tag:theconversation.com,2011:/ca/topics/peche-21609/articlespêche – The Conversation2024-02-27T15:41:23Ztag:theconversation.com,2011:article/2213622024-02-27T15:41:23Z2024-02-27T15:41:23ZComment migrent les flétans ? Une petite structure dans leur crâne permet de mieux le comprendre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/576890/original/file-20240220-18-5yndy5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=24%2C18%2C3953%2C2999&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les habitats utilisés tout au long de la vie du flétan et les mouvements effectués entre ceux-ci sont difficiles à caractériser.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Charlotte Gauthier)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Hausse des températures, modification des grands courants, diminution de l’oxygène en profondeur : le golfe du Saint-Laurent a subi de <a href="https://theconversation.com/lestuaire-maritime-du-saint-laurent-est-a-bout-de-souffle-180069">grands changements au niveau de ses conditions environnementales</a> dans les dernières décennies. Résultat ? De nombreuses espèces se retrouvent en difficulté et sont donc plus sensibles aux effets de la pêche.</p>
<p>Ces changements se font toutefois au profit de certaines autres espèces, comme le flétan de l’Atlantique, qui bat présentement des records d’abondance avec les valeurs les plus élevées des <a href="https://waves-vagues.dfo-mpo.gc.ca/library-bibliotheque/41206708.pdf">60 dernières années</a>.</p>
<p>Chercheuse en biologie, je propose d’apporter un éclairage sur certains mystères qui planent encore sur cette espèce qui détonne.</p>
<h2>Le flétan de l’Atlantique : champion du golfe du Saint-Laurent</h2>
<p>Le flétan de l’Atlantique est un poisson plat qui habite le fond des eaux du fleuve Saint-Laurent. Il est exploité pour sa chair blanche fine et ferme, très appréciée des consommateurs.</p>
<p>Le flétan peut atteindre des tailles impressionnantes de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/23308249.2021.1948502">plus de deux mètres</a>. En raison de la qualité de sa chair et de sa popularité dans les assiettes, il représente actuellement le poisson à la plus haute valeur commerciale de tout le golfe du Saint-Laurent.</p>
<p>Mais cette tendance n’a pas toujours été la même. Dans les années 1950, la portion adulte et exploitable des populations de flétan, que l’on nomme le stock, <a href="https://academic.oup.com/icesjms/article/73/4/1104/2458915?login=false">a subi un déclin majeur en raison de la surpêche</a>.</p>
<p>Dans l’idée de vouloir continuer d’exploiter cette ressource pour une période prolongée, il est impératif de ne pas répéter les mêmes erreurs que dans le passé. Pour y arriver, il est primordial d’avoir une bonne compréhension du cycle de vie du flétan et des effets que la pêche peut avoir sur le stock. Cependant, ce n’est pas complètement chose faite.</p>
<h2>Des enjeux pour une exploitation durable</h2>
<p>On connaît assez bien la biologie de base du flétan de l’Atlantique. Toutefois, les habitats utilisés tout au long de sa vie et les mouvements effectués entre ceux-ci sont plus difficiles à caractériser.</p>
<p>De <a href="https://academic.oup.com/icesjms/article/77/7-8/2890/5923787?login=false">récentes études</a> ont installé des étiquettes satellites sur des flétans pour enregistrer des données sur la profondeur et la température de l’eau où ils se trouvent et ainsi permettre de calculer précisément leurs déplacements. Grâce à cette méthode, les chercheurs ont pu identifier des trajectoires de flétans adultes sur une période d’un an et découvrir qu’ils se reproduisent en hiver dans les chenaux profonds du golfe.</p>
<p>Dans les différentes trajectoires annuelles, les chercheurs ont observé que, l’été, certains flétans demeurent dans les chenaux profonds, alors que d’autres entreprennent des migrations vers les zones moins profondes.</p>
<p>Même avec ces nouvelles informations, plusieurs questions demeurent, spécifiquement sur les plus jeunes stades de vie qui ne sont capturés que de façon anecdotique dans le golfe. Aussi, les étiquettes satellites fournissent des informations précises, mais uniquement sur une période d’un an, ce qui n’offre pas toute l’histoire pour un poisson qui peut vivre jusqu’à 50 ans.</p>
<p>C’est dans cette optique que l’utilisation d’un nouvel outil permettant d’étudier toute la vie des poissons devient fort pertinente.</p>
<h2>Les « os » des oreilles à la rescousse</h2>
<p>Tous les poissons osseux possèdent de petites structures calcaires dans leur oreille interne qu’on nomme otolithes, ou os d’oreilles, et qui remplissent des fonctions d’équilibre et d’audition.</p>
<p>Les otolithes se développent au tout début de la vie des poissons et grandissent au même rythme qu’eux. Les otolithes forment des cernes de croissance annuels qui sont comparables à ceux visibles dans le tronc des arbres.</p>
<p>Pour croître, les otolithes accumulent des éléments chimiques qui se retrouvent dans le milieu dans lequel baigne le poisson. Ainsi, lorsque le poisson se déplace, les éléments chimiques accumulés dans les otolithes seront différents d’un endroit à un autre. Chaque endroit est caractérisé par une combinaison unique de différentes concentrations d’éléments chimiques. C’est ce qu’on appelle une empreinte élémentaire. L’identification de ces empreintes peut donc nous fournir des informations cruciales sur les déplacements des poissons à différents endroits, et ce, tout au long de leur vie.</p>
<p>C’est cette méthode de caractérisation des éléments chimiques des otolithes que j’ai utilisée pour me pencher sur les patrons migratoires du flétan de l’Atlantique dans le golfe du Saint-Laurent.</p>
<h2>Un large spectre de stratégies migratoires</h2>
<p>Pour pouvoir savoir à quelles concentrations d’un élément chimique correspond le lieu de capture du poisson, on utilise l’empreinte de la marge de l’otolithe, c’est-à-dire la matière de la fin du cerne le plus à l’extérieur de l’otolithe, qui a été accumulée en dernier.</p>
<p>On considère que les concentrations des éléments qu’on y retrouve sont caractéristiques du lieu où le poisson a été capturé. En analysant les marges de près de 200 otolithes de flétans provenant d’un peu partout dans le golfe, j’ai pu distinguer deux empreintes élémentaires : une représentative des eaux de surface (moins de 100 mètres de profondeur) et une caractérisant les eaux plus profondes (plus de 100 mètres de profondeur).</p>
<p>Une fois ces empreintes identifiées, j’ai observé la concentration des éléments chimiques sur toute la vie des poissons pour pouvoir associer chaque moment de la vie soit à l’empreinte des eaux de surface, soit à celle des eaux profondes.</p>
<p>En ayant séparé la vie de chacun des individus entre moments passés en eaux de surface ou profondes, j’ai pu ressortir les patrons récurrents et les regrouper en trois stratégies migratoires différentes : les résidents, les migrants annuels et les migrants irréguliers.</p>
<p>Ainsi, j’ai pu observer que les flétans capturés dans le sud du golfe étaient majoritairement des migrants annuels, et donc qu’ils entreprennent des migrations entre les eaux profondes et peu profondes chaque année. Au contraire, dans la partie nord du golfe, on y retrouve une majorité de résidents. Les résidents correspondent à des poissons qui peuvent avoir migré au début de leur vie, mais qui ont fini par s’installer définitivement dans les eaux profondes avant d’avoir atteint la maturité. Les migrants irréguliers, quant à eux, montrent des migrations sur une fréquence plus sporadique, et se retrouvent en proportions similaires partout dans la zone d’étude.</p>
<h2>Sur la bonne voie pour une gestion optimale</h2>
<p>Mon étude est la première à offrir une vision globale des mouvements effectués par les flétans sur toute leur vie.</p>
<p>Ces nouvelles informations permettent de mieux comprendre la structure du stock et la diversité des stratégies migratoires qu’on peut y retrouver.</p>
<p>Considérant que ces stratégies sont réparties différemment selon les zones du golfe, on peut s’assurer de ne pas cibler de manière disproportionnelle les flétans utilisant la même stratégie migratoire et éviter la surpêche d’une seule composante du stock.</p>
<p>De cette manière, il est possible de conserver cette diversité qui bénéficie à la résilience du stock face aux différents changements qui peuvent survenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221362/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charlotte Gauthier a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et de la fondation de l'Université du Québec à Chicoutimi. </span></em></p>Le flétan de l’Atlantique revient en force dans le golfe du Saint-Laurent. Mais comment savoir où il se déplace pendant toute sa vie ?Charlotte Gauthier, Étudiante au doctorat, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2238902024-02-22T15:39:42Z2024-02-22T15:39:42ZQue sait-on sur les captures accidentelles de dauphins dans le golfe de Gascogne, et pourquoi est-il si difficile de les éviter ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577272/original/file-20240222-26-y4ku3i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2500%2C1328&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les dauphins retrouvés échoués présentent très souvent des signes de capture accidentelle, causée par différents dispositifs de pêche.</span> <span class="attribution"><span class="source">Hélène Peltier/Pelagis/La Rochelle Université/CNRS</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les petits cétacés (marsouins et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/dauphins-37180">dauphins</a>) ont longtemps été abattus comme concurrents directs de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/peche-21609">pêche</a>, ou capturés pour la consommation humaine dans le golfe de Gascogne, avant d’être légalement protégés en France à partir de 1970. Leur statut de protection a été renforcé à l’échelle européenne en 1992. Néanmoins, des mortalités importantes de dauphins dues aux activités humaines perdurent.</p>
<p>Ainsi, bien que les pics d’échouages traduisant des surmortalités soient documentés depuis les années 80, le nombre d’échouages de petits cétacés sur les côtes du golfe de Gascogne a fortement augmenté depuis 2016 atteignant des niveaux jamais observés en 40 ans. Ces pics d’échouages surviennent majoritairement en hiver (décembre à mars).</p>
<iframe title="Nombre de dauphins communs échoués en hiver (décembre à mars) sur le littoral de la Manche au Pays Basque, de 2000 à 2023" aria-label="Column Chart" id="datawrapper-chart-FTgio" src="https://datawrapper.dwcdn.net/FTgio/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="border: none;" width="100%" height="400" data-external="1"></iframe>
<p>La plupart des cétacés échoués morts sont des dauphins communs à bec court, <em>Delphinus delphis</em>. Ils présentent des traces de capture (lésions externes et internes causées par les engins de pêche, la manipulation des animaux à bord des bateaux et une mort d’origine traumatique) dans environ <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmars.2021.617342/full">70 % des échouages et jusqu’à plus de 90 % lors de certains pics hivernaux</a>.</p>
<p>D’après les données récoltées par les observateurs scientifiques à bord des bateaux, les captures accidentelles de petits cétacés ont lieu avec plusieurs types d’engins, incluant des filets fixes calés au fond, mais aussi des chaluts pélagiques, c’est-à-dire tractés en pleine eau, et des chaluts de fond à grande ouverture verticale. Les individus capturés sont remontés morts, et sont rejetés à la mer par l’équipage (ce qui est exigé par la réglementation) ou se décrochent et tombent à l’eau au moment de la remontée de l’engin.</p>
<p>Le dauphin commun est l’espèce de petits cétacés la plus abondante dans l’Atlantique nord-est. Les indices d’abondance issus de campagnes de survols aériens ne concluent pas aujourd’hui à une diminution de la population en nombre d’individus, mais les connaissances sur l’état et la dynamique de cette population restent encore limitées. <a href="https://ices-library.figshare.com/articles/report/EU_request_on_mitigation_measures_to_reduce_bycatches_of_common_dolphin_Delphinus_delphis_in_the_Bay_of_Biscay_ICES_Subarea_8_/23515176">Les récents travaux du Conseil international pour l’exploitation de la mer</a> (CIEM), de la <a href="https://oap.ospar.org/en/ospar-assessments/quality-status-reports/qsr-2023/indicator-assessments/marine-mammal-bycatch/">convention OSPAR</a> et de la directive-cadre stratégie pour le milieu marin ont cependant conclu que le niveau actuel de captures n’est pas soutenable à long terme pour cette population. Ce diagnostic est corroboré par la <a href="https://theses.hal.science/tel-03957142/">baisse de l’âge des animaux échoués</a>, signalant une baisse de l’espérance de vie des dauphins.</p>
<p>Les accords de protection de la biodiversité signés par la France ainsi que plusieurs règlements et directives européennes, dont la politique commune de la pêche, imposent de prendre des mesures. Saisie par 26 ONG en 2019, la Commission européenne a ainsi entamé, dès 2020, une procédure d’infraction contre la France et l’Espagne pour inaction dans la réduction des captures de dauphins communs dans cette zone. Considérant comme insuffisantes les actions mises en œuvre au niveau national depuis, trois ONG françaises ont saisi le Conseil d’État début 2023.</p>
<h2>Des mesures insatisfaisantes</h2>
<p>Le 20 mars 2023, le <a href="https://www.conseil-etat.fr/actualites/captures-accidentelles-de-dauphins-et-marsouins-le-gouvernement-doit-agir-sous-6-mois-pour-garantir-leur-survie-dans-le-golfe-de-gascogne">Conseil a ordonné au gouvernement</a> de prendre des mesures, dans un délai de six mois, pour limiter les captures accidentelles de petits cétacés par les activités de pêche dans le golfe de Gascogne. Cette injonction a abouti à l’interdiction de pêche pour tous les bateaux de plus de 8 mètres équipés d’engins présentant des risques de capture de dauphins du 22 janvier au 20 février 2024, une période où la surmortalité est maximale selon la moyenne des pics d’échouages observés au cours des années récentes. Cette mesure devrait être reconduite en 2025 et 2026.</p>
<p>Le constat de risque de conséquences négatives, tant sociales que psychologiques ou économiques de cette mesure d’urgence pour les pêcheurs et l’ensemble des filières amont et aval (activités portuaires, criées, poissonneries, consommateurs…) est largement partagé, <a href="https://ices-library.figshare.com/articles/report/EU_request_on_mitigation_measures_to_reduce_bycatches_of_common_dolphin_Delphinus_delphis_in_the_Bay_of_Biscay_ICES_Subarea_8_/23515176">y compris par les scientifiques</a>.</p>
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<p>De plus, au vu des connaissances actuelles, <a href="https://ices-library.figshare.com/articles/report/EU_request_on_mitigation_measures_to_reduce_bycatches_of_common_dolphin_Delphinus_delphis_in_the_Bay_of_Biscay_ICES_Subarea_8_/23515176">cette mesure ne peut pas non plus être considérée comme suffisante</a> pour atteindre les objectifs de conservation de l’espèce. Son efficacité dépend notamment de facteurs difficilement prévisibles, tels que la présence effective des dauphins et de leurs proies dans les zones concernées lorsque la pêche est interdite. Cette mesure d’urgence n’apparaît donc pas comme une solution satisfaisante, et impose de réfléchir à la mise en place de mesures alternatives, qui permettraient d’assurer à long terme l’équilibre socio-économique de la pêche et la viabilité des populations de cétacés dans le golfe de Gascogne. Mais l’élaboration de solutions efficaces nécessite de mieux comprendre les circonstances des captures : quelles pratiques de pêche les favorisent ? Quels changements dans le comportement des dauphins ou les processus écologiques et halieutiques ont entraîné l’augmentation des captures accidentelles depuis 2016 ?</p>
<p>Ces questions écologiques et techniques ont motivé le développement de différents projets de recherche, dont le plus vaste est le <a href="https://delmoges.recherche.univ-lr.fr/">projet de recherche Delmoges</a> (2022-2025), porté par La Rochelle Université, le CNRS et l’Ifremer en partenariat avec l’Université de Bretagne occidentale (UBO) et le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM). Les survols aériens confirment que la distribution des dauphins a changé, avec une présence côtière plus importante. Les dauphins communs sont ainsi plus présents dans la partie interne du plateau continental où se concentrent les activités de pêche. Ils seraient alors exposés à une pression de pêche plus importante et à un risque plus élevé de captures accidentelles. Dans Delmoges, une hypothèse étudiée pour expliquer ce changement est un lien possible avec la modification de leur « paysage alimentaire ».</p>
<h2>Comprendre où vivent les proies des dauphins</h2>
<p>Une campagne scientifique a été réalisée en février 2023 dans le cadre de ce projet, afin de cartographier pour la première fois simultanément les dauphins communs et leurs proies préférentielles (petits poissons pélagiques, c’est-à-dire nageant en bancs en pleine eau : anchois, sardines, etc.) en hiver, lors du pic d’échouages. Des survols aériens et une campagne à la mer avec le drone de surface DriX menés dans la zone centrale du golfe de Gascogne ont confirmé que les dauphins et leurs proies étaient distribués majoritairement près des côtes en hiver, au-dessus de fonds inférieurs à 100 m.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/577099/original/file-20240221-16-duvqqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/577099/original/file-20240221-16-duvqqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577099/original/file-20240221-16-duvqqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577099/original/file-20240221-16-duvqqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577099/original/file-20240221-16-duvqqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577099/original/file-20240221-16-duvqqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577099/original/file-20240221-16-duvqqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577099/original/file-20240221-16-duvqqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte de l’abondance des dauphins communs (ronds bleus) et de leurs proies (gradient de couleur). Campagne Delmoges février 2023. Crédit .</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ifremer, Mathieu Doray</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les scientifiques ont détecté pour la première fois la présence de bancs très étendus de petits poissons pélagiques, concentrés sous forme de couches denses très près du fond. À cette saison ces fortes concentrations de proies ne sont pas ciblées par les pêcheurs, qui pêchent surtout des espèces de fond telles que la sole et le merlu. Mais elles pourraient inciter les dauphins à plonger pour se nourrir très près du fond, dans la zone d’action des filets. Ces agrégations de proies proches du fond pourraient ainsi augmenter le risque de captures accidentelles de dauphins, mais les processus à fine échelle menant aux captures restent encore à identifier. L’évolution éventuelle du régime alimentaire des dauphins depuis vingt ans est également étudiée afin d’approfondir ces hypothèses.</p>
<p>Le projet Delmoges vise également à étudier l’évolution de la population à long terme, en cherchant en particulier à déterminer si les dauphins communs occupant le plateau continental du golfe de Gascogne constituent une population distincte de celle des dauphins occupant les eaux océaniques plus au large. Si tel était le cas, les captures accidentelles représenteraient alors un risque plus important pour la pérennité de cette population. D’autre part, les scientifiques de Delmoges évaluent l’état de santé des dauphins capturés, en mesurant notamment les contaminants dans leurs tissus.</p>
<p>Concernant les pratiques de pêche, les données disponibles ne permettent pas une compréhension fine des circonstances et engins causant le plus de captures accidentelles. En effet, la déclaration de ces captures, pourtant obligatoire, a été et reste largement insuffisante – une réticence des professionnels qui peut être pour partie liée à une peur de l’exposition publique et nominative de ceux qui déclareraient. Des programmes de caméras embarquées (<a href="https://professionnels.ofb.fr/fr/node/1624">projet OBSCAMe</a>) et d’observation en mer sont déployés à la place, à bord de navires volontaires, pour apporter des éléments de réponse statistique sur de possibles changements dans les pratiques et les efforts de pêche, et identifier l’importance relative de chaque pêcherie dans les mortalités totales. Restaurer la confiance, la coopération et la transparence de tous les acteurs apparaît aujourd’hui indispensable pour partager une compréhension commune des mécanismes conduisant à ces captures accidentelles et progresser vers l’identification de mesures à la fois plus ciblées et plus efficaces.</p>
<p>Parmi elles, les solutions techniques de signaux acoustiques (effaroucheurs, communément appelés « pingers », ou balises) sont privilégiées par les professionnels et explorées avec eux dans divers projets de recherche (projets LICADO, PIFIL, Dolphinfree en particulier, également en collaboration avec l’Université de Montpellier), pour être spécifiquement adaptées à la situation du golfe de Gascogne. Les défis technologiques sont nombreux, car il faut à la fois comprendre et reproduire la gamme des signaux acoustiques émis par les dauphins, limiter les temps d’émission acoustique au strict minimum pour éviter les phénomènes de pollution sonore et d’habituation, et encapsuler tout cela dans des dispositifs performants, à forte autonomie de charge, faciles d’utilisation par les pêcheurs et à coût acceptable. Des progrès importants ont été réalisés autour de tels dispositifs « intelligents », mais les tests en conditions réelles avec des pêcheurs doivent être poursuivis pour mesurer leur efficacité et optimiser leur utilisation.</p>
<p>Au sein du projet Delmoges, les progrès sur la compréhension du phénomène de capture, obtenus grâce à ces différents travaux, alimentent la réflexion sur des alternatives aux mesures d’urgence actuelles. La volonté du monde de la pêche est forte pour trouver des solutions lui permettant de réduire son impact sur les dauphins. La combinaison de diverses options telles que des interdictions de pêche temporaires ciblées, l’utilisation de balises acoustiques spécifiques aux dauphins, et des mesures incitatives expérimentées dans d’autres pêcheries à travers le monde est à l’étude pour élaborer des scénarios théoriques de réduction des captures accidentelles. Une évaluation de l’impact des différents scénarios est en cours, estimant leur effet attendu sur l’écosystème, mais aussi leurs conséquences économiques et sociales. Le but est de rechercher des compromis entre la conservation de la biodiversité et l’exploitation des ressources, acceptables tant par les professionnels de la mer que par la société.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été écrit avec l’aide de Matthieu Authier, Tiphaine Chouvelon, Olivier Van Canneyt, Marion Pillet, et Vincent Ridoux (La Rochelle Université) ; Manuel Bellanger, Germain Boussarie, Thomas Cloâtre, Mathieu Doray, Laurent Dubroca, Robin Faillettaz, Sophie Gourguet, Emilie Leblond, Yves Le Gall, et Sigrid Lehuta (Ifremer), Bastien Merigot (Université de Montpellier) ; Amélia Viricel (Université de Bretagne occidentale).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223890/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le travail sur lequel se base cet article a été soutenu par le projet Delmoges, cofinancé par le Ministère de l'Ecologie, les Directions DGAMPA (Pêche et Aquaculture) et DEB (Biodiversité Aquatique) et l'Association du Secteur de la Pêche (FFP - France Filière Pêche).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Hélène Peltier a reçu des financements de du Ministère en charge de environnement (Direction de l'Eau et de la Biodiversité, DEB), de l'Office Français de la Biodiversité et de l'Union Européenne. Delmoges est un programme co-financé par la DEB, la DGAMPA (Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture) et France Filière Pêche.
Elle a également été co-chair du "Workshop on mitigation measures to reduce bycatch of short-beaked common dolphins in the Bay of Biscay" du CIEM en 2022.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Spitz Jérôme a reçu des financements du Ministère en charge de environnement (Direction de l'Eau et de la Biodiversité, DEB), de l'Office Français de la Biodiversité et de l'Union Européenne. Delmoges est un programme co-financé par la DEB, la DGAMPA (Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture) et France Filière Pêche.</span></em></p>Le nombre de dauphins retrouvés échoués sur les côtes du Golfe de Gascogne n’a jamais été aussi élevé. Comment éviter la catastrophe ?Clara Ulrich, Coordinatrice des expertises halieutiques, IfremerHélène Peltier, Conservation des prédateurs supérieurs marins, La Rochelle UniversitéJérôme Spitz, Ecologie et conservation des prédateurs marins, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Pierre PETITGAS, Adjoint Director, Marine Biological Resources and Environment, IfremerLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2238682024-02-21T15:45:32Z2024-02-21T15:45:32ZOMC : à Abou Dabi, un sommet ministériel aux multiples enjeux<p>La XIII<sup>e</sup> Conférence ministérielle de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/organisation-mondiale-du-commerce-omc-50902">l’Organisation mondiale du commerce</a> (OMC) se tiendra du 26 au 29 février 2024 à Abou Dabi (Émirats arabes unis). Entre 1996 et 2022, les 12 sommets ministériels ont donné au total peu de résultats. On peut compter trois succès en 26 ans : l’accord sur la facilitation du commerce à Bali en 2013, qui a permis une <a href="https://www.wto.org/english/res_e/booksp_e/world_trade_report15_e.pdf">amélioration des procédures douanières dans le monde</a> ; l’accord sur l’élimination des subventions à l’exportation dans l’agriculture à Nairobi en 2015 ; l’accord sur la pêche à Genève en 2022, qui interdit les subventions aux vaisseaux opérant une pêche illicite, non notifiée ou non règlementée et celles contribuant à la pêche de stocks « surexploités ».</p>
<p>À Abou Dabi, de nombreux sujets, qui divisent aujourd’hui les 164 pays membres, doivent être discutés. En premier lieu : la réforme de l’organe de règlement des différends (ORD), dont le mécanisme d’appel est <a href="https://theconversation.com/lomc-joue-t-elle-sa-survie-lors-de-sa-douzieme-conference-ministerielle-a-geneve-171859">bloqué depuis décembre 2019</a>.</p>
<h2>Le blocage du règlement des différends</h2>
<p>L’ORD a été créé en même temps que l’OMC, en 1995. Cet organe permet à n’importe quel pays membre de l’OMC de porter plainte contre un autre qui aurait enfreint les règles multilatérales du commerce. Une fois la plainte portée devant l’OMC, les parties au litige ont 60 jours pour négocier un accord entre eux.</p>
<p>Si cette phase de concertation n’aboutit pas, le plaignant peut demander à l’OMC de réunir un panel qui fournit des conclusions juridiques. Les parties au litige peuvent toutes les deux faire appel à la suite de ces premières recommandations. Si tel est le cas, l’organe d’appel peut confirmer, modifier ou aller à l’encontre des premières recommandations. S’il est donné raison au plaignant, le défendeur doit alors mettre en conformité la ou les mesures concernée(s). Si ce dernier refuse, le plaignant peut être autorisé à mettre en place des mesures de représailles contre le défendeur.</p>
<p>L’ORD a joué un rôle déterminant dans la résolution de litiges commerciaux. Depuis 1995, 621 demandes de consultation ont été émises et ont impliqué globalement 53 pays comme plaignants et 55 comme défendeurs. En éliminant les renouvellements de requête et en tenant compte des cas avec plusieurs plaignants, il y a eu, depuis 1995, 616 cas de plainte d’un pays contre un autre.</p>
<p>Le tableau 1 montre la répartition des pays suivant les groupes de revenu et les acteurs les plus fréquents. Pays développés et pays en développement ont eu recours à l’ORD pour résoudre leurs différends et des pays à revenu intermédiaire ont porté plainte contre des pays plus riches. Les litiges ont couvert une grande variété de sujets : mesures anti- dumping, subventions, accords sur l’agriculture, obstacles techniques au commerce, mesures sanitaires et phytosanitaires…</p>
<p><iframe id="zTMoq" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/zTMoq/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Dans un cas sur six environ (108 sur 616), les différends ont été résolus par voie de consultation, avant qu’un panel soit réuni ou ait produit un rapport. Parmi les procédures qui ont eu recours à un panel et qui ont fait l’objet de prises de décision (295 sur 616), les issues les plus fréquentes ont été une solution coopérative (solution mutuellement négociée ou mise en œuvre de la recommandation du panel) et on note seulement vingt cas d’autorisation d’application de mesures de représailles.</p>
<p>Depuis maintenant quatre ans, l’ORD, considéré longtemps comme le « joyau de la couronne » du système commercial multilatéral, est en crise avec le blocage de la nomination de membres de l’organe d’appel par les États-Unis. Ce dernier n’est plus en mesure de fonctionner alors que plus de 70 % des conclusions des panels ont fait l’objet d’appel.</p>
<p>La moyenne par an des différends portés à l’ORD est passée de 23,8 entre 1995 et 2018 à 6,5 entre 2020 et 2023. La plupart des rapports des panels font maintenant l’objet d’un appel « dans le vide » et le règlement de ces différends est en suspens. Il y a urgence à trouver une solution, mais il sera difficile pour l’administration américaine de faire des concessions sur ce dossier une année d’élection présidentielle.</p>
<h2>Un nouvel accord sur la pêche</h2>
<p>Les subventions aux activités halieutiques concernent à la fois des subventions que l’on peut qualifier de bénéfiques, car ayant vocation à conserver et gérer les ressources halieutiques, les subventions contribuant à une surcapacité ou une surpêche, et les subventions dont il est difficile d’estimer l’impact sur l’activité halieutique.</p>
<p>À l’OMC, les discussions portent sur la réduction des subventions contribuant à une surcapacité ou une surpêche, les plus importantes pour la plupart des membres, à l’exception des États-Unis et de la Corée du Sud (graphique 1). Ces subventions incluent des subventions de capital (achat, modernisation de vaisseaux, etc.), de consommation intermédiaire (fuel, glace, appâts), de coût du personnel, des soutiens aux revenus ou aux prix, ou couvrant des pertes, ou des subventions de pêche dans des zones en dehors de la juridiction du pays.</p>
<p><iframe id="38UmM" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/38UmM/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les points d’achoppement dans ce dossier concernent le traitement spécial et différencié, c’est-à-dire la prise en compte des situations individuelles des pays membres de l’OMC (par exemple la distinction pays les moins avancés/pays en développement/pays développés, critère croisé dans cette discussion avec le cas des 20 pays pratiquant les subventions les plus importantes) pour définir une règle spécifique de réduction des subventions par groupe de pays.</p>
<p>D’un côté, les États-Unis veulent un accord ambitieux avec le moins d’exemptions possible. De l’autre, des pays en développement veulent autoriser des flexibilités importantes à leur bénéfice.</p>
<h2>Commerce de transmissions électroniques</h2>
<p>Le commerce de transmissions électroniques est un commerce en forte croissance. Il correspond à des livraisons internationales en ligne de musique, de e-books, de magazines, de quotidiens, de films, de jeux vidéo… En 2020 et 2022, il avait été décidé de <a href="https://docs.wto.org/dol2fe/Pages/SS/directdoc.aspx?filename=r:/WT/MIN22/32.pdf&Open=True">renouveler un moratoire</a>, temporaire, qui exempte de droits de douane ces transactions. À Abou Dabi, les participants devront décider soit d’un nouveau moratoire temporaire, soit d’un moratoire permanent, soit de l’arrêter.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>L’Inde, l’Indonésie et l’Afrique du Sud sont d’ores et déjà contre un moratoire permanent : ces pays se déclarent intéressés par la taxation des transmissions électroniques, car ce commerce est en pleine expansion. Une évaluation récente montre pourtant qu’au niveau mondial, les pertes potentielles de recettes publiques sont faibles et que pour ces pays, elles pourraient être <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/fr/trade/understanding-the-potential-scope-definition-and-impact-of-the-wto-e-commerce-moratorium_59ceace9-en">facilement compensées par une faible augmentation des taxes à la valeur ajoutée</a>.</p>
<h2>Propriété intellectuelle et Covid-19</h2>
<p>La conférence de Genève en 2022 avait autorisé un certain nombre de dérogations à l’accord sur les droits de la propriété intellectuelle liés au commerce pour faciliter la production et l’exportation de vaccins contre le Covid-19. Les discussions portent maintenant sur l’extension de ces dérogations aux tests de dépistage et thérapies.</p>
<p>L’Afrique du Sud, l’Inde et d’autres pays en développement, mais aussi des pays moins avancés, sont en faveur de cette extension. Une coalition réunissant l’Union européenne, le Royaume-Uni et la Suisse y est opposée, au motif qu’une telle tolérance compromettrait les dépenses d’innovation dans le secteur de la santé et n’est pas nécessaire pour des raisons de santé publique.</p>
<h2>Agriculture et sécurité alimentaire</h2>
<p>À Abou Dabi, sept sujets sur l’agriculture et la sécurité alimentaire seront discutés :</p>
<p>1/Le <strong>soutien domestique ou soutien national aux agriculteurs</strong> : le groupe de Cairns (Afrique du Sud, Argentine, Australie, Brésil, Canada) veut une réduction significative du soutien domestique. L’Union européenne et les pays du G10 (Suisse, Japon, Corée du Sud, Norvège, Islande…) s’y opposent.</p>
<p>2/<strong>L’accès au marché</strong> : les États-Unis veulent une diminution significative des droits de douane dans l’agriculture ; l’Union européenne, les pays du G10 et l’Inde sont contre.</p>
<p>3/La <strong>clause de sauvegarde spéciale</strong> est un instrument de protection réservé aux pays en développement pour augmenter temporairement leurs droits de douane dans l’agriculture lors d’une forte croissance des importations ou d’une chute des prix. L’Inde veut faciliter l’accès à cet instrument pour les pays en développement ; les États-Unis sont contre.</p>
<p>4/Les <strong>restrictions à l’exportation sur des produits agricoles</strong>, mises en place régulièrement par des pays comme l’Argentine, l’Inde ou le Vietnam, jouent un rôle certain dans la volatilité des prix agricoles, volatilité qui peut nuire aux intérêts des pays importateurs nets et notamment parmi eux les pays pauvres (Bangladesh, Pakistan, beaucoup de pays africains). Les discussions portent sur des disciplines plus sévères sur ces restrictions.</p>
<p>5/Les <strong>subventions et aides à l’exportation</strong> : le Canada, le Chili et la Suisse veulent renforcer les disciplines sur les crédits à l’exportation, l’aide alimentaire internationale et les opérations des entreprises exportatrices d’État.</p>
<p>6/Les <strong>subventions pour les producteurs de coton</strong> : c’est un sujet traditionnel de discussion à l’OMC, opposant notamment des pays producteurs et exportateurs comme le Bénin, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad à l’Union européenne et aux États-Unis, les premiers voulant la fin des programmes de soutien aux filières locales des seconds.</p>
<p>7/Les <strong>stocks publics constitués pour la sécurité alimentaire</strong> sont des programmes d’achat, de stockage et de distribution de denrées alimentaires en cas d’insécurité croissante. Un certain nombre de pays en développement, dont l’Inde, veulent une clause de paix permanente sur les stocks constitués à des prix administrés ou minimum (une clause de paix temporaire avait été adoptée à Nairobi en 2015). Les pays exportateurs de ces denrées sont contre.</p>
<p>Sur tous ces sujets, les positions des pays membres semblent difficilement conciliables. La seule décision à faire aujourd’hui l’objet d’un consensus est <a href="https://www.hinrichfoundation.com/research/article/wto/a-moment-of-truth-for-the-wto/">l’accès à l’OMC des Comores et du Timor-Leste</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223868/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Règlement des différends, agriculture, propriété intellectuelle… les antagonismes entre les 164 pays membres restent profonds à l’ouverture de la XIIIᵉ Conférence ministérielle, prévue le 26 février.Antoine Bouët, Directeur, CEPIIJeanne Métivier, Professeure assistante en comptabilité, finance et économie, Kedge Business SchoolLeysa Maty Sall, Économiste, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2183052023-11-29T14:37:28Z2023-11-29T14:37:28ZUne alimentation culturellement adaptée pourrait paver la voie à la sécurité alimentaire dans l’Arctique canadien<p><a href="https://cdn.dal.ca/content/dam/dalhousie/pdf/sites/agri-food/30083%20Food%20Price%20Report%20FR%20-%20Digital.pdf">Avec l’augmentation du prix du panier d’épicerie</a>, la sécurité alimentaire devient une préoccupation de plus en plus importante pour les Canadiens. Cependant, <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/fr/pub/75-006-x/2023001/article/00013-fra.pdf">tout le monde n’est pas logé à la même enseigne</a> face à l’augmentation des coûts.</p>
<p>Dans l’Inuit Nunangat – le territoire des Inuits du nord canadien –, la situation est alarmante. En 2017, dans l’une des nations les plus riches du monde, <a href="https://www.itk.ca/wp-content/uploads/2021/07/ITK_Food-Security-Strategy-Report_French_PDF-Version.pdf">76 % de la population inuite a été confrontée à l’insécurité alimentaire</a>, une statistique sombre qui a probablement empiré en raison du contexte actuel du prix des aliments.</p>
<p>La question omniprésente de l’insécurité alimentaire chez les Inuits, qui est <a href="https://doi.org/10.1017/S1368980020000117">étroitement liée à des effets néfastes sur la nutrition et la santé mentale</a>, constitue l’une des crises de santé publique les plus persistantes et les plus graves auxquelles est confrontée une partie de la population canadienne. </p>
<p>Mais il existe des solutions. Des solutions qui incluent des systèmes alimentaires culturellement adaptés qui garantissent l’accès à des aliments abordables, nutritifs, sûrs et prisés. En outre, de nouvelles pistes de recherche axées sur les déterminants de la santé propre aux Inuits peuvent inspirer des mesures qui leur sont spécifiques pour prévenir l’apparition de maladies associées à l’alimentation et à l’insécurité alimentaire. </p>
<p>Le programme interdisciplinaire <a href="https://sentinellenord.ulaval.ca/fr/accueil">Sentinelle Nord</a> de l’Université Laval a récemment regroupé les connaissances de ses équipes de recherche pour offrir de nouvelles perspectives sur les <a href="https://sentinellenord.ulaval.ca/fr/compendium-de-recherche/sante-metabolique">liens entre la sécurité alimentaire, la nutrition et la santé métabolique</a>. L’intégration des connaissances de différentes disciplines est primordiale pour aborder les problèmes complexes tels que celui de l’insécurité alimentaire dans le Nord.</p>
<h2>Les enjeux de la sécurité alimentaire dans l’Arctique</h2>
<p>La sécurité alimentaire dans l’Arctique revêt plusieurs aspects et est liée à l’accès, à la disponibilité, à la sécurité et à la qualité des aliments traditionnels (aliments récoltés, chassés, pêchés et cueillis sur terre, dans les rivières, les lacs et la mer) et des aliments achetés en magasin.</p>
<p>Au cœur de cette complexité se trouvent les dynamiques économiques qui pèsent sur les communautés arctiques. La pauvreté monétaire, amplifiée par le coût élevé de la vie dans l’Arctique, est <a href="https://www.itk.ca/wp-content/uploads/2021/07/ITK_Food-Security-Strategy-Report_French_PDF-Version.pdf">l’un des principaux facteurs d’insécurité alimentaire chez les Inuits</a>. Le <a href="https://doi.org/10.1016/j.foodpol.2018.08.006">revenu individuel médian des Inuits (de 15 ans et plus) dans le nord du Canada</a> représente les deux tiers de celui de l’ensemble des Canadiens. Parallèlement, les prix des aliments achetés en magasin, ainsi que ceux d’autres biens et services, peuvent être deux à plusieurs fois plus élevés que dans d’autres régions du pays en raison des coûts de transport. </p>
<p>À ces contraintes économiques s’ajoutent les <a href="https://www.itk.ca/wp-content/uploads/2021/07/ITK_Food-Security-Strategy-Report_French_PDF-Version.pdf">forces implacables du changement climatique, qui transforment fondamentalement les systèmes alimentaires de subsistance dans le Nord</a>. </p>
<p>Avec le recul de la glace marine, le dégel du pergélisol et la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes, l’accès aux territoires de chasse et de pêche traditionnels devient de plus en plus difficile. De surcroît, l’abondance et la répartition des espèces animales et végétales, dont les communautés dépendent depuis des générations, se modifient. </p>
<p>Mais le changement climatique n’est pas le seul sujet de préoccupation.</p>
<p>L’Arctique, malgré sa situation géographique éloignée, n’est pas à l’abri des polluants mondiaux. Les contaminants provenant des zones plus méridionales atteignent en effet la région, transportés par les courants atmosphériques et océaniques. Parmi ceux-ci, notons par exemple les <a href="https://theconversation.com/canada-takes-first-step-to-regulate-toxic-forever-chemicals-but-is-it-enough-207288">« polluants éternels »</a>, un groupe de composés chimiques qui se décomposent très lentement et s’accumulent dans les aliments traditionnels dont les communautés dépendent pour leur subsistance. </p>
<p>Si les avantages nutritionnels et culturels de ces aliments restent importants, l’exposition aux contaminants environnementaux est très préoccupante pour la santé et le bien-être des Inuits.</p>
<p>Ces transformations écologiques mettent en péril à la fois l’intégrité de la chaîne d’approvisionnement alimentaire et les traditions mêmes qui sont à la base de l’identité culturelle des peuples autochtones de l’Arctique.</p>
<h2>L’importance de l’alimentation traditionnelle</h2>
<p>Les aliments prélevés sur le territoire contribuent de manière substantielle à la nutrition, à la santé et à la sécurité alimentaire des communautés inuites. </p>
<p>Le régime alimentaire traditionnel des Inuits se distingue par sa richesse en acides gras oméga-3, due en grande partie à la consommation élevée de poisson et d’aliments d’origine marine. Une <a href="https://doi.org/10.1080/19490976.2022.2120344">recherche récente</a> a établi un lien entre la consommation d’huile de poisson et la prolifération d’<em>Akkermansia muciniphila</em>, une bactérie intestinale dont on vante les mérites dans la lutte contre les maladies métaboliques telles que l’obésité, le diabète de type 2 et les affections cardiovasculaires.</p>
<p>Outre les ressources marines, l’Arctique offre une abondance de <a href="https://doi.org/10.1016/j.tem.2019.04.002">baies, riches en polyphénols bénéfiques pour la santé</a>. Ces <a href="https://doi.org/10.1002/9781119545958">composés agissent comme des antioxydants</a> essentiels pour neutraliser les molécules susceptibles d’endommager les cellules, de favoriser le vieillissement et de contribuer à diverses maladies. </p>
