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COP21 : les points durs restent à régler

Laurent Fabius se voit remettre, samedi 5 décembre, le brouillon de compromis, base du futur accord pour le climat.

Après quatre années de négociations, le Groupe de travail spécial de la Plateforme de Durban pour une action renforcée (ADP) est parvenu, comme requis par la présidence française de la COP, à remettre sa copie samedi dernier, à l’issue de la première semaine des négociations climat de Paris.

Durant cette première semaine, les négociations ont été conduites dans un groupe de contact, plus restreint et donc informel, et dans une dizaine de groupes thématiques (fermés aux observateurs) qui ont tenu de nombreuses réunions parallèles. La méthode a été critiquée aussi bien par les pays du Sud, qui regrettaient de ne pouvoir assister à l’ensemble des réunions, que par les ONG, exclues de la plupart des débats. Elle n’a pas produit de résultats remarquables.

Entre le début de la conférence et la remise du rapport, le nombre de mots ou passages entre crochets, donc proposés par certains, mais non acceptés par tous, dans le projet d’accord a considérablement diminué (de plus de 1 600 à moins de 1 000), des formulations de compromis ont été trouvées, mais le texte est plutôt rallongé (62 pages contre 53, auxquelles s’ajoutent 5 pages de suggestions complémentaires de modifications). Le volume est toutefois resté raisonnable : nous sommes loin des 186 pages de février.

Les questions les plus controversées n’ont nullement été tranchées. Les négociations techniques ne pouvaient en réalité aller plus loin ; aux ministres de prendre le relais. Les négociations se déroulent maintenant sous les auspices d’un comité, dit Comité de Paris, présidé par Laurent Fabius. Elles ont lieu en groupes thématiques consacrés aux questions clés, chacun « facilité » par deux ministres, un du Nord et un du Sud, et en bilatérales. Une restitution est faite en soirée devant le Comité. Les principes rappelés samedi par Laurent Fabius sont que « rien n’est agréé tant que tout n’est pas agréé », ainsi que l’inclusivité et la transparence (pour repousser les fantômes de Copenhague).

Les questions qui fâchent

Pour l’instant, la Conférence s’est déroulée du mieux possible, sans heurt ou crise. Mais les points durs sont à régler, les pays campent sur leurs positions et sans doute faudra-t-il attendre les toutes dernières heures pour voir se dessiner le compromis final qui ne pourra être que global, soit un paquet traitant de manière équilibrée les différentes questions en jeu (le package deal).

L’accord a été « commandé » pour jeudi soir, dans un scénario idéal, mais il pourrait bien falloir une panne, provoquant une crise majeure et deux ou trois jours et nuits supplémentaires de négociation pour l’obtenir.

La forme de l’accord se dessine clairement : ce sera un traité, complété par une décision de la COP qui préparera l’entrée en vigueur du traité. Il reste à savoir quelle sera la portée des contributions à l’effort global transmises par les États. L’accord laisse ouverte la possibilité qu’elles soient en annexe du traité (donc obligatoires), mais cela semble assez peu probable. Dès lors, le traité va-t-il rendre obligatoire d’en fournir une ? De la fournir et la mettre en œuvre ? Ou resteront-elles dénuées de portée obligatoire en droit international ? Sur le fond, les principaux points durs des négociations sont les suivants :

  • L’objectif de l’accord

L’accord va-t-il se référer à l’objectif d’une limitation de la hausse moyenne de la température à +2 °C par rapport aux niveaux préindustriels ? Bien en dessous de 2 °C ? de 1,5 °C ? Les travaux scientifiques montrent que le seuil de 2 °C est dramatiquement insuffisant pour les pays les plus vulnérables. Se contentera-t-on de cette référence ? Ou fixera-t-on une trajectoire pour l’atteindre assortie d’un calendrier (par exemple réduire de 40 à 70 % les émissions d’ici 2050, voire davantage, si l’objectif est 1,5 °C) ? Un objectif de neutralité carbone et si oui à quel horizon ? Ou se contentera-t-on d’une vague référence à la nécessité d’une transformation de nos sociétés ? Les pays pétroliers et charbonniers sont ici, de manière véhémente, en faveur des options minimalistes.

  • La répartition de l’effort entre les pays

Aujourd’hui, 185 pays, représentant 98 % des émissions mondiales, ont transmis leur contribution nationale. C’est un immense succès du processus, sur lequel personne n’aurait parié il y a encore un ou deux ans. Malheureusement, toutes agrégées, ces contributions ne nous conduisent pas sur la voie des 2 °C, encore moins des 1,5 °C, mais selon les évaluations plutôt vers 3 ou 3,5 °C (contre les 4 ou 5 °C prévus dans les scénarios dits « au fil de l’eau » ou « business as usual »). Elles sont par ailleurs très diverses dans leur contenu et le calendrier proposé. Parviendra-t-on à encadrer davantage les États de ce point de vue (synchronisation des calendriers, définition de lignes directrices, obligation qu’elles soient chiffrées, voire inconditionnelles au moins en partie…) ? Quels assouplissements vont obtenir les pays du Sud au nom de la différenciation (délais, conditionnalités, contrôle allégé…) ?

  • La révision des engagements

L’accord se fait sur le principe d’une révision à la hausse des engagements, tous les cinq ans. Mais quand et comment évaluer les progrès réalisés ? Dans le projet de traité, un premier bilan mondial est prévu en 2024. Mais un « dialogue de facilitation » est envisagé dans le projet de décision COP pour 2018 ou 2019, de même que de demander au GIEC un rapport sur les conséquences d’un réchauffement supérieur à 1,5 °C.

  • Les mesures de soutien

Financements, transferts de technologies, renforcement des capacités, pertes et dommages… sont des points épineux, qui seront au cœur du deal final. Les pays du Sud monnayent ici leur participation au volet réduction des émissions de l’accord. Ils souhaitent des garanties chiffrées de ce point de vue. Les pays du Nord tentent de partager le fardeau. Ils demandent une contribution de certains pays en développement, tels que la Chine, la Corée du Sud, les grands pétroliers qui ne sont pas à l’annexe II de la CCNUCC de 1992 et n’ont donc aucune obligation en la matière. Les négociations avancent sur une formule de compromis de ce point de vue.

Le déroulement de la conférence laisse raisonnablement entrevoir un accord, même si le compromis final est encore à construire. Il sera probablement imparfait, mais marquera un nouveau départ pour la coopération internationale. C’est une pièce nécessaire du grand mécano des initiatives climatiques. Qu’il s’agisse de la société civile, des grandes entreprises, ou des maires des principales villes du monde, la COP21 aura, en in et en off, montré combien elles fourmillent, contribuant à instiller un climat optimiste et à mettre les négociateurs face à leurs responsabilités.

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