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Ce 22 avril, défendre la liberté de la recherche pour défendre nos droits

Des chercheurs de l’Université de Miami étudiant les effets du réchauffement climatique sur le corail en avril 2016. Joe Raedle/AFP

À 48 heures du premier tour de la présidentielle, pourquoi est-il si important de soutenir la « Marche pour les sciences », cette manifestation mondiale des scientifiques qui se tiendra demain, samedi 22 avril ? Cette question mérite que l’on s’y attarde tant il existe un lien fort entre ces rendez-vous.

La question de la place de la science et des scientifiques dans nos sociétés progressistes et démocratiques doit être sans cesse soulignée… et encore davantage à la veille d’une élection qui témoigne de divisions et de tensions profondes au sein de la société française.

Après la victoire de Trump aux États-Unis, c’est aujourd’hui la France qui est menacée par une aggravation de la fracture entre scientifiques et citoyens. Or il faut faire barrage aux climatosceptiques et à tous ceux qui sèment le doute en rejoignant demain cette initiative mondiale en faveur des sciences.

Réconcilier science et société

Ce 22 avril, les scientifiques du monde entier relaieront donc la grande manifestation initiée par leurs confrères américains en réponse aux multiples prises de position antiscience du président Trump, notamment à propos du changement climatique.

La position du président Trump à ce sujet est en effet devenue insupportable pour tous ceux engagés depuis des années dans les sciences du climat et, plus généralement, pour tous les chercheurs et enseignants qui réfléchissent aux différentes manières de lutter contre le changement climatique et de s’y adapter.

La victoire du candidat républicain a fait naître une vague de méfiance à l’égard des scientifiques : outre le fait que Trump souhaite couper et limiter drastiquement les budgets de recherche dans ce domaine, il a également mis en doute les capacités et les connaissances des spécialistes.

Cette tentative de diabolisation des résultats scientifiques vise à remettre en cause tout ce qui a été obtenu depuis plus de trente ans, tant au niveau des négociations internationales que sur le plan des actions politiques et des législations nationales en matière climatique.

Éviter une telle situation en France passe par un intérêt renouvelé au rôle que joue la science dans le pays et à la manière dont le problème du changement climatique a été porté à la conscience du grand public grâce à des travaux scientifiques.

L’exemple du changement climatique

Le changement climatique s’est imposé comme un problème majeur grâce aux rapports du GIEC ; ces derniers ont impulsé dès les années 1990 la rédaction de la Convention-cadre des Nations unies pour le changement climatique qui fixe le cadre de la gouvernance climatique mondiale.

Si l’on savait depuis le XIXe siècle qu’un changement climatique existait et qu’il était en partie imputable aux activités humaines, il aura fallu attendre plus d’un siècle pour que des mesures concrètes soient prises. Si ces dernières demeurent encore relativement timides et insuffisantes – et que nous sommes encore loin d’avoir intégré la nécessité de changer de paradigme environnemental et économique –, reste que des progrès politiques et législatifs décisifs dans le domaine de la lutte contre le changement climatique ont été réalisés. Et cela grâce à l’engagement des scientifiques qui depuis les années 1930 écrivent, publient et tentent de partager leurs découvertes pour nous alerter et nous inciter à agir.

Dans le récent Accord de Paris, né des négociations internationales sur le climat menées fin 2015 lors de la COP21, l’ambition de maintenir le réchauffement en dessous de la barre des 2 °C constitue ainsi une retranscription a minima des recommandations des experts du GIEC depuis plus de dix ans. Et cette ambition devra être régulièrement révisée par chaque pays signataire de l’Accord en suivant les avancées des spécialistes.

Ces travaux scientifiques qui protègent les droits

Il faut souligner ici que les travaux scientifiques sur le climat ne se destinent pas aux seuls rapports sur lesquels s’appuient les négociations internationales. Ils servent à la société tout entière, car tout citoyen peut, s’il le veut, agir devant les tribunaux nationaux et réclamer justice en s’appuyant sur la recherche en cours pour forcer les gouvernements à passer à l’action en matière climatique.

C’est en effet grâce aux rapports scientifiques que le changement climatique a pu devenir un objet de litiges, forçant ainsi les États à honorer leurs engagements internationaux et à reconnaître des droits « constitutionnels et fondamentaux » à « un environnement sain » et à « un climat soutenable et vivable ».

Ce sont les expertises scientifiques libres, établies de manière indépendante et accessible, qui ont permis aux juges de plus d’une trentaine des pays d’affirmer que le changement climatique viole les droits de l’homme à un environnement sain et à un climat lui permettant de continuer à vivre sur notre planète.

Et c’est surtout grâce aux études scientifiques que nous avons compris – car les juges l’ont également établi dans maintes décisions emblématiques depuis peu – que si nous possédons le droit à un climat sain, nous avons aussi un devoir envers les générations futures pour leur permettre de vivre de conditions durables. Ce sont ces droits et ces devoirs que les scientifiques nous ont permis d’inscrire à jamais dans nos systèmes juridiques. Et c’est pour cela que nous devons faire de ce 22 avril un moment fort.

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