a une toute petite voix. Tandis que là, il criait distinctement ».</p>
</blockquote>
<p>Ce <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/le-mystere-de-nos-reves-enfin-devoile_1562868.html">phénomène de guérison transitoire</a>, nous l’avons exploré <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17235126">chez une centaine de patients</a> : c’est toujours vrai ! Quand on les examine la nuit, au moment de ces comportements, la maladie de Parkinson a disparu…</p>
<h2>L’espoir de faire disparaître les symptômes de Parkinson</h2>
<p>Vous imaginez l’espoir que ça représente. Cela veut dire qu’il y a dans le cerveau un circuit alternatif qui là est démasqué – avec la perte du verrou. Ce circuit fait que le système moteur refonctionne correctement pour un moment. Il ne s’agit pas d’un miracle, simplement de la preuve qu’il existe d’autres voies de signalisation motrice qui ne sont pas affectées par la maladie de Parkinson.</p>
<p>Si on réussissait à activer ce système volontairement, on pourrait peut-être faire disparaître les symptômes de la maladie. Ainsi, avec cette <a href="https://www.youtube.com/watch?v=rbuWKzY1WZM">nouvelle neurologie des rêves</a>, on a un espoir immense de réussir à protéger des personnes contre l’arrivée de la maladie, et peut être à les guérir.</p>
<p>Nous avons filmé un autre de nos patients durant son sommeil. On voit cet homme en train de mimer le fait qu’il mange un sandwich (voir les images dans la vidéo). On voit à quoi il rêve, même si lui ne s’en rappelle pas au réveil. Ces comportements nocturnes nous apportent, pour la première fois dans l’histoire de la recherche, la vision en direct de l’action du rêve.</p>
<p>De plus, l’imagerie cérébrale, l’électro-encéphalogramme, et le récit du rêve par le patient à son réveil sont utilisés pour ces recherches en psychologie cognitive et neurosciences dont les implications vont bien au-delà du traitement des pathologies du sommeil.</p>
<h2>Les « non-rêveurs » rêvent mais ne s’en souviennent pas</h2>
<p>On pourrait donc, grâce à ces patients, <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences/neurosciences/une-fenetre-sur-les-reves_9782738130464.php">découvrir beaucoup de choses</a> sur les rêves. Par exemple, savoir s’il existe vraiment des personnes qui ne rêvent jamais, ou bien si ces personnes, en fait, rêvent mais ne s’en rappellent pas une fois réveillées. C’est plutôt la deuxième hypothèse <a href="https://icm-institute.org/fr/actualite/la-science-des-reves/">qui serait la bonne</a>. En effet, nous avons observé chez nos patients que mêmes ceux qui se disent « non rêveurs » <a href="http://www.lemonde.fr/festival/video/2017/08/29/tout-le-monde-reve-mais-tout-le-monde-ne-s-en-souvient-pas_5177992_4415198.html">ont des comportements agités la nuit</a>.</p>
<p>On espère aussi savoir, un jour, <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/le-reve-le-cauchemar-des-neurosciences">à quoi servent les rêves</a>. Est-ce qu’ils servent à consolider nos apprentissages de la journée ? Pour cela, on pourrait faire apprendre quelque chose aux patients avant de dormir, et voir si ils refont les mêmes gestes dans leur sommeil. Par exemple, nous avons fait apprendre un texte avant de dormir à 18 patients, et l’un d’entre eux en a intégré des éléments dans l’un de ses rêves agités filmé la nuit même, comme <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24349492">rapporté dans notre article</a>.</p>
<p>Autre piste : est ce que les rêves servent à mémoriser et à nous constituer des souvenirs ? Les mimes nocturnes de nos patients sont, en tout cas, un outil fantastique pour essayer de comprendre leur fonction.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/91685/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Arnulf a reçu des financements de UCB Pharma pour du conseil scientifique et comme oratrice invitée, sans aucun lien avec cet article. Elle est membre et ancienne présidente de la Société Française de Recherche et de Médecine du Sommeil, et membre et ancienne présidente du International REM sleep Behavior Study Group. Les recherches citées dans cet article ont été en partie financées par France Parkinson, le prix NRJ Institut de France 2012, la Fédération pour la recherche sur le cerveau.</span></em></p>Certaines personnes se mettent à mimer leurs actions lorsqu’elles font des cauchemars. Ce trouble, qui peut annoncer une maladie de Parkinson, révèle le contenu de nos songes aux chercheurs.Isabelle Arnulf, Neurologue, professeur de médecine, Institut du Cerveau et de la Moelle épinière - U1127, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/808192017-08-29T19:50:23Z2017-08-29T19:50:23ZSanté mentale : quand les animaux soignent<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/180040/original/file-20170727-29132-1j00g8z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La personne diminuée par la maladie retrouve dans l'animal (ici un chien) une utilité sociale qu'elle pensait avoir perdue.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Langley_therapy_dog.jpg">U.S. Air Force/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Des animaux en renfort, à l’hôpital psychiatrique ? Cela existe depuis 2010 à l’hôpital Philippe Pinel d’Amiens, où 259 patients <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/cynotherapie-a-l-hopital-des-chiens-soignent-des-malades-sur-prescription_114622">ont déjà bénéficié du soutien d’un chien</a>. Le but est de les aider à s’ouvrir sur l’extérieur, et donc à guérir plus rapidement. L’établissement picard est le seul en France, pour le moment, à utiliser ce qui se nomme la cynothérapie. Mais l’idée de mettre des animaux au contact de malades psychiatriques à des fins thérapeutiques s’avère prometteuse.</p>
