tag:theconversation.com,2011:/columns/blanche-lochmann-196904En sortant de l’école – The Conversation2016-11-17T22:19:20Ztag:theconversation.com,2011:article/690072016-11-17T22:19:20Z2016-11-17T22:19:20ZTrop parfait pour rester sur Terre ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/146418/original/image-20161117-18108-rbius4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Thomas Pesquet (debout à droite) et les astronautes américains, japonais et russes préparant l'embarquement du Soyooz MS-01 le 7 juillet, à la base de Baikonur au Kazakhstan.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nasahqphoto/27598108933/">Nasa HQ/flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Alors que l’astronaute, Thomas Pesquet, membre de l’expédition en route pour la station spatiale internationale, <a href="https://proxima.cnes.fr/fr/prete-au-decollage">a décollé à bord d’un Soyouz</a>, le traitement médiatique dont il est l’objet révèle une mesquinerie bien française, masquée sous des dehors pseudo humoristiques. Il ne fait pas bon être « bon élève » en France.</p>
<p>Pilote de ligne, ingénieur, Thomas Pesquet a suivi un entraînement de près de sept ans pour parvenir à maîtriser les connaissances et posséder les capacités nécessaires à la survie dans la station spatiale. Il parle six langues, est capable de mener à bien des expériences scientifiques extrêmement complexes et de procéder à des réparations techniques de haute précision. Sa résistance physique à toute épreuve est digne d’un athlète de haut niveau.</p>
<p>De quoi remporter l’admiration ? Pas en France, apparemment. Le quotidien gratuit <em>20 minutes</em> trouve ainsi très drôle de s’exclamer <a href="http://www.20minutes.fr/sciences/1961867-20161117-video-thomas-pesquet-astronaute-tellement-parfait-presque-enervant">hier matin</a> dès l’introduction de l’article qui lui est consacré : « bon débarras, car même en orbite à 400 km de la Terre, le 10<sup>e</sup> astronaute français de l’histoire va nous énerver ».</p>
<p>Et de glisser, au fil de l’énumération des qualités de l’astronaute, quelques piques acérées sur son parcours de « bon élève », qui est sorti d’une classe préparatoire et dont – horreur ultime ! – les parents sont respectivement professeur de mathématiques et professeur des écoles.</p>
<p>Le pauvre Thomas Pesquet a en effet le malheur de cocher toutes les cases qui vous attirent railleries et quolibets : « fils de prof’ », bon élève, passé par la prépa, recruté d’abord comme pilote de ligne puis comme astronaute au fil d’un processus de sélection particulièrement difficile, à l’issue d’une préparation qui en a fait quelqu’un de complet, à la fois scientifique et sportif de haut niveau… Il n’en fallait pas plus pour qu’une méchanceté envieuse s’exprime sous couvert de plaisanterie.</p>
<p>Tout le monde ne peut pas être pilote de ligne ou astronaute, est-ce une raison pour que ceux qui excellent dans leurs domaines déchaînent les sarcasmes ? « Toujours les mêmes qui ont du bol. » s’exclame la journaliste, comme si l’aboutissement de ce parcours n’était pas dû à une somme colossale d’efforts continus dont tout le monde, il faut bien l’avouer, n’est pas capable.</p>
<p>On aimerait une admiration partagée pour tous ceux qui, aujourd’hui, mettent, comme lui, leurs capacités et leur travail au service de la France. Écrivons davantage d’articles leur rendant hommage à tous, illustres et inconnus, au lieu de plaisanter méchamment sur les « bons élèves ».</p>
<p>Le <a href="http://www.arte.tv/guide/fr/064441-000-A/thomas-pesquet-profession-astronaute">documentaire diffusé par Arte</a> le 15 novembre dernier rend heureusement justice à ce parcours d’exception sans oublier les hommes et les femmes qui, par leur travail d’équipe et leur exigence quotidienne envers eux-mêmes, ont rendu cette aventure possible et ont accompagné les astronautes.</p>