<p>Une autre recherche sur les <a href="https://doi.org/10.1007/s00125-017-4520-z">extraits polyphénoliques</a> de la chicouté, de la busserole alpine et de l’airelle rouge a révélé que ces trois baies présentent des effets bénéfiques sur la résistance à l’insuline, ainsi que sur les taux d’insuline chez un modèle murin. Ces résultats suggèrent que la consommation régulière de ces baies arctiques pourrait constituer une stratégie culturellement adaptée pour lutter contre l’inflammation et les troubles métaboliques associés.</p>
<p>En plus d’être de riches sources de nutriments essentiels, les <a href="https://www.itk.ca/wp-content/uploads/2021/07/ITK_Food-Security-Strategy-Report_French_PDF-Version.pdf">aliments traditionnels sont profondément ancrés dans le tissu social inuit, améliorant le bien-être mental et émotionnel, favorisant les liens communautaires et fortifiant l’héritage culturel</a>. Le processus de collecte, de préparation et de partage des aliments traditionnels est également lié à l’activité physique, à la santé mentale et au mieux-être. </p>
<p>Pourtant, malgré le rôle intégral de l’alimentation traditionnelle, de multiples facteurs – depuis les effets durables de la colonisation et du changement climatique jusqu’aux enjeux socio-économiques et aux préoccupations liées aux contaminants environnementaux – <a href="https://nrbhss.ca/sites/default/files/health_surveys/Food_Security_report_en.pdf">ont accéléré la transition vers une dépendance à l’égard des aliments du commerce</a>.</p>
<p>Alors que les <a href="https://doi.org/10.17269/s41997-022-00724-7">habitudes alimentaires occidentales gagnent du terrain</a> dans l’Arctique canadien, les <a href="https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/4395401">problèmes de santé tels que l’obésité, le diabète et les maladies cardiométaboliques sont en augmentation</a>. L’élaboration d’approches personnalisées tenant compte des modes de vie, de la génétique et des traditions alimentaires propres aux Inuits est essentielle pour mettre en place des stratégies ciblées visant à atténuer et à prévenir ces problèmes de santé de plus en plus fréquents. </p>
<h2>Des systèmes alimentaires culturellement adaptés</h2>
<p>En réponse aux enjeux pressants de l’insécurité alimentaire, les communautés autochtones du nord du Canada ont mis en place divers programmes. </p>
<p>Les <a href="https://doi.org/10.1111/cag.12872">programmes alimentaires communautaires destinés à remédier à l’insécurité alimentaire sévère sont courants</a>. Mais pour garantir la résilience, c’est l’ensemble du système qui doit être revu – les politiques gouvernementales, les programmes et les investissements monétaires. </p>
<p>Des programmes qui encouragent les jeunes à acquérir des connaissances et des compétences en matière de récolte d’aliments traditionnels, qui améliorent les infrastructures et le stockage des denrées alimentaires dans les communautés et qui permettent de fournir des aliments traditionnels dans un cadre institutionnel ne sont que quelques exemples parmi d’autres. Ainsi, une <a href="https://nunatsiaq.com/stories/article/city-of-iqaluit-provides-funding-boost-for-healthy-food/">allocation de la ville</a> permettra à près de 50 enfants d’une garderie d’Iqaluit de recevoir deux repas par jour pendant un an, des repas qui comprennent des aliments traditionnels.</p>
<p>Ces initiatives renforcent non seulement la sécurité alimentaire, mais défendent également la souveraineté alimentaire par le biais d’efforts menés et dirigés par les communautés.</p>
<p>Le parcours pour résoudre l’insécurité alimentaire est complexe et il n’existe pas de solution unique. Les projets qui intègrent les connaissances et les compétences locales à des recherches fondées sur des données probantes ont le potentiel de tracer une voie durable vers l’avenir. Il est essentiel de mobiliser ces travaux pour informer et façonner les politiques, afin de s’assurer que les progrès réalisés ne sont pas simplement des solutions temporaires, mais qu’ils s’inscrivent dans une stratégie globale visant à assurer une sécurité alimentaire durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218305/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tiff-Annie Kenny reçoit des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), du Fonds pour les nouvelles frontières de la recherche (IRSC), du Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord, d'ArcticNet, du Fonds de recherche du Québec - Santé (FRQS), de Génome Canada et du ministère des Relations avec les Autochtones et des Affaires du Nord de la Couronne.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pascale Ropars ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’insécurité alimentaire est un problème particulièrement ressenti par les Inuits du nord du Canada. La solution pourrait passer par des systèmes alimentaires culturellement adaptés.Pascale Ropars, Researcher, Sentinel North, Université LavalTiff-Annie Kenny, Assistant professor, Département de médecine sociale et préventive, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2118812023-10-11T13:50:20Z2023-10-11T13:50:20ZRaréfaction des sardinelles rondes en Afrique du Nord-Ouest : comment éviter l'effondrement<p>La pêche artisanale est un secteur refuge ou de reconversion pour de nombreux agriculteurs et éleveurs victimes du changement climatique dans le Sahel. Mais au cours des quatre dernières décennies, la tendance à la surexploitation a causé la diminution de 20 à 50 % des quantités de poissons présents dans les eaux sénégalaises, et par conséquent la qualité de vie des pêcheurs. Cette diminution a surtout concerné les poissons de fonds dits <a href="https://doi.org/10.1051/alr/2017046">“démersaux”</a>, alors que l'abondance des petits poissons pélagiques (comme les sardinelles) fluctuait principalement sous <a href="https://doi.org/10.1111/fog.12218">l’effet des conditions climatiques</a>. Mais depuis 2021, les captures de sardinelles rondes dans la sous-région <a href="https://doi.org/10.1016/j.fishres.2023.106873">ont chuté</a> en-deça du dixième de ce qu'elles étaient à leur apogée, en 2011. Ce qui pourrait indiquer un effondrement prochain de cette pêcherie (en science halieutique l'effondrement sera acté si cette situation s'étale sur <a href="https://doi.org/10.1111/j.1467-2979.2005.00181.x">4 années consécutives</a>).</p>
<p>La sardinelle ronde est historiquement une des principales espèces capturées et transformées artisanalement en Afrique du Nord et de l'Ouest. Elle contribue à la fois en quantité et en qualité à <a href="https://www.isblue.fr/la-recherche/projets-de-recherche/projet-emblematique-omega/">l’alimentation</a> des populations <a href="https://www.nature.com/articles/s43016-022-00643-3">sahéliennes</a>. Elle est source d'omega 3, une molécule nécessaire au maintien des fonctions vitales et en particulier pour le développement du <a href="https://www.lanutrition.fr/bien-dans-sa-sante/les-complements-alimentaires/les-principaux-complements-alimentaires/les-complements-correcteurs-de-l-alimentation/les-omega-3/le-dha-lallie-sante-de-votre-cerveau">cerveau</a>. </p>
<p>Les qualités de la sardinelle ronde en font également une espèce de choix pour la fabrication des farines de poissons dont <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0308597X22002378?via%3Dihub">la demande</a> ne cesse de grimper sur le marché mondial. Mais depuis quelques années, les consommateurs sénégalais et mauritaniens ont constaté la raréfaction des sardinelles rondes, souvent absentes des étalages. </p>
<p>Au Sénégal, les quantités annuelles débarquées fluctuaient de 100 000 à 250 000 tonnes <a href="https://doi.org/10.1111/fog.12218">dans les années 2010</a>, mais stagnent autour de 10 000 tonnes depuis 2020. Nous cherchons ici à interpréter ces changements à la lumière de nos <a href="https://doi.org/10.1016/j.pocean.2018.03.011">récentes recherches</a> sur les migrations de cette espèce dans la sous région.</p>
<h2>Disparition progressive des sardinelles rondes</h2>
<p>A l’ouverture du <a href="https://www.imrop.mr/symposium-international-sur-les-petits-pelagiques-dans-la-zone-nord-ouest-africaine-exploitation-diversification-des-usages-et-effets-des-changements-climatiques/#:%7E:text=L%E2%80%99IMROP%20organisera%20%C3%A0%20Nouakchott%2C%20du%2024%20au%2026,de%20gestion%2C%20leurs%20gouvernances%20et%20leurs%20retomb%C3%A9es%20socio%C3%A9conomiques.">symposium international sur les petits pélagiques dans la zone nord-ouest africaine</a> tenu à Nouakchott en mai 2022, un industriel fustigeait les “extrémistes écolo” qui proposeraient des quotas de pêche trop bas. </p>
<p>Lors de ce même symposium, nous avons appris pourtant <a href="https://www.fao.org/documents/card/en/c/CB0490FR">la chute vertigineuse des captures de sardinelles rondes</a> à l’échelle de la sous-région, passant de 425 561 tonnes en 2018 à 49 550 tonnes en 2021.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1016/j.pocean.2018.03.011">Les récents développements</a> de la recherche océanographique ont permis d’étudier la migration des sardinelles sous l’angle de la modélisation biophysique, c’est-à-dire de modéliser leurs déplacements directement à partir de la dynamique des courants, du plancton et des poissons eux-mêmes, indépendamment des données de pêche. Les résultats suggèrent l'existence d’une grande diversité de routes migratoires mais seule une faible proportion de poissons effectue la migration complète historiquement décrite et classiquement admise.</p>
<p>La vision proposée par le modèle, corroborée par les données obtenues auprès des artisans pêcheurs sénégalais, est celle d’une grande proportion de sardinelles rondes basées en Mauritanie qui déborderait au gré des courants et des saisons vers le nord ou vers le sud. Aussi, le modèle suggère une extension au large des sardinelles variable selon les saisons, mais une densité toujours plus forte dans la zone côtière. </p>
<p>En résumé, cette étude a montré que le cœur de la population des sardinelles rondes, la zone la plus dense, centre de gravité des migrations saisonnières qui alimente les pays voisins, se situerait dans la frange côtière des eaux mauritaniennes. Ce qui explique les <a href="https://doi.org/10.1016/j.fishres.2016.10.009">captures exceptionnelles</a> qui y sont réalisées depuis l’avènement des usines de farine de poissons en Mauritanie.</p>
<h2>Développement des usines de farine de poisson</h2>
<p>Depuis 2012, l'industrie de farine de poisson dans la sous-région a connu un développement rapide, surtout en Mauritanie (environ 40 usines sur 650 km de côte) relativement au Sénégal et en Gambie (environ 10 usines sur 550 km de côte). En Mauritanie, ce développement a eu <a href="https://doi.org/10.1016/j.fishres.2016.10.009">un effet particulièrement notoire</a> sur la distribution et l’intensité de l’effort de pêche. Avant, la Mauritanie passait des accords avec des bateaux-usines étrangers, les autorisant à exploiter ses eaux hauturières, c'est à dire au-delà de 7 miles nautiques (environ 14 km) des côtes. Lorsque la densité de poissons chutait, les bateaux étrangers se redéployaient vers d’autres régions du monde.</p>
<p>Pour des raisons de valorisation et de domestication des ressources halieutiques et de développement économique local, les politiques nationales entre 2013 et 2016 <a href="https://doi.org/10.1016/j.fishres.2016.10.009">ont encouragé</a> l’installation des usines à terre. </p>
<p>Malheureusement, ce changement de paradigme a amplifié le problème de surexploitation des sardinelles rondes. En effet, les usines sont devenues de nouveaux acheteurs capables chacune d’engloutir quotidiennement des quantités considérables de poissons. Pour les alimenter en poissons frais, des accords ont été passés successivement avec le Sénégal puis la Turquie sous l’appellation “affrètement coque nue”. </p>
<p>Dans les deux cas, ces flottes sont autorisées à pêcher dans la zone côtière, où les sardinelles rondes et autres espèces se concentrent, comme expliqué plus haut.</p>
<p>Le mécanisme de régulation de l'effort de pêche qui pouvait se mettre en œuvre avec la pêche hauturière étrangère en cas de baisse des captures devient difficile pour le cas des bateaux côtiers travaillant dans le cadre d'un affrètement. En effet, ceux-ci opèrent pour le compte d'usines de farine localisées le long des côtes et qui demandent un ravitaillement permanent, ce qui est possible en Mauritanie en puisant dans la riche zone côtière.</p>
<h2>Surexploitation de la sardinelle</h2>
<p>Pour mieux comprendre ce qui se joue dans cette sous-région, imaginons une métaphore simple. Pensez à une grande baignoire remplie d'eau, dans laquelle se trouvent deux tuyaux, l’un qui arrive près du fond et l’autre à mi-hauteur. L'eau de la baignoire représente l’ensemble des sardinelles rondes de la sous-région. La pêche qui s’exerce dans la zone côtière mauritanienne équivaut à pomper l’eau de la baignoire par le tuyau qui arrive près du fond. </p>
<p>En revanche, la pêche qui s’exerce dans les autres zones, donc au large de la Mauritanie ou bien dans les zones adjacentes nord et sud, reviendrait à pomper l’eau par le tuyau à mi-hauteur. Si l’on pompe à la fois dans les deux tuyaux, le tuyau à mi-hauteur sera asséché avant celui du fond. Et donc avant que les captures ne diminuent dans la zone côtière mauritanienne, elles tomberont très bas dans les autres zones. </p>
<p>Cela est dû au fait que dans le modèle, les sardinelles se déplacent sans cesse, mais se trouvent en moyenne plus souvent dans la zone côtière de la Mauritanie. Cette métaphore illustre un phénomène appelé <a href="https://blog.nature.org/2016/05/11/hyperstability-the-achilles-heel-of-data-poor-fisheries/">“hyperstabilité des captures”</a>, souvent observé dans les pêcheries à travers le monde. </p>
<p>Ainsi, il apparaît évident que l’établissement des usines de farines de poissons a créé une situation qui menace la population de sardinelles rondes en créant une demande sans limite alimentée par une exploitation intense dans la zone côtière mauritanienne. </p>
<p>La prise en compte des résultats scientifiques dans les mesures de gestion est un processus très long. Dès 2014, les scientifiques <a href="https://www.fao.org/3/i5284b/i5284b.pdf">avaient tiré la sonnette d’alarme</a> sur le risque de surexploitation des espèces migratrices induit par ces nouvelles pratiques. </p>
<p>Depuis 2014, différents travaux <a href="https://doi.org/10.1016/j.marpol.2022.105294">halieutiques</a>, <a href="https://doi.org/10.1016/j.marpol.2016.11.008">bioéconomiques</a> et <a href="https://doi.org/10.3917/med.193.0113">socio-économiques</a> publiés par des scientifiques mauritaniens et sénégalais ont également tiré la sonnette d’alarme. Mais les mesures prises, avec une faible coordination des gouvernements des pays concernés, se sont révélées inadaptées ou insuffisantes pour empêcher l’effondrement annoncé par les scientifiques de la population de sardinelle ronde.</p>
<h2>Que faire ?</h2>
<p>Une régulation concertée et informée de la pêche au niveau des Etats est plus que jamais nécessaire. Si les sardinelles rondes se retrouvent le plus souvent en Mauritanie, elles <a href="https://doi.org/10.1016/j.pocean.2018.03.011">traversent les frontières maritimes</a>, du Maroc à la Guinée.</p>
<p>Les récentes constatations sur la diminution de la sardinelle ronde au Sénégal nous poussent à croire que cette espèce devrait figurer à minima dans l’annexe 2 de la convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (<a href="https://www.cms.int/sites/default/files/instrument/CMS_text_fre.PDF">CMS</a>), c'est-à-dire la liste des espèces devant faire l’objet d’accords entre les pays traversés. </p>
<p>Face à cette responsabilité partagée, il faut une gestion collective reposant par exemple sur un système de suivi de l’effort de pêche harmonisé au niveau sous-régional. Autrement dit, il faut renforcer la mission de coopération de la commission sous-régionale des pêches (CSRP), organisation intergouvernementale qui pourrait par exemple appuyer à l'attribution d'écocertification - processus par lequel un organisme évalue et atteste qu'un produit, un service et une entreprise respecte des normes environnementales spécifiques - aux pêcheries qui, par leur réglementation, favorisent la gestion commune, et donc leur durabilité. Bien sûr, un accord explicite des dits gouvernements est nécessaire, bien que déjà acquis sur le principe par les signataires de la CMS.</p>
<p>Enfin, il faut respecter les habitats essentiels des sardinelles rondes comme leurs zones de reproduction et de nurseries. Le <a href="https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2011-3-page-133.htm">Banc du Sahara</a>, le <a href="https://mava-foundation.org/fr/article/banc-darguin-au-croisement-de-la-conservation-du-developpement-et-de-la-finance/">Banc d'Arguin</a> et la <a href="https://journals.openedition.org/etudescaribeennes/1172?&id=1172&lang=en">Petite Côte</a> sont par exemple trois sites clefs identifiés. Il convient de mieux les étudier pour comprendre leurs vulnérabilités. La zone côtière mauritanienne devrait faire l’objet d’une attention particulière en raison de son rôle important pour les capacités de renouvellement de cette espèce migratoire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211881/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>The authors do not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and have disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>Le développement des usines de poisson a augmenté la pression sur la sardinelle ronde à travers la multiplication des bateaux senneurs, qui opèrent dans la zone côtière, pour leur ravitaillement.Timothée Brochier -, Océanologue, Institut de recherche pour le développement (IRD)Cheikh Baye Braham, Chercheur en océnographie, Institut Mauritanien de Recherche Océanographique et des PêchesModou Thiaw, Maître de Recherche en écologie halieutique, Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA)Patrice Brehmer, Chercheur, Socio-ecosystèmes marins, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2109422023-10-07T11:00:12Z2023-10-07T11:00:12ZAnalyser le sang des poissons pour déterminer leur état de santé<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/551777/original/file-20231003-21-bibw4p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=30%2C12%2C3995%2C3005&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'industrialisation de la pêche et les changements de l'environnement ont amené beaucoup de problématiques sur la gestion de nos pêches.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Fanny Fronton)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Le golfe du Saint-Laurent est une ressource inestimable pour le Canada. Les pêcheries de poissons et de crustacés y ont débuté au XVI<sup>e</sup> siècle, et demeurent, encore aujourd’hui, une source de revenus essentielle pour plusieurs communautés, comme celles de la Côte-Nord, de la Gaspésie ou des Îles-de-la-Madeleine. </p>
<p>Par exemple, aux <a href="https://publications.gc.ca/collections/collection_2019/mpo-dfo/Fs124-10-2018-fra.pdf">Îles-de-la-Madeleine</a>, près de 1 800 emplois (sur 12 500 habitants) étaient liés à la pêche en 2015. </p>
<p>Mais l’industrialisation de la pêche et les changements de l’environnement ont amené beaucoup de problématiques sur la gestion de nos pêches. L’abondance des différentes espèces de poissons dans le golfe a beaucoup fluctué dans les 20 dernières années. </p>
<p>Notamment, le nombre de flétans du Groenland a diminué drastiquement. Et même son de cloche du côté du turbot. Cette année, les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1995066/fletan-groenland-turbot-peche-declin-rarete">débarquements</a> sont six fois plus bas pour les pêcheurs par rapport à l’année dernière. </p>
<p>Mais d’autres espèces profitent de la situation. C’est le cas du flétan de l’Atlantique, qui accuse des niveaux record aujourd’hui. </p>
<p>À quoi sont dus ces changements ? Et peut-on les prédire ?</p>
<p>Doctorante en biologie à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), je tente d’apporter des pistes de réponses à ces questions dans le cadre de mes travaux de recherche.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><strong><em>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/fleuve-saint-laurent-116908">Le Saint-Laurent en profondeur</a></em></strong>
<br><em>Ne manquez pas les nouveaux articles sur ce fleuve mythique, d'une remarquable beauté. Nos experts se penchent sur sa faune, sa flore, son histoire et les enjeux auxquels il fait face. Cette série vous est proposée par La Conversation.</em></p>
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<h2>Une nouvelle technique de suivi de l’état de santé</h2>
<p>Les moyens permettant d’étudier l’état de santé d’un poisson – à l’échelle de l’individu – sont limités. D’une part, on peut calculer des indices à partir du poids et de la taille des individus. Mais ces derniers sont trop vagues et peu informatifs. </p>
<p>D’autre part, les biopsies effectuées sur les tissus des poissons, qui consistent à prendre une partie de leur muscle ou de leurs organes, impliquent une logistique coûteuse et complexe. Mine de rien, il faut aller récolter des échantillons en pleine mer et les ramener jusqu’au laboratoire ! Et c’est sans parler des considérations éthiques, puisqu’évidemment, le poisson doit être sacrifié.</p>
<p>De plus, ces méthodes sont peu sensibles pour détecter les stress induits par les changements environnementaux. Ils ne permettent pas non plus de détecter efficacement ces stress à des stades précoces, c’est-à-dire bien avant que les effets se manifestent. </p>
<p>Pourtant, dans un contexte où l’abondance de certaines espèces décline rapidement, une analyse de leur état de santé globale est nécessaire. Heureusement, un nouvel outil est en cours de développement : le <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-023-32690-6">microbiome circulant</a>. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/551779/original/file-20231003-15-6ou9xh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="virus dans le sang" src="https://images.theconversation.com/files/551779/original/file-20231003-15-6ou9xh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551779/original/file-20231003-15-6ou9xh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551779/original/file-20231003-15-6ou9xh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551779/original/file-20231003-15-6ou9xh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551779/original/file-20231003-15-6ou9xh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551779/original/file-20231003-15-6ou9xh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551779/original/file-20231003-15-6ou9xh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">On pense souvent, à tort, que le sang est stérile.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Une pratique méconnue</h2>
<p>Le microbiome circulant est un biomarqueur, soit un signal d’alarme qu’on peut détecter chez les poissons avant même que leur santé ne commence à dégrader. Un bon biomarqueur est sensible, facile à échantillonner et peu coûteux. </p>
<p>L’analyse du microbiome circulant, constitué de l’ADN des bactéries que l’on retrouve dans le sang, est directement inspirée de <a href="https://theconversation.com/ladn-circulant-une-nouvelle-arme-simple-et-rapide-dans-le-diagnostic-et-le-suivi-des-cancers-206786">ce qui est réalisé en médecine chez l’humain</a>. Et il regorge d’informations. </p>
<p>Il permet notamment de détecter des anomalies découlant de l’effet d’un facteur de stress sur l’organisme ou du développement d’une maladie. </p>
<p>Des changements de l’environnement sont aussi détectables à partir de l’étude du microbiome circulant. Mais ici émerge un problème majeur – un poisson, ce n’est pas un humain. L’humain est tellement étudié, que les connaissances sur sa santé pavent la voie à un nombre infini de recherches. Or, l’échantillonnage du sang des poissons n’est pas une pratique courante. Tout reste donc à faire pour estimer leur santé. </p>
<p>L’analyse du microbiome circulant chez le poisson n’ayant jamais été étudiée auparavant, nous avons beaucoup de pain sur la planche afin de mettre la technique au point.</p>
<h2>Des traces de bactéries dans le sang ?</h2>
<p>Comme le sang circule dans tout l’organisme, il est notamment en contact avec des bactéries qui composent les autres microbiomes (intestinal, oral, dermique). Tant chez le poisson que chez l’humain, ces derniers sont essentiels à la bonne santé. </p>
<p>Lorsqu’on analyse l’ADN bactérien dans le sang, il est donc possible de retrouver des bactéries de l’intestin, de la bouche, ou de la peau. Mais l’hypothèse que ce soient des bactéries propres au sang ne peut pas non plus être totalement écartée. </p>
<p>Alors que certains croient que le sang est stérile, et donc qu’il ne contient aucune bactérie, on sait depuis les années 70 que cette hypothèse est fausse – elle a même été confirmée <a href="https://doi.org/10.1128/jcm.39.5.1956-1959.2001">dans les années 2000 par des études génomiques</a>. Il se pourrait même que le microbiologiste hollandais Antonie Van Leeuwenhoek ait observé des bactéries dans le sang de saumon en <a href="https://doi.org/10.3389/fcimb.2019.00148">1674 au microscope</a>. </p>
<p>Aujourd’hui, on peut analyser ces bactéries en détail en ciblant un gène bactérien bien particulier, le gène de l’ARN ribosomal 16S. Présent chez toutes les bactéries du monde, ce gène varie légèrement d’une espèce à une autre. Il permet ainsi d’identifier et d’analyser la biodiversité du microbiome. </p>
<h2>Je mange, donc je suis</h2>
<p>Nos travaux récents ont permis de caractériser, pour la première fois, les <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-023-32690-6">microbiomes circulant du turbot et du flétan</a>. Nous avons notamment démontré que les deux espèces de poissons ont des microbiomes circulants dominés par la présence des espèces <em>Pseudoalteromonas</em> et <em>Psychrobacter</em>. Ces bactéries sont connues pour coloniser les milieux froids, par exemple le fond du Saint-Laurent qui avoisine les 5 °C. Elles sont également connues pour produire des composés bioactifs (des antibactériens et des antifongiques). Elles sont plus tenaces que les autres bactéries. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/551768/original/file-20231003-29-qhulgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="personne avec des gants bleus tient un poisson" src="https://images.theconversation.com/files/551768/original/file-20231003-29-qhulgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551768/original/file-20231003-29-qhulgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551768/original/file-20231003-29-qhulgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551768/original/file-20231003-29-qhulgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551768/original/file-20231003-29-qhulgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551768/original/file-20231003-29-qhulgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551768/original/file-20231003-29-qhulgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Flétan du Groenland.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Fanny Fronton)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Cependant, on observe des différences entre les deux espèces. Le turbot a plus de bactéries appelées <em>Vibrio</em>, dont certaines métabolisent la chitine, molécule qui compose les carapaces d’invertébrés dont il se nourrit. Le flétan, quant à lui, présente davantage de bactéries <em>Acinetobacter</em>, typique de régimes piscivores dans les microbiomes intestinaux. Le microbiome circulant chez ces deux espèces de poissons semble donc influencé par les bactéries de l’intestin, comme c’est le cas chez l’humain. On pourrait donc potentiellement lier un microbiome sanguin au régime alimentaire du poisson, qui est souvent difficile à estimer. </p>
<h2>Une technique embryonnaire, mais prometteuse</h2>
<p>Cette première cartographie bactérienne du sang de ces deux espèces reflète donc probablement leur microbiome intestinal respectif. À partir de cette caractérisation, une simple détection d’une variation de la composition des bactéries pourrait être reliée à un stress, à un changement de l’environnement ou à un changement physiologique de l’animal. </p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/540859/original/file-20230802-23891-ctgz3u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="bande dessinée" src="https://images.theconversation.com/files/540859/original/file-20230802-23891-ctgz3u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540859/original/file-20230802-23891-ctgz3u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=907&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540859/original/file-20230802-23891-ctgz3u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=907&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540859/original/file-20230802-23891-ctgz3u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=907&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540859/original/file-20230802-23891-ctgz3u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1140&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540859/original/file-20230802-23891-ctgz3u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1140&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540859/original/file-20230802-23891-ctgz3u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1140&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Bande dessinée illustrant le principe de l’analyse du microbiome circulant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Fanny Fronton)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Par exemple, on sait que chez l’humain, la perte d’<em>Actinobacteria</em> dans le microbiome circulant est associée à une <a href="https://doi.org/10.3389/fcimb.2018.00005">pancréatite</a> aiguë sévère. Et des exemples comme celui-ci, il en existe des dizaines chez l’humain.</p>
<p>Cette étude, issue d’une collaboration entre des chercheurs universitaires de l’INRS, de l’Université du Québec à Rimouski et le ministère Pêches et Océans Canada, donne un petit aperçu du potentiel informatif qu’offriraient les microbiomes sanguins des poissons de notre golfe. </p>
<p>Des recherches plus poussées permettront d’estimer leur santé, et de mieux prédire l’évolution de leur population. L’effondrement dramatique du stock de la morue des années 80 a beaucoup marqué les pêcheurs. Plusieurs d’entre eux redoutent même que cette situation se reproduise avec une autre espèce. Comme le turbot reste une espèce à risque, il est primordial d’assurer une meilleure gestion des espèces du Saint-Laurent. </p>
<p>Ce n’est qu’en peaufinant nos techniques d’analyse et en approfondissant nos connaissances scientifiques que l’on pourra éviter que ce type d’effondrement ne se reproduise dans le futur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210942/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fanny Fronton a reçu des financements de la Bourse Armand Frappier. </span></em></p>Non, le sang n’est pas stérile. Et analyser les bactéries qui s’y trouvent pourrait permettre d’évaluer la santé des poissons et d’éviter l’effondrement de leurs populations.Fanny Fronton, Doctorante en Écologie halieutique et biologie moléculaire, Institut national de la recherche scientifique (INRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2141682023-09-27T20:14:45Z2023-09-27T20:14:45ZQuel développement pour les territoires exposés aux risques côtiers ?<p>Dans la deuxième moitié du XX<sup>e</sup> siècle, le <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/development/the-world-economy_9789264022621-en">PIB mondial a été multipliée par six</a>. Le <a href="https://theconversation.com/topics/croissance-economique-21197">tourisme</a> qui s’est développé en parallèle, ainsi que la <a href="https://theconversation.com/topics/peche-21609">pêche</a>, l’énergie, l’exploitation minière et l’agriculture ont eu un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11625-012-0168-2">impact particulièrement important</a> sur les <a href="https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2021-06/20210607_Rapport_The-Climate-Change-Effect-In-The-Mediterranean-Six-stories-from-an-overheating-sea_WWF-min.pdf">écosystèmes côtiers</a>. Le tourisme a été l’une des industries qui a connu la croissance la plus rapide au monde, avec une multiplication par <a href="https://photo.capital.fr/les-chiffres-fous-du-tourisme-mondial-30549#le-nombre-de-touristes-en-augmentation-ininterrompue-depuis-7-ans-527215">27 du nombre de touristes</a>.</p>
<p>Or, la dégradation de ces <a href="https://theconversation.com/topics/ecosystemes-35522">écosystèmes</a> n’est pas sans <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/sites/15e0af5e-fr/index.html?itemId=/content/component/15e0af5e-fr">aggraver les risques</a> pour les populations proches des mers et océans. L’aménagement des littoraux a, par exemple, souvent conduit à faire disparaître des zones humides qui étaient autant de zones d’atténuation des perturbations. Sans ces dernières, les ondes de tempête peuvent déferler à plus grande vitesse vers les terres et atteindre des hauteurs plus importantes.</p>
<p>En 2015, plus de <a href="https://www.senat.fr/rap/r15-014/r15-0143.html">20 % de la population mondiale</a> vivait déjà à moins de 30 km des côtes et, si l’on en croit les projections démographiques, ces résidents seront toujours plus nombreux. Une question majeure qui se pose alors est de comprendre comment ces aires géographiques peuvent trouver un équilibre entre développement humain et conservation des écosystèmes. Comment articuler développement humain et pression anthropique croissante, qu’il importe de limiter sur des écosystèmes qui subissent déjà les effets du réchauffement climatique ?</p>
<p>Pour y répondre, encore faut-il avoir bien identifié les déterminants du développement humain – estimé par la croissance économique – des pays exposés aux risques côtiers. Tel a été l’enjeu d’un travail de recherche qui a analysé le modèle économique de <a href="https://www.conservationgateway.org/ConservationPractices/Marine/crr/library/Pages/coastsatrisk.aspx">54 de ces territoires</a> sur la période 1960-2009, mis en regard de 83 autres.</p>
<h2>Prisonniers d’un cercle vicieux ?</h2>
<p>Plusieurs modèles théoriques de croissance ont été mobilisés afin d’identifier celui correspondant au mieux à l’économie des pays concernés. Le premier constat que nous en avons tiré semble plutôt inquiétant. Parce que leur croissance dépend fortement des ressources naturelles et d’un taux de fécondité élevé, ces pays pourraient être tentés de rechercher des gains économiques à court terme au détriment du moyen terme et de la viabilité de leurs écosystèmes.</p>
<p>Le fort poids des <a href="https://theconversation.com/topics/ressources-naturelles-45642">ressources naturelles</a> dans l’économie et la dépendance aux exportations pénalise pourtant la croissance de ces pays, ce que des <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1766385">travaux antérieurs</a> avaient déjà bien identifié. En effet, la liste des pays qui n’ont pas réussi à utiliser leurs abondantes ressources naturelles pour favoriser le progrès économique et social est longue.</p>
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<p>C’est un phénomène connu sous le nom de « malédiction des ressources naturelles ». Au moins <a href="https://www.hks.harvard.edu/centers/cid/publications/faculty-working-papers/natural-resource-curse">quatre facteurs</a> contribuent à l’expliquer : la volatilité des prix internationaux de ces ressources, l’éviction permanente du secteur manufacturier (ou <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-pourquoi-du-comment-economie-et-social/qu-est-ce-que-le-syndrome-hollandais-7349314">syndrome hollandais</a>), les institutions autocratiques ou oligarchiques et les institutions anarchiques ».</p>
<p>Ces facteurs ne sont pas circonscrits au pays en voie de développement. Le « syndrome néerlandais » était une <a href="https://link.springer.com/article/10.1057/s41294-021-00177-w">explication populaire</a> du processus de désindustrialisation vécu par plusieurs pays développés riches en ressources dans les années 1970 et 1980. Ce syndrome se produit lorsqu’un boom des ressources réduit les incitations à produire localement d’autres biens échangeables non liés aux ressources. Or, dépendre des exportations d’une telle ressource conduit à une appréciation de la monnaie qui pénalise les autres branches de l’économie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1496440241321918467"}"></div></p>
<p><em>In fine</em>, lorsque l’exploitation des ressources naturelles n’est pas bien gérée, en faveur du bien commun, les revenus élevés, en provenance des devises liées aux exportations, ne se transforment pas en sources de richesse durable pour les pays. Les incitations sont néanmoins fortes à court terme.</p>
<p>Alors que les bénéfices économiques ne se répercutent pas sur la population, les ressources sont souvent surexploitées ou tout simplement épuisées. Cela met en évidence les pressions anthropiques supplémentaires potentielles auxquelles pourraient être confrontées ces zones côtières : conversion des terres à l’agriculture ou à l’aquaculture, construction, travaux publics requis par les exportations de ressources naturelles…</p>
<p>Nous montrons également l’importance particulière dans ces pays du <a href="https://theconversation.com/topics/fecondite-20850">taux de fécondité</a> élevé, qui stimule la croissance. Ce résultat est tout aussi inquiétant car il suggère que la dégradation des écosystèmes côtiers risque de s’accélérer : une population plus nombreuse, c’est davantage de pression à l’exploitation des ressources naturelles et d’urbanisation des littoraux. Il y a par exemple un risque de surpêche : pêcher trop de poissons et surtout trop de poissons qui n’ont pas atteint l’âge de reproduction, menaçant la pérennité de cette population de poissons.</p>
<h2>Des atouts néanmoins</h2>
<p>Il apparaît cependant que ces pays peuvent avoir des caractéristiques propices à une gestion plus durable de ces écosystèmes.</p>
<p>Beaucoup de pays confrontés à des risques côtiers sont par exemple d’anciennes colonies britanniques, caractérisées par un <a href="https://theconversation.com/topics/institutions-63930">cadre juridique</a> de <em>common law</em>, un système politique parlementaire, un degré élevé d’ouverture au commerce international, un faible fractionnement linguistique et ethnique et un faible niveau de corruption dans le secteur public. Ces anciennes colonies britanniques sont généralement considérées comme ayant de <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257%2Faer.91.5.1369&ref=marionomics-economia-y-ciencia-de-datos">meilleures institutions politiques et économiques</a> que les anciennes colonies françaises, portugaises et espagnoles, essentiellement parce que la Grande-Bretagne a colonisé des régions où se sont installés plus de colons, ce qui a poussé à mettre en place un système plus respectueux des droits des individus.</p>
<p>Si en termes des choix politiques, les gains à court terme sont souvent préférés à une bonne gestion locale des écosystèmes, cette préférence est plus faible lorsque les institutions sont de bonne qualité. Certaines <a href="https://www.pnas.org/doi/full/10.1073/pnas.0908012107">études</a> montrent que des institutions stables et légitimes permettent aux pays d’améliorer l’état des écosystèmes coralliens, notamment grâce à des réglementations de pêche et à des zones marines protégées mieux respectées.</p>
<p>Les pays fortement exposés aux risques côtiers se caractérisent également par une moindre <a href="https://theconversation.com/topics/ethnicite-86483">fragmentation linguistique et ethnique</a>, ce qui peut <a href="https://ourarchive.otago.ac.nz/handle/10523/3676">favoriser la qualité des écosystèmes côtiers</a>. Un fractionnement ethnique moindre peut se traduire par de meilleures performances environnementales, car il conduit en moyenne à une plus grande cohésion et à une meilleure communication. Une diversité des intérêts des communautés locales, de leurs structures sociales, culturelles, a souvent conduit à l’échec des projets de conservation de l’environnement marin.</p>
<p>Si la forte dépendance du développement humain à l’exportation des ressources naturelles et à un taux de fécondité élevé peut exacerber la dégradation de ces écosystèmes côtiers, l’amélioration de la qualité de leurs institutions serait ainsi propice à une gestion plus durable de ces écosystèmes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214168/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Farid Gasmi a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche: Programme "Investissements d'Avenir".</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Denis Couvet et Laura Recuero Virto ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les pays côtiers font face à la double contrainte d’une dépendance aux ressources naturelles et de la nécessaire protection de leurs écosystèmes.Laura Recuero Virto, Pôle Léonard de VinciDenis Couvet, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Farid Gasmi, Toulouse School of Economics – École d'Économie de ToulouseLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2125542023-09-13T19:52:44Z2023-09-13T19:52:44ZLes cétacés en détresse sur nos côtes sont-ils condamnés à mourir ?<p>En 2022, on se souvient tous de l’<a href="https://www.ouest-france.fr/sciences/animaux/orque-dans-la-seine-cinq-questions-sur-la-situation-de-l-animal-dont-le-pronostic-vital-est-engage-30e5757a-dd9c-11ec-8402-b465269db5a0">orque Sedna</a> qui remonta la Seine. Puis, ce fut au tour du <a href="https://www.ouest-france.fr/normandie/evreux-27000/l-animal-repere-dans-la-seine-mardi-serait-un-beluga-5062d282-1346-11ed-8f9b-665e497af072">béluga</a>, de la <a href="https://www.ouest-france.fr/bretagne/video-une-baleine-a-bosse-piegee-dans-l-estuaire-de-la-rance-en-bretagne-625c4c98-a86f-11ed-aeeb-69381795ad8f">baleine coincée dans l’embouchure de la Rance</a> en février 2023, et <a href="https://www.martinique.franceantilles.fr/actualite/vielocale/un-baleineau-a-bosse-repere-devant-le-ponton-de-lhotel-de-bateliere-a-schoelcher-931194.php">du baleineau isolé dans un port en Martinique</a> en avril 2023. Fin août 2023, c’est également un <a href="https://www.francetvinfo.fr/animaux/la-reunion-mort-d-un-baleineau-echoue-dans-le-lagon_6021338.html">baleineau qui s’est retrouvé prisonnier dans le lagon à la Réunion, séparé de sa mère</a>.</p>
<p>Leur point commun : ces cétacés étaient tous isolés et ont été découverts rapidement. Mais si certaines interventions se sont « bien terminées » (par exemple pour la baleine de la Rance), d’autres ont montré certaines limites dans la préparation et la mise en œuvre de l’intervention, avec au final des issues tragiques (pour l’orque, le béluga et les baleineaux à la Martinique et à la Réunion).</p>
<p>Est-il possible de faire mieux pour sauver des cétacés en détresse ? Peut-on améliorer le taux de réussite des interventions de sauvetage en France ?</p>
<p>Le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires lance un groupe de travail national sur les mammifères marins en détresse, qui se réunira pour la toute première fois jeudi 14 septembre. L’objectif est de traiter de la gestion de ces mammifères en difficulté.</p>
<h2>Des détresses très fréquentes sur nos côtes</h2>
