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Comment mieux accompagner les doctorants étrangers

Soirée de parrainage des étudiants étrangers (ici à l'Université de Nantes). Manuel MC/Flickr, CC BY-SA

Une doctorante étrangère reçoit deux pré-rapports de soutenance très négatifs. Cela fait sept ans qu’elle est en France inscrite en thèse et s’exprime dans un français correct. Elle a beaucoup travaillé (de l’aveu même des rapporteurs), son directeur de recherche l’a laissée programmer une soutenance… qui n’aura pas lieu. Le directeur de recherche indique que l’affaire n’est pas rattrapable.

Comment en est-on arrivé à un tel gâchis ?

Au-delà de ce cas douloureux, la question de l’encadrement des doctorants étrangers en lettres et sciences humaines et sociales est posée. Déjà le taux d’abandon général (étudiants français compris) en thèses de lettres et SHS (40 %) devrait inquiéter, comme la durée moyenne des thèses (cinq ans et demi). Mais les échos que l’on peut glaner auprès des collègues et des associations spécialisées n’incitent guère à l’optimisme. La France s’enorgueillit d’être la troisième destination mondiale des étudiants internationaux, ceux-ci représentent 41 % des doctorants en France : encore faudrait-il organiser leur accueil et leur réussite.

La langue, la méthode et l’encadrement

En premier lieu,on peut évoquer le niveau linguistique. L’enseignement du « français sur objectif universitaire » est insuffisamment développé. De nombreux étudiants arrivant en master ou directement en thèse doivent suivre, avec plus ou moins de bonheur, des cours de l’Alliance française ou des établissements d’accueil. Heureusement, des associations d’aide aux étudiants internationaux jouent un rôle utile.

Mais ce n’est pas la raison principale des frustrations ou des échecs. Plus sérieux est le problème de l’orientation. Arrivant en master ou en thèse, de nombreux étudiants ne disposent pas des connaissances de base dans la discipline concernée et n’ont reçu aucune formation antérieure à la recherche. S’ensuit un décalage dès le début par rapport aux attentes des enseignants. On le voit par exemple dans le doute de l’étudiant face à la demande de « choisir un cadre théorique », expression vide de sens pour beaucoup, compte tenu de leur niveau dans la discipline. Il en est de même en matière de méthodologie de recherche. Les séminaires organisés par les écoles doctorales ne peuvent à eux seuls combler ces lacunes.

L’arrivée d’un doctorant en France soulève ensuite la question du choix du directeur(trice) de recherche. Le système universitaire ne propose aucune garantie de trouver une école doctorale accueillante : tout dépend du sujet, du niveau de l’étudiant, des affinités personnelles… L’étudiant découvre sur place la complexité du processus. D’où souvent des démarrages erratiques, lourds de malentendus pour la suite : choix hasardeux et structuration insuffisante du sujet, motivation incertaine de l’encadrant.

Se pose enfin la question délicate de l’encadrement. Malgré les chartes des écoles doctorales, tout repose sur la conscience professionnelle de l’enseignant encadrant. Et là,les témoignages des étudiants révèlent les situations les plus diverses, de l’enseignant dévoué et attentif jusqu’à la négligence coupable. Les mêmes questions se posent : combien de fois y a-t-il eu une vraie rencontre entre le doctorant et son directeur ? Quels conseils ont-ils été réellement donnés ?

Accompagnement des doctorants et formation à l’encadrement

Une meilleure information des candidats devrait être donnée en amont, par Edufrance/Campus France et les attachés universitaires, sur le niveau d’exigence de la thèse, les capacités requises et les choix thématiques nécessaires.

Un processus d’orientation devrait être assuré de manière individualisée. L’étudiant étranger, une fois les formalités administratives accomplies, se retrouve parfois seul face aux questions académiques et méthodologiques. Des actions spécifiques aux étudiants étrangers de formation épistémologique et méthodologique devraient être organisées, par exemple en mettant en commun des moyens au niveau régional par grandes disciplines.

Enfin, soulevons la question la plus délicate : et si l’encadrement de thèse était un métier pour lequel il faudrait se former ? Rien dans le cursus d’un professeur ne consacre sa compétence d’encadrant. Et la HDR sanctionne la réalisation de travaux de recherche, pas la capacité méthodologique et humaine d’orienter, conseiller, encourager les doctorants (quelles que soient leurs nationalités !).

Osons affirmer une évidence non dite dans le milieu universitaire : l’encadrement de doctorants ne repose pas seulement sur des compétences scientifiques mais aussi sur des qualités humaines !

Certes, les nouveaux textes sur le doctorat peuvent contribuer à une amélioration des relations doctorants-encadrants. Mais il y a encore du chemin à parcourir pour que les chercheurs en lettres et SHS étrangers gardent tous un bon souvenir de leur séjour en France.

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