<p>Instructeurs, diététiciens, scientifiques, professeurs de langues… Tous ont suivi et entraîné l’équipe pour l’amener au maximum de ses capacités. Grâce leur soit rendue : suscitant l’admiration par leur courage et leur dévouement, ils permettent ainsi au téléspectateur de s’extraire, pour plus de 20 minutes, des passions mauvaises qui sont une fatalité pour la France.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/69007/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Blanche Lochmann est présidente de la Société des agrégés de l'Université.</span></em></p>On aimerait une admiration partagée pour tous ceux qui, comme Thomas Pesquet, mettent leur travail au service de la France. Au lieu de quoi, on préfère se moquer de ces « bons élèves ».Blanche Lochmann, Professeur agrégé, Présidente, Société des agrégés de l'UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/669282016-10-12T19:49:00Z2016-10-12T19:49:00ZDans ce métier il faut savoir s’épargner<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/141408/original/image-20161012-13491-1rymcre.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=305%2C305%2C4168%2C2475&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Traumatisés, épuisés, les enseignants manquent parfois d'accompagnement adéquat.</span> <span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><h2>Traumatisme</h2>
<p>Il y a quelques années, se rendant sur son lieu de travail dans une zone dite sensible, elle a été agressée. Assez violemment pour qu’elle ne puisse reprendre le travail qu’au bout de plusieurs semaines de congé. Jusque-là, elle avait toujours apprécié de travailler avec des élèves qu’elle portait tout au long de l’année, résolvant leurs difficultés, s’intéressant à eux, refusant de les abandonner à leur sort.</p>
<p>L’agression la déstabilise. Ses agresseurs ressemblaient tellement à ses élèves. Et puis il y a la faiblesse, physique, qui l’assaille quand elle s’y attend le moins. Les larmes qui montent toutes seules. N’importe où. N’importe quand. Elle se sent démunie. Elle comprend vite qu’elle n’a plus la résistance qu’il lui faudrait pour tenir devant son public. Elle aimait convaincre, entraîner son auditoire, déployer son énergie pour persuader ses élèves. Désormais, elle a peur. Il suffit que l’un d’entre eux lève le doigt ou le ton pour qu’elle imagine le pire. Que les images de l’agression reviennent. Qu’elle le voie surgir près d’elle, menaçant. Elle a le souffle court, elle vacille, elle transpire. Elle étouffe.</p>
<p>Elle a l’impression que personne ne la comprend. Le rectorat ignore ses appels à l’aide. Elle demande un autre poste, un peu plus protégé peut-être, le temps de reprendre pied. Qu’au moins elle n’ait pas à refaire le même trajet quotidien. On le lui refuse. Dans l’Éducation nationale, il n’y a pas de stress post-traumatique.</p>
<h2>Dans ce métier, il faut savoir s’épargner…</h2>
<p>Réunion. Visages un peu tendus de jeunes professeurs en quête des informations qui leur rendront la tâche moins difficile. Certains, à quelques jours de la rentrée, ne connaissent pas leur établissement, tous doivent encore attendre pour être assurés d’un emploi du temps et de classes qui pourront parfois encore être modifiés pendant quelques semaines. Leurs cours sont donc loin d’être prêts malgré une grande volonté de bien faire. Angoisse du débutant soucieux d’être à la hauteur. Questions sur le fonctionnement administratif de cette institution, connue pour ne pas ménager pas ses troupes.</p>
<p>Soudain une interrogation : quel remède aux difficultés rencontrées avec un élève ? Que faire devant les problèmes familiaux, sociaux, psychologiques impossibles à ignorer ? L’un, plus expérimenté, avoue une impuissance, difficile à supporter, devant la maladie mentale d’un élève. Il a tenté de se former tout seul, a tâtonné pendant un an. Comment trouver les interlocuteurs qualifiés ? Quels liens avec les services médicaux et sociaux ? La réponse de leur interlocuteur tombe, un peu froide et de nature à les éclairer, s’ils pouvaient s’en aviser à ce moment-là, sur leurs rapports à venir avec l’institution : « dans ce métier, il faut savoir s’épargner ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/66928/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Blanche Lochmann est présidente de la Société des agrégés de l'Université.</span></em></p>Récits de vie et réflexions personnelles sur le métier d’enseignant.Blanche Lochmann, Professeur agrégé, Présidente, Société des agrégés de l'UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/657572016-09-30T04:48:50Z2016-09-30T04:48:50ZMarathon quotidien<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/138682/original/image-20160921-21723-189bm6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour beaucoup d’enseignants, le métier est synonyme d’écrasement, de course tout aussi mentale que physique… et de solitude.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/josiahmackenzie/3414064391/">Josiah Mackenzie</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p><em>Choses vues, choses entendues. En sortant de l’école, des bribes de réalités viennent se confronter aux rêves du système éducatif.</em></p>
