tag:theconversation.com,2011:/ca/topics/tchernobyl-21416/articlesTchernobyl – The Conversation2024-02-06T14:43:10Ztag:theconversation.com,2011:article/2228192024-02-06T14:43:10Z2024-02-06T14:43:10ZSûreté nucléaire et fusion entre ASN et IRSN : l’originalité du modèle à la française<p>Après un cavalier législatif manqué au printemps 2023, le gouvernement avait soumis au parlement un <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/292470-projet-de-loi-surete-nucleaire-fusion-asn-et-irsn">projet de loi</a> visant à réformer la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Son article premier proposait de passer d’une organisation duale entre une Autorité de sûreté nucléaire (l’ASN) et un organisme de recherche et d’expertise, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (l’IRSN), à une organisation dite « intégrée ».</p>
<p>La commission du développement durable de l'Assemblée nationale a rejeté cet article premier le 5 mars dernier, mais le texte sera de nouveau examiné en séance plénière le 11 mars, pour un vote solennel prévu le mardi 19 mars.</p>
<p>Un établissement unique, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), disposerait à la fois des fonctions de recherche, d’expertise et de décision en matière de sûreté nucléaire et radioprotection.</p>
<p>Ce projet a suscité de <a href="https://theconversation.com/surete-du-nucleaire-en-france-comprendre-la-brusque-reforme-voulue-par-le-gouvernement-201191">nombreuses critiques et interrogations</a> et questionne ce qui fait la spécificité historique du modèle français : le dialogue entre expert, contrôleur et exploitant.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/surete-du-nucleaire-en-france-comprendre-la-brusque-reforme-voulue-par-le-gouvernement-201191">Sûreté du nucléaire en France : comprendre la brusque réforme voulue par le gouvernement</a>
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<h2>Aux origines du dialogue technique à la française</h2>
<p>Depuis les années 1960, l’expertise et le contrôle de la sûreté nucléaire sont assurés par un <a href="http://theses.univ-lyon2.fr/documents/lyon2/2003/foasso_c#p=163&q=dialogue+technique&o=0&a=highlight">« dialogue technique »</a> entre spécialistes qui se déroule <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-1-2012-1-page-35.htm">dans des arènes fermées</a>.</p>
<p>D’abord internes au Commissariat à l’énergie atomique (CEA), puis étendues à EDF et aux différents constructeurs impliqués dans les projets, les discussions tournent autour d’incidents et d’accidents considérés comme « crédibles » au vu de l’expérience acquise et des meilleures connaissances disponibles.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/three-mile-island-tchernobyl-fukushima-le-role-des-accidents-dans-la-gouvernance-nucleaire-159375">Three Mile Island, Tchernobyl, Fukushima : le rôle des accidents dans la gouvernance nucléaire</a>
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<p>Le règlement des questions de sûreté est guidé par la recherche de consensus et le « jugement d’expert » constitue la base de toutes décisions. En pratique, ce dialogue n’est pas que technique et inclut ouvertement et librement tous les aspects liés aux décisions de sûreté (coût, retards, niveau de sûreté, développement des connaissances, compétitivité et comparaison internationale…).</p>
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<p>L’efficacité de ce dialogue dépend alors de deux valeurs cardinales :</p>
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<li><p>l’esprit des relations entre acteurs,</p></li>
<li><p>et la doctrine de la compétence.</p></li>
</ul>
<p>Il s’agit, pour chaque question technique, de respecter l’avis du plus compétent et cela indépendamment de son rattachement institutionnel. Ce fonctionnement requiert une certaine proximité, une bonne entente, un haut niveau de confiance mutuelle (permise par l’absence de cadre réglementaire formalisé) et enfin une totale autonomie vis-à-vis de la société et du pouvoir politique.</p>
<p>Autrement dit, la sûreté n’y est pas considérée comme un contrôle de conformité à des normes préétablies, mais comme un sujet devant être élucidé au cas par cas via le dialogue entre parties prenantes des projets.</p>
<p>En comparaison, les pays anglo-saxons développent dès les années 1950 des règles, des normes, des méthodes et un cadre légal spécifique pour la sûreté nucléaire qui demeurent sous contrôle des pouvoirs publics et de la justice.</p>
<p>Malgré le <a href="https://theconversation.com/un-nouveau-plan-nucleaire-pour-la-france-quand-lhistoire-eclaire-lactualite-181513">développement massif du nucléaire civil</a> en France, le modèle dialogique est maintenu dans les années 1970, avec <a href="https://www.cairn.info/revue-gerer-et-comprendre-2017-4-page-76.htm">l’instauration d’une réglementation « souple » qui respecte l’esprit des pionniers</a>.</p>
<p>Toutefois, en accompagnement du Plan Messmer, sont créées deux entités : un contrôleur au sein du ministère de l’Industrie (le Service central de sûreté des installations nucléaires (SCSIN)) et un institut de recherche et d’expertise au sein du CEA, l’Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/573478/original/file-20240205-15-1s2ceb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/573478/original/file-20240205-15-1s2ceb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=586&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/573478/original/file-20240205-15-1s2ceb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=586&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/573478/original/file-20240205-15-1s2ceb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=586&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/573478/original/file-20240205-15-1s2ceb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=736&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/573478/original/file-20240205-15-1s2ceb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=736&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/573478/original/file-20240205-15-1s2ceb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=736&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dates clés du système de gouvernance français du nucléaire civil.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.sfen.org/rgn/la-riche-histoire-du-systeme-francais-de-controle-et-dexpertise-de-la-surete-nucleaire/">SFEN</a></span>
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<p>Un dialogue « à trois » se met alors en place pour expertiser et contrôler l’essor d’un gigantesque parc nucléaire de 58 réacteurs exploités par EDF, ainsi que de nombreux autres types d’installations nucléaires.</p>
<p>Les responsables de la sûreté affirment à cette époque ce qui fait l’originalité et la valeur du système français, à savoir : « <a href="http://theses.univ-lyon2.fr/documents/lyon2/2003/foasso_c#p=179&a=TH.4.1.5.3">l’existence d’une expertise technique qui base sa compétence sur le contact avec les développeurs, et qui joue le rôle de soutien de l’administration qui détient, elle, le pouvoir</a> ».</p>
<p>Les débats dans ce « petit monde de la sûreté » peuvent être extrêmement durs et aboutir à des conflits ouverts devant les responsables politiques et parfois même le grand public lui-même. Après l’accident de Tchernobyl, par exemple, deux visions s’affrontent au plan médiatique :</p>
<ul>
<li><p>celle du nouveau directeur de l’autorité de sûreté, <a href="http://theses.univ-lyon2.fr/documents/lyon2/2003/foasso_c#p=342&q=lav%C3%A9rie&o=0&a=highlight">Michel Lavérie, qui prône une plus grande ouverture vis-à-vis du public</a></p></li>
<li><p>et celle de <a href="http://theses.univ-lyon2.fr/documents/lyon2/2003/foasso_c#p=346&q=lav%C3%A9rie&a=TH.6.4.4.3">Pierre Tanguy, inspecteur général de la sûreté nucléaire (IGSN) à EDF et cadre historique de l’IPSN, qui souhaite que la sûreté nucléaire reste cantonnée dans le monde des spécialistes et loin du monde politique et médiatique</a>.</p></li>
</ul>
<p>Malgré cette divergence, les deux protagonistes s’accordent sur une chose : le modèle dialogique, permanent et continu entre expert, autorité et exploitant doit rester la base du modèle français.</p>
<h2>« French cooking », ou la cuisine nucléaire française face au modèle américain</h2>
<p>Après le choc de Tchernobyl, la <a href="https://www.lavoisier.fr/livre/environnement/une-longue-marche-vers-l-independance-et-la-transparence/saint-raymond/descriptif_2691813">gouvernance des risques nucléaires évolue progressivement</a> pour aboutir à la création de l’IRSN en 2002 (totalement détaché du CEA) et de l’ASN en 2006 (sous la forme d’une Autorité administrative indépendante (AAI)).</p>
<p>Toutefois, le modèle dialogique n’est pas abandonné et constitue toujours le fondement des expertises et des prises de décision liées à la <a href="https://www.asn.fr/l-asn-controle/reacteur-epr-de-flamanville">construction et au démarrage de l’EPR</a>, à l’après-Fukushima, aux <a href="https://www.asn.fr/l-asn-controle/reexamens-periodiques/reexamens-periodiques-pour-les-centrales-nucleaires">réexamens périodiques de sûreté</a> des réacteurs ou aux défaillances qui ont impacté récemment les réacteurs nucléaires français.</p>
<p>Ces différents épisodes montrent une autre spécificité du modèle français qu’est l’idée de « progrès continu ». Ce précepte constitue, selon l’économiste <a href="https://minesparis-psl.hal.science/hal-00827432v1/file/I3WP_13-ME-05.pdf">François Lévêque</a>, un point de divergence philosophique important par rapport au modèle américain de la sûreté : « On a affaire à une approche de la régulation fondée sur deux principes majeurs différents : à Washington, caler le niveau d’une sûreté assez sûre ; à Paris, faire continûment progresser la sûreté ».</p>
<p>En effet, la United States Nuclear Regulatory Commission (NRC) adopte, depuis les années 1980, un système basé sur la recherche de performance et d’efficacité à l’aide d’approches quantitatives (objectifs quantifiés, analyse coût-bénéfice, études probabilistes, doses reçues par les travailleurs ou la population…). Ces approches prennent une place croissante dans le processus de décision autour de la question « How safe is safe enough ? »</p>
<p>Du fait de leur différence, le modèle dialogique français est surnommé ironiquement <a href="https://www.annales.org/gc/2010/gc101/Rolina.pdf">« french cooking »</a> par les Anglo-Saxons pour appuyer sur le fait que tous les aspects liés à la sûreté se règlent entre spécialistes. Le « French cooking », qui a été mis en avant comme un facteur de réussite de la réalisation du programme nucléaire, est aujourd’hui régulièrement critiqué pour son <a href="https://www.cerna.minesparis.psl.eu/Donnees/data08/818-NukeMinesAEE.pdf">absence de prise en considération explicite d’objectifs quantifiés (et des coûts</a> associés) et une tendance à « toujours plus de sûreté ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/debat-letatisme-plombe-t-il-la-filiere-nucleaire-francaise-209874">Débat : L’Étatisme plombe-t-il la filière nucléaire française ?</a>
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<p>Si le modèle dialogique a perduré, c’est qu’il a aussi été un moteur de changements. C’est par ce mode de fonctionnement que la sûreté en France s’est adaptée. D’abord à l’évolution du parc nucléaire, mais aussi aux progrès des connaissances scientifiques et techniques, au retour d’expérience des incidents/accidents, à l’internationalisation des standards de sûreté ainsi qu’à la nécessité croissante de transparence et d’implication du public.</p>
<p>Sur ce dernier point, depuis plusieurs années, l’ASN et l’IRSN ont tenté d’exporter, <a href="https://hal.science/hal-02896863v1/file/0000162400_001.PDF">non sans difficulté</a>, un modèle de « <a href="https://www.irsn.fr/page/dialogues-techniques">dialogue technique » vers la société</a>. <a href="https://www.radioprotection.org/articles/radiopro/pdf/2018/02/radiopro170063.pdf">Des associations comme les commissions locales d’information (CLI) présentes autour des sites nucléaires, jouent un rôle important pour entretenir et alimenter ce processus</a>.</p>
<h2>Quelle place pour le modèle dialogique dans la future ASNR ?</h2>
<p>La possible naissance d’un nouvel organisme issu de la fusion de l’IRSN et de l’ASN met à l’épreuve le fonctionnement historique de la gouvernance des risques nucléaires. Néanmoins, le <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/ots/l16b1519_rapport-information.pdf">rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) de juillet 2023</a>, consacré à la reforme de la gouvernance des risques nucléaires, préconise de ne pas abandonner le « dialogue technique » à la française, « garant de la fluidité et de la qualité des contrôles [et que] notre pays aurait tort de céder à la tentation de l’autodénigrement de ses propres méthodes de travail ».</p>
<p>Se pose alors la question de la possibilité de faire perdurer un modèle dialogique « à deux » entre les industriels et la future ASNR.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2021-4-page-123.htm?try_download=1">Certains travaux</a> ont en effet montré que le dialogue à trois est un puissant garde-fou face aux risques d’excès de zèle du binôme ASN/IRSN ou, à l’inverse, de sa <a href="https://www.theses.fr/2008PA090046">« capture »</a> par les intérêts de l’industriel : « La nette séparation en trois entités autonomes entretenant des rapports de confrontation et de coalitions instables, mais reliées par des objectifs communs (sûreté et préservation du cadre leur permettant d’exister), est apparue comme de nature à favoriser de nombreuses négociations, mais aussi d’en réguler les excès éventuels ou le risque de capture ».</p>
<p>Pour se prémunir de ce type de dérives, le projet de loi préconise de conserver une forme de séparation entre expertise et décision avec, d’un côté, le corps d’experts/chercheurs de l’IRSN et les chargés d’affaires de l’ASN et, de l’autre, un <a href="https://www.asn.fr/tout-sur-l-asn/presentation-de-l-asn/l-organisation-de-l-asn#le-college">collège décisionnaire</a>, qui existe déjà au sein de l’ASN.</p>
<p>Toutefois, cette garantie semble oublier que seules les décisions stratégiques sont prises par le collège à l’heure actuelle tandis que les décisions du « quotidien », qui constituent le plus grand nombre, <a href="https://hal.science/hal-03338579/document">se règlent par consensus ou compromis à différentes étapes d’un dialogue pas que technique</a>.</p>
<p>La spécificité du modèle dialogique français est donc un argument à double tranchant.</p>
<ul>
<li><p>D’un côté, il est mobilisé par certains promoteurs de la réforme en raison de la proximité entre acteurs et d’une forme de porosité entre expertise et décision : s’il n’existe pas de séparation nette, on est en droit de se demander l’intérêt de conserver deux organismes distincts.</p></li>
<li><p>De l’autre, le dialogue à trois a été jugé efficace pour développer le parc nucléaire dans les années 1970-1980 et est aujourd’hui reconnu, tant au plan national qu’international. Il permet notamment d’éviter certaines dérives : excès de zèle ou capture du pouvoir.</p></li>
</ul>
<p>Dans tous les cas, le projet de réforme touche au fondement du fonctionnement du modèle dialogique qui a fait la force et la stabilité du système de gouvernance des risques nucléaires français. Reste à voir si ce nouveau modèle sera aussi efficace que le précédent pour assurer tant la sûreté que la réussite industrielle dans le contexte de développement d’un nouveau parc nucléaire et de <a href="https://theconversation.com/prolongement-des-centrales-nucleaires-comment-se-calculent-les-couts-93885">prolongation de la durée de vie des centrales existantes</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222819/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michaël Mangeon effectue régulièrement des travaux pour l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mathias Roger ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La fusion de l'ASN et de l’IRSN proposée par le gouvernement est loin d'être anodine. Elle remet en cause ce qui fait la force du modèle français de gouvernance des risques nucléaires.Michaël Mangeon, Chercheur associé EVS-RIVES ENTPE, enseignant vacataire, consultant, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresMathias Roger, Chercheur en histoire et sociologie des sciences et des techniques, IMT Atlantique – Institut Mines-TélécomLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2011912023-03-08T19:06:33Z2023-03-08T19:06:33ZSûreté du nucléaire en France : comprendre la brusque réforme voulue par le gouvernement<p>Face à l’urgence climatique et aux problématiques de souveraineté et de sécurité d’approvisionnement électrique, le gouvernement d’Emmanuel Macron a fait le choix d’accélérer la relance et la modernisation du parc nucléaire national.</p>
<p>Depuis l’annonce, en février 2022, de la « renaissance du nucléaire français », avec la construction à partir de 2028 de six réacteurs « nouvelle génération » (type EPR 2), les décisions se multiplient. À l’image de ce projet de loi visant <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000046513775/">l’accélération des procédures</a> liées à la construction de nouvelles installations nucléaires et au fonctionnement des installations existantes.</p>
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<figcaption><span class="caption">Depuis Belfort, Emmanuel Macron annonce la construction de six nouveaux réacteurs nucléaires. (France 24, 2022).</span></figcaption>
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<p>Dans le cadre de ce projet, un nouvel amendement du gouvernement propose une <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/0762/CION-ECO/CE602">réforme du système d’expertise et de contrôle de la sûreté nucléaire</a>. Pour en comprendre les enjeux, il faut revenir sur la manière dont ce système s’est développé en France.</p>
<h2>Un système d’expertise et de contrôle pour répondre aux défis du plan Messmer</h2>
<p>C’est au cours des années 1970, durant le développement du programme nucléaire français de centrales EDF, <a href="http://theses.univ-lyon2.fr/documents/lyon2/2003/foasso_c">qu’un système d’expertise et de contrôle de la sûreté nucléaire a été mis en place</a> autour de trois acteurs : l’industriel ; un petit service du ministère de l’Industrie créé en 1973 pour contrôler la sûreté nucléaire ; l’IPSN (l’Institut de protection et de sûreté nucléaire), un institut émanant du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et chargé de l’expertise et de la recherche, créé en 1976.</p>
<p>Bien que les centrales soient de technologie américaine, le modèle d’expertise et de contrôle en vigueur outre-Atlantique est considéré comme trop dirigiste et réglementaire pour être transféré. On préfère alors conserver une approche historique, <a href="https://hal-mines-paristech.archives-ouvertes.fr/hal-01499002">plus souple et moins réglementaire</a> permettant la convergence des positions entre les spécialistes des différents organismes par l’échange direct, ce que les protagonistes nomment le « dialogue technique ». Les enjeux économiques et industriels s’entremêlent ici avec les aspects techniques et scientifiques.</p>
<p>Ce système se montre efficace pour suivre la cadence imposée par la construction à marche forcée du parc électronucléaire français ; il se trouve même conforté après l’accident nucléaire de Three Mile Island, survenu en 1979 aux États-Unis, dont le lien est établi avec <a href="http://theses.univ-lyon2.fr/documents/lyon2/2003/foasso_c">l’approche trop réglementaire de l’autorité de sûreté américaine aux dépens d’une expertise plus technique</a>.</p>
<h2>Après Tchernobyl, restaurer la confiance</h2>
<p>Au contraire, l’accident de Tchernobyl (1986), et en particulier l’affaire très médiatisée du « nuage radioactif », écorne l’image du nucléaire et celle du système de contrôle et d’expertise français.</p>
<p>En réponse, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) <a href="https://www.senat.fr/rap/r87-179/r87-1791.pdf">propose la création d’une agence nationale de sécurité et d’information nucléaire</a>, indépendante des pouvoirs publics, pour surveiller et réglementer les installations et assurer la communication auprès du public. Cette idée n’est pas directement reprise, mais actionne néanmoins une mutation progressive du système.</p>
<p>En 1998, le député et membre de l’OPECST <a href="https://www.vie-publique.fr/11138-jean-yves-le-deaut">Jean-Yves le Déaut</a> rédige, à la demande du nouveau premier ministre Lionel Jospin, un rapport intitulé « Le système français de radioprotection, de contrôle et de sécurité nucléaire : la longue marche vers l’indépendance et la transparence ». Il préconise alors la <a href="https://www.vie-publique.fr/rapport/24504-le-systeme-francais-de-radioprotection-de-controle-et-de-securite-nucle">création d’un expert public complètement indépendant du CEA et une autorité de sûreté forte et indépendante du gouvernement</a>. Ce rapport précise également que « construire un lien organique trop fort entre l’autorité de sûreté et le pôle d’expertise reviendrait à limiter la capacité d’expression du pôle d’expertise ».</p>
<p>La création en 2002 d’un établissement public d’expertise (l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, IRSN), comprenant 1 800 experts et chercheurs dans tous les domaines liés à la sûreté nucléaire et la radioprotection et, en 2006, d’une autorité administrative indépendante en charge de contrôle, forte de plus de 500 agents, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), parachève ce processus visant à restaurer la confiance du public dans le contrôle et l’expertise du nucléaire.</p>
<p>À la fin des années 2000, au moment où la France envisage une relance du nucléaire, le système d’expertise et de contrôle apparaît, pour certains, inadapté. Un <a href="https://www.vie-publique.fr/rapport/31268-avenir-de-la-filiere-francaise-du-nucleaire-civil-synthese-du-rapport">rapport sur l’avenir de la filière nucléaire</a> commandé par le président Nicolas Sarkozy à François Roussely, ancien dirigeant d’EDF, pointe les « excès de zèle » de l’ASN. De même, le rapport préconise que l’IRSN assure désormais la diffusion et la promotion des règles et normes de sûreté françaises pour favoriser les exploitants français à l’export.</p>
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<p>L’accident de Fukushima Daiichi, survenu en mars 2011, met provisoirement un terme à ces volontés de rapprocher un peu plus sûreté nucléaire et enjeux industriels. Le système français est alors régulièrement érigé en modèle par les instances internationales face aux risques de collusion entre contrôleur et contrôlé <a href="https://web.archive.org/web/20120710075620/http:/naiic.go.jp/wp-content/uploads/2012/07/NAIIC_report_lo_res.pdf">identifiée comme une cause profonde</a> de l’accident survenu au Japon.</p>
<h2>La nouvelle réforme, une rupture historique</h2>
<p>Aujourd’hui, alors que le spectre de Fukushima s’éloigne et que le gouvernement <a href="https://theconversation.com/un-nouveau-plan-nucleaire-pour-la-france-quand-lhistoire-eclaire-lactualite-181513">a annoncé vouloir relancer le programme nucléaire</a>, une <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/renforcement-lorganisation-du-controle-et-recherche-en-radioprotection-et-surete-nucleaire">proposition de réforme</a> du système d’expertise et de contrôle a été brusquement mise sur la table, par le biais d’un simple communiqué de presse du ministère de la Transition écologique. Celle-ci propose en particulier l’intégration de l’IRSN dans une « super ASN » qui disposerait ainsi du double rôle d’expert et de décideur en matière de sûreté.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/three-mile-island-tchernobyl-fukushima-le-role-des-accidents-dans-la-gouvernance-nucleaire-159375">Three Mile Island, Tchernobyl, Fukushima : le rôle des accidents dans la gouvernance nucléaire</a>
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<p>L’un des objectifs annoncés de la réforme est de <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/renforcement-lorganisation-du-controle-et-recherche-en-radioprotection-et-surete-nucleaire">« consacrer l’indépendance et la transparence du système de sûreté nucléaire français »</a>, en transférant l’IRSN vers l’ASN, une Autorité administrative indépendante, considérée comme objectivement plus indépendante, car non soumise à des tutelles ministérielles.</p>
<p>Le gouvernement présente ainsi son projet comme une évolution naturelle du système existant. Une analyse historique montre pourtant qu’il s’agit plutôt d’une rupture, à la fois sur la forme – le projet n’a jamais été discuté en amont par des organismes tels que l’OPECST – et sur le fond – le système actuel ayant été conçu en réponse à une crise de confiance dans le nucléaire qui s’est depuis notablement atténuée.</p>
<h2>Plus d’indépendance, mais quelle indépendance ?</h2>
<p>En outre, la réforme repose sur une définition restrictive de la notion d’indépendance, comme résultant d’un simple statut institutionnel. De nombreux travaux de l’<a href="https://www.iaea.org/publications/6565/regulatory-control-of-nuclear-power-plants">Agence internationale de l’énergie atomique</a>, de l’<a href="https://www.oecd-ilibrary.org/regulatory-management-practices-in-oecd-countries_5jm0qwm7825h.pdf">OCDE</a> ou des synthèses de <a href="https://www.foncsi.org/fr/publications/cahiers-securite-industrielle/relation-controleur-controle/CSI-controleur-controle.pdf">travaux de recherche</a> ont montré que la notion d’indépendance possède, au contraire, de multiples dimensions (fonctionnelle, organique, factuelle…).</p>
<p>Comme le rappelle un rapport de l’office parlementaire d’évaluation de la législation de 2004 sur les Autorités administratives indépendantes <a href="http://www.senat.fr/rap/r05-404-2/r05-404-2_mono.html">« l’indépendance est un état d’esprit, et un état d’esprit ne se décrète pas »</a>. En ce sens, l’indépendance n’est jamais définitivement acquise et il faut toujours composer avec le risque de capture de l’expertise et du contrôle par des enjeux politiques, industriels ou économiques. De ce point de vue, la proximité accrue de l’expertise et de la décision au sein d’une « super ASN », mettra à rude épreuve l’indépendance de l’expertise.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/UvLGItsQJi8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Audition de Claude Birraux, ancien président de l’Opecst sur la fusion ASN/IRSN (Public Sénat, 16 février 2023).</span></figcaption>
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<h2>Critiques et non-dits comme fondements de la réforme ?</h2>
<p>Un autre objectif annoncé de la réforme, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=PMbQHiUYKn4">tirée de la comparaison avec d’autres systèmes de contrôle qui intègrent dans un même organisme expertise et décision</a>, vise à <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/renforcement-lorganisation-du-controle-et-recherche-en-radioprotection-et-surete-nucleaire">« fluidifier le processus de décision et de gagner en coordination »</a> pour « renforcer les compétences et la puissance d’action de l’ASN ».</p>
<p>Bien que le gouvernement explique que le système actuel fonctionne et n’est pas en cause, cette réforme fait écho à des critiques envers l’IRSN et l’ASN, sujets souvent tabous dans le domaine nucléaire, qui ont été exposées publiquement ces dernières années.</p>
<p>Le constat d’une relation de pouvoir compliquée entre les deux organismes, voire d’une compétition médiatique, a été mis en avant par <a href="https://www.cairn.info/revue-commentaire-2021-4-page-785.htm">Yves Bréchet, ancien Haut-commissaire à l’Énergie atomique du CEA et Claude Le Bris</a>, qui pointent également le fonctionnement trop « juridique » et peu adapté aux contraintes industrielles de l’ASN.</p>
<p>De manière beaucoup plus directe, l’association Patrimoine nucléaire et climat (PNC) parle ouvertement des <a href="https://www.contexte.com/actualite/energie/document-lintegration-a-lasn-de-lexpertise-surete-de-lirsn-permet-de-mettre-fin-a-des-derives-selon-pnc-france_164497.html">dérives de l’IRSN qui polluent le processus « instruction-expertise-décision », en rendant publics ses avis avant les décisions de l’ASN</a>. L’expertise de l’IRSN constituerait alors une sorte de prédécision contraignant fortement la marge de manœuvre de l’ASN.</p>
<h2>Prendre la mesure des risques posés par cette réforme</h2>
<p>En définitive, il nous paraît clair que cette réforme transcrit une volonté de mieux concilier l’organisation de l’expertise et du contrôle de la sûreté avec les nouveaux enjeux industriels (construction de nouveaux réacteurs nucléaires et prolongation de la durée de fonctionnement des réacteurs en service).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/un-nouveau-plan-nucleaire-pour-la-france-quand-lhistoire-eclaire-lactualite-181513">Un nouveau plan nucléaire pour la France ? Quand l’histoire éclaire l’actualité</a>
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<p>Cette volonté provenant des milieux politiques et industriels pour une sûreté nucléaire plus fluide et plus en adéquation avec les enjeux industriels devrait selon nous être mieux explicitée et, surtout, assumée.</p>
<p>Dans un contexte de forts enjeux industriels et dans un monde en crise, une telle réforme ne représente pas seulement une rupture organisationnelle : au sein d’un système aux composants interdépendants, les <a href="https://pastel.archives-ouvertes.fr/tel-02066034">évolutions organisationnelles ne vont pas sans modifier les règles, les pratiques, les relations entre les acteurs</a> de la sûreté nucléaire et même la philosophie globale de l’expertise et du contrôle. De plus, de <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-l_accident_de_la_centrale_nucleaire_de_three_mile_island_michel_llory-9782738477088-13581.html">Three Mile Island</a> à <a href="https://www.iaea.org/publications/10962/the-fukushima-daiichi-accident">Fukushima</a>, en passant par <a href="https://www-pub.iaea.org/mtcd/publications/pdf/pub913e_web.pdf">Tchernobyl</a>, le fonctionnement du système de contrôle et d’expertise apparaît comme une des causes des grands accidents nucléaires.</p>
<p>Réaliser une évaluation complète des opportunités et risques potentiels paraît être une entreprise préalable indispensable au lancement d’une réforme impactant potentiellement la stabilité du système, la sûreté nucléaire et, au final, la crédibilité du nouveau programme nucléaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201191/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michaël Mangeon effectue régulièrement des travaux pour l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mathias Roger a reçu des financements de l'IRSN, notamment pour sa thèse de doctorat. </span></em></p>En pleine relance de la filière du nucléaire civil en France, le gouvernement d’Emmanuel Macron vient de lancer une réforme du système d’expertise et de contrôle de la sûreté nucléaire qui interroge.Michaël Mangeon, Chercheur associé EVS-RIVES ENTPE, enseignant vacataire Paris Nanterre, consultant, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresMathias Roger, Chercheur en histoire et sociologie des sciences et des techniques, IMT Atlantique – Institut Mines-TélécomLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1815132022-04-21T18:13:16Z2022-04-21T18:13:16ZUn nouveau plan nucléaire pour la France ? Quand l’histoire éclaire l’actualité<p>Le 10 février 2022, à quelques semaines du premier tour de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron annonçait le lancement d’un <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/electricite-emmanuel-macron-souhaite-relancer-la-filiere-nucleaire_4954434.html">ambitieux programme de construction de réacteurs nucléaires</a>. D’autres candidats et candidates (Marine Le Pen, Éric Zemmour, Valérie Pécresse ou encore Fabien Roussel) ont également placé le nucléaire au cœur de leur programme énergétique.</p>
<p>Si cette situation rappelle immanquablement le <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/1974-pierre-messmer-lance-le-premier-grand-plan-nucleaire-civil-francais">« plan Messmer »</a> – qui lança en 1974 la construction du parc électronucléaire français – ces deux situations sont-elles vraiment comparables ?</p>
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<figcaption><span class="caption">Février 2022 : Emmanuel Macron annonce 6 nouveaux réacteurs EPR en France. (Euronews, 2022).</span></figcaption>
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<h2>Deux périodes, deux crises énergétiques… des contextes différents</h2>
<p>Aujourd’hui, comme au milieu des années 1970, la France connaît une crise énergétique majeure, dans un contexte géopolitique très tendu. En effet, la crise pétrolière de 1973, liée à la guerre du Kippour et à l’embargo pétrolier des pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), clôt la période des Trente Glorieuses durant laquelle le nucléaire civil ne représente qu’une très faible part du mix énergétique français.</p>
<p>Si nous connaissons également une crise énergétique aujourd’hui, amplifiée par la guerre en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ukraine-21219">Ukraine</a>, la situation semble bien différente. Avec une croissance économique en berne, la France, désormais pays le plus nucléarisé au monde, se questionne sur son avenir énergétique.</p>
<p>Enfin, les arguments en faveur de l’énergie nucléaire ont évolué. Si la lutte contre le changement climatique a progressivement pris le dessus sur celui de l’indépendance nationale, les tensions géopolitiques liées à la guerre en Ukraine et à la crise énergétique ont tendance, aujourd’hui, à faire ressurgir brutalement ce second argument.</p>
<h2>Avant le plan Messmer, 20 ans de développement du tissu industriel</h2>
<p>D’un point de vue industriel, en 1974, EDF et le CEA ont une vingtaine d’années d’expérience de construction de réacteurs. Ces organismes conçoivent, réalisent et exploitent des <a href="http://www.editionsamsterdam.fr/le-rayonnement-de-la-france/">réacteurs dits « uranium-naturel-graphite-gaz » (UNGG) à double emploi civil et militaire</a>. Les ingénieurs du CEA et d’EDF rencontrent alors de nombreuses difficultés pour mettre au point un réacteur qui soit compétitif sur le plan économique.</p>
<p>Malgré de gros efforts de rationalisation et d’optimisation, le projet franco-allemand d’une centrale UNGG à Fessenheim, devant être construite en 1965, est <a href="https://u-paris.fr/theses/detail-dune-these/?id_these=2706">repoussé à de nombreuses reprises puis abandonné en 1969</a>. Les autres réacteurs de la même technologie connaissent, au même moment, de nombreux incidents et même un <a href="https://theconversation.com/17-octobre-1969-saint-laurent-des-eaux-retour-sur-un-accident-nucleaire-francais-125322">accident nucléaire à Saint-Laurent-des-Eaux en 1969</a>.</p>
<p>Cette même année, la technologie française est abandonnée au profit des réacteurs à eau pressurisée (REP) américains dont un <a href="https://twitter.com/Mangeon4/status/1314145874088525824?s=20&t=zUSRDfFx4CA-mH-JmQbrZQ">seul exemplaire fonctionne depuis 1967 dans les Ardennes</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">1974, la France lance son programme nucléaire civil. (Ina Sciences).</span></figcaption>
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<p>Le plan Messmer impose un rythme de construction correspondant <a href="https://www.decitre.fr/livres/un-si%C3%A8cle-d-energie-nucleaire-9782304030587.html">au maximum des capacités de l’industrie française</a>, héritage de l’expérience du programme UNGG et du lancement de deux REP à Fessenheim et Bugey. EDF forme alors massivement le personnel d’exploitation de ses centrales nucléaires, souvent issu des centrales thermiques ou d’anciens exploitants des centrales UNGG. Le nucléaire, qui a alors le vent en poupe, accueille également beaucoup de jeunes ingénieurs pour accompagner la conception et la réalisation de dizaines de réacteurs.</p>
<h2>Aujourd’hui, une filière nucléaire en difficulté qui cherche à se relancer</h2>
<p>Vingt ans après la mise en service de la dernière centrale (Civaux en 2002), le tissu industriel s’est progressivement délité. <a href="https://www.economie.gouv.fr/rapport-epr-flamanville">Des travaux</a> sur les déboires de l’EPR de Flamanville pointent des pertes de compétences industrielles dans la soudure, l’ingénierie et la gouvernance du projet.</p>
<p><a href="https://www.theses.fr/2014ENMP0090">D’autres travaux</a> mettent en évidence des mécanismes de désapprentissage liés à une longue période d’absence de projets et un profond renouvellement générationnel des équipes d’ingénieurs. La reprise en main de Framatome par EDF en 2018, et plus récemment le rachat de la <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/edf-n-achete-qu-une-partie-des-activites-nucleaires-a-ge.N1783472">partie nucléaire de General Electric, également par EDF</a>, dénotent d’une volonté de maîtrise centralisée des outils de production de l’industrie pour renouer avec le succès.</p>
<p>Depuis l’annonce d’Emmanuel Macron en février 2022, de <a href="https://www.leparisien.fr/economie/business/le-nucleaire-civil-un-gisement-demplois-23-03-2022-JRKEJXMXXJD3JPVOVNKDQZLHTA.php">nombreux articles</a> pointent le besoin en personnel d’EDF qui lance une campagne de recrutement et de communication dans l’optique de faire resurgir l’intérêt pour la filière nucléaire.</p>
<h2>Dans les années 1970, une contestation articulée autour des sites d’implantation</h2>
<p>Développer le plan Messmer ne fut pas un long fleuve tranquille et le programme nucléaire fut très contesté.</p>
<p>Lors de la présidentielle de 1974, l’opposition au nucléaire civil est minoritaire. Pour autant, la société française semble partagée et une <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-france-nucleaire-l-art-de-gouverner-une-technologie-contestee-sezin-topcu/9782021052701">opposition très forte se structure autour des sites d’implantation</a>.</p>
<p>Les opposants organisent de grandes manifestations rassemblant des dizaines de milliers de personnes. Certaines se terminent dans la violence, <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/caa7701118901/creys-malville-manifestation">comme à Creys-Malville (un manifestant meurt en 1977)</a> et des attentats sont même perpétrés sur les chantiers, comme à Fessenheim ou au domicile du PDG d’EDF.</p>
<p>Avant l’accident nucléaire de Tchernobyl (1986), la question du risque nucléaire est présente dans les oppositions, mais est loin d’être le seul critère de contestation. On insiste notamment sur la lutte contre un État qui impose ses choix aux citoyens et aux territoires.</p>
<p>Cette contestation n’empêchera finalement pas le déploiement du plan Messmer, hormis l’abandon de quelques sites (<a href="https://twitter.com/mangeon4/status/1311551958600355843">comme Plogoff ou le Pellerin</a>).</p>
<p>Le choix des sites est stratégique : on construit de nouvelles centrales très vite, parfois là où il y avait déjà du nucléaire, souvent sur des sites ruraux souffrant de dépopulation et où les communes <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2014-4-page-153.htm">entendent profiter des retombées financières</a>.</p>
<p>On peut supposer qu’aujourd’hui l’opposition autour des sites en construction serait sans doute très différente, les futurs réacteurs étant prévus sur des sites déjà nucléarisés.</p>
<h2>Des « maladies de jeunesse » moins acceptées aujourd’hui</h2>
<p>L’expertise et le contrôle de la sûreté nucléaire ont <a href="https://pastel.archives-ouvertes.fr/tel-02066034">fortement évolué depuis les années 1970</a>, avec la création d’une Autorité de Sûreté (ASN) en 2006 et d’un expert public (IRSN) en 2002.</p>
<p>À l’époque du plan Messmer, les services de l’État, fortement liés au monde industriel, acceptaient les « maladies de jeunesse » qui touchaient les réacteurs (<a href="https://theses.univ-lyon2.fr/documents/lyon2/2003/foasso_c">par exemple, des problèmes de corrosion sur les couvercles de cuve</a>), mais qui ne sont plus tolérées aujourd’hui comme en témoigne le chantier de l’EPR.</p>
<p>Néanmoins, en cas de relance du nucléaire, on peut aussi faire l’hypothèse d’une forte pression politique pour ne pas trop freiner le programme et pousser à un <a href="https://hal-mines-paristech.archives-ouvertes.fr/hal-01499002">retour d’une forme de souplesse du point de vue réglementaire</a>. À l’inverse, la question du risque nucléaire est vive dans l’opinion publique depuis l’accident de Tchernobyl et de Fukushima, ce qui pourrait fortement impacter le déroulement d’un nouveau programme de construction de réacteurs.</p>
<p>Si la mise en perspective historique s’avère pertinente, il n’y aura pas de plan « Messmer 2 », mais une nouvelle histoire du nucléaire civil en France à l’issue encore bien incertaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181513/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Avec les promesses d’un nouveau plan nucléaire pour la France, l’histoire du programme nucléaire des années 1970 et du « plan Messmer » est-elle en train de se répéter ?Michaël Mangeon, Chercheur associé EVS-RIVES ENTPE, enseignant vacataire Paris Nanterre, consultant., Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresMathias Roger, Chercheur en histoire et sociologie des sciences et des techniques, IMT Atlantique – Institut Mines-TélécomLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1788592022-03-10T20:31:27Z2022-03-10T20:31:27ZQuels sont les dangers sanitaires et écologiques d’une activité militaire à Tchernobyl<p>Le 26 avril 1986, suite à une erreur humaine, le <a href="https://www.iaea.org/newscenter/focus/chernobyl/faqs">réacteur numéro quatre de la centrale nucléaire de Tchernobyl fondait à la stupéfaction générale</a>, libérant dans le ciel et dans l’environnement de grandes quantités de particules et de gaz radioactifs. En tout <a href="https://inis.iaea.org/collection/NCLCollectionStore/_Public/28/058/28058918.pdf">400 fois plus de radioactivité</a> que la bombe atomique larguée sur Hiroshima.</p>
<p>Depuis, le site, situé dans le nord de l’Ukraine, est entouré d’une zone d’exclusion de 2 600 kilomètres carrés interdite d’accès. Mise en place pour contenir les contaminants radioactifs, elle protège également la région des perturbations humaines.</p>
<p><iframe id="d9rRj" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/d9rRj/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>À l’exception d’une poignée de secteurs industriels, la majeure partie de la zone est complètement isolée de toute activité humaine et semble presque… normale. Par endroit, là où les niveaux de radiation ont suffisamment baissé avec le temps, les plantes et les animaux sont revenus en nombre significatif.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/449306/original/file-20220301-25-2h9q0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un renard debout dans l’herbe" src="https://images.theconversation.com/files/449306/original/file-20220301-25-2h9q0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/449306/original/file-20220301-25-2h9q0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/449306/original/file-20220301-25-2h9q0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/449306/original/file-20220301-25-2h9q0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/449306/original/file-20220301-25-2h9q0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/449306/original/file-20220301-25-2h9q0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/449306/original/file-20220301-25-2h9q0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La baisse de radioactivité dans certains secteurs ont permis à la vie de revenir. Ici, un renard près de la centrale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">T. A. Mousseau, 2019</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>Au point que certains scientifiques ont suggéré que la zone d’exclusion était devenue une sorte d’Eden pour la faune… <a href="https://knowablemagazine.org/article/food-environment/2022/scientists-cant-agree-about-chernobyls-impact-wildlife">D’autres sont plus sceptiques</a> quant à cette interprétation. Les apparences peuvent être trompeuses. Dans les secteurs à forte radioactivité, la taille et la diversité des populations d’<a href="https://doi.org/10.1016/j.envpol.2012.01.008">oiseaux</a>, de <a href="https://doi.org/10.1016/j.ecolind.2012.10.025">mammifères</a> et d’<a href="https://doi.org/10.1098/rsbl.2008.0778">insectes</a> sont ainsi nettement plus faibles que dans ceux considérés comme plus « propres ».</p>
<p><a href="https://scholar.google.com/citations?user=fzimDsYAAAAJ&hl=en&oi=sra">J’ai passé plus de 20 ans</a> <a href="https://www.nytimes.com/2014/05/06/science/nature-adapts-to-chernobyl.html">à travailler en Ukraine, ainsi qu’au Belarus et à Fukushima, au Japon</a>, principalement <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-ecolsys-110218-024827">sur les effets des radiations</a>…</p>
<p>Aussi, ces derniers jours, on m’a demandé à plusieurs reprises quel intérêt avaient les forces russes à être entrées par le nord de l’Ukraine en passant par cette friche atomique, et quelles pourraient être les conséquences environnementales de l’activité militaire dans cette zone.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le 24 février dernier, les forces russes prenaient le contrôle de la centrale de Tchernobyl.</span></figcaption>
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<h2>Pourquoi passer par Tchernobyl ?</h2>
<p>Rétrospectivement, les avantages stratégiques de baser des opérations militaires dans la zone d’exclusion de Tchernobyl semblent évidents. Il s’agit d’une vaste région non peuplée reliée par une autoroute directement à la capitale ukrainienne, avec peu d’obstacles ou d’aménagements humains en chemin.</p>
<p>La zone de Tchernobyl jouxte également la Biélorussie et est donc à l’abri d’une attaque des forces ukrainiennes par le nord. La zone industrielle du site du réacteur est, en fait, un grand parking où peuvent être stationnés les milliers de véhicules d’une armée d’invasion.</p>
