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Cyclones et installations nucléaires : les risques en cinq points

En Caroline du Nord, le 13 septembre 2018. Andrew CABALLERO-REYNOLDS/AFP

Alors que la tempête Florence a frappé, samedi 15 septembre, la côte est des États-Unis, la présence de 16 réacteurs nucléaires dans les États de Caroline et de Virginie repose la question de la sécurité et des coupures de courant lors de la saison cyclonique. Ted Kury, directeur des études énergétiques à l’Université de Floride, nous explique pourquoi il faut veiller tout particulièrement sur les centrales nucléaires dans ce contexte météorologique.


1. Priorité absolue : éviter la surchauffe

La mesure de sécurité la plus importante pour une centrale nucléaire concerne la protection des cœurs des réacteurs nucléaires.

Les réacteurs fonctionnent à une température qui excède les 350 °C et s’appuient donc sur des systèmes de refroidissement pour évacuer cette chaleur. Quand ces systèmes font défaut, certaines parties du cœur du réacteur sont menacées de fondre. Ces entrées en fusion peuvent conduire à des explosions et à la possible dispersion de substances radioactives dans l’environnement.

Lorsque l’alimentation électrique du réacteur fait défaut, cela peut avoir des conséquences sur la capacité du système à refroidir la centrale.

Pour prévenir de tels accidents, la paroi extérieure des enceintes de confinement des réacteurs est faite de béton renforcé et d’acier. Ces enceintes étant prévues pour résister à l’impact d’un avion de ligne, des débris volants – même s’ils sont propulsés par des vents soufflant de 200 km/heure – ne représentent pas vraiment une menace.

En cas de cyclones, la préparation des infrastructures passe par une inspection des centrales électriques, une protection des installations, un test des pompes de secours et des groupes électrogènes, le stockage de produits de première nécessité si les employés de l’usine devaient rester sur place.

2. Pourquoi arrête-t-on certains réacteurs ?

La première fois qu’une centrale nucléaire a été sérieusement touchée par un cyclone, ce fut en 1992 quand l’œil de l’ouragan Andrew passa juste au-dessus de la centrale nucléaire de Turkey Point en Floride.

Située à plus de 15 kilomètres au sud de Miami, la centrale a dû faire face à des vents soufflant à 90 km/heure, et même plus de 100 km/heure.

Si les réacteurs en eux-mêmes n’ont pas été touchés, les dégâts pour le site ont été évalués à 90 millions de dollars. Le courant a manqué cinq jours durant, obligeant la centrale à dépendre de groupes électrogènes pour faire fonctionner les équipements de base et garder les cœurs des réacteurs à l’abri de la surchauffe.

Un rapport de la Commission de réglementation nucléaire des États-Unis note ainsi que la centrale a initié sa mise hors service 12 heures avant l’arrivée de la tempête, c’est-à-dire plus tôt que ce qui était recommandé à l’époque.

Si les responsables de la centrale avaient suivi les recommandations officielles à la lettre, les équipements n’auraient peut-être pas été prêts à affronter correctement la tempête. De nos jours, les procédures d’arrêt et les rapports d’évaluation sont lancés au moins 12 heures avant l’arrivée de l’ouragan, comme le préconise le CNRC.

3. Pourquoi attendre avant de relancer les réacteurs ?

Quel que soit le moment, la quantité d’électricité disponible sur le réseau électrique doit correspondre à ce que les consommateurs utilisent, plus ce qui se perd dans l’acheminement de l’électricité vers l’utilisateur final. Quand l’électricité ne peut être ni consommée, ni acheminée, il faut en suspendre la production.

Même quand le nécessaire est fait pour protéger le réseau, comme d’enterrer les lignes haute tension pour éviter qu’elles ne soient endommagées par des chutes d’arbres ou des débris volants, cela les rend toutefois plus vulnérables aux marées de tempête et aux inondations. De fait, lorsqu’un grand nombre de lignes et de postes électriques sont endommagés, les réacteurs mis hors de service ne pourront fonctionner à nouveau sans ces infrastructures.

Avant que l’ouragan Irma ne frappe le Sud de la Floride, en septembre 2017, les responsables de la centrale de Turkey Point, qui avaient décidé de mettre ses réacteurs hors de service 24 heures à l’avance, décidèrent d’en laisser un en activité suite au changement de trajectoire de la tempête.

4. Les enseignements de Fukushima

Le souvenir de la catastrophe de la centrale de Fukushima Daiichi au Japon, en 2011, est encore présent dans toutes les mémoires. Parmi les 100 000 personnes évacuées, peu sont retournées dans la région meurtrie par ce désastre, même si les autorités nippones affirment que la situation est sous contrôle, au moins dans certaines zones.

La catastrophe a été provoquée après qu’un tsunami, résultant du tremblement de terre Tohoku, ait mis hors service les groupes électrogènes de secours utilisés pour refroidir les réacteurs nucléaires, entraînant ainsi une série de fusions suivies d’explosions et de fuites radioactives.

Fukushima a changé la manière dont les tempêtes violentes sont appréhendées, y compris aux États-Unis où la Commission de réglementation nucléaire a renforcé les normes de sécurité à tous les niveaux et effectué des demandes spécifiques pour certaines centrales.

5. La situation sur la côte est des États-Unis

Aux États-Unis, l’électricité vient pour un cinquième de l’énergie nucléaire ; mais la côte est où la tempête Florence s’est abattue en dépend davantage.

57 % du réseau électrique de Caroline du Sud dépend ainsi du nucléaire tandis que la Caroline du Nord et la Virginie sont approvisionnés pour un tiers de leur électricité par cette énergie.

Duke Energy, qui détient presque toutes les centrales nucléaires de Caroline, avait prévu de mettre hors service certains de ses réacteurs 12 heures avant l’arrivée de Florence.

L’entreprise a également indiqué que les trois quarts de ses 4 millions de clients devront faire face à des coupures de courant pendant plusieurs semaines.

This article was originally published in English

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