<p>En 1970, la France a créé le <a href="https://www.observatoire-pelagis.cnrs.fr/echouages/reseau-national-echouage/">Réseau national échouages</a> (RNE). Particulièrement actif, son but est de recenser l’ensemble des mammifères marins qui s’échouent sur les plages de la France continentale et d’outre-mer. En 2021, <a href="https://www.observatoire-pelagis.cnrs.fr/wp-content/uploads/2022/11/rapport_echouage_2021_20221125.pdf">1522 échouages de cétacés ont été rapportés au RNE en 2021</a> sur les côtes de l’hexagone, et 15 de plus sur nos côtes ultra-marines, soit 4 par jour en moyenne. Ce terrible chiffre ne prend pas en compte les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1462901116301514">captures dans les engins de pêche professionnelle estimées entre 2 et 7000 par an sur la côte atlantique</a>.</p>
<p>Les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00480169.1982.34865">causes des échouages peuvent être multiples</a> : naturelles (virus, bactéries, âge avancé, séparation du groupe social, attaque d’un prédateur) ou résultantes d’une ou d’une combinaison d’activités humaines (<a href="https://academic.oup.com/icesjms/article/76/4/781/5288134?login=false">pêcheries</a>, <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1523-1739.2012.01934.x">collisions</a>, <a href="https://www.gecc-normandie.org/rapport-scientifique-contamination-chimique-grands-dauphins-echoues-etude-preliminaire-mer-de-manche/">pollution chimique</a>, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0025326X13007984">plastique</a>, <a href="https://cdnsciencepub.com/doi/abs/10.1139/Z07-101">bruits sous-marins</a>, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2666900521000095">dérégulation climatique</a>).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/collision-entre-les-orques-et-les-bateaux-sagit-il-vraiment-dattaques-210071">Collision entre les orques et les bateaux : s’agit-il vraiment d’attaques ?</a>
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<p>Toujours d’après le Réseau national échouages, seuls 3 % des cétacés étaient vivants lorsqu’ils ont été observés en difficulté. Dans ce cas, on peut envisager de les renflouer, c’est-à-dire de les transporter au large, si plusieurs conditions sont réunies, comme leur état de santé, leur poids, leur accessibilité. Il faut aussi s’assurer de la sécurité des opérateurs et des opératrices, et d’avoir des moyens humains et matériels suffisants.</p>
<p>Ça, c’est la théorie, mais que se passe-t-il réellement sur le terrain ?</p>
<h2>Comment se passe le sauvetage d’un cétacé en détresse ?</h2>
<p>Tout d’abord, le Réseau national échouages fait appel à son réseau et choisit généralement de confier la responsabilité de l’intervention au membre le plus près de la zone où a été vu le cétacé. Un référent·e est alors désigné·e pour gérer les opérations, en accord avec la préfecture ou de l’autorité administrative qui va sécuriser les lieux.</p>
<p>Commence alors la prise en charge de l’animal : identification de l’espèce et bilan de santé permettent d’évaluer ses chances de survie à court terme. Pour cela, un·e vétérinaire dresse un diagnostic clinique, qui peut s’avérer plus ou moins précis suivant l’accessibilité du cétacé. Ces éléments, même approximatifs, seront très importants pour choisir entre le ramener au large ou l’euthanasie.</p>
<p>Pour aider à cette décision, il est possible de faire appel à un·e ou des experts cétologues. Par exemple, pour le béluga, c’est <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1903485/baleine-france-perdu-fleuve-beluga">Robert Michaut, chercheur québécois reconnu mondialement, qui avait été sollicité</a>. Pour l’orque, Charlotte Curé, spécialiste internationale en bioacoustique, était venue proposer une solution intéressante utilisant des <a href="https://www.cerema.fr/fr/actualites/acoustique-cerema-pilote-volet-technique-intervention">émissions sonores d’orques pour guider Sedna</a> vers l’océan.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/zZBg5ymOEuQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Immersion dans l’univers de Charlotte Curé, bioacousticienne, lauréate 2010. Source : Fondation de la Vocation.</span></figcaption>
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<h2>Anticiper des scénarios détaillés permettrait d’agir plus vite</h2>
<p>Dans ces interventions, on a vu les opérateurs se retrouver à imaginer des solutions in situ dans le moment présent – un point malheureusement plus négatif que positif, car, pour les cétacés en difficulté, qui ne peuvent pas vivre dans l’eau douce, qui ont faim, qui sont stressés et peut-être malades, chaque heure qui passe fait diminuer les chances de survie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-animaux-ces-etres-doues-de-sentience-82777">Les animaux, ces êtres doués de « sentience »</a>
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<p>Les interventions sont également contraintes par la défense d’activités économiques et/ou la nécessité de sécurité des citoyens.</p>
<p>Enfin, la prise de décision peut aussi être ralentie par les discours disparates de différents acteurs, indépendamment de leurs expertises, qui mettent parfois en cause l’avis des autres – ce qui empêche un consensus rapide et contribue également au stress de l’équipe en charge du dossier.</p>
<p>Pour éviter cela, la seule solution est d’envisager les interventions largement en amont et ne surtout pas les penser devant le cétacé en détresse.</p>
<p>En fait, la démarche proposée ici revient à copier celle des pompiers : lorsqu’un début de feu est constaté, ils ne dédient pas les 1<sup>ères</sup> heures qui font suite à l’alerte, par une réunion de travail pour envisager les actions à mener. Au contraire, ils ont déjà, en tête, des scénarios parfaitement réfléchis en amont et clairement décrits par étape. Ils les connaissent par cœur. Et même s’il y a toujours la possibilité de faire des adaptations ou de demander, une fois sur place, l’aide d’un·e spécialiste dans des cas particuliers, ce sont bien la réactivité et la rapidité qui déterminent le succès de leurs interventions.</p>
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<p>On devrait faire exactement pareil pour les cétacés : préparer dès aujourd’hui un très faible nombre de scénarios, tenant compte de l’espèce, du nombre de cétacés impliqués, de l’examen clinique avec l’établissement d’un catalogue préétabli de soins vétérinaires, et des conditions de mer. Les opérateurs et les opératrices pourront les apprendre et surtout s’entraîner pour être le plus efficaces et le plus rapides possible sur place.</p>
<p>Ainsi, c’est en préparant largement en amont les interventions qu’il sera possible d’appréhender, plus justement, l’ensemble des enjeux environnementaux, sanitaires et économiques pour traiter chaque cas particulier.</p>
<h2>Inclure le grand public</h2>
<p>Ces cétacés en détresse attirent le grand public, sensible et curieux. Plutôt que de tenir éloignées ces personnes de façon autoritaire, on peut regretter de ne pas choisir ces moments pour répondre à leurs questions et à leur angoisse/espoir. La préoccupation de leur sécurité est louable mais ne devrait pas interdire de les informer sur ces mammifères marins, leur vie, leur structure sociale, leur culture, et les raisons des échouages.</p>
<p>On a tout à gagner d’expliquer pourquoi il y a une intervention, et notamment en s’adressant aux plus jeunes pour leur montrer la fragilité des écosystèmes marins et la nécessité de les préserver. Il n’y a pas de raisons qu’inclure le public se passe mal, car du fait de l’empathie naturelle pour les cétacés, tout le monde a envie de voir, de parler, de se sentir inclus, comme <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/mayotte/un-baleineau-a-bosse-de-12-metres-s-echoue-pres-des-cotes-de-la-grande-comores-1420859.html">lors de l’échouage d’une baleine à bosse aux Comores</a>.</p>
<h2>Quelle gouvernance internationale ?</h2>
<p>Le nombre de cétacés en détresse pourrait augmenter dans les prochaines années puisque les pays continuent de structurer leur politique d’<a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/l-economie-mondiale-de-la-mer-un-enjeu-majeur-du-21e-si%C3%A8cle-896518.html;https://www.oecd-ilibrary.org/sites/8d846fcd-fr/index.html?itemId=/content/component/8d846fcd-fr">exploitation des océans</a>, alors que les écosystèmes sont déjà en grande difficulté par la pression anthropique, qui entraîne une <a href="https://www.science.org/doi/abs/10.1126/science.1255641">défaunation marine</a>.</p>
<p>La poursuite de l’extension des aires marines protégées, <a href="https://taaf.fr/actualite/le-president-de-la-republique-annonce-lextension-de-la-reserve-naturelle-nationale-des-terres-australes-francaises-qui-devient-la-deuxieme-plus-grande-aire-marine-protegee-au-monde/">dans les eaux territoriales françaises</a> notamment, le <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/01/17/les-deputes-se-prononcent-pour-un-moratoire-sur-l-exploitation-miniere-des-fonds-marins_6158260_3244.html">moratoire sur l’exploitation minière des grands fonds, porté notamment par la France</a>, et la <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/03/05/un-accord-sur-la-protection-de-la-haute-mer-obtenu-a-l-onu_6164184_3244.html">signature à l’ONU du traité de protection de la haute mer</a> montrent que des actions nationales et internationales raisonnables sont possibles. Il faut profiter de cette volonté de protéger nos océans pour aller encore plus loin, par exemple avec des régulations plus contraignantes des activités anthropiques qui fragilisent les cétacés et qui expliquent leur échouage.</p>
<p>En attendant, à cause de ce que nous faisons subir aux océans, il est de notre devoir, de porter assistance à ces mammifères marins en difficulté. Il existe, d’ailleurs, des formations proposées par la Commission baleinière internationale et des protocoles pour les sauvetages de cétacés dans d’autres pays, comme par le <a href="https://www.marinemammalcenter.org/animal-care/patient-journey/rescue">Marine Mammal Center</a> ou par l’<a href="https://www.ifaw.org/international/journal/new-rescue-center-lifeline-dolphins-cape-cod">IFAW</a> par exemple, desquels nous pourrions nous inspirer. L’objectif est de proposer, à partir de ce qui a été fait depuis 1970 en France, des scénarios adaptés pour, si cela est possible, améliorer les interventions et sauver, sinon tous les cétacés en détresse, le plus grand nombre. Cette démarche s’inscrirait dans notre volonté de faire plus et mieux pour les écosystèmes marins, et nous rendre l’espoir de croire en un océan durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212554/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Adam ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De nombreux cétacés s’échouent sur nos côtes, mais il est possible d’améliorer l’efficacité des sauvetages en France.Olivier Adam, Bioacousticien, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2052522023-08-08T14:02:53Z2023-08-08T14:02:53ZUn revenu de base garanti pour un système alimentaire plus juste et plus durable<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/524926/original/file-20230508-40482-cjmogq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=36%2C18%2C3971%2C2975&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une agricultrice de la ferme urbaine Roots Community Food Centre, dans le nord-ouest de l'Ontario, récolte les courges Gete-Okosomin.</span> <span class="attribution"><span class="source">(C. Levkoe)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Le système alimentaire canadien <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/62f0014m/62f0014m2022014-fra.htm">subit des bouleversements constants</a>. Perturbations de la chaîne d’approvisionnement, inflation des prix et évènements météorologiques extrêmes sont en cause. </p>
<p>Évidemment, la population ressent les effets de ces tensions : en 2021, près de 16 % des ménages provinciaux ont <a href="https://proof.utoronto.ca/wp-content/uploads/2022/08/Household-Food-Insecurity-in-Canada-2021-PROOF.pdf">connu une certaine forme d’insécurité alimentaire</a>.</p>
<p>Des programmes fédéraux tels que la <a href="https://www.canada.ca/fr/services/prestations/ae/pcusc-application.html">Prestation canadienne d’urgence (PCU)</a> et le récent <a href="https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/nouvelles/2023/04/le-ministre-fraser-presente-les-investissements-du-budget-de-2023-pour-fournir-un-nouveau-remboursement-propose-pour-lepicerie.html">remboursement des épiceries</a> témoignent des interventions gouvernementales directes sur le revenu pour garantir l’équité en période d’urgence, y compris l’accès à la nourriture.</p>
<p>Il a été évoqué que ce <a href="https://theconversation.com/does-ottawas-grocery-rebate-signal-a-shift-to-a-broader-guaranteed-basic-income-203132">nouveau remboursement des épiceries</a>, qui a été distribué par le biais du système de crédit pour la taxe sur les produits et services (TPS/TVH), ouvrait la voie à l’atteinte d’un revenu de base garanti. </p>
<p>Or, un revenu de base garanti doit passer par des paiements réguliers, et non un remboursement ponctuel. </p>
<p>Un revenu de base garanti pourrait jouer un rôle clé dans la lutte contre <a href="https://www.northernpolicy.ca/upload/documents/publications/reports-new/tarasuk_big-and-food-insecurity-fr.pdf">l’insécurité alimentaire individuelle et familiale</a> chez les personnes les plus vulnérables. Et il permettrait de s’assurer que chacun puisse répondre à ses besoins de base avec dignité.</p>
<h2>Ce que disent les recherches</h2>
<p>Les groupes et réseaux en faveur d’un revenu de base au Canada s’entendent sur la mise en place d’une <a href="https://basicincomecoalition.ca/fr/qu-est-revenu-de-base/revenu-de-base-que-nous-voulons/">évaluation du revenu</a>, impliquant des transferts d’argent aux personnes dont les revenus sont inférieurs à un certain seuil.</p>
<p>En tant qu’experts en systèmes alimentaires durables, nous suggérons qu’un revenu de base garanti pourrait non seulement être un outil important pour aborder l’accès économique à l’alimentation, mais également pour soutenir la durabilité de l’ensemble du système alimentaire.</p>
<p>Nous nous appuyons sur nos recherches réalisées en collaboration avec <a href="https://basicincomecoalition.ca/fr/">Coalition Canada</a>, un réseau de groupes de défense du revenu de base. Nos recherches ont réuni des équipes interdisciplinaires de chercheurs et de professionnels pour <a href="https://basicincomecoalition.ca/en/actions/case-for-basic-income/">développer une série d’études de cas</a> examinant le revenu de base dans différents secteurs. Ces secteurs comprennent les arts, la finance, la santé, les municipalités et le système de justice pénale.</p>
<p>Notre travail s’est concentré sur les secteurs de <a href="https://basicincomecoalition.ca/wp-content/uploads/2023/03/1.-Case-for-agriculture-March-3-2023.pdf">l’agriculture</a> et de la <a href="https://basicincomecoalition.ca/wp-content/uploads/2022/08/Fisheries-basic-income-case-formatted-July-2022.pdf">pêche</a>, avec l’implication des membres de l’Union nationale des fermiers, de l’Union paysanne, d’Ecotrust Canada et de l’Alliance des pêcheurs autochtones.</p>
<p>Dans l’ensemble, nos recherches suggèrent qu’un revenu de base garanti pourrait avoir un impact significatif sur les incertitudes économiques auxquelles sont confrontées les <a href="https://www.nfu.ca/fr/policy/towards-a-national-agricultural-labour-strategy-that-works-for-farmers-and-farm-workers/">agriculteurs</a> et les <a href="https://doi.org/10.1007/s10393-005-6333-7">communautés de pêcheurs</a> du Canada. Cet outil pourrait également contribuer à une <a href="https://theconversation.com/lautonomie-alimentaire-nest-pas-suffisante-il-faut-viser-un-systeme-alimentaire-sain-et-juste-195416">transition plus juste et durable du système alimentaire</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lautonomie-alimentaire-nest-pas-suffisante-il-faut-viser-un-systeme-alimentaire-sain-et-juste-195416">L’autonomie alimentaire n’est pas suffisante. Il faut viser un système alimentaire sain et juste</a>
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<h2>Réduire l’incertitude économique</h2>
<p>L’un des impacts potentiels d’un revenu de base garanti serait de réduire l’incertitude économique pour les travailleurs les plus vulnérables des secteurs de l’agriculture et des pêcheries. </p>
<p>Les personnes employées dans le secteur de la transformation alimentaire et de la pêche ainsi que les ouvriers agricoles sont particulièrement vulnérables au chômage saisonnier, aux bas salaires, aux avantages sociaux inéquitables, et aux conditions de travail dangereuses, y compris des <a href="https://doi.org/10.1016/j.aquaculture.2021.736680">taux élevés d’accidents du travail et de maladies professionnelles</a>.</p>
<p>Un revenu de base garanti pourrait offrir aux individus une plus grande sécurité financière et un plus grand contrôle sur leurs choix d’emploi et ainsi contribuer à résoudre les inégalités raciales, de classe et de genre <a href="https://doi.org/10.15353/cfs-rcea.v9i2.521">qui prévalent dans le travail lié aux systèmes alimentaires</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une moissonneuse-batteuse récolte une culture de blé dans un champ" src="https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un revenu de base garanti pourrait avoir un impact significatif sur les incertitudes économiques auxquelles font face les travailleurs-euses des industries agricoles et de la pêche au Canada.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Jeff McIntosh</span></span>
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</figure>
<h2>Soutenir les nouveaux pêcheurs et agriculteurs</h2>
<p>Un deuxième impact potentiel d’un revenu de base garanti pourrait être de soutenir la relève dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche. Dans l’ensemble du Canada, la main-d’œuvre des industries de la <a href="https://atlanticfisherman.com/the-greying-of-the-fleet/">pêche commerciale</a> et de <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/220511/dq220511a-fra.htm">l’agriculture</a> vieillit.</p>
<p>Soutenir les nouveaux agriculteurs et pêcheurs, en particulier ceux qui utilisent des pratiques socialement et écologiquement durables, est essentiel pour construire un système alimentaire plus résilient.</p>
<p>La relève en agriculture et dans le milieu de la pêche commerciale <a href="https://foodsecurecanada.org/fr/communaute-et-reseaux/nouveaux-agriculteurs-et-pecheurs">fait face à d’importantes barrières</a> liées aux coûts élevés d’entrée tels que l’accès à la terre et aux équipements ou l’achat d’un bateau et d’une licence de pêche combinés à des prix fluctuants et incertains pour leurs produits.</p>
<p>Bien qu’un revenu de base garanti ne puisse pas à lui seul résoudre ces défis, il pourrait offrir une <a href="https://www.nfu.ca/wp-content/uploads/2020/04/Income-Stability-Supplement-Proposal.pdf">plus grande stabilité économique aux nouveaux agriculteurs et pêcheurs</a>, particulièrement dans l’optique où ils doivent investir dans les infrastructures et la formation.</p>
<h2>Se préparer aux futurs facteurs de stress</h2>
<p>Un revenu de base garanti pourrait également constituer une étape vers la construction d’une résilience face aux facteurs de stress persistants, tels que la crise climatique et les évènements météorologiques extrêmes, en plus de permettre de se préparer aux urgences futures.</p>
<p>La pandémie de Covid-19 a démontré que ceux et celles ayant des revenus plus stables et des conditions de travail flexibles sont <a href="https://doi.org/10.3389/fsufs.2021.614368">mieux équipés pour s’adapter aux chocs imprévus</a>. Par exemple, pendant la pandémie, les entreprises de transformation de produits de la mer de type <a href="https://open.library.ubc.ca/soa/cIRcle/collections/ubctheses/24/items/1.0390311">« du bateau à la fourchette »</a> ont mieux résisté aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement des produits de la mer en raison de capacité d’adaptation et de leur proximité avec les consommateurs.</p>
<p>Actuellement, les agriculteurs et pêcheurs à petite échelle bénéficient de moins de soutien, car la plupart des <a href="https://doi.org/10.3389/fmars.2020.539214">subventions vont aux grandes entreprises industrielles</a>. Cependant, ces petits producteurs jouent un rôle crucial dans <a href="https://theconversation.com/the-future-of-food-is-ready-for-harvest-103050">l’approvisionnement alimentaire des marchés régionaux et locaux</a>, ce qui peut servir de tampon important en période de crise, réduisant le stress lié aux chaînes d’approvisionnement de longue distance.</p>
<p>La mise en place d’un revenu de base garanti serait une mesure proactive pour <a href="https://doi.org/10.1080/19320248.2015.1004220">soutenir des moyens de subsistance équitables</a> pour les petits agriculteurs et pêcheurs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des personnes se tiennent sur le pont d’un petit bateau de pêche qui flotte dans le port d’un plan d’eau" src="https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des pêcheurs autochtones quittent le port de Saulnierville, Nouvelle-Écosse en octobre 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Andrew Vaughan</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les prochaines étapes pour le système alimentaire</h2>
<p>Un revenu de base garanti aurait le potentiel d’apporter de nombreux impacts positifs. Mais il ne devrait pas remplacer les programmes gouvernementaux existants de soutien à l’agriculture et à la pêche tels que les subventions, la recherche publique et la formation et les programmes de développement des compétences.</p>
<p>Un revenu de base garanti ne devrait pas non plus remplacer les programmes contributifs tels que les <a href="https://www.canada.ca/fr/services/prestations/ae/assurance-emploi-pecheur.html">prestations d’assurance-emploi pour les pêcheurs</a>. Un revenu de base garanti offrirait un soutien aux pêcheurs dont les revenus sont trop faibles pour être admissibles à l’assurance-emploi ou qui sont dans l’incapacité de partir en mer.</p>
<p>Des recherches et des efforts politiques supplémentaires seront essentiels pour mieux comprendre comment un revenu de base garanti pourrait chevaucher d’autres formes de soutien financier telles que les assurances, les prêts et le financement climatique.</p>
<p>Des recherches supplémentaires seront également essentielles pour comprendre comment un revenu de base garanti pourrait soutenir les travailleurs migrants recrutés dans le cadre du <a href="https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/programmes/travailleurs-etrangers-temporaires.html">Programme des travailleurs étrangers temporaires</a>. Les travailleurs migrants sont essentiels à la transformation des produits de la pêche, de la viande et de l’horticulture.</p>
<p>Il est également nécessaire de réfléchir de manière systématique et holistique au rôle du revenu de base dans l’ensemble du système alimentaire. La seule façon de le faire est d’obtenir davantage de contributions des communautés agricoles et de pêche et des communautés autochtones en collaboration avec des organisations de lutte contre la pauvreté, de souveraineté alimentaire et de justice alimentaire.</p>
<p>Nous pensons qu’un revenu de base garanti est un outil prometteur pour contribuer à la durabilité et à la justice dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche, tout en encourageant le développement de réseaux intersectoriels, de recherches et de politiques communes.</p>
<hr>
<p><em>Les auteurs tiennent à souligner la contribution des équipes d’auteurs de la série de documents de Coalition Canada sur le revenu de base.</em></p>
<p><em>Cet article a été traduit de l’anglais par Marie-Camille Théorêt, assistante de recherche de <a href="https://theconversation.com/profiles/bryan-dale-1145023/">Bryan Dale</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205252/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kristen Lowitt a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Charles Z. Levkoe a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et du gouvernement de l'Ontario.</span></em></p>Le revenu de base garanti est un outil prometteur pour contribuer à la durabilité et à la justice dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche.Kristen Lowitt, Assistant Professor, Environmental Studies, Queen's University, OntarioCharles Z. Levkoe, Canada Research Chair in Equitable and Sustainable Food Systems, Lakehead UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2025742023-04-19T16:57:39Z2023-04-19T16:57:39ZAlimentation : les enjeux de l’affichage environnemental, ou ce que la morue nous enseigne<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/518138/original/file-20230329-20-57i54v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C11%2C1908%2C1905&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En plus du Nutri-score, nos aliments devraient bientôt afficher un score environnemental.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/Gk8LG7dsHWA">Tara Clark/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Dans les mois à venir, les pouvoirs publics devront définir les règles d’affichage environnemental pour les industriels de l’alimentation, selon un mode inspiré du Nutri-score (5 notes de A à E et un code couleur du vert au rouge). L’enjeu est d’orienter vers plus de durabilité environnementale.</p>
<p>Devant la complexité des enjeux, les ministères en charge de l’écologie et de l’agriculture ont lancé une expérimentation permettant de proposer et tester des options méthodologiques de cet affichage. </p>
<p>Son cadre d’ensemble est néanmoins contraint d’autorité : elle doit en effet s’inscrire dans le schéma général du <em>Product Environmental Footprint</em>, fondé sur une analyse de cycle de vie censé permettre d’évaluer l’impact de tout produit vendu dans l’Union européenne.</p>
<p>Mais appliquer un cadre analytique conçu pour des objets industriels (comme un aspirateur) à un système alimentaire fondé sur le vivant peut conduire à de graves erreurs d’interprétation.</p>
<p>Nous l’illustrons ici en nous appuyant sur le cas de la pêche de la morue en Terre-Neuve, et en y appliquant par la pensée l’ACV/kg pour en évaluer la durabilité.</p>
<h2>La dramatique histoire de la morue de Terre-Neuve</h2>
<p>L’effondrement de la population de morues pêchées au large de Terre-Neuve (Canada) au début des années 1990 est largement documenté.</p>
<p>Historiquement, cette zone de pêche était parmi les plus « productives » pour la morue. De 1500 au début du XX<sup>e</sup> siècle, une pêche artisanale assurait des prises estimées entre 150 000 à 200 000 tonnes annuelles, permettant une consommation dans toute l’Europe. Les techniques de l’époque ne permettaient pas de pêcher en profondeur ou dans certaines zones éloignées des côtes, ce qui était compatible avec une durabilité écologique des ressources halieutiques.</p>
<p>La dynamique change radicalement dans la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle avec le développement de la motorisation et celui des radars et sonars, qui permettent d’aller plus loin et d’augmenter la précision des prises en localisant les bancs de poissons. En moins de 20 ans, les prises totales sont multipliées par 3 à 4 pour culminer à près de 800 000 tonnes en 1968.</p>
<p>Un premier signal de surpêche sera donné au tournant des années 1970, avec des prises qui s’effondrent au niveau de la pêche préindustrielle. Le Canada instaure alors des quotas et limite l’accès aux pêcheurs étrangers. Ces mesures sont temporairement efficaces et conduisent à une reprise des volumes pêchés, conduisant le Canada à investir davantage dans les équipements modernes. La taille et l’âge des poissons diminuent, mais les tonnages augmentent à nouveau.</p>
<p>L’issue est dramatique : les prises s’effondrent en quatre ans, pour devenir littéralement <em>inexistantes</em> en 1992. Deux causes écologiques se combinent : il n’y avait plus de femelles âgées, les plus prolifiques, pour assurer la reproduction ; et avec des filets qui capturaient toutes sortes de poissons, ceux dont se nourrissent les morues disparaissaient.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/517496/original/file-20230326-16-m0qh25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique ; la quantité des prises augmente doucement entre 1850 et 1955, puis augmente brutalement jusqu’à 1970 ; réaugmente un peu entre 1970 et 1992, puis tombe à zéro en 1992. Une infime reprise est visible autour des années 2000" src="https://images.theconversation.com/files/517496/original/file-20230326-16-m0qh25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517496/original/file-20230326-16-m0qh25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517496/original/file-20230326-16-m0qh25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517496/original/file-20230326-16-m0qh25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517496/original/file-20230326-16-m0qh25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517496/original/file-20230326-16-m0qh25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517496/original/file-20230326-16-m0qh25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Évolution des quantités de morue pêchées au large de Terre-Neuve entre 1850 et 2005.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Surexploitation_morue_surp%C3%AAcheEn.jpg">Lamiot/Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’atteinte à l’écosystème a été si profonde que 30 ans après cette catastrophe écologique et socio-économique, la population reste quasi inexistante.</p>
<h2>Comprendre les enjeux de l’évaluation environnementale</h2>
<p>Revenons maintenant à notre objet : l’affichage environnemental de l’alimentation fondé sur une analyse de cycle de vie (ACV).</p>
<p>Une des premières difficultés de l’ACV est de définir ce qu’on appelle l’unité fonctionnelle, pour comparer des usages pertinents. Pour un aspirateur, cela peut être une quantité de poussière à aspirer par an. Pour la morue, on hésitera entre apporter un nombre de calories ou contribuer à une alimentation saine et équilibrée (auquel cas, et on commence à toucher du doigt une difficulté, on ne peut pas parler de la morue isolément, mais situé dans un régime alimentaire pris dans son ensemble).</p>
<p>La pratique de l’ACV pour l’alimentation a tranché ce point : on compare l’usage d’un kilo de nourriture, quelle que soit cette dernière. Ce qui revient à comparer l’impact environnemental d’un kilo de morue avec celui d’un kilo de tomate, ce qui est évidemment problématique et reconnu comme tel.</p>
<p>Cette simplification extrême de tout rapporter au kilo ne se justifie que pour des raisons de faisabilité, mais il est utile d’avoir à l’esprit ses limites.</p>
<h2>La morue terre-neuvaine au prisme d’une analyse de cycle de vie par kilo</h2>
<p>Appliquons maintenant ce raisonnement d’une ACV/kg à la morue terre-neuvaine au cours de son histoire.</p>
<p>Dans le cas d’une activité de pêche où on prélève dans un stock naturel, on n’a pas à considérer les impacts environnementaux de la « production » de morues. Le principal indicateur d’impact pour une ACV de la pêche sera donc la quantité de fuel utilisée annuellement : plus le ratio morue/kg de fuel sera élevé, meilleure sera la note ACV.</p>
<p>Avant le développement des moteurs diesel, les prises sont modestes au regard de ce qu’on prélèvera plus tard. Mais le dénominateur « fuel » étant nul, c’est sans doute la morue la plus durable que l’on puisse imaginer.</p>
<p>Une rupture s’opère au moment où la flotte s’équipe de moteurs diesel et où elle adopte des techniques de pêche plus efficaces. Cela a comme effet d’augmenter les prises à un rythme plus qu’exponentiel. Dans le même temps, les quantités de fuel consommées augmentent elles aussi, mais bien moins que les prises. On peut donc supposer que de 1960 à 1970, l’ACV/kg de morue s’est <em>améliorée</em>, pour connaître un pic d’efficacité juste avant le premier effondrement de la population.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Le filet d’un chalutier est en train d’être rapproché du navire pour être remonté ; les poissons s’agitent par milliers dans l’eau" src="https://images.theconversation.com/files/518141/original/file-20230329-20-c5dqfp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518141/original/file-20230329-20-c5dqfp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518141/original/file-20230329-20-c5dqfp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518141/original/file-20230329-20-c5dqfp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518141/original/file-20230329-20-c5dqfp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518141/original/file-20230329-20-c5dqfp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518141/original/file-20230329-20-c5dqfp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un chalutier moderne permet de maximiser le rendement tonnage de poissons pêchés par tonnage de fuel consommé.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Trawlers_overfishing_cod.jpg">Asc1733/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>L’épilogue de la période 1970-1992 ne change hélas pas la conclusion, l’équipement de la flotte canadienne en matériel plus moderne accélérant l’effondrement total.</p>
<h2>Du kilo à l’analyse écologique d’un système alimentaire</h2>
<p>Quels enseignements tirer de cette histoire et de sa lecture sous l’angle de l’ACV/kg ?</p>
<p>Les premiers sont spécifiques au secteur de la pêche, à commencer par l’inadaptation conceptuelle fondamentale d’une ACV/kg pour la gestion d’une ressource halieutique. Le détour par le kilogramme n’apporte aucune information scientifique, même s’il est clair qu’<em>in fine</em> on consomme un kilo de poisson.</p>
<p>L’indicateur pertinent devrait être le statut de la population dans un lieu de pêche, en fonction des pratiques à l’œuvre. Et la question clé : ce poisson provient-il d’un système de pêche durable ?</p>
<p>Un deuxième enseignement, lié au précédent, procède du cadrage de ce qu’on mesure. Raisonner en termes d’efficacité énergétique ou de production de gaz à effet de serre revient à sortir du champ d’analyse la destruction des fonds marins et celle d’autres espèces non valorisées. Autrement dit, à considérer qu’il est « bénéfique » de pêcher un kilo de morue de manière très efficace, même si d’autres poissons sont détruits.</p>
<p>On peut élargir les enseignements à l’agriculture et à l’élevage, qui mobilisent de l’espace et des ressources potentiellement polluantes. L’ACV/kg conduit à considérer que les systèmes agricoles ayant l’impact environnemental le plus faible sont les plus intensifs à l’hectare, car ils produisent beaucoup de kg au total.</p>
<p>Considérons le cas du poulet : celui conduit sur un mode industriel est très « efficace », car il est abattu jeune et est nourri avec des aliments très élaborés, issus de pratiques intensives. Sous le prisme de l’ACV/kg, c’est logiquement la viande préférable sur le plan environnemental. Or, s’il est pourtant une production animale dont l’essor global a un impact majeur sur les écosystèmes, c’est assurément le poulet industriel !</p>
<p>Fondamentalement, l’approche est similaire à celle appliquée à la morue : un raisonnement fondé sur l’efficacité de la production/kg, indépendamment du volume <em>total</em> produit et minorant les autres impacts de production qui rentrent mal dans le cadre de l’ACV.</p>
<p>Ainsi, quid de l’incapacité à prendre en compte l’impact des pesticides (que veut dire « utiliser peu de pesticides/kg » si on produit beaucoup de kg sur peu d’espace ?) et le fonctionnement écosystémique des paysages (que veut dire « une complexité paysagère/kg » ?). On ne regarde qu’une performance unitaire, <a href="https://theconversation.com/agriculture-alimentation-environnement-sante-a-quand-des-politiques-enfin-coherentes-184097">pas la vision d’ensemble du système alimentaire</a>.</p>
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<img alt="Une vague écossaise en train de fixer le photographe" src="https://images.theconversation.com/files/518145/original/file-20230329-16-cxai2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518145/original/file-20230329-16-cxai2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518145/original/file-20230329-16-cxai2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518145/original/file-20230329-16-cxai2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518145/original/file-20230329-16-cxai2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518145/original/file-20230329-16-cxai2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518145/original/file-20230329-16-cxai2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’élevage pastoral est bénéfique pour les écosystèmes… mais a une mauvaise note en ACV/kg.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/keVAik-kAVU">Charlie Parker/Unsplash</a></span>
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<p>Enfin, le raisonnement en termes d’ACV/kg empêche de penser une contribution <em>positive</em> de certains systèmes agricoles : l’élevage pastoral extensif permet par exemple de conserver une biodiversité irremplaçable, <a href="https://inpn.mnhn.fr/docs/cahab/tome4_1.pdf">reconnue par la directive Habitats</a>. Pourtant, si l’on s’en tient à une ACV/kg, ce dernier est considéré comme le moins souhaitable.</p>
<h2>Dépasser l’ACV par kg et par produit</h2>
<p>Le risque de l’AVC/kg est donc double : qualifier des systèmes à fort impact environnemental, et disqualifier ceux qui contribuent positivement à la biodiversité.</p>
<p>Que ce soit pour la pêche ou l’agriculture, il faut donc établir la durabilité des modes de production, de manière spatialement définie, et évaluée globalement d’un point de vue écologique. La question fondamentale sera alors de savoir si les produits (la morue, le blé, le poulet…) issus de tels systèmes sont (ou non) produits de manière durable. On doit ainsi certifier en amont les modes de production, puis certifier sur cette base chaque kg d’aliment provenant de tel ou tel mode. Avec comme corollaire que les systèmes les plus durables seront souvent ceux qui produiront globalement moins par hectare.</p>
<p>On le voit, il y a un enjeu vital à reconsidérer les enjeux méthodologiques de l’affichage environnemental. Le risque n’est pas de donner des signaux imparfaits – c’est nécessairement le cas – mais bien d’accélérer la non-durabilité environnementale du système alimentaire dans son ensemble. </p>
<p>Des signaux nous alertent déjà sur des dysfonctionnements écologiques – pollinisateurs, vie des sols, disparition des auxiliaires de cultures –, invisibles aux ACV/kg. Pire, les systèmes les mieux évalués selon cette métrique sont ceux qui contribuent le plus à ces dysfonctionnements. Pensons à la morue que nous aurions achetée en 1968 ou 1990 sur la seule base d’une ACV/kg…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202574/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Xavier Poux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Proposer un affichage environnemental pour une consommation alimentaire plus durable paraît une idée séduisante. Cependant, la méthodologie officielle peut conduire à des contre-performances.Xavier Poux, agriculture, environnement, politiques publiques, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1987452023-02-07T19:34:38Z2023-02-07T19:34:38ZÀ quelles conditions peut-on parler d’activités de pêche « durables » ?<p>En Europe, et en France tout particulièrement, la pêche a fait l’objet ces dernières années de nombreux débats – par exemple, sur la pêche profonde, la pêche au chalut électrique, l’empreinte carbone des activités de pêche, les captures accidentelles de dauphins… Cette mise à l’agenda citoyen et politique s’est faite en lien avec une implication accrue des ONG, à l’image de <a href="https://seashepherd.fr/">Sea Sheperd</a>, et la montée en puissance de nouveaux groupes d’opinion, comme <a href="https://bloomassociation.org/">Bloom</a>, représentant la petite pêche et les pêcheurs de loisir.</p>
<p>Une revendication importante concerne la garantie pour le consommateur que les produits de pêche correspondent à des exigences environnementales, économiques et sociales.</p>
<p>Si la mise en place de labels tente de répondre à ces attentes, ainsi qu’au souhait de la filière d’améliorer <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0308597X13000948">l’acceptabilité sociale de ses activités et de ses produits</a>, leur profusion a entraîné une confusion tant dans la filière (chez qui se certifier ?) que chez le consommateur (quel label privilégier ?). Outre ces initiatives, privées en majorité, des démarches sont également en cours au niveau national (<a href="https://docs.score-environnemental.com/">Ecoscore</a>) et européen (CSTEP, 2020) pour améliorer/enrichir l’affichage environnemental public sur les produits de la pêche.</p>
<p>De manière plus globale, c’est la question de la durabilité de ce secteur économique qui est posée. Mais comment définir, évaluer et garantir une pêche durable ? C’est ce que nous allons voir.</p>
<h2>Une question de sécurité alimentaire</h2>
<p>Les produits de la pêche représentent une source importante de protéines animales et de micronutriments essentiels pour l’humanité, avec un coût environnemental parmi les plus faibles, en particulier en <a href="https://www.nature.com/articles/s41893-022-00965-x">termes de consommation d’énergie et de production de gaz à effet de serre</a> (les coûts variant cependant selon la <a href="https://www.nature.com/articles/s43247-022-00516-4">catégorie d’espèces de poissons ou d’invertébrés</a> ciblés).</p>
<p>L’approvisionnement durable en produits de la pêche est devenu un enjeu stratégique <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-019-1592-6">pour la sécurité alimentaire</a>. Les poissons représentent la plus riche source disponible en acides gras polyinsaturés à longue chaîne, qui sont indispensables à un large éventail de fonctions physiologiques essentielles pour la santé humaine.</p>
<p>Cependant, l’exploitation des ressources halieutiques s’accompagne d’effets délétères <a href="http://bibliomer.ifremer.fr/consult.php?ID=2004-2499">(surcapacité et surexploitation)</a>. <a href="https://theconversation.com/latlantique-moteur-de-la-circulation-oceanique-et-memoire-de-la-folle-course-a-la-morue-153284">L’effondrement de la morue de Terre-Neuve</a> dans les années 1980 en constitue un des exemples les plus frappants. Mais avec la mise en place de systèmes de gestion en Atlantique Nord-Est à partir des années 1970, la proportion de stocks halieutiques exploités à un niveau durable y a <a href="https://doi.org/10.4060/cc0461fr">atteint les 72 % (2019)</a>.</p>
<h2>Moins de navires et de marins</h2>
<p>Au-delà de pérenniser la ressource, les systèmes de gestion des stocks et des exploitations sont indispensables <a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.marpol.2016.01.003">au maintien des revenus et des emplois liés à la pêche</a>.</p>
<p>Après une phase de développement continu des capacités de pêche, entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et jusque dans les années 1990, la mise en place de système de gestion des stocks et des exploitations a conduit à une <a href="https://www.franceagrimer.fr/content/download/69397/document/20220616_CC_%20PECHE_AQUA%202022_FR.PDF">diminution du nombre de navires et de marins en France</a>, entraînant des bouleversements dans certaines régions littorales où la pêche revêt une importance historique et culturelle.</p>