<p>Le site abrite également le principal <a href="https://www.prnewswire.com/news-releases/clean-futures-fund-forced-to-suspend-humanitarian-operations-at-chernobyl-nuclear-power-plant-due-to-russian-invasion-of-ukraine-and-capture-of-the-facility-301490882.html">réseau de commutation du réseau électrique</a> de la région. Il est possible d’éteindre les lumières de Kiev depuis cet endroit, même si la centrale elle-même ne produit plus d’électricité depuis 2000 – date à laquelle le <a href="https://abcnews.go.com/International/story?id=81920&page=1">dernier de ses quatre réacteurs a été arrêté</a>.</p>
<p>Ce contrôle de l’alimentation électrique revêt sans doute une importance stratégique, même si les besoins en électricité de Kiev pourraient probablement être satisfaits par d’autres nœuds du réseau électrique national ukrainien.</p>
<p>De plus, la centrale offre vraisemblablement une protection contre les attaques aériennes étant donné qu’il est improbable que les forces ukrainiennes (ou autres) se risquent à combattre sur un site contenant plus de 2,4 millions de kilogrammes de <a href="https://interestingengineering.com/first-spent-nuclear-fuel-from-chernobyl-is-safely-stored-after-34-years">combustible nucléaire usé radioactif</a>…</p>
<p>On parle là des <a href="https://doi.org/10.1007/BF02416427">matières hautement radioactives</a> produites par un réacteur nucléaire en fonctionnement normal. Un impact direct sur les piscines où ils sont conservés ou sur les installations de stockage en fûts secs de la centrale pourrait libérer dans l’environnement beaucoup plus de matières radioactives encore que la fusion et les explosions initiales de 1986. On assisterait alors à une catastrophe environnementale d’ampleur mondiale.</p>
<p>(<em>Le 8 mars, l’AIEA indiquait que <a href="https://www.iaea.org/fr/newscenter/pressreleases/mise-a-jour-15-declaration-du-directeur-general-de-laiea-sur-la-situation-en-ukraine">« la transmission à distance des données des systèmes de contrôle des garanties installés à la centrale nucléaire de Tchernobyl avait été coupée »</a>. Depuis le 9 mars, l’électricité est coupée mais <a href="https://twitter.com/iaeaorg/status/1501665264903016457?cxt=HHwWksCy4cWm_tYpAAAA">sans que cela pose pour l’heure de problème de sécurité selon l’AIEA</a>, ndlr</em>)</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/449621/original/file-20220302-21-1gk0qm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Aperçu d’un site semi-abandonné, avec un peu d’herbe et les structures de la centrale dans le fond, toujours reliées à des pylônes électriques" src="https://images.theconversation.com/files/449621/original/file-20220302-21-1gk0qm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/449621/original/file-20220302-21-1gk0qm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=247&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/449621/original/file-20220302-21-1gk0qm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=247&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/449621/original/file-20220302-21-1gk0qm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=247&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/449621/original/file-20220302-21-1gk0qm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/449621/original/file-20220302-21-1gk0qm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/449621/original/file-20220302-21-1gk0qm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vue à distance de la centrale et du sarcophage qui recouvre le réacteur éventré.</span>
<span class="attribution"><span class="source">T.A. Mousseau</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<h2>Le risque environnemental</h2>
<p>Malgré le travail de nettoyage, la zone d’exclusion de Tchernobyl reste l’une des régions les plus contaminées par la radioactivité de la planète. Sur des milliers d’hectares entourant le site du réacteur, les débits de dose de rayonnement ambiant dépassent de plusieurs milliers de fois les <a href="https://doi.org/10.1016/j.envpol.2016.05.030">niveaux de fond normal</a>. Dans certaines parties de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/For%C3%AAt_rousse">« Forêt rouge »</a> située autour de la centrale, il est possible de recevoir une <a href="https://youtu.be/EP2Ycv8j7fA">dose de rayonnement dangereuse</a> en quelques jours d’exposition seulement.</p>
<p>Les stations de surveillance des radiations installées un peu partout dans la zone ont enregistré le premier impact environnemental évident de l’invasion. Les capteurs mis en place par l’EcoCentre ukrainien de Tchernobyl en cas d’accident ou d’incendie de forêt ont révélé une augmentation spectaculaire des niveaux de radiation le long des routes principales et à proximité des réacteurs <a href="https://www.saveecobot.com/en/radiation-maps#12/51.3880/30.1048/gamma/comp+cams+fire">après 21 heures</a> le 24 février 2022.</p>
<p>C’est à ce moment-là que les envahisseurs russes sont arrivés, depuis la Biélorussie voisine.</p>
<p>Comme l’augmentation des niveaux de radiation était plus évidente à proximité des bâtiments du réacteur, on craignait que les structures de confinement aient été endommagées, bien que les autorités russes aient <a href="https://www.rferl.org/a/ukraine-invasion-russian-forces-chernobyl-/31721240.html">nié cette possibilité</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1497108007863435279"}"></div></p>
<p>Puis, le réseau de capteurs a brusquement <a href="https://www.saveecobot.com/en/radiation-maps#12/51.3970/30.1027/gamma/comp+cam%C3%A9ras+incendie">cessé d’émettre des rapports</a> au début du 25 février et n’a pas redémarré avant le 1<sup>er</sup> mars. Ce qui fait que l’ampleur totale des perturbations causées par les mouvements de troupes n’est pas claire.</p>
<p>Si c’est bien la poussière soulevée par les véhicules et non des dommages causés aux installations de confinement qui a provoqué l’augmentation des radiations, et en supposant que cette augmentation n’a duré que quelques heures, il est <a href="https://www.livescience.com/what-if-russia-bombed-chernobyl">peu probable qu’elle soit préoccupante à long terme</a>. De fait, la poussière perturbée devrait retomber à nouveau une fois les troupes parties. Ça ne veut pas dire qu’elle est sans conséquence.</p>
<p>En effet, les soldats russes, ainsi que les ouvriers de la centrale ukrainienne qui ont été <a href="https://www.cnn.com/2022/02/24/europe/ukraine-chernobyl-russia-intl/index.html">pris en otage</a>, ont sans aucun doute inhalé une partie des particules soulevées. Les chercheurs savent que la terre de la zone d’exclusion de Tchernobyl <a href="https://www.livescience.com/what-if-russia-bombed-chernobyl">peut contenir des radionucléides</a>, notamment du <a href="https://theconversation.com/bombe-atomique-ou-accident-nucleaire-quels-sont-leurs-effets-biologiques-respectifs-178979">césium 137, du strontium 90</a>, <a href="https://www-pub.iaea.org/mtcd/publications/pdf/pub1239_web.pdf">plusieurs isotopes du plutonium</a>, de l’uranium ainsi que de l’américium 241.</p>
<p>Même à des niveaux très faibles, ils sont tous <a href="https://doi.org/10.1111/brv.12723">toxiques, cancérigènes ou les deux en cas d’inhalation</a>.</p>
<h2>Des impacts sanitaires possibles</h2>
<p>Peut-être la menace la plus importante pour la région provient-elle de la potentielle libération dans l’atmosphère des radionucléides prisonniers depuis une trentaine d’années dans le sol et les plantes en cas de feu de forêt.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/449632/original/file-20220302-15-80t199.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Vue aérienne d’un feu de forêt à proximité de la centrale" src="https://images.theconversation.com/files/449632/original/file-20220302-15-80t199.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/449632/original/file-20220302-15-80t199.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/449632/original/file-20220302-15-80t199.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/449632/original/file-20220302-15-80t199.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/449632/original/file-20220302-15-80t199.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/449632/original/file-20220302-15-80t199.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/449632/original/file-20220302-15-80t199.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les feux de forêt dans la zone d’exclusion libèrent les particules radioactives piégées depuis 30 ans dans la végétation (ici en 2020).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/this-picture-taken-on-april-10-shows-a-field-fire-burning-news-photo/1209598073">Volodymyr Shuvayev/AFP</a></span>
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<p>De tels incendies ont récemment augmenté en fréquence, en taille et en intensité, probablement en raison du changement climatique. Et l’on sait qu’ils ont libéré des matières radioactives dans l’air et les <a href="https://doi.org/10.1038/srep26062">ont dispersées à grande échelle</a>.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1890/14-1227.1">Les retombées radioactives des feux de forêt</a> pourraient ainsi représenter la plus grande menace du site de Tchernobyl pour les populations humaines sous le vent de la région, ainsi que pour la <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-ecolsys-110218-024827">faune et la flore de la zone d’exclusion</a>.</p>
<p>Actuellement, la zone abrite <a href="https://www.theatlantic.com/science/archive/2020/08/chernobyl-fires/615067/">énormément d’arbres morts</a> et de débris qui pourraient servir de combustible. Même en l’absence de combat, la simple présence militaire – avec ces milliers de soldats qui transitent, mangent, fument et font des feux de camp pour se réchauffer – augmente le risque d’incendie.</p>
<p>Il est <a href="https://wwnorton.com/books/Manual-for-Survival/">difficile de prévoir les effets des retombées radioactives</a> sur les personnes, mais les <a href="https://theconversation.com/at-chernobyl-and-fukushima-radioactivity-has-seriously-harmed-wildlife-57030">conséquences sur la flore et la faune</a> sont bien documentées.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/449322/original/file-20220301-19-16g6loz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Oiseau tenu dans la main et avec une tumeur visible sur la tête, à travers les plumes" src="https://images.theconversation.com/files/449322/original/file-20220301-19-16g6loz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/449322/original/file-20220301-19-16g6loz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=540&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/449322/original/file-20220301-19-16g6loz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=540&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/449322/original/file-20220301-19-16g6loz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=540&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/449322/original/file-20220301-19-16g6loz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=679&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/449322/original/file-20220301-19-16g6loz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=679&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/449322/original/file-20220301-19-16g6loz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=679&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La radioactivité peut provoquer des cancers, comme ici pour cet oiseau qui a développé une tumeur sur le crâne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">T. A. Mousseau, 2009</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>L’exposition chronique à des doses même relativement faibles a été associée à de nombreux effets chez les animaux sauvages : des <a href="https://doi.org/10.1038/srep08363">mutations génétiques</a>, des <a href="https://doi.org/10.1016/j.mrgentox.2013.04.019">tumeurs</a>, des <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0066939">cataractes oculaires</a>, une <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0100296">stérilité</a> et des <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0016862">déficiences neurologiques</a>. <a href="https://doi.org/10.1093/jhered/esu040">Taille des populations</a> et <a href="https://doi.org/10.1016/j.jenvman.2018.05.032">biodiversité</a> sont également affectées dans les zones fortement contaminées et connaissent des baisses notables.</p>
<p>Quand on parle de rayonnements ionisants, d’irradiation, <a href="https://doi.org/10.17226/11340">il n’existe pas de niveau « sûr »</a>. Et les <a href="https://theconversation.com/irradiation-quelles-sont-les-consequences-sur-notre-corps-178754">risques pour la vie sont directement proportionnels au niveau d’exposition</a>.</p>
<p>Si le conflit en cours devait s’aggraver et endommager les installations de confinement des radiations à Tchernobyl, ou l’un des <a href="https://www.washingtonpost.com/climate-environment/2022/02/28/ukraine-nuclear-plant-chernobyl-russia/">15 réacteurs nucléaires</a> situés sur quatre autres sites en Ukraine, l’ampleur des dommages causés à l’environnement serait catastrophique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178859/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Timothy A. Mousseau a reçu des financements du Samuel Freeman Charitable Trust.</span></em></p>Si la centrale de Tchernobyl n’est plus en fonction, elle est au cœur d’une zone toujours très irradiée que les mouvements de troupes peuvent déstabiliser. Avec quels effets pour la population ?Timothy A. Mousseau, Professor of Biological Sciences, University of South CarolinaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1789792022-03-10T20:30:20Z2022-03-10T20:30:20ZBombe atomique et accident nucléaire : voici leurs effets biologiques respectifs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/451177/original/file-20220310-18-19qeq2z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C1769%2C883&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La catastrophe de Tchernobyl (ici, visuel de la série de 2019) a montré les conséquences multiples d'un accident nucléaire.</span> <span class="attribution"><span class="source">Série Chernobyl, créée par Craig Mazin</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis quelques jours, de nombreuses personnes sollicitent les pharmacies pour obtenir des comprimés d’iode afin de se prémunir d’un risque nucléaire. Ces réactions de masse révèlent une légitime inquiétude face à l’actualité géopolitique en Ukraine mais surtout une méconnaissance des phénomènes nucléaires et de leur impact sur la santé.</p>
<p>Les effets biologiques et cliniques d’une irradiation sont complexes : ils <a href="https://theconversation.com/irradiation-quelles-sont-les-consequences-sur-notre-corps-178754">dépendent très fortement de la dose et de la nature des radiations</a>. Cet article est l’occasion de faire des rappels importants sur la radioactivité et sur les différentes formes d’irradiation accidentelles possibles – ainsi que leurs <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0007455115001423">conséquences variables sur l’être humain</a>.</p>
<h2>D’où vient la radioactivité</h2>
<p>La radioactivité est un phénomène qui alarme souvent car on l’assimile à des catastrophes. Elle est pourtant partout présente à l’état naturel, mais à des quantités faibles. L’uranium 235 et 238 contenus dans la terre, le carbone 14 dans les végétaux et les animaux ou encore le potassium 40 dans notre alimentation sont autant d’éléments radioactifs naturels présents dans notre environnement quotidien : c’est ce qui explique que nous soyons, nous-mêmes, radioactifs.</p>
<p>L’unité de mesure de la radioactivité, le Becquerel (Bq), correspond à l’émission par seconde d’une particule physique (proton, neutron, électron…) ou d’un rayonnement (X, gamma), quelle que soit sa nature. Un homme de 75 kg émet ainsi 6000 Becquerels (Bq), tout comme un 1 kg de trottoir en granit. Un kg de bananes n’émet, lui, qu’une centaine de Bq. Pour un kg de nourriture, il est admis que sous les 1000 Bq, la radioactivité est considérée comme sans danger.</p>
<p>Pour comprendre l’origine de cette radioactivité, il faut plonger brièvement au cœur de la matière et des atomes qui la constitue. On représente souvent ces derniers par leur noyau autour duquel tournent de petites particules : les électrons. Le noyau des atomes est lui-même constitué d’autres particules, les protons et les neutrons, qui lorsqu’elles sont trop nombreuses rendent instables l’équilibre atomique.</p>
<p>La radioactivité reflète la tendance des atomes « trop lourds » à retrouver spontanément une plus grande stabilité en perdant une partie des composants de leur noyau, c’est-à-dire en se cassant en deux parties souvent inégales (fission nucléaire), ou en émettant un rayonnement alpha (noyaux d’hélium), bêta (électrons) ou gamma (photons).</p>
<p>Ces émissions ou désintégrations radioactives s’atténuent avec le temps à un rythme régulier et immuable. On appelle « période de désintégration radioactive » (ou demi-vie) le temps au bout duquel la quantité des désintégrations (la radioactivité) est réduite de moitié. Chaque noyau radioactif a une période qui lui est propre.</p>
<p>Lors d’une fission, les conséquences ne sont pas les mêmes. L’uranium 235 a la propriété de pouvoir se partager en deux atomes moins lourds sous l’action de neutrons, ce qui dégage alors une énergie considérable… qui libère à son tour d’autres neutrons susceptibles de créer la fission d’autres noyaux : c’est une réaction en chaîne.</p>
<p>Une telle réaction en chaîne peut être utilisée pour produire une explosion dévastatrice dans le cas d’une bombe atomique, ou être maîtrisée dans un réacteur pour produire de l’électricité.</p>
<h2>Comment sont confinés les éléments radioactifs dans un réacteur nucléaire</h2>
<p>Un réacteur contient une centaine de tonnes de combustible nucléaire, enrichi à quelques % en uranium 235. Ce combustible reste au sein d’un réacteur deux à trois ans.</p>
<p>Outre l’énergie libérée lors de la réaction initiale de fission de l’uranium, les émissions radioactives produisent beaucoup de chaleur, aussi un réacteur doit-il être refroidi durablement de façon continue, même après son arrêt, ce qui paradoxalement nécessite un apport indépendant en électricité. D’où l’<a href="https://theconversation.com/quels-sont-les-dangers-sanitaires-et-ecologiques-dune-activite-militaire-a-tchernobyl-178859">attention portée à ce qui se passe sur le site de Tchernobyl</a>, qui connaissait, <a href="https://www.lemonde.fr/energies/article/2022/03/09/tchernobyl-le-site-de-la-centrale-nucleaire-deconnecte-du-reseau-electrique-pas-d-impact-majeur-a-ce-stade-selon-l-aiea_6116811_1653054.html">mercredi 9 mars au soir, une coupure de courant</a>.</p>
<p>Le combustible nucléaire est confiné derrière trois barrières : la gaine des « crayons » de combustible (l’uranium est mis sous forme de pastilles, empilées en un « crayon » placé dans une gaine ; un assemblage est constitué d’un lot de crayons gainés), la paroi de la cuve du réacteur et l’enceinte en béton de confinement.</p>
<p>Il peut se produire des atteintes graves de ces barrières : à Tchernobyl, ce fut <a href="https://inis.iaea.org/collection/NCLCollectionStore/_Public/39/001/39001698.pdf">l’explosion physique liée à des erreurs de gestion du réacteur, avec ouverture de la cuve</a> ; à Fukushima, une fusion du cœur après le défaut de refroidissement du réacteur à l’arrêt après le tremblement de terre et l’inondation par le tsunami. Les produits de fission sont alors libérés dans l’environnement et impactent donc la santé.</p>
<p>La guerre en Ukraine serait susceptible de porter atteinte à un réacteur ou aux zones de stockages de matériaux radioactifs voire au dispositif d’apport d’électricité pour le refroidissement. Toutefois, en défaveur de ce type de scénario, la contamination toucherait aussi les soldats et la Russie toute proche. N’oublions pas non plus l’effet de mémoire collective des centaines de milliers de soldats, pompiers et liquidateurs qui ont éteint avec courage l’incendie du réacteur accidenté de Tchernobyl.</p>
<h2>Quels effets biologiques en cas d’accident nucléaire</h2>
<p>Le risque et les effets biologiques et cliniques dépendent de plusieurs facteurs : la dispersion des produits de fission relâchés dans l’atmosphère au gré des vents et qui retombent au gré des pluies ; la contamination des personnes, essentiellement par voie alimentaire ; la nature des émissions, des périodes de désintégration de chacun des produits de fission et de la chimie de leur assimilation dans l’organisme après contamination.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/451144/original/file-20220309-27-1ig2u4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte montrant les taches de léopard sur les territoires de l’Ukraine, de la Biélorussie et de la Russie" src="https://images.theconversation.com/files/451144/original/file-20220309-27-1ig2u4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451144/original/file-20220309-27-1ig2u4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=633&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451144/original/file-20220309-27-1ig2u4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=633&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451144/original/file-20220309-27-1ig2u4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=633&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451144/original/file-20220309-27-1ig2u4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=796&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451144/original/file-20220309-27-1ig2u4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=796&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451144/original/file-20220309-27-1ig2u4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=796&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Après l’accident à Tchernobyl, selon le sens du vent et les précipitations, les particules radioactives sont retombées de façon irrégulière au sol, formant des « taches de léopard » fortement contaminées (rouge) au milieu de zones qui l’étaient moins (orange).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sting, d’après CIA Handbook of International Economic Statistics (1996) -- University of Texas</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sans qu’il y ait forcément explosion comme pour une bombe atomique, un accident de centrale nucléaire entraîne plusieurs types d’effets selon les particules et rayonnements émis et ses principaux produits de fission présents (iode 131, césium 134 et 127 et strontium 90) – tous radioactifs.</p>
<p><strong>L’émission de rayonnements alpha, gamma et de neutrons</strong> représente une contribution importante à la dose de radiations induite par la réaction de fission qui serait reçue par des personnes à proximité – comme les premiers intervenants sur le réacteur de Tchernobyl en 1986. Ces personnes peuvent présenter un syndrome aigu d’irradiation (parfois surnommé « mal des rayons ») qui est plus ou moins rapide selon la dose reçue mais suit généralement le processus suivant :</p>
<ul>
<li><p>Dès les premières minutes, nausées, vomissements, diarrhées peuvent être observés. Ces symptômes non spécifiques seront suivis d’une période de rémission trompeuse.</p></li>
<li><p>Des brûlures cutanées (les érythèmes) peuvent survenir avant la fin du premier jour.</p></li>
<li><p>Un changement dans la composition sanguine s’opère ensuite au bout de quelques semaines (syndrome hématopoïétique), avec des risques hémorragiques et/ou d’infections qui peuvent persister pendant le premier mois.</p></li>
<li><p>Suivant la dose, on peut également observer un syndrome gastro-intestinal pendant lequel l’ulcération ou la perforation des muqueuses de l’estomac et de l’intestin peuvent provoquer des hémorragies ou des septicémies fatales.</p></li>
<li><p>Enfin, pour des doses encore plus importantes, un syndrome neuro-vasculaire peut conduire à un œdème cérébral fatal en quelques jours.</p></li>
<li><p>Pour des doses encore plus élevées, ces étapes ont lieu dans les premières heures. Sur les 600 pompiers (super-liquidateurs) de Tchernobyl, environ 150 souffrirent d’un syndrome aigu d’irradiation avec une soixantaine de morts rapides.</p></li>
</ul>
<p>À côté de la dose de radiation reçue, comme nous l’avons indiqué, la nature des <strong>produits de fission radioactifs</strong> expulsés lors de l’accident joue également un rôle. Voici les principaux :</p>
<p>● <strong>Iode 131</strong>. Comme l’iode naturel, l’iode 131 (émetteur bêta et gamma) a la particularité de se fixer exclusivement sur la thyroïde, qui l’utilise pour produire des hormones spécifiques. La contamination par l’iode 131 est essentiellement due à l’ingestion des produits qui le fixe (eau, lait et végétaux).</p>
<p>Cet élément pose un problème de santé tant que sa radioactivité n’est pas devenue négligeable. Du fait de sa période (demi-vie) de huit jours, on considère que cela prend trois mois – son activité résiduelle n’est plus que de 1/1000<sup>e</sup> au bout de 80 jours.</p>
<p>La fixation de l’iode 131 sur la thyroïde peut entraîner des cancers de cet organe. Cependant, la thyroïde ayant un développement très lent chez l’adulte, ce risque n’est véritablement significatif que chez les enfants.</p>
<p>À <a href="https://www.unscear.org/unscear/fr/chernobyl.html">Tchernobyl</a>, on a enregistré environ <a href="https://www.iaea.org/newscenter/pressreleases/chernobyl-true-scale-accident">6500 cas de cancers de la thyroïde</a> chez des enfants contaminés essentiellement par le lait. Environ 15 ont succombé à leur cancer de la thyroïde. À Fukushima, la quantité d’iode libéré a été beaucoup plus faible. De plus, la consommation de lait, culturellement moins importante, a été rapidement interdite après l’accident. Moins de 300 cas de cancers de thyroïde de l’enfant ont été répertoriés à Fukushima et on ne sait toujours pas si cela constitue un excès par rapport à la normale du pays.</p>
<p>La thyroïde de l’adulte est peu susceptible de se radio-cancériser et, à part quelques rares exceptions, le cancer de la thyroïde de l’adulte reste aujourd’hui peu létal.</p>
<p>En conséquence, la protection de la thyroïde par la saturation en iode stable avec un <a href="https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Sante/accident-radioprotection-sante/situation-urgence/Pages/idees-recues-iode-stable.aspx#.Yikh_hDMJKM">comprimé d’iodure de potassium n’a d’intérêt que pour les enfants et les adultes jeunes au moment du passage du nuage radioactif</a> (prise entre 1 à 2 h avant l’émission radioactive et jusqu’à quelques d’heures après). En revanche, saturer la thyroïde d’iode quand on est un adulte de plus de 40 ans peut avoir des conséquences néfastes, et notamment déclencher une dérégulation de cet organe. Donc la vigilance vis-à-vis de l’ingestion d’iode 131 doit être limitée aux enfants et aux adultes jeunes, dans un laps de temps bien défini.</p>
<p>● <strong>Césium</strong>. Les césium 137 et 134 sont des émetteurs bêta et gamma de période respective d’environ 30 et 29 ans. Comme le césium se substitue facilement au potassium, présent au sein de toutes nos cellules, il ne cible aucun organe spécifiquement. Il peut aussi se fixer dans les végétaux (champignons, baies…) et ainsi contaminer toute la chaîne alimentaire. Pour l’homme, la longue période du césium radioactif et sa rétention biologique conduisent à une exposition prolongée des organismes à des doses faibles.</p>
<p>Avec un recul de plus de 30 ans après l’accident de Tchernobyl, aucune pathologie spécifique à une contamination au césium radioactif n’a émergé. Cette conclusion peut s’expliquer par la <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10654-017-0303-6">difficulté à mener des études épidémiologiques rigoureuses</a> (manquement dans l’enregistrement systématique des effets cliniques après l’accident, difficultés de rattachement au césium) mais aussi par la grande dispersion du césium dans l’atmosphère, ce qui en a ainsi réduit l’impact à distance du site.</p>
<p>● <strong>Strontium 90</strong>. Chimiquement, cet élément émetteur bêta peut se substituer facilement au calcium. Du fait d’une présence prolongée et de sa période de 29 ans, il pourrait entraîner des cancers de l’os (ostéosarcomes) mais aussi des leucémies si la moelle osseuse est atteinte. Il est à noter que le nombre de cancers de l’os potentiellement liés au strontium n’a pas été significatif après l’accident de Tchernobyl.</p>
<p>Produit moins abondant que le césium pendant la fission et moins volatil que l’iode, le strontium 90 ne représente un danger significatif que pour les régions les plus contaminées.</p>
<p>● <strong>Uranium</strong>. Quand la fission n’est pas complète ou quand un combustible neuf est endommagé, le problème des contaminations à l’uranium peut se poser. L’uranium naturel comprend trois composants, tous radioactifs : les uranium 238, 235 et 234, dont les périodes de désintégration sont respectivement de 4500, 700 et 0,25 millions d’années.</p>
<p>L’uranium est à la fois toxique chimiquement et radiologiquement. Très lourd et peu assimilable biologiquement, il peut se fixer dans les reins, les os, le foie et le poumon à long terme et contribuer à la mortalité cellulaire et aux dysfonctionnements graves des organes. En tant qu’atomes instables, ils sont émetteurs de rayons alpha qui déposent d’importantes quantités d’énergie là où ils se sont fixés et entraînent une mortalité cellulaire importante.</p>
<p>En conclusion, les <a href="https://www.unscear.org/docs/reports/2008/11-80076_Report_2008_Annex_D.pdf">conséquences sur la santé d’un accident de centrale nucléaire basée sur la fission</a> ne sont jamais négligeables.</p>
<p>Elles dépendent fortement de l’abondance de produits de fission émis et donc de l’endroit où l’on se trouve pendant l’accident : à Tchernobyl, une grande partie du cœur s’est volatilisée dans l’atmosphère sur près de 20000 km<sup>2</sup> du fait de 10 jours d’incendie en plus de l’explosion du réacteur ; à Fukushima, c’est une série de fuites, sans que le cœur soit à l’air libre, qui a contaminé une surface 10 à 30 fois plus réduite.</p>
<h2>Différences entre bombe atomique et accident de centrale : un problème de souffle et de masse</h2>
<p>Il existe trois différences fondamentales entre les explosions de bombes atomiques et les accidents de centrales nucléaires :</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/451167/original/file-20220310-25-1rq07tp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Vue du centre d’Hiroshima, rasé par l’explosion" src="https://images.theconversation.com/files/451167/original/file-20220310-25-1rq07tp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451167/original/file-20220310-25-1rq07tp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451167/original/file-20220310-25-1rq07tp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451167/original/file-20220310-25-1rq07tp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451167/original/file-20220310-25-1rq07tp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451167/original/file-20220310-25-1rq07tp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451167/original/file-20220310-25-1rq07tp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Lors de l’explosion d’une bombe nucléaire, l’effet blast est par définition dévastateur (ici, Hiroshima en 1945).</span>
<span class="attribution"><span class="source">US government</span></span>
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</figure>
<p>1) Le souffle (effet blast) est dévastateur dans un vaste périmètre dans le cas de l’explosion d’une bombe atomique et est la cause de la plupart des morts. Un réacteur nucléaire ne peut pas exploser comme une bombe atomique, mais peut exploser localement comme à Tchernobyl du fait d’un excès de puissance non maîtrisée.</p>
<p>2) Dans le cas d’une bombe, l’émission de rayonnements gamma et de neutrons est instantanée (effet flash) et produit des effets à plus grande distance que les effets de souffle ; en cas d’accident de centrale, les émissions de produits de fission peuvent continuer tant que le cœur du réacteur n’est pas reconfiné (ex : Tchernobyl) ou que la fusion du cœur n’est pas maîtrisée (Fukushima). Dans les deux cas, surfaces au sol et air sont contaminés.</p>
<p>3) Le cœur d’un réacteur moyen de centrale nucléaire à fission contient une centaine de tonnes de combustible alors que la masse de produits fissiles d’une bombe atomique est de l’ordre de la dizaine de Kg. Ainsi, bien que non négligeables, les émissions radioactives et la contamination de l’environnement pour une bombe atomique sont bien inférieures et durent moins longtemps que celles d’un accident grave de centrale.</p>
<p>C’est la raison essentielle de la sécurisation du combustible des réacteurs nucléaires par les trois barrières indispensable pour minimiser l’impact d’un potentiel accident. Et c’est aussi pourquoi les comprimés d’iode stable présentent un intérêt dans le cadre d’un accident de centrale nucléaire, à proximité du réacteur accidenté, et peu d’intérêt en cas d’explosion d’une bombe atomique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178979/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Foray a été fondateur et conseiller scientifique de 2014 à 2020 (mais jamais dirigeant actif) de la Société Neolys Diagnostics, qui développe des tests de radiosensibilité. Il a reçu 2000 Euros en totalité pour cette fonction.
L'unité Inserm 1296 que dirige Nicolas Foray reçoit régulièrement des financements et subventions d'agences soutien à la recherche : ANR, projets d'Investissement d'avenir, INCa, Ligue, ARC, FRM, CNES, Commission Européenne, EDF. Toutes dans le cadre réglementé d'appels à projets publics.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Michel Bourguignon est membre de la Société Française de Radioprotection et rédacteur en chef de Radioprotection, journal scientifique de cette association.</span></em></p>Alors que la situation est compliquée à Tchernobyl et que la menace nucléaire a été évoquée par le président russe, voici les conséquences de ces deux types de risques. Qui n’ont que peu en commun.Nicolas Foray, Directeur de Recherche à l'Inserm, Unité U1296 « Radiations : Défense, Santé, Environnement », InsermMichel Bourguignon, Professeur émérite de Biophysique et Médecine Nucléaire, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1787542022-03-08T19:29:07Z2022-03-08T19:29:07ZIrradiation : quelles sont les conséquences sur notre corps ?<p>L’actualité géopolitique a brutalement fait ressortir au grand jour des craintes que l’on avait pu croire d’une autre époque. Le contexte ukrainien nous rappelle ainsi que le risque d’une irradiation accidentelle, causée par l’explosion d’une bombe atomique ou un accident de centrale nucléaire, n’est finalement pas négligeable.</p>
<p>Quelle que soit la source de l’irradiation, la survenue et la gravité des effets dits « radioinduits » obéissent à un grand principe : plus l’énergie absorbée par nos cellules est grande, plus l’effet biologique est important et plus les conséquences cliniques sont précoces et sévères.</p>
<p>Ceci est vrai pour une irradiation externe (la source de rayonnement est à l’extérieur du corps) comme pour une irradiation interne (la source de rayonnement est à l’intérieur du corps après ingestion ou inhalation de matières radioactives). La quantité d’énergie reçue s’appelle la « dose absorbée », et connaître la relation entre cette dernière et son effet biologique et clinique est la <a href="https://www.asn.fr/l-asn-reglemente/guides-de-l-asn/guide-national-d-intervention-medicale-en-cas-d-evenement-nucleaire-ou-radiologique">tâche majeure des radiobiologistes</a>.</p>
<p>Ce principe a deux corollaires : on doit bien connaître à la fois la <a href="https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Nucleaire_et_societe/education-radioprotection/bases_radioactivite/Pages/9-concepts-de-dose.aspx#.YiaEhxDMJKM">dose</a> et les différents effets radioinduits possibles.</p>
<h2>Connaître la dose de radiation reçue</h2>
<p>Dans le cas d’une irradiation accidentelle, l’exposition aux rayonnements du corps humain est rarement homogène et n’est jamais mesurée en direct. Sa reconstitution a posteriori est donc souvent complexe et demande des approches combinées. Elle requiert à la fois des simulations qui tiennent compte du parcours des radiations et des matériaux qu’elles traversent, mais aussi de mesures sur échantillons biologiques (aberrations chromosomiques des lymphocytes sanguins, modifications radiochimiques de l’émail dentaire).</p>
<p>La dose absorbée dans notre corps est exprimée en <a href="https://www.radiobiologie.fr/ecole-des-radiations/cours-de-radiobiologie-nicolas-foray/cours-3-les-differentes-unites-des-radiations">Grays</a> (Gy), ou Joule par kg de tissu (J/kg). Voici quelques ordres de grandeur pour notre espèce :</p>
<ul>
<li><p>0,2 mGy : dose moyenne quotidienne reçue par un astronaute en mission</p></li>
<li><p>2 mGy : dose moyenne au sein pour un cliché de mammographie</p></li>
<li><p>20-40 mGy : dose aux organes pour un examen scanner</p></li>
<li><p>100-200 mGy (au corps entier) : dose au-dessus de laquelle le risque de cancer radioinduit est significatif</p></li>
<li><p>2 Gy : dose délivrée à la tumeur appliquée pour une session de radiothérapie anticancéreuse</p></li>
<li><p>4,5 Gy (au corps entier) : dose létale pour 50 % des individus</p></li>
<li><p>12 Gy (au corps entier) : dose conduisant à un décès rapide</p></li>
</ul>
<p>Les choses ne sont toutefois pas si simples, car il n’existe pas une unique sorte d’irradiation : selon la situation, la matière radioactive considérée, sont en fait émis différents types de radiation – rayon X, rayon alpha (émission d’un noyau d’Hélium), rayon bêta (émission d’un électron), émission de protons ou de neutrons…</p>
<p>Et tous ces rayonnements ne produisent pas forcément les mêmes effets biologiques pour une même dose absorbée.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/en5IhadzyrU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<h2>Estimer les effets biologiques</h2>
<p>Il a fallu introduire un facteur pour prendre en compte la nature des radiations. Cela conduit à la « dose équivalente », qui est la dose absorbée en Gy multipliée par le facteur de pondération (Wr) des radiations. L’unité est le <a href="https://www.radiobiologie.fr/ecole-des-radiations/cours-de-radiobiologie-nicolas-foray/cours-3-les-differentes-unites-des-radiations">Sievert (Sv)</a> et est définie par convention en considérant comme référence les effets causés par les rayons X dont le Wr est de 1. Par exemple, une dose de 1 Gy de rayons X correspond à 1 Sv alors que 1 Gy de particules alpha correspond à 20 Sv (le Wr des alpha est fixé à 20).</p>
<p>Et comme les effets biologiques ne sont pas non plus les mêmes selon la nature des tissus, il a fallu introduire un second facteur de pondération (Wt) pour prendre en compte de façon spécifique leur sensibilité relative (la somme de tous les Wt est égale à un).</p>
<p>Ainsi, pour chaque organe ou tissu, la dose équivalente est multipliée par le Wt adéquat. Par exemple, une dose de 1 Gy de rayon X au corps entier correspond à 1 Sv alors que si l’irradiation ne cible que les seins, la contribution est de 0,12 Sv (le Wt des seins est fixé à 0,12). L’ensemble des contributions de tous les organes exposés sont additionnées.</p>
<p>On obtient une nouvelle valeur, dénommée « dose efficace », qui permet de combiner des irradiations différentes et, ainsi, de prendre en compte des irradiations complexes.</p>
<p>C’est la dose efficace qui a été utilisée par la <a href="https://www.icrp.org/">Commission internationale de protection radiologique</a> pour calculer le risque des expositions aux rayonnements à partir de toutes les observations épidémiologiques et notamment celles des survivants de Hiroshima et Nagasaki.</p>
<h2>Les effets biologiques d’une irradiation</h2>
<p>Connaître la dose de radioactivité reçue ne suffit toujours pas : la dose efficace ne renseigne que sur un risque global (une probabilité de survenue) mais pas de conclure sur la nature des conséquences de son irradiation pour un individu donné. Pour les évaluer, il faut <a href="https://www.cea.fr/comprendre/Pages/sante-sciences-du-vivant/essentiel-sur-effets-des-rayonnements-ionisants-sur-vivant.aspx">décrypter les différents effets radioinduits</a>.</p>
<p>L’énergie absorbée par notre corps après une irradiation est d’abord absorbée par l’eau (le principal constituant de nos cellules), à travers des réactions chimiques dites de « radiolyse ». Il en résulte un stress oxydatif, l’eau oxygénée produite quelques millisecondes après irradiation pouvant <a href="https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-642-75148-6">casser l’ADN contenu dans le noyau cellulaire</a>.</p>
<p>Le <a href="https://www.radiobiologie.fr/ecole-des-radiations/cours-de-radiobiologie-nicolas-foray/cours-5-importance-du-noyau-dans-la-letalite-radioinduite-effet-du-cycle-cellulaire">devenir des cassures de l’ADN (réparées ? Non réparées ? Mal réparées ? Tolérées ?)</a> conditionne alors la réponse au niveau cellulaire, puis tissulaire puis clinique à travers une succession de réactions qui peuvent s’étendre de la première minute à plusieurs années après l’irradiation.</p>
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<p>Il existe <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31261657/">trois conséquences cliniques majeures</a> d’une irradiation :</p>
<ul>
<li><p>Les réactions dites de radiosensibilité ou radiotoxicité : elles entraînent une dysfonction des tissus ou des organes souvent associée à une inflammation. Les plus connues sont les radiodermites, des lésions cutanées qui apparaissent rapidement après exposition. Ce sont par exemple les brûlures des pionniers des radiations. Elles sont causées par la mort des cellules des organes ou tissus irradiés, elle-même causée par des cassures de l’ADN non réparées. Selon la dose reçue, elles vont de la simple rougeur à une nécrose voire la mort.</p></li>
<li><p>Les réactions dites de radiosusceptibilité : ce sont les cancers radioinduits, causés par une transformation cellulaire, elle-même causée par des cassures de l’ADN mal réparées.</p></li>
<li><p>Les réactions dites de radiodégénérescence : ce sont les conséquences d’un vieillissement cellulaire accéléré, causé par des lésions de l’ADN qui sont tolérées par les cellules et qui s’y accumulent avant d’y provoquer leur mort à long terme. C’est notamment le cas des cataractes.</p></li>
</ul>
<p>La gravité et la survenue de ces trois types de réactions radioinduites dépendent fortement de la dose de radiation absorbée. En particulier, plus la dose est élevée plus la probabilité de mort cellulaire est élevée. Cela est mis en œuvre de façon contrôlée lors d’une radiothérapie.</p>
<p>Les cancers radioinduits sont plutôt rencontrés après des doses faibles et répétées de radiation. Le vieillissement d’un tissu, d’expression tardive, est lié à sa transformation progressive, par exemple le cristallin (cataracte) ou le cœur et les vaisseaux. Cependant, après une irradiation accidentelle, on considère raisonnablement que les réactions de radiosensibilité et les cancers radioinduits constituent les effets cliniques radioinduits les plus graves.</p>
<h2>Connaître les individus les plus à risque</h2>
<p>En plus de cette dépendance vis-à-vis de la dose, <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02559800">il existe des individus plus radiosensibles et/ou radiosusceptibles</a> que d’autres. Ils peuvent souffrir des mêmes effets mais plus précocement et pour des doses de radiation plus faibles.</p>
<p>Par exemple, les individus porteurs de mutations dans les gènes dédiés à la réparation de l’ADN montrent une morbidité/mortalité plus grande en cas d’exposition aux radiations. Les porteurs de mutations dans les gènes de prédisposition au cancer ont, eux, plus de risque de développer des cancers radioinduits.</p>
<p>Avec la connaissance de la dose, l’une des priorités après l’irradiation de plusieurs individus est donc l’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34281212/">identification des sujets potentiellement radiosensibles et radiosusceptibles</a>.</p>
<p>Contrairement à une idée fausse très répandue, le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23621935/">risque radioinduit ne dépend pas systématiquement de l’âge ou du sexe</a> même si ces facteurs sont importants. On peut définir trois grands groupes d’individus :</p>
<ul>
<li><p>Les individus les plus hyperradiosensibles/susceptibles qui représentent moins de 1 % de la population. Ce sont des enfants souffrant de maladies génétiques très rares dont les symptômes sont bien décrits et dont l’espérance de vie est limitée à une vingtaine d’années.</p></li>
<li><p>À l’opposé, au moins 80 % de la population présente une réponse normale après exposition aux rayonnements.</p></li>
<li><p>Entre les deux catégories précédentes, de 5 à 20 % de la population présente une réponse pathologique aux radiations, d’intensité intermédiaire, avec un continuum entre le peu anormal et le très pathologique.</p></li>
</ul>
<p>Ce sont par exemple des femmes qui présentent une dermite persistante à la suite d’une radiothérapie pour cancer du sein ou des hommes qui présentent une rectite durable à la suite d’une radiothérapie pour cancer de la prostate. Ce sont également celles avec une prédisposition familiale au cancer du sein (porteuses d’une mutation connue ou non) qui peuvent être plus à risque de cancers du sein radioinduits (entre 1 % et 1 ‰ cas dans la population générale).</p>
<p>Notons d’ailleurs que si on omet le risque de cancers du sein, très spécifique aux femmes, hommes et femmes présentent environ le même risque de cancer spontané et radioinduit.</p>
<p>Enfin, insistons sur le fait que les enfants, hors maladies génétiques définies plus haut et cancers de la thyroïde, n’ont pas forcément plus de risque de cancer que les adultes… Cependant, avec le recul, on observe que les personnes irradiées en bas âge ont un risque plus élevé de développer un cancer que celles qui ont été irradiées à l’âge adulte. En effet, un cancer requiert plusieurs années pour se former : un adulte exposé aux radiations n’a pas forcément « le temps » de développer un cancer radioinduit.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178754/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Foray a été fondateur et conseiller scientifique de 2014 à 2020 (mais jamais dirigeant actif) de la Société Neolys Diagnostics, qui développe des tests de radiosensibilité. Il a reçu 2000 Euros en totalité pour cette fonction.
