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COP21 (1) : trois idées fausses sur les conférences climat

A Copenhague en 2009, les partisans de l’action climatique n’ont eu de cesse d’afficher leur déception. EPA / Henning Bagger / PAA

A deux mois de la plus importante réunion internationale sur le changement climatique depuis Copenhague en 2009, quelles sont les chances de succès des pourparlers de la COP21 de Paris (30 novembre-11 décembre) ? Et qu’entend-on ici par succès ? Les erreurs et défis rencontrés lors des négociations précédentes peuvent-ils être surmontés ? Pour répondre à ces questions, il faut d’abord tordre le coup à trois idées fausses.

1. « Les négociations internationales ont échoué »

C’est une croyance largement répandue de considérer que les vingt années de négociations internationales sur le climat ont été du temps perdu. Or ce n’est pas le cas. On a en effet vu se développer des méthodes pour évaluer les émissions de gaz à effet de serre (GES), on a octroyé des financements pour réaliser, collecter et vérifier ces mesures. En ce qui concerne le protocole de Kyoto, il s’agit d’un des accords les plus ambitieux sur le plan du droit international. Rien de cela n’aurait été possible sans le processus de négociation instauré par la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

Bien que l’accord de Kyoto de 1997 se soit avéré défaillant, il a toutefois conduit à des réponses politiques engageant de nombreux Etats, à l’image du système européen d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre créé en 2003, ou du dispositif législatif Climate Change Act mis en place au Royaume-Uni en 2008.

La frustration ne vient donc pas tant de l’échec du processus international que de son succès très relatif, en tout cas tout à fait insuffisant pour réduire efficacement les risques liés au changement climatique. Inutile de même de pointer du doigt les négociateurs : la défaillance s’explique aussi, et surtout, par la complexité du problème, les intérêts très puissants liés aux énergies fossiles et la nature de notre économie mondialisée toujours changeante. La déception devrait plutôt nous inciter à redoubler d’efforts, pas renoncer à l’espoir de parvenir à un accord multilatéral pour un problème qui nous concerne tous.

2. « On se contente de fixer des objectifs »

Si les médias et les groupes de défense de l’environnement présentent la question du réchauffement climatique comme un enjeu binaire (vous êtes pour ou contre l’action climatique), elle ne l’est pas. Le monde n’a jamais eu à résoudre un problème de cette ampleur – qui ne connaît pas de frontières et dont les causes sont étroitement liées à l’infrastructure post-industrielle qui a tant fait pour stimuler la croissance économique, contribuant ainsi à l’amélioration de nos vies. Il faut néanmoins être tout à fait lucide sur l’ampleur de la tâche : nous devons changer nos systèmes énergétiques, électriques et de transport à une échelle sans précédent et à rythme inédit.

Les adaptations à apporter au niveau de la production, la distribution et l’utilisation de l’électricité rappellent les transformations rencontrées dans le domaine des communications numériques ces vingt dernières années. A une différence (de taille) près. Contrairement aux innombrables possibilités offertes par la révolution numérique, l’équipement électrique que la plupart d’entre nous utilise restera très certainement inchangé. Pour l’utilisateur en bout de chaîne, l’électricité, qu’elle soit produite par des panneaux solaires ou des éoliennes ne sera pas de plus grande qualité, ne sentira pas meilleur et ne fonctionnera pas mieux que celle offerte par le charbon.

Pour poursuivre l’analogie, disons que la révolution des énergies ne ressemblera pas au remplacement de votre ancien téléphone par un smartphone au design impeccable et doté d’innombrables fonctionnalités. Ce sera toujours une bonne vieille ligne téléphonique, elle bénéficiera seulement d’une technologie différente.

Aborder le problème du climat et celui de la réduction mesurable des risques liés au réchauffement climatique est extrêmement compliqué, un épineux problème. Nous aimerions qu’il soit simple, mais il faut malheureusement donner raison à l’économiste britannique Lord Stern de Brentford quand il présentait le défi climatique comme un problème international complexe soumis à une grande incertitude. S’il était simplement question de nous mettre d’accord sur des objectifs de plus en plus ambitieux et de remplacer les combustibles fossiles « néfastes » par d’autres « propres », le succès serait facile. Ce n’est pas le cas.

Pour des politiques efficaces contre le changement climatique, donner un prix au dioxyde de carbone ne suffit pas. Il faut changer la façon dont nos villes et nos agricultures se développent. Il faut valoriser et préserver les forêts ; il faut pouvoir produire et distribuer une électricité propre ; il faut aussi pouvoir se déplacer et consommer sans avoir recours aux énergies fossiles.

3. « Il faut juste que les Etats y voient plus clair »

De nombreux partisans d’une politique climatique ambitieuse espèrent qu’il viendra un moment où des éclats de vérité et de sagesse surgiront des grands rassemblements internationaux. On a nourri de tels espoirs au Sommet de Kyoto, à celui de Montréal, à Bali, au célèbre Sommet de Copenhague, et bientôt à Paris.

Cette dernière idée fausse repose sur une conception terriblement naïve de la façon dont fonctionne le pouvoir politique et dont les accords internationaux s’élaborent. Compte tenu de la complexité du défi, il est clair que seuls des progrès accumulés petit à petit pourront être atteints.

J’ai eu la chance d’observer le président américain Barack Obama lors du Sommet de Copenhague. Son efficacité comme négociateur fut redoutable et il l’employa à obtenir à un accord minimum pour éviter un fiasco général. La partie fut dure, d’autant plus quand la victoire consiste à éviter l’échec total. Sa déclaration à l’issue du Sommet témoigne de l’acceptation de l’échec et de la nécessité de rédoubler les efforts :

Pour le président américain Barack Obama, au Sommet de Copenhague, efficacité a rimé avec frustration. EPA/Soren Bidstrup/AAP

Rien ne sert de réagir aux situations difficiles par la paralysie, il faut aller de l’avant et tirer le meilleur de la situation présente, puis essayer sans relâche de réaliser des progrès à partir de là.

Beaucoup de choses ont changé depuis Copenhague, mais je pense qu’il est aussi inutile d’espérer un triomphe que de craindre une catastrophe lors de la COP21. Il y a cependant de nombreuses raisons d’espérer que les résultats que nous obtiendrons cette année pourront être à la fois significatifs et positifs.

Retrouvez le second et le troisième volet de cette série sur la COP21.

This article was originally published in English

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