tag:theconversation.com,2011:/ca/topics/vin-20325/articlesvin – The Conversation2024-03-21T15:41:29Ztag:theconversation.com,2011:article/2253782024-03-21T15:41:29Z2024-03-21T15:41:29ZVignobles bordelais : les investisseurs chinois les ont-ils vraiment négligés ?<p>La vague d’achats de châteaux bordelais par des investisseurs chinois serait-elle terminée ? Plusieurs signes en attestent. Aucun d’entre eux n’a montré son intérêt lors des transactions récentes. De nombreux châteaux sont même mis en vente par les anciens acquéreurs : il y avait une <a href="https://www.francetvinfo.fr/france/nouvelle-aquitaine/gironde/bordeaux/vignoble-bordelais-sur-200-domaines-achetes-par-les-chinois-une-cinquantaine-est-a-vendre_5532906.html">cinquantaine d’offres à saisir fin 2022</a>.</p>
<p>Depuis 2012, plus de 200 acquisitions ont été réalisées par des investisseurs chinois dans le prestigieux <a href="https://theconversation.com/topics/vin-20325">vignoble</a> bordelais, des investisseurs issus principalement de l’élite économique, politique et artistique du pays. Le fondateur d’Alibaba, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/jack-ma-81252">Jack Ma</a>, a, par exemple, racheté plusieurs châteaux, dont le <a href="https://www.terredevins.com/actualites/le-chateau-de-sours-revoit-les-choses-en-grand">Château de Sours</a> dans l’appellation Entre-Deux-Mers ; l’actrice <a href="https://www.vitisphere.com/actualite-94717-les-chateaux-de-zhao-wei-fonctionnent-normalement-malgre-sa-disgrace-en-chine.html">Zhao Wei</a> a, elle, jeté son dévolu sur plusieurs châteaux de l’appellation Saint-Émilion.</p>
<p>Ces transactions impliquant à la fois des membres de l’élite et des actifs prestigieux détonnent dans le monde des <a href="https://theconversation.com/topics/fusion-dentreprise-109223">fusions/acquisitions</a>. Considérées indifféremment comme des « danseuses », des « opérations d’ego », des <a href="https://www.pourleco.com/la-galerie-des-economistes/thorstein-veblen-le-snobisme-et-la-consommation-ostentatoire">« dépenses ostentatoires »</a> ou comme ce que les Anglo-saxons qualifient de « self-interest transactions », ces acquisitions atypiques sont <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/tie.21967">largement décriées par la littérature académique financière</a>. En produisant peu ou pas de synergies et de complémentarités entre la cible et l’acquéreur, elles seraient destructrices de valeur et vouées à l’échec. Les cas de châteaux bordelais <a href="https://www.rts.ch/info/monde/13265418-dans-le-vignoble-bordelais-des-rachats-chinois-au-gout-de-bouchon.html">laissés à l’abandon par leurs propriétaires chinois</a>, dont la presse et la télévision se font l’écho, vont dans le sens de cette perception négative, largement répandue dans l’opinion publique.</p>
<iframe width="100%" height="315" src="https://www.rts.ch/play/embed?urn=urn:rts:video:13265284&subdivisions=false" allowfullscreen="" allow="geolocation *; autoplay; encrypted-media"></iframe>
<p><em>Reportage de la RTS, novembre 2023.</em></p>
<p>À y regarder de plus près cependant, ces investissements chinois dans le Bordelais sont loin d’être tous des échecs. C’est ce que nous montrons dans un <a href="https://www.researchgate.net/publication/362930206_In_vino_vanitas_Social_dynamics_and_performance_of_Chinese_chateau_acquisitions_in_the_Bordeaux_vineyards">travail de recherche récent</a> qui analyse les suites de 123 acquisitions entre 2008 et 2015.</p>
<h2>Quelle intention d’achat ?</h2>
<p>Une approche sociologique nous a permis de montrer que certaines de ces transactions créent de la valeur tant d’un point de vue économique que social et symbolique. Donnant l’occasion de se distinguer socialement, ces biens sont acquis pour le prestige accru qu’ils confèrent à leurs détenteurs et qui permet de se hisser au plus haut dans l’échelle sociale.</p>
<p>Considérant ces acquisitions de châteaux viticoles comme le prolongement d’une partie d’eux-mêmes, les nouveaux propriétaires leur accordent un soin tout particulier. Ils s’investissent ainsi pleinement dans la rénovation de la propriété, l’entretien des chais et, avant tout, la confection du vin. Nous avons pu constater de nombreux exemples d’investissements significatifs dans de nouveaux outils de vinification, un recours aux meilleurs œnologues comme Michel Rolland et Stéphane Derenoncourt, et un renouvellement du vignoble pour des domaines souvent à bout de souffle. Ces acquisitions ont souvent sauvé des exploitations de la banqueroute en même temps que s’améliorait la qualité du vin.</p>
<p>Le <a href="https://www.hachette-vins.com/">Guide Hachette des Vins</a> qui couvre l’ensemble des vignobles AOC français montre même des progressions significatives pour les vins produits par certaines de ces propriétés détenues par l’élite chinoise. Ainsi en est-il des productions du couple Andrew et Melody Kuk qui ont acquis la propriété <a href="https://www.sudouest.fr/vin/investisseurs-chinois-a-pomerol-les-epoux-kuk-reaffirment-leur-attachement-au-terroir-17148857.php">La Commanderie à Pomerol</a> en 2013. Ayant fait fortune dans la finance et l’événementiel à Hongkong, ils ont renouvelé l’outil de vinification ainsi que procédé à la réfection du bâtiment de la propriété. Après quelques années, le vin de ce domaine qualifié de « belle endormie » est régulièrement présent dans les classements des meilleurs vins bordelais.</p>
<p>Ces types d’acquisitions intégrées à une stratégie d’ascension sociale apparaissent très éloignés des quelques rachats conduits par des milliardaires chinois, qui concentrent pourtant l’essentiel de l’attention des médias. Déjà au sommet de la hiérarchie sociale, ces acquéreurs s’impliquent peu dans leurs propriétés viticoles et changent fréquemment de violons d’Ingres car leur rang social ne dépend pas de la performance de leurs acquisitions. Il en résulte dans ce cas effectivement des performances souvent dégradées.</p>
<p>Statistiquement, nous observons bien cette corrélation significative entre stratégies d’ascension sociale et amélioration de la qualité du vin dans les classements.</p>
<h2>Dans le vin comme ailleurs</h2>
<p>Notre approche apporte plus généralement des clés de compréhension des motivations de ces « acquisitions ostentatoires » conduites à l’échelle internationale par les élites économiques, sportives et artistiques. Ce concept est né à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, dans les travaux de l’économiste <a href="https://www.pourleco.com/la-galerie-des-economistes/thorstein-veblen-le-snobisme-et-la-consommation-ostentatoire">Thorstein Veblen</a> qui observait les dépenses de la classe supérieure américaine. Certains comportements d’achat de ces élites ne semblent pas logiques du point de vue de la science économique mais s’inscrivent pleinement dans des stratégies d’affirmation ou de réaffirmation sociale.</p>
<p>Se concentrant dans des secteurs tels que le sport, l’hôtellerie et l’immobilier de luxe, ces acquisitions de prestige sont le fait d’investisseurs individuels très fortunés (« High-Net-Worth Individuals ») dont le nombre est estimé à 22 millions dans le monde et dont la richesse cumulée approcherait les <a href="https://www.capgemini.com/insights/research-library/world-wealth-report/">83 000 milliards de dollars</a>. Ils sont de plus en plus nombreux, conséquence des politiques néolibérales depuis la fin des années 1970, de l’effondrement de l’URSS et de l’ascension des pays émergents.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Une partie de cette fortune est consacrée à des <a href="https://www.enograf.com/media/pdf/Profit%20ili%20zadovoljstvo%20-%20kompletan%20izvestaj.pdf">acquisitions de prestige</a>. Ainsi, les grands clubs de football, Paris Saint-Germain et Manchester City, sont détenus par les fonds d’investissement souverains en lien avec les familles régnantes qatariennes et émiraties, et, il y a encore peu, le Chelsea FC l’était par l’oligarque russe, Roman Abramovitch. Concernant l’hôtellerie, les palaces tels que le Bristol, le George V et le Meurice appartiennent à des personnalités fortunées étrangères, respectivement le groupe familial allemand Oetker, le prince saoudien Al-Walid Ben Talal Al Saoud et le sultan de Brunei.</p>
<p>Autant de personnalités dont la fortune ne provient pas du secteur concerné par leurs acquisitions et qui ont conduit ces acquisitions dans le but d’accéder ou de réaffirmer leur affiliation à l’élite internationale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225378/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Xavier Meschi est président de l'association Atlas-AFMI (Association Francophone de Management International)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alexandre Bohas ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Contrairement aux idées reçues, seule une minorité de vignobles bordelais rachetés par des investisseurs chinois a connu des suites négatives.Alexandre Bohas, Professeur d'Affaires internationales, ESSCA School of ManagementPierre-Xavier Meschi, Professeur des Universités en sciences de gestion, Affillié à Skema Business School, IAE Aix-Marseille Graduate School of Management – Aix-Marseille UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2231112024-02-11T14:44:56Z2024-02-11T14:44:56ZQu’arrive-t-il à votre foie quand vous arrêtez de boire de l’alcool ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/574337/original/file-20240111-25-sxzwan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4021%2C2678&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Arrêter de boire réduit le risque de contracter une maladie grave comme un cancer ou une pathologie cardiovasculaire.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/stop-alcohol-concept-person-refuse-drink-1518344570">Pormezz/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Dans la mythologie grecque, Zeus punit Prométhée pour avoir donné le feu aux humains. Il l'enchaîna et demanda à un aigle de se régaler de son foie. Chaque nuit, le foie repoussait et, chaque jour, l’aigle revenait pour son festin. En réalité, un foie peut-il vraiment repousser ?</p>
<p>Le foie est le plus grand organe interne du corps humain. Il est nécessaire à des centaines de processus corporels, notamment pour décomposer les toxines comme l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/alcool-26411">alcool</a>. Comme il s’agit du premier organe à « voir » l’alcool qui vient d’être consommé, il n’est pas surprenant qu’il soit le plus sensible aux effets de l’alcool. Toutefois, d’autres organes, notamment le cerveau et le cœur, peuvent également être endommagés par une consommation excessive d’alcool sur le long terme.</p>
<p>En tant que spécialiste du foie, je rencontre tous les jours des personnes atteintes d’une maladie hépatique liée à l’alcool. Le <a href="https://www.centre-hepato-biliaire.org/maladies-foie/alcool-et-foie.html">spectre de ces maladies</a> s’étend de la formation de graisse dans le foie (stéatose hépatique) à la formation de lésions (cirrhose). Ces maladies ne provoquent généralement aucun symptôme tant que les dommages n’ont pas atteint un stade très avancé.</p>
<p>Au début, l’alcool rend le foie gras. Cette graisse provoque une inflammation du foie. En réaction, celui-ci tente de se soigner en produisant du tissu cicatriciel. Si ce phénomène se poursuit sans contrôle, l’ensemble du foie peut devenir un maillage de cicatrices entre lesquelles se trouvent de petits îlots de « bon » foie : c’est la <a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/cirrhose-foie/cirrhose-foie-definition-causes">cirrhose</a>.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Aux derniers stades de la cirrhose, lorsque le foie est défaillant, les malades peuvent devenir jaunes (jaunisse), se gonfler de liquide et devenir somnolents et confus. Cette situation est grave et peut être fatale.</p>
<p>La plupart des personnes qui boivent régulièrement plus que la limite recommandée de 14 unités d’alcool par semaine (environ six pintes de bière de force normale (4 % d’alcool) ou environ six verres moyens (175 ml) de vin (14 % d’alcool) auront une stéatose hépatique. Une consommation importante et à long terme d’alcool augmente le risque de développer une cicatrisation et une cirrhose.</p>
<p>(<em>Le site <a href="https://jeunes.alcool-info-service.fr/alcool/boissons-alcoolisees">Alcool Info Service </a>explique que l’indication en degré (°) ou en pourcentage (%) pour une boisson alcoolisée correspond à la quantité d’alcool pur contenue dans 100 ml de boisson. Si une boisson fait 35° (ou est concentrée à 35 %), cela signifie que 100 ml de cette boisson contiennent 35 ml d’alcool pur. Plus le degré ou le pourcentage est élevé, plus la boisson est concentrée en alcool pur, ndlr.</em>)</p>
<p>(<em>Les repères de consommation d'alcool préconisés en France par <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/alcool/documents/article/de-nouveaux-reperes-de-consommation-d-alcool-pour-limiter-les-risques-sur-sa-sante#:%7E:text=Les%20nouveaux%20rep%C3%A8res%20de%20consommation,sans%20consommation%20dans%20une%20semaine.">Santé publique France</a> sont les suivants : ne pas consommer plus de dix verres standard par semaine ; ne pas consommer plus de deux verres par jour ; avoir des jours sans consommation dans une semaine, ndlr.</em>)</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un homme atteint de jaunisse baisse une paupière." src="https://images.theconversation.com/files/568934/original/file-20240111-17-txmq0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568934/original/file-20240111-17-txmq0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568934/original/file-20240111-17-txmq0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568934/original/file-20240111-17-txmq0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568934/original/file-20240111-17-txmq0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568934/original/file-20240111-17-txmq0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568934/original/file-20240111-17-txmq0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le jaunissement de la peau et des yeux est le signe d’un foie endommagé.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/liver-disease-young-man-face-yellowish-1898063578">Creative Cat Studio/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Bonnes nouvelles</h2>
<p>Heureusement, il y a de bonnes nouvelles. Chez les personnes souffrant de stéatose hépatique, après seulement deux à trois semaines d’arrêt de consommation d’alcool, le foie peut guérir et semble fonctionner <a href="https://arcr.niaaa.nih.gov/volume/41/1/natural-recovery-liver-and-other-organs-after-chronic-alcohol-use">aussi bien que s'il était tout neuf</a>.</p>
<p>Chez les personnes souffrant d’une inflammation du foie ou de légères lésions, même sept jours après l’arrêt de la consommation d’alcool, on observe une réduction notable de la <a href="https://www.mdpi.com/2072-6643/13/5/1659">graisse, de l’inflammation et du tissu cicatriciel</a> au niveau du foie. L’arrêt de la consommation d’alcool pendant plusieurs mois permet au foie de guérir et de revenir à la normale.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/alcoolisme-quelles-sont-les-regions-du-cerveau-qui-recuperent-apres-une-periode-dabstinence-99414">Alcoolisme : quelles sont les régions du cerveau qui récupèrent après une période d’abstinence ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Chez les gros buveurs qui présentent des lésions plus graves ou qui souffrent d’une insuffisance hépatique, l’arrêt de la consommation d’alcool pendant plusieurs années réduit le risque <a href="https://www.cghjournal.org/article/S1542-3565(22)01113-2/fulltext">d’aggravation de l’insuffisance hépatique et de décès</a>. Cependant, les personnes qui boivent beaucoup peuvent être physiquement dépendantes de l’alcool et arrêter brusquement peut conduire à un <a href="https://www.alcool-info-service.fr/alcool/traitement-alcoolisme/sevrage-alcoolique">sevrage alcoolique</a>.</p>
<p>Dans sa forme légère, le <a href="https://www.addictaide.fr/sevrage-alcoolique-comment-y-parvenir/">sevrage alcoolique</a> provoque des tremblements et des sueurs. Mais s’il est sévère, il peut provoquer des hallucinations, des crises et même la mort. Le sevrage brutal n’est jamais recommandé aux grands buveurs qui doivent consulter un médecin pour savoir comment arrêter l’alcool en toute sécurité.</p>
<h2>D’autres bénéfices</h2>
<p>L’arrêt de la consommation d’alcool a également des effets positifs sur le <a href="https://dryjanuary.fr/lapplication-try-dry/">sommeil, les fonctions cérébrales et la tension artérielle</a>.</p>
<p>Éviter l’alcool pendant de longues périodes réduit également le risque de plusieurs types de <a href="https://www.e-cancer.fr/Comprendre-prevenir-depister/Reduire-les-risques-de-cancer/Alcool">cancer</a> (notamment du foie, du pancréas et du côlon) et le risque de <a href="https://www.alcool-info-service.fr/Alcool/Home-Professionnels/Alcool-Sante/les-risques/cardiovasculaires">maladies cardiaques et d’accidents vasculaires cérébraux</a>.</p>
<p>Cependant, l’alcool n’est pas le seul facteur en cause quand on est en mauvaise santé. L’abandon de l’alcool présente de nombreux bénéfices pour la santé, mais ce n’est pas la panacée. Il doit être intégré dans un mode de vie sain, qui inclut une alimentation équilibrée et la pratique régulière d’activité physique.</p>
<p>Ainsi, pour répondre à la question posée par le mythe de Prométhée, le foie a le pouvoir étonnant de se réparer après avoir été endommagé. Mais il ne peut pas repousser à l’identique s’il a déjà été gravement endommagé.</p>
<p>Si vous arrêtez de boire et que vous n’avez qu’un foie gras, il peut rapidement redevenir normal. Si vous avez un foie cicatriciel (cirrhose) au départ, l’arrêt de l’alcool permettra une certaine guérison et une amélioration de la fonction, mais tous les dommages déjà causés ne pourront pas être réparés.</p>
<p>Si vous voulez prendre soin de votre foie, ne buvez pas d’alcool. Mais si vous êtes amenés à boire, consommez avec modération et passez deux ou trois jours sans boire d’alcool par semaine. Ainsi, vous n’aurez pas à compter sur le pouvoir magique d’autoguérison du foie pour rester en bonne santé.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/alcool-et-si-vous-faisiez-le-point-221664">Alcool : et si vous faisiez le point ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<img src="https://counter.theconversation.com/content/223111/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ashwin Dhanda ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le foie possède un remarquable pouvoir d’autoguérison. Mais quand on consomme trop d’alcool, cette guérison atteint ses limites. Un foie trop endommagé ne retrouvera pas son aspect initial.Ashwin Dhanda, Associate Professor of Hepatology, University of PlymouthLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2216642024-01-30T16:12:02Z2024-01-30T16:12:02ZAlcool : et si vous faisiez le point ?<p>Que l’on ait, ou pas, relevé le <a href="https://theconversation.com/alcool-et-dry-january-relever-le-defi-de-janvier-est-toujours-benefique-meme-en-cas-dechec-220556">#DefiDeJanvier</a> (adaptation en français du terme anglo-saxon « Dry January ») également appelé « Mois sans alcool », cet évènement aura été l’occasion de faire le point sur sa consommation d’alcool.</p>
<p>En pratique, tout au long de l’année, on peut continuer à télécharger l’application <a href="https://dryjanuary.fr/lapplication-try-dry/">Try Dry</a> de #DryJanuaryFrance soutenue, entre autres, par la Fédération Addiction, un réseau d’associations et de professionnels de l’addictologie.</p>
<p>Cette application permet d’évaluer sa consommation d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/alcool-26411">alcool</a> de manière simple, en répondant au questionnaire AUDIT pour <strong>A</strong>lcohol <strong>U</strong>se <strong>D</strong>isorder <strong>I</strong>nventory <strong>T</strong> (en français, « test pour faire l’inventaire des troubles liés à l’usage d’alcool »). Le questionnaire est également mis à disposition en ligne par le <a href="https://www.addictaide.fr/parcours/audit/">Fonds Addict’AIDE</a>.</p>
<p>En fonction des résultats, il conviendra de se tourner vers son médecin traitant ou un autre professionnel de santé.</p>
<h2>Évaluer sa consommation d’alcool en 10 questions</h2>
<p>Simple et court – puisqu’il ne comprend que dix questions –, le questionnaire AUDIT est <a href="https://ijadr.org/index.php/ijadr/article/view/222">validé internationalement</a>. Comme son nom l’indique, ce test évalue votre consommation d’alcool mais aussi votre de risque de présenter un trouble associé à cette consommation, via un score qui vous est attribué une fois que vous avez répondu à toutes les questions.</p>
<p>Les trois premières questions traitent de la <em>consommation</em> du patient : sa fréquence, le nombre de verres d’alcool par occasion de boire, etc.</p>
<p>Les questions de 4 à 6 s’intéressent à la <em>dépendance à l’alcool</em> : la perte de contrôle, l’impossibilité de remplir ses obligations et le besoin d’alcool dès le matin ;</p>
<p>Enfin, les questions de 7 à 10 ciblent les <em>problèmes liés à l’alcool</em> : le sentiment de culpabilité, les regrets après avoir bu, les trous noirs ou <a href="https://theconversation.com/black-out-quand-les-souvenirs-se-dissolvent-dans-lalcool-129045">« black-out »</a> (quand on ne se souvient pas des évènements de la veille), le fait de s’être blessé ou avoir blessé quelqu’un (du fait de sa consommation) et d’avoir reçu des conseils pour réduire sa consommation.</p>
<p>Si le score est supérieur ou égal à 7 chez l’homme, et supérieur ou égal à 6 chez la femme, cela signifie qu’il y a un risque que la personne soit concernée par ce que l’on appelle « un trouble lié à l’usage de l’alcool ». Ce risque sera d’autant plus important que le score sera élevé.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Capture d’écran de la page destinée à l’alcool du site Addict’AIDE, le village des addictions." src="https://images.theconversation.com/files/571953/original/file-20240129-15-aq22bi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571953/original/file-20240129-15-aq22bi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571953/original/file-20240129-15-aq22bi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571953/original/file-20240129-15-aq22bi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571953/original/file-20240129-15-aq22bi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571953/original/file-20240129-15-aq22bi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571953/original/file-20240129-15-aq22bi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Addictaide.fr est un portail qui permet aux personnes dépendantes, notamment à l’alcool, et à leurs proches de trouver des outils et des ressources pour ne plus être seuls face à l’addiction.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Trop de personnes dépendantes à l’alcool dans le déni</h2>
<p>Quand on aborde la question de l’alcool, l’image de l’ivrogne, de l’alcoolique décrit par l’écrivain Émile Zola reste bien ancrée en France. Et du fait de l’évolution des modes de consommation d’alcool – moins d’alcool régulier au cours des repas, plus d’alcoolisations ponctuelles importantes un à deux jours par semaine – de nombreux patients sont dépendants de l’alcool sans en avoir conscience et rejettent cette idée.</p>
<p>Ceci est particulièrement vrai pour les jeunes adultes qui présentent plusieurs critères de dépendance à l’alcool et sont dans le déni. Cette façon de consommer de l’alcool semble également en <a href="https://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2024/2/2024_2_1.html">augmentation chez les femmes de plus de 35 ans</a>.</p>
<p>Le phénomène n’épargne pas non plus les adolescents et ce, dès le collège. Selon une <a href="https://www.ofdt.fr/publications/collections/resultats/les-usages-de-substances-psychoactives-chez-les-collegiens-et-lyceens-resultats-enclass-2022/">enquête qui vient d’être publiée en 2024</a>, les épisodes d’alcoolisation ponctuelle importante concerneraient une part non négligeable des adolescents, dès les classes de 4<sup>e</sup> et de 3<sup>e</sup> au collège et un nombre important de lycéens.</p>
<p>Dans tous les cas, considérer les alcoolisations ponctuelles massives (terme préféré à l’anglicisme « binge drinking »), répétées deux à trois fois par semaine, comme une forme de dépendance à l’alcool pourra inciter certaines personnes concernées à modifier leur comportement et à réduire leur consommation.</p>
<p>La maladie alcoolique englobe la dépendance à l’alcool et les conséquences sur le plan physique et psychiatrique à moyen et à long terme. Considérer un alcoolique – le terme est, et reste, péjoratif – comme un malade à part entière est indispensable.</p>
<h2>Le trouble lié à l’usage de l’alcool (TUA)</h2>
<p>Dans la V<sup>e</sup> version du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (<a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2023-10/fiche_3.detecter_un_trouble_de_lusage_dalcool_tua__le_dsm-5.pdf">DSM V-TR</a>), la notion d’abus et dépendance a été supprimée. Aujourd’hui, on considère qu’ il existe un continuum avec un trouble <em>léger</em>, <em>modéré</em>, puis <em>sévère</em> lié à l’usage de l’alcool ou TUA, selon le nombre de critères de dépendance présents (au cours des 12 derniers mois).</p>
<p>En pratique, certains signes doivent alerter : une consommation quotidienne importante d’alcool, un comportement violent, des retentissements sur la vie familiale, sociale, professionnelle… Sur le plan physique, des sueurs ou tremblements le matin, des troubles du sommeil ou encore une <a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/hypertension-arterielle-hta/definition-facteurs-favorisants">hypertension artérielle</a> peuvent être évocateurs d’un troublé lié à l’usage de l’alcool.</p>
<p>Malheureusement, la consommation d’alcool est rarement abordée lors des consultations de médecine générale, alors que cela devrait être systématique, comme pour le tabac. On rappellera que le tabac et l’alcool représentent deux facteurs de risque responsables, respectivement, de <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2021/tabac-en-france-premieres-estimations-regionales-de-mortalite-attribuable-au-tabagisme-en-2015">75 000</a> et <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2020/consommation-d-alcool-en-france-ou-en-sont-les-francais">41 000 morts évitables chaque année en France</a>.</p>
<p>Il est essentiel de procéder à un <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2021-02/reco403_fiche_outil_2021_alcool_cannabis_tabac_cd_2021_02_11_v0.pdf">repérage précoce suivi d’une intervention brève</a> (notamment une évaluation des risques). Il est également primordial d’assurer un accompagnement durable afin de favoriser la réduction ou l’arrêt de la consommation d’alcool !</p>
<h2>Un TUA associé à des complications médicales et psychosociales</h2>
<p>La consommation chronique d’alcool est à l’origine de <a href="https://www.alcoologie-et-addictologie.fr/index.php/aa/article/download/556/241/">nombreuses pathologies</a> associées <a href="https://hal-lara.archives-ouvertes.fr/hal-01570661/document">au TUA</a> : <a href="https://www.cancer-environnement.fr/fiches/nutrition-activite-physique/alcool-et-cancer/">cancers</a>, maladies de l’<a href="https://www.stop-alcool.ch/fr/l-appareil-digestif">appareil digestif</a>, <a href="https://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/168/?sequence=15">du cœur et des vaisseaux</a>, <a href="https://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/168/?sequence=11">du système nerveux</a>, des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0761842518301293">poumons</a>, etc.</p>
<p>Les conséquences sanitaires, sociales et économiques liées à la consommation d’alcool sont également majeures. Elle est à l’origine de <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-de-psychologie-sociale-2014-1-page-5.htm">violences</a> et d’accidents, sachant qu’un <a href="https://www.ofdt.fr/statistiques-et-infographie/series-statistiques/alcool-evolution-des-accidents-mortels-de-la-route/">accident mortel sur quatre sur la route</a> est attribué à l’alcool. Quant au coût économique, il est estimé à <a href="https://addictions-france.org/articles/cout-social-des-drogues-et-priorites-de-laction-publique/">102 milliards d’euros</a>.</p>
<h2>Un accompagnement anonyme, gratuit et dans la durée en centres de soins</h2>
<p>Il est important de faire le point avec un professionnel du champ sanitaire et social, afin d’assurer une prise en charge médico-psycho-sociale adaptée à chacun.</p>
<p>L’accompagnement par un médecin (généraliste, spécialiste), une structure de soins spécialisée en alcoologie ou une association d’entraide va permettre de prendre conscience de cette pathologie et de mettre en place un objectif d’abstinence ou de réduction de la consommation d’alcool.</p>
<p>Les Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) présentent plusieurs spécificités : pluridisciplinarité des équipes (médecins, infirmiers, psychologues, professionnels socio-éducatifs, patients experts), accompagnement dans la durée, gratuité et possibilité d’anonymat. Ils sont financés par l’Assurance maladie et gérés soit par des associations, soit par des établissements publics de santé. </p>
<p>Ces centres s’adressent aux personnes ayant un TUA, ainsi qu’à leur entourage, qui peuvent les contacter directement. Mais la personne concernée peut aussi être orientée par son médecin. En charge de l’accueil, de l’information et de la prévention, les équipes pluridisciplinaires assurent aussi la prise en charge médicale, psychologique, sociale et éducative ainsi qu’un rôle d’orientation.</p>
<p>On peut trouver une liste de centres de soins proches de chez soi via <a href="https://drogues-info-service.fr/Les-drogues-et-vous/L-arret/Je-souhaite-me-faire-aider">Drogues-Info-Service</a> en indiquant son adresse, sa ville ou son département. Également par l’intermédiaire de l’<a href="https://www.addictaide.fr/alcool/annuaire/">annuaire</a> du portail Addict’AIDE.</p>
<h2>Des consultations d’addictologie et séjours à l’hôpital</h2>
<p>En fonction de l’intensité du TUA et de l’existence de complications sur le plan physique, psychologique ou psychiatrique, une hospitalisation pourra être nécessaire dans des structures hospitalières spécialisées.</p>
<p>Selon les territoires, les compétences d’addictologie sont présentes dans différents types d’établissements et le patient peut y recourir spontanément ou dans le cadre de son <a href="https://www.ameli.fr/assure/remboursements/etre-bien-rembourse/medecin-traitant-parcours-soins-coordonnes">parcours de soins</a>,en passant par son médecin traitant.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Capture d’écran de la page d’accueil du site Alcool-Info-Service.fr. Est inscrit son numéro 0980 980 930" src="https://images.theconversation.com/files/571946/original/file-20240129-19-uo2hen.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571946/original/file-20240129-19-uo2hen.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571946/original/file-20240129-19-uo2hen.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571946/original/file-20240129-19-uo2hen.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571946/original/file-20240129-19-uo2hen.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571946/original/file-20240129-19-uo2hen.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571946/original/file-20240129-19-uo2hen.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les personnes concernées par un problème avec l’alcool, ou leurs proches, peuvent solliciter Alcool Info Service, le service national d’aide à distance en matière d’alcool et de dépendances, par tchat ou téléphone 7j/7 au 0980 980 930 (appel anonyme et non surtaxé).</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il est également possible de se rendre à des consultations d’addictologie. On peut aussi se rapprocher de ce que l’on appelle les équipes de liaison et de soin en addictologie (<a href="https://sante.gouv.fr/prevention-en-sante/addictions/article/les-equipes-de-liaison-et-de-soins-en-addictologie-elsa">ELSA</a>). Elles interviennent auprès des patients, aux urgences et pendant une hospitalisation, en soutien aux équipes soignantes, quand un problème avec l’alcool est mis en évidence.</p>
<p>Une hospitalisation de jour – la personne vient le jour à l’hôpital et rentre chez elle le soir – dans un service hospitaliser d’addictologie peut être envisagée. Cela permet de mener une évaluation pluridisciplinaire de la situation des patients, d’élaborer des projets thérapeutiques individualisés et de proposer des prises en charge adaptées.</p>
<p>L’hospitalisation de jour peut survenir de prime intention ou au décours d’une hospitalisation, également en situation de crise pour des patients connus. L’accompagnement proposé favorise le lien environnemental et familial.</p>
<p>Quant à l’hospitalisation complète en addictologie, elle peut être mise en place, en urgence ou de manière programmée, pour un sevrage, une évaluation ou pour des complications et/ou d’autres pathologies associées sur le plan physique ou psychiatrique.</p>
<p>Enfin, il existe des services de soins de suite et de réadaptation en addictologie. Ils accueillent les personnes, en relais d’une hospitalisation ou en accès direct, afin de réduire ou de prévenir les conséquences fonctionnelles, physiques, cognitives, psychologiques et sociales, et faciliter la réadaptation pour les patients.</p>
<h2>Le traitement du trouble lié à l’usage de l’alcool</h2>