<p>En réalité ancienne, cette pratique remonte, précisément, à 1792, lorsque des protestants quakers anglais décidèrent de placer des patients en compagnie de lapins ou de poules, dont ils devaient s’occuper. Le but était d’induire chez eux un plus grand contrôle émotionnel. Après cette première expérimentation, les animaux font progressivement leur entrée dans les hôpitaux psychiatriques. Certains établissements commencent à adopter des chiens pour favoriser la socialisation entre les résidents.</p>
<p>Aujourd’hui, en plus des chiens, on utilise des <a href="http://www.psychologies.com/Planete/Les-animaux-et-nous/Articles-et-Dossiers/Le-chat-un-therapeute-au-poil">chats</a>, des <a href="https://fr.sputniknews.com/societe/201604281024612397-lapine-maux-ame-guerisseur/">lapins</a>, des canaris, des chevaux, des <a href="http://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/var/six-fours-les-plages/lama-therapie-six-fours-traiter-troubles-du-comportement-grace-mediation-animale-1220495.html">lamas</a> ou même des <a href="https://blog.surf-prevention.com/2012/03/02/delphinotherapie-la-therapie-assistee-par-les-dauphins/">dauphins</a>, dans le cadre de ce qu’on appelle la <a href="http://www.bnf.fr/documents/biblio_zootherapie.pdf">zoothérapie ou la médiation animale</a>. Ces animaux sont mobilisés dans les troubles mentaux, mais aussi chez les personnes ayant subi un accident vasculaire cérébral (AVC) ou les personnes autistes.</p>
<h2>Chats, hamsters, perruches…</h2>
<p>C’est aux États-Unis que les premières études scientifiques sont conduites. Dans les années 1960, le pédopsychiatre <a href="http://www.nytimes.com/1984/04/03/obituaries/dr-boris-m-levinson-dead-aided-disturbed-youngsters.html">Boris M. Levinson</a> obtient des résultats bénéfiques en utilisant le chien comme « co-thérapeute » de l’enfant présentant des troubles psychiatriques. Il fait figure de pionnier et inspire d’autres expérimentations.</p>
<p><a href="http://www.nytimes.com/1998/03/02/us/dr-samuel-corson-88-dies-father-of-pet-assisted-therapy.html">Samuel et Elizabeth Corson</a>, eux aussi psychiatres, testent les thérapies assistées par l’animal en individuel (un animal pour un patient). Sur un groupe de 50 patients, seuls trois restent indifférents, tandis que tous les autres améliorent leur capacité à communiquer avec d’autres personnes. D’autres formules seront testées avec succès : un chat par service dans un hôpital, des oiseaux dans les salles de groupes de parole, des séances hebdomadaires de soin prodigués par les patients à des hamsters ou même à des perruches…</p>
<p>Il faut cependant attendre les années 1980 pour que les travaux sur l’interaction homme-animal se systématisent. Des chercheurs américains observent l’<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/6563527">effet positif des chiens sur le niveau de stress des personnes</a>, qu’elles soient malades ou bien-portantes, à partir d’indicateurs tels que la tension artérielle ou le pouls. Une diminution de la pression sanguine est observée lorsque la personne « papouille » l’animal, et d’autant plus quand elle a un lien préexistant avec lui.</p>
<h2>L’habileté sociale améliorée</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/180042/original/file-20170727-8525-1rtmd9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/180042/original/file-20170727-8525-1rtmd9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/180042/original/file-20170727-8525-1rtmd9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/180042/original/file-20170727-8525-1rtmd9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/180042/original/file-20170727-8525-1rtmd9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/180042/original/file-20170727-8525-1rtmd9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/180042/original/file-20170727-8525-1rtmd9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les chevaux permettent une thérapie en milieu ouvert.