<p>Il a couru pour arriver au lycée ce matin, d’un bus à un métro, d’un métro à un RER, d’un RER à un deuxième bus. Ou bien elle a pris sa voiture pour faire près d’une centaine de kilomètres sur des routes de montagne que les lacets rendent dangereuses. Il a essayé en vain de trouver une place assise et a craint que l’humidité de sa chemise ne trahisse son effort physique et son angoisse. Elle a pincé les lèvres à plusieurs reprises, concentrée, attentive à ignorer l’appel du précipice sous ses roues. Il est arrivé largement en avance, soucieux de se faire bien voir ou bien elle est arrivée juste à l’heure.</p>
<p>Là où d’autres collègues, plus anciens ou plus chanceux, pourront se plaindre de la routine, ils ont, eux, remplaçants ou titulaires, la malchance d’être affectés sur plusieurs établissements. On les a prévenus la veille de la rentrée, ou ils ont reçu un appel quelques jours après. S’ils ont de la chance, ils rencontreront une oreille attentive, collègues ou chefs d’établissement, désireux de les aider. Oh, pas grand-chose : accepter de coordonner les emplois du temps, de laisser gentiment une salle à disposition, d’échanger des heures.</p>
<p>Parfois, on leur trouvera même une chambre à l’internat, pour les arranger. Sinon, leur année sera éprouvante. Salle des professeurs où, passant en coup de vent, il ne connaîtra personne. Bataille pour obtenir le remboursement de ses frais de route, qu’on lui calculera au plus juste, qu’on feindra d’oublier et qu’on lui versera enfin, un an après, quand sa vieille voiture, aussi épuisée qu’elle, aura déjà rendu l’âme. Ou pire, un accident sur une route solitaire et glacée, des cicatrices, une phobie de la conduite.</p>
<p>Mais qu’ils se rassurent, le plan de stratégie ambitieux de leurs académies, annoncé en grande pompe, déroulant des formules prétentieuses et des énoncés trompeurs, aura certainement porté, cette année, sur l’amélioration des conditions de travail des personnels.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/65757/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Blanche Lochmann est présidente de la Société des agrégés de l'Université</span></em></p>L’affectation multi-établissements entraîne une gymnastique mentale et physique parfois insoutenable et dangereuse pour certains enseignants.Blanche Lochmann, Professeur agrégé, Présidente, Société des agrégés de l'UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/557182016-03-04T05:39:00Z2016-03-04T05:39:00ZL’école en pistes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/113694/original/image-20160303-9463-1aqh3as.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Enfants en cour de ski - Piste verte la Cornue - Vue sur le massif de Belledonne – Hiver 2014.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/saintfrancoislongchamp/14570812245/in/photolist-fG9pJM-4FvQ1t-5cTG2m-oczdQM-nV6EKZ-5cTG77-7xcd2U-9eKVTx-vtRmRa-wqJ8Uz-wqHZVD-wrbFxD-w979D1-wqJ6ca-w97ae9-vtRk4c-w97aMU-w97gqY-wrbzgk-vtRmhz-w977ew-w97967-vtRf6B-wq3H5E-w97bo3-5cPnEr-4Dq5m8-wq3zos">St François Longchamp Tourisme/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La baisse du niveau des élèves français est devenue un lieu commun et chaque publication de l’enquête PISA vient renforcer le constat que l’école française n’a pas su relever le défi de la massification. Pendant ce temps, sur les pistes, l’augmentation du nombre de skieurs, due à une démocratisation – bien réelle même si on peut considérer qu’elle n’est pas encore suffisante – des sports d’hiver, est manifestement allée de pair avec une élévation générale du niveau. Quel est le secret du ski français ?</p>
<p>Les progrès en matière d’équipement ont certainement contribué à rendre la pratique du ski plus aisée (poids allégé, skis plus maniables) mais la création de ce qui deviendra l’<a href="http://www.esf.net/fr/qui-sommes-nous/notre-histoire/notre-histoire.htm">École du ski français</a>, sous l’action conjuguée du ministre des sports Léo Lagrange et d’un champion de ski Émile Allais en 1937 y est certainement pour quelque chose. Aujourd’hui l’école compte 17 000 moniteurs diplômés d’État, reçoit chaque année 2 millions d’élèves et fait passer 800 000 tests.</p>