<p>L’objectif du traitement du trouble lié à l’usage de l’alcool est soit l’abstinence (arrêt total de la consommation d’alcool), le sevrage alcoolique (sachant qu’un sevrage complet conduit à l’abstinence), soit la réduction de la consommation (fréquence et quantité d’alcool consommé). Il dépendra de la sévérité du trouble et de l’existence de complications qui peuvent nécessiter l’arrêt de toute consommation d’alcool.</p>
<p>Des <a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/medicaments/utiliser-recycler-medicaments/medicaments-contre-la-dependance-l-alcool-0">médicaments peuvent aussi aider</a> au maintien de l’abstinence, à la prévention de la rechute ou à la réduction de la consommation, en complément d’un accompagnement psychothérapeutique.</p>
<p>En 2023, la Société française d’alcoologie a mis à jour ses <a href="https://sfalcoologie.fr/wp-content/uploads/RECOS-SFA-Version-2023-2-2.pdf">recommandations concernant le mésusage d’alcool</a>. Elle y détaille l’accompagnement psychothérapeutique, qui va des interventions brèves à l’entretien motivationnel, en passant par les thérapies cognitives et comportementales (TCC) et les <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2023-10/guide_agir_en_premier_recours_pour_diminuer_le_risque_alcool.pdf">psychothérapies</a> d’inspiration analytique, familiale ou basées sur les compétences psychosociales.</p>
<p>Nous ne sommes pas tous égaux face à la maladie alcoolique, qui est complexe et multifactorielle : les facteurs de vulnérabilité sont nombreux, et la prise en charge sera adaptée à chacun.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221664/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Arvers est administrateur de la SFT, de l'IRAAT et de l'IREPS ARA.</span></em></p>Une consommation élevée d’alcool peut conduire à un trouble de l’usage de l’alcool qui peut être associé à de graves complications. D’où l’importance de faire le point et de se faire suivre si besoin.Philippe Arvers, Médecin addictologue et tabacologue, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2221722024-01-30T16:07:03Z2024-01-30T16:07:03ZLe « sans alcool » est-il l’avenir du vin ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/571850/original/file-20240129-17-ktt8yc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C9%2C2044%2C1517&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les bouteilles à teneur en alcool inférieure à 0,5° sont aujourd’hui plus chères à produire que le vin avec alcool.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jeepersmedia/14825442973">Flickr/Mike Mozart</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Une <a href="https://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2024/2/pdf/2024_2.pdf">étude</a> de Santé publique France parue le 23 janvier dernier souligne la baisse marquée de la consommation d’alcool par les Français et la montée en puissance de la pratique du <a href="https://theconversation.com/alcool-et-dry-january-relever-le-defi-de-janvier-est-toujours-benefique-meme-en-cas-dechec-220556">Dry January</a> (le « Défi de janvier » qui consiste à ne pas boire d’alcool le premier mois de l’année, né en Angleterre en 2012).</p>
<p>En parallèle, au cours de ce mois de janvier débute <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/face-a-la-crise-du-vin-rouge-de-bordeaux-10-000-hectares-de-vignes-doivent-etre-detruits-8222852">l’arrachage de près de 10 000 hectares de vignes</a> à Bordeaux, <a href="https://theconversation.com/vins-en-peril-dans-le-bordelais-larrachage-est-une-fausse-bonne-solution-206238">symbole du désarroi d’une filière vitivinicole à l’agonie</a>. L’antagonisme entre les acteurs de cette filière et les hygiénistes s’en trouve encore renforcé. Il existe pourtant une porte de sortie à la crise viticole compatible avec les critères sanitaires les plus stricts. C’est la désalcoolisation du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vin-20325">vin</a>.</p>
<p>La <a href="https://www.sudouest.fr/economie/conso-distribution/sans-alcool-le-marche-qui-s-affole-16098660.php">bière a déjà en partie fait sa mue</a>, tandis que les <a href="https://www.strategies.fr/actualites/marques/LQ2475824C/vins-et-spiritueux-sans-alcool-ont-la-cote.html">spiritueux s’y mettent</a>. Dans ces deux secteurs, le segment « sans alcool » connait une forte croissance ces dernières années, notamment auprès des plus de 40 ans qui souhaitent réduire leur consommation d’alcool, mais aussi des jeunes, dans les marchés les plus matures sur les questions de santé (Europe, Amérique du Nord).</p>
<p>Selon l’organisme Statista, la part du « sans alcool » dans le marché mondial de la bière atteindrait ainsi <a href="https://www.statista.com/outlook/cmo/alcoholic-drinks/beer/non-alcoholic-beer/worldwide">5,5 % en 2024</a>. Face à ce succès, la filière vin commence à s’y intéresser sérieusement et à y voir une des options stratégiques de sortie de crise. La croissance attendue serait en effet <a href="https://www.etudes-et-analyses.com/blog/decryptage-economique/marche-vin-alcool-etude-marche-chiffres-21-03-2023.html">à deux chiffres dans les années</a> à venir pour le vin « sans alcool ». Cette croissance aurait l’immense avantage d’adapter la filière à un scénario hygiéniste tel que décrit dans une <a href="https://classiques-garnier.com/systemes-alimentaires-food-systems-2023-n-8-varia-shared-stakeholder-views-on-the-future-of-the-world-wine-industry-competitiveness.html">publication récente de prospective</a>.</p>
<h2>Un vin plus cher à produire</h2>
<p>Cependant, les écueils restent nombreux, à la fois du côté de l’offre, de la demande et du législateur. Sur le plan de la réglementation, les juristes de la Commission européenne ont dû débattre de la <a href="https://avis-vin.lefigaro.fr/economie-du-vin/o150625-les-vins-desalcoolises-officialises-par-la-nouvelle-pac">possibilité d’utiliser le terme « sans alcool » pour un vin</a> tant la formule paraît antithétique. Lors de la réforme de la Politique agricole commune (PAC) du 1<sup>er</sup> janvier 2023, les règles ont été clarifiées : un vin « sans alcool » doit avoir une teneur en alcool inférieure à 0,5°. Entre 0,5° et 8,5° d’alcool, on parle de vin « <a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2022/01/09/cinq-idees-recues-sur-le-vin-sans-alcool_6108736_4500055.html">partiellement désalcoolisé</a> ». L’organisation internationale du vin (OIV) travaille actuellement à un cadre normatif sur cette question. En France, l’Institut national des appellations d’origine (Inao) continue de son côté d’étudier la question de la <a href="https://www.vitisphere.com/actualite-100711-la-desalcoolisation-des-vins-aoc-il-est-urgent-de-ne-pas-se-presser.html">dénaturation du terroir par les techniques de désalcoolisation</a>.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>La complexité du débat réglementaire reflète les mentalités dans la filière. Car l’un des premiers freins au développement du « sans alcool » est le scepticisme de certains professionnels eux-mêmes. Le vin est un bien culturel. Il est l’expression d’un terroir et, dans une approche de puriste, doit subir le moins de transformation possible. Or les vins désalcoolisés doivent passer par un processus technique visant à enlever l’alcool et sont susceptibles d’altérer sa typicité. L’alcool est vu comme faisant partie intégrante du vin et un « vin sans alcool » ne serait dès lors pas un vin.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1410834216644841474"}"></div></p>
<p>Deux techniques de désalcoolisation existent : l’osmose inverse et la distillation. Il ne s’agit pas ici de décrire ces <a href="https://www.vignevin.com/wp-content/uploads/2023/04/Desalcoolisation_Vins.pdf">techniques</a> de manière exhaustive. Disons simplement que la première technique consiste à utiliser une membrane très fine pour capturer l’alcool, tandis que la seconde consiste à chauffer le vin pour récupérer l’alcool qui s’évapore avant l’eau. Selon les méthodes, des arômes sont capturés également et le goût ne pourra en effet pas être équivalent à un celui d’un vin alcoolisé.</p>
<p>Toutefois, les techniques se perfectionnent et, à l’instar de la bière, les résultats s’améliorent. Ces techniques induisent toutefois des équipements spécifiques, du temps et de l’énergie, qui expliquent que le vin « sans alcool » est plus cher à produire que le vin avec <a href="https://theconversation.com/fr/topics/alcool-26411">alcool</a>.</p>
<h2>Marketing du « sans »</h2>
<p>La question du consentement du consommateur à payer plus cher du « sans alcool » se pose alors. On enlève une caractéristique du produit, donc celui-ci devrait être moins cher. C’est en partie les conclusions d’études menées dans les années 2000 et 2010 par différents chercheurs en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marketing-21665">marketing</a>. D’autres travaux, portant plus directement sur la dégustation, ont montré une <a href="https://www.ajevonline.org/content/61/1/42.short">moindre appréciation</a> des vins désalcoolisés, notamment chez les professionnels et les amateurs confirmés. Le vin « sans alcool » ou « partiellement désalcoolisé » n’apparait dès lors que comme un substitut imparfait car de moindre qualité du fait d’une aromatique modifiée par les techniques de désalcoolisation.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1744716480447733914"}"></div></p>
<p>Il n’y a guère d’études récentes, post-Covid, permettant de tester une autre hypothèse : celle d’un changement d’attitude d’une partie non négligeable des consommateurs qui seraient, depuis le tournant des années 2020, prêts à payer plus cher pour la caractéristique « sans alcool ». Finalement, le succès des vins dits « nature » réside en partie sur le concept du « sans » : sans sulfite, sans traitement de la vigne, sans levure exogène, etc.</p>
<p>Or le goût des vins nature a souvent été pointé du doigt par les amateurs de vins. Boire un vin nature était vu comme une forme de militantisme pas toujours compris par nombre de professionnels et d’amateurs. Aujourd’hui, on ne compte plus le nombre de cavistes spécialisés dans les vins nature.</p>
<p>Ce marketing du « sans » existe d’ailleurs depuis longtemps dans l’agroalimentaire : le sans gluten, sans sucre, etc. L’information, le message qui sera délivré au consommateur jouera un rôle clef pour favoriser l’acceptation d’un vin au goût modifié et d’un prix en moyenne plus élevé. Car les études précédentes montrent que l’information délivrée en amont (ou en aval) altère la perception du vin, « avec » ou « sans alcool ». Le message adressé par les vins nature a permis de faire accepter un goût parfois différent. Il pourrait en être de même pour les vins « sans alcool ».</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-vin-nature-est-il-le-futur-de-lindustrie-vitivinicole-187191">Le vin nature est-il le futur de l’industrie vitivinicole ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>En d’autres termes, le succès du « sans alcool » auprès des consommateurs tiendra autant au discours et au positionnement marketing qu’à l’amélioration des méthodes de désalcoolisation. Notons enfin que la grande majorité des travaux antérieurs portent sur des vins partiellement désalcoolisés et non « sans alcool » (selon la définition précédente). Un message « militant » est sans doute plus simple à exprimer pour un vin « sans alcool » que pour un vin partiellement désalcoolisé qui pourrait être vu comme cumulant le pire des deux univers : trop alcoolisé pour les uns et dénaturés pour les autres.</p>
<p>Le vin « sans alcool » constitue néanmoins clairement un débouché prometteur. Il représente une des pistes à creuser, parmi d’autres, pour sortir la filière vin de la crise actuelle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222172/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Marie Cardebat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Malgré le scepticisme des professionnels, le marketing du « sans » séduit de plus en plus de consommateurs – à l’instar des tendances observées plus généralement l’alimentation bio.Jean-Marie Cardebat, Professeur d'économie à l'Université de Bordeaux et Prof. affilié à l'INSEEC Grande Ecole, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2206072024-01-07T15:37:35Z2024-01-07T15:37:35ZComment sont élaborés les bières et vins sans alcool<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567992/original/file-20221221-14-lbkxu9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=69%2C69%2C5738%2C3805&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il existe une large gamme de bières sans alcool.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La consommation d’alcool fait partie de la tradition française depuis des siècles, elle reste ancrée malgré ses risques et les quelque 40 000 décès annuels qu’elle provoque.</p>
<p>Cependant, une partie de la population désire réduire cette consommation en participant à des événements comme le « Dry January » et d’une manière générale les rayons des supermarchés commencent à se remplir de vins ou de bières sans alcool d’une qualité gustative bien supérieure à ce qui pouvait se faire dans le passé.</p>
<p>Comment, grâce à la microbiologie, conserver les goûts des boissons tout en éliminant l’alcool ?</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/498933/original/file-20221205-14-ulwlb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une bouteille de bière Heineken 0 % et un verre de bière avec l’étiquette Heineken sur une table bleue" src="https://images.theconversation.com/files/498933/original/file-20221205-14-ulwlb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/498933/original/file-20221205-14-ulwlb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/498933/original/file-20221205-14-ulwlb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/498933/original/file-20221205-14-ulwlb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/498933/original/file-20221205-14-ulwlb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/498933/original/file-20221205-14-ulwlb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/498933/original/file-20221205-14-ulwlb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Avec une augmentation de la demande, la plupart des marques de bière mondiales offrent maintenant des substituts sans alcool.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Tout commence par la fermentation</h2>
<p>Les boissons alcoolisées sont produites grâce à des microbes, le plus souvent des levures, qui transforment les sucres en éthanol (alcool) au cours du processus de fermentation.</p>
<p>Outre la production d’éthanol, la fermentation entraîne également la production d’autres molécules qui vont participer à la saveur du produit final. Le processus de fermentation fait donc partie intégrante de la saveur de la bière et du vin, on ne peut pas s’en passer pour fabriquer des boissons à faible teneur en alcool ou sans alcool.</p>
<p>Pensez à la différence entre le jus de raisin non fermenté et le vin : ce n’est pas seulement la présence d’alcool qui crée le profil aromatique du vin.</p>
<p>Ainsi, la production de la plupart des vins et des bières sans alcool commence par le processus de fermentation typique, après quoi l’alcool est éliminé à l’aide de différentes techniques.</p>
<h2>Deux techniques pour éliminer l’alcool</h2>
<p>Les deux méthodes les plus courantes pour produire de la bière et du vin sans alcool sont la filtration et la distillation. Ces deux systèmes sont technologiquement avancés et coûteux, de sorte qu’ils ne sont généralement utilisés que par les grands producteurs.</p>
<p>Dans le cas de la filtration membranaire – et plus particulièrement d’une technique appelée « osmose inverse » – la bière et le vin sont pompés sous pression à travers des filtres dont les trous sont si petits qu’ils séparent les composés en fonction de leur taille moléculaire. Les molécules relativement petites, telles que l’eau et l’éthanol, passent au travers, mais pas les autres.</p>
<p>L’eau est continuellement ajoutée au mélange des composés « aromatiques » de plus grande taille pour reconstituer la bière ou le vin. Ce processus se poursuit jusqu’à ce que tout l’éthanol ait été éliminé.</p>
<p>Un autre procédé est la distillation, dans laquelle les composés sont séparés en fonction de leur température d’ébullition. La distillation nécessite donc de la chaleur, et la chaleur modifie la saveur de la bière et du vin, ce qui donne un produit moins proche de l’original.</p>
<p>Pour minimiser l’impact sur la saveur, la distillation utilisée pour fabriquer des produits sans alcool s’effectue à très basse pression et sous vide. Dans ces conditions, l’éthanol <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/jib.591">peut être éliminé</a> à environ 35 °C-40 °C, contre 80 °C à la pression atmosphérique. Ce phénomène est basé sur le même principe que celui qui explique pourquoi l’eau bout à une température plus basse en altitude qu’au niveau de la mer.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/498932/original/file-20221205-26-30d1zu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Quatre verres de bière alignés sur une table" src="https://images.theconversation.com/files/498932/original/file-20221205-26-30d1zu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/498932/original/file-20221205-26-30d1zu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/498932/original/file-20221205-26-30d1zu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/498932/original/file-20221205-26-30d1zu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/498932/original/file-20221205-26-30d1zu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/498932/original/file-20221205-26-30d1zu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/498932/original/file-20221205-26-30d1zu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une grande variété de styles de bières est désormais disponible sous forme sans alcool.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les petites brasseries se démarquent</h2>
<p>Si l’augmentation de la production de bières à faible teneur en alcool ou sans alcool reflète la préférence des consommateurs, elle est également due en partie à la large gamme de bières artisanales désormais disponible.</p>
<p>Des brasseries artisanales produisent des bières à faible teneur en alcool sans équipement très coûteux. Elles y parviennent en manipulant soigneusement le processus de fermentation à l’aide de deux méthodes principales.</p>
<p>Dans la première méthode, les brasseurs réduisent intentionnellement la quantité de sucres disponible pour la levure. Avec moins de sucre à utiliser, la levure produit moins d’éthanol.</p>
<p>Il existe plusieurs façons d’y parvenir, notamment en augmentant ou en diminuant la température pendant l’empâtage (le processus d’extraction des sucres simples du grain d’orge). Le brasseur peut également arrêter le processus de fermentation avant que trop de sucre ne soit transformé en alcool.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/499929/original/file-20221209-24874-ktdtu0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Cuves de fermentation photographiées dans une salle de brassage." src="https://images.theconversation.com/files/499929/original/file-20221209-24874-ktdtu0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/499929/original/file-20221209-24874-ktdtu0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/499929/original/file-20221209-24874-ktdtu0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/499929/original/file-20221209-24874-ktdtu0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/499929/original/file-20221209-24874-ktdtu0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/499929/original/file-20221209-24874-ktdtu0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/499929/original/file-20221209-24874-ktdtu0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La salle de brassage de l’Université de la Fédération dispose de tous les outils nécessaires à la réalisation d’un bon brassin, y compris des cuves de fermentation coniques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Federation University</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La deuxième méthode consiste à utiliser des levures différentes. Traditionnellement, la plupart des bières sont produites à l’aide de la levure <a href="https://www.britannica.com/science/Saccharomyces"><em>Saccharomyces</em></a>. Cette espèce a été domestiquée il y a de cela des millénaires pour fabriquer de la bière, du vin et du pain.</p>
<p>Mais il existe des milliers d’espèces de levures, et certaines produisent très peu d’éthanol. Ces levures gagnent en popularité dans la production de bières à faible teneur en alcool. Elles fournissent toujours les composés aromatiques attendus, mais avec des niveaux d’alcool très bas (parfois même inférieurs à 0,5 %).</p>
<p>Bien que la plupart des souches de levure soient disponibles dans le commerce et <a href="https://academic.oup.com/femsyr/article/17/4/fox038/3861261">décrites scientifiquement</a>, certaines brasseries restent secrètes quant à la souche exacte qu’elles utilisent pour produire des bières à faible teneur en alcool.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/498927/original/file-20221205-26-vtlbba.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Image au microscope électronique à balayage de cellules de levure de boulangerie." src="https://images.theconversation.com/files/498927/original/file-20221205-26-vtlbba.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/498927/original/file-20221205-26-vtlbba.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/498927/original/file-20221205-26-vtlbba.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/498927/original/file-20221205-26-vtlbba.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/498927/original/file-20221205-26-vtlbba.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/498927/original/file-20221205-26-vtlbba.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/498927/original/file-20221205-26-vtlbba.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Plusieurs entreprises se consacrent au développement de nouvelles souches de levure pour le marché de la brasserie. Outre l’utilisation de souches d’origine naturelle, deux souches peuvent être croisées pour créer des hybrides.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>De moins en moins de différence</h2>
<p>Il est difficile de fabriquer une bière ou un vin à faible teneur en alcool ou sans alcool qui aurait exactement le même goût que ses équivalents à teneur élevée en alcool. En effet, l’éthanol contribue au profil aromatique des boissons alcoolisées, c’est plus évident dans le vin (généralement environ 13 % d’alcool) que dans la bière (environ 5 %).</p>
<p>L’élimination de l’éthanol et de l’eau entraîne également l’élimination de molécules de petites tailles et de <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Volatile_organic_compound">composés volatils</a> (produits chimiques qui se vaporisent dans des conditions atmosphériques normales) – bien que les fabricants fassent de leur mieux pour les réintégrer dans le produit final.</p>
<p>De même, la modification des conditions de brassage ou l’utilisation de souches de levure non conventionnelles pour la bière à faible teneur en alcool conduit également à des profils aromatiques différents de ceux obtenus par un processus classique.</p>
<p>Malgré ces défis, les producteurs améliorent constamment leurs produits. Nos <a href="https://federation.syd1.qualtrics.com/jfe/form/SV_8BPMhfNhqTAilBs">enquêtes</a> ont montré que même certains buveurs de bière expérimentés ne peuvent pas distinguer les bières sans alcool de leurs équivalents alcoolisés.</p>
<p>Donc, si l’humeur ou les circonstances le justifient, n’hésitez pas à essayer une bière ou un vin à faible teneur en alcool ou sans alcool pendant ce mois de janvier. Vous serez peut-être surpris par l’amélioration de la gamme et de la qualité de ces produits.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220607/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Retirer l’alcool de la bière ou du vin est une opération délicate qui peut entraîner des pertes de saveurs. Mais de nouvelles solutions sont mises en place pour améliorer ces produits.David Bean, Senior Lecturer in Microbiology and Fermentation Technology, Federation University AustraliaAndrew Greenhill, Associate Professor in Microbiology and Fermentation Technology, Federation University AustraliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2203162023-12-27T16:26:58Z2023-12-27T16:26:58ZLes mots pour vendre le chocolat des fêtes parlent-ils aux consommateurs ?<p>Source de plaisir, le chocolat évoque autant de bons souvenirs qu’il régale nos papilles. Il accompagne les jours de fêtes et nombreux sont ceux qui ne pourront pas résister à son appel pendant cette période de fin d’année. C’est ce que le marketing et les médias appellent un « produit star » des fêtes (sans doute à côté des huîtres, du foie gras, de la dinde et de la bûche !).</p>
<p>Les Français, qui en ont consommé en moyenne 13,2 kg par foyer en 2021 selon les chiffres du <a href="https://www.syndicatduchocolat.fr/les-chiffres-cles-du-secteur/">syndicat du chocolat</a>, aiment autant le déguster que l’offrir. <a href="https://hal.science/hal-02367268/document">Patrimoine Européen, le chocolat est un produit affectif</a>. Il semble être un lien social à lui tout seul, son partage est une promesse de bien-être, il a même le pouvoir de nous faire sourire. Le simple fait de le nommer met les papilles en effervescence : il est un créateur d’émotions par excellence, et comme beaucoup de produits créateurs d’émotions, il est sujet à une mise en discours qui va souvent davantage servir les intérêts de certains locuteurs choisis qu’offrir une réelle description de ce que l’on peut ressentir une fois en bouche. Tout comme le <a href="https://theconversation.com/vins-petillants-mousseux-effervescents-sait-on-bien-de-quoi-lon-parle-197090">vin</a>, mais aussi dans une moindre mesure le thé ou le café, le chocolat livre un riche terrain d’investigation pour mieux cerner le <a href="https://shs.hal.science/halshs-01839256">sensoriel dans la langue</a>.</p>
<p>Comme l’ont montré nos recherches, les professionnels de la filière de production du chocolat, qui ont pour objectif majeur la vente de leur production, choisissent souvent des stratégies de discours et des termes qui ne correspondent pas toujours à ce que le passionné de chocolat, potentiel acheteur, souhaiterait entendre sur le produit, <a href="https://revistas.unc.edu.ar/index.php/ReDILLeT/article/view/22223">ni même ce qu’il dirait spontanément en dégustant tel ou tel carré</a>.</p>
<h2>Voyage en Équateur</h2>
<p>Prenons ici l’exemple d’un pays, l’Équateur, où la production de la fève de cacao est une très ancienne tradition. Elle y est traditionnellement appelée la <a href="https://shs.hal.science/halshs-03249490">« pépite d’or »</a>. Selon l’archéologue Francisco Valdez, la domestication du cacao aurait eu lieu sur ce territoire, il y a <a href="https://agritrop.cirad.fr/592323/">cinq mille cinq cents ans</a>, en pleine forêt amazonienne. Malgré sa superficie relativement réduite, l’Équateur est actuellement le <a href="https://www.statista.com/statistics/263855/cocoa-bean-production-worldwide-by-region/">troisième</a> pays producteur de la matière première dans le monde, et de nombreux experts affirment qu’il est à l’origine de plus de 60 % de la production du cacao <a href="https://www.teleamazonas.com/ecuador-produccion-cacao-aroma-mundial/">« fino de aroma »</a>, littéralement traduit par « fin d’arôme ».</p>
<p>Ce type de cacao équatorien est l’un des plus prisés par les fabricants de chocolat. Plus connu sous son nom local « Arriba » (en haut), car cultivé plus en hauteur, sa cabosse est d’un jaune très caractéristique, c’est le cacao des chocolats « grand cru » – dénomination qui trahit bien le transfert qui s’est opéré à partir d’une terminologie mise au point pour le vin.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1608577614406352897"}"></div></p>
<p>Sa production est profondément ancrée dans l’économie, l’histoire et la culture de la société équatorienne. Celle-ci, depuis un peu plus d’une vingtaine d’année, en plus d’exporter ses fèves, s’est mise à les transformer elle-même pour offrir de <a href="https://www.vanitatis.elconfidencial.com/gastronomia/2023-02-28/cual-es-el-chocolate-mas-premiado-del-mundo_3582008/">nombreux chocolats primés dans des concours internationaux</a>. En 2020-2021, la production équatorienne représentait <a href="https://www.deforestationimportee.ecologie.gouv.fr/actualites-17/article/rapport-d-activite-2021-2022-initiative-francaise-pour-un-cacao-durable">7 % de la production mondiale</a>. Le pays est troisième exportateur mondial.</p>
<p>En réalité, les agriculteurs ont ainsi accumulé plus de deux cents ans d’expérience et de savoirs ancestraux dans la production de la fève sans réellement avoir eu l’occasion de goûter au chocolat qui est fabriqué grâce à la qualité de leur travail. La majorité des plantations de cacao se situe dans les provinces côtières qui sont proches des ports d’exportation, alors que le cacao des régions amazoniennes doit traverser les Andes pour être exporté. Pour rester compétitives dans cette position géographique, de nombreuses initiatives de production de chocolat sont nées en Amazonie : Kallari, Wao, Hoja Verde…</p>
<h2>Vendre du chocolat comme du vin ?</h2>
<p>Dans ce contexte socioculturel particulier, les professionnels de la filière ont dû adapter leur discours pour vanter les mérites de leurs nouveaux produits. Les descriptions des experts-dégustateurs imitent ainsi le <a href="https://pacari-france.fr/boutique/tablette-cru-a-70/">discours</a> produit lors de <a href="https://shs.hal.science/halshs-01839256">dégustations de vin</a> en adaptant une roue des arômes qui se veut être une référence internationale :</p>
<blockquote>
<p>« … combine l’intensité de la saveur du cacao équatorien avec des arômes de fruits citriques, des fleurs et un goût délicat de jasmin… ».</p>
</blockquote>
<p>Les producteurs choisissent des <a href="https://chocolatpacari.fr/tablettes-de-chocolat/">stratégies</a> orientées sur la qualité des ingrédients ou encore sur le processus de fabrication :</p>
<blockquote>
<p>« … fabriqué à partir de matières premières biologiques. Le taux élevé de cacao, à 60 %, assure un chocolat fort en saveurs… Nous travaillons avec des producteurs locaux pour obtenir des ingrédients de qualité et nous nous efforçons de respecter les normes écologiques et éthiques en vigueur. »</p>
</blockquote>
<p>Même si ce discours correspond à un cahier des charges dicté par les arguments incontournables des tendances marketing du moment pour vendre un produit, est-il certain que ce discours parle aux consommateurs passionnés par la tablette de chocolat ? Mises à part les nombreuses onomatopées utilisées pour exprimer un ressenti au moment de partager une boîte de chocolat entre amis, les locuteurs-consommateurs se meuvent entre plusieurs lexiques : un plus ou moins objectif qui décrit les propriétés physiques du produit, par exemple l’espèce de cacao ou son mode de culture ; un autre plus sensoriel souvent importé de l’œnologie sans vraiment respecter les référentiels propres au produit ; un troisième hédonique pour tenter d’exprimer le plaisir procuré par tel ou tel chocolat. Une organisation du vocabulaire, encore une fois, en <a href="https://shs.hal.science/halshs-01887219">tout point semblable à celle de la terminologie du vin</a>…</p>
<h2>Saisir les mots du consommateur</h2>
<p>Lors du salon du chocolat de 2019 en Équateur un questionnaire a été proposé aux visiteurs, tous considérés comme de fervents passionnés de chocolat. S’il n’a pas été surprenant de ne pas retrouver les discours précédemment cités dans leurs réponses, les données collectées ont en revanche particulièrement bien illustré la représentation sociale que les Équatoriens se font du chocolat tel que le plaisir des sens :</p>
<blockquote>
<p>« sensation de satisfaction, ce chocolat a deux nuances : la douceur de la vie avec une touche d’amertume »</p>
</blockquote>
<p>Ou encore un souvenir, un évènement, une personne :</p>
<blockquote>
<p>« Se souvenir du chocolat de grand-mère, Noël, anniversaires, les moments heureux du chocolat chaud que ma mère prépare quand il fait froid »</p>
</blockquote>
<p>Ces exemples montrent clairement que plus qu’une stratégie terminologique qui en un ou deux mots objectifs ou objectivés saisirait une sensation, une odeur ou un goût, l’amateur équatorien de chocolat construit un discours autour d’expressions évocatrices, riches en émotions qui font appel à sa propre expérience de vie. Le dégustateur cherche plus à partager l’amplitude de ses émotions qu’à les décrire.</p>