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/anoldent/846549885">anoldent/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="http://pepite-depot.univ-lille2.fr/nuxeo/site/esupversions/6715e403-c6db-4f7b-a85d-c6ea259b9398">L’équinothérapie</a> (<em>therapeutic riding</em> ou <em>hippotherapy</em> en anglais), elle, est différente des exemples cités précédemment, en ce que la fréquentation des chevaux permet une thérapeutique ludique, hors des institutions de soins. On peut la diviser en deux pratiques distinctes : l’équitation en elle-même, qui permet de travailler la tonicité musculaire et la posture, et le soin de l’animal, qui concerne davantage l’émotionnel et le relationnel. Les types de patient pouvant bénéficier du contact des chevaux sont nombreux. On peut citer, parmi d’autres, les personnes atteintes d’une <a href="https://informations.handicap.fr/art-handicap-moteur-70-3136.php">infirmité motrice cérébrale</a>, de la maladie de Parkinson, de la trisomie 21, les victimes d’un AVC ou les personnes <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Prise_en_charge_de_l%27autisme_par_l%27%C3%A9quith%C3%A9rapie">autistes</a>.</p>
<p>Chez les enfants autistes <a href="http://www.mira.ca/fr/nos-services/7/chien-d-assistance-pour-enfant-presentant-un-tsa_142.html">mis au contact de chiens</a>, les résultats sont positifs voire spectaculaires sur les trois grandes catégories de symptômes : troubles de la communication, difficultés dans les interactions sociales, comportements restrictifs ou répétitifs. Le lien exclusif avec l’animal crée les conditions d’un soin sans les mots, qui paradoxalement peut amener l’enfant à acquérir ou à renforcer ses compétences verbales.</p>
<p>Les patients atteints de dépression ou de troubles psychiatriques, les personnes âgées touchées par la maladie d’Alzheimer ou par une perte d’autonomie voient également leurs habiletés sociales améliorées avec la présence d’un canari auprès d’eux.</p>
<p>Mais que se passe-t-il, en réalité, entre une personne autiste et un chien ? Ou entre une personne âgée et un petit canari ? Si nous avons du mal à comprendre l’efficacité de ce lien, c’est parce que nous sommes habitués à une conception biologique de la maladie. Une grille de lecture relationnelle, en revanche, nous permet d’aller plus loin dans la compréhension de l’effet thérapeutique de l’animal.</p>
<h2>La composante relationnelle de la maladie</h2>
<p>La maladie, et donc le soin, ont en effet une composante relationnelle. Être malade, ce n’est pas seulement être atteint d’un dysfonctionnement biologique : c’est se voir attribuer un rôle différent dans la vie sociale. Face aux individus moins « capables » ou moins « productifs », les comportements des autres changent. Le malade chronique ou incurable pourra susciter un surcroît d’attention, ou au contraire de la crainte. Les relations s’en trouvent asymétriques et une forme d’isolement se fait souvent sentir.</p>
<p>Les animaux permettent à l’être humain ainsi frappé d’altérité de développer une communication non verbale. L’animal est une présence, un être vivant auquel on peut parler, même confusément, ou ne pas parler du tout. Son effet bénéfique tient dans le stimulus psycho-affectif et l’échange coordonné qu’il permet (par exemple, une caresse à un chat déclenche un ronronnement). L’<a href="http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/%C3%A9thologie/49750">éthologie</a> a bien fait ressortir le fait que les animaux, et spécifiquement les chiens, ressentent des émotions, dont certaines peuvent être associées à une forme de compassion. La relation avec l’animal crée les conditions d’un soin sans les mots.</p>
<p>La maladie est affaire de positionnement relatif entre les individus. La personne se sent malade parce qu’elle consulte un médecin ou parce qu’on lui prodigue des soins. Si elle se trouve en position de prendre soin à son tour, son rôle change. Entrer en relation avec un être qu’elle considère avoir besoin de secours ou d’attention est un facteur d’amélioration de son état. Dans les expérimentations menées par les Colson, les chiens cabossés, chétifs ou timides attiraient une attention particulière. La personne diminuée par la maladie trouvait dans l’animal à secourir une possibilité de se décentrer et une utilité sociale renouvelée.</p>
<h2>Une minorité de patients hermétiques aux animaux</h2>
<p>Toutefois, si les thérapies assistées par l’animal montrent des résultats significatifs avec une grande variété d’espèces et de pathologies, leur efficacité n’est pas universelle. Les études montrent une minorité de patients pour laquelle l’animal n’est d’aucun secours. Certains malades psychiatriques y restent totalement hermétiques. Des personnes autistes ont une peur insurmontable des chiens ou ne supportent pas leur odeur, du fait d’une hypersensibilité olfactive. D’autres souffrant de polypathologies peuvent être allergiques à certains animaux, ou avoir un système immunitaire trop fragile pour y être exposés.</p>
<p><a href="http://www.rehab.research.va.gov/jour/06/43/3/macauley.html">Une étude</a> menée sur des personnes <a href="http://www.vulgaris-medical.com/encyclopedie-medicale/aphasie">aphasiques</a> – c’est-à-dire présentant des troubles du langage – après un AVC, a montré qu’il n’y avait pas de différence biologique entre une réhabilitation classique et une réhabilitation avec le chien : elles sont toutes les deux efficaces. En revanche, la satisfaction des patients ayant recouvré la parole grâce à un chien était bien meilleure. Ils trouvaient le protocole moins stressant, plus amusant et appréciaient la composante relationnelle.</p>
