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Le placenta constitue un moyen privilégié de comprendre le développement du bébé, puisqu’il s’agit du seul lien entre l'organisme de la mère et celui de l’enfant. Daniel Reche/Pixabay, CC BY

Ce que les mères séropositives nous apprennent sur le placenta

Dans de nombreuses régions du monde, le placenta est considéré comme un déchet et jeté après la naissance du bébé. Tous les regards se portent sur l’enfant et la jeune maman. Mais les scientifiques commencent à s’apercevoir qu’il contient beaucoup de cellules importantes. Et que leurs connaissances du développement de l’enfant pourraient progresser s’ils utilisaient les technologies modernes pour comprendre cet organe éphémère de l’être humain.

On sait déjà beaucoup de choses sur lui. Le placenta commence à se développer quelques semaines après la fécondation de l’ovule et le début de la croissance du fœtus. Pendant la grossesse, il se structure et se spécialise, assurant de nombreuses fonctions critiques. Il fournit au fœtus de l’oxygène, de l’eau et des nutriments, garantit l’élimination des déchets métaboliques, dont le dioxyde de carbone, et assure le transfert d’hormones telles que la progestérone ou l’oestrogène entre la mère et l’enfant.

Mais on ignore toujours comment le placenta se développe chez les femmes enceintes séropositives. Plusieurs études menées en Afrique subsaharienne ont montré que les futures mamans séropositives courent beaucoup plus de risques de rencontrer des complications : enfant mort-né, prématuré, trop petit au vu de son âge gestationnel, ou qui décède au cours du premier mois de vie. Lorsqu’il survit, le nourrisson court des risques importants de tomber gravement malade au cours de sa première année.

L’unique lien entre l’organisme de la mère et celui de l’enfant

Ces constats ont conduit les scientifiques à s’intéresser au placenta pour mieux comprendre les effets du VIH sur le moment de l’accouchement et la santé du nouveau-né.

L’étude du placenta constitue un moyen privilégié de comprendre le développement du bébé, puisqu’il s’agit de l’unique lien entre l’organisme de la mère et celui l’enfant.

Il est important d’adopter de nouvelles approches pour étudier les corrélations entre VIH, modes de traitement et complications à la naissance, ainsi que l’effet du VIH sur la qualité de vie du nouveau-né.

Des bébés moins protégés et plus petits

Le placenta peut être étudié de plusieurs manières. Une approche possible pour comprendre ses fonctions est d’étudier ses cellules. Il en abrite des millions, regroupées en différents types, chacun jouant un rôle crucial pendant la grossesse.

Par exemple, les lymphocytes T régulateurs régissent le fonctionnement de certaines fonctions du corps humain. En temps normal, ces cellules du système immunitaire doivent se multiplier pendant la grossesse. Les recherches actuelles suggèrent qu’elles migrent du sang de la mère vers le placenta afin de garantir la protection du fœtus.

Les études menées sur le sang qui passe dans le placenta chez les mères séropositives montrent que la croissance de ces cellules n’est pas aussi régulière que chez les femmes non porteuses du virus. Le bébé est donc moins protégé.

Une deuxième approche consiste à évaluer la structure et les dimensions du placenta. À 40 semaines de grossesse, il pèse en moyenne de 500 à 700 grammes. Mais, dans certains cas, celui d’une mère séropositive est légèrement plus petit, davantage sujet à l’inflammation et plus susceptible de développer des lésions empêchant la circulation sanguine et l’oxygénation. Cela pourrait expliquer pourquoi certains nouveau-nés sont petits pour leur âge gestationnel.

Un organe qui dévoile de précieux secrets

L’étude du placenta est soumise à certaines limites. Tout d’abord, il est compliqué de l’étudier aux différents stades de la grossesse, car le fœtus en est totalement dépendant et pourrait souffrir du moindre changement apporté par les chercheurs. Cela implique que les études soient généralement menées à un stade précoce de la grossesse (premier trimestre), après une Interruption volontaire de grossesse (IVG) ou une fausse couche, à un stade avancé de la grossesse (troisième trimestre), ou une fois que le bébé est né. Très peu de travaux sont conduits au cours du deuxième trimestre de la grossesse.

Ensuite, le placenta est difficilement accessible. Son étude implique une procédure très coûteuse, qui demande beaucoup de temps.

Enfin, les effets du traitement des femmes enceintes séropositives brouillent les pistes dans la mesure où il est difficile de savoir si c’est le virus ou le traitement qui altère le placenta. Or la plupart des femmes porteuses du VIH sont désormais soignées dès que leur séropositivité est avérée.

Malgré ces difficultés, le placenta est un organe qui nous dévoile de précieux secrets sur l’être humain. Grâce à l’étude de celui de mères séropositives et de mères saines, les scientifiques pourraient bientôt avoir un meilleur aperçu de la vie intra-utérine.


Ce texte s’inscrit dans une série d’articles autour de la thématique « Santé publique », sujet du colloque de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) qui se tient les 6 et 7 novembre, à Bruxelles avec plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, représentants des agences nationales, experts des politiques de santé publique dans le monde francophone.

Créé en 2007, Axa Research Fund soutient plus de 500 projets à travers le monde portés par des chercheurs de 51 nationalités. Pour en savoir plus sur le travail de Nadia Chanzu-Ikumi, rendez-vous sur le site dédié.

Traduit de l’anglais par Typhaine Lecoq-Thual pour Fast for Word.

This article was originally published in English

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