<p>Si l’on considère ce contraste profond entre les différentes stratégies observées autour d’un produit qui crée des émotions, le discours du professionnel, dont l’objectif est la vente, <a href="https://shs.hal.science/halshs-01212782">gagnerait en efficacité s’il s’éloignait de la terminologie des experts</a> et des arguments promotionnels « à la mode » pour s’approcher d’un discours centré sur le partage émotionnel. Il pourrait commencer par exprimer ses propres sensations et rejoindre ainsi le cercle des passionnés du chocolat.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220316/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Gautier a reçu des financements du Conseil Régional de Bourgogne Franche-Comté, de l'ANR et de la Commission Européenne pour divers projets de recherche. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Olivier Méric a reçu des financements de la SENESCYT (Secretaría de Educación Superior, Ciencia, Tecnología e Innovación). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Angelica Leticia Cahuana Velasteguí ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les marketeurs de la filière cacao en Équateur tentent de vendre leur produit avec tout un lexique technique proche de celui du vin, quand le consommateur lui préfère en parler avec émotion.Laurent Gautier, Professeur des Universités en linguistique allemande et appliquée, Université de Bourgogne – UBFCAngelica Leticia Cahuana Velasteguí, Docteure en sciences du langage, Professeure à l’Universidad Estatal Amazònica, membre associée du Centre Interlangues Texte Image Langage (UR 4182), Université de Bourgogne – UBFCOlivier Méric, Professeur à l’Universidad Estatal Amazònica, membre associé du Centre Interlangues Texte Image Langage (UR 4182), Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2182932023-12-17T15:36:42Z2023-12-17T15:36:42ZUne brève histoire de l’apparition du champagne… dans les dictionnaires<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/565193/original/file-20231212-30-8y56cl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1198%2C894&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Edouard Manet, Un bar aux Folies bergère, 1881-1882</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Un_bar_aux_Folies_Berg%C3%A8re#/media/Fichier:Edouard_Manet,_A_Bar_at_the_Folies-Berg%C3%A8re.jpg">Wikipédia</a></span></figcaption></figure><p>Lorsque, dans une orthographe encore aléatoire, paraît en 1539 le Dictionaire françoislatin, <em>autrement dict les mots François</em> […] <em>tournez en Latin</em>, point de « champagne » ! Tout juste, à la suite du <em>champ</em>, le <em>champart</em>, ce droit féodal que s’attribuaient les seigneurs en levant une partie de la récolte, vignes comprises. Pas plus d’informations, en 1606, avec Jean Nicot et son <em>Thresor de la langue françoise</em> et pas le moindre article consacré au mot « champagne » dans le Dictionnaire <em>françois</em> de Pierre Richelet, notre premier dictionnaire monolingue, publié en 1680. Il faut donc attendre 1690 pour que, dans le <em>Dictionnaire universel</em> de Furetière, soit enfin offert un article au mot « champagne ». Hélas, si on ne connaît pas déjà l’histoire tardive du champagne, on sera déçu par la définition présentée : « CHAMPAGNE s. f. Terme de Blason, qui se dit d’une espèce de rebattement qu’occupe le tiers de l’Escu vers la pointe. »</p>
<p>Plus clairement exprimé par Thomas Corneille dans son <em>Dictionnaire des Arts et des sciences</em>, en 1694, la champagne représente de fait « l’espace en bas d’un tiers de l’écu(sson) » en ajoutant que « la Champagne est rare en Armoiries ». On s’approchera cependant du sujet, « le » champagne, en consultant l’article que Furetière consacre au vin : « VIN. Liqueur qui est tirée du jus des raisins, & qui enyvre ceux qui en boivent trop […] VIN, est encore distingué par ses qualités & par son terroir. […] Le vin François de Bourgogne, de Champagne. » « Vin de champagne », l’aventure peut commencer !</p>
<h2>D’abord « la champagne »</h2>
<p>On le constate, au siècle de Louis XIV, inutile de partir à la recherche du genre masculin pour le mot champagne. De fait, au-delà de la particularité de certains blasons, la champagne désigne d’abord en effet toute étendue de terre cultivée, ouverte et plate, comme en témoigne déjà en 1551, dans sa traduction de <em>De re rustica</em> (<em>Des choses rustiques</em>), le Tourangeau Claude Cotereau : « Il y a troys genres de terre, c’est à scavoir plat pays ou <em>champagnes</em>, pays bossu, et pays de <em>montaignes</em>. » En fait, lointain dérivé du latin <em>campus</em>, « campagne » à l’origine du mot <em>champ</em>, c’est le bas latin <em>campania</em>, attesté au VI<sup>e</sup> siècle et désignant une plaine qui donnera le mot <em>champaigne</em> ou <em>champagne</em>, entré en langue française au début du XII<sup>e</sup> siècle. On peut de la sorte évoquer la champagne de Saintonge, dans le Sud-Ouest.</p>
<p>À dire vrai, pour les géographes, comme le précisent les auteurs du <em>Trésor de la langue française</em> achevé en 1994, une champagne reste avant tout une « terre au sol riche sur une assise calcaire portant de bons vignobles, telle la province de Champagne ». « Bon vignoble », voilà de solides bases.</p>
<p>Rapprochons-nous de ladite région avec le <em>Grand Dictionnaire historique</em> de Morery, en son édition de 1702, au cœur duquel un long article est consacré à la Champagne, en tant que « Province de France ». L’origine même du mot est rappelée par Grégoire de Tours, qui « estime que son nom est tiré de l’étendue de ses belles <em>campagnes</em>, qui fournissent en abondance du blé et du bétail ». À tort, on n’y évoque pas encore la vigne. C’est pourtant elle qui offrira à la Champagne sa plus prestigieuse renommée.</p>
<h2>« La champagne est gaulée ! »</h2>
<p>Parmi les expressions d’hier dans lesquelles on retrouve le mot « champagne », il en est une qui fait explicitement référence à la région et non à la boisson. « La champagne est gaulée ! », disait-on en effet au début du XVII<sup>e</sup> siècle, expression enregistrée dans les <em>Curiosités françoises</em> d’Antoine Oudin, ouvrage publié en 1640. Ce qui voulait dire : « les affaires vont mal ! » Frapper à coups de gaule un arbre, c’est le dépouiller de ses fruits, et a fortiori une plaine dotée d’une terre peu fertile, une « champagne ».</p>
<p>En fait, c’est dès 1695, par ellipse du « vin de Champagne », qu’est enfin attesté « le champagne » au masculin. On le retrouve peu après pénétrant en 1704 notre littérature, avec Jean-François Regnard dans un dialogue de l’une ses pièces, donnée en 1704, <em>Les Folies amoureuses</em> : « – Je vide gentiment mes deux bouteilles. – Peste ! – Oui vraiment, du champagne encor, sans qu’il en reste. »</p>
<p>« Vin blanc mousseux qu’on prépare en Champagne », tel est à présent ce à quoi correspond le « vin de Champagne », autrement dit, par ellipse, le « champagne ». Mais il n’est pas encore entré à ce moment-là dans nos dictionnaires.</p>
<h2>« Le » Champagne : le valet et le vin</h2>
<p>C’est dans l’édition de 1732 du <em>Dictionnaire universel françois-latin</em> publié par les Jésuites de Trévoux que la pleine reconnaissance du « champagne » est établie. Après avoir en effet délimité la Champagne, en tant que « province de France, bornée au septentrion par la Flandre, à l’orient par la Lorraine, par la Bourgogne au midi, par l’Isle de France & une partie de la Picardie au couchant », les auteurs rappellent que le nom de « champagne » a été donné à cette province « à cause de ses belles campagnes fertiles surtout en grains & en vins ». Enfin est mentionné le vin, tout en précisant ce qui nous importe : « les vins de Champagne sont renommés dans toute l’Europe. »</p>
<p>Symptôme patent d’une pleine mise en lumière du « vin de Champagne », la littérature vient par ailleurs justifier aux yeux des auteurs du <em>Dictionnaire</em> de Trévoux sa haute réputation : « Deux Poëtes ont fait plusieurs pièces ces dernières années, l’un en faveur du vin de Champagne, & l’autre pour le vin de Bourgogne. »</p>
<p>Apparemment, en s’en tenant à ce premier article, manque encore la formule instituant « le » champagne… Ce serait cependant lire trop vite car, contre toute attente, c’est à la fin de l’article consacré à un sens disparu du mot « champagne », donné au masculin, que « le champagne » en tant que boisson fait en toute modestie son entrée lexicographique. Quel est l’article concerné ?</p>
<blockquote>
<p>« CHAMPAGNE C’est un nom que l’on donne à un valet ou laquais, qui est de Champagne. Où est Champagne ? Qu’on me fasse venir Champagne. On le dit aussi pour le vin de Champagne. »</p>
</blockquote>
<p>Commençons par évoquer le « valet », le mot en ce sens étant sorti de l’usage.</p>
<p>De la champagne, sans opulence avant le champagne, boisson prestigieuse, venaient donc des jeunes émigrants sur Paris pour servir de « galopins » ou « trottins », chargés de diverses courses. Il était alors de bon ton de les assimiler selon les définitions de l’époque à des « gamins peu dégourdis ».</p>
<p>Le champagne pouvait de fait être un souffre-douleur, ou l’objet de plaisanteries. D’où la naissance d’expressions aujourd’hui disparues, mais qui vécurent jusqu’au début du XIX<sup>e</sup> siècle. Ainsi, en 1808, dans son <em>Dictionnaire du bas-langage où des manières de parler usitées parmi le peuple</em>, D’Hautel consacre-t-il un article au champagne, dans la dynamique du « galopin » sans malice : « Champagne. Attrape, Champagne, c’est du lard. Phrase goguenarde dont on se sert pour railler quelqu’un à qui l’on a joué quelque tour, et que l’on est parvenu à attraper, à prendre dans quelque piège. »</p>
<p>La propreté du « petit » Champagne laisse souvent à désirer. Et c’est donc dans la même veine qu’en 1894, dans le <em>Littré de la Grand’Côte</em>, enregistrant le parler des soyeux de Lyon, Nizier du Puitspelu évoque « la propreté du petit Champagne », présentée comme « une des plus usitées de nos locutions pour exprimer la dernière saleté ». Il illustre alors l’expression d’exemples éloquents. Ainsi, en parlant de son fils, morveux, « Quelle dégoutation ! » s’exclame la mère. Et le père de rétorquer : il a « la propreté du petit Champagne » ! Ou encore, tout aussi instructif, « entre dames » : – Et votre nouvelle bonne en êtes-vous contente ? – […] Elle a la propreté du petit Champagne ! Figurez-vous qu’hier, en découvrant la soupe, nous avons trouvé un cafard dedans qui battait ses agottiaux. Comme si elle aurait pas pu l’ôter ! » Il est vraiment temps de changer d’univers et de passer au vin prestigieux…</p>
<h2>« Ils montent aisément à la tête »</h2>
<p>À la suite de l’article consacré à la Champagne et ses vins dans le <em>Dictionnaire de Trévoux</em>, place est alors faite à un poème, que les bons Jésuites ont sagement donné de manière anonyme. « Je passe la nuit & le jour À m’enyvrer de ce Champagne, Pour étourdir un fol amour Qui par tout m’accompagne. » Bon début pour « le » champagne !</p>
<p>Si les <em>Encyclopédistes</em> sont parmi les premiers à définir dans nos ouvrages lexicographiques ce que représentent les « vins de Champagne » on restera sur sa faim, car même si le propos est élogieux, il est bien mince : « Les vins de Champagne sont très-délicats : ce qui est cause qu’ils ne portent presque point d’eau, & nourrissent peu. Ils exhalent une odeur subtile qui réjouit le cerveau. Leur goût tient le milieu entre le doux & l’austère. Ils montent aisément à la tête. Ils passent facilement par les urines. Ceux de la côte d’Aï sont les plus excellents. »</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/565192/original/file-20231212-19-nmt64j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/565192/original/file-20231212-19-nmt64j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565192/original/file-20231212-19-nmt64j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=857&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565192/original/file-20231212-19-nmt64j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=857&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565192/original/file-20231212-19-nmt64j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=857&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565192/original/file-20231212-19-nmt64j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1076&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565192/original/file-20231212-19-nmt64j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1076&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565192/original/file-20231212-19-nmt64j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1076&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On est également déçu qu’il n’y ait point d’article dévolu au champagne dans le <em>Dictionaire critique</em> – avec un seul n selon les vœux de son auteur, l’abbé Féraud, militant d’une orthographe simplifiée. On doit se contenter de l’article mousseux pour bénéficier de la mention du vin de Champagne : « mousser se dit des liqueurs sur lesquelles il se fait de la mousse. Le vin de champagne mousse beaucoup : il est bien mousseux. »</p>
<p>Enfin, ce sera à la veille de la Révolution, en 1786, que le <em>Dictionnaire portatif de la langue françoise</em>, au nom du défunt Pierre Richelet, atteste d’un article sans ambiguïté : « Champagne, substantif masculin. Le vin de la Province de Champagne. » Ce sont les dictionnaires du XIX<sup>e</sup> siècle qui rendront justice au « champagne » avec des articles substantiels. La gloire lexicographique se sera fait attendre.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte est extrait du <a href="https://www.honorechampion.com/fr/editions-honore-champion/13045-book-08096078-9782380960785.html">Dictionnaire du vin, de la bière et du champagne : culturel et anecdotique</a>, de Jean Pruvost, paru aux éditions Honoré Champion en octobre 2023.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218293/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean Pruvost ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La champagne ou le champagne a désigné bien des choses avant de se rapporter au vin festif que nous connaissons bien.Jean Pruvost, Lexicologue et historien de la langue française, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2173182023-11-13T19:34:30Z2023-11-13T19:34:30ZPeut-on vraiment décrire le goût du vin ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559128/original/file-20231113-19-legho3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C6%2C4348%2C2892&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Parler du vin, est-ce ce qui lui donne du goût ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/les-gens-boivent-de-l-alcool-et-parlent-sur-la-table-a-manger-photo-en-gros-plan-696218/">Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>On peut difficilement boire du vin sans en parler. Certains en font même leur métier : sommeliers et cavistes, critiques et œnologues ne pourraient exercer sans l’horizon de langage qui est celui de leurs compétences de dégustateurs. Sentir le vin tapissant les papilles et conduits olfactifs paraît un acte physiologique. Mais parler du vin est une activité sociale. Comment fait-on pour passer de la perception au discours ? Et quel rôle joue le <a href="https://www.researchgate.net/publication/331440033">langage dans la perception elle-même</a> ?</p>
<p>La perception est une donnée qui paraît « naturelle », c’est-à-dire inscrite dans la sensation physique, mais elle <a href="https://www.theses.fr/1999ROUEL321">s’articule à des interactions sociales</a>. Le discours du vin est donc nécessairement multiple et s’appuie sur des intentions énonciatives. Dire « ce jus grenat s’étire sur une trame intense et concentrée » ou bien « il est costaud, ton rouquin dis-donc » ne correspond pas au même genre de discours mais cela peut décrire exactement le même vin et la même propriété gustative. Entre les deux énoncés, c’est l’intention de sens, le registre et la textualité même qui diffèrent, pas le vin… </p>
<p>En réalité, le goût du vin dépend peut-être moins de <a href="https://academie-amorim.com/wp-content/uploads/2018/03/2001_cc_brochet.pdf">ses propriétés organoleptiques</a> que des contextes discursifs qui lui donnent sens. Selon le point de vue – chimiste ou neurologue, critique gastronomique ou simple buveur – on n’a tout simplement pas les mêmes choses à dire du vin. Or, la particularité du domaine du vin est qu’il a construit dans la langue un vocabulaire particulier, entre technique et poésie, alimentation et esthétique, et que sa transmission relève d’une dimension culturelle qui dépasse la sensorialité individuelle.</p>
<h2>Nommer les couleurs du vin</h2>
<p>Il en va ainsi de la dimension visuelle du vin, qui s’organise sur le fond lexical de la langue. En effet, le vin « blanc » n’est pas de la couleur du lait et le vin « rouge » ne ressemble pas à une Ferrari. C’est que la tripartition <em>rouge-blanc-rosé</em> ne relève pas de la colorimétrie mais de la constitution culturelle de ces couleurs comme catégories définissant des types de vin, c’est-à-dire des noms de produits synthétisant des caractéristiques comme les techniques de vinification, les cépages, l’origine, l’association gastronomique, etc. Ce sont donc bien des propriétés sémantiques (saillance visuelle pour <em>rouge</em>, transparence pour <em>blanc</em>) qui sont utilisées pour parler des couleurs du vin et non pas les capacités perceptives de l’œil : les mots ne sont pas les choses…</p>
<p>À côté de cette catégorisation générique, on aura recours dans la dégustation à un <a href="https://dico-du-vin.com/robe-du-vin-aspect-degustation/">sous-système discursif</a> pour apprécier non plus la couleur mais la robe. Là encore, on parlera d’une robe <em>rubis</em> ou <em>vieil or</em>, <em>jaune paille</em> ou <em>tuilé</em>, utilisant des catégories qui sont des qualificatifs normalisés – et généralement flatteurs… Il est d’ailleurs notable que la couleur <em>bordeaux</em> provienne d’une telle valorisation des noms de couleur : dans la langue, <em>bordeaux</em> a remplacé <em>pourpre</em> ou <em>amarante</em> par analogie avec le vin, au XIX<sup>e</sup> siècle, notamment dans le cadre du développement des couleurs industrielles et de leurs appellations commerciales (de la même manière que <em>burgundy</em> en anglais).</p>
<h2>Qualifier le vin : minéralité, concentration…</h2>
<p>Décrire les sensations n’est pas les ressentir : il n’y a pas coïncidence morphologique possible entre « une » sensation et l’expression verbale. Un certain positivisme rêve parfois de faire correspondre une molécule à un mot, il ne saurait y avoir superposition terme à terme des molécules, des capteurs olfactifs et des mots qui sont trois ordres de phénomènes hétérogènes. Il faut donc, pour qualifier une sensation, recourir aux propriétés de la langue.</p>
<p>On parle parfois de <em>minéralité</em> sans qu’il y ait consensus sur ce que cela décrit. Sensation d’absence de fruité et de sucré ? Arômes de type « pierre à fusil » ? Acidité ? Fraîcheur ? Malgré les connotations du mot, il ne peut s’agir de « minéraux » à proprement parler dont l’existence est inférieure à nos seuils de perception. La <em>minéralité</em> fait bien partie des mots du vin, mais c’est par le biais de son évocation de propriétés naturelles sollicitant des motifs sémantiques valorisants et par association avec des représentations culturelles et non parce qu’elle décrirait un phénomène observable.</p>
<p>De même, on parle souvent de <em>concentration</em>, sans qu’on sache de quelle substance on noterait ainsi la caractéristique : « vin concentré », « concentration du fruit », « concentration des arômes », « concentration des tanins »… Le mot indique une forme de puissance et d’abondance mais, malgré une nuance renvoyant potentiellement à la chimie, il ne possède pas un statut technique. En réalité, il existe une forme de substituabilité des nombreux termes comme <em>corsé</em>, <em>fort</em>, <em>intense</em>, <em>charpenté</em> tandis que leurs équivalents familiers (<em>baraqué</em>, <em>couillu</em>, <em>costaud</em>…) se trouvent dans les conversations mais pas dans les notes de dégustation ou les textes techniques. C’est donc le registre et non une valeur terminologique particulière qui distribue certaines préférences sémantiques.</p>
<p>De la même manière, les qualificatifs qui permettent de parler du vin sont-ils sollicités en utilisant leur potentiel de fonctionnement discursif sans figer une véritable univocité terminologique. Un mot comme <em>léger</em> montre ainsi la diversité de ses profilages argumentatifs : cela peut être une qualité si on oppose <em>un vin léger</em> à <em>un vin lourd</em> mais aussi un défaut si on compare <em>un vin léger</em> à <em>un vin intense</em>, mais il peut aussi permettre de construire une catégorie esthétique non hiérarchisée où l’on distinguerait <em>les vins légers</em> et <em>les vins puissants</em>. Ces trois saisies différentes du même qualificatif montrent l’absence de stabilisation véritablement technique, tout en montrant que la signification du mot dépend de ses collocations, c’est-à-dire des associations établies avec les autres mots, dans la langue ou dans le discours.</p>
<h2>Le vin et les langues</h2>
<p>La langue est une pratique culturelle, parmi d’autres : elle est l’indice et l’instrument de manières d’aborder le vin et on peut voir dans le lexique comment se configurent des façons de boire… D’une certaine façon, le mot <em>wine</em> ne peut être porteur des mêmes connotations que <em>vin</em> ou <em>vino</em> : l’exotisme du vin comme pratique gastronomique correspondant, <em>grosso modo</em>, au sud de l’Europe implique un décalage culturel pour le monde anglophone, le vin s’envisageant comme produit gastronomique raffiné nécessitant une sorte d’apprivoisement.</p>
<p>Traduire le vin constitue donc un défi particulier sur le plan de la médiation interculturelle puisqu’il faut envisager comment « importer » un vocabulaire propre à une histoire et à des pratiques. On constate par exemple une certaine disparité dans la façon de parler des tanins en français et en anglais.</p>
<p>La stabilisation d’un vocabulaire à la prétention technique prescrivant l’usage de <em>chewy</em>(« qui se mâche »), <em>silky</em> (« qui rappelle la soie »), <em>powdery</em> (« qui a une consistance de poudre »), <em>chalky</em> (« qui évoque la craie »), <em>velvety</em> (« qui rappelle le velours »), etc. pour établir une échelle de granularité s’oppose à une description moins normée en français. Cette échelle descriptive est illusoire car elle repose sur les connotations des mots, sans qu’il n’y ait aucune nécessité perceptive à les organiser en référence au textile – pourquoi privilégier la soie au satin ou au polyester si ce sont des métaphores de la perception buccales ? L’illusion de scientificité de ce vocabulaire créé même des ambiguïtés puisque crayeux est utilisé en français pour décrire des sols alors que <em>chalky</em> sert à décrire une granularité des tanins, voire une dimension aromatique renvoyant à la minéralité…</p>
<p>L’organisation du vocabulaire du vin autour de notions comme <em>sec</em>, <em>moelleux</em> et <em>liquoreux</em> pour décrire la sensation du sucré témoigne également d’une spécificité du français, l’anglais se contentant de noter qu’un vin est plus ou moins <em>sweet</em>. On remarque d’ailleurs que <em>dry</em> et <em>sweet</em> sont des notions qui s’appliquent aussi aux vins rouges, débordant ainsi sur la description de l’intensité du fruit. L’évolution lexicale permettant à <em>sec</em> de décrire l’absence de sucre, à <em>moelleux</em> de décrire une sucrosité modérée et à <em>liquoreux</em> une vinification générant une concentration des sucres est l’illustration de processus sémantico-discursifs qui relèvent de la création culturelle et non de la perception sensorielle.</p>
<h2>Perception et langage</h2>
<p>En effet, la stabilisation du vocabulaire du vin dont <em>sec-moelleux-liquoreux</em> est un exemple montre comment le goût du vin relève avant tout d’un discours. Car cette lexicalisation se constitue comme fait culturel, lequel définit alors une façon de parler du vin. Comme pour tout domaine de constitution du sens, l’apprentissage social se confond avec la manipulation des signes linguistiques.</p>
<p>Parler du vin revient ainsi à configurer des catégories, des prédicats et des degrés, à manier des images, des notions et des connotations qui existent dans la pratique de la langue et non dans la réalité objectale du vin lui-même. Quand on lit des descriptions de vin évoquant <em>le chant des cigales</em>, <em>une énergie raffinée</em> ou <em>une élégance solaire</em>, ces descripteurs ne sont pas de nature organoleptique.</p>
<p>De fait, il n’existe pas d’expérience du vin qui se ferait hors d’un contexte social, d’une situation énonciative et de références culturelles. C’est même justement dans cet entour langagier que se dégage un horizon sémiotico-culturel dont la puissance évocative aménage le plaisir et le sens – si on n’en parlait pas, le vin n’aurait pas plus de charme qu’un haricot vert !</p>
<hr>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/559295/original/file-20231114-26-d2sfpr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/559295/original/file-20231114-26-d2sfpr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=936&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/559295/original/file-20231114-26-d2sfpr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=936&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/559295/original/file-20231114-26-d2sfpr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=936&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/559295/original/file-20231114-26-d2sfpr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1176&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/559295/original/file-20231114-26-d2sfpr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1176&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/559295/original/file-20231114-26-d2sfpr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1176&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Jean Slamowicz est l'auteur de <a href="https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/20360/Savoir-parler-du-vin">« Savoir parler du vin »</a>, paru aux Éditions du Cerf en octobre 2023.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217318/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean Szlamowicz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Parler du vin est une activité sociale. Comment fait-on pour passer de la perception au discours ? Et quel rôle joue le langage dans la perception elle-même ?Jean Szlamowicz, Professeur des universités, linguiste, traducteur, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2131182023-09-11T17:22:40Z2023-09-11T17:22:40ZÀ qui profitent vraiment les foires aux vins ?<p>Chaque année en septembre, au moment des vendanges, la grande distribution propose pendant environ un mois une offre de vins massive à des prix attractifs. Selon les enseignes, ces foires représentent 10 à 25 % des ventes annuelles de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vin-20325">vin</a>, soit plus que celles enregistrées pour les fêtes de fin d’année. En 2022, elles ont représenté <a href="https://www.vitisphere.com/actualite-97972--16-les-foires-aux-vins-dautomne-limitent-la-casse.html">17,4 % des ventes totales de la grande distribution</a> dans ce rayon.</p>
<p>Dans un climat global de <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/la-deconsommation-provoque-un-tsunami-chez-les-distributeurs-1969163">déconsommation</a>, les foires aux vins revêtent un caractère de plus en plus stratégique. En effet, l’enjeu est d’attirer de nouveaux clients dans les enseignes. Car ces foires, lancées il y a 50 par les centres Leclerc en Bretagne et qui n’ont cessé de se développer depuis, représentent un formidable levier pour séduire le plus de clients possibles – qui vont généralement effectuer leurs courses alimentaires en parallèle de leurs recherches de bonnes affaires. Les marges faibles sur les vins sont donc plus que compensées par les ventes des autres produits.</p>
<p>Parfois, les enseignes proposent des vins haut de gamme, notamment de Bordeaux, que l’on ne trouve pas habituellement dans des supermarchés. Le gain d’image lié à une foire aux vins peut en effet être considérable. En 2015, l’enseigne Lidl l’avait bien compris en faisant un grand coup de « com » avec la vente de grands crus classés à des prix nettement inférieurs à ceux du marché, notamment <a href="https://theconversation.com/josephine-dyquem-femme-entrepreneure-du-xix-si%C3%A8cle-a-lorigine-dun-vin-de-legende-208404">l’iconique Château d’Yquem</a>, propriété de LVMH. Toute la presse en avait parlé, créant un buzz conséquent.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"634986071927992320"}"></div></p>
<p>On se dit dès lors que chacun a à gagner dans ces foires. Pourtant, loin s’en faut…</p>
<h2>« Marché gris »</h2>
<p>Les producteurs de vins très haut de gamme choisissent minutieusement leurs canaux de distribution. Ces derniers doivent correspondre à leur image luxueuse : présence dans les palaces, les restaurants étoilés, etc. Se retrouver en tête de gondole chez un hard discounter constitue donc une fâcheuse dissonance dans leur distribution élitiste. Or, cette situation reste possible en raison de l’existence d’un « marché gris » sur lequel s’alimentent certaines enseignes.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Ce marché est constitué de stocks rachetés à des restaurants ou des cavistes en difficulté ou en faillite, d’invendus d’importateurs, de grossistes ou de détaillants étrangers, notamment asiatiques, qui se débarrassent de leurs stocks. Or, sans même parler de vins de luxe, mais simplement de vignerons qui ne souhaitent pas être distribués en grande surface à prix cassés, ce marché gris pose un sérieux problème d’image pour toute la filière.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1334186918679076868"}"></div></p>
<p>Pour les vignerons qui choisissent de participer aux foires aux vins, le risque de ne faire qu’un coup éphémère existe aussi. Car écouler en foires, c’est placer son vin à un prix bas qui pourra faire passer le prix « normal » dans les autres canaux de distribution comme trop élevé. Les acheteurs pourraient alors se détourner. Les prix des foires, reposant sur des marges de distribution plus faibles, brouillent la cohérence des prix tout au long de l’année et entre les canaux de distribution. Les vignerons peuvent alors entrer en conflit avec les autres distributeurs et se couper d’eux.</p>
<h2>Premiers arrivés, premiers servis</h2>
<p>Pour le client, si de bonnes affaires sont bien présentes, les risques liés au marché gris existent aussi. La conservation des produits sur ce marché étant notoirement aléatoire. Que sait-on des conditions de conservations de ces stocks d’invendus en Asie ? La probabilité de tomber sur une bouteille mal conservée et donc de mauvaise qualité est bien réelle. L’affaire n’aura pas été si bonne que ça, au final…</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/taxer-plus-fortement-les-alcools-en-france-une-affaire-de-symbole-plus-que-de-recettes-211367">Taxer plus fortement les alcools en France : une affaire de symbole plus que de recettes</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Mais le principal risque pour le client, c’est de rentrer très frustré d’une foire aux vins. En effet, les publicités avant les foires présentent traditionnellement de belles occasions. Mais les stocks sont souvent très limités, à quelques caisses pour les grands domaines. Premiers arrivés, premiers servis, et seule une poignée de clients pourra bénéficier de l’offre. Même si la loi encadre les foires aux vins pour limiter la communication excessive autour de vins en quantité extrêmement limitée, <a href="https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Vie-pratique/fiches-pratiques/Foire-aux-vins">ce phénomène reste très prégnant</a>.</p>
<p>Autre source de frustration pour les clients, le choix des vins s’avère très concentré. Au départ, quasiment seuls les Bordeaux puis les bouteilles de champagne étaient concernés. Si l’offre s’est étendue, elle reste un reflet très incomplet des différentes régions de France et du monde. De plus, le client aura du mal à retrouver dans l’enseigne le vin qu’il avait apprécié lors de la foire et qu’il voulait racheter. La frustration peut dès lors être double.</p>
<h2>Le prix fort toute l’année</h2>
<p>Enfin, pour la grande distribution elle-même, les foires aux vins sont une arme à double tranchant. Elles focalisent les ventes sur un court laps de temps. Après les foires, le rayon paraît bien morne et peu attirant pour les clients. Le risque est de dégrader la valeur perçue par le client du rayon vin le reste de l’année.</p>
<p>Les foires ancrent l’idée que ce n’est qu’à ce moment-là que l’on réalise de bonnes affaires. En creux, cela veut dire que le <a href="https://www.credoc.fr/download/pdf/Rech/C254.pdf">reste du temps on paie le prix fort</a>. C’est dommageable pour les enseignes car, malgré tout, ce rayon occupe du linéaire toute l’année et représente un stock qu’il faut porter. On touche ici les limites de ces opérations.</p>
<p>Au bilan, pas sûr que ces foires soient aussi profitables pour les différents acteurs que ce l’on pense. En particulier, les efforts commerciaux lors des foires ne seraient-ils pas plus utiles pour animer le rayon vin tout au long de l’année ? Pour essayer de créer du lien entre les clients et des vignerons, pour tenter d’intéresser de nouveaux consommateurs, etc. <a href="https://www.lsa-conso.fr/e-leclerc-de-rouffiac-tolosan-une-cave-au-c-ur-de-l-espace-trad,439261">Certaines enseignes le font</a>, car les modes de ventes doivent changer pour enrayer leur baisse.</p>
<hr>
<p><em>L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. L’alcool ne doit pas être consommé par des femmes enceintes</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213118/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Marie Cardebat est président de la European Association of Wine Economists. </span></em></p>Les offres commerciales proposées tous les ans au mois de septembre constituent un enjeu important aussi bien pour la grande distribution que pour les producteurs et les consommateurs.Jean-Marie Cardebat, Professeur d'économie à l'Université de Bordeaux et Prof. affilié à l'INSEEC Grande Ecole, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2126812023-09-08T13:04:14Z2023-09-08T13:04:14ZUne mouche à fruit atterrit dans votre vin. Pouvez-vous tout de même le boire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545839/original/file-20230824-25-c2ho4q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C0%2C6039%2C4014&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Que faire si une mouche à fruit se noie dans votre verre de vin? Connaissant les endroits peu ragoûtants où ces insectes se tiennent, peut-on encore le boire?