<p>Dans un autre registre, des critiques de la part de <a href="http://www.animalsandsociety.org/wp-content/uploads/2016/04/zamir.pdf">certains militants défendant les droits des animaux</a> se sont faites entendre. Pour ces « libérationnistes », les animaux employés dans ces thérapies font l’objet d’exploitation. Les arguments mis en avant sont la « limitation du bien-être et de la liberté » de l’animal, ainsi que son « instrumentalisation ». Les thérapies assistées par les animaux seraient, de ce point de vue, moralement condamnables.</p>
<h2>L’animal, un autre semblable</h2>
<p>L’animal occupe, quoi qu’il en soit, une place singulière dans notre imaginaire collectif : le jeune Mowgli élevé par des loups dans <em>Le Livre de la jungle</em>, le Petit prince apprivoisant un renard qui deviendra pour lui « unique au monde », Gulliver conversant avec les intelligents et civilisés <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Houyhnhnm">« Houyhnhnms »</a>, nom donné aux chevaux d’après le son qu’ils font avec leurs naseaux.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/180048/original/file-20170727-8486-1fct5nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/180048/original/file-20170727-8486-1fct5nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/180048/original/file-20170727-8486-1fct5nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/180048/original/file-20170727-8486-1fct5nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/180048/original/file-20170727-8486-1fct5nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/180048/original/file-20170727-8486-1fct5nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/180048/original/file-20170727-8486-1fct5nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans <em>Le Livre de la jungle</em> de Rudyard Kipling (ici son adaptation en film d’animation par les studios Disney), le jeune Mowgli est élevé par des loups avant de rencontrer de nombreux animaux, dont l’ours Baloo.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/91689877@N03/35436547796/in/photolist-VZpz51-CkE4v-VWMg8D-UMivQ2-VRqiLg-VNb9p7-VGmy8t-Wton2U-RXPyrQ-VuUiqg-V7bhZm-ULBd4y-VrLJRS-V7bbEC-URaEED-UsSA28-UpMSUA-VrJQd7-VGnkMz-VuTjqe-UpNt85-UsT3eP-VuUFjg-VCQyrJ-VCND6s-VuUvTx-VrMk5w-VMS95A-VGobGt-URXAyy-UsTiGc-VCQpBj-V7abNW-VuThSp-R68DDq-VZpw6A-W5Quc5-UsSBK8-V79WLh-VuTmJc-VrLmp7-Vy7hjA-VrKHXu-VNbaqq-VrJFC1-UpNyCJ-UsT77Z-UsTyXx-VsLW67-UsU7Ek">Patrick Rich/Flickr</a></span>
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<p>Ainsi, l’animal n’apparaît pas comme cet autre radical qui appartiendrait au domaine séparé de la nature, mais bien comme un semblable avec qui nous partageons des réactions et des émotions. Les <a href="https://fr.wikisource.org/wiki/Fables_d%E2%80%99%C3%89sope">fables d’Ésope</a> ou de <a href="http://www.lesfables.fr/">La Fontaine</a>, comme de nombreux contes pour enfants, mettent en scène des animaux pour mieux parler des hommes… S’ils n’ont pas les mots pour communiquer, les animaux savent établir des liens avec l’homme. La médecine contemporaine ne saurait faire l’économie de cette sagesse ancestrale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/80819/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elisa Chelle ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des études ont montré que la zoothérapie pouvait avoir des effets spectaculaires sur les patients, en les aidant à s’ouvrir sur l’extérieur. Et ce dans le cas de plusieurs troubles psychiatriques.Elisa Chelle, Chercheuse, Université de LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/780692017-05-25T19:10:50Z2017-05-25T19:10:50ZUn superordinateur, réplique de notre cerveau, pourrait-il éradiquer Alzheimer ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/170619/original/file-20170523-5790-ml2jch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C258%2C4309%2C3275&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La conscience ne peut pas se résumer à un pur fonctionnement informatique. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/concept-thinkingbackground-brain-file-saved-ai10-93075775?src=3fx6EwlsnZt3Ok1EpD0U3Q-1-72">Vladgrin/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La médecine du futur promet de réparer voire même d’augmenter l’homme et d’accroître sa longévité. Grâce aux biotechnologies que sont les implants sous la peau ou les bioprothèses, on jure que chacun pourra maîtriser son corps et son esprit, afin de retarder le vieillissement et la mort. Ces espoirs sont portés par un courant mondial de pensée, le transhumanisme. Vu sous cet angle, qui pourrait s’en plaindre ?</p>