L'unité Inserm 1296 que dirige Nicolas Foray reçoit régulièrement des financements et subventions d'agences soutien à la recherche : ANR, projets d'Investissement d'avenir, INCa, Ligue, ARC, FRM, CNES, Commission Européenne, EDF. Toutes dans le cadre réglementé d'appels à projets publics.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Michel Bourguignon est membre de la Société Française de Radioprotection et rédacteur en chef de Radioprotection, journal scientifique de cette association.</span></em></p>Il y a beaucoup d’inquiétudes autour du risque nucléaire du fait de la guerre en Ukraine. Mais quels sont vraiment les effets des radiations sur le corps ? Et comment les mesure-t-on ? Décryptage.Nicolas Foray, Directeur de Recherche à l'Inserm, Unité U1296 « Radiations : Défense, Santé, Environnement », InsermMichel Bourguignon, Professeur émérite de Biophysique et Médecine Nucléaire, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1781302022-03-02T15:17:19Z2022-03-02T15:17:19ZL’armée russe reprend possession de la centrale nucléaire de Tchernobyl : la recherche sur la radioactivité et la faune menacée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/449566/original/file-20220302-12454-10znadx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4150%2C2924&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un renard erre dans la ville déserte de Pripiat, à trois kilomètres de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, en 2016.</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Sergei Chuzavkov)</span></span></figcaption></figure><p>Dès le début de l’invasion russe en Ukraine, les deux gouvernements ont déclaré que <a href="https://www.washingtonpost.com/world/2022/02/24/ukraine-russia-chernobyl-risk/">l’armée russe avait pris le contrôle de la centrale nucléaire désaffectée de Tchernobyl</a>, site de la pire catastrophe nucléaire sur la planète. Par Twitter, le ministère ukrainien des Affaires étrangères a dit <a href="https://twitter.com/MFA_Ukraine/status/1496862655612661769">redouter une catastrophe écologique</a>.</p>
<p>C’est ici qu’un <a href="https://www.iaea.org/newscenter/focus/chernobyl/faqs">réacteur nucléaire de la centrale située a explosé le 26 avril 1986</a>. Pendant dix jours, l’incendie a craché un panache radioactif qui s’est répandu de <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/BF02943039">l’Irlande</a> à la <a href="https://www.upi.com/Archives/1996/07/24/Post-Chernobyl-cancer-rate-up-in-Greece/8942838180800/">Grèce</a>. Les environs immédiats du réacteur, évacués depuis 36 ans, sont désormais au centre d’une zone d’exclusion de près de 3 000 km<sup>2</sup>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une photo en noir et blanc montrant une vue aérienne d’un site industriel endommagé" src="https://images.theconversation.com/files/448697/original/file-20220226-42065-1lacvwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448697/original/file-20220226-42065-1lacvwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448697/original/file-20220226-42065-1lacvwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448697/original/file-20220226-42065-1lacvwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448697/original/file-20220226-42065-1lacvwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448697/original/file-20220226-42065-1lacvwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448697/original/file-20220226-42065-1lacvwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La centrale nucléaire de Tchernobyl dévastée par l’explosion et l’incendie du réacteur 4, le 26 avril 1986. Un abri recouvre désormais le réacteur afin de contenir la radioactivité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Volodymyr Repik)</span></span>
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<p>L’accès à la zone d’exclusion de Tchernobyl est strictement contrôlé. L’armée ukrainienne ne laisse passer que les scientifiques et les amateurs de tourisme macabre – dit <a href="https://theconversation.com/le-jour-j-et-la-popularite-grandissante-du-tourisme-noir-118303">tourisme noir</a>.</p>
<p>J’ai visité la zone six fois, la dernière en 2018, pour étudier l’impact à long terme des radiations à faible dose sur la faune – dont les effets chez l’humain et les animaux sont préoccupants et controversés. Cette incertitude est largement due à la difficulté de travailler sur des zones contaminées, ainsi qu’à la variabilité et à la complexité des écosystèmes. L’incertitude scientifique conduit naturellement à se demander à qui faire confiance.</p>
<h2>Des niveaux de radiations élevées, mais contrôlées</h2>
<p>À Tchernobyl, la faune pullule en l’absence d’humains. Des forêts denses ont poussé, abritant lynx, bisons, cerfs. Les loups et les <a href="https://theconversation.com/le-mystere-des-chevaux-sauvages-de-tchernobyl-137555">chevaux de Przewalski</a>, jadis en voie d’extinction en raison de la chasse et de la gestion des terres, ont été réintroduits et prolifèrent.</p>
<p>La perspective de voir des armées lourdement équipées, de chars notamment, traverser un écosystème aussi contaminé par endroits n’est guère réjouissante. Des <a href="https://www.saveecobot.com/en/radiation-maps#15/51.3925/30.1060/gamma/comp+cams+fire">pics de radiations ont déjà été signalés</a>, sans doute provoqués par les lourds engins militaires qui labourent le sol contaminé.</p>
<p>L’Agence internationale de l’énergie atomique a déclaré le 25 février que les <a href="https://www.iaea.org/fr/newscenter/pressreleases/mise-a-jour-declaration-du-directeur-general-de-laiea-sur-la-situation-en-ukraine">niveaux de radiations, plutôt faibles, ne présentaient pas de danger pour le public</a>. Mais avec des combats intenses dans le voisinage, il existe un risque réel qu’une frappe accidentelle sur l’abri en béton vienne répandre les radiations qui s’échappent encore du cœur du réacteur.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Vue aérienne d’une forêt avec des routes et une grande structure incurvée en arrière-plan" src="https://images.theconversation.com/files/448757/original/file-20220227-95421-1cohlql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448757/original/file-20220227-95421-1cohlql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448757/original/file-20220227-95421-1cohlql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448757/original/file-20220227-95421-1cohlql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448757/original/file-20220227-95421-1cohlql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448757/original/file-20220227-95421-1cohlql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448757/original/file-20220227-95421-1cohlql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les terres et forêts entourant la centrale nucléaire de Tchernobyl restent hautement contaminées. En arrière-plan, l’abri recouvrant le réacteur endommagé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Carmel Mothersill)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Les risques pour la santé des personnes et des écosystèmes sont difficiles à estimer. En hiver, la plupart des espèces végétales et animales sont peu actives, hibernent ou ont migré au sud. Au printemps, il est probable que les niveaux élevés de radiations causés par le mouvement des véhicules auront diminué.</p>
<p>Il est à souhaiter que les soldats russes ne fassent que traverser la zone, <a href="https://www.reuters.com/world/europe/why-russia-ukraine-are-fighting-chernobyl-disaster-site-2022-02-25/">qui offre la voie la plus rapide entre le Bélarus et Kiev</a> – sauf pour l’éventuel détachement russe qui assurera la sécurité de la zone, à l’instar des Ukrainiens avant eux. La Russie, elle-même sévèrement contaminée par la catastrophe, fera certainement preuve d’une extrême prudence.</p>
<h2>Effets des radiations chroniques</h2>
<p>La région est l’un des rares sites au monde où les scientifiques peuvent mesurer sur le terrain les effets d’une exposition prolongée sur la faune et la flore. Mon équipe <a href="https://www.exphem.org/article/S0301-472X(07)00032-X/fulltext">s’intéresse aux effets des expositions prolongées à des radiations à faible dose</a>. Nous cherchons également à voir comment ces effets se transmettent entre les générations.</p>
<p>Avant la pandémie, nous étions intégrés au sein d’une équipe multidisciplinaire qui surveillait la population de campagnols sauvages, pour mesurer les niveaux de radioactivité et son effet sur la santé – anémie, cancer, cataracte ou immunodéficience. Les niveaux de radiations dans la région sont très variables, mais certains campagnols ont subi des taux de radiations 40 fois plus élevés que des spécimens témoins non exposés.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/448756/original/file-20220227-95421-gu21m5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une table près d’une fenêtre, sur laquelle sont posés des tubes à essai, des verres et des carnets de notes" src="https://images.theconversation.com/files/448756/original/file-20220227-95421-gu21m5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448756/original/file-20220227-95421-gu21m5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448756/original/file-20220227-95421-gu21m5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448756/original/file-20220227-95421-gu21m5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448756/original/file-20220227-95421-gu21m5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448756/original/file-20220227-95421-gu21m5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448756/original/file-20220227-95421-gu21m5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le laboratoire de culture tissulaire improvisé de l’auteure dans une maison abandonnée de la zone d’exclusion de Tchernobyl.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Carmel Mothersill)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Et pourtant, malgré tout ce travail, le lien entre les anomalies détectées et les radiations à faible dose demeure incertain. C’est que l’environnement présente d’autres facteurs de stress – prédateurs, parasites, maladies et famine.</p>
<p>L’effet sur la santé des radiations à faible dose dans les écosystèmes demeure donc sujet à controverse. <a href="https://sc.edu/study/colleges_schools/artsandsciences/biological_sciences/our_people/directory/mousseau_timothy.php">Tim Mousseau</a>, biologiste à l’Université de Caroline du Sud, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301479718305541?via%3Dihub">signale de multiples anomalies chez diverses espèces</a>. Et Rosa Goncharova, généticienne des radiations à l’Institut de génétique et de cytologie de l’Académie nationale des sciences du Bélarus, constate que les <a href="https://www.nmbu.no/sites/default/files/pdfattachments/ryabokon_-_transgenerational_accumulation.pdf">descendants des animaux exposés aux radiations à forte dose en 1986 continuent de présenter de nombreuses anomalies chromosomiques</a>.</p>
<p>Mais d’autres ne trouvent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0265931X19306496?via%3Dihub">aucune preuve de tels effets</a>, dont Mike Wood, spécialiste de l’environnement à l’Université de Salford, au Royaume-Uni, et Nick Beresford, radioécologue à l’Institut d’hydrologie et d’écologie de l’Université de Lancaster, dans le même pays.</p>
<h2>L’énergie nucléaire et les risques pour la faune</h2>
<p>Nous analysons toujours nos dernières données, recueillies à Tchernobyl en 2018. Les résultats préliminaires, qui révèlent une énorme variation individuelle, ne démontrent aucune corrélation claire et statistiquement significative entre l’état de santé et la dose de radiations. Selon nous, on ne peut avoir de certitude sur les effets des radiations à faible dose parce que d’autres facteurs naturels, telles la prédation et la maladie, brouillent les résultats. Cela ne veut pas dire qu’elles sont sans effet, mais il n’est pas possible de faire une typologie des effets en fonction du niveau de radiation.</p>
<p>Cette controverse sur l’interprétation des résultats présente un enjeu considérable et devra être résolue. De nombreux pays envisagent de relancer la production d’énergie nucléaire grâce à de petits réacteurs modulaires installés dans des zones reculées. Étant donné qu’il faudra gérer le risque d’accident nucléaire en plus de ceux associés à l’extraction de l’uranium, à la fabrication du combustible, et au traitement des déchets radioactifs, il faut pouvoir mieux connaître les risques pour la faune sauvage.</p>
<p>L’étude dans ce vaste laboratoire qu’est la zone d’exclusion de Tchernobyl demeure donc vitale, et il faudra reconnaître qu’il sera difficile d’y travailler sans les connaissances et le savoir-faire de collaborateurs ukrainiens, tant sur le terrain que dans les laboratoires, mais aussi dans les aspects logistiques et réglementaires. Nul ne sait ce qu’il adviendra de ces collaborations qui durent depuis des années.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178130/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carmel Mothersill reçoit des fonds du CRSNG et du Candu Owner's Group (subvention d'alliance) pour étudier les effets de l'exposition à de faibles doses de rayonnement sur la faune.</span></em></p>Les véhicules militaires lourds peuvent soulever de la terre radioactive autour de Tchernobyl, et les combats à proximité risquent d’endommager l’abri en béton contenant le réacteur.Carmel Mothersill, Professor and Canada Research Chair in Environmental Radiobiology, McMaster UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1720892021-12-02T19:17:07Z2021-12-02T19:17:07ZRéacteurs nucléaires « SMR » : de quoi s’agit-il ? Sont-ils moins risqués ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/435143/original/file-20211201-27-4cnynx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C3%2C2481%2C1399&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Visuel du projet de réacteur SMR porté par la France, appelé Nuward.</span> <span class="attribution"><span class="source">EDF</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Il y a quelques semaines, le président Macron a présenté le plan de relance <a href="https://youtu.be/v9mQlu-EQ-I">France 2030</a> et mis en avant un nouveau type de réacteur nucléaire, les « SMR ».</p>
<p>Ces « small modular reactors » sont des petits réacteurs modulaires, dont la puissance est comprise entre 50 et 300 <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Watt">mégawatts électriques</a>. Certains projets de SMR reprennent des filières de réacteurs nucléaires existantes et miniaturisées, tandis que d’autres explorent de nouveaux concepts de réacteurs pour un déploiement sur le plus long terme.</p>
<h2>Les SMR, c’est pour quand ?</h2>
<p>Environ <a href="https://www.oecd-nea.org/jcms/pl_57979/small-modular-reactors-challenges-and-opportunities?details=true">70 projets de SMR sont identifiés</a> dans le monde à des stades plus ou moins avancés, dont un <a href="https://www.oecd-nea.org/jcms/pl_57979/small-modular-reactors-challenges-and-opportunities?details=true">quart</a> utilisent des filières « matures », de génération 3 (Gen-III), comme celle du parc français.</p>
<p>Ainsi, certains modèles pourraient être disponibles sur le marché mondial autour de 2030 et couvrir, selon l’agence de l’énergie nucléaire de l’OCDE, <a href="https://www.oecd-nea.org/upload/docs/application/pdf/2021-03/7560_smr_report.pdf">jusqu’à 10 % de la production nucléaire</a> dans le monde d’ici 2040.</p>
<p>L’investissement initial d’environ <a href="https://new.sfen.org/rgn/1-7-smr-paradis-ingenieurs/">1 milliard d’euros pour un réacteur SMR</a> devrait être bien moins élevé que pour un réacteur de grande puissance – en comparaison, l’EPR de Flamanville devrait coûter environ 12 milliards d’euros pour une puissance installée de <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-07/20200709-synthese-filiere-EPR.pdf">1 600 mégawatts électriques</a>. Les SMR pourront ainsi répondre aux besoins de régions isolées, de pays dont le réseau électrique est peu développé ou dont les capacités financières ne permettent pas d’accéder au marché des gros réacteurs.</p>
<p>Actuellement, la stratégie de la France est donc de proposer un SMR pour le marché international. Avec <a href="https://www.conseil-national-industrie.gouv.fr/comites-strategiques-de-filiere/la-filiere-nucleaire">2 100 « années-réacteurs » d’expérience dans l’industrie nucléaire</a>, la France est reconnue mondialement dans la construction et l’exploitation des grands réacteurs pour la production d’électricité et des petits réacteurs pour la propulsion navale – une expertise nécessaire pour proposer un projet industriel de SMR, appelé <a href="https://www.cea.fr/presse/Pages/actualites-communiques/energies/nuward-smr.aspx">« Nuward »</a>, porté par le consortium EDF, CEA, Naval Group et Technicatome.</p>
<p>D’après la <a href="https://www.sfen.org/">Société française d’énergie nucléaire</a> un module de Nuward de 170 MWe de puissance pourrait être <a href="https://new.sfen.org/rgn/projet-smr-francais/">construit en trois ans</a>, après avoir consolidé l’ensemble des phases du projet (<em>basic design</em>, <em>detailed design</em> et <em>licensing</em>). Cela nous mènera en 2030 pour le premier béton en France et une commercialisation pour l’export.</p>
<h2>Comment fonctionnent les SMR ?</h2>
<p>L’appellation « SMR » rassemble en fait différents concepts, ou « filières », de réacteurs nucléaires. Il s’agit pour les SMR de miniaturiser les filières déjà industrielles, ou de rendre « petites » et « modulaires » les réacteurs dès leur conception, dans le cas de filières de nouvelle génération.</p>
<p>Aujourd’hui, la filière la plus mature pour les réacteurs haute puissance est la filière des réacteurs « à eau pressurisée », avec <a href="https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/l-energie-de-a-a-z/tout-sur-l-energie/produire-de-l-electricite/les-differents-types-de-reacteurs-nucleaires">environ 55 % des réacteurs installés dans le monde</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/433105/original/file-20211122-25-1eqyi5b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/433105/original/file-20211122-25-1eqyi5b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=514&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/433105/original/file-20211122-25-1eqyi5b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=514&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/433105/original/file-20211122-25-1eqyi5b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=514&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/433105/original/file-20211122-25-1eqyi5b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=645&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/433105/original/file-20211122-25-1eqyi5b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=645&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/433105/original/file-20211122-25-1eqyi5b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=645&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dans le cœur d’un réacteur nucléaire : le triptyque combustible-modérateur-caloporteur définit le type de réacteur. Par exemple, pour les réacteurs à eau pressurisée utilisés en France pour la production d’électricité, le combustible est l’uranium enrichi, le modérateur et le caloporteur sont de l’eau.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Magnox_reactor_schematic.svg">Elsa Couderc, modifié à partir d’Emoscopes</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Une filière de réacteur est définie par un <a href="https://www.cea.fr/comprendre/Pages/energies/nucleaire/fonctionnement-reacteur-nucleaire.aspx?Type=Chapitre&numero=2">triptyque combustible-modérateur-caloporteur</a>, caractérisant un choix scientifique et technique de production de chaleur. Par exemple, dans la filière des réacteurs « à eau pressurisée », le combustible est un oxyde d’uranium enrichi autour de 5 % en uranium-235 tandis que le modérateur et le caloporteur sont de l’eau ordinaire.</p>
<p>La chaleur issue des réactions nucléaires au sein du réacteur peut être utilisée pour produire de l’électricité mais aussi par exemple pour le <a href="https://www.iaea.org/sites/default/files/39205082125_fr.pdf">chauffage urbain, la chaleur industrielle</a>, la <a href="https://www.iaea.org/sites/default/files/37204782124_fr_0.pdf">désalinisation de l’eau de mer</a>) ou la <a href="https://www.iaea.org/fr/bulletin/lelectronucleaire-et-la-transition-vers-une-energie-propre/bien-plus-quune-source-delectricite">production d’hydrogène</a>.</p>
<h2>Déchets, sûreté, ressources : les réacteurs du futur</h2>
<p>Pour répondre à l’exigence d’une exploitation durable des ressources naturelles et d’une optimisation de la gestion des déchets, deux autres filières de réacteurs haute puissance sont étudiées en France : la « filière des réacteurs à neutrons rapides » et la « filière des réacteurs à sels fondus ». Ces réacteurs devraient être matures dans plusieurs décennies, à la fois à l’échelle haute puissance et à l’échelle miniaturisée des SMR.</p>
<p>Ces nouveaux concepts, basés sur des critères de préservation des ressources naturelles, de gestion durable des déchets et de sûreté accrue, sont étudiés dans le cadre de GenIV, un <a href="https://www.gen-4.org/gif/jcms/c_9260/public">forum mondial qui réfléchit aux concepts de réacteurs du futur</a>. Une des idées serait de passer d’un « mono-recyclage » actuellement fait dans les réacteurs du parc français <a href="https://lenergeek.com/2019/06/20/dechets-radioactifs-difference-monorecyclage-multirecyclage/">à un « multi-recyclage »</a>, c’est-à-dire que l’on retraite plusieurs fois le combustible passé en réacteur.</p>
<h2>Miniaturiser les concepts de réacteurs nucléaires grande puissance</h2>
<p>Miniaturiser un réacteur pourrait avoir un intérêt économique pour plusieurs raisons. D’une part, la simplification du design permet une architecture intégrée et la suppression de certains systèmes.</p>
<p>D’autre part, une architecture modulaire permet une qualité de fabrication supérieure, une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0149197021000433">réduction des coûts</a> et une optimisation des plannings des chantiers de construction. Elle a été développée pour les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Liberty_ship">chantiers navals</a> et est aujourd’hui utilisée dans les secteurs de la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Rapport%20construction%20hors-site_VF_Janvier%202021.pdf">construction</a> et de l’<a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-ires-2009-3-page-135.htm">aéronautique</a>.</p>
<p>La complexité d’une centrale nucléaire est due au nombre d’équipements et systèmes, mais aussi à leurs interactions. L’idée de la modularité est de diviser la centrale en un ensemble de modules (par exemple les murs, ou un système de pompe), correspondant à une fonction bien identifiée et des interfaces bien définies. Bien entendu, cette fabrication modulaire suppose une chaîne d’approvisionnement adaptée, qualifiée pour la filière nucléaire et elle ne pourra se créer que si les SMR sont produits en grande quantité.</p>
<p>Enfin, la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0301421515001214">standardisation de la fabrication</a> devrait permettre des économies d’échelles, une productivité plus importante et in fine une meilleure sûreté des réacteurs grâce à une fabrication plus normée.</p>
<h2>Les SMR sont-ils plus sûrs ?</h2>
<p>Comme tous les réacteurs nucléaires, les SMR devront respecter les standards les plus récents en matière de sûreté nucléaire. Celle-ci évolue de manière continue avec les retours d’expérience de l’exploitation des parcs de réacteurs nucléaires, les avancées des programmes de recherche et développement, et les incidents ou accidents.</p>
<p>Par exemple, aujourd’hui en France, le cadre réglementaire intègre ainsi le retour d’expérience de Tchernobyl et de Fukushima.</p>
<p>Les dispositions de sûreté y sont renforcées. Il oblige les installations à mettre en place des équipements dits « ultimes », pouvant résister à des événements exceptionnels (ce que l’on appelle le <a href="https://www.asn.fr/l-asn-informe/actualites/noyau-dur-situations-d-urgence-prescriptions-de-l-asn">« noyau dur »</a>).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quelle-gouvernance-des-risques-nucleaires-en-france-92081">Quelle gouvernance des risques nucléaires en France ?</a>
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<p>De manière générale, la simplification du design et la modularité devraient être favorables pour la sûreté, car ils permettent des contrôles plus aisés en exploitation pour l’un et une fabrication plus normée pour l’autre.</p>
<p>La diminution de la taille d’un réacteur et donc de sa puissance vont également dans le sens d’une meilleure sûreté, car il y aura moins de puissance résiduelle à évacuer en cas d’accident.</p>
<h2>Et l’innovation dans tout cela ?</h2>
<p>En attendant les réacteurs nucléaires de génération 4 (GenIV), d’autres innovations sont en cours et en particulier l’utilisation de « maquettes numériques » pour concevoir les nouveaux réacteurs, y compris les SMR et notamment le projet Nuward.</p>
<p>Ces « maquettes numériques », ou « BIM » (pour <em>building information modeling</em>), viennent du secteur de l’<a href="https://buildingsmartfrance-mediaconstruct.fr/definition-notions-bim/">architecture et de la construction</a> et représentent une opportunité majeure pour le nucléaire, car elles permettent d’optimiser le cycle de vie des installations nucléaires en <a href="https://www.andra.fr/emilie-bernard-bim-manager">proposant un objet numérique commun et partagé par l’ensemble des acteurs</a>, qui pourra être considéré comme le prototype du réacteur.</p>
<p>Enfin, les maquettes numériques devraient permettre de développer de nouveaux modes organisationnels et donc une plus grande efficacité opérationnelle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172089/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuelle Galichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le plan de relance France 2030 fait la part belle au nucléaire avec les « SMR ». Comment fonctionnent ces réacteurs innovants ? Quand seront-ils déployés ?Emmanuelle Galichet, Enseignante chercheure en physique nucléaire, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1662372021-08-23T18:13:06Z2021-08-23T18:13:06ZDe la lutte pour l’indépendance jusqu’à aujourd’hui : une brève histoire de l’éco-nationalisme ukrainien<p>Ce 24 août 2021, l’Ukraine fête les trente ans de son <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/620">indépendance</a>.</p>
<p>Si l’histoire retiendra surtout comme principaux facteurs du processus ayant conduit à ce moment historique la question des nationalités et l’échec de la pérestroïka, la marche du pays vers la liberté doit aussi beaucoup aux préoccupations environnementales d’une population traumatisée par l’accident nucléaire de Tchernobyl, survenu en 1986.</p>
<p>La combinaison des aspirations indépendantistes et écologistes a donné naissance à un mouvement dit « éco-nationaliste », qui a connu diverses mutations au cours de son existence.</p>
<h2>L’indifférence des autorités soviétiques aux questions environnementales</h2>
<p>L’écologie et la protection de la nature ont connu en Ukraine un itinéraire souvent chaotique, dans une économie très marquée par les héritages marxistes-staliniens.</p>
<p>Soumise à l’arbitraire d’un régime ne se préoccupant préoccupaient guère des conséquences sur le long terme d’un développement extensif dans une périphérie rurale pilier d’une économie d’empire, l’Ukraine a connu, dès les années 1930 une industrialisation massive de son territoire, encouragée par une planification quinquennale brutale. Collectivisations forcées, <a href="https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2004-2-page-281.htm">famines artificielles</a>, déportation des ruraux, industrialisation à outrance et expériences agronomiques désastreuses se révèlent particulièrement nocives pour l’environnement ukrainien.</p>
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<p>Si la sauvegarde de l’environnement n’est pas totalement occultée en URSS, elle ne peut toutefois prendre, comme en Occident, la forme d’un mouvement civique. Totalitaire et hostile à toute forme d’initiative échappant à son contrôle direct, l’État soviétique préfère s’appuyer des organisations de conservation qui lui sont directement affiliées. Fondé en 1946, le <a href="https://www.cairn.info/revue-le-mouvement-social-2017-3-page-111.htm">Comité d’État pour la protection de la société</a> représente l’une des plus importantes organisations environnementales de l’URSS.</p>
<p>Néanmoins, cette instance n’est que rarement consultée lors des prises de décision. Loin de défendre la nature, elle participe au contraire au processus de légitimation des derniers grands projets de <a href="https://www.persee.fr/doc/ingeo_0020-0093_1952_num_16_2_1136">transformation et de conquête du territoire naturel</a>, devant parachever l’édification du « paradis des travailleurs » soviétique. Il faut attendre le début de la pérestroïka pour voir les autorités soviétiques, jusque là insensibles aux problèmes écologiques, comprendre qu’il est nécessaire de revoir leur grammaire environnementale.</p>
<h2>L’écologie à l’heure de la pérestroïka</h2>
<p>C’est à partir de la brève période d’exercice du pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev (1985-1991) que l’on sent véritablement que glasnost et pérestroïka riment avec prise de conscience et reformulation de l’impératif écologique en URSS. Essoufflée par sa compétition acharnée contre le bloc occidental, la puissance soviétique dont hérite Gorbatchev est en perte de vitesse. Non seulement le système économique n’est plus en mesure de se maintenir dans la course aux innovations techniques et de résister à la baisse spectaculaire des cours du pétrole dès 1979, mais l’idéologie communiste montre ses limites – en témoignent la multiplication des œuvres dissidentes comme celles de Soljenitsyne. Afin d’éviter l’implosion, l’URSS n’a d’autre choix que d’adapter une nouvelle stratégie. Elle fera de la sauvegarde de l’environnement l’un des axes de sa politique de restructuration. En effet, l’écologie se révèle <a href="https://www.cairn.info/revue-diogene-2001-2-page-152.htm">déterminante pour la pérestroïka</a>.</p>
<p>En embrassant une cause devenue mondiale, l’URSS aspire à prendre la tête d’un mouvement de contestation anti-capitaliste <a href="https://www.franceculture.fr/ecologie-et-environnement/aux-origines-de-l-ecologie-politique-en-europe">déjà bien implanté en Europe occidentale</a>, rehaussant ainsi le prestige de l’idéologie soviétique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"591905843810947072"}"></div></p>
<p>Dans un contexte de stagnation économique, l’écologie apparaît, de plus, comme un moyen de relancer et de réorienter l’innovation technologique vers la renaissance et la diversification énergétique. La pérestroïka peut affirmer, <a href="https://www.ssoar.info/ssoar/handle/document/52813#">grâce à l’écologie</a>, un choix sectoriel radicalement différent de celui hérité des modèles staliniens. Il ne s’agit plus de placer au cœur de la croissance des mangeurs d’acier comme le complexe militaro-industriel et le secteur extractif, mais bien de relancer les industries légères clés et la consommation.</p>
<p>La pérestroïka ayant pour principal objectif la transformation de l’URSS en un « État de droit » où le système bureaucratique serait expurgé de ses lourdeurs, la protection de l’environnement serait avant tout pour Gorbatchev un moyen de démocratiser la société soviétique. La <a href="https://digitalcommons.pace.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1293&context=pelr">« révolution verte »</a> s’opère à travers la réintégration progressive des acteurs « dissidents » jadis blâmées par le régime pour leur « idéalisation contemplative » de la nature. En les autorisant à accéder à nouveau aux canaux d’information, le pouvoir entend faire de ces acteurs un instrument de légitimation politique. Certes, les critiques des dissidents à l’encontre des dysfonctionnements administratifs se font désormais entendre, mais elles participent à l’auto-régulation du système soviétique plutôt qu’elles ne le menacent.</p>
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<p>Enfin (et ce n’est pas la moindre des raisons), il s’agit, à travers la réconciliation de l’homme et de la nature, d’accentuer la décentralisation du pouvoir. Cette stratégie ouvre aux nationalités la voie vers la réappropriation de leur environnement immédiat. Elle permet surtout d’apaiser et de minimiser la montée des nationalismes au sein de l’Union. L’environnement est donc utilisé par la propagande soviétique. Comme son peuple, celui-ci serait le fruit d’une combinaison harmonieuse des éléments culturels nationaux et écologiques. Ce glissement rhétorique se veut clair : défendre l’environnement induirait ainsi l’idée de préserver le patrimoine remarquable d’une « patrie naturelle » idéalisée par l’idéologie communiste. Ce qui aboutirait in fine à une justification renouvelée du bien-fondé du collectivisme et du nationalisme pour se protéger de l’Ouest, présenté comme hostile aux idéaux écologistes.</p>
<p>Pieux en apparence, ce vœu cache mal le fait que la question environnementale reste suspendue à une démarche élitiste d’un parti communiste aux abois. À partir de la fin des années 1980, la politique environnementale gorbatchévienne déstabilise l’Union plus qu’elle ne la consolide.</p>
<h2>Zelenij Svit : la défense de l’environnement ukrainien comme rejet définitif de l’URSS</h2>
<p>Le 26 avril 1986, au nord de Kiev, le principal réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl entre en fusion et s’effondre, entraînant d’importantes retombées nucléaires sur la partie sud-ouest du territoire soviétique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/tchernobyl-epidemiologie-dune-catastrophe-58315">Tchernobyl, épidémiologie d’une catastrophe</a>
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<p>Catastrophe environnementale d’une ampleur encore jamais vue, l’onde de choc de Tchernobyl dépasse le simple dysfonctionnement d’une filière de pointe soviétique. La menace nucléaire, jusqu’alors identifiée comme une menace militaire extérieure, montre à l’issue de cet évènement un tout autre visage : celui d’un ennemi intérieur.</p>
<p>Imputable aux manquements des dirigeants de l’Union, accusés d’empoisonner leurs concitoyens, la catastrophe de Tchernobyl devient très vite le catalyseur d’une prise de conscience environnementale généralisée. Ne pouvant plus disposer, du fait de la glasnost, de leviers d’action suffisants pour contenir les réactions publiques, l’élite dirigeante ne peut entraver la création de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09644019508414215?journalCode=fenp20">mouvements et collectifs citoyens</a> qui rejettent le nucléaire en URSS. Au départ dubitative quant aux effets réellement bénéfiques des réformes de la pérestroïka sur le plan environnemental, la population ukrainienne découvre qu’elle plus qu’un simple otage de l’atome. La radiophobie naissante ressuscite un anti-soviétisme militant.</p>
<p>Le 28 décembre 1987 est fondée, sur la base d’un agrégat d’associations scientifiques, clubs ethnographiques et cercles littéraires, l’association <a href="https://in2english.net/2019/01/13/ukrainian-ecological-movement-zelenyi-svit-green-world/">Zelenij Svit</a> (Monde Vert). Elle devient l’épicentre du combat environnemental. Bien qu’hostile au pouvoir, Zelenij Svit va toutefois, dans un premier temps, se présenter comme une association loyaliste.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/417252/original/file-20210820-19-fmftnk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/417252/original/file-20210820-19-fmftnk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/417252/original/file-20210820-19-fmftnk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/417252/original/file-20210820-19-fmftnk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/417252/original/file-20210820-19-fmftnk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/417252/original/file-20210820-19-fmftnk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/417252/original/file-20210820-19-fmftnk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/417252/original/file-20210820-19-fmftnk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Militants de Zelenij Svit en 1988.</span>
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<p>Le 29 mars 1988 est organisée conjointement avec l’Union des écrivains d’Ukraine la <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9780429301353-8/greening-ukraine-ecology-emergence-zelenyi-svit-1986%E2%80%931990-david-marples">première conférence publique de Zelenij Svit</a>, pour exprimer l’inquiétude de l’association quant au bureaucratisme qui entrave la gestion de la catastrophe de Tchernobyl. Les autorités ukrainiennes laissent faire parce qu’elles considèrent Zelenij Svit comme un cercle de réflexion indispensable dans un contexte où le principe de « sécurité écologique » est devenu crucial.</p>
<p>Rendue possible grâce à la pérestroïka, la circulation des informations permet chaque jour d’élargir un peu plus l’influence de l’association. Le 13 novembre 1988, <a href="https://books.google.fr/books?id=F_QMCypjpXwC&pg=PA63&lpg=PA63&dq=ukraine+%2213+november+1988%22">plus de 10 000 personnes se rassemblent à Kiev</a> à son appel pour réclamer la tenue de référendums sur la construction de nouvelles centrales électriques en Ukraine mais aussi la constitution d’une « Rada Verte » – autrement dit une véritable participation des écologistes aux décisions centrales. Pour la première fois, cette mobilisation de masse montre qu’il est possible de battre en brèche la politique autoritaire soviétique et de développer une démarche singulière capable de mobiliser en nombre les citoyens.</p>
<p>Un nouveau discours environnemental identitaire se met en place autour de Zelenij Svit. En effet, Tchernobyl est bien plus qu’un traumatisme. C’est une véritable rupture qui débouche sur des propositions concrètes pour s’adapter graduellement à une sortie du nucléaire, permettant de lier la question de la préservation du territoire à celle de la nation ukrainienne. « À bas le colonialisme soviétique ! » : c’est par ce célèbre slogan que l’on peut résumer le <a href="https://www.jstor.org/stable/j.ctv11313v1">tournant nationaliste de l’activisme environnemental ukrainien</a>. Par la diversité des champs d’action et la rhétorique nouvelle de l’éco-nationalisme, Zelenij Svit contribue à créer un appel d’air pour d’autres mouvements d’orientation nationaliste et démocratique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/417246/original/file-20210820-25-q8mjrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/417246/original/file-20210820-25-q8mjrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/417246/original/file-20210820-25-q8mjrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/417246/original/file-20210820-25-q8mjrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/417246/original/file-20210820-25-q8mjrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/417246/original/file-20210820-25-q8mjrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/417246/original/file-20210820-25-q8mjrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Manifestation de Zelenij Svit dénonçant la gestion de la catastrophe de Tchernobyl, Novembre 1988.</span>
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<p>En négociation depuis 1987 avec différents mouvements nationalistes pour trouver des solutions écologiques dans une future Ukraine souveraine, Zelenij Svit participe à la création en 1989 du <a href="https://www.jstor.org/stable/152489">Mouvement populaire d’Ukraine pour la pérestroïka (RUKH)</a>, auquel il s’allie. La tenue d’élections semi-libres en 1990 permet à Zelenij Svit d’obtenir 7 députés à la Rada, dans le cadre du RUKH qui obtient 15 sièges au total.</p>
<p>L’écologie, bien que séductrice pour une grande partie de la population, ne constitue pas l’élément décisif qui contribua à porter le RUKH à la Rada. Le succès du parti s’explique plutôt par la convergence des revendications qu’elle a réussi à catalyser : des positions anti-nucléaires, un choix d’indépendance et une volonté de désoviétisation. Le 16 juillet 1990, la décision finale de la Rada du 16 juillet 1990 sur la <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1990/07/18/urss-kiev-souhaite-former-un-etat-neutre_3992759_1819218.html">souveraineté politique de l’Ukraine</a> est approuvée.</p>
<p>Face au putsch du 21 août 1991 fomenté par l’élite conservatrice communiste, une dernière mobilisation constitue l’ultime argument des écologistes pour faire voter à l’élite communiste ukrainienne la déclaration d’indépendance, le 24 août. Chef de file du mouvement Zelenij Svit, Iouri Chtcherbak a selon toute vraisemblance été désigné comme mandataire pour annoncer la nouvelle au Conseil suprême de l’URSS. Un <a href="https://stayhappening.com/e/%D0%9F%D1%80%D0%B5%D0%B7%D0%B5%D0%BD%D1%82%D0%B0%D1%86%D1%96%D1%8F-%D0%BA%D0%BD%D0%B8%D0%B6%D0%BA%D0%B8-%C2%AB%D0%97%D0%95%D0%9B%D0%95%D0%9D%D0%90-%D0%A5%D0%92%D0%98%D0%9B%D0%AF-%D0%9D%D0%95%D0%97%D0%90%D0%9B%D0%95%D0%96%D0%9D%D0%9E%D0%A1%D0%A2%D0%86%C2%BB-%D0%A3%D0%9A%D0%A0%D0%90%D0%87%D0%9D%D0%A1%D0%AC%D0%9A%D0%90-%D0%95%D0%9A%D0%9E%D0%9B%D0%9E%D0%93%D0%86%D0%A7%D0%9D%D0%90-%D0%90%D0%A1%D0%9E%D0%A6%D0%86%D0%90%D0%A6%D0%86%D0%AF-%C2%AB%D0%97%D0%95%D0%9B%D0%95%D0%9D%D0%98%D0%99-%D0%A1%D0%92%D0%86%D0%A2%C2%BB-E2ISTV2VKP5">ouvrage présentant l’histoire du mouvement</a> rapporte, sans doute avec exagération, cet événement :</p>
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<p>« Le discours s’est déroulé dans le plus grand silence. Il a dit que l’URSS s’était effondrée, que l’empire avait été détruit. Mikhaïl Gorbatchev, alors président de l’URSS, est devenu violet et s’est évanoui. »</p>
</blockquote>
<h2>De l’impasse post-soviétique à la résurrection ultranationaliste</h2>
<p>Prometteuse, la mouvance écologiste remporte plusieurs succès dans l’Ukraine indépendante. Portefeuilles ministériels, institutionnalisation le 28 juin 1990 du Comité de la Rada pour la politique environnementale de l’Ukraine, rapprochement avec le Parti des Verts Européen en 1993 : ces décisions politiques laissent augurer de véritables opportunités d’actions en faveur de l’environnement.</p>