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/fruit-fly-swimming-red-wine-wasnt-2283078405">Anne Webber/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Vous vous servez un verre de votre sauvignon blanc préféré et vous vous apprêtez à en déguster une gorgée lorsqu’une mouche à fruits s’y pose. L’insecte est manifestement mort. Mais compte tenu de ce que vous savez sur les endroits où ces bibittes se tiennent, vous vous demandez si vous pouvez boire ce verre en toute sécurité.</p>
<p>Malgré leur nom à consonance agréable, les mouches à fruits (espèces <em>Drosophila</em>) se nourrissent d’aliments en décomposition. Elles vivent dans les poubelles, les tas de compost ou tout autre lieu où il y a de la nourriture, y compris les canalisations. Les aliments en décomposition regorgent de germes qu’une mouche peut ramasser au passage et déposer partout où elle atterrit.</p>
<p>Ces <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0362028X22084745">bactéries</a> comprennent <em>l’E. coli</em>, <em>la Listeria</em>, <em>la Shigella</em> et <em>la Salmonella</em>, chacune d’entre elles pouvant provoquer une infection grave, même chez des personnes en bonne santé. Vous vous rendez compte que la mouche à fruits vient peut-être de déposer des microbes potentiellement mortels dans votre vin, vous le jetez donc dans l’évier et vous vous servez un autre verre.</p>
<p>Cependant, les preuves scientifiques suggèrent que vous venez de gaspiller du bon vin. Le vin contient généralement entre 8 et 14 % d’éthanol et a un pH d’environ 4 ou 5 ; un pH inférieur à 7 est considéré comme acide.</p>
<p>L’alcool est bien connu pour son effet inhibiteur sur les germes et c’est l’une des raisons pour lesquelles le vin peut être conservé si longtemps. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9754789/">Plusieurs</a> <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20629891/">études</a> de <a href="https://www.mdpi.com/2304-8158/9/7/936">laboratoire</a> ont également montré que les effets combinés de l’alcool du vin et des acides organiques, tels que l’acide malique, peuvent empêcher la croissance <em>d’E. coli</em> et <em>de Salmonella</em>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="E coli bacteria" src="https://images.theconversation.com/files/545266/original/file-20230829-17-jfb8mc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/545266/original/file-20230829-17-jfb8mc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/545266/original/file-20230829-17-jfb8mc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/545266/original/file-20230829-17-jfb8mc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/545266/original/file-20230829-17-jfb8mc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/545266/original/file-20230829-17-jfb8mc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/545266/original/file-20230829-17-jfb8mc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le vin est connu pour inhiber la croissance des germes, tels que l’E. coli.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-illustration/escherichia-coli-bacterium-e-gramnegative-rodshaped-1026248248">Kateryna Kon/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le fait que les germes transmis par la mouche à fruits dans le vin puissent provoquer une infection <a href="https://www.ift.org/news-and-publications/food-technology-magazine/issues/2021/may/columns/food-safety-and-quality-infectious-doses-of-foodborne-illness">dépend</a> du nombre de bactéries déposées (la « dose infectieuse ») et de la capacité métabolique des germes. Le vin dans lequel la mouche à fruits a plongé était également réfrigéré, ce qui, pour certaines bactéries responsables des intoxications alimentaires, <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmicb.2016.01151/full">perturbe leur métabolisme au point</a> de les empêcher de proliférer.</p>
<p>Tous les types de vin (rouge, blanc ou rosé, qu’ils soient réfrigérés ou à température ambiante) sont naturellement antibactériens. Les germes qu’ils peuvent contenir risquent de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20629891/">se détériorer</a>, ce qui réduit leur capacité d’infection. Cela suggère que si les germes déposés dans le vin par les mouches peuvent être présents à une dose suffisamment élevée pour provoquer une maladie, ils ne sont pas susceptibles d’occasionner une infection, car ils sont trop dégradés. Il est donc fort probable que le vin contaminé puisse être bu sans effet néfaste, qu’il sorte du réfrigérateur ou non.</p>
<h2>Ensuite, il faut affronter le corps</h2>
<p>S’ils ne sont pas altérés directement par le vin, les germes encore vivants provenant du dépôt de la mouche à fruits rencontreront les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7684463/pdf/WJG-26-6706.pdf">fluides très acides de l’estomac humain</a>.</p>
<p>Les germes responsables des intoxications alimentaires sont très sensibles à l’acide, qui endommage leur ADN, et l’acide gastrique peut même les tuer. Dans l’estomac, ils doivent également franchir d’autres barrières mortelles telles que les enzymes digestives, le mucus qui les emprisonne et les défenses toujours vigilantes du système immunitaire. Il est <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7553086/pdf/fmicb-11-556140.pdf">peu probable que les germes déposés par les mouches puissent déclencher une infection</a>.</p>
<p>À moins que vous n’ayez une phobie des germes, je vous conseille d’enlever la mouche et de boire le vin. Si vous voulez un supplément de protéines, vous pouvez même avaler la mouche !</p>
<p>Il est peu vraisemblable que la mouche à fruits modifie le goût du vin, même si elles sont plusieurs. Votre système digestif traitera simplement la bestiole comme n’importe quelle autre protéine. Santé !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212681/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Primrose Freestone ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un microbiologiste explique quel est le risque pour votre santé de boire un bon sauvignon blanc bien frais dans lequel une mouche à fruit s’est posée.Primrose Freestone, Senior Lecturer in Clinical Microbiology, University of LeicesterLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2113672023-08-20T20:00:41Z2023-08-20T20:00:41ZTaxer plus fortement les alcools en France : une affaire de symbole plus que de recettes<p>Mi-juillet, le gouvernement français laissait entrevoir un projet d’<a href="https://www.lefigaro.fr/conso/le-gouvernement-envisage-d-augmenter-les-taxes-sur-l-alcool-a-la-rentree-20230718">augmentation des taxes sur les alcools</a>, une évolution qui serait discutée à la rentrée dans le cadre de l’examen du budget de la Sécurité sociale. La colère dans la filière <a href="https://theconversation.com/topics/vin-20325">vin</a> et spiritueux a été immédiate. Les 44 députés du <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/taxes-sur-lalcool-le-gouvernement-temporise-face-a-la-fronde-des-deputes-1967928">groupe d’étude « Vignes et Vins »</a>, notamment, dont certains sont membres de la majorité, ont interpellé le ministre de l’Agriculture pour l’exhorter à faire machine arrière.</p>
<p>La réforme envisagée par le gouvernement n’est pas encore précisément connue. Le projet devrait cependant s’inspirer de celle qui a touché le <a href="https://theconversation.com/topics/tabac-21029">tabac</a> au 1<sup>er</sup> janvier 2023 en ne touchant pas à la <a href="https://theconversation.com/topics/taxe-sur-la-valeur-ajoutee-tva-112419">TVA</a> mais à des taxes particulières que l’on appelle les droits d’accise. Ils concernent les biens générant des externalités sociales négatives (tabac, produits pétroliers, alcools) et dont on souhaite limiter la consommation. En économie, on parle aussi de <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ae/2009-v85-n4-ae3958/045070ar/">« biens tutélaires »</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1687092128575373312"}"></div></p>
<p>Quatre arguments peuvent justifier un alourdissement de la <a href="https://theconversation.com/topics/fiscalite-23513">fiscalité</a> sur les <a href="https://theconversation.com/topics/alcool-26411">alcools</a> : générer des recettes fiscales supplémentaires, améliorer la <a href="https://theconversation.com/topics/sante-publique-23257">santé publique</a>, harmoniser la fiscalité au sein de l’Union européenne ou harmoniser la fiscalité des alcools avec celle du tabac. À y regarder de près, il semble que c’est bien le dernier argument qui paraît le plus saillant. L’enjeu derrière cette réforme semble bien symbolique et interroge la façon dont notre société perçoit en particulier les vins et alcools. Faut-il y voir un produit similaire au tabac ou bien un élément de notre <a href="https://theconversation.com/topics/patrimoine-20390">patrimoine</a> qui justifierait des exceptions ?</p>
<h2>Des augmentations de recettes limitées</h2>
<p>Les droits d’accise sur les alcools sont donnés chaque année par les <a href="https://www.douane.gouv.fr/fiche/droits-des-alcools-et-boissons-alcooliques">douanes</a>. Pour les vins tranquilles, ces droits sont aujourd’hui fixés à 3,98 euros par hectolitre, soit environ 3 centimes par bouteille de 75cl. Ils s’élèvent à 9,85€/hl pour les vins mousseux. Pour la bière, ils sont plus élevés : 7,82€/hl/degré d’alcool soit environ 40 centimes pour un litre à 5° d’alcool. Ce sont pour les spiritueux qu’ils sont les plus importants avec 1884,4€/hl d’alcool pur, soit plus de 8,25€ pour un litre à 45° d’alcool. Une exception s’applique aux rhums des territoires d’outre-mer qui sont moitié moins taxés.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Jusqu’ici, le droit d’accise augmente tous les 1<sup>er</sup> janvier en fonction de l’inflation constatée à l’année N-2. L’augmentation en 2023 s’est ainsi faite proportionnellement à l’inflation observée en 2021. Le plafond d’augmentation reste toutefois fixé à 1,75 %. Pour le tabac, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000046791778">nouvelle formule de calcul</a> a fondé le calcul sur l’année N-1 (quand l’inflation commençait à se faire sentir) et le plafond a été porté à 3 %.</p>
<p>Si l’année de référence était modifiée et le plafond supprimé pour les alcools, la hausse des droits d’accise au 1<sup>er</sup> janvier 2024 s’établirait, selon les <a href="https://publications.banque-france.fr/projections-macroeconomiques-juin-2023">projections d’inflation en 2023 de la Banque de France</a>, à 5,6 % contre 1,75 % sans réforme fiscale.</p>
<p>Il est alors possible de chiffrer l’impact de la réforme sur le prix des alcools et sur le surplus de recettes fiscales. Celui-ci paraît somme toute assez marginal. Si le gain sur les spiritueux n’est pas négligeable, tout en restant très limité au regard des enjeux budgétaires, il apparaît dérisoire sur le vin.</p>
<p>En fonction des <a href="https://fr.statista.com/themes/3787/l-alcool-en-france/#editorsPick">dernières données</a> de consommation d’alcool, les gains pour l’État se répartiraient ainsi : pour le vin, les droits d’accise augmenteraient d’environ 5 millions d’euros. Pour la bière le gain de la réforme se situerait autour de 35 millions d’euros. L’essentiel du gain proviendrait des spiritueux avec un surcroît de recettes attendu de près de 100 millions d’euros.</p>
<p>Ce calcul demande à être affiné en fonction des degrés d’alcool et complété car ne sont concernées que les trois grandes catégories d’alcool dans notre calcul. Il y manque par exemple les cidres et les produits dérivés. Cela donne néanmoins des ordres de grandeur réalistes. Bercy parle d’environ 300 millions d’euros, il sera intéressant de connaître le calcul qui mène à ce montant. Sans doute une hausse de la cotisation de sécurité sociale sur les alcools à plus de 18° doit également être envisagée pour parvenir à ce résultat.</p>
<h2>Santé publique, harmonisation européenne : des arguments peu crédibles</h2>
<p>L’argument de santé publique s’analyse, lui, à partir de l’élasticité-prix de la consommation d’alcool. Cet indicateur mesure de combien diminue la consommation lorsque le prix augmente de 10 %. Elle serait de l’ordre de <a href="https://fiscalite-comportementale.org/leffet-prix-sur-la-consommation-dalcool-est-il-reel/">4 %</a>, un chiffre qui n’est toutefois pas uniforme. C’est une moyenne. Dans le cas de cette réforme, une hausse du prix du vin inférieure à 1 centime peut n’avoir aucun impact sur la consommation.</p>
<p>Les <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/09/26/prix-du-tabac-une-hausse-limitee-quand-on-la-compare-avec-l-inflation_6143295_4355770.html">études sur le tabac</a>, notamment, montrent que les hausses doivent être marquées pour créer un effet psychologique chez le consommateur. Même pour les spiritueux, malgré une hausse nettement plus forte, l’effet risque d’être dilué par une absorption de la fiscalité dans les marges des producteurs et distributeurs. Dire que cet alourdissement de la fiscalité est dicté par un enjeu sanitaire n’est donc pas crédible. En particulier pour le vin, dont la <a href="https://www.bfmtv.com/economie/consommation/face-a-la-chute-continue-de-la-consommation-de-vin-les-vignerons-sonnent-l-alarme_AN-202306290047.html">consommation baisse</a> déjà en tendance séculaire en France.</p>
<p>Un autre argument qui ne peut être invoqué est celui de l’harmonisation européenne. Néanmoins, la législation des 27 ne fixe que des <a href="https://europa.eu/youreurope/business/taxation/excise-duties-eu/paying-excise-duties/index_fr.htm">minimas</a> laissant à chaque pays la liberté de taxer davantage, ce dont la France ne se prive pas. En <a href="https://administracion.gob.es/pag_Home/Tu-espacio-europeo/derechos-obligaciones/empresas/impuestos/especiales/alcohol.html">Espagne</a>, par exemple, les droits sont nuls sur le vin, et près de deux fois moins élevés sur les spiritueux.</p>
<h2>Le vin, patrimoine ou équivalent du tabac ?</h2>
<p>En définitive, l’enjeu de la réforme pourrait surtout être symbolique. Appliquer la même formule d’augmentation des droits d’accise au tabac et au vin, ce serait mettre sur un même plan ces deux produits.</p>
<p>Au regard d’externalités négatives comparables, ce choix semble cohérent. Toutefois, il paraît contradictoire avec la <a href="https://www.larvf.com/,vins-hommes-de-annee-laurent-fabius-oenotourisme,4428234.asp">position</a> énoncée par Laurent Fabius en 2015, alors ministre des Affaires étrangères, qui présentait le vin comme un art de vivre à la française. Le président Macron, élu <a href="https://www.liberation.fr/societe/sante/designe-personnalite-de-lannee-2022-par-la-revue-du-vin-de-france-macron-a-le-rose-aux-joues-20220104_YG3FFOILBJB3BJPQFV3TU3IBRY/">personnalité de l’année 2022 par la Revue du Vin de France</a>, semblait s’inscrire dans cette lignée en s’affichant toujours comme un défenseur du vin comme élément de la culture française.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1687117884479152128"}"></div></p>
<p>La doctrine serait-elle en train de changer ? Difficile à dire, mais ce projet donne un sentiment de confusion là où la doctrine Fabiusienne était claire et suivie par les gouvernements postérieurs. Thomas Cazenave personnalise cet été le malaise suscité par ce projet de réforme. En tant qu’élu, il connait tous les déboires liés au climat traversés par les viticulteurs chaque année. Cet été c’est le mildiou qui est en train de détruire la vigne et qui rend la filière extrêmement nerveuse. Défenseur de la filière vin en tant que député de Gironde, signataire d’un courrier mettant en garde contre l’alourdissement de la fiscalité sur le vin, il pourrait paradoxalement porter ce projet en tant que ministre délégué aux Comptes publics.</p>
<p>Tout le débat semble ainsi de savoir s’il faut aller au bout de la doctrine du vin et des alcools à base de vins (Cognac et Armagnac notamment) en tant que patrimoine culturel français en leur octroyant un statut fiscal spécial, les soustrayant aux droits d’accise comme dans les autres grands pays producteurs européens.</p>
<hr>
<p><em>L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211367/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Marie Cardebat est Président de la European Association of Wine Economists. </span></em></p>Recettes limitées, raisons de santé publique peu crédibles… le projet de hausse de la fiscalité des vins semble surtout interroger notre rapport à ce produit comme élément de notre patrimoine.Jean-Marie Cardebat, Professeur d'économie à l'Université de Bordeaux et Prof. affilié à l'INSEEC Grande Ecole, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2084042023-06-28T20:05:22Z2023-06-28T20:05:22ZJoséphine d’Yquem : femme entrepreneure du XIXᵉ siècle à l’origine d’un vin de légende<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/533752/original/file-20230623-15-cqanj6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C73%2C1024%2C607&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le vignoble d’Yquem fut véritablement transformé avec Joséphine à sa tête, qui lègue notamment le château à ses héritiers.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Sauternes_Ch%C3%A2teau_d%27Yquem_01.jpg">Henry Salomé / Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Transformer un <a href="https://theconversation.com/topics/vin-20325">vin</a> familial en « Château d’Yquem », et faire de ce Sauternes, le symbole même du <a href="https://theconversation.com/topics/luxe-34482">luxe</a> et l’unique <a href="https://www.xl-vins.fr/bordeaux-page/classifications-vins-bordeaux/grands-crus-classes-1855/">premier cru supérieur</a> dans le <a href="https://www.xl-vins.fr/bordeaux-page/classifications-vins-bordeaux/grands-crus-classes-1855/">classement des vins de Bordeaux opéré en 1855</a>, telle est l’œuvre de Joséphine d’Yquem (1768-1851).</p>
<p>Les aléas de la vie l’ont placée, seule, aux commandes du vignoble dans une France de la première moitié du XIX<sup>e</sup> siècle où la loi ne laissait qu’une place réduite aux <a href="https://theconversation.com/topics/entrepreneures-83039">femmes dans le monde de l’entreprise</a>. Elle a, non seulement défendu ses terres avec énergie sous la <a href="https://theconversation.com/topics/revolution-francaise-59562">Révolution</a> et développé une production d’excellence, mais aussi fait preuve d’un sens de l’<a href="https://theconversation.com/topics/innovation-21577">innovation</a> peu commun.</p>
<p>Par ses <a href="https://theconversation.com/topics/strategie-21680">choix stratégiques</a>, elle a su aussi construire une marque emblématique.</p>
<p>Le livre <a href="https://editions.flammarion.com/josephine-dyquem/9782080279460"><em>Joséphine d’Yquem : à l’origine d’un vin de légende</em></a>, que j’ai récemment publié chez Flammarion, retrace le parcours de cette visionnaire, étonnamment tombée dans l’oubli. Il a été nourri de larges fonds d’archives, notamment celles de sa famille, conservées depuis plus de deux cents ans, mais aussi de ses écrits, de livres de comptes annotés de sa main et de sa correspondance. Ils soulignent qu’elle peut aujourd’hui être un exemple pour qui se lance dans une aventure entrepreneuriale.</p>
<h2>Une famille d’entrepreneurs</h2>
<p>Née en 1768, Joséphine est issue d’une famille d’entrepreneurs. Son père, Laurent de Sauvage d’Yquem, appartenait à la sixième génération à faire fructifier la propriété. À l’époque, elle était en polyculture, mêlant bois, forêt de pins, prés, et vignes de rouge comme de blanc, chose <a href="https://www.editions-larousse.fr/livre/histoire-sociale-et-culturelle-du-vin-9782035841766">assez courante en ce temps-là</a>.Le cru du domaine était alors apprécié des Anglais et des Hollandais, mais sans beaucoup de notoriété en France. La région, plus largement, n’était <a href="https://www.cairn.info/revue-histoire-economie-et-societe-2007-4-page-3.html">pas connue pour favoriser la naissance de grands vins</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/533755/original/file-20230623-23-8bzn3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/533755/original/file-20230623-23-8bzn3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/533755/original/file-20230623-23-8bzn3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=912&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/533755/original/file-20230623-23-8bzn3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=912&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/533755/original/file-20230623-23-8bzn3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=912&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/533755/original/file-20230623-23-8bzn3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1146&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/533755/original/file-20230623-23-8bzn3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1146&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/533755/original/file-20230623-23-8bzn3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1146&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sa mère, Marthe, elle, ne s’intéressait pas au vin. Elle raffolait en revanche d’un aliment nouvellement arrivé en France, par Bayonne dont elle était originaire : le chocolat. Elle en a fait très tôt découvrir les saveurs amères à sa fille, exerçant ainsi son palais et ses aptitudes à la dégustation.</p>
<p>Laurent d’Yquem, ouvert à l’esprit des Lumières, souhaitait s’investir dans l’éducation de sa fille unique, et entreprit d’initier celle-ci aux enjeux de la viticulture. Bien lui en prit, car Joséphine, après une enfance heureuse parmi les vignes de la propriété, se retrouva orpheline avant ses 17 ans.</p>
<h2>Endeuillée et cheffe d’entreprise à 20 ans</h2>
<p>Son père eut tout juste eu le temps, avant sa mort, de préparer son mariage avec son plus proche voisin, Louis-Amédée de Lur Saluces, qu’elle épousa en juin 1785. Sa belle-famille, la famille de Lur Saluces, bénéficiait de puissants protecteurs à Versailles et c’est ensemble que le jeune couple décida de faire connaitre le nom d’Yquem, à la cour du Roi.</p>
<p>Il s’agissait-là de ce qu’on dénommerait maintenant une stratégie d’influence : en présentant leur vin, Joséphine et Louis-Amédée surent transformer les courtisans influents en ambassadeurs de marque, une véritable opération marketing. Le couple réussit également <a href="https://www.abebooks.fr/THOMAS-JEFFERSON-BORDEAUX-QUELQUES-VIGNES-DEUROPE/19157876554/bd">intéresser Thomas Jefferson</a>, ambassadeur et futur président des États-Unis pendant son tour des vignobles bordelais en 1787. Dans son Journal de voyage, il s’émerveille du savoir-faire qu’il observe. Il en commanda, et par la suite en fit commander au Président de l’époque, Georges Washington, un influenceur de choix !</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Quand le 29 octobre 1788, âgé de 27 ans, Louis-Amédée trouva la mort à la suite d’une chute de cheval, Joséphine se retrouva à 20 ans, avec deux enfants, seule à la tête du domaine. Comme veuve, elle avait le droit de gérer l’entreprise familiale, car elle <a href="https://bibliographienumeriquedhistoiredudroit-ifg.univ-lorraine.fr/s/droit/item/89666">changeait de statut juridique</a> : de « femme juridiquement soumise », elle devenait « capable ». Elle fit la preuve de sa forte indépendance, tout en sachant s’adapter. Quand ses arguments ne pouvaient faire plier ses interlocuteurs, elle soulignait habilement dans ses lettres, œuvrer pour son fils :</p>
<blockquote>
<p>« Les intérêts de mon fils mineur ne peuvent plus supporter de retard. »</p>
</blockquote>
<h2>Face à la fièvre révolutionnaire</h2>
<p>Sous la Révolution, Joséphine d’Yquem chercha à maintenir au mieux l’exploitation. Elle démontra une grande capacité de discernement, pour continuer à encourager les équipes. Même arrêtée, elle sut plaider sa cause en rédigeant des pétitions, comme celle du 24 novembre 1793 dans laquelle elle s’adresse aux représentants du peuple à Bordeaux :</p>
<blockquote>
<p>« La citoyenne Joséphine d’Yquem vous expose citoyens représentants qu’elle est détenue dans la maison d’arrêt du ci-devant Sommaire depuis le 24 frimaire, que sa santé depuis plusieurs années par les chagrins et les malheurs qu’elle n’a cessé́s d’éprouver est dans l’état le plus déplorable faute des secours et qu’elle est menacée des accidents les plus funestes qui priveraient les deux enfants encore en bas âges de leur seul appui. »</p>
</blockquote>
<p>En janvier 1794, de nouveau arrêtée et mise en prison, Joséphine d’Yquem alla jusqu’à offrir des bouteilles de vin à ses accusateurs. Elle réussit à obtenir une liberté conditionnelle, sous réserve de se présenter tous les 10 jours devant la municipalité de Bordeaux. On parlerait aujourd’hui au sens littéral du terme de « pots de vin ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1657023541273870336"}"></div></p>
<p>Dirigeante avisée, elle formait une belle équipe avec son régisseur Garros, qui lui fournissait des comptes rendus précis, plusieurs fois par semaine. Elle voulait tout savoir car c’est elle qui tranchait en dernier ressort. Cette lettre que lui adresse son régisseur l’illustre bien :</p>
<blockquote>
<p>« Madame, veuillez me dire ce que vous désirez sur cela comme sur tout. Je ferai mon possible. Le temps est devenu si beau qu’il m’a un peu guéri de la peur que j’avais pour les rameaux. La vigne est en pleine fleur, vous devez être bien tranquille pour Yquem… »</p>
</blockquote>
<h2>Un nez fin pour innover</h2>
<p>À la tête de son entreprise, Joséphine fait preuve d’un sens aigu de l’innovation, et transforme à la fois son produit, le mode de production et les débouchés commerciaux.</p>
<p>En effet, dès le début du XIX<sup>e</sup> siècle, Joséphine d’Yquem choisit de pousser au plus haut degré́ de perfection son vin par l’art des vendanges. Elle mit en place une sélection attentive des raisins visant, au détriment de la quantité, à ne sélectionner que les raisins atteints d’une « pourriture noble ». Cet oxymore superbe exprime tout l’apport du <em>botrytis cinerea</em>, ce champignon microscopique qui favorise la transmutation du jus de raisin en un vin liquoreux.</p>
<p>On saluerait aujourd’hui cette stratégie de « positionnement commercial ». Avec ses brumes matinales et son bel ensoleillement, le climat du domaine se révéla idéal pour sa maturation. Yquem se transforma alors, grâce à sa dirigeante, en un vin aux arômes surdéveloppés, jusqu’à devenir un cru rare qui compte aujourd’hui parmi les plus célèbres au monde.</p>
<p>En 1826, Joséphine fit encore preuve de son sens stratégique en construisant un chai dédié. Cela constitue une vraie transformation et modernisation d’entreprise : d’une entreprise viticole, Château Yquem devint éleveur de vins. <a href="https://books.google.fr/books/about/Entreprises_et_entrepreneurs.html?id=MaxgQgAACAAJ&redir_esc=y">Une véritable transformation d’entreprise</a>.</p>
<p>Elle sut aussi trouver aussi de nouveaux débouchés, avec la clientèle étrangère mais aussi, de manière vraiment innovante, en sollicitant les nouveaux intervenants que sont les restaurateurs, très haut de gamme. <a href="https://www.europe1.fr/emissions/les-recits-de-stephane-bern/jean-francois-potel-et-etienne-chabot-4160123">Étienne Chabot</a>, partenaire de Jean-François Potel avec lequel il a réinventé la profession de traiteur, compta par exemple parmi les premiers clients de ce circuit.</p>
<h2>Une stratège reconnue</h2>
<p>Joséphine d’Yquem se montra également à son aise pour mener une véritable stratégie marketing et construire une communication pertinente autour de son produit. Pour en souligner l’excellence et souhaitant développer la vente en bouteille, elle conçut une étiquette avec une typographie « vieil or », quasiment inchangée de nos jours. C’est elle encore qui améliora la bouteille, à propos de laquelle <a href="https://www.grasset.fr/livres/le-baiser-au-lepreux-9782246808329">François Mauriac</a> dira un jour :</p>
<blockquote>
<p>« Les étés d’autrefois brûlent dans les bouteilles d’Yquem. »</p>
</blockquote>
<p>Joséphine d’Yquem accorda également un soin particulier à la relation avec ses clients. À chacun, elle répondait personnellement et adoptait des techniques de fidélisation. Les clients appréciaient et commandaient à nouveau. L’un d’entre eux, mis en confiance, lui écrivit par exemple :</p>
<blockquote>
<p>« Permettez-moi, Madame, de vous adresser tous mes remerciements et de vous demander la préférence, s’il en est encore temps, pour le vin de Sauternes de la récolte de 98 à 456 livres la barrique. »</p>
</blockquote>
<p>Elle dirigea l’entreprise jusqu’au moment de la transmettre à son petit-fils Romain Bertrand de Lur Saluces. Sa mort survint en 1851. Dans son testament, on peut constater combien elle est attentive à chacun, mais aussi à ne pas laisser trop de documents personnels, comme si elle veillait à maîtriser son image.</p>
<p>Quatre ans plus tard, ses multiples innovations efforts trouvèrent une reconnaissance posthume lors du classement des vins de 1855, souhaité par Napoléon III pour l’Exposition universelle de la même année. Château d’Yquem fut le seul des vins blancs bordelais à être évalué́ comme <a href="https://www.bordeaux.com/fr/Notre-Terroir/Classements/Grands-Crus-Classes-en-1855">« Premier Cru Supérieur »</a>.</p>
<hr>
<p><em>L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. L’alcool ne doit pas être consommé par des femmes enceintes</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208404/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christel de Lassus ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un ouvrage récent retrace le parcours de Joséphine d’Yquem qui, placée par les aléas de la vie seule à la tête d’un petit vignoble familial, sut innover pour en faire le symbole même du luxe.Christel de Lassus, Professeur des Universités, Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2062382023-06-13T17:58:38Z2023-06-13T17:58:38ZVins en péril: dans le Bordelais, l’arrachage est une fausse bonne solution<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/527965/original/file-20230524-29-w56bss.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=68%2C30%2C1126%2C781&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La maladie de l’esca sur une parcelle peut causer plusieurs dizaines de milliers d’euros de pertes économiques.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Esca#/media/Fichier:ESCA_Blattsymptom_1.JPG">Bauer Karl/Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 1<sup>er</sup> mars dernier, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a annoncé un plan de soutien aux viticulteurs bordelais qui souhaiteraient arracher des pieds de vigne de leurs domaines. Le gouvernement a promis d’indemniser les candidats à hauteur de 6000 euros par hectare arraché. Ce plan pourrait aujourd’hui s’étendre à d’autres régions. Cette solution vise notamment à répondre au problème de surplus de production, <a href="https://objectifaquitaine.latribune.fr/agroalimentaire/2023-02-07/l-etat-annonce-une-nouvelle-campagne-de-distillation-face-a-la-crise-viticole-950887.html">évalué à un million d’hectolitres</a>, que rencontre la filière <a href="https://theconversation.com/exportations-record-pour-les-grands-crus-et-destruction-des-vignes-pour-lentree-de-gamme-un-marche-viticole-a-deux-vitesses-201230">depuis plusieurs années</a>.</p>
<p>Pour répondre à ce problème de surproduction, les vignerons de la région ont proposé d’arracher 10 % du vignoble, ce qui représente environ 10 000 à 15 000 hectares de vignes. Le 17 avril 2023, le Conseil Interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB) a ainsi donné <a href="https://www.vitisphere.com/actualite-99167-linterprofession-des-vins-de-bordeaux-vote-un-plan-darrachage-a-57-millions-pour-9500-hectares.html">l’approbation du plan d’arrachage</a> en accordant un financement total de 57 millions d’euros.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1648472759155167233"}"></div></p>
<p>Les raisons principales avancées pour ces ultimes solutions sont d’une part, d’éviter l’effondrement des prix mais aussi, d’autre part, d’éviter un potentiel problème sanitaire. Le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vignobles-108442">vignoble</a> fait en effet face à un phénomène de dépérissement, défini comme une baisse de la productivité et une <a href="https://www.plan-deperissement-vigne.fr/le-plan">mort prématurée des ceps de vigne</a>. Depuis plus de 10 ans, on assiste à des pertes annuelles de rendement estimées à <a href="https://www.plan-deperissement-vigne.fr/le-plan/chiffres-cles">4,6 hectolitres/hectares par an en France</a>. En 2021, on a enregistré une baisse de la production de 19 % par rapport à l’année 2020 et de <a href="https://www.oiv.int/public/medias/8786/note-de-conjoncture-avril-2022-fr.pdf">14 % par rapport à la moyenne des productions des cinq dernières années</a>.</p>
<h2>Plus de 2 % de hausses des prix</h2>
<p>Dans un <a href="https://www.bse.u-bordeaux.fr/membres/marie-yvette-konan/">travail doctoral</a> récent, nous montrons que la maladie de l’esca causée par des champignons sur une parcelle d’une densité initiale de 4500 ceps/hectares et pour un rendement limité de 65 hectolitres/hectares dans les vignobles d’Entre-Deux-Mer) peut engendrer une perte de rendement cumulée sur 40 ans de 1 410 hl/ha, soit une perte économique de 91 690 euros/ha (pour un prix du vin Entre-deux-Mers de 38,89 euros/hl).</p>
<p>N’est-il pas, dès lors, préférable de laisser les maladies du bois de la vigne réduire ce surplus, sans recours aux aides à l’arrachage ? Bien que chaque domaine ait ses spécificités, les effets négatifs du dépérissement sur le volume produit pourraient globalement constituer une sorte d’aubaine pour les viticulteurs dans le contrôle de la production. Autrement dit, la recherche d’un moyen de lutte contre la baisse des rendements pour les viticulteurs serait totalement contre-productive.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Les conclusions de nos travaux permettent d’affirmer le contraire : la solution d’arrachage n’est pas la plus efficace sur le long terme pour la filière viticole française. En effet, les résultats montrent qu’une baisse de la récolte de 1 % induira une hausse du prix du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vin-20325">vin</a> français en moyenne de 0,201 %.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1635194085924536323"}"></div></p>
<p>En effet, l’arrachage réduira le volume de récolte, ce qui augmentera à terme le prix du vin. Cette hausse du prix pourrait impacter négativement la compétitivité-prix des entreprises viticoles françaises. Selon nos estimations, arracher 10 % de la récolte de la région induirait une hausse du prix d’environ 2,01 % en moyenne. L’effet devrait être un peu plus élevé pour ces vins d’entrée de gamme de Bordeaux avec une hausse de 2,85 % du prix.</p>
<h2>Curetage et complantation</h2>
<p>En outre, la lutte contre le dépérissement reste primordiale pour la préservation de la qualité des vins produits. En effet, ce phénomène n’a pas que des effets négatifs sur le rendement produit et la longévité des parcelles. Le dépérissement <a href="https://www.agro.basf.fr/fr/cultures/vigne/maladies_de_la_vigne/maladies_du_bois/nuisibilite_maladies_du_bois.html">impacte également la qualité des baies</a>, la teneur en sucre, l’acidité et la teneur en composés phénoliques. On note qu’à partir de 5 % de raisin touché par la maladie de l’esca, la <a href="https://hal.inrae.fr/hal-02629614">qualité du vin produit est sensiblement impactée</a>.</p>
<p>Pourtant, comme le montrent nos recherches, certaines pratiques curatives telles que le curetage (creuser le tronc pour éliminer les parties malades de la vigne) et la complantation (mélange de cépages dans un terroir) permettraient de limiter les pertes en termes de rentabilité économique de l’exploitation. Par exemple, si le viticulteur décide de mettre en œuvre la pratique du curetage, on estime une réduction des pertes économiques de 35 204 euros/ha dans l’exemple précédent.</p>
<p>Une <a href="https://oeno-one.eu/article/view/4478">étude</a> sur la maladie du bois de l’esca, publiée en 2019, avait d’ailleurs montré que le curetage permettait à la vigne de reprendre ses propriétés physiologiques et de ramener dans le long terme la qualité des baies à leur niveau normal.</p>
<p>La lutte contre le dépérissement de la vigne dans toutes les régions françaises et dans la région de Bordeaux en particulier apparaît donc comme une nécessité pour le suivi et le maintien de la compétitivité-prix et hors-prix des entreprises viticoles. Le développement et la mise en œuvre de politiques de filière permettraient en parallèle d’accroître la demande de vin français pour les entrées de gamme. Cela permettrait de maintenir la qualité du vin produit tout en répondant à la demande extérieure <a href="https://www.fevs.com/presse/">qui ne cesse d’augmenter</a>.</p>
<hr>
<p><em><a href="https://theconversation.com/profiles/jean-marie-cardebat-830773">Jean-Marie Cardebat</a>, professeur d’économie à l’université de Bordeaux, a supervisé la rédaction de cet article.</em></p>
<hr>
<p><em>L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. L’alcool ne doit pas être consommé par des femmes enceintes</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206238/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Yvette Elisée Konan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un travail de thèse montre que la solution de l’arrachage, aujourd’hui soutenue par le gouvernement, n’est pas optimale à long terme pour corriger les maux de la filière viticole.Marie Yvette Elisée Konan, Doctorante en économie, unité de recherche Santé et Agroécologie du Vignoble (SAVE), INRAE, laboratoire de recherche Bordeaux School of Economics (BSE), Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2043872023-05-10T18:10:36Z2023-05-10T18:10:36ZOrphée vigneron : une résidence littéraire entre ivresse poétique et viticulture biodynamique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/525435/original/file-20230510-9713-3wl703.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4031%2C3024&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur le Domaine Les Béliers </span> <span class="attribution"><span class="source">Carole Bisenius-Penin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Que peuvent le langage et l’écriture dans un contexte pesant de catastrophes environnementales et sociales ?</p>
<p>La réponse se cache peut-être en Lorraine, dans le cadre d’une résidence originale : reçu durant deux mois, entre bois et vignes, <a href="http://recitchazelles.univ-lorraine.fr/a-propos-recitchazelle/">au sein du dispositif de résidence littéraire Récit’Chazelles</a>, l’écrivain-performeur Donatien Garnier – venu à la poésie contemporaine et la création transmédia après 15 ans de journalisme documentaire – développe sur le vignoble le plus septentrional de France (AOC Moselle) un projet créatif sensible entremêlant poésie contemporaine et viticulture.</p>
<h2>De la démarche documentaire à la création poétique</h2>
<p>À bien des égards, la pratique littéraire de Donatien Garnier rejoint celle du vigneron, soit un savant mélange d’expressions, une passion partagée, un ajustement subtil des assemblages, agrémenté de patience, d’attente et de partage en public.</p>
<p>À l’occasion de sa résidence, le poète se lance un nouveau défi : la création d’un poème narratif développant l’hypothèse d’un Orphée vigneron, dans le prolongement d’une aventure littéraire et éditoriale initiée en 2019, en collaboration avec des vignerons dans la région Languedoc (Mas Foulaquier, Blandine et Pierre Jéquier). Il s’agit d’une tentative d’hybridation de la démarche documentaire et de création poétique en l’appliquant à l’univers du vin et à l’agriculture biodynamique.</p>
<p>Cette fois, il est reçu par la vigneronne du Domaine bio Les Béliers (Ève Maurice) : il séjourne dans une cabane à la lisière de la forêt et anime un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=yYylHr1iksw">atelier d’écriture avec les étudiants parmi les vignes et le chai</a>.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Comme en atteste <a href="http://recitchazelles.univ-lorraine.fr/donatien-garnier-3/">son blog résidentiel</a>, le poète emprunte les méthodes du journalisme et des sciences sociales en recourant aux documents d’archives, aux témoignages, aux photographies, via ce « travail de terrain » définit <a href="https://journals.openedition.org/enquete/263">par l’anthropologue Jean-Pierre Olivier de Sardan</a> comme « au plus près des situations naturelles des sujets – vie quotidienne, conversations –, dans une situation d’interaction prolongée entre le chercheur en personne et les populations locales, afin de produire des connaissances in situ, contextualisées, transversales, visant à rendre compte du “point de vue de l’acteur”, des représentations ordinaires, des pratiques usuelles et de leurs significations autochtones ».</p>