<p>La maladie d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/alzheimer-31417">Alzheimer</a>, avec ses 900 000 patients sans espoir de guérison en France, est un paradigme des dilemmes philosophiques, éthiques, sociétaux et scientifiques posés par les pathologies touchant le cerveau. En effet, cette maladie neurodégénérative atteint toutes les fonctions cognitives comme la ou plutôt les mémoires (il en existe plusieurs formes), le langage, les taches exécutives, le jugement et la personnalité, en plus de perturber les gestes et les mouvements.</p>
<p>L’un des projets phares du transhumanisme, porté par l’Union européenne, consiste à répliquer le cerveau humain sous la forme d’un superordinateur. Dès lors, le <a href="https://www.humanbrainproject.eu/">Human Brain Project</a> (son nom en anglais) pourrait-il résoudre l’énigme de la maladie d’Alzheimer et nous permettre de la vaincre ? Certains chercheurs le pensent, jugeant que les <a href="https://iatranshumanisme.com/tag/alzheimer/page/2/">derniers progrès des biotechnologies montrent déjà le chemin</a>. D’autres en doutent. Ceux-là craignent de payer le prix fort d’une technologie toute puissante, entraînant la disparition de la souffrance mais aussi de la joie qui font la condition humaine.</p>
<h2>Numériser l’esprit, un projet fascinant et contesté</h2>
<p>Le « Projet du cerveau humain », programme scientifique d’envergure, vise à <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mod%C3%A8le_math%C3%A9matique">simuler</a> le fonctionnement du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cerveau_humain">cerveau humain</a> grâce à un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Superordinateur">superordinateur</a>. L’horizon fixé est 2024. Il servirait à mettre au point de nouvelles thérapies médicales plus efficaces contre les maladies <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Neurologie">neurologiques</a>. Mené par le neuroscientifique israélien Henry Markram, il prévoit d’étudier le fonctionnement du cerveau par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9tro-ing%C3%A9nierie">rétro-ingénierie</a>, une approche consistant à étudier un objet pour en déterminer le fonctionnement interne ou la méthode de fabrication.</p>
<p>Cette réplique numérique d’un cerveau humain a été choisie en 2013 pour être l’une des deux « Initiatives phare des technologies futures et émergentes » (en anglais, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/FET_Flagships"><em>FET flagships</em></a>) de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Union_europ%C3%A9enne">Union européenne</a>. Le coût total est estimé à 1,19 milliard d’euros, une somme colossale. À titre de comparaison, le projet de recherche Brain présenté en 2014 par Barack Obama, alors président des États-Unis, pour mieux comprendre le fonctionnement du cerveau, est évalué à 100 millions de dollars (environ 90 millions d’euros).</p>
<h2>Peut-on simuler l’activité d’un cerveau ?</h2>
<p>Un tel « simulateur » doit permettre de tester des hypothèses sur le fonctionnement normal ou pathologique du cerveau humain. Ses concepteurs espèrent ainsi pouvoir mettre au point de tests de dépistage et de thérapies pour lutter contre la maladie d’Alzheimer mais aussi la dépression ou l’épilepsie. Car en Europe, les maladies cérébrales touchent 180 millions d’individus, c’est-à-dire à peu près une personne sur trois.</p>
<p>L’Europe y consacre, en soins, plus de 500 milliards d’euros chaque année.</p>
<p>Par ailleurs, le simulateur, avec ses schémas de connexion de dizaines de milliers de milliards de « neurones », constituera aussi une source d’inspiration pour concevoir de futurs ordinateurs opérant comme des cerveaux humains, voire des robots intelligents.</p>
<p>L’objectif affiché, très ambitieux, est-il vraiment réaliste ?</p>
<p>En 2014, des scientifiques de France, d’Allemagne et de Grande-Bretagne ont publié une <a href="http://neurofuture.eu/">lettre ouverte à la Commission européenne</a>, signée ensuite par des dizaines de chercheurs. Dans le texte, ils demandaient non seulement un audit contradictoire du projet, mais une réorientation en profondeur, du fait de son manque de réalisme et de son coût important.</p>
<p><a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/human-brain-project-plus-de-100-scientifiques-s-y-opposent_27609">Les détracteurs du projet</a> estiment qu’il faudra bien davantage d’équations que prévu pour simuler le comportement d’un cerveau entier. À lui seul, le cortex d’un homme (la partie supérieure du cerveau) renferme en effet des milliards de neurones, pouvant chacun se connecter à 10 000 autres, par le biais de 4 à 10 messagers chimiques différents, au travers de 10 à 100 types de canaux ioniques. Et en plus du cortex, il faudrait ajouter les autres parties du cerveau, comme le cervelet et le système limbique…</p>
<p><a href="https://theconversation.com/esprit-in-silico-les-vains-espoirs-de-limmortalite-1-50643">Selon les critiques</a>, le modèle de cerveau du Human Brain Project devrait ainsi inclure au moins 10 000 milliards de variables ! Or on ne disposerait pas encore d’un modèle de compréhension du cerveau assez robuste pour agréger correctement un tel volume de données informatiques.</p>