<p>Toutefois, le processus prit rapidement fin. Pour compenser les effets du divorce avec l’URSS et faire face aux besoins économiques immédiats imposés par la <a href="http://www.nouvelle-europe.eu/images/stories/ene_transition_ukraine.pdf">transition</a> vers un modèle libéral, l’Ukraine se détourne progressivement des questions écologiques et des revendications de Zelenij Svit, transformé en décembre 1990 en <a href="http://greenparty.ua/">Parti des Verts d’Ukraine</a>. Autrefois à l’avant-garde de l’éco-nationalisme, l’Ukraine ne parvient pas à surmonter les reconfigurations politiques et systémiques de l’ère post-soviétique, dominées par <a href="https://www.lesechos.fr/2001/04/lukraine-otage-de-son-oligarchie-714661">l’oligarchie prédatrice</a> et la transition vers une économie capitaliste de marché. Relégué au second plan du débat public, le Parti des Verts ukrainiens ne parvient pas à s’imposer lors des différentes élections législatives organisées dans le pays.</p>
<p>Bien que marginalisé au cours des années 1990 et 2000, l’éco-nationalisme semble toutefois retrouver implicitement un rôle dans les composantes du champ politique ukrainien post-Maïdan. Les ultra-nationalistes y trouvent un champ d’action à investir pour se distinguer des autres partis.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/417245/original/file-20210820-25-lgwmwx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/417245/original/file-20210820-25-lgwmwx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/417245/original/file-20210820-25-lgwmwx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=908&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/417245/original/file-20210820-25-lgwmwx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=908&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/417245/original/file-20210820-25-lgwmwx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=908&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/417245/original/file-20210820-25-lgwmwx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1141&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/417245/original/file-20210820-25-lgwmwx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1141&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/417245/original/file-20210820-25-lgwmwx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1141&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Logo de la cellule Corps Écologique à Kharkiv, qui relève du mouvement ultranationaliste Azov.</span>
<span class="attribution"><span class="source">nackor.org</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La <a href="https://ukrainian-studies.ca/2020/04/09/the-new-path-of-ukrainian-eco-nationalism/">nouvelle écologie professée par les partis d’extrême droite</a> comme le Corps National (issu du régiment Azov) et son aile verte le Corps Écologique est animée par la volonté de rassembler les Ukrainiens autour d’une « Dignité Verte ». Si cette rhétorique empruntée au Maïdan donne lieu à différentes initiatives militantes telles que le nettoyage des espaces verts, la traque des individus responsables de maltraitance envers les animaux ou encore l’opposition violente aux différents projets d’infrastructures illégales qui fleurissent en Ukraine sous l’influence de politiciens jugés corrompus, elle épouse toutefois une représentation radicale au service d’un idéal réactionnaire et darwinien.</p>
<p>L’<a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/ecologie-profonde#:%7E:text=L%E2%80%99%C3%A9cologie%20profonde%20est%20un,opposition%20avec%20le%20mod%C3%A8le%20dominant.">écologie profonde</a> et l’<a href="https://theconversation.com/le-retour-de-lecofascisme-122339">écofascisme</a> tiennent une place fondamentale dans la construction idéologique de certains de ces mouvements. Parce que la nature représente des valeurs traditionnelles fertiles qui ne peuvent être transgressées par la modernité, et qu’elle est le lieu d’affirmation d’une « culture ukrainienne ancestrale », les nouveaux éco-nationalistes ukrainiens plaident pour un renouveau vitaliste de l’ancienne culture ukrainienne qui prendrait en compte les éléments « sauvages » de son environnement. </p>
<p>Cette attitude correspond à une ré-identification romantique aux <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/archeologie/la-naissance-du-monde-slave-1517.php">communautés tribales proto-slaves</a> ou à la <a href="https://www.persee.fr/doc/jds_0021-8103_1999_num_1_1_1621">Rus</a>, comparables à celles du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_v%C3%B6lkisch">mouvement völkisch allemand</a> des années 1930. Soutenant que « la Nation constitue la forme la plus optimale de l’existence humaine » –, le nationalisme ukrainien entend ainsi revenir, à travers la défense de l’environnement, au sens premier de la nation étatique : la synthèse territoriale et politique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/166237/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Adrien Nonjon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les mouvements écologistes ont joué un rôle important dans l’accession de l’Ukraine à l’indépendance en 1991. Aujourd’hui, cette tendance a été, paradoxalement, récupérée par l’extrême droite.Adrien Nonjon, Doctorant en Histoire , Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1593992021-04-28T18:13:02Z2021-04-28T18:13:02ZOù en est l’économie mondiale du nucléaire ? Conversation avec Jan Horst Keppler<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/396254/original/file-20210421-17-fhae7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5750%2C3830&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Actuellement dans le monde, 50&nbsp;centrales nucléaires sont en construction.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/view-pipes-nuclear-power-plant-near-1380499868">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><em>Jan Horst Keppler est professeur d’économie à l’Université Paris-Dauphine PSL où il est directeur scientifique de la Chaire European Electricity Markets (CEEM) et co-directeur du Master Énergie, Finance, Carbone (EFC). Il est également conseiller économique senior à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Pour The Conversation France, il dresse un panorama de l’économie mondiale de l’énergie nucléaire, 10 ans après la catastrophe de Fukushima et 35 après celle de Tchernobyl.</em></p>
<hr>
<p><strong>The Conversation France : Comment le secteur du nucléaire a-t-il évolué ces dernières années ?</strong></p>
<p><strong>Jan Horst Keppler</strong> : Du point de vue de la construction de nouvelles centrales, il y a une dichotomie entre les pays de l’OCDE et de pays hors OCDE, où l’intérêt pour des nouvelles centrales reste entier. Les projets de réacteurs de génération III dans les pays de l’OCDE (Olkiluoto en Finlande, Flamanville en France, Vogtle aux États-Unis) ont pris des retards importants et leurs coûts sont nettement plus élevés que prévu. D’autres (comme en 2017, le site de <a href="https://www.europe1.fr/international/etats-unis-abandon-de-la-construction-de-deux-reacteurs-nucleaires-3401453">Summer</a>, aux États-Unis également) ont été abandonnés.</p>
<p>Il y a cependant aussi en Europe plusieurs projets sous étude dans les pays de l’Europe de l’Est (Pologne, République tchèque, Slovaquie, Bulgarie et Roumanie) et évidemment le projet Hinkley Point C d’EDF au Royaume-Uni, déjà en cours (<a href="https://www.usinenouvelle.com/article/edf-reporte-le-demarrage-de-l-epr-hinkley-point-c-a-2026-au-royaume-uni.N1053939">mais qui prend du retard</a>), avec un autre <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/le-plan-d-edf-energy-pour-financer-la-centrale-nucleaire-sizewell-c-au-royaume-uni.N1040619">projet similaire à Sizewell</a> en discussion avancée.</p>
<p>Il y a aussi dans plusieurs pays (notamment États-Unis, Royaume-Uni, Canada) une dynamique en faveur des small modular reactors (SMR), dont le développement est souvent financé par des investisseurs privés (par exemple, <a href="https://korii.slate.fr/tech/bill-gates-nucleaire-incontournable-climat-emissions-co2-mini-centrales-terrapower-securite">Terrapower de Bill Gates</a>). Ce sont des réacteurs de taille petite ou moyenne de 30 MW à 300 MW environ, dont certains sont de 4<sup>e</sup> génération, donc des technologies autres que les réacteurs à eau pressurisée ou bouillante qui constituent les générations II et III.</p>
<p><strong>TCF : Qui sont aujourd’hui les principaux acteurs ?</strong></p>
<p><strong>J.H.K.</strong> : Partout dans le monde, l’énergie nucléaire est portée par une coopération entre acteurs privés ou quasi privés et publics. Les spécificités de l’énergie nucléaire font que, nulle part, les nouveaux projets ne peuvent aboutir sans un soutien public et politique au moins implicite. Les Canadiens emploient d’ailleurs dans ce sens une jolie expression : le nucléaire nécessite une « licence sociale ».</p>
<p>Dans les pays hors OCDE, la Chine et la Russie discutent avec plusieurs pays qui seraient de nouveaux entrants dans le nucléaire. Ils offrent des conditions de financement avantageuses et bénéficient du retour d’expérience de la continuité de leurs programmes domestiques de construction de nouveaux réacteurs.</p>
<p><strong>TCF : Sur les quelque <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_r%8Eacteurs_nucl%8Eaires_en_construction#cite_note-3">50 centrales en construction actuellement dans le monde</a>, seuls cinq projets sont aujourd’hui portés par des entreprises françaises (3 pour Areva et deux pour Framatome, filiale d’EDF). Peut-on parler de recul de la filière française, qui fut pourtant pionnière en matière d’énergie nucléaire ?</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/396246/original/file-20210421-15-13rl54y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/396246/original/file-20210421-15-13rl54y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/396246/original/file-20210421-15-13rl54y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/396246/original/file-20210421-15-13rl54y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/396246/original/file-20210421-15-13rl54y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/396246/original/file-20210421-15-13rl54y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=549&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/396246/original/file-20210421-15-13rl54y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=549&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/396246/original/file-20210421-15-13rl54y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=549&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Graphique : Nombre de réacteurs en construction par pays.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pris.iaea.org/PRIS/WorldStatistics/UnderConstructionReactorsByCountry.aspx">IAEA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>J.H.K.</strong> : Le mot recul n’est pas adapté. Certes, la génération d’ingénieurs français qui a porté la construction de centrales dans les années 1980-90 est aujourd’hui à la retraite et il n’existe pas aujourd’hui de programmes pour former les ingénieurs aux compétences qui leur permettraient de prendre la relève. La filière française n’est pas condamnée pour autant.</p>
<p>En 2018, Yannick d’Escatha, ex-administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique, et Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement jusqu’en juin 2017, avait appelé dans un <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/08/30/nucleaire-un-rapport-preconise-la-construction-de-six-epr_5348004_3244.html">rapport</a> à lancer la construction de six nouveaux EPR (réacteur nucléaire de troisième génération). Un tel programme pourrait contribuer à relancer la filière en France en déclenchant la formation nécessaire et changer ainsi la donne de manière durable en Europe, tant les effets de seuil et les économies d’échelle sont essentiels dans ce secteur.</p>
<p>Actuellement, la France prépare une décision sur ces questions pour 2023 au plus tard. Une décision de lancer la construction de six nouveaux EPR pourrait relancer la filière française de manière décisive.</p>
<p><strong>TCF : Quelles perspectives peut-on dresser à moyen et long terme ?</strong></p>
<p><strong>J.H.K.</strong> : Le nucléaire est en concurrence avec d’autres sources d’électricité. Il possède cet avantage énorme d’être capable de produire de larges quantités d’électricité décarbonée de manière prévisible et pilotable. Sa performance, en termes de sécurité et d’impacts sur la santé et l’environnement, depuis 70 ans reste excellente comparée à d’autres filières, même en tenant compte des accidents majeurs qu’elle a connus.</p>
<p>Des solutions efficaces existent pour les déchets radioactifs. Il n’y a pas eu de problème ces 50 dernières années malgré un stockage à ciel ouvert, souvent de manière décentralisée près des centrales. Les sites permanents prévus aujourd’hui, centralisés et fermés, tel le projet Cigéo en France, devraient en outre être plus sûrs.</p>
<p>Les perspectives du nucléaire en France, en Europe et dans le monde dépendent de deux facteurs décisifs : (a) le sérieux avec lequel les décideurs s’engagent dans la lutte contre le changement climatique ; l’éolien et le solaire PV ont fait des progrès importants en termes de coûts, mais on ne peut pas aujourd’hui décarboner des systèmes électriques (net zéro) avec les seules technologies intermittentes (ceci est sans parler d’autres contraintes telles l’utilisation des sols, etc.) et (b) la maîtrise des coûts de nouveaux projets nucléaires. Il y a donc un premier facteur externe, ou politique, et un second facteur interne au secteur nucléaire. La prochaine décennie sera décisive pour voir si ces deux facteurs déterminants s’aligneront.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159399/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jan Horst Keppler ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le secteur, tiré aujourd’hui pas la demande asiatique, pourrait se retrouver bouleverser par l’arrivée sur le marché de nouveaux réacteurs de taille réduite.Jan Horst Keppler, Professeur d'économie, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1597862021-04-26T18:09:52Z2021-04-26T18:09:52ZTchernobyl, paradis des loups persécutés<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/397167/original/file-20210426-23-9y7t2k.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C0%2C2548%2C1808&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un loup à l'intérieur de la forêt rouge de la zone d'exclusion de Tchernobyl, en Ukraine, en septembre 2016.</span> <span class="attribution"><span class="source">REDFIRE Project / Nick Beresford, Sergey Gashchak</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Le loup est une espèce qui <a href="https://theconversation.com/mediar-entre-humanos-para-conservar-a-los-lobos-152430">suscite des passions contradictoires</a>. Pour certains, elle représente une menace sérieuse pour l’élevage extensif et les traditions rurales. Pour d’autres, il est le symbole de la nature sauvage et un élément fondamental pour l’équilibre des écosystèmes.</p>
<p>Bien qu’il s’agisse d’une espèce protégée dans toute l’Europe,le loup est chassé sans relâche, tant dans les pays où il se fait rare, comme la Suède et la Norvège, que dans ceux où il est plus répandu, <a href="https://theconversation.com/la-proteccion-del-lobo-es-una-oportunidad-para-las-zonas-rurales-156162">comme l’Espagne</a>. Menacé d’extermination dans une grande partie de l’Europe, le loup a finalement été confiné dans quelques refuges isolés.</p>
<p>Paradoxalement, Tchernobyl est devenu l’un d’entre eux.</p>
<p>Cela fait maintenant 35 ans qu’une catastrophe s’est produite à la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine. Cet accident, le plus grave de l’histoire nucléaire, a entraîné l’évacuation de quelque 350 000 personnes et la création d’une zone de plus de 4 000 km<sup>2</sup>, pratiquement inhabitée, sans activité humaine, avec pour seuls occupants des animaux sauvages.</p>
<p>La zone d’exclusion de Tchernobyl abrite aujourd’hui une <a href="https://theconversation.com/tchernobyl-35-ans-apres-laccident-nucleaire-decouvrez-comment-la-nature-y-a-repris-ses-droits-118082">grande diversité d’animaux sauvages</a>, dont de nombreux grands mammifères d’Europe, tels que le lynx boréal, l’ours brun et le loup.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/tchernobyl-35-ans-apres-laccident-nucleaire-decouvrez-comment-la-nature-y-a-repris-ses-droits-118082">Tchernobyl : 35 ans après l’accident nucléaire, découvrez comment la nature y a repris ses droits.</a>
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<h2>Les loups de Tchernobyl</h2>
<p>Au moment de l’accident, les loups étaient présents à Tchernobyl, bien qu’intensément persécutés par la population locale. Trois décennies plus tard, Tchernobyl compte toujours l’une des plus fortes densités de loups d’Europe. Les enquêtes de terrain dans la partie biélorusse de la zone d’exclusion ont révélé la présence de <a href="https://getd.libs.uga.edu/pdfs/webster_sarah_c_201605_ms.pdf">plus de 100 individus par 1 000 km²</a>. Dans cette zone, les loups sont sept fois plus nombreux que dans les réserves naturelles voisines.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/392925/original/file-20210331-15-jexlx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/392925/original/file-20210331-15-jexlx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/392925/original/file-20210331-15-jexlx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/392925/original/file-20210331-15-jexlx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/392925/original/file-20210331-15-jexlx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/392925/original/file-20210331-15-jexlx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/392925/original/file-20210331-15-jexlx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Groupe de loups se nourrissant des restes d’un élan, dans la zone d’exclusion de Tchernobyl, en Ukraine, en 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">CHAR Project/Nick Beresford, Sergey Gashchack</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’abondance des loups à Tchernobyl n’est pas conditionnée par les niveaux de radiation. L’espèce occupe toute la région, des zones les moins contaminées aux environnements tels que la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/For%C3%AAt_rousse">forêt rouge</a> (appelée aussi forêt rousse), l’un des endroits les plus radioactifs de la planète. À ce jour, aucun effet négatif des radiations sur les loups vivant à Tchernobyl n’a été détecté.</p>
<p>Certains chercheurs pensent que la présence de loups à Tchernobyl n’est que le reflet de <a href="https://www.bbvaopenmind.com/ciencia/medioambiente/chernobil-y-fukushima-nuevos-santuarios-de-fauna-o-cementerios-de-animales-que-huyen-de-los-humanos/">l’augmentation des populations de loups en Europe</a>. Mais cela n’explique pas pourquoi ils y sont si abondants, plus que dans toute autre région, ni pourquoi ils occupent tous les habitats de Tchernobyl, quel que soit le niveau de radiation.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/392526/original/file-20210330-23-1p7hqh3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/392526/original/file-20210330-23-1p7hqh3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/392526/original/file-20210330-23-1p7hqh3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/392526/original/file-20210330-23-1p7hqh3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/392526/original/file-20210330-23-1p7hqh3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/392526/original/file-20210330-23-1p7hqh3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/392526/original/file-20210330-23-1p7hqh3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Groupe de loups vivant dans la zone d’exclusion de Tchernobyl, en Ukraine, en 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">CHAR Project/Nick Beresford, Sergey Gashchack</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Plusieurs facteurs expliquent l’abondance des loups à Tchernobyl. Le principal est le fait que les humains, absents de la zone, ne peuvent pas les persécuter. Le maintien d’une très grande zone exempte de présence humaine est décisif. Comparé aux plus de 4 000 km<sup>2</sup> de Tchernobyl, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Parc_national_des_pics_d%27Europe">parc national des pics d’Europe</a>, en Espagne, ne couvre qu’environ 650 km<sup>2</sup>. La zone d’exclusion abrite également en abondance les principales proies naturelles du loup : élans, cerfs, sangliers et castors. Sans intervention humaine, même en dépit de l’environnement radioactif, le loup et ses proies maintiennent un système prédateur-proie totalement naturel.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/392524/original/file-20210330-15-18qbc1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/392524/original/file-20210330-15-18qbc1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/392524/original/file-20210330-15-18qbc1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/392524/original/file-20210330-15-18qbc1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/392524/original/file-20210330-15-18qbc1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/392524/original/file-20210330-15-18qbc1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/392524/original/file-20210330-15-18qbc1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un loup européen chassant un élan dans la forêt rouge, zone d’exclusion de Tchernobyl, Ukraine, en 2017.</span>
<span class="attribution"><span class="source">REDFIRE Project/Nick Beresford, Sergey Gashchack</span></span>
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</figure>
<h2>Des loups en mouvement</h2>
<p>Récemment, un jeune loup équipé par des scientifiques d’un collier émetteur GPS a été détecté en <a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs10344-018-1201-2">train de se déplacer de Tchernobyl vers des zones extérieures</a>. Cela montre que Tchernobyl devient un lieu à partir duquel la faune se propage vers les zones voisines, plutôt que comme une zone dangereuse où les animaux entrent et meurent des radiations.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/392900/original/file-20210331-17-10gtnqp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/392900/original/file-20210331-17-10gtnqp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/392900/original/file-20210331-17-10gtnqp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/392900/original/file-20210331-17-10gtnqp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/392900/original/file-20210331-17-10gtnqp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/392900/original/file-20210331-17-10gtnqp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/392900/original/file-20210331-17-10gtnqp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un loup européen à côté d’un enregistreur de sons dans la forêt rouge, zone d’exclusion de Tchernobyl, Ukraine, en 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">REDFIRE Project/Nick Beresford, Sergey Gashchack</span></span>
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<p>Le déplacement de ce loup ne diffère pas de celui de nombreuses espèces migratrices qui utilisent Tchernobyl pendant la saison de reproduction ou l’hiver, et ne présente aucun risque pour la faune sauvage d’ailleurs. La dispersion des jeunes loups est un processus naturel chez ces animaux, résultat de la nécessité de rechercher de nouveaux territoires lorsque les populations sont trop nombreuses à un endroit. Elle ne contribue en aucun cas à la propagation de mutations causées par les radiations qui pourraient être néfastes pour l’espèce.</p>
<h2>L’avenir des loups de Tchernobyl</h2>
<p>Trois décennies après l’accident, la zone d’exclusion de Tchernobyl doit maintenant relever le défi de définir son avenir et, avec lui, celui des loups qui l’habitent.</p>
<p>Il faudra concilier la gestion d’une zone encore contaminée avec le démantèlement de la centrale nucléaire, le développement du tourisme et la conservation de la nature.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-jour-j-et-la-popularite-grandissante-du-tourisme-noir-118303">Le Jour J et la popularité grandissante du « tourisme noir »</a>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/389950/original/file-20210316-24-kdshzy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/389950/original/file-20210316-24-kdshzy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/389950/original/file-20210316-24-kdshzy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/389950/original/file-20210316-24-kdshzy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/389950/original/file-20210316-24-kdshzy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/389950/original/file-20210316-24-kdshzy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/389950/original/file-20210316-24-kdshzy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un loup dans la zone d’exclusion de Tchernobyl, en 2015.</span>
<span class="attribution"><span class="source">TREE Project/Nick Beresford, Sergey Gashchack</span></span>
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<p>Il existe une opportunité de préserver, à Tchernobyl, une zone presque unique en Europe : un lieu dédié non seulement à la mémoire de l’accident, mais aussi à l’étude et à la conservation de la nature. L’entretien de cette vaste zone sera vital pour la conservation d’une multitude d’espèces menacées.</p>
<p>Ainsi, 35 ans après l’accident nucléaire qui devait mettre fin à toutes formes de vie dans cette région pour des milliers d’années, Tchernobyl est devenu l’un des grands refuges européens pour les loups persécutés. Et cela devrait continuer ainsi.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159786/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Germán Orizaola reçoit des financements du ministère des Sciences et de l'Innovation (Espagne) par le biais du programme " Ramón y Cajal " (RyC-2016-20656), de la Principauté des Asturies par le biais du " Programa Grupos de Investigación " (IDI/2018/000151) et de la British Ecological Society (SR20-1169).</span></em></p>Trente-cinq ans après l’accident nucléaire, Tchernobyl est devenu un refuge pour les loups, chassés dans toute l’Europe.Germán Orizaola, Investigador Ramón y Cajal, Universidad de OviedoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1593752021-04-23T20:33:58Z2021-04-23T20:33:58ZThree Mile Island, Tchernobyl, Fukushima : le rôle des accidents dans la gouvernance nucléaire<p>Jusque dans les années 1970, les centrales nucléaires étaient jugées intrinsèquement sûres, par conception. L’accident était appréhendé comme hautement improbable, pour ne pas dire impossible <a href="https://www.youtube.com/watch?v=_0P9S4F4KpQ">par les concepteurs et exploitants</a> ; cela en dépit d’<a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14682745.2020.1806239">incidents récurrents</a> qui ne faisaient l’objet d’aucune publicité.</p>
<p>Tout bascule en 1979 avec l’accident Three Mile Island (TMI) aux États-Unis. Largement médiatisé malgré l’absence de victimes, il apporte la preuve qu’un accident dit « majeur », ici avec fusion du cœur, est possible.</p>
<p>Dans les décennies suivantes, deux autres accidents majeurs, classés 7 sur l’échelle INES, surviennent : Tchernobyl en 1986 et Fukushima en 2011.</p>
<h2>Le tournant des années 1980</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/396778/original/file-20210423-13-utcxw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/396778/original/file-20210423-13-utcxw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/396778/original/file-20210423-13-utcxw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/396778/original/file-20210423-13-utcxw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/396778/original/file-20210423-13-utcxw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/396778/original/file-20210423-13-utcxw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/396778/original/file-20210423-13-utcxw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/396778/original/file-20210423-13-utcxw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les niveaux de classements des événements sur l’échelle INES.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Mediatheque/pages/Detail_Mediatheque_v2.aspx?GuidWeb=a1de7c68-6d78-4537-9e6a-e2faebed3900&GuidList=7cf45785-558c-4f48-9bd2-552aeae2c1a4&GuidItem=3&imgId=0965fc7f-a48d-4c73-b225-7dbd5fa2cd22|1&Cible=1">IRSN</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Nous ne reviendrons ici, ni sur cette catégorisation, ni sur l’invention, après l’accident de Tchernobyl, de l’échelle INES permettant de classer les événements anti-sécuritaires sur une échelle graduée, allant d’un simple écart à la norme jusqu’à l’accident majeur.</p>
<p>Nous partirons de la conversion, à partir de 1979, de l’accident comme événement inenvisageable en événement possible, appréhendé et présenté par les experts nucléaires comme une opportunité d’apprentissage et d’amélioration.</p>
<p>Dès lors, l’accident offre l’occasion de « tirer les leçons » afin de renforcer la sûreté nucléaire, dans une démarche d’amélioration continue.</p>
<p>Mais quelles leçons exactement ? Le dernier accident en date, Fukushima, a-t-il conduit à des évolutions profondes dans la gouvernance des risques nucléaires, à l’instar de Tchernobyl ?</p>
<h2>La fin de la logique de la faute</h2>
<p>Three Mile Island est souvent présenté comme le premier accident nucléaire : en dépit des barrières techniques et procédurales alors en place, l’accident a lieu, il est donc possible.</p>
<p>Certains, comme le sociologue Charles Perrow, le qualifient même de « normal », au sens d’inévitable, du fait de la complexité des installations nucléaires et du couplage fort – c’est-à-dire des interdépendances très fortes entre les éléments composant le système –, susceptibles d’entraîner des « effets boule de neige » difficilement maîtrisables.</p>
<p>Du côté des experts institutionnels, industriels et académiques, l’analyse de l’accident modifie la vision de la place de l’homme dans ces systèmes et de l’erreur humaine : de problème moral, imputable aux « mauvais comportements » humains, il devient un problème systémique, imputable à une mauvaise conception du système.</p>
<p>Rompant avec la logique de la faute, ces leçons ont ouvert la voie à la systématisation du retour d’expérience, prônant une logique de transparence et d’apprentissage.</p>
<h2>Tchernobyl et la gouvernance des risques</h2>
<p>C’est avec Tchernobyl que l’accident devient « organisationnel », conduisant les organisations nucléaires comme les pouvoirs publics à lancer des réformes structurantes des doctrines de sûreté, fondées sur la reconnaissance du caractère essentiel des « problèmes d’organisation et de culture […] à la sûreté des opérations » (<a href="https://www-pub.iaea.org/MTCD/Publications/PDF/P083_scr.pdf">AIEA, 1999</a>).</p>
<p>C’est aussi Tchernobyl qui initie des évolutions majeures des modalités de gouvernance des risques, aux échelles internationale, européenne et française. Un ensemble d’organisations et de dispositions législatives et réglementaires font alors leur apparition, dans le double souci de tirer les leçons de l’accident survenu dans la centrale ukrainienne et d’éviter qu’un tel accident se produise ailleurs.</p>
<p>La loi du 13 juin 2006 relative à la « transparence et à la sécurité en matière nucléaire » (dite TSN) qui promulgue, entre autres, le statut de l’ASN comme Autorité administrative indépendante du gouvernement, en est une manifestation emblématique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"724999024999194625"}"></div></p>
<h2>Une possibilité pour chaque pays</h2>
<p>25 ans après Tchernobyl, c’est le Japon qui fait l’expérience d’un accident au sein de la centrale de Fukushima-Daïchi.</p>
<p>Tandis que l’accident survenu en 1986 pouvait être imputé, pour partie, <a href="https://theconversation.com/la-serie-chernobyl-reecrit-elle-lhistoire-122242">au régime soviétique et à sa technologie RBMK</a>, la catastrophe de 2011 concerne une technologie de conception américaine et un pays que beaucoup considèrent à la pointe de la modernité.</p>
<p>Avec Fukushima, l’accident grave redevient une possibilité qu’aucun pays ne saurait écarter. Il ne donne pourtant pas lieu aux mêmes mobilisations que celui de 1986.</p>
<h2>Fukushima, point de rupture ?</h2>
<p>Dix ans après la catastrophe japonaise, on peut en effet faire le constat que celle-ci n’a pas initié de rupture profonde : ni dans la manière de concevoir, maîtriser et contrôler la sûreté des installations ; ni dans les plans et dispositifs conçus pour gérer une crise similaire en France (ou en Europe).</p>
<p>C’est ce que montrent notamment les travaux réalisés dans le cadre du <a href="https://web.imt-atlantique.fr/x-ssg/projetagoras/index.php">projet de recherche Agoras</a>.</p>
<p>S’agissant de la préparation à la gestion de crise, Fukushima a conduit à réinterroger les frontières temporelles entre phase d’urgence et phase post-accidentelle, et à investir davantage cette dernière.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1244897086358851585"}"></div></p>
<p>Cette catastrophe a également conduit les autorités françaises à publier, en 2014, un plan de préparation à la gestion d’un accident nucléaire, faisant entrer ce dernier dans le régime commun de la gestion de crise.</p>
<p>Ces deux éléments se sont traduits par un renforcement du volet sécurité civile dans les exercices nationaux de gestion de crise conduits annuellement en France.</p>
<p>Mais comme le souligne de <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2019-4-page-43.htm">récents travaux</a>, l’observation de ces exercices nationaux n’a pas révélé d’évolution significative, ni dans leur organisation et leur déroulement ; ni dans le contenu des plans et dispositifs, ni plus généralement dans la manière d’appréhender une crise résultant d’un accident majeur. À l’exception toutefois de la création de groupes nationaux capables d’intervenir rapidement sur site (la FARN).</p>
<h2>Des changements limités</h2>
<p>On peut certes considérer qu’à l’image des effets induits par les accidents de Three Mile Island et de Tchernobyl, les transformations structurelles prennent du temps et qu’il est peut-être encore trop tôt pour constater une absence de changements significatifs.</p>
<p>Mais les travaux menés dans le cadre d’Agoras nous <a href="https://agoras2019.sciencesconf.org/">amènent à formuler l’hypothèse</a> que les changements demeureront limités ; cela pour deux raisons.</p>
<p>Une première raison tient au fait que des changements structurels ont été entrepris dans les 20 ans qui ont suivi l’accident de Tchernobyl ; on a vu la mise en place d’organisations dédiées à la prévention des accidents et à la préparation à la gestion de crise – comme l’ASN en France, ou encore des organismes de coopération européens (WENRA, ENSREG) et internationaux.</p>
<p>Ceux-ci ont entamé un travail continu sur les accidents nucléaires, développant progressivement des outils de compréhension et de réponse, ainsi que des mécanismes de coordination entre responsables publics et industriels, nationaux et internationaux.</p>
<p>Ces outils ont été « activés » à la suite de l’accident de Fukushima et ont permis de proposer rapidement une explication de cet accident, d’engager des procédures communes comme les évaluations complémentaires de sûreté (les fameux « stress tests »), et de proposer collectivement des révisions limitées des normes existantes de la sûreté nucléaire.</p>
<p>Ce travail a <a href="https://journals.openedition.org/sdt/14611">permis de normaliser l’accident</a>, en le faisant entrer dans les organisations et cadres de pensée existants de la sûreté nucléaire.</p>
<p>Cela a contribué à établir la conviction, parmi les professionnels du secteur et les pouvoirs publics français, que le régime de gouvernance en place était en mesure de prévenir et de faire face à un événement de grande ampleur, sans qu’il soit nécessaire de le réformer profondément.</p>
<h2>L’inertie du système français</h2>
<p>Une deuxième raison tient aux relations étroites qu’entretiennent en France les acteurs majeurs de la filière nucléaire civile (exploitants – EDF en premier lieu – et régulateurs – l’ASN et son appui technique l’IRSN), notamment autour de la définition et de l’évaluation des mesures de sûreté dans les centrales.</p>
<p>Ces relations sont constitutives d’un système d’action organisé exceptionnellement stable. L’accident de Fukushima a offert, un bref instant, une fenêtre d’opportunité pour imposer des mesures supplémentaires aux exploitants.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lheure-des-comptes-a-sonne-pour-le-nucleaire-francais-58174">L’heure des comptes a sonné pour le nucléaire français</a>
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<p>Mais cette fenêtre s’est rapidement refermée, et le système d’action a retrouvé sa stabilité. On observe l’inertie de ce système dans la production de nouveaux instruments de régulation, dont la conception et la mise à jour prennent plusieurs années.</p>
<p>On la retrouve également dans l’organisation des exercices de gestion de crise, qui <a href="https://journals.openedition.org/sociologie/7581">continuent de perpétuer les distinctions</a> sûreté-sécurité, accident-crise, intérieur de l’installation-environnement, et plus largement technique-politique – autant de distinctions qui préservent la forme et le contenu des relations qu’entretiennent régulateurs et exploitants.</p>
<h2>Apprendre des accidents</h2>
<p>À l’instar de Tchernobyl, Fukushima a d’abord été appréhendé comme un événement exceptionnel : en insistant sur la rencontre entre un tsunami de taille inédite et la centrale nucléaire, en mettant en avant l’absence d’agence de régulation indépendante au Japon, en insistant sur le respect excessif des Japonais pour la hiérarchie, il s’est agi de construire un événement singulier, pour postuler qu’il ne pouvait se reproduire à l’identique dans d’autres régions du monde.</p>
<p>Mais dans le même temps s’est opéré, notamment en France, un processus de normalisation, ne portant pas tant sur l’événement lui-même, que sur les risques qu’il représente pour l’organisation de la filière nucléaire, soit des acteurs et de formes de savoirs légitimes et autorisés.</p>
<p>Le processus de normalisation a ainsi abouti à faire entrer l’accident dans des catégories, institutions et dispositifs existants, afin de démontrer leur capacité à en prévenir l’occurrence et, si un accident survenait, à en limiter l’impact.</p>
<p>Il résulte d’un travail de délimitation de frontières, certaines parties cherchant à les maintenir, d’autres les contestant et travaillant à les déplacer.</p>
<p>On observe finalement le maintien de frontières auxquelles les acteurs de la filière (opérateurs et régulateurs) tiennent fortement : entre technique et politique, et entre experts et profanes.</p>
<h2>Questionner sans relâche la gouvernance nucléaire</h2>
<p>Si l’accident de Fukushima a pu être saisi par des acteurs politiques ou de la société civile pour contester la gouvernance de la filière nucléaire et son caractère « fermé », très vite aux échelles européenne et française, opérateurs et régulateurs ont entrepris de démontrer leur capacité, autant à prévenir un tel accident qu’à en gérer les conséquences ; cela afin de suggérer que l’on pouvait continuer à leur confier la régulation de ce secteur.</p>
<p>Quant au mouvement d’ouverture vers les acteurs de la société civile, celui-ci a été amorcé bien avant l’accident Fukushima (notamment avec la loi TSN de 2006), et ce dernier a, au mieux, prolongé une tendance préexistante.</p>
<p>Mais d’autres frontières semblent ces dernières années émerger ou se renforcer, notamment entre facteur technique et facteurs humain et organisationnel ou entre l’exigence de sûreté et les autres exigences des organisations nucléaires (performance économique et industrielle en particulier), sans que l’on sache précisément si cela est lié ou non aux accidents.</p>
<p>Ces mouvements, qui vont de pair avec une <a href="https://www.cairn.info/revue-gerer-et-comprendre-2017-4-page-76.htm">bureaucratisation des relations</a> entre le régulateur et son expert technique et entre ceux-ci et les opérateurs, appellent de nouvelles recherches à même de questionner leurs effets sur les fondements de la gouvernance des risques nucléaires.</p>
<h2>Se parler et s’entendre</h2>
<p>Les mêmes causes produisant les mêmes conséquences, c’est bien dans la fermeture de la filière nucléaire à toute forme de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/03085147.2011.637335">« savoir inconfortable »</a>, selon le concept de Steve Rayner, que le bât blesse.</p>
<p><a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.2307/41165243">La recherche en sciences sociales</a> a depuis longtemps démontré la nécessité dans l’étude des problèmes complexes d’associer une pluralité d’acteurs de profil et de formation différents, pour un travail qui dépasse les frontières disciplinaires et institutionnelles.</p>
<p>Chercheurs en sciences sociales, ingénieurs et pouvoirs publics doivent se parler et, surtout, s’entendre. Cela signifie être prêts, pour les ingénieurs ou décideurs, à prendre en compte des faits ou savoirs susceptibles de remettre en cause des doctrines et arrangements établis et leur légitimité.</p>
<p>Les chercheurs en sciences sociales, eux, doivent être prêts à franchir les portes des organisations nucléaires, pour s’approcher au plus près de leur fonctionnement ordinaire, écouter ses acteurs, observer les situations de travail.</p>
<p>Mais notre expérience, notamment dans le cadre d’Agoras, nous montre que ce travail est non seulement long et coûteux, mais également semé d’embûches. Car même lorsqu’un acteur finit par être convaincu du bien-fondé de tel ou tel savoir, les relations étroites d’interdépendance qu’il entretient avec les autres acteurs de la filière, constitutives du système de gouvernance, compliquent pratiquement son opérationnalisation et, par suite, préviennent des évolutions majeures des modalités de gouvernance.</p>
<p>Finalement, le couplage fort caractérisant le système de gouvernance de la filière nucléaire en constitue sans doute l’une des vulnérabilités.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159375/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphanie Tillement a reçu des financements du programme Investissements d’avenir et de l'ANR, dans le cadre du projet Agoras. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Olivier Borraz a reçu des financements du programme Investissements d’avenir et de l’ANR dans le cadre du projet Agoras.</span></em></p>Depuis les années 1980, les accidents nucléaires sont envisagés comme une opportunité d’apprentissage et d’amélioration de la sûreté.Stéphanie Tillement, Sociologue, IMT Atlantique – Institut Mines-TélécomOlivier Borraz, Directeur de recherche CNRS - Centre de Sociologie des Organisations, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1594102021-04-23T20:33:52Z2021-04-23T20:33:52ZRisques nucléaires : à quand la fin du monopole des experts internationaux ?<p>En décembre 2020, vingt ans après la fermeture définitive de la centrale, le ministère de la Culture de l’Ukraine a annoncé son intention de préparer la demande d’inscription de certains objets dans la zone d’exclusion autour de Tchernobyl sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.</p>
