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Caucus de l’Iowa : première étape d’une très longue campagne

Pendant un discours du candidat à l'investiture démocrate Pete Buttigieg le 31 janvier 2020 à Council Bluffs, Iowa. Win McNamee/Getty Images North America/Afp

Cette fois, c’est parti. À la veille du discours du président Trump sur l’état de l’union et à quelques jours de son acquittement au Sénat dans son procès d’impeachment, l’attention médiatique se porte sur les démocrates puisque leur premier caucus démarre ce lundi 3 février dans l’Iowa. Trump, qui n’a rien à craindre de primaires républicaines comme il y a quatre ans, a bien essayé de leur voler la vedette en y organisant un meeting, le 30 janvier dernier, où il s’est efforcé de caricaturer et de moquer ses adversaires, en insistant sur les surnoms qu’il leur a choisis (« Bernie le fou » pour Sanders, « Joe l’endormi » pour Biden, « Pocahontas » pour Elizabeth Warren…).

Mais ce sont bien ces derniers qui feront l’actualité, ce soir, en Iowa. Tous les quatre ans, ce froid État du Midwest des États-Unis, représentant à peine 1 % de la population américaine, a son heure de gloire. Parce que ses habitants sont à 90 % des Blancs, le caucus de l’Iowa, le premier d’une course de fond de plusieurs mois, est souvent accusé, surtout à gauche de l’échiquier politique, d’être peu représentatif de l’Amérique. Il n’en reste pas moins symboliquement fort. Il motive et lance celui ou celle qui sort en tête et lui assure une attention médiatique importante, et cela compte. Et même si rien n’est joué pour la suite, un très mauvais résultat en Iowa n’augure rien de bon. L’importance de ce premier vote est donc forte, d’autant que l’on attend une participation plus grande que d’habitude, le sentiment anti-Trump ne se démentant pas chez les électeurs démocrates.

La sénatrice Elizabeth Warren (de dos) s’adresse à ses partisans lors d’une rencontre publique tenue à la Peace Tree Brewing Company le 31 janvier 2020 à Des Moines, Iowa. Chip Somodevilla/AFP

Des primaires démocrates à l’issue incertaine

Cette année, il s’agit donc avant tout de déterminer qui sera le ou la plus à même de battre Trump : l’électorat démocrate sera-t-il d’autant plus motivé que le président en place va échapper à la destitution ? Cet enjeu, dominant, finira-t-il par laisser la place aux débats sur les programmes (santé, dette étudiante, réduction des inégalités, environnement, limitation du port d’armes, fiscalité, etc.) ?

Dans l’Iowa, les sondages sont très incertains entre les quatre principaux prétendants à l’investiture démocrate : Joe Biden, Bernie Sanders (qui semble disposer d’un léger avantage dans cet État), Elizabeth Warren et l’outsider Pete Buttigieg. Sans oublier Amy Klobuchar, qui pourrait bien créer une surprise. Le milliardaire Mike Bloomberg a choisi de ne pas y participer et d’entrer dans la course aux primaires seulement en mars.

Sanders, Warren et Klobuchar, tous trois sénateurs, ont moins pu ratisser le terrain que leurs deux adversaires car ils étaient retenus à Washington par la procédure d’impeachment. Biden et Buttigieg en ont profité pour multiplier les réunions publiques – dans des écoles, d’anciens théâtres, des églises, des salles des fêtes – et les meetings, parfois devant quelques dizaines de personnes. C’est le jeu dans l’Iowa. Une campagne à l’ancienne qui, cette année, vise tout particulièrement les indécis ou encore les pro-Trump de 2016 qui avaient voté Obama en 2012.

Rappelons que les résultats des primaires et des caucus déterminent le nombre de délégués qui sera accordé à chaque candidate et candidat pour la convention nationale du parti démocrate, en juillet prochain. Les caucus, moins nombreux, ont la particularité d’être plus « grassroots » (axés sur une campagne « de terrain ») que les primaires, et obéissent à un processus complexe. Alors que les primaires se caractérisent par un vote simple des sympathisants à bulletin secret, les caucus consistent en des réunions de sympathisants du parti qui, dans l’Iowa, se tiendront dans près de 1 700 enceintes : aux débats et tractations s’ajoutent les « pitches » des représentants des candidats jusqu’à la dernière minute pour convaincre l’auditoire. Puis vient le temps des « alignements » et de la désignation.

