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Une force gravitationnelle régit les mouvements de ce satellite. Force dépendante d'une constante… qui varie ! Nasa / Unsplash

Constante gravitationnelle universelle : quelle inconstance !

La constante gravitationnelle G fait partie de ces valeurs fondamentales de la physique, avec la vitesse de la lumière, la charge de l’électron, ou la constante de Planck et celle de Boltzmann. Ces valeurs, aussi appelées constantes universelles, sont sensées pouvoir être déterminées de façon exacte, comme leur nom l’indique. Et cela est le cas pour la majorité d’entre elles, avec une précision de l’ordre de 6 à 8 décimales. Seule G fait figure de mauvaise élève, avec une précision de 4 chiffres uniquement.

En août 2018, une équipe de chercheurs de plusieurs universités de Chine fait paraître un article dans la prestigieuse revue Nature. Tout irait assez bien si les deux méthodes utilisées donnaient des valeurs équivalentes, ou alors avec une marge d’erreur se recouvrant. Hélas, bien que la précision soit la meilleure que celle des expériences précédentes, les deux valeurs diffèrent.

Certes, on est loin de la première détermination effectuée par Cavendish en 1798. Il utilisait un pendule de torsion constitué de deux masses de 700 grammes disposées en forme d’haltère et suspendues à un fil. Deux autres masses en plomb sont approchées de manière à créer un couple de torsion qui fait tourner le pendule dans un plan horizontal. La mesure de l’angle de déviation de l’haltère est fonction de la force, donc de G, si les autres paramètres sont connus. La précision rétrospective de Cavendish sur G est de l’ordre de 1 %.

Schéma de l’expérience de Cavendish. Henry Cavendish, CC BY

En utilisant le même principe, mais avec une plaque d’or ou de silicium d’une centaine de grammes suspendue et qui tourne sous l’action de grosses sphères d’acier de 1 ou 8 kg selon les expériences, les chercheurs chinois, dans leur étude évoquée précédemment atteignent une précision inégalée de l’ordre de 14 parties par million (ppm), soit un gain en précision de 3 ordres de grandeur. Le seul problème est que ces différentes valeurs, ainsi que celles déterminées précédemment coïncident mal entre elles.

Alors, pourquoi chercher à déterminer cette constante avec plus de précision, hormis la connaissance scientifique. Certes, cette constante régit l’attraction entre les masses. C’est elle qui fait tomber les pommes, ou plus largement contrôle les distances et les trajectoires entre les planètes. Plus prosaïquement, cette constante permet de calculer la masse de la terre. C’était le but de l’expérience de Cavendish.

Alors, constante ou pas constante ?

Alors cette constante universelle, du moins la valeur de G, est-elle vraiment constante ? Et pourquoi est-elle déterminée avec si peu de précision ? Cette dernière question est la plus simple à comprendre.

La valeur adoptée soit G = 6,674184 10-11 m3 kg-1 s-2 est très faible, soit 66 millionièmes de millionièmes (66 précédé de 12 décimales). Donc obtenir une plus grande précision sur les décimales significatives est très difficile à atteindre.

La première remarque est plus difficile à expliquer. Dans le milieu des années 2000, un certain nombre question a provoqué une série d’expériences qui ont mis en doute la valeur constante de G, lui impliquant au fil des ans des variations périodiques autour d’une valeur moyenne. Ces variations se corrèlent bien avec les variations de la longueur du jour, laquelle est due à des problèmes de rotation du noyau terrestre. Elles ont une période de 5,899 ± 0,062 ans, soit la moitié du cycle des taches solaires de 11 ans et une amplitude de 0,0016 10-11 m3 kg-1 s-2.

Les variations de la longueur du jour sont induites par les flux du noyau terrestre, qui déplacent le moment total d’inertie de la terre. Compilées sur les 40 dernières années, la corrélation s’avère excellente, et certainement non fortuite. Il faut signaler que d’autres explications, faisant intervenir des considérations astrophysiques ont également été avancées, mais restent du niveau théorique. On serait donc en présence d’une constante, avec des variations d’origine interne à la terre, induite par son mode de rotation.