<p>Bien que la dépendance des communautés littorales à l’activité de pêche reste très faible en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0308597X13000948">moyenne, moins de 1 % en France</a>, l’impact des dynamiques du secteur sur les communautés est aujourd’hui un <a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.marpol.2016.05.006">sujet d’étude nécessaire</a>.</p>
<h2>Une activité de pêche « durable », qu’est-ce que c’est ?</h2>
<p>Sur la base du constat de la finitude des ressources halieutiques, les premières cibles de gestion des pêcheries ont été définies dans les années 1950 et se sont focalisées sur l’état des stocks exploités.</p>
<p>Des modèles mathématiques ont permis de simuler la dynamique des populations de poissons exploités et de déterminer des seuils de biomasse et de mortalité par pêche et par conséquent, les prélèvements maximums.</p>
<p>Ces cibles de gestion ont évolué au cours du temps ; actuellement, elles sont régies, dans l’Union européenne comme ailleurs dans le monde, par le principe du « rendement maximum durable » : c’est-à-dire la plus grande quantité de biomasse que l’on peut en moyenne extraire à long terme d’un stock en considérant constants le mode d’exploitation et les conditions environnementales sans affecter significativement le processus de reproduction.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ». Au programme, un mini-dossier, une sélection de nos articles les plus récents, des extraits d’ouvrages et des contenus en provenance de notre réseau international. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-environnement-150/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a>.</em></p>
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<p>À une échelle plus globale, la durabilité a été notamment théorisée par la Norvégienne Gro Harlem Brundtland dans son rapport <a href="https://fr.wikisource.org/wiki/Notre_avenir_%C3%A0_tous_-_Rapport_Brundtland">« Notre avenir à tous » de 1987</a> qui y distingue trois dimensions : environnementale, économique et sociale. Cette approche de la durabilité est reprise par la FAO dans sa définition de <a href="https://www.fao.org/3/i1146f/i1146f00.htm">l’approche écosystémique des pêches</a> (AEP).</p>
<p>L’état des stocks y est inclus dans la dimension environnementale, entre autres choses. Dès 2003, l’AEP a été conceptualisée de manière très exhaustive, <a href="https://doi.org/10.1016/j.icesjms.2004.12.003">mais en pratique peu opérationnalisée</a>.</p>
<h2>Une notion qui évolue</h2>
<p>Peu à peu cependant, les différents enjeux documentés apparaissent dans les débats sociétaux. Les exemples les plus récents sont la minimisation des captures accidentelles (les cétacés en particulier), le <a href="https://theses.hal.science/tel-03329637/document">maintien du bon état écologique de la faune et de la flore marine</a> ou la décarbonation des flottilles.</p>
<p>La notion de durabilité des pêches évolue encore. Ainsi, les enjeux de bien-être animal, qui ne figurent pas dans la définition de l’AEP, prennent aujourd’hui une importance croissante dans nos sociétés. Les travaux scientifiques sur le sujet <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0165783618300298">restent encore rares, mais existent</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/508662/original/file-20230207-28-mdpe68.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Tableau des objectifs de pêche durable" src="https://images.theconversation.com/files/508662/original/file-20230207-28-mdpe68.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508662/original/file-20230207-28-mdpe68.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1374&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508662/original/file-20230207-28-mdpe68.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1374&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508662/original/file-20230207-28-mdpe68.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1374&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508662/original/file-20230207-28-mdpe68.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1726&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508662/original/file-20230207-28-mdpe68.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1726&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508662/original/file-20230207-28-mdpe68.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1726&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Objectifs pour une pêche durable, basés sur les travaux de Jules Danto et ses collègues.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00762/87378/">Ifremer</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Sur la base de la littérature scientifique existante, nous proposons, compilés dans le tableau ci-contre établi <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00762/87378/">à partir de récents travaux</a>, les objectifs relevant des dimensions environnementale, économique et sociale. Selon les objectifs, il peut s’agir de maximiser (des performances) ou au contraire de minimiser (des impacts).</p>
<p>Il est toutefois utile de rappeler que toute activité de pêche a un impact, et que le concept de minimisation a donc ses limites : une minimisation totale reviendrait à arrêter de pêcher… L’évaluation des impacts se conçoit donc dans deux cadres possibles : la confrontation à une cible de durabilité si elle est définie, ou à défaut la comparaison des impacts de différentes pratiques de pêche en les ramenant à une unité de production.</p>
<h2>Le casse-tête de l’évaluation</h2>
<p>Pourquoi est-il compliqué de juger de la durabilité d’une activité de pêche ?</p>
<p>Un premier élément concerne le manque d’outils pour évaluer toutes les facettes de cette durabilité. Pour certains des objectifs, les scientifiques disposent de données, d’indicateurs, de cibles/seuils et d’un cadre législatif bien établi.</p>
<p>Pour d’autres, il existe des indicateurs, mais pas suffisamment de données pour leur application opérationnelle, ou pas de cibles. Dans certains cas, comme pour le bien-être animal, il n’existe pas d’indicateurs finalisés.</p>
<p>Un autre point concerne le fait que ces outils ne sont pas toujours applicables à l’échelle pertinente. Typiquement, la biodiversité et l’équilibre d’un écosystème sont les résultats d’influences multiples, et peuvent donc être difficiles à relier directement à la pratique d’une activité de pêche.</p>
<p>De même, si l’activité de pêche est un maillon indispensable à l’approvisionnement d’une filière, cette dernière est elle-même intégrée dans des marchés mondialisés de matières premières et de produits. Les emplois de l’industrie de transformation sont également le résultat de dynamiques (prix, produits) à d’autres échelles (nationales, mondiales). Il en est de même de la consommation finale des produits de la mer.</p>
<p>Il faut également souligner que la durabilité des activités de pêche intègre une grande variété de questions.</p>
<p>Si l’on se demande par exemple « Quelles techniques de pêche permettent d’exploiter durablement les quotas français d’une espèce donnée », le cadre d’analyse monospécifique impose en principe de comparer les impacts des différentes flottilles en fonction des quantités qu’elles débarquent de cette espèce. Mais, dans le cas des questions suivantes – « Quelles sont les flottilles qui pêchent de la manière la plus durable ? » ou « Quelles techniques de pêche concilient durabilité et approvisionnement de la population en protéines ? » –, plusieurs choix sont possibles. On peut rapporter les impacts des différentes flottilles à la tonne de poisson débarqué (toutes espèces confondues), à la tonne de poisson capturé, ou encore à la tonne d’équivalent protéine. Ces différences d’unité à laquelle on rapporte les impacts d’une flottille peuvent conduire à des classements et des conclusions différentes.</p>
<p>Ultime difficulté : il faut combiner les « scores » obtenus pour les différents objectifs de durabilité, or il n’existe pas de méthode neutre pour le faire, l’arbitrage relevant de choix politiques et sociétaux.</p>
<p>Certains engins de pêche peuvent ainsi avoir moins d’impact sur les fonds marins, mais provoquer plus de captures accidentelles. Certaines flottilles peuvent être à la fois très sélectives et peu impactantes sur les fonds, mais présenter une consommation en carburant, rapportée au kilogramme de poisson, supérieure à d’autres flottilles. La volonté de maintenir l’emploi à court terme n’est pas forcément compatible avec des objectifs environnementaux ambitieux…</p>
<h2>Affiner les indicateurs</h2>
<p>On l’aura compris, la durabilité des activités de pêche doit répondre à de nombreux critères, sans perdre de vue une double finalité.</p>
<p>Au niveau sociétal, les scientifiques doivent aspirer à définir des objectifs de durabilité sur une base de connaissances de l’ensemble des enjeux et des attentes, et non pas en réponse aux priorités de l’une ou l’autre des parties prenantes. Il est donc nécessaire de développer des approches et des outils pour éclairer la décision multicritère, et permettre d’adapter de manière transparente les critères de durabilité aux priorités de la société et au contexte, en explicitant les arbitrages.</p>
<p>Au niveau individuel, un consommateur devrait idéalement pouvoir choisir ses produits selon ses propres priorités de durabilité, en toute connaissance de cause. Il s’agit ici de produire d’autres types d’outils, indépendants de la priorisation des objectifs.</p>
<p>Finalement, dans les deux cas, il est aujourd’hui nécessaire d’enrichir et améliorer les indicateurs permettant d’évaluer au mieux cette durabilité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198745/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Savina-Rolland a reçu des financements de l'Ifremer.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Fabienne Daurès, Jose-Luis Zambonino Infante, Nicolas Desroy et Youen Vermard ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>De nombreux critères d’évaluation et d’objectifs permettent d’apprécier la durabilité du secteur de la pêche.Marie Savina-Rolland, Chercheure en halieutique, IfremerFabienne Daurès, Chercheure en économie, IfremerJose-Luis Zambonino Infante, Physiologie des poissons, IfremerNicolas Desroy, Chercheur en faune benthique, IfremerYouen Vermard, Chercheure en halieutique, Ifremer, IfremerLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1946552022-11-29T18:57:57Z2022-11-29T18:57:57ZTilio : « À qui appartient la mer ? »<p>À personne ! La mer échappe à toute appropriation. Nul ne peut en revendiquer la propriété… pas même l’État côtier, c’est-à-dire l’État riverain de cette mer. Les mers font partie de ce que l’on appelle les « choses communes », elles sont à l’usage de tous, personne ne peut se les approprier.</p>
<p>En revanche, le sol et le sous-sol de la « mer territoriale » appartiennent à l’État, à son « domaine public » car ils constituent le prolongement naturel du territoire national, son prolongement immergé. Ce domaine public maritime s’étend, côté terre, jusqu’au rivage de la mer. Il comprend de ce fait les plages. C’est donc par abus de langage que certains restaurants de plage ou paillotes se présentent comme « plages privées ». Ces plages ne sont pas la propriété des restaurateurs, mais bien de l’État qui les autorise seulement à en occuper une partie. Côté mer, la propriété étatique des fonds marins court jusqu’à la limite de la « mer territoriale », c’est-à-dire à 22 kilomètres au large des côtes, soit 12 milles marins selon l’unité de mesure des distances maritimes. Ainsi, l’exploitant d’un parc d’éoliennes en « mer territoriale » doit obtenir l’autorisation de l’État pour les amarrer au sol marin.</p>
<p>Pour résumer, alors que la masse d’eau de la mer ne peut être la propriété de personne, les fonds marins sont la propriété de l’État côtier dans les limites de la « mer territoriale » et non au-delà.</p>
<p>Mais, le droit de propriété n’est pas l’unique moyen de « contrôler » la mer. Au regard des enjeux économiques, de sécurité et de communication, les états ont depuis longtemps souhaité prolonger leur compétence territoriale en mer et ont dû s’accorder entre eux sur ce point.</p>
<p>Ainsi, au niveau international, des conventions visent à définir la compétence exercée par les États côtiers sur les zones maritimes et les droits reconnus aux tiers. L’intensité de l’autorité exercée par l’État côtier sur les zones maritimes dépend de la proximité de la zone avec son littoral.</p>
<p>Ainsi, dans les eaux de la « mer territoriale », espace maritime le plus proche, l’État exerce sa souveraineté au même titre que sur son territoire terrestre c’est-à-dire qu’il dispose d’une compétence exclusive notamment en matière de pêche, de police ou encore de douanes. Par exemple, dans le cadre du « Brexit », les navires de pêche français souhaitant pêcher dans les eaux britanniques doivent obtenir des licences de pêche octroyées par le Royaume-Uni.</p>
<p>Plus loin, dans sa « zone économique exclusive » qui s’étend jusqu’à 200 milles marins (370 km) des côtes, l’État peut réglementer l’exploration et l’exploitation des ressources naturelles, mais il doit respecter la liberté de navigation au profit de tous les navires.</p>
<p>Enfin, au-delà de cette zone, la « Haute mer » constitue un espace de liberté qui n’est placé sous l’autorité d’aucun État. Ses fonds marins, appelés « la Zone » sont un élément du « patrimoine commun de l’humanité ».</p>
<p>Conscients de la place des océans dans les enjeux climatiques, les états mènent des négociations pour assurer la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine de cette « Haute mer » qui couvre près de la moitié de la surface du globe. Fin août 2022, à l’issue de la cinquième session de négociations internationales pour la conclusion d’un traité sur la protection de la « Haute mer », les états n’ont toutefois pas réussi à s’accorder sur la question des aires marines protégées ou encore l’obligation de réaliser des évaluations d’impact environnemental préalables à de nouvelles activités d’exploitation des ressources de la Zone.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : <a href="mailto:tcjunior@theconversation.fr">tcjunior@theconversation.fr</a>. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194655/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nelly Sudres ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si la masse d’eau que constituent les mers et les océans n’appartient à personne, les fonds marins peuvent être la propriété des états côtiers.Nelly Sudres, Maître de conférences en droit public, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1781032022-11-16T14:30:38Z2022-11-16T14:30:38ZLa pêche commerciale bouleversée par le réchauffement des eaux du golfe du Saint-Laurent<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/494227/original/file-20221108-6756-re7gqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C995%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le réchauffement du golfe du Saint-Laurent induit dans l’équilibre des espèces un véritable bouleversement, qui a des répercussions directes sur le secteur de la pêche commerciale.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le dernier rapport sur l’état de l’écosystème du golfe du Saint-Laurent est on ne peut plus clair : <a href="https://waves-vagues.dfo-mpo.gc.ca/library-bibliotheque/4107225x.pdf">on y démontre de façon indéniable que le système se réchauffe rapidement</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/voici-pourquoi-on-ne-peut-plus-pecher-le-maquereau-et-le-hareng-de-printemps-180629">Voici pourquoi on ne peut plus pêcher le maquereau et le hareng de printemps</a>
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<p>Ce réchauffement se produit aussi bien dans sa couche de surface, directement exposée au réchauffement climatique, que dans sa couche la plus profonde, en raison de l’augmentation récente de l’entrée d’eau chaude en provenance du Gulf Stream dans ses chenaux profonds par le détroit de Cabot.</p>
<p>En profondeur, le <a href="https://theconversation.com/lestuaire-maritime-du-saint-laurent-est-a-bout-de-souffle-180069">réchauffement se combine à une baisse importante du taux d’oxygène</a>, qui amplifie l’ampleur des changements de l’habitat des espèces marines.</p>
<p>En affectant aussi bien les organismes se distribuant près de la surface que ceux qui vivent en profondeur, le réchauffement actuel influence l’ensemble de l’écosystème et induit dans l’équilibre des espèces un véritable bouleversement, qui a des <a href="https://theconversation.com/voici-pourquoi-on-ne-peut-plus-pecher-le-maquereau-et-le-hareng-de-printemps-180629">répercussions directes sur le secteur de la pêche commerciale</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><strong><em>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/fleuve-saint-laurent-116908">Le Saint-Laurent en profondeur</a></em></strong>
<br><em>Ne manquez pas les nouveaux articles sur ce fleuve mythique, d'une remarquable beauté. Nos experts se penchent sur sa faune, sa flore, son histoire et les enjeux auxquels il fait face. Cette série vous est proposée par La Conversation.</em></p>
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<p>Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écologie halieutique, je m’intéresse aux causes et conséquences des changements dans la dynamique des espèces exploitées commercialement. Dans cet article, j’explique les changements en cours dans l’équilibre des espèces qui peuplent les eaux de fond du golfe du Saint-Laurent.</p>
<h2>Le déclin des espèces d’eau froide</h2>
<p>À la suite de l’effondrement historique des stocks de morue franche au début des années 1990, <a href="https://cdnsciencepub.com/doi/full/10.1139/f2011-007">causé par une combinaison de surpêche et de conditions très froides</a>, des espèces d’origine arctique, dont la crevette nordique, le crabe des neiges et le flétan du Groenland, ont profité du refroidissement et d’une diminution de la prédation et de la compétition dans le système pour s’installer confortablement dans le golfe du Saint-Laurent.</p>
<p>La dominance de ces espèces aura duré plus de deux décennies, permettant l’essor de pêcheries lucratives, dont les <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/stats/commercial/sea-maritimes-fra.htm">revenus ont non seulement remplacé, mais largement dépassé la valeur des débarquements préeffondrement de la morue</a>. Toutefois, alors que ces espèces doivent aujourd’hui composer avec le réchauffement rapide de leur habitat, on constate le déclin de leur abondance.</p>
<h2>La crevette nordique dans l’eau chaude</h2>
<p>La crevette peut être considérée comme un véritable baromètre de l’état de l’écosystème marin démersal, c’est-à-dire de la couche d’eau située près du fond, puisque sa distribution fluctue rapidement en fonction des changements de la température du milieu. Préférant les eaux dont la température est comprise entre 1 et 6 °C, elle a vu une diminution marquée de son habitat au cours de la dernière décennie.</p>
<p>Les données du relevé de monitorage effectué par Pêches et Océans Canada montrent qu’en raison du réchauffement de son habitat, la <a href="https://waves-vagues.dfo-mpo.gc.ca/library-bibliotheque/41058823.pdf">superficie occupée par la crevette a diminué de moitié depuis 2008, et l’estimation d’abondance en 2021 figure parmi les valeurs les plus faibles de l’historique du suivi de cette ressource</a>. Cette diminution de l’abondance a entraîné une réduction de 12 % des captures autorisées en 2022. Avec une réduction additionnelle de 18 % annoncée pour 2023 et un coût élevé du diesel, la <a href="https://www.pecheimpact.com/une-saison-de-peche-a-la-crevette-peu-rentable-autant-pour-les-transformateurs-que-pour-les-pecheurs/">rentabilité des entreprises qui dépendent de cette ressource est menacée à court terme</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/494223/original/file-20221108-6756-xoz1e5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="graphique montrant la diminution de l’abondance de la crevette nordique" src="https://images.theconversation.com/files/494223/original/file-20221108-6756-xoz1e5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494223/original/file-20221108-6756-xoz1e5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494223/original/file-20221108-6756-xoz1e5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494223/original/file-20221108-6756-xoz1e5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494223/original/file-20221108-6756-xoz1e5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494223/original/file-20221108-6756-xoz1e5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494223/original/file-20221108-6756-xoz1e5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La biomasse combinée des 4 stocks de crevette nordique du golfe du Saint-Laurent est en diminution depuis 2004. Les données sont issues du dernier rapport d’évaluation de stock de Pêches et Océans Canada.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Dominique Robert)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Le crabe des neiges et le flétan du Groenland : un équilibre fragile</h2>
<p>Comme la crevette nordique, le crabe des neiges et le flétan du Groenland sont deux espèces d’origine arctique dont les stocks du Saint-Laurent correspondent à la limite sud de leur répartition. Tout réchauffement des eaux du golfe, déjà plus chaudes que la moyenne de leur habitat, peut ainsi affecter négativement la productivité de ces stocks.</p>
<p>Le crabe des neiges est particulièrement vulnérable lors de ses premiers stades de vie, et plus précisément au moment où les juvéniles s’établissent sur le fond marin. <a href="https://www.int-res.com/articles/meps2003/256/m259p117.pdf">Leur survie dépend alors de la disponibilité d’eaux très froides, dont la température se situe entre 0 et 2 °C</a>. À l’heure actuelle, l’abondance du crabe des neiges demeure relativement élevée, en particulier dans le sud du golfe du Saint-Laurent, où ses effectifs sont les plus importants. Toutefois, les <a href="https://publications.gc.ca/collections/collection_2020/mpo-dfo/Fs97-18-334-eng.pdf">modèles océaniques indiquent que d’ici à 2050, la température des eaux de fond de ce secteur du golfe excédera 3 °C</a>, ce qui réduira grandement le potentiel de maintien d’une forte abondance de l’espèce et pourrait entraîner à moyen terme un effondrement des stocks.</p>
<p>L’abondance du flétan du Groenland, espèce qui soutient la pêcherie de poisson de fond la plus lucrative depuis les années 1990, <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/SAR-AS/2021/2021_017-fra.html">est en déclin depuis 15 ans</a>. Ce déclin a entraîné une baisse des captures autorisées de presque 50 % en 5 ans, ces dernières passant de 4 500 à 2 400 tonnes de 2017 à 2022. Bien que les causes exactes du déclin de ce stock dans les eaux du golfe du Saint-Laurent demeurent incertaines, le réchauffement et la baisse des taux d’oxygène en cours dans les eaux des chenaux profonds sont pointés du doigt comme explications les plus probables.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/494225/original/file-20221108-24-cv2q5v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="graphique présentant l’évolution de l’abondance du crabe des neiges et du flétan" src="https://images.theconversation.com/files/494225/original/file-20221108-24-cv2q5v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494225/original/file-20221108-24-cv2q5v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494225/original/file-20221108-24-cv2q5v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494225/original/file-20221108-24-cv2q5v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494225/original/file-20221108-24-cv2q5v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494225/original/file-20221108-24-cv2q5v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494225/original/file-20221108-24-cv2q5v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Alors que la biomasse du stock de crabe des neiges du sud du golfe du Saint-Laurent demeure stable, l’indice d’abondance du flétan du Groenland montre une décroissance de ce stock depuis 2004. Les données sont issues des derniers rapports d’évaluation des stocks de Pêches et Océans Canada.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Dominique Robert)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Le homard et le sébaste : une véritable marée rouge !</h2>
<p>En plus du stock de flétan de l’Atlantique qui s’est rétabli et qui se porte présentement très bien, deux espèces de couleur rougeâtre connaissent une véritable explosion démographique dans le golfe du Saint-Laurent. Il s’agit du homard américain, qui vit sur les fonds en zones côtières, et du sébaste, un poisson qui se distribue sur les fonds en eaux profondes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/491948/original/file-20221026-17-1ho4la.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="homard dans son habitat naturel" src="https://images.theconversation.com/files/491948/original/file-20221026-17-1ho4la.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491948/original/file-20221026-17-1ho4la.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491948/original/file-20221026-17-1ho4la.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491948/original/file-20221026-17-1ho4la.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491948/original/file-20221026-17-1ho4la.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491948/original/file-20221026-17-1ho4la.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491948/original/file-20221026-17-1ho4la.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le homard est aujourd’hui de loin la ressource la plus lucrative dans le Canada Atlantique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Jean-Daniel Tourangeau Larivière)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le homard est aujourd’hui de loin la ressource la plus lucrative dans le Canada Atlantique. Par exemple, <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/stats/commercial/land-debarq/sea-maritimes/s2020pv-fra.htm">pour les pêcheurs du Québec, il représentait à lui seul 42 % des revenus totaux en 2020</a>. Dans le sud du golfe du Saint-Laurent, les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1897661/bilan-saison-2022-peche-homard-iles-de-la-madeleine-record-capture-prix">pêcheurs des Îles-de-la-Madeleine ont enregistré des prises records en 2022</a>. De plus, avec le réchauffement progressif des zones côtières du nord du golfe du Saint-Laurent, le homard y est en pleine expansion. <a href="https://waves-vagues.dfo-mpo.gc.ca/library-bibliotheque/41073745.pdf">Au large de la Côte-Nord, l’augmentation des captures entre 2015 et 2021 a varié de 388 % à 850 % selon les secteurs</a>, ce qui représente une véritable manne pour les pêcheurs, qui ont reçu <a href="https://www.pecheimpact.com/une-bonne-saison-pour-les-homardiers-mais-une-diminution-des-prises-a-cause-dun-lent-debut-de-saison/">environ 8$ par livre de homard débarqué en 2022</a>.</p>
<p>Le sébaste, dont les stocks s’étaient effondrés peu après ceux de la morue dans les années 1990, a pris le secteur des pêches par surprise en <a href="https://waves-vagues.dfo-mpo.gc.ca/library-bibliotheque/40960742.pdf">revenant en force dans les années 2010</a>. Ce retour spectaculaire s’est opéré à la suite de la forte survie des jeunes sébastes nés dans la période 2011-2013, <a href="https://academic.oup.com/icesjms/article-abstract/78/10/3757/6423499">vraisemblablement en raison de conditions environnementales favorables pour les larves</a>.</p>
<p>Ces poissons, qui ont aujourd’hui une dizaine d’années, atteignent la taille minimale permise pour la capture commerciale. Le retour d’une pêche à grande échelle est donc imminent, mais l’industrie fait face à des défis majeurs. En effet, la valeur par unité de poids anticipée pour ces poissons de taille modeste est environ dix fois moindre que celle du homard. Il ne sera donc pas simple de rentabiliser une exploitation durable de cette ressource.</p>
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<img alt="graphique présentant l’augmentation de l’abondance du homard et du sébaste" src="https://images.theconversation.com/files/494226/original/file-20221108-20-inecdi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494226/original/file-20221108-20-inecdi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494226/original/file-20221108-20-inecdi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494226/original/file-20221108-20-inecdi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494226/original/file-20221108-20-inecdi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494226/original/file-20221108-20-inecdi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494226/original/file-20221108-20-inecdi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le sébaste et le homard ont connu une explosion démographique dans le golfe du Saint-Laurent au cours des 15 dernières années. Les données de biomasse du sébaste sont issues du dernier rapport d’évaluation de stock de Pêches et Océans Canada, alors que les données de débarquements de homard correspondent à la somme des captures réalisées au Québec, au Nouveau-Brunswick et à l’Île-du-Prince-Édouard.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Dominique Robert)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Des boucles de rétroaction engendrées par les relations entre les espèces</h2>
<p>Le retour en force du sébaste dans les eaux du Saint-Laurent pourrait bien signifier, pour les espèces d’eau froide, qu’une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule. En effet, les <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmars.2022.963039/full">recherches récentes sur le régime alimentaire du sébaste démontrent qu’à l’atteinte d’une taille de 25 à 30 cm, la crevette nordique devient une de ses proies principales</a>. Or, les <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/SAR-AS/2022/2022_039-fra.html">sébastes nés dans les années 2010 mesuraient environ 24 cm en 2021</a>. Bien que pour l’instant, nous ne puissions déterminer avec précision la quantité de crevettes nécessaire pour sustenter les <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/SAR-AS/2022/2022_039-fra.html">2,8 millions de tonnes de sébastes qui peuplent actuellement le Saint-Laurent</a>, on s’attend à ce que cette pression de prédation accélère le déclin de la crevette, dont la productivité est déjà négativement affectée par le réchauffement des eaux.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/491947/original/file-20221026-21-govnbl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Poissons rouges sur un convoyeur" src="https://images.theconversation.com/files/491947/original/file-20221026-21-govnbl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491947/original/file-20221026-21-govnbl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491947/original/file-20221026-21-govnbl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491947/original/file-20221026-21-govnbl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491947/original/file-20221026-21-govnbl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491947/original/file-20221026-21-govnbl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491947/original/file-20221026-21-govnbl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des équipes de recherche universitaire du regroupement Ressources Aquatiques Québec font équipe avec celles de l’Institut Maurice-Lamontagne de Pêches et Océans Canada dans le cadre d’un programme visant à mieux comprendre l’écologie et la dynamique du sébaste.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Joëlle Guitard)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Par ailleurs, le <a href="https://publications.gc.ca/collections/collection_2020/mpo-dfo/Fs97-6-3383-fra.pdf">régime alimentaire du sébaste montre un niveau de chevauchement important avec celui du flétan du Groenland</a>. Ce dernier pourrait donc être victime de compétition pour la ressource au moment où la qualité de son habitat se détériore. De telles répercussions causées par des relations prédateur-proie s’additionnent ainsi aux changements physiques du milieu pour accélérer le taux de changement dans l’abondance des espèces, ce qui pourrait entraîner le basculement de l’écosystème vers un nouvel état d’équilibre.</p>
<h2>Des recherches pour guider le futur</h2>
<p>Le retour du sébaste à partir d’une abondance très faible constitue une grande surprise pour les scientifiques et un événement déstabilisateur pour le secteur des pêches. Il est donc important de comprendre précisément les causes et les conséquences de l’explosion démographique de ce stock dans une optique de développement durable du secteur. Pour ce faire, des équipes de recherche universitaire du regroupement <a href="https://www.raq.uqar.ca/">Ressources Aquatiques Québec</a> font équipe avec celles de <a href="https://www.qc.dfo-mpo.gc.ca/fr/institut-maurice-lamontagne">l’Institut Maurice-Lamontagne</a> de Pêches et Océans Canada dans le cadre d’un programme visant à mieux comprendre l’écologie et la dynamique du sébaste.</p>
<p>À terme, les résultats de ces collaborations multidisciplinaires fourniront de précieux éléments permettant de développer une approche écosystémique à la gestion des pêches, et ainsi de favoriser l’exploitation durable de nos ressources.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178103/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominique Robert a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et de Pêches et Océans Canada. </span></em></p>Le réchauffement observé dans le golfe du Saint-Laurent induit dans l’équilibre des espèces un véritable bouleversement, qui a des répercussions directes sur le secteur de la pêche commerciale.Dominique Robert, Professeur et Chaire de recherche du Canada en écologie halieutique, Université du Québec à Rimouski (UQAR)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1867922022-07-14T21:05:06Z2022-07-14T21:05:06ZPlus d’un tiers de l’humanité dépend des espèces sauvages pour vivre<p>Dix ans après sa création, <a href="https://ipbes.net/">l’IPBES</a> – la plate-forme intergouvermentale sur la biodiversité et les services écosystémiques – a dévoilé en ce début juillet 2022 <a href="https://enb.iisd.org/intergovernmental-science-policy-platform-biodiversity-ecosystem-services-ipbes9-summary">deux nouveaux rapports</a> portant sur <a href="https://www.youtube.com/watch?v=K76pQXEYIak">l’utilisation durable des espèces sauvages</a> et les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=DMDYYH2b_Fk">valeurs attribuées à la biodiversité</a>. Ces travaux auront mobilisé plus de 80 scientifiques de différents pays pendant quatre années.</p>
<p>Souvent présentée comme le GIEC de la biodiversité, l’IPBES évalue les connaissances scientifiques et appuie l’évolution des politiques et des actions publiques et privées, en réalisant des expertises collégiales à l’échelle mondiale.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-giec-une-boussole-scientifique-pour-le-climat-93624">Le GIEC, une boussole scientifique pour le climat</a>
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<p>Ces dernières années, l’IPBES a gagné en notoriété grâce à son <a href="https://theconversation.com/rapport-de-lipbes-sur-la-biodiversite-lheure-nest-plus-aux-demi-mesures-116473">évaluation</a> publiée en 2019 à Paris, qui a mis en évidence la sixième crise d’extinction de la biodiversité, ses causes et le changement transformatif à initier pour sortir de cette crise.</p>
<p>Il n’en reste pas moins que la biodiversité et l’IPBES restent des sujets trop peu <a href="https://www.frontiersin.org/article/10.3389/fevo.2017.00175">discutés</a> dans la sphère publique, en comparaison avec le <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/01/18/les-reactions-a-don-t-look-up-font-l-impasse-totale-sur-la-crise-de-la-biodiversite_6109891_3232.html">climat</a> notamment.</p>
<h2>Prélèvements durables</h2>
<p><a href="https://zenodo.org/record/6813144#.Ys7LouxBxTZ">Ces nouveaux rapports</a> nous permettent de prendre conscience d’une situation que nous oublions ou que nous ignorons trop souvent : sur Terre, trois milliards d’êtres humains dépendent directement des prélèvements d’espèces sauvages pour leur subsistance.</p>
<p>« Enfermés » dans nos sociétés développées, nos modes de vie urbains ou péri-urbains, nous n’avons bien souvent pas conscience que 45 % des humains sur la planète sont ainsi liés aux espèces sauvages de manière essentielle. Il ne s’agit pas ici d’agriculture ou d’élevage traditionnels, basés sur des espèces domestiques et que nous aurions tendance à considérer comme l’idéal d’une reconnexion à la nature.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pour-une-nouvelle-approche-de-lidee-de-nature-49821">Pour une nouvelle approche de l’idée de « nature »</a>
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<p>Je m’étonne fréquemment de cette méconnaissance : ces derniers jours, sur les réseaux sociaux, certaines personnes se sont ainsi émues du titre de l’une de ces nouvelles évaluations de l’IPBES – « Utilisation des espèces sauvages » –, pensant qu’elle encouragerait des prélèvements de type industriel !</p>
<h2>Riz sauvage, laine de vigogne, orties de l’Himalaya</h2>
<p>Il faut souligner la richesse culturelle et naturelle extraordinaire dont témoigne cette situation : les populations locales ou autochtones détiennent en effet les connaissances pour se nourrir, se soigner ou utiliser quotidiennement en tant que matériaux, tissus ou bois de chauffage des dizaines d’espèces sauvages.</p>
<p>Au total, 50000 espèces vivantes sauvages sont ainsi concernées dans une multitude d’utilisations cruciales pour ces populations.</p>
<p>Ces utilisations sont importantes non seulement en nombres d’espèces, mais aussi en quantité de biomasse extraite : par exemple, le bois récolté par des populations locales pour faire du feu représente la moitié du bois extrait des forêts dans le monde. Bien évidemment, il ne s’agit pas là d’abattage industriel ou de coupe rase sur des hectares… même si l’impact local de telles pratiques peut se révéler important dans des contextes environnementaux déjà tendus.</p>
<p>[<em>Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a></em>]</p>
<p>Le rapport cite des exemples d’utilisations très variées : il peut s’agir du riz sauvage récolté dans la région des Grands Lacs en Amérique du Nord, de la laine de vigogne collectée par les populations andines, de la chair de grands poissons amazoniens ou encore des fibres textiles issues de l’ortie de l’Himalaya au Népal.</p>
<p>Très souvent, les règles d’utilisation par les populations locales favorisent la protection de ces espèces sauvages et le partage équitable des ressources qu’elles représentent au sein des communautés, garantissant la durabilité de ces utilisations.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/473915/original/file-20220713-16-xg3w0b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/473915/original/file-20220713-16-xg3w0b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/473915/original/file-20220713-16-xg3w0b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/473915/original/file-20220713-16-xg3w0b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/473915/original/file-20220713-16-xg3w0b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/473915/original/file-20220713-16-xg3w0b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/473915/original/file-20220713-16-xg3w0b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Groupe de vigognes au Pérou.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jrthibault/">Marie Thérèse Hébert/Jean Robert Thibault</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<h2>Une emprise toujours plus importante sur l’environnement</h2>
<p>Le rapport sur l’utilisation durable des espèces sauvages souligne une autre réalité essentielle : deux tiers des personnes les plus pauvres dans le monde dépendent directement des espèces sauvages.</p>
<p>Ces personnes sont donc particulièrement vulnérables et dépendantes de la disponibilité de ces ressources. Or, cette disponibilité est souvent mise à mal par la crise de l’environnement.</p>
<p>La déforestation industrielle impacte par exemple l’usage des espèces de forêts, le changement et les aléas climatiques sont délétères pour de nombreuses espèces, la croissance des populations humaines augmente fortement la demande en poissons ou en bois de chauffe.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/peche-ce-que-la-science-nous-dit-de-limpact-du-chalutage-sur-les-fonds-marins-172325">Pêche : ce que la science nous dit de l’impact du chalutage sur les fonds marins</a>
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<p>D’après l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) et une <a href="https://www.iucnredlist.org/fr">évaluation basée sur l’étude d’une dizaine de milliers de ces espèces</a>, les deux tiers de ces espèces sauvages prélevées dans le milieu naturel par les populations locales sont en déclin ; 172 sont même en danger d’extinction.</p>
<p>Certaines de ces utilisations montrent bien les enjeux et les conflits d’usages qui peuvent advenir quand ces espèces sont également concernées par des utilisations commerciales qui vont limiter ou être antagonistes des utilisations locales de subsistance.</p>
<p>Ainsi, la laine de vigogne sauvage est récoltée par des communautés andines, mais l’industrie textile du luxe achète cette laine à bas prix auprès de ces communautés pour la revendre à prix d’or. On peut citer aussi le poisson d’eau douce géant pirarucu en Amazonie – pesant jusqu’à 300 kg –, qui est consommé par les communautés locales, mais dont la chair appréciée attire également des pêcheries locales commerciales, ce qui a pu conduire à un déclin – aujourd’hui heureusement maîtrisé – de ses populations.</p>
<p>Devant les difficultés rencontrées dans l’utilisation d’espèces sauvages devenant moins disponibles, des populations locales peuvent se tourner vers des productions liées à des espèces domestiques en culture ou en élevage. La conséquence de cette tendance est inévitablement le développement d’une emprise plus importante sur l’environnement.</p>
<p>Toute culture ou élevage mobilise en effet une surface importante d’intervention qui sera prise sur le contingent d’espaces encore peu anthropisés ; elle comporte également des risques d’introduction d’espèces exotiques ou d’émergence de maladies en favorisant la <a href="https://www.jle.com/fr/revues/ers/e-docs/quels_liens_entre_agriculture_biodiversite_et_zoonoses__322548/article.phtml">promiscuité entre espèces sauvages et domestiques</a>.</p>
<h2>Communautés locales versus commerce mondial</h2>
<p>L’utilisation des espèces sauvages est aussi malheureusement le fait de procédés industriels que nous connaissons bien.</p>
<p>Par exemple, extraction de bois et pêche industrielles constituent des activités dont nous savons qu’elles sont le plus souvent non durables. L’évaluation de l’IPBES rend compte de toutes les études qui quantifient et diagnostiquent ces situations.</p>
<p>Globalement, deux chiffres nous montrent l’ampleur de ces problèmes : 34 % de stocks de poissons sont en surpêche et un peu plus d’une espèce d’arbre sur dix est en voie d’extinction, tandis que la surface des couverts forestiers diminue de manière critique dans bien des régions, à raison de presque 10 millions d’hectares chaque année.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/BXjTc9_WqPA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Afrique du Sud : les ravages de la surpêche sur la biodiversité (France24/Youtube, 2021).</span></figcaption>