<p>La lettre ouverte des scientifiques a entraîné en 2015 une <a href="http://www.lemonde.fr/sciences/article/2015/02/11/la-commission-europeenne-reoriente-le-human-brain-project_4574193_1650684.html">réorientation du Human brain project</a>, avec des changements importants au niveau des attentes. Celui-ci doit désormais déboucher sur des résultats concrets en neurosciences cognitives, l’utopie d’un futur homme augmenté étant passée au second plan.</p>
<h2>Voir petit ou voir grand ?</h2>
<p>« Voir petit » est un reproche qu’on ne peut faire à Henry Markram, <a href="http://www.lopinion.fr/edition/autres/4/5-henry-markram-cosmonaute-cerveau-14504">comme le rappelle le site L’Opinion</a>. Car son projet à plus d’un milliard d’euros visant à numériser un cerveau est à la mesure de son enthousiasme. De même, l’américain Ray Kurzweil, directeur de l’ingénierie chez Google, a affirmé que dans 30 ans, les hommes <a href="https://theconversation.com/esprit-in-silico-pourquoi-lidee-de-telecharger-son-cerveau-na-pas-de-sens-2-51058">pourront « télécharger » leur esprit</a> dans le disque dur d’un ordinateur.</p>
<p>Numériser la conscience humaine serait, pour ces chercheurs, une étape logique dans la création d’une intelligence artificielle censée simuler ou augmenter nos capacités.</p>
<p>On peut penser, comme l’écrit Richard Hahnolser, professeur de neurosciences à l’Université de Zurich en Suisse, que l’<a href="http://www.futura-sciences.com/sante/actualites/biologie-intelligence-origines-genetiques-identifiee-52259/">intelligence</a>, la conscience et la pensée sont trop complexes pour être informatisées. La conscience, en particulier, va bien au-delà de nos capacités en matière de technologie <a href="http://www.futura-sciences.com/tech/definitions/informatique-numerique-584/">numérique</a>. Sa simulation dans une machine reste pour l’instant du registre de la science-fiction. Et évoque davantage, de mon point de vue, une nouvelle phrénologie (théorie selon laquelle les bosses du crâne d’un être humain reflètent son caractère)…</p>
<h2>Un problème d’échelle</h2>
<p>Et si, sur le fond, le Human Brain Project souffrait avant tout d’un problème d’échelle ? Seul l’imaginaire est peuplé d’êtres monstrueux, c’est-à-dire hors proportions. Par exemple le Golem, cet être artificiel humanoïde fait d’argile de la mythologie juive. Ou Frankenstein, créature géante née dans le laboratoire d’un jeune savant à partir de restes de cadavres humains.</p>
<p>Dans la nature, chaque organisme n’est viable qu’à son échelle adéquate : une araignée géante, par exemple, s’asphyxierait. <em>Idem</em> pour les sociétés et les cultures, comme l’<a href="https://www.franceculture.fr/oeuvre-une-question-de-taille-de-olivier-rey">affirme le philosophe et mathématicien Olivier Rey</a>. Il met cette « question de taille » au centre de sa critique de la modernité technicienne et libérale, reprenant la thèse du philosophe du XX<sup>e</sup> siècle Leopold Kohr. Ce dernier fut à l’origine et, pendant près de 25 ans, le seul avocat du concept de l’échelle humaine, incarné par la célèbre petite phrase « small is beautiful ». « Partout où quelque chose ne va pas, quelque chose est trop gros », affirmait-il, appliquant ce concept aux villes, aux institutions ou aux techniques.</p>
<p>Remplacer certaines parties de nos corps par des prothèses bioniques, cela est déjà possible bien que rare, car coûteux. Mais un cerveau ? « Un cerveau raisonne et une âme résonne », dit le poète et romancier François Cheng. Numériser le cerveau, c’est le réduire à une somme de chiffres, à des algorithmes, lesquels ne ressembleront jamais, de près ou de loin, à un homme conscient. Les chiffres n’ont pas d’âme, et la singularité humaine ne peut se réduire à des concepts.</p>
<h2>Un cerveau neuf, inusable et exempt… de sentiments</h2>
<p>On saura dans sept ans, en 2024 donc, si les promesses d’un cerveau neuf, inusable, exempt de maladie – mais aussi de sentiments donc d’humanité – seront tenues. En attendant, ne faudrait-il pas rester à l’écoute du minuscule, des petites perceptions des malades d’Alzheimer qui jamais ne disparaissent sous la pathologie ? Dans mon service, en tout cas, ils nous murmurent de bien jolis récits de vie. « Moi, ma maladie, ça me fait penser », a dit l’un d’eux.</p>
