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Comment améliorer la compétitivité de la ligue 1 ?

Relancer la Ligue 1… faneitzke on Visual Hunt, CC BY-NC-SA

Plus de 1,153 milliard d'euros par an: c'est le prix des droits TV du Championnat de France pour la période 2020 - 2024, a annoncé la Ligue de football professionnel (LFP). Le grand gagnant de l'appel d'offres mardi est le groupe espagnol Mediapro. Retour sur les précédents appels d'offres et pistes de réflexion pour le futur.

La France rattrape son retard par rapport aux grands européens

Il faut dire que notre championnat avait accumulé un retard important avec ses concurrents européens. La ligue 1 n’était que 5e au classement économique : l’Angleterre, avec la Premier League, est valorisée à 2,3 milliards d’euros. La liga espagnole suit derrière, avec 1,1 milliard et espère scorer à 1,3 milliard dès l’année prochaine. Quasiment autant en Allemagne, où les droits de retransmission de la Bundesliga se négocient à 1,1 milliard. Enfin, l’Italie ferme la marche avec une valeur estimée à 946 millions cette saison et qui devrait passer à 1,05 milliard en 2019.

Et à échelle internationale, c’est pire. La ligue 1, malgré l’arrivée de nombreux investisseurs étrangers, notamment le Qatar et ses pétro-dollars au Paris Saint-Germain, est bien moins prisée que les autres championnats européens.

Les droits internationaux de la ligue 1 ont été négociés jusqu’en 2024 et n’ont été cédés qu’à 80 millions d’euros par an à la branche « monde » de Bein Sport soit 13 fois moins que les droits de la Premier League (1,1 milliard), 7,5 fois moins que les droits de la Liga (600 millions) et 4,6 fois moins que le Calcio (371 millions). Quant à l’Allemagne, elle reste 3 fois supérieure à la France, à 240 millions d’euros.

Le pays est donc un nain économique par rapport à ses concurrents et cela se voit au palmarès. Malgré Marseille finaliste de l’Europa League cette saison, le pays n’a remporté qu’une seule fois la ligue des Champions, en 1993 avec Marseille, et une coupe des vainqueurs de coupe, en 1996 avec le Paris Saint-Germain.

Alors que les Anglais, les Espagnols, les Italiens et les Allemands parviennent à truster les premières places, à accumuler les trophées majeurs et à attirer des fans aux quatre coins du globe, nous restons sur le côté de la route et n’arrivons pas à avancer aussi vite que nous le voudrions.

Que faudrait-il faire alors ? Comment pourrions-nous renforcer la compétitivité de la ligue et améliorer l’attractivité de notre championnat ? N’existerait-il pas des solutions pour soutenir notre réputation, notre notoriété, et parvenir à rattraper le retard qui nous sépare du « big-four » ?

S’affirmer sur les nouveaux continents

C’était l’un des objectifs de la LFP dès la nomination de Nathalie Boy de la Tour et de Didier Quillot, respectivement présidente de la ligue et directeur général exécutif : booster la réputation de la France à travers le monde.

Nathalie Boy de La Tour, présidente de la LFP. LFP

Un plan, présenté en avril 2017, visait à « valoriser le football professionnel français à l’international », « mieux connaître et servir les clients pour augmenter les revenus matchday et merchandisiing » et « développer les relations avec les entreprises, les investisseurs et l’UEFA ». Cela s’est traduit notamment par l’ouverture d’un bureau à Pékin, en Chine, afin de multiplier les échanges avec les autorités locales et parvenir à faire connaître la ligue 1 en Asie, territoire en pleine expansion footballistique.

A cela se rajoute la modification organisationnelle du championnat, avec la fin du multiplex le samedi soir à 20h, préféré le dimanche après-midi à 15h, et une affiche fixée le même jour, à 13h. Quel intérêt ? Jouer sur le décalage horaire et diffuser les matchs français en prime time à la télévision en Asie.

Avec 6 heures en plus, le match à 13h en France aura lieu à 19h à Pékin, et le multiplex de 15h sera joué à 21h à l’Empire du Milieu. Imaginez l’audience lorsque des affiches PSG – Monaco ou Lyon – Marseille seront diffusées en prime time en Chine, avec un potentiel de 1,6 milliard de téléspectateurs ?

Cela insufflera très certainement un regain de notoriété et donc une valorisation économique certaine.

Soutenir l’équité sportive et l’intensité compétitive

Si la France ne gagne pas autant de titres européens qu’elle le souhaiterait, cela est peut-être dû au manque de compétitivité sportive de son championnat. Par exemple, au soir de l’élimination du PSG face au Real Madrid, en huitièmes de finale de Ligue des Champions, le milieu Adrien Rabiot avait expliqué que cet échec s’expliquait par le manque d’intensité de la ligue 1.

« Le problème, c’est que c’est facile d’en mettre huit à Dijon, quatre ou cinq en championnat, mais c’est dans ces matchs-là qu’il faut être décisif. »

Exactement comme Jean‑Michel Aulas, le président de l’Olympique Lyonnais, qui déclarait en 2007, au soir d’une élimination en coupe d’Europe, que « la Ligue 1 manquait de locomotives. […] Sans concurrence, on ne peut pas avancer ».

Tant pour le suspense, l’audimat, l’intérêt que pour la performance, il conviendrait donc de renforcer l’équité sportive et l’intensité compétitive. Autrement dit, mettre des bâtons dans les roues des puissants et faire en sorte que tout le monde puisse battre tout le monde, garantir une « randomisation du champion ».

Et comment faire ? La science économique apporte de nombreux outils à ce niveau-là, déjà existant dans les sports américains : le salary-cap, la luxury-tax, la contribution Coubertobin, l’égalisation des droits TV, les quotas de formations, etc. Outre-Atlantique, le championnat de hockey sur glace, par exemple, est considéré comme le championnat le plus incertain et aléatoire au monde.

Se différencier du reste de l’Europe

Et si notre retard avec le big-four était tel que la solution ne pourrait pas être économique ? Si l’issue passait par une autre tonalité ? Pourquoi, par exemple, ne pas faire de la France le championnat de la nouveauté et de l’expérimentation ? Cela serait une solution pour faire parler de nous et grandir médiatiquement.

En 1968, les Américains, avec la NASL, avaient eu comme ambition de faire aimer le ballon rond à un public de néophytes. Ils organisèrent alors un championnat avec des règles très spécifiques mais très marquantes : l’impossibilité de match nul, des tirs au but organisés comme en hockey, une simplification de la règle du hors-jeu, des remplacements supplémentaires, etc. (tout est raconté dans mon livre Pourquoi les tirs au but devraient être tirés avant la prolongation, Éditions le Bord de l’Eau)

On pourrait donc faire de la France le pays de l’innovation, tester et expérimenter de nouvelles règles comme les points de bonus offensif et défensif, la fin des matchs nuls et l’organisation automatique de tirs au but, le changement de l’ordre de passage (du connu ABAB au ABBA voire au mystérieux ABBA BAAB), l’introduction du carton blanc, le droit à un quatrième remplacement voire, comme le désire Raymond Domenech, des remplacements illimités, etc.

Ces nouveautés attireront un nouveau public, de nouveaux investisseurs, de nouveaux annonceurs et insuffleront, très certainement, une croissance économique non-négligeable. Ne reste plus qu’à enclencher le changement !

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