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<p>De manière caractéristique, l’usage des espèces sauvages dans le commerce international peine à être régulé. Les trafics représentent une source de revenus illégaux aux côtés de ceux tirés de la drogue ou de la prostitution et du même ordre de magnitude. Peu de pays ou d’instances s’accordent sur les indicateurs de déforestation et certaines agences internationales confondent même forêts naturelles (dans lesquelles l’impact de l’homme est modéré) et plantations d’arbres.</p>
<p>Il en est de même dans le domaine de la pêche où les méthodes industrielle provoquent des dégâts considérables à plusieurs égards : prises, tristement appelées « accessoires », provoquent le déclin d’espèces non recherchées (par exemple, les requins ou les dauphins) ou méthodes de pêche qui endommagent gravement l’environnement (chaluts de fond).</p>
<h2>Quel futur pour la nature ?</h2>
<p>Pour inverser ces tendances mortifères, il nous faut faire alliance avec la biodiversité. Ce sujet a fait l’objet de la seconde évaluation présentée au cours de la session plénière de l’IPBES à Bonn en ce mois de juillet 2022 : « Les valeurs de la nature ».</p>
<p>Là encore, le mot « valeur » est trompeur dans la culture occidentale, car il véhicule un sens instrumental et marchand.</p>
<p>En réalité, les experts – anthropologues, écologues, sociologues et philosophes – de l’IPBES ont évalué les manières dont les différentes sociétés humaines considèrent la nature, en se positionnant comme consommateur <em>de</em> la nature, ou bien vivant <em>dans</em> ou <em>avec</em> la nature ou encore vivant <em>en tant que</em> nature pour les peuples totémistes ou animistes, par exemple. Ces dernières conceptions amènent à accepter sa valeur intrinsèque, indépendante de nous autres, humains, et à vivre de manière fusionnelle avec elle.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lhomme-et-la-nature-un-non-sens-pour-les-societes-polynesiennes-146464">L’homme et la nature : un non-sens pour les sociétés polynésiennes</a>
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<p>Analyser ces conceptions permet de s’en inspirer, pour le meilleur ; de manière très pragmatique, cela permet aussi de garantir la durabilité des espaces naturels dans les 38 millions de kilomètres carrés dans 87 pays gérés par les peuples autochtones et les communautés locales, grâce à la considération et l’inclusion de ces dernières.</p>
<p>À défaut de nous ouvrir à ces autres conceptions, nous continuerons à creuser les déclins actuels qui amèneront inexorablement à la disparition de la moitié de la biodiversité d’ici quelques décennies… et à celle de tous les services que nous offrent les écosystèmes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186792/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Grandcolas ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Réunis à Bonn début juillet 2022, les experts de l’IPBES ont présenté leurs nouveaux rapports sur la biodiversité. On y apprend que 3 milliards d’humains dépendent des prélèvements d’espèces sauvages.Philippe Grandcolas, Directeur de recherche CNRS, systématicien, directeur de l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (ISYEB), Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1840202022-05-30T13:54:38Z2022-05-30T13:54:38ZOn dispose des outils nécessaires pour garantir une infinité de poissons aux générations futures<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/465763/original/file-20220527-11-kkgo06.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=37%2C14%2C4895%2C3315&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les stocks de poissons sont en déclin dans le monde entier, en partie à cause de la façon dont nous valorisons la nature et ne tenons pas compte de ses avantages à long terme. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://doi.org/10.1139/facets-2021-0089">Les aînés autochtones ont récemment fait part de leur consternation face au déclin sans précédent des populations de saumon</a> dans les trois plus grandes rivières productrices de la Colombie-Britannique. Les recherches que mon équipe a menées ont révélé que les prises de saumon coho au large de la côte sud de cette province ne représentent désormais qu’à peine <a href="https://doi.org/10.1016/j.fishres.2019.04.002">5 % des prises maximales</a>, réalisées au début des années 1900.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/465782/original/file-20220527-11-2p3wbe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/465782/original/file-20220527-11-2p3wbe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/465782/original/file-20220527-11-2p3wbe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/465782/original/file-20220527-11-2p3wbe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/465782/original/file-20220527-11-2p3wbe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/465782/original/file-20220527-11-2p3wbe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=394&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/465782/original/file-20220527-11-2p3wbe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=394&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/465782/original/file-20220527-11-2p3wbe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=394&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le 25 mai, l’auteur Rashid Sumaila discutera, dans le cadre d’un événement en direct organisé conjointement par The Conversation/La Conversation et le Conseil de recherches en sciences humaines, de ses recherches sur l'économie des océans.</span>
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</figure>
<p>La diminution des <a href="https://www.eea.europa.eu/help/glossary/eea-glossary/fish-stock">stocks de poissons</a> constitue un problème mondial. Au cours des cinq dernières décennies environ, certains stocks de poissons se sont effondrés : la morue au <a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/en/article/cod-moratorium-of-1992">large de Terre-Neuve</a>, la sardine d’Europe le long de la <a href="https://allafrica.com/stories/201709070732.html">côte namibienne</a>, le hareng de printemps au <a href="https://doi.org/10.1002/ece3.8336">large de la Norvège</a> et la sardine de la <a href="https://usa.oceana.org/responsible-fishing-modern-day-pacific-sardine-collapse-how-prevent-future-crisis/">Californie</a>. À l’échelle mondiale, plus de 100 millions de tonnes de poissons sont retirées de l’océan chaque année, ce qui équivaut au poids de plus de 100 millions de vaches adultes !</p>
<p>Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 34 % des stocks de poissons de la planète sont surexploités. Mais d’autres organismes, dont le <a href="https://www.minderoo.org/global-fishing-index/">Global Fish Index</a>, estiment cette surexploitation à environ la moitié des stocks de poissons marins.</p>
<p>Ces épuisements sont en partie dus à la façon dont nous estimons – ou plutôt n’estimons pas – la nature. L’évaluation inappropriée des biens et services que la nature nous fournit est une raison fondamentale pour laquelle nous n’avons pas réussi à protéger les océans et l’environnement en général. Elle compromet la capacité de l’humanité à réaliser ce que j’appelle une <a href="https://infinity.fish/">« infinité de poissons »</a> : transmettre à nos enfants et petits-enfants un océan sain afin de leur donner la possibilité de perpétuer cette pratique.</p>
<h2>Le prix n’est pas juste</h2>
<p>Dans le domaine des pêches, certains économistes affirment que tout ira bien si nous parvenons à « fixer le prix juste ». Je dis que si nous parvenons à déterminer la valeur et à l’établir correctement, nous serons mieux à même de vivre en harmonie avec la nature. L’attribution d’une valeur adéquate au poisson facilitera l’évaluation du coût à long terme de l’appauvrissement de l’océan qui se traduit par la disparition d’un trop grand nombre de poissons, trop rapidement, dans de trop nombreuses zones.</p>
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<img alt="Une personne debout dans un petit bateau jette un filet de pêche dans l’océan" src="https://images.theconversation.com/files/465066/original/file-20220524-18-uqnga6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/465066/original/file-20220524-18-uqnga6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/465066/original/file-20220524-18-uqnga6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/465066/original/file-20220524-18-uqnga6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/465066/original/file-20220524-18-uqnga6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/465066/original/file-20220524-18-uqnga6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/465066/original/file-20220524-18-uqnga6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Plus de 80 % des subventions mondiales pour la pêche vont aux flottes industrielles à grande échelle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>La pêche marine est <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-021-23168-y">vitale pour la subsistance de dizaines de millions de personnes dans le monde</a>. Elle contribue de façon directe et indirecte à la <a href="https://doi.org/10.1007/s10818-010-9090-9">sécurité alimentaire et nutritionnelle</a> de milliards de gens en leur offrant des produits de la mer et en générant des dizaines de millions d’emplois et de salaires. Ceci est particulièrement vrai dans les pays côtiers les moins développés du monde, où l’océan fournit jusqu’à 20 % des protéines animales.</p>
<p>Les stocks de poissons sauvages sont une ressource renouvelable qui peut continuer à nourrir et à faire vivre les populations jusqu’à la fin des temps, à condition d’être exploités judicieusement. Mathématiquement, tout ce qui continue à générer un gain positif, aussi petit soit-il, s’additionnera de façon illimitée.</p>
<p>Personne ne veut la mort d’un océan. Pour empêcher cela, nous devons adopter le mode de pensée axé sur une infinité de poissons : une évaluation précise et complète de tous les avantages qu’offre l’océan – fruits de mer, séquestration du carbone, loisirs, culture, absorption de chaleur – au-delà de ce qui est commercialisé.</p>
<h2>Ce qu’il en coûte d’ignorer la nature</h2>
<p>L’une des principales difficultés auxquelles se heurte l’économie est de parvenir à évaluer les bénéfices générés par les écosystèmes marins d’une manière exhaustive qui tient compte de leurs diverses valeurs à long terme. Il nous faut surmonter cet obstacle si nous voulons avoir une chance d’atteindre l’infinité de poissons.</p>
<p>En tant qu’êtres humains, nous avons tendance à percevoir tout ce qui nous est proche, à la fois dans le temps et dans l’espace, comme important et sérieux, alors que nous n’accordons que peu ou pas de considération à ce qui est plus distant. Et ceci constitue l’une des principales barrières nous empêchant de parvenir à une infinité de poissons. Cette tendance, que l’on retrouve en partie dans le <a href="https://doi.org/10.1093/oxfordjournals.cje.a013636">concept économique d’actualisation</a>, a constitué un sérieux frein à notre capacité à vivre en <a href="https://doi.org/10.1016/j.ecolecon.2003.11.012">symbiose avec la nature</a>.</p>
<p>Essentiellement, l’actualisation, qui consiste à rapporter les bénéfices à venir à leur valeur d’aujourd’hui, nous incite à les anticiper et à en reporter les coûts. Cette tendance explique en partie pourquoi <a href="https://doi.org/10.5281/zenodo.6417333">nous continuons à surexploiter la biodiversité</a> et <a href="https://doi.org/10.1126/science.1059199">à épuiser les stocks de poissons</a>, <a href="https://doi.org/10.1038/nature01017">marins</a> en particulier. Elle permet également de comprendre en partie la raison pour laquelle nous continuons à <a href="http://users.telenet.be/j.janssens/CommentsSPM4web.pdf">polluer l’environnement avec du dioxyde de carbone</a> <a href="https://doi.org/10.1093/reep/rez007">et du plastique</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Vue aérienne de chalutiers de pêche dans l’océan" src="https://images.theconversation.com/files/465067/original/file-20220524-12-x9cg52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/465067/original/file-20220524-12-x9cg52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/465067/original/file-20220524-12-x9cg52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/465067/original/file-20220524-12-x9cg52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/465067/original/file-20220524-12-x9cg52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/465067/original/file-20220524-12-x9cg52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/465067/original/file-20220524-12-x9cg52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La fermeture de la pêche en haute mer aurait un effet positif immense sur les stocks de poissons.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>Lorsque les individus, les communautés et les sociétés seront arrivés à calculer des valeurs réelles, nous serons en mesure d’élaborer les principes directeurs nécessaires à un mode de vie qui respecte la nature. Cette démarche nous motiverait à :</p>
<ul>
<li><p>gérer efficacement les <a href="https://doi.org/10.1080/00358533.2012.661532">stocks de poissons</a> ;</p></li>
<li><p>s’attaquer aux <a href="https://doi.org/10.3354/meps11135">facteurs de la surpêche</a> ;</p></li>
<li><p>supprimer ou rediriger les <a href="https://doi.org/10.1126/science.abm1680">subventions pour la pêche jugées préjudiciables</a> ;</p></li>
<li><p>reconstituer et rétablir les <a href="http://kenyacurrent.com/wp-content/uploads/2017/03/SunkenBillionsRevisited-embargoed14Feb17.pdf">stocks de poissons épuisés</a> ;</p></li>
<li><p>prévenir les <a href="https://doi.org/10.1139/f2011-171">marées noires</a> et la pollution marine par les plastiques ;</p></li>
<li><p>éliminer le <a href="https://doi.org/10.1126/sciadv.aaz3801">commerce illégal et illicite des prises de poissons</a> ;</p></li>
<li><p><a href="https://doi.org/10.1038/srep08481">fermer la pêche en haute mer</a> (zones situées au-delà des limites des compétences nationales) ;</p></li>
<li><p>traiter le changement climatique comme la <a href="https://elischolar.library.yale.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1019&context=fes-pubs">crise qu’il représente</a>.</p></li>
</ul>
<p>En dernier ressort, nous devons renoncer aux politiques préjudiciables qui encouragent les actions négatives perpétrées par l’humain sur la nature, telles que l’attribution de <a href="https://doi.org/10.3389/fmars.2020.539214">plus de 80 % des subventions mondiales pour la pêche aux flottes industrielles à grande échelle</a>, au détriment des petits pêcheurs côtiers, y compris la pêche traditionnelle et de subsistance.</p>
<h2>Les générations futures</h2>
<p>De bonnes choses viennent de l’océan, et d’autres, plus dommageables, y aboutissent.</p>
<p>Les gens prennent ce qu’ils veulent ou ce dont ils ont besoin dans l’océan, et ces biens sont intégrés dans nos systèmes économiques, culturels et sociaux. En retour, nous générons beaucoup de déchets, notamment, entre autres retombées négatives, des gaz à effet de serre qui sont absorbés par les océans et qui contribuent à l’augmentation de la température de surface des eaux, de leur niveau et de leur acidité.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Trois personnes sur une plage portant deux filets de poisson qui les séparent" src="https://images.theconversation.com/files/465069/original/file-20220524-13-77qtj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/465069/original/file-20220524-13-77qtj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/465069/original/file-20220524-13-77qtj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/465069/original/file-20220524-13-77qtj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/465069/original/file-20220524-13-77qtj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/465069/original/file-20220524-13-77qtj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/465069/original/file-20220524-13-77qtj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Atteindre l’« infinité de poissons » nous permettrait de léguer un océan sain à nos enfants et petits-enfants.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Une chose est sûre, nous devons prélever les bienfaits de l’océan de façon plus judicieuse et dans les limites imposées par la nature, tout en ramenant au strict minimum la pollution qui y parvient. Nous devons également veiller à ce que nous retirons de l’océan soit utilisé pour répondre aux besoins du plus grand nombre possible de personnes, notamment les plus vulnérables d’entre nous.</p>
<p>Pour atteindre l’infinité de poissons, il faut adopter une approche interdisciplinaire, fondée sur des partenariats qui permettent aux scientifiques, aux communautés autochtones, aux gouvernements, aux entreprises, aux ONG et à la société civile de créer ensemble des solutions.</p>
<p>L’océan est immense : il couvre 70 % de la surface de la Terre. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas le protéger. Nous disposons de l’intelligence et de l’empathie nécessaires pour garantir collectivement l’infinité de poissons pour les générations futures. Il faut simplement parvenir à des valeurs et des mesures précises.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184020/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rashid Sumaila a reçu des financements du CRSH, du CRSNG, du Pew Charitable Trusts et de Oceana. Outre l'University of British Columbia, il est affilié à la National University of Malaysia en tant que professeur international distingué.</span></em></p>L’être humain n’a pas su prendre soin de l’océan – et de l’environnement en général – parce qu’il sous-estime les biens et services qu’il lui procure.Rashid Sumaila, Director & Professor, Fisheries Economics Research Unit, University of British ColumbiaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1806292022-04-11T14:00:32Z2022-04-11T14:00:32ZVoici pourquoi on ne peut plus pêcher le maquereau et le hareng de printemps<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/456651/original/file-20220406-14103-qr3a8f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C1%2C962%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’annonce du ministère des Pêches et des Océans de suspendre la pêche au maquereau bleu et au hareng de printemps du sud du golfe du Saint-Laurent a fait des vagues à l’aube de l’ouverture de la saison de la pêche.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1872749/interdiction-peche-hareng-maquereau-mpo-golfe-atlantique">L’annonce de Pêches et Océans Canada</a> de suspendre la pêche commerciale au maquereau bleu et au hareng de printemps du sud du golfe du Saint-Laurent a fait des vagues à l’aube de l’ouverture de la saison de la pêche.</p>
<p>Cette décision aura des répercussions sur l’industrie des pêches à plusieurs niveaux puisque ces espèces sont pêchées non seulement à des fins commerciales, mais aussi pour servir d’appât dans les pêches au homard, au crabe des neiges ou encore au flétan de l’Atlantique. Toutefois, vu l’état précaire de la portion adulte et exploitable de ces populations, que l’on nomme le stock, la fermeture de la pêche s’avère la bonne décision.</p>
<p>Chercheurs en écologie halieutique, nous nous intéressons à la dynamique des stocks de poissons exploités commercialement. Nous expliquons ici les causes ayant mené à la suspension de la pêche au maquereau et au hareng de printemps du sud du golfe du Saint-Laurent, ainsi que ses implications pour l’industrie des pêches.</p>
<h2>Une forte mortalité chez les adultes</h2>
<p>La dernière évaluation des stocks de <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/ResDocs-DocRech/2020/2020_013-fra.html">maquereau bleu</a> et de <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/ResDocs-DocRech/2021/2021_030-fra.html">hareng de printemps du sud du golfe du Saint-Laurent</a> a révélé des taux de mortalité élevés chez les poissons adultes. On estime que malgré les fortes réductions des prises commerciales au cours des 20 dernières années, les quotas passant de 75 000 tonnes à 4 000 tonnes chez le maquereau, et de 16 500 tonnes à 500 tonnes chez le hareng de printemps, la mortalité par la pêche demeurait tout de même trop forte pour favoriser la croissance des stocks, en <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/SAR-AS/2021/2021_029-fra.html">particulier chez le maquereau</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/457154/original/file-20220408-28439-skvnfo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/457154/original/file-20220408-28439-skvnfo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457154/original/file-20220408-28439-skvnfo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457154/original/file-20220408-28439-skvnfo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457154/original/file-20220408-28439-skvnfo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457154/original/file-20220408-28439-skvnfo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457154/original/file-20220408-28439-skvnfo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457154/original/file-20220408-28439-skvnfo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La biomasse des stocks adultes de maquereau et de hareng de printemps a diminué jusqu’à atteindre des planchers records. Les données sont issues des rapports d’évaluation de stock de Pêches et Océans Canada.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Pablo Brosset)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En plus de la pression de pêche élevée, la mortalité naturelle des poissons par prédation a aussi rapidement augmenté, un <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/ResDocs-DocRech/2016/2016_065-fra.html">phénomène bien détaillé chez le hareng du sud du golfe du Saint-Laurent</a>.</p>
<p>Le <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/ResDocs-DocRech/2017/2017_052-fra.html">phoque gris</a>, aujourd’hui 16 fois plus abondant que dans les années 1960, constitue le principal prédateur du hareng.</p>
<p>Les populations de fous de Bassan de l’île Bonaventure et du Rocher aux oiseaux, d’importants consommateurs de <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/ResDocs-DocRech/2016/2016_065-fra.html">hareng</a> et de <a href="https://www.int-res.com/abstracts/meps/v587/p235-245/">maquereau</a>, <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/ResDocs-DocRech/2016/2016_065-fra.html">se situent également à des niveaux élevés</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/456655/original/file-20220406-14533-44b777.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="phoque gris sur une roche" src="https://images.theconversation.com/files/456655/original/file-20220406-14533-44b777.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/456655/original/file-20220406-14533-44b777.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/456655/original/file-20220406-14533-44b777.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/456655/original/file-20220406-14533-44b777.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/456655/original/file-20220406-14533-44b777.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/456655/original/file-20220406-14533-44b777.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/456655/original/file-20220406-14533-44b777.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le phoque gris est le plus grand prédateur du hareng.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Un autre grand prédateur responsable de la mortalité élevée du hareng adulte est le <a href="https://afspubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/mcf2.10150">thon rouge</a>, dont l’abondance a rapidement augmenté dans les eaux du golfe au cours de la dernière décennie.</p>
<h2>Des conditions néfastes pour la survie des larves</h2>
<p>En plus de la forte mortalité affectant les adultes, le déclin de l’abondance du maquereau et du hareng de printemps jusqu’aux présents planchers records s’explique par une baisse du recrutement de ces stocks.</p>
<p>Le recrutement, qui se définit comme l’arrivée d’une nouvelle cohorte annuelle au sein du stock adulte, est demeuré relativement faible depuis les années 2000 pour le hareng et depuis les années 2010 pour le maquereau. Cette réduction de la force du recrutement est fort probablement liée aux <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-020-73025-z">conditions environnementales devenues défavorables pour les larves</a>. En effet, lors des premières semaines de vie, alors que les jeunes poissons ne mesurent que quelques millimètres et subissent une forte mortalité, leur survie dépend directement du succès à s’alimenter de leurs proies principales, des crustacés microscopiques qui composent le zooplancton.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/456983/original/file-20220407-24-mhhvcl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="larves de poissons de toutes tailles" src="https://images.theconversation.com/files/456983/original/file-20220407-24-mhhvcl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/456983/original/file-20220407-24-mhhvcl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1042&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/456983/original/file-20220407-24-mhhvcl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1042&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/456983/original/file-20220407-24-mhhvcl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1042&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/456983/original/file-20220407-24-mhhvcl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1310&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/456983/original/file-20220407-24-mhhvcl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1310&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/456983/original/file-20220407-24-mhhvcl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1310&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La survie des larves de maquereau dépend de la disponibilité de leurs proies zooplanctoniques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Claude Nozères)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Or, le <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/ResDocs-DocRech/2021/2021_045-fra.html">réchauffement rapide du sud du golfe du Saint-Laurent</a> au cours des deux dernières décennies a altéré la composition, la distribution et la période de développement des organismes du zooplancton. Il en a résulté un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/fog.12272">déphasage spatial</a> et temporel entre l’émergence des larves de maquereau et de hareng de printemps et la production de leurs proies préférées. Ce décalage a affaibli le taux de survie larvaire et provoqué l’échec du recrutement, empêchant donc la reconstitution des stocks de poissons.</p>
<p>À la suite de la suspension de la pêche, le taux de rétablissement des stocks dépendra donc grandement du retour des conditions favorisant la survie larvaire et le recrutement. Les projections climatiques à court terme ne permettent malheureusement pas d’entrevoir un retour à des années plus froides, souvent caractérisées par un meilleur synchronisme des événements favorisant la survie des larves.</p>
<h2>Une pénurie d’appâts à prévoir</h2>
<p>L’impact de la fermeture de la pêche au hareng de printemps et au maquereau se répercute au-delà de la pêche commerciale dirigée sur ces deux stocks. En effet, ces espèces forment les principaux appâts dans les casiers à homard et à crabe des neiges, et sur les hameçons visant le flétan de l’Atlantique et le thon rouge. Ces pêcheries, parmi les plus lucratives du golfe, connaissent des beaux jours, ayant rapporté plus de <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/stats/commercial/land-debarq/sea-maritimes/s2020av-fra.htm">1,3 milliard de dollars aux pêcheurs du Québec et des provinces de l’Atlantique en 2020</a>.</p>
<p>La demande déjà forte en appâts se retrouve ainsi exacerbée. Les coûts supplémentaires anticipés en lien avec l’approvisionnement en appâts risquent d’accentuer <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/2022-03-31/le-prix-du-crabe-s-emballe.php">l’augmentation rapide des prix pour les ressources les plus prisées du golfe du Saint-Laurent</a>.</p>
<h2>Quelles sont les solutions ?</h2>
<p>La solution ultime à la présente crise est de poursuivre les mesures strictes de gestion des stocks de maquereau et de hareng visés par la suspension des pêches, pour préserver un nombre suffisant de reproducteurs dans l’attente de conditions environnementales favorables à leur rétablissement. Toutefois, comme ces espèces n’atteignent la taille minimale de capture permettant leur exploitation qu’à l’âge de 3 à 4 ans, on ne peut pas espérer d’effet à court terme des mesures de gestion si bien que nous devons nous armer de patience.</p>
<p>À court terme, les pêcheurs du sud du golfe du Saint-Laurent vont devoir compenser la pénurie d’appâts en s’approvisionnant en maquereau provenant de l’étranger, par exemple de l’Europe, où le stock est en meilleure santé. Les coûts directs et environnementaux de ce transport n’en font toutefois pas une solution idéale à long terme. La pêche au hareng d’automne, qui elle demeure ouverte, pourra également permettre aux pêcheurs de s’approvisionner plus tard dans la saison.</p>
<p>Finalement, une solution novatrice envisagée est l’élaboration d’appâts alternatifs, qui remplaceraient complètement le hareng et le maquereau dans les casiers à crustacés.</p>
<p>Des équipes de recherche travaillent présentement à élaborer une recette efficace pour la fabrication de tels appâts en utilisant des <a href="https://www.pecheimpact.com/appats-alternatifs-sur-une-bonne-piste-mais-encore-loin-de-la-coupe-aux-levres/">coproduits marins</a>. Les coproduits sont les matières dérivées de la transformation des produits de la mer en usine, valorisables autrement que dans l’alimentation humaine.</p>
<p>La fabrication d’appâts alternatifs est une piste de solution à envisager pour la valorisation des coproduits d’espèces comme le sébaste, dont la pêche à grande échelle devrait bientôt reprendre dans le golfe du Saint-Laurent à la suite de <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/ResDocs-DocRech/2021/2021_015-fra.html">l’augmentation rapide de ses effectifs</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180629/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Suspendre la pêche au maquereau bleu et au hareng de printemps du sud du golfe du Saint-Laurent aura des répercussions sur l’industrie des pêches à plusieurs niveaux.Dominique Robert, Professeur et Chaire de recherche du Canada en écologie halieutique, Université du Québec à Rimouski (UQAR)Pablo Brosset, Maître de conférences en biologie halieutique, Institut Agro Rennes-AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1763992022-02-10T16:05:10Z2022-02-10T16:05:10ZUne plongée dans les « forêts animales » formées par les gorgones en Méditerranée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/444641/original/file-20220206-19-142hy9v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« Forêt sous-marine » formée par la gorgone pourpre (_Paramuricea clavata_) au large de Marseille par 60 mètres de profondeur.</span> <span class="attribution"><span class="source">Romain Bricoult</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Les gorgones appartiennent au grand groupe des Cnidaires qui comprend, entre autres espèces, les <a href="https://theconversation.com/comment-le-rechauffement-risque-de-tuer-le-corail-48217">coraux</a>, les anémones de mer ou les méduses. Elles colonisent le fond des mers et des océans sur l’ensemble de la planète, des zones côtières peu profondes aux canyons sous-marins, des zones tempérées et tropicales aux zones polaires.</p>
<p>Doté d’un axe corné ou calcaire plus ou moins rigide, elles peuvent former des peuplements denses qui structurent le fond, formant de véritables « forêts animales » qui offrent des refuges à de très nombreuses espèces marines.</p>
<h2>L’un des plus beaux paysages sous-marins en Méditerranée</h2>
<p>En Méditerranée, entre la surface et 100 mètres de profondeur, 5 principales espèces de gorgones peuvent être rencontrées. L’une d’elles, la gorgone pourpre (<em>Paramuricea clavata</em>), forme des populations remarquables tant par leurs couleurs que par la taille des colonies qui peuvent dépasser un mètre de hauteur.</p>
<p>Elle constitue l’un des plus beaux paysages sous-marins de Méditerranée occidentale, prisé tant par les plongeurs amateurs que par les photographes. Les colonies présentes sont soit mâles soit femelles et toutes issues d’une larve ciliée (la planula). Leur croissance est lente (2 à 3 cm/an au maximum) et leur âge atteint plusieurs dizaines d’années.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/444385/original/file-20220203-21-148s931.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/444385/original/file-20220203-21-148s931.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444385/original/file-20220203-21-148s931.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444385/original/file-20220203-21-148s931.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444385/original/file-20220203-21-148s931.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444385/original/file-20220203-21-148s931.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444385/original/file-20220203-21-148s931.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444385/original/file-20220203-21-148s931.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Grande gorgone pourpre (<em>Paramuricea clavata</em>), espèce typique des fonds rocheux circalittoraux et des fonds coralligènes de Méditerranée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Dorian Guillemain</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des « forêts animales » fragilisées par les activités humaines…</h2>
<p><a href="https://www.mdpi.com/1424-2818/13/3/133">Les peuplements de gorgones pourpres, comme d’autres peuplements de gorgones, sont fragiles</a> et soumis à des pressions provoquées par les activités humaines en zone côtière. En Méditerranée, ces peuplements sont également régulièrement impactés par les conséquences du changement climatique.</p>
<p>Les ancrages des bateaux de plaisance (pêcheurs, plongeurs) et la pose des filets de pêche peuvent ainsi causer l’arrachage de ces fragiles colonies ou provoquer des blessures (nécrose) du tissu vivant recouvrant l’axe corné. Les zones mises à nue sont ensuite colonisées par un ensemble d’organismes épibiontes qui mettent en péril la survie de la colonie.</p>
<p>L’hypersédimentation liée aux aménagements côtiers, aux modifications des cours d’eau et aux autres rejets de sédiments dans le milieu marin constitue également une menace sur les peuplements de gorgones.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/444383/original/file-20220203-23-sp41rk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444383/original/file-20220203-23-sp41rk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444383/original/file-20220203-23-sp41rk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444383/original/file-20220203-23-sp41rk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444383/original/file-20220203-23-sp41rk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444383/original/file-20220203-23-sp41rk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444383/original/file-20220203-23-sp41rk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Filet de pêche pris dans un peuplement de gorgone pourpre. Lors de sa relève, il engendrera l’arrachement de colonies et des nécroses du tissu vivant recouvrant leur squelette corné.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Benoist de Vogüé</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>… et par le changement climatique</h2>
<p>Parallèlement à l’augmentation des activités humaines dans la zone côtière, le changement climatique s’est manifesté, ces dernières décennies, par l’apparition d’anomalies thermiques dans la colonne d’eau liées à des périodes d’absence de période de vent (mistral sur les côtes provençales).</p>
<p>La conséquence en est une plongée des couches « d’eau chaude » de surface (température > 22 °C) durant de longues périodes (plusieurs semaines). Ces eaux chaudes sont alors à l’origine d’épisodes de mortalité, plus ou moins importants, au sein des peuplements de gorgones habituellement exposés à des eaux plus froides (aux alentours de 13 à 15 °C).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/444382/original/file-20220203-9318-hzu2i5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444382/original/file-20220203-9318-hzu2i5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444382/original/file-20220203-9318-hzu2i5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444382/original/file-20220203-9318-hzu2i5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444382/original/file-20220203-9318-hzu2i5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444382/original/file-20220203-9318-hzu2i5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444382/original/file-20220203-9318-hzu2i5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Nécrose du tissu vivant ayant mis à nu le squelette corné d’une gorgone qui a été recouvert dans un deuxième temps par des organismes épibiontes. Cette nécrose a été engendrée par une anomalie thermique observée en 2014 jusqu’à 30 mètres de profondeur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Benoist de Vogüé</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://www.academia.edu/10389935/Mortalit%C3%A9_massive_d_invert%C3%A9br%C3%A9s_marins_un_%C3%A9v%C3%A9nement_sans_pr%C3%A9c%C3%A9dent_en_M%C3%A9diterran%C3%A9e_nord_occidentale">En 1999, une vaste anomalie thermique</a> a ainsi affecté les peuplements de gorgones en Méditerranée occidentale, de l’Espagne à l’Italie. En dehors des gorgones, une vingtaine d’autres espèces (éponges, mollusques bivalves, bryozoaires, ascidies) a également été touchée.</p>
<p>Cette anomalie thermique s’est caractérisée par la présence durant un mois d’une colonne d’eau chaude (23 à 24 °C) jusqu’à 40 à 60 mètres de profondeur. D’autres évènements de ce type ont ensuite été observés en 2003, 2006 ou 2009, affectant les gorgones de façon plus ou moins importantes.</p>
<p>Si l’augmentation de la température est à l’origine de ces épisodes de mortalité, les mécanismes sont multiples. Ils intègrent l’intervention de processus physiologiques, de modifications du microbiote associé aux gorgones, avec parfois la survenue d’agents pathogènes, mais aussi des facteurs génétiques conférant une résistance plus ou moins grande à ces stress thermiques.</p>
<p>En tenant compte des <a href="https://theconversation.com/surpeche-et-changement-climatique-la-mediterranee-et-la-mer-noire-en-premiere-ligne-111688">grands changements climatiques en cours</a>, une modification de la distribution géographique et bathymétrique de ces espèces structurantes et patrimoniales est ainsi attendue dans les décennies à venir.</p>
<h2>À la découverte d’un peuplement profond unique</h2>
<p>Si la répartition des peuplements de gorgones est bien assez bien connue jusqu’à une cinquantaine de mètres en Méditerranée, elle l’est beaucoup moins plus profondément.</p>
<p>Un peuplement singulier a ainsi été découvert il y a quelques dizaines d’années au large de la Côte bleue (rade nord de Marseille) entre 50 et 60 mètres de profondeur. Ce peuplement occupe un vaste plateau rocheux s’étendant sur prêt de 2500 hectares.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/444381/original/file-20220203-15-12sw0x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/444381/original/file-20220203-15-12sw0x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444381/original/file-20220203-15-12sw0x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=826&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444381/original/file-20220203-15-12sw0x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=826&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444381/original/file-20220203-15-12sw0x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=826&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444381/original/file-20220203-15-12sw0x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1038&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444381/original/file-20220203-15-12sw0x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1038&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444381/original/file-20220203-15-12sw0x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1038&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Gorgone pourpre (<em>Paramuricea clavata</em>) géante (taille humaine) découverte sur un fond rocheux au large de la Côte bleue (nord de Marseille) par 60 mètres de profondeur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Romain Bricoult</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Il se caractérise par une forte densité de gorgones, mais surtout par la présence de colonies géantes (entre 1,50 et 1,80 mètre de hauteur). L’âge présumé de telles colonies avoisine sans doute le siècle.</p>
<p>Ce gigantisme et cette concentration unique de colonies de <em>Paramuricea clavata</em> ont fait l’objet de deux études dont les objectifs étaient de comprendre l’origine de ces caractères particuliers (programme REFUCLIM) et d’aborder plus précisément leur répartition (programme GIGOR). Les résultats paraissent montrer qu’en dehors de leur morphologie ces gorgones sont génétiquement uniques et clairement distinctes de celles rencontrées moins profondément.</p>
<p>L’environnement qui les entoure est, quant à lui, très particulier. Les gorgones sont non seulement soumises régulièrement à de forts apports de matière organique liés à la proximité du panache du Rhône, mais les courants de fonds y sont globalement faibles. La conjonction de ces deux paramètres permet aux gorgones d’atteindre des tailles exceptionnelles.</p>
<h2>Un refuge vis-à-vis du réchauffement climatique ?</h2>
<p>Ces peuplements de <em>Paramuricea clavata</em> constituent un patrimoine remarquable, protégé pour l’instant du réchauffement des eaux méditerranéennes. Malheureusement, ils sont localement impactés par la pêche et plus particulièrement par la pêche plaisancière. En effet, le vaste plateau rocheux occupé par ces gorgones géantes est un lieu de concentration de daurades à l’automne, poissons convoités par les pêcheurs amateurs.</p>
<p>Jusqu’à 180 bateaux y ont ainsi été dénombrés en une journée (le 29 octobre 2016 suivant le comptage réalisé par le <a href="https://parcmarincotebleue.fr/">parc marin de la Côte bleue</a>) lors de la période de rassemblement des daurades. Les ancrages des bateaux et les lignes de pêche engendrent l’arrachage de nombreuses colonies géantes. La gestion de la fréquentation de cette zone, <a href="http://cotebleuemarine.n2000.fr/sites/cotebleuemarine.n2000.fr/files/documents/page/DOCOB_CBM_annexe2_fiches_socio-eco_avril2012.pdf">incluse dans une zone Natura 2000</a>, paraît donc indispensable si l’on veut allier subsistance d’un patrimoine naturel unique et pratique des activités humaines.</p>
<p>D’une façon plus générale, l’étude des peuplements profonds de gorgones constitue un axe de recherche majeur dans les années à venir, non seulement pour engager des mesures de protection adaptées, mais également pour mieux comprendre leurs connexions avec les peuplements occupant les plus faibles profondeurs.</p>