<p>Les progrès de la technique peuvent être une chance pour certaines pathologies neurodégénératives, par exemple dans la maladie de Parkinson, où l’on sait introduire des électrodes dans le cerveau pour stimuler certaines zones. Mais selon l’usage qui en est fait, les nouveaux outils peuvent aussi se révéler déshumanisants. Or ce qui soigne, c’est bien la possibilité d’être dans une ouverture à l’autre, quelle que soit son histoire et l’état de ses neurones.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em><a href="https://www.collegedesbernardins.fr/">Le Collège des Bernardins</a> est un lieu de formation et de recherche interdisciplinaire. Acteurs de la société civile et religieuse entrent en dialogue autour des grands défis contemporains, qui touchent l’homme et son avenir.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78069/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Véronique Lefebvre des Noettes a reçu des financements ces trois dernières années (pour des formations, participations à des réunions scientifiques) des laboratoires pharmaceutiques Astra-Zeneca, Otsuka Pharmaceutical et Novartis Pharma. </span></em></p>Le Projet européen du cerveau humain vise à réaliser un simulateur de cet organe pour 2024. Avec la promesse de réussir à comprendre et guérir les maladies neurodégénératives. Faut-il y croire ?Véronique Lefebvre des Noettes, Psychiatre du sujet âgé, chercheur associé au Laboratoire interdisciplinaire d'étude du politique Hannah Arendt, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/685212016-11-17T01:13:54Z2016-11-17T01:13:54ZPerdre l’odorat, un handicap négligé mais non négligeable<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/146104/original/image-20161115-31123-bpgop8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C73%2C2592%2C1672&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une rose sans odeur serait-elle toujours aussi attirante ? </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ocherdraco/4666274846/in/photolist-87kSWA-8UMREX-wpvia-muDBFv-6Q61cK-4AB2G6-cv45N1-2VWHcA-4voyGm-7XBhHr-668eC-kqX3V-6zazqB-B1iDj-82HF93-5yarhX-498Fs5-39zUoS-4EAv8G-JDTGJX-6eRBU3-aqffK4-7TXQ9S-rCUvW-5qZ3nT-5AEhLG-dm2hAK-Hevs1-4cSr1-bG778K-9TRjqT-7xN1Wv-4k6CKu-7EyXPg-9R8Yt-fE6EqZ-euMwVJ-cv45dG-9EBf7Y-bVgxR-76B5b6-e7a7Kb-8kfWoX-6kqYe-ynCs-8ec9bB-fFS67-8nQ7e3-e7pn9G-podgCc">Margaret Maloney/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Vous vous souvenez sans doute de Louis de Funès dans son film culte <a href="http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19463605&cfilm=47573.html"><em>L’Aile ou la cuisse</em></a>, en 1976. Il incarnait un éminent critique gastronomique dans l’incapacité d’exercer son métier après avoir perdu aussi bien le goût que l’odorat. Maintenant, tentez de vous imaginer incapable de détecter l’odeur du brûlé ou celle d’une fuite de gaz, incapable de sentir votre propre odeur et celle de votre petit(e) ami(e) ? Vous voilà inquiet. Ou alors déboussolé. Vous êtes, en fait, dans la peau d’une personne touchée par l’anosmie, c’est-à-dire dépourvue d’odorat, un handicap invisible et méconnu.</p>
<p>L’anosmie peut se manifester dès la naissance, ou bien survenir à l’occasion d’une autre pathologie. Elle se définit comme une déficience sensorielle entraînant la perte totale de l’odorat – une perte partielle de ce sens étant qualifiée d’hyposmie. La perte de l’odorat peut paraître anodine, comparée par exemple à la perte de la vue ou de l’ouïe. Il n’en est rien. L’absence de capacités olfactives complique les relations aux autres et pousse à l’isolement, entraînant souvent une désocialisation. Comment s’engager dans une relation avec quelqu’un que l’on ne peut pas « sentir », au sens premier du terme ? En fait, l’anosmie affecte profondément la vie quotidienne des personnes atteintes, au point que certaines ne sortent plus de chez elles. La maladie accroît le niveau de stress, augmente le sentiment de vulnérabilité physique et d’anxiété sociale.</p>
<p>On peut estimer la proportion de personnes touchées par l’anosmie ou l’hyposmie en France à 5 % de la population, en se référant aux <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25201900">données publiées en 2014 pour la Grande-Bretagne</a>. Parmi celles-ci, 57 % souffrent d’isolement et 54 % éprouvent des difficultés relationnelles. Plus sérieux encore, on compte 43 % d’anosmiques dépressifs, 45 % de fortement anxieux et 92 % qui présentent des troubles alimentaires, comme l’anorexie mentale. Et pourtant, en dépit de ces effets induits importants, la maladie demeure aujourd’hui largement ignorée.</p>
<h2>Plus fréquent avec l’âge</h2>
<p>Ainsi, il n’existe pour l’instant ni diagnostic fiable ni traitement pertinent. Et un petit nombre de médecins ORL seulement s’intéressent à cette pathologie. Les anosmiques se sentent à juste titre abandonnés car leur handicap n’est pas reconnu comme tel, alors qu’il provoque une forte détérioration de leur qualité de vie. Or l’anosmie pourrait devenir rapidement un problème important à l’échelle de la société, avec le vieillissement de la population. En effet, ce symptôme accompagne souvent les pathologies neurodégénératives, comme la maladie d’Alzheimer ou Parkinson. Plus fréquente à mesure qu’on avance en âge, l’anosmie ou l’hyposmie affectent 10 % des personnes jeunes et 40 % des personnes âgées <a href="http://link.springer.com/article/10.1007/s00405-015-3536-6">selon une étude publiée en 2015</a>.</p>