Ceci dit, il ne faut pas confondre la masse totale de la terre avec ses répartitions, tant latérales qu’en profondeur. C’est le domaine de la gravimétrie, avec une autre valeur relativement connue, celle de la force de pesanteur, autrement dit « g ». Cette dernière varie selon l’attraction des différentes masses, donc de leurs différentes densités. Les marées, océaniques ou terrestres, en sont une manifestation la plus connue.

Que peut faire varier une constante ?

En effet, les variations de l’attraction des diverses planètes (soleil, lune) provoquent les phénomènes de marées, qui se traduisent également sur terre avec des variations de l’ordre de 25 à 60 cm en élévation. Naturellement, il n’y a pas de vagues. Les applications qui en découlent concernent aussi bien la forme de la terre, que la détermination latérale ou verticale des objets de densités différentes. Dans le premier cas, c’est le domaine spécifique de la géodésie. On sait que la terre n’est pas sphérique, mais est aplatie aux pôles et renflée à l’équateur sous l’influence de la rotation terrestre. C’est l’origine de la variation de premier ordre de la pesanteur. Le fameux terme en 9,81 m/s2 qui revient dans beaucoup de problèmes de physique. D’ailleurs, cette valeur varie de 978 à 984 gal, l’unité officielle en hommage à Galilée, bien qu’elle soit en cm/s2.

De façon plus précise, on détermine alors la forme du géoïde, surface de référence de la pesanteur, qui prend alors une forme de patatoïde, avec un creux important au large de l’Inde et une bosse dans le grand Nord canadien. Ces déviations par rapport à la surface de référence peuvent atteindre une centaine de mètres. Cette surface mathématique sert essentiellement à la balistique, c’est-à-dire à la trajectoire des fusées et missiles, du type des missiles de croisière. C’est pourquoi ces données ont longtemps été confidentielles, en particulier au niveau des échanges entre pays.

Le Géoïde en 180 secondes (IGNcommunication).

À une échelle plus petite, on se sert de la gravimétrie pour déterminer localement la répartition des masses, donc la recherche par exemple de cavités, comme dans les pyramides d’Égypte, ou la répartition des tranchées et souterrains lors des tracés de lignes ferroviaires à grande vitesse (TGV). Dans un but plus scientifique, il est intéressant de déterminer les variations de la pesanteur pour déterminer les formes en profondeur des intrusions. Cela permet de déterminer les racines des massifs granitiques, par où le magma est monté, ainsi que le mode de mise en place des plus légers (granite) ou plus lourd (magma basaltique) que la croûte terrestre. Ces formes en profondeur couplées à des études structurales fines sur l’orientation des cristaux permettent de comprendre la genèse de ces roches durant leur mise en place. Un exemple déjà ancien, et particulièrement pédagogique concerne le massif granitique de Plouaret (Côtes-d’Armor) dont on a pu déterminer à la fois la forme en profondeur, et les structures internes.

Ces variations de valeurs mesurables plus petites sont de l’ordre du milliardième, soit moins de 1 mgal sur un total voisin de 1 000 gal. De tels appareils de terrain, nommé gravimètres sont basés sur le principe du pendule, sauf que le ressort est en quartz filé, et la masse de 1 mg. Des appareils encore plus précis mesurent le microgal (μgal). Ils sont généralement loués avec leur opérateur, qui en connaît les dérives et la sensibilité. Des gravimètres absolus ont une précision encore plus importante.

De même, il existe des gravimètres, soit aéroportés, soit marins, qui permettent de mesurer la gravimétrie, en tenant compte des différences d’altitude ou d’accélération des supports. Une gravimétrie satellitaire, utilisant des interférences entre les modes de vibrations de plusieurs pendules permet de localiser les excès et déficits de masses en profondeur.

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