<p>Le ministère prévoyait de soumettre sa demande au printemps 2021, une façon de marquer le 35<sup>e</sup> anniversaire de l’accident, le 26 avril.</p>
<p>Ce projet permettrait de mettre en place un dispositif de préservation du site, mais surtout de mettre en valeur son importance historique universelle.</p>
<h2>Sur la liste de l’Unesco</h2>
<p>Deux sites liés au passé sombre du nucléaire figurent déjà sur la liste de l’Unesco : le <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/775/">Mémorial de la paix d’Hiroshima</a> et le <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/1339/">Site d’essais nucléaires de l’atoll de Bikini</a>.</p>
<p>Le site de Tchernobyl symboliserait, lui, la longue histoire des accidents qui ont marqué l’âge de l’atome, de <a href="http://www.environmentandsociety.org/arcadia/nuclear-disaster-kyshtym-1957-and-politics-cold-war">Kyshtym</a> à <a href="https://www.laradioactivite.com/site/pages/Windscale.htm">Windscale</a> (1957) et de <a href="https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/Les-accidents-nucleaires/three-mile-island-1979/Pages/L-accident-de-Three-Mile-Island.aspx#.YIAaMj86-Uk">Three Mile Island</a> (1979) à Fukushima (2011), dont on a marqué le dixième anniversaire cette année.</p>
<p>Qui plus est, l’accident de Tchernobyl marque un moment particulier de cette histoire, à savoir le début de l’institutionnalisation de la gestion internationale des conséquences des accidents nucléaires, dont on a pu pleinement mesurer l’emprise au moment de l’accident de Fukushima.</p>
<h2>Un ensemble restreint d’organisations</h2>
<p>Si les origines des accidents sont le plus souvent expliquées par des facteurs liés au développement de l’industrie nucléaire et de ses instances régulatrices à l’échelle nationale, la « gestion » de leurs conséquences dépasse progressivement les frontières nationales.</p>
<p>À ce titre, l’accident de Tchernobyl va consacrer la monopolisation de l’autorité du savoir sur les radiations ionisantes par un ensemble restreint d’organisations – l’<a href="https://www.iaea.org/fr">Agence internationale de l’énergie atomique</a> (AIEA), la <a href="https://www.asn.fr/L-ASN/Relations-internationales/Les-relations-multilaterales/Les-cadres-institutionnels/La-Commission-internationale-de-protection-radiologique-CIPR">Commission internationale de radioprotection (CIPR)</a> et le <a href="http://www.unscear.org/unscear/fr/">Comité scientifique des Nations unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants</a> (UNSCEAR).</p>
<p>Par un jeu d’alliances et de cooptations, ces organisations se constituent en un ensemble monolithique sur le risque radiologique.</p>
<h2>Renvoi à une marginalité militante</h2>
<p>À partir de ce moment, les points de vue différents, qu’ils soient portés par des individus, scientifiques « dissidents », comme <a href="https://www.kbaverstock.org/">Keith Baverstock</a> qui a dirigé le programme de radioprotection au Bureau régional de l’<a href="https://www.who.int/fr">Organisation mondiale de la Santé</a> pour l’Europe, ou appartenant à des organisations telles que l’<a href="https://www.ippnw.org/about">International association of Physicians for the Prevention of Nuclear War (IPPNW)</a>, seront délégitimés, et renvoyés à une forme de marginalité militante.</p>
<p>Ce monopole se traduit par une internationalisation de la gestion de l’accident qui repose sur une série d’outils que nous nous proposons d’examiner ici. Ces outils visent à une « normalisation » de la situation post-accidentelle en dépolitisant la gestion des risques liés aux retombées radioactives.</p>
<p>Ils consacrent le pouvoir des experts proches des organisations nucléaires internationales de déterminer ce que sont les sacrifices acceptables en matière de santé et d’environnement.</p>
<p>Comme le soulignent les physiciens <a href="http://chernobyl-day.org/article/tchernobyl-une-catastrophe-de/">Bella et Roger Belbéoch</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Loin de mettre en cause le pouvoir qu’ils se sont assuré dans la société, la catastrophe nucléaire leur permet de se constituer en un corps unifié international aux pouvoirs encore renforcés. C’est au moment où les experts scientifiques ne peuvent plus rien promettre d’autre que la gestion des catastrophes que leur pouvoir s’installe de façon inéluctable. »</p>
</blockquote>
<h2>À Fukushima</h2>
<p>Ce monopole sur le savoir et la gestion de l’accident est bien présent au Japon en 2011, lors de la mise en place des mesures par les autorités japonaises, qui en se référant largement aux normes internationales, ont repoussé les contestations : l’accident était traité par les experts.</p>
<p>Cependant, un basculement s’opère lorsque le rapporteur de l’ONU <a href="https://fukushima.eu.org/selon-le-rapporteur-special-de-lonu-le-japon-doit-stopper-le-retour-des-enfants-et-jeunes-femmes-dans-les-territoires-contamines/">critique sévèrement</a> la gestion de la catastrophe par Tokyo.</p>
<p>Sur un tout autre plan, de nouveaux outils d’analyse proposés par les sciences sociales, comme la « production de l’ignorance », offrent un cadre d’analyse permettant d’extraire les critiques du seul registre du débat d’experts, ouvrant la voie à une repolitisation de l’accident et de ses conséquences.</p>
<h2>Rendre gérable l’accident nucléaire</h2>
<p>Mais, en premier lieu : comment rend-on gérable un accident nucléaire qui, comme cela a été le cas à Tchernobyl et à Fukushima, provoque de très importants rejets de particules radioactives, se propageant autour du globe et contaminant de façon durable des dizaines de milliers de kilomètres carrés ?</p>
<p>Plusieurs centaines de milliers de personnes ont été évacuées ou relogées de ces territoires, des centaines de milliers d’autres continuent encore aujourd’hui à y vivre dans un environnement affecté par la radioactivité.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/8KYpYrYKXdA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Le « zonage », c’est-à-dire la répartition de ces territoires en plusieurs « zones » en fonction de la densité de la contamination et des mesures de protection nécessaires, a été le premier instrument qui a permis, au Japon et dans l’ex-Union soviétique, de rendre l’accident maîtrisable.</p>
<p>Ainsi, par exemple, la politique gouvernementale mise en place par différents acteurs au Japon a reposé sur l’établissement de zones successives au cours des jours qui ont suivi la catastrophe : zones évacuées et décontaminées avec ensuite « levée d’ordre d’évacuation », zones « difficiles pour le retour » dans lesquelles la contamination radiologique reste élevée, et zones restant interdites.</p>
<p>Ce dispositif de zonage mis en place par le gouvernement japonais s’inscrit dans un cadre réglementaire établi par les deux grandes institutions nucléaires internationales que sont l’AIEA et la CIPR.</p>
<h2>Le seuil radiologique</h2>
<p>Le dispositif repose en particulier sur le choix d’un seuil radiologique à partir duquel seront évacuées les populations.</p>
<p>La CIPR fixe la dose limite pour le public en temps ordinaire à 1 millisievert (mSv)/an. Depuis 2007, la CIPR autorise les autorités gouvernementales à relever ce seuil (de 1 à 20m Sv/an) en cas d’accident nucléaire.</p>
<p>Lorsque les autorités japonaises, tout comme les autorités soviétiques en 1986, choisissent de relever le seuil suite à l’accident, elles le justifient en termes de quasi-absence de risques sanitaires.</p>
<p>Au Japon, les représentants du gouvernement considèrent que le risque de développer un cancer suite à une exposition à une dose inférieure ou égale à 100mSv est si faible selon « le consensus (scientifique) international, (qu’)il est invisibilisé par les effets cancérogènes d’autres facteurs ».</p>
<h2>Limiter les évacuations et les compensations</h2>
<p>La sociologue et historienne des sciences <a href="http://www.fondationecolo.org/activites/publications/Les-Notes-de-la-FEP-8-Catastrophes-nucleaires-et-normalisation-des-zones-contaminees">Sezin Topçu</a> montre comment ce dispositif de zonage, qui s’est imposé comme une modalité essentielle de gestion de l’accident nucléaire, est avant tout un outil permettant de limiter les évacuations et les compensations des dommages causés par l’accident, puisque leurs coûts (économiques, politiques ou sociaux) seraient prohibitifs pour l’industrie nucléaire et pour l’État.</p>
<p>Cette approche par l’optimisation est par ailleurs consacrée au niveau international dans les recommandations émises par l’AIEA et la CIPR.</p>
<p>Ainsi, dans le cas japonais, le seuil de 20 mSv/an aurait été <a href="https://www.radioprotection.org/fr/articles/radiopro/full_html/2020/01/radiopro200005/radiopro200005.html">choisi</a> en partie pour éviter d’évacuer la région de Naka Dori et ses grandes villes : le tracé permettait de limiter les zones d’évacuation, en évitant d’évacuer les grandes villes du centre de la préfecture, dont Fukushima.</p>
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<p>Le relèvement du seuil à 20 mSv, à peine annoncé par les autorités japonaises a été l’objet d’une large contestation, institutionnelle et associative, rouvrant ainsi la question de la dangerosité des faibles doses de radiations ionisantes.</p>
<p>La dénonciation de ce seuil vient en premier lieu de l’intérieur : le conseiller spécial en radioprotection du Cabinet du premier ministre, le professeur Toshiso Kosako, <a href="http://japanfocus.org/events/view/83">démissionne</a> en larmes le 30 avril 2011 :</p>
<blockquote>
<p>« Je ne peux pas accepter un tel seuil, appliqué aux bébés, enfants, et élèves des écoles primaires, pas seulement d’un point de vue universitaire, mais aussi en raison de mes valeurs humanistes. »</p>
</blockquote>
<h2>De nombreuses critiques</h2>
<p>Au niveau international, la décision de relever le seuil est aussi critiquée par les deux Rapporteurs spéciaux successifs des Nations unies, Anand Grover et Baskut Tuncak. Qui plus est, les deux experts remettent en question les fondements mêmes de la radioprotection, qui reposent sur le principe ALARA : As Low as Reasonably Achievable (« aussi bas qu’il est raisonnablement possible »).</p>
<p>Ce « raisonnablement » indique que des critères autres que sanitaires sont pris en compte, ce que <a href="https://ap.ohchr.org/documents/dpage_e.aspx?si=A/HRC/23/41/Add.5/Rev.1">Grover critique</a>, en se référant au « droit à la santé ». Le rapporteur précise en effet que « les recommandations de la CIPR sont basées sur le principe d’optimisation et de justification, selon lesquelles toutes les actions du gouvernement doivent maximiser les bénéfices sur le détriment. Une telle analyse risque-bénéfice n’est pas en accord avec le cadre du droit à la santé, parce qu’elle donne la priorité aux intérêts collectifs sur les droits individuels ».</p>
<p>Baskut Tuncak reprend les critiques de Grover dans son <a href="https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=23772&LangID=E">rapport</a> publié en octobre 2018, en y précisant que « la décision du gouvernement japonais de multiplier par 20 ce qui est considéré comme le niveau acceptable d’exposition à la radiation est profondément troublante ».</p>
<h2>Mieux protéger les individus</h2>
<p>Les arguments similaires ont également été utilisés par des scientifiques biélorusses et ukrainiens qui se sont opposés, à la fin des années 1980, à la limite de dose de 35 rem (350msv) pour 70 ans de vie – une limite que les experts soviétiques de Moscou, avec le soutien des représentants de la CIPR, dont le chef du Service central de protection contre les rayonnements ionisants français Pierre Pellerin, essayaient d’imposer comme fondement de toutes les mesures d’intervention post-accidentelles.</p>
<p>Les chercheurs biélorusses et ukrainiens considèrent le critère de 35 rem comme inacceptable non seulement du point de vue scientifique mais également et surtout éthique.</p>
<p>Ils mettent en avant que dans les conditions d’incertitude de la science quant aux effets des rayonnements ionisants, il est dangereux de sous-évaluer les risques que la radioactivité représente pour les habitants des territoires affectés et considèrent que les autorités du pays ont une obligation morale de consacrer tous les moyens nécessaires à une plus grande protection des habitants des régions affectées, et en particulier <a href="https://www.editionspetra.fr/livres/les-politiques-de-la-radioactivite-tchernobyl-et-la-memoire-nationale-en-bielorussie">aux individus les plus vulnérables</a>.</p>
<h2>La dangerosité des faibles doses</h2>
<p>Les protagonistes de l’optimisation de la radioprotection dans le contexte post-accidentel insistent sur l’absence d’études prouvant des effets sanitaires importants en dessous de ces seuils.</p>
<p>Pendant longtemps, les arguments pour et contre ces seuils ont été abordés dans l’espace public ainsi que par les chercheurs en sciences sociales en termes de <a href="https://www.jstor.org/stable/41822210?seq=1">« controverses »</a> scientifiques et médicales – opposant les scientifiques liés à la sphère nucléaire qui ont longtemps nié la dangerosité des faibles doses, à des scientifiques hors de cette sphère, considérant que ces effets étaient sous-evalués.</p>
<p>La question de la dangerosité des <a href="https://theconversation.com/explainer-how-much-radiation-is-harmful-to-health-17906">faibles doses</a> de radioactivité est un des exemples les plus connus de telles controverses qui resurgissent régulièrement en dépit du développement des connaissances scientifiques sur ces risques.</p>
<p>Loin de survenir au moment de l’accident de Fukushima, elle s’inscrit dans un temps long et fait partie de « motifs » qui sont également présents dans les débats sur Tchernobyl ainsi que sur d’autres accidents nucléaires comme celui de <a href="https://www.cairn.info/revue-raison-presente-2017-4-page-61.htm">Kyshtym</a>, en Russie en 1957.</p>
<h2>Des mécanismes de production d’ignorance</h2>
<p>Plus récemment cependant, différents chercheurs en sciences sociales ont <a href="https://www.berghahnjournals.com/view/journals/ame/14/2/ame140202.xml">proposé</a> d’appréhender le maintien d’une position rassurante sur ces dangers comme <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/la_science_asservie-9782707173690">relevant des mécanismes de production d’ignorance</a>.</p>
<p>La production d’ignorance, qui peut être aussi bien involontaire qu’intentionnelle, a été analysée initialement pour de nombreux risques, comme le <a href="https://www.franceculture.fr/oeuvre-golden-holocaust-la-conspiration-des-industriels-du-tabac-de-robert-proctor">tabac</a>.</p>
<hr>
<p>
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<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/de-lagnotologie-production-de-lignorance-88500">De l’agnotologie, production de l’ignorance</a>
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</p>
<hr>
<p>Aborder les risques radiologiques en termes de production d’ignorance permet de rompre avec l’<a href="https://www.seuil.com/ouvrage/uranium-africain-une-histoire-globale-gabrielle-hecht/9782021166002">« exceptionnalisme »</a> dont a longtemps bénéficié la question nucléaire, et d’inscrire les dangers des radiations ionisantes dans le champ plus large des risques sanitaires et de ses banals enjeux de pouvoir.</p>
<h2>Minimiser la gravité</h2>
<p>La gestion internationalisée des catastrophes nucléaires repose en fait sur différents mécanismes de production d’ignorance. Ainsi, la spécialiste en sociologie des sciences Olga Kuchinskaya décrit la <a href="https://mitpress.mit.edu/books/politics-invisibility">« politique d’invisibilisation »</a>, qui a été menée après la catastrophe de Tchernobyl.</p>
<p>Elle souligne que la mise en évidence des effets des radiations ionisantes dépend de l’existence d’infrastructures matérielles – telles que des appareils de mesure, systèmes d’information et équipements –, mais aussi institutionnelles (par exemple, suivre une cohorte de personnes pour rendre visibles des effets sanitaires dépend de cette articulation entre éléments matériels et institutionnels).</p>
<p>Cette infrastructure est fort coûteuse et, dans le cas de Tchernobyl, n’a pas été maintenue sur la durée. Qui plus est, le bilan sur les effets des radiations a été essentiellement pris en charge par des institutions internationales alors même que les médecins et chercheurs locaux, de leur côté, mettaient en évidence un tableau complètement différent et beaucoup plus alarmant de la situation sanitaire.</p>
<p><a href="https://www.actes-ud.fr/catalogue/tchernobyl-par-la-preuve">Kate Brown</a> décrit de son côté comment différentes instances internationales, et en premier lieu l’AIEA et l’OMS, se sont employées à redéfinir les effets sanitaires de Tchernobyl, à minimiser leur gravité, et ainsi à produire activement de « l’ignorance » à propos de l’impact de la catastrophe.</p>
<p>Cette non-connaissance a été en fait un instrument crucial qui a rendu la catastrophe « gérable » et a permis, comme le souligne <a href="https://press.princeton.edu/books/paperback/9780691151663/life-exposed">Adriana Petryna</a>, « le déploiement d’une connaissance faisant autorité, spécialement quand elle s’applique à la gestion de la population exposée ».</p>
<h2>Le monopole des experts internationaux, jusqu’à quand ?</h2>
<p>En remettant en cause le caractère « exceptionnel » du nucléaire et des rayonnements ionisants, ces critiques, qu’elles soient émises au sein des instances onusiennes ou par des chercheurs en sciences sociales, ouvrent la voie à un questionnement du monopole des institutions internationales nucléaires pour apprécier le risque radiologique et cadrer les politiques dites « post-accidentelles ».</p>
<p>Une repolitisation de la gestion des conséquences d’un accident qui fait entrer la « gestion » d’un accident nucléaire dans le cadre plus large des droits humains devient alors possible.</p>
<p>Lors du prochain accident nucléaire, il n’est pas certain que les citoyens acceptent que le pouvoir de ces experts internationaux « s’installe de façon inéluctable » en décidant à leur place quel est le risque acceptable.</p>
<p>La fin du monopole de ces experts permettrait un véritable débat sur les risques du nucléaire. Au moment où de nombreuses voix se prononcent en faveur du développement de l’énergie atomique en tant que moindre mal face au changement climatique, un tel débat devient urgent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159410/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tatiana Kasperski a reçu des financements de Riksbankens Jubileumsfond, Suède et de National Science Foundation, États-Unis. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christine Fassert ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La gestion internationale des accidents nucléaires, prétendument dépolitisée, ne va pas sans poser un certain nombre de problèmes.Christine Fassert, Socio-anthropologue, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneTatiana Kasperski, Chercheure associée - Departement des Humanités, Universitat Pompeu FabraLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1595742021-04-23T20:33:47Z2021-04-23T20:33:47ZPlus de trois décennies après Tchernobyl, la Russie joue crânement la carte nucléaire<p>Catastrophe humanitaire, sociale et environnementale, Tchernobyl a eu un impact majeur sur l’industrie nucléaire mondiale, entraînant la <a href="https://www.sortirdunucleaire.org/Le-nucleaire-et-l-Italie-des">sortie du nucléaire de l’Italie</a>, l’élan du <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2010/11/09/le-mouvement-anti-nucleaire-une-histoire-allemande_1437846_3214.html">mouvement anti-nucléaire en Allemagne</a>, l’<a href="https://www.vox.com/2016/2/29/11132930/nuclear-power-costs-us-france-korea">arrêt de la construction de nouvelles centrales pour un tiers de siècle aux États-Unis</a> et une perte importante du savoir-faire au <a href="https://www.world-nuclear.org/information-library/country-profiles/countries-t-z/united-kingdom.aspx">Royaume-Uni</a>, un pays <a href="http://large.stanford.edu/courses/2017/ph241/selvan1/">à l’origine du développement de l’industrie</a>. Et, bien entendu, Tchernobyl a aussi détruit la réputation de la filière nucléaire soviétique. Pourtant, la Fédération de Russie, surgie des décombres de l’URSS en 1991, accorde une place de plus en plus importante à cette énergie.</p>
<p>Des décennies après la tragédie, <a href="https://rosatom.ru/about/">20 % de la production électrique russe</a> proviennent en effet du nucléaire, dont la part dans le mix énergétique n’a cessé de croître tout au long des années 2000. La Russie est le <a href="https://pris.iaea.org/PRIS/WorldStatistics/NuclearShareofElectricityGeneration.aspx">quatrième producteur d’énergie nucléaire dans le monde</a>, après les États-Unis, la France et la Chine. Elle est également le <a href="https://www.world-nuclear.org/information-library/nuclear-fuel-cycle/mining-of-uranium/world-uranium-mining-production.aspxelleestpr%C3%A9sent%C3%A9eensepti%C3%A8meposition">septième producteur d’uranium</a>, et fabrique 17 % du combustible nucléaire.</p>
<p>Outre son rôle clé dans la <a href="https://minenergo.gov.ru/node/1026">Stratégie énergétique russe</a>, l’énergie nucléaire est un véritable <a href="https://www.sipri.org/sites/default/files/2019-02/eunpdc_no_61_final.pdf">levier de l’influence géoéconomique de la Russie dans le monde</a>. Cette filière, qui est l’un des rares secteurs russes hautement technologiques à l’export (aux côtés des secteurs de l’espace et de la défense), bénéficie du soutien financier et politique de l’État, qui voit là un moyen efficace d’étendre l’influence de Moscou en Europe et ailleurs, de renforcer l’intégration de l’économie russe dans l’économie mondiale et d’améliorer l’image du pays, nettement dégradée par les multiples aventures géopolitiques du Kremlin et par son bilan domestique en matière de libertés politiques et de droits humains.</p>
<h2>Le rôle central de Rosatom</h2>
<p>Le moteur de cette croissance industrielle est l’entreprise publique Rosatom (« Corporation nationale pour l’énergie atomique » de son nom complet), chargée de représenter les intérêts du gouvernement russe à l’étranger dans les secteurs nucléaires civil et militaire. Héritière du ministère soviétique de l’Énergie nucléaire, Rosatom a été créée en 2007 et dirigée jusqu’en 2016 par l’ancien premier ministre (aujourd’hui chef adjoint de l’administration présidentielle) Sergueï Kirienko. Ce dernier a réussi à consolider l’industrie nucléaire russe, dispersée au cours des années 1990 dans des centaines d’entreprises, sous un seul nom, qui est devenu l’une des rares « marques » russes reconnues à l’étranger.</p>
<p>Aujourd’hui, Rosatom contrôle plus de 400 entreprises et emploie plus de 275 000 personnes. En plus d’être un employeur recherché (et dans certains endroits du pays, unique), Rosatom est un contribuable important, ayant versé l’équivalent d’environ <a href="http://kremlin.ru/events/president/news/63517">3 milliards d’euros</a> au budget en 2019. Dans le même temps, le groupe est l’un des plus grands bénéficiaires du soutien financier de l’État pour la construction de nouvelles centrales nucléaires, en Russie comme à l’étranger. C’est aussi un bras armé de l’État russe, intégré verticalement tout au long de la chaîne de valeur : de l’extraction d’uranium, la production du combustible, la construction de centrales nucléaires et la fabrication d’équipements, l’exploitation et la maintenance, au démantèlement et à la gestion des déchets nucléaires.</p>
<p>Rosatom exploite à la fois la technologie nucléaire civile et militaire, contrôle le « bouton nucléaire » du Kremlin et tient la plume en matière de réglementation sectorielle. Le groupe supervise l’exploitation de la flotte russe de brise-glaces nucléaires et gère le développement de la <a href="https://cqegheiulaval.com/la-route-maritime-du-nord-realite-et-perspectives/">Route maritime du Nord</a>, qui comprend des infrastructures émergentes dans l’Arctique. Rosatom est également en charge de la coopération nucléaire à l’étranger, <a href="https://www.iaea.org/sites/default/files/20/09/russia_eng.pdf">représentant la Russie à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA)</a>. Ses représentants sont détachés auprès des ambassades russes à travers le monde, où ils développent des relations bilatérales avec les États fondées sur la coopération scientifique et technologique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"897677766388314113"}"></div></p>
<p>Même si la Russie ne peut pas rivaliser avec la <a href="https://www.forumnucleaire.be/theme/dans-le-monde/chine#:%7E:text=Au%20total%2C%20ce%20sont%2039,la%20capacit%C3%A9%20de%20production%20nucl%C3%A9aire.">Chine</a> en termes de vitesse de construction de nouvelles centrales, son rythme constant d’un nouveau réacteur nucléaire tous les deux à trois ans est inatteignable pour l’industrie nucléaire européenne ou américaine. Cette croissance du secteur nucléaire russe a été rendue possible grâce à une politique étatique pro-nucléaire assumée. Alors que pays après pays <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/03/11/la-carte-du-nucleaire-dans-le-monde-apres-fukushima_6072782_3244.html">se retirait du nucléaire suite à l’accident de Fukushima en 2011</a>, le Kremlin n’a jamais cessé de soutenir l’industrie nucléaire nationale. Notamment pour des raisons géopolitiques : des pays récipiendaires de centrales nucléaires russes, et dépendant donc de Moscou dans ce secteur, peuvent se montrer moins enclins à critiquer le Kremlin pour son attitude internationale comme intérieure.</p>
<p>Début 2021, Rosatom construit 2 réacteurs nucléaires en Russie (dans le cadre du renouvellement du parc de 38 réacteurs opérationnels à ce jour) et 10 à l’étranger : 4 en Turquie (projet <a href="http://www.akkunpp.com/index.php?lang=en">Akkuyu</a>, 4800 MW), 2 en cours de la mise en service en Biélorussie (projet <a href="https://ec.europa.eu/info/news/ensreg-approves-preliminary-report-astravets-nuclear-power-plant-2021-mar-04_en">Astravets</a>, 2400 MW), 2 en Hongrie (<a href="https://www.power-technology.com/projects/paks-ii-nuclear-power-plant/">Paks-2</a>, 2400 MW) et 2 au Bangladesh (<a href="https://www.neimagazine.com/news/newsrussia-increases-support-for-bangladeshs-rooppur-nuclear-plant-7830228">Rooppur 1 & 2</a>, 2400 MW).</p>
<p>En outre, 5 sont au stade de la pré-construction : 1 en Finlande (<a href="https://www.power-technology.com/projects/hanhikivi-1-nuclear-power-plant/">Hanhikivi</a>, 1 200 MW) et 4 en Égypte (<a href="https://www.power-technology.com/projects/el-dabaa-nuclear-power-plant/">El-Dabaa</a>, 4 800 MW). Rosatom affiche également 35 nouveaux projets de centrales nucléaires au total, qui se trouvent à différents stades de développement, notamment en <a href="https://lenergeek.com/2018/06/11/rosatom-russe-reacteurs-nucleaires-chine/">Chine</a>, en <a href="https://www.newindianexpress.com/states/tamil-nadu/2019/nov/08/rosatom-seeks-collaboration-with-india-to-develop-small-reactors-2058689.html">Inde</a>, en <a href="https://world-nuclear-news.org/Articles/Rosatom-committed-to-Iranian-plant-project">Iran</a> et en <a href="https://english.alarabiya.net/business/energy/2020/02/10/Russian-state-nuclear-firm-advances-in-bid-process-for-Saudi-project-Rosatom">Arabie saoudite</a>.</p>
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<h2>Le rôle de l’industrie nucléaire russe dans l’image du pays à l’étranger</h2>
<p>La contribution du nucléaire à l’image russe à l’étranger comporte trois éléments essentiels.</p>
<p>Tout d’abord, les prêts et les garanties financières que l’État russe fournit pour la construction de centrales nucléaires par Rosatom, ce qui confère au groupe un avantage concurrentiel déterminant, même en Europe. Citons, à titre d’exemples, le prêt gouvernemental de 10 milliards d’euros octroyé à la Hongrie pour la construction de Paks-2, ou l’achat de 34 % du projet de construction du réacteur nucléaire de Hanhikivi en Finlande. Quant aux pays pauvres primo-accédants au nucléaire, le financement par Moscou des projets de construction ou de recherche qui y sont menés permet au Kremlin d’étendre sa portée géopolitique au-delà de ses sphères d’influence traditionnelles (notamment en Afrique, en Amérique latine, ou encore en Asie du Sud-Est).</p>
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<p>Le deuxième élément tient à la capacité de Rosatom à proposer une gamme complète de services d’énergie nucléaire – conception et ingénierie des réacteurs, construction, exploitation, maintenance, approvisionnement en combustible nucléaire, récupération d’uranium usé, formation des experts locaux… Ce dernier aspect est indispensable pour les pays primo-accédants comme la Turquie, l’Égypte ou le Bangladesh, qui ambitionnent de pouvoir, à terme, exploiter par eux-mêmes leurs centrales nucléaires. En outre, en tant que propriétaire de la technologie, Rosatom est un consultant clé de ses pays clients sur le cadre réglementaire de l’industrie en création chez eux.</p>
<p>Le troisième élément est la domination historique de la technologie nucléaire russe sur certains marchés. C’est particulièrement vrai en Europe, où les technologies des réacteurs soviétiques <a href="https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/Les-accidents-nucleaires/accident-tchernobyl-1986/consequences-industrie-nucleaire/Pages/4-Les_reacteurs_VVER.aspx#.YIFvfX0zZEI">VVER</a> et <a href="https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/Les-accidents-nucleaires/accident-tchernobyl-1986/consequences-industrie-nucleaire/Pages/3-Les_reacteurs_RBMK.aspx#.YIFvkn0zZEI">RBMK</a> ont été imposées aux États satellites d’Europe centrale et orientale, ainsi qu’aux républiques baltes, pendant la guerre froide. C’est cette présence historique, en plus du financement étatique, qui a facilité l’obtention par Rosatom d’un contrat de construction en Hongrie (même si la conjoncture politique a empêché Rosatom de répliquer ce modèle en Pologne ou en <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/tensions-avec-moscou-prague-exclut-le-russe-rosatom-et-le-vaccin-spoutnik-20210419">République tchèque</a>).</p>
<p>En plus d’accroître l’influence politique de la Russie au sein de l’UE, la construction de nouvelles centrales nucléaires renforce les liens économiques entre le fournisseur russe et les pays clients européens pour les décennies à venir, avec un effet comparable à celui d’un gazoduc. Les étapes consécutives à la construction (fourniture du combustible nucléaire et d’équipements, ainsi que les contrats de maintenance) sont la véritable source de revenus (et d’emplois) pour la Russie pour les années à venir. En outre, le nucléaire permet à Moscou de co-définir le mix énergétique futur de l’Europe, ce qui peut lui donner la possibilité d’avancer ses pions sur d’autres dossiers, notamment <a href="https://theconversation.com/gazoduc-nord-stream-2-une-course-contre-la-montre-158810">celui du gaz</a>.</p>
<h2>Tchernobyl, un traumatisme surmonté ?</h2>
<p>Enfin, à travers ses projets nucléaires en Europe, le Kremlin cherche à améliorer l’image de marque du « nuke russe » aux yeux des pays de l’UE. Son implication dans le projet de Hanhikivi en Finlande s’inscrit pleinement dans cette démarche, car la Russie ne peut que bénéficier de l’association de son image à celle de ce pays européen reconnu dans le monde entier pour le haut niveau d’exigence de son régulateur nucléaire, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (<a href="https://www.stuk.fi/web/en">STUK</a>).</p>
<p>Car Tchernobyl a causé un préjudice très profond à l’image du nucléaire « made-in-Russia ». C’est encore vrai aujourd’hui, même si l’accident s’est produit il y a 35 ans en Ukraine soviétique et si la technologie du réacteur RBMK utilisée à Tchernobyl ne fait pas partie de l’offre de Rosatom à l’export. C’est peut-être pour cette raison que Rosatom a vivement recommandé à toutes ses équipes de visionner la fameuse mini-série de HBO…</p>
<p>Quant à la population, les sondages montrent qu’elle a surmonté le traumatisme de la tragédie et a réappris à aimer l’énergie nucléaire. L’accident de Fukushima a servi de piqûre de rappel : en 2011, 40 % des personnes interrogées par le Centre Levada, un institut de sondages russe indépendant, <a href="https://www.levada.ru/2013/03/29/rossiyane-podderzhivayut-sohranenie-i-razvitie-atomnoj-energetiki/">estimaient nécessaire de sortir du nucléaire</a>. Cependant, le scepticisme n’a pas perduré, car le soutien à l’atome était remonté à 72 % <a href="https://www.levada.ru/2013/03/29/rossiyane-podderzhivayut-sohranenie-i-razvitie-atomnoj-energetiki/">dès 2013</a> et était encore de 74 % en <a href="https://bellona.org/news/nuclear-issues/2018-04-nuclear-power-wildly-popular-in-russian-independent-poll-shows">2018</a>…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159574/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anastasiya Shapochkina est la présidente de l'Association Eastern Circles</span></em></p>La catastrophe du 26 avril 1986 n’a pas dissuadé la Russie de développer largement son industrie nucléaire. Son agence nationale Rosatom est devenue l’un des grands acteurs mondiaux du secteur.Anastasiya Shapochkina, Maître de conférences en géopolitique, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1402962020-06-16T20:52:00Z2020-06-16T20:52:00ZComment une société moderne s’effondre-t-elle ? L’exemple de l’URSS<p><em>Cet article est le second d’une série de trois articles consacrés à la notion d’effondrement en tant que transition à travers l’analyse de la chute de l’Union soviétique. Le premier est accessible <a href="https://theconversation.com/la-collapsologie-a-lepreuve-de-la-realite-136727">ici</a>.</em></p>
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<p>De nombreux articles nous parlent du « monde d’après », laissant entendre que nous avons subi un choc externe, cause de profondes transformations à venir. C’est oublier qu’historiquement les sociétés « s’effondrent » – ou, plutôt, se transforment – poussées par leurs propres dynamiques internes. Si la Première Guerre mondiale a provoqué la chute de la Russie tsariste, cette dernière était déjà bien mal en point depuis le début de ce siècle. De la même façon, notre vision <a href="https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2007-1-page-63.htm">économiciste</a> nous pousse à voir les transformations comme résultant de l’état de l’économie.</p>
<p>Pourtant, la disparition de l’URSS nous apprend que l’économie n’est qu’une résultante du fonctionnement d’un système social et de la façon dont il gère ses contradictions. L’effondrement de l’Union soviétique n’a pas été provoqué par la <a href="https://fr.rbth.com/histoire/82108-chute-urss-facteurs">chute des prix du pétrole</a>, ou même par la catastrophe de Tchernobyl, mais par une dynamique sociale à l’œuvre depuis les années 1960. Une grande partie de ce processus étant souterrain, on tend à voir dans les symptômes (les difficultés économiques) les causes profondes de la crise.</p>
<p>Comme l’ont montré <a href="https://www.resilience.org/stories/2006-12-04/closing-collapse-gap-ussr-was-better-prepared-collapse-us/">Dmitry Orlov</a> et notre <a href="https://theconversation.com/la-collapsologie-a-lepreuve-de-la-realite-136727">premier article sur ce sujet</a>, l’exemple soviétique, de par sa proximité, est le plus pertinent pour comprendre à quoi peut ressembler la transformation d’un système social. Se référer à la transition d’une société industrielle issue de la modernité nous en apprend beaucoup plus que l’étude faite par Jared Diamond de la <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-essais/Effondrement">chute de l’empire maya</a>.</p>
<p>De la transition russe, on peut distinguer trois étapes. La première est essentielle : c’est le moment où la société se transforme subrepticement sous le couvert de l’apparente stabilité d’un système qui semble voué à durer éternellement. Dans la seconde, la transition, devenue irréversible, émerge et s’accélère. L’État devient un lieu traversé par des conflits entre tendances divergentes. La troisième étape, chaotique, voit l’effondrement de l’appareil d’État et des principales institutions sociales. L’édifice une fois démoli, une autre société peut se reconstruire sur les fondations de l’ancienne.</p>
<h2>Première étape : une transformation subreptice</h2>
<p>On peut tracer le début de la chute de l’Union soviétique à l’échec des réformes de <a href="https://www.decitre.fr/livres/khrouchtchev-9782228905077.html">Khrouchtchev</a>. À l’époque déjà, l’État profond (<a href="https://books.google.com.br/books?id=fNZLDgAAQBAJ"><em>Deep State</em></a>), effrayé, décida de se débarrasser de ce dirigeant qui voulait refondre le système.</p>
<p>Pur produit du stalinisme, Khrouchtchev faisait partie de cette nouvelle classe de cadres et d’ingénieurs formés par le régime qui avait remplacé celle des « spécialistes bourgeois ». Rationalistes avant tout, ils voyaient, à l’instar de Staline, la société comme une immense machinerie dont il fallait organiser les rouages. Les années 1930 avaient été une période vouée à une industrialisation rapide qui transforma un pays arriéré en <a href="https://books.google.fr/books/about/The_Soviet_Economy_and_the_Red_Army_1930.html?id=dcAgT_2uiYgC&redir_esc=y">l’une des premières puissances mondiales</a>. Cela avait été rendu possible par la dépossession des paysans qui avait provoqué plusieurs millions de morts. Combinés à la terreur stalinienne, arbitraire et irrationnelle, ces processus avaient permis d’assurer une importante mobilité sociale.</p>
<p>Les failles du système étaient ensuite apparues lors de l’invasion allemande, mais il avait su s’adapter. À la mort de Staline, le système soviétique s’était stabilisé en mettant fin à la terreur. Les apparatchiks, désormais apaisés, avaient vu leur pouvoir renforcé. Sans guide suprême, ce système s’était <a href="https://muse.jhu.edu/book/30657">« hypernormalisé »</a> en se référant à des normes désormais figées qui devaient être respectées par tous.</p>
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<figcaption><span class="caption">Pandora’s Box : la prise de contrôle de l’Union soviétique par les ingénieurs.</span></figcaption>
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<p>Comprenant les enjeux de cette nouvelle situation, Khrouchtchev avait cherché à réformer en profondeur la société soviétique dans tous les domaines. Il avait ainsi reçu au Kremlin <a href="https://www.fayard.fr/auteurs/alexandre-isaievitch-soljenitsyne">Alexandre Soljenitsyne</a> pour son ouvrage sur le goulag <a href="https://www.fayard.fr/litterature-etrangere/une-journee-divan-denissovitch-9782213632674"><em>Une journée d’Ivan Denissovitch</em></a>. Il avait également autorisé <a href="http://nevzlin.huji.ac.il/userfiles/files/47.2.peters.pdf">l’introduction de la cybernétique</a>, cette discipline « bourgeoise », afin d’améliorer la planification. Cette dernière avait été <a href="https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1959_num_14_3_2842">décentralisée en 1957</a> afin d’en corriger les défauts.</p>
<p>Ces mesures insufflèrent un certain dynamisme à la société soviétique et, par voie de conséquence, à son économie. L’avenir paraissait alors radieux. Le départ de Khrouchtchev du Kremlin en 1964 signa la fin des espérances. Le dernier avatar du <a href="https://www.franceculture.fr/histoire/le-socialisme-a-visage-humain-mort-avec-le-printemps-en-1968-a-prague">socialisme à visage humain</a> (qui n’est pas sans rappeler <a href="https://www.capital.fr/votre-carriere/pourquoi-lentreprise-doit-remettre-de-lhumain-dans-le-management-1352334">nos discours</a> sur le <a href="https://www.humanite.fr/lidee-dun-management-humain-est-elle-possible-607032">management humanisé</a>) disparut en 1968 avec l’invasion de la Tchécoslovaquie.</p>
<h2>Deuxième étape : une crise irréversible</h2>
<p>Sans espoir ni idéal, la société soviétique entre en crise. Plus que le communisme, son idéologie sous-jacente est à présent celle d’un conservatisme forcené. L’URSS est devenue radicalement conformiste. La mobilité sociale s’effondre. Les positions acquises sont désormais transmises de génération en génération. Plus gênant pour une société égalitariste, les inégalités apparaissent de plus en plus nettement, les apparatchiks bénéficiant de nombreux privilèges. Ces cadres dirigeants du parti n’ont désormais plus qu’une obsession : le maintien du système en l’état afin de garantir leurs privilèges.</p>
<p>En fait, dès 1970, comme le décrit <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1970/05/04/andrei-amalrik-l-union-sovietique-survivra-t-elle-en-1984_2667852_1819218.html">Andreï Amalrik</a>, la société soviétique est divisée en trois groupes aux intérêts divergents : les apparatchiks, les « spécialistes » (la classe moyenne) et le reste, à savoir les ouvriers et employés. Si les apparatchiks sont conservateurs, les « spécialistes » sont attirés par la démocratie libérale et l’indépendance du pouvoir judiciaire (une notion étrangère au système soviétique). Quant aux employés et ouvriers, ils sont de plus en plus mécontents de <a href="https://www.babelio.com/livres/Todd-La-chute-finale-Essai-sur-la-decomposition-de-la-/110926">leur situation de sans-droits</a> et souhaitent une amélioration de leurs conditions matérielles. À cette logique de lutte des classes s’ajoutent des difficultés propres comme l’hypertrophie du domaine militaire, qui rappelle celle du secteur financier aujourd’hui.</p>
<p>Devenu une simple addition d’intérêts divergents, tout objet collectif s’étant dissous de lui-même, le système soviétique entame sa longue descente aux enfers. Curieusement, <a href="https://editions.flammarion.com/Catalogue/hors-collection/documents-temoignages-et-essais-d-actualite/no-society">plusieurs travaux et études</a> tendent à nous montrer qu’il en est de <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/les-luttes-de-classes-en-france-au-XXIe-siecle-emmanuel-todd/9782021426823">même pour nos sociétés occidentales</a>. La société russe est alors traversée par des tentations nationalistes « grand-russes », chose totalement incongrue dans une nation où les Russes ne représentent que la <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1970/05/04/andrei-amalrik-l-union-sovietique-survivra-t-elle-en-1984_2667852_1819218.html">moitié de la population</a>.</p>
