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Chocolat, voyages, luxe… Comment la distance psychologique influence nos envies d’achats

Un sac luxueux placé dans une vitrine instaure une distance spatiale qui peut favoriser sa vente.

Tous les jours, nous expérimentons différentes distances qui peuvent, sans le savoir, influencer nos comportements d’achats. C’est le cas lorsque l’on réserve un hôtel pour un voyage qui aura lieu dans six mois (distance temporelle) et que nous sommes fortement attirés par la chambre offrant une vue imprenable. Aussi, lorsqu’en magasin on aperçoit un sac luxueux placé dans une vitrine très éloignée de nous (distance spatiale) et qu’on s’imaginerait bien porter, même si son prix est exorbitant. Enfin, c’est également le cas lorsque l’on souhaite offrir un cadeau à un ami (distance sociale) et que l’on hésite entre lui prendre une petite ou une grosse boîte de chocolat.

Ces différentes situations peuvent former dans l’esprit de l’individu une distance dite « psychologique » qui est le fruit d’une expérience subjective, associée au fait de se sentir proche ou éloigné d’un objet. Ainsi, la distance psychologique peut modifier nos comportements d’achats et notamment nos envies envers les produits plaisirs comme le chocolat, le vin ou bien encore un téléphone portable avec un design époustouflant.

La recherche en comportement du consommateur fait état de contradictions lorsqu’il s’agit de dire si le fait d’être psychologiquement distant d’un produit plaisir augmente ou réduit notre envie de le consommer. Pour résoudre cette contradiction, nous avons mené une recherche afin de comprendre à quel moment la distance psychologique exerce une influence positive ou négative sur nos attitudes et choix envers les produits plaisirs.

Sentiment de culpabilité

Comparativement aux produits utilitaires, comme une colle ou un produit d’entretien, les produits plaisirs permettent au consommateur de vivre une expérience sensorielle et esthétique extrêmement agréable, rendant la consommation du produit comme une fin en soi plutôt qu’un moyen pour répondre à un besoin du quotidien.

Cependant, bien que les produits plaisirs suscitent des émotions positives chez l’individu, leur consommation peut parfois être difficile à justifier, car ils ne sont pas forcément liés à une nécessité particulière et peuvent occasionner un sentiment de culpabilité. De fait, les produits plaisirs peuvent générer des attitudes ambivalentes chez le consommateur, dont le cœur peut balancer entre vouloir vivre une expérience de consommation gratifiante et éviter le sentiment de culpabilité. C’est sur la base de cette ambivalence que la distance psychologique peut à la fois augmenter ou réduire l’envie envers les produits plaisirs.

La consommation de produits plaisirs peut parfois être difficile à justifier.

Dans notre recherche, nous identifions l’influence essentielle du besoin de justification, défini comme un état où le consommateur doit apporter des raisons pour expliquer son choix envers un produit. Ce besoin de justification, expérimenté par le consommateur au moment où il évalue le produit, explique à quel moment la distance va amplifier ou réduire le désir de consommer des produits plaisirs.

L’explication tient au fait qu’une forte distance psychologique permet au consommateur de justifier plus facilement son choix lorsqu’il doit fournir des explications. En effet, lorsque l’on est psychologiquement éloigné, nous avons tendance à plus facilement résoudre une tâche complexe comme résoudre le conflit entre plaisir et culpabilité.

Sac à langer et boîtes de chocolats

Différentes expérimentations que nous avons menées pour tester les effets positifs et négatifs de la distance psychologique sur l’envie de consommer des produits plaisirs confirment cette explication.

La première expérimentation a été menée auprès de futurs parents qui expérimentaient de la proximité ou de l’éloignement temporel avec l’arrivée de leur enfant. En effet, en début (vs. fin) de grossesse les futurs parents peuvent être psychologiquement éloigné (proche) de la naissance de leur enfant, car la distance temporelle avec la naissance est forte (faible).

Ainsi, nous avons créé deux groupes, auxquels nous avons demandé d’évaluer un sac à langer présenté comme étant design, tendance et coloré. Le premier groupe représentait la condition « éloignement psychologique » et était constitué par les futurs parents dont la grossesse de la mère était comprise entre 1 mois et 6 mois et demi. Le deuxième groupe représentait la condition « proximité psychologique » et était constitué des futurs parents dont la grossesse de la mère était comprise entre 7 mois ou plus.

Les résultats montrent que les futurs parents dont l’arrivée de l’enfant était lointaine et qui avaient un besoin de justification élevé, ont mieux évalué le sac à langer « plaisir » comparativement aux futurs parents dont l’arrivée de l’enfant était proche.

Afin de corroborer nos résultats, nous avons mené une autre expérimentation en utilisant un produit plaisir alimentaire, à savoir le chocolat. Nous avons demandé à une partie des répondants d’imaginer recevoir de la part d’un ami un coffret de chocolat en cadeau, alors que l’autre partie devait imaginer offrir à un ami une boîte de chocolat.

Recevoir un cadeau est considérée comme une expérience de proximité psychologique, car l’individu adopte une perspective égocentrique afin de choisir une option pour laquelle il prendra du plaisir à la consommer. À l’inverse, offrir un cadeau est une expérience d’éloignement psychologique, car la personne qui offre se concentrera davantage sur l’ami qui reçoit le cadeau pour lui faire plaisir. Ensuite, une partie des participants devaient délibérément justifier son choix entre 5 tailles de boîtes de chocolats proposées, alors qu’une autre partie des répondants ne devaient pas apporter de justification.

Offrir un cadeau, une expérience d’éloignement psychologique. Alexei/Pxhere, CC BY

Les résultats montrent que le groupe chargé d’offrir le cadeau, en situation d’éloignement psychologique, et qui devait justifier son choix, a choisi en moyenne une boîte de chocolat plus grande que celui des receveurs, en situation de proximité psychologique.

Quand un mauvais nutriscore incite à consommer plus

Cette recherche a donc permis de mieux montrer que, lorsque le besoin de justification est présent, la distance psychologique tend à amplifier les réponses du consommateur envers les produits plaisirs.

Ces résultats peuvent avoir de nombreuses implications et notamment en matière de marketing social. En effet, les organismes qui tentent de faire réduire la consommation des produits jugés parfois néfastes pour la santé peuvent utiliser comme levier d’action la distance psychologique ou le besoin de justification. Dans les contextes où le consommateur expérimenterait une forte proximité psychologique, comme en magasin, il conviendrait ainsi de renforcer son besoin de justification afin de réduire son envie de consommer le produit plaisir.

À titre d’exemple, la présence d’un mauvais Nutri-score pour certains produits plaisirs peut être un bon moyen d’accentuer le besoin de justification. À l’inverse, dans des contextes où la distance psychologique peut être forte comme l’achat sur Internet, le besoin de justification peut augmenter en raison de ce même Nutri-score négatif et in fine augmenter le panier des produits plaisirs qui deviennent moins difficiles à justifier.

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