<p>Un des enjeux est notamment de savoir dans quel cas ces peuplements profonds peuvent <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-019-41929-0">constituer des populations refuges vis-à-vis du réchauffement climatique</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176399/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Sartoretto ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Cette espèce forme sous l’eau des peuplements denses qui offrent des refuges à de très nombreuses espèces marines.Stéphane Sartoretto, Chercheur en écologie marine (écosystèmes benthiques méditerranéens de substrat dur), IfremerLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1758812022-02-09T20:43:37Z2022-02-09T20:43:37ZUn filet de pêche biodégradable pour limiter la pollution plastique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/444753/original/file-20220207-999-1dg6tzh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La fragmentation des filets de pêche perdus a des conséquences néfastes pour la faune marine. </span> <span class="attribution"><span class="source">Juliette Lasserre</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Les engins de pêche (filets, casiers…) sont fabriqués à partir de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plastique-23485">plastiques</a> dont la durée de vie peut atteindre plusieurs centaines d’années, un vrai problème lorsqu’ils sont perdus en mer.</p>
<p>L’accumulation et la fragmentation progressive de <a href="https://theconversation.com/images-de-science-la-pollution-aux-microplastiques-144634">ces déchets dans les eaux</a> ont des conséquences néfastes pour la faune marine, comme l’ingestion de particules de plastique qui impacte ensuite l’ensemble de la chaîne alimentaire.</p>
<p>Autre problème notable dans la liste des <a href="https://doi.org/10.1038/s41598-021-86123-3">risques liés aux dispositifs de pêche dans l’environnement</a> : les engins perdus peuvent être à l’origine de ce qu’on nomme la « pêche fantôme », en continuant de piéger des animaux marins.</p>
<h2>Une offre alternative à construire</h2>
<p>Prenons l’exemple précis de la zone de la Manche où le secteur de la pêche et de l’aquaculture représente une activité économique importante, avec <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/647482/UK_Sea_Fisheries_Statistics_2016_Full_report.pdf">15 % des parts du marché européen</a>. Ici comme ailleurs, les professionnels manquent d’équipement à durée de vie contrôlée : il n’y a pour le moment pas d’engins de pêche biodégradable disponible sur le marché même si plusieurs projets de recherche sont en cours.</p>
<p>Or la substitution de ces plastiques par des matériaux biodégradables représente aujourd’hui une alternative promue par la <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?qid=1516265440535&uri=COM:2018:28:FIN">directive européenne</a>. Dans une démarche globale de réduction des déchets, il devient primordial d’adapter la durée de vie du matériau à son utilisation.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/444754/original/file-20220207-999-ozykas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444754/original/file-20220207-999-ozykas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=495&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444754/original/file-20220207-999-ozykas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=495&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444754/original/file-20220207-999-ozykas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=495&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444754/original/file-20220207-999-ozykas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=622&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444754/original/file-20220207-999-ozykas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=622&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444754/original/file-20220207-999-ozykas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=622&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Collecte de déchets en bord de mer, dont de nombreux filets de pêche échoués, sur la plage du Lohic (Morbihan), en janvier 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Juliette Lasserre</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>C’est dans cette optique que six institutions de recherche et quatre partenaires industriels se sont regroupés <a href="https://indigo-interregproject.eu/">au sein du projet INdIGO</a> pour assurer le développement et l’adoption d’un nouveau filet biodégradable par les professionnels de la pêche et de l’aquaculture.</p>
<p>INdIGO s’attache aussi à améliorer la prévention et la gestion des pollutions générées par les engins, en identifiant les filières de recyclage existantes et en développant une application pour localiser les engins déjà perdus via le programme de science participative « Fish & Click ».</p>
<h2>« Fish & Click », en savoir plus sur les engins de pêche perdus, abandonnés ou rejetés</h2>
<p>Depuis 2020, Fish & Click sollicite les usagers de la mer (plongeurs, pêcheurs, plaisanciers, promeneurs) afin de recenser le matériel de pêche perdu ou abandonné en mer et sur le littoral. Les observations sont signalées via un formulaire simple et accessible à tous, sur le <a href="https://fishandclick.ifremer.fr/">site Internet</a> ou sur l’application mobile <a href="https://play.google.com/store/apps/details?id=fr.ifremer.fishandclick">Fish & Click</a>. La catégorie du matériel retrouvé, le lieu, la date et une photo de l’engin de pêche sont demandés aux participants.</p>
<p>Les données recueillies doivent permettre de cartographier la répartition des déchets plastiques issus des activités de pêche et d’aquaculture et d’orienter le développement de matériaux biodégradables vers les types d’engins les plus enclins à être perdus.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/jG0_lFu5dH8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Présentation de Fish & Click (Ifremer, 2020).</span></figcaption>
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<p>Fish & Click compte aujourd’hui 440 observateurs et plus de 1860 signalements d’engins et de fragments d’engins perdus dans la zone de la Manche et en Bretagne Sud. Les observations sur le littoral représentent 85 % des signalements, les plages étant plus faciles d’accès que les explorations sous-marines.</p>
<p>Parmi les 18 000 engins signalés, les cordages constituent la majorité des signalements à terre, notamment en Bretagne et dans les Hauts-de-France. La tendance est tout autre en Normandie, puisqu’environ 60 % des signalements sont dans la catégorie « autre » et concernent du matériel d’aquaculture (filet de mytiliculture, poches ostréicoles…). Une part importante de ce matériel est également signalée en Bretagne Nord (25 %).</p>
<p>En mer, trois types d’engins perdus sont majoritairement observés : les lignes, les cordages et les casiers respectivement dans le nord-est du Golfe de Gascogne, la mer Celtique et la Manche. Le nombre d’observations est très variable d’une zone à l’autre, que ce soit en mer ou sur le littoral. La poursuite de la collecte de données par les citoyens permettra de consolider ces résultats.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1463553004041297926"}"></div></p>
<h2>Les engins de pêche biodégradables</h2>
<p>Dans le cadre du projet INdIGO, l’un des objectifs concerne la mise au point d’un engin de pêche résistant et biodégradable en milieu marin.</p>
<p>Pour cela, il faut d’abord s’entendre sur ce que signifie « biodégradable ».</p>
<p>Évoquer les biomatériaux exige en effet d’identifer au mieux les aspects d’origine et de fin de vie. Le terme « bioplastique » renvoie ainsi à trois familles de polymères : les polymères biosourcés et biodégradables, les polymères biosourcés et non biodégradables et les polymères non biosourcés mais biodégradables.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/bienvenue-dans-le-monde-du-biosource-112719">Le terme « biosourcé »</a> s’applique aux polymères dont la majorité des constituants est issue de la biomasse, c’est-à-dire de matières premières renouvelables qui peuvent se régénérer sur une période de temps significative à l’échelle humaine. Les ressources minérales et les énergies fossiles sont considérées comme des ressources naturelles, mais non renouvelables, ne pouvant se régénérer sur une période suffisamment courte pour les activités humaines.</p>
<p>Le terme « biodégradable » s’applique aux polymères issus de ressources renouvelables ou non. En effet, la biodégradabilité dépend principalement de la structure chimique du plastique et des caractéristiques du milieu dans lequel il est placé (compost industriel, sol réel, milieu marin…). Selon la <a href="https://www.boutique.afnor.org/fr-fr/norme/nf-en-13432/emballage-exigences-relatives-aux-emballages-valorisables-par-compostage-et/fa049121/454">norme NF EN 13432</a>, la biodégradabilité désigne la capacité intrinsèque d’un matériau à être dégradé par une attaque microbienne, pour simplifier progressivement sa structure et finalement se convertir facilement en eau, CO<sub>2</sub> et/ou CH<sub>4</sub> et une nouvelle biomasse.</p>
<h2>En conditions réelles</h2>
<p>La première étape concernant la mise au point d’un engin de pêche résistant et biodégradable en milieu marin correspond au développement d’une nouvelle formulation, composée d’un mélange de plastiques, qui sera utilisée pour fabriquer les monofilaments (filaments composés d’un brin unique) et multifilaments (filaments composés de plusieurs brins).</p>
<p>Les acteurs du projet tentent ainsi de concevoir la meilleure combinaison possible afin d’élaborer des matériaux avec les propriétés requises (résistance, élasticité, efficacité…).</p>
<p>Deux prototypes de filets biodégradables seront ensuite développés en mai 2022 dans le but de remplacer une partie des filets actuellement utilisés pour l’aquaculture (filet de catinage) et pour la pêche (filet fin).</p>
<p>L’une des particularités de ce projet concerne l’étude approfondie du comportement du filet en conditions réelles, tout en s’assurant que l’impact sur l’environnement est nul. Des tests de déploiement en mer seront réalisés par la suite avec les professionnels de la pêche et de l’aquaculture.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/une-nouvelle-version-de-la-nasse-a-poisson-pour-limiter-limpact-de-la-peche-155619">Une nouvelle version de la nasse à poisson pour limiter l’impact de la pêche</a>
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<p>Le suivi de la dégradation du filet sera étudié via des tests de vieillissement en mer. Des tests de biodégradation et d’écotoxicité permettront de vérifier scientifiquement que les filets INdIGO, en fin de vie, sont réellement assimilables par les micro-organismes, sans aucun impact sur l’environnement marin.</p>
<p>Enfin, une analyse du cycle de vie permettra de modéliser différents scénarios de fin de vie du nouveau filet, afin de fournir une analyse robuste pour évaluer les impacts environnementaux à chaque étape de la vie du produit.</p>
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<p><em>Juliette Lasserre (Ifremer) a contribué à l’élaboration de cet article. <a href="http://indigo-interregproject.eu/newsletter/">Une newsletter dédiée</a> permet de suivre l’avancement du projet INdIGO</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175881/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La fragmentation des déchets plastiques dans les eaux a des conséquences très néfastes pour la faune. Des recherches sont conduites pour élaborer des filets de pêche résistants et moins polluants.Morgan Deroiné, Ingénieure R&D matériaux biodégradables, Université Bretagne SudLaetitia Miquerol, Ingénieur en écologie marine, IfremerLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1755322022-02-06T17:59:01Z2022-02-06T17:59:01ZPêche, pollution, réchauffement : comment les sciences marines peuvent nous aider à sauvegarder l’océan<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/444115/original/file-20220202-15-10jrin4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le robot submersible Ariane, utilisé dans des missions de prélèvement, d’inspection ou de cartographie, peut descendre jusqu’à 2500 mètres de profondeur. </span> <span class="attribution"><span class="source">Olivier Dugornay / Ifremer</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Parce qu’un océan en bonne santé conditionne l’équilibre planétaire et, pour cette raison, le bien-être et la santé des femmes et des hommes, le rôle des sciences océaniques n’a jamais été aussi important pour comprendre la dégradation actuelle du plus grand écosystème mondial et imaginer des solutions.</p>
<p>À l’occasion du <a href="https://oneoceansummit.fr/?trk=public_post_share-update_update-text">One Ocean Summit</a>, qui se tient à Brest du 9 au 11 février 2022, scientifiques, acteurs publics et privés et chefs de gouvernement partageront diagnostics et remèdes pour améliorer l’état du « patient ». Convié à la table des débats, l’Ifremer revient sur différentes pistes de recherche prometteuses.</p>
<h2><em>Mare incognitum</em></h2>
<p>Si elle est baptisée la Terre, ce nom est finalement peu conforme à la réalité d’une planète où l’élément liquide prédomine. La terre ferme n’occupe guère qu’un peu moins de 30 % de la surface du globe tandis que l’océan recouvre les 70 % restants.</p>
<p>Plus grand écosystème monde, l’océan reste malgré tout un grand inconnu : une <em>mare incognitum</em>. Rien que les abysses abriteraient jusqu’à un million d’espèces non répertoriées par les scientifiques…</p>
<p>C’est dire le besoin de sciences pour lever le voile sur cet univers encore si mystérieux, mais dont l’importance pour la bonne santé de la planète comme celle des êtres vivants ne fait, elle, plus mystère.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1488160804285390849"}"></div></p>
<p>L’océan constitue la principale source de protéines pour trois milliards d’êtres humains. Il est également responsable d’environ 50 % de l’oxygène produit sur la planète. Sans oublier les ressources énergétiques et la valorisation des molécules issues de la biodiversité marine (nouveaux médicaments, par exemple).</p>
<p>Mais son intérêt ne se limite pas à prodiguer des ressources, il est aussi un maillon essentiel à la bonne marche de la planète comme principal régulateur du climat. Une fonction précieuse à l’heure où le réchauffement climatique s’accélère.</p>
<p>Mais c’est au prix de lourdes conséquences sur la santé de l’océan, avec une manifestation de symptômes durablement préoccupants : réchauffement de la température des eaux, y compris en profondeur, et acidification du milieu, désoxygénation, élévation du niveau de la mer. Trop sollicitée, la <a href="https://www.ocean-climate.org/wp-content/uploads/2015/03/FichesScientifiques-ocean-pompe-carbone.pdf">« pompe » océanique se grippe</a>… Combinés aux impacts de la surpêche, de la pollution, et de la destruction des habitats, ces maux aboutissent à une érosion de la biodiversité marine, menacée avant même d’être totalement inventoriée.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lacidification-des-oceans-lautre-danger-du-co-114716">L’acidification des océans, l’autre danger du CO₂</a>
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<p>Pour préserver la face bleu marine de notre planète, la recherche en sciences océaniques doit ainsi s’atteler à quatre défis prioritaires : la gestion durable des ressources, la préservation de la biodiversité, la lutte contre les pollutions, et le dérèglement climatique.</p>
<h2>Une pêche plus durable avec la science</h2>
<p>La quantité de produits de la mer consommés dans le monde a déjà été <a href="https://www.fao.org/3/ca9231fr/CA9231FR.pdf#page=16">multipliée par 5 depuis les années 1960</a>, autant du fait de l’augmentation de la population mondiale que de celle de la consommation individuelle. Environ la moitié provient de captures de ressources marines sauvages, ce qui illustre l’importance de la pêche dans l’alimentation mondiale et européenne. <a href="https://www.fao.org/3/ca9231fr/CA9231FR.pdf">Et les projections de la FAO</a> et de l’OCDE prévoient une pression de la demande en poissons encore plus forte à l’avenir.</p>
<p>Les données produites par la recherche scientifique sont capitales pour éclairer les politiques de gestion des pêches. Même si les objectifs fixés, notamment en Europe dans le cadre de la politique commune de la pêche, sont encore loin d’être atteints, des avancées significatives ont été obtenues.</p>
<p><a href="https://wwz.ifremer.fr/Expertise/Peches-maritimes/Bilan-de-l-etat-des-populations-de-poissons-pechees-en-France/Bilan-2020-de-l-etat-des-populations-de-poissons-pechees-en-France">Dans son bilan 2020 de l’état des poissons pêchés en France</a>, l’Ifremer indique que 60 % des débarquements français proviennent de populations exploitées durablement contre seulement 15 % il y a 20 ans. La <a href="https://wwz.ifremer.fr/Expertise/Peches-maritimes/Bilan-de-l-etat-des-populations-de-poissons-pechees-en-France/Bilan-2020-de-l-etat-des-populations-de-poissons-pechees-en-France/Quel-bilan-en-Mediterranee">situation de la Méditerranée</a>, marquée par une surpêche chronique reste cependant préoccupante.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1471737682111995907"}"></div></p>
<p>Pour tenter d’inverser la tendance, l’Europe a instauré un tout premier <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/eu-fish-stocks/multiannual-management-plans/">plan de gestion pluriannuel</a> en janvier 2020, les scientifiques contribuant à l’analyse de différents scénarios pour sa mise en œuvre.</p>
<p>De même, des travaux scientifiques sont en cours pour produire des connaissances et des avis sur les stocks halieutiques exploités par les flottilles des Antilles, de la Guyane, de la Réunion et de Mayotte, en vue d’améliorer les dispositifs de gestion des ressources.</p>
<p>Plusieurs exemples dans l’histoire récente attestent que de tels plans d’urgence ont été en capacité de redresser la barre : le <a href="https://wwz.ifremer.fr/Expertise/Peches-maritimes/Bilan-de-l-etat-des-populations-de-poissons-pechees-en-France/Bilan-2020-de-l-etat-des-populations-de-poissons-pechees-en-France/Le-merlu-une-histoire-entre-avis-de-tempetes-et-accalmies">merlu</a> du golfe de Gascogne et de la mer Celtique ou le <a href="https://wwz.ifremer.fr/content/download/41835/file/DP%20thon%20rouge%202019_MiseAjour.pdf">thon rouge</a> de Méditerranée et de l’Atlantique, dont les populations ont fortement augmenté ces dernières années, en fournissent de belles illustrations.</p>
<p>L’innovation est aussi l’une des clés pour une pêche plus durable : si l’être humain a déployé pendant des siècles des trésors d’ingéniosité pour pêcher plus, l’heure est venue aujourd’hui de pêcher mieux. Cela passe par une sélectivité accrue des engins de pêche et par une diminution de leur impact sur l’environnement marin.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1468593266148974599"}"></div></p>
<p>Une piste prometteuse explore par exemple les technologies de « deep learning » pour rendre les filets « intelligents ». Le principe : coupler l’emploi de la vidéo à de l’intelligence artificielle pour que le filet s’ouvre ou se ferme automatiquement <a href="https://gameoftrawls.ifremer.fr/">pour ne cibler que les espèces désirées</a>.</p>
<h2>Comment préserver et restaurer la biodiversité ?</h2>
<p>Sur le front de la protection de la biodiversité marine, l’innovation scientifique peut également soutenir la mise en œuvre de politiques visant à la préservation des espèces et habitats sensibles.</p>
<p>Cette innovation se matérialise par exemple par l’installation d’observatoires qui permettent de mieux connaître les écosystèmes et suivre leur évolution. Depuis 10 ans, l’observatoire des grands fonds Emso Açores assure en continu le suivi d’un champ hydrothermal. Il contribue chaque année à une meilleure compréhension de l’environnement abyssal et de ses espèces, encore largement méconnues.</p>
<p>Tout récemment, un <a href="https://wwz.ifremer.fr/Actualites-et-Agenda/Toutes-les-actualites/Mieux-proteger-les-coraux-profonds-un-observatoire-unique-dans-le-golfe-de-Gascogne">nouvel observatoire</a> vient d’être installé dans un canyon sous-marin au large de la Bretagne. Son rôle est d’étudier les <a href="https://theconversation.com/connaissez-vous-les-coraux-deau-froide-144314">coraux d’eaux froides</a>, menacés par les activités humaines.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1296318153052626945"}"></div></p>
<p>Les chercheurs participent également à la réintroduction de certaines populations en déclin. Un projet de <a href="https://wwz.ifremer.fr/Actualites-et-Agenda/Toutes-les-actualites/L-huitre-plate-de-l-espoir-sous-la-coquille">restauration de l’huître plate</a>, espèce menacée d’extinction, a notamment permis d’aider de jeunes larves à coloniser des supports artificiels immergés en rade de Brest et en baie de Quiberon.</p>
<p>Les scientifiques ont montré les conditions environnementales idéales pour l’espèce : une eau à 18 °C, une salinité suffisante, et des supports rugueux pour l’accroche du bivalve. Ces résultats appuieront les mesures de gestion nécessaires pour le retour de l’huître plate.</p>
<p>Autre exemple, <a href="https://theconversation.com/dans-la-rade-de-toulon-un-ecosysteme-artificiel-pour-sauver-les-poissons-145252">dans la Rade de Toulon</a> : une équipe de chercheurs a conçu et installé des récifs artificiels en béton surmontés d’herbiers, artificiels eux aussi. Le but étant d’offrir des zones refuges aux petits poissons qui pourront grandir à l’abri des prédateurs et renforcer ensuite les populations naturelles.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1301813861805428736"}"></div></p>
<p>Des travaux, menés dans le cadre d’un partenariat avec l’Agence française de développement, sont également en cours pour développer des outils permettant de restaurer efficacement les récifs coralliens menacés par des épisodes de blanchiment dans l’océan Pacifique.</p>
<h2>Intensifier la lutte contre les pollutions</h2>
<p>Entre terre et mer, la frontière n’est pas étanche, au point que <a href="https://theconversation.com/microplastiques-en-mer-les-solutions-sont-a-terre-111224">80 % de la pollution des mers</a> a une origine terrestre et se déverse via les fleuves et la bande littorale. Néanmoins, à la faveur d’actions publiques fortes notamment sur l’assainissement, cette pollution peut reculer comme nous l’avons constaté en France avec une amélioration de la qualité du milieu marin avérée depuis 30 ans.</p>
<p><a href="https://wwz.ifremer.fr/Expertise/Pour-un-littoral-mieux-preserve-et-restaure">Les derniers résultats de la surveillance du littoral</a> font ainsi apparaître une amélioration sur plusieurs fronts : contamination chimique, contamination microbiologique, prolifération des microalgues et eutrophisation. Toutefois, des points de vigilance persistent sur certaines zones du littoral ainsi que dans les territoires ultra-marins, confrontés à de problématiques spécifiques (chlordécone, sargasse, ciguatera).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1448969034100318262"}"></div></p>
<p>La pollution plastique fait l’objet d’une attention particulière. Une étude récente établit que <a href="https://wwz.ifremer.fr/Actualites-et-Agenda/Toutes-les-actualites/Pourquoi-le-nombre-de-microplastiques-a-la-surface-des-oceans-a-t-il-ete-multiplie-par-5-Parole-de-scientifique-8">8 à 18 millions de tonnes de déchets plastiques</a> arrivent en mer chaque année. Non biodégradables, ces déchets se fragmentent en microplastiques, de taille inférieure à 5 mm. Les scientifiques évaluent à <a href="https://wwz.ifremer.fr/L-ocean-pour-tous/Sciences-Societe/Parole-de-scientifique/Pourquoi-le-nombre-de-microplastiques-a-la-surface-des-oceans-a-t-il-ete-multiplie-par-5-Parole-de-scientifique-8">24 400 milliards la quantité de ces fragments présents dans l’océan</a>, soit 5 fois plus qu’on ne le supposait jusqu’ici !</p>
<p><a href="https://theconversation.com/images-de-science-la-pollution-aux-microplastiques-144634">Les conséquences pour la faune et la flore</a> sont loin d’être anecdotiques. Les microplastiques servent de cheval de Troie à tout un écosystème microscopique de bactéries, virus, microalgues ou microprédateurs qui « embarquent » sur les plastiques comme sur autant de radeaux de survie. Certaines espèces invasives utilisent aussi ce nouveau moyen de déplacement pour conquérir des territoires supplémentaires.</p>
<p>Autre écueil causé par cette « invasion » : les organismes filtreurs confondent les microparticules et nanoparticules de plastique avec le plancton et les ingèrent. <a href="https://theconversation.com/que-se-passe-t-il-quand-les-huitres-avalent-des-microplastiques-137921">Une expérimentation sur l’huître creuse <em>Crassostrea Gigas</em></a> a révélé qu’une exposition des mollusques en laboratoire à des microparticules et nanoparticules de polystyrène affecte leur reproduction.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1276018446346657797"}"></div></p>
<p>La pollution de l’océan n’est pas le seul fait des microplastiques et celle-ci reste encore largement méconnue. Aussi, mieux comprendre la nature de cette pollution et ses effets sur la biodiversité constitue l’un des 7 axes du <a href="https://www.cnrs.fr/sites/default/files/press_info/2021-06/05_PPR.pdf">programme de recherche « Océan et Climat »</a>, piloté conjointement par l’Ifremer et le CNRS.</p>
<h2>Eviter la surchauffe</h2>
<p>Longtemps l’océan a été ignoré comme un facteur clé de l’équation climatique par manque de connaissances sur le fonctionnement de l’environnement marin. Depuis sa création dans les années 2000, le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=poP4i_XK-XU">programme international Argo</a> a contribué à rendre les secrets de l’océan moins impénétrables grâce à un <a href="https://theconversation.com/images-de-science-des-petits-robots-autonomes-qui-revolutionnent-lobservation-de-locean-163524">réseau de plus de 4000 flotteurs chargés de surveiller l’océan en temps quasi réel</a>. Des données qui ont permis aux sciences marines de faire un pas de géant.</p>
<p>Au fur et à mesure que les chercheurs assemblent les pièces du puzzle, on découvre que l’océan agit comme un amortisseur des effets du changement climatique : il a absorbé depuis le début de l’ère industrielle <a href="https://ocean-climate.org/wp-content/uploads/2020/01/1.-Loc%C3%A9an-r%C3%A9servoir-de-chaleur-Fiches-S-2019-.pdf">93 % de l’excès de chaleur</a> généré par les activités humaines et de <a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/3/2019/09/SROCC_PressRelease_EN.pdf">30 % à 40 % du CO₂</a> présent dans l’atmosphère !</p>
<p>Une « générosité » qui n’est pas sans conséquence : l’océan a enregistré un nouveau record de chaleur en 2021 qui renforce une série de signaux préoccupants pour sa santé et celles de ses « habitants » : poursuite de l’élévation du niveau de la mer, diminution de l’oxygène dissous dans l’eau, acidification de l’océan, stress thermique pour certaines espèces marines ; mais aussi intensification des événements météorologiques extrêmes auxquels les territoires ultra-marins sont particulièrement vulnérables.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1204076097652088834"}"></div></p>
<p>Les huîtres et les moules peuvent par exemple souffrir, comme les coraux, de la diminution de la concentration en carbonate de calcium, élément chimique indispensable à la construction de leur coquille. Les chercheurs ont pu mettre en évidence que les mollusques, placés dans des conditions plus acides, présentent une coquille moins épaisse et plus légère, suggérant une moindre résistance à la prédation et aux chocs (vagues ou manipulations conchylicoles).</p>
<p>Pour la première fois, un <a href="https://wwz.ifremer.fr/Espace-Presse/Communiques-de-presse/Anticiper-l-impact-du-changement-climatique-sur-les-huitres-et-les-moules">projet scientifique</a> s’attache d’ailleurs à étudier les effets combinés du réchauffement climatique et de l’acidification sur plusieurs générations de bivalves du Nord de la Bretagne à la Méditerranée.</p>
<h2>Construire une gouvernance internationale</h2>
<p>Bien que récente, la prise de conscience de la communauté internationale sur le rôle primordial de l’océan dans les problématiques climatiques et de biodiversité est aujourd’hui réelle. La montée en puissance des sciences océaniques s’affirme comme une nécessité pour préserver un écosystème en voie de dégradation.</p>
<p>Signe de cette nouvelle dynamique : le développement des aires marines protégées, la création de structures de gouvernance comme l’IPBES ou la conférence intergouvernementale de l’ONU sur la biodiversité marine en haute mer (hors juridictions nationales). En témoigne aussi la publication d’un <a href="https://twitter.com/valmasdel/status/1204076097652088834?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1204076097652088834%7Ctwgr%5E%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Ftheconversation.com%2Fdrafts%2F175532%2Fedit">rapport spécial du GIEC consacré aux océans et à la cryosphère</a>, ou encore <a href="https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000375148_fre">l’augmentation continue du nombre de publications scientifiques</a> touchant ce domaine.</p>
<p><a href="https://fr.unesco.org/ocean-decade">La Décennie des Nations unies</a> pour les sciences océaniques au service du développement durable, proclamée par l’ONU en 2021, constitue un autre jalon d’importance pour fédérer la communauté scientifique internationale, les gouvernements et la société civile autour de la recherche de changements transformateurs pour la conservation et l’exploitation durable des mers.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1442414975549534212"}"></div></p>
<p>En octobre 2021, la campagne internationale <a href="https://oneoceanscience.com/">One Ocean Science</a> a poursuivi ce même objectif en rassemblant des scientifiques de 37 organismes de recherche et de 33 pays pour se faire l’écho du rôle essentiel que doivent tenir les sciences océaniques pour mieux connaître et protéger l’océan.</p>
<p>C’est ce même sillage que creuse le One Ocean Summit qui se tiendra à Brest cette semaine, en présence de scientifiques experts de ces questions et de chefs d’État, avec une ambition commune : que l’océan ne soit plus seulement une source de préoccupation mondiale, mais aussi une porte ouverte sur de nouvelles solutions.</p>
<hr>
<p><em>Marie Levasseur (Ifremer) a co-écrit cet article. Clara Ulrich, Wilfried Sanchez et Philippe Goulletquer (Ifremer) ont contribué à son élaboration</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175532/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>À l’occasion du One Ocean Summit, qui se tient cette semaine à Brest du 9 au 11 février 2022, tour d’horizon des pistes de recherche prometteuses pour protéger le plus grand écosystème de notre planète.Anne Renault, Directrice scientifique, IfremerClara Ulrich, Coordinatrice des expertises halieutiques, IfremerLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1737722021-12-20T18:51:40Z2021-12-20T18:51:40ZLe pétoncle noir bientôt de retour en Bretagne ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/437984/original/file-20211216-21-184oz5.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De jeunes pétoncles sont semés par l’équipe de l’écloserie du Tinduff (Finistère) sur des zones préalablement enrichies en substrats pour leur permettre de se fixer.</span> <span class="attribution"><span class="source">Stéphane Pouvreau / Ifremer</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Longtemps pêché sur la côte atlantique française – principalement en rade de Brest, dans les Pertuis charentais et le bassin d’Arcachon –, le pétoncle noir (<em>Mimachlamys varia</em>) se fait de plus en plus rare.</p>
<p>Peu connu, il a pour cousin le pétoncle blanc, souvent appelé « vanneau » et plus largement consommé. Tous deux appartiennent à la famille des pectinidés, celle de la coquille Saint-Jacques. Moins répandu, le pétoncle noir fait l’objet d’une consommation plus restreinte et surtout locale. Les amateurs lui trouvent des qualités gustatives supérieures à celles du pétoncle blanc, du fait de son goût à mi-chemin entre la coquille et l’huître.</p>
<p>Au cours des dernières décennies, les stocks de <em>Mimachlamys varia</em> se sont effondrés, sous l’action conjointe de la surpêche et de la dégradation ou perte d’habitat. Dans les années 1970, la pêcherie du pétoncle noir produisait <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00000/6041/">700 tonnes en rade de Brest</a>. Cette production est tombée à 70 tonnes dans les années 2010 ; la pêcherie a été fermée en 2018, faute de stocks suffisants.</p>
<p>Aujourd’hui, l’avenir de cette exploitation par la pêche est incertain, notamment en rade de Brest.</p>
<h2>Réintroduire l’espèce durablement</h2>
<p>Dans le cadre d’un projet de recherche – <a href="https://wwz.ifremer.fr/mascoet/">Mascoet</a>, réunissant des équipes de l’Ifremer, de l’université de Brest, des comités des pêches et une écloserie située en rade de Brest (celle du Tinduff) – des travaux sont conduits pour mieux connaître cette espèce.</p>
<p>Un des volets du projet concerne l’étude des conditions favorables à sa croissance (température, salinité, régime alimentaire…), mais aussi les conditions favorables à son implantation et son maintien en milieu naturel ; un effort particulier est ainsi consacré à l’étude de son habitat.</p>
<p>Le pétoncle noir a besoin de supports pour se fixer sur le fond, se développer (failles de roches, blocs, coquilles d’autres bivalves et notamment celles de l’huître plate, <em>Ostrea edulis</em>) et obtenir un abri contre ses principaux prédateurs – les étoiles de mer, les dorades. Mais, dans les zones fréquemment draguées, ces supports se raréfient.</p>
<p>L’ambition des scientifiques est de pouvoir proposer des solutions de réintroduction de l’espèce et de reconquête de ses conditions d’habitat favorable dans les sites historiques de présence. Pour permettre une reprise de son exploitation par les professionnels de façon durable.</p>
<p>Nous vous proposons de suivre en photos ces travaux sur le terrain…</p>
<h2>Des écoblocs en guise de maison</h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/437985/original/file-20211216-21-pni4zu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/437985/original/file-20211216-21-pni4zu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/437985/original/file-20211216-21-pni4zu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/437985/original/file-20211216-21-pni4zu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/437985/original/file-20211216-21-pni4zu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/437985/original/file-20211216-21-pni4zu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/437985/original/file-20211216-21-pni4zu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/437985/original/file-20211216-21-pni4zu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Écoblocs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Matthias Huber/Ifremer</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans le cadre des opérations de restauration écologique de l’habitat favorable aux pétoncles – comme ici (photo ci-dessus) sur le site du Roz en baie de Daoulas dans la rade de Brest –, de petits blocs de béton coquillier, fabriqués à partir de poudre de coquilles d’huîtres, sont proposés à des jeunes pétoncles.</p>
<p>Ces derniers viennent s’abriter à l’intérieur de chaque niche prévue à cet effet. Alors qu’il n’y a plus aucun pétoncle sur le fond, chaque écobloc abrite plus d’une dizaine de pétoncles.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/437986/original/file-20211216-13-4srufg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/437986/original/file-20211216-13-4srufg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/437986/original/file-20211216-13-4srufg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/437986/original/file-20211216-13-4srufg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/437986/original/file-20211216-13-4srufg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/437986/original/file-20211216-13-4srufg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/437986/original/file-20211216-13-4srufg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/437986/original/file-20211216-13-4srufg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Comptage des pétoncles dans les écobocs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphane Pouvreau/Ifremer</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Des opérations de comptage des pétoncles présents dans chaque écobloc sont conduites, comme ici (photo ci-dessus) sur le chantier pilote de la rade de Brest ; on y compte une trentaine d’écoblocs déposés sur une surface de 5 m<sup>2</sup>. La densité actuelle est de 500 pétoncles sur l’ensemble du chantier, soit environ 100 pétoncles par m<sup>2</sup>.</p>
<p>Ce suivi va se poursuivre tout au long du projet et de nouveaux types d’écoblocs, de plus en plus bioinspirés, vont être testés.</p>
<h2>Un destin lié à celui des huîtres plates</h2>
<p>Comme les moules, le pétoncle noir vit fixé à l’aide d’un byssus sur divers supports : les failles de roches, les blocs de rocher, les coquilles d’autres bivalves et tout particulièrement sur celle de l’huître plate (<em>Ostrea edulis</em>).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/437987/original/file-20211216-25-1goeus4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/437987/original/file-20211216-25-1goeus4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/437987/original/file-20211216-25-1goeus4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/437987/original/file-20211216-25-1goeus4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/437987/original/file-20211216-25-1goeus4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/437987/original/file-20211216-25-1goeus4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/437987/original/file-20211216-25-1goeus4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/437987/original/file-20211216-25-1goeus4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les huîtres, un des habitats favoris des pétoncles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphane Pouvreau/Ifremer</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Même si le pétoncle peut changer plusieurs fois de support au cours de sa vie, les huîtres plates mortes présentant leurs deux valves intactes offrent des abris de premier choix permettant au pétoncle de se protéger des prédateurs (étoiles de mer, dorades).</p>
<p>Historiquement, les fonds de la rade de Brest hébergeaient d’importants <a href="https://www.encyclopedie-environnement.org/vivant/huitres-meconnus-milieux-cotiers/">bancs sauvages d’huîtres plates</a>, espèce quasi disparue aujourd’hui, en lien avec la surexploitation, la dégradation des milieux et l’émergence de maladies parasitaires. La disparition de ces supports a fortement contribué au déclin du pétoncle.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/438044/original/file-20211216-17-102xsii.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/438044/original/file-20211216-17-102xsii.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/438044/original/file-20211216-17-102xsii.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/438044/original/file-20211216-17-102xsii.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/438044/original/file-20211216-17-102xsii.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/438044/original/file-20211216-17-102xsii.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/438044/original/file-20211216-17-102xsii.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/438044/original/file-20211216-17-102xsii.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les branchies du pétoncle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Olivier Dugornay/Ifremer</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Le pétoncle noir est un microphage filtreur qui se nourrit en piégeant les particules organiques en suspension dans l’eau de mer, tout particulièrement le phytoplancton qui constitue une source de nourriture majeure.</p>
<p>Une fois les particules piégées par les branchies – ces lames orange aplaties, visibles dans la cavité palléale que l’on distingue sur la photo ci-dessus –, elles sont conduites via des sillons vers les palpes labiaux qui les amènent ensuite vers la bouche. D’autres sources peuvent contribuer à son régime alimentaire telles que le microphytobenthos lorsqu’il est remis en suspension, et les détritus de macroalgues.</p>
<p>En rade de Brest, étant donné que les sources de nourritures fluctuent en fonction des paramètres du milieu (conditions de marées, apports continentaux et océaniques, charge particulaire…), la quantité et la qualité des ressources alimentaires disponibles constituent des paramètres importants à considérer puisqu’ils déterminent la croissance et le contenu énergétique de l’animal.</p>
<h2>En attendant que grandissent les pétoncles</h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/438043/original/file-20211216-13-1t1adhq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/438043/original/file-20211216-13-1t1adhq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/438043/original/file-20211216-13-1t1adhq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/438043/original/file-20211216-13-1t1adhq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/438043/original/file-20211216-13-1t1adhq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/438043/original/file-20211216-13-1t1adhq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/438043/original/file-20211216-13-1t1adhq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/438043/original/file-20211216-13-1t1adhq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Mesure pour suivre la croissance des pétoncles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Olivier Dugornay/Ifremer</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour suivre la croissance des pétoncles noirs réintroduits dans la rade de Brest, où les conditions environnementales sont contrastées, on peut marquer les coquilles à l’aide d’un fluorochrome non toxique pour l’animal.</p>
<p>La strie fluorescente, que l’on distingue clairement sur la photo ci-dessus, est visible lorsqu’elle est éclairée sous une lumière bleue. Elle correspond au marquage du bord de la coquille au début de l’expérience. La distance comprise entre la strie fluorescente (début du suivi) et la bordure de la coquille indique la zone de croissance. Sur la photo, la coquille a grandi de 13 mm.</p>
<p>Des naissains de pétoncles (individus de même âge) produits en écloserie sont plongés dans une solution de calcéine durant quelques heures puis semés en milieu naturel dans des parcs expérimentaux.</p>
<p>L’objectif de ce marquage est double : il s’agit de différencier les pétoncles semés des individus issus du milieu naturel qui viendraient se fixer dans les parcs expérimentaux ; de suivre la croissance individuelle des pétoncles.</p>