<p>Les années 1970 voient <a href="https://www.routledge.com/A-Normal-Totalitarian-Society-How-the-Soviet-Union-Functioned-and-How-It/Shlapentokh/p/book/9781563244728">cette crise s’intensifier</a> avec une dégradation de l’économie qui, par effet boomerang, favorise l’immobilisme social. L’économie devient de plus en plus rentière, dépendante d’exportations de matières premières pour financer ses importations de produits finis et de céréales. La montée de l’alcoolisme, de la criminalité, du taux de suicide et de la mortalité infantile révèle l’ampleur de cette dégradation. Curieusement, on observe aujourd’hui un <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2018/11/29/l-esperance-de-vie-a-encore-baisse-en-2017-aux-etats-unis_5390173_3210.html">phénomène similaire aux États-Unis</a>, avec la <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/02/ROBIN/58390">crise des opioïdes</a> et la hausse du taux de suicide, principalement chez les hommes blancs.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-etats-unis-avant-le-covid-19-retour-sur-lepidemie-mortelle-des-opio-des-137664">Les États-Unis avant le Covid-19 : retour sur l'épidémie mortelle des opioïdes</a>
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<p>Plus qu’un KGB omniprésent, ce qui effrayait les citoyens soviétiques était la peur d’une transformation profonde du système : ils étaient incapables d’envisager une alternative. Pour Emmanuel Todd, <a href="https://www.babelio.com/livres/Todd-La-chute-finale-Essai-sur-la-decomposition-de-la-/110926">« le blocage de la société soviétique » était inscrit « dans une logique économique, sociale et politique qui échappe aux dirigeants »</a>. Ces derniers étaient de plus en plus fascinés par un Occident qu’ils détestaient et admiraient en même temps. Si les médias et les experts du système continuaient à prévoir, comme toujours, un avenir radieux, la réalité quotidienne devenait de plus en plus morose. Face à cela, le citoyen soviétique se dédoublait, il était parfaitement conscient de ce décalage et l’acceptait. Cette supposée passivité ne pouvait que tromper les dirigeants persuadés de l’efficacité de ce discours global. D’autant plus que les grands rassemblements soviétiques, tels le 1<sup>er</sup> Mai, attiraient toujours les foules, les citoyens continuant à écouter les interminables discours de leurs dirigeants. En fait, cette adhésion était purement rituelle. La société, les apparatchiks en premier lieu, s’était désidéologisée.</p>
<p>C’est l’effet trompeur de cette première phase de la transition : <a href="https://www.youtube.com/watch?v=fh2cDKyFdyU&t=1445s">figé, le système paraît immuable</a>, voire éternel alors que, en réalité, il a déjà perdu sa substance. Cette tension interne ne peut que croître jusqu’à atteindre l’État lui-même. Lorsque l’on regarde les résultats électoraux récents dans certains pays comme les États-Unis, l’Italie, le Royaume-Uni ou même la France, on ne peut que se demander si cette première étape n’a pas déjà été dépassée depuis un certain temps.</p>
<p>En URSS, cette crise finit, au début des années 1980, par atteindre le sommet du régime : le Politburo. Tenté par le conservatisme, l’appareil du parti cherche d’abord à se raccrocher à des conservateurs. Mais au bout de deux ans et demi d’intermède et deux enterrements d’éphémères secrétaires généraux, il se décide, enfin, à choisir un réformateur. La seconde phase de la transition peut alors commencer. Pour Alexis de Tocqueville, il s’agit là du <a href="https://archive.org/stream/oeuvrescomplte04tocquoft">« moment le plus dangereux pour un mauvais gouvernement »</a> : vouloir réformer un système ayant atteint un <a href="https://theconversation.com/panser-lapres-vers-un-monde-habitable-et-desirable-138909">tel niveau d’entropie</a> ne pouvait être sans risque. L’arrivée de Gorbatchev correspond au moment où la crise, jusqu’alors souterraine, apparaît au grand jour. Trompé par une illusion d’immobilisme social, il pense contrôler les évènements.</p>
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<figcaption><span class="caption">Interview de Mikhaïl Gorbatchev à l’émission française « Tout le monde en parle » en 2001.</span></figcaption>
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<p>La <em>perestroïka</em>, ou ère des réformes, ne va connaître l’<em>akseleratsiya</em> (accélération) qu’après la catastrophe de Tchernobyl. Si l’on y regarde de plus près, cet accident a tout du scandale industriel comparable à l’affaire du <a href="https://www.thedailybeast.com/boeing-737-max-8-scandal-cost-cutting-addiction-squeezed-every-dollar-out-of-jet-until-disaster-struck?ref=scroll">Boeing 737 Max</a> ou celle, plus récente, des <a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/020420/masques-les-preuves-d-un-mensonge-d-etat">masques</a>. Le directeur de la centrale n’a pas respecté les normes de construction et les tests n’ont pas été menés à temps – alors que le KGB avait pourtant rédigé un rapport relevant de nombreux manquements sans que l’administration n’ait réagi. L’impact économique d’abord, mais surtout psychologique, est très important : le nucléaire, fleuron de la technologie soviétique, est l’image même du progrès et donc d’un avenir socialiste radieux. À partir de ce moment, la transition acquiert sa propre dynamique sans que les dirigeants de l’Union puissent la maîtriser. La question se pose, aujourd’hui, de savoir si nos sociétés occidentales ne vivent pas après la crise du Covid-19, un moment comparable : une accélération incontrôlable des évènements.</p>
<p>De 1986 jusqu’à sa chute, l’URSS va connaître de nombreux mouvements sociaux qui touchent principalement les républiques non russes. <a href="https://books.google.fr/books/about/The_Last_Years_of_the_Soviet_Empire.html ?id=_MuQAAAAIAAJ">La dégradation de l’économie va s’accélérer</a> en raison d’une désorganisation croissante liée, entre autres, à des réformes qui libéralisent l’économie sans déréglementer les prix, provoquant des pénuries de plus en plus sensibles. <a href="https://guerre-froide.hypotheses.org/1404">Ces réformes contribuent d’ailleurs à creuser le fossé entre les classes de la société soviétique</a> : si l’intelligentsia les applaudit et certains apparatchiks les soutiennent, le reste de la population les conteste. Quant à l’appareil d’État, il est le théâtre d’une lutte sourde entre opposants et partisans de la <em>perestroïka</em>. C’est le paradoxe d’un système qui tente de se réformer : il le fait en fonction de son propre paradigme, ce qui peut parfois se révéler plus nocif que bénéfique.</p>
<h2>Troisième étape : une chute brutale</h2>
<p>Dès 1990, le <a href="https://books.google.fr/books ?id=kFiyLd-KPXgC">carburant est rationné</a>, un comble pour le plus grand producteur mondial de pétrole. L’année suivante voit l’URSS basculer dans le chaos politique matérialisé par un coup d’État raté, tentative désespérée de sauver un système déjà condamné. En décembre, dans une poussée de nationalisme, la Russie décide de créer une nouvelle union avec les deux autres républiques slaves, l’Ukraine et la Biélorussie, liquidant de fait l’URSS. Avec le recul, cette seconde phase nous révèle la naïveté des dirigeants de l’URSS. Gorbatchev et ses conseillers semblaient persuadés qu’ils pouvaient contrôler la situation, alors qu’ils faisaient plutôt penser aux héros du film de Konchalovsky, <a href="https://www.imdb.com/title/tt0089941/ ?ref_=fn_al_tt_1"><em>Runaway Train</em></a>, qui tentent d’arrêter un train lancé à toute vitesse dont les freins ont lâché.</p>
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<figcaption><span class="caption">Coup d’État de 1991.</span></figcaption>
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<p>La Russie initie la troisième phase de sa transition. Une étape chaotique qui va durer plus de 10 ans et qui va progressivement s’épuiser dans le courant des années 2000 avec une stabilisation institutionnelle et économique.</p>
<p>Cette période a tout d’un effondrement. Les salaires et retraites ne sont plus versés pendant de nombreux mois. Parfois, les ouvriers sont payés en nature. Faute d’argent liquide, le troc réapparaît. De nombreuses entreprises font faillite. Dans le meilleur des cas, les ouvriers doivent affronter des <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2002-2-page-123.htm">conditions de travail très difficiles</a>, la peur du chômage étant omniprésente. L’inflation atteint des records et détruit les économies de tout un chacun. <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/L-esprit-de-la-cite/Un-pouvoir-invisible">Les mafias, omniprésentes</a> s’associent à des hommes d’affaires et d’anciens membres du KGB pour imposer leurs desiderata. Sans surprise, l’espérance de vie des hommes a chuté pendant cette période, l’alcoolisme, conséquence d’un certain désespoir social, faisant des ravages.</p>
<p>Mais certains ont pu tirer leur épingle du jeu. En premier lieu, de nombreux apparatchiks qui ont su mettre à profit leur carnet d’adresses afin de faire de lucratives affaires. L’arrivée de la propriété privée leur a permis d’obtenir ce que le système soviétique leur interdisait : pérenniser leurs avantages. Car une grande partie de ce chaos, principalement économique, a été provoquée par la <a href="https://www.decitre.fr/livres/le-chaos-russe-9782707125705.html">politique de démantèlement brutal</a> du système soviétique mis en place par le gouvernement Eltsine sous l’impulsion initiale de Gaïdar et sa « thérapie de choc ». Tout laisse à penser que ce pays a été pionnier dans la <a href="https://journals.openedition.org/developpementdurable/7533">stratégie du choc</a> décrite par Naomi Klein. Paradoxalement, si on les compare aux années de la perestroïka, <a href="https://www.lexpress.fr/informations/comprendre-le-chaos-russe_614997.html">cette décennie a été marquée par un fort recul démocratique</a>, dont l’actuelle Russie est l’héritière.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le film « Un nouveau Russe », de Pavel Lounguine, dépeint l’ascension d’un oligarque.</span></figcaption>
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<p>Si depuis les années 2000, la situation s’est plus ou moins stabilisée, elle est aujourd’hui loin d’être optimale. À l’exception de Moscou et de Saint-Pétersbourg, les conditions de vie restent difficiles, le gouvernement de Vladimir Poutine continue <a href="https://www.cairn.info/manuel-indocile-de-sciences-sociales%20--%209782348045691-page-613.htm">d’affaiblir les acquis sociaux</a> dans le cadre d’une société fortement inégalitaire. Son avènement et son maintien depuis vingt ans tiennent plus de la <a href="https://www.actes-sud.fr/catalogue/economie/la-strategie-du-choc">peur du chaos</a> que d’un réel engouement. Il est d’ailleurs révélateur que des sondages récents aient montré qu’une <a href="https://www.atlantico.fr/pepite/3561969/66-des-russes-regrettent-l-urss">majorité de Russes regrettaient</a> l’Union soviétique. On peut se demander si la Russie a réellement achevé sa transition et si la pérennité du système actuel n’est pas, une fois de plus, une illusion comme le fut celle de l’URSS des années 1970.</p>
<p>Si certains signaux nous laissent supposer que nos sociétés sont peut-être entrées dans un processus de transition irréversible, celle-ci ne sera pas obligatoirement chaotique. Ce qui a d’abord manqué aux Soviétiques, c’est la capacité à envisager réellement une alternative qui ne soit pas le résultat d’une étrange fascination à l’égard du monde occidental.</p>
<hr>
<p><em>À titre d’épilogue, un prochain article s’intéressera au chaos qui a suivi la chute de l’Union soviétique et à ce que cette période nous apprend sur le difficile avènement d’un nouveau système social</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140296/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Martel-Porchier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’analyse de l’évolution qu’a connue l’URSS pendant ses dernières décennies nous invite à nous interroger sur la pérennité de nos sociétés occidentales actuelles.Eric Martel-Porchier, Docteur en Sciences de Gestion/Chercheur associé au LIRSA, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1375552020-05-03T17:45:25Z2020-05-03T17:45:25ZLe mystère des chevaux sauvages de Tchernobyl<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/331720/original/file-20200430-42946-b8gsld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=74%2C60%2C1784%2C1158&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Troupeau de chevaux de Przewalski dans la zone d’exclusion de Tchernobyl. Septembre 2016.</span> <span class="attribution"><span class="source">Luke Massey (www.lmasseyimages.com)</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Du fait de la contamination radioactive, on prédisait au tout début que la zone resterait inhabitable pendant plus de 20 000 ans. Tchernobyl se transformerait en un désert sans vie, croyait-on alors.</p>
<p>Trois décennies plus tard, de nombreuses études révèlent pourtant qu'une <a href="https://theconversation.com/visitamos-la-fauna-de-chernobil-33-anos-despues-del-accidente-nuclear-112893">communauté animale diverse et abondante</a> s'est développée sur les lieux de la catastrophe. De nombreuses espèces menacées aux niveaux national et européen trouvent aujourd’hui refuge dans la zone d’exclusion de Tchernobyl.</p>
<p>Le cas des chevaux de Przewalski en est un exemple frappant.</p>
<h2>Le dernier cheval sauvage ?</h2>
<p>L’existence des chevaux sauvages dans les steppes asiatiques est connue de l’Occident depuis le XV<sup>e</sup> siècle. Mais ce n’est qu’en 1881 que la science décrivit formellement cette espèce, à partir d’un crâne et d’une peau rapportés par le colonel russe Nikolái Przewalski. C’est ainsi que les chevaux jusqu’ici connus sous le nom de <em>takhi</em> (sacrés) en Mongolie devinrent les chevaux de Przewalski (<em>Equus ferus przewalski</em>).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/318437/original/file-20200303-66106-1yviz8f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/318437/original/file-20200303-66106-1yviz8f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/318437/original/file-20200303-66106-1yviz8f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/318437/original/file-20200303-66106-1yviz8f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/318437/original/file-20200303-66106-1yviz8f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/318437/original/file-20200303-66106-1yviz8f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/318437/original/file-20200303-66106-1yviz8f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cheval de Przewalski, zone d’exclusion de Tchernobyl (Ukraine). Septembre 2015.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nick Beresford</span></span>
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<p>Pendant très longtemps, ils ont été considérés comme les seuls chevaux sauvages du monde. <a href="https://science.sciencemag.org/content/360/6384/111">Des études récentes</a> indiquent toutefois qu’ils sont en réalité une forme sauvage descendant des premiers chevaux domestiqués par le peuple Botai dans le nord du Kazakhstan il y a 5 500 ans.</p>
<p>À l’époque du colonel Przewalski, ces chevaux sauvages étaient déjà rares dans les steppes de Chine et de Mongolie. Le surpâturage et la chasse pour la consommation humaine ont provoqué leur déclin final. Le dernier spécimen sauvage fut observé dans le désert de Gobi en 1969.</p>
<p>La population en captivité ne connaissait pas non plus une évolution très positive. Dans les années 1950, seuls 12 de ces animaux étaient encore en vie dans des zoos européens. À partir de ces quelques individus, un programme de reproduction en captivité fut toutefois lancé et réussit à sauver l’espèce de l’extinction.</p>
<p>Aujourd’hui, on recense 2 000 chevaux de Przewalski. Plusieurs centaines vivent en liberté dans les steppes d’Asie et dans différentes régions d’Europe. Et notamment, à la surprise générale, à Tchernobyl.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/326251/original/file-20200407-44994-1d79z7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C1914%2C1279&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/326251/original/file-20200407-44994-1d79z7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/326251/original/file-20200407-44994-1d79z7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/326251/original/file-20200407-44994-1d79z7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/326251/original/file-20200407-44994-1d79z7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/326251/original/file-20200407-44994-1d79z7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/326251/original/file-20200407-44994-1d79z7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Goupe de chevaux de Przewalski dans la zone d’exclusion de Tchernobyl (Ukraine), septembre 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Luke Massey (lmasseyimages.com)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Les chevaux de Tchernobyl</h2>
<p>À l’époque de l’accident dans la centrale nucléaire, aucun cheval de Pzrewalski ne vivait à Tchernobyl. Ce n’est qu’en 1998 que les 31 premiers individus arrivèrent dans la zone d’exclusion. Parmi eux, 10 mâles et 18 femelles étaient issus de la réserve naturelle d’Askania Nova, dans le sud de l’Ukraine, et 3 mâles provenaient d’un zoo local.</p>
<p>Après une importante mortalité liée à leur réinstallation et à la liberté, le taux de natalité élevé a porté la population à 65 individus en seulement cinq ans. Le braconnage intense entre 2004 et 2006 a décimé la population. Seuls 50 individus survivaient en 2007.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/318635/original/file-20200304-66052-ighsol.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/318635/original/file-20200304-66052-ighsol.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/318635/original/file-20200304-66052-ighsol.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/318635/original/file-20200304-66052-ighsol.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/318635/original/file-20200304-66052-ighsol.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/318635/original/file-20200304-66052-ighsol.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/318635/original/file-20200304-66052-ighsol.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cheval de Przewalski mâle photographié par des appareils à capture d’images dans la forêt rouge, zona d’exclusion de Tchernobyl (Ukraine). Avril 2017.</span>
<span class="attribution"><span class="source">UK Centre for Ecology and Hydrology</span></span>
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<p>Du fait d’importantes mesures de protection, leur nombre a été multiplié par cinq seulement 20 ans après leur arrivée dans la zone. Le dernier recensement, effectué par des scientifiques locaux en 2018, a révélé que dans la partie ukrainienne de la zone d’exclusion vivent 150 chevaux. Ils se réunissent par troupeaux de 10 à 12, auxquels s’ajoutent des groupes de mâles et quelques chevaux solitaires. En 2018, au moins 22 poulains sont nés dans la zone d’exclusion. Certains ont migré vers le nord et se sont installés en Biélorussie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/318631/original/file-20200304-66069-1kekvgt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/318631/original/file-20200304-66069-1kekvgt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/318631/original/file-20200304-66069-1kekvgt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/318631/original/file-20200304-66069-1kekvgt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/318631/original/file-20200304-66069-1kekvgt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/318631/original/file-20200304-66069-1kekvgt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/318631/original/file-20200304-66069-1kekvgt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">UK Centre for Ecology and Hydrology </span></span>
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<p>Les appareils photo installés dans toute la zone d’exclusion ont montré que cette espèce, associée aux steppes, utilise pourtant beaucoup la forêt à Tchernobyl. Y compris la célèbre « forêt rouge », une des zones les plus radioactives de la planète.</p>
<p>Les <a href="http://www.esa.int/Space_in_Member_States/Spain/El_incendio_de_Chernobil_desde_el_espacio">récents incendies à Tchernobyl</a> ont sévèrement affecté certains lieux fréquentés par les chevaux de la zone. Une évaluation sera nécessaire pour mesurer les effets de ces feux sur la conservation de l’espèce dans la région.</p>
<h2>Les leçons à tirer des chevaux de Tchernobyl</h2>
<p>L’introduction des chevaux de Przewalski à Tchernobyl a été un succès, dont on peut tirer plusieurs leçons. Leur cas révèle une nouvelle fois qu’en l’absence d’humains, la zone s’est convertie en un refuge pour la faune sauvage. Cela doit nous faire réfléchir sur l’impact de la présence humaine sur les écosystèmes naturels. Sans activité humaine aux alentours et malgré une contamination radioactive, la mégafaune prospère.</p>
<p>D’autres zones affectées par la contamination radioactive comme celle résultant de l’accident de la <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/fee.2149">centrale de Fukushima</a> et des essais de la bombe atomique dans les <a href="https://www.theguardian.com/world/2017/jul/15/quite-odd-coral-and-fish-thrive-on-bikini-atoll-70-years-after-nuclear-tests">atolls du Pacifique</a>, conservent également une grande diversité de faune. </p>
<p>Peut-être devrions-nous reconsidérer notre vision de l’impact à moyen et long terme de la radioactivité sur l’environnement.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, nous avons besoin de comprendre mieux les mécanismes qui permettent à la faune de vivre dans des zones de contamination radioactive. </p>
<p>Beaucoup de questions se posent. Les organismes vivant à Tchernobyl sont-ils exposés à une radiation moins forte que prévue ? Cette exposition est-elle moins nocive ? Leurs organismes disposent-ils des mécanismes de réparation plus efficaces qu’attendu face aux dommages cellulaires causés par la radiation ?</p>
<p>Pour répondre à ces questions, nous devons continuer à faire appel à la science et à recueillir plus d'informations. </p>
<p>En septembre 2020, nous espérons commencer un travail avec les chevaux de Przewalski présents à Tchernobyl, pour tenter de dévoiler les mystères qui expliquent que cette espèce et beaucoup d’autres prospèrent dans la zone d’exclusion.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été traduit de l'espagnol par <a href="https://theconversation.com/profiles/nolwenn-jaumouille-578077">Nolwenn Jaumouillé</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137555/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Germán Orizaola a reçu des financements du Ministère de la science et de l’innovation espagnol à travers le programme "Ramón y Cajal" (RyC-2016-20656), de la principauté des Asturies à travers le Programme Grupos de Investigación (IDI/2018/000151) et de l’autorité suédoise de sécurité nucléaire.</span></em></p>Dans la zone d’exclusion de Tchernobyl, des chevaux sauvages originaires des steppes d’Asie prospèrent, avec une population en expansion alors que l’accident nucléaire fait tout juste ses 34 ans.Germán Orizaola, Investigador Programa Ramón y Cajal, Universidad de OviedoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1342752020-03-30T19:02:34Z2020-03-30T19:02:34ZBarrières, confinement, distanciation : les leçons des accidents nucléaires<p>Depuis plusieurs semaines, nous vivons une situation exceptionnelle liée à la propagation du Covid-19, mais plus encore aux diverses mesures contraignantes mises en place pour limiter la pandémie : « confinement », « distanciation » sociale ou encore mise en place de « gestes barrières ».</p>
<p>Ces mesures – dont certaines ont une histoire qui remonte <a href="https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/19/2/12-0312_article">au Moyen âge</a> – font partie d’une panoplie de méthodes de gestion des risques <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Le_gouvernement_des_technosciences-9782707175045.html">dont l’industrie nucléaire est le principal incubateur</a> depuis la Seconde Guerre mondiale.</p>
<p>L’étude de leur genèse et de leurs évolutions au fil des accidents constitue ainsi une source d’inspiration pour la gestion de la pandémie en cours et de ses suites.</p>
<h2>Mettre à distance les installations nucléaires</h2>
<p>En tant que vecteur du virus, l’humain est à la fois victime et bourreau de ses semblables. Un des premiers principes mis en place pour faire face au Covid-19 concerne la distanciation sociale, matérialisée par l’interdiction de rassemblements ou le respect d’une distance de sécurité entre chaque individu.</p>
<p>La protection par l’éloignement du danger – qui fut à la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle, la <a href="https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2011-3-page-34.htm">première forme de gestion des risques industriels</a> – a trouvé l’une de ses formes la plus aboutie dans l’industrie nucléaire.</p>
<p>Lors de la Seconde Guerre mondiale, pour des raisons de secret militaire et de protection contre les radiations, les sites du « projet Manhattan » de fabrication des bombes atomiques américaines sont choisis loin des villes. Le site de Hanford, par exemple, destiné à la production de plutonium, est sélectionné en 1942 dans une zone désertique, à plus de 30 km des premières zones urbaines.</p>
<p>Ce <a href="http://theses.univ-lyon2.fr/documents/lyon2/2003/foasso_c#p=0&a=top">principe d’éloignement des populations</a> a largement accompagné le développement des premiers réacteurs nucléaires à travers le monde.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/322309/original/file-20200323-112677-1h6y6ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/322309/original/file-20200323-112677-1h6y6ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/322309/original/file-20200323-112677-1h6y6ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/322309/original/file-20200323-112677-1h6y6ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/322309/original/file-20200323-112677-1h6y6ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/322309/original/file-20200323-112677-1h6y6ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/322309/original/file-20200323-112677-1h6y6ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le réacteur B d’Hanford (au centre) en 1944.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikipedia</span></span>
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<p>Mais cette méthode de gestion des risques n’a pas résisté à la survenue des premiers accidents et de leurs conséquences sanitaires qui, à l’instar du coronavirus, ne se sont pas arrêtés aux frontières.</p>
<p><a href="https://www.laradioactivite.com/site/pages/Windscale.htm">En 1957, l’accident de Winscale</a> provoque un nuage radioactif qui traverse toute l’Angleterre et une partie de l’Europe de l’Ouest. De même, en avril 1986 l’accident nucléaire de Tchernobyl entraîne une contamination massive de l’environnement dans plusieurs pays européens. En France, l’accident entraîne une crise de confiance durable à l’égard des experts et politiques, c’est l’affaire du <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/la-france-nucleaire-l-art-de-gouverner-une-technologie-contestee-sezin-topcu/9782021052701">« nuage de Tchernobyl »</a>.</p>
<h2>Confiner les atomes radioactifs</h2>
<p>Après avoir préconisé des mesures peu contraignantes pour tenir dans la durée, Emmanuel Macron <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/03/17/nous-sommes-en-guerre-face-au-coronavirus-emmanuel-macron-sonne-la-mobilisation-generale_6033338_823448.html">déclare finalement « la guerre » à l’épidémie le 16 mars</a> dernier.</p>
<p>En effet, la distance sociale est rapidement considérée comme insuffisamment efficace et des mesures de confinement sont mises en place.</p>
<p>À travers le respect du mot d’ordre « restez chez vous », on vise la limitation de la propagation du Covid-19 par le confinement d’une grande partie de la population, combinée à la mise en œuvre de gestes barrières – tousser dans son coude, ne pas se serrer la main, etc.</p>
<p>Dans le cas du nucléaire, c’est à partir des années 1950 que sont développées aux États-Unis les premières méthodes de « confinement » des matières radioactives au sein des installations nucléaires.</p>
<p>Il s’agit de mettre en place des barrières successives et indépendantes entre ces matières et l’environnement pour éviter leur dissémination en cas d’accident. La plupart des réacteurs aujourd’hui en exploitation dans le monde disposent de <a href="https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/La_surete_Nucleaire/risque-nucleaire/demarche-prevention/Pages/2-barrieres-de-confinement.aspx#.Xnye3HLjI2w">trois barrières de confinement successives</a> : une gaine métallique qui enveloppe le combustible radioactif ; le circuit primaire du réacteur ; enfin, un bâtiment étanche et résistant (appelé enceinte de confinement).</p>
<p>À la fin des années 1960, les Américains parachèvent cette méthode avec le concept de <a href="https://hal-mines-paristech.archives-ouvertes.fr/hal-00720761">« défense en profondeur »</a> basé sur une série de lignes de défenses physiques et organisationnelles.</p>
<p>En 1979, l’accident de Three Mile Island (Pennsylvanie) constitue un choc important pour l’opinion publique nord-américaine, mais confirme dans le même temps que l’enceinte de confinement du réacteur remplit parfaitement son rôle d’ultime barrière.</p>
<p>Critiquant l’absence d’un tel dispositif dans le cas de Tchernobyl et confiants dans la sûreté de leurs réacteurs, certains experts occidentaux n’ont pas hésité à qualifier la catastrophe russe d’« accident soviétique »… Ce n’est pas sans rappeler l’emploi du terme « virus chinois » par <a href="https://www.liberation.fr/direct/element/quand-trump-corrige-son-discours-a-la-main-pour-dire-virus-chinois-plutot-que-coronavirus_110962/">Donald Trump</a>.</p>
<p>En France, la mise en place des premières mesures de confinement des <a href="http://www.leparisien.fr/societe/coronavirus-les-derniers-rapatries-de-wuhan-quittent-carry-le-rouet-ce-dimanche-16-02-2020-8260617.php">rapatriés Français de Wuhan</a> dans des centres de vacances ou la gestion de malades dans la station alpines des Contamines ont également donné le sentiment d’une possible maîtrise de l’épidémie par le confinement des <em>clusters</em>. Alors que la vague épidémique commence à déferler sur l’Italie au début du mois de mars, certains experts et politiques français <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/12/en-italie-la-durete-des-mesures-restrictives-tient-a-la-fragilite-du-systeme-de-sante_6032715_3232.html">critiquent les mesures de confinement drastiques prises par nos voisins</a>.</p>
<h2>Quand survient la vague</h2>
<p>Le 11 mars 2011, un tsunami s’abat sur la centrale de Fukushima et détruit l’ensemble des dispositifs de confinement entraînant la fusion de trois réacteurs. Le réflexe politique est alors de le considérer lui aussi <a href="https://www.lesechos.fr/2016/05/nucleaire-sarkozy-ironise-sur-un-tsunami-a-fessenheim-207203">comme un accident typiquement japonais</a>, même si pour le président de l’Autorité de sûreté nucléaire française, c’est la preuve indéniable qu’un <a href="https://www.liberation.fr/futurs/2016/03/03/il-faut-imaginer-qu-un-accident-de-type-fukushima-puisse-survenir-en-europe_1437315">accident nucléaire est possible en France</a>.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/323292/original/file-20200326-133007-1u954eb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/323292/original/file-20200326-133007-1u954eb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=771&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/323292/original/file-20200326-133007-1u954eb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=771&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/323292/original/file-20200326-133007-1u954eb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=771&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/323292/original/file-20200326-133007-1u954eb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=969&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/323292/original/file-20200326-133007-1u954eb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=969&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/323292/original/file-20200326-133007-1u954eb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=969&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’édition du <em>Parisien</em> du 26 mars 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Le Parisien</span></span>
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<p>Pour faire face à l’échec du confinement révélé à Fukushima, l’idée retenue en France est de mettre en place une barrière de confinement supplémentaire : le noyau dur.</p>
<p>Ce dispositif propose de « sanctuariser » un nombre limité d’équipements vitaux pour l’installation en cas d’aléas naturels extrêmes. De plus, en cas d’accident, une Force d’action rapide nucléaire (FARN), composée de ressources humaines et de matériels d’urgence, doit permettre de sauver la situation. Si les acteurs du nucléaire se préparent à gérer le pire, ils n’ont pas abandonné pour autant l’idée de pouvoir le maîtriser ou d’en limiter les conséquences.</p>
<p>Malgré la mise en place de principes de confinement, si indispensables soient-ils, un accident nucléaire reste possible. Dans le cas du Covid-19, devant la <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/video-coronavirus-philippe-met-en-garde-contre-la-vague-extremement-elevee-qui-deferle-sur-la-france_3887263.html">« vague » qui arrive</a>, la tentative de maîtrise des milliers d’accidents journalier de perte de confinement individuels est un projet d’urgence complexe à mettre en œuvre mais qui paraît nécessaire.</p>
<p>À l’instar d’une crise nucléaire, la gestion de l’urgence sanitaire nécessite une préparation et un entraînement poussé, ce qui ne fut manifestement pas le cas comme en témoigne la <a href="https://theconversation.com/la-france-en-penurie-de-masques-aux-origines-des-decisions-detat-134371">gestion du stock de masques</a> dans notre pays.</p>
<p>En outre, la gestion d’une pandémie, comme celle d’un accident nucléaire, s’étale dans le temps et il est toujours périlleux d’en décréter la fin : <a href="https://mobile.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-pourquoi-deux-semaines-supplementaires-de-confinement-pourraient-ne-pas-suffire-a-endiguer-l-epidemie_3888985.html">nouvelles vagues épidémiques, déconfinement progressif</a> ou encore gestion des conséquences sociales et économiques à long terme.</p>
<p>Par exemple, à la catastrophe nucléaire de Fukushima s’est ajouté une catastrophe humaine, sociale et économique pour le Japon. On pense notamment à la <a href="https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/Les-accidents-nucleaires/accident-fukushima-2011/fukushima-2019/Documents/IRSN-Report-2019-00178_Shinrai-Research-Project_032019.pdf">gestion socio-politique complexe</a> des quelques 300 000 déplacés, qui ont été <a href="https://www.lepoint.fr/monde/insultes-et-stigmatisation-pour-les-deplaces-de-fukushima-10-03-2017-2110791_24.php">ostracisés</a>, tout comme le sont aujourd’hui les habitants de Wuhan.</p>
<p>L’exemple de la gestion du risque nucléaire invite avant tout à l’humilité dans nos capacités à maîtriser les risques par la distanciation et le confinement. L’épisode en cours encourage à se doter pour l’avenir de capacités de projection, de créativité et <a href="http://www.patricklagadec.net/fr/pdf/Lagadec-LeTempsdelInvention.pdf">d’invention</a> qui seront nécessaires à la préparation des crises futures.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/134275/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michaël Mangeon effectue des travaux pour l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), sans rapport avec l’objet de l’article. Il a reçu des financements de l’IRSN.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mathias Roger effectue des travaux pour l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), sans rapport avec l’objet de l’article. Il a reçu des financements de l’IRSN.</span></em></p>Depuis la Seconde Guerre mondiale, l’industrie nucléaire est le principal incubateur des mesures de distanciation et de confinement mises en place pour prévenir les accidents et les crises.Michaël Mangeon, Enseignant vacataire risques environnementaux, chercheur et consultant indépendant, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresMathias Roger, Doctorant en histoire et sociologie des sciences et des techniques, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1297222020-01-20T20:42:16Z2020-01-20T20:42:16ZAu Bélarus, la centrale nucléaire de la discorde<p>Un peu plus de trente ans après la catastrophe de Tchernobyl, le Bélarus, dont le territoire a pourtant été le <a href="https://eu.usatoday.com/story/news/world/2016/04/17/belarus-border-town-chernobyl-30th-anniversary/82888796/">plus touché par les retombées de l’accident</a>, s’apprête pour la première fois de son histoire à mettre en service une centrale nucléaire.</p>
<p>Dotée de deux réacteurs, la centrale d’Astravets (Ostrovets en <a href="http://regard-est.com/pourquoi-parler-de-belarus-pourquoi-ne-pas-parler-de-bielorussie">bélarussien</a>) a été construite par la compagnie Atomstroyexport, filiale du monopole public russe Rosatom, grâce à un « prêt » de 10 milliards de dollars consenti par Moscou qui couvre près de 90 % de son financement. L’un des deux réacteurs VVER-1 200 sera a priori destiné à la consommation intérieure, tandis que l’autre permettra au Bélarus d’exporter de l’électricité dans la région. Minsk s’est par ailleurs engagé à acheter auprès de la Russie l’ensemble du combustible nucléaire pour la durée de vie des réacteurs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1164066908406255618"}"></div></p>
<h2>Une angoisse lituanienne</h2>
<p>Depuis que le projet a été annoncé en 2011, les autorités lituaniennes n’ont pas ménagé leurs efforts pour alerter leurs partenaires sur les risques que pourrait présenter cette installation en matière de sûreté. Elles ne manquent pas d’arguments :</p>
<ul>
<li><p>le Bélarus n’a aucune expérience en matière de nucléaire civil ;</p></li>
<li><p>la Russie, fournisseur de la centrale, a déjà connu des accidents nucléaires gravissimes ;</p></li>
<li><p>le site est reconnu comme zone sismique ;</p></li>
<li><p>la centrale est située à la toute proximité de la capitale lituanienne (50 km environ), foyer de peuplement important (500 000 habitants). Or l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) recommande depuis 2013 de ne pas installer de centrale nucléaire à moins de 100 km des zones de fort peuplement ;</p></li>
<li><p>les eaux de refroidissement utilisées seront celles de la rivière Néris, qui arrose Vilnius avant de se jeter dans le Nemunas (qui lui-même fournit la majeure partie de l’eau potable en Lituanie) ;</p></li>
<li><p>la construction de la centrale a été émaillée d’incidents sur lesquels ni les autorités bélarusses ni Atomstroyexport n’ont manifesté une forte appétence à la transparence.</p></li>
</ul>
<p>Le Bélarus, de son côté, rappelle qu’il a procédé en 2018 à des <a href="http://www.ensreg.eu/sites/default/files/attachments/hlg_p2018-36_155_belarus_stress_test_peer_review_report_0.pdf">stress-tests</a> exigeants et qu’il s’apprête à suivre les recommandations formulées par l’AIEA en matière de sûreté nucléaire. Il précise aussi qu’il ne compte pas renoncer à cette centrale qui va lui permettre de diversifier son mix énergétique.</p>
<h2>Un irritant bilatéral porté hors des frontières</h2>
<p>Vilnius a d’abord cherché des appuis auprès des capitales de l’Union européenne pour entraver la construction de la centrale. Mais le Bélarus n’étant pas membre de l’UE, la marge de manœuvre de Bruxelles et des États membres est minime.</p>
<p>La Lituanie a donc tenté de porter le différend devant d’autres instances. En 2011, elle a en particulier déposé une plainte devant la Convention d’Espoo (<a href="http://www.unece.org/fileadmin/DAM/env/eia/documents/legaltexts/conventiontextfrench.pdf">Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière</a>, ONU, 1991) pour violation des évaluations d’impact environnemental. En effet, le Bélarus n’a pas effectué d’étude préalable d’impact sur l’environnement ni organisé de débat public dans le pays voisin ou de consultations bilatérales avec lui, comme le prévoit la Convention d’Espoo. En 2013, cette dernière a émis des recommandations à fin de rectification puis, en février 2019, une large majorité des pays parties ont statué sur le <a href="http://regard-est.com/lituanie-premiere-victoire-a-lencontre-de-la-centrale-nucleaire-belarusse-dastravets">caractère inapproprié du site de construction</a>. Notification qui n’a valeur que de recommandation.</p>
<p>Les autorités lituaniennes ont également poussé à la mention, dans le <a href="https://www.lrt.lt/naujienos/news-in-english/19/1124940/eu-s-green-deal-to-stifle-belarus-nuclear-energy-exports">« Green Deal »</a> proposé par la Commission européenne en décembre 2019, d’une clause selon laquelle les installations nucléaires dans les pays tiers doivent respecter les normes internationales les plus élevées en matière environnementale et de sécurité.</p>
<h2>Quand le temps presse</h2>
<p>En 2017, la Lituanie a adopté une loi l’engageant à ne pas acheter d’électricité provenant de sources produites au mépris des règles de sécurité. Le Parlement lituanien a alors déclaré la centrale d’Astravets « menace à la sécurité nationale, à l’environnement et à la santé publique ». Vilnius interdit également l’utilisation des infrastructures lituaniennes pour transporter l’électricité d’Astravets. En décembre 2019, le Parlement a adopté un amendement prévoyant des retraits de licence d’importation pour les agents économiques qui achèteraient de l’électricité provenant de cette centrale.</p>
<p>Mais pour que ces mesures aient du sens et que la Lituanie ne se trouve pas pénalisée dans son isolement, Vilnius a dû tenter de convaincre les pays voisins potentiellement clients de l’électricité bélarusse – Pologne, Lettonie, Estonie et Finlande – de s’engager dans le même sens. Avec un succès mitigé, puisque seule la Pologne a suivi le mouvement ébauché par Vilnius.</p>
<p>Alors que la centrale a procédé à ses premiers tests en décembre 2019, pour une mise en service du premier réacteur au cours du premier trimestre 2020, Vilnius change de nouveau de stratégie : pour le ministre des Affaires étrangères Linas Linkevičius, demander à Minsk de stopper le processus de mise en route de la centrale à ce stade serait tout aussi <a href="https://www.lrt.lt/en/news-in-english/19/1128472/demanding-belarus-to-stop-nuclear-plant-too-radical-says-lithuanian-foreign-minister">« irréaliste et trop radical »</a> que d’exiger son déplacement. Ayant échoué à disqualifier la centrale en hypothéquant sa rentabilité, Vilnius privilégie aujourd’hui le dialogue, afin de rester informé de l’avancée des travaux, de la mise en service et d’éventuels problèmes, au nom du pragmatisme.</p>