<p>Le processus poétique mis en œuvre cherche à expérimenter l’univers viticole, en procédant par distillation, infusion, décantation, tout en débattant de la complexité des relations entre la nature et l’homme.</p>
<h2>Poèmes étiquettes et objet convergent</h2>
<p>Le domaine viticole est perçu par l’écrivain comme un organisme vivant. On mesure la connexion entre cette littérature documentaire et les principes propres à la biodynamie appréhendée avant tout comme un écosystème vivant, favorisant collaborations et interactions en synergie, à travers cette recherche d’un équilibre.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/525436/original/file-20230510-25-wzzmxc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525436/original/file-20230510-25-wzzmxc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525436/original/file-20230510-25-wzzmxc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525436/original/file-20230510-25-wzzmxc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525436/original/file-20230510-25-wzzmxc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1008&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525436/original/file-20230510-25-wzzmxc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1008&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525436/original/file-20230510-25-wzzmxc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1008&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Mas Foulaquier, un poème étiquette.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Donatien Garnier</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Selon <a href="https://orgprints.org/id/eprint/32107/1/AES_vol6_n2_17_Compagnone_et_al.pdf">Dominique Lévite</a>, chercheur en viticulture biologique à l’Institut de recherche pour l’agriculture biologique en Suisse, la construction des savoirs en biodynamie ne s’appuie pas sur la seule rationalité scientifique, mais sollicite aussi d’autres compétences comme l’intuition et l’émotion :</p>
<blockquote>
<p>« La biodynamie interroge en cela le métier de la recherche parce que, dans son fondement, elle met au centre la relation entre la nature et l’intervention humaine. L’agriculteur est un intermédiaire entre les puissances telluriques et végétales et n’adopte pas une posture de contrôle vis-à-vis des plantes ou de leur milieu, mais une posture humble d’observation et d’acceptation, dans le respect des mystères des processus biologiques. Une relation fusionnelle et sensorielle s’établit entre la plante et l’agriculteur. L’apprentissage consiste à laisser venir des convictions s’établir sur la base des ressentis. C’est sur cette base de “conviction intime” que sont faites les interventions, et de quelques outils tels que le calendrier lunaire ».</p>
</blockquote>
<p>Cette démarche poétique, sensible et holistique se déploie sous la forme des poèmes étiquettes (« Diaspargmos ») que Donatien Garnier décrit comme :</p>
<blockquote>
<p>« un ensemble de douze brefs poèmes (un par lune) écrits selon un protocole reprenant les étapes de culture et de vinification de la cuvée. Les poèmes sont ensuite « coulés » chacun dans une étiquette du millésime afin de constituer une sorte de livre en douze bouteilles et deux tomes (deux cartons de six). Au-delà de l’analogie, l’enjeu pour moi était triple : réussir à condenser deux ans et demi de notes en quelques mots, proposer un jeu réflexif avec les futures dégustations et inventer un mode de circulation inédit pour un texte de poésie contemporaine. »</p>
</blockquote>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/a-marseille-une-residence-litteraire-au-long-cours-181878">A Marseille, une résidence littéraire au long cours</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Le poète a développé, en outre, la notion d’« objet convergent » qui imbrique d’une part une réflexion sur l’histoire du livre et sur les dynamiques de lecture portées par ses différents avatars (codex, volumen, site web, etc.), et d’autre part la recherche d’une convergence entre les contenus (thématiques, histoires, idées…) et ses contenants (support d’inscription et sa sémantique, typographie, style et registre de langue…).</p>
<h2>Un art performatif : faire cortège</h2>
<p>Toujours à la recherche d’un équilibre – entre poème et narration cette fois – Donatien Garnier poursuit durant sa résidence sa théorie d’un Orphée vigneron sous la forme d’un récit fragmentaire composé des textes du collectif (le poète et les participants) venant s’insérer entre les douze poèmes étiquettes précédemment écrits et qui vise à intégrer les publics <a href="https://www.youtube.com/watch?v=dNQlyIUeKSc&t=4s">dans le dispositif créatif élaboré</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/525438/original/file-20230510-23-iqnvu3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525438/original/file-20230510-23-iqnvu3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525438/original/file-20230510-23-iqnvu3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525438/original/file-20230510-23-iqnvu3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525438/original/file-20230510-23-iqnvu3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525438/original/file-20230510-23-iqnvu3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525438/original/file-20230510-23-iqnvu3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">A la Maison Robert Schuman.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Anthony Picore</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le texte devient alors une sorte d’instrument avec lequel il improvise en s’appuyant sur des techniques d’oralisation et qui renoue avec la figure de l’aède (en grec ancien du verbe ᾄδω/áidô, « chanter »), c’est-à-dire un chanteur-poète des épopées s’accompagnant d’un instrument de musique : la phorminx, qui ressemble à la cithare.</p>
<p>En invitant les publics à se joindre à lui dans le cadre de cette performance littéraire, le poète joue avec la tradition antique du cortège bachique, miroir de la société à laquelle il s’adresse, et installe une relation entre le groupe et le poète, qui déambulent ensemble. Il relie aussi l’expérimentation littéraire à une autre performance, muni de son instrument inventé, la métaphorminx (un cep de syrah équipé d’un dispositif électronique et informatique). Le poète joue avec la partition potentielle créée pour lui et pour son texte par le compositeur György Kurtág Jr.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/525439/original/file-20230510-25-dkmw69.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/525439/original/file-20230510-25-dkmw69.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525439/original/file-20230510-25-dkmw69.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525439/original/file-20230510-25-dkmw69.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525439/original/file-20230510-25-dkmw69.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525439/original/file-20230510-25-dkmw69.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525439/original/file-20230510-25-dkmw69.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525439/original/file-20230510-25-dkmw69.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le poète et son « métaphorminx ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Donatien Garnier</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Enfin, Donatien Garnier qui se définit comme poète nomade a eu l’idée durant son séjour en résidence d’une performance itinérante à vélo intitulée « Rhapsode – une œnodyssée » reliant en 25 étapes, de l’Atlantique à la Méditerranée, des vignerons travaillant dans le plus grand respect du vivant. Une première expérimentation a eu lieu récemment au Festival Le Livre à Metz-Littérature & Journalisme. Chaque soir, à partir de mai et durant deux mois, accompagné de son méta-instrument, l’auteur transmédia fera le lien entre monde antique et contemporain, le mythe d’Orphée et le travail de la vigne, la poésie et la dégustation.</p>
<p>Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse poétique !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204387/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carole Bisenius-Penin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Lorsqu’un poète s’installe dans les vignobles mosellans le temps d’une résidence et s’inspire du travail de viticulture : retour sur une aventure littéraire.Carole Bisenius-Penin, Professeur d'Université en Sciences de l'information et de la communication, CREM, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2032912023-05-04T14:02:58Z2023-05-04T14:02:58ZQuelle est la vraie nature du vin ? Au-delà de ses raisins fermentés, un produit commercial et culturel unique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/523620/original/file-20230501-14-2tysob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C11%2C7326%2C4869&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Certaines des conceptions culturelles que nous avons du vin, notamment son authenticité, proviennent du caractère commercial de ce produit. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le vin est perçu par les consommateurs comme un produit porteur de culture et d’authenticité et par conséquent, distinct des autres biens commerciaux issus de la production industrielle. </p>
<p>D’abord, en tant que produit agricole, le vin se voit normalement rattaché à des lieux et parfois même à des individus. Il est également vu comme un produit historique qui s’enracine dans les traditions des différentes régions où on le produit. Enfin, le traitement et l’attention qu’on porte au vin en tant que produit esthétique le rapprochent du monde des arts, avec ses prescripteurs, son langage, ses producteurs en vue et une attention médiatique spécifique. </p>
<p>Mais est-il vraiment un produit distinct ?</p>
<p>En 2021, la <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/marche-mondial-du-vin">valeur du marché mondial du vin</a> s’élève à plus de 53 milliards de dollars, alors que la production mondiale est d’environ 260 millions d’hectolitres, ce qui représente l’équivalent de 34 milliards de bouteilles. De ce nombre, environ la moitié sont exportée, donc consommé en dehors de leur lieu d’origine. Les <a href="https://www.vinetsociete.fr/bilan-de-loiv">principaux pays producteurs</a> en volume sont l’Italie, la France, l’Espagne, les États-Unis et l’Argentine.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523623/original/file-20230501-14-4s1z98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523623/original/file-20230501-14-4s1z98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523623/original/file-20230501-14-4s1z98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523623/original/file-20230501-14-4s1z98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523623/original/file-20230501-14-4s1z98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523623/original/file-20230501-14-4s1z98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523623/original/file-20230501-14-4s1z98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vignobles à Cafayate, en Argentine. Le pays sud-américain a rejoint le top 5 des principaux pays producteurs de vin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Or, cela fait trois mille ans que le vin est un produit commercial et, paradoxalement, plusieurs des idées culturelles avec lesquelles nous concevons et percevons le vin aujourd’hui proviennent, justement, de ce caractère marchand. </p>
<p>Comme anthropologue et professeur au département de communication sociale et publique à l’UQAM, le vin est pour moi un objet culturel. C’est-à-dire qu’il est porteur de significations qui sont socialement construites et à travers lesquelles autant les producteurs que les consommateurs appréhendent et pensent le vin, mais cela de manière inconsciente. </p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dis-moi-comment-tu-goutes-le-vin-et-je-te-dirai-dou-tu-viens-109563">Dis-moi comment tu goûtes le vin et je te dirai d'où tu viens</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>J’ai effectué un premier terrain de recherche anthropologique sur le vin en Calabre, dans le sud de l’Italie, en 2000-2001, et j’y suis retourné à trois reprises depuis. J’ai réalisé une seconde enquête anthropologique en Colombie-Britannique, dans la vallée de l’Okanagan, en 2017-2018. Je présenterai certains résultats de ces recherches ultérieurement sur <em>La Conversation</em>. </p>
<p>Aussi, je suis un amateur de vin et j’édite depuis plus de 10 ans le site <a href="https://www.sommeliervirtuel.com">sommeliervirtuel.com</a> avec mon frère Mathieu. Cette activité nous a amenés à être reconnus comme influenceurs dans le vin au Québec, tout en m’offrant l’opportunité d’approfondir ma connaissance du marché du vin et de sa culture de consommation. </p>
<p>Dans ce premier texte, je montre comment certaines des conceptions culturelles que nous avons du vin proviennent du caractère commercial de ce produit. </p>
<h2>L’importance des lieux</h2>
<p>Un élément central du vin est qu’il est rattaché à des lieux. On peut ainsi parler d’un Bordeaux, d’un Bourgogne ou d’un Chianti, sans même avoir à préciser qu’on parle de vin. Or, dès la Grèce antique, puis au Moyen-Âge, il existe un marché pour les vins provenant de régions reconnues et éloignées, <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/mono/10.4324/9780203013267/wine-vine-tim-unwin">recherchés par les élites</a>. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523621/original/file-20230501-344-oupm3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523621/original/file-20230501-344-oupm3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523621/original/file-20230501-344-oupm3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523621/original/file-20230501-344-oupm3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523621/original/file-20230501-344-oupm3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523621/original/file-20230501-344-oupm3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523621/original/file-20230501-344-oupm3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dégustation d’un chianti, dans la région du Chianti, en Toscane. Le nom de la région est associé à son produit phare.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En parallèle, le vin qui était produit et consommé localement n’avait pas d’identité spécifique et <a href="https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1996_num_51_6_410925_t1_1383_0000_000">était simplement un produit agricole commun et anonyme</a>. </p>
<p>C’est donc à travers le commerce, notamment à longue distance, que le lieu d’origine du vin devient important et signifiant.</p>
<h2>L’utopie du terroir, les réalités du commerce</h2>
<p>C’est aussi le commerce qui permet d’expliquer pourquoi la production de vin s’est concentrée dans certaines régions plutôt que d’autres. </p>
<p>Les discours officiels (guides, livres sur le vin, lois) prétendent que ce serait en raison de la qualité des terroirs, la production de vin s’étant concentrée dans les lieux les plus propices à la production de qualité. Dans les faits, le <a href="http://delbussoediteur.ca/publications/le-vin-comme-performance-culturelle/">commerce explique la concentration de vignobles dans certaines régions plutôt que d’autres</a>. </p>
<p>Le <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/histoire/histoire-de-la-vigne-et-du-vin-en-france/">géographe et historien français Roger Dion</a> a souligné comment la production de vin s’est concentrée en France en raison de sa position d’avant-garde vis-à-vis des marchés des pays d’Europe du Nord. Il souligne comment les régions viticoles se alors sont concentrées autour des rivières et des fleuves qui, avant l’arrivée du train, étaient indispensables au transport des lourdes cargaisons.</p>
<p>Ainsi, la <a href="https://www.persee.fr/doc/reae_0755-9208_1990_num_17_1_1247">position géographique de la France</a> explique le <a href="https://www.persee.fr/doc/anami_0003-4398_1989_num_101_187_7467_t1_0335_0000_2">développement et la renommée historique de ses régions viticoles</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523619/original/file-20230501-20-g47ltu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523619/original/file-20230501-20-g47ltu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523619/original/file-20230501-20-g47ltu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523619/original/file-20230501-20-g47ltu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523619/original/file-20230501-20-g47ltu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523619/original/file-20230501-20-g47ltu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523619/original/file-20230501-20-g47ltu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des vignobles à Saint-Émilion en France. La production de vin s’est concentrée en France en raison de sa position d’avant-garde vis-à-vis des marchés des pays d’Europe du Nord.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La spécialisation historique de certaines régions dans la production de vin dépend toujours de la possibilité de pouvoir écouler la production sur des marchés, car autrement une <a href="http://delbussoediteur.ca/publications/le-vin-comme-performance-culturelle/">famille paysanne ne peut pas se nourrir uniquement avec du vin</a>. L’utopie du terroir vient cependant ensuite cacher et inscrire dans le règne de la nature les <a href="https://www.jstor.org/stable/3631680">renommées historiquement construites à travers le commerce</a>.</p>
<h2>Du vin « aliment » au produit de luxe occasionnel</h2>
<p>Avec le développement de marchés de consommation du vin dans des pays non producteurs, tels l’Angleterre, le nord de l’Europe et l’Amérique, émerge une façon spécifique de concevoir le vin. </p>
<p>Sur ces marchés, le vin n’est pas considéré comme un produit agricole. Le vin est un produit de luxe, réservé à certains groupes sociaux. Même lorsque le vin se répand dans l’ensemble de la société, il demeure un produit rare et occasionnel. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523630/original/file-20230501-22-fr3cui.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523630/original/file-20230501-22-fr3cui.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523630/original/file-20230501-22-fr3cui.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523630/original/file-20230501-22-fr3cui.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523630/original/file-20230501-22-fr3cui.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523630/original/file-20230501-22-fr3cui.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523630/original/file-20230501-22-fr3cui.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une dégustation de vin à Worns, en Allemagne. Dans les marchés du nord de l’Europe et des États-Unis, le vin demeure un produit d’exception, que l’on boit lors d’occasions spéciales.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De nos jours, cette conception du vin s’est imposée et est devenue la conception dominante, même au sein des pays producteurs, <a href="https://www.editions-larousse.fr/livre/histoire-sociale-et-culturelle-du-vin-9782035841766">où la consommation quotidienne de vin a fait place à une consommation occasionnelle</a>. </p>
<h2>Bordeaux et le marché anglais</h2>
<p>Le cas de la région de Bordeaux est instructif et a joué un rôle clé dans le développement de plusieurs notions contemporaines du vin. </p>
<p>Le vignoble bordelais s’est développé en réponse à la demande des marchés anglais et hollandais, qui contrôlent tour à tour la région et son commerce à partir du XVII<sup>e</sup> siècle. Dans ce contexte, c’est sur le marché anglais que les consommateurs et les négociants commencent à porter une attention spécifique aux <em>vintages</em> (millésimes), ainsi qu’aux différents <em>growth</em>, les crus de Bordeaux, c’est-à-dire les « Châteaux », tel que Ho Bryan (Haut-Brion) ou Margose Wine (Margaux) dont les premières mentions sont en anglais. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523631/original/file-20230501-14-ld7s5e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523631/original/file-20230501-14-ld7s5e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523631/original/file-20230501-14-ld7s5e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523631/original/file-20230501-14-ld7s5e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523631/original/file-20230501-14-ld7s5e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523631/original/file-20230501-14-ld7s5e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523631/original/file-20230501-14-ld7s5e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Château et vignoble à Margaux, dans la région de Bordeaux. Le vignoble bordelais s’est développé en réponse à la demande des marchés anglais et hollandais, qui contrôlent tour à tour la région et son commerce à partir du XVIIᵉ siècle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Enfin, c’est sur la base du prix des vins sur le marché anglais qu’est établi, à l’occasion de l’exposition universelle de Paris, le <a href="https://www.fayard.fr/histoire/vins-vignes-et-vignerons-edition-brochee-9782213612553">fameux classement des crus de Bordeaux de 1855, toujours en vigueur aujourd’hui</a>. </p>
<p>L’apparition de nouveaux marchés de consommateurs, notamment en Asie, crée une pression à la hausse sur le marché du vin et fait augmenter les prix de certains vins provenant des domaines ou régions les plus recherchés. En même temps, la <a href="https://journals.openedition.org/geohist/2287">Chine</a> a commencé à produire et à exporter du vin, accroissant du même coup la concurrence déjà forte entre les <a href="https://journals.openedition.org/geocarrefour/13442">différentes régions productrices du monde</a> </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523628/original/file-20230501-18-8re5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523628/original/file-20230501-18-8re5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523628/original/file-20230501-18-8re5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523628/original/file-20230501-18-8re5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523628/original/file-20230501-18-8re5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523628/original/file-20230501-18-8re5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523628/original/file-20230501-18-8re5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une étagère remplie de bouteilles de vin dans un supermarché de Shanghaï, en Chine. Le pays a commencé à produire et exporter du vin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans les marchés d’Asie, le vin demeure un produit de prestige, qu’on offre notamment en cadeau, par exemple au <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/146735840000200405?journalCode=thrb">Japon</a>. Si jusqu’à présent les conceptions du vin sont principalement occidentales, peut-être que les marchés d’Asie pourraient en influencer les conceptions culturelles à moyen ou long terme.</p>
<p>Ce ne sont là que quelques exemples de la manière dont le caractère commercial du vin, à travers sa longue histoire, a influencé nos conceptions culturelles entourant ce produit. Or, est-ce que derrière les discours construisant son authenticité, le vin ne cache-t-il pas en partie sa vraie nature ? Car objectivement, le vin, ce n’est que du jus de raisin fermenté.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203291/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Fournier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Cela fait 3000 ans que le vin est un produit commercial. Paradoxalement, plusieurs des idées culturelles avec lesquelles nous le percevons aujourd’hui proviennent, justement, de ce caractère marchand.Vincent Fournier, Professeur au Département de communication sociale et publique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2017412023-03-23T17:53:03Z2023-03-23T17:53:03ZLe packaging du champagne, ou comment concilier les codes du luxe et le respect de l’environnement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/514970/original/file-20230313-16-yuwo9e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C16%2C982%2C645&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La recherche a démontré l’influence du packaging dans les décisions d’achat du consommateur en magasin.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/6/65/Lin%C3%A9aire_de_champagnes_en_grande_surface.jpg/1024px-Lin%C3%A9aire_de_champagnes_en_grande_surface.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La recherche en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marketing-21665">marketing</a> nous apprend que le packaging est un élément essentiel du produit. Combinant une fonction de protection et d’information, il permet de faciliter la reconnaissance de la marque par le consommateur et <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/076737010902400203">d’influencer ses choix</a>. Ainsi, le packaging fait partie intégrante de la stratégie des entreprises qui peuvent, grâce à lui, cultiver l’identité de leurs marques et mettre en avant à la fois la qualité de leurs produits et leur positionnement.</p>
<p>Dans le cas de produits traditionnels liés à une origine régionale ou à une appellation, le packaging revêt une <a href="https://www.jstor.org/stable/44816094">dimension encore plus particulière</a>. C’est notamment vrai pour le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/champagne-97931">champagne</a>, régulièrement associé au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/luxe-34482">luxe</a> et dont la dimension iconique en fait un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/10253866.2016.1177990">marqueur social</a>.</p>
<p>Partant de l’analyse de la composition de plus de 100 bouteilles de champagne brut sans année (catégorie très largement majoritaire en volumes) complétée par des entretiens auprès d’experts (institutionnels, producteurs, imprimeurs et infographistes, influenceurs), nous avons identifié dans une récente <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2021-3-page-161.htm">recherche</a> des « codes champagne ».</p>
<h2>« Roi des vins et le vin des rois »</h2>
<p>En résumé, il s’agit de la présence systématique d’une coiffe, une bouteille verte de forme classique champenoise, une étiquette rectangulaire horizontale, l’utilisation de dorures (sur la coiffe, la collerette et/ou l’étiquette) et le recours à des illustrations (arabesques, blasons, logos, etc.). Les combinaisons entre ces différents éléments sont très variées, avec plus ou moins de dorures et/ou d’illustrations, par exemple.</p>
<p>On retrouve également un bloc marque composé de l’appellation « champagne » écrite en majuscules et située au-dessus du nom de marque, lui-même inscrit dans une taille de police supérieure. Selon les experts interrogés, ces différents éléments, et notamment la couleur dorée, représentent « cette petite touche de luxe qui fait que le champagne est le champagne, que le champagne est le roi des vins et le vin des rois ». Elle semble donc essentielle.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/or-et-argent-ces-couleurs-qui-nuisent-a-la-vente-en-ligne-du-vin-133460">Or et argent… ces couleurs qui nuisent à la vente en ligne du vin</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Outre la bouteille elle-même, les maisons de champagne multiplient souvent les emballages et suremballages pour affirmer leur positionnement haut de gamme. On imagine difficilement une bouteille de Dom Pérignon vendue sans son coffret !</p>
<p>De même, certaines bouteilles de champagne blanc de blancs ou rosé sont transparentes afin que le consommateur puisse apprécier la jolie couleur du vin. Or, le verre transparent n’est pas recyclé et, comme il ne protège pas son contenu de la lumière, ces bouteilles sont souvent vendues emballées dans un plastique protecteur. À l’heure où le champagne réalise une transition environnementale dynamique au niveau de la viticulture, quid de l’impact des « matières sèches » liées au packaging sur l’environnement ? Et quid de l’effet de leur potentielle réduction sur la perception du produit par les consommateurs ?</p>
<h2>Une innovation dans une filière traditionnelle</h2>
<p>Derrière ces questions, c’est à la fois l’identité et la capacité de la filière à créer de la valeur qui sont en jeu. L’innovation est souvent présentée comme un <a href="https://www.cairn.info/revue-gestion-2011-4-page-44.htm">facteur de compétitivité</a>, voire de survie des entreprises, dans un environnement en perpétuelle évolution. Or, pour les produits régionaux à appellation d’origine tels que le vin, symbole par excellence de produit de terroir, il semblerait que les consommateurs soient friands d’authenticité, ce qui peut <a href="https://www.cairn.info/revue-market-management-2008-1-page-6.htm">freiner l’introduction d’innovations</a>, notamment au niveau du packaging. C’est sans doute encore plus vrai pour le champagne, dont le packaging doit en plus traduire un positionnement haut de gamme/luxe au sein des vins effervescents.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Notre étude montre pourtant que les producteurs ont recours à différents leviers pour moderniser leurs packagings. Par exemple : les logos et dessins remplacent les anciens blasons génériques (et donc impersonnels) ; le nombre d’éléments graphiques sur les étiquettes diminue pour une lisibilité et une personnalisation accrues ; l’or reste présent mais il est utilisé en moins grandes quantités ; la coiffe est raccourcie ; la collerette disparaît ; la typographie devient plus lisible ; les encadrements et les arabesques diminuent ; certaines étiquettes sont désormais positionnées verticalement.</p>
<p>De manière générale, la modernisation des étiquettes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0969698918304235">passe souvent par leur simplification</a>, ce qui est généralement bien perçu par les consommateurs.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/514965/original/file-20230313-18-8z8iwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514965/original/file-20230313-18-8z8iwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514965/original/file-20230313-18-8z8iwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514965/original/file-20230313-18-8z8iwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514965/original/file-20230313-18-8z8iwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514965/original/file-20230313-18-8z8iwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514965/original/file-20230313-18-8z8iwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514965/original/file-20230313-18-8z8iwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les quatre stratégies principales d’innovation packaging dans le champagne.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sur la base de l’opposition entre tradition et modernité, nous avons pu identifier quatre stratégies principales d’innovation packaging en Champagne. Délibérément complexes, les <strong>packagings traditionnels</strong> multiplient les codes champagne afin d’attirer le consommateur, se substituant à toute action publicitaire ou promotionnelle. Affichant un degré de modernisation limité, les <strong>packagings patrimoniaux</strong> permettent de mieux communiquer sur la marque, tout en conservant de nombreux codes champagne.</p>
<p>Dans le cas des <strong>packagings transitionnels</strong>, l’innovation est plus évidente, avec un design résolument contemporain qui privilégie une esthétique minimaliste et améliore la lisibilité et l’élégance du produit, qui reste pourtant ancré dans son univers de référence. Enfin, les <strong>packagings disruptifs</strong> affichent une volonté marquée de différenciation en « cassant » les codes du champagne.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/514966/original/file-20230313-20-ewjx1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514966/original/file-20230313-20-ewjx1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514966/original/file-20230313-20-ewjx1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514966/original/file-20230313-20-ewjx1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514966/original/file-20230313-20-ewjx1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514966/original/file-20230313-20-ewjx1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=393&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514966/original/file-20230313-20-ewjx1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=393&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514966/original/file-20230313-20-ewjx1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=393&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Exemples de packagings de champagne.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, malgré la difficulté apparente, il est possible d’introduire de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/innovation-21577">l’innovation</a> dans le packaging du champagne, à des degrés divers selon la sensibilité du producteur. Reste l’épineuse question du respect de l’environnement, qui peut sembler incompatible avec certains éléments évoqués, tels que les dorures, collerettes métalliques, coffrets, étuis, etc.</p>
<h2><strong>Packaging, luxe et environnement</strong></h2>
<p>Selon les experts interrogés, même les producteurs bénéficiant d’une certification environnementale sont encore souvent réticents à adapter certains de ces éléments afin que le contenant soit aussi vertueux que le contenu. Ils auraient peur que l’utilisation de matériaux recyclés (papiers, encres), par exemple, ne déprécie l’image de qualité du produit. Ainsi perdurent encore aujourd’hui les étiquettes plastifiées qui seules résistent à l’épreuve du seau à glace.</p>
<p>Le Champagne Telmont fait figure de contre-exemple, avec son ambitieuse stratégie de transition environnementale qui va de la vigne au packaging, incluant l’arrêt des bouteilles transparentes ainsi que des étuis et coffrets, ce qui aurait permis de réduire de 8 % leur empreinte carbone selon Ludovic du Plessis, président de la maison. Leur campagne publicitaire « <a href="https://www.cciframoz.fr/actualites/n/news/champagne-telmont-receives-a-packaging-gold-medal-for-its-no-packaging.html">The best packaging is no packaging</a> » leur a d’ailleurs valu la médaille d’or du magazine professionnel The Drinks Business pour la catégorie « Design et Packaging ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1628318609054244864"}"></div></p>
<p>Pour autant, leurs ventes sont en croissance et les cavistes et consommateurs se sont montrés très réceptifs à cette nouvelle stratégie. Selon Ludovic du Plessis :</p>
<blockquote>
<p>« Ils comprennent tout à fait que la durée de vie d’une boîte cadeau, elle est de 30 secondes. Et nous, on fait du champagne, on ne fait pas des boîtes ».</p>
</blockquote>
<p>La maison Telmont prouve ainsi qu’il est possible d’aller plus loin dans la stratégie d’innovation packaging en Champagne, en faisant du respect de l’environnement une priorité sans pour autant ternir l’image du produit.</p>
<hr>
<p><em>L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. L’alcool ne doit pas être consommé par des femmes enceintes</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201741/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurélie Ringeval-Deluze ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les bouteilles et les emballages utilisent des codes pour montrer que les vignerons répondent aux attentes des consommateurs, y compris en matière d’environnement.Aurélie Ringeval-Deluze, MCF en sciences de gestion, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2012302023-03-09T18:42:51Z2023-03-09T18:42:51ZExportations record pour les grands crus et destruction des vignes pour l’entrée de gamme, un marché viticole à deux vitesses<p>La France, pays du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vin-20325">vin</a>, s’apprête à arracher ses vignes. Et c’est l’emblématique région de Bordeaux, connue dans le monde entier pour ses vins, qui va commencer. Le 1<sup>er</sup> mars dernier, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a en effet annoncé que tout viticulteur girondin en difficulté pourra toucher 6000 euros par hectare arraché. Ce plan pourrait s’étendre à d’autres régions. Il fait suite à des manifestations à Bordeaux pour réclamer un plan social face à une situation de crise aiguë dans le vignoble : depuis plusieurs années, <a href="https://www.sudouest.fr/vin/crise-viticole-le-malaise-des-vignerons-bordelais-entendu-mais-toujours-aucune-promesse-13276645.php">on produit plus que l’on ne vend</a>.</p>
<p>Deux semaines avant, le 14 février dernier, la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS) dévoilait les <a href="https://www.fevs.com/presse/">nouveaux records d’exportations de vins et spiritueux</a> français pour 2022 : 17,2 milliards d’euros d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/exportations-28791">exportations</a>, soit une hausse de 10,8 % par rapport à la déjà très bonne année 2021, pour un excédent de 15,7 milliards d’euros qui situe le secteur en deuxième position derrière l’aéronautique en termes de performances commerciales.</p>
<p><iframe id="2FqMg" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/2FqMg/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Hors spiritueux, le vin seul représente plus de 11,6 milliards d’euros en 2022, en hausse de 10,3 % par rapport à l’année précédente. Avec de tels chiffres, la France conservera largement sa place de leader mondial de l’exportation de vin devant l’Italie (près de <a href="https://www.agenzianova.com/en/news/historic-record-for-Italian-wine-exports%2C-turnover-of-eight-billion-euros-in-2022">8 milliards d’euros d’exports en 2022</a>). À l’image de l’aéronautique, on imagine derrière ces performances commerciales exceptionnelles un secteur en pleine croissance et dans une santé économique resplendissante. Seul bémol, la FEVS indiquait que l’un des freins à cette hausse des exports tenait au manque de disponibilité (donc de volume) de vin.</p>
<h2>Le paradoxe français</h2>
<p>Au bilan, produit-on trop ou pas assez ? Cette question résume le paradoxe de la situation actuelle et ce contraste entre les performances à l’export et la réalité de la crise sociale dans le vignoble.</p>
<p>Comme souvent, le paradoxe n’est qu’apparent. Il se cache en partie dans les chiffres d’exports eux-mêmes. Si la valeur des exportations de vin a augmenté de 10,3 % en 2022, les volumes ont, eux, baissé de 6,6 % : de -6 % pour les vins d’Appellation d’origine protégée (AOP) à -18,1 % pour les vins sans mention d’origine géographique et de cépage. Seuls les champagnes ont connu une hausse des volumes exportés (8,5 %). Si la <a href="https://theconversation.com/gel-comment-mieux-assurer-les-viticulteurs-159000">mauvaise récolte de 2021</a>, explique en partie cette baisse des volumes, le fond du problème est ailleurs.</p>
<p><iframe id="OrNe5" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/OrNe5/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Au regard des statistiques de la FEVS, la lente érosion des volumes exportés est ancienne. Elle tient plus au phénomène de montée en gamme qu’à la disponibilité des produits. Cette <em>premiumisation</em> des exports, comme disent les Anglo-saxons, signifie que l’on exporte la meilleure qualité et que l’on écoule sur le plan domestique l’entrée de gamme. On exporte donc moins en volume, mais des vins toujours plus élitistes et de mieux en mieux valorisés, comme les champagnes et les vins des AOP les plus prestigieuses. La contraction des volumes exportés est étroitement corrélée avec le niveau de gamme, les vins AOP souffrant moins que les autres. Et si l’on entre dans le détail des niveaux de gamme à l’intérieur de chaque AOP, ce même constat s’impose : <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-wine-economics/article/abs/impact-of-exchange-rates-on-french-wine-exports/B5125152C907A5DC8C64C8E02258E993">on exporte prioritairement la meilleure qualité</a>.</p>