<p>Toutes ces connaissances acquises au cours de ces différentes expériences permettront le futur développement de modèles numériques pour simuler et prédire la croissance et la distribution spatiale des pétoncles en rade de Brest, mais également sur d’autres sites potentiels de la façade Manche-Atlantique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173772/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Cugier a reçu des financements de France Filière Pêche (FFP). FFP est le principal financeur du projet MASCOET.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Aline Blanchet-Aurigny a reçu des financements de France Filière Pêche (FFP). FFP est le principal financer du projet MASCOET.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Stéphane Pouvreau est membre de la SER, Society for Ecological Restoration (SER is the leading international organization working on the science, practice, and policy of ecological restoration)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Olivier Dugornay ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Longtemps pêché en rade de Brest, Mimachlamys varia a été victime ces dernières décennies de la surexploitation et de la perte de son habitat. Un programme tente de le réintroduire.Philippe Cugier, Chercheur en modélisation des écosystèmes benthiques côtiers, IfremerAline Blanchet-Aurigny, Chercheuse en écologie marine, IfremerStéphane Pouvreau, Chercheur en biologie marine, spécialisé dans l’écologie et la physiologie des bivalves marins, IfremerLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1723252021-12-15T20:42:16Z2021-12-15T20:42:16ZPêche : ce que la science nous dit de l’impact du chalutage sur les fonds marins<p>En augmentation constante depuis les années 1960, la consommation mondiale de produits de la mer est passée de 9 kilos dans ces années à plus de 20 kilos par personne en moyenne en 2018 – soient 17 % des protéines animales consommées.</p>
<p>La moitié environ provient de <a href="https://doi.org/10.4060/ca9229en">captures de ressources sauvages marines</a>, illustrant l’importance de la pêche dans l’alimentation mondiale et européenne.</p>
<p>Comme toute activité humaine, l’extraction des ressources marines vivantes s’accompagne d’effets plus ou moins marqués sur ces ressources, mais également d’effets collatéraux sur des espèces et des habitats non ciblés. Ainsi, parmi les nombreuses activités humaines ayant des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17883495/">impacts prononcés sur les écosystèmes marins</a>, la pêche – et tout particulièrement le « chalutage de fond » – représente actuellement <a href="https://www.pnas.org/content/115/43/E10275">l’une des pressions la plus répandue et intense</a> sur les fonds marins des plateaux continentaux, notamment européens.</p>
<p>La prise de conscience récente de l’érosion de la biodiversité résultant de la plupart des activités humaines s’est étendue au milieu marin. Et l’acceptabilité de certaines pratiques de pêche, dont les effets s’avéreraient irréversibles, fait désormais débat.</p>
<h2>Méthodes de pêche fixes ou traînantes</h2>
<p>La pêche inclut une <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00002/11355/7928.pdf">large diversité de techniques</a> en fonction des espèces ciblées ou des zones exploitées.</p>
<p>Parmi ces techniques, on distingue les « arts fixes », déployant des engins statiques – palangres, casiers, filets – et les « arts trainants », utilisant des engins tractés dans la colonne d’eau ou sur le fond – <a href="https://www.quae.com/produit/285/9782844331281/histoire-du-chalut">chaluts</a>.</p>
<p>Ces arts traînants ciblant les espèces vivant sur les fonds marins ou à proximité doivent rester en contact permanent avec le fond, comme le montre la figure ci-dessous. Ces engins de pêche sont donc munis d’un système de lest et d’écartement (panneaux, perche) et d’une partie raclant le sol (bourrelet, racasseur, chaînes, dents) soulevant ou déterrant les espèces ciblées. Ce système est complété par un filet ou une grille permettant de ramener les captures ; il est généralement remorqué par le navire via des câbles d’acier.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/436653/original/file-20211209-25-y28vms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/436653/original/file-20211209-25-y28vms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/436653/original/file-20211209-25-y28vms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=645&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/436653/original/file-20211209-25-y28vms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=645&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/436653/original/file-20211209-25-y28vms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=645&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/436653/original/file-20211209-25-y28vms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=811&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/436653/original/file-20211209-25-y28vms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=811&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/436653/original/file-20211209-25-y28vms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=811&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Schéma d’un chalut de fond à panneaux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Extrait de G. Deschamps, et coll. (2003)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les parties des engins les plus dommageables pour les fonds marins sont par exemple les racasseurs qui pénètrent de plusieurs centimètres dans les sédiments ou encore les panneaux des chaluts, parfois de plusieurs tonnes, agissant sur une surface réduite mais relativement profonde (jusqu’à plusieurs dizaines de centimètres sur certains sédiments meubles).</p>
<p>Les surfaces abrasées <a href="https://academic.oup.com/icesjms/article/73/suppl_1/i27/2573989">dépendent de la taille de l’engin</a> et de la durée de la pêche ; sur une action de pêche, elles peuvent ainsi atteindre plusieurs centaines de milliers de m<sup>2</sup>.</p>
<h2>Le chalutage, cette technique millénaire</h2>
<p>Le chalutage est une méthode de pêche ancienne : l’ancêtre du chalut peut être considéré <a href="https://www.academia.edu/952627/Fishing_in_the_Roman_World">dès l’antiquité romaine</a> où l’on traînait déjà des filets lestés sur le fond.</p>
<p>On peut dater précisément l’origine des premiers chaluts à perche à 1376, ce dont témoigne une plainte déposée auprès du roi Édouard III réclamant déjà à l’époque l’interdiction de <a href="https://islandpress.org/books/unnatural-history-sea">cette « nouvelle et destructive » méthode de pêche</a>. Suite à cette plainte, également motivée par la compétition entre les activités de pêche de l’époque, le chalutage a été banni de la zone des 3 milles (6 km environ) et repoussé plus au large.</p>
<p>Ce tout premier exemple de gestion spatialisée des activités, s’est largement répandu et perdure encore aujourd’hui dans les réglementations des pêches européennes.</p>
<h2>Depuis la fin du XIXᵉ, une empreinte toujours plus intense</h2>
<p>Le développement du chalut s’est accéléré à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle avec <a href="https://docs.ifremer.fr/ds-vpath/6.0.2-5/web-apps/apps/documenteditor/main/index_loader.html?_dc=6.0.2-5&lang=fr&customer=ONLYOFFICE&frameEditorId=iframeEditor&compact=true&parentOrigin=https://cloud.ifremer.fr">l’apparition des chalutiers à vapeur</a>.</p>
<p>Limitée initialement aux eaux peu profondes, l’empreinte de la pêche s’est ensuite <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/1922/publication-2394.pdf">considérablement étendue vers le large</a> au cours du XX<sup>e</sup> siècle, dépassant les frontières des plateaux continentaux.</p>
<p>En mer Méditerranée, l’histoire du chalutage intensif est plus récente, avec un développement important vers les années 1960-1970. L’impact des pêcheries s’est en outre <a href="https://doi.org/10.1093/icesjms/fsv123">accentué sur les habitats profonds</a> ces dernières décennies en réponse au déclin de nombreuses populations exploitées sur le plateau continental.</p>
<p>Actuellement, les art traînants et notamment le chalut, avec seulement 11 % de chalutiers et 3 % de dragueurs sur l’ensemble du nombre total de navires européens, revêtent une importance considérable avec près de <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/fr/web/fisheries/data">60 % de la biomasse de captures</a> de ressources vivantes marines européennes.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/XyKwKoRkK2Q?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les différents engins de pêche. (Wageningen Marine Research, 2018).</span></figcaption>
</figure>
<p>Sur la façade atlantique, plus de <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00649/76157/">40 % des navires français</a> pratiquent les arts traînant de façon exclusive ou occasionnelle. Ces techniques de pêche ciblent une grande diversité d’espèces et d’habitats marins ; ils fournissent les principales ressources capturées en valeur ou en biomasse pour les pêcheries françaises (merlu, baudroies, sole, langoustine, coquilles Saint-Jacques).</p>
<h2>Des zones particulièrement impactées</h2>
<p>L’activité de chalutage est actuellement <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00490/60202/63771.pdf">distribuée sur la quasi-totalité des plateaux continentaux</a> de France métropolitaine. Cette distribution est hétérogène avec des concentrations remarquables sur certains habitats ciblés par la pêche – comme la zone de pêche à langoustines dite de la « grande vasière » du golfe de Gascogne – où les fonds marins subissent parfois une pression de chalutage plusieurs dizaines de fois par an, comme en témoigne la figure ci-dessous.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/436652/original/file-20211209-140109-hs654l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/436652/original/file-20211209-140109-hs654l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/436652/original/file-20211209-140109-hs654l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/436652/original/file-20211209-140109-hs654l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/436652/original/file-20211209-140109-hs654l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/436652/original/file-20211209-140109-hs654l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/436652/original/file-20211209-140109-hs654l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/436652/original/file-20211209-140109-hs654l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Image sonar d’empreintes de chalut de fond dans la partie nord du golfe de Gascogne (zone de la grande vasière), réalisée en 2013 lors de la campagne Ifremer FEBBE (projet européen Benthis).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://doi.org/10.18142/239">P. Laffargue/Ifremer</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En parallèle, les connaissances sur les habitats marins et les organismes vivants qui les utilisent (appelés « communautés benthiques »), même si les premières observations sont <a href="https://www.leslibraires.fr/livre/16980561-les-profondeurs-de-la-mer-trente-ans-de-reche--le-danois-ed--payot">relativement anciennes</a>, restent limitées dans la plupart des zones, à l’exception de la <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/LE-MACROBENTHOS-DES-FONDS-MEUBLES-DE-LA-MANCHE%3A-ET-Cabioch-Gentil/14a7753f987cb2ae5c8118a971dd48e286dc0748">Manche</a> ou la <a href="https://doi.org/10.1093/icesjms/49.2.127">mer du Nord</a> qui sont mieux suivies.</p>
<p>Ainsi, l’effort de suivi systématique de ces communautés, notamment au large, est relativement récent et s’opère donc dans un environnement déjà fortement impacté, et ce depuis une longue période.</p>
<h2>Quels sont les effets du chalutage ?</h2>
<p>Nous nous attacherons ici à ne décrire que les effets des activités de chalutage sur les habitats benthiques et pas ceux, plus classiques, sur les ressources marines exploitées.</p>
<p>Si les <a href="https://data.bnf.fr/fr/15290206/charles_benard/">conséquences du chalutage</a> sur les écosystèmes marins étaient perceptibles dès les premiers usages, la mesure et la compréhension fine des effets sont bien plus récentes. <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/1922/publication-2394.pdf">Lorsque le zoologiste Louis Joubin en fait mention en 1922</a>, c’est plus pour cartographier les risques pour la pêche que représentent alors les coraux profonds considérés comme une menace pour les chalutiers s’aventurant au large.</p>
<p>Dès le début du XX<sup>e</sup> siècle, le constat est pourtant celui d’une large distribution de la pression de chalutage sur les plateaux continentaux et de <a href="https://www.leslibraires.fr/livre/14857414-revue-philomathique-de-bordeaux-et-du-sud-ouest--collectif-revue-philomathique-de-bordeaux">premiers témoignages</a> montrent l’impact significatif sur les fonds marins. Ces effets sont multiples et d’intensité variable en fonction notamment des engins utilisés, de la fréquence des passages ou encore des caractéristiques des habitats et des espèces touchés.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les impacts du chalutage varient en fonction des espèces habitant les fonds marins (Wageningen Marine Research, 2018).</span></figcaption>
</figure>
<p>Les impacts peuvent être directs par les effets physiques immédiats des engins sur les espèces : ils provoquent leur arrachement pour celles qui sont fixées, l’écrasement, l’enfouissement ou encore une exposition hors de l’eau pour les individus pris dans les filets et remontés à la surface.</p>
<p>Ces impacts directs <a href="https://www.researchgate.net/publication/250219017_Functional_changes_as_indicators_of_trawling_disturbance_on_a_benthic_community_located_in_a_fishing_ground_NW_Mediterranean_Sea">sont connus et relativement bien documentés</a> sur les <a href="https://www.researchgate.net/publication/230659963_Impacts_of_Trawling_Disturbance_on_the_Trophic_Structure_of_Benthic_Invertebrate_Communities">habitats benthiques et les organismes qu’ils abritent</a>.</p>
<p>Chaque espèce subira de façon variable les effets du chalutage. Leur fragilité, leur nature fixée ou non sur le fond, leur capacité d’enfouissement mais aussi de recolonisation (permettant leur récupération après l’impact) définissent leur vulnérabilité. Les connaissances sur la biologie des espèces, leurs modes de vie ou encore de leur rôle dans les écosystèmes sont ainsi essentielles pour évaluer l’impact du chalutage.</p>
<h2>Des habitats plus ou moins sensibles</h2>
<p>Les effets directs ne concernent pas que les organismes vivants mais aussi leurs habitats. La pression physique des engins sur le fond conduit à des remaniements et remises en suspension des sédiments. Du fait des grandes surfaces altérées et de la récurrence des passages, la morphologie des fonds peut être modifiée et mener à une diminution de leur complexité.</p>
<p>On peut distinguer des habitats moins sensibles, soumis naturellement à des <a href="https://academic.oup.com/icesjms/article/70/6/1085/638182">perturbations fortes</a> liées aux courants ou aux marées par exemple, jusqu’aux habitats les plus vulnérables, tels les habitats dits « biogéniques » (<a href="https://doi.org/10.1093/icesjms/fsv123">herbiers, coraux</a>) dont les structures formées par les organismes vivants eux-mêmes peuvent témoigner après une action de pêche de dommages durables.</p>
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<figcaption><span class="caption">Zoom sur la sensibilité des habitats des fonds marins. (Wageningen Marine Research, 2018).</span></figcaption>
</figure>
<p>Des décennies sont alors nécessaires pour une reconstitution éventuelle ; parfois, la perte est définitive. Ces changements de nature des habitats peuvent durablement affecter les organismes qui n’y trouvent plus les conditions adéquates de vie avec des répercussions à plus large échelle sur le fonctionnement des écosystèmes.</p>
<h2>Réactions en chaîne</h2>
<p>À ces impacts directs s’ajoutent donc des effets indirects et une modification durable des habitats et des espèces.</p>
<p>Ainsi, les organismes vivants montrent une interdépendance plus ou moins prononcée, notamment par des liens d’alimentation, et toute modification <a href="https://www.researchgate.net/publication/230659963_Impacts_of_Trawling_Disturbance_on_the_Trophic_Structure_of_Benthic_Invertebrate_Communities">peut affecter en chaîne ces communautés</a> d’espèces liées entre elles. Les impacts répétés peuvent amener à la perte d’organismes vivants essentiels assurant des fonctions clefs des écosystèmes marins (comme le recyclage de la matière organique facilité par certains oursins fouisseurs mais fragiles).</p>
<p>De façon moins perceptible, la chimie des fonds est elle-même bouleversée et les cycles de la matière de ces écosystèmes benthiques peuvent être modifiés de façon profonde. Une remise en suspension du sédiment superficiel pourra ainsi avoir pour conséquence <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00353/46428/">d’augmenter localement la turbidité</a>, de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22842052/">libérer des contaminants</a> ou de la matière organique <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0278434305001433?via%3Dihub">enfouie dans les sédiments</a>, de modifier les processus biogéochimiques ayant lieu à <a href="https://aslopubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/lno.10354">l’interface eau-sédiment</a>, voire de favoriser la reminéralisation du carbone sédimentaire en CO<sub>2</sub> <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-021-03371-z">participant ainsi à l’acidification des océans</a> et à l’augmentation du CO<sub>2</sub> atmosphérique responsable du réchauffement climatique…</p>
<h2>Comment évaluer ces perturbations ?</h2>
<p>La mesure plus précise de l’intensité et de l’étendue de la pression exercée par le chalutage est relativement récente ; elle bénéficie notamment de sources de données telles que la géolocalisation (VMS) obligatoire pour les navires de plus de 12 mètres. Après traitement de ces données, on peut ainsi quantifier et localiser précisément une partie significative de l’intensité de l’activité de pêche.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/436651/original/file-20211209-140109-e4wfji.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/436651/original/file-20211209-140109-e4wfji.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/436651/original/file-20211209-140109-e4wfji.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/436651/original/file-20211209-140109-e4wfji.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/436651/original/file-20211209-140109-e4wfji.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/436651/original/file-20211209-140109-e4wfji.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/436651/original/file-20211209-140109-e4wfji.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/436651/original/file-20211209-140109-e4wfji.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Distribution et intensité de la pression de pêche sur les façades atlantiques et méditerranéennes françaises. L’intensité est exprimée en fréquence de passage sur une année (2016).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://doi.org/10.12770/8bed2328-a0fa-4386-8a3e-d6d146cafe54">C. Jac, S. Vaz</a></span>
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</figure>
<p>En consultant les <a href="https://doi.org/10.17895/ices.advice.8191">données 2021 de l’International Council for the Exploration of the Sea</a> (ICES), on apprend ainsi qu’entre 0 et 200 mètres de profondeur, ce sont en moyenne 66 % de la surface du Golfe de Gascogne et des côtes ibériques, 53 % des mers celtiques et 62 % de la Manche et mer du Nord qui ont fait l’objet d’une pression de chalutage pour la période 2013-2018.</p>
<p>Une meilleure connaissance des effets physiques des différents engins (étendue de la pression exercée sur les fonds par les <a href="https://academic.oup.com/icesjms/article/73/suppl_1/i27/2573989">différents éléments les constituant et profondeur de pénétration</a> dans les sédiments) permet aussi de mieux caractériser les impacts directs sur les habitats.</p>
<p>Si la pression de pêche est maintenant mieux quantifiée, la mesure des modifications des communautés benthiques et plus généralement de l’impact sur les écosystèmes est plus délicate. Après des décennies d’activité de pêche, ces communautés animales sont déjà fortement modifiées (« semi-naturelles ») sous l’effet de la pression de chalutage et parfois même adaptées à cette pression. À l’instar du milieu terrestre européen, il est désormais difficile d’identifier des zones de référence (naturelles ou pristines) sur de nombreux types d’habitats marins.</p>
<h2>Mieux observer pour mieux protéger</h2>
<p>Un effort de recherche important a été mené tout particulièrement au cours de la dernière décennie pour développer des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1470160X20305689">indicateurs de l’état et de la vulnérabilité des communautés benthiques</a> aux effets du chalutage.</p>
<p>Ces indicateurs s’appuient sur les connaissances scientifiques relatives à la nature et la distribution des habitats et à la composition en espèces associées. Les caractéristiques biologiques des espèces permettent notamment de déterminer leur sensibilité au chalutage (taille, forme, longévité, fragilité). La relation entre la pression de chalutage et les modifications engendrées sur les assemblages d’espèces renseigne ainsi sur leur réponse à la pression et <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00634/74575/">permet une détermination de l’état des écosystèmes</a>.</p>
<p>La connaissance du fonctionnement des écosystèmes permet également des approches prédictives aidant à mieux caractériser de potentiels effets du chalutage <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0184486">avant que l’impact n’ait lieu</a>.</p>
<p>Les données de terrain sont indispensables pour évaluer l’état des écosystèmes benthiques. Un ensemble d’outils d’observation est traditionnellement utilisé par les scientifiques pour étudier les organismes benthiques : les chaluts eux-mêmes, des dragues ou encore des bennes qui permettent de collecter, identifier, dénombrer et peser les différents organismes présents sur ou proche du fond.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/436650/original/file-20211209-23-1h9a0xj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/436650/original/file-20211209-23-1h9a0xj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/436650/original/file-20211209-23-1h9a0xj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/436650/original/file-20211209-23-1h9a0xj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/436650/original/file-20211209-23-1h9a0xj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/436650/original/file-20211209-23-1h9a0xj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/436650/original/file-20211209-23-1h9a0xj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/436650/original/file-20211209-23-1h9a0xj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Exemples d’habitats et de communautés benthiques : sables et graviers avec Ophiures (A), vases avec crinoïdes et oursin (B), vases à langoustines (C), cailloutis à éponges (D). Ces observations ont été réalisées lors de campagnes CGFS 2019 (A et D) et IDEM-VIDEO 2018 (B et C) conduites en Manche Ouest et en Méditerranée (Golfe du Lion) respectivement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ifremer</span></span>
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<p>S’ajoutant aux méthodes classiques d’observation, de nouveaux outils moins impactant ont vu le jour avec notamment le <a href="https://academic.oup.com/icesjms/article-abstract/78/5/1636/6231553 ?redirectedFrom=fulltext">développement de l’utilisation de la vidéo pour le monitoring</a>.</p>
<h2>De la Manche au golfe du Lion</h2>
<p>Les premières évaluations à grande échelle sur la façade atlantique révèlent une situation contrastée avec des états généralement altérés par le chalutage (voir à ce propos les <a href="https://oap.ospar.org/en/ospar-assessments/intermediate-assessment-2017">données 2017 de Convention internationale OSPAR</a> et <a href="http://doi.org/10.17895/ices.pub.5955">celles de 2020 de l’ICES</a>).</p>
<p>La détermination de l’état des habitats doit cependant prendre en compte à la fois leur capacité naturelle à résister aux impacts de la pêche (résistance) ainsi que leur propension à s’en remettre pour revenir à leur état initial (résilience).</p>
<p>L’étude de ces processus doit conduire à la détermination de valeurs seuils au-delà desquelles la communauté est tellement dégradée, qu’elle est durablement (si ce n’est définitivement) remplacée par une communauté semi-naturelle totalement adaptée à la pression.</p>
<p>En Manche, les <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00634/74575/">dernières études</a> soulignent que si les communautés benthiques montrent des états d’altérations importants (77 à 88 % des surfaces des habitats étudiés sont dégradées), elles y sont plus résistantes en raison de contraintes naturelles plus fortes. En Méditerranée, en revanche, la même étude illustre un état généralement très dégradé (89 à 96 % des surfaces des habitats sont dégradées, durablement modifiées voir perdues <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00486/59727/">dans le golfe du Lion</a>), probablement dû à une faible résilience potentielle de ce milieu plus fragile car naturellement peu perturbé et plus limité en ressources.</p>
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<figcaption><span class="caption">À la découverte des fonds marins du golfe du Lion en Méditerranée. (Ifremer, 2018).</span></figcaption>
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<h2>Comment les limiter ?</h2>
<p>S’il semble difficile de se passer du chalutage de fond à court et moyen terme en raison de son efficacité revendiquée par les pêcheurs et surtout de son importance pour l’approvisionnement alimentaire, un certain nombre de mesures permettent d’en <a href="https://wwz.ifremer.fr/content/download/149444/file/Fiche_Fonds %20marins.PDF">réduire les impacts non désirés</a>.</p>
<p>La réduction de l’empreinte du chalutage de fond peut passer par l’utilisation d’engins existants moins « impactants » tels des engins de pêche fixes (lignes, filets, nasses à poissons). En parallèle, sont développés des engins alternatifs tels que des chaluts à panneaux « volants » <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00353/46428/">sans contact prolongé</a> avec les fonds, ou encore des chaluts « intelligents » ne se fermant ou ne raclant le fond qu’au moment voulu.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1468593266148974599"}"></div></p>
<p>Le chalut électrique, alternative proposée par les Pays-Bas pour limiter les dommages physiques directs sur le fond (et la consommation de fioul des navires), a cependant été interdit dans les eaux européennes, notamment du fait des effets non complètement quantifiés des impulsions électriques sur les organismes et les fonds marins à moyen et long terme.</p>
<p>Par ailleurs, en plus des coûts pour les pêcheurs de la conversion vers une nouvelle technique de pêche, l’utilisation d’engins de pêche parfois globalement moins efficaces ou moins adaptés à la capture des espèces ciblées peut profondément modifier les performances économiques et la viabilité de certaines pêcheries.</p>
<h2>Soustraire des zones au chalutage</h2>
<p>Une autre voie de réduction des impacts passe par une meilleure planification spatiale définissant quelles zones sont chalutables, avec quelle intensité et quelles autres ne le doivent pas en regard de leur fragilité.</p>
<p>Les efforts de gestion des ressources vivantes marines visent encore généralement à respecter les objectifs d’exploitation durable (rendement maximum durable) des populations d’espèces ciblées. Ces modes de gestion conduisent souvent à réduire directement ou indirectement l’intensité globale des activités de pêches mais ne régulent pas l’accès aux zones exploitées.</p>
<p>Ces réductions d’intensité, durables ou temporaires, bénéficient aux fonds marins dans les zones où la résilience du milieu permet une récupération rapide de l’écosystème après un impact. En revanche, ils ne permettent pas la protection ou la restauration des habitats les plus sensibles et des espèces les plus fragiles ne tolérant que des impacts physiques très faibles, voire l’absence d’impact.</p>
<p>La gestion spatiale des activités de pêche est déjà partiellement mise en œuvre avec par exemple l’interdiction côtière (zones des 3 milles marins, soit 6 km) du chalutage de fond, hors dérogation pour certains métiers, ou encore l’interdiction plus récente de l’accès aux zones profondes (800 mètres en 2017 en Atlantique, 1000 mètres en 2005 en Méditerranée).</p>
<h2>La nécessité de faire évoluer la gestion spatiale des pêches</h2>
<p><a href="https://doi.org/10.4060/cb2429en">En Méditerranée, des aires de pêche restreintes</a> ont été proposées avec pour objectif la protection des écosystèmes marins vulnérables. En France, des zones de cantonnements bannissant les engins de pêche entrant en contact avec le fond ont également été mises en place, par exemple <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2018/4/23/AGRM1733988A/jo/texte/fr.">dans le golfe du Lion</a>. Cependant l’amplification récente de la création d’aires marines protégées ne signifie pas forcément une protection efficace des fonds marins.</p>
<p>L’accent mis par exemple récemment sur l’impact du chalut sur les habitats profonds cache malheureusement une gestion plus timide des habitats plus « ordinaires » mais néanmoins importants des zones côtières et du plateau continental. Ainsi, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0308597X20310307">moins de 1 % des zones métropolitaines classées comme « aires marines protégées »</a> sont actuellement concernées par une protection significative.</p>
<p>En outre, la fermeture de zones à certaines techniques de pêche, jugées trop dommageables, résulte généralement en un simple déplacement de l’effort dans des zones non protégées, accroissant mécaniquement les impacts néfastes dans ces dernières. La mise en place de zones de fermetures doit donc faire l’objet d’une réflexion globale et prendre en compte, pour les éviter, les effets indirects sur les habitats non protégés.</p>
<p>Alternativement, des idées nouvelles émergent comme des <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00418/52997/">crédits d’accès en fonction de la vulnérabilité des zones</a> et de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/faf.12431">nombreuses autres initiatives de gestion</a> ont été développées pour tenter de traiter ce problème.</p>
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<figcaption><span class="caption">Différentes pistes pour réduire les effets du chalutage. (Wageningen Marine Research, 2018).</span></figcaption>
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<p>Finalement, un compromis semble nécessaire entre l’exploitation des ressources marines vivantes et la protection de l’intégrité des fonds marins. Une <a href="https://doi.org/10.17895/ices.advice.8191">étude récente des patrons d’exploitation</a> de la Manche et de la mer du Nord a ainsi révélé qu’une proportion importante des captures et des revenus provenait d’une partie relativement restreinte des zones de pêche.</p>
<p>Il serait ainsi possible de mettre au point des modes de gestion spatialisés permettant de réduire l’empreinte spatiale du chalutage de fond sur les fonds marins pour un coût relativement faible pour les pêcheries.</p>
<h2>L’illusion du retour à un état originel</h2>
<p>Le constat général est celui d’un état généralement dégradé, et ce depuis longtemps, des écosystèmes marins benthiques exploités.</p>
<p>L’accès relativement récent à des données détaillées de distribution des navires a constitué un tournant majeur dans l’évaluation des impacts générés par la pêche. De façon générale, l’accès et la diffusion des données sont des éléments clefs du suivi et de la gestion des impacts du chalutage et des autres activités humaines sur les écosystèmes marins.</p>
<p>Les perspectives d’outils d’observation scientifiques plus performants, moins destructifs et de données plus simples à acquérir renforcent encore nos capacités de suivi de l’état des écosystèmes et de leur gestion.</p>
<p>Les progrès en termes de connaissances scientifiques ont été considérables et les recherches actuelles visent à mieux comprendre le lien entre les habitats et les impacts pour protéger les habitats les plus fragiles, abritant des diversités remarquables ou des fonctions essentielles pour les écosystèmes marins.</p>
<p>Actuellement une difficulté majeure reste la définition de seuils de pressions ou d’impacts acceptables pour assurer un fonctionnement pérenne des écosystèmes. Il s’agit notamment de trouver une articulation délicate entre des objectifs parfois conflictuels de conservation de la biodiversité et d’exploitation durable des ressources marines.</p>
<p>Ainsi, la prise en compte des effets néfastes de certaines pratiques de pêche sur les habitats des fonds marins, sur l’érosion de la biodiversité et sur le fonctionnement de ces écosystèmes marins, est devenue une préoccupation importante.</p>
<p>Cependant, la protection ou restauration de ces biotopes passera nécessairement par l’interdiction de certaines pratiques dans des zones couvrant des surfaces bien plus importantes qu’elles ne le sont à l’heure actuelle. Si le retour à un état originel est illusoire sur des zones déjà fortement et depuis longtemps modifiées, nous avons un besoin impérieux de surveiller et ajuster nos pratiques pour en limiter les impacts sur le long terme et ainsi garantir des écosystèmes fonctionnels et une exploitation durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172325/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sandrine Vaz a reçu des financements de Ifremer, l’Union européenne, France Filière Pêche et la région Occitanie pour financer ses recherches sur ce sujet. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pascal Laffargue a reçu des financements de Ifremer, l’Union européenne, France Filière Pêche et des régions Bretagne et Pays de la Loire. </span></em></p>Cette technique de pêche constitue l’une des pressions la plus répandue et intense sur les fonds marins. Mais des pistes de réduction de ses effets délétères existent.Sandrine Vaz, chercheuse en écologie marine, IfremerPascal Laffargue, Cadre de recherche en écologie marine, IfremerLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1710282021-11-02T18:03:18Z2021-11-02T18:03:18Z« Guerre de la pêche » entre Londres et Paris : les leçons de l’Histoire<p>Le différend qui oppose le Royaume-Uni à la France au sujet des territoires de pêche s’est dernièrement intensifié. Le jeudi 28 octobre, les autorités françaises ont <a href="https://www.lefigaro.fr/international/brexit-paris-pret-au-combat-pour-ses-pecheurs-face-a-londres-20211028">saisi un chalutier britannique</a>. Londres a immédiatement réagi en convoquant l’ambassadrice de France.</p>
<p>Cet épisode survient dans un contexte marqué par des tensions croissantes autour des <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/la-grande-bretagne-et-l-ue/licences-de-peche-post-brexit-on-vous-explique-la-nouvelle-passe-d-armes-entre-la-france-et-le-royaume-uni_4829241.html">licences de pêche</a>, que les bateaux français doivent désormais, du fait du Brexit, obtenir pour avoir le droit de continuer de travailler dans les eaux britanniques. Face aux nombreux rejets de demandes de licences dont se plaignent les pêcheurs normands (notamment à Jersey), le gouvernement français a menacé de soumettre les entreprises de pêche britanniques à une bureaucratie harassante, voire d’interdire aux chalutiers anglais l’accès aux ports de l’Hexagone, et même de couper l’alimentation électrique des îles anglo-normandes.</p>
<p>De son côté, le gouvernement britannique a menacé de prendre des mesures de rétorsion et a mis des navires de la Royal Navy en état d’alerte, au cas où les pêcheurs français tenteraient de bloquer ces îles. Les discussions visant à résoudre le problème n’ont jusqu’ici <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/11/01/licences-de-peche-post-brexit-londres-demande-a-paris-de-retirer-ses-menaces_6100568_3210.html">pas permis d’aboutir à une solution définitive</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1454095992123498507"}"></div></p>
<p>Ces événements font suite à des affrontements antérieurs lors des négociations sur le Brexit, mais ils s’inscrivent aussi dans une histoire plus longue. La comparaison la plus évidente pourrait être les <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/caa7600258901/guerre-de-la-morue-a-l-abordage">« guerres de la morue » des années 1950 et 1970</a>, durant lesquelles le Royaume-Uni tenait le rôle inverse. À l’époque, l’Islande avait mis fin à un accord antérieur et exclu les pêcheurs britanniques des eaux territoriales islandaises.</p>
<p>En réalité, les conflits relatifs à la pêche remontent à bien plus loin encore. Un rappel de l’histoire de ces disputes autour des eaux territoriales et de l’accès aux ressources maritimes peut nous aider à comprendre pourquoi ces questions restent encore étroitement liées à l’identité nationale moderne – et pourquoi les deux gouvernements ont réagi de manière aussi spectaculaire.</p>
<p>Au début des années 1600, par exemple, la république des Sept Provinces Unies des Pays-Bas possédait la <a href="http://expositions.bnf.fr/marine/arret/06.htm">plus grande flotte de pêche d’Europe</a>. Un avocat écossais, William Welwod, <a href="http://name.umdl.umich.edu/A14929.0001.001">a écrit</a> que la surpêche effectuée par cette flotte en mer du Nord menaçait les stocks marins de la région – un argument qui a donné à Londres un prétexte pour défier la domination néerlandaise et récupérer une partie des précieuses ressources. Les intérêts des dirigeants britanniques étaient, en l’occurrence, plus économiques qu’écologiques. Ils ont donc essayé d’imposer de nouvelles licences et taxes aux <a href="https://www.ledevoir.com/societe/le-devoir-de-philo-histoire/595156/les-britanniques-et-la-mer-du-xviie-siecle-au-brexit">navires de pêche néerlandais</a>. Mais les efforts de la Royal Navy – à l’époque sous-financée, mal équipée et inefficace – pour faire appliquer cette politique se sont révélés largement insuffisants. Plus agiles et rapides, les navires hollandais pouvaient littéralement se permettre de tourner autour de leurs poursuivants britanniques.</p>
<h2>La « mer fermée »</h2>
<p>Au XVII<sup>e</sup> siècle, les Britanniques et les Néerlandais se sont fait la guerre trois fois pour la suprématie commerciale et maritime. Les politiques de pêche s’inscrivaient donc dans le cadre d’un conflit plus large autour de la souveraineté maritime. C’est de ce débat qu’est né le droit international moderne.</p>
<p>Le conflit a commencé avec la publication en 1609 de <a href="http://diue.unimc.it/e-library/mer_fr.pdf"><em>Mare liberum</em></a> (De la liberté des mers) par l’avocat et diplomate néerlandais <a href="https://www.herodote.net/Le_plus_fort_n_a_pas_tous_les_droits-synthese-2168.php">Hugo Grotius</a>. Dans ce texte, il proclame que personne ne peut contrôler la mer ou empêcher les autres de pêcher et de commercer. Ce livre était à l’origine destiné à l’empire portugais, qui tentait d’empêcher les Néerlandais de commercer dans l’océan Indien. Mais ses idées ont également été suscité une levée de boucliers en Grande-Bretagne.</p>
<p>Encouragés par les <a href="https://www.highlandtitles.fr/2018/02/la-maison-stuart-les-monarques-decosse/">monarques Stuart</a>, William Welwod et d’autres auteurs, dont l’avocat et député <a href="http://www.droitphilosophie.com/article/lecture/ouverture-presentation-de-john-selden-45">John Selden</a>, ont répondu à Grotius pour défendre les eaux territoriales de la Grande-Bretagne. L’influent ouvrage de John Selden, <a href="http://expositions.bnf.fr/lamer/grand/106.htm"><em>Mare Clausum (Traité sur la politique de la mer)</em></a>, remet en question les affirmations d’Hugo Grotius et s’appuie sur des exemples historiques pour démontrer que les États ont le droit de revendiquer des parties de la mer.</p>
<p>Remontant jusqu’aux Romains et aux Grecs, l’avocat britannique mentionne aussi des États qui lui sont contemporains, comme Venise, et a fouillé dans l’histoire de l’Angleterre médiévale pour trouver des précédents appropriés, mais souvent douteux, notamment du temps du roi saxon Alfred au IX<sup>e</sup> siècle. John Selden fait grand cas du programme de construction navale lancé par Alfred, mentionné dans diverses chroniques saxonnes, mais <a href="https://doi.org/10.1111/1095-9270.12421">celui-ci était très probablement exagéré</a>.</p>
<p>La culture populaire a elle aussi participé d’une réécriture de l’histoire pour justifier les revendications britanniques sur la mer. La célèbre chanson <a href="https://www.youtube.com/watch?v=rB5Nbp_gmgQ">« Rule, Britannia ! »</a>, qui est scandée chaque année lors de la dernière soirée du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Proms">festival des Proms</a>, a été écrite au XVIII<sup>e</sup> siècle dans le cadre <a href="https://ota.bodleian.ox.ac.uk/repository/xmlui/bitstream/handle/20.500.12024/K030406.000/K030406.000.html">d’une mascarade de cour</a> qui dépeignait Alfred (encore une fois, de manière plutôt douteuse) comme un héros naval, censé mettre la Grande-Bretagne sur la voie de son destin maritime.</p>
<p>Ces idées étaient bien sûr facilement manipulables à des fins de <em>realpolitik</em>. Lorsque les Néerlandais ont à leur tour tenté d’interdire aux Britanniques de commercer dans l’océan Indien, les négociateurs anglais ont cité les écrits d’Hugo Grotius <a href="https://archive.org/details/sovereigntyofsea00fultiala">à leurs homologues néerlandais</a> (parmi lesquels, ironiquement, se trouvait Grotius lui-même).</p>
<h2>L’ouverture</h2>
<p>Au XVIII<sup>e</sup> siècle, ces différends ont abouti à un large accord sur les eaux territoriales en Europe (la <a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/271409-les-oceans-ont-ils-des-frontieres">« limite des trois milles »</a>, basée sur la portée d’un coup de canon), ainsi qu’à l’acceptation générale du principe de la liberté de la mer.</p>
<p>Tout au long des XVIII<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup> siècles, avec l’expansion de l’empire britannique et la recherche agressive de nouveaux marchés, le gouvernement anglais a adopté l’idée de la liberté des mers. Bien que les dirigeants du pays n’aient pas abandonné l’idée des eaux territoriales, ceux qui interrompaient le commerce britannique, généralement au nom de leur propre souveraineté maritime, étaient qualifiés de « pirates » et souvent <a href="https://doi.org/10.1017/S0165115311000301">détruits</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/429716/original/file-20211102-13-dj9qqn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/429716/original/file-20211102-13-dj9qqn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/429716/original/file-20211102-13-dj9qqn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/429716/original/file-20211102-13-dj9qqn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/429716/original/file-20211102-13-dj9qqn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/429716/original/file-20211102-13-dj9qqn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/429716/original/file-20211102-13-dj9qqn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/429716/original/file-20211102-13-dj9qqn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Carte de l’Empire britannique en 1886.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Forgemind Archimedia/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces préoccupations ont <a href="https://popsciences.universite-lyon.fr/le_mag/lepineux-compromis-du-partage-des-oceans/">resurgi au cours du XXᵉ siècle</a>, à la fois en <a href="https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2015-1-page-56.htm">raison du développement d’armes d’une portée supérieure</a> à trois miles et de l’importance croissante de l’accès au pétrole et aux autres ressources naturelles sous-marines.</p>