<h2>Une centrale au service des intérêts de la Russie ?</h2>
<p>Les caractéristiques de la centrale sont souvent mises en avant par ceux qui veulent y voir une preuve de la stratégie russe de mise sous tutelle du Bélarus. Par exemple, <a href="https://www.cepa.org/astravets-nuclear-power-plant">Minsk doit rembourser le prêt de la Russie d’ici à 2036</a>. Compte tenu de ses fragilités budgétaires, en cas de difficulté de remboursement, la propriété de la centrale pourrait passer dans les mains de la Russie, accroissant encore la <a href="https://www.atlanticcouncil.org/wp-content/uploads/2017/07/Nuclear_Geopolitics_in_the_Baltic_Sea_Region_web_0731.pdf">dépendance bélarusse</a>.</p>
<p>On soupçonne également Astravets de viser à maintenir la Russie dans son rôle d’acteur énergétique notable dans la région de la mer Baltique, en retardant la déconnexion des Baltes du système électrique BRELL (Bélarus, Russie, Estonie, Lettonie, Lituanie). Cette désynchronisation est en effet contraire aux intérêts de Moscou qui souhaite continuer d’exporter de l’électricité vers les pays de la région pour des raisons économiques, voire géopolitiques, mais aussi par souci de connexion entre la « Russie continentale » et l’enclave de Kaliningrad. La localisation de la centrale semble attester cette préoccupation : alors que les industries consommatrices d’électricité se trouvent plus au sud du pays, Astravets pèche étrangement par son éloignement des centres névralgiques bélarusses. Dès 1993, l’Académie des sciences de Minsk, évaluant une trentaine de sites possibles, avait d’ailleurs décrété que <a href="https://naviny.by/new/20170131/1485873043-uchenyy-na-ploshchadke-belaes-nichego-bolee-otvetstvennogo-chem">celui d’Astravets était le pire</a>.</p>
<p>Certains vont jusqu’à soupçonner la Russie de vouloir créer des dissensions dans la région : l’opposition frontale de la Lituanie n’a en effet pas fait l’unanimité auprès de ses partenaires, au point que Vilnius s’est un moment trouvé isolé sur le sujet d’Astravets, voire a suscité une fatigue au sein de l’UE, de l’AIEA, auprès de la Convention d’Espoo…</p>
<p>Par ailleurs, la localisation d’une centrale nucléaire aux portes de l’OTAN peut justifier une présence militaire russe pour protéger ce site sensible. Fin 2016, le Bélarus a installé une base militaire à proximité de la centrale afin d’assurer sa sécurité. Rien ne dit que cette base sera jugé suffisante par Moscou, qui pourrait souhaiter la renforcer.</p>
<p>Enfin, Vilnius estime que la centrale peut être utilisée comme instrument de guerre hybride : l’annonce, même erronée, d’un incident intervenu sur la centrale entraînerait l’évacuation de la capitale lituanienne, avec toutes les conséquences sociales, économiques et politiques que l’on peut imaginer…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129722/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Céline Bayou ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sa centrale nucléaire permettra au Bélarus de produire assez d’électricité pour assurer sa consommation intérieure et même pour en exporter. Mais cette perspective ne réjouit pas tous ses voisins…Céline Bayou, Chercheuse associée au Centre de recherche Europes-Eurasie (CREE), Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1222422019-08-29T19:07:12Z2019-08-29T19:07:12ZLa série « Chernobyl » réécrit-elle l’histoire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/289075/original/file-20190822-170951-1c8jtaa.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=114%2C0%2C1350%2C739&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La mini-série de dix épisodes retrace la catastrophe nucléaire survenue en 1986 à Tchernobyl, en URSS.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.allocine.fr/series/ficheserie-22429/photos/detail/?cmediafile=21626447">Site Allociné</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>La série <em>Chernobyl</em>, diffusée en mai par la chaîne américaine HBO, a suscité un intérêt exceptionnel, qui lui a valu de nombreuses réactions. Outre les <a href="http://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18682103.html">critiques dithyrambiques</a> de la presse et du public, il y en a une à première vue plus curieuse : le 10 juin, la chaîne publique russe NTV annonçait qu’elle produirait une <a href="http://www.leparisien.fr/culture-loisirs/series/chernobyl-remontee-contre-la-serie-la-russie-va-produire-sa-propre-version-10-06-2019-8090373.php">contre-série avec une narration alternative</a>.</p>
<p>Selon elle, tout comme d’autres voix critiques russes, le réalisateur de <em>Chernobyl</em> Craig Mazin, qui propose une vision « réaliste » de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, aurait exagéré le rôle funeste des autorités soviétiques dans l’accident. La version russe, prenant un peu « plus de liberté » avec l’histoire de la catastrophe, <a href="https://www.theguardian.com/world/2019/jun/07/chernobyl-hbo-russian-tv-remake">selon <em>The Guardian</em></a>, met un agent de la CIA et un agent du contre-espionnage soviétique au centre de l’intrigue.</p>
<p>Cette initiative nous révèle au moins deux choses : d’une part, que les débats politiques autour de l’accident de Tchernobyl et de ses causes sont loin d’être clos et affectent à la fois la production de la série et sa réception. D’autre part que le contexte historique de la Guerre froide a toujours un impact central sur la vision contemporaine de la catastrophe nucléaire.</p>
<h2>La thèse de l’accident soviétique</h2>
<p><em>Chernobyl</em> insiste en effet beaucoup sur l’idée que la catastrophe nucléaire est avant tout un accident soviétique. Cette thèse est portée dès les premières minutes du premier épisode par le protagoniste Andrei Legassov et devient centrale (attention, spoiler !) lors du dernier épisode consacré au procès des accusés et à la recherche des responsables de la catastrophe.</p>
<p>Plus que les opérateurs individuels mis en cause par le tribunal comme boucs émissaires, le protagoniste convoque – avec héroïsme car au péril de sa propre vie – l’Union soviétique tout entière sur le banc des accusés : la course technologique l’aurait conduite à devenir « la seule nation » utilisant des réacteurs avec du graphite dans les barres de contrôle et « sans confinement autour de la cuve, comme ça se fait à l’Ouest ».</p>
<p>De plus, la prééminence du secret dans tous les domaines de la vie publique aurait empêché les responsables de la centrale nucléaire de prendre connaissance de ses faiblesses technologiques – des informations indispensables pour empêcher la catastrophe. « Voilà ce qui a fait exploser le cœur d’un réacteur RBMK : nos mensonges ! », s’exclame Legassov lors de l’épisode final à propos du type de réacteur soviétique en cause.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/289086/original/file-20190822-170931-rtkxut.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/289086/original/file-20190822-170931-rtkxut.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/289086/original/file-20190822-170931-rtkxut.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/289086/original/file-20190822-170931-rtkxut.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/289086/original/file-20190822-170931-rtkxut.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/289086/original/file-20190822-170931-rtkxut.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/289086/original/file-20190822-170931-rtkxut.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Anatoli Stepanovitch Diatlov était l’ingénieur en chef adjoint de la centrale nucléaire de Tchernobyl la nuit de la catastrophe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.allocine.fr/series/ficheserie-22429/photos/detail/?cmediafile=21626446">Allociné</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/289087/original/file-20190822-170941-1ryltx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/289087/original/file-20190822-170941-1ryltx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/289087/original/file-20190822-170941-1ryltx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/289087/original/file-20190822-170941-1ryltx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/289087/original/file-20190822-170941-1ryltx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/289087/original/file-20190822-170941-1ryltx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/289087/original/file-20190822-170941-1ryltx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le cœur du réacteur en feu.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.allocine.fr/series/ficheserie-22429/photos/detail/?cmediafile=21626445">Allociné</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Le réalisme revendiqué de la série, une ambition qui explique sans doute une partie de son succès, a été discuté à plusieurs reprises depuis sa sortie. Le débat concerne les <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/decouvrir/tele-cinema/ces-questions-que-l-on-se-pose-encore-apres-avoir-vu-la-serie-chernobyl_134402">effets sanitaires des radiations</a> ou encore l’exactitude des images historiques <a href="https://www.telerama.fr/series-tv/chernobyl-pour-les-sovietiques,-le-regime-communiste-etait-plus-fort-que-latome,n6310189.php">des personnages et décors de l’Union soviétique des années 1980</a>, mais la représentation de Tchernobyl comme un accident intrinsèquement soviétique soulève peu de questions.</p>
<p>Après tout, elle peut paraître évidente aujourd’hui, notamment pour les spectateurs plus jeunes, pour qui l’Union soviétique ainsi que la catastrophe de Tchernobyl constituent une réalité lointaine, <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/tchernobyl/pourquoi-la-serie-chernobyl-nous-fascine-et-nous-effraie-autant_3489739.html">comme l’a souligné la sociologue Christine Fassert dans un entretien récent</a>.</p>
<p>Pourtant, l’explication de la série (présentée comme « la vérité » éclatant au grand jour malgré les dissimulations et dénégations des responsables soviétiques) est le produit d’un travail de mémoire autour de l’accident, marqué par de nombreuses controverses autour des causes de la catastrophe et des responsabilités associées. Peut-on réellement dire que cet accident n’aurait pu se produire ailleurs qu’en URSS ? Les travaux en sciences sociales sur Tchernobyl, mais aussi sur d’autres accidents nucléaires, nous invitent à mettre la singularité soviétique de la catastrophe en doute.</p>
<h2>Une technologie exceptionnellement vulnérable ?</h2>
<p>La série renvoie d’abord aux défauts de conception de la technologie RBMK. Le choix de ce type de réacteurs était-il particulièrement risqué, voire soumis à une course scientifique et technologique délaissant les questions de sécurité ?</p>
<p>Certains travaux d’historiens, <a href="https://mitpress.mit.edu/books/producing-power">comme ceux de Sonja Schmid</a>, qui retracent les décisions ayant conduit à adopter la technologie RBMK en URSS, répondent par la négative. Le choix de cette technologie fait suite à des arbitrages très similaires à ceux de l’Ouest, prenant en compte des aspects politiques et économiques.</p>
<p>Rien ne permettait d’affirmer, avant la catastrophe de Tchernobyl, que cette technologie serait intrinsèquement plus dangereuse qu’une autre. Après l’accident, l’industrie nucléaire soviétique a tenté de réduire les vulnérabilités identifiées… tout comme dans le cas des accidents dans les réacteurs occidentaux – l’accident de Three Mile Island en 1979 aux États-Unis par exemple. Les accidents nucléaires ont toujours été appréhendés comme des « expériences » pour améliorer la technologie et la formation du personnel.</p>
<p>Dans quelle mesure les défauts de conception ont-ils joué un rôle dans la catastrophe de Tchernobyl ? Pointés par Andrei Legassov dans la série, ce sont en réalité d’abord les accusés du procès, comme Anatoli Diatlov, qui mettent en avant le rôle de la technologie RBMK. L’une de leurs stratégies de défense consistent à réduire la critique des « erreurs humaines », en insistant sur le fait que « toutes les procédures ont été respectées » sans pour autant empêcher la catastrophe. Si cette explication a le mérite d’éviter d’individualiser l’accident, on ne peut pas penser la conception d’un réacteur comme distincte de son opération. Les procédures sont loin d’être inéluctables et intangibles.</p>
<p><a href="https://www.puf.com/content/Le_nucl%C3%A9aire_%C3%A0_l%C3%A9preuve_de_lorganisation">Les travaux de sociologie du travail</a> sur les centrales nucléaires montrent que les opérateurs font bien plus que de suivre des procédures. Ils doivent les réinterpréter et les discuter avec leurs collègues en fonction de nombreuses situations imprévues, inédites, non-anticipées lors de la conception des réacteurs. Ces « parades » comblent ainsi partiellement une conception nécessairement imparfaite, incapable de prévoir tout ce qui pourrait arriver, que ce soit dans les réacteurs soviétiques ou occidentaux.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"724999024999194625"}"></div></p>
<h2>Le secret nucléaire en URSS… et en Europe</h2>
<p>En outre, cette histoire télévisuelle de l’accident soviétique renvoie au rôle du « système » politique et social dans son ensemble, presque défini par son recours systématique au secret. Si le rôle du secret dans les institutions nucléaires est indéniable, cela ne constitue là encore nullement une spécificité soviétique.</p>
<p>En Europe, la période post-Tchernobyl est marquée par <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/la-france-nucleaire-l-art-de-gouverner-une-technologie-contestee-sezin-topcu/9782021052701">des mobilisations à large échelle</a> contre « le gouvernement par le secret » et les discours rassurants des gouvernements, français avant tout. La protection des filières nucléaires nationales contre des critiques et mobilisations anti-nucléaires repose à cette période très largement sur la rétention d’informations jugées sensibles, comme les scénarios d’accidents étudiés en interne.</p>
<p>Comment comprendre alors que la thèse d’un « accident soviétique » soit aussi centrale dans la série ? Un premier élément de réponse renvoie au fait que la série reprend l’explication dominante de Tchernobyl, issue d’une longue construction historique, prise dans les enjeux politiques et économiques de la filière nucléaire. Ainsi, la critique de la conception des réacteurs RBMK est au départ portée par des « dissidents » soviétiques. Elle est ensuite reprise et formalisée dans les espaces de coopération internationaux sur l’accident, en particulier dans le cadre du travail de l’Agence internationale de l’énergie atomique. Elle est alors légitimée comme l’une des explications centrales de Tchernobyl.</p>
<p>Ultérieurement, elle est mobilisée lors des négociations d’adhésion européenne des pays ex-soviétiques (dont la Lituanie, où la série a été tournée en large partie) pour exiger la fermeture des anciens réacteurs de « type Tchernobyl » attestant officiellement la supériorité de la technologie occidentale.</p>
<h2>Un positivisme exacerbé</h2>
<p>Un deuxième élément de réponse à la prédominance de la lecture soviétique de l’accident de Tchernobyl renvoie davantage au rôle de la science et des scientifiques dans la série. Dans la conclusion du dernier épisode, le personnage d’Andrei Legassov soutient qu’« être scientifique » c’est chercher « la vérité », même si « bien peu de gens veulent réellement que nous la trouvions. Pourtant elle est toujours là quelque part, que nous le voyions ou pas, que nous choisissions de la dire ou non. […] Elle reste là à attendre pour l’éternité. »</p>
<p>Cette vision de la Science (avec une majuscule), qui doit être comprise dans le contexte <a href="http://www.slate.fr/story/178467/chernobyl-serie-interview-createur-craig-mazin-nucleaire-urss">du débat autour du climatoscepticisme aux États-Unis</a>, laisse bien peu de place au doute, à la controverse et aux désaccords sur ce qui s’est passé à Tchernobyl. À l’inverse, cette explication est très rassurante : il aurait suffi de connaître l’effet du « bouton d’urgence AZ5 » – pouvant conduire à l’explosion du réacteur dans certaines situations (une information classée secrète) pour éviter la catastrophe. La singularisation de Tchernobyl comme un « accident soviétique » produit une explication univoque et bien connue. Surtout, elle suggère qu’il serait très facile d’éviter qu’une telle catastrophe se reproduise. Comme si faire la vérité sur un problème suffisait pour y remédier.</p>
<p>Ce cadrage n’est pas dénué <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/08/BALDASSARRA/60137">d’un message plus large sur l’énergie nucléaire</a>, assumé par le réalisateur Craig Mazin : « Le sujet de <em>Chernobyl</em> n’est pas “l’énergie nucléaire est dangereuse”, car ce n’est pas le cas en Occident, où elle est très sûre. » Comment, dès lors, comprendre les autres catastrophes nucléaires, comme celle de <a href="https://theconversation.com/fukushima-seven-years-later-case-closed-93448">Fukushima Dai-ichi en mars 2011 au Japon</a> ? Singulariser les explications pourrait être bien une tendance générale de l’<a href="https://journals.openedition.org/sdt/14611">approche contemporaine des accidents nucléaires</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1104936223414587392"}"></div></p>
<h2>Des comportements « typiquement japonais »</h2>
<p>Dans le cas de Fukushima, bien loin de ces circonstances soviétiques, dans des réacteurs de technologie américaine et suivant les normes opérationnelles internationales, l’un des fils argumentaires (rassurant) consiste à exposer le caractère « typiquement japonais » du comportement des opérateurs. Cette fois-ci, ils auraient suivi les procédures de façon trop rigide et n’auraient pas osé signaler des problèmes potentiels, en raison d’un respect de la hiérarchie typiquement japonais !</p>
<p>Cet argument culturaliste est par exemple présent dans le <a href="https://www.cpepesc.org/IMG/pdf/version_francaise_du_rapport_independant_sur_Fukushima_1_.pdf">rapport officiel de la Commission d’enquête indépendante</a> sur l’accident nucléaire de Fukushima. Cependant, cette histoire, contestée à son tour, est peut-être trop simpliste pour constituer une trame crédible d’une prochaine œuvre cinématographique grand public. Après la contre-série russe de Tchernobyl, à quand la série-événement révélant « la vérité » sur Fukushima ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122242/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valerie Arnhold a reçu des financements de l'Agence nationale de recherche.</span></em></p>La série défend l’idée selon laquelle la catastrophe nucléaire de Tchernobyl n’aurait pas pu se produire ailleurs. Une thèse qui s’appuie sur des fondements historiques très contestables.Valérie Arnhold, Doctorante en sociologie des risques et des organisations, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1196962019-07-04T17:57:45Z2019-07-04T17:57:45ZPourquoi les plantes ne meurent pas de cancer<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/282367/original/file-20190702-126345-yhvjcd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un hôtel abandonné dans la ville ukrainienne de Pripyat, à quelques kilomètres de Tchernobyl.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le tragédie de Tchernobyl, en 1986, récemment relancée par la très populaire <a href="https://www.youtube.com/watch?v=s9APLXM9Ei8">émission de télévision</a> du même nom, <a href="https://www.who.int/ionizing_radiation/chernobyl/backgrounder/en/">a causé des milliers de cancers </a> et a transformé un territoire autrefois peuplé en une zone fantôme. <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Zone_d'exclusion_de_Tchernobyl">La zone d'exclusion fait aujourd'hui 2600km²</a>.</p>
<p>Mais ce territoire n'est pas dénué de vie, tant s'en faut: <a href="https://theconversation.com/tchernobyl-33-ans-apres-laccident-nucleaire-la-nature-se-porte-bien-merci-118082">33 ans après la catastrophe, la nature se porte fort bien!</a> Les <a href="https://www.theguardian.com/environment/2015/oct/05/wildlife-thriving-around-chernobyl-nuclear-plant-despite-radiation">loups, les sangliers</a> et <a href="https://www.weforum.org/agenda/2019/05/what-s-going-on-in-chernobyl-today/">les ours</a> sont retournés dans les forêts luxuriantes entourant l'ancienne centrale nucléaire. Et pour ce qui est de la végétation, toutes les plantes, <a href="https://www.ceh.ac.uk/news-and-media/blogs/understanding-ecological-impact-major-fire-chernobyl-red-forest">sauf les plus vulnérables et les plus exposées</a>, ont survécu. Même dans les zones les plus radioactives de la zone, la végétation s'est rétablie <a href="https://www-pub.iaea.org/MTCD/Publications/PDF/Pub1001_web.pdf">en trois ans</a>.</p>
<p>Des humains et d'autres mammifères et oiseaux seraient morts <a href="http://www.unscear.org/docs/publications/1996/UNSCEAR_1996_Report.pdf">plusieurs fois</a> s'ils avaient reçu le même rayonnement que les plantes des zones les plus contaminées. Alors, comment la vie végétale peut-elle être si résistante aux radiations et aux catastrophes nucléaires ?</p>
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<h2>Les plantes s'adaptent mieux</h2>
<p>Pour répondre à cette question, nous devons d'abord comprendre <a href="https://cna.ca/fr/enjeux-et-politique/rayonnement/quest-ce-que-le-rayonnement/">comment le rayonnement des réacteurs nucléaires</a> affecte les cellules vivantes. La matière radioactive de Tchernobyl est « instable » parce qu'elle dégage constamment des particules et des ondes à haute énergie qui <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpls.2018.00847/full">brisent les structures cellulaires</a> ou produisent des réactions chimiques qui attaquent le fonctionnement des cellules.</p>
<p>La plupart des parties endommagées de la cellule sont remplaçables… sauf
l'ADN. À des doses de rayonnement plus élevées, l'ADN se brouille et les cellules meurent rapidement. Des doses plus faibles peuvent causer des dommages plus subtils sous la forme de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160412007002474?via%3Dihub">mutations</a> modifiant le mode de fonctionnement de la cellule, par exemple en la rendant cancéreuse, en la multipliant de façon incontrôlable et en la propageant à d'autres parties du corps.</p>
<p>Chez les animaux, dont les êtres humains, ces dommages sont souvent fatals, parce que leurs cellules et leurs systèmes sont très spécialisés et rigides. Il faut voir la biologie animale comme une machine complexe dans laquelle chaque cellule et chaque organe a une place et un but. <a href="https://science.sciencemag.org/content/360/6396/1391">Toutes les parties doivent travailler et coopérer pour que l'individu survive</a>. Un être humain ne peut se passer d'un cerveau, d'un cœur ou de poumons.</p>
<p>Les plantes, cependant, se développent d'une manière beaucoup plus flexible et organique. Parce qu'elles ne peuvent pas bouger, elles n'ont d'autre choix que de s'adapter aux circonstances dans lesquelles elles se trouvent. Plutôt que d'avoir une structure définie comme l'animal, les plantes <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1365-3040.2009.01929.x">inventent</a> au fur et à mesure. Leurs racines deviendront plus profondes ou leurs tiges plus hautes <a href="https://academic.oup.com/aob/article/92/1/1/177536">dépendant</a> des signaux chimiques qui proviennent d'autres parties de la plante, soumises <a href="https://theconversation.com/how-trees-communicate-via-a-wood-wide-web-65368">aux conditions de lumière, de température, d'eau et de nutriments</a>. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/280731/original/file-20190621-61756-7oh2sx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/280731/original/file-20190621-61756-7oh2sx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/280731/original/file-20190621-61756-7oh2sx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/280731/original/file-20190621-61756-7oh2sx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/280731/original/file-20190621-61756-7oh2sx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/280731/original/file-20190621-61756-7oh2sx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/280731/original/file-20190621-61756-7oh2sx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les arbres ont envahi la zone entourant l'ancienne centrale nucléaire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/abandoned-pripyat-city-nuclear-power-station-1097280545?src=LRikqvrql7m5t-QFSdnLSg-1-63&studio=1">Fotokon/Shutterstock</a></span>
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</figure>
<p>Contrairement aux cellules animales, presque toutes les cellules végétales sont capables d'en créer de nouvelles de tout type dont la plante a besoin. C'est pourquoi un jardinier peut faire pousser de nouvelles plantes à partir de boutures, de tiges ou d'une feuille.</p>
<p>Tout cela signifie que les plantes peuvent remplacer leurs cellules ou tissus morts <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S136952661630070X?via%3Dihub">beaucoup plus facilement</a> que les animaux, que les dommages soient dus à l'attaque d'un animal ou à la radiation.</p>
<p>Bien que les rayonnements et d'autres types de dommages à l'ADN puissent causer des tumeurs chez les plantes, les cellules mutantes ne peuvent généralement pas se propager d'une partie de la plante à une autre comme le font les cancers, grâce aux <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK26928/">parois rigides et interconnectées</a> qui entourent les cellules végétales. Dans la grande majorité des cas, <a href="https://www.nature.com/articles/380481a0.pdf">ces tumeurs ne sont pas non plus fatales</a>, car la plante peut trouver des moyens de contourner le tissu défectueux.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/280724/original/file-20190621-61771-1mf6wtk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/280724/original/file-20190621-61771-1mf6wtk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/280724/original/file-20190621-61771-1mf6wtk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/280724/original/file-20190621-61771-1mf6wtk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/280724/original/file-20190621-61771-1mf6wtk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/280724/original/file-20190621-61771-1mf6wtk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/280724/original/file-20190621-61771-1mf6wtk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les parois rigides et interconnectées des cellules végétales les rendent résistantes au cancer.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/cell-structure-hydrilla-view-leaf-surface-714995158?src=-LjnPq3qpAFcLtnCXGMfSw-1-0&studio=1">Rattiya Thongdumhyu/Shutterstock</a></span>
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</figure>
<p>Il est intéressant de noter qu'en plus de cette résistance innée aux rayonnements, certaines plantes de la zone d'exclusion de Tchernobyl semblent utiliser des mécanismes supplémentaires pour <a href="http://www.plantphysiol.org/content/135/1/357">protéger</a> leur ADN, modifier leur chimie pour devenir <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0027510703001039?via%3Dihub">plus résistantes aux dommages</a>, et se <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1568786416302440?via%3Dihub">réparer</a> si cela ne fonctionne pas. Les niveaux de rayonnement naturel à la surface de la Terre étaient <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpls.2018.00847/full">beaucoup plus élevés</a> dans un passé lointain, lorsque les premières plantes évoluaient, de sorte que celles de la zone d'exclusion pourraient tirer parti d'adaptations qui remontent à cette époque pour survivre.</p>
<h2>Un nouveau souffle de vie</h2>
<p>La vie est maintenant florissante autour de Tchernobyl. Les populations de nombreuses espèces végétales et animales sont en fait <a href="https://www.cell.com/current-biology/fulltext/S0960-9822(15)00988-4?_returnURL=https%3A%2F%2F%2Flinkinghub.elsevier.com%2Fretrieve%2Fpii%2FS0960982215009884%3F%20showowall%3Dtrue">plus importantes</a> qu'elles ne l'étaient avant la catastrophe.</p>
<p>Étant donné les pertes tragiques et les nombreuses maladies associées à Tchernobyl, cette <a href="https://interestingengineering.com/the-plants-and-animals-of-the-chernobyl-exclusion-zone">résurgence de la nature</a> a de quoi surprendre. Les rayonnements ont des effets <a href="http://cricket.biol.sc.edu/chernobyl/papers/Mousseau-et-al-TREES-2013.pdf">manifestement nocifs</a> sur <a href="https://www.smithsonianmag.com/science-nature/forests-around-chernobyl-arent-decaying-properly-180950075/">la vie végétale</a>. Mais elle continue de prospérer.</p>
<p>Ce qui est fondamental, c'est que l'accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl a été moins dommageable sur la faune et la flore que la présence des humains sur leur territoire. Aujourd'hui, il s'agit de l'une des plus grandes réserves naturelles d'Europe. L'écosystème abrite plus de vies qu'auparavant, même si ces vies, prises individuellement, durent un peu moins longtemps.</p>
<p>D'une certaine manière, la catastrophe de Tchernobyl révèle l'ampleur réelle de notre impact environnemental sur la planète. En nous éloignant de cette région, nous avons créé un espace qui a permis un retour de la nature.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119696/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stuart Thompson a reçu des fonds du MAFF et du Nuffield Foundation. Il a été consultant pour l'Université de Copenhague.</span></em></p>La plupart de la vie végétale a survécu à la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Les plantes sont plus flexibles et s'adaptent beaucoup mieux que les animaux aux événements extérieurs.Stuart Thompson, Senior Lecturer in Plant Biochemistry, University of WestminsterLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1183032019-06-05T14:06:55Z2019-06-05T14:06:55ZLe Jour J et la popularité grandissante du « tourisme noir »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/277952/original/file-20190604-69071-3ish8x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des touristes sur la plage d'Omaha, en Normandie, lieu du débarquement des alliés en 1944, dont on commémore le 75e anniversaire. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La France et la Grande-Bretagne commémorent, aujourd'hui et demain, le 6 juin, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jour_J">le 75e anniversaire du Jour-J.</a></p>
<p>Les visiteurs sont nombreux à affluer vers les sites du débarquement de Normandie. En Angleterre, Portsmouth, sur la côte sud, est le point central de la commémoration. Son port et ses plages ont servi de point d'embarquement pour des milliers de soldats en 1944.</p>
<p>Au total, on estime que <a href="https://www.theguardian.com/world/2019/apr/22/normandy-prepares-for-75th-anniversary-of-d-day-landings">deux millions de « touristes du souvenir »</a> visiteront les plages de Normandie à l'occasion du 75e anniversaire cette année. </p>
<p>Déjà, la presse française rapporte que les abords d’Omaha Beach et du cimetière militaire américain de Colleville-sur-Mer <a href="https://www.ouest-france.fr/d-day/75e-anniversaire-du-debarquement-affluence-sur-les-sites-du-6-juin-gros-bouchons-omaha-beach-6378485">sont saturés depuis une semaine</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/277954/original/file-20190604-69055-16y5ila.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/277954/original/file-20190604-69055-16y5ila.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/277954/original/file-20190604-69055-16y5ila.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/277954/original/file-20190604-69055-16y5ila.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/277954/original/file-20190604-69055-16y5ila.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/277954/original/file-20190604-69055-16y5ila.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/277954/original/file-20190604-69055-16y5ila.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un groupe de touristes américains sur la plage d'Omaha, en Normandie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il est facile de comprendre pourquoi tant de gens veulent visiter les principaux sites de ce qui est, après tout, l'un des moments marquants de la Seconde Guerre mondiale en Europe. Surtout pour les anciens combattants ou les familles de ceux qui ont risqué leur vie. </p>
<p>Mais il y a aussi ceux qui trouvent que l'idée de visiter des lieux marqués par la mort et la destruction est <a href="https://theconversation.com/it-may-be-macabre-but-dark-tourism-helps-us-learn-from-the-worst-of-human-history-60966">un peu macabre</a>. </p>
<p>Car la Normandie n'est qu'un des lieux marquants de ce type de tourisme. Selon certaines informations, des jours-ci, <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/06/04/place-tiananmen-une-normalite-sous-etroite-surveillance_5471231_3210.html">les autorités chinoises assurent une sécurité renforcée</a> autour de la place Tiananmen à Pékin à l'occasion du 30e anniversaire de l'écrasement des manifestations étudiantes en 1989, qui ont fait des centaines de morts. </p>
<h2>Des vacances en enfer</h2>
<p><a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Tourisme_noir">Le « tourisme noir »</a>, aussi appelé « tourisme sombre », « tourisme catastrophe » ou encore <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0261517717300092">thanatourisme</a> - du mot grec “<em>thanatos</em>” signifiant mort), est un marché en pleine croissance, qu'il s'agisse de visiter les champs de bataille de Normandie ou le camp d'Auschwitz, en Pologne. Les gens ont de nombreuses bonnes raisons de faire un détour par cet abominable camp de la mort, ne serait-ce qu'à titre éducatif. Plusieurs décident ainsi, au moins une fois dans leur vie, de délaisser la plage et de visiter plutôt des sites où de sombres événements se sont déroulés.</p>
<p>Le tourisme noir a été identifié dans les années 1990. Il est défini comme « une attraction pour les lieux associés à la mort ». Les chercheurs estiment que cette tendance est <a href="https://www.researchgate.net/publication/269352606_Battlefield_sites_sites_as_dark_tourism_attractions_An_analysis_of_experience">difficile à cerner</a> car les touristes ne réalisent pas nécessairement qu'ils visitent un site identifié comme « sombre » ou « noir ». Plus de 2,1 millions de personnes ont visité le camp de concentration d'Auschwitz en 2018, alors que le mémorial du 11 septembre à New York a attiré plus de 6,8 millions de visiteurs en 2017. </p>
<p>La célèbre prison d'Alcatraz, aux États-Unis, attire environ 1,4 million de visiteurs chaque année. Et, fait intéressant, étant donné la perception répandue des risques pour la santé, le site de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine,<a href="https://theconversation.com/tchernobyl-33-ans-apres-laccident-nucleaire-la-nature-se-porte-bien-merci-118082"> devient aussi une destination populaire pour les curieux. </a></p>
<p>En raison de l'énorme succès <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Chernobyl_(mini-s%C3%A9rie)">de l'actuelle série dramatique <em>Chernobyl</em>, produite par HBO </a> sur la catastrophe, on peut parier qu'il y aura une augmentation du nombre de visiteurs sur le site de l'ancienne centrale nucléaire. En 2017, on estime <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/32-ans-apres-tchernobyl-l-essor-du-tourisme-nucleaire-en-ukraine_123415">que 50 000 personnes ont visité la région</a>. </p>
<p>La même tendance s'observe sur le site de la catastrophe nucléaire de Fukushima, en 2011, au Japon, <a href="http://www.fukushimaminponews.com/news.html?id=943">qui a reçu environ 17 000 visiteurs en 2018 </a>.</p>
<h2>Fascination morbide ?</h2>
<p>Les raisons que les gens invoquent pour visiter ces sites touristiques marqués par la mort et la dévastation sont <a href="https://reader.elsevier.com/reader/sd/pii/S0261517717300092?token=6BB2057C8619103149A9DD5B413BADD4A3CAB2FB1B15FAB8A047CACAE3C5CED78FCBFDC1A204647C046902D0EF677E6F">nombreuses et variées</a>. Il peut s'agir de vouloir comprendre l'histoire de sa propre famille et de rendre hommage à ses proches. Il y a aussi un désir d'empathie ou d'identification avec les victimes d'atrocités, ou le désir de voir un site significatif à des fins d'éducation et de compréhension. Bien sûr, parfois, il y a un élément de voyeurisme.</p>
<p>Malheureusement, tout le monde n'aborde pas ces sites avec le respect qu'ils méritent. Nous vivons à l'ère de l'égoïsme et de l'égoportrait. Bien qu'ils soient inappropriés, de nombreux touristes font la queue pour se prendre en photo au mémorial du 11 septembre. <a href="https://uk.reuters.com/article/uk-usa-sept11-mood/sorrow-selfies-compete-at-new-yorks-9-11-memorial-15-years-on-idUKKCN11F1CA">Cela a conduit à des appels en faveur de l'interdiction des « bâtons de selfie » dans Ground Zero.</a> De même, les visiteurs d'Auschwitz ont été invités à <a href="https://www.independent.co.uk/news/world/europe/auschwitz-selfies-visitors-posing-railway-poland-a8833746.html">arrêter de se prendre en photos</a> lorsqu'ils déambulent sur les fameuses voies ferrées.</p>
<p>Quelles que soient les raisons pour lesquelles ils visitent les sites associés à la souffrance, à la mort et au deuil, beaucoup de gens trouvent leurs visites cathartiques et enrichissantes. Il ne fait aucun doute que parmi les nombreuses personnes qui se rendent ces jours-ci à Portsmouth ou sur les champs de bataille de Normandie pour le 75e anniversaire du jour J, il y en a beaucoup pour qui c'est la première occasion de rendre hommage à un parent ou à un grand-parent qui a sacrifié sa vie pour le bien commun. </p>
<p>Alors, pour tous ceux qui pourraient être attirés vers ces lieux par curiosité, ou simplement parce que c'est une destination inscrite dans votre <em>bucket list</em>, rappelez-vous que pour beaucoup de gens, vous marchez sur une terre sacrée. Allez-y donc doucement, et discrètement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118303/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Liz Sharples ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les plages de Normandie, le camp d'Auschwitz, Tchernobyl ou Fukushima sont des destinations pour le «tourisme noir», soit la visite de lieux marqués par la mort et la destruction.Liz Sharples, Senior Teaching Fellow (Tourism), University of PortsmouthLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1180822019-05-31T15:10:15Z2019-05-31T15:10:15ZTchernobyl : 35 ans après l’accident nucléaire, découvrez comment la nature y a repris ses droits.<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/277290/original/file-20190530-69095-1wfzcju.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C16%2C1151%2C635&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vue de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, prise le 4 mai 2017, et du bâtiment de confinement installé sur le réacteur numéro 4.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Germán Orizaola</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Le 26 avril 1986, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Catastrophe_nucl%C3%A9aire_de_Tchernobyl">réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, a explosé lors d’essais techniques</a>. L’accident a provoqué des radiations 400 fois plus élevées que celles libérées par la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/732699/hiroshima-70ans-deuxieme-guerre-mondiale-bombe-atomique">bombe nucléaire larguée sur Hiroshima, au Japon, en 1945</a>.</p>
<p>Il s’agit, à ce jour, du plus grave accident nucléaire de l’histoire.</p>
<p>Les travaux de décontamination ont commencé immédiatement. Une zone d’exclusion a été créée autour de la centrale nucléaire. Quelque 350 000 personnes ont été évacuées. Elles ne sont jamais rentrées chez elles. Aujourd’hui encore, la zone est interdite aux êtres humains.</p>
<p>L’accident a eu un impact majeur sur la population humaine. Bien qu’il n’y ait pas de chiffres clairs, les conséquences sur la population, tant sur le plan physique (mortalité, maladies) que psychologique (évacuation massive) ont été très graves.</p>
<p>L’impact initial sur la nature a également été significatif. L’une des zones les plus touchées a été la forêt de pins, maintenant connue sous le nom de « forêt rouge ». Cette zone a reçu les plus fortes doses de radiation. Les pins sont morts instantanément et toutes leurs feuilles sont devenues rouges. Peu d’animaux ont survécu aux doses radioactives les plus élevées.</p>
<p>Par conséquent, après l’accident, on a supposé que la zone d’exclusion deviendrait un désert à vie. Étant donné la longue période de décomposition de certains composés radioactifs, on a supposé que la région resterait inhabitée pendant des siècles.</p>
<h2>La faune et la flore de Tchernobyl aujourd’hui</h2>
<p>Aujourd’hui, 35 ans après l’accident, Tchernobyl abrite des ours, des bisons, des loups, des lynx, des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cheval_de_Przewalski">chevaux Przewalski</a> et quelque 200 espèces d’oiseaux, entre autres.</p>
<p>Entre le 4 et le 6 mars 2019, les principaux groupes de recherche travaillant sur la nature de Tchernobyl se sont réunis à Portsmouth, en Angleterre. Une trentaine de chercheurs d’Ukraine, de France, de Belgique, de Norvège, d’Espagne, d’Irlande et du Royaume-Uni ont présenté les derniers résultats de nos analyses. Il s’agit notamment d’études sur les grands mammifères, les oiseaux nicheurs, les amphibiens, les poissons, les abeilles, les vers, les bactéries ainsi que sur la décomposition des feuilles.</p>
<p>Les communications présentées ont montré que la zone d’exclusion abrite désormais une grande biodiversité. En outre, elles ont confirmé l’absence générale d’effets négatifs <a href="https://cna.ca/fr/enjeux-et-politique/rayonnement/quest-ce-que-le-rayonnement/">des rayonnements</a> sur les populations animales et végétales de Tchernobyl. Tous les groupes étudiés maintiennent des populations abondantes et parfaitement fonctionnelles dans la région.</p>