<p>Notre équipe à Grenoble École de Management s’intéresse à l’anosmie, et cela surprend souvent nos interlocuteurs. Il ne s’agit pas, pour nous, de lancer une action caritative, mais bien d’ouvrir un champ d’investigation nouveau dans notre discipline, la recherche en sciences de gestion. Selon nous, l’une des missions des écoles de management est de contribuer à l’amélioration de la société en formant les futurs acteurs socio-économiques pour qu’ils conçoivent et développent des activités et des organisations responsables. Créer un monde meilleur peut prendre plusieurs formes et se pencher sur le bien-être des personnes souffrant de maladies rares en est une.</p>
<p>Plus concrètement, notre objectif est de mettre à la portée des patients anosmiques des outils leur permettant de mieux vivre. Nous souhaitons réfléchir aux moyens de rendre disponibles des traitements ou des prothèses remplaçant l’odorat à des prix raisonnables, penser des modes d’actions collectives efficaces pour promouvoir la reconnaissance de ce handicap invisible. Autant de sujets relevant de la compétence de chercheurs en management qui, comme nous, s’attachent à donner corps à cet apparent paradoxe : rendre visible l’invisible.</p>
<h2>La première association de patients</h2>
<p>Avant d’être caractérisé, un phénomène doit d’abord être tangible et mesurable. Jusqu’à une période récente, il existait peu de données et il aura fallu attendre juillet 2015 pour voir se constituer la première association de patients atteints d’anosmie, l’<a href="http://www.afaa-sos-anosmie.com/">Association Française pour l’Anosmie et l’Agueusie (AFAA), ou SOS-Anosmie</a>. Association avec laquelle notre équipe échange désormais et dont nous avons rencontré les membres le 22 octobre, à Marseille, lors de leur dernière journée de « rencontres ».</p>
<p>Les nouvelles technologies connectées promettent la création d’un nez électronique universel. On peut donc imaginer qu’une prothèse pourrait être bientôt développée, autorisant de fait les médecins à diagnostiquer plus largement l’anosmie et la société, à mieux considérer et appréhender cette pathologie. L’innovation technologique est une condition au progrès social, cependant elle n’est pas suffisante. C’est aux futurs managers de s’en emparer pour la rendre accessible et utile pour les intéressés. Le défi consiste à satisfaire simultanément la juste rémunération de l’innovation et le besoin des anosmiques pour une assistance fiable et peu onéreuse. Le progrès technologique, d’accord. Mais pour quels usages ? Et sur la base de quels modèles économiques ?</p>
<p>Penser qu’une seule et même technologie remplaçant l’odorat conviendra pour tous est illusoire. Il est nécessaire de comprendre comment les anosmiques vivent la perte de ce sens – généralement associée avec celle du goût – pour apporter une réponse adaptée. Ainsi, les échanges que nous avons pu avoir avec des personnes touchées lors de la réunion de l’AFAA révèlent que la perte d’odorat n’est pas seulement un problème mécanique à résoudre. Restaurer ce sens ou le suppléer avec un capteur n’est pas forcément l’essentiel. Car humer, sentir est en fait un réflexe chargé d’affectif. Plus qu’une simple prothèse, l’anosmique recherche une interaction avec la machine qui puisse le guider dans une appréciation plus fine d’une odeur ou d’un goût. Il apprécierait, même, une certaine forme de dialogue. Le symbole d’un « smiley » souriant ou un « like » façon Facebook pourraient par exemple apparaître sur l’appareil électronique pour lui signifier qu’il sent bon, et donc qu’il peut sortir de chez lui.</p>
<h2>Un proche peut suppléer la perte d’odorat</h2>
<p>La plupart des personnes atteintes ont déjà trouvé, seules, des astuces pour identifier les odeurs environnantes – elles demandent par exemple à un proche de leur décrire ce qu’il sent. D’autres ont appris à se passer d’odorat en développant davantage leurs autres sens.</p>
<p>Ainsi, la démarche d’innovation, à laquelle participe le chercheur en management, confronte une technologie et un ensemble d’usages possibles, compte tenu des pratiques existantes ou anticipées. Avant toute théorisation, étudier l’anosmie et les anosmiques, c’est l’occasion de comprendre comment l’invisible – ici l’absence d’un sens et les diverses incompréhensions associées – peut être appréhendé pour définir ensuite des objets et des pratiques en adéquation avec les besoins. De rendre le problème enfin visible, pour mieux le résoudre. Si notre travail de recherche y contribue, alors ce que nous aurons expérimenté pourra être appliqué à d’autres maladies rares, avec le même objectif.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/68521/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvain Colombero a reçu, sur des précédents sujets de recherche, des financements de l'Agence nationale de la recherche, du Danish Council for Independent Research, de la Fondation Mines ParisTech et de la Région Île-de-France.</span></em></p>La déficience sensorielle olfactive, appelée anosmie, touche aujourd’hui un nombre croissant de personnes. Des chercheurs en management s’emparent du sujet pour que leurs besoins soient satisfaits.Sylvain Colombero, Post-Doc - Lecturer, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.