<p>Certains pays ont revendiqué des eaux territoriales s’étendant jusqu’à 200 miles en mer. La Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 (influencée, en partie, par les guerres de la morue) <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ei/1985-v16-n4-ei3023/701927ar.pdf">visait à résoudre certaines de ces questions</a> mais plusieurs nations, dont les États-Unis, ne l’ont jamais ratifiée officiellement.</p>
<p>Si le différend actuel sur la pêche reprend à certains égards des arguments exprimés par le passé, il existe aussi une différence importante. Aux XVII<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup> siècles, la pêche <a href="https://www.heritage.nf.ca/articles/en-francais/exploration/18e-siecle-peche.php">était économiquement vitale</a> pour la Grande-Bretagne. En 2019, le secteur ne représente plus que <a href="https://www.bbc.co.uk/news/46401558">0,02 % de l’économie nationale</a>. Il dépend également de la coopération avec l’Union européenne, puisque près de la moitié des prises annuelles du Royaume-Uni y sont exportées.</p>
<p>La position intransigeante des gouvernements britannique et français dans ce conflit peut donc sembler excessive. Elle reflète toutefois le statut symbolique permanent de la pêche et de la souveraineté maritime, un statut qui a fait l’objet de débats répétés depuis au moins le XVII<sup>e</sup> siècle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171028/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Richard Blakemore ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour mieux comprendre la passe d’armes actuelle entre le Royaume-Uni et la France sur les droits de pêche, un détour par l’Histoire s’impose.Richard Blakemore, Associate Professor in Social and Maritime History, University of ReadingLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1606372021-06-15T16:57:01Z2021-06-15T16:57:01ZAfrique de l’Ouest : quel futur pour les zones côtières ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/399704/original/file-20210510-18-pysy0a.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C1500%2C833&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les zones côtières d'Afrique de l'Ouest subissent une pression intense due à la croissance démographique, à l'expansion économique et au changement climatique en cours.</span> <span class="attribution"><span class="source">IRD</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Partout dans le monde, les écosystèmes côtiers sont soumis à des pressions intenses, provoquées par une activité humaine incessante, des tendances climatiques changeantes et implacables, des phénomènes météorologiques extrêmes ; citons à titre d’exemple les submersions marines, prévues pour augmenter jusqu’à 50 fois par rapport aux valeurs actuelles. Les pays tropicaux, comme ceux de l’Afrique de l’Ouest, sont particulièrement exposés.</p>
<p>La compréhension et la gestion de ces interactions complexes, parfois catastrophiques, nécessitent une approche interdisciplinaire. C’est dans ce cadre que nous avons choisi de <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1890/100068">conduire nos recherches</a> en intégrant diverses variables – la croissance démographique, le développement économique, la qualité de la gouvernance, l’évolution technologique et le développement des infrastructures.</p>
<h2>L’exemple des côtes d’Afrique de l’Ouest</h2>
<p>Il en résulte trois scénarios (« anthropocentrique », « anthro-écocentrique » et « écocentrique ») dessinant les futurs possibles des zones côtières. Ces hypothèses sont toutes basées sur les conditions climatiques les plus défavorables pour l’avenir, telles que prédites par le <a href="https://www.ipcc.ch/srocc/chapter/chapter-4-sea-level-rise-and-implications-for-low-lying-islands-coasts-and-communities/">rapport du GIEC</a>, dit « RCP 8.5 », scénario de haute émission de gaz à effet de serre pour lequel les impacts du changement climatique et de la hausse du niveau des mers sont exacerbés.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/406497/original/file-20210615-19-xv665h.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/406497/original/file-20210615-19-xv665h.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406497/original/file-20210615-19-xv665h.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=511&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406497/original/file-20210615-19-xv665h.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=511&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406497/original/file-20210615-19-xv665h.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=511&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406497/original/file-20210615-19-xv665h.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=642&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406497/original/file-20210615-19-xv665h.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=642&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406497/original/file-20210615-19-xv665h.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=642&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Carte de l’Afrique de l’Ouest.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Google Maps</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0964569121002295">Nous avons appliqué notre modèle conceptuel aux zones côtières d’Afrique de l’Ouest</a> – c’est-à-dire les pays allant de la Mauritanie au Nigeria, en passant par les îles du Cap Vert et Sao Tomé et Principe. Il existe en effet peu d’études présentant les menaces côtières à venir dans cette région peu documentée scientifiquement et où le besoin de planification et de régulation est grand pour anticiper et réduire les risques futurs.</p>
<p>Ici, les activités économiques et l’urbanisation se concentrent le long du littoral, générant des pressions multiples sur les ressources, des tensions aiguës entre les utilisateurs, la dégradation des écosystèmes et des ressources marines et la vulnérabilité des zones côtières.</p>
<p>Par exemple, 80 % environ des économies des pays du golfe de Guinée – Côte d’Ivoire, Ghana, Togo, Benin, Nigeria – se réalise sur la bande côtière, où la population augmente, en particulier via les grands ports en eaux profondes. Ces mécanismes rendent ces zones particulièrement vulnérables et exposées.</p>
<p>La dégradation du littoral se manifeste par l’épuisement des ressources halieutiques, la pollution, les inondations et l’érosion côtière. Par exemple, le recul du trait de côte peut atteindre jusqu’à la dizaine de mètres par an sur certains secteurs urbains de Cotonou au Bénin. Les eaux de la lagune côtière de Nokué, également dans la zone urbaine de Cotonou, sont soumises à des contaminations périodiques de plus en plus fréquentes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/397611/original/file-20210428-23-5j1zlt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/397611/original/file-20210428-23-5j1zlt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/397611/original/file-20210428-23-5j1zlt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/397611/original/file-20210428-23-5j1zlt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/397611/original/file-20210428-23-5j1zlt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/397611/original/file-20210428-23-5j1zlt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/397611/original/file-20210428-23-5j1zlt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Côte de Saint Louis, Sénégal.</span>
<span class="attribution"><span class="source">IRD</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Scénario 1 : continuer comme si de rien n’était</h2>
<p>Dans ce scénario que nous avons appelé « anthropocentrique », les tendances actuelles se poursuivent le long de la côte, avec une augmentation de la population, des activités économiques et du développement des infrastructures, ainsi qu’une faible gouvernance et une mauvaise mise en œuvre des politiques.</p>
<p>Des développements majeurs tels que le déploiement et l’expansion de nouveaux ports, l’exploitation des ressources, l’extraction non réglementée des eaux souterraines, l’expansion urbaine, la construction de barrages en amont et d’autres projets, sont mis en œuvre sans évaluation de l’impact environnemental et social.</p>
<p>Dans ce scénario, il y aurait un énorme déclin des écosystèmes et de leurs services.</p>
<p>L’exploitation continue des ressources côtières entraîne des inondations et une aggravation de l’érosion côtière, une plus grande vulnérabilité de la flore et de la faune, ainsi que la dégradation et la destruction de leurs habitats.</p>
<p>En l’absence d’adaptation, l’élévation du niveau de la mer et l’augmentation de l’intensité et de la fréquence des événements extrêmes liés au niveau de la mer, combinées aux tendances en matière de développement côtier, amplifient les dommages annuels attendus des inondations.</p>
<p>Les systèmes de protection du littoral dans les villes et les régions densément peuplées, comme à Lagos au Nigeria, réduiraient les dommages attendus et seraient relativement rentables ; ils seraient toutefois inabordables pour les zones rurales et les zones pauvres, ce qui les rendrait vulnérables.</p>
<p>Les processus côtiers et les changements d’affectation des sols qui y sont associés se dérouleraient comme si de rien n’était, créant un risque élevé et une grande vulnérabilité aux inondations, à l’érosion et à la pollution pour les populations pauvres et non protégées.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Langue de Barbarie au Sénégal" src="https://images.theconversation.com/files/397612/original/file-20210428-15-qou1o2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/397612/original/file-20210428-15-qou1o2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/397612/original/file-20210428-15-qou1o2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/397612/original/file-20210428-15-qou1o2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/397612/original/file-20210428-15-qou1o2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/397612/original/file-20210428-15-qou1o2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/397612/original/file-20210428-15-qou1o2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le long de la Langue de Barbarie au Sénégal, plus de 800 mètres de rivage ont été perdus en dix ans.</span>
<span class="attribution"><span class="source">IRD</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Scénario 2 : sur la défensive</h2>
<p>Le contexte global de ce second scénario est identique au précédent, avec une approche réactive face aux bouleversements environnementaux.</p>
<p>Par exemple, les structures de protection côtière – telles que les digues, les barrières anti-tempête et les remblais – sont très répandues et assurent la sécurité dans de nombreuses villes côtières et deltas d’Afrique de l’Ouest, comme à Dakar (Sénégal), Lomé (Togo) ou Keta (Ghana).</p>
<p>Bien que ces structures visent à protéger les activités humaines, elles auront un impact négatif sur les intérêts économiques, la santé des communautés et le bien-être qui dépendent des biens écologiques. Ceux-ci concernent l’écotourisme, les loisirs et la pêche, l’air pur et l’eau douce.</p>
<p>Sont également affectés négativement les services écologiques tels que la purification de l’air et de l’eau, le maintien de la biodiversité, la décomposition des déchets, la génération et le renouvellement des sols et de la végétation, la recharge des nappes phréatiques, l’atténuation des gaz à effet de serre et l’esthétique des paysages.</p>
<p>Dans ce scénario, les structures de protection du littoral sont privilégiées dans les zones à forte valeur socio-économique. Les zones plus pauvres reçoivent, elles, moins de protection, entraînant des inégalités qui pourraient accroître les tensions politiques et sociales. Avec l’élévation continue du niveau de la mer, la hauteur des structures de protection côtière est revue elle aussi à la hausse, ce qui peut s’avérer inabordable et inefficace.</p>
<p>Car même avec des structures bien conçues, le risque d’effets éventuellement catastrophiques en cas de défaillance ne peut être exclu.</p>
<p>Si les structures en dur le long de la côte peuvent servir à protéger les zones urbaines, elles peuvent aussi entraîner la perte d’une proportion beaucoup plus importante des écosystèmes. Cela peut à son tour rendre les communautés vulnérables à des événements indésirables tels que les inondations, les surcharges océaniques, la pollution, l’eutrophisation côtière et l’intrusion saline.</p>
<p>Dans le contexte du changement climatique en cours, certains de ces phénomènes peuvent dépasser un seuil crucial.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/YZXPdQSu3yA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’érosion côtière vue de l’espace (IRD).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Scénario 3 : le primat d’un environnement de qualité</h2>
<p>Dans ce dernier scénario, les efforts des gouvernements visent à encourager la conservation de l’environnement, les énergies vertes et une planification efficace de l’utilisation des terres.</p>
<p>Les politiques fondées sur les écosystèmes sont renforcées, les principes de l’écotourisme sont soutenus et les lois et réglementations environnementales sont promulguées et respectées.</p>
<p>Une plus grande confiance est accordée au développement de l’ingénierie environnementale, des technologies respectueuses du climat et de l’énergie, ainsi qu’aux nouveaux modes d’exploitation agricole qui intègrent les services écosystémiques d’approvisionnement, de régulation et de culture. Ici, le rythme de la croissance démographique et du développement économique est entièrement déterminé par la qualité de l’environnement.</p>
<p>Face à l’élévation du niveau de la mer (et aux tempêtes et vagues extrêmes qui peuvent accroître les risques), les systèmes côtiers naturels ne sont pas passifs, ils réagissent en s’adaptant aux nouvelles configurations.</p>
<p>En outre, la restauration d’écosystèmes côtiers tels que les mangroves ou les marais littoraux permet d’atténuer le changement climatique en augmentant l’absorption et le stockage du carbone d’environ <a href="https://www.ipcc.ch/srocc/">0,5 % des émissions mondiales actuelles par an</a>.</p>
<p>Dans ce scénario, l’amélioration des technologies favorise le développement de la production d’énergie marine renouvelable (bleue), le transport maritime écologique et la protection des écosystèmes côtiers riches en carbone.</p>
<p>L’avenir s’éclaircit néanmoins en considérant les initiatives menées actuellement de manière concertée à l’échelle de l’Afrique de l’Ouest : citons l’initiative de la <a href="http://www.uemoa.int/fr/mission-dobservation-du-littoral-ouest-africain-moloa-les-ministres-de-lenvironnement-de-11-pays">Mission d’observation du littoral ouest-africain</a> de l’UEMOA, <a href="https://www.wacaprogram.org/fr">l’initiative WACA</a> de la Banque mondiale et le projet pour une gestion intégrée du delta de la Volta <a href="https://acecor.ucc.edu.gh/fr">initié par l’Université de Cape Coast</a> qui œuvrent pour davantage de collaboration sur ces problématiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160637/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Ménard a reçu des financements de l'ANR, du ministère de la Transition écologique, de la FRB, de l'UE, du FFEM, du programme Ciência Sem Fronteiras du CNPq et de la CAPES du Brésil.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre Morand est membre de l'Association francaise d'halieutique (science/recherche) et de l'African Bird Club (ornithologie). Il a reçu des financements de l’Agence française de développement, l’Union européenne, ENABEL, UEMOA, Banque mondiale (WACA).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Olusegun Dada et Rafael Almar ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les écosystèmes côtiers sont soumis à des pressions intenses, provoquées par une activité humaine incessante, des tendances climatiques changeantes et des phénomènes météorologiques extrêmes.Olusegun Dada, Senior postdoctoral research fellow, Institut de recherche pour le développement (IRD)Frédéric Ménard, Directeur de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD)Pierre Morand, Biostatisticien, Institut de recherche pour le développement (IRD)Rafael Almar, Chercheur en dynamique littorale, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1589022021-04-27T18:36:59Z2021-04-27T18:36:59ZLa pêche française à l’épreuve de la tempête Covid-19<p>Activité essentielle pour le secteur de l’alimentation, la pêche métropolitaine a pourtant connu en 2020 une baisse d’activité. Celle-ci a été confirmée par un premier bilan de suivi des conséquences de l’épidémie, portant sur les navires de plus de 12 mètres de France métropolitaine – qui cumulent 75 % de la production halieutique en <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00678/78997/">Atlantique</a> et <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00678/78998/">Méditerranée</a>.</p>
<p>Globalement, ces navires ont connu, comparativement à la moyenne des deux années précédentes, une baisse d’activité de 10 % (-13 000 jours de pêche) pour une baisse de production de 14 % – 40 000 tonnes en moins, et des pertes de chiffre d’affaires s’élevant 94 millions d’€.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/394800/original/file-20210413-19-1rx7wpm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/394800/original/file-20210413-19-1rx7wpm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/394800/original/file-20210413-19-1rx7wpm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=265&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/394800/original/file-20210413-19-1rx7wpm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=265&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/394800/original/file-20210413-19-1rx7wpm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=265&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/394800/original/file-20210413-19-1rx7wpm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=333&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/394800/original/file-20210413-19-1rx7wpm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=333&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/394800/original/file-20210413-19-1rx7wpm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=333&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cumuls concernant uniquement la flotte des navires de plus de 12 mètres en France métropolitaine (données année 2020, évolutions calculées en pourcentage par rapport à la moyenne de 2018-2019).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ifremer/J.Barrault</span></span>
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<h2>Le poids du premier confinement</h2>
<p>En Atlantique, l’année avait bien commencé avec des <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00678/78995/">prix orientés à la hausse</a> (+11 %) mais on constatait déjà un repli des débarquements (-15 %) avant le premier confinement, en partie expliqué par les tempêtes successives du mois de février. Une grande partie de la baisse d’activité de 2020 est survenue lors du premier confinement.</p>
<p>Durant les quatre premières semaines, l’activité de pêche a été <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00678/78995/">réduite de 50 % à 60 %</a> dans un contexte de chute de la demande et de réorganisation des entreprises. Passée la sidération, la pêche s’est lentement redressée, bien qu’il ait fallu attendre le 15 juin environ pour qu’elle réatteigne des niveaux comparables aux années précédentes.</p>
<p>Tout au long de cette période, les navires en activité ont en effet réalisé des sorties de pêche plus courtes, afin d’éviter d’engorger des marchés fragilisés par des prix volatils et orientés à la baisse. Les autres sont restés à quai dans le cadre d’un mécanisme d’arrêt temporaire financé par le fonds européen pour la pêche.</p>
<p>Les unités de petite pêche, de taille inférieure à 12 mètres, ont maintenu une activité plus importante que celle des plus grands navires, notamment en développant la vente par circuit court. Il a fallu attendre la réouverture des restaurants et la période estivale pour que les prix retrouvent voire dépassent leur niveau de 2018-2019, avant que le second confinement n’oriente de nouveau les prix à la baisse, dans un contexte de ralentissement significatif de certaines filières de distribution – la restauration en dehors du foyer en particulier.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/394815/original/file-20210413-21-jssr4o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/394815/original/file-20210413-21-jssr4o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/394815/original/file-20210413-21-jssr4o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/394815/original/file-20210413-21-jssr4o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/394815/original/file-20210413-21-jssr4o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/394815/original/file-20210413-21-jssr4o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/394815/original/file-20210413-21-jssr4o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/394815/original/file-20210413-21-jssr4o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Évolution hebdomadaire de l’activité de pêche et de la production en 2020 comparée à la moyenne 2018-2019.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00678/78995/">Ifremer</a></span>
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<p>Avec une flotte de pêche quasiment stable sur les cinq dernières années, la <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00678/78995/">baisse de production de 14 %</a> est la plus forte chute depuis vingt ans.</p>
<p>La précédente avait été enregistrée <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00678/78995/">au milieu des années 2000</a> à une époque où le déclin des captures s’expliquait par la réduction du nombre de navires, dans le cadre de plans de casse ayant pour objectif d’ajuster les capacités de capture au potentiel biologique des ressources.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/394816/original/file-20210413-17-1tum8cb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/394816/original/file-20210413-17-1tum8cb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/394816/original/file-20210413-17-1tum8cb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/394816/original/file-20210413-17-1tum8cb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/394816/original/file-20210413-17-1tum8cb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/394816/original/file-20210413-17-1tum8cb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/394816/original/file-20210413-17-1tum8cb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/394816/original/file-20210413-17-1tum8cb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Façade Atlantique – navires de plus de 12 mètres (hors thoniers senneurs tropicaux) : indices d’évolution sur les navires et les débarquements entre 2000 et 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ifremer</span></span>
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</figure>
<h2>La gestion des pêches en cause</h2>
<p>Les espèces dont la production a reculé sont principalement les espèces vendues dans la restauration hors foyer (restauration collective et commerciale) en France ou exportées dans le sud de l’Europe comme le merlu, les baudroies, les céphalopodes (calmars, encornets…) ou encore le crabe tourteau. Le contexte de marché et de prix dégradé a eu un effet multiplicateur défavorable sur les flottilles dépendantes de ces espèces.</p>
<p>La crise sanitaire n’explique néanmoins pas tout et les facteurs à l’origine de ces variations sont souvent nombreux. La baisse la plus forte des captures concerne par exemple le thon germon, et est essentiellement due à la réduction du quota disponible pour cette espèce.</p>
<p>Les confinements ont à l’inverse peu impacté la campagne de pêche de coquille Saint-Jacques (3<sup>e</sup> espèce en valeur), tout comme celle de la langoustine – la diminution de production ayant été compensée par des prix à la hausse sur le marché du frais.</p>
<p>Enfin, les débarquements de sardine et de maquereau principalement destinés à la transformation en conserve ont progressé (+12 %) malgré des prix orientés à la baisse. Même si la vente par circuit court a été développée par des bateaux de petite pêche durant le premier confinement, cette catégorie de navires a aussi connu une chute des prix moyens dans les criées beaucoup plus marquée du fait de leur spécialisation sur certaines espèces. Le bulot a par exemple été l’une des plus affectées pour ces pêcheurs.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/394811/original/file-20210413-23-3776pf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/394811/original/file-20210413-23-3776pf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/394811/original/file-20210413-23-3776pf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/394811/original/file-20210413-23-3776pf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/394811/original/file-20210413-23-3776pf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/394811/original/file-20210413-23-3776pf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/394811/original/file-20210413-23-3776pf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/394811/original/file-20210413-23-3776pf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Évolution en pourcentage des valeurs totales débarquées par classe de taille de navires et région entre 2020 et la moyenne 2018-2019 : Atlantique – Navires de plus de 12 mètres. Évolution des indicateurs 2020 par rapport à la moyenne 2018-2019 (%).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ifremer</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une répartition inégale des impacts</h2>
<p>Les conséquences de cette situation inédite pour les flottilles de pêche résultent d’un jeu complexe d’interactions entre la situation biologique des différentes espèces, la saisonnalité des espèces accessibles au cours de l’année, les mesures de gestion des pêcheries (quotas, périodes de pêche autorisées, etc.) ou encore les effets en retour pour les producteurs de l’évolution des marchés et filières de commercialisation en France comme à l’étranger.</p>
<p>En Atlantique, les flottilles les <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00678/78995/">plus impactées</a> sont les catégories de navires de 18 à 24 mètres (-21 % de chiffre d’affaires), puis les 24-40 mètres (-15 %) dont l’activité repose principalement sur des espèces comme le merlu, la baudroie, espèces phares de la restauration hors foyer. Les navires de 40 mètres et plus ainsi que les 12-18 mètres <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00678/78995/">ont été moins impactés (-8 %)</a></p>
<p>Mais la <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00678/78995/">situation varie</a> en fonction des régions de localisation des bateaux. Dans la catégorie des 12-18 mètres, les navires de Normandie ciblant la coquille Saint-Jacques ont été moins touchés (-2 %) que les navires de Bretagne ciblant la langoustine, les baudroies ou la sardine (-9 %) ou ceux de Pays de Loire exploitant la sole ou le merlu (-15 %).</p>
<p>En <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00678/78996/">Méditerranée</a>, les flottilles de navires de plus de 12 mètres ont globalement moins souffert qu’en <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00678/78995/">Atlantique</a> (-6 % en valeur totale débarquée vs -14 %).</p>
<p>Si 27 % des navires ont vu leur valeur débarquée chuter à des niveaux proches de la moyenne nationale (entre -10 et -20 %), <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00678/78995/">environ un tiers des entreprises de pêche</a> ont connu des baisses de valeurs débarquées inférieures à 20 %. Mais 22 % des entreprises ont vu leur valeur de débarquement augmenter. Ceci témoigne de l’hétérogénéité des situations face à la crise mais également de la variabilité des résultats des sociétés exploitant des ressources naturelles fluctuantes.</p>
<p>L’année 2020 a été aussi marquée par des prix du carburant <a href="https://theconversation.com/on-brade-le-petrole-137261">orientés à la baisse</a> ce qui devrait atténuer les impacts de la crise en particulier pour les armements les plus énergivores.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/394809/original/file-20210413-17-k34tqh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/394809/original/file-20210413-17-k34tqh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/394809/original/file-20210413-17-k34tqh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/394809/original/file-20210413-17-k34tqh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/394809/original/file-20210413-17-k34tqh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/394809/original/file-20210413-17-k34tqh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/394809/original/file-20210413-17-k34tqh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/394809/original/file-20210413-17-k34tqh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution de la valeur débarquée par navire entre 2020 et 2019. Façade Atlantique – navires de plus de 12 mètres : distribution de l’évolution de la valeur débarquée par navire pour les navires n’ayant pas changé d’armateur entre 2020 et 2019. Panel de 530 navires ayant débarqué au moins vingt mois sur les deux ans.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ifremer</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des aides pour atténuer les effets de la crise</h2>
<p>Pour faire face à cette situation inédite, les entreprises ont pu bénéficier de différents dispositifs d’aide (arrêts temporaires co-financés par le fonds européen pour la pêche, dispositif d’activité partielle pour les marins, fonds de solidarité, possibilité d’étaler les prêts, etc.).</p>
<p>Tout laisse à penser que ce sont les plus grandes unités qui ont mobilisé le plus les aides disponibles du fait d’une part de leur capacité administrative à les solliciter et d’autre part des périodes d’arrêt plus importantes pour ces navires, comparées aux unités de taille inférieure à 12 mètres qui ont maintenu globalement une activité forte.</p>
<p>S’il est encore trop tôt pour dresser un bilan complet, la crise qui persiste est intervenue après plusieurs années plutôt favorables à la santé économique des entreprises de pêche françaises.</p>
<p>Même si l’année a été très difficile pour les armateurs et les marins du fait des ajustements dans l’organisation des entreprises et des incertitudes sur les marchés, la pêche française a globalement plutôt bien résisté à ce choc notamment si on compare à d’autres pays <a href="https://www.fisheries.noaa.gov/resource/document/updated-impact-assessment-covid-19-crisis-us-commercial-seafood-and-recreational">(États-Unis notamment)</a></p>
<p>La dégradation de la santé économique de certaines entreprises risque toutefois d’augmenter leur vulnérabilité, notamment pour celles qui seront affectées par les conséquences du Brexit et des restrictions aux eaux britanniques.</p>
<hr>
<p><em>Patrick Berthou, chercheur retraité de l’Ifremer, a contribué à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158902/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La pandémie, alliée à d’autres facteurs, a touché plus ou moins durement les différents secteurs de la pêche française.Olivier Guyader, Chercheur en bio-économie pour la gestion des pêcheries, IfremerMathieu Merzéréaud, Statisticien et modélisateur, IfremerSébastien Demaneche, Ingénieur statisticien des pêches, IfremerLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1556192021-03-11T17:52:24Z2021-03-11T17:52:24ZUne nouvelle version de la nasse à poisson pour limiter l’impact de la pêche<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/388872/original/file-20210310-18-1gxx2tt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Casiers de pêche. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>En fonction des espèces capturées, mais aussi des saisons, les pêcheurs doivent adapter leurs techniques. La diversité de poissons et crustacés ciblés implique la mise en œuvre de différents engins de pêche : la ligne pour le bar, le casier pour les crustacés, le filet pour le rouget barbet par exemple.</p>
<p>Il faut aussi tenir compte des différents acteurs et usages des espaces côtiers – que ce soit pour le développement des énergies marines renouvelables ou le respect des aires protégées. Les pêcheurs doivent cohabiter et faire évoluer leur métier en tenant compte de ces réalités.</p>
<p>Autre préoccupation majeure : la nécessité de réaliser une pêche respectueuse des ressources et fonds marins. Les pêcheurs sont à ce titre demandeurs de développements technologiques qui répondraient à ces enjeux de durabilité pour leur permettre de diversifier leurs pratiques. Il s’agit d’alléger la pression sur les écosystèmes pour assurer l’activité de pêche et aussi une plus grande <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1212278110">résilience en cas de crise</a>.</p>
<p>Aujourd’hui, suite à la mise en place de mesures de gestion, <a href="https://wwz.ifremer.fr/Expertise/Peches-maritimes/Bilan-de-l-etat-des-populations-de-poissons-pechees-en-France/Bilan-2020-de-l-etat-des-populations-de-poissons-pechees-en-France">60 % des stocks de poissons</a> pêchés en France sont issus de populations exploitées durablement, contre 15 % il y a 20 ans. Notre projet de nasse s’inscrit dans la continuité de cet effort.</p>
<h2>Concevoir un engin fiable et peu impactant</h2>
<p>Dans ce contexte, nous avons conduit des travaux et des expérimentations en baie de Quiberon pour faire évoluer une technique de pêche bien connue : la nasse à poisson. Notre but était de concevoir un engin efficace et adapté aux problématiques actuelles.</p>
<p>Utilisée par les pêcheurs depuis des siècles, <a href="https://www.researchgate.net/publication/234166992_Fish_trapping_devices_and_methods_in_Assam_-_A_review_Indian_J_Fish_582_127-135">très répandue dans les pays en voie de développement</a>, la nasse connaît un regain d’intérêt, même si sur le terrain peu de pêcheurs l’utilisent actuellement en France métropolitaine. Nous avons notamment observé cette pratique dans le Golfe de Gascogne, où les nasses capturent efficacement le congre et le tacaud ; mais ces espèces, peu valorisées sur le marché, ne présentent qu’un faible intérêt pour les pêcheurs professionnels.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/386254/original/file-20210224-21-1cy4twp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/386254/original/file-20210224-21-1cy4twp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/386254/original/file-20210224-21-1cy4twp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/386254/original/file-20210224-21-1cy4twp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/386254/original/file-20210224-21-1cy4twp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/386254/original/file-20210224-21-1cy4twp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/386254/original/file-20210224-21-1cy4twp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Nasse à poisson datant de la période romaine.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Fish_trap#/media/File:Valkenburg_De_Woerd_visfuik.jpg">Paul van Krimpen/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>La conception de cette « nouvelle » nasse a été soumise à de multiples contraintes : mettre au point un engin qui n’aurait pas d’impact physique sur les habitats des fonds marins ; qui retiendrait les poissons de taille marchande tout en laissant les juvéniles s’échapper ; capable de capturer du poisson d’intérêt commercial, mais pas de crustacé, la <a href="https://www.comitedespeches-finistere.fr/upload/files/2018-015-NASSES%20A%20POISSON-B-%2030%2003%202018%281%29.pdf">réglementation l’interdisant</a>. Enfin, une nasse capable de faire face aux forts courants lorsqu’elle est déployée dans l’eau, tout en étant facilement maniable et occupant peu d’espace lorsqu’elle est à bord d’un navire.</p>
<p>Satisfaire tous ces objectifs et assurer la capacité de cet engin à capturer l’espèce cible en quantité suffisante constitue la clé pour que les pêcheurs l’adoptent de leur plein gré.</p>
<h2>Des grisets et des appâts</h2>
<p>Notre travail a débuté au cours de l’été 2018 par une phase d’enquête et de concertation auprès des pêcheurs. Il s’agissait de comprendre leurs contraintes et attentes envers la nasse ; et aussi de sélectionner ensemble l’espèce de poisson la plus pertinente à cibler.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/388881/original/file-20210310-15-gwm12u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/388881/original/file-20210310-15-gwm12u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/388881/original/file-20210310-15-gwm12u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/388881/original/file-20210310-15-gwm12u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/388881/original/file-20210310-15-gwm12u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/388881/original/file-20210310-15-gwm12u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/388881/original/file-20210310-15-gwm12u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dorade grise (<em>Spondyliosoma cantharus</em>).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>C’est le griset, ou dorade grise <em>(Spondyliosoma cantharus)</em>, qui a été retenu. Il s’agit d’une espèce accessible aux pêcheurs côtiers et ne présentant pas de problème de gestion des stocks.</p>
<p>L’étape suivante a consisté à lister des appâts potentiels sur la base des connaissances disponibles sur le régime alimentaire du griset et des pratiques des pêcheurs à l’hameçon. La capacité d’attraction de chaque appât a été évaluée à l’aide d’un éthogramme, qui permet de décrire et de traduire quantitativement le comportement des poissons, tout en tenant compte des conditions environnementales – courant marin, turbidité, temps écoulé entre la pose de l’appât et l’approche des individus.</p>
<p>Après avoir identifié l’appât pour lequel le griset montre le plus grand intérêt, la conception de la nasse a démarré en testant progressivement plusieurs hypothèses, correspondant à différents niveaux de conception de l’engin. Chaque niveau de conception a été testé quatre fois pour confirmer la répétabilité des comportements.</p>
<h2>Une nasse adaptée à l’espèce ciblée</h2>
<p>C’est d’abord une simple structure métallique, équipée du meilleur appât qui a été placée et comparée dans deux configurations : l’une lestée, l’autre flottée. L’intérêt de la configuration flottée réside dans le fait que l’appât n’est pas accessible aux crustacés, permettant d’éviter leur capture.</p>
<p>La meilleure configuration en matière d’approche du poisson a été retenue pour tester de la même manière les hypothèses suivantes.</p>
<p>Le poisson accède-t-il davantage à l’appât si : la nasse est recouverte d’un filet noir ou d’un filet transparent ? La nasse a une ou deux entrées ? La goulotte est simple ou complexe pour éviter l’échappement ?</p>
<p>Les réponses obtenues sur la base d’observations vidéo sous-marines ont abouti à la conception d’un prototype de nasse conçu en adéquation avec le comportement du griset. Ce prototype sera testé à l’été 2021 à bord de 2 navires de pêche professionnelle intervenant en Bretagne Sud.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/386968/original/file-20210301-20-1rh73ui.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/386968/original/file-20210301-20-1rh73ui.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/386968/original/file-20210301-20-1rh73ui.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/386968/original/file-20210301-20-1rh73ui.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/386968/original/file-20210301-20-1rh73ui.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/386968/original/file-20210301-20-1rh73ui.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/386968/original/file-20210301-20-1rh73ui.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des grisets face approchant la nasse expérimentale dans les eaux bretonnes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sonia Meuhault/Ifremer</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>Un prototype en phase de test</h2>
<p>Cette étape permettra de valider que l’engin développé est capable de capturer suffisamment de griset en conditions de pêche commerciale, de vérifier le profil de mensurations des individus capturés et d’ajuster les maillages en conséquence pour ne capturer que des individus de taille marchande.</p>
<p>Il s’agira aussi de valider l’ergonomie de l’engin lors de sa manipulation par les marins, ainsi que la valorisation économique du poisson lors de sa vente grâce à des enquêtes auprès des équipages et des patrons pêcheurs.</p>
<p>Parallèlement, le développement d’un engin de pêche nécessite de s’assurer de son moindre impact sur les fonds. Cet impact a été mesuré à l’aide d’un système de vidéo qui avait pour objectif de mesurer le mouvement et la pénétration d’une nasse initialement posée sur le fond et soumise aux courants de marée.</p>
<p>Ces mesures ont été complétées par celles d’un turbidimètre permettant d’évaluer la remise en suspension des sédiments liés au filage et au virage de la nasse, ainsi qu’à son éventuel mouvement au cours l’opération de pêche.</p>
<h2>Impacts quasi nuls sur le fond marin</h2>
<p>Le processus de sélection des appâts a montré que parmi la série testée, la coque (<em>Cerastoderma edule</em>) est l’un de ceux qui attirent le plus significativement le griset. L’observation des variables environnementales en parallèle du comportement du poisson montre que celui-ci tend majoritairement à approcher l’appât face au courant.</p>
<p>Cette observation plaide en faveur d’une structure flottée, libre de s’orienter dans l’eau, favorisant la diffusion de l’appât dans l’axe de la goulotte. Les étapes suivantes du développement de la nasse ont permis de définir le type de filet de recouvrement et de goulotte qui permet au poisson d’entrer.</p>
<p>Concernant les impacts sur le fond, les enregistrements vidéo ont montré un mouvement et une pénétration des nasses <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0237819">quasi nuls sur le fond</a> (les mouvements enregistrés sont inférieurs à l’erreur de mesure).</p>
<p>Les essais à venir sur les navires professionnels indiqueront si cette technique de pêche est transférable et viable pour les pêcheurs. En effet, les performances de cet engin restent à confirmer sur d’autres secteurs de pêche, avec des conditions environnementales qui peuvent être différentes. Les éventuelles autres espèces capturées non ciblées seront observées et la sélectivité des mailles pourra alors être adaptée.</p>
<p>Point important : la capture par cette méthode d’attraction permet de préserver les qualités organoleptiques du poisson dont l’endurance n’est pas mise à l’épreuve et qui subit un stress moindre pendant l’opération de pêche.</p>
<p>Sachant qu’une fois le griset capturé, ce sera au consommateur de décider s’il est prêt à payer, ou pas, pour consommer le poisson issu de cette nouvelle technique de pêche.</p>
<hr>
<p><em>Fabien Morandeau et Dorothée Kopp (Ifremer) ont co-écrit cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155619/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sonia Mehault ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des travaux conduits dans la baie de Quiberon sur un prototype d’engin de pêche cherchent à promouvoir des techniques plus durables et efficaces.Sonia Mehault, Ingénieure en biologie et technologie halieutique, IfremerLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.