<p>Un parfait exemple de la diversité de la faune de Tchernobyl est donné par <a href="https://tree.ceh.ac.uk/">projet TREE</a> (<em>Transfer, Exposure and Effects</em>). Dans le cadre de ce projet, des caméras infrarouges ont été installées pendant plusieurs années dans toute la zone d’exclusion. Les photos révèlent la présence d’une faune abondante et ce, à tous les niveaux de rayonnement. Ces caméras ont détecté pour la première fois la présence d’ours bruns et de bisons européens dans la région ukrainienne, ainsi que l’expansion des populations de loups et de chevaux de Przewalski.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/266315/original/file-20190328-139349-1z0amj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/266315/original/file-20190328-139349-1z0amj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/266315/original/file-20190328-139349-1z0amj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/266315/original/file-20190328-139349-1z0amj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/266315/original/file-20190328-139349-1z0amj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/266315/original/file-20190328-139349-1z0amj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/266315/original/file-20190328-139349-1z0amj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Bison européen (<em>Bison bonasus</em>), lynx roux (<em>Lynx lynx</em>), wapiti (<em>Alces alces</em>) et ours brun (<em>Ursus arctos</em>) photographiés par des caméras du projet TREE dans la zone d’exclusion de Tchernobyl, en Ukraine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Project TREE/Sergey Gaschack</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Notre <a href="https://www.gorizaola.wordpress.com/blog">travail avec les amphibiens de Tchernobyl</a> a également permis de détecter des populations abondantes de toutes les espèces, même dans les zones les plus contaminées. Nous avons également trouvé des preuves de réactions adaptatives aux rayonnements, comme des changements dans la coloration des grenouilles. Celles qui vivent dans la zone d’exclusion sont plus foncées, ce qui pourrait les protéger des radiations.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/266311/original/file-20190328-139374-1tsq409.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/266311/original/file-20190328-139374-1tsq409.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/266311/original/file-20190328-139374-1tsq409.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/266311/original/file-20190328-139374-1tsq409.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/266311/original/file-20190328-139374-1tsq409.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/266311/original/file-20190328-139374-1tsq409.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/266311/original/file-20190328-139374-1tsq409.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Grenouille adulte (<em>Hyla orientalis</em>), Tchernobyl, mai 2018.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Germán Orizaola</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Certains effets négatifs du rayonnement ont toutefois été détectés au niveau individuel. Certains insectes, par exemple, semblent vivre moins longtemps et être plus affectés par les parasites dans les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rayonnement_de_fond">zones à fort rayonnement</a>. Certains oiseaux présentent également des dommages à leur système immunitaire, une augmentation de l’albinisme et des altérations génétiques. Cela étant, ces altérations ne semblent pas affecter le maintien des populations.</p>
<p>L’absence générale d’effets négatifs des rayonnements sur la faune de Tchernobyl peut être due à plusieurs facteurs. D’une part, les organismes vivants pourraient être beaucoup plus résistants aux rayonnements que prévu. Par ailleurs, les espèces commenceraient à montrer des réactions d’adaptation qui leur permettraient de vivre dans des zones contaminées sans subir d’effets négatifs. De plus, l’absence d’humains dans la région pourrait favoriser de nombreuses espèces, en particulier les grands mammifères.</p>
<p>Cette dernière option indiquerait que la pression exercée par les activités humaines s’avérerait plus négative à moyen terme pour la faune sauvage qu’un accident nucléaire. Une vue tout à fait révélatrice de l’impact de l’être humain sur l’environnement naturel.</p>
<h2>L’avenir de Tchernobyl</h2>
<p>En 2016, la partie ukrainienne de la zone d’exclusion a été déclarée Réserve radiologique de la biosphère par le gouvernement ukrainien. Contrairement aux prévisions initiales, la zone sert aujourd’hui de refuge à de nombreuses espèces menacées à l’échelle européenne ou nationale. Il s’agit notamment de l’ours brun, du bison européen, du cheval de Przewaslki, de la cigogne noire et de l’aigle poméranien.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/266142/original/file-20190327-139341-1r7mv8j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/266142/original/file-20190327-139341-1r7mv8j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/266142/original/file-20190327-139341-1r7mv8j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/266142/original/file-20190327-139341-1r7mv8j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/266142/original/file-20190327-139341-1r7mv8j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/266142/original/file-20190327-139341-1r7mv8j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/266142/original/file-20190327-139341-1r7mv8j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Campagne et forêt riveraine dans la zone d’exclusion de Tchernobyl. Photo prise en mai 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Germán Orizaola</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au fil des ans, Tchernobyl est également devenu un excellent laboratoire naturel pour l’étude de l’évolution dans des environnements extrêmes.</p>
<p>Actuellement, plusieurs projets tentent de relancer l’activité humaine dans la région. <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/32-ans-apres-tchernobyl-l-essor-du-tourisme-nucleaire-en-ukraine_123415">Le tourisme de catastrophe est devenu populaire, avec plus de 70 000 visiteurs en 2018</a>. Il est prévu de construire des installations solaires pour la production d’énergie. À l’automne dernier, un festival de musique électronique a été organisé dans la ville abandonnée de Prípiat.</p>
<p>En 35 ans, Tchernobyl est passée du statut de désert pour la vie à celui de zone d’intérêt pour la conservation de la faune. Paradoxalement, il est maintenant nécessaire de maintenir l’intégrité de la zone d’exclusion en tant que réserve si nous voulons qu’elle reste, à l’avenir, un refuge pour les êtres vivants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118082/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Germán Orizaola a reçu des fonds du ministère espagnol de la Science, de l'Innovation et des Universités, à travers le programme Ramón y Cajal. Il maintient des projets de recherche subventionnés par l'Agence suédoise de sécurité nucléaire (SSM-Strålsäkerhetsmyndighetens).</span></em></p>Trente-cinq ans après l’accident, Tchernobyl abrite une faune et une flore diversifiées, passant du statut de désert pour la vie à celui de zone d’intérêt pour la conservation de la faune.Germán Orizaola, Investigador Ramón y Cajal, Universidad de OviedoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1132522019-03-10T20:02:25Z2019-03-10T20:02:25ZEn souvenir des « liquidateurs » de Tchernobyl<p>Il y a huit ans, le 11 mars 2011, un accident <a href="https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/La_surete_Nucleaire/echelle-ines/Pages/1-criteres-classement.aspx?dId=8a15297f-e5f9-42cd-9765-ed2049203773&dwId=a1de7c68-6d78-4537-9e6a-e2faebed3900">classé 7</a> – soit le plus haut niveau sur l’échelle internationale des événements nucléaires dite <a href="https://www.iaea.org/topics/emergency-preparedness-and-response-epr/international-nuclear-radiological-event-scale-ines">INES</a> – a lieu à la centrale de Fukushima-Daiichi. Il survient dans la foulée du tremblement de terre d’une magnitude de 9,1 et du tsunami qui se sont produits peu avant sur la <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/04/PATAUD_CELERIER/58553">côte pacifique du Japon</a>.</p>
<p>L’intensité du drame de Fukushima n’a sûrement de comparable que celle qui frappa, le 26 avril 1986, la centrale russe de Tchernobyl (Ukraine). Mais si du Japon arrivèrent rapidement les terribles nouvelles, dans le cas de Tchernobyl, les autorités soviétiques mirent tout en œuvre pour dissimuler la gravité de la situation.</p>
<h2>En 1957, un premier désastre dissimulé</h2>
<p>Cette situation n’a rien d’inédit : 30 ans avant Tchernobyl, le 29 septembre 1957, un désastre se produit sur le complexe nucléaire de Maïak, à Kyshtym, dans l’Oural. Rien n’a filtré et ne filtrera avant le milieu des années 1990 – et encore, au compte-gouttes – à propos de cet accident. À Kyshtym, on fabrique du plutonium et c’est là aussi que la première bombe atomique est <a href="http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=983">mise au point en 1949</a>.</p>
<p>L’accident de 1957, classé 6 sur l’échelle INES, est dû à un système de refroidissement défectueux ; ses conséquences demeurent encore aujourd’hui largement sous-estimées, en dépit des 11 000 personnes évacuées et des 20 villages abandonnés.</p>
<p>Orziok, la ville construite à proximité du complexe de Kyshtym et donc hautement contaminée, sera baptisée « City 40 » par les autorités pour davantage de discrétion. Le lac Irtyash situé dans ses environs est surnommé le <a href="https://www.theguardian.com/cities/2016/jul/20/graveyard-earth-inside-city-40-ozersk-russia-deadly-secret-nuclear">« lac de la mort »</a>.</p>
<p>D’autres villes de Russie resteront <a href="https://www.courrierinternational.com/breve/2004/03/11/villes-fantomes-de-la-guerre-froide">longtemps secrètes</a>, coupées du monde, à cause de leurs liens avec le nucléaire.</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande-annonce d’un documentaire consacré à « City 40 ». (Antenna Festival/YouTube, 2016).</span></figcaption>
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<h2>Les gueules noires au secours de Tchernobyl</h2>
<p>Mais qu’a-t-on su et que sait-on aujourd’hui vraiment de ces « liquidateurs » de Tchernobyl, anonymement sacrifiés sur l’autel de la patrie ? Parmi eux, plusieurs centaines, des milliers peut-être, d’ouvriers-mineurs dont personne n’a jamais entendu parler. Héros malgré eux, ces <a href="http://www.cnrtl.fr/definition/stakhanoviste">« stakhanovistes »</a> envoyés pour un sauvetage impossible sont pour beaucoup morts depuis des conséquences de leur intervention sur un site irradié au plus haut degré.</p>
<p>Il faut avoir lu l’ouvrage de la Biélorusse Svetlana Alexievitch, <a href="https://www.actes-sud.fr/actualites/svetlana-alexievitch-prix-nobel-de-litterature-2015">prix Nobel de littérature 2015</a>, <em>La Supplication. Tchernobyl, chroniques du monde après l’apocalypse</em> (1997), pour apprendre au détour d’une page l’implication de ces « gueules noires » dans les <a href="https://www.liberation.fr/planete/2011/03/19/la-lecon-de-tchernobyl-n-a-pas-ete-apprise_722751">travaux désespérés</a>, et finalement inutiles, entrepris en hâte pour tenter de parer au pire.</p>
<p>À la mi-mai 1986, soit quelques semaines après la catastrophe : alors que le réacteur brûle toujours, l’une des solutions envisagées pour tenter de l’éteindre – et éviter une seconde explosion gigantesque – consiste à creuser un tunnel de quelque 170 mètres de long sous le réacteur. Dans ce long couloir, l’installation d’un système permettant de refroidir l’ensemble, grâce à de l’azote liquide, est prévue. Dans le même temps, le renforcement du socle en béton du réacteur devait empêcher la formation de fissures par lesquelles l’eau contaminée pouvait gagner la nappe phréatique du Dniepr.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"724710406892167169"}"></div></p>
<h2>Jetés en enfer</h2>
<p>Pour ces travaux titanesques, les autorités font appel, en urgence et dans le plus grand secret, à des centaines, voire à des milliers de mineurs expérimentés. Les chiffres varient beaucoup selon les sources, qui elles-mêmes ne sont pas nombreuses.</p>
<p>Ces hommes, qui ne savaient ni où ils allaient ni pour quoi y faire, venaient des mines du <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/donetz-donbass/">Donbass</a>, de Toula, de Kiev, de Dniepropetrovsk mais aussi semble-t-il de Moscou, où certains travaillant pour le métro de la ville.</p>
<p>De la mine de Nikouline, près de Toula, arrivent ainsi 450 hommes. Le 14 mai, ce ne sont que les « meilleurs » d’entre eux qui partent, tant les volontaires ont été nombreux ! Ils sont enthousiastes, emportent leurs plus beaux vêtements et pensent qu’ils vont faire la fête. Mais dans l’enfer de Tchernobyl, ils vont travailler dans des conditions terribles : nus dans une chaleur torride, contraints à un rythme effréné – ils doivent pousser des wagonnets d’une tonne et demie toutes les deux minutes – et exposés à des niveaux de radiation très élevé, sans doute aux environs de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%B6ntgen">200 R/h</a>. Le tunnel est finalement abandonné ; le projet de refroidissement se solde par un échec.</p>
<p>On ne connaîtra sans doute jamais avec exactitude les bilans humains des accidents nucléaires de Tchernobyl et de City 40, qu’il faut évaluer sur le très long terme.</p>
<p>Beaucoup de ces liquidateurs, parmi lesquels de très nombreux mineurs ukrainiens développeront des cancers et mourront, âgés de 30 à 40 ans, dans les années qui suivent les évènements. À Tchernobyl, même les robots qui sont mis à contribution sur les lieux du drame afin de soulager les hommes, tombent en panne sous l’effet d’une irradiation trop forte… Le suivi médical de ces hommes laisse presque partout à désirer, même si les situations varient selon les pays, devenus depuis 1989 indépendants de l’URSS.</p>
<p>En 2000, près de 15 ans après la catastrophe de Tchernobyl, une centaine d’anciennes gueules noires de la mine de Nikouline, fermée en 1997, qui avaient pris part aux travaux de creusement du tunnel sous le réacteur, ont fait à pied les 200 km qui séparent leur ville de Moscou. Sur la place Rouge, devant le Kremlin, ils ont <a href="https://www.ina.fr/video/CAB00061652">jeté leurs médailles</a> de héros.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1103118786771775489"}"></div></p>
<h2>Sujet ultra-sensible</h2>
<p>Ces ouvriers auront travaillé des semaines durant avec une totale abnégation, sans aucune protection. Ils ont été sacrifiés à une cause supérieure : empêcher à tout prix une seconde explosion. En guise de compensation, ou « d’incitations matérielles », selon l’expression de l’époque, de très généreuses rations d’alcool leur étaient fournies sur place et des primes de toutes sortes promises : décorations, rente à vie, logement… Des promesses très loin d’avoir toutes été tenues.</p>
<p>En 2000, au moment de leur mouvement de protestation,un tiers des mineurs venus de Toula étaient morts. Ceux encore en vie souffrent, au mieux, de maux de tête ; au pire, ils sont invalides, sans parler de leurs enfants dont certains sont très gravement atteints, notamment de malformations. Il y a aussi les innombrables traumatismes psychologiques. Si les médecins reconnaissent tout cela oralement, ils refusent presque toujours de le certifier par écrit.</p>
<p>Ce que reçoivent les liquidateurs comme compensation paraît dérisoire et ne leur permet ni de se soigner, ni d’acheter les médicaments dont ils ont besoin ; encore moins de vivre décemment. Nombre se plaignent de l’<a href="http://www.journaldelenvironnement.net/article/les-liquidateurs-ces-heros-oublies,69720">indifférence des pouvoirs</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Tchernobyl : les liquidateurs en colère », reportage télé réalisé en 2000. (Ina/YouTube, 2012).</span></figcaption>
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<p>Afin de faire valoir leurs droits, certains ont fondé des associations de au sein desquelles ils se retrouvent, commémorent ce qu’ils ont accompli ensemble et tentent de vaincre l’oubli dont ils font l’objet. Ils s’efforcent aussi de rendre hommage à tous ceux sont morts des conséquences de cette course contre la montre qu’a été le travail des liquidateurs. Enfin, ils tentent de faire en sorte que leurs familles ne soient pas laissées pour compte après leur décès.</p>
<p>N’oublions pas que bon nombre d’entre eux ont été ostracisés après leur retour de Tchernobyl. Considérés comme contaminés, voire pestiférés, certains d’entre eux n’auront jamais pu se marier ni avoir d’enfants. Autant de vies gâchées !</p>
<p>Il y a quelques jours en France, à Cosne-sur-Loire dans la Nièvre, une ville proche de la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire, la projection du film <em>Fukushima, le couvercle du soleil</em>, a été censuré et la <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/japon/fukushima/nievre-un-film-sur-la-catastrophe-de-fukushima-censure-dans-une-commune-qui-heberge-une-centrale-nucleaire_3220981.html">projection annulée</a>.</p>
<p>Le sujet demeure ultra-sensible et l’on se demande si les leçons des catastrophes nucléaires de City 40, Tchernobyl et Fukushima ont été tirées… Mais chacun sait, au plus profond de lui-même que, comme le souligne Svetlana Alexievitch, « le prix à payer pour le progrès, pour une civilisation bâtie sur le confort et l’aisance de l’homme » est très élevé et qu’il peut engager à terme les sociétés sur la voie de leur propre destruction.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/113252/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Diana Cooper-Richet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À l’occasion de l’anniversaire de la catastrophe de Fukushima, retour sur le sort des premiers hommes envoyés à Tchernobyl.Diana Cooper-Richet, Chercheur au Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/931602018-03-10T10:59:42Z2018-03-10T10:59:42ZFukushima, affaire classée ?<p>Sept années après l’accident de Fukushima (survenu le 11 mars 2011), tout ou presque a été dit sur ses causes. Pourtant, les <a href="http://www.cas.go.jp/jp/seisaku/icanps/eng/final-report.html">conclusions des experts</a> ne prêtent que peu d’attention au récit de <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/07/10/masao-yoshida-l-homme-qui-a-evite-le-pire-est-mort_3445319_3244.html">Masao Yoshida</a>, alors directeur de la centrale et décédé en 2013.</p>
<p>Qui sait quelles décisions il a dû prendre pour éviter le pire entre le 11 et le 15 mars 2011 ? <a href="https://hal-mines-paristech.archives-ouvertes.fr/hal-01715922">Son témoignage, disponible en français</a>, remet en cause à lui seul les fondements de la sûreté nucléaire.</p>
<h2>Une catastrophe « Made in Japan »</h2>
<p>L’accident a été rapidement qualifié par la communauté internationale et par les Japonais eux-mêmes comme un accident <a href="https://www.nirs.org/wp-content/uploads/fukushima/naiic_report.pdf"><em> Made in Japan </em></a>, dans le sens où il relève d’un double particularisme : les aléas naturels caractéristiques du Japon (les séismes et les tsunamis) et la culture nipponne dans sa collusion avérée, ou pas, entre les industriels et le pouvoir politique.</p>
<p>La gestion de l’accident, tout à la fois par l’industriel Tepco et par le gouvernement nippon, a été très durement jugée pour son inefficacité. De <a href="https://www-pub.iaea.org/MTCD/Publications/PDF/Pub1710-ReportByTheDG-Web.pdf">graves défaillances</a> dans l’intervention des opérateurs, qui n’ont pu éviter la fusion des réacteurs et les explosions qui s’en sont suivies. Tout au plus reconnaît-on une certaine <a href="https://www.japantimes.co.jp/news/2014/10/09/national/remembering-fukushima-plant-chief-helped-prevent-catastrophe/#.WqM3FufjI2w">forme d’héroïsme</a> des acteurs de terrain.</p>
<p>L’étiquette <em> Made in Japan </em> souligne la faillite d’un système sociotechnique qui se serait tenu bien trop loin des bonnes pratiques de la filière et des normes internationales, celles de l’<a href="https://www.iaea.org/fr">Agence internationale de l’énergie atomique</a> (AIEA). Ainsi, le caractère inéluctable de l’accident et la spécificité de ses causes en feraient étonnamment un cas à part. Sa dimension extraordinaire lui permet d’ailleurs de rejoindre dans l’histoire un autre accident « anormal », <a href="https://theconversation.com/tchernobyl-epidemiologie-dune-catastrophe-58315">celui de Tchernobyl</a> (dû à l’incurie soviétique), confortant <em>de facto</em> l’utopie d’une filière nucléaire « hautement fiable et sûre ».</p>
<p>Les enquêtes et expertises ont été nombreuses : une <a href="http://www.cas.go.jp/jp/seisaku/icanps/eng/final-report.html">commission d’enquête gouvernementale</a> et une <a href="https://www.nirs.org/wp-content/uploads/fukushima/naiic_report.pdf">commission d’enquête parlementaire</a> japonaises, les investigations de l’<a href="https://www-pub.iaea.org/MTCD/Publications/PDF/Pub1710-ReportByTheDG-Web.pdf">AIEA</a>, de la <a href="https://www.nap.edu/catalog/18294/lessons-learned-from-the-fukushima-nuclear-accident-for-improving-safety-of-us-nuclear-plants">NRC américaine</a>, de l’OCDE par l’intermédiaire de l’<a href="https://www.oecd-nea.org/nsd/pubs/2016/7284-five-years-fukushima.pdf">AEN</a>…</p>
<p>Les analyses ont principalement porté sur les conséquences du séisme et du tsunami sur l’installation industrielle, sur la gestion de la crise par l’exploitant et les autorités, sur les modalités de coopération entre les acteurs sur site et hors site (les services de secours et les moyens externes de Tepco). Des dizaines de milliers de pages de rapports ont été rendues publiques. Au final, les autorités concluent unanimement que le seul respect des normes de l’AIEA suffit à garantir la sûreté nucléaire.</p>
<p>Que dire alors des auditions des parties prenantes, plus de mille, demeurées pour la plupart confidentielles ? Ceci n’est pas sans poser un problème au fonctionnement de la démocratie : accepterait-on, en France, que les auditions d’une quelconque commission d’enquête parlementaire ne soient pas rendues totalement publiques ?</p>
<p>Au Japon, il faudra attendre septembre 2014 pour que l’audition du directeur de la centrale de Fukushima Daiichi, Masao Yoshida, à la suite de propos diffamatoires dans la presse, soit enfin révélée. Il s’agit d’un document de plus de quatre cents pages rendant compte de près de vingt-huit heures d’audition.</p>
<h2>Un récit pour réécrire l’histoire</h2>
<p><a href="https://hal-mines-paristech.archives-ouvertes.fr/hal-01715922">L’audition de Yoshida a été traduite en français</a> à l’initiative du Centre de recherche sur les risques et les crises (CRC) de Mines ParisTech. Cette tâche aurait dû incomber à un exploitant de la filière ; cela n’a pas été le cas, au motif certainement que tout avait déjà été dit et résolu par les rapports d’enquête.</p>
<p>La lecture du récit nous ouvre pourtant un nouvel horizon pour penser la gestion d’un tel accident. Naturellement, les enquêteurs qui interrogent Yoshida déroulent une grille préétablie, qui n’a d’autres buts que de valider des hypothèses dont l’ambition est de relier des faits à des justifications purement techniciennes.</p>
<p>Face à cela, Yoshida répond selon un tout autre point de vue. Il place au cœur de ses décisions et de ses actions le rapport devenu violent des hommes – les siens et lui-même – à la technique, plus précisément à des machines (les réacteurs) qui se sont libérées soudainement de l’emprise de l’exploitant.</p>
<p>Dès lors, il ne s’agissait plus de gérer une crise, d’appliquer une procédure, de dérouler un plan A, voire un plan B… d’autant que l’extrême violence de la situation a tout fait voler en éclat. Durant quelques jours, la centrale est devenue une île plongée dans l’obscurité (faute d’électricité et de diesels de secours) et le dénuement quasi total.</p>
<p>En grande partie livrés à eux-mêmes, les opérateurs se sont en quelque sorte retrouvés dans la situation du chasseur primitif qui à tout moment peut devenir la proie. Dans la chaleur étouffante de leur tenue de protection, terrorisés par les répliques sismiques, les intervenants sont à l’écoute du moindre bruit, ils traquent tout indice visuel à défaut de données télémesurées, ils tâtonnent dans les méandres d’un site dévasté et parviennent tant bien que mal à se préserver de la contamination radioactive pour poursuivre leur activité.</p>
<p>Yoshida nous livre ses peurs, ses doutes, ses croyances. Il sublime l’engagement de ses collaborateurs, œuvrant de l’intérieur (au sein de la centrale). Il fustige par contre l’absence et l’incompétence des autres, de tous les autres, ceux de l’extérieur (le siège de Tepco, les forces de secours, le gouvernement, l’autorité de contrôle…).</p>
<p>L’intensité émotionnelle de son témoignage, teintée de tragi-comédie, interpelle, bouscule. Elle fait voler en éclat des rationalités par trop gestionnaires, qui appauvrissent la complexité des situations jusqu’à mépriser ce qui fait humanité. D’autant plus que les travailleurs se retrouvent face à leur propre fin, et bien plus encore, celles de leurs frères d’armes, de leur famille et de tout autre attachement social et identitaire.</p>
<p>Au bout de quatre jours d’une lutte acharnée, le pire (l’explosion des réacteurs de Daiichi et les très probables « sur-accidents » des centrales de Daini et Onagawa toutes proches) a été évité de bien peu, presque miraculeusement.</p>
<p>Face à une catastrophe non advenue, qu’avons-nous appris ? Presque rien…</p>
<h2>Au-delà des marges de sécurité</h2>
<p>Bien évidemment, le <a href="https://www.asn.fr/Informer/Publications/Rapports-de-l-ASN/La-surete-nucleaire-et-la-radioprotection-en-France-en-2012">réexamen des normes de sûreté</a> (les « stress tests ») est utile, comme l’est la construction d’un noyau dur (sorte de ligne Maginot, dressée en rempart contre les agressions externes) ou l’installation de coûteux <a href="http://www.sfen.org/rgn/diesels-ultime-secours-centrales-nucleaires">diesels de secours</a> (les grands oubliés du nucléaire français avant Fukushima, censés fournir de l’électricité aux équipements de sûreté en cas de défaillance des alimentations électriques).</p>
<p>Ces dispositions augmentent sans aucun doute les marges de sécurité. Mais qu’en est-il au-delà ?</p>
<p>La création des « forces spéciales » du nucléaire (la FARN, Force d’action rapide du nucléaire d’EDF) illustre bien cet enjeu. Elles se tiennent prêtes à intervenir pour restaurer – et non liquider – les installations, dans le respect de la loi en matière d’exposition aux radiations… Que feront-elles si la radioactivité dépasse les seuils fixés par le législateur ? Pourra-t-on compter sur leur engagement, comme celui de Yoshida et les siens, tout à la fois héros et victimes sacrifiées d’autorité ou par libre consentement, pour éviter l’apocalypse ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/93160/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Franck Guarnieri ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Retour sur la catastrophe nucléaire qui a touché le Japon en 2011 à travers le témoignage du directeur de la centrale Fukushima Daiichi.Franck Guarnieri, Directeur du Centre de recherche sur les risques et les crises, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/583352016-04-26T04:34:38Z2016-04-26T04:34:38ZNon, Tchernobyl n’est pas devenu une réserve naturelle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/119977/original/image-20160425-22364-1hsshm0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Certaines zones de Tchernobyl où la radioactivité est modérée servent de refuge aux animaux. </span> <span class="attribution"><span class="source">T. Mousseau</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Il y a trente ans à Tchernobyl (Ukraine) – la région relevait à l’époque de l’Union soviétique – se produisait la plus importante catastrophe nucléaire de l’histoire. L’augmentation brutale et incontrôlée de la réaction nucléaire entraîna, le 26 avril 1986, l’explosion du cœur du réacteur, la destruction du bâtiment et un incendie du graphite du réacteur.</p>
<p>Dix jours durant, d’énormes quantités de rejets radioactifs furent relâchées dans l’atmosphère, contaminant de vastes zones en Europe et en Eurasie. L’Agence internationale de l’énergie atomique (<a href="http://www.un.org/fr/disarmament/instruments/iaea.shtml">AIEA</a>) a estimé que Tchernobyl avait rejeté <a href="http://www.iaea.org/inis/collection/NCLCollectionStore/_Public/28/058/28058918.pdf">400 fois plus</a> de substances radioactives que la bombe qui s’abattit sur Hiroshima (Japon) en 1945.</p>
<p>Trois décennies plus tard, on détecte encore la présence de césium radioactif dans certains produits alimentaires. Et de vastes portions d’Europe centrale, de l’Est et du Nord, connaissent de tels taux de radioactivité que les <a href="http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/germany/11068298/Radioactive-wild-boar-roaming-the-forests-of-Germany.html">animaux</a>, plantes et champignons qui s’y trouvent ne sont absolument pas comestibles pour l’homme.</p>
<h2>Comprendre les impacts de la radioactivité</h2>
<p>La toute première bombe atomique explosa à Alamogordo, au Nouveau-Mexique, il y a plus de soixante-dix ans. Depuis, plus de 2 000 essais nucléaires ont été menés, relâchant des <a href="https://www.ctbto.org/nuclear-testing/the-effects-of-nuclear-testing/general-overview-of-theeffects-of-nuclear-testing/">éléments radioactifs dans l’atmosphère</a>. Et plus de <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/risa.12587/full">200 accidents</a> plus ou moins graves se sont produits dans des centrales. Mais les experts continuent de débattre avec passion des conséquences sanitaires et environnementales de tels événements.</p>
<p>Ces dix dernières années, les biologistes ont cependant réalisé de considérables progrès pour rendre compte de la façon dont la radioactivité affecte les plantes, les animaux et les microbes. <a href="http://cricket.biol.sc.edu/chernobyl/Chernobyl_Research_Initiative/Management_Team.html">Mes collègues et moi-même</a> avons étudié ces effets <a href="http://dx.doi.org/doi:10.1093/jhered/esu040">à Tchernobyl et à Fukushima</a> ainsi que dans des <a href="http://dx.doi.org/10.1111/j.1469-185X.2012.00249.x">régions naturellement radioactives</a> du globe.</p>
<p>Nos travaux apportent des éclairages à la fois fondamentaux et inédits sur les conséquences d’une exposition régulière, sur plusieurs générations, à de faibles doses de rayonnements ionisants. Surtout, nous avons constaté que les organismes lésés par ces rayonnements l’étaient de multiples façons. Les effets cumulatifs de ces lésions entraînent un déclin des populations, impactant très négativement la biodiversité dans les zones les plus fortement exposées.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/119690/original/image-20160421-27001-ghokic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/119690/original/image-20160421-27001-ghokic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/119690/original/image-20160421-27001-ghokic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/119690/original/image-20160421-27001-ghokic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/119690/original/image-20160421-27001-ghokic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/119690/original/image-20160421-27001-ghokic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/119690/original/image-20160421-27001-ghokic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le réacteur n°4 de Tchernobyl enfoui dans l’acier et le béton pour limiter la contamination.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/iaea_imagebank/8134337381/in/photolist-doNB7e-dMnMSs-dMnMVd-9dHxb8-dMhewR-4mzugs-9dHE5k-dMnNuC-4mzt2Y-9dLDow-9dGGdR-9dKY23-4mvmR8-9y1Fzm-dMnNdA-9dGS1Z-9xXHvk-9dL2Ro-dMhejZ-9y1Fjo-dMnNxS-dMnN5E-9dGHPz-dMnN6y-dMheMF-dMnNE9-dMheR2-4mvpW4-9xXKuv-9xXHJt-dMnNfm-9xXM16-9Ae2Vq-9y1Hjb-9xXHXz-9xXJrx-4mvoTn-9y1Jys-9y1Gvf-dMnMTC-9xXNDM-9AdGxs-9xXLfv-dMhekM-dMnNiy-9y1K1y-4mviQz-9xXHSi-9xXJQt-9dKPjW">Vadim Mouchkin, IAEA/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<h2>Des effets très importants à Tchernobyl</h2>
<p>Dans la région de Tchernobyl, l’exposition aux rayonnements ionisants a provoqué des <a href="http://dx.doi.org/10.1038/srep08363">dommages génétiques</a> et augmenté les taux de mutation pour nombre d’organismes. À ce jour, nous n’avons que <a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.tree.2016.01.005">très peu d’éléments</a> montrant que certains d’entre eux pourraient évoluer pour devenir plus résistants aux radiations.</p>
<p>L’histoire de l’évolution des organismes est essentielle pour déterminer le degré de leur vulnérabilité au regard des radiations. Dans nos travaux, les espèces ayant montré <a href="http://dx.doi.org/10.1111/j.1420-9101.2010.02074.x">au fil des années</a> de hauts degrés de mutation – comme l’hirondelle rustique (<em>Hirundo rustica</em>), l’hypolaïs ictérine (<em>Hippolais icterina</em>) et la fauvette à tête noire (<em>Sylvia atricapilla</em>) – sont aussi celles dont les populations <a href="http://dx.doi.org/10.1111/j.1420-9101.2010.02074.x">déclinent</a> à Tchernobyl. Notre hypothèse est que les espèces diffèrent dans leur capacité à restaurer l’ADN ; ceci concerne à la fois les taux de substitutions nucléotidiques et la sensibilité à la radiation pour les zones étudiées à Tchernobyl.</p>
<p>Tout comme les survivants des bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki, les <a href="http://dx.doi.org/10.1371/journal.pone.0066939">oiseaux</a> et les <a href="http://dx.doi.org/%2010.1038/srep19974">mammifères</a> de la région souffrent de cataracte et présentent des <a href="http://dx.doi.org/10.1371/journal.pone.0016862">cerveaux plus petits</a>. Ce sont les conséquences directes de l’exposition aux substances radioactives présentes dans l’air, l’eau et la nourriture. Comme les personnes dont on traite un cancer par radiothérapie, la plupart des oiseaux ont des <a href="http://dx.doi.org/10.1098/rsbl.2013.0530">spermatozoïdes déformés</a>. Dans les zones les plus touchées, près de 40 % des oiseaux mâles sont <a href="http://dx.doi.org/10.1371/journal.pone.0100296">totalement stériles</a>, ne possédant aucun sperme ou seulement des spermatozoïdes morts en période de reproduction.</p>
<p><a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.mrgentox.2013.04.019">Des tumeurs</a>, vraisemblablement cancéreuses, s’observent sur les oiseaux présents dans les zones les plus irradiées. On constate de même des anomalies dans le développement de certaines <a href="http://www.bbc.com/news/science-environment-23619870">plantes</a> et <a href="http://www.smithsonianmag.com/arts-culture/chernobyls-bugs-art-and-science-life-after-nuclear-fallout-180951231/?no-ist">insectes</a>.</p>
<p>Étant donné le caractère évident de perturbations d’ordre génétique sur les individus, il n’est pas surprenant que les populations de <a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.ecolind.2010.06.013">nombreux animaux</a> présents dans les zones les plus touchées aient décliné. À Tchernobyl, les principaux groupes que nous avons suivis s’avéraient moins nombreux dans les zones les plus contaminées. Ceci concerne les <a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.biocon.2011.08.009">oiseaux</a>, les <a href="http://dx.doi.org/10.1098/rsbl.2008.0778">papillons, les libellules, les abeilles, les sauterelles, les araignées</a> ainsi que de petits et grands <a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.ecolind.2012.10.025">mammifères</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/119333/original/image-20160419-13901-1xt15gz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/119333/original/image-20160419-13901-1xt15gz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/119333/original/image-20160419-13901-1xt15gz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/119333/original/image-20160419-13901-1xt15gz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/119333/original/image-20160419-13901-1xt15gz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/119333/original/image-20160419-13901-1xt15gz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/119333/original/image-20160419-13901-1xt15gz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carte de la région de Tchernobyl (Ukraine). Notons les caractéristiques de grande hétérogénéité de la radioactivité dans la région. Les zones faiblement touchées offrent un refuge pour la faune.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shestopalov, V.M., 1996. Atlas of Chernobyl exclusion zone. Kiev : Ukrainian Academy of Science.</span></span>
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</figure>
<p>Les espèces ne montrent cependant pas toutes les mêmes tendances au déclin. Nombre d’entre elles, à l’image des loups, témoignent d’une densité de population intacte. Et quelques espèces d’oiseaux semblent plus abondantes dans les zones irradiées. Dans les deux cas, ces données nous informent sur les effets de l’absence de prédateurs pour ces espèces.</p>
<p>Il faut également souligner que de vastes portions de la <a href="http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/Les-accidents-nucleaires/accident-tchernobyl-1986/2016-Tchernobyl-30ans-apres/Pages/4-Tchernobyl-2016-30ans-apres-accident-environnement-zone-exclusion.aspx#.Vx4GIqOLR-g">zone d’exclusion</a> de Tchernobyl sont actuellement peu contaminées, offrant un refuge pour de nombreuses espèces. Une <a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.cub.2015.08.017">étude publiée en 2015</a> décrit le gibier – sangliers et élans notamment – prospérant dans l’écosystème de Tchernobyl. Mais les conséquences des radiations étudiées en Ukraine et à Fukushima, au Japon, montrent que presque tous les organismes exposés en <a href="http://dx.doi.org/10.1093/jhered/esu040">souffrent</a> très sérieusement.</p>
<p>Il y a des exceptions : on sait que les <a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.scitotenv.2016.01.027">antioxydants</a> peuvent protéger l’ADN, les protéines et les lipides des agressions provoquées par les radiations ionisantes. <a href="http://dx.doi.org/10.1111/1365-2435.12283">Certains oiseaux</a> ont ainsi pu s’adapter en modifiant la façon dont leur organisme utilise les antioxydants.</p>
<h2>Des parallèles avec Fukushima</h2>
<p>Nous avons récemment testé la validité de nos travaux conduits à Tchernobyl en les répétant à Fukushima. L’accident survenu à la centrale nucléaire nipponne en 2011 – qui provoqua la fusion du cœur de trois réacteurs – libéra un <a href="http://dx.doi.org/10.1093/jrr/rrv074">dixième</a> de la quantité de déchets radioactifs rejetés lors de la catastrophe de Tchernobyl.</p>
<p>Nous avons trouvé globalement les mêmes tendances de déclin en matière de densité et de <a href="http://dx.doi.org/10.1007/s10336-015-1197-2">diversité</a> de populations d’oiseaux, même si <a href="http://dx.doi.org/10.1007/s10336-015-1173-x">certaines espèces</a> apparaissent plus fragilisées que d’autres. Nous avons également constaté le déclin de certains groupes d’insectes, à l’image des <a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.ecolind.2012.06.001">papillons</a>, ce qui témoigne vraisemblablement de l’<a href="http://dx.doi.org/10.1093/jhered/esu013">accumulation de mutations</a> néfastes sur plusieurs générations.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/tjEHCGUx9JQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La catastrophe de Fukushima en 2011 (vidéo IRSN).</span></figcaption>
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<p>Nos plus récents travaux menés à Fukushima ont bénéficié de méthodes d’analyses sophistiquées des <a href="http://dx.doi.org/10.1038/srep16594">doses de radiation</a> reçues par les animaux. Dans notre plus récent article à ce sujet, nous nous sommes associés à des radioécologistes pour reproduire les doses reçues par quelque 7 000 oiseaux. Le rapprochement effectué entre Tchernobyl et Fukushima apporte la preuve que la radiation est la cause profonde des conséquences observées dans ces deux régions.</p>
<p>Certains membres des organismes de réglementation et de contrôle de la radiation ont été lents à admettre les nuisances des accidents nucléaires sur la faune. Ainsi, le Tchernobyl Forum, parrainé par l’ONU, a avancé l’idée selon laquelle l’accident nucléaire aurait eu des <a href="https://www.iaea.org/sites/default/files/chernobyl.pdf">conséquences positives</a> pour les organismes vivants dans la zone d’exclusion, car il n’y avait plus d’activités humaines. Un <a href="http://www.unscear.org/docs/reports/2013/13-85418_Report_2013_Annex_A.pdf">rapport récent</a> du Comité scientifique des Nations unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants prédit de son côté des conséquences minimes pour la faune et la flore dans la région de Fukushima.</p>
<p>Malheureusement, ces affirmations officielles s’appuient largement sur des prévisions théoriques, ignorant les observations empiriques menées sur la faune et la flore de ces régions. Nos recherches et bien d’autres ont établi que des animaux soumis à toute une série de stress dans la nature sont <a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.jenvrad.2012.01.013">bien plus sensibles</a> aux effets de la radiation que ce que l’on croyait. Si les études de terrain manquent parfois de certains paramètres essentiels à une expérimentation scientifique précise, ils compensent par une description bien plus réaliste des processus naturels.</p>
<p>En mettant l’accent sur l’étude de la radioactivité dans des conditions naturelles et en ayant recours à des organismes vivants, nous avons fait de nombreuses découvertes qui seront utiles lors de futurs <a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.erss.2015.12.026">accidents</a> nucléaires ou d’une <a href="http://www.nuclearterror.org/index.html">action terroriste</a> à l’encontre d’une installation nucléaire. Cette connaissance est impérative si nous voulons protéger, au-delà des seuls êtres humains, les organismes vivants et les écosystèmes de la planète.</p>
<p>Plus de 400 réacteurs nucléaires sont actuellement en fonctionnement dans le monde, 65 nouveaux en construction et quelque 165 autres planifiés. Chaque centrale génère de grandes quantités de déchets nucléaires qu’il faut stocker pour des milliers d’années. Considérant tout cela, de même que la probabilité de futurs accidents et d’attaques terroristes, il est crucial que les scientifiques en sachent le plus possible au sujet des effets des pollutions nucléaires sur l’environnement. À la fois pour gérer les effets d’incidents futurs, évaluer scientifiquement les risques et accompagner le développement énergétique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/58335/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Timothy A. Mousseau a reçu des financements du Samuel Freeman Charitable Trust. Et de précédents financements des National Science Foundation, National Geographic Society et National Institutes of Health.</span></em></p>Quels sont les effets à long terme des accidents nucléaires sur la biodiversité ? Des travaux menés en Ukraine et au Japon détaillent les dommages causés aux mammifères, oiseaux et insectes.Timothy A. Mousseau, Professor of Biological Sciences, University of South CarolinaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.