<p>Les coûts de l’export expliquent cette tendance. Plus on monte en gamme, moins les produits sont sensibles aux barrières aux échanges, notamment tarifaires (c’est <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10290-019-00372-z">l’effet Alchian-Allen</a>, bien connu des économistes), car l’élasticité-prix de la demande diminue avec le niveau de gamme.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>En clair, un marché du vin à deux vitesses émerge pour les producteurs français. Les produits haut de gamme se vendent de plus en plus à l’étranger, dans un contexte certes plus difficile avec les chocs récents, mais où la demande mondiale a augmenté sensiblement sur les vingt dernières années. Les vins situés plus bas dans la gamme ont plus de mal à s’exporter. Ils sont largement cantonnés à un marché domestique en déclin séculaire. Déclin qui s’accélère ces dernières années par l’érosion rapide des ventes dans les grandes et moyennes surfaces (GMS), principal canal de distribution des vins français.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/vins-et-spiritueux-un-immense-secteur-economique-aux-contours-flous-198612">Vins et spiritueux : un immense secteur économique aux contours flous</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>L’entrée de gamme souffre en France d’un problème de compétitivité-prix et d’un manque de marques de taille mondiale identifiables sur les principaux marchés étrangers. Le monde de l’entrée de gamme n’est pas idéal pour les petits producteurs. Il faut être capable de réaliser d’importantes économies d’échelle, d’investir dans le stockage, le contrôle de la qualité, le marketing, etc. De fait, la France paysanne des petits producteurs est en passe de perdre la bataille de l’entrée de gamme. Pourtant, ce segment peut être rémunérateur. Les constructeurs automobiles ou les compagnies aériennes, dits à bas prix, dégagent des marges élevées et gagnent des parts de marché.</p>
<h2>La premiumisation pénalise toute la filière</h2>
<p>Surtout, gagner de nouveaux marchés dans les pays nouvellement consommateurs avec des vins d’entrée de gamme permet de faire connaître une région viticole. Ces nouveaux consommateurs pourront peu à peu apprécier les autres produits de la gamme. Déserter l’entrée de gamme, c’est donc laisser la place aux autres pays producteurs pour mettre en avant leurs vins et gagner durablement des parts de marché à l’échelle mondiale. À terme, toute la filière sera perdante à la <em>premiumisation</em> des exportations de vins par l’abandon de l’entrée de gamme.</p>
<p>La difficulté pour une petite exploitation à survivre est donc réelle. La souffrance sociale est patente. L’aide demandée est assurément légitime et ne peut pas être remise en cause. La forme de l’aide pourrait en revanche être discutée. L’arrachage, à savoir la destruction de l’appareil productif, est-il la meilleure réponse à la détresse des viticulteurs ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1630964080365150214"}"></div></p>
<p>À court terme, il va permettre de résoudre des problématiques sociales sensibles et sans doute d’apurer qualitativement une partie du vignoble qui s’est dégradé ces dernières années faute de moyens. En cela, il constitue une première réponse.</p>
<p>À plus long terme, il ne peut que nous précipiter vers un abandon des entrées de gamme, ce qui serait une erreur stratégique. Le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/luxe-34482">luxe</a> et le très haut de gamme ne feront pas vivre tout le monde, loin s’en faut. Il faut conserver une base solide qui participe pleinement à l’image nationale et qui joue le rôle de porte d’entrée vers de nouveaux consommateurs.</p>
<h2>L’atomicité freine la compétitivité</h2>
<p>L’entrée de gamme demande une organisation industrielle permettant d’importantes économies d’échelle pour être compétitif. L’atomicité actuelle du secteur n’est pas compatible avec cet accroissement nécessaire de la compétitivité ni avec la résilience nécessaire face à la répétition des chocs climatiques et économiques. Elle n’est pas non plus compatible avec les besoins d’investissement dans la qualité, le stockage, le développement de gammes plus étoffées pour répondre aux différentes demandes du marché et aux différents moments de consommation.</p>
<p>Après l’urgence d’un plan social, il faudra reposer les bonnes questions et <a href="https://theconversation.com/quelques-pistes-provocantes-pour-sortir-le-vin-francais-de-la-crise-125027">explorer d’autres pistes</a>, comme remanier les AOP dans leurs nombres et leurs règles, que la réduction de la production. L’enjeu de l’entrée de gamme est certes extrêmement prégnant, mais il demande un haut degré de coordination des acteurs pour contourner le problème de l’atomicité et une intervention significative des pouvoirs publics pour aider la restructuration et la modernisation du secteur. Au risque sinon de laisser sombrer l’un des plus beaux fleurons de notre commerce extérieur, déjà fragilisé par la désindustrialisation.</p>
<hr>
<p><em>L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. L’alcool ne doit pas être consommé par des femmes enceintes</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201230/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Marie Cardebat est Président de la European Association of Wine Economists</span></em></p>Les exportations des vins les plus réputés battent tous les records tandis que les viticulteurs positionnés dans l’entrée de gamme arrachent leurs vignes faute de pouvoir écouler leur production.Jean-Marie Cardebat, Professeur d'économie à l'Université de Bordeaux et Prof. affilié à l'INSEEC Grande Ecole, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1986122023-02-01T19:08:27Z2023-02-01T19:08:27ZVins et spiritueux : un immense secteur économique aux contours flous<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/506583/original/file-20230126-33048-102fb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C1%2C1040%2C671&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le marché français des boissons alcoolisées pesait environ 50&nbsp;milliards d’euros en 2021.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.hippopx.com/en/query?q=french">Hippopx.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La récente campagne de communication de l’État sur les <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2023/alcool-et-bonne-sante-une-association-paradoxale-denoncee-dans-la-nouvelle-campagne-de-sante-publique-france">dangers de l’alcool</a> interpelle un secteur considéré paradoxalement comme l’un des plus prestigieux et économiquement lourd en France. Mais qu’en est-il réellement ? Le marché des vins et spiritueux est-il aussi moteur qu’on le pense ? Comment le mesurer et le comprendre dans un pays où la consommation d’alcool est devenue une <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/alcool/documents/article/pourquoi-les-francais-consomment-ils-de-l-alcool">particularité culturelle</a> en dépit des avertissements répétés quant à sa nocivité ?</p>
<p>Selon le portail statistique Statista, le marché français des boissons alcoolisées pesait environ <a href="https://fr.statista.com/statistiques/1330411/chiffre-affaires-marche-boissons-alcoolisees-par-pays/">50 milliards d’euros en 2021 et le marché mondial 1 500 milliards e</a> (dont plus de 300 milliards pour la Chine, le premier pays consommateur). En France, il représente <a href="https://bordeaux.business/marche-alcool-france-nouvelles-tendances/">plus de 700 000 emplois</a>, soit près de 2,5 % de la population active française en 2019. Au-delà des chiffres, il provoque les débats et les controverses les plus vifs, rendant au final son poids économique très délicat à calculer.</p>
<p>Car lorsque l’on veut mesurer le poids économique d’une filière, il y a ce que l’on peut mesurer et ce que l’on ne peut qu’approximer ou imaginer. Le marché permet de mesurer les ventes domestiques et à l’export, ainsi que l’emploi direct. Mais toutes les activités de production et de consommation génèrent des externalités positives et négatives. Ces effets induits sont difficiles à capter car ils ne passent pas directement par un mécanisme de marché leur affectant un prix.</p>
<p>Or la filière des boissons alcoolisées est fortement génératrice d’externalités. En France, elle déchaîne peut-être plus qu’ailleurs les <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/alcool/documents/article/evaluation-qualitative-du-defi-de-janvier-dry-january-2020">passions</a>. Entre un totem – rémunérateur – de notre culture, et un mal endémique – coûteux –, essayons d’objectiver le poids des boissons alcoolisées dans l’économie française.</p>
<h2>Phénomènes de substitution</h2>
<p>Commençons par ce que l’on peut mesurer : le marché. Il existe trois grandes familles de boissons alcoolisées : le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vin-20325">vin</a>, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/biere-80058">bière</a> et les spiritueux. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), elles représentaient en 2018 <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4319377">plus de 60 % du marché total</a> des boissons en valeur devant le café et le thé, mais aussi devant les sodas, l’eau ou les jus de fruits, dont les consommations augmentent bien plus vite. Car la consommation d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/alcool-26411">alcool</a> diminue très nettement depuis les années 1960 au profit des boissons non alcoolisées.</p>
<p><iframe id="8ekbu" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/8ekbu/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>C’est la consommation de vin, notamment de vin rouge, qui a le plus baissé. Le vin reste l’alcool le plus consommé historiquement en France mais perd beaucoup de terrain par rapport à la bière. Ce phénomène de substitution est classique. Il touche tous les pays producteurs d’une famille d’alcool. Ainsi la France, l’Italie et plus encore l’Espagne ont vu leur consommation de vin s’effondrer au profit de la bière. Dans les pays producteurs de bière, c’est l’inverse qui se déroule. Le Royaume-Uni boit plus de vin que de bière aujourd’hui alors que, dans les années 1960, sa consommation d’alcool <a href="https://library.oapen.org/handle/20.500.12657/30854">portait à plus de 80 % sur la bière</a>.</p>
<p>L’évolution sociologique tend à une consommation d’alcool moins régulière, <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2006-1-page-141.htm">plus féminisée aussi</a>. Le vin est passé d’une boisson de repas à une boisson occasionnelle. Il est en outre consommé par les plus âgés et les plus aisés, avec un déplacement de la demande vers des vins de plus haute qualité, donc plus chers. Le vin apparaît ainsi comme la boisson la <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/economie_du_vin-9782707190963">plus élitiste</a>.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>La bière devenant l’alcool le plus consommé par les jeunes et les ménages modestes. La consommation de spiritueux diminue également avec les revenus mais reste stable dans l’ensemble. En 2018, les Français buvaient en moyenne, <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4255812">selon l’Insee, 40,6 litres de vin par an et par personne</a>, contre 32,3 litres de bière et 5,3 de spiritueux.</p>
<h2>Premier secteur agricole français</h2>
<p>Le vin est aussi l’alcool le plus produit en France. Même si la France <a href="https://www.lepoint.fr/economie/vin-l-italie-detrone-la-france-28-10-2015-1977531_28.php">a perdu sa place de premier producteur mondial</a> au profit de l’Italie il y a une quinzaine d’années, elle reste l’un des principaux pays de production à l’échelle mondiale (en moyenne <a href="https://www.intervin.fr/etudes-et-economie-de-la-filiere/chiffres-cles">4,2 milliards de litres</a> ces dernières années), en particulier pour les vins de qualité supérieure. Le secteur pèse environ <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3537221">150 000 emplois directs</a> et <a href="https://www.intervin.fr/etudes-et-economie-de-la-filiere/chiffres-cles">500 000 emplois au total en 2019</a> en comptabilisant les emplois induits. Le vin représente le premier secteur agricole français.</p>
<p>Les fédérations professionnelles des spiritueux et de la bière avancent le chiffre de <a href="https://www.spiritueux.fr/developper/chiffres-cles/">100 000 emplois</a> pour chaque filière en comptabilisant les emplois induits. Les deux contribuent fortement au secteur agricole. La filière spiritueux achète ainsi environ 700 millions de matières agricoles en France chaque année. Notre pays est également un important producteur et exportateur d’orge de brasserie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1555458521872859139"}"></div></p>
<p>Pour autant, la France ne fait pas partie des grands producteurs de bière. En revanche, elle se distingue en Europe par la <a href="https://fr.statista.com/infographie/19362/evolution-du-nombre-de-brasseries-et-microbrasseries-en-france/">très forte croissance du nombre de brasseries artisanales</a>. La production de bière y est ainsi très atomisée, à l’instar du vin. C’est d’ailleurs à rapprocher avec une autre caractéristique commune à ces trois grandes familles d’alcool : leurs productions maillent très finement le territoire français. Elles créent des emplois là il y en a parfois très peu, notamment dans les zones rurales, et pour tous les niveaux de qualifications, avec une prédominance marquée pour des emplois d’ouvrier. C’est sans doute l’un des principaux intérêts économiques de ces filières.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/507547/original/file-20230201-5970-92lwt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/507547/original/file-20230201-5970-92lwt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507547/original/file-20230201-5970-92lwt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507547/original/file-20230201-5970-92lwt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507547/original/file-20230201-5970-92lwt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507547/original/file-20230201-5970-92lwt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507547/original/file-20230201-5970-92lwt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507547/original/file-20230201-5970-92lwt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.statista.com/infographie/19362/evolution-du-nombre-de-brasseries-et-microbrasseries-en-france/">Statista (2021)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Un deuxième intérêt économique tient au solde commercial très excédentaire de ce secteur. Cela ne vaut pas pour la bière, dont nous sommes plutôt importateurs nets. En revanche, les vins et spiritueux représentent le <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/c0906ad5-ef46-4631-8393-3b4557b03f52/files/a6a2a393-c4a2-4746-a85e-527f2d29cc82">deuxième solde exportateur net de la France</a>, avec 13,7 milliards d’euros en 2021, derrière l’aéronautique. Dans un pays qui accumule les déficits commerciaux depuis 20 ans, un tel excédent prend toute son importance.</p>
<p>Troisième grand intérêt économique de ces filières pour le pays : le tourisme. Devenu très à la mode à l’échelle mondiale, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/oenotourisme-78515">l’œnotourisme</a> (au sens large, en incluant les brasseries et les producteurs de spiritueux) fait recette. Le Comité national des interprofessions des vins à appellation d’origine et à indication géographique (CNIV) revendique ainsi <a href="https://www.intervin.fr/etudes-et-economie-de-la-filiere/chiffres-cles">10 000 caves en France</a> qui accueilleraient 10 millions de touristes (dont 39 % étrangers), tandis que la Fédération française des spiritueux parle de <a href="https://www.spiritueux.fr/developper/chiffres-cles/">2 millions de visiteurs</a> annuellement accueillis dans les entreprises de spiritueux. Les répercussions économiques de ce tourisme n’ont cependant pas été mesurées précisément.</p>
<p>Au-delà, les vins et les spiritueux français jouissent d’une réputation mondiale, faisant du pays un leader d’excellence. Vecteur d’attractivité forte, à l’instar du luxe, il participe à un savoir-vivre et un savoir-faire unique. Les vins et spiritueux se posent ainsi en éléments culturels forts, pour certains inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco comme les <a href="https://www.beaune-tourisme.fr/decouvrir/les-vins-de-bourgogne/les-vignobles-de-bourgogne/les-climats-de-bourgogne-inscrits-a-l-unesco">Climats du vignoble de Bourgogne</a> ou <a href="https://www.vitisphere.com/actualite-88864-les-vins-de-saint-emilion-veulent-valoriser-le-classement-unesco.html">l’appellation Saint-Émilion</a>. Derrière ces boissons se trouve en effet un patrimoine naturel (les paysages), architectural et humain (les savoir-faire), singulier.</p>
<p>Cependant, cette externalité positive que représente l’impact économique et social de cette renommée mondiale n’a jamais été mesurée.</p>
<h2>Un coût social de 120 milliards d’euros</h2>
<p>En revanche, les externalités négatives ont donné lieu à plusieurs tentatives de mesures. Ces externalités s’expriment en termes de pathologies et d’accidentologies imputables à l’alcool. L’étude la plus citée en France est celle menée sur l’année 2010 par l’économiste Pierre Kopp. Il chiffrait à <a href="https://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/epfxpkvc.pdf">120 milliards d’euros le coût social de l’alcool</a>. Ce coût se décompose en pertes de vies humaines, perte de qualité de vie et de productivité, et d’un coût net pour les finances publiques (soins, prévention et répression après déduction des recettes fiscales et des économies sur les retraites).</p>
<p>À cela il faudrait ajouter le coût des <a href="https://www.geo.fr/environnement/a-lheure-de-lapero-quelles-sont-les-boissons-qui-emettent-le-plus-de-co2-211304">effets environnementaux</a> délétères que peut avoir la production de boissons alcoolisées : bilan carbone de la filière, effets des produits phytosanitaires sur la santé des travailleurs et des riverains, etc., mais ce chiffrage n’existe pas.</p>
<p>Ainsi, la mesure du poids économique d’une filière par les seuls aspects de marché ne suffit pas. Une vision holistique impose d’y ajouter la balance entre les externalités positives et négatives. Pour le secteur des alcools, c’est une gageure car il n’existe pas d’étude sur toutes ces formes d’externalités. Cela laisse le débat ouvert, mais juger ce secteur sans prendre en compte ses externalités négatives serait une erreur aussi lourde que de le juger sur son seul poids de marché.</p>
<hr>
<p><em>L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. L’alcool ne doit pas être consommé par des femmes enceintes</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198612/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Marie Cardebat a reçu des financements de l'Union Européenne et la Région Nouvelle Aquitaine. </span></em></p>Le poids économique de la filière alcool reste difficile à évaluer : plusieurs externalités, positives comme le prestige international ou négatives comme le coût social, ne sont pas prises en compte.Jean-Marie Cardebat, Professeur d'économie à l'Université de Bordeaux et Prof. affilié à l'INSEEC Grande Ecole, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1970902022-12-29T17:43:08Z2022-12-29T17:43:08ZVins « pétillants », « mousseux », « effervescents »… Sait-on bien de quoi l’on parle ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/502730/original/file-20221229-162621-t9wbkl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C8%2C5340%2C3557&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Trinquer à la nouvelle année ne se fera pas avec n’importe quoi.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Parmi les incontournables du réveillon de la Saint-Sylvestre et du passage à la nouvelle année, le champagne tient une place de choix. On le sabre entre amis, on le <a href="https://www.europe1.fr/societe/reveillon-du-nouvel-an-on-vient-de-lyon-pour-boire-le-champagne-sur-les-champs-elysees-3940472">partage avec des inconnus sur les Champs-Élysées</a> ou on le déguste quasi religieusement en tête à tête dans une ambiance plus intimiste. Bref, on l’associe inévitablement et sans forcément en être conscient à des circonstances de dégustation particulières, construites par nous ou héritées, et qui nous feront réserver la meilleure de nos bouteilles pour tel évènement. Mais qui du produit ou des circonstances de dégustation impose l’autre ?</p>
<p>Dans le même temps, d’autres circonstances, plus économiques, <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03814793/">marketing</a> et parfois identitaires ou culturelles, s’imposent elles aussi. Le champagne n’est plus seul dans les rayons. Il y côtoie en premier lieu les crémants français, mais aussi toute une kyrielle de vins effervescents étrangers : les <em>cavas</em> espagnols, les <em>proseccos</em> italiens ou encore, plus récemment, les <em>espumantes</em> brésiliens pour ne citer que quelques exemples latins.</p>
<p>Dans ce contexte relevant du domaine du <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-03546887v1">sensoriel</a>, un regard porté sur les <a href="https://shs.hal.science/halshs-03914400">mots et les discours</a> des professionnels des filières et sur ceux des consommateurs se révèle riche d’enseignements. Comme souvent dans l’industrie agro-alimentaire, comme en parfumerie, les mots utilisés et les discours construits autour des produits visés disent bien souvent plus sur celles et ceux qui les utilisent, leurs représentations, les évaluations conscientes (ou non) auxquelles ils se livrent, que sur les produits eux-mêmes.</p>
<h2>Quand la sémantique prend le pas sur la technique</h2>
<p>Comme fréquemment dans le domaine des vins et spiritueux, le point de départ se veut on ne peut plus « objectif ». Dans le secteur, on renverra par exemple à des phénomènes de pression de gaz carbonique. Des désignations, des <a href="https://shs.hal.science/view/index/identifiant/halshs-01887219">« termes »</a> comme disent les linguistes, correspondent à une réalité précise et une seule. Le tout est circonscrit techniquement dans les textes règlementaires.</p>
<p>« <a href="https://institut-agro-dijon.hal.science/view/index/identifiant/hal-02407386">Effervescent</a> », recouvre ainsi l’ensemble de vins contenant du gaz carbonique et les professionnels procèdent ensuite à une subdivision en trois grandes sous-catégories selon la pression et la concentration en dioxyde de carbone. Dans l’ordre croissant de ces paramètres, on retrouve ainsi les vins « perlants », les vins « pétillants » et les vins « mousseux ».</p>
<p><iframe id="PhoqP" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/PhoqP/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Il s’agit là de distinctions indispensables notamment au <a href="https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2013:347:0671:0854:fr:PDF">niveau juridique</a> : il s’agit de garantir au consommateur la qualité d’un produit, la pérennité d’un savoir-faire et la singularité d’une filière. Le débat récent sur l’utilisation de la désignation « Champagne » pour des <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/marne/champagne-fin-de-l-appellation-en-russie-depuis-le-1er-janvier-le-dialogue-se-poursuit-2399827.html">effervescents russes</a> a été l’occasion de le rappeler : car bien vite, la sémantique prend le pas sur la technique.</p>
<p>Il suffit en effet de poser son micro ou sa caméra là où vont sauter les bouchons le 31 décembre ou le 1<sup>er</sup> janvier pour se rendre compte que nos <a href="https://shs.hal.science/halshs-01236117">représentations</a> ne s’encombrent pas de ces nomenclatures de sciences physiques pour employer tous ces termes. Seul « perlant », peut-être, n’appartient encore qu’au lexique expert.</p>
<p>« Pétillant » et « effervescent » ont de leur côté vu leur sens, en usage, évoluer pour devenir des mots ne disant finalement plus grand-chose d’autre que « vins (de qualité) avec des bulles ». « Mousseux », pourtant « neutre » dans sa définition légale, prend lui une connotation plutôt négative auprès du consommateur. Dans un tel contexte, le terme technique a intérêt à rester circonscrit aux seuls professionnels. Nos <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-01806309">recherches</a> montrent ainsi comment le « Bourgogne mousseux » a été renommé avec efficacité « Crémant de Bourgogne » pour accompagner une montée en gamme du produit.</p>
<h2>Et le goût ?</h2>
<p>Partant de données produites en conditions contrôlées avec de larges panels de consommateurs et d’experts, nos travaux des dernières années ont croisé des questionnaires déconnectés de toute situation de dégustation avec des questionnaires remplis en cours de dégustation. On voit ainsi se dessiner ce qui, pour les panels français interrogés, constitue le <a href="https://shs.hal.science/halshs-01839256/">prototype</a> du vin effervescent.</p>
<p>Que le meilleur représentant de la catégorie des effervescents soit le « champagne » n’est pas une révélation, et ce n’est pas non plus l’aspect le plus intéressant. Ce qui retient l’attention, ce sont les composantes en quelque sorte scénarisées de ce prototype au premier lieu desquelles les circonstances de consommation, quasi exclusivement festives.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/502731/original/file-20221229-120640-m5ztgk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/502731/original/file-20221229-120640-m5ztgk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502731/original/file-20221229-120640-m5ztgk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502731/original/file-20221229-120640-m5ztgk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502731/original/file-20221229-120640-m5ztgk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502731/original/file-20221229-120640-m5ztgk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502731/original/file-20221229-120640-m5ztgk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502731/original/file-20221229-120640-m5ztgk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les <em>cavas</em> espagnols et autres <em>espumantes</em> brésiliens se retrouvent aujourd’hui sur nos rayons.</span>
<span class="attribution"><span class="source">graydaiiz/pxhere</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>D’autres composantes retiennent tout autant l’attention : le prix et la représentation sociale correspondant au fait de dépenser telle somme pour une bouteille, les univers associés de raffinement, de finesse et d’élégance, ainsi que la valorisation du savoir-faire, de la tradition, du <a href="https://hal-univ-bourgogne.archives-ouvertes.fr/TIL/halshs-03573492v1">terroir</a>.</p>
<p>Finalement, l’amateur du goût serait presque déçu que les aspects strictement sensoriels s’effacent dans les réponses des enquêtés au profit de ces univers de représentations. L’appréciation se fera d’ailleurs souvent par rapport à ce que l’on pense connaître du champagne :</p>
<blockquote>
<p>« Finalement, entre ça et un mauvais champagne au même prix… »</p>
</blockquote>
<h2>De la prise de mousse à la « tomada de espuma »</h2>
<p>Parmi les concurrents internationaux sur le segment des effervescents, notre attention s’est focalisée sur le marché émergent des <a href="https://shs.hal.science/halshs-02285722"><em>espumantes</em> brésiliens</a>. A Rio ou à Sao Paulo, la dimension expérientielle produira aussi une terminologie plutôt spontanée à partir de termes techniques détournés chez les Brésiliens : « refrescante », « <em>suave</em> », « perlage »…</p>
<p>La dimension objective y prend cependant plus de place, notamment dans le discours expert. Presque paradoxalement, le recours à la terminologie française se fait de manière plus massive que dans l’hexagone. Cela se traduit par des emprunts et des tentatives de traduction : la « prise de mousse » est ainsi calquée en « tomada de espuma ».</p>
<p>C’est donc la <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03379797/">langue française qui servirait de « modèle »</a> pour en parler. Et ce rôle de la terminologie française du champagne ne saurait être déconnecté de la réalité cognitive qu’est le prototype « Champagne », par-delà les langues et les cultures. Au Brésil, le terme connaît un usage commun et ce n’est que très récemment que le pays a reconnu l’Appellation d’Origine Contrôlée, en 2012. Le pionnier dans la production d’effervescents, la maison <a href="https://avis-vin.lefigaro.fr/vins-du-monde/carnet-de-voyage/o119407-le-bresil-promis-a-un-avenir-petillant">Peterlongo</a>, peut d’ailleurs encore, et légalement, appeler certains de ses produits « Champagne ».</p>
<hr>
<p><em>L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. L’alcool ne doit pas être consommé par des femmes enceintes</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197090/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Matthieu Bach est membre de SATT SAYENS. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laurent Gautier et Mariele Mancebo ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Ces termes, qui renvoient à l’origine à des grandeurs mesurables, disent peut-être aujourd’hui plus des circonstances de dégustation, d’un Nouvel An par exemple.Laurent Gautier, Professeur des Universités en linguistique allemande et appliquée, Université de Bourgogne – UBFCMariele Mancebo, Docteure en Sciences du Langage, Université de Bourgogne – UBFCMatthieu Bach, Docteur en Etudes Germaniques, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1968192022-12-20T15:58:08Z2022-12-20T15:58:08ZLouis Pasteur : l’empreinte toujours d’actualité d’un révolutionnaire en blouse<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/501896/original/file-20221219-18-dfqqrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C27%2C1547%2C1039&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Louis Pasteur était un expérimentateur hors pair.</span> <span class="attribution"><span class="source">DR</span></span></figcaption></figure><p>Toutes les plus grandes découvertes scientifiques n’ont pas donné lieu à des prix Nobel.</p>
<p>Ainsi, <a href="https://doi.org/10.1111/j.1469-0691.2012.03945.x">Louis Pasteur</a>, dont on célèbre le bicentenaire de la naissance (1822-1895), est sans doute le microbiologiste le plus connu au monde et l’un de ceux dont l’impact reste le plus important. On lui doit notamment la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK24649/">théorie des germes responsables de maladies</a> et l’invention du processus de pasteurisation – qui porte son nom – pour conserver les aliments.</p>
<p>Il a également développé les vaccins <a href="https://doi.org/10.1111%2Fj.1365-2249.2012.04592.x">contre la rage</a> et la <a href="https://www.cdc.gov/anthrax/basics/anthrax-history.html">maladie du charbon</a>, et a apporté une contribution majeure à la <a href="https://www.vbivaccines.com/evlp-platform/louis-pasteur-attenuated-vaccine/#">lutte contre le choléra</a>.</p>
<p>Mais il est mort en 1895… Six ans avant l’attribution du premier <a href="https://www.nobelprize.org/">prix Nobel</a> ! Le prestigieux prix, <a href="https://www.nobelprize.org/the-nobel-prize-organisation/#">jamais attribué à titre posthume</a>, ne figurera donc jamais à son palmarès.</p>
<p>À l’heure du <a href="https://theconversation.com/Covid-19-un-hiver-imprevisible-sous-le-sceau-de-la-diversification-massive-et-inedite-domicron-192897">Covid-19</a> et où les <a href="https://theconversation.com/comment-les-changements-environnementaux-font-emerger-de-nouvelles-maladies-130967">maladies infectieuses émergentes ou réémergentes</a> représentent une menace croissante – polio, <a href="https://theconversation.com/variole-du-singe-cette-circulation-de-la-maladie-est-completement-nouvelle-183517">monkeypox (variole du singe)</a> ou <a href="https://doi.org/10.12703/b/9-9">rage</a> –, il est impressionnant de se remémorer l’héritage de Pasteur. Ses efforts ont bouleversé la façon dont nous percevons les maladies infectieuses et dont nous pouvons les combattre par le biais des vaccins.</p>
<p>J’ai travaillé dans des <a href="https://rodneyerohde.wp.txstate.edu/">laboratoires médicaux et de santé publique</a> en me spécialisant dans les virus et autres microbes, tout en <a href="https://www.health.txstate.edu/cls/">formant de futurs scientifiques en biologie médicale</a>. Ma carrière a débuté en virologie, alors que je travaillais à la <a href="https://scholar.google.com/citations?user=8XtvOZ8AAAAJ&hl=en">détection et la surveillance de la rage</a> – entre autres agents zoonotiques. Et, un siècle plus tard, elle repose toujours largement sur les travaux pionniers de Pasteur en microbiologie, immunologie et vaccinologie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/486641/original/file-20220926-8928-88tfgu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Illustration en noir et blanc de Pasteur au milieu de patients" src="https://images.theconversation.com/files/486641/original/file-20220926-8928-88tfgu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486641/original/file-20220926-8928-88tfgu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=492&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486641/original/file-20220926-8928-88tfgu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=492&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486641/original/file-20220926-8928-88tfgu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=492&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486641/original/file-20220926-8928-88tfgu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=618&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486641/original/file-20220926-8928-88tfgu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=618&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486641/original/file-20220926-8928-88tfgu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=618&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Louis Pasteur (à droite) supervisant l’administration de son vaccin contre la rage à l’Institut portant son nom à Paris, en 1886.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/an-illustration-shows-french-biologist-louis-pasteur-right-news-photo/1266883710">Library of Congress/Interim Archives via Getty Images</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>En premier lieu, un chimiste</h2>
<p>Selon moi, les plus grandes contributions de Pasteur à la science sont ses remarquables réalisations dans le domaine de la microbiologie médicale et de l’immunologie… Toutefois, son parcours commence par la chimie organique.</p>
<p>Étudiant, Pasteur est fortement influencé par un de ses maîtres, le <a href="https://www.britannica.com/biography/Jean-Baptiste-Andre-Dumas">chimiste français Jean-Baptiste-André Dumas</a>. Pendant cette période, le jeune homme, curieux, s’intéresse à de nombreux domaines, allant des origines de la vie à l’étude de la <a href="https://www.pasteur.fr/en/institut-pasteur/history/early-years-1847-1862">lumière polarisée et de la cristallographie</a>.</p>
<p>En 1848, quelques mois seulement après avoir obtenu son doctorat, Pasteur se lance dans l’analyse des propriétés des cristaux formés lors de la fabrication du vin : il découvre qu’ils se <a href="https://journals.openedition.org/bibnum/443">présentent sous des formes « inversées » (comme nos mains)</a>, une propriété connue sous le nom de chiralité. Cette découverte, qui a un impact sur la lumière, est devenue le fondement d’une sous-discipline de la chimie connue sous le nom de <a href="https://doi.org/10.1002/hlca.201900098">stéréochimie</a>, ou étude de la disposition spatiale des atomes dans les molécules. L’<a href="https://doi.org/10.1007/BF03401596">hypothèse est révolutionnaire</a>.</p>
<p>Ces découvertes vont le conduire à soupçonner ce qui allait être prouvé bien plus tard, par la biologie moléculaire : tous les processus de vie découlent de l’arrangement précis des atomes au sein des molécules biologiques…</p>
<h2>Vin et bière : de la fermentation à la théorie des germes</h2>
<p>La bière et le vin étaient <a href="https://ageofrevolutions.com/2016/12/05/intoxication-and-the-french-revolution/">essentiels à l’économie de la France</a> et de l’Italie dans les années 1800. Mais il n’était pas rare que les produits se gâtent et deviennent amers sinon dangereux à boire. À l’époque, la notion de « génération spontanée », selon laquelle la vie peut naître à partir d’une matière non vivante, est alors considérée comme le coupable de l’altération du vin…</p>
<p>Bien des scientifiques ont tenté de réfuter cette théorie, en vain. En 1745, le biologiste anglais <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/pdf/10.1098/rstl.1748.0072">John Turberville Needham</a> pense même avoir mis au point l’expérience parfaite en faveur de la génération spontanée : un protocole pour montrer que les micro-organismes peuvent se développer sur les aliments même après ébullition (la chaleur étant connue pour tuer les microbes). Après avoir fait bouillir du bouillon de poulet, il le place dans une fiole, qu’il fait chauffer à son tour avant de le sceller. Et au bout de quelque temps, victoire ! il constate bien le développement de nouveaux micro-organismes.</p>
<p>Cependant, son expérience <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17940406/">présente deux défauts majeurs</a> : d’une part, le temps d’ébullition adopté n’était pas suffisant pour tuer tous les microbes présents ; d’autre part, ses flacons n’étaient fermés que dans un second temps, ce qui permettait leur contamination microbienne.</p>
<p>Pour mettre fin à cette bataille scientifique aux conséquences majeures, l’Académie des sciences française décide d’organiser une sorte de concours de la meilleure expérience <a href="https://doi.org/10.1080/00033798800200281">pour prouver ou réfuter la génération spontanée</a>. Pasteur s’y inscrit. Il conçoit une série d’expériences, qu’il compilera en 1861 dans un de <a href="https://doi.org/10.3389%2Ffimmu.2012.00068">ses essais les plus importants. :« Mémoire sur les corpuscules organisés qui existent dans l’atmosphère – examen de la doctrine des générations spontanées »</a>.</p>
<p>Le chimiste-biologiste touche-à-tout considère l’une de ces expériences comme « inattaquable et décisive » car, contrairement à Needham, après avoir véritablement stérilisé ses cultures, il les préserve de toute contamination ultérieure grâce à un procédé aussi simple qu’élégant : l’utilisation de ses désormais célèbres flacons à col de cygne, dont le long col en forme de S permettait à l’air de circuler tout en empêchant les éventuelles particules présentes d’atteindre le bouillon pendant le chauffage. Et de fait, ses flacons sont restés vierges de toute croissance microbienne.</p>
<p>Ce qui prouva, définitivement, que si l’air n’était pas admis directement, alors aucun « micro-organisme vivant n’apparaissait, même après des mois d’observation » ; à l’inverse, si de la poussière était introduite, des microbes apparaissaient. La controverse est définitivement close.</p>
<p>Grâce à ce processus, Pasteur a non seulement réfuté la théorie de la génération spontanée, mais il a également démontré que les micro-organismes étaient partout. Ce sont eux qui gâtent aliments et vins qu’ils contaminent – et des entités apparues de rien. la <a href="https://doi.org/10.3389%2Ffimmu.2012.00068">théorie moderne des germes de la maladie est née</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/AJByE5jO6Ys?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les découvertes de Pasteur restent de première importance aujourd’hui.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Aux origines de la vaccination</h2>
<p>Dans les années 1860, alors que l’industrie de la soie était dévastée par deux maladies qui <a href="https://www.pasteur.fr/fr/institut-pasteur/notre-histoire/deuxieme-epoque-1862-1877">infectaient les vers à soie</a>, Pasteur <a href="https://doi.org/10.1111/j.1469-0691.2012.03945.x">met au point un procédé ingénieux</a> permettant d’examiner les œufs de vers à soie au microscope et de préserver ceux qui étaient sains. À l’instar de ses efforts dans le domaine du vin, il a pu appliquer ses observations aux méthodes industrielles et est devenu une sorte de <a href="https://doi.org/10.3390%2Fbiom12040596">« héros français »</a>, à tout le moins un de ses scientifiques les plus connus.</p>