<p>Les cours de ski sont caractérisés par un certain nombre de contraintes qui pourraient rendre la tâche de l’enseignant difficile : un temps extrêmement limité (une semaine), des conditions extrêmes (froid et dangers de la montagne), une technicité importante (utilisation d’un matériel spécifique et d’installations particulières), des élèves de niveau et de constitution extrêmement variables.</p>
<p>Ces contraintes sont surmontées avec succès grâce à plusieurs facteurs. L’École du ski français sélectionne avec soin ses moniteurs dont le niveau est élevé et homogène : aux qualités sportives exigées, certains ajoutent la pratique de plusieurs langues dans lesquelles ils sont capables d’enseigner. Les groupes formés sont composés d’un petit nombre d’élèves. Un enseignement technique et exigeant est apporté dès les premiers cours aux débutants, même en bas âge, car la sanction est immédiate : si les consignes ne sont pas respectées on tombe !</p>
<p>Les exigences correspondant à chaque niveau sont très clairement définies et font l’objet d’une communication claire. Les tests de fin de parcours sont composés d’exercices précis et constants dans le temps, ce qui contribue à cette clarté. Les groupes formés sont de niveau homogène, indépendamment de l’âge : au début de la semaine, quel que soit le cours initialement choisi, les enfants et adultes peuvent être amenés à changer de groupe. L’enseignement est alors tout à fait adapté au niveau du groupe et le moniteur sait faire évoluer ses élèves jusqu’à l’objectif fixé de façon progressive dans le temps imparti.</p>
<p>Tous les élèves ne deviendront pas, loin s’en faut, des champions, mais chacun pourra aller au bout de ses aptitudes grâce à la difficulté croissante des enseignements jusqu’aux cours de compétition. Et si, sachant conjuguer souplesse d’organisation et attention à chacun avec clarté des objectifs et exigences, si sachant enseigner à tous sans renoncer à la compétition, l’ESF nous donnait quelques pistes pour notre école ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/55718/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Et si, sachant conjuguer souplesse d’organisation et attention à chacun avec clarté des objectifs et exigences,, l’ESF nous donnait quelques pistes pour notre école ?Blanche Lochmann, Professeur agrégé, Présidente, Société des agrégés de l'UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/513492015-11-27T21:38:35Z2015-11-27T21:38:35ZQui va garder les enfants ?<p>À peine les <a href="http://www.oecd.org/fr/education/regards-sur-l-education-19991495.htm">« Regards sur l’éducation 2015 »</a> sont-ils publiés par l’OCDE que le temps passé par les élèves français à l’école est dans la ligne de mire. C’est un bon exemple de l’usage hâtif des statistiques. Il éclaire les contradictions idéologiques à l’œuvre dans l’interprétation de données dont l’OCDE rappelle qu’elles sont à manipuler avec prudence, il méconnaît les spécificités de l’apprentissage du français et ignore des valeurs dont nous avons tout lieu de nous féliciter. Au détriment de la réflexion nécessaire pour poursuivre les objectifs sociaux et humanistes de la France.</p>
<h2>Une lecture hâtive des données</h2>
<p>De façon fort curieuse, l’un des seuls éléments qui aient frappé les médias – sur plus de 600 pages de rapport ! – est le nombre d’heures passés par les élèves français en classe. Et chacun de se répandre, comme chaque année, en lamentations sur l’inefficacité de l’école française, qui fatigue nos enfants sans les instruire correctement. Et de déplorer les 37 % du temps d’enseignement que l’école primaire française est la seule à consacrer à la lecture, à l’expression écrite et à la littérature.</p>
<p>Pourtant, le rapport de l’OCDE lui-même souligne que le temps d’instruction ne se confond pas avec la totalité du temps consacré à l’instruction, mais qu’il correspond au temps passé en classe. Il y a donc des États dans lesquels le temps passé en classe est bref parce qu’il est complété par un système très organisé de cours extra-scolaires. Toute comparaison est alors caduque. Comment pourrait-on ainsi comparer la Corée à la France ?</p>
<p>Ensuite, la France figure parmi les quatre pays à n’avoir aucune partie flexible du programme obligatoire, ce qui signifie que tout ce qui est fait est répertorié dans le tableau de manière extrêmement précise quand la partie flexible (correspondant, dans certains cas, à la totalité du temps d’instruction) n’est pas détaillée. Doit-on déduire du tableau que ni l’Italie, ni l’Angleterre, ni les Pays-Bas, ni la Belgique francophone ne font étudier leur langue ? Absolument pas, puisque, dans ces pays, la partie flexible du programme (non détaillée) est la plus importante.</p>
