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Comment mesurer la contagion sur les marchés financiers

Les marchés financiers. Iman Mosaad/Flickr

La structuration des marchés financiers est telle qu’une crise isolée peut rapidement se généraliser. Aussi, depuis la crise financière de 2008, les recherches sur le risque systémique, ses mesures et sa régulation, se sont considérablement développées. Les régulateurs, les banques centrales, tout comme le monde académique, ont essayé de caractériser ses nombreuses facettes.

Les mesures du risque systémique sont en effet multiples. Elles peuvent porter sur les institutions financières, via une analyse des données de marché ou des données comptables, sur les marchés financiers et leurs infrastructures, ou encore sur le degré d’interconnexion entre les institutions et les marchés. Toutes ces mesures doivent aider à identifier les acteurs susceptibles de contribuer, le plus, aux difficultés d’un système financier en période de crise.

Mesurer le degré de contagion…

Dans nos travaux, nous nous sommes intéressés au risque systémique porté par un marché d’actifs et cherché à mesurer les dépendances extrémales entre ces actifs durant une crise. Quel est le degré de contagion ? Dans quelle mesure, la chute d’un actif peut entraîner une forte baisse des autres actifs ? Quel serait le nombre de produits impactés par cette chute ?

Plus précisément, l’objectif est de modéliser l’évolution conjointe des actifs en période de crise, afin d’obtenir la distribution du nombre d’actifs subissant des pertes importantes lorsqu’au moins un actif voit son prix chuter. Notre approche ne privilégie pas un produit financier plutôt qu’un autre. Au contraire, nous regardons les dépendances qui existent entre les actifs, dans le cas d’un scénario de perte pour au moins un des actifs. Cette approche s’apparente à celle développée par Hartmann, Straetmans et de Vries (Journal of Empirical Finance, 17, 241–254, 2010 ) dans le cadre des marchés des changes.

…en intégrant l’ensemble du marché

Des mesures ont déjà été introduites pour quantifier les conséquences de la chute d’un actif sur le marché (comme par exemple la Contagion Valeur-à-Risque VaR), mais elles se concentraient sur un actif particulier, voire deux. La spécificité du travail présenté est d’utiliser la théorie des valeurs extrêmes dans un contexte de grande dimension afin de représenter le marché dans son ensemble : une centaine d’actifs sont ainsi considérés dans notre application.

Dans un premier temps, l’approche développée, basée sur un modèle de type CAPM (“Capital Asset Pricing Model”, CAPM, ou Modèle d’évaluation des actifs financiers, MEDAF ), est utilisée pour obtenir une distribution théorique des actifs impactés, puis celle-ci est comparée à une distribution empirique calculée à partir de données américaines du marché actions. Les deux résultats sont concordants et font ressortir deux conclusions principales.

Il ressort, tout d’abord, que la dépendance entre deux actifs change au fil du temps, notamment en période de crise où elle peut s’accroître. La sensibilité d’un actif au risque de marché est souvent laissée constante dans les mesures de risques systémiques, alors que nous montrons que cette sensibilité évolue en période extrême. Les calculs de risque doivent donc reposer sur des coefficients de sensibilité aléatoires.

Un risque de baisse généralisée

L’étude révèle également que la distribution des actifs impactés par la chute d’au moins un actif est particulière. Intuitivement, il serait possible de croire que la distribution du nombre d’actifs impactés lors d’un évènement de crise décroît avec le nombre d’actifs touchés : il serait alors plus probable qu’un seul actif soit impacté plutôt que deux, que deux actifs soient touchés plutôt que trois, etc. Or, la distribution obtenue ne correspond pas tout à fait à ce schéma. Le risque ne décroît pas de façon continue.

Au contraire, il augmente de manière significative lorsque que l’on s’approche de la queue de la distribution et que l’on considère la quasi-totalité des actifs. Concrètement, ces résultats montrent que la probabilité que l’ensemble du marché soit impacté par la chute d’un seul actif n’est pas nulle. Il existe un risque de baisse généralisée et extrême de l’ensemble des actifs.

En montrant les liens existants entre les actifs d’un marché financier, et leurs évolutions en période de stress, l’étude soulève une vraie problématique de contagion qui devrait probablement être mieux prise en compte dans les modèles de construction de stress tests. Les stress tests menés récemment par la Banque Centrale Européenne ont ainsi permis d’évaluer la solidité de chaque banque de façon isolée. Mais le risque que tous les établissements subissent une crise au même moment existe et il serait donc utile d’agréger les scénarios de perte afin d’évaluer les conséquences d’une chute globale pour le marché.

Cet article a été réalisé en collaboration avec l’Institut Louis Bachelier. Découvrez d’autres travaux de recherche sur la thématique du risque ici.

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