<p>Même <a href="https://www.biography.com/scientist/louis-pasteur">avec une santé défaillante</a> suite à une grave attaque cérébrale qui l’a laissé partiellement paralysé, Pasteur va poursuivre son travail. En 1878, il identifie notamment et réussit à cultiver la bactérie <a href="https://doi.org/10.3389/fimmu.2012.00068">responsable du choléra aviaire</a>.</p>
<p>Il remarque également que les anciennes cultures bactériennes n’étaient plus nocives et que les poulets vaccinés avec ces dernières pouvaient survivre à l’exposition aux souches sauvages et toujours virulentes de la bactérie. Autre observation fondamentale : des poulets apparemment sains pouvaient excréter les bactéries nocives… Un constat qui a contribué à établir un concept important, devenu très familier à l’ère du Covid-19 : les individus asymptomatiques, des « porteurs sains », peuvent aussi propager des germes.</p>
<p>Après le choléra aviaire, Pasteur se tourne vers la prévention de l’<a href="https://rarediseases.org/rare-diseases/anthrax/">anthrax (maladie du charbon)</a>, un fléau alors très répandu chez le bétail et d’autres animaux – causé par la bactérie <em>Bacillus anthracis</em>. S’appuyant sur ses propres travaux et sur ceux du médecin allemand <a href="https://doi.org/10.12816/0003334">Robert Koch</a>, Pasteur développe le concept des <a href="https://doi.org/10.3389/fimmu.2012.00068">versions « atténuées », ou affaiblies, des microbes</a> pour les utiliser dans les vaccins.</p>
<p>À la fin des années 1880, il démontre sans l’ombre d’un doute que l’exposition du bétail à une forme affaiblie virus via un vaccin (en l’occurrence contre la maladie du charbon) pouvait entraîner ce que l’on appelle désormais l’immunité – et réduire considérablement la mortalité du bétail, et bientôt de l’être humain.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/486643/original/file-20220926-25-dha566.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Image de synthèse du virus de la rage, qui ressemble ici à une pomme de pin" src="https://images.theconversation.com/files/486643/original/file-20220926-25-dha566.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486643/original/file-20220926-25-dha566.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486643/original/file-20220926-25-dha566.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486643/original/file-20220926-25-dha566.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486643/original/file-20220926-25-dha566.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486643/original/file-20220926-25-dha566.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486643/original/file-20220926-25-dha566.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le virus mortel de la rage (en brun). Bien qu’elle puisse être évitée par la vaccination, la rage tue encore chaque année environ 59 000 personnes dans le monde.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/illustration/rabies-virus-illustration-royalty-free-illustration/1191008423">Nano Clustering/Science Photo Library via Getty Images</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La percée du vaccin contre la rage</h2>
<p>De mon point de vue professionnel, la découverte de Louis Pasteur de la vaccination contre la rage est la plus importante de toutes ses réalisations.</p>
<p>La rage, qui se transmet de l’animal à l’homme <a href="https://doi.org/10.12703/b/9-9">par morsure</a>, a été qualifiée de <a href="https://www.goodreads.com/book/show/13403051-rabid">« virus le plus diabolique du monde »</a>.</p>
<p>Travailler avec ce pathogène reste incroyablement dangereux car, sans vaccination, à partir du moment les symptômes apparaissent, la <a href="https://www.elsevier.com/books/rabies/wilson/978-0-323-63979-8">mortalité avoisine les 100 %</a>. <a href="https://gallica.bnf.fr/blog/09122022/pasteur-et-la-decouverte-du-vaccin-contre-la-rage?mode=desktop">Grâce à une observation astucieuse</a>, Pasteur découvre que faire sécher de la moelle épinière de lapins et de singes enragés morts permettait d’obtenir une forme affaiblie du virus. En utilisant cette version affaiblie comme vaccin avant d’exposer progressivement des chiens au virus de la rage, il réussit à les immuniser efficacement.</p>
<p>Puis vient le passage à l’Homme. En juillet 1885, <a href="https://www.pbs.org/newshour/health/louis-pasteurs-risky-move-to-save-a-boy-from-almost-certain-death">Joseph Meister, un garçon de 9 ans, est mordu par un chien enragé</a>… La mort du garçon étant presque certaine, sa mère l’emmène à Paris pour voir Pasteur, car elle avait entendu qu’il travaillait à la mise au point d’un traitement.</p>
<p>Pasteur accepte de s’occuper de l’enfant. Avec deux médecins, il lui administre une série d’injections pendant plusieurs semaines. La survie du jeune Joseph va provoquer une stupéfaction mondiale : pour la première fois, un remède permettait de survivre à cette maladie mortelle. Cette découverte ouvre la voie à l’utilisation généralisée du vaccin antirabique du biologiste français, ce qui permettra de <a href="https://doi.org/10.3390%2Ftropicalmed2020005">réduire considérablement la mortalité due à la rage</a>.</p>
<h2>Une vie digne du Nobel</h2>
<p>Pasteur a dit un jour que « dans les domaines de l’observation, le <a href="https://www.nhlbi.nih.gov/directors-messages/serendipity-and-the-prepared-mind">hasard ne favorise que les esprits préparés</a> ». Lui était prêt.</p>
<p>Il a su utiliser ce qu’il voyait lorsque de ses expériences pour se confronter à certains des dilemmes les plus dramatiques auxquels l’humanité a été confrontée.</p>
<p>Bien que Louis Pasteur soit décédé avant l’instauration du prix Nobel, ses découvertes et sa contribution aux sciences dans les domaines de la médecine, des maladies infectieuses, de la vaccination, de la microbiologie et de l’immunologie le placent parmi les plus grands scientifiques de tous les temps.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196819/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rodney E. Rohde a reçu des financements de l'American Society of Clinical Pathologists (ASCP), de l'American Society for Clinical Laboratory Science (ASCLS), du ministère américain du Travail (OSHA) et d'autres entités/fondations publiques et privées. Il est affilié à l'ASCP, à l'ASCLS et à l'ASM, et fait partie de plusieurs conseils consultatifs scientifiques (voir <a href="https://rodneyerohde.wp.txstate.edu/service/">https://rodneyerohde.wp.txstate.edu/service/</a>).</span></em></p>À l’occasion du bicentenaire de sa naissance, il est important de rappeler l’impact fondamental de Louis Pasteur : médecine, biologie… ont été bouleversées par son esprit curieux et ses expériences.Rodney E. Rohde, Regents' Professor of Clinical Laboratory Science, Texas State UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1921392022-12-06T19:02:31Z2022-12-06T19:02:31ZPourquoi la bière n’a pas fini de se faire mousser<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/499278/original/file-20221206-8417-xtadd6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C17%2C1920%2C1258&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La fabrication de bières artisanales est en plein boom.</span> <span class="attribution"><span class="source">Pixabay</span></span></figcaption></figure><p>Elle peut être blonde, brune ou rousse. On peut la déguster en pression, bouteille ou canette. <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/histoire-de-la-biere-une-boisson-estivale-qui-se-fait-mousser-7830106">Boisson millénaire</a>, affectueusement appelée « petite mousse », elle est composée à plus de 90 % d’eau ainsi que de houblon, de malt et de levure. La bière, boisson rafraîchissante évoquant les moments de convivialité, les matchs de foot, les concerts, la fête… connaît depuis quelques années une profonde évolution.</p>
<p>La France est aujourd’hui le 7<sup>e</sup> producteur de bière en Europe. Les Français en consomment en moyenne 33 litres par an, selon Statista. Même s’ils sont loin derrière les Tchèques et les Allemands avec respectivement 101 et 75 litres par an et par personne, c’est la seule boisson alcoolisée dont les ventes continuent d’augmenter, en particulier grâce à la production de bières artisanales. L’hexagone compte ainsi une dizaine de brasseries industrielles délivrant la majeure partie de la production de bière. Les deux principaux fabricants sont le <a href="https://www.xerfi.com/presentationetude/Le-marche-de-la-biere_22IAA24">Néerlandais Heineken et le danois Carlsberg, détenteur de la filiale française Kronenbourg</a>. Cependant, les modes de consommation de bière des Français ont beaucoup changé ces dernières années, et le marché connaît une grande transformation.</p>
<h2>Le développement du « sans alcool »</h2>
<p>Sur le marché du « sans alcool », c’est la bière (entre 0 et 1,2 % d’alcool selon la législation française) qui connaît le plus grand succès. Entre les consommateurs qui s’inquiètent des méfaits de l’alcool sur leur santé, ceux qui ne peuvent pas en boire, ou ceux qui doivent ensuite prendre le volant, les raisons de se tourner vers ces dernières sont de plus en plus nombreuses. Même si elles ne représentent que 3,7 % du marché total des bières, leur progression ces cinq dernières années a été de 147 % (Xerfi, 2022). </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/498801/original/file-20221204-37363-upzw0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/498801/original/file-20221204-37363-upzw0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/498801/original/file-20221204-37363-upzw0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/498801/original/file-20221204-37363-upzw0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/498801/original/file-20221204-37363-upzw0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/498801/original/file-20221204-37363-upzw0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/498801/original/file-20221204-37363-upzw0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les marques industrielles comme Kronenbourg avec les « Tourtel Twist », ou « 0.0 » de Carlsberg dominent le marché, mais les bières artisanales ne sont pas en reste comme la Brasserie du Mont-Blanc avec la « Cristal IPA 0,0 % », d’autant plus que dorénavant les procédés de désalcoolisation à froid et sous vide permettent de maintenir les qualités gustatives des bières.</p>
<p><a href="https://www.editions-baudelaire.com/auteur/alexandra-berry/craft-r-evolution-et-artisanat-au-service-de-la-biere">Le mouvement « craft »</a>, autrement dit de la bière artisanale, est né aux États-Unis entre la fin des années 70 et le début des années 80. Des Américains, las de boire des bières industrielles totalement fades, décident de remettre au goût du jour différentes recettes traditionnelles comme celle de la IPA ou de la Stout. De nombreuses micro-brasseries voient ainsi le jour, faisant redécouvrir les goûts variés et authentiques de la bière grâce, entre autres, à des houblons et des levures de qualité assemblés avec audace.</p>
<p>En France, le nombre de brasseries artisanales (produisant jusqu’à 50 000 hl de bière par an) et de micro-brasseries (produisant jusqu’à 10 000 hl) a presque quintuplé entre 2014 et 2021 pour atteindre un total de près de 2 300 brasseries aujourd’hui. Or, même si le poids de ces dernières dans la production nationale reste encore assez limité avec environ 8 % du total des ventes de bières, les brasseries artisanales continuent de se développer et de <a href="https://www.xerfi.com/presentationetude/Le-marche-de-la-biere_22IAA24">gagner, année après année, des parts de marché</a>, ce qui inquiète d’ailleurs les producteurs industriels.</p>
<p>Les brasseries artisanales et micro-brasseries sont des structures indépendantes, produisant elles-mêmes leur bière et la distribuant en général à un niveau local (ville, département, maximum région), principalement à des caves à bières ou à des distributeurs indépendants. Leur particularité est de brasser des matières premières de qualité selon un procédé classique, authentique, sans rajouter de produits chimiques ni de conservateurs. Dans de nombreux cas aussi, les bières ne sont pas pasteurisées afin de laisser la fermentation suivre son cours et une variété de saveurs se développer. Leur succès témoigne de l’importance de l’artisanat et de la mise en avant des produits locaux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/498794/original/file-20221204-24591-kredno.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/498794/original/file-20221204-24591-kredno.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/498794/original/file-20221204-24591-kredno.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/498794/original/file-20221204-24591-kredno.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/498794/original/file-20221204-24591-kredno.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/498794/original/file-20221204-24591-kredno.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/498794/original/file-20221204-24591-kredno.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Paul, un des co-fondateurs de la micro-brasserie Bière des Bräu.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Bière des Bräu est une micro-brasserie grenobloise qui a vu le jour en 2020. Ses fondateurs, Paul et Nico, deux passionnés, considèrent que la bière est un produit qui permet de l’inventivité et de la créativité. Paul explique qu’avec Nico ils aiment créer des recettes originales, un peu farfelues mais qui leur ressemblent et qu’ils ont plaisir à brasser. Derrière chacune de leurs bières se cache une anecdote. Selon lui, les trois piliers de la « craft » sont l’indépendance, la créativité et la taille humaine.</p>
<h2>L’importance grandissante des accords mets/bières</h2>
<p>Côté gastronomie, les <a href="https://www.brasseurs-de-france.com/tout-savoir-sur-la-biere/accords-bieres-mets/">accords mets bière</a> rencontrent de plus en plus de succès. Alors qu’il y a quelques années encore, il était impensable de boire de la bière pendant un repas, les habitudes changent. Déguster une tomme aux fleurs accompagnée d’une IPA artisanale va, par exemple, permettre aux acides gras du fromage de faire ressortir les arômes de houblon de la bière. Les chefs français ne sont pas en reste. <a href="https://hoppyhours.net/2021/11/27/accords-mets-bieres/">Pierre Sang Boyer</a>, fervent défenseur de cette boisson, aime réaliser des créations culinaires en association avec la bière brune artisanale dont il trouve que les arômes riches se marient bien avec la douceur de la patate douce et l’acidité de l’orange par exemple. La cheffe étoilée Hélène Darroze réalise, elle, des recettes d’accords pour une grande marque de bière industrielle.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/498795/original/file-20221204-37363-obf988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/498795/original/file-20221204-37363-obf988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/498795/original/file-20221204-37363-obf988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/498795/original/file-20221204-37363-obf988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/498795/original/file-20221204-37363-obf988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/498795/original/file-20221204-37363-obf988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/498795/original/file-20221204-37363-obf988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La zythologue française Élisabeth Pierre.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Enfin, l’apparition en 2019 des néologismes <em>zythologie</em> et <em>biérologie</em> (deux synonymes qui se rapportent à l’étude de la bière, du brassage et des brasseries) montre l’intérêt grandissant pour ce qui a trait à cette boisson. D’ailleurs, le métier de zythologue se développe lui aussi. Comme le sommelier, il est capable de déguster, conseiller et de vendre de la bière dont il maîtrise parfaitement le processus de fabrication. Il intervient lors du brassage, et oriente le choix des styles de bières. </p>
<p>La zythologue <a href="https://dai.ly/x2xjv72">Élisabeth Pierre</a> n’a de cesse de faire connaître l’univers de la bière, au travers de formations professionnelles et d’ouvrages. Elle a de surcroît créé le cercle <a href="https://bierissima.com/">Bierissima</a> qui met en avant la présence des femmes dans l’univers de la bière – un univers dont l’imaginaire est traditionnellement associé au masculin. Cette boisson n’a, de toute évidence, pas fini de faire parler d’elle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192139/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Louisgrand ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Entre renouveau artisanal, intrusion dans le monde de la gastronomie et marché du sans alcool, le marché de la bière connaît depuis quelques années une profonde évolution.Nathalie Louisgrand, Enseignante-chercheuse, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1898882022-11-08T19:01:37Z2022-11-08T19:01:37ZŒnotourisme durable, quels défis pour la France ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/494151/original/file-20221108-20-1r65f8.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C6%2C1011%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vin et paysages</span> <span class="attribution"><span class="source">Unsplash</span></span></figcaption></figure><p>En recevant plus de 90 millions de touristes étrangers en 2019, la France conservait sa place de première destination touristique mondiale. Selon l’<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6204889">Insee</a>, cette même année, la somme des dépenses touristiques en France atteignait les 170 milliards d’euros, soit presque 7 % du PIB français.</p>
<p>Parmi les 43 sites classés <a href="https://whc.unesco.org/fr/syndication">patrimoine mondial de l’Unesco</a> sur le territoire français, quatre sont directement liés à la viticulture : la <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/932">juridiction de Saint-Émilion</a> (depuis 1999), le <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/933">Val de Loire entre Sully-sur-Loire et Chalonnes</a> (depuis 2000), les <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/1465">coteaux, maisons et caves de champagne</a> (depuis 2015) et les <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/1425">climats du vignoble de Bourgogne</a> (depuis 2015).</p>
<p>Selon <a href="https://www.atout-france.fr/content/oenotourisme">Atout France</a>, l’agence de développement touristique de la France, un tiers des touristes cite le vin et la gastronomie comme motivations de choix d’un séjour. Les derniers chiffres disponibles font état de 10 millions d’œnotouristes en 2016, pour une dépense globale de 5,2 milliards d’euros sur le territoire français. Ces chiffres n’ayant pas été actualisés depuis six ans, il est difficile de mesurer l’essor ou la contraction du phénomène œnotouristique en France.</p>
<p>La création du <a href="https://www.atout-france.fr/content/oenotourisme">pôle œnotourisme Atout France</a> en 2020 n’a pour le moment pas remédié au manque de données nationales sur la consommation touristique dans les destinations ou sur les achats de vin à la propriété. Nombre d’investissements sont faits sur la base de chiffres pour le mieux anciens voire inexistants. La comparaison avec les pays voisins est rendue tout aussi difficile par l’absence de chiffres actualisés à l’échelle globale, comme le souligne l’<a href="https://www.unwto.org/">organisation mondiale du tourisme</a> dans un récent <a href="https://webunwto.s3.eu-west-1.amazonaws.com/s3fs-public/2022-09/Wine%20Tourism%20Measurment_Presentation.pdf">rapport</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Dégustation de vin" src="https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dégustation de vin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Unsplash</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>S’il est difficile de distinguer et de dénombrer précisément les œnotouristes, il est plus simple d’obtenir des informations sur l’offre. L’offre œnotouristique n’est pas un phénomène récent. Les premières initiatives collectives remontent à la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle : la première route des vins (<a href="https://www.dijonbeaunemag.fr/route-grand-crus-histoire-dune-naissance-miraculeuse/">route des Grands Crus</a>) entre Dijon et Santenay a vu le jour en 1937. Mais il s’agit le plus souvent d’initiatives isolées, en général limitées à l’ouverture du chai au public pour une visite-dégustation.</p>
<h2>L’œnotourisme peut-il être durable ?</h2>
<p>La 6<sup>e</sup> conférence de l’<a href="https://www.unwto.org/fr">organisation mondiale du tourisme</a> sur l’œnotourisme a eu lieu en septembre dernier à Alba (Italie) autour de la question suivante : comment l’œnotourisme peut-il devenir durable ?</p>
<p>Afin de mieux comprendre les enjeux de l’œnotourisme durable pour la France, une définition des termes est nécessaire. L’œnotourisme durable combine tourisme durable et œnotourisme. Selon l’<a href="https://www.unwto.org/">organisation mondiale du tourisme</a>, le tourisme durable est un tourisme qui tient pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux, actuels et futurs, répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels de l’environnement et des communautés d’accueil.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Tourisme durable, les trois piliers de la durabilité" src="https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Tourisme durable, les trois piliers de la durabilité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Atout France</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Du bilan carbone à la construction d’un plan d’action</h2>
<p>La région viticole de <a href="https://sonomawinegrape.org/scw/sustainability/">Sonoma</a> en Californie constitue un modèle à l’international. Elle est devenue en l’espace de seulement 5 ans la région viticole la plus labellisée durable au monde : entre 2014 et 2019, 99 % des 500 domaines de la région ont reçu une certification durable. Cette particularité stimule les ventes de vin (8 milliards de dollars par an) et constitue un facteur différenciant d’attractivité territoriale : pas moins de 1,2 milliard de dollars sont dépensés chaque année dans le comté de Sonoma par les œnotouristes.</p>
<p>En 2022 le <a href="https://www.vins-bourgogne.fr/">Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne</a> (BIVB) a développé, conjointement avec <a href="https://www.adelphe.fr/">Adelphe</a> entreprise spécialisée dans le recyclage des emballages des entreprises françaises « Objectif Climat » : une méthodologie complète de réduction et de neutralisation carbone à l’échelle d’une filière et d’un territoire viticole. L’objectif ? Dans un premier temps, mesurer puis établir une trajectoire de réduction de 60 % des émissions de gaz à effet de serre jusqu’à un seuil incompressible, et enfin compenser les émissions incompressibles.</p>
<p>La transformation de la trajectoire en plan d’action est co-construite avec les acteurs de la filière au fil de huit ateliers : le premier, portant sur l’œnotourisme durable a eu lieu récemment. Les suivants abordent des thèmes complémentaires : emballage, fret, réduction au chai, réduction à la vigne, compensation à la vigne, compensation par les forêts et enfin mobilité et déplacements.</p>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-bilans-carbone-sont-incertains-et-comment-les-ameliorer-188930">bilan carbone</a> est un outil qui prend en compte un seul paramètre : les émissions carbone. Lorsqu’on parle de durabilité, de multiples autres indicateurs sont pris en compte pour aborder les trois piliers de la durabilité : social, économique et environnemental.</p>
<p>Le bilan carbone est un indicateur imparfait, qui ne prend pas en compte des aspects comme l’impact sur la biodiversité ou la qualité de l’air mais qui a l’avantage d’être mesurable.</p>
<p>Dans un contexte de tension sur les approvisionnements, et compte tenu du poids très important de l’emballage dans le bilan carbone de la filière, le lavage et le réemploi des bouteilles ouvertes et consommées lors des dégustations ou des séjours des œnotouristes au domaine commencent à apparaître comme une nécessité.</p>
<h2>L’épineuse question de la mobilité</h2>
<p>D’après les calculs du BIVB, le bilan carbone des 3 600 domaines, 270 maisons de négoce et 16 caves coopératives de Bourgogne atteint les 380 000 tonnes équivalent CO<sub>2</sub>. Beaucoup plus à l’hectare que le vignoble bordelais (13 tonnes équivalent CO<sub>2</sub> par hectare contre 4 à Bordeaux), si l’on se réfère à un article paru récemment dans la <a href="https://www.larvf.com/quand-le-vin-passe-au-regime-sans-carbone,4804605.asp">Revue du Vin de France</a>.</p>
<p>La décision stratégique de prendre en compte ou non les déplacements des œnotouristes peut comptablement avoir un impact déterminant sur le bilan carbone d’une région viticole. À titre d’exemple : selon le BIVB les déplacements représentent 26 % du bilan carbone du vignoble bourguignon, et 79 % de ces émissions générées par les déplacements le sont par des œnotouristes. Ne pas comptabiliser les déplacements des œnotouristes réduirait sur le papier le bilan carbone de la région viticole de 20 %.</p>
<p>Dans cette logique de prise de conscience de l’impact des mobilités touristiques et des liens que le monde vigneron doit tisser avec son territoire, l’Interprofession des Vignerons du Sud-Ouest a entamé en 2022 un dialogue scientifique et œnotouristique avec l’Agence française des biens de Compostelle. Ils s’associent pour étudier puis valoriser les liens existants entre l’implantation des vignobles du sud-ouest, leur richesse ampélographique (relative à l’étude des cépages), leur diffusion et la préservation des paysages de vignes sur le parcours des pèlerins. Il s’agit de faire des pèlerins des ambassadeurs de la qualité paysagère et des vins du Sud-Ouest.</p>
<h2>Le rôle clef des pouvoirs publics</h2>
<p>En 2022, près de 9 Français sur 10 ont choisi la France pour destination. L’<a href="https://www.inegalites.fr/depart-vacances">Observatoire des Inégalités</a> constate que seuls 54 % des Français partent en vacances au moins une fois par an, et ce taux chute à 37 % pour les Français les plus modestes. Le développement de l’œnotourisme permet de répartir l’activité touristique tout au long de l’année et pas seulement pendant les mois de juillet et août. Le temps du vigneron n’est pas le temps du touriste. C’est à la fin de l’été que les travaux des vignes et les vendanges nécessitent le plus de main-d’œuvre. Il est donc nécessaire pour les domaines de disposer d’une équipe dédiée à l’œnotourisme.</p>
<p>Le manque de communication entre privé et public est souvent mentionné comme un frein au développement d’activités œnotouristiques expérientielles par les domaines. En encourageant les formations spécifiques mettant en avant une approche de la durabilité, les pouvoirs publics contribueraient à créer des emplois tertiaires et à fixer des populations dans des zones rurales, parfois même des zones rurales à revitaliser (ZRR). Pour les domaines, dans un contexte de manque de main-d’œuvre, la communication (faire-savoir) sur les trois piliers de la durabilité constitue un atout de séduction et de fidélisation autant pour les équipes que pour les clients en quête de sens.</p>
<p>Les vignerons comme les appellations irriguent culturellement leur territoire. En faisant rentrer dans les chais expositions, concerts ou théâtre, en rénovant le bâti vernaculaire ancien ou encore en faisant appel à des architectes pour créer un bâti contemporain, ils participent de l’offre culturelle et patrimoniale du territoire. Ils sont donc partie prenante dans l’attractivité touristique, économique et culturelle de leur village, de leur intercommunalité ou de leur département.</p>
<p>Tous les plans de développement touristique régionaux récents en France s’axent autour de la durabilité. Les pouvoirs publics mesurent la nécessité de fédérer tous les professionnels qui participent à l’accueil des visiteurs, d’aménager les sites visités sur un plus grand périmètre, de s’intéresser aux modalités selon lesquelles les touristes arrivent, circulent et repartent pour l’ensemble des moyens de transport, de mobiliser les habitants, d’informer les visiteurs, de mesurer les progrès et les échecs et d’assurer une information transparente.</p>
<p>Reste à savoir si les efforts des pouvoirs publics seront suffisant pour répondre aux besoins des professionnels de la filière et fédérer les initiatives individuelles. L’amélioration de la lisibilité et de l’approche durable de l’offre œnotouristique sera déterminante pour impulser le développement de l’attractivité touristique des territoires viticoles.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été rédigé grâce à l’aide précieuse de Jeremiás Balogh (Associate Professor – Corvinus University of Budapest), de Jeanne Fabre (Chef de projet œnotourisme chez Famille Fabre), Nicolas Ravel (Responsable Services Techniques Vignoble de la Cave de Tain), Anne Reutin (Consultante freelance pour la décarbonation du secteur vitivinicole), Charlotte Waeber (Chargée de mission tourisme durable Région Bourgogne Franche Comté), Bérangère Amestoy (Consultante en œnotourisme) et Lucie Guillotin (Responsable Développement Durable – Bureau interprofessionnel des Vins de Bourgogne).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189888/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>France GERBAL-MEDALLE est membre du Parti radical de gauche</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Charles Rigaux et Magalie Dubois ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Un tiers des touristes cite le vin et la gastronomie comme motivations de choix d'un séjour sur le territoire français. Mais à quelles conditions cet oenotourisme peut-il être responsable ?Magalie Dubois, Doctorante en Economie du vin, Burgundy School of Business Charles Rigaux, Professeur assistant en sociologie à l'Université de Bourgogne, Chercheur associé à la chaire UNESCO Cultures et Traditions du vin, Université de Bourgogne – UBFCFrance Gerbal-Medalle, Chercheur associée au LISST-Dynamiques Rurales, Université Toulouse – Jean JaurèsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1925302022-10-20T15:10:52Z2022-10-20T15:10:52Z« Minéral », « fruité », « féminin »… la langue du vin ne veut parfois plus dire grand-chose<p><a href="https://theconversation.com/fr/topics/vin-20325">link text</a> À l’heure des foires aux vins, marronnier annuel des médias, il parait pertinent de s’interroger non seulement sur le vin, mais aussi sur la manière dont on en parle. La communication des grandes enseignes participe en effet à ce sport automnal national reposant, à côté des visuels, sur du discours et donc des mots.</p>
<p>À l’instar de nombreux autres <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03546887/document">produits faisant appel aux sens</a>, le vin semble jouir d’un statut particulier par rapport à d’autres produits alimentaires. Tout comme le <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03249490/">chocolat</a>, par exemple, il se donne à lire dans des présentations et descriptions qui n’ont rien à voir avec les efforts que l’on fournit pour des légumes ou de la viande. Le discours sur le vin aurait donc une part intrinsèque de poétique, voire d’ésotérique.</p>
<p>Il semble ainsi particulièrement intéressant d’observer, comme objet linguistique et discursif, les <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03814793//">dépliants publicitaires de supermarchés</a> présentant de longues descriptions sur des vins pourtant de grande production et souvent ressenties par le client non expert comme très élaborées. Écouter quelques experts du domaine décrire, à la radio ou à la télévision, avec une certaine profusion de descripteurs prétendument « originaux » (vin de soif, minéral, féminin) les « meilleures » affaires du moment ne l’est pas moins.</p>
<p>Ces envolées linguistiques ne font que corroborer l’idée qu’il existe une « langue du vin » par essence technique, jargonnante et réservée à des initiés. On la retrouve aussi dans les livres semi-spécialisés et autres <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02613842">sites et applications</a> promettant d’initier à la dégustation. Elles tendent à renforcer par ailleurs la nécessité de devoir se positionner comme expert en utilisant des mots d’experts. Lisez plutôt ce que l’on trouve sur le <a href="https://www.lidl-vins.fr/chateau-la-prade-cuvee-eclat-5617186.html">site</a> d’un leader de la grande distribution :</p>
<blockquote>
<p>« Ce vin reflète un travail qui privilégie la profondeur corsée des vins rouges par une vinification qui recherche de l’extraction et par des élevages flatteurs. Une robe rubis dense. Un nez élégant aux arômes de fruits noirs finement boisés. Attaque ample et charnue, bel équilibre où se mêlent finesse, complexité, richesse et onctuosité. »</p>
</blockquote>
<p>Le consommateur, au lieu de trouver dans ces prises de parole une aide, risque plutôt de plonger dans une certaine confusion. Les plus perspicaces accrocheront, eux, sur la dimension <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marketing-21665">marketing</a> de textes conçus pour inciter à l’achat avec quelques mots soi-disant « porteurs », sortis du chapeau, témoins d’une communication peu informée. C’est donc l’ensemble du marché qui y est <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01947044">perdant</a>. On en arrive ainsi à une question fondamentale qui a animé la recherche académique depuis les années 1970 : et si, finalement, ces mots n’avaient que peu, voire pas du tout de sens ?</p>
<h2>Langue commune et invention marketing</h2>
<p>L’hypothèse sous-jacente aux travaux menés par la linguiste américaine Adrienne Lehrer dans son article liminaire de 1975, « Talking about Wine », est double. Une bonne part des termes que l’on utilise pour exprimer que l’on aime ou n’aime pas un vin relève de deux choses. Il y a d’une part des constructions que le consommateur finit par adopter sur la base de son exposition à des notices de dégustation ; d’autre part des textes à visée marketing, enfilant comme des perles des termes dépourvus d’objectivité, hormis un petit groupe de termes concrets, comme les <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01887219">noms de cépage</a> par exemple.</p>
<p>Prenons un premier exemple qui a donné lieu à une abondante littérature scientifique, à savoir le couple <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01237760">vin minéral/minéralité du vin</a>. Le consommateur qui l’entend a certes, dans ses représentations, les expressions « eau minérale » ou « sels minéraux ». En sémantique, on appelle cela des « prototypes ». Mais le vrai sens de ces mots, forgé par les experts, va s’estomper pour devenir une forme de jugement positif un peu vague. On retrouve d’ailleurs ces mêmes qualificatifs pour parler d’un aménagement intérieur ou un parfum. Dans le monde du vin, parler de « minéralité » semble même devenir un synonyme avec une connotation plus moderne du mot <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03573492">« terroir »</a>.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Un deuxième exemple permet d’approfondir cette même idée selon laquelle la langue du vin reste finalement largement une invention marketing et qu’il n’existe pas de termes propres à celle-ci : l’adjectif fruité. Cet adjectif relève de la langue commune et est utilisé dans de nombreuses situations. Dans le contexte d’une description du vin, il prend un sens particulier car les professionnels experts en ont construit une autre définition.</p>
<p>Elle est à nouveau essentiellement liée à une composante hédonique, à un « j’aime/je n’aime pas », et à une <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02612759">composante expérientielle</a>, un contexte temporel et géographique. C’est cet ensemble qui devient en fait le sens du mot. Deux individus se comprendront en utilisant « fruité », car ils auront eu des expériences relativement similaires et convoqueront donc des <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-02962280">sens relativement similaires</a>.</p>
<h2>Pour une écriture plus authentique</h2>
<p>On conviendra, certes, qu’une « norme » professionnelle existe à travers les roues des arômes qui existent tant pour le vin que pour les cigares ou le comté par exemple. Celle-ci parait impérative pour éviter au maximum qu’un terme ne prenne des significations trop diverses. Elle classe les arômes en familles et sous-familles et est utilisée pour que sommeliers, cavistes, œnologues et vignerons se comprennent en utilisant les mêmes codes langagiers et en partageant des définitions communes.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/489765/original/file-20221014-27-zj9mpw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489765/original/file-20221014-27-zj9mpw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489765/original/file-20221014-27-zj9mpw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489765/original/file-20221014-27-zj9mpw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489765/original/file-20221014-27-zj9mpw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489765/original/file-20221014-27-zj9mpw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489765/original/file-20221014-27-zj9mpw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489765/original/file-20221014-27-zj9mpw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La roue des arômes offre certains repères.</span>
<span class="attribution"><span class="source">publicdomainpictures.net</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ceci étant, boire du vin n’est pas qu’une pratique professionnelle réservée à des experts, mais bien davantage un geste du quotidien, ou presque, partie intégrante de la gastronomie occidentale et tout particulièrement française. Tout le monde peut communiquer sur le vin avec ses mots, dont le sens se négocie en interaction, dans la discussion, et bien loin de toutes ces définitions expertes.</p>
<p>Bien souvent, ce sens en usage est construit par rapport à des <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01839256">références exploitables</a>, elles aussi partagées, en recourant à des comparaisons entre le vin dégusté et d’autres bus antérieurement (« ce vin est plus sucré que l’autre ») ou à des références absolues (« c’est comme un Champagne » en parlant de <a href="https://hal-agrosup-dijon.archives-ouvertes.fr/hal-02407386">Crémant</a>).</p>
<p>Parler du vin repose en fait sur une <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02461644">composante expérientielle</a> majeure, sur ce que ressent l’individu au moment de la dégustation : où est-il, quel temps fait-il, avec qui est-il ? Ce contexte et l’ensemble des émotions générées vont influencer sa perception et orienter, linguistiquement, les choix de mots.</p>
<p>C’est la raison pour laquelle on ne peut faire l’économie de <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01236117">partir de données authentiques</a>, situées, souvent produites à l’oral et mobilisant des <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02011281">compétences disciplinaires</a>. Ce sont là des sources de première main pour une écriture œnologique (le <em>wine writing</em> des Anglosaxons) plus authentique, empiriquement fondée et, sans doute aussi, plus « parlante » pour bien des consommateurs.</p>
<hr>
<p><em>L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. L’alcool ne doit pas être consommé par des femmes enceintes</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192530/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Matthieu Bach est membre de la SATT SAYENS. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laurent Gautier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Jouer à l’expert ne fonctionne ni auprès de qui n’y connaît rien, ni auprès du spécialiste. Mais si ces mots ne signifient souvent pas davantage que « j’aime bien », comment en parler autrement ?Laurent Gautier, Professeur des Universités en linguistique allemande et appliquée, Université de Bourgogne – UBFCMatthieu Bach, Docteur en Etudes Germaniques, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1914702022-10-16T15:33:48Z2022-10-16T15:33:48ZLes vins d’appellation vont-ils disparaître ou renaître avec le changement climatique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/488983/original/file-20221010-19-n883qt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C798%2C518&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le vignoble de l'appellation Cabrières, en Languedoc.