<h2>La méconnaissance des difficultés propres à la langue française</h2>
<p>Les difficultés respectives des langues maternelles ne peuvent, bien évidemment, être prises en compte dans ce classement. Or, les travaux de Stanislas Dehaene le montrent bien, le français est une des langues les plus difficiles à apprendre, à écrire et à lire. Elle cumule en effet des difficultés de prononciation – comment expliquer à l’enfant que « -ent » dans « client », « il tient » et « ils relient » ne se prononce absolument pas de la même façon ? – et des difficultés syntaxiques et grammaticales. Lire et écrire le français exige une analyse grammaticale aboutie et une connaissance très étendue de l’étymologie. L’apprentissage, pour être durable, ne peut être que long et raisonné.</p>
<h2>L’ignorance du rôle social de l’école française et de l’importance du travail des femmes</h2>
<p>La critique sur la lourdeur des emplois du temps des enfants est aussi ancienne que la critique sur la longueur des vacances scolaires. Il est assez curieux de voir qu’en cette matière, l’on n’arrive jamais à la considération du système dans sa totalité, alignant les critiques ponctuelles sans jamais aboutir aux contradictions qu’elles impliquent.</p>
<p>Considérer que les enfants passent trop de temps en classe, c’est ignorer que l’école fournit un accueil de qualité aux enfants dont les mères travaillent. La France a fait le choix de la scolarisation précoce, elle a fait le choix d’une journée d’école certes chargée, mais compatible avec les emplois des mères. Et les femmes françaises sont donc fort logiquement nombreuses à continuer à travailler, même après avoir eu plusieurs enfants.</p>
<p>Sauf à considérer que l’éducation des femmes – par ailleurs promue par l’OCDE – ne doit déboucher que sur une émancipation factice cantonnée au temps de leur scolarité, il apparaît logique de se soucier de préserver une organisation qui, comme celle de l’école française, permet l’émancipation durable des femmes par le travail.</p>
<h2>Quel choix de société et d’école pour la France de demain ?</h2>
<p>Dans les pays où les enfants passent le moins de temps à l’école, il y a trois possibilités : une offre extra-scolaire extrêmement fournie avec une charge importante dévolue aux organismes autres que l’école – ce choix demande un investissement financier important pour les parents et engendre des inégalités entre les enfants ; des journées courtes dont l’organisation de l’après-midi revient aux mères – ce choix demande le sacrifice des carrières des mères et entraîne, on le voit en Allemagne, un déficit de natalité important ; une organisation générale du travail laissant le temps à tous les adultes de s’occuper de leur famille – cette possibilité relève d’un modèle de société faisant toute sa place à l’égalité homme-femme et à la vie familiale par rapport à la vie professionnelle.</p>
<p>La France n’a choisi aucun de ces systèmes, refusant de poser la question en des termes aussi nets. Si bien qu’au moment de la réforme des rythmes scolaires, elle a échoué. Diminuer efficacement les journées des élèves sans peser davantage sur l’activité des mères tout en garantissant des activités périscolaires de qualité était un beau défi. Mais il réclamait beaucoup de moyens puisque l’État devait alors assurer ce qui, dans tous les autres systèmes, relève toujours, d’une manière ou d’une autre, des parents. Il a donc reporté sur les collectivités locales la charge importante née de la réorganisation des horaires si bien que dans certaines communes ou certains établissements, on a renoncé ou on renoncera bientôt à l’organisation de ces activités, risquant de sacrifier le travail des femmes.</p>
<p>Cet échec devrait inciter à cesser de raisonner superficiellement en matière scolaire. Se contenter d’aligner les chiffres du temps de présence en classe sans songer ni à l’organisation de la société tout entière ni aux objectifs sociaux et humanistes que doit porter la France, ni aux moyens de les financer, c’est agiter du vent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/51349/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Se contenter d’une critique superficielle du temps passé par les élèves français à l’école revient à ignorer le rôle social de l’école et son importance dans le processus d’émancipation des femmes.Blanche Lochmann, Professeur agrégé, Présidente, Société des agrégés de l'UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/502562015-11-05T10:12:06Z2015-11-05T10:12:06ZMusée de l’homme moderne<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/100886/original/image-20151105-16273-60jd2a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Hauts Reliefs du Musée de l'Homme, Paris.