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Chercheur, chercheuse, qui êtes vous ?

Laboratoire de l'École polytechnique, laboratoire de physique des interfaces et des couches minces (LPICM). Photothèque de l'École polytechnique/Jérémy Barande, CC BY-SA

Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2017, qui se tient du 7 au 15 octobre, et dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.


Chercheur/chercheuse : homme/femme qui s’intéresse à des questions non résolues en utilisant une démarche scientifique.

Voici comment le devenir…

Tout d’abord, comme indiqué dans la définition, il s’agit d’apprendre la démarche scientifique. Cinq ans après votre bac, vous obtiendrez un Master « recherche ». Ensuite, vous devrez trouver un directeur de thèse qui vous supervisera durant les trois années de votre thèse. Doctorat en poche (jeune docteur), il vous faudra compléter votre formation par un séjour à l’étranger de deux ans environ (stage post-doctorat). Il sera temps alors d’encadrer quelques étudiants en thèse afin d’obtenir votre Habilitation à diriger des recherches (HDR). Si tout s’est bien passé, vous en êtes à Bac +15 lorsque, jeune chercheur, vous pourrez prétendre à un emploi stable. Votre carrière débute…

Emploi du temps

Si vous voulez progresser, il vous faut constituer une équipe de recherche autour de vous. Ce n’est pas avant d’avoir fêté la quarantaine qu’on vous appellera (vraiment) un chercheur. Vous consacrerez alors la moitié de votre temps à la recherche de financements, un quart à l’encadrement de votre équipe et l’autre quart à la rédaction des diverses paperasses qu’exigent aujourd’hui les tutelles qui évaluent la recherche.

J’inclus dans cette dernière activité les publications scientifiques que vous essaierez de faire passer dans des revues à haut impact factor (IF). La véritable recherche, celle des idées révolutionnaires ? Vous avez le droit d’y penser en dehors des heures ouvrables, pour peu que vous achetiez les livres et autres matériels sur vos deniers personnels.

Sujet de recherche

Tous les sujets n’ont pas la même valeur marchande ! Si vous voulez avoir les moyens financiers et humains de travailler, il vous faut faire des concessions. Première règle : pas de concurrence avec les axes de recherche de vos collègues de laboratoire. Deuxième règle : un sujet dans les clous de l’orthodoxie du moment (et si possible à la mode). Troisième règle : il faut pouvoir identifier des applications potentielles à terme, mais faites attention qu’elles ne remettent pas en cause l’ordre établi. En biologie par exemple, il faut chercher de nouveaux médicaments ou des outils aidant à leur mise au point, et se contenter de soigner (pas de guérir).

Tout ceci peut sembler très restrictif, voire même contre-productif pour une activité, la recherche, qui a pour mission de découvrir des choses nouvelles… Le problème c’est que les décisions de recrutement, d’attribution des crédits de recherche, d’avancement sont « collégiales » – ce qui oblige au consensus et empêche de facto la prise de risque sur une idée réellement nouvelle. Une idée révolutionnaire peut convaincre un ou deux membres du comité ou de la commission. Hélas, le quorum sera toujours en faveur d’autres propositions en phase avec les idées en cours.

Y a-t-il une solution ? On estime aujourd’hui qu’environ 20 % des chercheurs en intelligence artificielle de la planète travaillent pour Google. Ceci pourrait s’expliquer par de meilleures conditions de travail…

Mais alors, pourquoi devenir chercheur ?

Parce que durant les années de doctorat, si vous avez la chance d’avoir un directeur de thèse compétent, vous allez acquérir des capacités de réflexion et de raisonnement que vous ne soupçonnez même pas. À l’issue du doctorat, vous serez capable de prendre du recul par rapport à votre sujet de recherche. Vous serez alors intimement convaincu que le fait d’être publié ne garantit en rien la validité des arguments présentés. Vous aurez alors la capacité de critiquer – arguments à l’appui – le travail accompli par vos prédécesseurs, et l’ambition raisonnable de faire mieux.

Durant votre postdoctorat, au sein d’un laboratoire étranger, il vous faut démontrer vos compétences et acquérir le savoir-faire local. C’est une aventure qui mûrit rapidement l’individu : s’adapter au contexte, s’affirmer et produire. Beaucoup de travail en perspective, mais quelle récompense ! Seul(e), au bout du monde, avec seulement ce que je sais, je constate que je suis à ma place dans un laboratoire de recherche. Vous ressentez alors un immense sentiment de liberté : vous pouvez vous construire un avenir partout avec seulement ce que vous avez dans la tête.

Durant vos années de jeune chercheur, vous allez encore affûter votre capacité de recul et de critique. Ayant complètement maîtrisé les connaissances au cœur de votre domaine de recherche, vous discernez à présent les courants de pensée, vous comprenez la logique qui sous-tend l’historique du développement de votre domaine. Vous êtes même capable de transférer cette compétence à d’autres domaines, initialement connexes à votre secteur d’activité, puis de plus en plus éloignés.

Un jour – le jour où vous serez devenu un chercheur – vous appliquerez « naturellement » cette compétence acquise à la plupart de vos interactions et le monde vous apparaîtra sans fard. Vous aurez le sentiment de pouvoir être un acteur dans la société d’aujourd’hui et non plus un simple spectateur bringueballé au gré des événements. C’est une magnifique récompense !

Plus rien alors n’est impossible car vous savez que vous pouvez tout comprendre. Le monde de la recherche apparaît alors à certains biens étriqués qui se lancent dans la politique, l’administration, ou l’entrepreneuriat. Ceux qui persistent dans la recherche vont payer leur dette à la collectivité qui a investi sur eux en s’attaquant à quelques-uns des problèmes du moment : baisse de la fécondité, explosion de l’autisme, réchauffement de la planète, épuisement des énergies fossiles, vieillissement de la population… Vous avez l’embarras du choix.

Serez-vous reconnu de votre vivant ?

L’argent n’est pas la motivation du chercheur, ni même le pouvoir dont peut disposer un mandarin, par contre la reconnaissance de son travail peut être un puissant moteur. Nous connaissons tous l’histoire de Galilée forcé de se rétracter face à l’Inquisition, et ne voulons pas croire que de telles choses puissent exister aujourd’hui. Pourtant, les livres de Pierre Lance Savants maudits – chercheurs exclus regorgent de cas tous plus édifiants les uns que les autres. Une lecture utile à tous ceux qui désirent devenir chercheur ou chercheuse.

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