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Malgré la situation extraordinaire et anxiogène que nous vivons, il suffit de revenir à la base de la définition de la réussite scolaire pour préparer le retour. Oksana Kuzmina/shutterstock

Comment bien préparer votre enfant au retour en classe

Au Québec, le taux de décrochage scolaire est deux fois plus élevé chez les enfants issus de milieux défavorisés que chez ceux qui proviennent d’un milieu favorisé. Cet écart risque de se creuser davantage en situation de confinement, comme l’anticipent plusieurs chercheurs du domaine de l’éducation.

Dès la fermeture des écoles, ces chercheurs ont tiré la sonnette d’alarme pour rappeler les impacts de cette décision sur les plus vulnérables et l’importance de la résilience en contexte de catastrophe.

Les parents doivent s’adapter à une nouvelle réalité éprouvante à la longue. Ils se questionnent sur les meilleures pratiques à adopter pour ne pas entraver le bon développement de leurs enfants et favoriser leur réussite scolaire dans les circonstances.


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En tant que chercheuse clinicienne en psychologie de l’éducation, les parents que je reçois en thérapie, confinement ou pas, cherchent toujours des solutions autres que celles qui passent par la supervision des devoirs — souvent source de conflits — pour intervenir efficacement auprès de leurs enfants.

Revenir à la base

Quelle serait donc la stratégie d’intervention à envisager pour les enfants plus à risque de rencontrer des difficultés lors du retour en classe ? Pour pouvoir répondre à une telle question, malgré la situation extraordinaire et anxiogène que nous vivons, il suffit de revenir à la base de la définition de la réussite scolaire.

Il ne suffit pas de transmettre un savoir à l’enfant pour bien le préparer au retour à l’école. Il est tout aussi important de lui enseigner un savoir-être. Shutterstock

En éducation, la réussite scolaire renvoie à l’ensemble des connaissances, mais aussi des compétences, des comportements, des attitudes et des valeurs acquis par un apprenant.

Il ne suffit donc pas de transmettre un savoir (par l’entremise de devoirs par exemple) à l’enfant pour bien le préparer au retour en classe. Il est tout aussi important de lui enseigner un savoir-être, c’est-à-dire en lui inculquant des valeurs, des compétences sociales et des comportements clés de la réussite scolaire.

L’héritage parental

Notre recherche sur la réussite scolaire de jeunes Québécois d’origine haïtienne provenant de milieux défavorisés, met en évidence le rôle central de l’héritage parental sur leurs résultats. Nos conclusions peuvent être utiles pour définir les valeurs que tout parent peut inculquer à ses enfants pour améliorer leur résilience devant l’adversité.


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Au-delà des actes importants qu’ils ont posés pour leur montrer à quel point ils prenaient leurs études au sérieux (participation aux réunions d’élèves, lecture des bulletins scolaires, visites à la bibliothèque pour les inciter à développer des connaissances générales), les parents de nos jeunes participants se mobilisaient pour leur transmettre un capital socioculturel à haut potentiel.

Ainsi, ils leur inculquaient des valeurs, des comportements et des compétences constituant un bagage de ressources à investir au profit de leur parcours scolaire. Il est important de préciser que la transmission de cet héritage se reflète dans les tâches du quotidien.

Les valeurs transmises

Parmi les valeurs transmises, la politesse et le respect des figures d’autorité, des valeurs très ancrées dans la culture haïtienne, ont été des atouts majeurs dans la réussite scolaire de ces jeunes. Le respect témoigné à l’endroit des parents les incite à persévérer à l’école pour être à la hauteur de leurs sacrifices. Celui témoigné aux enseignants les amène à tisser avec ceux-ci des liens cordiaux et favorables au développement des apprentissages.

Par ailleurs, le sens de l’effort, de la persévérance, de la résistance (aux préjugés, notamment) est essentiellement valorisé. Les parents amènent leurs enfants à développer une force intérieure pour résister à l’adversité. Par exemple, ils n’hésitent pas à exposer leurs enfants à des situations du quotidien au cours desquelles il leur est demandé de lutter et fournir les efforts requis pour répondre aux exigences malgré leurs vulnérabilités — et ce, autrement que durant la période de devoirs.

Ainsi, l’héritage des enfants ne se limite pas qu’à une transmission de valeurs, mais aussi de compétences spécifiques et de comportements à adopter dans certaines situations.

L’héritage familial

Au sujet des comportements et attitudes socialement désirables, les parents incitaient aussi leurs enfants à ne pas nourrir les préjugés ou le rejet en adoptant des comportements jugés inadéquats par le groupe majoritaire.

Pour cela, ils favorisaient le développement de certaines compétences, telles que l’introspection, la souplesse, le sens de l’organisation, de l’autodiscipline, la retenue dans les prises de décisions et la régulation des émotions. Ces compétences permettraient aux enfants de devenir des références dans les sphères scolaire, sociale, ou même professionnelle. Sans le savoir, ces parents contribuaient au développement des fonctions exécutives de leurs enfants, essentielles au processus de résolution de problèmes.

Ces compétences ont été acquises au fil des conversations qu’ils avaient avec leurs parents, moments où chacun confrontait ses perspectives. Par exemple, en acceptant de changer de perspective durant des situations potentiellement litigieuses, le parent amenait son enfant à percevoir le conflit comme l’expression d’une opinion plutôt que comme l’expression d’une attaque personnelle.


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Alors que l’héritage culturel peut être vu par certains comme un handicap causant des difficultés scolaires, notre étude montre plutôt que « les produits familiaux » hérités permettent aux élèves de relever les obstacles à la réussite scolaire.

Toutefois, il est important de préciser que le jeune ne sera en mesure de persévérer que s’il réinvestit et s’approprie les valeurs et comportements favorables à la réussite et transmis par ses parents.

Enseigner la résilience

Nous invitons les parents à profiter de cette période de confinement pour enseigner à leurs enfants des valeurs qui leur seront utiles lors de la réouverture des écoles. Nous insistons sur les notions de l’effort, de l’endurance, et de la tolérance face à la difficulté.

Nous encourageons également les parents à raconter à leurs enfants comment ils ont traversé eux-mêmes des situations de crise, à leur transmettre les attitudes qu’ils ont adoptées pour les surmonter et comment cela leur a permis de grandir.

Enfin, à la réouverture des écoles, nous invitons les différents intervenants (direction, enseignants, psychoéducateurs, psychologues, techniciens en éducation spécialisée) à soutenir les pratiques éducatives des parents et à s’intéresser à leurs valeurs. La réussite scolaire d’un jeune dépend, en grande partie, de l’effort qu’il déploie, mais aussi de son héritage parental plus que du contexte socioéconomique dans lequel il évolue.

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