Menu Close

Comment les « leaders toxiques » nuisent aux personnes… et aux organisations

Les dirigeants toxiques créent des conditions de travail souvent destructrices et dégradantes. Shutterstock

Les cas de leadership toxique se multiplient et pèsent lourd sur les organisations dans le monde entier. On les rencontre de plus en plus souvent dans la vie quotidienne au travail, mais on le mesure aussi grâce aux travaux des chercheurs qui estiment qu’un dirigeant sur cinq se révèle toxique. Dans les enquêtes que j’ai conduites, j’ai mis en évidence que près de trois dirigeants sur dix sont toxiques.

Ce cancer de la toxicité menace aussi bien le bien-être des individus que des organisations. Il peut également affecter la performance d’une société ou d’un pays. Voilà pourquoi il est urgent d’en bien comprendre la nature, la dynamique et l’évolution.

Le mot « toxique » vient du grec toxikon qui signifie « poison de flèche ». Dans un sens littéral, le terme renvoie donc à l’idée de tuer (poison) de manière ciblée (flèche). Les dirigeants et organisations toxiques sont ceux qui détruisent délibérément le tissu de l’institution. Et les personnes.

Qu’est-ce qu’un leader toxique ?

Le management toxique représente le côté obscur du leadership : il est nuisible pour les individus autant que pour les organisations.

Dans le cas des individus, ce qu’on appelle leadership toxique fait référence à des actions intentionnelles, délibérées – la « flèche » – d’un chef sapant la dignité, l’estime de soi et l’efficacité d’individus – le « poison ». Ces éléments créent des conditions de travail destructrices, dévalorisantes et dégradantes. Ces actions nocives peuvent avoir des conséquences physiques, psychosociales ou plus profondes quand elles mettent en cause le rôle et les valeurs d’une personne.

Une organisation toxique est celle qui érode, désactive et détruit le bien-être physiologique, psychologique et moral des personnes qui y travaillent de façon permanente et délibérée. En d’autres termes, une organisation peut devenir métaphoriquement une « pilule empoisonnée » pour les employés.

Le harcèlement au travail est du même ordre que le leadership toxique, il en est une des formes. Le harcèlement est davantage centré sur des brimades, pressions et menaces d’une personne sur une autre.

A l’opposé du leadership toxique, le leadership authentique entretient et consolide la dignité, la valeur et l’efficacité d’un individu. Il crée des conditions de travail favorisant l’autonomie et le développement personnel. Une organisation saine nourrit et développe le bien-être physiologique, psychosocial et moral de l’ensemble de ses membres.

Les dirigeants toxiques peuvent-ils être compétents ?

La toxicité et l’incompétence ne sont pas directement liées. Le leadership compétent – qui obtient les résultats souhaités – comme le leadership incompétent peuvent être toxiques. Si l’on utilise une définition plus étroite de la compétence – se concentrant uniquement sur les compétences techniques et professionnelles – un leader toxique peut être considéré comme compétent parce qu’il délivre un résultat. Cela est particulièrement vrai dans une vision à court terme. Mais sur le long terme ces succès ne tiennent pas. Tout simplement parce que le leader toxique, ce faisant, détruit ses équipes, son service ou son organisation.

Si l’on adopte une vue globale et à long terme les dirigeants toxiques sont effectivement incompétents, car ils ne maîtrisent pas tous les domaines que met en œuvre un véritable leader. Dans une perspective large, les qualités de vrai leadership comprennent des caractéristiques personnelles, des compétences techniques et professionnelles, mais aussi des valeurs, des attitudes et des comportements.

Je pense que les dirigeants toxiques, indépendamment de leur niveau de connaissances techniques et professionnelles, sont au fond incompétents. Car la compétence d’un leader a à voir surtout avec sa capacité de faire avancer les choses avec les gens qu’il dirige.

Dirigeants toxiques typiques

On peut distinguer cinq types de dirigeants toxiques :

  • Le Poisson froid : pour lui la fin justifie les moyens. Toute décision, toute action est justifiée par les résultats souhaités.

  • Le Serpent : le monde me sert dans l’effort pour satisfaire mes besoins personnels comme la cupidité, le statut et le pouvoir.

  • Le Chercheur de gloire : la gloire personnelle et la visibilité publique à tout prix, peu importe si j’ai apporté ou non une contribution réelle et significative.

  • Le Marionnettiste : le contrôle absolu, centralisé sur tout et tout le monde, dans toutes les circonstances.

  • Le Monarque : je règne sur l’organisation comme si elle était mon royaume. Tous les moyens de l’organisation sont à mon service personnel.

Plus ces managers toxiques prolifèrent dans une organisation, plus l’organisation elle-même devient toxique. Le tableau ci-dessous décrit ces dirigeants.

Typologie des organisations toxiques

Les symptômes typiques d’une organisation toxique prennent plusieurs formes :

  • Climat émotionnel négatif et mouvements d’humeur : colère, désespoir, découragement, frustration, pessimisme et agressivité.

  • Travail improductif et sans signification.

  • Comportements destructeurs et contre-productifs.

  • Désengagement physique et émotionnel des collaborateurs ; retrait marqué par l’absentéisme, la faible contribution et le turnover.

  • Comportements déviants et contraires à l’éthique : vol, fraude et sabotage.

  • Problèmes de santé et mal-être.

  • Moral d’équipe bas et insatisfaction au travail.

  • Pas d’identification à l’organisation et faible engagement.

  • Insatisfaction affichée dans tous les aspects de la vie.

Mais les organisations peuvent être toxiques de leur propre fait à travers la culture d’entreprise qu’elles ont développé. La culture d’entreprise fait référence aux façons communes de voir, d’interpréter et d’agir sur le monde, inscrites dans l’ADN d’un organisme. Elle est le ciment de l’organisation.

Lorsque des modèles toxiques sont ancrés dans cet ADN, on observe les formes de dérives suivantes :

  • Paranoïaque : organisation sur la défensive, peur, soupçon, méfiance générale.

  • Compulsive : organisation sur-planifiée et sur-programmée.

  • Hyperactive : organisation « sans focus », impulsive, agissant comme un adolescent.

  • Dégonflée : organisation « à plat », sans énergie, déprimée et impuissante.

  • Délirante : organisation loin de la réalité, dans le simulacre, dans un monde qui lui est propre.

  • Sans conscience : organisation malhonnête, ou amorale.

Les cas de cancer organisationnel dus au leadership toxique semblent se multiplier. Cette tendance est, sans conteste, un danger pour le bien-être des collaborateurs des organisations, mais aussi pour les performances « sociétales » de ces mêmes organisations dans la durée, voire même une menace pour leur existence.

Ce texte s’appuie sur un article académique plus long et complet.

This article was originally published in English

Want to write?

Write an article and join a growing community of more than 182,300 academics and researchers from 4,942 institutions.

Register now