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Climat des affaires : la guerre des talents, une préoccupation mondiale

Le ralentissement économique n'a pas encore d'effets sur la dynamique de l'emploi. Pressmaster / Shutterstock

Cet article est tiré de la dernière enquête Duke University–Grenoble École de Management qui mesure chaque trimestre, depuis plus de 20 ans, le climat des affaires tel qu’il est perçu par les responsables financiers des entreprises à travers le monde. L’enquête recueille plus de 1 000 réponses anonymes d’entreprises de tous secteurs et de toutes tailles. C’est désormais la plus grande enquête de ce type dans le monde. Une analyse détaillée par pays peut être envoyée à chaque participant. Vous pouvez consulter les résultats complets de cette enquête.


La croissance observée à travers le monde depuis plusieurs trimestres a une conséquence importante sur le marché du travail : les entreprises rencontrent de plus en plus de difficultés à attirer et à conserver la main-d’œuvre nécessaire à leur activité. Ainsi, en Europe, 36,2 % des entreprises sont confrontées à un problème important de recrutement qu’elles perçoivent d’ailleurs de plus en plus comme un risque qui pèse sur leur bonne marche. Aux États-Unis, cette proportion atteint même 53,1 %, selon les derniers résultats de notre enquête trimestrielle sur le climat des affaires menée au niveau mondial.

Baromètre climat mondial des affaires DFCG-GEM, septembre 2018

Dans les mois à venir, l’Europe pourrait connaître un ralentissement conjoncturel qui, toutefois, ne devrait pas impacter dans l’immédiat la dynamique actuelle du marché de l’emploi. Comme il est généralement en décalage avec le cycle économique, les perspectives d’embauche restent encore aujourd’hui très élevées : la masse salariale devrait par exemple augmenter de 3,5 % en France et de 3,9 % aux États-Unis au cours du troisième trimestre 2018.

Politiques RH innovantes

Les tensions sur le marché du travail posent d’abord la question de la conservation du savoir-faire au sein de l’entreprise. Plus l’activité d’un pays ou d’un secteur est dynamique, plus la fréquence de renouvellement des collaborateurs, le turnover, est importante. Dans le secteur des technologies, il est désormais de 16 % en moyenne, contre environ 10 % en période de croissance économique plus faible. En comparaison, le secteur primaire (agriculture, pêche…), où l’emploi est plus stable, connaît un taux de rotation de seulement 4 %. De même, alors que l’Italie affiche un turnover moyen de 6 %, il est, en moyenne, proche de 10 % en France.

Face à ce phénomène, plus de la moitié des entreprises à travers le monde mettent en place des politiques de ressources humaines innovantes. Parmi les solutions : offrir un cadre de travail plus flexible, plus de jours de congé ou encore une meilleure couverture santé. Des politiques que l’on retrouve notamment dans les secteurs de la banque et du conseil.

À l’inverse, les grandes entreprises du secteur public ne semblent pas ressentir ce besoin puisqu’elles sont une majorité à déclarer ne pas avoir engagé de changement dans la politique RH pour attirer ou conserver plus de talents.

Tendance mondiale

L’adaptation des politiques RH est une tendance que l’on retrouve aujourd’hui un peu partout dans le monde. En Asie, 33 % des entreprises essaient d’adopter des horaires flexibles. Au Japon, 39 % d’entre elles cherchent à améliorer la qualité de vie de leurs salariés. C’est aussi le cas en Amérique latine, où les tensions sur le marché du travail sont néanmoins plus faibles.

Enfin, nous avons demandé aux entreprises si la hausse des tarifs douaniers pouvait avoir des conséquences sur leurs volumes d’embauche. Le résultat est frappant : 20 % des entreprises européennes l’envisagent effectivement. Dans certains secteurs, comme la vente au détail, les entreprises anticipent un impact négatif sur leur recrutement. Dans des secteurs comme la santé ou le conseil, c’est au contraire un effet positif qui est attendu. En Asie, épicentre du commerce international, pas moins de 56 % des entreprises estiment que le contexte international va modifier leur politique de recrutement. Comme en Europe, ce chiffre se divise à parts égales entre les entreprises qui anticipent un impact négatif et celles qui s’attendent à effet positif.


Retrouvez ci-dessous l’indicateur du climat des affaires de la dernière enquête de la Duke University–Grenoble École de Management pour le troisième trimestre 2018.

Baromètre climat mondial des affaires DFCG-GEM, septembre 2018

Notre indicateur de climat des affaires enregistre une baisse marquée en Europe qui le porte à 57,9 contre 68,5 au trimestre précédent sur une échelle de zéro à cent. C’est en France (60,4 contre 67,5) et en Allemagne (66,7 contre 81,8) que la chute est la plus sévère. Ces niveaux de confiance restent néanmoins compatibles avec une croissance toujours soutenue de l’activité.

À l’inverse, Le Royaume-Uni (48 ce trimestre), l’Espagne (50 ce trimestre) et, dans une moindre mesure, l’Italie (52 ce trimestre) connaissent une baisse de confiance qui pourrait indiquer un ralentissement plus marqué de la croissance dans les trimestres à venir.

Les signaux de ralentissement viennent de l’Europe

Aux États-Unis, le climat des affaires se maintient à des niveaux encore élevés : 70,0 aujourd’hui contre 71,1 au deuxième trimestre. Au cours des cycles précédents, les premiers signes du ralentissement économique sont généralement venus des États-Unis. C’était par exemple le cas lors du décrochage conjoncturel de 2007-2008 (voir graphique). Il est paradoxal de constater que, cette fois-ci, les premiers signes de ralentissement, certes encore modérés, viennent avant tout du continent européen. Pour les trimestres à venir, nous serons donc particulièrement attentifs à l’évolution de l’écart de confiance entre les États-Unis et l’Europe comme indicateur avancé de la croissance.

Baromètre climat mondial des affaires DFCG-GEM, septembre 2018

Dans le reste du monde, l’Amérique latine affiche un niveau moyen de climat des affaires de 56. Ce niveau masque néanmoins de grandes disparités entre le Mexique (70), le Chili (64) et le Pérou (62) d’un côté, et des pays comme le Brésil (52) ou encore l’Équateur (37), englués dans des difficultés politiques récurrentes.

En Asie, l’indicateur se stabilise autour de 60, un niveau largement inchangé par rapport au trimestre précédent. C’est en Inde que nous observons le climat des affaires le plus favorable à la croissance (77). À l’autre bout de l’échelle, le Vietnam affiche un niveau très faible de 40. Nous notons néanmoins que la plupart des pays asiatiques conservent un climat des affaires au-dessus de 50 : 55 au Japon, 60 en Chine, ou encore 72 en Malaisie. Enfin, en Afrique, les indicateurs de climat des affaires se sont fortement dégradés pour atteindre 38 en Afrique du Sud et 48 au Nigeria.

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