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Débat : Appel pour une concertation nationale sur l’université et la recherche

Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de l'Innovation (ici à l'Assemblée Nationale lors d'une séance de questions au gouvernement). Thomas Samson/AFP

Le président de la République a énuméré dans sa lettre aux Français quatre thèmes qui devraient structurer le « Grand débat national ». Le président, qui a évoqué à plusieurs reprises lors de ses deux rencontres avec les maires de France le rôle essentiel que doivent jouer l’école et la formation dans la mise en œuvre d’une réelle égalité des chances, a également rappelé dans sa lettre combien il est important pour notre pays d’« investir dans les savoirs et la recherche ».

Or cette question risque de rester en dehors du débat, si nous ne sous sommes pas capables de poser un diagnostic partagé et proposer collégialement des solutions permettant à l’enseignement supérieur et à la recherche de mieux remplir leurs missions de levier intellectuel, scientifique, culturel et économique de la Nation.

Une société plus juste et mieux formée

L’accès aux savoirs et leur transmission, la production de nouvelles connaissances, la formation tout au long de la vie, la maîtrise des outils intellectuels garantissant la formation de l’esprit critique, la compréhension et la discussion de l’information sont les conditions indispensables d’un pacte social renouvelé.


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Les trois missions qui relèvent du portefeuille ministériel de Mme Frédérique Vidal – l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation – sont essentielles pour l’avenir de chacun et la réussite de tous. Sans une prise de conscience collective que le principal moyen de garantir à tous les citoyens une société plus juste, plus solidaire et partageant des richesses croissantes réside dans la possibilité pour chacun d’accéder à une formation supérieure, professionnalisante ou académique, en fonction de ses moyens et de ses compétences, la fracture actuelle ne pourra pas être réduite.

Alors ni la croissance durable, ni l’augmentation du pouvoir d’achat, ni le dialogue démocratique, ni le sentiment d’appartenir à une même communauté de destins ne seront vraiment possibles.

Les universitaires, les chercheurs, les étudiants et les personnels doivent se saisir de cette occasion et discuter dans un esprit de collégialité, et dans le respect de leurs rôles, de tout ce qui pourrait être mis en œuvre pour parvenir à garantir à la fois un investissement scientifique, une conscience culturelle, une maturation intellectuelle et surtout une insertion professionnelle digne des efforts consentis.

Une délibération collégiale

Il revient à la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation de créer les conditions pour qu’une discussion sereine et concrète puisse avoir lieu. Mme Vidal pourrait par exemple demander aux présidents des universités, des organismes et de toutes les institutions de l’enseignement supérieur d’ouvrir dans le cadre du grand débat national une concertation associant l’ensemble des communautés, selon les compétences et les fonctions de chacune.

L’enjeu d’une concertation nationale serait double : remettre les missions qui relèvent de l’enseignement et de la recherche au cœur même du pacte républicain et restituer à notre communauté la confiance dans sa faculté de délibération collégiale.

Cette concertation pourrait porter sur cinq grands sujets :

  • l’attractivité nationale et internationale de l’université et la question des filières sélectives et des Grandes Écoles (bibliothèques et corpus, droits d’inscription et bourses d’études, orientation sélective, moyens de la recherche et conditions salariales, congés sabbatiques) ;

  • l’articulation entre formation initiale, formation continue et formation tout au long de la vie (filières professionnelles, filières académiques, employabilité durable, parcours propédeutiques et remédiation) ;

  • la complémentarité entre enseignement et recherche (convergence des statuts, subsidiarité entre organismes de recherche et universités, rôle des unités de recherches, modèle de financement) ;

  • l’évaluation des missions fondamentales des chercheurs et des enseignants-chercheurs (coordination entre Conseil national des universités, Conseil national de la recherche scientifique et Haut conseil de l’évaluation de l’enseignement supérieur et de la recherche, stratégie nationale et libertés académiques, intégrité scientifique) ;

  • les institutions de la recherche et de l’enseignement (le sénat académique, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, les modes de scrutin).

Une meilleure reconnaissance des missions de l’université

Le débat collégial pourrait, bien entendu, faire émerger d’autres questions, qui contribueraient à nourrir la réflexion et à rappeler que l’université est le lieu où se réalise la démocratisation de l’enseignement supérieur. Cette concertation offrirait aussi l’avantage de faire mieux connaître à nos concitoyens les différentes missions de l’enseignement supérieur et de la recherche, favorisant ainsi une meilleure communication.

La valorisation des savoirs est en effet un enjeu capital pour la science, elle l’est aussi pour notre société, gravement minée par une défiance vis-à-vis du progrès scientifique. Finalité, règles et valeurs sociales de la recherche sont indissolublement liées pour le savant d’aujourd’hui. Recherche et science sont un tout, et ce tout désormais nous concerne tous.

Nous sommes nombreux à être convaincus que les communautés de l’enseignement supérieur et de la recherche sauraient prendre leur part dans le débat. La délibération collégiale donnerait alors aux propositions présentées une force et une légitimité qui permettraient de faire accepter de toutes les réformes nécessaires.

Le partage des savoirs est le seul recours véritable contre l’inégalité des chances, la seule ressource individuelle et collective qui garantisse une réussite équitable et un épanouissement individuel. La voie de la collégialité peut assurer à l’avenir la cohésion intellectuelle et culturelle du pays.

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