Une petite appellation touchée par le changement climatique ou cohabitent une cave coopérative dynamique (L'estabel) et l'un des entrepreneurs les plus connus du vin, Gérard Bertrand, qui investit dans la viticulture bio et biodynamique.</span> <span class="attribution"><span class="source">INRAE</span></span></figcaption></figure><p>En France, plus de 90 % de la production des vins est signalée par des « appellations », c’est-à-dire des indications géographiques, <a href="https://odr.inrae.fr/intranet/carto_joomla/index.php/ressource/documents/reseau-qualite/3281-chiffres-cles-siqo-2020/file">AOP ou IGP</a>, qui garantissent que la qualité ou certaines caractéristiques de ces vins sont liées à leurs origines géographiques, et, dans le cas des AOP, <a href="https://agriculture.gouv.fr/aocaop-igp-tout-savoir-sur-les-signes-officiels-de-lorigine">à un terroir et des savoir-faire locaux reconnus</a>.</p>
<p>Mais le changement climatique vient remettre en cause ces liens construits historiquement, inscrits dans des cahiers des charges et garantis par <a href="https://www.inao.gouv.fr/">l’INAO</a>. Les vins d’appellation sont-ils voués à disparaître ou peuvent-ils survivre au changement climatique, et alors à quelles conditions ?</p>
<p>Cette question est étudiée depuis 2012 à travers le projet <a href="https://www.inrae.fr/actualites/laccave-dix-ans-recherche-partenariat-ladaptation-viticulture-au-changement-climatique">INRAE LACCAVE</a> dont les résultats viennent d’être présentés en juillet 2022 dans deux colloques internationaux : <a href="https://gi2021.sciencesconf.org/data/Presentation_FR.pdf">Perspective mondiale des IG</a> et <a href="https://terclim2022.symposium.inrae.fr/">TERCLIM</a>.</p>
<h2>Le changement climatique menace les vins d’appellation</h2>
<p>L’augmentation de la température moyenne, les modifications de la pluviométrie et la variabilité croissante du climat modifient en effet rapidement les conditions de production du vin dans tous les vignobles français.</p>
<p><a href="https://www6.inrae.fr/laccave/Actualites2/Plaquette-La-vigne-le-vin-et-le-changement-climatique">Les stades de développement de la vigne sont partout plus précoces</a>, depuis l’éclosion des bourgeons qui deviennent plus vulnérables au gel au sortir de l’hiver, jusqu’aux vendanges qui ont maintenant en moyenne plus de <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/impacts-du-changement-climatique-agriculture-et-foret">3 semaines d’avance par rapport aux années 1980</a>.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Les stress hydriques sont aussi plus prononcés, en particulier en zone méditerranéenne, ce qui <a href="https://hal.inrae.fr/hal-02633121/document">limite les rendements et modifie les processus de maturation des raisins</a>. Les raisins deviennent plus sucrés, leurs acides se dégradent plus rapidement, la composition en précurseurs d’arômes change… En conséquence la qualité des vins se modifie dans tous les vignobles. Ils sont plus alcoolisés, avec par exemple en Languedoc <a href="https://www.vignevin-occitanie.com/wp-content/uploads/2018/11/Leviers-dadaptation-au-changement-climatique-Van-Leeuwen.pdf">près de 14° en moyenne depuis 2015, contre 11° dans les années 1980</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489387/original/file-20221012-20-sr3wch.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489387/original/file-20221012-20-sr3wch.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489387/original/file-20221012-20-sr3wch.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489387/original/file-20221012-20-sr3wch.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489387/original/file-20221012-20-sr3wch.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489387/original/file-20221012-20-sr3wch.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489387/original/file-20221012-20-sr3wch.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le Banyuls est le vignoble le plus au sud de la France, avec des rendements en baisse, mais qui se maintient grâce à l’oenotourisme. Replanter les vignes plus en altitude est une alternative face au changement climatique, mais il faut pour cela gérer collectivement l’évolution du paysage.</span>
<span class="attribution"><span class="source">INRAE</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les vins ont aussi moins d’acidité, des profils aromatiques nouveaux, par exemple des <a href="https://www.polytechnique-insights.com/dossiers/planete/vin-quimporte-le-climat-pourvu-quon-ait-livresse/vins-du-rechauffement-climatique-des-fruits-frais-aux-fruits-cuits/">goûts plus marqués de « fruits cuits »</a> pour certains cépages rouges… Ces évolutions ne sont pas forcément négatives, surtout pour les vignobles plus septentrionaux, mais ils s’accélèrent et expriment un décalage progressif avec des profils qui avaient été identifiés et codifiés dans les cahiers des charges des appellations, avant les années 1980.</p>
<p>Le changement climatique a aussi d’autres impacts sans doute plus préoccupants. La variabilité climatique croissante accentue les effets de millésime, pouvant déstabiliser la gestion des qualités de chaque appellation. Surtout, les risques économiques augmentent avec les vagues de chaleur, qui peuvent brûler les raisins comme en <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/vignes-brulees-canicule-viticulteurs-herault-gard-inquiets-leur-avenir-1693108.html">2019 dans l’Hérault et le Gard</a>, avec la grêle ou les pluies violentes qui détruisent les récoltes ou les parcelles (phénomène d’érosion accru).</p>
<p>La pression des maladies et ravageurs peut également devenir plus forte en cas d’année chaude et humide, comme en <a href="https://www.mon-viti.com/node/25000/activer">2018 dans le midi</a>. Plus globalement, ce sont les écosystèmes et paysages qui sont touchés, avec des risques d’incendies plus fréquents et plus importants, comme en 2022, ce qui affecte directement les vignes (<a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/pyrenees-orientales/perpignan/pyrenees-orientales-du-vin-fume-apres-les-incendies-du-vignoble-2608904.html">destructions, goût de fumée</a>…), mais aussi l’image et l’attractivité touristique des vignobles d’appellation.</p>
<p>Le changement climatique remet donc en cause les qualités des vins, leurs variabilités et leurs liens aux territoires, en menaçant la rentabilité des entreprises, en modifiant l’image et l’attractivité des terroirs viticoles… Le système actuel des vins d’Appellation serait-il condamné ?</p>
<h2>Les stratégies d’adaptation peuvent aussi remettre en cause les vins d’appellation</h2>
<p>Les leviers d’adaptation au changement climatique sont heureusement nombreux, expérimentés à la fois par les viticulteurs et la recherche. Mais ils peuvent aussi déstabiliser les vignobles et vins d’appellation !</p>
<p>Une première solution est de planter des cépages plus tardifs, résistants à la sécheresse, aux hautes températures et aux maladies, ou produisant moins de sucre et conservant l’acidité… Dans plusieurs vignobles, <a href="https://www6.bordeaux-aquitaine.inrae.fr/egfv/Ressources/Dispositifs-experimentaux/Parcelle-VITADAPT">comme à Bordeaux</a>, sont ainsi testés des cépages venant de régions plus chaudes, des cépages anciens qui avaient été délaissés ou, au contraire, de nouvelles variétés créées par la recherche, comme celles du <a href="https://observatoire-cepages-resistants.fr/">réseau Oscar</a>… mais les impacts sur le goût et l’identité des vins d’appellation posent question. Une autre option est de modifier les pratiques agronomiques, en particulier la <a href="https://www.vineas.net/fr/7_114/6001c92d3af20b4afec0aa16/La%20gestion%20du%20sol.html">gestion du sol</a> par l’ajout de matière organique ou un « paillage » pour mieux conserver l’eau, mais aussi la taille, la <a href="https://www.vineas.net/fr/2/114/innos.html">conduite du feuillage ou la plantation d’arbres</a> pour gagner en fraîcheur et protéger les raisins.</p>
<p><a href="https://www.vineas.net/fr/7_114/5fcfb86cd5ee2d7b9c9b83d7/Irrigating%20the%20vineyards.html">L’irrigation</a> est également mise en avant mais elle fait l’objet de <a href="https://reporterre.net/Les-vignes-industrielles-bientot-dependantes-de-l-irrigation">nombreux débats</a> car elle peut modifier l’enracinement des vignes et ses liens au terroir. Des pratiques œnologiques comme la <a href="https://www.vineas.net/fr/7_114/602aa8a868a64b1aa6e48bb5/Gestion%20de%20degr%C3%A9%20d%E2%80%99alcool.html">désalcoolisation par membrane</a> ou <a href="https://www.vineas.net/fr/7_114/602aa96368a64b1aa6e48bfb/Gestion%20de%20l%E2%80%99acidit%C3%A9.html">l’ajustement de l’acidité</a> peuvent corriger les impacts du changement climatique sur la qualité du vin, mais elles présentent pour les vins d’appellation un risque d’industrialisation et de standardisation.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489390/original/file-20221012-25-xze0yl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489390/original/file-20221012-25-xze0yl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489390/original/file-20221012-25-xze0yl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489390/original/file-20221012-25-xze0yl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489390/original/file-20221012-25-xze0yl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489390/original/file-20221012-25-xze0yl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489390/original/file-20221012-25-xze0yl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vignoble irrigué en goutte goutte dans l’Aude. L’irrigation est une solution possible face au changement climatique, mais elle ne peut se généraliser et doit se faire sous conditions de pratiques économes, agroécologiques et en se préoccupant de la durabilité des ressources en eau.</span>
<span class="attribution"><span class="source">INRAE</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’adaptation ne repose pas que sur des solutions techniques. La relocalisation des plantations est une autre option déjà engagée, au sein d’une même zone de production (parcelles avec exposition, altitude ou sol différents) ou dans de nouvelles régions qui deviennent suffisamment chaudes, comme en <a href="https://vigneronsbretons.bzh/2020/09/16/revue-de-presse-interview-de-herve-quenol-membre-du-ca-de-l-arvb/">Bretagne</a>, <a href="https://www.linfodurable.fr/environnement/rechauffement-climatique-la-vigne-sinstalle-dans-les-hauts-de-france-20704">Haut de France</a>, Nord de l’Europe… Des « pionniers viticulteurs » s’y lancent, sont médiatisés, prennent des risques. Le changement climatique modifie ainsi les concurrences entre régions et remet en cause la « carte des vins » sur laquelle se sont calés historiquement les vignobles d’appellation.</p>
<p>Enfin l’adaptation passe aussi par le développement de nouvelles institutions et relations de R&D pour favoriser les partages de connaissance, et par de nouveaux services d’alerte, de conseil, et, bien sûr, d’assurance dans la ligne de la <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/285954-ordonnance-29-juillet-2022-reforme-regime-assurance-recolte-agriculture">réforme du régime de l’assurance récolte</a> prévue pour 2023. Plus globalement, ce sont des révisions stratégiques qui sont en cause, combinant les solutions précédentes à différentes échelles d’action, et pouvant aussi viser une diversification des activités, une meilleure prise en compte des <a href="https://www.polytechnique-insights.com/dossiers/planete/vin-quimporte-le-climat-pourvu-quon-ait-livresse/les-consommateurs-se-detournent-des-vins-du-rechauffement-climatique/">perceptions des consommateurs au regard des évolutions de la qualité</a>, mais aussi de leurs attentes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, avant tout liés <a href="https://expertises.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/itineraires_24_bat_0711.pdf">à la logistique du vin et aux bouteilles</a>, le conditionnement clé des vins d’appellation.</p>
<h2>Une voie reste possible : la cogestion adaptative des vins et terroirs viticoles</h2>
<p>Le changement climatique place donc les vins d’appellation entre deux impasses : une voie conservatrice, qui ne retiendrait que des adaptations compatibles avec les cahiers des charges actuels (certaines pratiques agronomiques, les assurances…), mais incapables de répondre à l’intensité du changement climatique ; une voie d’innovation radicale fondée sur les seules promesses technologiques (créations variétales, irrigation, œnologie corrective, relocalisation massive) qui entraîneraient une artificialisation de la viticulture, réduisant ses liens au terroir, le fondement des appellations.</p>
<p>Les travaux de LACCAVE suggèrent qu’une autre voie reste possible, souhaitée par une large majorité de viticulteurs et amorcée par de premiers changements politiques et réglementaires.</p>
<p>En partant d’une <a href="https://www.vineas.net/medias/b867b10c-e815-4ec4-a9cd-a45cac672073.pdf">prospective pour la viticulture française en 2050</a>, les forums que nous avons organisés dans les sept principales régions viticoles françaises montrent en effet une volonté générale d’aller vers une <a href="https://www.vineas.net/fr/7_114/60215db7a3d6610c0fe3681b/Prospective%20et%20strat%C3%A9gie%20nationale%20en%20France.html">stratégie de type « innover pour rester</a> » maintenant un ancrage territorial du vin.</p>
<p>Il s’agit de passer d’une vision « conservatrice » d’un vin d’appellation (où terroir, pratiques et qualité seraient considérés comme « immuables ») à une définition « procédurale », garantissant que les viticulteurs adoptent une démarche de valorisation et différenciation des produits fondée sur une gestion adaptative des ressources territoriales. Dans ce cas, l’innovation est possible pour les vins d’appellation, privilégiant des « solutions fondées sur les ressources locales » respectant des délibérations locales et plus ouvertes aux autres acteurs utilisant ces ressources.</p>
<p>Cette troisième voie reste soumise à une série de conditions : i) un réchauffement climatique le plus modéré possible, proche des objectifs de la COP21, qui limiterait les impacts sur les vins et offrirait plus de marges de manœuvre pour l’adaptation ; ii) le maintien d’une reconnaissance par les consommateurs et pouvoirs publics d’une qualité liée à l’origine, associée à la production de biens publics ; iii) des procédures plus faciles de révision des cahiers des charges, poursuivant l’évolution engagée par l’INAO autorisant depuis 2018 l’introduction de <a href="https://www.vitisphere.com/actualite-93539-les-cepages-a-fin-dadaptation-interessent-le-vignoble-champenois.html">nouveaux cépages « à des fin d’adaptation</a> » ou une <a href="https://www.pleinchamp.com/actualite/actualites-generales%7Evigne-l-inao-entrouvre-les-vannes-de-l-irrigation">irrigation d’appoint « à des fins qualitatives »</a> ; iv) le développement d’actions d’atténuation, inscrites dans les cahiers des charges et pouvant aller jusqu’à un système local de <a href="https://www.vignevin.com/article/lengagement-de-la-filiere-vin-vers-la-neutralite-carbone/">compensation carbone</a> favorisant un oenotourisme et des exportations responsables ; v) Le développement de recherches participatives et d’une nouvelle « ingénierie des terroirs », associant compétences de diagnostic, de simulation climatique et de gestion adaptative de projets locaux.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science qui a lieu du 7 au 17 octobre 2022 en métropole et du 10 au 27 novembre 2022 en outre-mer et à l’international, et dont TheConversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème « Le changement climatique ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191470/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Marc Touzard a reçu des financements de INRAE, ANR, Union Européenne, Région Occitanie (projets de recherche ou expertise). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nathalie Ollat a reçu des financements de INRAE, Région Nouvelle Aquitaine, Conseil Interprofessionnel des Vins de Bordeaux. </span></em></p>L’adaptation des vins d’appellation au changement climatique fait face à deux impasses : une voie conservatrice et une voie d’innovation radicale. Comment y remédier ?Jean-Marc Touzard, Directeur de Recherche, économie de l'innovation, InraeNathalie Ollat, Ingénieur de recherche, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1916952022-10-06T18:32:08Z2022-10-06T18:32:08ZLa coopétition dans les vins d’Auvergne : pour le meilleur et pour le pire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/487505/original/file-20220930-22-5p5ek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C12%2C1180%2C785&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vignes de l'AOC Côtes d'Auvergne à Boudes dans le Puy-de-Dôme.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Vignes_côtes-d%27auvergne_Boudes_2016-07-16_n2.jpg">Marie-Lan Nguyen/Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://theconversation.com/fr/topics/coopetition-62125">coopétition</a>, qui désigne une situation de coopération entre concurrents, est un <a href="https://theconversation.com/la-coopetition-moteur-de-levolution-des-especes-106264">phénomène ancien</a> qui n’a bénéficié que récemment d’un intérêt de la part des entreprises et des chercheurs en gestion. Sans doute parce que l’association de ces deux notions, concurrence et coopération, paraissait trop antinomique pour trouver sa place dans le corpus théorique des sciences économiques et de gestion, à l’exception de quelques apports de la théorie des jeux.</p>
<p>Depuis une vingtaine d’années, les recherches s’amplifient cependant, portées par l’évidence de l’intérêt stratégique de cette modalité de développement interorganisationnel. Elle peut paraître contre-intuitive, mais se nourrit de nombreux exemples de succès : s’allier avec un concurrent peut permettre de faire grossir un « gâteau » à se partager ensuite (la coopération permettant d’être plus efficace à plusieurs que seul), et s’avère préférable à la lutte à mort concurrentielle qui permet au mieux, souvent, une modeste part supplémentaire d’un gâteau bien amaigri.</p>
<p>L’idée part donc d’une hypothèse forte : la coopération entre concurrents permettrait, à certaines conditions, de créer davantage de valeur en favorisant l’innovation, le partage de savoirs, de compétences, de techniques ou de matériel, en permettant des économies d’échelle par des investissements ou des achats communs, etc.</p>
<h2>Le cas des vins d’Auvergne</h2>
<p>C’est le cas, par exemple, de Salomon, Millet et Babolat qui, bien que concurrents directs sur un certain nombre de produits, s’associent au sein de l’Advanced Shoe Factory 4.0 pour <a href="https://www.lesechos.fr/pme-regions/auvergne-rhone-alpes/sport-chamatex-fait-le-pari-du-made-in-france-avec-salomon-millet-et-babolat-1252326">relocaliser en France la production de chaussures de sport</a> (voir à ce sujet l’étude de <a href="https://www.chairecooinnov.com/cas">cas proposée par la Chaire Coo’Innov</a>).</p>
<p>Autre exemple dans le monde audiovisuel, Canal+, qui connaît une sévère perte d’abonnés ces dernières années, s’est finalement allié à ses anciens rivaux, Netflix, Disney et OCS, pour proposer aux spectateurs les offres de ses concurrents, en plus des programmes originaux. Cette <a href="https://theconversation.com/fr/topics/strategie-21680">stratégie</a>, combinée à d’autres actions, semble à ce jour porter ses fruits.</p>
<p>Notre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0019850122001183">recherche</a> porte quant à elle plus spécifiquement sur les vins d’Auvergne, <a href="https://www.inao.gouv.fr/produit/14878">regroupés depuis 2010 au sein de l’Appellation d’origine contrôlée (AOC) « Côtes d’Auvergne »</a>. Elle met clairement en évidence les bénéfices issus de la coopétition pour ce vignoble, longtemps peu prestigieux et peu renommé, qui connaît un net sursaut et une amélioration significative de sa qualité depuis quelques années. Dans un petit vignoble comme celui de l’AOC Côtes d’Auvergne, véritable <a href="http://www.vin-vigne.com/images/vin_vigne/carte_vin_france.jpg">« nain » parmi les 16 appellations génériques des vins de France</a> au côté des prestigieux vins de Bourgogne, de Bordeaux ou de Champagne, le partage des ressources est essentiel.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/strategie-volcanique-pour-le-cotes-dauvergne-un-petit-vin-devenu-grand-133937">Stratégie volcanique pour le côtes d’Auvergne, un « petit » vin devenu grand</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Les vignerons et viticulteurs ont mis en commun certains matériels (par exemple pour les vendanges), des ressources financières, mais s’apportent aussi une entraide très significative, alors qu’ils sont pourtant, en même temps, concurrents. La stratégie de coopétition mise en place a rapidement permis aux acteurs de la filière de créer de la valeur, d’abord sur la qualité du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vin-20325">vin</a> avec des <a href="https://www.lamontagne.fr/clermont-ferrand-63000/actualites/cinq-raisons-pour-lesquelles-les-vins-d-auvergne-ont-la-cote_14062593/">résultats plutôt probants</a>, induisant un cercle vertueux et des <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-chronique-vin-de-dominique-hutin/le-souffle-nouveau-de-l-auvergne-authentique-eldorado-du-vin-7453425">conséquences remarquables sur la notoriété</a>.</p>
<h2>Les nouveaux arrivants plus que bienvenus</h2>
<p>Créer de la valeur est une première étape évidemment essentielle, mais pas la seule. Le deuxième étage de la « fusée coopétition » est celui de l’appropriation de la valeur, c’est-à-dire le fait, pour les acteurs engagés dans une telle stratégie, de retirer les fruits, collectivement ou individuellement, des gains ainsi créés. De façon individuelle, la notoriété accrue par la production semble <a href="https://www.lamontagne.fr/clermont-ferrand-63000/actualites/pierre-desprat-il-est-plus-facile-de-valoriser-nos-cotes-d-auvergne-a-new-york-qu-a-clermont-ferrand_12824584/">aider certains à mieux exporter</a>, tandis que d’autres acteurs ont pu accroître leur volume de production et/ou leurs prix de vente. Mais il y a plus surprenant, et intéressant : nos interlocuteurs nous le disent nettement, les nouveaux arrivants sur le terroir sont non seulement les bienvenus, mais même souhaités, encouragés par les vignerons et viticulteurs déjà installés. Au point, par exemple, de leur réserver des terres : une caractéristique surprenante et peu intuitive de ces relations de coopétition, entre concurrents qui coopèrent.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Pourtant, le tableau n’est pas complètement idyllique, et fait ressortir une face cachée de la coopétition qui peut aussi engendrer des formes de « destruction de valeur ». Ce qui prouve si besoin était que la coopération entre concurrents ne va pas de soi : elle conduit parfois, de façon non intentionnelle, à des résultats qui vont à l’encontre des effets initialement recherchés.</p>
<p>Prenant ici la forme d’une AOC, par définition dotée d’un cahier des charges précis et contraignant – gage de qualité, justement – elle semble avoir de possibles effets pervers. Par exemple, les <a href="https://vin-champagne.ouest-france.fr/quest-ce-que-le-rendement/">rendements d’une vigne en AOC sont bien inférieurs</a> à ceux d’une « simple » indication géographique protégée, et a fortiori, d’une parcelle commercialisée en « vins de France ».</p>
<h2>« L’union fait la force »</h2>
<p>Pour l’AOC Côtes d’Auvergne, le rendement maximum autorisé est de 55 hectolitres par hectare, quand il s’élève à 70 en Indication géographique protégée (IGP). De quoi inciter certains à privilégier cette IGP et à sortir de la logique d’AOC et donc de la stratégie collective adoptée d’une montée en qualité et en notoriété. Si l’AOC implique souvent une augmentation du prix de vente des vins, supposée surpasser la baisse des rendements, il n’est pas certain que la marge de manœuvre soit significative pour les vins d’Auvergne de ce côté-là, tout de même concurrencés par d’encombrants (et réputés) voisins.</p>
<p>Ainsi, notre recherche conforte, pour le secteur des vins d’Auvergne, tout l’intérêt de mécanismes de coopétition, notamment pour des petites structures, relativement homogènes, sur des territoires peu renommés. Comme le dit le dicton, « l’union fait la force ». Si, donc, les raisons pour lesquelles la coopétition constitue aujourd’hui une stratégie très utilisée par les entreprises semblent clairement ressortir, et sont adaptées aux petites entreprises, notre étude montre aussi certaines limites de l’exercice, qui justifient probablement une approche sur-mesure selon les situations rencontrées.</p>
<hr>
<p><em>L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. L’alcool ne doit pas être consommé par des femmes enceintes</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191695/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les viticulteurs auvergnats expérimentent la coopération entre concurrents avec succès, mais pas sans pointer quelques limites de l'exercice.Anne Albert-Cromarias, Directrice Académique et de la Recherche. Enseignant-chercheur HDR, management stratégique, ESC Clermont Business SchoolAlexandre Asselineau, Directeur de la Recherche, Professeur associé en Management stratégique, Burgundy School of Business Grégory Blanchard, Doctorant en sciences de gestion. Enseignant en négociation - vente, ESC Clermont Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.