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/10699036@N08/2302572221/in/photolist-55mmp4-kiWXgK-55qyh3-55qyaC-55mmJV-55mmfx-55qy87-55mmMB-55qxVJ-55mmDZ-55qxZs-r6t4g-4vthv4-658QQ8-jsUxU-55mmaH-55qyeS-rWr7s-4KZpA4-4vxnom-9SxqdQ-4vxmTQ-4KTcvx-55mmFp-2WXYE6">Frédérique PANASSAC / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Rouvert depuis le 17 octobre dernier, le Musée de l’homme permettra au promeneur à l’âme philosophe de méditer sur les contradictions de l’être humain du XXI<sup>e</sup> siècle. Mais il n’aidera pas l’enfant curieux à découvrir l’histoire de l’humanité. Une difficulté à concilier des objectifs politique, civique et culturel qui n’est pas sans rappeler celle que rencontre notre école.</p>
<p><strong>Débauche d’énergie et discours moralisateur sur le développement durable</strong></p>
<p>Dès l’entrée, un vaste mur accueille le visiteur par des mots de bienvenue clignotant dans toutes les langues à grand renfort d’ampoules électriques. Il notera, pendant sa visite, le nombre important d’écrans au contenu redondant avec celui des vitrines. Passé par la salle du développement durable, il aura tout loisir de réfléchir à la contradiction de l’homme moderne qui dépense vainement une énergie considérable pour ses loisirs dans l’hémisphère nord tout en proclamant la nécessité de préserver les ressources vitales des habitants de l’hémisphère sud.</p>
<p><strong>Juxtapositions d’objets et de propos pour une visite difficile</strong></p>
<p>Les vitrines suivantes présentent une accumulation de tenues de carnaval, fétiches, masques et bustes d’hommes politiques. Il s’agit de rendre compte de la diversité et des ressemblances des êtres humains mais la spécificité de chacun de ces objets est niée. Même perplexité devant la maquette géante de l’éléphant dépecé s’étalant près des premiers outils de l’humanité. Le refus de hiérarchiser les objets, l’insuffisance des explications réduisent à néant l’espoir de s’instruire.</p>
<p>Les plus grands savants et spécialistes collaborent à l’exposition par des interventions sonores ou filmées. Mais il faut tendre l’oreille, l’écoute est difficile et les propos si isolés les uns des autres et si juxtaposés qu’il est difficile de construire soi-même un discours synthétique permettant d’en retenir l’essentiel.</p>
<p><strong>Trois obstacles significatifs à la diffusion du savoir</strong></p>
<p>Trois obstacles coexistent. D’abord, la nécessité de compenser la diminution des collections au profit d’autres institutions est un handicap réel. Ensuite, l’objet du musée – la réflexion sur l’évolution et la diversité de l’espèce humaine – fait craindre les critiques et interdit tout propos suivi. Enfin, la spécialisation du savoir, entraînant le refus d’un discours simple et synthétique, perd le public entre des interventions qu’il n’a pas le temps de suivre.</p>
<p>On reste donc sur sa faim, troublé et peiné, parce qu’on aurait sincèrement voulu aimer ce musée dont les locaux sont magnifiquement réaménagés, dont les objectifs sont nobles, dont l’histoire est belle et dont les responsables sont éminemment qualifiés. Mais l’on reste persuadé que dans son état actuel, il ne remplit pas sa vocation pédagogique. Il se heurte en cela aux mêmes difficultés que l’école. Préférer l’énoncé de bonnes intentions à l’exemplarité dans les actes, choisir l’accumulation plutôt que l’organisation par crainte de créer des hiérarchies, refuser la simplification nécessaire à l’élaboration d’un point de vue construit et accessible à tous, c’est courir le risque de ne s’adresser qu’aux interlocuteurs avertis, c’est-à-dire à ceux auxquels on est le moins utile.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/50256/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Blanche Lochmann est présidente de la Société des agrégés de l'Université</span></em></p>Le Musée de l’homme est une réussite pour les adultes qui veulent réfléchir et philosopher. Mais il n’est pas adapté à la curiosité des enfants. Un peu comme notre école.Blanche Lochmann, Professeur agrégé, Présidente, Société des agrégés de l'UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.