La sénatrice Amy Klobuchar s’exprime lors d’un événement de campagne dans un lycée à Des Moines, Iowa, le 1ᵉʳ février 2020. Alex Wong/AFP

Plus de démocratie dans la désignation du candidat démocrate en 2020

Dans chaque salle, les participants se divisent en groupes selon leur candidat préféré, qui doit obtenir au premier tour au moins 15 % des votes sur place pour être considéré comme « viable ». Les supporters de ceux qui ont passé ce seuil de 15 % ne peuvent alors plus voter. Un second tour a lieu : il ne concerne que les autres supporters, qui disposent d’un temps limité pour rallier, ou non, un candidat « viable », en s’interpellant dans la salle. Les délégués sont ensuite répartis à la proportionnelle entre les candidats « viables » au niveau de l’État. Et c’est celui ou celle qui a obtenu le plus gros score, donc le plus grand nombre de délégués, qui est nommé·e vainqueur du caucus. Ce n’est donc pas nécessairement celui ou celle qui a rassemblé le plus de voix au départ ! L’Iowa désigne 41 délégués pour la convention nationale du parti (soit environ 1 % du total), qui s’ajoutent aux 8 « super délégués » (élus, cadres du parti), appelés officiellement cette année « délégués automatiques », qui sont directement qualifiés.

Cette année, le parti a démocratisé et rendu plus transparent le processus de désignation. Il a tiré les leçons du fiasco de 2016 et des critiques émanant des partisans de Sanders qui s’étaient sentis floués. Ainsi, on saura pour la première fois qui est arrivé en tête dès le premier « round » et comment se sont opérés les ralliements du deuxième tour. Le vote des caucus est également facilité pour les sympathisants qui se trouvent en dehors de leur État ou qui ne parlent pas anglais. Enfin, les « délégués automatiques », qui ont un rôle prépondérant lors de la convention nationale, et ont été accusés de ne pas avoir suffisamment tenu compte du vote populaire en privilégiant Clinton au détriment de Sanders, verront le poids de leur vote diminuer.

Bernie Sanders salue les participants à un rassemblement le 1ᵉʳ février 2020 à Cedar Rapids, Iowa. Tom Brenner/AFP

Un suspense qui risque de durer jusqu’au 3 novembre

Dans l’histoire récente, chez les démocrates, plus que chez les républicains, remporter l’Iowa est bon signe pour l’investiture : Al Gore a remporté le caucus en 2000, John Kerry en 2004, Barack Obama en 2008 et Hillary Clinton en 2016.

Dans les sondages nationaux, pour l’heure, Joe Biden a une longueur d’avance sur ses concurrents parce qu’il est considéré par les électeurs démocrates comme l’adversaire le plus dangereux pour Donald Trump. Son programme modéré est également susceptible d’attirer davantage d’électeurs indépendants que ceux d’Elizabeth Warren ou de Bernie Sanders, beaucoup plus à gauche. Enfin, parce qu’il fut le vice-président de Barack Obama, Biden est très populaire chez les Afro-Américains (excepté peut-être chez les jeunes). Pour autant, il est encore loin d’avoir partie gagnée.

Joe Biden pose avec ses partisans lors d’un événement de campagne au pavillon Prairie Hill le 27 janvier 2020 à Marion, Iowa. Chip Somodevilla/Getty Images/AFP

Les enjeux pour les démocrates sont les suivants : est-ce qu’un ou une candidat·e va se détacher rapidement dans la course des primaires ? Y aura-t-il des tractations et lesquelles ? Le parti va-t-il réussir à se réconcilier autour d’un programme clair et rassembleur ? Quelle vision de l’Amérique va l’emporter : celle d’une nation unie ou bien celle d’un pays clivé – en d’autres termes, comment tourner la page Trump ?

Une campagne démocrate réussie suffira-t-elle pour l’emporter face au président en place ? On le sait, le système des Grands Électeurs peut faire voler en éclats les pronostics réalisés à l’échelle nationale. On le pressent aussi, c’est dans quelques États clés que se jouera l’élection, le 3 novembre prochain (on parle du Wisconsin, du Michigan et de la Pennsylvanie). Pour les primaires comme pour la Maison-Blanche, le suspense est entier et l’année sera palpitante.

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